Lettre d'information - n° 132 mars - avril 2021
Après un Master d’écriture au CNSMD de Paris, Antoine Bienenfeld étudie actuellement le piano (master d’interprétation) à la Haute École de Musique de Lausanne tout en se formant à la pédagogie au CNSMD de Lyon (formation au certificat d’aptitude) dans ces deux disciplines. Cette double casquette l’amène à établir des passerelles entre pratique et théorie et à développer, en tant que pianiste, un jeu qui s’appuie sur la connaissance des styles et les processus de composition.
Cet article est le deuxième volet d’une étude en trois temps.
La premier volet est consultable dans la lettre d’information précédente, no 131 : https://www.leducation-musicale.com/newsletters/LI131.html#article4
Extrait 1, Felix Mendelssohn, Variations sérieuses, op. 54, thème, mes.1-16.
4. De l’influence du passé vers une écriture romantique
4.1 Introduction
La forme thème et variations est, dès le 17e siècle, l’occasion pour les compositeurs de déployer toute leur imagination et leur talent dans l’écriture instrumentale. Sa structure, finalement assez simple, se prête davantage à l’improvisation que la forme sonate. Elle sera donc très utilisée par les compositeurs/interprètes virtuoses (lors de joutes musicales notamment, de Bach aux compositeurs romantiques, en passant par Beethoven et Mozart), comme un cadre formel propice à démontrer leur virtuosité à l’instrument.
Les Variations sérieuses ne dérogent pas à la règle et démontrent l’inventivité du compositeur en matière d’écriture pianistique. Une écriture innovante qui pourtant s’inspire aussi des maîtres du passé.
Pour mettre en lumière cette double conception esthétique ancrée dans le passé, dont l’écriture s’inspire et se nourrit du style baroque et plus particulièrement de Bach, dans le but de créer une écriture pianistique romantique et innovante, nous avons préféré adopter un plan linéaire, plus clair. Suivre variation par variation les influences et modèles nous semblait judicieux pour mettre en valeur la direction générale de l’œuvre, partant d’une écriture archaïsante pour se diriger vers une écriture plus moderne.
Par ailleurs, les esthétiques classique/baroque et romantique sont parfois si imbriquées l’une dans l’autre qu’il nous paraissait difficile de les dissocier, la réunion des deux faisant toute la richesse et singulière beauté de l’œuvre.
(Nous tenons à souligner que les nombreux exemples cités n’ont pas la prétention d’être exhaustifs et objectifs.)
4.2 Le thème
L’adjectif « sérieux » est d’emblée justifié par la structure du thème, d’une parfaite symétrie. De forme binaire, sans répétitions, il est constitué de deux parties de même longueur, elles-mêmes divisées en deux phrases de quatre mesures.
La référence à Bach et au style choral y est évidente. Le thème est présenté dans une écriture à quatre voix, correspondant aux tessitures vocales du chœur. La simplicité des rythmes évoque le style syllabique du choral tandis que les notes de passage, aux voix médianes sont d’aspect contrapuntique. Si l’écriture du thème fait référence au style baroque, on reconnaît pourtant dès les premières mesures une esthétique romantique par son langage harmonique et son lyrisme (appoggiatures très expressives à la mesure 12, accord de quinte altérée mesure 14...). Enfin on retrouve l’esprit mendelssohnien et sa légèreté d’écriture avec la cadence parfaite de la mesure 16 — accords en doubles croches, staccato, séparés de silences — qui clôt le thème sur la pointe des pieds.
Extrait 1, Felix Mendelssohn, Variations sérieuses, op. 54, thème, mes.1-16.
Cette manière de présenter le thème tel un choral avec une certaine simplicité avant de se lancer dans des variations se retrouve dans les Variations en mib majeur, op. 82.
« Le thème, bien loin de sentir la romance, est tout aussi grave que celui de l’opus 54, pareillement énoncé à la manière d’un choral. » Ou encore dans les Variations en sib majeur, op. 83 : « [...] empli de la même gravité ou solennité que les deux autres, c’est encore un choral à quatre voix, à peine plus suave que celui des “sentimentales”, plus débonnaire que celui des “sérieuses” ».
Extrait 2, Félix Mendelssohn Variations en sib majeur, op. 83, Thème, mes.1-8.
Plus encore que les deux autres cycles de variations, le thème des Variations sérieuses nous fait penser à la sixième des Sept pièces caractéristiques, op. 7. Intitulée Sehnsuchtig (Mélancolique), Andante en mi mineur, elle possède la même paisible gravité et cette écriture bachienne à quatre voix teintée de couleurs romantiques.
Extrait 3, Felix Mendelssohn, n° 6, op. 7, mes.1-4.
Une autre pièce, toujours dans l’œuvre de Mendelssohn, mérite d’être prise en considération ici. Il s’agit de l’Andante con variazoni de sa Sonate en ut mineur pour alto et piano, écrite entre 1823 et 1824.
Extrait 4, Felix Mendelssohn, Andante con variazioni, Sonate en ut mineur pour alto et piano, MWVQ 14, mes. 1-8.
Le mouvement lent, en ut mineur, commence par un long thème de dix-huit mesures à 2/4 débutant en levée. Son motif initial de deux notes, caractérisé par des retards, se poursuit par une ligne mélodique descendante en croches passant par la sous-dominante et se terminant sur une demi-cadence. Autres similarités avec le thème des Sérieuses, la mélodie se termine elle aussi, mesure 8, au ton relatif majeur. Cependant la différence majeure entre ces deux thèmes réside dans l’harmonie. La sonate, une œuvre de jeunesse de Mendelssohn, installe fermement le ton de do mineur en débutant par la progression tonique-dominante-tonique-sous-dominante-dominante. Le thème des Variations sérieuses quant à lui fait preuve d’une progression harmonique plus déconcertante et, renforcée par ses fausses relations (sol #-sol bécarre) et ses notes de passages aux voix médianes, il dissimule davantage les principales fonctions harmoniques.
Une indication que Mendelssohn, comme Beethoven dans ses Variations en ut mineur, puise son inspiration chez Haendel est fournie par le 5e mouvement de la Suite n° 3 en ré mineur pour clavecin.
Extrait 5, G.-F. Haendel, Air, Suite no 3 en ré mineur, HWV 428, mes. 1-4.
Les seize mesures du thème des Variations sérieuses révèlent de fortes similitudes avec les douze mesures de l’Air de Haendel, à la métrique commune (2/4). En laissant de côté les notes en petit caractère, les mesures 3 et 4 contiennent un mouvement mélodique – fa mi ré do# ré mi la – que l’on retrouve tel quel dans la 5e variation de Mendelssohn aux mesures 82-84 (excepté un do# à la place du la pour finir). Une variante de ce motif, à la courbe similaire, est présente dans la strette de la coda (mesures 339-341, voir extrait 36). En outre, dans le thème de Mendelssohn, la courbe descendante des mesures 2 à 4 va aussi de fa à la en passant par do.
Certains éléments harmoniques coïncident également entre les deux œuvres. Dans les deux pièces, le motif mentionné ci-dessus se termine à la mesure 4 sur l’accord de dominante, et par une cadence parfaite au ton relatif majeur mesure 8. À la mesure 9 dans l’œuvre de Haendel, et dans la seconde moitié de la mesure 8 à 9 dans celle de Mendelssohn, la section qui suit la double barre débute par un accord de fa majeur à l’état fondamental avec la basse disposée une octave plus haut. Seule différence, Haendel écrit pour soprano la tierce de l’accord, Mendelssohn la quinte.
D’autres ressemblances peuvent être trouvées dans la technique de variation des deux compositeurs. Dans ses variations de l’Air, Haendel déplace dans les tessitures la partie de doubles croches : d’abord au soprano (double 1), puis à la basse (double 2) et enfin à la voix médiane (double 3). Le 4e double, à 12/8, intensifie le flux musical en ajoutant des mouvements parallèles en doubles notes. En ce sens, les doubles 3 et 4 adoptent la même stratégie de composition effectuée par Mendelssohn dans ces variations 1 et 2.
Bien que nous ignorions si Mendelssohn connaissait cette œuvre de Haendel, cette brève comparaison démontre l’affinité que le compositeur entretenait avec la musique baroque et les liens forts — structurels, harmoniques et mélodiques — entre les Variations sérieuses et cette musique.
4.3 Variation 1
Les variations 1 et 2, proches du thème, sont intimement liées. D’une écriture rigoureuse, contrapuntique, ce sont les variations qui font le plus directement référence à la musique de Bach. Mendelssohn s’y cache, ne dévoile pas encore son propre style, du moins dans l’écriture pianistique.
La première variation maintient les quatre voix. Le thème est conservé à l’identique, l’écriture reste rigoureuse.
Extrait 6, Variation 1, mes. 17-21.
Pour cette première variation, nous restons dans l’esthétique du choral, mais, cette fois, à la vocalité de l’écriture initiale succède une écriture plus instrumentale faisant référence à l’orgue. L’écriture, contrapuntique ressemble à une variation chorale (no 19 de l’Orgelbüchlein de Bach) : presque une écriture en « grand mélange » avec chaque voix développant une ligne autonome à la valeur rythmique obligée. La voix de ténor fait ainsi entendre une souple ligne de doubles croches tandis que le thème est au soprano accompagné de l’alto en remplissage harmonique, la basse, aérée, joue des croches pizzicato en octaves. Cortot écrit justement dans son édition des Variations sérieuses chez Salabert (1984) : « Les pizzicati de la main gauche distincts mais non mordants, et à la manière caractéristique des pincements légèrement vibrés des violoncelles et contrebasses d’un orchestre imaginaire ».
À la mesure 28, subitement profonde, la basse peut faire penser à l’entrée du pédalier de l’orgue.
Cette écriture entraîne bien sûr une technique au clavier d’organiste, toute baroque : trois voix pour la seule main droite, qui contraint le pianiste à réaliser nombre de substitutions dans le doigté afin de parvenir au plus parfait legato.
L’interprète doit conserver une grande clarté dans son jeu pour obtenir la différenciation des voix demandée par le compositeur : la basse est staccato (avec des keil), les autres voix sont legato, mais avec des phrasés différents de ceux écrits au soprano et à l’accompagnement en doubles croches.
Alfred Cortot (1934) a bien saisi l’enjeu pour l’interprète dans cette variation, entre la souplesse du contrepoint et un thème encore très présent : « Le caractère de la première variation résulte de l’opposition que l’interprète doit savoir créer entre la flexibilité des parties accompagnantes (auxquelles il faut donner une allure d’improvisation) et la rigidité thématique » (p. 249).
4.4 Variation 2
Extrait 7, Variation 2, mes. 33-36.
C’est une variation ornementale. Elle tient encore de la variation chorale. L’écriture du piano reste organistique et contrapuntique. La rigueur, le systématisme dans l’écriture est cependant moins marqué que dans la première variation : les sextolets alternent ici entre soprano alto et ténor, ou en tierces, alors que la variation précédente faisait entendre des doubles croches uniquement au ténor.
Cortot (1934) décrit l’écriture comme un « réseau de dentelle autour du thème » (p. 249). Remarquablement souples, ces arabesques doivent être chantées, le pianiste doit en dessiner tous les contours.
4.5 Variation 3
Extrait 8, Variation 3, mes. 49-53.
C’est véritablement à partir de cette variation que l’on découvre une écriture pianistique novatrice, tenant réellement compte des capacités de l’instrument.
Première variation virtuose, elle fait appel à une technique de staccato du poignet, en accords bondissants, dans un mouvement perpétuel de doubles croches qui se répondent aux deux mains. Les sforzandi de la deuxième partie peuvent évoquer un tutti orchestral, auxquels répondent quelques bois dans la nuance piano, avec leur relative sécheresse et clarté dans le staccato qui les caractérise.
Cette écriture n’est pas sans rappeler la 9e variation des Études symphoniques de Schumann. Cette variation présente d’ailleurs une dimension quasi orchestrale.
Extrait 9, Robert Schumann, étude no 9, Études symphoniques, op. 13, mes. 1-8.
On peut penser aussi à la 27e des 32 variations en ut mineur de Beethoven qui, de façon similaire, est basée sur un dialogue entre les mains.
Extrait 10, Ludwig von Beethoven, variation no 27, 32 variations en ut mineur, WoO 80, mes. 1-4.
4.6 Variation 4
Extrait 11, variation 4, mes. 65-68.
Directement enchaînée dans le même tempo que la variation précédente, la 4e variation est plus encore caractéristique du langage de Mendelssohn. Toujours staccato, elle requiert cette fois un jeu plus digital, presque griffé pour rester au contact du clavier tout en conservant beaucoup de mordant, de légèreté et vivacité sur chaque double croche.
C’est un scherzo, nerveux et aérien, recherchant les aigus du clavier, un style où Mendelssohn excelle. On peut même dire que c’est sa principale marque de fabrique, qui a suscité l’admiration de ses contemporains et continue aujourd’hui. Nous pourrions multiplier les exemples de ce genre de scherzo de style elfique (comme le définit Brigitte François-Sappey dans son ouvrage Felix Mendelssohn, la lumière de son temps, 2008) dans l’œuvre du compositeur : la célèbre Ouverture du Songe d’une nuit d’été ou encore, pour le piano, la pièce no 2, op. 7, ou le Scherzo, op. 16, n° 2.
Cependant, Mendelssohn réussit véritablement à réunir ici une écriture instrumentale idiomatique de son langage avec une technique de composition typiquement contrapuntique : le canon. Il est d’abord espacé d’une noire, entre main gauche et main droite puis, mesure 72, à une distance de croche, ce qui va donner un effet tourbillonnant. Jusqu’à cette mesure, les harmonies du thème originel sont conservées. La variation prend ensuite plus de liberté par rapport à ce dernier. Le crescendo, sur une marche harmonique par demi-ton ascendant, va aboutir dans le ton de fa majeur (et non en sib majeur comme dans le thème). Puis on retrouve le canon à la noire (mesure 76), cette fois-ci plus strict, à l’octave.
D’autre part, le contrepoint par sa liberté est pleinement romantique, loin d’un langage baroque, comme cette ligne chromatique descendante à la mesure 71.
Le compositeur opère ainsi une véritable fusion entre une esthétique inédite jusqu’à lui, une écriture de scherzo pleine de fantaisie et une technique de composition antérieure des plus rigoureuses.
Ce n’est pas la première fois que Mendelssohn utilise une écriture contrapuntique dans cet univers de scherzo féérique. Le Rondo capriccioso, op. 14, œuvre de jeunesse, obéit aux mêmes procédés.
Extrait 12, Félix Mendelssohn, Rondo capriccioso, op. 14, mes. 27-31.
Il est dommage de ne livrer que le caractère scherzando et volubile de cette variation. L’interprète doit mettre en valeur cette écriture canonique en faisant ressortir les entrées des voix, donnant ainsi un étonnant effet de stéréophonie !
4.7 Variation 5
Extrait 13, variation 5, mes. 81-85.
Aucun aspect contrapuntique ici, Mendelssohn utilise pour cette variation une écriture en accords alternés entre les mains, technique pianistique qu’il affectionne particulièrement. Pas moins de sept variations font appel à ce procédé (variations 5, 11, 12, 15, 16, 17 et le presto final). Cette écriture est d’ailleurs présente dans plusieurs Romances sans paroles, le premier mouvement du trio en ré mineur, op. 49, ou encore la 5e variation de l’opus 83.
Mais le compositeur ne manque pas de se renouveler chaque fois qu’il utilise cette technique, évitant ainsi toute monotonie dans les Variations sérieuses. Il réemploie cette écriture dans des tempi différents, des variations expressives (variations 5 et 15), mais aussi dans celles au tempo très rapide, créant un effet de virtuosité accrue (presto final). Il propose différents types d’« alternés » : dans la variation 12 (alternance de groupes de deux notes répétées), les variations 16 et 17 (d’une note à une main contre deux pour l’autre) ou encore dans la variation 11, où la mélodie se déploie par-dessus un accompagnement en mains alternées.
L’écriture en mains alternées n’est pas une nouveauté. Beethoven l’emploie par exemple dans la 2e variation de l’Andante de la sonate no 30, op. 109, ou dans le premier mouvement de la sonate no 12, op. 26.
Encore avant, dans ses Variations Goldberg, Bach est peut-être le premier à utiliser cette technique, notamment en accords (variation 29).
Extrait 14, J.-S. Bach, Variations Goldberg, BWV 988, variation 29, mes. 1-4.
L’alternance des mains entraîne des dissonances, que le pianiste, malgré un tempo allant, doit faire entendre aux auditeurs — et par conséquent doit lui-même entendre et « savourer » — révélant ainsi la modernité de cette variation. Sur un thème avec autant d’appoggiatures et de retards, les accords alternés produisent des combinaisons sonores intéressantes (mesures 82 et 89). Nous pouvons constater le talent de coloriste du compositeur et sa manière d’exploiter le timbre du piano. L’harmonie compacte, resserrée dans le médium, apporte à la variation une couleur blafarde, renforcée par des harmonies souvent novatrices, glissantes par chromatismes.
L’indication agitato, doublée de cette écriture pianistique, suggère à l’interprète un tempo rubato, dans le but de créer une agitation toute romantique.
Les sforzandi présents sur les temps faibles de certaines mesures renforcent cet aspect haletant.
L’indication espressivo qui revient deux fois dans cette courte variation, combinée à l’agitato implique de donner un caractère passionné à la musique.
4.8 Variation 6
Variation de caractère spirituel, son écriture est assez originale. Le thème est morcelé par groupes d’accords de deux croches, l’un disposé dans le registre médium, l’autre dans l’aigu du clavier. Elle exige de l’interprète une grande précision dans ses déplacements. Si Mendelssohn, fidèle à l’esprit classique de la forme variation, conserve le parcours harmonique du thème, celui-ci se retrouve comme distordu, éclaté par ce rapide dialogue de registres. On entend désormais deux voix, qui demandent à être différenciées en respectant les articulations présentes sur le texte (des keil dans l’aigu, absents dans le médium). Cette ponctuation de keil et le caractère de cette variation nous autorisent à la jouer avec une certaine sécheresse, par des attaques vives et nettes des touches.
Extrait 15, Variation 6, mes. 98-104.
Au-delà de ce jeu à la pointe sèche, c’est peut-être plus encore un « jeu des contraires » ou « des sonorités, articulations opposées », une exploitation des déplacements, des tessitures quasi lisztiennes, fréquente aussi chez Schumann. On retrouve cette spatialisation mélodique par exemple dans la première variation de son opus 1, les Variations Abegg de 1830.
Chez Mendelssohn la cinquième des Variations pour piano, op. 83, possède exactement la même écriture.
Extrait 16, Felix Mendelssohn, Variations en sib majeur, op. 83, variation no 5, mes. 1-6.
La dimension du timbre, ajoutée à la dispersion du thème dans les registres contribue à l’avant-gardisme de l’écriture de cette variation.
L’idée d’un grand crescendo est ici prégnante (pp jusqu’à sempre più forte, sempre fortissimo). Ce grand éventail de nuances, la variété des attaques, l’opposition des tessitures et la présence d’accords fournis donnent un caractère orchestral à cette variation. Renforcée par des accords de plus en plus pleins, elle va atteindre à la fin son point culminant juste avant un arpège de ré mineur, con fuoco, qui marque le début de la variation 7.
4.9 Variation 7
Extrait 17, variation 7, mes. 113-120.
Ici le dialogue continue, mais, au lieu d’être un dialogue de registres, il deviendra un dialogue de texture. Brillante et virtuose, la variation 7 est construite sur un ostinato rythmique opposant deux éléments : des accords sur un rythme de dactyles, suivis d’un arpège ascendant en sextolets de triples. Les arpèges sont d’abord uniquement à la main droite puis se déploieront en alternance entre les mains, entrecoupés par la cellule rythmique deux doubles croches. Enfin, cette alternance va se resserrer à partir de la mesure 124, elle contribue à un discours de plus en plus intense et sonore exploitant toute l’étendue du clavier (le ff mes. 121 doit être par conséquent relativisé, l’écriture va ensuite plus loin encore). Même s’il s’agit chez Mendelssohn d’arpèges, cette virtuosité nous fait penser à la 18e des 32 variations en ut mineur de Beethoven, où des gammes ascendantes en fusées sont entrecoupées d’accords massifs à la main gauche.
La manière d’employer la pédale de résonance dans cette variation se pose pour le pianiste.
Doit-elle inclure l’arpège dans la résonance de l’accord qui le précède ? Si oui, on obtiendra une sonorité plus pleine et scintillante. Jouer l’arpège sans pédale apporterait plus d’alacrité, « d’électricité », dans la sonorité. Sans indication du compositeur, elle est laissée à la liberté de l’interprète qui doit faire aussi en fonction de l’acoustique de la salle dans laquelle il se trouve.
Bien qu’écrite pour la main droite seule, la répartition de l’arpège aux deux mains facilite l’exécution de cette variation. En outre, Alfred Cortot (1934) le conseillait pour obtenir « une sonorité plus brillante [...] chaque fois que cela est possible » (p. 249).
Malgré le caractère implacable du rythme, il faut conserver la direction du thème, bien présent ici, ses courbes mélodiques (exemples aux mesures 116-117, voir extrait 17). Mesure 127, le sforzando sur la deuxième croche est à faire franchement ressortir, car il est écrit à l’inverse du rythme de dactyle qui, naturellement, a son appui sur le temps (deux notes en levées, appui).
4.10 Variation 8
Laissons Cortot nous présenter cette variation : « C’est le Mendelssohn des œuvres de caractère féérique qui apparaît dans la huitième variation, légère, rapide, dans laquelle il faut un jeu serré, et dans la nuance piano, emporté et démoniaque » (p. 249). Allegro vivace, de tournoyants triolets de doubles à la main droite apparaissent (déjà annoncés par les arpèges de la variation précédente), tandis que la basse, est assurée par la main gauche, tels des pizzicati. Les sforzandi étant sur les temps faibles, ils décalent l’appui par rapport au temps fort créant un peu plus de mouvance, un caractère diabolique. L’écriture de la main droite, quoiqu’en doubles continues, semble avoir combattu la gravité telle une fougueuse chevauchée. La main gauche ajoute ici l’harmonie complète à l’octave supérieure, ces bonds à distance contribuant aussi à créer d’énergiques impulsions que l’on peut ressentir aussi bien auditivement, visuellement, que physiquement dans le bras de l’interprète.
Extrait 18, variation 8, mes.129-132.
D’une virtuosité typiquement mendelssohnienne, on y trouve ce goût pour la vélocité présente dans de nombreuses œuvres du compositeur, comme par exemple dans le scherzo de l’Octuor, op. 8. Nous pouvons également y déceler des analogies avec la cinquième pièce des Bunte Blätter, op. 99 de Schumann. Si la main droite a une écriture plus en arabesques on y retrouve le même aspect motorique, vivant, et les mêmes pulsations à la main gauche.
Extrait 19, Robert Schumann, Bunte Blätter, op. 99, no 5, mes. 1-5.
Chez Schumann, il y a plus de folie, de Phantasie, un caractère plus cauchemardesque et fantasmagorique absent chez Mendelssohn. Mais les deux compositeurs partagent cette agitation romantique dans l’écriture pour piano, cette griserie de la vitesse et cette même manière de « griffer » le piano.
4.11 Variation 9
Extrait 20, variation 9, mes. 145-151.
Le système de la variation précédente est désormais étendu aux deux mains. Le discours musical se densifie et devient plus lyrique. Mélodiquement, la variation 9 débute comme la précédente, mais Mendelssohn prend davantage encore de libertés par rapport au thème. On y trouve de nouvelles formules mélodiques qui réapparaîtront par la suite (extrait 20, mesures 148-152, phrase chromatique en fa majeur, présente dans la variation 11 dans un tout autre caractère).
Antoine Bienenfeld
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Thomas Mougel est étudiant au CNSMD de Paris. Il y suit parallèlement les cursus d’analyse et d’écriture musicale, où il a déjà obtenu les prix d’harmonie et de contrepoint. Passionné par la musique de César Franck, il réalise en 2019 un dossier sur le Prélude Choral et Fugue pour son DEM d’analyse au CRR de Lyon que reprend en partie cet article. Par ailleurs, il envisage actuellement la composition de pièces de musique de chambre en association de textes récités.
Cet article est la troisième et dernière partie de l’analyse de l’oeuvre de César Franck (première partie : https://www.leducation-musicale.com/newsletters/LI130.html#article3, deuxième partie : https://www.leducation-musicale.com/newsletters/LI131.html#article8)
Forme cyclique
L'aspect le plus fascinant de la pièce réside pour moi dans la manière dont Franck a obtenu que les mouvements se répondent entre eux, et notamment comment tout mène à ce formidable instant de superposition finale.
Le sujet de la fugue en genèse dans le prélude et le choral
Au cours des deux premiers mouvements, là où ne se trouve pas un thème fondamental qui fera son retour dans la zone de superposition finale, sont placés des matériaux préparant le sujet de la fugue. Pour le prélude c'est la figure d'arpèges du A, naissant à la première mesure de l’œuvre, qui tient le rôle du thème principal.
L'ensemble des motifs de B découlent eux directement de la tête du sujet. Ils résultent tous de légères transformations sur le rythme et les intervalles de celle-ci. Le chromatisme étant un autre élément caractéristique du sujet, la ligne descendante des mesures 31-32 du prélude en est sans doute l'évocation la plus directe dans ce mouvement. Pour le choral, les intermèdes contiennent eux aussi quelques références mélodiques à la tête du sujet, bien que complètement intégrés à une mélodie plus vaste. Et n'oublions pas le sujet qui apparaît entier deux fois dans la transition Choral/Fugue. Précisons qu'il est là dans une version non plagale, c'est à dire que sa première levée ne mène pas à la sensible du IVème degré mais à celle de la tonique, ce qui n'est pas le cas des entrées dans la fugue, lui donnant ainsi un squelette d'intervalles qui en diffère légèrement (les demis-tons ne surgissant pas exactement aux mêmes endroits).
Similitudes de construction entre les éléments de B et la tête du sujet de la Fugue
b1a , motif (mes 8-9)
bb1b , motif (mes 11)
b2, motif (mes 13-14)
b3, motif (mes 33)
Tête du sujet de la fugue
La confrontation des thèmes des trois mouvements
Au Come una cadenza, de mystérieux arpèges ascendants et véloces interrompent la cadence attendue. Ils dénotent complètement avec ce que la fugue nous a fait entendre jusqu'ici, et l'on sait ainsi qu'il se produit quelque chose d'important. Ils scandent la répétition d'une même note quatre fois avant de se résoudre un demi-ton plus bas et de plonger vers le grave. Ce dessin mélodique semble être la tête du sujet buttant trois fois sur sa note initiale avant de parvenir à réaliser son appoggiature caractéristique. C'est d'ailleurs ce que nous indique Franck en notant des accents sur les quatre premières notes, en liant la quatrième à la cinquième, et en n'écrivant pas d'indications sur les notes plongeant, de moindre importance. Cependant, les quatre notes répétées et la résolution sont aussi une évocation du rythme caractéristique qui générait la mélodie du A du prélude. Un indice quant au retour imminent de ce mouvement est donc laissé ici aux auditeurs attentifs. En effet, la mélodie de a1 répétait bien des séquences du rythme 4 noires, ronde, et le a2 donnait à la basse 4 croches, blanche (sa diminution). Le rythme harmonique lent et l'harmonie sans direction tonale claire créent une forme de suspension à cet instant. La séquence des 4 notes accentuées et résolution se répète trois fois sur des hauteurs différentes mais est marquée systématiquement par le même enchaînement harmonique (+2 → 7+ du même ton) si bien que lorsque la fois suivante la résolution est autre (+4 au 1/2 ton sup.), un effet de surprise est créé. Et cet instant correspond justement au retour de l'arpège du prélude dans sa forme initiale ! Le jeu sur les résolutions se poursuit avant que la formule du prélude ne puisse s'imposer. Elle alterne donc d'abord avec l'arpège du Come una cadenza. Quand l'harmonie parvient à la dominante de si m, l'arpège du prélude s'installe puis la mélodie du choral fait son retour.
Retour de la formule d'arpèges du prélude (mes 143)
Retour du choral, superposé à la formule d'arpèges du prélude (mes 154-156)
Dès lors, à partir de la mes. 154, on entend le choral simultanément au prélude. On a retrouvé le ton principal dans lequel le choral n'avait jamais été exprimé. La ligne mélodique un peu arbitraire qu'épousait la formule arpégée du commencement de l’œuvre (4 brèves, 1 longue) est maintenant remplacée par celle du choral. Seule la première période de ce dernier est conservée, sans doute la plus marquante. Elle est donnée entièrement deux fois en si m, puis deux fois en sol m avant de se fragmenter pour une phase d'accroissement de la tension. Modulation en mib m (mes.169-170), débuts d'imitations à la basse (mes. 171-172), puis retour en si m, pédale de dominante à contretemps dans l’extrême grave (à partir de 174) et canon du choral en décalage d'une mesure (mes. 175-178) mènent à un sommet. C'est le moment du retour de la fugue. Le sujet dans le grave vient se superposer aux éléments du prélude et du choral déjà installés. Pendant neuf mesures (177- 186), des éléments des trois mouvements sont tout à fait réunis par le contrepoint. Au regard de la taille du morceau, l'instant est particulièrement fugace. Et pendant la durée seulement d'une mesure, entre 177 et 178, la basse et le soprano énoncent le choral, pendant qu'à l'intérieur se trouvent les arpèges et le sujet, moment d'accumulation contrapuntique la plus élevée.
Retour du sujet, superposition des trois thèmes, sommet contrapuntique (mes 177-180)
On notera qu'au retour de la formule d'arpèges du prélude, mes. 143, celle-ci est très légèrement différente de celle initiale et qu'à partir de la mes. 170, elle subit quelques mutations successives qui l'éloignent un peu plus encore de son modèle primitif. En réalité cela ne diminue en rien la force du symbole qui naît de la superposition complète des trois mouvements. La première modification (à partir de 143) tient dans la transformation du squelette d'intervalles de l'arpège. Le passage de la 4ème note à la 5ème, qui était au début de la pièce une 6te descendante devient une 3ce descendante. Ce changement à peine perceptible est dû au placement plus aigu de la basse par rapport à l'arpège quand elle arrivera (en même tant que le choral, mes. 154). Ainsi, la note la plus grave de l'arpège ne descend pas sous la ligne de basse (cf. mes. 154-157). La position plus en hauteur de la basse fait quant à elle probablement suite à la volonté du compositeur d'obtenir une sonorité claire pour cet instant. La deuxième modification survient mes. 170. Une appoggiature orne maintenant le passage de la 4ème à la 5ème note de l'arpège, le rendant plus expressif, et la nouvelle position permet de donner le thème en octaves. Enfin, à partir de la mes. 174, ces trois dernières notes remontent plutôt que de descendre. Du fait du contrepoint grandissant, la main gauche qui a maintenant trop à faire n'a plus la possibilité de jouer la fin de l'arpège. Franck l'a donc remodelé de manière à ce que la main droite n'ait pas de sauts à faire. On s’aperçoit finalement que les transformations de la forme de l'arpège dans la zone de superposition des thèmes finale résultent pour beaucoup de nécessitées touchant à la technique pianistique, mais aussi d'une recherche d'adéquation avec l'expression voulue durant ce passage.
À propos de l'harmonie du choral
En comparant les enchaînements harmoniques des trois mouvements entre eux, on s’aperçoit combien le vocabulaire employé peut varier d'un genre à l'autre. Les accords sans direction tonale, dont une note mobile glisse chromatiquement tandis que les autres restent en place, se trouvant au début du retour de A dans le ton initial, mes. 42-44, sont-ils envisageables n'importe où ailleurs dans la pièce plutôt qu'avec ces grands arpèges suspensifs ? Cela semble peut probable. Par ce biais, on observe donc que l'harmonie de Franck dépend avant tout de l'expression générale souhaitée. Au fond, ce phénomène n'est pas propre à la musique de Franck mais semble vrai au moins depuis l'époque classique. Par la suite on s'attachera à l’étude de quelques détails de l'harmonie du choral, en ayant bien conscience que si celle-ci n'est pas représentative du langage harmonique de Franck dans sa globalité, elle ne l'est même pas de l’œuvre dans sa totalité.
L'enchaînement harmonique le plus remarquable de ce mouvement est aussi sans doute le tout premier. À la fin du prélude, après repos sur la tonique, l'accord de si est dominantisé puis tenu par un point d'orgue. L'accord de si 7+ tend à se résoudre et le système tonal est fait de telle manière qu'on s'attend avant tout à entendre une résolution en mi m. Non seulement Franck crée la surprise d'une résolution sur Mib M (qui sera le ton du début du premier intermède), mais il garde en retard le fa# qui par rapport à Mib sonne comme l'appoggiature inférieure chromatique de la tierce, qu'on entend simultanément à la note réelle ! La sonorité crée est d'un effet incroyable. En outre, le fait que la résonance du piano perd rapidement en intensité rend le retard d'autant plus subtil. Certains enregistrements de la pièce prennent la partition à la lettre et placent la coupure entre les plages du disque entre la dernière note du prélude et la première du choral. Ce choix ne prend pas en compte l'effet qu'on vient d'observer. Si coupure entre les deux mouvements il doit y avoir, il est nécessaire que la préparation du retard ne soit pas séparée de sa liaison. Quel sens peut bien prendre le premier accord du choral sans la préparation qui l'a précédée ? Quoi qu'il en soit, la pièce n'a évidemment pas été pensée pour le disque, mais bien pour le concert. L'étude de cet enchaînement montre à quel point l’œuvre gagne à être jouée sans interruption.
La première période du thème-choral, on l'a déjà vu, est harmonisée de manière parfaitement diatonique (sans aucune note étrangère à la gamme mineure). Ce procédé n'est pas anodin. Il donne une clarté à ce passage qu'on ne retrouve qu'aux différents moments d'apparition de ce thème. L'absence de sensible du mode mineur harmonique, les accords s’enchaînant par relation de tierce descendante avec chaque fois deux notes communes (I → VI → IV), les septièmes de passage à la basse (chiffrage 2) sont autant d'éléments qui rapprochent le choral du langage modal de Fauré. L'accord de +6 dont la sensible a été remplacée par la tonique se résolvant sur le Ier degré qui finit la période (« C-mod »), est d'ailleurs presque une signature de cet auteur. C'est l'utilisation de ces ressources harmoniques qui confère son caractère serein au thème. La deuxième période (ch2) démarre par une marche en deux étapes : do m → si bm, puis revient au ton initial par enharmonie de l'accord de 7°. On s'arrêtera simplement sur l'accord de 7emin 5tedim et 3cemaj (enharmonie d'un accord de 6te augmentée française) construit sur la dominante à la basse mes. 18. Il se résout sur le IV. Est produit, si on regarde les fonctions des accords, l’enchaînement à priori non fonctionnel : VdeV 6te augmentée (fr)→ I, au ton du IV (en fa m). Cet enchaînement, 6te augmentée → I, à la sonorité toute particulière, est tout à fait caractéristique du langage de Franck.
Première période du thème-choral (mes 11-13)
I5 I2 VI5 VI2 IV5 I6 V+6F I5
Fin de ch2 (mes 18-19)
6teaug.→I C-PL. II [en fa m]
Le thème s'achève systématiquement par une cadence II → I avec le mouvement plagal à la basse (« C-Pl. II »). Bach la pratiquait déjà dans ses propres chorals. On trouve aussi à la fin des intermèdes 1 et 3, la cadence V (7°) → I toujours avec le mouvement plagal à la basse (« C-Pl. V»), comme par exemple mes. 10-11. À mi chemin entre la cadence parfaite (notes de l'enchaînement V → I, pour être exact : VII → I) et la plagale (mouvement de basse de quarte descendante), ce procédé était aussi employé par Bach, et se retrouve dans une partie de la musique romantique. Notons que le choix de ces mouvements de quartes descendantes lors des cadences n'est pas arbitraire. Il évoque certes le style du choral baroque, comme on vient de le voir, mais est aussi un intervalle mélodique essentiel du thème. D'ailleurs, la basse qui achève la période ch2 (mes.18-19) donne les premières notes du thème avant de conclure sur cette chute de quarte.
Y a-t-il des citations dans Prélude, Choral et Fugue ?
Léon Vallas nous indique « une précise réminiscence wagnérienne dans la mélodie du choral, venue tout droit des cloches de Parsifal » (La Véritable histoire de César Franck, p. 233). Cette remarque mérite de l'attention quand on sait les études approfondies que Franck faisait des opéras de Wagner. Toutefois, il convient de la regarder avec un certain recul. D'un côté, les deux motifs ont en commun leurs trois premières notes, et lorsque le choral clôt la pièce il se trouve en majeur, comme pour les cloches de Parsifal. Dans ce cas tout deux sont particulièrement proches.
Vincent D'Indy évoque les sonorités de la conclusion de PC&F avec ces mots : « carillon final » (César Franck, p. 148). D'un autre côté, la plupart des occurrences de ce thème sont en mineur, et rendent le lien plus ténu. Dans la dialectique de l’œuvre, c'est cette version qui domine. De ce fait, il est probable que durant la genèse de la partition, ce soit la version mineure qui ait précédé son pendant majeur, bien qu'en l'absence d'esquisses, cette affirmation reste fort incertaine. Également, rappelons la relative neutralité que constitue l'enchaînement d'intervalles du thème-choral. Celle-ci laisse penser qu'il peut tout à fait s'agir d'un hasard. Enfin, une mention de Parsifal dans PC&F peut-elle faire sens ? Il me semble que non, mais la question reste ouverte.
Coda,
Choral et arpèges
du prélude en Si majeur
(Fugue mes 212-213)
L'affirmation quant à laquelle le sujet de la fugue serait issu de la basse obstinée de la cantate Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen de Bach, ou des variations qu'en fit Liszt (et que Franck a certainement connues), peut être soumise à des interrogations similaires. Il est bien certain que cette ligne mélodique s'inspire du style chromatique de Bach. En revanche, elle paraît plus héritière d'un genre de fugue chromatique au sens large, que d'une pièce en particulier. On retrouve d'ailleurs des matériaux semblables aux cellules provenant du sujet de PC&F dans les Variations Symphoniques, faisant tendre ces éléments vers quelque chose de plus caractéristique du langage de Franck. La tête du sujet, par sa durée réduite et son aspect conjoint est tout à fait adaptée à produire d’innombrables développements. L'appoggiature amène l'expressivité que l'harmonie de Franck complète.
De façon tout à fait subjective, les mesures 4 à 5 du choral (à partir du lab jusqu'au 2ème ré pour la mélodie) m'évoquent les premières mesures de l'adagio concluant la première partie de la formidable Fantaisie op. 17 de Schumann. La ligne mélodique est semblable et l'harmonie équivalente. Y a t-il là aussi réminiscence ou non ? Le lecteur garde bien sûr la liberté d'en juger.
Pour conclure
Si Prélude Choral et Fugue est une œuvre qu'on peut apprécier d'instinct, on ne peux pas immédiatement en percevoir tout les enjeux. Élucider les mystères qui l'ornent, découvrir certains secrets que recèle sa facture, peuvent devenir une seconde source de plaisir. L'analyse se place ici comme un moyen d'y parvenir. Et si on suppose que l'étude est un moyen de se grandir, cette pièce de Franck est assurément une porte ouverte vers notre propre perfectionnement. Elle l'est avant tout car le Pater Seraphicus, comme on l'a souvent nommé, a mis les moyens d'y trouver une cohérence qui atteint des sommets. Les ruptures comme les continuités, les ressemblances comme les différences, servent toutes un dessein commun. L’architecture bâtie a quelque chose d'organique. Vincent d'Indy en parlait en ces termes : « une œuvre toute personnelle où rien, cependant, dans la construction, n'est laissé au hasard ni à l'improvisation, mais dans laquelle tous les matériaux au contraire, sans en excepter aucun, servent à la beauté et à la solidité du monument. » (César Franck, p. 144). Le travail réalisé avec ce dossier pour tenter d'éclairer certains aspects de ce formidable édifice est bien sûr loin d'être exhaustif. Il reste beaucoup à entendre, voir, et comprendre.
Sources
Fauquet, Joël-Marie. César Franck. Fayard, 1999.
Vallas, Léon. La véritable histoire de César Franck. Flammarion, 1955.
D'Indy, Vincent. César Franck. Félix Alcan, 1906.
Gallois, Jean. Franck. Seuil collection Solfèges, 1966.
Thomas MOUGEL
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Joséphine Simonnot fut responsable de la plateforme web open source Telemeta entre 2006 et 2020 pour le Centre de Recherche en Ethnomusicologie (https://lesc-cnrs.fr/crem) du CNRS. Cette plateforme, développée avec Guillaume Pellerin, un jeune chercheur aujourd’hui à l’IRCAM (https://www.ircam.fr/person/guillaume-pellerin/), a pour objectif de documenter des enregistrements de musiques du monde entier et de les partager en ligne. Les collections d’archives sonores du CNRS-Musée de l'Homme sont ainsi mises en lignes peu à peu depuis 2011, et à ce jour, 54 000 sons et vidéos sont consultables en streaming dans cette base de données unique au monde : https://archives.crem-cnrs.fr/. Cet article propose une petite visite guidée pour découvrir son fonctionnement avec un disque emblématique de ces collections.
"Les Voix du Monde, une anthologie des expressions vocales",
CNRS musée de l’homme collection.
Collectées depuis 1900 par des chercheurs, des explorateurs ou de simples voyageurs, ces archives sont le reflet de la richesse et de la diversité du patrimoine musical de l’humanité. Longtemps hébergé au Musée de l’Homme, ce fonds est géré actuellement par une équipe de recherche du Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, le Centre de Recherche en Ethnomusicologie (http://lesc-cnrs.fr ). L’enregistrement sonore a toujours occupé une place centrale en ethnomusicologie. Bartók déclarait en 1937 : « Je l’affirme sans hésiter, la science du folklore musical doit son développement actuel à Edison ». Ce n’est pas seulement un moyen de préserver la musique pour les générations futures. La captation permet également de faire des analyses, des transcriptions musicales et nous aident à mieux comprendre les phénomènes musicaux de nos sociétés. Ces archives sont le fruit d’un long processus initié par le musicologue André Schaeffner dans les années 1930 pour collecter et structurer des enregistrements sonores publiés sur disques ou collectés sur le terrain, comme par exemple ses enregistrements sur cylindre de la mission Dakar-Djibouti (1931-1933) ; ou ceux de Germaine Tillon en Afrique du Nord (1936). Après la guerre, une collection de disque 78 tours est lancée par Gilbert Rouget sous les labels « Africa Vox » et « Musée de l'Homme ». A partir de 1954, une centaine de disques 33 tours sont publiés par divers éditeurs. (http://archives.crem-cnrs.fr/archives/corpus/CNRSMH_Editions_002/).
Disque 78 tours de la collection Musée de l’Homme sous licence Africa Vox.
Photo Henri Chamoux
Les éditions phonographiques (actuellement toutes en consultation libre) se poursuivent avec le format CD. Entre 1988 et 2001, 37 CD sont publiés sous le label « Chant du Monde », comme le disque « Les Voix du Monde, une anthologie des expressions vocales » (publié en 1996 par un collectif de chercheurs), dont voici un exemple :
Vous pouvez écouter ici un chant de louanges chuchoté et accompagné d’une cithare-sur-cuvette inanga, enregistré au Burundi en 1967 par Michel Vuylsteke. L’ethnomusicologue Susanne Furniss en fait l’analyse suivante dans le livret du disque : « La prononciation des paroles, où le souffle est très présent, est parfaitement synchronisée avec le pincement de la cithare. Alors qu'il n'émet qu'un léger voisement à hauteur difficilement déterminable, le "chanteur" produit l'illusion d'un mouvement mélodique vocal. Cette manière de chanter offre équilibre par complémentarité, le spectre étant largement couvert par les composantes vocales et instrumentales. Exécuté par les hommes, le chant chuchoté sert à divertir le musicien lui-même ou un petit auditoire, tel que l'ancienne cour du roi. Les sujets souvent historiques relatent des thèmes pastoraux de manière épique, moralisatrice ou humoristique ».
Joséphine SIMONNOT
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Joséphine Simonnot was responsible for the open-source web platform Telemeta between 2006 and 2020 for the Research Center for Ethnomusicologie, CNRS. The aim of this platform, implemented with Guillaume Pellerin (IRCAM, https://www.ircam.fr/person/guillaume-pellerin/) is to describe music recordings from all over the world and to share them online. The CNRS-Musée de l'Homme's sound archive collections have been gradually put online since 2011, and to date, 54,000 sounds and videos can be consulted via streaming in this unique database: https://archives.crem-cnrs.fr/. This paper proposes a guided tour to discover this platform with an emblematic disc of this collection.
"Les Voix du Monde, une anthologie des expressions vocales",
CNRS musée de l’homme collection.
Collected since 1900 by researchers, explorers, or simple travelers, these archives reflect the richness and diversity of humanity's musical heritage. Long hosted at the Musée de l'Homme, this collection is currently managed by a research team from the Laboratory of Ethnology and Comparative Sociology, the “Centre de Recherche en Ethnomusicologie” (http://lesc-cnrs.fr ). Sound recording has always occupied a central role in ethnomusicology. Bartók said in 1937: "I claim without hesitation that the science of musical folklore owes its present development to Edison". It is not only a means of preserving music for future generations. It is also a means of analysis, of musical transcriptions, which helps us to better understand the musical phenomena of our societies. These archives result from a long process initiated by the musicologist André Schaeffner in the 1930s, to collect and structure sound recordings published on discs or collected in the field, such as his cylinder recordings of the Dakar-Djibouti mission (1931-1933)1; or those of Germaine Tillon in North Africa (1936)2. After the war, a collection of 78 rpm records was launched by Gilbert Rouget under the labels "Africa Vox" and "Musée de l'Homme". From 1954 onwards, a hundred or so LPs were published by various publishers (http://archives.crem-cnrs.fr/archives/corpus/CNRSMH_Editions_002/).
78 rpm record from the Musée de l'Homme collection
under licence from Africa Vox. Photo Henri Chamoux
The phonographic editions (currently all freely available) continue with the CD format. Between 1988 and 2001, 37 CDs were published under the "Chant du Monde" label, such as "Les Voix du Monde, une anthologie des expressions vocales" (published in 1996 by a group of researchers), of which here is an example :
Here you can listen to a whispered song of praise accompanied by an Inanga zither, recorded in Burundi in 1967 by Michel Vuylsteke. The ethnomusicologist Susanne Furniss makes the following analysis in the booklet of the disc: "The pronunciation of the words, where the breath is very present, is perfectly synchronised with the plucking of the zither. While he only emits a slight voicing at a pitch that is difficult to determine, the 'singer' produces the illusion of a vocal melodic movement. This way of singing offers balance through complementarity, the spectrum being largely covered by the vocal and instrumental components.
Performed by men, whispered singing serves to entertain the musician himself or a small audience, such as the former court of the king. The often historical subjects relate pastoral themes in an epic, moralistic or humorous manner."
1 Mission Dakar-Djibouti : http://archives.crem-cnrs.fr/archives/collections/CNRSMH_I_1931_001/
2 Mission Algérie - Aures : http://archives.crem-cnrs.fr/archives/corpus/CNRSMH_Cylindres_003/
JOSÉPHINE SIMONNOT
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Annick Massis, photo libre de droit
Dans le domaine de l'interprétation de la musique classique, les carrières de chanteurs sont parmi les plus difficiles à mener. Souvent bien plus courtes que celles des instrumentistes
car la voix évolue au cour des ans. Annick Massis, nous aborde ce problème avec une grande sagesse.
Applaudie sur les plus grandes scènes lyriques du monde, de lOpéra de Paris au Metropolitan Opera de New York, à la Scala de Milan, la Fenice de Venise, le Pittsburgh Opera, le Deutsche Oper, la Philarmonie de Berlin ou la Monnaie de Bruxelles, ayant gravé une dizaine d’intégrales d’opéras rares ou célèbres, sans oublier les oratorios et les récitals, Annick Massis compte parmi les plus prestigieuses sopranos de ces dernières années.
Rien pourtant ne laissait présager une telle carrière internationale :
Avec un Deug d’anglais et une licence d’histoire, j’ai rejoint l’Éducation nationale.
Mes parents étaient chanteurs, mais rien ne m’orientait vers leur profession. Peut-être voulais-je suivre alors l’exemple de ma grand-mère maternelle, institutrice puis directrice d’école. Sans préparation spéciale, j’ai débuté comme suppléante et me suis retrouvée devant des classes de quarante-cinq élèves avec parfois des enfants de trois niveaux, pas facile pour une petite débutante. Ce fut une expérience ardue, pénible et très enrichissante. Certains, parmi ces élèves, avaient des handicaps. Apprendre à m'adresser à eux et à vivre à leur contact a été une leçon d'humanité.
Au bout d'un an et en parallèle de mes activités professionnelles, j’ai suivi les cours de l’École normale d’instituteurs, boulevard des Batignolles ,à Paris, une bouffée de fraîcheur !
Tout semblait sur les rails mais les chromosomes musicaux d’Annick Massis se manifestent progressivement. Elle éveille ses élèves à la musique, dévore des partitions, préfère écouter de la musique à l’heure du déjeuner plutôt que fréquenter la cantine.
La musique devient sa seconde occupation même si cela a toujours été sa passion :
À la fin des années 1980, la personne qui partageait ma vie à ce moment-là me propose, comme nous partions en vacances dans le Gers, de me munir de mes partitions pour approcher le stage de formation lyrique de Saint-Céré que je savais animé par Denise Dupleix. Je n’ose pas me présenter, mais prenant mon courage à deux mains, pendant une pause, une fois la salle vide, je me présente devant cette dernière qui à la gentillesse de m’auditionner au vol ; Sybil Bartrop était au piano.
Les craintes d'Annick Massis étaient loin d’être fondées, Denise Duplex l’adresse aussitôt à Isabelle Garcisanz, une grande soprano espagnole, dont le répertoire s’étend de Mozart à la musique contemporaine, une enseignante hors pair :
Je travaillais avec Isabelle une à trois fois par semaine, toujours après mes journées d’enseignement. À cette époque j'avais quitté la banlieue, j'enseignais dans le XVe arrondissement. Une chance, moins d’allées et venues !
D’enseignante, Annick Massis redevient étudiante. Comment l’a-t-elle ressenti ?
Cela ne m’a posé aucun problème, car je suis une étudiante dans l’âme, en quête éternelle de nouvelles connaissances. J’avais soif d’apprendre, j’étais comme une éponge qui assimilait tout. Au début il n’est pas aisé de comprendre la communication d’un professeur de chant : il s’agit d'un autre langage, d’un autre verbe. Par exemple, quand on doit faire tourner le son, donner un double élan : donner une base d’élan dans telle partie du corps, le diaphragme, et par ailleurs dans un autre sens, laisser monter la voix pour qu’elle trouve sa place juste afin qu’elle sonne le mieux possible paraît contradictoire dans un premier temps.
Je suis entrée et sortie très vite, au bout de deux ans avec un prix de conservatoire.
Annick Massis est sur sa voie, la suite coule de source. L’ayant entendue au cours d'une masterclass, suivie d’un concert avec orchestre, Gabriel Dussurget, fondateur du Festival d’Aix en Provence, convaincu de son talent, la présente à l’imprésario Jean-Marie Poilevé, qui l’engage immédiatement dans son agence. Elle s’y retrouve aux côtés de jeunes chanteurs tels Roberto Alagna ou Françoise Pollet.
Confirmant qu’aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années, sa carrière s’envole. Après quelques concerts, dès le premier en réalité, Annick Massis chante la partie de soprano dans la Messe en ut mineur K 427 de Mozart, elle est engagée par Pierre Jourdan, fondateur du Théâtre Impérial de Compiègne et grand découvreur de talents, pour interpréter le rôle-titre de Mignon d’Ambroise Thomas.
Une expérience formidable et très formatrice. On était logés à Compiègne et chaque jour on travaillait chez Pierre Jourdan pour apprendre une diction parfaite, entre autres à ne jamais rouler les r, en français. Un souvenir magnifique.
Suit, à l’Opéra de Nantes, le premier rôle de La Finta Giardiniera de Mozart, celui de Sandrina Violante, qui comporte un air de la folie extrêmement difficile. Les expériences se suivent et ne se ressemblent pas : « Là j'ai dû apprendre à me défendre, la seconde soprano intriguait pour me remplacer. Bref, une des joies de ce beau métier. » Aujourd'hui, après plus de trente-cinq ans de carrière exceptionnelle débutée dans le répertoire baroque pour aboutir à des rôles phares comme La Traviata, après avoir chanté sous la direction de Marc Minkowsky, William Christie, Zubin Mehta, James Levine, Daniel Oren, ou Sir Simon Rattle, entre autres, avec qui elle enregistre L’Enfant et les Sortilèges de Ravel, s’être produite dans des mises en scène de Pier Luigi Pizzi, Laurent Pelly, David Mac Vicar, Franco Zeffirelli, etc., ou encore de Luca Ronconi, Annick Massis change de cap et pense à se consacrer dans les années à venir à l’enseignement de futurs chanteurs. Elle a déjà un pied à l’étrier grâce à ses master class recherchées. À la demande d’amis, elle coache une jeune fille de quinze ans qu’elle accompagne vers son premier succès. Il s’agit d’Isabelle Vallot, lauréate du concours Talents du classique de France2, en décembre 2020. Annick Massis évoque ses master class :
Avec les étudiants, il m’arrive de me remettre tout en question, avec eux, à leur écoute, j'apprends beaucoup.…
Enseigner, c’est découvrir, partager, déstabiliser, chercher… Il faut être très attentif avec les jeunes voix, elles sont fragiles, malléables. Enseigner, c’est du sur-mesure comme la haute-couture. Beaucoup de pédagogie, de patience et une immense sensibilité psychologique sont nécessaires. Ne jamais porter de jugement, le risque étant qu’un jeune chanteur se bloque, il peut perdre sa voix. Ne jamais critiquer, juste montrer vers où aller et comment y arriver. Donner des clés pour exaucer le désir de chant, à condition que les jeunes chanteurs aient l’esprit ouvert, restent curieux. Contrairement à un pianiste ou à un violoniste, un chanteur ne voit pas son instrument. C’est une construction abstraite.
Le langage est capital, il est facile qu’un mot soit compris de travers. Je fais appel à des images pour assimiler la technique et provoquer un ressenti. J’ai recours à des expressions liées aux sensations physiques pour que l’étudiant puisse s’en libérer et chanter en conscience. C’est délicat, car il s’agit de trouver le geste juste pour chaque personne, chaque morphologie chaque personnalité. Même si nous avons tous les mêmes éléments dans le larynx, ils sont différents en volume, en densité, et répondent souvent au départ à des réflexes inconscients qui peuvent être justes, comme parfois erronés.
C’est alors qu’intervient l’oreille interne ainsi que le regard que l’on porte sur soi-même. Savoir conduire un son est essentiel, mais il est nécessaire d’accepter sa propre et véritable vocalité, ses couleurs, ses limites. Tout un travail à accomplir avec cet être humain devant nous, qui souvent ne connaît pas sa propre voix et nous fait confiance. Il faut offrir une méthodologie, trouver les clés qui feront un musicien de chaque individu. Comprendre, guider, certains ont le potentiel de devenir solistes, d’autres s’orienteront vers un chœur. Enseigner est un long parcours. Certains ne se débloquent qu’au bout de plusieurs années. Il faut patienter, se renouveler… On ne peut pas enseigner si on n’aime pas l’être humain. C’est la qualité essentielle.
Site d’Annick Massis : http://www.annickmassis.com/
Laurent WORMS
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Max Noubel est maître de conférences à l’Université de Bourgogne et chercheur statutaire au Centre de Recherche sur les Arts et le Langage (CRAL) de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales. Spécialiste de la musique du XXème siècle, il travaille plus particulièrement sur les théories musicales et sur la musique américaine. Il a publié de nombreux articles notamment sur Elliott Carter, Steve Reich, Terry Riley, La Monte Young, Charles Ives et les Ultramodernes Henry Cowell, Charles Seeger et Ruth Crawford. Son ouvrage Elliott Carter, ou le temps fertile, préface de Pierre Boulez, a reçu le Prix des Muses en 2001.
Au cours de sa très longue et très prolifique carrière, Elliott Carter a composé pour pratiquement toutes les formations instrumentales classiques. Si le quintette à vent n’a pas fait exception, il ne l’a traité cependant que deux fois, d’abord en 1948 avec le Quintette, en deux mouvements, puis, plus de soixante ans après, en 2009, à l’âge vénérable de cent-un ans, avec la pièce Nine by Five. Carter n’en a pas pour autant dédaigné les formations d’instruments à vent. Outre une série de solos et duos, et un Quintette pour piano et vents (1991), il a utilisé à deux autres reprises un ensemble constitué de bois : la première fois peu de temps après le Quintette de 1948 avec les Huit études et une Fantaisie (1949), pour quatuor de bois, puis, la seconde fois beaucoup plus tard, un an avant Nine by Five, avec une courte pièce pour ensemble intitulée Wind Rose (2008).
Quintette à vent (1948)
À l’époque où Carter entreprend la composition de son Quintette, ce genre ne semble guère attirer les compositeurs modernistes américains. Parmi les œuvres les plus intéressantes qui précèdent cette partition on retiendra Music for Wind Instruments d’inspiration librement sérielle de John Cage, composée en 1938, et dont Carter n’a sans doute pas eu connaissance. Les compositions les plus marquantes verront le jour ultérieurement : la Suite pour quintette à vent de Ruth Crawford en 1952, la Summer Music opus 31 de Samuel Barber en 1956 et le Quintette à vent n° 1 de George Perle en 1959. Seule, la Partita néo-baroque particulièrement inventive d’Irving Fine fait figure d’exception1. Composée également en 1948, elle s’imposera avec le Quintette de Carter comme une des œuvres américaines majeures du genre.
Le Quintette voit le jour à une période charnière au cours de laquelle Carter se défait de l’emprise du néoclassicisme et du populiste et est sur le point de trouver une voie véritablement personnelle, résolument plus moderne, fondée sur une reconsidération de la forme, du langage mélodico-harmonique et rythmique et de la polyphonie. Il s’en est expliqué dans son article « La musique et l’écran du temps » (“Music and the Time Screen”) paru initialement en 1976 :
(…) vers 1945, comme la période populiste approchait de sa fin (…), je sentais que j’avais épuisé mes possibilités dans ce style, et je commençai à réévaluer minutieusement le matériau musical, dans l’espoir d’exprimer des sujets qui me semblaient plus importants, ou du moins, plus personnels. Rétrospectivement, je constate qu’il me fallut plusieurs années pour clarifier mes intentions. Pendant cette époque, j’écrivis ma Sonate pour piano en 1945, les Emblèmes en 1947, le Quintette à vent et ma Sonate pour violoncelle en 1948, œuvres qui toutes préfigurent mes préoccupations ultérieures2.
Carter compose le Quintette en même temps que le second mouvement de sa Sonate pour violoncelle et piano sans pour autant y mettre la même inventivité rythmique. Comparée aux œuvres qui l’entourent, il paraît d’ailleurs plus simple et plus conservateur. Cependant on aurait tort de penser que l’œuvre est de moindre intérêt. Si Carter y investit moins dans la nouveauté, il s’empare d’une prima pratica plus conventionnelle pour la porter à un degré de subtilité et de raffinement qui font du Quintette une pièce tout à fait singulière pour l’époque. Sans doute considérait-il alors qu’une certaine simplicité convenait mieux au genre du quintette à vent — un point de vue que n’aurait pas partagé Schoenberg si l’on en juge par la complexité de son très dense Quintette à vent opus 26 de 1923 dont on ignore si Carter connaissait la partition.Plus vraisemblablement, cette simplicité toute relative s’explique par la difficulté des instrumentistes de l’époque à comprendre la pensée du compositeur. L’œuvre avait été commandée par le flûtiste Carleton Sprague Smith mais son ensemble se montra incapable de la jouer considérant qu’elle était trop complexe et trop difficile, ceci en dépit du soucis de « faisabilité » du compositeur3. Le Quintette est encore empreint de l’esprit néoclassique transmit par Nadia Boulanger pendant les années d’étude du compositeur à Paris, entre 1932 et 1935. Carter reconnaissait lui-même avoir écrit cette œuvre dans le style que « Mademoiselle » voulait voir employer par ses élèves, mais auquel lui-même ne souhaitait pas se soumettre4. Comme le remarque David Schiff « à l’époque où il fut écrit, Carter était proche d’Arthur Berger, Harold Shapero et Irving Fine, et son quintette reflète l’esthétique des “Néoclassiques de Boston”, comme on les appelait5 ». Ces compositeurs avaient également été des élèves de Nadia Boulanger quelques années après le séjour de Carter à Paris. Ils avaient tiré profit de son enseignement et avaient adapté le néoclassicisme à l’esprit américain. Cependant, si la musique du Quintette a encore des liens avec le néoclassicisme français et “bostonnien”, la volonté de Carter de plagier ce style était en fait une façon de s’arroger le droit de lui tourner le dos avec élégance.
En dépit de son apparent caractère conventionnel, le Quintette contient déjà les prémices d’un langage véritablement personnel qui va éclore pleinement à partir du Premier Quatuor à cordes de 1951. Un des aspects les plus importants est l’individualisation des parties instrumentales. Carter s’en est expliqué plus tard dans une note de programme non datée, et ses remarques sont essentielles pour comprendre ce qui se jouera, soixante-et-un ans après, dans Nine by Five.
En regardant quelques œuvres plus anciennes pour quintette, je trouvai que les compositeurs passaient sous silence le fait que chaque instrument a un son différent. D’un autre côté, j’étais particulièrement frappé par cela et je décidai d’écrire une œuvre qui accentuerait l’individualité de chaque instrument et qui ferait une vertu de leur incapacité à se mélanger complètement6.
Ainsi, au début du premier mouvement Allegretto (exemple 1) Carter attribue aux instruments des caractéristiques musicales distinctes. Le premier violon joue en phrases legato avec des durées très variables, le second violon joue en croches régulières staccato, l’alto a une écriture plus nerveuse et fantasque tandis que les deux instruments graves se contentent de tenir une quinte.
Exemple 1. Elliott Carter, Quintette à vent (1948), I. mes. 1-6
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À partir du Premier et surtout du Second quatuor à cordes (1959), cette différenciation instrumentale, qui n’est encore qu’esquissée dans le Quintette, va s’accentuer et devenir un élément fondamental du style de Carter. Elle va donner lieu à une écriture contrapuntique superposant de véritables personnages/instruments7 dotés de caractéristiques propres tant rythmiques que mélodiques qui vont poursuivre leur destin aussi bien dans des formations orchestrales que dans des formations de chambre.
Comme d’autres œuvres de la même période (Sonate pour piano, Emblems), les deux mouvements du Quintette opposent les tons de si mineur et de sib majeur, mais Carter évite soigneusement les références trop explicites au langage tonal. Les esquisses montrent d’ailleurs qu’il pense déjà en terme d’ensembles de hauteurs. En effet, comme le remarque Stepehn Soderberg8, le compositeur a pris soin de noter sur une page manuscrite intitulée « Progressions chromatiques ou progressions n’ayant aucun ton en commun » (“Chromatic progressions or progressions having no common key”) les listes des triades majeures, mineures, diminuées et augmentée en barrant celles qui sonnent de façon trop tonale. C’est donc déjà le potentiel intervallique des triades ainsi que leurs capacités à s’articuler entre elles qui intéressent Carter.
Les deux thèmes principaux de l’Allegretto utilisent principalement la quarte juste et la seconde mineure (exemple 2), tandis que l’ample cantilène (mes. 44-62) qui précède la réexposition variée du premier thème (mes. 67) repose sur une écriture diatonique où abondent notamment les intervalles de seconde majeure, comme le montre la partie de flûte (exemple 3).
Exemple 2. Elliott Carter, Quintette à vent (1948), I. mes. 14-17 (parties de clarinette et de cor)
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Exemple 3. Elliott Carter, Quintette à vent (1948) I. mes. 48-53 (partie de flûte)
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Le style du Quintette est encore très hybride. À la différence de la Partita d’Irving Fine, il ne contient pas de références appuyées au style baroque, même si les interventions collectives qui, dans le second mouvement Allegro giocoso s’opposent aux comportements individualistes des instruments, ne sont pas sans rappeler le rôle du ripieno du concerto grosso. On remarquera tout particulièrement les réponses brèves et incisives (dans le style du ragtime) du quintette aux appels du cor sur un intervalle de quinte ascendante entre les mesures 27 et 36 (exemple 4).
Exemple 4.. Elliott Carter, Quintette à vent (1948) II. mes. 27-36 (partie de flûte)
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Ce même second mouvement soumet le matériau thématique à une forme rondo assez classique qui joue habilement sur des différences de densité de texture et sur le développement thématique, tandis que l’Allegretto initial le fait plutôt circuler entre les protagonistes à la manière d’une conversation haydnienne. C’est surtout l’esprit du divertissement qui relie l’œuvre au néoclassicisme, même si le ton du premier mouvement est plus « sérieux » que celui que l’on peux trouver dans certaines œuvres de musique de chambre d’un Francis Poulenc, d’un Darius Milhaud où dans le Quintette à vent de Jean Françaix composé également en 1948. L’ombre de Stravinsky plane également sur le Quintette qui adopte le goût prononcé du Russe pour les déplacements d’accent ainsi que son sens de la concision et de l’économie de matériau. Le diatonisme de la partie centrale du premier mouvement, déjà mentionnée, n’est pas sans rappeler Aaron Copland. La présence du jazz« américanise » fortement cette œuvre et, tout particulièrement, le très virtuose et très extraverti Allegro giosoco où les nombreuses syncopes mais aussi l’articulation des phrases et des sections, les contrastes dynamiques concourent à faire swinguer la musique. L’esprit festif et extraverti des fanfares américaines anime aussi ce second mouvement comme, par exemple, lorsque les instruments accompagnent le thème du rondo joué à la flûte (mes. 146-150) par des notes répétées en doubles croches (exemple 5)
Exemple 5. Elliott Carter Quintette à vent (1948), II. mes. 146-150
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L’écriture concertante, qui deviendra une des caractéristiques de la musique de Carter, est déjà fortement présente. Les instruments manifestent une certaine velléité d’émancipation du groupe par une multitude de petits commentaires individuels ou parfois par de brèves échappées libres comme celle de la flûte qui, dans l’Allegro giocoso, se livre à une cadence « à découvert » (cadenza, not too freely mes. 109-117). Même si on ne peut encore parler de stratification de destins individuels, l’écriture contrapuntique favorise l’émergence, au sein de la texture, de solos ou duos autonomes développés. Ainsi, dans l’Allegretto, le solo espressivo du cor tisse son l’ample mélodie avec celle, plus nerveuse, du basson (mes. 94-106). Dans l’Allegro giocoso, le hautbois tisse quant à lui sa surprenante arabesque écrite principalement en triolets dans un environnement binaire qui crée des rapports de 2:3 et de 3:4 avec les autres instruments.
1 Irving Fine compose également en 1949 une Romanza pour quintette à vent au chromatisme lyrique où se combinent harmonieusement néoclassicisme et dodécaphonisme.
2Carter, Elliott, « La musique et l’écran du temps » (1976), dans Carter, Elliott, La dimension du temps, seize essais sur la musique (traduit de l’anglais par Vincent Barras), Genève, Contrechamps, 1998, p. 168-169.
3 L’œuvre sera finalement créée le 21 février 1949 par Martin Orenstein (flûte), David Abosch (hautbois), Louis Paul (clarinette), Mark Popkin (basson) et Pinson Bobo (cor), lors d’un concert radiodiffusé organisé au New York Time Hall par la National Association for American Composers and Conductors.
4 “[Le Quinette] est écrit dans un style que les élèves de [Nadia Boulanger] étaient encouragés à utiliser au milieu des années 1930 et qu’à l’époque où j’étais étudiant je n’aimais pas.” (notre traduction). Note de programme du Quintette du 21 octobre 1981, Elliott Carter Collection, Paul Sacher Foundation, citée dans Meyer, Felix et Shreffler, Anne C., Elliott Carter: A Centennial Portrait in Letters and Documents, Woodbridge, The Boydell Press, 2008, p. 91.
5 Schiff, David, The Music of Elliott Carter, London, Faber and Faber, 1998 (2d éd. rév.), p. 96.
6Note de programme du Quintette non datée (notre traduction), Elliott Carter Collection, Paul Sacher Foundation, citée dans Meyer, Felix et Shreffler, Anne C., Elliott Carter: A Centennial Portrait in Letters and Documents, op. cit., p. 91
7 Voir Noubel, Max Elliott Carter, ou le temps fertile, Genève, Contrechamps, 2000, p. 143-144. Herzfeld, Gregor, « Carter, le quatuor à cordes et la notion de caractère musical » dans Noubel, Max (éd.) Hommage à Elliott Carter, Paris, Delatour, « Pensée musicale », 2013, p. 29-38.
8 Soderberg, Stephen, « At the edge of creation: Elliott Carter’s sketches in the Library of Congress », in Boland, Margaret et Link, John (éd.) Elliott Carter: Studies, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, p. 236-249. Les esquisses du Quintette sont disponibles en ligne sur le site de la Library of Congress https://www.loc.gov/resource/ihas.200181916.1?st=gallery
Max NOUBEL
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1 Introduction
En examinant l'historiographie musicale brésilienne, il est assez courant de trouver le terme « dodécaphonisme non orthodoxe » pour définir la musique pratiquée par les membres du groupe Música Viva (en particulier Hans-Joachim Koellreutter, Cláudio Santoro, César Guerra-Peixe, Eunice Katunda et Edino Krieger) dans la première moitié des années 1940. Cependant, ce terme récurrent n'est presque jamais accompagné d'explications systématiques, ce qui le fait se perpétuer sans autre réflexion. Après tout, quels seraient les éléments caractéristiques de cette hétérodoxie dans la pratique sérielle des compositeurs brésiliens mentionnés ? Dans quelle mesure leurs œuvres s'éloignent-elles des lignes directrices de la méthode dodécaphonique originale ? Y aurait-il vraiment un « dodécaphonisme brésilien », homogène parmi les membres du groupe Música Viva, ou s'agirait-il seulement de procédures de composition dodécaphoniques idiosyncrasiques ?
Ces questions ont motivé l'élaboration d'une étude analytique (ALMADA 2008), prise comme base pour cet article, qui a pour objectif essentiel de perfectionner le processus d'analyse original, en le soutenant par une méthodologie et des références théoriques actualisées et plus efficaces. Une prémisse originale, qui est maintenue ici et qui mérite d'être renforcée, concerne l'argument selon lequel l'étude n'a pas l'intention d'apporter la réponse définitive sur « ce qu’est » le dodécaphonisme brésilien non orthodoxe, ni même de suggérer des pistes dans cette direction, mais seulement de contribuer à sa meilleure connaissance, en proposant une approche systématique, visant à devenir un point de départ possible pour de futures explorations de la question.
Une difficulté inhérente à l'étude des activités du groupe Música Viva tient à la brièveté de la période dite dodécaphonique brésilienne et, par conséquent, au nombre relativement faible d'œuvres composées, si l'on compare avec les périodes précédentes et suivantes. Créé en 1939 par l'allemand Hans-Joachim Koellreutter (1915-2015), qui a immigré au Brésil en 1937, le groupe a dû faire face dès le départ à une forte résistance et à une opposition de la part des compositeurs nationalistes, ce qui a progressivement entraîné la dissidence de ses membres, notamment César Guerra-Peixe, qui allait devenir en outre un fervent opposant aux préceptes de Koellreutter. Santoro lui-même quittera le groupe après avoir participé au Deuxième Congrès des Compositeurs à Prague en 1946, dans lequel la soi-disant doctrine du « réalisme socialiste », idéalisée par le commissaire soviétique Andrei Zhdanov, serait diffusée aux participants comme un modèle d'expression artistique suffisamment « progressiste ». Étant un communiste engagé, Santoro s'est senti motivé à adopter, comme d'autres compositeurs présents au congrès, la nouvelle orientation esthético-idéologique qui, fondamentalement, encourageait le refus des processus de composition trop complexes, hermétiques et éloignés du goût populaire (comme la pratique atonale ou sérielle) en faveur d'un langage musical plus simple et « pur », et d'une communication plus directe avec le public, c'est-à-dire à la recherche d'une expression tonale ou modale, avec des phrases aux structures régulières, des rythmes familiers et qui s'inspirent de mélodies autochtones, en somme, nationaliste par essence. Assez minée dans ses bases philosophiques et compositionnelles, le Música Viva sera finalement dissoute après la publication dans certains des principaux journaux brésiliens d'une « lettre ouverte », écrite par l'un des compositeurs brésiliens plus renommés de l'époque, Camargo Guarnieri. Ce manifeste, d'une force rare, attaquait directement les propositions du groupe, jugées trop « cérébrales », « exotiques » et inconciliables avec le « vrai » esprit musical du compositeur brésilien. Avec la dissolution du groupe, l'esthétique nationaliste allait redevenir hégémonique sur la scène musicale brésilienne pendant près de trois décennies, mais la graine plantée par Koellreutter et ses disciples, bien qu'éphémère dans son existence, allait germer avec force et constance dans les temps à venir, devenant la base du contexte musical actuel dans le pays1.
2 Santoro et le cycle A Menina Boba
La méthodologie de ce travail est basée sur la comparaison entre les postulats essentiels de la méthode dodécaphonique de Schoenberg et les procédures de composition adoptées par Cláudio Santoro (1919-1989) dans la construction des chansons A Menina Exausta (La fille épuisée) et Asa Ferida (L'aile blessée), écrites en 1944 et appartenant au cycle A Menina Boba (La fille bête). La raison pour laquelle une œuvre de ce compositeur a été choisie comme étude de cas n'est point arbitraire, mais en réalité emblématique et significative. Santoro a été le premier nom de la plus grande importance à adhérer à la nouvelle technique de composition en douze sons qui, comme on le considère habituellement, aurait été introduite au Brésil par Koellreutter, son professeur en 19402. Santoro est aussi notoirement considéré comme le compositeur brésilien ayant le plus de succès dans la gestion de la méthode dodécaphonique3 (MARIZ, 1994, p.24), ce qui fait de son choix comme modèle d'étude (pour de futures comparaisons) une option presque naturelle et indispensable4.
Pour soutenir les analyses comparatives, basées sur la pratique schoenberguienne et la cartographie des processus créatifs sériels, des sources plus récentes, telles que BOSS (2014) et HAIMO (1990), seront utilisées. Les propres reflexions de Schoenberg, publiées dans la collection d'essais Style et idée (1950/1984), sont également employées, tout comme d'autres sources complémentaires, avec des éléments spécifiques pour l'argumentation proposée ici, à savoir LEIBOWITZ (1997) et PERLE5 (1962). Deux articles sont également pertinents pour ce travail, tous deux traitant des aspects de la phase dodécaphonique de Cláudio Santoro. Le premier d'entre eux (PALHARES, 2007) examine précisément l'une des chansons du cycle qui est analysée ici (A Menina Exausta), d'un point de vue structurel, esthétique et idéologique. Si les deux derniers sujets s'écartent de l'approche actuelle, leur brève analyse structurelle contribue à confirmer certains points importants de notre raisonnement. L'article de Sérgio Mendes (2007) propose une approche très similaire à cet ouvrage, en étudiant spécifiquement les liens entre la pratique dodécaphonique de Santoro et les normes de la méthode sérielle créée par Schoenberg, ce qui contribue à corroborer les résultats de la présente analyse, puisque l'auteur étend son étude à plusieurs autres œuvres de la phase dodécaphonique du compositeur.
Le cycle de chansons A Menina Boba, composé par Santoro à partir de poèmes de Oneyda Alvarenga6, a reçu le prix Commissaire Ernesto Dorneles, du Concours national de composition promu par l'Associação Rio-Grandense de Música, de Porto Alegre, en 1944 (la même année de sa composition). Selon Mariz (1994, p.40), A Menina Boba est la première composition de Santoro pour voix féminine et piano, subdivisée en cinq numéros7. La création a eu lieu à Buenos Aires en 1947, lorsque seules les deux chansons publiées, A Menina Exausta (n° 12) et Asa Ferida, ont été interprétées8. Son premier enregistrement (et - en l'absence d'autres références - probablement unique jusqu'à présent) n'aura lieu qu'en 1972, par RBM-Mannheim, contemplant les cinq pièces, interprétées par Carmen Wintenmayer et Fréderic Capon (piano). Les deux poèmes sont concis, en une seule strophe (A Menina Exausta n'a que cinq vers et Asa Ferida, neuf), ce qui influence certainement le traitement de la partie vocale de Santoro, qui se déroule en une ligne fragmentée, sans recours à des motifs (cette caractéristique est transmise, par conséquent, à l'écriture du piano)9.
3 Analyses
Compte tenu de l'espace restreint qui convient à un article, les données concernant les analyses des deux pièces seront présentées de manière bien résumée, et seuls les aspects pertinents pour cette étude seront sélectionnés : la gestion de la technique sérielle par le compositeur.
Avant de commencer à examiner proprement les passages, il est nécessaire d'introduire certains aspects et conventions adoptés dans l'analyse :
1. Au nom de la simplicité et de la clarté, les indications d'articulation, d'expression et de dynamique, ainsi que le texte de la partie vocale ont été omis dans les exemples ;
2. Conformément à la notation la plus courante et la plus consensuelle, les formes sérielles sont identifiées par la formule Xn, où X représente l'une des quatre structures canoniques P (originale ou droite), I (renversement ou mirroir), R (rétrograde), RI (rétrograde du miroir), et n est une classe de hauteurs (n = 0 à 11) qui correspond à l'élément initial de la forme en question ;
3. L'identification des composants des formes sérielles se fait toujours sous les portées par les classes de hauteurs, disposées en notation numérique et insérées dans des cercles (comme « sommets » des graphiques). Afin de faciliter l'accompagnement visuel de l'analyse, les séquences de classes de hauteurs cherchent à reproduire approximativement les contours mélodiques des événements musicaux correspondants10 ;
4. Les sommets avec des arêtes en pointillés indiquent des éléments sériels omis ;
5. Les sommets carrés et ombragés indiquent les éléments qui n'ont pas pu être attribués à une forme sérielle déterminée ;
6. La succession sérielle est indiquée par des lignes (ou « arêtes ») reliant les sommets. La fin d'une section ordonnée est indiquée par une flèche atteignant le dernier sommet ;
7. Les flèches courbes indiquent la présence d'intervalles de significations particulières ;
8. Les flèches pointillées indiquent la présence d'une « fausse relation d’octave » (concept qui sera précisé plus loin) ;
9. L'agrégat (c'est-à-dire le totale chromatique) est désigné par le symbole T. Toute incomplétude de l'agrégat est indiquée par la formule {T-i}, où i correspond au nombre de classes de hauteurs omises;
10. Le développement d'un forme sérielle complète est attesté par l'inclusion des éléments respectifs dans le polygone en ligne pleine. Les formes incomplètes (sérialisées ou non) sont délimitées par des zones grisâtres. L'agrégat ou ses sous-ensembles sont délimités par des polygones en pointillés.
3.1 A Menina Exausta
La forme originelle de la série dodécaphonique utilisée dans la pièce est présentée dans la figure 1.
Figure 1: forme originelle (P6) de la série de A Menina Exausta.
Étonnamment, à l’opposé de ce qui se passe dans la musique composée selon les principes de base de la méthode sérielle, la chanson de Santoro ne commence pas par une présentation explicite de la série, mais par un tétracorde formé par les classes de hauteurs sib, la, mib et mi naturel (m. 1-2), de structure symétrique, dont la forme première est représentée par (0167)11.
De telles notes qui, si elles étaient associées à l'ordre de la série originelle, formeraient la séquence 12-5-2-3, sont en fait les quatre premiers éléments d'un autre ordre du total chromatique, que l'on peut désigner, en l'absence d'un meilleur terme, comme une « série provisoire »12.
La figure 2 montre les composantes de cette série inhabituelle, avec leur segmentation 4+8. Pour des raisons analytiques, nous identifierons le tétracorde initial A et l'octocorde suivant comme B. Santoro commence la chanson par deux présentations séquentielles de la « série provisoire », la seconde étant une version transformée (figure 2b), dans laquelle les éléments de A sont échangés et les deux classes de hauteurs finales de B sont omises.
Figure 2: (a) « Série provisoire » segmentée en un tétracorde (A) et un octacorde (B) ; (b) version alternative du tétracorde (A') et réduite de l'octacorde (B').
La figure 3 analyse les huit premières mesures de A Menina Exausta. Après avoir présenté le tétracorde A au piano, subdivisé en dyades séparées par un intervalle de neuvième mineur (qui semble avoir un caractère essentiellement motivique), la ligne vocale complète la « série provisoire » en énonçant les éléments de B.
Simultanément, le piano présente la version permutée du bloc de départ (A'), dans un A presque rétrograde du miroir, dans lequel les directions et les types d'intervalles reliant les dyades sont renversés (9m →7M). Elle est suivie d'une nouvelle présentation de B, cette fois au piano lui-même, mais en omettant les deux derniers éléments de la « série provisoire ». Immédiatement après, enfin, la série « officielle » de la chanson (voir figure 1), identifiée comme P6, est présentée également au piano solo, dans une configuration en arpège avec un contour ascendant-descendant13.
Figure 3: A Menina Exausta, m.1-8
Trois reprises de P6 suivent, les notes étant réparties entre le chant et le piano (m.8-10), dont seule la première est complète (figure 4). La deuxième et la troisième ne présentent, respectivement, que les six et huit classes de hauteurs initiales : en omettant deux fois le complément du total chromatique, sans aucune raison constructive apparente, Santoro contredit l'une des normes les plus importantes de la méthode sérielle (comme nous le verrons, une telle procédure est assez récurrente dans les deux pièces analysées). Pour clore ce qui pourrait être considéré comme une première section de la chanson, le piano exécute une figure en octaves (m.11-12) avec une fonction de ponctuation claire14, en utilisant la transposition P3, qui est, une fois de plus, incomplète. L'analyse laisse trois moments énigmatiques sans explication précise : (1) la note initiale de la ligne de basse (sib), qui précède le cours normal de P6 ; (2) l'apparition d'un do naturel dans le chant (c.9), hors de l’ordre sériel, probablement une erreur de notation (il serait à la place du La naturel, le sixième élément de la série) ; (3) l'interpolation d'un Sol naturel entre les éléments 3 et 4 sur la ligne de piano dans la m.11.
À la m.13, dix notes sont présentées au piano qui ne semblent pas liées à aucune formation de la série, donnant l'impression d'avoir été choisies selon des critères purement euphoniques (elles sont donc considérées comme faisant partie de l'ensemble « agrégat moins deux », comme l'indique l'analyse). Ceci est confirmé par le début du troisième couplet, où se déroule une sorte de section centrale (m.14-18, incluant également la présentation du quatrième couplet15), dont le contenu harmonique ne se réfère à aucune des formes sérielles possibles : c'est comme si momentanément les relations fonctionnelles de base établies par la série avaient été suspendues (ce qui donne lieu à une analogie intéressante avec le processus de développement harmonique-digressif dans une œuvre tonale).
Figure 4: A Menina Exausta, m.8-13.
Cela semble se confirmer dans le passage suivant (m.14-18), comme le montre la figure 5. Elle commence par la présentation de l'agrégat, réparti entre le chant et le piano, dans un ordre totalement libre. Dans la m.16, ce qui semble être une nouvelle présentation de l'agrégat se révèle en fait être un traitement encore plus souple par rapport aux préceptes sériels. Non seulement le segment laisse l'ensemble chromatique incomplet (les classes de hauteurs 6 et 10 sont omises), mais il comprend également trois octaves mélodiques « irrégulières » (indiquées par des flèches dans la figure16).
Figure 5: A Menina Exausta, m.14-18.
La « normalité » dodécaphonique est partiellement rétablie juste après la conclusion de la phrase du chant, dans le bref interlude du piano précédant le cinquième couplet (m.19-20), maintenant en référence à la forme sérielle P3 (figure 6).
Figure 6: A Menina Exausta, m. 19-26.
Cependant, l'ordre sériel n'est pas présenté dans son intégralité dans un seul flux, mais distribué en trois blocs de tailles différentes qui gardent une relation de complémentarité (bien qu'avec quelques redondances).
La première phrase du cinquième couplet du chant (m.21-23) est construite avec l'hexacorde final de R3, dans son ordre strict, comme si elle complétait l'accord de la mesure 1917. L'accompagnement au piano est formé de deux segments : le premier sériel (bien qu'avec deux anticipations de l'ordre), basé sur le premier hexacorde de P8, complémenté par cinq classes de hauteurs en ordre libre (l'omission de l'une ne permet pas de former l'agrégat). Un long arpège ascendant dans la basse énonce le premier hexacorde de R3, qui semble compléter (avec la redondance du huitième élément) le deuxième bloc de l'interlude instrumental. Les cinq notes qui suivent l'arpège ne semblent pas être associées à une forme sérielle (indiquée par des points d'interrogation dans l'analyse). Un nouveau motif mélodique de huit notes à la main droite du piano (imité canoniquement deux octaves plus bas par la main gauche18) initie une articulation de l'ensemble chromatique en dehors de la logique sérielle. À cet octocorde s'ajoutent les deux notes finales du chant (sol et ré naturel) et un mi naturel aigu au piano19, qui se superpose à la récapitulation du tétracorde A (m.1-2), geste initial de la pièce, cette fois-ci comme un renversement du miroir strict.
3.2 Asa Ferida
Contrairement à la chanson précédente, Asa Ferida s'ouvre avec la présentation de la forme originelle de la série. Cependant, il ne s'agit pas exactement de la même série que A Menina Exausta, mais d'un arrangement distinct des douze hauteurs (bien que commençant également par la classe de hauteurs 6), ce qui contredit une fois de plus l'un des principes de la méthode dodécaphonique ; dans ce cas, celui qui détermine qu'une seule série doit être employée au cours d’une pièce, même si celle-ci est composée par plusieurs mouvements (comme c'est le cas ici). La comparaison entre les deux formes originelles (voir figure 7) révèle une forte identité entre leurs hexacordes, puisqu'il y a cinq classes de hauteurs en commun dans chacune d'elles20. Cela ne suggère pas un réarrangement aléatoire, mais un souci de la part de Santoro de faire en sorte que la deuxième série devienne une sorte de variante de la première.
Figure 7: Comparaison entre les séries de A Menina Exausta (a) et Asa Ferida (b). Les flèches pleines indiquent la permutation des numéros d'ordre au sein d'un même hexachorde. Les lignes pointillées indiquent les permutations dans des hexagones distincts. Les cercles identifient les éléments dont les ordres ont été préservés.
L'énonciation de P6, cependant, ne se fait pas sans irrégularités, comme le montre l'analyse de la figure 8. Après la présentation du premier hexacorde par le piano (m. 1-2), le chant commence comme un écho du dernier fragment de la main gauche, avec les classes de hauteurs sib et do, ce qui en soi dénote de fausses relations d'octave. De plus, au lieu de la répétition attendue de lab (n° 7 de la série), le couplet se termine par un long glissando qui s'appuie sur réb (n° 10)21. Une fois cette note atteinte, l'énonciation de la série est alors interrompue, immédiatement suivie d'une nouvelle présentation de P6, cette fois-ci entièrement au piano et complète (bien que contenant un réarrangement dans le premier hexacorde). Le segment se termine par un nouveau tour de l'hexacorde 1 de P6, tandis que la mélodie est formée par quatre notes librement choisies.
Figure 8: Asa Ferida, m. 1-4.
Comme pour continuer le dernier passage, le chant et le piano énoncent le deuxième tétracorde de P6 (figure 9), mais avec des vitesses différentes. Ayant achevé la présentation des six éléments précédents, l'accompagnement est alors, à partir de la deuxième moitié de la m. 5, à construire uniquement avec des notes (apparemment) librement choisies formant des sous-ensembles de l'agrégat, montrant clairement une subordination à la logique sérielle de la ligne du chant22. Après avoir complété P6, celle-ci énonce presque entièrement23 la forme renversée de la série (I6), qui est utilisée pour la première fois dans l’œuvre.
Figure 9: Asa Ferida, m. 5-10.
La deuxième section de la chanson (m. 11-15), qui couvre les sixième et septième couplets, est marquée par le recours à la technique de Sprechgesang24, qui coïncide avec l'introduction d'une nouvelle forme transposant la forme originelle, P5, au piano (figure 10). Toutefois, elle est présentée de manière intermittente (les huit premiers éléments, énoncés aux m. 11-12, sont répétés aux m. 13-14) et incomplète (la neuvième classe de hauteurs, sol naturel, est omise). Signalons également l'utilisation du motif de la neuvième mineure, qui ouvre et ferme cette petite section formelle à caractère digressif.
Figure 10: Asa Ferida, m. 11-14.
Sur l'accord fa#-do-réb, soutenu par la pédale du piano (et qui forme, non par hasard, le tricorde 3-5, sous-ensemble de 4-9), le chant énonce partiellement la forme RI11, en omettant trois éléments (et en répétant, en fausse relation, la classe de C), comme le montre la figure 11. Ensuite, reprenant une procédure utilisée dans A Menina Exausta, Santoro introduit dans la main droite du piano un arpège ascendant en octaves25 doublées par la main gauche. Les quatre notes initiales de cette figure forment non seulement le groupe omniprésent 4-9, mais correspondent également au tétracorde final de la série originelle (désigné comme t3 dans l'analyse)26. De même, les autres composantes de la série peuvent être interprétées comme formant les deux autres tétracordes (t1 et t3) qui, avec quelques libertés dans leurs organisations internes, sont ici traitées comme des segments autonomes27.
Figure 11: Asa Ferida, m. 15-17.
Il est assez intéressant de voir comment le compositeur, en expérimentant avec la manipulation de la série, finit par anticiper une des procédures découvertes par Schoenberg (à laquelle Santoro n'avait certainement pas accès) et employées dans la construction de ses œuvres sérielles, consistant en une technique nommée par Jack Boss (2014, p. 66-67) « échange tétracordal » (tetrachordal exchange). D'autre part, le manque de cohérence dans l'utilisation de la procédure, sans une articulation claire concernant la segmentation formelle, la relègue à un rôle secondaire, comme une expérience sans conséquences ou implications majeures sur le processus de composition dans son ensemble.
Figure 12: Asa Ferida, m. 18-23.
La troisième et dernière section (figure 12) rétablit la normalité du chant, qui commence le huitième couplet sans accompagnement. La segmentation tétracordale de P6, introduite dans la section précédente, est ici reproduite avec un plus grand degré de liberté avec l'omission de l'avant-dernier élément de la série. L'accompagnement du piano semble résulter d'un autre type de segmentation, cette fois dans la configuration 5 + 7, qui est appliquée sous deux formes sérielles différentes, P3 et R9 (celle-ci incomplète28). Comme une brève coda en écho, Santoro répète l'accord de la m. 2229 une octave plus bas, en le contextualisant harmoniquement d'une manière différente, avec des classes de hauteurs non sérialisées, en profitant pour ajouter les deux omises dans la présentation de R9 (Fa# et Sol naturel), comme l'indiquent les lignes pointillées dans l’exemple.
Bien que ce segment ne soit pas identique à la fin « atonale » (et à l'introduction) de A Menina Exausta, il est possible de voir ici une procédure analogue : l'abandon de la série au profit de la construction de la coda de la pièce.
Conclusions
En se basant sur l'organisation sérielle des deux chansons, il est possible d'énumérer les caractéristiques suivantes trouvées dans l'analyse, quasiment toutes allant à l'encontre de certaines normes de la méthode sérielle30 :
1. Présentation ambiguë de la série (dans la première pièce se déroulant uniquement à la sixième mesure et dans la seconde, de manière elliptique, avec des notes omises) ;
2. L'emploi d'une série dérivé de la série principale dans la deuxième pièce du cycle ;
3. Les formes sérielles employées ont presque toujours fait l'objet d'un échange de notes, transformant l'exception en règle ;
4. Absence de symétrie dans la manipulation des formes sérielles ;
5. Indifférence à l'égard de la complémentarité du totale chromatique ;
6. Utilisation indiscriminée de « fausses relations d’octave » sous divers aspects, outre le doublure d'octave ;
7. Alternance de passages sériels et non sériels (ou « atonaux »), apparemment dans un but expressif ;
8. Peu de variété dans l'exploitation des formes sérielles « classiques » disponibles (c'est-à-dire excluant les segments désordonnés utilisés). Il est évident qu'il existe un déséquilibre dans le traitement et le choix des sources sérielles (surtout si l'on considère la brièveté des pièces) : entre le très divers (qui conduit à l'incohérence) et son extrême opposé (qui conduit à la monotonie). En outre, il ne semble pas que le choix des formes ait suivi des critères pré-compositionnels ;
9. Bien que cela soit suggéré à certains moments de l'œuvre (toutefois, de façon presque fortuite), Santoro n'explore pas systématiquement la segmentation de la série (en hexacordes, tétracordes, etc.) afin d'obtenir une plus grande variété de construction. Plus important encore, la segmentation sérielle n'est pas clairement articulée avec la segmentation macro ou microformelle (comme on l'observe dans la pratique des compositeurs de la deuxième école de Vienne) ;
10. L'absence de tout emploi simultané de deux ou plusieurs formes sérielles différentes. Ce type d'association sérielle, nomée par Milton Babbitt « combinatorality » (PERLE, 1962, p.100), permet une grande souplesse dans la composition dodécaphonique, en élargissant considérablement le nombre de possibilités de combinaisons et en permettant, en même temps, la composition d'œuvres de grande ampleur orchestrale et de grande extension, ce qui réduit le risque de monotonie qui peut résulter de l'emploi d'une seule forme à la fois. Dans le cas de ces chansons, le déroulement d'une série est généralement envisagé avec des sous-ensembles de l'agrégat (c'est-à-dire avec des classes de hauteurs librement choisies) ou des segments sériels présentant plusieurs réarrangements.
D'autre part, il est nécessaire de souligner que l'analyse révèle également certaines procédures qui, bien que de manière quelque peu incohérente et erratique, sont en accord avec des techniques sophistiquées de manipulation sérielle31, issues de la pratique schoenbergienne (notamment, « l'échange tétracordal »), suggérant un esprit créatif et une intuition très aiguisée. Une autre caractéristique de la pratique sérielle de Schoenberg qui semble également être expérimentée par Santoro (bien que d'une manière timide) est l’adaptation de la méthode aux besoins motiviques (comme l'indique l'utilisation mélodique de l’intervalle de neuvième mineur et du tétracorde 4-9)32. Ainsi, la possibilité que de telles expérimentations (ou d'autres) soient également pratiquées dans d'autres œuvres du répertoire se révèle être une bonne source à explorer dans de travaux futurs.
En tout cas, selon les objectifs initialement énoncés, il est possible de conclure que, en termes rigoureusement stricts, soutenus par les postulats de la méthode de composition à douze sons, le dodécaphonisme pratiqué par Santoro dans le bref cycle de chansons analysé est imprécis et superficiel. Cela n'affecte en rien la qualité artistique intrinsèque de ces miniatures, compositions d'une beauté sonore et équilibrées dans leur structure. La question de savoir si ces prédicats se réfèrent uniquement à l'étude de cas examinée ici ou s'ils couvrent l'ensemble de l'œuvre de la période dodécaphonique/atonale de Santoro (ou s'ils peuvent d'une manière ou d'une autre être généralisés et étendus à d'autres compositeurs du groupe) est une question ouverte qui nécessitera encore une évaluation approfondie dans un moment opportun33.
Bien que ces premières considérations laissent entrevoir un apprentissage possiblement peu cohérente par rapport à la méthode schoenbergienne34, tant en ce qui concerne ses contraintes que ses innombrables possibilités, on ne peut ignorer que les désaccords musicaux observés (ou du moins une partie d'entre eux) pourraient également être mis à la discrétion de Santoro, révélant un esprit anticonformiste face à des attaches très rigides (au moins dans sa conception), dans la recherche d'un style sériel particulier, plus souple35. Le plus plausible est peut-être de considérer une combinaison des deux hypothèses, pas nécessairement à poids égal, qui ne peut être, bien sûr, confirmée ou réfutée qu'avec l'approfondissement des études analytiques suggérées ici.
Références
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TARUSKIN, Richard. Music in the Early Twentieth Century. Oxford: Oxford University Press, 2010.
1 Pour plus de détails sur le groupe Música Viva, voir NEVES (1981, p.119-162). Pour un aperçu intéressant de la musique dodécaphonique en Amérique latine, qui, étonnamment, a des trajectoires assez similaires dans plusieurs pays, voir PAZ (1976, p.377-401).
2 Selon Carlos Kater (2001), à partir d'entretiens avec Koellreutter, bien que ce dernier soit souvent considéré comme le « père » du dodécaphonisme au Brésil, Santoro aurait été la véritable inspiration du mouvement lorsqu'il a présenté à l'examen de Koellreutter l'une de ses premières compositions - la Symphonie pour deux orchestres à cordes - avec l'intention de devenir son élève. En commentant que la pièce comportait « quelques passages organisés de manière sérielle » (ibid, p.107), Koellreutter aurait alors éveillé chez son nouveau disciple le désir d'en savoir plus sur le sujet, initiant ainsi un apprentissage systématique de cette technique. Toujours selon Kater, les compositions de Koellreutter avant cet épisode ont été écrites dans un langage essentiellement tonal, dans un style proche de celui de Paul Hindemith, un de ses professeurs.
3 José Maria Neves (1981, p.99) affirme que Santoro est devenu « le premier compositeur brésilien à appliquer correctement la technique dodécaphonique. »
4 C'était aussi une motivation importante dans le choix : le fait que l'œuvre en question comportait plus d'un mouvement (un aspect qui se révélera important au cours de cette œuvre); le fait d'avoir été composée en 1944 (l'année de grande fécondité artistique du compositeur); d'avoir été récompensé et d'être l'un des rares de la période sérielle à avoir été publié et enregistré (une grande partie des œuvres dodécaphoniques - ou considérées comme telles - des compositeurs du Groupe Música Viva reste inédite, en attente d'éditions et d'enregistrements), ce qui lui confère en soi une plus grande importance par rapport à sa réception par le public et la critique.
5 On peut également citer d'autres études comme littérature complémentaire : RUFER (1954), HAIMO (1997), COVACH (2002), STRAUS (2005) et TARUSKIN (2010).
6 Oneyda Alvarenga (1911-1987) était une folkloriste et critique musicale, ayant collaboré avec Mário de Andrade dans ses recherches sur les expressions musicales populaires dans plusieurs régions du Brésil.
7 Le catalogue contient des références à quatre versions du poème A Menina Exausta (numérotées 1, 2, 3 et 12, cette dernière étant celle sur laquelle se concentre le présent article) et une pour Asa Ferida (numéro 4).
8 En 1971, à Mannheim (Allemagne), les numéros 1, 2 et 3 du cycle ont été présentés pour la première fois.
9 Il est important d'ajouter que dans aucune de ces pièces, il n'y a d'allusion aux rythmes brésiliens, que ce soit dans le chant ou au piano.
10 Ce système graphique est librement adapté d'après la méthodologie proposée par Jack Boss (2014) pour l'analyse de la musique dodécaphonique de Schoenberg.
11 Ou 4-9, dans la notation proposée par Allen Forte (1973).
12 Le choix de ces notes semble avoir été guidé uniquement par une préférence mélodique du compositeur pour cet extrait spécifique, détaché des obligations imposées par la série « principale ». Il s'agit donc d'une nouvelle « subversion » par rapport aux principes fondamentaux du dodécaphonisme, qui déterminent qu'une seule série doit être utilisée au sein de chaque pièce. Après tout, ce sont les relations entre les hauteurs consécutives de la série - c'est-à-dire les séquences des intervalles - qui représentent les fonctions structurelles qui régissent la construction harmonique de l'œuvre - en dernière analyse, sa structure syntaxique.
13 Palhares (2007, p. 5-7) interprète la situation d'une manière un peu différente, considérant l'existence dans la chanson de deux séries. Cependant, en l'absence de précisions supplémentaires de la part de l'auteur, les deux semblent avoir une relevance hiérarchique identique. D'une manière ou d'une autre, ce fait représente un désaccord assez net avec le paramètre décrit dans la note précédente.
14 Voici une nouvelle divergence par rapport à l'un des préceptes les plus importants de la méthode de composition avec douze sons. C'est la nécessité d'éviter l'utilisation de l'intervalle d'octave, au risque d'accentuer une note en particulier, qui pourrait ainsi, hiérarchiquement, être perçue comme une sorte de centre tonal. Évidemment, ce n'est pas le cas de la section en question, où le doublure d'octave se présente clairement comme une ressource plutôt orchestrale/timbristique qu'exactement harmonique. On sait que Schoenberg lui-même, à partir de son Concerto pour piano op.42, a commencé à utiliser cette ressource dans ses œuvres dodécaphoniques. Bien qu'il soit théoriquement possible de tracer une ligne d'influence entre Schoenberg et Santoro, compte tenu des dates de composition des deux oeuvres (1942 pour le Concert et 1944 pour les chansons), il est peu probable que cela se soit réellement produit, compte tenu des difficultés de transmission d’information de l'époque (encore plus concernant ce type de langage musical) - au milieu de la Seconde Guerre mondiale. Par conséquent, si on l'observe sous l'angle d'un dodécaphonisme « primitif » strict (qui aurait très probablement été le modèle inspirateur des enseignements de Koellreutter), le doublure - que ce soit un renforcement ou non - doit être considéré davantage comme une infraction aux règles (bien qu'avec des conséquences moins importantes). Nous verrons plus tard d'autres emplois de l'octave qui affectent - en effet - la structure syntaxique de la construction en série.
15 On pourrait peut-être spéculer qu'il s'agit là du « développement » d'une forme-sonate compacte et schématique, même si la chanson est dépourvue de références thématiques et tonales.
16 Perle considère qu'une telle circonstance est « analogue à la fausse relation dans la musique tonale » (PERLE, 1962, p.109). Charles Rosen déclare que de telles octaves « provoquent une confusion inacceptable et constituent également une menace pour la méthode d'organisation elle-même ; (...) constitue une erreur grammaticale si grave qu'elle peut détruire le sens ». (ROSEN, 1983, p.102). Sur la question des « fausses relations d’octave », voir aussi les commentaires de René Leibowitz (1997, p.298-300). L'utilisation des octaves en fausse relation ne doit pas être confondue avec les répétitions de hauteurs (certaines présentes dans le passage sont indiquées dans l'analyse), un recours compositionnel légitime selon les fondements de base de la méthode sérielle.
17 Cependant, comme le montre l'analyse, la complémentation se fait déjà sur le piano lui-même. L'hexacorde de la ligne vocale crée l'attente, à son tour, d'une nouvelle présentation du total chromatique qui, cependant, n'est pas réalisée. Une telle façon elliptique (et en même temps redondante) de traiter le développement sériel apparaît donc comme l'une des caractéristiques de l'écriture dodécaphonique de Santoro.
18 Ici se produit une autre rupture par rapport à un « postulat » de la méthode dodécaphonique, concernant le problème de l'intervalle d'octave : la présentation simultanée d'une même note provenant de deux formes sérielles différentes.
19 Formant à nouveau le sous-ensemble {T-1}, avec l'omission de la classe de hauteur 1.
20 La nouvelle série donne naissance à une nouvelle propriété très intéressante (qui semble ne pas avoir été explorée par Santoro) : les deux formes sérielles P et RI sont associées
21 En revanche, l'intervalle de 7M descendant semble être associé motiviquement au fragment A' de A Menina Exausta, apportant un nouvel élément de cohérence (non sériel) à l'ensemble de l'œuvre. Remarquablement, dans la m.4, le piano introduit apparemment une autre référence à la chanson initiale, au moyen du tétracorde 4-9 (voir la zone en gris dans la figure 8), correspondant aux éléments numérotés de 9 à 12 de P6. On peut se demander si la transformation de la série dans la deuxième chanson n'aurait pas été motivée par la nécessité de former le tétracorde.
22 Cependant, la présence de plusieurs formations du tétracorde 4-9 avec des notes contiguës suggère que ce choix peut aussi avoir été partiellement conditionné à la possibilité d'appartenance à cet ensemble.
23 En plus d'anticiper l'ordre du sixième élément, Santoro omet la douzième classe de hauteur de I6, le Fa naturel.
24 C’est-à-dire, le chant parlé, technique élaborée par Schoenberg dans son Pierrot Lunaire, op.21. Une observation imprimée sur la première page de la partition précise que « la partie récitée doit être interprétée comme une chanson parlée, en essayant de rester dans l'ambitus indiqué et en respectant les accidents ». D'après ce que l'on comprend de cette observation, l'ambitus mentionnée varie de « l’unisson » (m.11-12) à la quinte juste, alterné avec l'intervalle du quarte juste (m.13-15). Plus précisément, ce dernier passage problématise l'analyse : la ligne mélodique étant insuffisamment déterminée, comment référer ses événements de hauteur à une forme sérielle ? De ce fait, la mélodie liée au Sprechgesang ne sera pas prise en compte pour la cartographie sérielle. En tout cas, nous avons ici une nouvelle « subversion » par rapport aux principes les plus fondamentaux de la méthode dodécaphonique, à savoir la superposition de deux façons non congruentes d'organisation des hauteurs.
25 Quinzièmes, plus précisément.
26 En filigrane, il est intéressant d'observer comment le retour de P6 est cohérent avec l'entrée de la section finale de la pièce, comme s'il révélait une intention de récapitulation dans la « région tonique ».
27 Le Lab grave à la fin de la m.15 reste sans une explication nette, selon la logique sérielle.
28 Il convient de mentionner le saut énigmatique d'octave Ré-Ré dans la main gauche (m. 19-20), une fausse relation assez évidente (dans ce cas dans une autre modalité, dans la même ligne mélodique) et qui, apparemment, n'est pas justifiée en termes structurels (l'hypothèse d'une erreur de notation est tout à fait plausible).
29 Tétracorde (0126) ou 4-5.
30 En raison des particularités de la méthodologie adoptée dans cette étude, les caractéristiques décrites sont essentiellement "négatives". (c'est-à-dire en désaccord avec ce que prêchent les postulats sériels), ce qui n'implique en aucun cas un jugement de valeur sur la qualité musicale des œuvres analysées, et encore moins sur la compétence compositionnelle de Santoro.
31 Il est important de rappeler que la cartographie systématique de telles techniques est assez récente, à partir des efforts de théoriciens tels que Ethan Haimo (1990) et Jack Boss (2014), entre autres.
32 Pour une approche analytique approfondie sur cet aspect dans les œuvres de Schoenberg, voir HAIMO (1990).
33 En ce sens, les conclusions recueillies par Mendes (2007, p. 11), à partir de son analyse de plusieurs autres œuvres dodécaphoniques de Santoro, sont particulièrement significatives, elles sont assez proches de celles présentées ici.
34 Ceci est confirmé par les déclarations de Kollreutter sur son propre bagage théorique en matière de technique sérielle (voir les commentaires dans la note de bas de page 1 de cet article).
35 Comme, d'ailleurs, le cherchaient également d'autres compositeurs européens de l'époque, non directement rattachés à la Seconde École de Vienne, tels qu'Ernest Krenek, Luigi Dallapiccola et Luigi Nono, entre autres.
Carlos de ALMADA LEMOS
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Les concerts distants laissent présager une toute nouvelle façon de faire de la musique ensemble, comme le montrent depuis un an, chaque semaine, les quarantine sessions en “audio faible latence” pilotées par le CCRMA à Stanford. Parmi ces nouvelles pratiques distribuées (au sens informatique du terme), DRAWSOCKET pose la question de la notation. Grâce à l’initiative de Georg Hajdu, lors d’un premier concert en 2019 à Hambourg, ce système a servi à distribuer en temps réel des partitions à 144 musiciens lors de la création de la Symphonie du St. Pauli Elb Tunnel (captation du 4ème et dernier concert). Cet article décrit en détail l’implémentation de cet outil. Nous traduisons ici la première partie, qui s’achève sur le prototypage d’une première API (interface de programmation d’application), que l’auteur nomme “List-oriented API”. Nous verrons au prochain numéro que les limites de ce première tentative ont conduit les auteurs à élaborer par la suite une seconde API, “Object-oriented API”, qui s’est avérée à la fois plus performante et lisible.
De droite à gauche, Rama Gottfried, Georg Hajdu et Jacob Sello
en préparation de la Symphonie St. Pauli Elbtunnel
ABSTRACT
Nous présentons DRAWSOCKET, un nouvel outil permettant de générer des partitions animées et les synchroniser entre elles. Basé sur le navigateur web et un ensemble de terminaux connectés en réseau (ordinateurs, téléphones, tablettes…), DRAWSOCKET est développé à la Hochschule fur Musik und Theater de Hambourg. Conçu comme un système de rendu graphique destiné à des contextes de création musicale et de performance in situ, DRAWSOCKET fournit une interface unifiée pour le contrôle de diverses fonctionnalités médias des navigateurs web, elles-mêmes utilisables de façons multiples. En donnant accès aux données de la souris du navigateur, aux gestes multitouch, ou encore à la possibilité de créer dynamiquement des méthodes de callback définies par l'utilisateur, le système DRAWSOCKET vise à fournir un outil flexible pour la création d'interfaces graphiques utilisateur (GUI). L'article comprend une discussion sur le processus de conception et de développement de l'architecture, suivie d'un aperçu des caractéristiques et des considérations syntaxiques de l'API DRAWSOCKET.
1. DRAWSOCKET
L'approche de conception de DRAWSOCKET est basée sur le paradigme "o.io", développé au Center for New Music and Technology (CNMAT) de l'Université de Californie à Berkeley,
qui utilise l'encodage OpenSoundControl (OSC) [1] pour créer une interface de programmation d'application (API) uniforme pour l'utilisateur (API) en enveloppant (wrapping) les détails spécifiques aux fournisseurs et aux protocoles dans une syntaxe d'API interopérable [2, 3]. De cette façon, le système système DRAWSOCKET est un wrapper "o.io" pour l'affichage et l'interaction avec les navigateurs web, visant à fournir une homogène pour manipuler les éléments graphiques de base des Scalable Vector Graphics (SVG) 1, les feuilles de style en cascade (CSS) 2, du langage de balisage hypertexte (HTML) 3, et d'une collection de bibliothèques JavaScript client pour l'animation et la production sonore.
1.1 Aperçu de l'architecture
L'architecture de DRAWSOCKET est structurée comme un système serveur-client, utilisant Max. 1 comme interface principale du contrôleur. À partir de Max, les messages de contrôle sont envoyés aux navigateurs des clients via un serveur Node.js 5, qui router les messages par une adresse client donnée. Les messages sont ensuite analysés et exécutés dans le navigateur client, pour générer du contenu ou effectuer d'autres actions.
Le choix de Node.js pour le backend du serveur a été particulièrement pratique en raison du Node Package Manager (NPM), qui est fourni avec Node.js, permettant à DRAWSOCKET de tirer parti de la communauté active de développement de bibliothèques Javascript pour les outils d'affichage navigateur et de communication entre ordinateurs [4]. En outre, NPM fournit une méthode pratique pour gérer les dépendances des bibliothèques, via
le système package.json.
Dans l’effort de s'adapter à de plus grands groupes de clients fonctionnant à partir du même serveur, un système de gestion de type modèle-vue-contrôleur [5] a été mis en place pour séparer les processus. Le serveur est utilisé principalement pour relayer et mettre en cache (mémoire) les commandes de dessin, tandis que l'implémentation du dessin est confiée aux navigateurs clients, qui sont devenus très efficaces grâce aux récents développements de l'informatique mobile. [6]. Voir la figure 1 pour un schéma d'ensemble du système.
Figure 1. Architecture serveur/client DRAWSOCKET.
1.2 Contrôleur
Max: actuellement la principale plateforme de contrôle du serveur est Max, qui fournit de nombreux outils de communication et d’algorithmique. Depuis la sortie de Max 8, Max inclut le framework Node For Max (N4M) 6 qui intègre le server engine Node.js dans l'environnement de programmation Max, accessible par un ensemble d'objets Max.
Les premières versions du système DRAWSOCKET utilisaient une application Node.js indépendante fonctionnant à partir du terminal et d'un protocole UDP (User Datagram Protocol) 7
par websocket pour envoyer et recevoir des paquets d'OSC vers et depuis Max, qui étaient ensuite diffusés aux clients. Cependant, après avoir comparé par références de mesures des aller-retour entre Max et node.js, le système N4M s'est avéré plus rapide, et nous avons donc adopté cette plateforme comme cas d'utilisation principal. Cependant, le système DRAWSOCKET est bien compartimenté, et pourrait donc être facilement reconfiguré pour être utilisé avec d'autres applications de contrôle.
Dans Max, le script serveur Node.js de base, drawsocketserver.js, est exécuté dans l'objet node.script de Max. Pour des raisons de commodité, l'objet node.script est enveloppé dans une abstraction Max appelée hfmt.drawsocket qui facilite la gestion du serveur et traite les messages d'interaction avec l'utilisateur provenant du client (voir section 2 pour plus de détails).
Représentation OSC-JSON. Les données DRAWSOCKET sont formatées comme un arbre clé-valeur, qui dans Max peut être représenté soit en OSC, soit en format Max Dictionary, les deux pouvant être facilement transformés en JavaScript. Max, les deux pouvant être facilement transformés en JavaScript Object Notation (JSON). 8 Voir la section 3 ci-dessous pour une description approfondie de la syntaxe de messages DRAWSOCKET.
1.3 Serveur
Node.js. Le serveur Node.js se compose de quatre processus principaux :
(1) un serveur HTTP Express, 9
(2) un gestionnaire de connexion WebSocket 10
(3) la mise en mémoire temporaire de l'état (state caching), et
(4) la gestion des messages du client (soit en les transférant vers
l'environnement hôte (host) Max ou répondant au client, comme dans le cas de la synchronisation de l'horloge et de la synchronisation sur le réseau.
Express. La librairie Express JS est utilisée pour créer le serveur et traiter les requêtes HTTP (HyperText Transfer Protocol) 11 des navigateurs clients. Par défaut, le serveur répond à toutes les demandes de pages avec un fichier HTML par défaut qui contient la configuration de base nécessaire pour la plupart des utilisations du système DRAWSOCKET, contenant des liens vers les bibliothèques JS dépendantes, les polices de caractères, et une feuille de style CSS par défaut.
Si une page HTML personnalisée est souhaitée, l’utilisateur peut envoyer le message “modèle html” depuis l'interface Max, pour définir un nouveau fichier HTML par défaut.
Le serveur Express utilise un dossier racine public statique, qui expose un chemin de dossier sélectionné que les clients peuvent utiliser pour charger des fichiers. Pour définir le dossier racine public, les utilisateurs peuvent définir le chemin du dossier racine html comme argument d'initialisation à l'abstraction hfmt.drawsocket. La configuration du système par l'utilisateur est décrite plus en détail dans la section 2.
WebSockets. Les WebSockets sont utilisés comme principal protocole d'échange de communication entre le serveur et le client. Le serveur accepte les demandes WebSocket des navigateurs clients et inscrit les clients pour qu'ils reçoivent des messages adressés à l'URL (Uniform Resource Locator) de leur navigateur.
Les messages de contrôle sont composés dans Max sous la forme de paquets OSC ou de dictionnaires Max sont reçus en format JSON par le serveur, puis acheminés aux clients identifiés par l’adresse web URL correspondante. 12
URL state caching/Mise en cache de l'état de l'URL. Lors de la réception de messages de contrôle adressés à une nouvelle URL, le serveur transmet d'abord les messages via WebSocket à l'adresse URL spécifiée, puis envoie une copie du message au système de cache d'état. Lors d’une nouvelle connexion WebSocket, le client demande l'état actuel de son URL à partir du cache du serveur. Ce site fournit un mécanisme permettant de précharger un ensemble de commandes de dessin sur une URL donnée, de sorte que lorsqu'un utilisateur charge la page pour la première fois, ou qu'il appuie sur la touche de rafraîchissement, l'état actuel de l'URL est affiché.
Messages de retour du client. La connexion WebSocket est bidirectionnelle, et est utilisée pour traiter les messages du client : répondre aux demandes de synchronisation de l'horloge, aux demandes d'initialisation, et transmission des informations d'interaction de l'utilisateur à Max.
Port de connexion. Au démarrage, le serveur fournit son adresse IP et son port de connexion à l'environnement Max. Les clients peuvent se connecter à distance via l'adresse IP du réseau, ou s'ils sont sur le même ordinateur, utiliser l'identifiant localhost, suivi du numéro de port (actuellement 3002 par défaut), séparés par deux points (par exemple http://localhost:3002).
1.4 Client
S'exécutant à l'intérieur d'un navigateur web, le composant côté client du système DRAWSOCKET gère les commandes de dessin et de génération de son, la synchronisation de l'horloge et la surveillance des événements de l'interface utilisateur.
Navigateur web. Actuellement, le système cible Safari et
Chrome. Au moment où nous écrivons ces lignes, le support de la fonctionnalité SVG 2 de Firefox est en retard sur les deux précédents. D'autres navigateurs peuvent également fonctionner, mais ne sont pas actuellement testés.
Mise en page. La disposition centrale d'affichage du navigateur consiste en un nœud (node) HTML <div>, qui contient un élément <svg>, et un nœud de groupe SVG >g>.
<div id=''main-div''>
<svg>
<defs id=''defs''></defs>
<g id=''main-svg''></g>
</svg>
</div>
Le formatage par défaut des éléments de base de la page est configuré dans le fichier drawsocket-defaults.css. Lorsque les utilisateurs ajoutent des éléments SVG, ils sont ajoutés au groupe "main-svg". Les utilisateurs peuvent également créer de nouveaux groupes SVG et ajouter des éléments à ces nouveaux groupes, pour contrôler l'ordre d'empilement, décrit plus en détail ci-dessous.
Librairies. DRAWSOCKET utilise actuellement les bibliothèques Javascript côté client suivantes, toutes disponibles à partir de NPM :
D3.js, 13 une bibliothèque pour la visualisation d'informations SVG. 14
PDF.js, 15 une bibliothèque de visualisation de PDF développée par Mozilla, qui prend en charge la lecture, la visualisation et la tourne de pages.
Tone.js, 16 une bibliothèque audio pour le web développée par Yotam Mann. Actuellement, DRAWSOCKET utilise Tone.js pour fournir une fonctionnalité de base de lecture de fichiers sonores, qui pourra être étendue par la suite.
Timesync.js, 17 une bibliothèque de synchronisation d'horloge, utilisée dans DRAWSOCKET pour synchroniser les animations et fournir un mécanisme pour les commandes temporisées.
TweenMax et TimelineMax, issus de la GreenSock Animation Platform (GSAP), 18 un système très performant pour l'animation JS et CSS.
Script côté client. Le script qui s'exécute côté client s'appelle drawsocket-client.js et gère la logique de traitement des commandes du système et son exécution dans le navigateur.
Au chargement, le script demande d'abord une nouvelle connexion WebSocket au serveur en indiquant l'adresse URL du navigateur au serveur via l'identificateur d'URL WebSocket (par ex. ws://localhost:3002/violin). Une fois la connexion WebSocket établie, le script lance le processus de synchronisation de l'horloge qui s'exécute en arrière-plan sur le système client, demandant de nouvelles lectures d'horloge au serveur à intervalles réguliers 19. Une fois la synchronisation initiale de l'horloge terminée, le script envoie une demande d'initialisation d'état au serveur, à laquelle le serveur répond avec une séquence de commandes correspondant à l'état actuel du client OSC donné.
Le traitement central des commandes est effectué par la fonction drawsocket, qui analyse un tableau d'objets de commande étiquetés dans le temps et exécute les manipulations graphiques et sonores correspondantes dans le navigateur. La fonction drawsocket attend un ou plusieurs objets avec une clé, une valeur et une étiquette temporelle.
paires clé-valeur :
{
timetag : heure actuelle (fournie par le serveur),
key : chaîne de commande
val : arguments de commande
}
En général, ces objets sont formatés dans le serveur Node.js
à partir des messages de commande de l'API reçus via Max, mais ils peuvent également être créés par des scripts d'utilisateur appelés à partir d’observateurs d'événements (event watchers).
2. CONFIGURATION DE L'UTILISATEUR DRAWSOCKET
L'interface de DRAWSOCKET est conçue pour être utilisée dans Max, elle est distribuée sous la forme d'un package Max, actuellement hébergé sur GitHub à l'url suivante :
https://github.com/HfMT-ZM4/drawsocket
Pour l'installer, les utilisateurs téléchargent le package et le placent dans le dossier Packages de Max. Une fois installé, les utilisateurs peuvent instancier le système DRAWSOCKET en créant un objet hfmt.drawsocket dans un patch Max.
Les bibliothèques de dépendance NPM ne sont pas distribuées avec le paquet, donc lors du premier chargement de hfmt.drawsocket, vous devez envoyer à l'objet le message "script npm install" qui demande à NPM de télécharger toutes les dépendances listées dans le fichier packages.json du projet node. 20
Définition du dossier public. Comme mentionné ci-dessus, par défaut le serveur DRAWSOCKET répond aux demandes de pages URL HTTP avec une page HTML par défaut. Des pages HTML personnalisées, et/ou d'autres types d'actifs peuvent également être servis au client à partir d'un dossier public racine statique.
Le dossier racine public est une méthode couramment utilisée pour contrôler l'accès des clients aux dossiers du serveur, et peut être défini dans Max en fournissant le chemin relatif vers le patch Max de l'utilisateur en tant que comme argument à l'objet hfmt.drawsocket. Ce système permet aux utilisateurs d'organiser leur projet de manière mobile, facilement déplacé ou installé sur un nouveau système.
Au sein de l'abstraction hfmt.drawsocket, il existe un script d'aide appelé startscript.js qui récupère le chemin du dossier du patcher de l'utilisateur de l'utilisateur et transmet les informations de chemin comme argument à l'objet node.script au démarrage. 21 Par défaut, le dossier contenant le patch de l'utilisateur est utilisé comme dossier public racine, cependant, les utilisateurs peuvent souhaiter choisir un dossier différent. Par exemple, en définissant le chemin "public html", DRAWSOCKET s'attend à ce qu'un dossier appelé "public html" se trouve situé dans le même dossier que le patch Max qui exécute le programme contenant l'abstraction hfmt.drawsocket, et s'il est trouvé, il utilisera ce dernier comme dossier racine public.
Dans les projets de large envergure, il est souvent pratique de trier les ressources dans des dossiers séparés pour les images, les fichiers sonores etc... Par exemple si l'utilisateur souhaite charger un fichier image appelé "foo.jpg" situé dans un sous-dossier /public html/images, il assignera ce fichier à l'adresse /images.jpg.
3. L'API DRAWSOCKET
L'API (application programming interface) DRAWSOCKET s'est développée de manière organique au fur et à mesure que des fonctionnalités ont été ajoutées au système, et a été réécrite plusieurs fois en fonction des nouveaux contextes d'utilisation.
L'API a été initialement conçue en respectant le format conventionnel de "message" utilisé dans l'environnement Max, afin que les commandes de dessin puissent être facilement adaptées à partir des commandes utilisées pour d'autres objets de dessin Max tels que
LCD, ou jit.gl.sketch.
Un message Max est structuré comme un tableau, commençant par une chaîne de sélection, suivie d'une liste de valeurs, qui est interprétée par le récepteur sur la base d'un schéma préexistant. Cependant, au fur et à mesure que des fonctionnalités ont été ajoutées, certaines complications sont apparues en ce qui concerne l'ordre des séquences. Une API alternative orientée objet a alors été développée, faisant usage d'une approche clé-valeur qui s'est révélée plus extensible pour le système DRAWSOCKET (voir la section 3.2 - au prochain numéro).
Notez que dans la discussion ci-dessous, nous utilisons le terme message comme un terme général pour la communication par le biais d'événements de message, qui pourraient être dans différents formats (messages OSC, messages Max, objets JSON envoyés comme messages, etc.)
Acheminement des adresses URL. Tous les messages envoyés au serveur sont adressés à une URL, qui est utilisée par le serveur pour acheminer les messages vers les clients appropriés. Plusieurs clients peuvent être connectés à la même URL, auquel cas ils recevraient tous les mêmes commandes de dessin. Par exemple, un groupe de violons jouant tous la même partie peuvent se connecter à l'URL :
http://server.ip.address:port/violin1
Ensuite, pour envoyer des messages à la section “violon 1”, l'adresse URL /violin1 est utilisée de la même manière que pour une adresse OSC. Pour envoyer à tous les clients, indépendamment de l'adresse URL, DRAWSOCKET permet d'utiliser l'adresse générique OSC /*. Notez que dans OSC, /* correspond à un seul niveau d'adresse, alors que le serveur DRAWSOCKET utilise l'adresse joker pour correspondre à n'importe quelle URL, qui peut inclure plusieurs slashs. Pour éviter toute confusion avec la convention OSC, il est fortement recommandé d'utiliser des adresses à un seul niveau (par exemple, utiliser /violin 1, et non /violin/1 dans le cas de sous-groupes indexés).
Référencement d'objets. DRAWSOCKET utilise l'attribut id du Document Object Model (DOM) [7] comme mécanisme principal pour référencer les objets individuels du client depuis le serveur. Lors de la création, le script du côté client enregistre une référence aux nouveaux objets avec leur ID unique, dans un ensemble de tableaux qui peuvent être utilisés pour une recherche rapide des objets par leur nom. Grâce à cette méthode, les objets peuvent être référencés par leur ID, modifiés, stylisés, transformés ou supprimés. Les nœuds SVG et HTML utilisent l'identifiant unique fourni comme attribut id du nœud, conformément à la norme DOM, tandis que d'autres objets tels que les animations GSAP ou les objets sonores Tone.js ne sont pas dans le DOM, mais enregistrés dans le modèle d'objet interne de DRAWSOCKET.
3.1 API orientée liste
La conception originale de l'API DRAWSOCKET orientée liste du "style Max" utilisait un bundle de messages OSC individuels, chacun d'entre eux ayant un numéro de série différent, et dont chacun exécutait une action sur le système client. L'API orientée liste a maintenant été remplacée, mais une discussion de cette approche est précieuse, car elle illustre une limitation structurelle que nous avons rencontrée avec cette approche syntaxique.
Dans l'API orientée liste, l'adresse du message OSC était utilisée comme un moyen de spécifier plusieurs couches fonctionnelles à la fois, en concaténant ensemble plusieurs valeurs séparées par des barres obliques. La syntaxe générale de l'adresse était composée de trois niveaux principaux : (1) l'adresse URL du client, (2) un identifiant d'objet unique, suivi par (3) une chaîne de commande spécifiant le processus à exécuter sur le système client.
Les commandes fournissaient un moyen simplifié de créer et de modifier des éléments sur le navigateur du client, en utilisant les commandes utilisateur prédéfinies.
Par exemple, le paquet OSC suivant :
{
/violin/foo/draw/rect : [100, 100, 25, 25],
/violin/foo/style/stroke-width : 1
}
contient deux messages précédés du préfixe /violin, ce qui indique que le serveur doit envoyer ces commandes à tous les clients connectés à l'URL /violin.
Une fois reçu sur le système du client, le script analysera l'adresse OSC, en séparant l'ID de la chaîne de commande. Ici, l'ID est "foo" et la chaîne de commande est
"draw/rect".
Pour chaque message OSC, la valeur attachée à l'adresse a été analysée par le script client sur la base du schéma défini dans la documentation. Dans le cas de "draw/rect", la valeur du message serait interprétée comme définissant les valeurs suivantes d'un rectangle SVG : x, y, largeur et hauteur. Le deuxième message fonctionne de manière similaire, sauf qu'au lieu de créer un nouvel objet, il ajoute un attribut de style inline SVG/CSS au nœud de l'objet, en fixant le paramètre stroke-width à la valeur 1.
Regroupement. Les choses commencent à devenir un peu plus complexes avec l'approche orientée liste lorsque l'on tente de définir des objets de groupe SVG et des définitions d'objets. Dans ce cas, les objets "children" peuvent être regroupés et manipulés comme un seul objet graphique, sans exiger que chaque objet enfant ait un ID unique.
Le premier problème que nous avons rencontré était lorsque nous avons essayé d'inclure deux objets du même type dans un objet. Dans la première implémentation, un sous-groupe de messages OSC était utilisé pour regrouper des éléments, mais comme aucun ID n'était requis, l'exemple suivant échoue :
/∗/groupex/draw/group : {
/text : [210, 210, ''hi''],
/text : [310, 210, ''bye''],
}
Il échoue parce qu'en OSC, on est autorisé à avoir plusieurs messages avec la même adresse, mais dans Max les messages OSC doivent être doivent d'abord être convertis au format Max Dictionary pour être transmis à l'objet node.script, et les Max Dictionaries ne permettent pas de dupliquer les adresses. Une autre complication est apparue lorsque l'on a essayé de donner un style à des objets individuels au sein d'un groupe, puisqu'il n'existe pas d'identifiant unique auquel se référer pour ajouter des balises de style in line, et que cet identifiant n'est pas accessible depuis l'API orientée liste. Pour résoudre ces deux problèmes, la syntaxe de regroupement orientée liste a été adaptée pour utiliser un tableau d'objets (appelés sous-bundles dans le langage OSC). Par exemple :
/∗/groupex/draw/group : [{
/path : ''M200,200a30,90,0,0,0,0-60a30,30,0,0,0,0,60'',
/style : ''fill : black'' (remplissage : noir)
}, {
/texte : [210, 210, ''hi''],
/style : ''fill : red'' (remplissage : rouge)
}]
Dans ce cas, le message de style est lié au message de chemin en les enveloppant ensemble dans un objet. Cette solution a conduit à une réévaluation de la syntaxe de l'API de DRAWSOCKET, et a conduit au développement de l'API orientée objet (décrite au prochain numéro).
NOTES:
1 https://www.w3.org/TR/SVG11/
2 https://www.w3.org/Style/CSS/specs.en.html
3 https://www.w3.org/TR/html52/
4 https://cycling74.com
5 https://nodejs.org
6 https://docs.cycling74.com/nodeformax/api/
7 https://tools.ietf.org/html/rfc768
8 https://www.json.org/
9 https://expressjs.com/
10 https://www.npmjs.com/package/ws
11 https://www.w3.org/Protocols/
12 https://www.w3.org/Addressing/URL/url-spec.txt
13 https://d3js.org/
14 Nous utilisons maintenant principalement d3.js pour la création et la manipulation des nœuds DOM. Il est donc probable qu'à terme nous supprimions la dépendance à d3.js pour rationaliser la base de code. Cependant, pour l'instant, les fonctions utilitaires de d3 sont pratiques pour un développement rapide, et semblent être suffisamment performantes.
15 https://mozilla.github.io/pdf.js/
16 https://tonejs.github.io
17 https://www.npmjs.com/package/timesync
18 https://greensock.com/gsap
19 Actuellement, le script est configuré pour vérifier toutes les 5 secondes, mais cela peut changer en fonction des performances sur un système à plus grande échelle.
20 Le projet node est situé dans le dossier /code/node du paquet, et comprend tous les scripts et les fichiers de configuration.
21 Notez que cela nécessite que le correcteur utilisateur soit d'abord sauvegardé sur le disque, afin qu'il ait un emplacement de dossier valide.
RÉFÉRENCES:
[1] M. Wright, “Open Sound Control: an enabling technology for musical networking,” Organised Sound, vol. 10, no. 3, pp. 193–200, 2005.
[2] A. Freed, D. DeFilippo, R. Gottfried, J. MacCallum, J. Lubow, D. Razo, and D. Wessel, “o.io: a Unified Communications Framework for Music, Intermedia and Cloud Interaction.” in ICMC, 2014.
[3] J. MacCallum, R. Gottfried, I. Rostovtsev, J. Bresson, and A. Freed, “Dynamic Message-Oriented Middleware with Open Sound Control and Odot,” in Proceedings of the International Computer Music Conference (ICMC’15), Denton, TX, USA, 2015.
[4] A. Trockman, S. Zhou, C. Kastner, and B. Vasilescu, ¨ “Adding sparkle to social coding: an empirical study of repository badges in the NPM ecosystem,” in Proceedings of the 40th International Conference on Software Engineering. ACM, 2018, pp. 511–522.
[5] G. E. Krasner, S. T. Pope et al., “A Description of the Model-View-Controller User Interface Paradigm in the Smalltalk-80 System,” Journal of object oriented programming, vol. 1, no. 3, pp. 26–49, 1988.
[6] M. Halpern, Y. Zhu, and V. J. Reddi, “Mobile CPU’s rise to power: Quantifying the impact of generational mobile CPU design trends on performance, energy, and user satisfaction,” in High Performance Computer Architecture (HPCA), 2016 IEEE International Symposium on. IEEE, 2016, pp. 64–76.
[7] M. Champion, L. Wood, G. Nicol, S. B. Byrne, A. L. Hors, P. L. Hegaret, and J. Robie, “Document object model (DOM) level 3 core specification,” W3C, W3C Recommendation, Apr. 2004, http://www.w3.org/TR/2004/REC-DOM-Level-3- Core-20040407/.
Lien vers la publication originale Copyright: © 2019 Rama Gottfried and Georg Hajdu. This is an open-access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution 3.0 Unported License, which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original author and source are credited.
Rama Gottfried, Georg Hajdu
Traduction Jonathan Bell
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
La compositrice franco-polonaise Elżbieta Sikora (https://elzbietasikora.com) ne cesse de nourrir son corpus d’œuvres avec notamment son Concerto pour violon, Soleos pour violon et électronique, Running North pour carillon, Instants fugitifs pour piano. Nommée chevalier de la Croix du Mérite en Pologne en 1997 et chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres en France en 2004, cette compositrice audacieuse a toujours conjugué musique électronique et musique acoustique. L’Éducation musicale revient vers elle, après son interview accordée à Michèle Tosi en 2016 (https://www.leducation-musicale.com/index.php/recensions-de-spectacles/5666-elzbieta-sikora-une-compositrice-polonaise-engagee), sur l’évolution de sa trajectoire et ses conceptions de la musique au sein de la société actuelle…
La première partie de cette interview est consultable dans la lettre d’information précédente, no 131 :
https://www.leducation-musicale.com/newsletters/LI131.html#interview1
Quelle est votre expérience musicale la plus marquante ?
C’est certainement mon opéra Madame Curie. Aussi d’autres moments marquants : la première œuvre électroacoustique, Prénom, la première pièce radiophonique, The Waste Land, la première œuvre pour orchestre et transformations live, Rappel II, le premier opéra, Ariadna, la première œuvre mixte, La Tête d’Orphée II, le premier Concerto pour piano et orchestre et beaucoup d’autres premières. J’ai toujours rêvé d’être chef d’orchestre. Il m’est arrivé de diriger deux fois, cela m’a beaucoup appris. Quelle expérience !
Depuis votre interview de 2016 dans L’Éducation Musicale, qu’avez-vous écrit ?
J’ai continué le cycle des Sonosphères : Sonosphère III et IV pour orchestre et électronique live, en collaboration avec l’IRCAM, Sonosphère V Wanda Landowska, il y a aussi le Concerto pour violon, Soleos pour violon et électronique, Trois tunnels et un arrêt, Paris Gare du Nord, œuvres électroacoustiques, Passage souterrain pour orchestre et électronique, Running North pour carillon, Instants fugitifs pour piano, Lamento de l’opéra Madame Curie pour soprano et orchestre
Vous avez dépassé la centaine d’œuvres à votre catalogue et, parmi elles, une quarantaine comprend l’électronique. Votre approche du son diffère-t-elle pour l’acoustique ?
L’électronli131ique ou plutôt la musique concrète et électroacoustique ont été présentes surtout à mes débuts, dès 1968. Très rapidement j’ai tenté de composer de la musique instrumentale et mixte. Les deux techniques, hormis les différences évidentes de nature ontologique (plus tellement aujourd’hui !) ne font qu’une partie de la même chose : la musique. Pour composer, il faut manier la forme et la matière. Comme dans chaque production artistique ou autre. La matière détermine souvent la forme, la forme prend possession de la matière. Bien sûr, ces deux genres ou ces deux techniques ont été différentes au commencement par le fait que la musique électronique engage le compositeur comme interprète du début à la fin. De l’enregistrement des objets sonores en passant par leur traitement et le montage à l’aide des machines jusqu’au mixage final et à la diffusion au concert. Dans la musique instrumentale, le compositeur imagine les sons qui seront joués ensuite par les musiciens, il crée les différentes couleurs des masses sonores plus ou moins complexes construites à partir du son d’un seul instrument en les combinant ensemble. Il doit imaginer des séquences, trouver une logique du développement. C’est ici que les deux musiques, électronique et instrumentale, se rejoignent car, dans les deux, il faut une structure, une forme. Aujourd’hui j’observe une nouvelle tendance à faire de la musique électronique avec des moyens instrumentaux. Les compositeurs cherchent et trouvent de plus en plus des sons originaux qui, par l’utilisation sophistiquée des articulations, par la façon de sortir des sons de l’instrument, imitent en quelque sorte la musique électronique.
Ligeti avait commencé dans Lontano et Atmosphères. Avec le temps, les méthodes compositionnelles électronique et instrumentale fusionnent très souvent en empruntant l’une à l’autre telle façon de couper le son ou de l’associer, de le mélanger avec un autre, de les mixer ensemble. Exemple simple : le son à l’envers typique de la musique électronique des années 1960 est souvent utilisé maintenant dans la musique instrumentale (crescendo rapide de pianissimo à fortissimo coupé net). Il y a plein d’autres exemples ! Pour ma part, je traite les deux musiques comme une seule en essayant de partir d’un élément initial pour le ramener aussi loin que possible, comme le disait si bien John Coltrane.
En plus de vos quatre opéras, on observe dans votre catalogue une prédominance pour la musique vocale. Comment expliquez-vous cet attachement ?
La voix est un instrument merveilleux. Encore étudiante en composition à Varsovie j’ai écrit Les Chants réjouissant le cœur pour soprano et petit ensemble de chambre. En travaillant avec la chanteuse, j’ai beaucoup appris. La voix est un instrument à la fois fragile et puissant, aux multiples possibilités. C’est un instrument expressif, humain par définition, virtuose par ses moyens. J’ai aimé cette expérience et j’ai récidivé plusieurs fois, avec Le Chant de Salomon, ou On the line, jusqu’à l’opéra.
Y a-t-il une convergence entre votre musique soliste et votre musique concertante ?
Bien entendu. La musique soliste est importante, avec relativement peu de moyens il est possible d’exprimer beaucoup. C’est aussi un champ ouvert pour l’utilisation des sons inhabituels, pour chercher, avec les solistes, les meilleurs moyens d’expression pour rendre pleinement une idée musicale spécifique. Cela se traduit aussi dans le traitement de parties solistes non seulement dans les concerti où la partie solo joue un rôle important face à l’orchestre, mais quand l’instrument ou la voix doivent établir une relation avec l’orchestre, souvent fondée sur un jeu d’opposition/attirance.
En 2017, vous avez donné 5 heures de conférence à l’IRCAM sur la recherche de votre langage musical. Comment le décrivez-vous succinctement ?
Le compositeur lui-même est la dernière personne capable de juger et définir son langage musical. Par boutade, je me suis une fois décrite comme expressionniste lyrique. Cela ne veut pas peut-être dire beaucoup, mais quelque part, c’est cela. La musique où seuls comptent la structure et le cogito ne m’intéresse pas. Pour moi, la musique, c’est aussi l’art de communiquer. Ce qui ne veut pas dire que j’aie des messages concrets à transmettre. Je tente à amener l’auditeur vers un monde inconnu où, sans moi, il ne serait pas allé de lui-même. Le guider dans ce voyage sans lui montrer tous les chemins pour qu’il puisse en découvrir certains.
Quel est votre rapport à la théorie et au système qui ont fondé nombre de langages musicaux différents les cinquante dernières années ?
Il est normal que les théories et les systèmes naissent. Depuis cinquante ans et même avant, on observe un éclatement des styles, on constate, tous les cinq, dix ans, l’émergence de différents langages musicaux. Il y a aussi des modes et des chapelles. J’observe tout cela. Il y a des choses qui m’intéressent particulièrement et d’autres qui ne me conviennent point. Le compositeur c’est aussi quelqu’un qui puise, pour ne pas dire d’après Picasso, qui vole les éléments qu’il s’approprie à sa manière, Bach doit beaucoup à Vivaldi, Mozart à Bach, Verdi à Mozart, Chopin à Field, Xenakis à Varèse, Lutoslawski à Bartók. Le fil de l’histoire passe par des chemins sinueux et complexes, tels les méandres d’un immense fleuve. Au 20e siècle, le spectralisme a apporté à l’histoire de la musique une autre approche du timbre, Pierre Boulez exploitait la perfection de la structure sans totalement abandonner l’émotion. La complexité, la nouvelle simplicité, le distortionnisme, le nouveau bruitisme et autres découvertes ou propositions apportent de nos jours des éléments nouveaux en créant des champs féconds où les compositeurs peuvent cueillir ce qui leur semble bon pour leur propre langage sans forcément appartenir à tel ou tel autre courant. De plus en plus, on observe autant de styles que de compositeurs. Ce phénomène est bien plus visible aujourd’hui que par le passé.
Avez-vous une méthode de travail, des habitudes pour composer ?
Oui, on peut dire cela. Avec le temps les habitudes viennent. Je travaille mieux les après-midi. Il me faut une bonne lumière, un calme, même relatif. Le projet mûrit assez longtemps dans ma tête avant que j’écrive une seule note. Une fois la forme globale d’une œuvre dessinée (au sens propre et figuré), je commence à mettre sur papier une multitude d’esquisses : sons, fragments des séquences, rythmes, structures, lignes mélodiques, accords complexes et simples. Dans l’ordre, si possible, et souvent dans le désordre. Puis vient le moment où je sais que j’ai tous les éléments ou presque et c’est à ce moment-là que je commence l’écriture. Je ne fais pas de brouillons, mais je gomme beaucoup. Je coupe, je rassemble, je change de place tel son, je réécris parfois. Toujours à table avec papier à musique, crayons et gommes. La table n’est pas loin du piano pour vérifier la justesse d’un accord ou d’une séquence.
Selon vous, quelle est votre place dans la musique contemporaine ?
Une certaine ambiguïté m’a toujours accompagnée : on me classe comme compositrice polonaise en France où je suis depuis 1981. J’ose néanmoins croire que je fais partie du paysage musical français. En Pologne, on détecte dans ma musique une couleur française. Considérée souvent comme compositrice de musique électronique principalement, je compose aujourd’hui surtout de la musique instrumentale. Les nouveaux avant-gardistes me trouvent
presque classique tandis que les autres me trouvent moderne. Post-moderne, parfois. Pourquoi pas. Peu m’importe.
©Polskie Wydawnictwo Muzyczne
Que pensez-vous de l’émergence des compositrices aujourd’hui ?
C’est un vaste sujet, on me pose cette question bien souvent depuis quelques temps. Mes études et les débuts de ma carrière se sont passés en Pologne. Là, le problème de l’égalité entre homme et femme avait un autre aspect. Après la guerre, le pays manquait vraiment d’hommes. Les femmes exerçaient toute sorte de métiers. Elles conduisaient les tracteurs dans les champs, devenaient directrices ou même ministres, rares étaient celles qui ne travaillaient pas. J’ai toujours vu ma mère travailler, elle était professeur de latin et de français, elle écrivait des manuels de français destinés aux étudiants en médecine ou aux musiciens. Les mères de mes amis étaient médecin, écrivain, pilote d’avion, musicienne, directrice d’usine ou d’université. Elles avaient fait avant la guerre leurs études, souvent très poussées. Quand j’ai passé mon examen d’entrée à l’Académie de musique deVarsovie pour devenir ingénieur du son, nous étions presque à égalité hommes et femmes, parmi les candidats. Pareil lors de mon entrée en classe de composition. Des cinq étudiantes qui ont terminé ces études, je suis la seule qui travaille toujours comme compositrice. C’est là que la réponse à votre question devient fort complexe. Dès mon arrivée en France, j’ai été confrontée très souvent au problème femme compositeur. Longtemps j’ai refusé d’admettre que le problème existe. Aujourd’hui je le vois un peu différemment, mais je m’obstine toujours à ne pas être considérée comme quelqu’un de spécial du fait même que je suis une femme. Je suis compositeur, point.
Par rapport à vos débuts, y a-t-il une évolution dans la réception de vos œuvres du fait de votre statut de femme ?
Je viens de le dire : je préfère faire abstraction du problème homme ou femme dans le domaine de la composition. Quant à la réception de mes œuvres, je dirais que les producteurs des festivals, des disques ou des concerts profitent aujourd’hui de la vague féminine pour trouver plus de moyens pour organiser des événements consacrés uniquement aux femmes. Exemples : le festival berlinois Heroines of sound ou le disque qui paraîtra en janvier 2021, Heroines of Polish Music. Pourquoi pas ? J’aurais aimé plus de concerts, festivals, émissions radio ou TV, disques consacrés à la musique contemporaine tous sexes/genres confondus. Aider les femmes au début de leur carrière est une bonne chose, mais créer des ghettos spécifiques, non.
Je crois d’ailleurs que le public s’en fiche complètement. Il veut entendre de la bonne musique. Et croyez-moi, le public est souvent bon juge. Pour ma part, j’ai eu la chance d’être bien accueillie par les auditeurs et je ne pense pas que d’être une femme ait pesé dans la réception de mes œuvres. D’ailleurs, le chef d’orchestre polonais connu, Jerzy Maksymiuk a dit en parlant au public pendant un de ses concerts : « Elzbieta Sikora compose comme six hommes à la fois ! » Je ne prétends pas avoir autant de force. J’exerce mon métier aussi bien que je peux, c’est tout.
L’actualité vous est-elle inspirante, indifférente ou inhibante pour votre démarche artistique ?
Je ne vis pas dans une tour d’ivoire et l’actualité me préoccupe. Le monde est devenu inquiétant. L’information plus rapide et omniprésente. Épidémies, guerres, attentats, escroqueries, corruptions, violences, catastrophes naturelles, accidents, maltraitances, meurtres : chaque jour apporte son lot d’inquiétude. Mais aussi combien de découvertes, exploits, succès, œuvres musicales magnifiques, livres nouveaux, œuvres d’architecture étonnantes, œuvres plastiques aux formes inattendues font partie du paysage contemporain. Vivre sans faire attention au monde qui est le nôtre m’est impossible. J’essaie de comprendre l’état actuel des choses et, forcément, je m’imprègne de tout le savoir pour mieux saisir l’évolution du monde. Comprendre (ou ne pas comprendre) ne suffit pas, souvent j’ai des réactions de révolte, j’aimerais faire quelque chose, agir, m’impliquer. Je ne suis pas une politicienne, je ne fais pas partie d’une organisation humanitaire ou d’une association caritative. Le seul moyen, c’est de composer et apporter ainsi ma pierre, aussi petite soit-elle, à ce bâtiment en incessante évolution qu’est le monde. Certaines de mes œuvres ont été directement inspirées par des événements d’actualité : Guernica et Janek Wisniewski, décembre Pologne ou bien Rapsodie pour la mort d’une république, ou encore les œuvres récentes, Running North ou Passage souterrain. En citant Paul Klee, j’aime à dire qu’une œuvre artistique est comme la couronne d’un arbre dont les racines puisent dans la terre et dont le tronc représente l’artiste.
Comment percevez-vous l’avenir de la musique contemporaine ?
Sans être une voyante, je suis très optimiste pour l’avenir de la musique contemporaine. Chaque jour on entend une nouvelle œuvre d’un jeune compositeur ou compositrice. À la radio, en concert. Elles sont souvent très belles, ouvrent des horizons nouveaux pour les oreilles, titillent les sens, éveillent la curiosité. Il faut juste ne pas se barricader derrières les idées reçues, derrière les jugements biaisés. Derrière nos habitudes.
Quels sont vos conseils pour les jeunes compositeurs ?
Perfectionner leur métier, travailler leurs instruments, croire en soi-même et rester fidèles au choix qu’ils ou elles ont fait sans pourtant s’obstiner à rester quelque part à jamais sans évoluer. Écouter beaucoup, discuter avec les autres musiciens, aller voir ailleurs, vivre !!
Quels sont vos différents projets à paraître ?
Il y a plusieurs projets en route. Je n’aime pas trop en parler avant qu’ils soient réalisés. Les plus avancés sont la publication de la partition Happy Valenciennes chez PWM et la présentation de cette œuvre au festival Musica Electronica Nova à Wroclaw, accompagner la sortie du disque Heroines of Polish Music avec Sonosphère V Wanda Landowska et une nouvelle œuvre orchestrale commandée par le festival Automne de Varsovie dont la création est prévue en septembre 2021.
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Anthony MONDON
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Lorsqu’il quitte, à seize ans, sa Franche-Comté natale pour poursuivre ses études secondaires dans la section des Métiers de la musique du lycée de Sèvres, Philippe Jacquin ne peut imaginer que, quelque trente années plus tard, il exercerait les fonctions de chef du bureau d’études au sein du plus grand complexe musical de France, la Cité de la musique-Philharmonie de Paris.
Son objectif initial est de devenir ingénieur du son, mais, à peine dégagé de ses obligations militaires, deux opportunités s’offrent conjointement à lui : la régie d’orchestre à l’Orchestre Symphonique d’Europe (OSE) et la régie lumière et son du Conservatoire de Cergy-Pontoise. Cette première expérience professionnelle l’incite à poursuivre sa route dans le domaine de la régie : il est successivement régisseur général de l’Orchestre Symphonique Français, de l’Orchestre National de Lyon, de l’Ensemble Itinéraire, régisseur plateau de l’Ensemble Intercontemporain, puis « chef machiniste-régisseur adjoint » de la Cité de la musique avant de devenir régisseur général de la salle Pleyel. C’est au moment où les équipes de la salle Pleyel sont réintégrées dans le giron de la Cité de la musique qu’il est nommé « chef du bureau d’études ».
Diverses expériences viennent enrichir son parcours professionnel : il a tout juste vingt-cinq ans lorsque Laurent Petitgirard lui confie l’entière gestion administrative et technique du Festival de Musique de Flaine. Lorsque Johnny Halliday « allume le feu » au Stade de France en 1998, c’est lui qui assure la régie de l’orchestre symphonique chargé d’accompagner l’idole des jeunes. Entre deux postes de régisseur, il est même vendeur chez un disquaire en Suisse pour faire « bouillir la marmite » ! Rien ne lui semble inutile dans cette trajectoire.
L’ouverture de la Philharmonie de Paris en 2015 représente pour lui, comme pour l’ensemble des équipes techniques, un changement d’échelle et une mutation importante de son activité.
La Cité de la musique-Philharmonie de Paris : près de 500 spectacles par an – avant la crise sanitaire – une programmation foisonnante, animée par l’ambition de mettre en regard des cultures éloignées, de décloisonner les genres et de croiser des formes d’expression artistique différentes : musique, danse, cirque, vidéo. La musique savante, des origines de la musique écrite jusqu’à la création contemporaine, représente les deux tiers de la programmation. Le jazz, les musiques du monde et les musiques actuelles constituent le dernier tiers.
« Nous concevons la programmation en partant de l’idée que nous disposons de plusieurs salles allant de 200 places pour la plus petite à 2 400 pour la plus grande », écrit le directeur général Laurent Bayle.
Ces salles, Philippe Jacquin les connaît dans les moindres recoins et en parle avec passion. Il a du reste mis à profit le confinement du printemps 2020 pour peaufiner sa connaissance du logiciel « Autocad » bien connu des architectes, afin de l’adapter aux besoins spécifiques du service. Désormais, en quelques clics, il peut modifier chacun des modules du plan de masse, du plan de coupe et du plan de feu des deux « joyaux » que sont la Salle de concerts de la Cité de la musique (inaugurée en 1995) et la Grande Salle Pierre-Boulez de la Philharmonie (2015). Un outil précieux pour son travail et celui de ses collègues de la technique, et très utile pour les échanges avec les artistes, les chorégraphes, les metteurs en scène et les réalisateurs.
La Salle des concerts de la Cité de la musique (650 à 1 600 places) a été conçue par son architecte, Christian de Portzamparc, comme « un lieu “interprétable” et non pas mobile », susceptible de s’adapter aux exigences de chaque répertoire, des formations symphoniques en implantation traditionnelle aux musiques spatialisées, en passant par les spectacles multi-scéniques faisant appel à la danse. Les fauteuils sont escamotables et déplaçables, la scène peut être montée à divers endroits.
La magie qui se dégage de la Grande Salle Pierre-Boulez de la Philharmonie tient bien évidemment à son design, mais aussi à sa prodigieuse ingéniosité technique et acoustique. Cette salle entièrement modulable que Pierre Boulez n’avait cessé d’appeler de ses vœux offre une multiplicité de configurations grâce à une technologie sophistiquée : gradins de chœur et de parterre rétractables, scène classique dotée de plates-formes motorisées, réglables par « spiralift ». En configuration symphonique, les spectateurs entourent l’orchestre (2 400 places assises) ; qu’ils soient placés au parterre, à l’arrière-scène ou à l’un des fameux « balcons flottants », ils se sentent immergés dans la musique. Pour les opéras en version de concert ou les ciné-concerts, on escamote les gradins arrière qui, montés sur rail, s’intègrent dans le mur du fond de scène pour libérer la scène et agrandir le parterre. Dans le cas des concerts de musique amplifiée, le parterre gradiné peut être remis à plat et, une fois les sièges enlevés, la jauge passe à 3 600 places.
La plus grande des six salles de répétition de la Philharmonie, le Studio, est également équipée de gradins rétractables et peut recevoir jusqu’à 280 spectateurs pour des concerts ou spectacles plus intimistes.
Cette prodigieuse flexibilité permet à la direction d’élaborer des projets audacieux. Une fois la programmation d’une saison définie par le directeur général, Laurent Bayle, et par le directeur du département concerts et spectacles, Emmanuel Hondre, la liste des spectacles est adressée aux divers services. Le directeur technique des salles, Jean-Rémi Baudonne, coordonne l’ensemble des services techniques (machinerie, lumière, son, audiovisuel, prise de son). Au total, une cinquantaine de personnes œuvrent en étroite collaboration à la réalisation technique des spectacles.
En tant que chef du bureau d’études, Philippe Jacquin est responsable de trois grands axes :
— adapter les plans pour les spectacles, en collaboration avec les artistes (metteurs en scène, chorégraphes, etc.).
— établir les jauges pour chaque spectacle et suivre l’évolution des modifications de jauge.
— élaborer et maintenir à jour les fiches techniques internes à l’ensemble des salles de spectacle de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris, qui fournissent aux productions extérieures les caractéristiques techniques des salles. À chaque nouvelle acquisition par un des services techniques (projecteurs, console, etc.), la fiche doit faire l’objet d’une remise à jour.
Toutes ces tâches supposent une relation étroite avec les autres équipes techniques (machinerie, lumière, audiovisuel) ainsi qu’avec les services administratifs (production, relations publiques – toute modification de jauge ayant un impact sur la billetterie).
Pour certains événements, Philippe Jacquin reçoit de la production une fiche technique qui présente la durée du spectacle, le synopsis, l’espace scénique nécessaire, la position souhaitée du public, et énumère avec la plus grande précision tous les besoins techniques et humains nécessaires à sa réalisation. Il étudie le schéma d’installation de l’espace scénique et analyse, en collaboration avec les responsables des services concernés, les contraintes techniques selon les possibilités de la salle choisie pour la représentation : implantation scénique, implantation des régies, accroches particulières, etc. Il met en regard toutes les données techniques avec les normes de sécurité (passages, évacuations, sécurité des échafaudages, répartition du poids des points d’accroche, etc.). Il examine également la proposition de planning d’accueil du spectacle, qui décrit les différentes phases de montage, réglage, répétitions et démontage du spectacle.
Si une grande partie de son travail se passe devant l’écran de son ordinateur, Philippe Jacquin a aussi un rôle important de conseiller auprès des artistes. Seul ou avec d’autres membres de l’équipe technique (le chef éclairagiste, par exemple), il participe au repérage, c’est-à-dire à la visite de la salle par les artistes. Chaque projet fait l’objet d’un échange stimulant avec les artistes, et c’est au terme d’un certain nombre d’adaptations qu’il est possible de faire coïncider les exigences techniques du spectacle et celles du lieu de la représentation. Les négociations peuvent prendre un certain temps, et il convient de bien les anticiper. Une fois qu’il est techniquement cerné, le projet fait l’objet d’un plan définitif qui répond aux exigences à la fois artistiques et techniques.
Le dossier passe ensuite au régisseur de production. Mais la tâche du chef du bureau d’études ne s’arrête pas là : jusqu’au jour de la représentation, le spectacle est susceptible de modifications. Philippe Jacquin est donc chargé de vérifier sa mise à jour.
Les productions « hors normes » requièrent un temps de préparation considérable. Philippe Jacquin se souvient de la mise en place particulièrement complexe de l’opéra Samstag aus Licht de Karlheinz Stockhausen (1984), dont la Cité de la musique-Philharmonie de Paris donnait le 28 juin 2019 la création française dans le cadre du Festival Manifeste de l’Ircam. Conformément aux directives scéniques très précises du compositeur, l’œuvre, conçue comme un rituel, se déroulait en deux lieux distincts, une salle de spectacle et une église proche de cette salle. La première partie fut donnée dans la Salle des concerts de la Cité de la musique, la seconde dans l’église Saint-Jacques-Saint-Christophe, un entracte d’une heure étant prévu pour le déplacement des artistes et du public d’un lieu à l’autre.
À partir des indications scéniques de Stockhausen, Maxime Pascal, le chef fondateur du collectif Le Balcon, imagina une scénographie flamboyante, centrée sur la notion d’« invisibilité sonore », Lucifer, le « maître de cérémonie », n’apparaissant que très rarement, mais exerçant constamment la pression de son regard sur tous les personnages. À chaque scène correspondait un univers sonore et visuel spécifique. Dans la Salle des concerts, des effets très impressionnants de lumière, de vidéo, d’amplification et de spatialisation sonores mettaient tour à tour en valeur l’orchestre de vents, les percussionnistes, les solistes chanteurs et instrumentistes, les deux danseurs. Dans l’église, la mise en scène était essentiellement centrée sur l’affrontement de deux groupes de « moines » (Chœur de l’Armée française), blancs et noirs. Revêtus de coules et chaussés de lourds sabots de bois claquant sur les dalles, ils entouraient le public. La dernière scène, « Adieu de Lucifer », se déroulait sur le parvis de l’église : un corbeau était libéré (« l’oiseau-Lucifer ») et les moines, reprenant un rite de purification hindou, lançaient avec force des noix de coco sur le sol du parvis.
La difficulté pour cette production fut de parvenir à réaliser en amont un travail très précis de mise en place des éléments du décor et de la scénographie, sans pour autant brimer la créativité foisonnante de Maxime Pascal. Dans un théâtre lyrique, toute création bénéficie d’un nombre relativement confortable de répétitions, tandis qu’à la Cité de la musique, tout devait être « bouclé » en trois jours. La moindre erreur dans la conception technique aurait eu des répercussions désastreuses sur le déroulement des répétitions. Il fallut donc mettre minutieusement au point chaque étape de la mise en scène, en fonction de l’univers sonore et visuel propre à chacune des scènes, pour réduire au maximum tous les imprévus.
Philippe Jacquin travaille actuellement à la réalisation du plan d’un spectacle prévu pour une des prochaines saisons, alliant cirque et danse. Le dispositif scénique souhaité par le directeur de la compagnie nécessite des adaptations importantes. En concertation avec lui, il réfléchit à une adaptation de ce dispositif à la fois conforme aux exigences techniques et fidèle à l’esthétique du spectacle.
Il peut arriver que les exigences de la production et de la salle soient incompatibles. Bartabas, le directeur du célèbre Théâtre équestre et musical Zingaro, souhaitait produire l’un de ses spectacles à la Philharmonie. Pour que les chevaux puissent se déplacer en toute sécurité, le sol du plateau et de tous les accès de circulation doit être recouvert d’une couche de « poussière » d’environ dix centimètres. Le spectacle aurait été possible, mais les conséquences auraient été dramatiques pour le fonctionnement des « spirolifts » placés sous la scène – cette technologie de haute précision et d’un coût conséquent ne supportant pas le moindre grain de poussière. Le projet a donc dû être abandonné.
Ce métier, on l’aura compris, fait appel à de multiples compétences à la fois techniques et humaines. Il n’est pas indispensable d’avoir fait des études musicales pour l’exercer, mais, lors de notre rencontre, Philippe Jacquin a insisté sur l’avantage que représente pour lui le fait d’avoir étudié et pratiqué la musique et d’avoir acquis une bonne maîtrise du vocabulaire musical. Cet atout lui permet d’être un interlocuteur privilégié des artistes et d’être à même de « transcrire » leurs besoins en fonction des contraintes à la fois techniques et artistiques. Pour avoir été pendant huit années régisseur plateau de l’Ensemble Intercontemporain, il a acquis, au fil des échanges avec Pierre Boulez, les musiciens, les compositeurs invités et les ingénieurs de l’Ircam, une compréhension de l’enjeu sonore de la spatialisation du son qu’il réinvestit régulièrement dans ses fonctions actuelles, et qu’il sera notamment amené à exploiter pour les concerts de la saison 2021-2022 consacrés à Yannis Xenakis, à l’occasion du centenaire de sa naissance.
Lorsque j’ai demandé à Philippe Jacquin de me parler de productions de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris au succès desquelles il était particulièrement fier d’avoir collaboré, il m’en a spontanément cité deux : Jeanne d’Arc au bûcher, et le cycle consacré au théâtre japonais.
C’est parce qu’elle eut lieu deux mois seulement après l’ouverture de la Philharmonie de Paris que la production de Jeanne d’Arc au bûcher, mettant en scène l’oratorio dramatique d’Arthur Honegger sur un texte de Paul Claudel, l’a marqué. Ce fut la toute première occasion pour le personnel technique d’exploiter le potentiel exceptionnel de la Grande Salle (qui ne portait pas encore le nom de Pierre Boulez), et ce dans des conditions peu évidentes. Le spectacle, avec Marion Cotillard dans le rôle-titre, était la reprise d’une production japonaise de 2012. La mise en scène visait à recréer l’esprit des mystères médiévaux : « L’espace de la représentation s’inspire des parvis des cathédrales, le récit est un voyage imaginaire, musical, théâtral et spirituel, qui s’opère sous les yeux de Jeanne et qui est mis en mouvement autour d’elle sur une passerelle qui entoure l’orchestre. Cet espace soutient la dynamique du récit et l’intègre à la structure musicale » (note du metteur en scène Côme de Bellescize). Alors que, dans tout le bâtiment de la Philharmonie et jusque dans les coulisses, les ouvriers s’activaient jour et nuit pour terminer le chantier, les équipes techniques, sur le qui-vive aux abords du plateau, se démenèrent jusqu’à la dernière minute pour répondre à la moindre demande des artistes et leur permettre de mettre toute leur énergie dans l’interprétation de cette impressionnante fresque musicale et théâtrale.
Ayant eu le privilège d’assister au cours de la saison 2018-2019 à deux des spectacles consacrés par la Cité de la musique-Philharmonie de Paris au théâtre musical japonais, je peux comprendre l’enthousiasme de Philippe Jacquin et sa fierté d’avoir participé à leur mise en œuvre. Présentés dans le cadre du 160e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et le Japon, ces spectacles bénéficièrent de conditions idéales : acteurs et musiciens d’exception, considérés au Japon comme des « trésors nationaux vivants », dispositif scénique authentique, costumes somptueux. Des représentations de Nô ou de Kyogen avaient déjà été données à Paris, mais le budget n’avait pas permis de reproduire ou de transporter la scène traditionnelle. Pour la première fois, les spectateurs français pouvaient jouir d’un spectacle exceptionnel qui n’avait rien à envier aux représentations données au Japon – seule entorse à la tradition japonaise : ils étaient confortablement assis dans les sièges, et non sur leurs talons !
Plusieurs séances de repérage furent nécessaires, d’abord avec des interlocuteurs chargés de retransmettre les informations au directeur technique japonais, puis avec le directeur technique japonais en personne, venu sur place. L’élaboration du plan et ses multiples vérifications furent d’une extrême minutie. Fabriqué au Japon selon les règles établies depuis plus de six siècles, mais adapté à l’espace technique de la Grande Salle de la Cité de la musique, le dispositif scénique comportait une scène de bois blond recouverte d’un toit de style bouddhique et constituée de deux parties : un plateau carré d’un peu plus de cinq mètres de côté, délimité par quatre piliers, et une passerelle, à la fois lieu de circulation des acteurs et d’interprétation de certaines scènes. Aucun décor, hormis l’image peinte d’un pin aux branches noueuses sur la cloison du fond de scène. Les techniciens japonais envoyèrent des photos des éléments constituant ce dispositif, accompagnées d’explications très précises, notamment sur l’ordre de leur montage – il était impératif de commencer par le toit, qu’il fallait installer sur les quatre piliers, puis lever et replacer à son emplacement définitif. Ils poussèrent la minutie jusqu’à l’envoi de photos retraçant les étapes du remplissage du conteneur qui, acheminé par bateau, renfermait tous les éléments. Huit mois plus tard, le montage rassembla les équipes techniques des deux pays. Philippe Jacquin garde un excellent souvenir de cette collaboration étroite avec les techniciens japonais, de la délicatesse avec laquelle ils prièrent leurs collègues français de se déchausser avant de monter sur le plancher de la scène, par respect pour son caractère sacré. Les séances de gymnastique par lesquelles débutait chacune des quatre grosses journées de montage resserrèrent les liens entre les deux équipes.
A la fin de notre entretien, Philippe Jacquin m’a confié l’un de ses rêves : « S’il m’arrivait un jour de gagner une grosse somme d’argent, je louerais la Salle des concerts de la Cité de la Musique pour une semaine et je monterais un spectacle représentatif de tout ce que j’ai vécu dans ces lieux et de tout ce qu’il est possible d’en tirer. »
N’ayant malheureusement pas de baguette magique pour exaucer ce rêve, je me bornerai à remercier très chaleureusement Philippe Jacquin d’avoir fait preuve de la plus grande patience pour mettre à ma portée certains aspects techniques de son métier… et de m’avoir fait découvrir de délicieuses spécialités culinaires franc-comtoises.
Christiane Détrez-Lagny
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Le festival ÉLECTROCUTION interroge la création musicale face aux nouvelles technologies. Témoignage des recherches contemporaines en électronique, lieu d’expression de compositeur.trice.s qui bousculent les codes, le festival choisit de travailler sur de nouveaux éclairages de la matière musicale. Cette 7e édition se déroulera à Brest, en live streaming depuis les comptes Youtube et Facebook de l’ensemble Sillages, le 26 mars 2021 à 21h.
PROGRAMME
Losing touch - Edmund Campion
Vibraphone et électronique
Whispers of Nature - Romina Romay
Capteurs, plantes, méta-donnés
Heldenplatz - François Narboni
Contrebasse et électronique
Embedded Tangles - Lara Morciano
Flûte et électronique
The Noisy World - Vincent Malassis
Au bord d'un monde - Phillippe Ollivier et Noelle Desfontaines
Danse, vidéo, bandonéon et électronique
Orogenesis - Boris Labbé et Daniele Ghisi
Vidéo et électronique
Le temps des nuages - Jonathan Bell
Chœur d'enfants, solistes vocaux et instrumentaux, et électronique
Espace-Temps - Création du Conservatoire de Brest Métropôle
Outside Music- Edmund Campion
Flûte, clarinette, harpe, contrebasse, percussions, synthétiseur
L'Ensemble Sillages, organisateur du festival, sillonne les rives de la création musicale et participe à en dessiner les contours, en dialoguant avec les territoires qu'il rencontre et les compositeur.trices de notre temps. Fondé en 1992 par Philippe Arrii Blachette, l'Ensemble est dirigé depuis janvier 2020 par le compositeur et chef d'orchestre argentin Gonzalo Bustos. En résidence au Quartz – Scène nationale de Brest, l'Ensemble Sillages développe ses collaborations et se produit en Bretagne, en France comme à l'international.
The Noisy World - Vincent Malassis
Au bord d'un monde - Phillippe Ollivier et Noelle Desfontaines
Danse, vidéo, bandonéon et électronique
Une femme s'affranchit de son histoire en la sublimant et par sa force créatrice, elle affirme qu'elle est entière, vivante. Elle affirme sa puissance féminine par son appartenance au cycle de la Nature. Elle a délaissé le papier, elle plonge dans son intimité et la révèle sur sa peau ou danse dans ses dessins, elle fait corps avec ses créations qui l'enveloppent comme une mue, la marque d'une transformation en cours. Elle brode aussi pour évoquer les plaies cicatrisées. Paisiblement, sans douleur ni sang, elle glisse l'aiguille sous son épiderme et brode un motif sous son pied. Elle prend contact avec cet organe qui l'enveloppe, qui fait son unité.
Le rouge domine et donne force à une projection de lierre. Unique présence verte, cette plante emménagogue est symbole de force vitale, d'énergie et de persistance du désir. Des images subliminales sanglantes flashent, comme des réminiscences de blessures anciennes. Divers végétaux apparaissent, des feuilles rouges ou sèches. L'une d'elles, récurrente, est une fleur morte aux nervures ciselées. Sur sa peau, la femme peint délicatement les veines de cette fleur, avec la sève qui s'écoule sans violence de son corps. Dans le même espace, le musicien est le témoin distant, le coryphée.
Philippe Ollivier, musicien et photographe, et Noëlle Deffontaines, plasticienne et performeuse, créent une pièce constituée de musique vivante électroacoustique, de danse, photographies, vidéos, dessins, peintures et broderies corporelles. Construite de manière cinématographique, cette pièce nous amène dans un atelier d'artistes, Au bord d'un monde où se confrontent en images et sons, le réel et l’imaginaire.
Losing touch - Edmund Campion
Vibraphone et électronique
Edmund Campion compose Losing Touch pour vibraphone solo et bande électronique. À partir d’échantillonnage d’unités timbriques du vibraphone, Campion développe « différents instruments » à l’aide de synthèse additive développée à l’IRCAM. Il développe un instrument à partir de l’élément bruit du son du vibraphone, et un second comprenant uniquement l’aspect harmonique du son. « Les ensembles rythmiques et harmoniques ont été conçus comme une alternative ou plutôt un enrichissement des pratiques harmoniques et métriques occidentales et non occidentales traditionnelles. [...] Les canons circulaires qui en résultent ont été conçus pour être spatialités, rendant ainsi la polyphonie plus évidente et produisant un effet global de matière sculptée, à l'intérieur de l'œuvre. »
Edmund Campion est né en 1957 à Dallas, Texas. Après avoir obtenu un doctorat à l’Université Columbia, il passe quelques années au Conservatoire de Paris, où il étudie la composition et l’orchestration avec le compositeur Gérard Grisey. Quelques années plus tard, il compose Losing Touch (1995), lors du cursus de composition et informatique musicale de l’IRCAM à Paris. Cette composition pour percussions et électronique est aujourd’hui reconnue internationalement.
« La musique d’Edmund Campion explore les relations entre le son et l’espace – des créations qui impliquent souvent le mélange soigneux d’instruments acoustiques avec les technologies informatiques émergentes. »1
Orogenesis - Boris Labbé et Daniele Ghisi
Vidéo et électronique
Orogenesis est un dispositif audiovisuel complexe utilisant des principes cinématographiques classiques et contemporains au travers d'une manipulation digitale des images et des sons. Les paysages sonores créés par le compositeur italien Daniele Ghisi (co-auteur, avec Andrea Agostini des librairies cage et bach) donnent leurs résonances à l'exploration vidéo que nous offre Boris Labbé.
Orogenesis est un voyage vers l'abstraction, comme une hypothèse sur la façon dont les montagnes auraient pu se former. Combinant vues satellites de Google Earth et traitements d'images numériques, la vidéo témoigne des multiples métamorphoses/transformations d'une chaîne de montagne.
Le temps des nuages - Jonathan Bell
Chœur d'enfants, solistes vocaux et instrumentaux, et électronique
Le temps des nuages, d'après des extraits du recueil de poèmes Le Recours aux forêts de Michel Onfray, fait co-exister des voix lyriques et des voix d'enfants. Les instruments et les sons enregistrés font souvent écho aux éléments naturels évoqués dans le poème (la pluie, la rivière, l'orage, le vent...).
Répétition du Temps des nuages avec les élèves du collège de Kerhallet, Brest
1Source : Edmund Campion, Brahms Ircam
Par Marie BOUCHIER, Louise LE ROUX et Jonathan BELL
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Commandé par L'OPÉRA NATIONAL DU RHIN à Strasbourg, l’opéra Hémon du compositeur Zad Moultaka était retransmis en direct sur France Musique le 20 Mars 2021 - et toujours disponible ici en podcast. Si les conditions actuelles ont une fois de plus mis à mal mise en scène, costumes et scénographie, la musique et le livret nous paraissent suffire à eux même dans ce très bel enregistrement.
Le Livret :
Avec Antigone, Sophocle posait pour l’éternité les bases d’une réflexion sur la justice des hommes et des dieux, sur l’impossible conciliation entre les attentes d’un cœur blessé et celles de la société, sur l’opposition entre la raison d’état et le devoir moral. Ou quand le politique achoppe sur ce qu’il y a de plus sacré dans l’humain. En revisitant ce mythe inépuisable pour une création mondiale attendue, Zad Moultaka (pour la musique) et Paul Audi (pour le livret) ont décidé d’en changer le point de vue : ce n’est plus ici Antigone qui focalise sur elle les inconciliables, mais Hémon son fiancé. Contrairement à la pièce originale, Hémon ici ne se suicide pas quand sa bien-aimée Antigone s’enferme dans la plus inflexible intransigeance. Par sa compassion et sa fragilité même, il est celui par qui la modernité peut enfin surgir dans un monde figé dans ses règles – fussent-elles incompatibles.
Note du compositeur :
« J’ai toujours été fasciné par la concentration du drame chez Eschyle, sa manière d’être dans l’es- sence même des choses, sans fioriture. Je trouve dans Les Sept contre Thèbes un des exemples des plus éloquents :
LE CHOEUR DES VIERGES.
Mais tu veux verser le sang de ton frère !
ÉTÉOCLE.
Avec l'aide des dieux, il n'évitera point la mort.
Une grande tension nous mène depuis le début de la pièce jusqu’à la dernière parole d’Étéocle avant la guerre fratricide qui va l’opposer à son frère et dont on connait la fin. Loin de notre mode de représentation actuel marqué par la profusion du sensationnel, alors que nous pourrions nous attendre à une scène violente dans laquelle la guerre se déroulerait devant nos yeux, Eschyle s’in- téresse à ce qui résonne après le drame, créant ainsi une atmosphère d’une intériorité profonde. C’est ce qui m’a nourri pour la conception d’abord scénographique ensuite musicale de l’opéra Hémon : les personnages vont mettre un certain temps avant d’être dans l’action. La musique les plonge dans un espace fantomatique peuplé d’ombres et de présences inquiétantes. Ils se parlent sans se voir comme s’ils étaient les acteurs d’un lointain souvenir se déroulant devant nos yeux. Cette idée est accentuée par un chœur invisible pendant longtemps, anticipant de quelques ins- tants les mots repris dans la bouche des protagonistes, devenant tantôt leur inconscient profond et tantôt la voix d’un dieu manipulateur.
Les modes fragmentés venant naturellement de ma culture arabe et l’utilisation des quarts de ton qui envahissent l’écriture orchestrale troublent la matière sonore, dégageant des moments d’une profonde nostalgie et accentuant la sensation de fragilité énigmatique qui est au centre de l’opéra. En effet, Hémon qui en est le personnage principal, incarne cette “fragilité” devenant une “force ”, celle entre autres de “l’abdication”. Pour cette raison mon choix de point de vue vocal s’est tourné vers un chanteur (Raffaele Pe) capable d’avoir une trajectoire allant d’une voix de baryton finissant dans la transparence de la voix de contreténor, appuyant ainsi le cheminement de ce per- sonnage vers un chemin intérieur en quête de sa propre vérité. »
avec l'aimable autorisation de ŠamaŠ editions
Zad Moultaka
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Ce cahier de 172 pages invite généreusement n’importe quel musicien, classique, jazz ou pop sachant lire une partition, à maîtriser les bases de la composition pour se lancer dans la création musicale. Il est très simple d’accès et met en relief l’écriture jazz et classique tout au long des exercices. Cette originalité lui permet de s’adresser aussi bien à des amateurs qu’à des professionnels voulant se rafraîchir la mémoire. Il est composé de cinq parties : dans la première nous apprenons à écrire un morceau avec une seule tonalité ; Dans la deuxième nous apprenons à moduler, à fluidifier à renverser les accords et à harmoniser une mélodie ; La troisième met en forme et développe le discours avec des techniques issues du contrepoint ; En quatre on élargie avec des techniques issues du jazz et de la musique du 20ème siècle ; Et pour terminer différentes approches en fonction de la formation pour laquelle on veut écrire.
Marie FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Dans la collection « les essentiels de la musique », Hélène Cao nous propose un ouvrage qui est effectivement un de ces « usuels » qu’on aime avoir à tout moment à portée de main. Il est de ces livres dont on ne peut se passer. Ce fut autrefois La musique et les musiciens d’Albert Lavignac, puis le Dictionnaire de la musique de Roland de Candé. Ces deux volumes méritent de prendre leur place au côté de ces deux ancêtres. Prenant la forme d’un dictionnaire, cette mine de renseignements de tous ordre balaye l’ensemble du domaine musical. L’auteure explique les limites qu’elle s’est fixées : « Les vocables relatifs à la facture instrumentale, qui appartiennent à un autre domaine, ont donc été écartés, ainsi que la terminologie propre aux traditions orales, musiques extra-européennes et populaires (chanson, jazz, pop, rock etc.) »
Ces deux volumes s’adressent donc aussi bien à des amateurs ayant un minimum de connaissances musicales et désirant les approfondir qu’aux grands élèves de nos Conservatoires mais aussi à leurs professeurs : la matière est extrêmement riche et précise, mais accessible à tous et sans aucune pédanterie ni technicité gratuite. Les différents articles se lisent comme des romans et on a du mal à décoller de cet ouvrage quand on l’a ouvert… On a vraiment envie d’en savoir toujours davantage et comme dans un bon feuilleton, à la fin de chaque article, de connaître la suite… Il s’agit donc d’une incontestable réussite pour une entreprise que seules les talents et les compétences multiples de l’auteure pouvaient permettre de mener à bien. Ajoutons que si cet ouvrage ne comporte aucune illustration, en revanche il contient de très nombreux exemples musicaux qui permettent de comprendre les explications. J’ajouterai une petite note personnelle : j’ai été très agréablement impressionné que le Coral soit enfin considéré comme une forme à part entière et de trouver dans cet article la phrase de Luther sur la musique : « Satan la déteste fort car elle nous aide à chasser bien des tentations et des mauvaises pensées » et l’exemple musical est le célèbre choral de Luther : Ein fester Burg ist unser Gott… Ajoutons que cet article nous renvoie au « bar » qui n’est ni un troquet ni un poisson, comme le note Hélène Cao, mais une forme musicale peu connue sous ce nom et cependant très employée…
Daniel BLACKSTONE
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Boguslawa Hubisz-Sieslka, pédagogue polonaise, a créé ce cahier de gammes et d'arpèges, fruit de
son expérience et de ses rencontres avec les professeurs Stefan Kamasa, Ulrich Koch et Kim
Kaskaskian. Il est dédié à des musiciens confirmés. Niveau minimum requis : cycle spécialisé,
certains exercices pouvant être simplifiés ou mis entre parenthèses, le temps que l'élève acquiert
le niveau nécessaire pour les réaliser.
Ce recueil est construit de manière similaire à celui de Carl Flesch : gammes et arpèges alternant
tonalités majeures et mineures de Do Majeur à Si mineur.
Pour chaque tonalité, le travail est le suivant :
– Gamme simple sur 3 octaves d’une à 16 notes par archet, puis avec notes répétées et
accents déplacés, puis avec différentes liaisons.
– Arpèges sur tout l'ambitus
– Tierces, sixtes et octaves sur 2 octaves
– Travail sur chaque corde : arpèges, gamme en démanché par le même doigt (ex : do-ré, do-
mi, do-fa etc.) puis même chose en octaves
– Arpèges en octaves sur tout l'ambitus
Une notice explicative et très détaillée (en polonais et anglais) en début de cahier permet
d'aborder ce travail technique de manière constructive et sûre.
https://pwm.com.pl/en/sklep/publikacja/gamy-i-pasaze-na-altowke,boguslawa-hubisz-sielska,18087,ksiegarnia.htm
Soazic LE CORNEC
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Durée : 3'30''
Niveau : fin du 1er cycle
Thème et variations en Sol Majeur sur une basse obstinée. Chaque variation est la métaphore musicale des étapes d'un rendez-vous chez le coiffeur : shampoing, brossage, coups de ciseaux, rasoir, brushing etc. Sont abordés le legato d'archet, les gammes, des doubles cordes simples, le staccato, la 3ème position, les démanchés 1ère-3ème positions, le bariolage. L'une des variations est une cadence permettant à l'élève toute liberté interprétative.
Cette pièce très descriptive, voire humoristique comme C-H Joubert en a le secret (!), aidera l'élève à l'interprétation des différents caractères musicaux en abordant divers points techniques.
Soazic LE CORNEC
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Durée : 6'
Niveau 3ème cycle
Rêverie est la seule pièce pour alto et piano composée par Wieniawski. Probablement écrite durant le séjour du compositeur à Londres (1858-1859), elle s'inscrit typiquement dans les « pièces de genre » jouées dans les salons bourgeois et aristocratiques, pleine de lyrisme et d'envolées romantiques.
Rêverie a été retrouvée après la mort du compositeur et sera achevée en 1885 par H. Weickmann, dédicataire de l’œuvre. La présente édition est basée sur la première édition et une copie du manuscrit.
Cette pièce s'adresse à des élèves de 3ème cycle et peut être particulièrement intéressante à travailler en musique de chambre : de structure simple (ABA + Coda), elle requiert écoute et souplesse pour le rubato qui la caractérise. Sur un plan altistique, elle conjugue travail des positions hautes et expressivité.
https://pwm.com.pl/en/sklep/publikacja/reverie,henryk-wieniawski,15185,ksiegarnia.htm
Soazic LE CORNEC
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Agrémentée d’une jolie cadence en triolets qui suggère quelques pas de danse de la part du promeneur, cette très agréable pièce fait la part belle au dialogue entre la clarinette et le piano. On notera avec quel soin l’auteur a détaillé le phrasé qui donne, avec la délicatesse des harmonies tout son charme à cette promenade dans la tonalité délicate de sol mineur. La partie de piano est abordable par un élève de niveau second cycle. L’ensemble procurera certainement beaucoup de plaisir aux deux interprètes.
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Comment, avec un tel titre, ne pas évoquer la Fille de Madame Angot ? Mais on ne trouvera pas, dans cette pièce, la moindre allusion à la célèbre opérette. Si la mélodie de clarinette est bien pour débutant, la partie de piano, sans être particulièrement difficile, demandera cependant un pianiste capable de soutenir l’innocente (mélodie) par ailleurs fort agréable. Rythmes simples, notes conjointes, cette partition convient parfaitement au niveau pour lequel elle est écrite. On sait la difficulté d’écrire des œuvres musicales pour débutant sans tomber dans le simplisme ou la mièvrerie. Ce n’est pas le cas ici.
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
On connait l’humour souvent ravageur de Claude-Henry Joubert. On connait aussi le célèbre thème Le Carnaval de Venise varié par Paganini. Parcourant différentes spécialités de la cuisine italienne, l’auteur écrit à son tour de nouvelles variations. Après un exposé du thème dans un « tempo di cottura » (cuisson…) à 60 à la noire pointée, le clarinettiste est invité à planter le blé dur, puis à le récolter, à fabriquer la pâte (semoule moyenne) puis à fabriquer les spaghettis et ainsi de suite en passant par les différentes formes de spaghettis, dont les spaghettis a la Vivaldi…en terminant par une variation « Spaghetti alla virtuosi con pomodori (tomates) e parmigiano ». Si l’humour n’est jamais absent de ces variations, la musique non plus et, une fois vaincues les difficultés techniques, les deux interprètes devraient trouver beaucoup de plaisir à interprétées ces variations aussi variées que savoureuses… Outre les changements de mode et de ton, on y trouvera des allusions à d’autres thèmes célèbres (Qui craint le grand méchant loup…) ! Aux auditeurs et aux interprètes de faire des découvertes…
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Cette pièce d’Alexandre Carlin pour clarinette en si♭ pour fin de 1er cycle dure 3’20 minutes. La tessiture de l’œuvre va du fa en dessous de la portée au do au dessus de la portée dans la nuance forte. Elle commence dans une nuance piano sur un Largettho 4/4 à 60 à la noire avec la clarinette seule dans les graves. De cette introduction suit un Andante accompagné par le piano en croches à trois temps à 88 à la noire amenant le do aigu au dessus de la portée. Un dialogue avec le piano prolonge cette partie où la clarinette retourne à nouveau vers le do aigu f. Comme si l’eau était déjà montée deux fois au dessus de la nappe phréatique. Elle termine sur un crescendo-decrescendo amenant un point d’orgue. Puis une cadenza libre allant du p au f avec quelques accents dans les graves, un trille ainsi que des triolets de croches, engendre la reprise de l’Andante du début. Il se finalise cette fois-ci par une coda terminant sur une gamme en doubles croches qui engendre un do forte au dessus de la portée : comme la résurgence de l’eau qui apparaît une dernière fois au cours de cette œuvre.
Marie FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
André Delcambre, pianiste et compositeur, nous présente cette fois-ci une pièce d’apprentissage de 2 minutes 50 pour clarinette, accompagnée par le piano. On commence par une introduction au piano de quatre mesures, affirmant gaiment le tempo dans une nuance forte. Arrive la clarinette commençant le premier thème en croches piquées, joué deux fois. Le deuxième thème, plus mélancolique, est suivi d’un pont au piano qui change d’armure, amenant une seconde partie nostalgique dans une nuance douce, avec quelques crescendi decrescendi. Le piano joue tous les temps, permettant au clarinettiste de s’y retrouver facilement. Vient ensuite une cadence ad libitum à la clarinette, avec quelques piqués, des doubles, des trilles et enfin un glissendo du sol jusqu’au do en dessous de la portée qui abouti à l’introduction du départ. Pour terminer nous avons le premier thème joué à la même tessiture puis une octave au dessus, amenant la coda finale pianissimo, avec des trilles en crescendo jusqu’à un forte grandiloquent.
Marie FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Dans ce recueil d’études progressives pour clarinette de niveau 1er cycle pour une durée totale de 33’25, Monsieur Thérond invite le clarinettiste amateur à avancer simplement d’une manière honorable vers les niveaux supérieurs. On peut écouter des extraits de chaque étude sur le site : https://www.lafitan.com/recueil-28-etudes-pour-clarinette
Elles sont d’une difficulté croissante, commençant par les médiums graves en noires et blanches, continuant avec des chansonnettes comme sur le pont d’Avignon, élargissant la palette sonore vers les aigus et les rythmes de plus en plus compliqués avec des triolets de croches, des doubles, des triolets de noires et enfin des sextolets de doubles. D’abord la main gauche, puis la main droite, changeant de clés, mélangeant liaisons et détachés en abordant différentes cellules rythmiques. La longueur des pièces est également de mise car les premières ne font pas plus d’une demie page, alors que les dernières font une page chacune, atteignant un minutage maximum de 2’40’’. De quoi construire pierre par pierre sa technique de futur clarinettiste.
Marie FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Petite pièce « jazzy » pour clarinette (pour reprendre l’indication de tempo inscrite par
l’auteur) d’un niveau fin de 1er cycle, début 2ème . Elle propose un travail rythmique
spécifique d’interprétation ternaire des croches et un travail sur les modes d’attaques qui
sont vraiment multiples dans cette pièce. Elle demande de bons acquis et une bonne
maîtrise de l’instrument pour être à l’aise dans le tempo relativement rapide indiqué par
l’auteur.
Marie FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
On retrouve dans cette pièce tout l’humour et l’écriture imagée si caractéristique de
l’univers de Claude-Henri Joubert. La pièce commence par un petit texte qui à la manière
d’un dialogue de théâtre nous plonge dans le monde du jeu. D’ailleurs chaque variation
sera annotée d’une courte didascalie exposant les règles de jeu ou le ton à donner. Une
pièce fantaisiste, espiègle et très vocale. Elle est d’un niveau fin de premier cycle et est
même inscrite dans la liste nationale des œuvres instrumentales de fins de cycles
proposées aux conservatoires et école de musique de la FFEA de cette année 2021. Le
morceau s’ouvre par une introduction humoristique où le pianiste compte les notes de la
clarinette, suit la première variation : un grand thème chanté. Ensuite les variation 2, 3 et 4
sont plus rythmiques, voire même un peu techniques. Les variations 5 et 6 sont des jeux
chantés/joués. Les deux dernières variations sont de nouveau techniques, et la variation 8
termine le morceau dans un tempo de « gigue aimable » ternaire.
Marie FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Dans cette œuvre d’environ 5’30 minutes composée en 4 mouvements (les fameux « quatre combats » annoncés dans le titre) on retrouve l’humour propre à Claude-Henry Joubert, toujours grand amateur de citations musicales (J’ai du bon Tabac), d’indications à la Satie (« sonorité au lait cru ») et de jeux de mots mêlés d’absurde (« III. combat contre les idées noires »).
Tout au long de l’œuvre il y a des sous-titres et des indications assez précises qui permettent de s’inventer des images, de faire travailler son imagination de sorte à développer les paramètres d’expressions musicales (pour les faire coïncider avec ce que l’interprète a en tête). Il y a même un bref passage improvisé qui propose également un engagement physique.
Les difficultés techniques couvertes sont très complètes, ce qui situe cette pièce plutôt en fin de 2e cycle : changements de cordes rapides pour l’archet, doubles cordes, quelques doigtés ardus, rythmes un peu complexes au début du 2e combat, traits rapides ainsi qu’une palette de dynamiques très variée.
Rémy Yulzari
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
On peut être simple sans être simpliste et l’auteur nous en donne ici un bon exemple. Si la partie de cor s’adresse aux cornistes débutants, elle n’en est pas, pour cela, sans intérêt. Quant à la partie de piano, elle donne tout leur sens et leur caractère aux petites mélodies jouées par le cor. De L’escalier biscornu jusqu’à la Marche du Toucan en passant par bien d’autres pages non moins fantaisistes mais qui nourrissent avec bonheur l’imagination, le recueil justifie bien son titre et l’accompagnement de piano, qui est bien plus qu’un accompagnement, va créer autant de tableautins bien séduisants qui ne manqueront pas de séduire leurs interprètes et leurs auditeurs, jeunes et moins jeunes…
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Dans cette pièce de 4 minutes pour un corniste de niveau quatrième année, Claude-Henry Joubert met à l’honneur le chou et en particulier celui de Saint-Saëns qui est une commune située en Normandie. On entre tout d’abord dans la forêt d’Eawy, avec des triolets sinueux sur un 12/8 dans un tempo moderato. Le piano accompagne avec des noires sur chaque temps, permettant au corniste de se repérer facilement. On arrive ensuite dans la ville de Saint-Saëns avec une introduction du piano au chant des enfants dans les écoles. Ce chant est interprété par le cor sur Savez-vous planter les choux à la mode zen: c’est à dire avec quelques blanches remplaçant certaines croches. De nouveau un pont au piano laissant place au thème transformé en une sorte de berceuse devant un bébé tout chou joué ensuite par le cor. Virement de décor dans un tempo d’allegro « Furioso », avec un gardien du champ de chou « qui veut nous rentrer dans le chou » où l’on retrouve le fameux thème en mineur. On arrive enfin au « tempo magnifique de chou splendide » pour le chou de Saint-Saëns avant de quitter la ville en repassant par la forêt du début. Et pour terminer le fameux thème que l’on connaît tous come on a l’habitude de l’entendre. De quoi nous donner envie de manger du chou !
Marie FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Debussy prit des années pour écrire sa première version pour saxophone et piano. La première orchestration fut terminée par Jean Roger-Ducasse. En 1935, André Ansermet réorchestra l’ouvrage en prévoyant plus de soli pour le saxophone, ceux-ci prélevés dans les parties orchestrales. Par la suite, de nombreuses réductions pour saxophone et piano s’inspirèrent de la version d’Ansermet. « Dans cette présente adaptation pour cor anglais, Gilles Silvestrini a été amené à choisir des solutions inédites, privilégiant la plus parfaite fusion avec le piano ». Cette pièce est plus orientée vers l’intérêt des différents timbres que l’on peut faire sortir de l’instrument, plutôt que par la virtuosité. Dès le départ on est dans une espèce de flottement sonore, permettant de reconnaitre immédiatement le langage de Debussy avec ses sonorités exotiques et ses influences orientales, pouvant rappeler à certains moments l’Espagne. Vous pouvez écouter cette transcription jouée par François Leleux sur Youtube : https://youtube.com/watch?v=tVtFrR9YldM&feature=share
Marie FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Cette agréable pièce de 2’39’’ en FA Majeur est abordable dès la 2ème année. Majoritairement dans le
médium (du sol grave au ré aigu) elle permettra de travailler l’expression grâce aux différentes couleurs
(du p au f en passant par des mp et mf), et la conduite des phrases. Dans cet Adagio à 4/4 nous avons
de longues phrases de 8 mesures ; l’élève flûtiste pourra ainsi travailler la gestion de l’air en ne
respirant idéalement que toutes les 4 mesures à 76 à la noire, bien qu’il soit possible d’en rajouter une à
chaque 2 mesures. Quelques notes piquées ponctuent la douceur des phrases liées composées de
croches, noires, blanches et rondes. Le rythme noire pointée croche est ici écrit en noire liée à la
première de 2 croches et toujours accompagné de croches au piano.
Le compositeur nous indique que l’accompagnement au piano peut se faire par un pianiste de fin de
premier cycle.
En commandant la partition sur le site de l’éditeur, vous recevez en cadeau dans votre boîte e-mail, les
fichiers sonores de démonstration (instrument avec accompagnement de piano et piano seul).
Yua SOUVERBIE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Alexandre Carlin nous propose une jolie pièce de 3’45’’ pour des flûtistes de fin de 1er cycle, de tessiture ré
grave - sol aigu. Il en existe une version saxophone et piano.
L’œuvre commence par une phrase cadentielle en sol mineur qui sera développée dans une courte
première partie lente et majestueuse, à 4/4. Cette partie Andante à 66 à la noire illustre la magnificence
du palais de Peterhof (palais d’été des tsars de Russie construit pas Pierre le Grand dès 1714) et
permettra aux jeunes flûtistes d’exprimer leur sensibilité grâce au thème aux rythmes binaires qui
transpire le lyrisme de l’âme russe, thème ensuite échangé avec le piano puis repris en fin de partie. Les 4
mesures de contre-chant en triolets liés qui accompagnent les croches du piano nécessiteront une
certaine capacité respiratoire, un contrôle de la régularité des doigts et la stabilité de la pulsation. Après
une nouvelle cadence de la flûte, des doubles croches modulent vers la tonalité de do mineur de la
seconde partie (moderato 2/4 à 92). Le charme des jardins et la magie des jeux d’eaux seront illustrés ici
par un nouveau thème animé et enjoué que s’échangent les 2 instruments dans une carrure de 4
mesures, suivi de marches harmoniques rythmiques. Comme difficultés nous aurons quelques passages
en doubles croches 2 liées 2 détachées dans les 3 registres. La pièce se termine par une fière coda
conclusive.
En commandant la partition sur le site de l’éditeur, vous recevez en cadeau, dans votre boîte e-mail, les
fichiers sonores de démonstration (instrument avec accompagnement de piano et piano seul).
Yua SOUVERBIE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Cette pièce de 3’55’’ est d’une écriture assez simple : introduction et 3 parties, mais la dernière partie
Vivace à 156 demandera une bonne maîtrise d’une pulsation rapide, pour de solides élèves en 2ème année
de second cycle, voir 3ème année.
L’introduction commence en do majeur : les fragments de la flûte sont accompagnés par des
mouvements répétitifs d’arpèges ascendants en croches, comme un obstinato lancinant à la Philipp
Glass. Dans une ambiance assez contemplative, notre robot semble arriver sur Terre. Après un grand
crescendo vers un ff, la vie s’anime par une grande phrase en croches qui nous amène à un Allegro
Moderato rythmique et dansant, non sans nous rappeler le thème principal de La Soupe aux choux
composée par Raymond Lefevre. S’en suit une 3ème partie Andante emplie de mélancolie où les 2
instrumentistes dialoguent sur des phrases liées.
Nous terminons avec une partie dynamique et rythmique qui évoque une course entre la flûte et le
piano. Les octaves de la flûte semblent évoquer un cœur qui bat tandis que celles du piano installent un
nouvel ostinato. Cette fois-ci c’est un clin d’œil à John Williams et au thème de E.T que nous propose
l’auteur. Les deux instruments semblent s’être retrouvés et se battent à l’unisson puis en mouvements
parallèles sur des arpèges, pour finalement se réconcilier sur une dernière phrase pacifique.
Yua SOUVERBIE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Un ouvrage à destination des harpistes pour aborder la musique renaissance dans les règles
de l’art !
Il pourra être abordé dès le milieu du 1er cycle et pourra servir bien au delà. Chacun y puisera
à bon escient les éléments qui lui permettront de s’exprimer.
Il est question de phrasé, de point d’appui de note inégale, de ligne mélodique ou
contrepoint, de diminution avec des exemples pour guider l’élève. Un panel de pièces
savamment choisies va permettre de contextualiser et de mettre en pratique toute cette
grammaire de style propre à l’esthétique de la musique renaissance.
En deuxième partie de cet ouvrage, vous trouverez deux exemples de Standards de musique
de cette époque : il s’agit du Passamezo antico et de la Ciaconna. Ils permettront d’aborder
la diminution et l’accompagnement, comme cela se faisait couramment à l’époque sur des
grilles d’accords.
Ce manuel offre également de nombreuses possibilités pour jouer à plusieurs.
Il s’agit d’une sorte de méthode ordonnée et ludique permettant de développer la créativité,
notamment à travers son approche de la diminution que nous appellerions plus
communément de nos jours : l’improvisation.
L’auteur qui est professeur de harpe donne également des indications précises de doigtés et
indique comment faire pour exécuter les altérations sur la harpe.
Voici un ouvrage qui mérite largement que l’on s’y intéresse de près!
Lionel FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Cette jolie mélodie expressive pour débutant se déroule sur un accompagnement de piano tout en soutient et en moteur construisant autour du musicien une douce rêverie.
Après quatre mesures d’introduction du piano qui énoncent le thème celui-ci est repris par le hautbois. Par la suite les échanges de la mélodie se feront en alternance de la main droite du piano au hautbois.
Ce passage du thème fractionné à la manière de deux personnes qui, l’une commençant le début d’une phrase et l’autre la finissant, permet à la fois à l’interprète en herbe de bien compter ses temps et de comprendre également ce qu’est un thème principal.
Il peut ainsi dialoguer en musique de manière simple et agréable les notes répétées du piano donnant de l’allant à l’écriture plus simple de la ligne de chant du hautbois.
Dans la partie centrale, les anacrouses apportent une touche rythmique et plus dynamique ; il faudra alors être sûr de sa pulsation interne même si le piano est écrit de telle sorte à encadrer mélodiquement et harmoniquement ces interventions.
Les phrases, de construction classique, se découpent avec élégance dans un cadre de 4 temps binaires bien installés. Il est tout à fait possible de penser le morceau à la blanche et d’aborder par là même la notion de pulsation adéquate à l’identité et au caractère d’une composition.
Avec ce morceau charmant fait de longues phrases et de tenues, le travail sur le son, sur l’air et sa conduite peuvent se faire de manière très agréable.
La gestion des respirations présente dans la fin du morceau un petit défi : dans une variation du thème qui permet au compositeur de développer plus longuement et de conclure sa pièce, il faut trouver la meilleure respiration possible pour aller au bout des dernières phrases.
Écrit en sol mineur, une tonalité où les doigtés sont plus abordables pour les débutants, le morceau emploie une tessiture allant du ré grave au mi aigu. Le compositeur intègre par ailleurs plusieurs passages de ré médium afin d’exercer avec souplesse ce passage toujours délicat du demi-troue.
Cet Air bucolique, petite pièce rêveuse qui plonge dans les souvenirs d’enfance, aborde tous les paramètres du hautbois et du musicien débutant dans les six premiers mois de son apprentissage.
Un air charmant qui reste en tête et que l’on a plaisir à chantonner justement, pourquoi pas, lors d’une flânerie aux beaux jours ?
En commandant la partition sur le site de l’éditeur, vous recevrez en cadeau dans votre boîte e-mail, les fichiers sonores de démonstration (instrument avec accompagnement de piano et piano seul).
https://www.lafitan.com/
Sophie LE DENMAT
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Toujours sur un ton humoristique, notre ami Joubert nous pond cette fois-ci un fraisier magistral ! Commençant par un poème en l’honneur du « Fraisier hautbois », cette pièce de 3 minutes 15 est adressée aux pratiquants de niveau 4ème année. Après l’entrée majestueuse du Capron royal dans une nuance forte, on continue l’histoire avec un petit capron rouge en staccato piano accompagné en croches piquées. Il porte un pot de confiture onctueux, décris par une ribambelle de liaisons, rencontrant évidemment le loup dans une petite cadence en forte. Reprise du pot de confiture, puis « Interlude agité » sur une spécialité française : la mara des bois qui est bien évidemment la sœur de Robins. On y trouve une productivité phénoménale de doubles en gammes montantes (avec des mélanges de liaisons et détachés), toutes aussi vigoureuses les unes que les autres. Retour du petit chaperon rouge qui donne beaucoup de confiture de fraises encore plus onctueux. Puis conclusion royale sur le fraisier royal en gammes et arpèges, toujours avec des mélanges de liaisons et de détachés, plusieurs trilles en crescendo et enfin cadence parfaite. De quoi se régaler !
Marie FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Cette pièce pour hautbois solo a été composée à l’occasion du 21e congrès de l’Association Française du Hautbois qui se tenait début novembre 2017 à la Roche-sur- Yon.
Assez aérienne, elle se compose de plusieurs moments délimités par des changements de tempi et de caractères Lento et Leggero (rapide) suggérant un dialogue intérieur entre une partie apaisée angélique et une partie angoissée plus démoniaque.
Le début, mystérieux avec un tempo assez lent et des points d’orgues sonne comme une sorte de cantique religieux. Celui-ci alterne avec des parties rapides plus complexes au niveau rythmique qui procure un aspect inquiet au dialogue.
Une longue partie centrale intitulée Dolce e espressivo très chantante prend place et apaise le tout. Celle-ci s’enchaine sur une course en triolets de doubles détachés emmenant la mélodie dans le suraigu jusqu’au contre sol.
Tout au long de la pièce les modes de jeux, les nuances très contrastées, les rythmes élaborés donnent des couleurs au discours.
Les rythmes et l’écriture peuvent paraître complexes au premier abord mais finalement assez facilement compréhensibles par la suite les chiffrages étant toujours à la croche sauf dans l’épisode final qui intègre les chiffrages 5/16 et 7/16 conférant à l’ensemble un caractère haletant et tendu.
Avec un travail méthodique il est assez aisé de monter rapidement la partition pour ce niveau. La pièce est intéressante pour aborder l’écriture de rythmes contemporains et construire son répertoire de hautbois solo.
En ce qui concerne l’exécution, il faut prévoir des photocopies pour pouvoir positionner sur un ou deux pupitres les cinq pages de la pièce.
En commandant la partition sur le site de l’éditeur, vous recevrez en cadeau dans votre boîte e-mail, le support sonore de démonstration.
https://www.lafitan.com/
Sophie LE DENMAT
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Cette onzième sonate de Mozart composée au début des années 1780 et publiée pour la première fois en 1874 fait partie des pièces les plus populaires du répertoire pour piano, notamment grâce à son fameux Rondo final « Alla Turca ». Rappelons que le pastiche de la musique turque - plus précisément, celle des compagnie de janissaires turcs chargée de l’intendance militaire sous l’Empire Ottoman - était très en vogue à l’époque : Mozart s’y référera dans L’Enlèvement au sérail mais aussi dans Concerto pour violon n°5 dit « Concerto turc ».
Cette nouvelle édition soutenue par le Center for Early Music Research and Performance de l’Université Sam Houston State au Texas, relate dans la préface les recherches philologiques de l’éditeur Mario Aschauer avec quelques représentations de facsimilés. Comme toujours aux éditions Bärenreiter, se trouve un exposé sur l’interprétation qui, ici, aborde avec précision les particularismes des claviers viennois du XVIIIe siècle, la pédalisation, le toucher, l’articulation et les ornements.
L’ouvrage contient deux éditions de l'oeuvre issues de deux sources manuscrites dont la comparaison est détaillée dans la préface et complétée par l’apparat critique terminal.
Le site de l’éditeur :https://www.baerenreiter.com/en/shop/product/details/BA9186/
Anthony MONDON
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
L’Éducation musicale connait déjà fort bien le travail formidable de Philippe Morant à travers les Livrets du Candidat au Baccalauréat Musique qu’il écrit depuis 2015. Recommandé par des sommités comme Yves Henri, Florent Boffard et Badura Skoda, ce pianiste musicologue et pédagogue saura toujours nous étonner de par sa clarté, sa précision et son exhaustivité, tant dans la forme que dans le contenu de ses propos.
Ce sont toutes ces qualités précieuses et complémentaires qui se synthétisent dans ses ouvrages sur les Polonaises de Chopin. L’auteur sait habilement s’adresser aux jeunes interprètes qui veulent sculpter leur oreille, leur jeu et leur compréhension de la musique du compositeur polonais. Le lecteur est embarqué dans un voyage historique passionnant à travers des exposés détaillés d’analyse, d’interprétation, d’harmonie.
Dans sa préface, Philippe Morant énonce l’enjeu d’un tel ouvrage : « autant l’apprenti pianiste découvrira progressivement, par ces Polonaises, l’harmonie et l’analyse, autant ces deux outils maîtrisés lui permettront de mieux apprendre et interpréter les œuvres. » Cette façon d’engager un aller-retour permanent entre le travail pianistique et l’apprentissage théorique est une innovation remarquable parmi les ouvrages pédagogiques sur la musique.
Ce premier volume qui porte sur les polonaises de jeunesse en sol mineur et si b majeur aborde les principes de l’harmonie (accord de quinte, de 7ème de dominante et leurs renversements, notes étrangères…), des éléments d’analyse (cadences, phrases musicales, sections…) et des clés de l’interprétation (gestes pianistique, pédalisation…). Chacun des exposés est tiré d’une lecture chronologique de l’oeuvre, extraite dans un découpage judicieux en quelques mesures, accompagnée de doigtés et de chiffrages. En fin de chapitre se trouve une reproduction de la partition complète qui met en valeur les éléments essentiels de travail pour l’interprète (notation de doigtés et de pédales).
Anthony MONDON
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Ce deuxième volume fait suite sans défaillir au projet de l’auteur décrit dans la recension du premier volume. À la hauteur de ces deux nouvelles polonaises écrites 4 ans après les deux premières, Philippe Morant aborde de nouvelles notions harmoniques (accord de septième d’espèce et septième diminuée), en précisant encore davantage l’analyse de l’oeuvre et l’exigence de son interprétation.
Comme dans le premier volume, chacun des exposés est tiré d’une lecture chronologique de l’oeuvre, extraite dans un découpage judicieux en quelques mesures, accompagnée de doigtés et de chiffrages. En fin de chapitre se trouve une reproduction de la partition complète qui met en valeur les éléments essentiels de travail pour l’interprète (notation de doigtés et de pédales).
Anthony MONDON
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Cet ouvrage est né d’une conviction pédagogique décrite dans la préface de l’auteur : « Le piano à 4 mains devrait jouer un rôle prépondérant dès le début d’une éducation pianistique. Jouer à 4 mains n’aide pas seulement à développer la musicalité ou les compétences techniques, mais c’est aussi une activité très encourageante et amusante qui réduit le trac de scène. »
Le but de cette collection est de proposer un répertoire varié pour les fins de premier cycle et deuxième cycle, allant des Sonatine de Kuhlau aux petites Etudes de Bertini, en passant par des pièces brèves de Reinecke, Gurlitt, Schumann… Sur les 30 pièces, 21 sont impeccablement enregistrées dans un CD joint au livre.
Les suggestions de nuances et d’articulations viennent des éditions originales des pièces. En plus des doigtés proposés, quelques aménagements supplémentaires de l’éditeur sont présents entre parenthèses.
L’édition PWM (Polskie Wydawnictwo Muzyczne) propose ici un travail remarquable tant du point de vue de l’esthétique, de la gravure, que dans le choix des pièces. Il est encourageant de voir que cette formation à 4 mains, très populaire au XIXe siècle, est abordable pour les débutants sans que la qualité musicale en pâtisse.
Le site de l’éditeur : https://pwm.com.pl/pl/sklep/publikacja/na-cztery-dzieciece-rece,grzegorz-mania,22130,ksiegarnia.htm
Anthony MONDON
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Cette anthologie fait suite à la précédente et démontre une fois de plus l’attachement des auteurs à cette formation : « Le but de cette collection n’est pas seulement de donner goût au répertoire pour 4 mains, mais aussi de prouver que cette formation n’est pas surannée. Encore beaucoup de compositeurs contemporains voient dans le 4 mains une palette sonore riche de couleurs. Nous espérons que ce travail pourra inspirer de jeunes compositeurs. »
De niveau fin de deuxième cycle et troisième cycle, on trouve 18 pièces présentées dans l’ouvrage dont 12 enregistrées dans un CD joint au livre. On y jouera Grieg, Schumann, Weber, Barber, Diabelli, etc. mais des moins connus du grand public : Zelenski, Schytte, Noskowski, Zarebski.
Les suggestions de nuances et d’articulations viennent des éditions originales des pièces. En plus des doigtés proposés, quelques aménagements supplémentaires de l’éditeur sont présents entre parenthèses.
À l’instar de l’ouvrage Na cztery dzieciece rece, cette édition est claire, précise et constitue un bel objet que devrait intéresser les professeurs de piano.
Le site de l’éditeur :https://pwm.com.pl/pl/sklep/publikacja/grajmy-wiecej-na-cztery-rece,grzegorz-mania,24032,ksiegarnia.htm
Anthony MONDON
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Ce recueil très poétique a été conçu pour des débutants ayant de petites mains. On commence par le vieux manoir, « calme et auréolé de mystère » de forme ABA, comprenant un thème « paisible » et expressif joué alternativement à la main droite puis à la main gauche avec l’accompagnement en doubles à l’autre main. Ensuite, Salammbô avec ses triolets constants alternés main droite main gauche, représentant l’ondulation envoûtante recherchée par l’auteur, se joue calmement à 60 à la noire pointée. Dans Perle marine on tente une « expression douce, rêveuse et poétique » jouée par un chant calme à la main droite. Contrairement aux deux précédents, Floris se joue « de bonne humeur, avec entrain » dans une dynamique de 100 à la noire. Puis Soleil couchant se joue avec élégance et délicatesse dans un tempo de valse lente mélancolique. Le thème est à la fois touchant et mélancolique. Douceur argentine est plus dansant, sur un 4/4 modéré. Des accords en noires à la main gauche, pouvant se référer à une danse tribale, contrastent avec le chant aigu et mélodieux, comme mentionné dans l’indication « jeu d’ombre et de lumière ». Charlotte, se veut « joyeux, avec gaieté », comportant plein de croches pointées doubles. S’ensuit Ballade en traineau, « léger et pétillant » et pour terminer Ptit jazz où l’on doit « flâner en sifflotant ». Bref, de quoi bien s’amuser !
Marie FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Cette pièce qui dure environ 2’50 est adressée aux élèves de second cycle. S’inspirant d’un fait réel
historique du XVième siècle, les compositeurs proposent aux valeureux élèves d’aujourd’hui d’accéder à
l’âme de la chevalerie. A tempo modéré, la partie de timbales permet de développer sa justesse, sa
stabilité, ainsi que toute une palette de nuances et de couleurs. La variété des rythmes abordés est
également très intéressante à ce niveau instrumental. L’accompagnement de piano nous plonge dans une
ambiance médiévale chatoyante et l’élève aura même l’occasion de montrer sa bravoure lors d’une
cadence de timbales solo ! La fin du morceau, con forza, est brillante et permettra de développer un jeu
large et puissant.
Thierry LE CACHEUX
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Ces courtes pièces, d’une durée d’1’-1’30’’ chacune, sont adressées aux élèves de début ou milieu de premier cycle. On y abordera les rythmes binaires à partir de croches, avec notamment des contre-temps, des syncopes, les doubles croches, les flas, accents ou coups baguettes synchrones. Tout cela à un tempo allegretto ou allegro. L’élève sera soutenu par une partie de piano rythmée, zigzaguant entre le centre de l’instrument et le cercle et s’appliquera à jouer « in time ». De beaux petits morceaux de concert !
Thierry LE CACHEUX
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Il s’agit d’une pièce d’une durée de 2’30’’-3’, adressée aux élèves de premier cycle en percussion, maîtrisant les flas, les ras de trois et les rythmes binaires essentiels. L’élève jouera sur une batterie mais en utilisant les instruments la plupart du temps séparément, dans l’esprit d’un tricoti de percussions classiques. L’interprète pourra développer un jeu délicat de caisse claire, enrichissant sa palette sonore grâce à l’apport de toms, cymbales, wood blocks, grosse caisse à pédale. Et surtout, il ou elle prendra conscience des différents rôles à jouer : soit thématique, en homorythmie avec le piano, soit un rôle d’accompagnement lorsque le thème est joué au piano. En somme, cette pièce très bien écrite permettra d’aborder dès le premier cycle un sujet fondamental en musique : l’écoute.
Thierry LE CACHEUX
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Barigoule fait partie d’un ensemble de concertos végétariens à destination des élèves de fin de 1er cycle. A la façon d’une recette de cuisine, on prépare ici des artichauts à la barigoule, des champignons bien goûteux.
Etape par étape on découvre, on imagine, on assemble les ingrédients dans une musique descriptive et charmante. L’écriture très aérée au début de la pièce se densifie au fil de la partition, laissant petit à petit s’installer quelque chose de plus virtuose qui demandera à l’instrumentiste une bonne aisance technique et rythmique.
Le final, dans un tempo plus rapide, conclut ce concerto de manière brillante et nous donnerait presque envie de cuisiner ce soir... des Barigoules !
Christine ROLLAND
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Le titre annonce la couleur… locale ! Après une introduction « large », mais déjà pleine de sang argentin, trois danses se succèdent dont deux tangos caractéristiques encadrant une milonga argentine très caractéristique. Cette pièce, d’une durée de 3’30, est tout à fait plaisante tant par ses harmonies que par ses mélodies variées. Si les deux tangos présentent une parenté mélodique, ils sont cependant bien différents, ne serait-ce que par la tonalité. Le saxophoniste pourra montrer toutes ses qualités à la fois rythmiques et mélodiques et devra faire preuve aussi d’un grand sens des différentes couleurs qu’il devra tirer de son instrument. Il s’agit donc d’une très jolie pièce à la fois pleine de grâce et d’entrain.
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Voici un morceau qui ne manque pas d’originalité ni de panache ! Dans un mi bémol majeur triomphant, le saxophone énonce une joyeuse mélodie en valeurs longues tandis que le piano la soutient avec un rythme martial. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’ensemble n’engendre pas la mélancolie. Une modulation en do mineur introduit un soupçon de mélancolie en assombrissant un peu le discours, mais les dernières mesures en do Majeur viennent vite rééclairer le tout qui se termine par une tenue de tonique soutenue par une série d’accords parfaits bien soutenu. Il y a de quoi se remonter le moral en ces temps troublés…
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Dans cette petite pièce de 3’35 minutes, René Potrat lui-même saxophoniste, nous propose une balade dans la tonalité principale de mi bémol majeur. On commence par une introduction au piano de quatre mesures sur un 3/8, annonçant dans une nuance forte le tempo à 108 à la noire. Puis le saxophone joue le premier thème, mélodieux, avec quelques montées de gammes en doubles croches. On passe ensuite à un deuxième thème plus rapide et jovial, 130 à la noire sur un 2/4, introduit à nouveau par le piano. On y trouve un mélange de notes liées, piquées et détachées, avec davantage de staccato. Reprise, puis de nouveau une introduction au piano annonçant une troisième partie à 125 à la noire cette fois-ci en mf, reprise et une quatrième partie toujours introduite par le piano, à 116 à la noire, plus chantante cette fois-ci, avec un mélange de lié détaché. Dernier pont au piano et dernière partie, de nouveau enjouée, avec une reprise puis une coda finale en staccato, terminée sur une cadence parfaite forte sur la tonique de do mineur. De quoi se promener dans divers paysages allègrement.
Marie FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Claude-Henry Joubert, compositeur reconnu, nous propose avec ce "Concerto végétarien" une pièce très ludique. En effet, le morceau de fin de premier cycle d'une durée de quatre minutes, est dédié à la princesse Salsifis, tout un programme !
Chacun des huit courts mouvements illustre un épisode de sa vie. La tonalité générale est en la mineur sauf le 7ème mouvement en la majeur, Mariage de son Altesse oblige.
Quelques danses traditionnelles (valse, polka) alternent avec des indications de caractère plus exotiques et humoristiques et couvrent un panel de tempi allant de lent à modéré.
Cette diversité présente un intérêt pédagogique car elle permet à l'enseignant d'aborder avec ses élèves soit des difficultés d'ordre technique (précision digitale, précision des articulations…) soit des mises en place particulières (notamment avec les valses à la blanche pointée) ou encore un travail autour du son et du phrasé.
Le caractère pédagogique assumé de ce morceau n'altère en rien son charme et ne saurait nuire à une musicalité bien présente. La partie de piano, elle aussi abordable par un élève de fin de premier ou début de second cycle, sera, à coup sûr, l'occasion de duos très apprécié des enfants.
Cette pièce est éminemment sympathique et confirme les talents de compositeur et de pédagogue de Claude-Henry Joubert.
En commandant la partition sur le site de l’éditeur, vous recevez en cadeau, dans votre boîte e-mail, les fichiers sonores de démonstration (instrument avec accompagnement de piano et piano seul).
Magalie LEMAIRE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Ce concerto appartient à une collection d’œuvres dites végétariennes que le compositeur destine aux élèves évoluant en 4ème année de 1er cycle tous instruments confondus. Le jeune tromboniste est ainsi amené à mettre en musique une histoire caractéristique du mois de décembre...
La tessiture restreinte (la partition ne monte pas au-dessus du ré) réserve cette pièce aux élèves « appareillés », limités de facto dans leur tessiture mais avançant sereinement dans leur formation musicale. Grâce aux indications du compositeur, l’élève est amené à changer de mode de jeu en utilisant les articulations de base qui lui permettront de raconter l’histoire de cette partition parfaitement tonale. Avec humour, les différentes chansons, contes ou autres scènes de vie permettent de plus à l’interprète et à son professeur d’investir didactiquement l’imaginaire mis en œuvre durant la pièce et d’enrichir l’interprétation.
Jean-Charles DUPUIS
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Un aléa est-il une bonne ou une mauvaise chose ?
Concerto énigmatique dans la lignée de Jeux d’Intervalles de Jacques Castérède, Alea est structuré en cinq parties et semble nous interroger sur la question du sens à donner aux évènements qui se succèdent…
Après une énigmatique introduction en arche qui se termine comme elle a commencé par un motif mystérieux mais cette fois-ci descendant, le compositeur développe un discours heurté avec des phrases courtes qui amène l’interprète à une longue cadence aux motifs mélodiquement et rythmiquement tournoyants. De ce chaos, l’interprète sortira un peu groggy et reprendra peu à peu ses esprits dans une quatrième partie salvatrice, véritable transition vers un final qui intégrant et acceptant les interrogations du début et les différents tournoiements cadentiels.
Cette pièce est destinée aux élèves en fin de 2ème cycle ayant une belle tessiture (un si♭ aigu est écrit) et sachant bien lire la clef d’ut 4ème ligne. Les multiples altérations diésées et l’enchaînement des intervalles peuvent leur rendre difficile l’écoute des lignes mélodiques, mais elle leur offre aussi un rapport à l’atonalité qui devrait leur permettre de travailler la connaissance de leurs intervalles et la qualité de leur intonation
Composée en 2020, année ou un aléa virologique a changé la vie de milliards de gens à travers le monde, la pièce semble vouloir nous guider vers ces Chemins qui ne mènent nulle part dont nous parlait Heiddegger…
Jean-Charles DUPUIS
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Pièce d’environ 3 minutes pour trompette et piano de niveau fin de premier cycle, rythmiquement riche
en 3 parties ( binaire/ternaire/binaire ) dans un ambitus allant du do grave au sol aigu.
Après une première phrase déclamée mélangeant phrasé accentué et louré, suit un chant délicat. Cette
partie s’achève sur une phrase en triolets avec articulation mélangée.
La deuxième partie ternaire très rythmique se joue avec une sourdine sèche. Elle se déploie dans un
grand crescendo.
La dernière se compose d’une série de gammes en doubles croches et s’achève dans un grand
crescendo fortissimo.
C’est une pièce très complète techniquement pour une fin de premier cycle.
Florent CARDON
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Pièce de milieu/fin du 1er cycle pour trompette et piano. Intégralement en 4/4, l’ambitus va du la grave
au sol aigu. Elle se développe en trois parties distinctes par des changement de tempo ( 96, 76, 120 ).
La thématique principale est très lyrique. Elle est reprise tout au long de la pièce, transposée puis variée.
L’ensemble est assez riche rythmiquement et assez simple sur le plan de l’articulation.
La mise en place avec le piano ne pose pas de difficulté particulière.
C’est une pièce abordable dès la 3ème ou 4ème année d’instrument qui permettra à l’élève de montrer
ses qualités musicales.
Florent CARDON
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Un morceau intéressant, surtout par son accompagnement à l’harmonie
foisonnante, presque jazzy, en dépit de son titre qui ne reflète pas tout à fait sa
construction musicale. Une petite introduction de piano ouvre la danse à 2
temps en ré mineur. Elle est suivie d’une cadence au caractère improvisé,
soutenue par quelques accords de piano. Après un court passage à 3 temps la
danse réapparait, puis une petite coda clôt cette pièce, laissant la musique
s’éloigner (pp et point d’orgue). C’est donc une forme ternaire. Si la partie A
(danse) peut être jouée par un élève en fin du 1er cycle, la partie B : cadence,
atonale, avec des déplacements qui ne sont pas toujours très confortables pour
la main gauche, destinerait cette partition plutôt à l’usage des élèves en milieu
du 2e cycle. Riche en nuances et articulations (legato, piqués, accents, tremolo,
pizz.) elle pourrait constituer une bonne approche de la musique contemporaine
et permettre d’éveiller l’imagination.
Anna Maria BARBARA
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Cette nouvelle parution de la Danse macabre est un prélude à l’édition complète des œuvres
instrumentales dirigées par Céline Drèze. Ainsi Bärenreiter annonce la célébration du
centième anniversaire de la mort de Camille Saint-Saëns. Son poème symphonique a été
écrit en 1874 d’après le poème d’Henri Cazalis Égalité – Fraternité. Dans la version
orchestrale, la partie de violon solo représente la mort qui invite à danser une valse
annoncée par le triton la - mi♭ sur les cordes à vide (scordatura). La composition a très
rapidement conquis le public et son succès incessant a encouragé de nombreux
compositeurs interprètes - en commençant par Franz Liszt- à l’arranger pour différents
instruments. S’il existe aujourd’hui une cinquantaine de transcriptions, seulement deux
sortent de la plume de l’auteur : l’une pour deux pianos, l’autre pour violon et piano. Cette
dernière a été créée par Saint-Saëns lui-même au piano et son ami, le violoniste Aimé
Gros, en avril 1877 ; elle est dédiée à Joseph Hellmesberger, violoniste et chef d’orchestre,
directeur du conservatoire de Vienne qui fut une influente personnalité de la vie viennoise.
La nouvelle révision Urtext est basée principalement sur la première édition par Durand,
Schœnwerk & C. ie datant de juin 1877, visible ici
, en comparaison avec le manuscrit
déposé à la Bibliothèque nationale à Paris. Soixante-onze corrections reprécisant différents
détails : articulations, nuances, certaines altérations, annotations agogiques… résultent d’un
travail musicologique méticuleux. Il y a donc de quoi contenter un interprète soucieux d’être
au plus près des intentions du compositeur.
À noter que la version originale pour l’orchestre est proposée sous la référence BA 8834.
https://www.baerenreiter.com/en/shop/product/details/BA10941/
Anna Maria BARBARA
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Les pièces de la célèbre comédie musicale de Bertolt Brecht et Kurt Weill : l’Opéra de quat’sous, créé en 1928 ont été transcrites de nombreuses fois pour différents instruments et ensembles.
La version pour violon et piano remonte à 1930 et a été arrangée par Stefan Frenkel, violoniste Juif polonais, né à Varsovie en 1902. Il prend ses premières leçons de violon auprès de son oncle Moritz Frenkel, professeur talentueux, qui, quelques années plus tard initiera au violon le tout jeune Henryk Szeryng ! De 1919 à 1921, Frenkel étudie le violon avec Adolf Busch et avec Carl Flesch à Berlin, et prend des cours de composition avec Friedrich Ernst Koch à la Musikhochschule de Berlin. De 1924 à 1927, il se fait employer comme premier violon de l'Orchestre philharmonique de Dresde, un poste qu'il occupe simultanément avec Szymon Goldberg. Puis il émigre en Suisse et devient premier violon de l'Orchestre de la Suisse Romande à Genève, avant de s’exiler aux États-Unis en 1936 où il devient premier violon solo du Metropolitan Opera de New York. Il a ensuite travaillé comme premier violon à l'opéra de Rio de Janeiro et à Santa Fe, comme professeur de violon à l'université de Princeton, et comme soliste et musicien de chambre. Il est décédé à New York le 1er mars 1979.
Les Sept pièces tirées de l’Opéra de quat’sous font penser aux arrangements de Porgy & Bess de Jasha Heifetz. Frenkel a choisi sept mélodies parmi les plus connues, à savoir : Moritat vom Mackie Messer ( La complainte de Mackie le Surineur ), Ruf aus des Gruft ( Ayez pitié, ayez pitié de moi ), Ballade vom angenemen Leben (Ballade de bonne vie), Polly’s Lied, Zuhälterballade ( Ballade du souteneur ),Seeräuberjenny ( Jenny des Corsaires ), Kanonensong ( Chant des canons ).
Chacune des pièces donne au violoniste la possibilité d’une démonstration tant virtuose ( pizz. main gauche, harmoniques, y compris en doubles cordes, effets tremolo avec pizzicati, bariolages ) que musicale. Il y a donc là de quoi enrichir le programme d’un récital ou d’une liste de bis !
N’hésitez pas à intégrer ces arrangements, certainement encore trop méconnus, dans votre répertoire !
Vous pouvez trouver sur Youtube quelques belles versions par:
Jascha Heifetz - https://www.youtube.com/watch?v=hm-HvHOK5gs
Alexis Galpérine - https://www.youtube.com/watch?v=-I2LoXcalfU
Boris Blacher - https://www.youtube.com/watch?v=QNFwk8Rwn6s
Anna Maria BARBARA
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Comme le titre l’indique, nous tenons entre les mains un manuel destiné aux violonistes de bon, voir de très haut niveau : étudiants, pédagogues, professionnels et concertistes. L’auteur, Sławomir Tomasik, violoniste polonais, disciple de Krzysztof Jakowicz, Tadeusz Wroński, et André Gertler, est professeur à l’Université de musique Fréderic Chopin de Varsovie et professeur invité à Soai University à Osaka. Par cette publication, il met l’accent sur l’importance majeure d’un échauffement, à l’instar de sportifs de haut niveau, dans toute pratique quotidienne du violon. Il a pris comme moto la citation d’Hubert Léonard, compositeur et grand pédagogue belge de l’instrument : « Il faut de la patience dans les arts pour obtenir de bons résultats. Savoir travailler est un talent ».
L’ouvrage de 203 pages est divisé en deux grandes parties :
L’échauffement de la main gauche
I. Vélocité
II. Doubles-cordes
III. Harmoniques
IV. Pizzicato de la main gauche
V. Trille
L’échauffement de la main droite
VI. Accords
VII. Staccato
VIII. Coups d’archet sautillés, volants, jetés, ricochets
IX. Volume sonore
Il contient des exercices et des fragments d’œuvres du répertoire. Si certains noms sont bien connus de violonistes et pédagogues français, comme par ex. Schradieck, Gaviniès ou Dont, d’autres pourraient faire l’objet d’une belle découverte : Jahnke, Kolář, Kroguïev, Grossman… En effet, de part son histoire et sa situation géopolitique, l’école polonaise du violon a connu des influences venant tant de l’ouest que de l’est de l’Europe, c’est pourquoi nous pouvons la qualifier comme la synthèse de l’école franco-belge et russe. De ce point de vue, la publication de Sławomir Tomasik constitue donc un compendium de connaissances et pratiques particulièrement intéressant. Des extraits de pièces de Wieniawski, Ysaÿe, Paganini…complètent ce recueil et font de l’échauffement un vrai défi de virtuosité. Chacun peut adapter les exercices aux exigences du programme à travailler, en choisissant les pages les plus adaptées aux besoins du moment. Chaque exercice est doté d’un succinct mais pertinent commentaire ainsi que de précieux conseils en polonais et en anglais. Espérons que la prochaine réédition proposera le texte également en français !
Il faut absolument féliciter l’éditeur PWM pour la qualité et l’esthétique de la publication qui en fait un très bel objet et par conséquent nous motive encore plus à plonger dans son contenu ! Seul petit bémol : certains fragments nécessitent une tourne de page, ce qui peut couper l’élan…la solution serait de faire une photocopie, ou (encore mieux !) d’apprendre le fragment par cœur.
En guise de recommandation, nous traduisons et citons ici, dans son intégralité, le commentaire de l’excellente soliste polonaise : Kaja Danczowska, imprimé au verso de la couverture :
Une superbe sélection d'exercices acrobatiques et d'extraits de pièces connues. Ils attirent, apaisent les nerfs et améliorent l’humeur. Il s'agit bien d'un alpinisme violonistique - comme le dit l'auteur lui-même. Je recommande cette extraordinaire "quarantaine" à tous les violonistes, y compris les concertistes - ou peut-être à ces derniers en particulier ? Roman Totenberg1 avait 101 ans et a joué jusqu'à la fin de sa vie. Peut-être parviendrons-nous à vivre plus longtemps, grâce à la nouvelle publication de Sławomir Tomasik ?
https://pwm.com.pl/en/sklep/publikacja/rozgrzewka-skrzypka,slawomir-tomasik,23792,ksiegarnia.htm
1 Roman Totenberg (1er janvier 1911 - 8 mai 2012) était un violoniste et pédagogue polono-américain.
Anna Maria BARBARA
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Durée : 4’ Niveau 1er cycle
Cette jolie pièce printanière écrite en 6/8 et dans la tonalité de ré mineur n’est pas sans rappeler certaines ritournelles de notre enfance, alternant couplets et refrain. Un passage en 2/4 se glisse au milieu du morceau, laissant place à une certaine mélancolie.
L’élève pourra, avec l’aide de son professeur varier les doigtés (choix de l’extension arrière en demi-position pour le si♭ ou démanchés).
Idéal pour développer l’expression et le legato, idéal également pour la maîtrise de la mesure ternaire.
En commandant la partition sur le site de l’éditeur, vous recevez en cadeau dans votre boîte e-mail, les fichiers sonores de démonstration (instrument avec accompagnement de piano et piano seul).
www.lafitan.com
Virginie CONSTANT
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Durée : 5´ Niveau 3ème cycle
Le poème de Paul Verlaine « Clair de Lune » est à lire avant de commencer la musique.
Une belle pièce lente pour faire chanter le violoncelle ( Tendre et Intense, Langoureux et Intense, Rêveur), dans un style classique.
L’usage des harmoniques à la fin nous laisse dans un songe.
www.editions-delatour.com
Virginie CONSTANT
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Durée 10’30 environ, pour violoncelliste aguerri, minimum 3ème cycle
Jean-Charles Gandrille est compositeur et organiste. À l’âge de 35 ans il apprend le violoncelle car fasciné par les fameuses Suites de Jean-Sébastien Bach.
Il s’agit donc ici d’une pièce écrite à l’instar des Suites.
L’ouverture tel un prélude est de forme assez libre, alternant mélodies et polyphonies, dans une écriture classique. La polyphonie peut s’avérer parfois complexe à réaliser et demande une certaine aisance sur l’instrument. Le mouvement s’achève sur une jolie couleur d’harmoniques et pizzicati.
La danse qui suit alterne mesures binaires et ternaires dans un tempo nerveux. L’écriture (alternance pizzicati, polyphonies) n’est pas sans rappeler un certain Benjamin Britten et ces fameuses suites pour violoncelle seul.
Cette pièce, en plus de l’intérêt qu’elle présente a le mérite d’élargir le répertoire.
Virginie CONSTANT
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Ce livre retrace de façon complète et exhaustive les mélodies de jeunesse du compositeur brestois Jean Cras, seul et unique élève de Henri Duparc. Classées dans l’ordre chronologique (de 1892 - lorsque le compositeur avait 14 ans - à 1901), ces trente-huit mélodies enrichissent le répertoire déjà publié des cycles Élégies, L’Offrande lyrique, Fontaines et des Cinq Robayaïats de Omar Khayyam, ainsi que quelques mélodies séparées publiées dans la biographie de l’auteur Franco-Canadien, Paul-André Bempéchat Jean Cras, Polymath of Music and Letters (Routledge 2009).
La préface de l’auteur relate de façon succincte mais précise la vie du compositeur. Écrites sur des poèmes de Hugo, Musset, Maeterlinck, Silvestre - pour ne citer que les plus connus -, les mélodies sont accompagnées des textes originaux et traduits en anglais. Plusieurs documents d’archives (photographies du compositeurs, dessins, manuscrits…) sont répartis tout au long de l’ouvrage.
Composées par un adolescent autodidacte qui se cherche musicalement, ces oeuvres font parfois sourire de par leur gaucherie harmonique, leur fantaisie formelle, et l’aspect brut de l’écriture. Elles nous montrent, en tout cas, le point de départ de ce compositeur en herbe et son évolution formidable à venir, tant dans le genre de la mélodie que celui de la musique de chambre.
Issu d’un travail d’équipe commencé en 2017 avec l'appui du Département des langues romanes de Harvard et du Massachusetts College of Art and Design, l’ouvrage remarquable par sa facture présenté par Paul-André Bempéchat (http://www.bempechat.com) saura intéresser musiciens et musicologues pour (re)découvrir cette figure postromantique et impressionniste de la musique française.
Le site de l’éditeur : http://www.jeancras.com
Anthony MONDON
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Jeux d’étoffes et de désirs : Ce titre fait référence à l’univers de la mode dont les défilés parisiens sont la quintessence de l’esprit français de par le monde : luxe, calme et volupté.
Cent ans après la parution en 1915 de la Sonate pour flûte, alto et harpe de Debussy, qui le premier eut l’idée de marier les instruments de cette formation, Bernard de Vienne, pour cette commande de l’Ensemble Stravinsky, rend hommage à cette pièce phare du répertoire, comme il nous l’explique lui-même :
« Ce trio - en cinq parties enchainées sans interruptions - développe une écriture fragmentaire, colorée, légère et ondoyante, apparentée aux procédés de composition de Debussy et à l’esprit des poèmes de Stéphane Mallarmé. Comme un hommage qui ne dit pas son nom, certains éléments empruntés à la sonate de Debussy - motifs à part entière ici - peuvent se discerner. »
« L’esprit français » est souvent défini par l’épure, la pudeur, le raffinement, si ce n’est une certaine préciosité. Dans Jeux d’étoffes et de désirs, cet esprit se révèle de légèreté, de presque rien, de dévoilement et d’effacements, de suspensions et de silences, et de timbres riches de nuances et de couleurs. La forme elliptique et mouvante change constamment d’atmosphère ; ce sont de courts moments de „polyphonie de modes de jeux/timbreʺ. De temps à autre - comme des motifs végétaux proliférants - la musique s’échappe un instant en envolées aériennes vers un au-delà pour mieux retomber et recommencer : élans
Les indications d’interprétation sont bien détaillées par le compositeur. Le flûtiste se délectera de notes chantées, sons éoliens, harmoniques, jet whistle, sifflements (embouchure dans la bouche, technique que l’on retrouve dans beaucoup d’œuvres de Sciarrino), pizzicato. Comme à la flûte avec ses bisbigliando, l’alto s’amusera à alterner trilles, tremolo, glissando ou harmoniques pour créer différents effets de jeux, comme des froufrous, qui nous font deviner les mouvements des étoffes. Ceux-ci contrastent avec des motifs plus nerveux constitués de notes piquées, de chromatisme, auxquels répondent des clusters ou des sons plus percussifs à la harpe. Nous y retrouverons également les harmoniques chères à Debussy.
Cette œuvre est abordable en cycle spécialisé.
Un éclat de lumière est une très courte pièce de 12 mesures écrite pour le New Gates Trio pendant le confinement du printemps 2020. Elle porte bien son nom : chaque intervention des trois instrumentistes est un jaillissement de scintillantes étincelles traduites par des trilles, des tremolos, des notes répétées en decrescendo rythmiques et de dynamique, glissandi d’harmoniques, de rapides levées et d’attaques accentuées.
Le titre fait référence au livre « Eclats de sel » de Sylvie Germain, dont un extrait a été mis en musique pour voix de soprano solo en 2005 sous le nom « Les échos du silence ».
Vous trouverez des enregistrements de ces deux œuvres sur le site du compositeur : www.bernarddevienne.com
Yua SOUVERBIE
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Durée : 4´30 Niveau : pour une classe de violoncelle, 8 voix à repartir du 1er au 3ème cycle et plus.
Voici une belle pièce abordable (limpidité et clarté de l’écriture) pour un octuor avec différents niveaux.
L’originalité de la pièce tient aussi du fait qu’elle est écrite pour 3 voix du haut solistes et 5 accompagnants. Les 5 voix du bas sont en homorythmie permanente, ce qui simplifie la mise en place. Là aussi on est reconnaissant d’étoffer le répertoire d’ensembles de violoncelles, avec cette pièce lumineuse, dont les violoncellistes sont si friands.
Virginie CONSTANT
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Les transcriptions pour orchestre d’œuvres pour piano sont monnaie courante. Parfois, elles sont l’œuvre du compositeur lui-même, mais souvent aussi d’autres compositeurs. L’exemple le plus connu – et tellement réussi – est la transcription des Tableaux d’une exposition de Moussorgski par Ravel. Transcrire, c’est forcément passer par l’mage mentale et auditive que l’on se fait de l’œuvre originale. Cette transcription a été réalisée par Max d’Ollone vers 1939, c’est-à-dire dans son âge mur. L’orchestre est composé de 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones, 1 tuba, timbales, grosse caisse et cymbales, 1 harpe, et cordes. La présentation de Joffrey Godart sur le site de l’éditeur précise avec justesse que « D’Ollone s’efforce de rendre la subtilité de l’écriture pianistique de Liszt tout en exploitant le potentiel de l’orchestre. Au travail sur les nuances, il ajoute un jeu sur les timbres que le piano ne permettait pas. ». On lira avec profit l’ensemble de la présentation qu’il est inutile de reproduire ici. Signalons que cette transcription figure sur un CD publié sous le label Ediciones singulares et qu’on peut en écouter un extrait sur le site des éditions Symétrie. Celles-ci proposent à la vente un conducteur en A 4, un conducteur en A 3 et le matériel d’orchestre en location.
Daniel BLACKSTONE
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Romain Dumas, compositeur et chef d’orchestre né en Nouvelle Calédonie nous offre ici une composition dont le titre n’est pas sans évoquer une autre œuvre. Le cagou est un oiseau endémique de la Nouvelle Calédonie. Nous le suivons dans sa visite de l’Exposition Universelle de 1900. Il n’est pas inutile de noter ici la composition de l’orchestre : flûtes, hautbois, clarinettes, bassons, cors, cornets en si♭, percussions, piano, harpe, violons 1, violons 2, altos, violoncelles, contrebasses. On notera en particulier la présence du piano et de la harpe. Les influences de ce compositeur se nomment Ravel, Debussy, Poulenc, Dutilleux… Nous sommes à bonne école : le compositeur est, avec son langage coloré, fleuri, plein de vigueur et d’humour, un digne continuateur de la bonne école française. Les épisodes de la pièce se déroulent comme suit :
Agitation sur l’avenue de l’Opéra, Tombée de la nuit, Folies sur les Grands Boulevards, fiacres et automobiles ; Exposition au Grand-Palais : manèges en bois, barques, pilou kanak sous la tour Eiffel. Réveil. Adieu à la Madeleine. Rencontre sur le pont Alexandre III.
Découverte de la sensation extraordinaire de s’envoler.
Le cagou est un oiseau qui ne vole pas, mais qui pourtant, après avoir parcouru toutes les étapes précédentes, s’envolera après une rencontre mystérieuse sur le pont Alexandre III… Souhaitons pouvoir entendre bientôt cette œuvre qui fait du bien en cette période incertaine…
Daniel BLACKSTONE
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Remercions les éditions Symétrie de mettre à la disposition des orchestres des œuvres peu
connues de compositeurs qui ne méritent pas cet oubli. C’est tout à fait le cas pour cette
Ouverture d’un opéra-comique dont on connait seulement – au mieux – le nom. On trouvera
sur le site de l’éditeur une très intéressante notice sur l’œuvre et le compositeur. Nous y
renvoyons : https://symetrie.com/fr/titres/ouverture-azemia
Donnons simplement ici la nomenclature : 2 petites flûtes, 2 hautbois, 2 bassons, 2 cors,
cordes. Ajoutons que pour avoir une vision complète de l’œuvre, on peut l’écouter tout
simplement sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=-uESn3o7GmQ
Souhaitons que beaucoup d’orchestre mettent cette œuvre très
plaisante à leur répertoire. Le conducteur est disponible à l’achat
en deux formats et le matériel d’orchestre est disponible en
location.
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Cette œuvre pour chœur pouvant se diviser en 8 voix distinctes, se décompose en trois parties : un Kyrie, un Sanctus et un Agnus Dei. « Le kyrie comprend six harmonies qui présentent comme particularité de posséder en commun le triton sol ♯ – ré, qui se superpose à la fin de l’exposition de chaque harmonie. » Il commence Espressivo à 46 à la noire avec deux voix de soprani et une voix d’alti. Les alti et les soprani font ensuite deux ponts chacun en Portato vers 4 Espressivo distincts pour arriver à un Declamato soprano Solo. S’ensuit deux Portato entourant un Espressivo aux voix graves amenant un Tutti sur un « Eléison » forte, puis « Christe » double forte. Il se termine par deux Declamato en solo pour un ténor sur un « Christe éleison » entourant un « Kyrie tutti ».
«Le Sanctus est formé de séquences contrastées », comprenant beaucoup de changements d’indications de mesures. « L’Agnus Dei comprend deux parties ; la deuxième (Dona nobis pacem) se présente comme une rénovation de l’écriture et de la couleur harmonique et c’est aussi le seul passage de la Missa brevis laudationis où toutes les voix du chœur chantent ensemble ».
Marie FRASCHINI
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Le titre est assez implicite : y a-t-il — comme un postschoenbergisme — un postbergisme ? Selon la dernière de couverture : « Wagner avait déjà largement transgressé les lois de l’opéra classique, Berg va les refonder. Wozzeck en fut le premier bénéficiaire. Lulu va en poursuivre l’épanouissement en radicalisant les données pour mieux les enfreindre ».
Michel Fano (né en 1929), compositeur de musique sérielle, écrivain et cinéaste, permet au lecteur de « visiter » l’opéra de référence dans sa complétude, grâce à la présentation analytique de chaque scène. Il y insiste sur l’opposition tonal/atonal, l’importance de la série, le rôle de la consonance et de la dissonance dans ce « récit musical » ; sur l’unicité (du discours musical, de la série, des décors, de la gestique des protagonistes à un moment donné). Il relève l’obsession bergienne de la symétrie, de la forme en arche et du miroir, son fantasme du chiffre et du cryptage.
En conclusion, dans son effort vers un art total dépassant Wagner : « son, mot et image sont en constante corrélation ». La publication s’achève par une dizaine de fiches descriptives de mises en scène (totale ou partielle) de Lulu, début XXIe siècle. Un fascicule d’exemples musicaux judicieusement sélectionnés accompagne l’ouvrage. Il y aura un avant et un après la lecture de ce livre indispensable à l’appropriation du message bergien.
Édith WEBER
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Issu du colloque international «Le cinéma populaire et ses musiciens en France (1939-2018) »
qui s’est déroulé du 5 au 7 juin 2019 à la Maison des Sciences de l’Homme et de l’Université de
Bourgogne, cet ouvrage recense les contributions de quatorze auteurs spécialistes : Emmanuelle
Bobée, Marie Cadalanu, Gérard Dastugue, Julien Ferrando, Philippe Gonin, Marie Goupil-Lucas-
Fontaine, Florian Guilloux, Laurence Le Diagon-Jacquin, Thiphaine Martin, Laetitia Pansanel-
Garric, Patrick Peronnet, Sylvain Pfeffer, Anthony Rescigno, Jérôme Rossi.
Ce livre porte sur un sujet occulté jusqu’alors par la littérature universitaire : le cinéma populaire
et ses musiciens. De Misraki à François de Roubaix en passant Michel Polnareff, -M-, Georges
Van Parys ou Raymond Lefèvre, les bandes originales de films aux vedettes populaires sont
analysées avec un grand soin et une grande précision, notamment grâce une sélection importante
d’illustrations, d’extraits de manuscrits et de partitions.
Après la sélection de livre pour le Prix du Livre France Musique-Claude Samuel 2021, les
auteurs Jérôme Rossi et Philippe Gonin ont donné une brève interview :
https://www.francemusique.fr/musique-classique/le-cinema-populaire-francais-et-ses-musiciens-selection-du-prix-du-livre-france-musique-claude-samuel-2021-92446
Le site de l’éditeur : https://eud.u-bourgogne.fr/cinema/726-le-cinema-populaire-francais-et-ses-musiciens-9782364413795.html
Anthony MONDON
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Dans la collection « les essentiels de la musique », Hélène Cao nous propose un ouvrage qui est effectivement un de ces « usuels » qu’on aime avoir à tout moment à portée de main. Il est de ces livres dont on ne peut se passer. Ce fut autrefois La musique et les musiciens d’Albert Lavignac, puis le Dictionnaire de la musique de Roland de Candé. Ces deux volumes méritent de prendre leur place au côté de ces deux ancêtres. Prenant la forme d’un dictionnaire, cette mine de renseignements de tous ordre balaye l’ensemble du domaine musical. L’auteure explique les limites qu’elle s’est fixées : « Les vocables relatifs à la facture instrumentale, qui appartiennent à un autre domaine, ont donc été écartés, ainsi que la terminologie propre aux traditions orales, musiques extra-européennes et populaires (chanson, jazz, pop, rock etc.) »
Ces deux volumes s’adressent donc aussi bien à des amateurs ayant un minimum de connaissances musicales et désirant les approfondir qu’aux grands élèves de nos Conservatoires mais aussi à leurs professeurs : la matière est extrêmement riche et précise, mais accessible à tous et sans aucune pédanterie ni technicité gratuite. Les différents articles se lisent comme des romans et on a du mal à décoller de cet ouvrage quand on l’a ouvert… On a vraiment envie d’en savoir toujours davantage et comme dans un bon feuilleton, à la fin de chaque article, de connaître la suite… Il s’agit donc d’une incontestable réussite pour une entreprise que seules les talents et les compétences multiples de l’auteure pouvaient permettre de mener à bien. Ajoutons que si cet ouvrage ne comporte aucune illustration, en revanche il contient de très nombreux exemples musicaux qui permettent de comprendre les explications. J’ajouterai une petite note personnelle : j’ai été très agréablement impressionné que le Coral soit enfin considéré comme une forme à part entière et de trouver dans cet article la phrase de Luther sur la musique : « Satan la déteste fort car elle nous aide à chasser bien des tentations et des mauvaises pensées » et l’exemple musical est le célèbre choral de Luther : Ein fester Burg ist unser Gott… Ajoutons que cet article nous renvoie au « bar » qui n’est ni un troquet ni un poisson, comme le note Hélène Cao, mais une forme musicale peu connue sous ce nom et cependant très employée…
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Eleanor Lewis-Cloué et Olivier Gladhofer, respectivement aux dessus, ténor et basse de viole pour la première et aux dessus et basse de viole pour le second, ont résolu de brosser à grands traits l’âge d’or de la viole de part et d’autre de la Manche, autour de musiciens de premier et d’arrière-plan.
Pour la Rose (côté anglais donc) sont chronologiquement conviées des pièces de Thomas MORLEY (v. 1557-1602), Tobias HUME (v. 1569-1645), Michael EAST (1580-1648), Christopher SIMPSON (v.1605-1669), Matthew LOCKE (v. 1621-1677)
Quant au Lys (côté français), Louis COUPERIN (1626-1661), Jean de SAINTE-COLOMBE (v.1640-v.1700), Marin MARAIS (1656-1728), Louis CAIX d’HERVELOIS (1677-1759) et Joseph BODIN de BOISMORTIER (1689-1755) sont au rendez-vous avec Fantaisie, Suite, Sonate, mais aussi pièces de caractère (Le tendre, La Rêveuse). Le duo de violistes formant « Le Banquet du Roy » réserve effectivement un sort royal à cette évocation toute en finesse d’un art de cour à son apogée.
Édith WEBER
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Pierre Faraggi, pianiste, compositeur, écrivain, a réalisé plusieurs enregistrements présentant ses choix : « mes plus belles pages » à travers le répertoire des XVIIIe et XIXe siècles : caprices et Fantaisies, Rondo et deux mouvements particulièrement expressifs et méditatifs sélectionnées un peu au hasard dans la vaste production de MOZART où se côtoient angoisse et sérénité rendues avec une musicalité exemplaire.
Édith WEBER
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
L’Intégrale des Sonates pour piano du compositeur allemand Carl Maria von WEBER (1786-1826) est assurée par Elzbieta Tyszecka, qui avait déjà participé à l’Intégrale des œuvres pour piano de Jozef WIENIAWSKI (1837-1912) réalisée en plusieurs CD par Acte Préalable vers 2017 (cf. LI 123, décembre 2018, rubrique Autour du piano). Dans ces 4 Sonates (n°1 op. 24 ; n°2 op. 29 ; n°3 op. 49 ; n°4 op. 70) émaillant la vie du musicien, elle prouve son sens aigu des tempi et sa capacité à enchaîner les atmosphères variées, rendant ainsi un bel hommage au père de l’école romantique ouvrant la voie à H. Berlioz, R. Wagner, R. Strauss…
Édith WEBER
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Côté WAGNER : le Prélude de Tristan et les 5 Wesendonck-Lieder ont été retranscrits et recomposés par Andreas Höricht (violoniste, altiste allemand né en 1960, membre actif du somptueux Voyager Quartet) pour cette formation à même de restituer toute la palette expressive. Le disque est complété, côté MAHLER, par son Quatuor à cordes n°1.0. en la mineur, quadripartite : Moderato-Allegro ; Adagietto ; Adagio ; Allegro. Musique wagnérienne transfigurée.
Édith WEBER
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
La musique du pianiste et compositeur Olivier GREIF (1950-2000) se greffe sur une vision du monde en 5 parties (dont De profundis, Le Cercle des mondes et En Soph). En premier enregistrement mondial, le Quintette A Tale of the World pour piano, 2 violons, alto & violoncelle, op. 307 (1994), véritable « œuvre-monde » reposant sur des textes en sanscrit, anglais élisabéthain, français, italien, allemand, est son dernier grand chef-d’œuvre dont l’originalité n’est pas à démontrer. Il est servi par l’admirable Quintette Syntonia — formation unique en son genre dans l’hexagone — (fondé en 1999) réunissant des interprètes hors pair : violons : Stéphanie Moraly et Thibault Noailly ; alto : Hélène Desaint ; violoncelle : Patrick Langot ; piano : Romain David. À découvrir.
Édith WEBER
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Le pianiste Daniel Isoir, fondateur de La Petite Symphonie ( www.lapetitesymphonie.eu ), est un
grand spécialiste des pianofortes historiques. Dès son enfance, il est imprégné de la musique de
César Franck, notamment grâce à son père André Isoir, immense organiste disparu en 2016, qui
enregistra sur Cavaillé-Coll en 1975 l’intégrale de l’oeuvre de Franck.
Ce disque, comme un hommage à son père, revisite avec lyrisme le Prélude, Choral et Fugue
en si mineur ; le 3ème choral en la mineur ; le Prélude, Aria et final en mi majeur, le Prélude,
Fugue et Variation en si mineur ; ainsi que la Danse lente en fa mineur. Les partitions de Franck,
souvent passées à la postérité dans le répertoire de l’orgue, sont écrites à l’origine pour le piano
ou sont des transcriptions célèbres (Blanche Selva pour le 3ème choral et Harold Bauer pour le
Prélude Fugue et Variation) de l’orgue vers le piano. L’assemblage de ces oeuvres pour piano et
ces transcriptions font écho à Alfred Cortot qui affirmait en 1930 (La musique française de piano)
que « le musicien soucieux de traduire dans leur véritable esprit les oeuvres de piano » devait, tout
d’abord, interroger, les pièces d’orgue dont elles sont le « prolongement direct ». Cette musique
est interprétée d’une main de maître sur un piano Erard de 1875.
Le site du Label et une présentation de l’artiste : https://www.muso.mu/artistes/daniel-isoir-2/
Anthony MONDON
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021
Le label ANAKLASIS est une succursale des Editions musicales nationales (PWM) qui a été créé il y a un peu plus d’un an, mais dans son catalogue vous trouverez déjà une vingtaine de titres. Le nom fait allusion à l’œuvre de Krzysztof Penderecki, composée en 1959, qui signifie en grec ancien : réfraction de la lumière.
Le répertoire de cette maison comprend de la musique polonaise des 20ème et 21ème siècles, d'excellents compositeurs et interprètes, des œuvres exceptionnelles, avec pour objectif de populariser la musique contemporaine auprès d'un public curieux, ouvert, prêt à relever des défis, et qui n’était pas nécessairement intéressé par ce type de répertoire auparavant.
Le projet Bajgelman.Get to tango répond parfaitement à cette aspiration. Vous attendrez ici un curieux, captivant et très beau cocktail de jazz, de tango dans le style de Piazzolla, de nostalgie typique de la musique klezmer, le tout dans une sonorité moderne qui accompagne les paroles en yiddish, en polonais et en anglais, et n’enlève rien à l’authenticité et la richesse des compositions originales, bien au contraire.
Mais de quoi s’agit-il ? Dawid Bajgelman, Juif, Polonais, habitant de Łódź fut un compositeur très en vogue dans le monde musical de la Pologne d’avant la seconde guerre mondiale. Son œuvre était connu de théâtres, cabarets, opérettes yiddish et au-delà. Certains spectacles mis en musique par Bajgelman ont eu des succès notables dans toute l’Europe et aux Amériques (comme Dybuka, de Szymon An-ski). Il est également auteur de musiques sacrées enregistrées par l’Orchestre de la grande synagogue de Varsovie. Le dernier ensemble crée et dirigé par ce musicien polyvalent était l’Orchestre symphonique du ghetto de Łódź. Il est parti avec l’un de derniers convois vers le sous-camp KL d’Auschwitz à Gliwice ; tué d’une balle tirée par un lagerältester ivre en septembre 1944…
Cet artiste, pratiquement oublié après la guerre, revit grâce au travail acharné de Jarosław Bester, arrangeur et accordéoniste du Bester Quartet - que certains ont peut-être connu dès 1997 sous le nom The Cracow Klezmer Band. Jarosław est allé jusqu’à transcrire d’oreille les documents sonores fournis par Anna Rozenfeld et provenant de l’Institut historique juif de Pologne, mais aussi des archives allemandes et américaines. Il a su créer un vrai pont entre la nostalgie du passé et l’univers moderne qui retrouve la richesse de ses racines culturelles.
La réalisation de ce projet est absolument hors-pair. Le quatuor composé de Jarosław Beter- accordéon, Dawid Lubowicz - violon (que nous saluons tout particulièrement pour sa sonorité et son sens du style), Maciej Adamczak – contrebasse, Ryszard Pałka – percussions, est enrichi par la présence de Michał Bylica – trompette, et de Krzysztof Lenczowski – violoncelle. Ces excellents musiciens qui ont su trouver un équilibre parfait accompagnent les stars du jazz polonais, trois vocalistes qui interprètent avec beaucoup d’émotions ce répertoire si exigeant : Grażyna Auguścik (vocaliste qui partage sa carrière entre les États-Unis et la Pologne), Dorota Miśkiewicz (également violoniste de formation, et qui a partagé les scènes notamment avec Cesaria Évora, percussionniste brésilien de Guello…) et Jorgos Skolias (originaire de Grèce, vocaliste, compositeur, auteur de textes, bien connu du public polonais).
Nous vous recommandons ce disque très vivement ! Vous le trouverez chez vos disquaires, vos plateformes de streaming ou directement chez l’éditeur.
http://www.anaklasis.pl/pl/plyta/katalog/24/bajgelman.-get-to-tango.html
La tournure qu’a prise notre histoire – et qui continue à nous marquer et nous surprendre tous les jours - a obligé un nombre inestimable d’artistes à annuler leurs concerts, leurs tournées, et plusieurs de leurs projets. Ce temps qui nous a tous forcé à ralentir, à nous reconnecter avec nous-mêmes, nos souvenirs, a eu sur certains musiciens un effet créatif qui n’aurait probablement pas vu le jour dans d’autres circonstances.
Tel est le cas de Linus Roth, un violoniste hors norme, disciple d’Ana Chumachenco, boursier d’Anne-Sophie Mutter, pour ne citer que les plus marquants de ses maîtres.
Linus a eu l’excellente idée de plonger dans ses carnets de notes et d’en sortir pas moins de quatre disques, enregistrés en l’espace de quatre mois ! Le projet a pu être réalisé dans une magnifique salle : La bibliothèque de l’ancien monastère Ohsenhausen en Allemagne, aujourd’hui le siège de l’Académie nationale de jeunes musiciens de Baden-Weurttemberg. Cette salle, d’habitude très occupée par de nombreux concerts et autres manifestations culturelles, a pu ouvrir ses portes malgré les restrictions et ainsi ne pas être plongée dans le silence.
Pour le premier enregistrement Linus a choisi comme partenaire José Gallardo qui l’accompagne depuis de nombreuses années : Quelle excellente idée et quels beaux choix musicaux ! Les deux virtuoses nous entrainent dans un monde de danses avec des compositeurs du XIXe et du XXe siècle : Béla Bartok, Igor Stravinski, Astor Piazzolla, Johannes Brahms, Henryk Wieniawski, Antonio Bazzini et Karol Szymanowski.
Une entente parfaite entre les deux artistes, une haute virtuosité où la prise de risques n’existe pas, une liberté et sensualité, particulièrement ressenties dans le fantastique Nocturne et Tarantella de Szymanowski, et dans le Grand Tango de Piazzolla - ce qui n’est pas étonnant, José étant originaire d’Argentine, il a baigné dans l’univers du tango depuis sa petite enfance ! Nous vous recommandons vivement ce disque et, tout en acclamant haut et fort ses interprètes, nous attendons avec impatience les trois autres enregistrements à venir…
https://www.linusroth.com/
Estelle Revaz, violoncelliste suisse, nous propose ici un répertoire à la fois audacieux et exigeant.
Franck Martin compose le concerto entre 1965 et 1966 à la demande de Pierre Fournier ; il le dédiera à son ami Paul Sacher, mécène et chef d’orchestre. Franck Martin dira : « ...dans ce concerto, j’ai employé un langage musical qui s’étend depuis le diatonisme le plus pur jusqu’à la plus grande complexité chromatique. ». L’orchestration légère ( orchestre réduit ) et innovante ( piano, saxophone, harpe ) permet au violoncelle des timbres et sonorités fort interessants.
La sonorité et la ligne d’Estelle Revaz sont pures, le jeu est poétique et nous emmène dans de lointaines contrées.
La Ballade qui suit (1949 ) est une œuvre antérieure, que Franck Martin qualifiera d’épique et lyrique. Même si l’accès à cette pièce reste néanmoins plus délicat que la précédente, là aussi Estelle Revaz restitue parfaitement cette atmosphère sombre et désolée.
Xavier Dayer est un compositeur suisse né en 1972. Guitariste de formation, il étudie la composition avec Tristan Murail et Brian Ferneyhough à l’Ircam.
Composée en 2020, commande de l’Orchestre de Chambre de Genève, l’œuvre a eu raison de la crise sanitaire.
Lignes d’Est : lignes car chaque instrument possède sa propre autonomie.
Le mot « Est » liée aux réminiscences du folklore roumain.
Enfin le mot « Est » fait appel à la méditation et bien sûr est une dédicace à Estelle Revaz qui a suscité cette création.
Voici donc pour le contexte d’écriture de cette pièce. Il y a beaucoup de poésie dans cette pièce onirique, spectrale et théâtrale menée avec beaucoup de clarté par les interprètes.
On apprécie la prise de son large et la qualité de l’Orchestre de Chambre dirigé par Arie van Beek.
Sortir un disque avec l’un des trios de Schubert c’est relever un défi, compte tenu de
l’importance de l’œuvre, et des innombrables enregistrements déjà existants, y compris par
les légendes de cette formation de musique de chambre.
Le violoniste Sébastien Surel, le violoncelliste Éric-Maria Couturier et le pianiste Romain
Decharmes sont les trois musiciens qui forment le Trio Talweg, et qui ont non seulement
réussi ce défi, mais ont encore une fois prouvé que leur approche de la musique ne cesse
d’enrichir leurs interprétations. Ils ont en effet expérimenté des styles très éclectiques, allant
de la musique classique aux musiques du monde, en passant par le jazz, le rock ou encore
l’électro ! Leurs âmes exploratrices les amènent à improviser, composer, bref, à vivre la
musique à pleins poumons. Aujourd’hui, tels les pèlerins qui ont parcouru le monde entier,
et reviennent au point de départ, les Talweg, avec un riche bagage d’expériences, nous
offrent l’un de monuments du répertoire pour trio avec piano : l’opus 99 de Frantz Schubert,
complété par Notturno D.897 prévu initialement comme second mouvement de ce même
Trio No. 1 et avec une touche personnelle (il ne pouvait pas en être autrement !), Auf dem
Storm, D.943, Lied sur un poème de Ludwig Rellstab, composé initialement pour ténor, cor
et piano. Pour cette dernière œuvre, les interprètes ont utilisé la partition originale en se
laissant guider par la force du texte que nous pouvons retrouver dans le livret du cd en trois
langues : allemand, français et anglais. À noter que toutes les compositions datent de la
même période créatrice du compositeur, écrites entre 1827 et 1828, soit vers la fin de sa
courte vie.
Lyrisme, tendresse, intimité, intensité souvent dramatique et profondeur en toute simplicité,
ces caractéristiques propres à Schubert ont encore une fois ressurgi sous les doigts des trois
musiciens. Dotée d’une écoute, d’un timbre riche et uni, des phrases qui passent d’un
instrument à l’autre d’une manière presque inaperçue, cette interprétation apporte
certainement un air nouveau et peut tout à fait trouver sa place aux côtés des
enregistrements de référence.
Il reste à rajouter que l’album a été enregistré en janvier 2020 dans la Grande Salle de
l’Arsenal de Metz, l’une des plus belles salles dédiées à la musique en Europe, et à féliciter
Hannelore Guittet pour l’excellente prise de son.
L’opéra de Haendel ou le monde à l’envers
De nos jours, lorsque l’on achète un album cela implique un fait un peu exceptionnel, étant donné la très grande diversité de moyen à notre disposition pour écouter et découvrir la musique. YouTube en premier – car il est d’accès gratuit – mais aussi bien d’autres plateformes d’écoute et d’innombrables sites internet proposent l’écoute gratuite de millions de musiques qui sont à notre disposition, sans compter les plateformes payantes, qui comptent de plus en plus d’abonnés.
Acheter donc un « objet » tel qu’un CD implique, de nos jours, un geste de curiosité, pour certains de nostalgie, mais aussi la volonté de vouloir conserver un objet multiple (la boîte, le livret, le CD lui-même), non seulement pour l’écouter quand on en a l’envie, mais aussi pour le toucher, le regarder, le lire et le partager avec nos proches, quand on veut multiplier le plaisir de la découverte musicale par le partage.
Lorsqu’on a donc l’objet en main, on le regarde d’abord, puis on le touche, on l’ouvre et on l’observe, à l’extérieur, puis à l’intérieur. Pour l’album qui nous occupe, une pochette aux tonalités ocre, mélangeant le brun et le beige, présente une illustration d’un cœur « mécanique », étrange, composé d’éléments aussi divers et disparates qu’une montre dont le verre est brisé, et d’autres mécanismes d’horlogerie qui suscitent la curiosité.
Le titre de l’album, en anglais et en français, apparaît en haut de la pochette et précède le sous-titre, qui présente la thématique du disque. Il s’agit d’arias (des airs) de Georg Friedrich Hændel, présentés par les éditions discographiques MUSO et interprétés par la mezzo-soprano française Héloïse Mas et le London Handel Orchestra (orthographe du nom adoptée par le compositeur lors de son installation à Londres en 1712, à l’âge de 27 ans), dirigé par Laurence Cummings.
L’image du cœur (brisé) est traversée par une ligne fine diagonale beige clair qui monte de gauche à droite et qui sollicite encore notre attention ; et lorsqu’on ouvre la boîte du CD on retrouve à nouveau une diagonale similaire. Cette fois-ci la ligne est rouge-bordeaux et elle traverse l’image de couverture du livret. Celui-ci présente une photo de la chanteuse, habillée en tenue d’époque (du XVIIIe siècle), sûrement dans un rôle d’opéra de Hændel qu’elle interprète.
Plutôt que de prendre le CD, qui se trouve dans son compartiment situé sur la droite de la boîte, on est vite tenté de sortir le livret de son compartiment et de le feuilleter, avant de mettre le disque dans un lecteur pour l’écouter (enfin, ceci reste au choix de chacun lorsqu’on a l’objet en main). Dans la première option donc on découvre déjà, dans un premier temps, le personnage féminin de l’album, qui incarne le rôle d’une femme à forte personnalité et au regard affirmé et passionné, typique des héroïnes des opéras de Hændel, dont on va avoir un bel aperçu en lisant le livret.
En ouvrant le livret à la première page, le long trait diagonal apparaît pour la troisième fois (« jamais deux sans trois » ? …), en couleur grise cette fois-ci, et traversant la première page du descriptif du contenu de l’album. Ce trait nous rappelle probablement, encore une fois, la brisure du cœur de la couverture. Il nous invite à lire (en diagonale ?) les titres des extraits, présentés avec un titre en anglais « Opera arias & cantata ».
Les six premiers titres, ce sont bien des airs d’opéra de Hændel, dont la phonétique allemande est choisie à cette endroit pour présenter le nom du compositeur, avec les dates de sa naissance et sa mort. Il s’agit d’extraits des opéras Agrippina, Il Trionfo del Tempo e del Disinganno, Hercules, Parnasso in festa, Alcina et Amadigi di Gaula.
Sur la deuxième page on découvre une « Cantata a voce sola » (cantate pour une seule voix – forme lyrique sans représentation scénique) en neuf parties, qui enchaine récitatifs et airs – comme dans des opéras – et dont le numéro VI se nomme Furioso (Furieux). Le dernier est un Arioso, genre intermédiaire entre le récitatif et l’aria.
Enfin, l’album se complète avec encore deux airs d’opéra, extraits d’Ariodante et de Teseo, avec une durée totale d’un peu plus d’une heure et quart de musique.
En tournant les pages suivantes on retrouve les noms des interprètes, incluant les 18 musiciens de l’orchestre, qui comporte, en plus des cordes frottées, deux hautbois, un basson, un théorbe (grand luth) et le clavecin, joué par le directeur musical de l’ensemble. Sur la droite, une photo « menaçante » illustre l’un des caractères des héroïnes présentées par Hændel dans ses opéras : il s’agit de la chanteuse de notre album, qui nous vise tout droit avec un pistolet (d’époque), avec au fond son image très floue et la bouche de l’arme au centre de la photo, très nette et au premier plan… surprenant.
Dans les quatre pages suivantes on arrive enfin au vrai « cœur » du livret : les commentaires musicologiques qui illustrent le contenu des extraits choisis, commentaires signés pas Suzanne Aspden, et qui sont présentés en traduction française, puis en anglais et aussi en traduction allemande. Pour ceux parmi nous qui aiment vraiment « entrer dans le cœur » de la musique avec une bonne connaissance du contexte historique et musical, nous sommes vraiment bien servis.
En lisant ces commentaires, on apprécie la mise en valeur de la féminité dans les personnages des opéras « hændéleins », avec leur côté puissant et mystérieux. La puissance des femmes, redoutée et en même temps admirée par les hommes – surtout les hommes de pouvoir – est ainsi idéalement exprimée par des femmes qui incarnent sur la scène toutes les passions humaines, les plus nobles et les plus redoutables, d’où l’anachronisme du titre de l’album. L’opéra exprimait ainsi, au temps de Hændel, le contraire de ce qui était la réalité sociale de l’époque : la soumission des femmes aux hommes.
On apprend – ou on nous rappelle – que les femmes « … dominent la scène, chantant souvent les rôles masculins, à côté des castratis, qui souvent chantent des rôles de femme… ». D’où le titre de notre article : « L’opéra de Hændel ou le monde à l’envers ».
A l’écoute de la musique on est surpris d’emblée par une voix « charnue », puissante et souple à la fois, et très à l’aise avec le style virtuose de la fin du baroque. La voix se fond avec les cordes de l’orchestre, dialoguant à égalité, comme un vrai instrument soliste en opposition avec le tutti. Les airs s’enchainent avec naturel et déploient toute la variété de caractères, constamment changeante, du style « hændélien ». Après deux airs en italien, on apprécie le contraste et le changement de couleur apporté par un air en anglais, d’un caractère apaisé, caressant et presque consolateur. La couleur de l’orchestre est remarquable de flexibilité, avec des sonorités feutrées et enveloppantes, qui se mélangent à merveille avec la voix. Celle-ci devient ici tendre et chaude. Un vrai régal pour tous les sens.
L’italien revient avec les trois titres qui suivent. On entend en premier « la voix d’Orphée », qui chante sa douleur, dans une sérénade, présentée ici comme étant tirée d’un livret anonyme. Il s’agit bien – presque – du texte bien connu dans la version française de Gluck : « J’ai perdu mon Eurydice ». L’émotion est grande et l’on imagine bien combien le public de l’époque pouvait pleurer et même s’évanouir à l’écoute de tant de beauté sonore, selon les témoignages des contemporains de Hændel, aussi bien lors des performances des grandes divas (mezzos et sopranos) que des castrati.
Le cinquième air fait entendre « la voix d’Alcina », titre de l’opéra où la sorcière donne son nom à l’un des œuvres les plus connues et appréciées du grand Georg Friedrich. Il s’agit de l’air de l’acte II, scène 8, qui chante – pour elle-même – « Ah, mon cœur, on t’a raillé ! ». La puissante sorcière, tout en gémissant de douleur, est surprise de sa propre faiblesse devant l’abandon de son amant qui l’a quitté. Cet air, long de presque 11 minutes, présente après une première partie lente – une lamentation d’Alcina sur son sort – une deuxième partie, très brève, plus rapide, au caractère défiant. Puis revient le caractère plaintif initial, pour bien montrer le désarroi de l’héroïne. Les contrastes sont saisissants, l’expression est contrastée et l’intérêt musical ne retombe jamais. C’est du grand Hændel.
Le dernier air avant la cantate nous surprend avec une marque de fabrique chère à Hændel : le rythme de sarabande, danse lente caractéristique qu’il utilise pour son très célèbre air « Lascia Chio pianga » de son opéra Rinaldo, mais aussi dans sa non moins populaire Sarabande tiré de l’une de ses suites pour clavecin, qui fut consacrée par le film « Barry Lindon ». La surprise est d’autant plus grande, que l’opéra d’où est tiré cet air : Amadigi di Gaula, est l’un de moins connus du compositeur. C’est une musique sublime, belle et surprenante d’originalité. L’air décrit « Une peine cruelle » que le personnage de Dardano « sent dans son cœur » (toujours le cœur comme leitmotiv) et qui n’a pas de consolation possible.
La cantate « La Lucrezia », une œuvre de jeunesse (1707) s’ouvre avec un premier récitatif chantant aux « Dieux éternels », dans un style caractéristique des années romaines de Hændel (entre 1706 et 1710). Les airs et les récitatifs alternent, avec une fraicheur juvénile et une maîtrise de l’écriture déjà bien affirmée, bien que manquant par moments des touches géniales de ses œuvres de la maturité « anglaise ». Mais la virtuosité des airs est déjà bien présente et ne nous laisse jamais indifférents, surtout dans le « Furioso », placé stratégiquement à la sixième place parmi les neuf numéros de la cantate. Dans le dernier récitatif avant l’arioso final, Lucrezia, qui avait été violée, demande pardon à son père et à son époux, à Rome et au monde entier, d’avoir laissé souiller son honneur sans s’être ôté la vie avant le viol. Dans un nouveau « Furioso » final Lucrèce réclame une dernière fois aux dieux, puis aux enfers, d’accomplir sa vengeance, même après sa disparition, puisqu’elle vient de se donner la mort (et oui, les chanteurs d’opéra continuent souvent à chanter après s’être enfoncé un couteau dans le cœur ...).
L’avant dernier air de l’album est une vraie merveille d’inspiration. Ariodante, personnage central de l’opéra homonyme, chante son « Imposture perfide » (titre de l’air). Les passages instrumentaux qui servent d’intermèdes aux parties vocales rappellent par moments les meilleurs moments de certains opéras de Rameau, avec des parties de basson d’une grande tendresse et d’une expression inimitable. C’est l’air le plus long de l’album, avec un peu plus de 11 minutes. Mais en l’écoutant, on dirait que le temps s’arrête par moments.
Le dernier air du disque est encore une demande de vengeance : celui de Médée avant sa mort. Cette fois-ci le personnage d’en prend à de sa rivale, celle qui lui a pris son amant, ainsi qu’à son amant, qui l’a trahi. Le ton est sombre, déchirant, la colère du personnage est manifeste et éloquente : le chant annonce la mort que Médée veut se donner, et l’orchestre encadre formidablement le sentiment extrême de frustration et de désir de vengeance, le tout dans un feu d’artifice tragique ou la mort est l’idée centrale. Le hautbois soliste dialogue avec la voix en répondant aux phrases chantées par celle-ci et en illustrant magistralement l’expression de la disparition ultime. L’orchestre clôture cet air désespéré avec une virtuosité éloquente et définitive.
Il est toujours intéressant de suivre le texte du chant, présenté dans la seconde moitié du livret, avec des traductions en français, anglais et allemand, pendant l’écoute de la musique. Chaque histoire est ainsi appréciée en détail et on comprend tout ce que l’on entend, presque mot à mot. La musique se charge du reste, avec perfection, raffinement et en équilibre parfait entre les instruments et la voix, qui elle, exprime, surprend, raconte et émeut, tout cela en même temps. C’est toute la magie de Hændel, servie ici par des interprètes hors pair et par un support qui nous donne tous les éléments pour une dégustation musicale complète.
Après une traversée du désert durant la première moitié du XIXe siècle, l’orgue français retrouve tout son prestige grâce au renouvellement de la facture. D’éminents organistes-compositeurs mettent à profit ces innovations pour faire évoluer le répertoire et donner à l’école d’orgue française de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle une réputation incomparable.
Titulaire des orgues des églises Saint-Clément et Saint-Sever de Rouen, l’organiste Vincent Fouré explore les « destins croisés » de quatre de ces figures marquantes, liées par leur nationalité - la Belgique pour César Franck et Jacques-Nicolas Lemmens, la France pour Alexandre Guilmant et Charles Tournemire – , par la filiation pédagogique - Lemmens fut le professeur de Guilmant au Conservatoire de Bruxelles, Tournemire fut l’un des tout derniers élèves de Franck au Conservatoire de Paris – et par leur action militante en faveur de la musique ancienne, à une époque où ce répertoire n’intéressait qu’un cercle restreint d’amateurs. L’Hymnus Creator alme siderum de Lemmens qui figure dans cet enregistrement compte parmi les premiers chorals français.
Le disque s’articule en deux volets mettant en valeur les caractéristiques respectives de ces deux instruments réputés pour avoir conservé leur caractère d’authenticité : l’orgue de chœur de Saint-Sever convient admirablement aux pièces festives sur des thèmes populaires (Noëls de Guilmant). Les amateurs apprécieront la mise en valeur du jeu d’Euphone, jeu disparu des orgues à la fin du XIXe siècle, superbement reconstitué lors de la récente restauration de l’instrument. Par la grande variété de ses jeux, le grand-orgue de Saint-Clément se prête idéalement aux climats contrastés des grandes pièces de Franck et de Tournemire.
Un choix d’œuvres pertinent, une réalisation de grande qualité, portée par l’Association des amis des orgues de Saint-Sever, avec le soutien de la Ville de Rouen.
LA MÉTAPHORE MUSICALE DE L’HARMONIE DU MONDE À LA RENAISSANCE
Myriam JACQUEMIER
ISBN : 978270102291,
560 pages, 2020, 56 €
Comment dire le sacré ? Comment résoudre l’attrait irrésistible pour le principe de l’Unité alors que tout spectacle du réel renvoie à l’évidence troublante de l’altérité ? La musique par la magie des accords, la complexité des sons, la richesse de l’inventivité humaine, ne pouvait-elle pas, à bon droit, espérer rendre possible un tel espoir ? Ne pouvait-elle pas aller jusqu’à exercer un réel pouvoir de régénération de la nature entière, élevant les âmes, fédérant corps et esprits en un même idéal, jusqu’à ce que le mystère opère et que l’esprit de concorde des premiers commencements rejoue la symphonie initiale désaccordée par les colères humaines ? Lire la suite
VOIX HÉBRAÏQUES
Hector SABO
ISBN : 9791091890359,
352 pages, 2020, 26.00 €
L’association du peuple hébreu à la musique remonte aux temps de la Bible. Or, « la composante musicale de la tradition juive est déterminée à la fois par l’espace et le temps ; par les modes artistiques de ses lieux d’exécution, et par les contextes culturels propres à son histoire », écrit Paul B. Fenton dans sa préface à ces Voix hébraïques. Espace et temps, c’est à un voyage historique, mais surtout musical, qu’invite ce livre, en quête de la « musique juive », si difficile à définir dans sa diversité, ancrée dans la permanence de la langue hébraïque. Lire la suite
La Musique Juive (oui, encore) par Leo SABO
LES AVATARS DU PIANO
Ziad KREIDY
ISBN : 9782701016252, 75 pages, 14.50€
Mozart aurait-il été heureux de disposer d’un Steinway de 2010 ? L’aurait-il préféré à ses pianofortes ? Et Chopin, entre un piano romantique et un piano moderne, qu’aurait-il choisi ?
Entre la puissance du piano d’aujourd’hui et les nuances perdues des pianos d’hier, où irait le cœur des uns et des autres ?
Personne ne le saura jamais. Mais une chose est sûre : ni Mozart, ni les autres compositeurs du passé n’auraient composé leurs œuvres de la même façon si leur instrument avait été différent, s’il avait été celui d’aujourd’hui. Lire la suite
KARLHEINZ STOCKHAUSEN JE SUIS LES SONS ...
Ivanka STOIANOVA
ISBN :9782701020273, 356 pages, 2014, 34.00€
Ce livre, que le compositeur souhaitait publier dans sa maison d’édition à Kürten, se propose de présenter les orientations principales de la recherche de Karlheinz Stockhausen (1928-2007) à travers ses œuvres, couvrant sa vie et ouvrant un accès direct à ses écrits. Divers domaines investis par le plus grand inventeur de musique de la seconde moitié du xxe siècle sont abordés : composition de soi à travers les matériaux nouveaux Lire la suite
ANALYSES MUSICALES XVIIIè SIECLE. VOLUME 1
Daniel BLACKSTONE, C. et Gérard DENIZEAU (sous la direction de)
ISBN : 9782701020280, 224 pages, 2014, 19.00€
En 2010, L’Éducation musicale a fêté son soixante-cinquième anniversaire. Dans l’histoire de la presse spécialisée, ce record de durée ne laisse pas d’impressionner, surtout en un temps où tant de menaces pèsent sur les exigences de la vie culturelle. sans doute le secret de cette longévité est-il à découvrir dans la constante capacité de renouvellement d’une publication réservée, lors de sa création, à la corporation – jeune et enthousiaste – de professeurs de musique jouissant d’un nouveau statut au sein de l’Éducation nationale. Lire la suite
MAURICE MARTENOT, LUTHIER DE L’ÉLECTRONIQUE
Jean LAURENDEAU
ISBN : 9782701022376, 386 pages, 2017, 59.00€
« Connaissez-vous beaucoup d'inventeurs d'instruments de musique ? Ceux dont l'histoire a retenu les noms se comptent sur les doigts d'une main. Jean- Christophe Denner a inventé la clarinette, Adolphe Sax le saxophone. Et puis ? On connaît des facteurs d'instruments, Stradivarius, par exemple. Mais il n'a pas inventé le violon. Alors qui ? Qui le piano ? Qui a inventé le tambour, la flûte, la harpe ? Autant demander qui étaient Adam et Ève ! » Lire la suite
LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA MUSIQUE OCCIDENTALE
Serge GUT
ISBN : 9782701022383, 432 pages, 2018, 46.00€
Disparu en mars 2014 à l’âge de 86 ans, Serge Gut compte au nombre des figures majeures de la musicologie française des dernières décennies. Spécialiste de Franz Liszt, auquel il consacra deux grands ouvrages et de nombreux articles, il fut également un analyste réputé. Après une première formation de compositeur, il avait commencé sa carrière musicologique, dans les années 1960-1970, par des publications traitant surtout de questions de langage musical – un domaine qui, bien que parfois négligé par les milieux universitaires, constitue le pont naturel entre composition et théorie. Lire la suite
ESPRIT DE SUITE. Pour une lecture avisée et pratique des œuvres du répertoire organistique
Jean GUILLOU
ISBN : 9782701022888,
24.00 €
Une application minutieuse inspirée par un répertoire organistique allant de Frescobaldi jusqu'aux œuvres de l'auteur lui-même est le mot d'ordre de cet ouvrage qui veut faire suite à celui de La Musique et le Geste, aussi confié aux éditions Beauchesne.
Remarques porteuses d'expériences pratiques, libres présentations esthétiques accompagnant des lustres de concerts et d'enregistrements et qui permettent d'aller d'emblée à l'essentiel, de toucher ce noyau central qui libère les forces devant présider à l'interprétation. Rencontre entre l'esprit et le monde, comme la rencontre entre La Musique et le Geste, dans ce désir de céder dans l'aura musical au pouvoir de l'écriture. Lire la suite
LA MUSIQUE ET LE GESTE
Jean GUILLOU
ISBN : 9782701019994,
352 pages, 2012, 29.00 €
Cet ouvrage illustre l’activité protéiforme de Jean Guillou et célèbre l’indissociable alliance de sa musique avec la littérature et les autres formes d’art qui s’y trouvent comme entretissées. À l’encontre de tout académisme, ces écrits, attachés à diverses circonstances, manifestent une inlassable projection dans l’avenir. De même nature prospective que ses œuvres musicales – plus de quatre-vingts opus aujourd’hui – qui font de lui l’un des compositeurs majeurs de notre temps, ces textes sont vifs et variés comme ses improvisations fulgurantes. Théoricien novateur, Jean Guillou est l’auteur de L’Orgue, Souvenir et Avenir (quatrième édition chez Symétrie) et on lui doit, dans la facture d’orgues, la conception de nombreux instruments construits à Zurich, Rome, Naples, Bruxelles, Tenerife, León et en France. Lire la suite
CHARLES DICKENS, la musique et la vie artistique à Londres à l’époque victorienne Suivi d’un Dictionnaire biographique et d’un
Dictionnaire des personnages cités
James LYON
ISBN : 9782701020341,
268 pages, 2015, 29.00 €
Au travers du récit que James Lyon nous fait de l’existence de Dickens, il apparaît bien vite que l’écrivain se doublait d’un précieux défenseur des arts et de la musique. Rares sont pourtant ses écrits musicographiques ; c’est au travers des références musicales qui entrent dans ses livres que l’on constate la grande culture musicale de l’écrivain. Il se profilera d’ailleurs de plus en plus comme le défenseur d’une musique authentiquement anglaise, forte de cette tradition évoquée plus haut. Lire la suite
LEOŠ JANÁČEK, JEAN SIBELIUS ET RALPH VAUGHAN WILLIAMS. UN CHEMINEMENT COMMUN VERS LES SOURCES
James LYON
ISBN : 9782701015958,
720 pages, 79.00 €
Pour la première fois, le Tchèque Leoš Janáček (1854-1928), le Finlandais Jean Sibelius (1865-1957) et l’Anglais Ralph Vaughan Williams (1872-1958) sont mis en perspective dans le même ouvrage. En effet, ces trois compositeurs - chacun avec sa personnalité bien affirmée - ont tissé des liens avec les sources orales du chant entonné par le peuple. L’étude commune et conjointe de leurs itinéraires s’est avérée stimulante tant les répertoires mélodiques de leurs mondes sonores est d’une richesse émouvante. Les trois hommes ont vécu pratiquement à la même époque. Lire la suite
JOHANN SEBASTIAN BACH : CHORALS
James LYON
ISBN : 9782701014937,
336 pages, 2005, 49.00 €
Ce guide s’adresse aux musicologues, hymnologues, organistes, chefs de chœur, discophiles, mélomanes ainsi qu’aux théologiens et aux prédicateurs, soucieux de retourner aux sources des textes poétiques et des mélodies de chorals, si largement exploités par Jean-Sébastien Bach, afin de les situer dans leurs divers contextes historique, psychologique, religieux, sociologique et surtout théologique. Lire la suite
CONNAÎTRE SA VOIX POUR MIEUX LA PRÉSERVER
Élisabeth PÉRI-FONTAA
ISBN : 9782853853651,
240 pages, 2020, 28.00 €
Préserver ses capacités vocales est un objectif majeur chez ceux qui utilisent leur voix pour exercer leur profession, les professionnels de la voix. Mais de nos jours, ne sommes-nous pas tous des professionnels de la voix ? Et parmi les rares d’entre nous qui ne le sont pas, la qualité de la voix est essentielle pour certaines activités extra- professionnelles : que ce soient les loisirs, engagements associatifs et vie familiale. Lire la suite
LE VERBE ET LA VOIX. LA MANIFESTATION VOCALE DANS LE CULTE EN FRANCE AU 17ÈME SIÈCLE
>Monique BRULIN
ISBN : 9782701013756,
506 pages, 1998, 48.00 €
Notre époque qui s'interroge sur le renouveau des chemins de l'esprit et du cœur porte une attention marquée aux supports et aux conditions de l'expérience religieuse.
La France du XVIe siècle qui constitue le cadre de cette étude est le lieu d'un débat permanent entre l'avènement de l'homme intérieur et la nécessité de donner à cette expérience individuelle et collective une manifestation extérieure et sensible. Lire la suite
LA MUSIQUE ARABE DANS LE MAGHREB
Jules ROUANET
ISBN : 9791091890397,
La musique arabe dans le Maghreb, de Jules Rouanet, est un chapitre du tome V de
l’Encyclopédie de la musique, dirigée par Albert Lavignac et Lionel de La Laurencie, publiée
chez Delagrave de 1913 à 1922, d’abord en fascicules, puis en volumes reliés : «monument
littéraire », « ouvrage considérable, conçu sur un plan absolument nouveau et sans aucun
parti pris d’école », dont le but était «de fixer l’état des connaissances musicales au début du
vingtième siècle ». C’était l’époque des grandes machines éditoriales, des mobilisations, des
bilans, de l’Histoire de la langue et de la littérature française, en huit tomes, sous la direction
de Louis Petit de Julleville, ou de l’Histoire de la langue française, en onze tomes, dirigée par
Ferdinand Brunot qui partait en automobile sur les routes, vers 1911, avec de drôles d’appareils
pour enregistrer les façons de parler de notre pays. Lire la suite
LA PENSÉE SYMPHONIQUE DANS LES FORMES LIBRES
Ivanka STOIANOVA
ISBN : 9782701023090, En préparation
Cet ouvrage didactique, troisième volume du Manuel d’analyse musicale d’Ivanka Stoianova qui fait suite à Manuel d’analyse musicale 1 /Les formes classiques simples et complexes, Minerve, 1996 et Analyse musicale 2 /Variations, sonate, formes cycliques, Minerve, 2000, se propose d’élucider les principes de la pensée symphonique dans les formes dites libres de la tradition classique et romantique. Lire la suite
BAC 2021. LE LIVRET DU CANDIDAT
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ISBN : 9782701023243,
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