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Lettre d'information - no 131 janvier - février 2021

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LA RÉDACTION - NOUS ÉCRIRE - SOUMETTRE UN ARTICLE


ARTICLES



« Cinq poèmes de Claude Vigée » Fresque musicale pour chœur, récitant, quatre solistes et quintette à cordes

Les origines d’une création musicale
Il y a 25 ans, j’ai créé à Strasbourg le chœur « Ensemble vocal de musiques hébraïques » sous l’égide de l’Université de Strasbourg, où j’avais obtenu un an plus tôt un DEA en musique et musicologie.

Articles - Hector SABO



« Quand l’histoire vous parle » Dialogue avec Philippe Entremont

Il est des interprètes que leur art et leur personnalité placent dans la légende. Toscanini, Furtwängler et Karajan incarnent à tout jamais la personnalité du chef d’orchestre, Menuhin celle du violoniste, Caruso ou Callas, l’art lyrique. Au côté d’Horowitz, virtuose issu du 19e siècle, il se pourrait bien que Philippe Entremont soit le pianiste de notre temps.

Articles - Laurent WORMS



The Ne-Opera

What do we need to do to reimagine opera in our time? To what extent are we limited in terms of the music education we receive at universities? Why is diversity so important in the programming of events with music and scene in theaters and opera houses in Europe and what does that have to do with the future of opera?

Articles - Diana Syrse Version française    English Version




Les Variations sérieuses opus 54 de Felix Mendelssohn :
Entre héritage et modernité (Première partie)

Felix Mendelssohn est parfois considéré comme le "classique des romantiques", voire comme un compositeur conservateur.
Si cette qualification est réductrice, l'ensemble de son œuvre regorge toutefois de références au passé,
du contrepoint bachien, sans être pour autant un compositeur épigone.

Articles - Antoine Bienenfeld




Le nouveau et l’ancien comme catégories de l'histoire de la musique :
Quelques implications pédagogiques

Afin de comprendre la musique, ses phénomènes, ses structures, les choix des compositeurs, les attentes des auditeurs et les idéologies au cours de l'histoire, les historiens utilisent, entre autres termes, la juxtaposition des catégories « nouveau » et « ancien » dans plusieurs langues, notamment les termes latins ars nova, ars antiqua et les termes italiens stile moderno ou seconda pratica contre stile antico ou prima pratica.

Articles - Gerhard Lock - Traduction par Charles de Paiva Santana - Illustrations par Raphael Egel



Le Prélude, Choral et Fugue de César Franck :
Jeux de formes et d’harmonies (deuxième partie)

Thomas Mougel est étudiant au CNSMD de Paris. Il y suit parallèlement les cursus d’analyse et d’écriture musicale, où il a déjà obtenu les prix d’harmonie et de contrepoint. Passionné par la musique de César Franck, il réalise en 2019 un dossier sur le Prélude Choral et Fugue pour son DEM d’analyse au CRR de Lyon que reprend en partie cet article. Par ailleurs, il envisage actuellement la composition de pièces de musique de chambre en association de textes récités.

Articles - Thomas MOUGEL



Les jeux d’anches de Charles Mutin :
ultime innovation sonore de l’orgue symphonique parisien

Les années 1900 ont vu se conjuguer une course à l’innovation accrue par les possibilités offertes par l’électricité et une tentative d’adaptation de l’orgue à l’interprétation du répertoire ancien, revenant alors à la mode. La rencontre de ces deux évolutions donnera progressivement naissance à ce qu’on appelle l’orgue néoclassique. Charles Mutin, étant à la fois successeur d’Aristide Cavaillé-Coll, le facteur phare de l’esthétique symphonique parisienne, et ami d’Alexandre Guilmant, l’initiateur de la redécouverte de la musique ancienne, s’inscrit dans ce mouvement.

Articles - Samuel CAMPET



Festival ECLAT

Le festival ECLAT de musique nouvelle de Stuttgart a eu lieu ! Du 3 au 7 février 2021, 35 œuvres ont été diffusées lors de 13 concerts, dont 24 étaient des premières mondiales. La nouveauté : ECLAT était entièrement “en distanciel” pour la première fois de son histoire. Après avoir pu attester de l'extraordinaire foisonnement artistique de cet événement, nous proposons ici une traduction de l’éditorial de Christine Fischer, directrice artistique du festival.

Articles - Christine FISCHER Version française    English Version    Original (allemand)





MUSIQUE ASSISTÉE PAR ORDINATEUR/COMPUTER MUSIC


LISP dans Max : Exploration de la Composition assistée par ordinateur en temps réel

Ce qu’on appelle aujourd’hui composition assistée par ordinateur (CAO) existe depuis des décennies. Après les pionniers de la musique algorithmique, l'émergence des premières interfaces graphiques a permis à la discipline de se développer dans plusieurs directions. La CAO existe aujourd'hui sous différentes formes, différents langages et différents outils mis à la disposition des compositeurs.

Musique assistée par ordinateur - Julien Vincenot



Un modèle informatique pour l'analyse de la diversité et de la coordination dans l’orchestration

Le timbre instrumental et la texture musicale sont deux aspects d'une importance fondamentale pour comprendre la musique, que ce soit dans sa dimension historique, créative ou technologique. Dans la musique occidentale, nombre de grandes percées stylistiques et esthétiques se caractérisent par un changement significatifdans le type de texture musicale et technique instrumentale dominante.

Musique assistée par ordinateur - Charles de Paiva Santana et Didier Guigue



ENTRETIENS / INTERVIEWS


Une conversation avec la compositrice Elżbieta Sikora (Première partie)

La compositrice polonaise Elżbieta Sikora (https://elzbietasikora.com) ne cesse d’agrandir son corpus d’oeuvres avec notamment son Concerto pour violon, Soleos pour violon et électronique, Running North pour carillon, Instants fugitifs pour piano. Nommée Chevalier de la Croix du Mérite en Pologne en 1997 et Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres en France en 2004,…

Interviews - Anthony MONDON



Christian Hugonnet, président de la Semaine du son

La 18e Semaine du Son a eu lieu du 18 au 31 janvier 2021 partout en France. Il s'agit d'une semaine de sensibilisation du grand public au son qui permet des rencontres avec des professionnels. Christian Hugonnet, président de la semaine du son, nous livre ici une interview exclusive.

Interviews - Interview exclusive par Jonathan Bell




CAUSERIES MUSICALES,
série dirigée par Anna Maria BARBARA


CAUSERIE MUSICALE VOL.1

Décontractés, parlons de musique avec sérieux et surtout avec passion ! Pour ce première volume, Anna Maria BARBARA invite Alexis GALPÉRINE, violoniste, professeur au CNSMDP.  
 
 
 

CAUSERIES MUSICALES - Anna Maria BARBARA



LES MÉTIERS DE LA MUSIQUE,
série dirigée par Christiane DETREZ-LAGNY


Le bibliothécaire musical

«  Mes chers serviteurs, sans vous, je ne vaux pas grand-chose » : c’est en ces termes que, dans Montrez-moi vos mains, le pianiste Alexandre Tharaud rend hommage aux « compagnons de route attentionnés, essentiels », que sont pour lui les tourneurs de pages.
Que serait le prestige d’un orchestre ou d’un théâtre lyrique sans ces « serviteurs » de l’ombre que sont les bibliothécaires musicaux, ou musicothécaires ?
Pour mieux connaître ce métier méconnu, nous nous sommes adressée à Florian Bécard, à qui nous exprimons nos vifs remerciements pour la générosité avec laquelle il a partagé avec nous son expérience de douze années à la bibliothèque de l’Opéra national du Rhin.

Les métiers de la musique - Christiane DETREZ-LAGNY



RECENSIONS


PARTITIONS

CDs



BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉDUCATION MUSICALE


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ARTICLES

« Cinq poèmes de Claude Vigée »
Fresque musicale pour chœur, récitant, quatre solistes et quintette à cordes
Hector SABO


Les origines d’une création musicale

Il y a 25 ans, j’ai créé à Strasbourg le chœur « Ensemble vocal de musiques hébraïques » sous l’égide de l’Université de Strasbourg, où j’avais obtenu un an plus tôt un DEA en musique et musicologie. Étant à l’époque directeur musical du chœur de la Grande Synagogue de Strasbourg, activité que j’ai développée pendant 18 ans, j’avais concentré mes recherches universitaires sur un sujet local spécifique[1] dans le domaine de la musique juive et hébraïque.
L’ensemble choral, au départ universitaire, composé depuis ses premières années d’une quarantaine de choristes, dont quatre chefs de pupitre de niveau professionnel ou semi-professionnel, est devenu une structure associative et s’est détaché de son cadre initial, changeant du même coup son nom d’origine pour celui de « Polyphonies hébraïques de Strasbourg ». De nombreux concerts se sont succédé année après année, des échanges avec d’autres ensembles de nature similaire – à Londres, à Paris –, des enregistrements et une participation assidue à des festivals internationaux – Londres, Saint-Pétersbourg, Ferrare – ont jalonné le parcours et le développement de l’ensemble. Son but premier demeure toujours pourtant l’exploration du répertoire de la musique hébraïque et des œuvres liées à cette spécificité culturelle.
Parmi différents projets en cours d’élaboration pour l’année 2020 – outre une grande fête de célébration des 25 ans de l’ensemble – se préparait un concert pour la commémoration de Yom hashoah, le « Jour de souvenir de la Shoah », prévu pour le 26 avril dans la commune de Bischwiller, à proximité de Strasbourg. Lors des discussions avec les responsables culturels de la ville, l’ensemble choral s’est vu proposer également un deuxième concert, prévu initialement le 3 janvier 2021, date de la naissance, un siècle plus tôt, du poète français juif alsacien natif de Bischwiller, Claude Vigée, dont la renommée dépasse largement les frontières régionales et nationales.
Au mois de mars, le confinement est arrivé. Le concert du mois d’avril a été alors reporté à 2021. Mais les discussions pour le concert d’hommage au centenaire de la naissance du poète se sont poursuivies. L’idée initiale de faire jouer des musiques « de circonstance » autour de poèmes de Claude Vigée, assorties de quelques chants librement choisis par le chœur, a laissé la place à une autre proposition que j’ai faite aux responsables de la ville : composer une œuvre originale sur des textes de l’auteur.
Dans la foulée, j’ai demandé à la fille du poète - elle-même chanteuse aux Polyphonies hébraïques de Strasbourg - une sélection de poèmes de son père, parmi ses préférés. J’en ai choisi quatre : ceux qui m’ont suggéré, à la première lecture, tout un monde d’idées musicales.
Je les ai disposés d’une manière progressive pour définir une structure évolutive, sorte de « petite symphonie chantée », en quatre mouvements, suivant la configuration des poèmes.
Avant de commencer la composition à proprement parler, j’ai manifesté à la fille du poète mon désir de rencontrer son père, à Paris, pour discuter avec lui de ma démarche et recueillir ses préférences musicales, ce qui aurait été une précieuse source d’inspiration. Malheureusement, l’état de santé de Claude Vigée se dégradait de jour en jour, et ne permettrait pas cette entrevue. Claudine, néanmoins, me renseigna sur les goûts musicaux de son père, et sur sa vision de la musique.
J’ai donc commencé à écrire. Et il m’est apparus progressivement qu’il me manquait un poème conclusif, pour terminer en beauté le cycle musical. J’ai alors demandé à Claudine si son père n’avait pas composé des poèmes en hébreu – puisqu’il avait enseigné la littérature française à l’Université de Jérusalem pendant de longues années –, à quoi elle m’a répondu par la négative.
Claude Vigée avait donc bien écrit en français et en alsacien, mais pas en hébreu. C’est alors que sa fille m’a envoyé un court poème en français, que son frère Daniel, âgé de vingt ans, avait traduit en hébreu. Et comme il n’y a pas de hasard, ce poème, datant des années 1950 (entre 1954 et 1957) était intitulé « Epilogue »... Il s’agit d’un poème très court – seulement quatre lignes de texte – d’une expression forte, et très marqué par des images bibliques, ce qui est une constante dans la production du poète.
Le début de mon travail de composition fut marqué par toute une série de questionnements : comment commencer ? Quel type de musique écrire ? Quel langage musical privilégier ? Les informations données par la fille du poète sur les goûts musicaux de son père m’ont orientées dans ce sens. J’en ai déduit un style de musique « un peu classique, un peu postromantique, un peu juive, un peu alsacienne... ». Et enfin, je me suis aussi posé la question : « qu’est-ce que j’ai envie de raconter avec la musique pour mettre en valeur des textes aussi beaux et chargés de poésie ? ».
Hélas, Claude Vigée est décédé le 2 octobre dernier, trois mois et un jour avant son centième anniversaire. Ému, j’assistais à ses obsèques à Bischwiller, où son corps avait été rapatrié et fut enterré le 6 octobre, en présence de sa famille, ses amis proches et un public d’admirateurs dont moi-même. Le maire de la ville, un ami de longue date du poète, a prononcé un éloge funèbre des plus éloquents, et sa fille Claudine a lu une sélection de poèmes de son père, dont ceux que j’avais choisis de mettre en musique. Le concert avec la création de l’œuvre, initialement prévu pour la célébration des cent ans de Claude Vigée, a été reporté au mois de juin, pour clôturer une série de manifestations culturelles autour de lui. Le programme du concert devrait être complété avec d’autres œuvres musicales de compositeurs ayant des points communs avec le destin de Claude Vigée : Darius Milhaud et Kurt Weill, mais aussi le contemporain Eric Whitacre, musicien nord-américain qui a composé sur des poèmes en hébreu de son épouse israélienne. Les trois premiers ont fuis la persécution nazie, tous les trois se sont réfugiés aux Etats-Unis et ont produit des œuvres en exil. Deux Français et un Allemand. Voici donc réunis des créateurs ayant un destin juif commun.
Pour commencer ma composition, il fallait que je parle – musicalement – de la vie, du temps qui passe, de ma conception personnelle de ces deux idées qui sont pour moi intimement liées. C’est donc la répétition du rythme de mon pouls – de celui de tous les corps humains – qui conscientise ma sensation de vivre. Un peu comme les battements du cœur que l’on peut sentir dans l’introduction de la Première symphonie de Brahms, dans cette répétition régulière de notes dans le registre grave, étalée dans le temps, tout en laissant s’enchaîner au-dessus un monde d’événements sonores source de mouvement musical – pour ne pas dire de vie.
Mais comme je ne suis pas Brahms, mais un humble admirateur inconditionnel de sa musique, l’élan de départ s’est arrêté là, sur l’idée initiale de vie et de mouvement, pour laisser place à ma propre conception de l’évolution d’un discours musical qui se construit, à moitié contrôlé et programmé, et à moitié intuitif, irrationnel et émotionnel. Je me laisse donc porter par l’élan initial et je prépare le terrain pour exprimer les idées du premier des cinq poèmes, que je m’approprie et que j’interprète à ma manière, selon mon vécu et avec mes intuitions.

Après cette introduction instrumentale, le chœur fait son entrée en paliers descendants, une voix après l’autre, en chantant le titre du premier poème, dont voici le texte complet :

I. Tu dis pour naître

Tu n'écris plus
Pour être lu
Par des poètes.

Tu dis pour être
Au cœur de l'homme,
Simplement.

Ton chant est comme
Une fenêtre
Ouverte au vent :
Orage à mille têtes!

A partir d’une note unique, un unisson () qui représente pour moi le début, le commencement de quelque chose de vital, de vivant, de réfléchi et de profond, de spirituel, qui se développe, qui se réveille peu à peu, les voix se détachent, puis se mélangent, et font l’harmonie.

Les quelques dissonances de ces huit mesures sont source de conflit, de malaise et d’inconfort, cherchant à se résoudre dans un idéal. Mais cet idéal – celui des dissonances résolues – n’est atteint qu’à de rares occasions. Je travaille ce rapport harmonique, la tension et la détente, comme un peintre chercherait à marier l’ombre et la lumière, prêtant une attention particulière aux infimes variations de chaque coloris.
Je me laisse porter par ce premier poème, qui me parle de choses qui résonnent en moi comme une grande évidence : celle d’être, celle de dire pour être. Et ceci est vrai pour moi car, en tant qu’artiste musicien, je dis pour être, je m’exprime avec les sons comme par le biais d’une seconde langue maternelle.
Au cours des 20 premières mesures, le titre du poème est présenté, chanté avec maintes reprises, au travers de sonorités très variées, colorées et changeantes, avec retenue mais avec éloquence, et dans un rythme tranquille, plutôt lent et régulier. Puis, par la suite, le texte du poème s’exprime dans une rythmique nouvelle, plus agitée et surtout irrégulière, avec beaucoup de changements de mesure, alternant des pulsations binaires et ternaires de manière inégale, presque désordonnée :

J’interprète cette phrase comme une libération de la parole écrite, comme un cri de rébellion contre les attentes des autres. Le poète me dit qu’il est enfin libre et qu’il écrit pour exprimer sa vérité première, pas forcément celle attendue par les autres, ses pairs, ceux qui « l’attendent au tournant ».
Ce premier vers m’a donc fait beaucoup réfléchir à ma position personnelle face à la composition : qu’est-ce qui me pousse à écrire ? Dois-je à tout prix « être moderne » ? Faut-il avant tout plaire aux autres musiciens ? Il me semble avant tout que j’écris pour moi-même, la musique que j’aimerais entendre, sans le souci du jugement d’autrui. Comme pour signifier cet apaisement intérieur, la suite de la musique se veut plus méditative. Le même vers est exprimé avec calme par le pupitre des basses, avec un accompagnement d’une simplicité lumineuse :

S’ensuit une fugue sur ce thème chantant. La musique se déploie en toute quiétude, mais avec un élan qui se projette en avant. L’attention de l’auditeur est maintenue par un ensemble de « petites nouveautés », soufflant l’imprévisible. au fur et à mesure que la musique avance.
La suite du texte – constituant une sorte de deuxième grande partie – s’annonce plus amplement solennelle. Un rythme apaisé, soutenu par de larges unissons, illustre une simplicité retrouvée. Mais l’harmonie qui accompagne le mot « simplement » n’est pas aussi évidente qu’il y paraît : elle instaure une échelle appelée communément gamme par tons, qui insinue un doute doucement impressionniste à la fin de cette phrase :

La section suivante correspond à la dernière partie du poème, avec deux duos de solistes : deux voix de femme chantant à la tierce, puis deux voix d’homme les imitant, comme une sorte d’écho.
Imitations et modulations successives nous amènent à un puissant tutti, sorte de représentation musicale de la « fenêtre ouverte ». En conclusion, une série d’imitations de plus en plus serrées rythmiquement, faisant la part belle aux sauts d’octaves et aux larges gammes descendantes, dans une polyphonie « croisée » entre les quatre voix – une espèce de feu d’artifice musical.

Pour illustrer le mot « ouverte », une nouvelle série de notes longues ascendantes apparaît dans toutes les voix :

Puis c’est au tour du « vent » d’intervenir, par « rafales » de gammes descendantes en doubles croches – référence évidente aux « Tempêtes » de la musique baroque ou aux « scènes d’orage » chères aux Romantiques :

Suit une réexposition du début de la pièce, avec sa pulsation calme et persistante. Mais, en lieu et place du titre du poème, les voix chantent à présent le premier vers du texte, auparavant déclamé avec véhémence. La tension initiale semble s’être évanouie dans la sérénité des premiers mots.
Une dernière apparition du motif de l’introduction est entendue alors, pour la troisième fois, comme une sorte de « développement terminal ». Puis nous voilà face à un nouveau thème, qui s’inspire des duos des solistes entendus précédemment. Ce thème réapparaît aux diverses voix dans des versions toujours plus ornementées pour aboutir enfin sur le tutti choral présentant la dernière phrase du poème :
« Orage à mille têtes ! ». Un terrible unisson forte présente « l’orage » et une nouvelle « rafale », de triples-croches. Le tout se termine dans la tonalité « angoissée » de do mineur, ponctuée sans cesse de multiples « rafales », par une fin cut, tout à la fois violente et interrogative :

En guise de transition vers le deuxième mouvement de ma petite "symphonie chantée", un récitant lit la totalité du deuxième poème, tout comme il l'a fait en introduction du premier texte. La suite de ma composition sera traitée dans un article ultérieur

[1]La vie et l’œuvre du compositeur et chantre de synagogue Israël Lovy, d’origine polonaise, ami de Joseph Haydn, qui avait mené une belle carrière de chanteur lyrique et de cantor liturgique, en Allemagne et en France, surtout à Strasbourg et à Paris.

Hector SABO

© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021

« Quand l’histoire vous parle »
Dialogue avec Philippe Entremont
par Laurent WORMS

Il est des interprètes que leur art et leur personnalité placent dans la légende. Toscanini, Furtwängler et Karajan incarnent à tout jamais la personnalité du chef d’orchestre, Menuhin, celle du violoniste, Caruso ou Callas, l’art lyrique. Au côté d’Horowitz, virtuose issu du 19e siècle, il se pourrait bien que Philippe Entremont soit le pianiste de notre temps. À quatre-vingt-six ans, alors que Thierry Vagne lui consacre un livre retraçant ses soixante-dix ans de carrière (éditions Musicae), toujours partant pour de nouvelles aventures liées aux progrès technologiques, Philippe Entremont est le premier artiste de musique classique à réaliser un Icologram.
Entendez par Icologram une technique qui combine subtilement art et technologie, un protocole olographique en 2 D qui permet d’avoir chez soi, en très haute définition, un concert de l’artiste de son choix. Pour ce faire, deux éléments sont nécessaires : une caméra de très haute résolution dite de 6 K (pour information, les studios Walt Disney ne sont équipés qu'en 4 K) et une prise de son volumétrique qui permet une restitution sonore dans toutes ses dimensions grâce à un micro tridimensionnel. Pour assister à ce concert « privé », il vous suffit d’avoir l’écran ad hoc et une paire de lunettes à réalité augmentée qui vous permet de rester chez vous tandis que les casques vous plongent dans un monde virtuel.
Cet Icologram se complète d’une discographie de plus de 265 enregistrements réalisés avec les différentes techniques du 20e siècle, du 33 tours monophonique au compact disc, et qui, aujourd’hui, en ce début du nouveau millénaire, s’enrichit d’un enregistrement « virtuel ». Un saut dans le passé.

L’aventure de cet artiste débute il y a plus de soixante-dix ans. « J’ai passé la Seconde Guerre mondiale à Reims, ma terre natale. Vers la fin, les bombardements étaient incessants, car les V1 et V2 étaient cachés dans un tunnel non loin de notre maison. Cela ne nous empêchait pas d’écouter de la musique. J’aimais particulièrement les Variations symphoniques de Franck par Alfred Cortot, dirigées par Landon Ronald.
« En cette période de guerre, il était impossible de se procurer des aiguilles, pour écouter les 78 tours, mon grand-père taillait un morceau de bois, on devait les changer toutes les deux faces. « Le soir, des gradés de la Luftwaffe basés près de chez nous venaient écouter Radio Londres. On sortait de dessous un lit une carte où figurait l’avance des troupes alliées. De quoi nous faire tous fusiller. Un jour ils ne sont plus revenus », raconte Philippe Entremont. Il a dix ans quand la guerre touche à sa fin et donne son premier concert en interprétant le Quatuor pour piano et cordes en sol mineur K. 478 de Mozart avec son père au violon, des amis tenant les deux autres pupitres. Reims était le quartier général des forces armées. « Si je me souviens bien, le général Eisenhower était présent. L’armistice a été signée sur le bureau de papa. » Un concert historique, prélude à une carrière d’exception.
Mais la route est encore longue et ardue.

Une enfance volée par la musique ?
Ses parents musiciens, père chef d’orchestre, mère pianiste, décident que leur fils, avec ses capacités, embrassera cette carrière. Après deux ans de solfège, à huit ans débutent les cours de piano avec Rose Aye pour professeur. La guerre terminée, les enfants de son âge retrouvent le chemin de l’école, les joies de la cour de récréation, certains cherchent l’évasion dans les livres d’aventure. Rien de tel pour le pianiste en herbe. Ses parents l’expédient en pension à Paris pour suivre les cours du Conservatoire national supérieur de musique, rue de Madrid, où il demeure de douze à seize ans. Il en sort avec un premier prix de solfège, de musique de chambre et de piano. Le bac musique n’existait pas à l’époque. « Je devais me débrouiller tout seul. Je ne suis quasiment pas allé à l’école. Je suis une sorte d’autodidacte. Je lisais beaucoup de musique, pas beaucoup de littérature. Peut-être à tort. Mais, à onze ans, j’écrivais Vieuxtemps en un mot, pas en deux, comme je l’ai vu récemment », dit-il avec le sourire.
Au CNSM, Philippe Entremont de s’épanouit pas vraiment. Il garde cependant un souvenir extraordinaire de son directeur, Claude Delvincourt : « Sous l’occupation, il avait refusé d’appliquer les lois raciales et, pour éviter le STO [Service du travail obligatoire, en Allemagne] à ses élèves, il fonda l’Orchestre des Cadets. » Si, avec Jean Doyen, responsable de la classe de piano, le courant ne passe pas, il trouvera un accueil favorable auprès de Marguerite Long qui aura une grande influence sur le jeune pianiste, particulièrement dans la musique de Debussy, Fauré et Ravel. De ce dernier, elle refusa de lui faire travailler le Concerto en sol dont elle assura la création. Une relation amicale qui traversera les ans.

Un début de carrière fulgurant
Avec le parcours obligatoire des concours internationaux, le jeune interprète peut se faire remarquer dans l’univers clos de la musique. Philippe Entremont n’attend pas les lauriers pour donner un concert dès 1951 à Barcelone, il a seize ans. L’année suivante, il est finaliste au concours Reine Élisabeth, en Belgique, le lauréat étant Leon Fleisher. 1953 est une année charnière : il remporte le concours Marguerite Long, puis fait des débuts fracassants à New York, où il est le soliste du National Orchestral Association sous la direction de Leon Barzin, ancien alto solo de l’Orchestre de la NBC de Toscanini. Il assure la création américaine du Concerto pour piano de Jolivet. Le chroniqueur du New York Times, Olin Downes, écrit alors : « Le clou du concert hier soir fut l’interprétation ébouriffante par le jeune Philippe Entremont du Concerto pour piano extrêmement moderne et stimulant d’André Jolivet. »
Les tournées s’enchaînent, surtout en Amérique. « Au cours de ma deuxième ou troisième tournée, j’ai joué à OakRidge, le centre de recherche nucléaire qui avait abrité le Projet Manhattan [conduisant à la création de la première bombe atomique, dirigé par Frank Oppenheimer] pendant la Seconde Guerre mondiale. Werhner von Braun était dans la salle. C’est un souvenir marquant. » D’autres voyages sont plus problématiques. « Lors de ma première tournée en URSS, l’avion qui assurait les liaisons intérieures devait voler à basse altitude, car un hublot était cassé. Le repas était préparé dans la cabine sur un réchaud à gaz. J’ai même eu des ennuis avec la sécurité quand je voulais prendre des photos », se souvient-il.
En 1966, à l’occasion de l’enregistrement des concertos pour piano de Mozart avec le Collegium Musicum de Paris, Philippe Entremont s’essaie comme chef d’orchestre pour la toute première fois. Il se laisse porter par cette activité. On le retrouve à la tête des orchestres de La Nouvelle-Orléans, de Denver, du Münchner Symphoniker ou encore de l’Orchestre de chambre de Vienne, ce dernier pendant plus de vingt ans comme chef honoraire, et l’Orchestre de chambre d’Israël dont il garde un souvenir marquant : « dans les années 80, nous avons participé à la levée de l’interdiction dont Richard Strauss était injustement l’objet dans ce pays en interprétant ses Métamorphoses. Ce fut un énorme succès. »
Une carrière aux quatre coins du monde, avec une exception, la France. « Je suis l’un de ses produits d’exportation », dit-il avec humour.

Au disque
Vers le milieu des années 50, Philippe Entremont débute sa carrière discographique. Ses premiers sillons sont pour Concert Hall, un label anglais créé par les frères Josefowitz dont les ventes se faisaient surtout par correspondance. Parmi ces premiers disques figurent les concertos numéros 20 et 23 de Mozart, sous la direction de son père, Jean Entremont. Réédité en 2011, plus de soixante-quinze ans après la première parution de ce disque, Philippe Entremont dit avec émotion : « C’est mon disque avec papa. »
Dans les années 50, bénéficiant de l’afflux de grands interprètes ayant fui l’Europe raciste et en guerre, les États-Unis régnaient en maîtres absolus sur le marché du disque, les société européennes, EMIen tête, ne s’étant pas encore relevées de leur ruine. Deux éditeurs se partagent le marché, CBS et RCA Victor, toutes deux filiales de radios, ce qui leur assure une grande puissance.
En 1956 Philippe Entremont se voit offrir un contrat par RCA et enregistre en une matinée le Premier concerto pour piano de Tchaïkovski avec le London Symphony Orchestra, dirigé par Pierre Monteux, alors âgé de quatre-vingt-trois ans. Le cadet des pianistes sous la baguette du doyen des chefs d’orchestre. Dans la foulée, le maestro grave, l’après-midi, Shéhérazade de Rimsky-Korsakov. Deux enregistrements d’œuvres importantes en une journée.
Mais le concurrent ne l’entend pas de cette oreille. « Alors, se souvient Philippe Entremont, CBS racheta mon contrat, un transfert comme dans les clubs de football. J’étais un précurseur ! » Un premier disque d’œuvres de Chopin est réalisé la même année. Après l’avoir auditionné, Eugene Ormandy l’engage pour se produire avec son Orchestre de Philadelphie et, en 1958, suit l’enregistrement du Concerto de Grieg et la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov. C’est le début d’une profonde amitié. Ensemble, ils donneront plus de cent concerts et réaliseront près d’une dizaine de disques. Débutant une carrière de chef d’orchestre à la fin des années soixante, Philippe Entremont avoue devoir beaucoup à Eugene Ormandy, qu’il considère comme son maître dans ce domaine.
Les événements se succèdent. En 1964, Philippe Entremont est dans le studio de la Columbia pour enregistrer le concerto de Stravinsky sous la direction du compositeur. Un souvenir décevant. « Stravinsky était déjà très âgé. On ne comprenait plus vraiment sa battue. La séance d’enregistrement a été largement sauvée grâce au professionnalisme des musiciens. Connus pour leur adresse, on les surnommait affectueusement les gangsters de New York, car on les retrouvait à chaque occasion. L’année suivante, Leonard Bernstein fait appel à lui pour créer et enregistrer sa seconde et définitive version de sa symphonie Age of Anxiety, où la partie de piano est largement développée par rapport à la version originale de 1949. Il retrouvera également Jolivet puis Milhaud pour graver leurs concertos sous leur direction.
En 2014, à l’occasion de ses quatre-vingt-cinq ans, Philippe Entremont publie les Sonates nos14 « Clair de lune », 20, 23 « Appassionata », et 30 de Beethoven. C’est son 265e disque. Une des plus grandes discographies mondiales où figurent les 53 CDs équivalents chez Sony (ex-CBS). Certains artistes, tels Yo Yo Ma ou Michel Plasson, lui doivent leurs premiers disques.

Enseignement
En plus de sa carrière mondiale, Philippe Entremont se consacre à l’enseignement. Il préside l’Académie Maurice Ravel à partir de 1973, prend la direction du Conservatoire américain de Fontainebleau de 1994 à 2013. Pour l’anniversaire des 250 ans de la naissance de Mozart (2006) la NHK, première chaîne de télévision nipponne, lui demande une série de master classes dédiées au maître de Salzbourg et sont captées à Vienne, et ailleurs. Depuis deux ans il assume la classe de piano à la Schola Cantorum. « Il est très difficile d'être un bon professeur. Un grand pianiste ne fait pas nécessairement un grand enseignant. Pour l’élève, il est essentiel de bien débuter. » « J’ai eu la chance que ma mère me confie pour mes premières années d’études à Rose Aye Lejour. Une femme et un professeur extraordinaire. Je lui dois énormément, entre autres ma technique. » « Pour devenir pianiste, il faut avant tout posséder le talent. Le don ne s’apprend pas. Ensuite, il faut travailler la technique et trouver le bon équilibre avec la musique. »
Soucieux de transmettre la musique dans tous les domaines, Philippe Entremont aime le contact avec les orchestres de jeunes, comme ceux de l’Académie d’été de Musique de Nice fondée par Jacques Taddei ou de la Manhattan School of Music. « Si ces jeunes ont déjà le niveau pour intégrer une grande formation, ils n’ont pas l’expérience de leurs aînés. Le plus souvent, ils découvrent les œuvres inscrites au programme pour la première fois. Avant toute chose, il faut modeler le son, là, le choix des bons tempi est fondamental. On doit également leur apprendre à jouer ensemble. Faire travailler les jeunes est une grande joie. »
Regardant sa longue carrière, Philippe Entremont conclut : « Je me demande comment j’ai fait tout cela. »

Laurent WORMS

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Le Ne-Opéra
Diana Syrse, traduction Sasha OM

Diana Syrse est une compositrice et chanteuse originaire de Mexico. Sa musique se caractérise par une influence du jazz, du rock, de la fusion, de la musique traditionnelle du monde entier et de l'avant-garde, ainsi que par l'utilisation d'instruments non occidentaux, d'éléments théâtraux et d'électronique. Elle nous propose ici sa vision de l’opéra contemporain

Que devons-nous faire pour réimaginer l'opéra à notre époque ? Dans quelle mesure l'enseignement musical que nous recevons dans les universités nous limite-t-il ? Pourquoi la diversité est si importante dans la programmation d'événements, avec musique et scène dans les théâtres et opéras en Europe, et quel est le rapport avec l'avenir de l'opéra ?
Dans de nombreuses universités des États-Unis, l'étude de l'histoire de la musique se concentre exclusivement sur la musique occidentale, de ce fait, ce discours est la base de la discussion sur l'évolution et l'histoire de la musique dans le monde entier. Cette hégémonie culturelle prépare les étudiantes et les étudiants à suivre uniquement les structures et les systèmes existants. Encore minoritaires, certaines universités sont en train de changer lentement de vision. Par exemple, le California Institute of the Arts (CalArts), encourage les étudiantes et les étudiants en composition à étudier d'autres systèmes musicaux. Alors elles et ils apprennent, en plus de la musique occidentale, de la musique d'Indonésie, d'Inde et d'Afrique auprès de professeurs originaires de ces pays. L'approche que fait cette université en matière de musique et de production musicale est très différente de celle des autres universités, car les compositrices et les compositeurs sont exposés à différentes influences musicales. Ils ont la possibilité d'étudier, entre autres, composition de jazz, de musique expérimentale, de rock, de bruits, et de musique électronique. Les étudiantes et les étudiants sont motivées/és pour aller au-delà de la "spécialisation" et s'intéresser à d'autres disciplines pour les comprendre et collaborer à des projets de théâtre, d'animation, de danse et autres. Pour faciliter cela, tous les domaines d'études sont situés sur le même campus.
Dans le monde de la composition d'opéra, les règles dérivées de la tradition européenne sont souvent appliquées : il faut écrire de la musique avec un système de notation déterminé dans lequel les interprètes reproduisent ce que la compositrice ou le compositeur imagine ; il faut utiliser des instruments, des chanteuses, chanteurs et des actions scéniques. L'opéra doit impliquer à la fois une scène et un public. Mais qu'en est-il de ceux d'entre nous qui respectent et étudient la tradition européenne mais ne sont pas issus de cette tradition ?
Imaginez ce qui pourrait arriver si les théâtres cessaient d'être des théâtres pour devenir des villes, des voitures ou des lieux dans la forêt. Imaginez que le public cesse d'être le public et devienne un personnage/acteur ? En Allemagne, le mot "Musiktheater" fait référence au nouveau genre de théâtre musical qui comprend l'opéra. Mais ce terme est-il vraiment suffisant pour redéfinir et élargir le terme "Opéra" ? Nous avons besoin d'un terme qui englobe le théâtre, la comédie musicale et l'Opéra. C'est entre ces catégories, dans un espace défini par "ne pas être", que naît le "Ne-opéra" ("ne" comme "non" en espéranto).
Dans le "Ne-opéra", les artistes qui ont appris les règles de l'opéra pourraient commencer à explorer au-delà de ce qu'ils ont appris à l'université. Ils pourraient voyager, découvrir d'autres façons d'aborder la composition musicale et rompre avec la tradition. Ces artistes peuvent être jeunes ou moins jeunes, issus de milieux et couches sociales diverses, et désireuses/désireux de s'écarter de la tradition opératique. En brisant les règles, elles/ils créent, et en créant de nouveaux paradigmes, ils se réinventent. C'est alors que l'opéra cesse d'être un opéra et devient un "Ahhhh !", et les termes commencent à changer ou de nouveaux termes sont créés.
Mais pour l'instant, cela ne se produit que dans certaines parties du monde.
« Depuis 200 ans, les Européens nous envoient leurs opéras. Aujourd'hui, je les leur rends tous ». John Cage
Le terme "Ne-opéra" fait référence à une grande tradition et à une histoire prise comme base, mais différente dans la mesure où il la nie. À quoi ressemble un "Ne-opéra" ?
Dans le "Ne-opéra", l'instrumentation serait réinventée. Un orchestre pourrait être réincarné comme une variation de lui-même.
Le Female Laptop Orchestra au Royaume-Uni, le Babylon Orchestra à Berlin et l'Orchestre andin de la PUCV (Pontífica Universidad Católica de Valparaíso) au Chili - un orchestre d'instruments indigènes jouant de la musique nouvelle avec des techniques étendues - ne sont que trois exemples d'organisations qui repoussent déjà les limites traditionnelles des orchestres. Les orchestres peuvent faire plus que simplement accompagner des chanteuses/chanteurs. Ils peuvent aussi devenir un personnage important sur la scène et dans le moment, comme le fait l'orchestre Stegreif à Berlin.
La chanteuse ou le chanteur aurait également des fonctions différentes. Elle ou lui pourrait arrêter de chanter le bel canto et expérimenter plutôt avec sa voix en utilisant tout son corps comme un résonateur en mouvement. Lorsque les chanteuses et les chanteurs cessent d'être des personnages sur scène et deviennent membres de l'orchestre, ou commencent à chanter avec des gestes qui sont traduits par un logiciel informatique qui interprète les chansons en fonction de l'émotion qu'elles suscitent, de nouvelles formes d'art naissent. C'est ce qui se passe dans le projet créé par l'artiste Laura Anzola à Bogota et présenté sous forme d'installation au Banff Center au Canada. Cela se produit également lorsqu'un robot devient le chef d'orchestre ainsi que le chanteur principal de l'Opéra de Keiichiro Shibuya, sorti au Japon en 2018.
« Que le chant ne ressemble jamais à rien, ni à un homme, ni à une âme, ni à un chant. » Pablo de Rokha
Les compositrices et les compositeurs pourraient créer des solos ou créer au sein d'un collectif de différentes parties du monde, participant en tant que compositrices et compositeurs interprètes et fusionnant de nouvelles musiques basées sur leurs propres traditions dans un spectacle avec des interfaces vidéo et électroniques qui interagissent avec une danseuse ou un danseur sur scène. Cela a été fait récemment en 2010 avec Opéra, no opera AH! au REDCAT Theater de Los Angeles.
Les compositrices et les compositeurs pourraient écrire des partitions sans papier, en utilisant la dramaturgie de l'œuvre comme partition pour les interprètes. Un exemple est donné par le Fractura Ensemble du Chili, dirigé par Enrique Schadenberg, qui travaille avec des partitions expérimentales et du mouvement. Par exemple, en 2018, il a interprété une œuvre avec un poème audio comme partition. La musique est ce que les musiciennes et les musiciens expriment avec leurs instruments lorsqu'ils perçoivent/entendent le poème. L'œuvre est répétée parce que les musiciennes et les musiciens doivent d'abord comprendre le poème et ensuite interpréter ce qu'ils ressentent, les instruments interagissant avec la bande.
Les espaces eux-mêmes peuvent également jouer le rôle de l'orchestre. Le compositeur mexicain Carlos Vidaurri a créé la pièce Tañer de Viento pour les clochers de différentes églises de la ville de Guanajuato. L'œuvre a été présentée au Festival international de Cervantino en 2006.
Comme ces éléments, les décors se prêtent également à une réinterprétation. Dans The Tree Opera de la compositrice Anna Kirse et Andris Kalnozols en Lettonie, le décor est la forêt et les arbres ses personnages. Le Hopscotch Opera, composé par un collectif de Los Angeles, aux États-Unis, a créé des décors à partir de voitures en mouvement et la ville elle-même en devenant le public. Les décors pouvaient faire partie d'une réalité virtuelle ou être combinés avec de la danse et des drones, comme le fait l'artiste japonais Daito Manabe dans son œuvre Elevenplay. Les décors pouvaient également inclure un documentaire ou un jeu vidéo interactif.
La réalisatrice ou le réalisateur devient une compositrice ou un compositeur lorsque son orchestre est composé de lumière, de personnes, d'instruments et de textes parlés par des actrices ou des acteurs qui s'allument et s'éteignent au rythme de sa baguette, comme le metteur en scène Ersan Mondtag fait dans ses répétitions. La musique joue un personnage important dans sa pièce de théâtre musical Sinfonie # 1. C'est lorsque nous pensons à franchir les limites de la spécialisation pour faire plus ou peut-être moins, que nous nous ouvrons vraiment à quelque chose de nouveau, d'authentique.
Les Ne-operas pourraient être présentés dans différentes langues ou avec un texte multilingue. Un exemple pourrait être le texte multilingue Zaïde/Adama ou les caractéristiques multilingues qui apparaissent dans Infinite Now, deux opéras écrits par Chaya Czernowin. Un autre exemple seraient les productions de scène de concert présentées par la compagnie française "La Chambre aux Échos" choisies par le metteur en scène Aleksi Barrière qui intègrent différentes langues et de multiples perspectives dans leurs productions. Pourquoi ne pas envisager un opéra dans une langue parlée par quelques personnes, mais riche en sonorité ou différente dans son concept? Dans la langue aymara de Bolivie, l'avenir attend et le passé est vu en avant et comporte 26 phonèmes consonantiques. Dans la composition musicale, le texte a une fonction très important car il a un rythme et une certaine intonation. Musicalement, il est très intéressant de travailler avec d'autres langues, car elles nous ouvrent de nouvelles possibilités sonores, de nouvelles voix et des sons gutturaux que nous n'avons pas l'habitude d'exécuter dans nos propres langues. C'est pourquoi les innombrables façons de chanter dans la musique traditionnelle sont si diverses : elles proviennent de langues différentes. Si nous prenions le bel canto comme base pour l'utilisation de ces langues, il y aurait encore plus de possibilités dans sa technique. De nouveaux sons seraient automatiquement explorés et la technique du bel canto serait également confrontée à une évolution. De nos jours, de nombreuses compositrices et nombreux compositeurs doivent s'adapter à un système dans le monde de l'opéra traditionnel. Ils doivent également s'adapter au fait que les théâtres ne sont pas assez bien équipés pour organiser des événements où le public se trouve dans un autre lieu, ou dans un endroit où la musique électronique sonne dans plus de quatre haut-parleurs. Cependant, la tradition sert de point de départ important et de dépositaire de la mémoire.
Lorsque nous parlons de "nouvelle musique", nous parlons d'un phénomène qui ne se produit pas dans un seul endroit ou dans un groupe spécifique de personnes ; il se produit dans le monde entier. À notre époque, la plupart des créatrices et créateurs d'opéra qui vivent de la composition proviennent de la classe moyenne supérieure. Pour celles et ceux qui viennent de couches sociales inférieures, il est presque impossible d'entrer dans ce monde, car il s'agit d'un cercle très exclusif. La plupart du temps, les compositrices et les compositeurs ne peuvent pas trouver de travail dans les théâtres ou les maisons d'opéra sans la recommandation du metteur en scène ou du dramaturge. Sans dramaturge ou directrice/directeur actif, curieuse/curieux et ouverte/ouvert, il est impossible d'entrer dans ce cercle, même si l'on a du talent.
Combien de programmes de concerts, d'opéras, de festivals, de concours, de résidences et d'ateliers voyons-nous de compositrices et de compositeurs qui ne viennent que de pays économiquement plus développés, des hommes pour la plupart ? Nous devons être plus conscients de l'importance de l'intégration des femmes, des minorités et des artistes des pays en développement. Intégration, et non assimilation. Leur voix et leur identité devraient également avoir une place dans l'éducation musicale et elles/ils sont également capables d'enseigner la musique au monde selon leur propre perspective. Ce serait une connexion d'identités qui pourraient avoir la même possibilité de partager des informations afin de continuer à se réinventer. Nous devons penser à la création de l'art pour l'art tout en soutenant son développement par une vision plus sociale et plus équitable. Pour que la musique continue à être un élément vital de nos cultures, nous devons penser globalement. Les pays qui ont la capacité de passer des commandes, qui ont des éditrices/éditeurs qui vendent dans le monde entier et qui produisent des spectacles de première classe pourraient soutenir la création de nouvelles musiques et envisager de regarder l'art dans le monde entier au-delà de leurs frontières, l'art qui est à coup sûr un bien universel. Si vous appréciez honnêtement et recherchez d'autres perspectives, vous devez également donner une chance à ces perspectives.
La production de musiques nouvelles appartient à tout le monde. Cultiver l'avenir de la musique exige un engagement en faveur de la diversité, de l'intégration d'autres traditions artistiques et de l'exploration de nouvelles perspectives. Nous devons apprendre aux étudiants et aux professeurs à la fois de respecter les autres expressions musicales et les autres cultures, et à accepter la différence. Avec le respect, l'acceptation, des meilleures choses peuvent venir des endroits les moins attendus. Par-dessus tout, nous devons créer une solidarité entre toutes et tous les musiciennes et les musiciens et artistes. Nos institutions doivent trouver de nouveaux moyens de donner une voix à celles et ceux qui ont été sous-représentées/és dans l'histoire de la musique, sans étiquette ni condescendance.
L'avenir du "Ne-opéra" ne se trouve pas en un seul endroit, une seule ou un seul artiste, un seul pays ; il se trouve en plusieurs endroits et dans plusieurs esprits. Les possibilités ne sont limitées que par notre imagination musicale. Nous ne pouvons pas enfreindre les règles sans nous réinventer, sans nous ouvrir à la possibilité qu'il y a beaucoup à explorer.
Ce n'est qu'à cette condition que la musique peut atteindre un éclat nouveau et surprenant.

Article écrit en anglais par Diana Syrse pour le magazine Teātra Vēstnesis 2019 en Lettonie. Traduction en français par Sasha Om.

Diana SYRSE

© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021

The Ne-Opera
Diana Syrse

Diana Syrse is a composer and singer from Mexico City. Her music is characterized by an influence of jazz, rock, fusion, traditional music from around the globe, and avant-garde as well as the use of non-Western instruments, theatrical elements, and electronics. here she offers us here her vision of contemporary opera.

What do we need to do to reimagine opera in our time? To what extent are we limited in terms of the music education we receive at universities? Why is diversity so important in the programming of events with music and scene in theaters and opera houses in Europe and what does that have to do with the future of opera?
In many universities in the United States, the study of the history of music focuses exclusively on Western music, making this discourse the basis for discussing the evolution and history of music in the larger world. This indicates a cultural hegemony that prepares students to only follow existing structures and systems. While they are still in the minority, some universities are slowly changing their visions. The California Institute of the Arts (CalArts), for example, encourages composition students to study other musical systems. In doing this, student composers learn from the music from Indonesia, India, and Africa from teachers that comes from those places as well as from music of the West. This university’s approach to music and music production is very different from that of other universities, because composers are exposed to different musical influences. They have the opportunity to study composition for jazz, experimental music, rock, noise, electronic music between others. Students are motivated to go beyond "specialization" and become interested in other disciplines to understand them and collaborate on theater, animation, dance, and other projects. To facilitate this, all areas of study are located on the same campus.
In the world of opera composition, rules derived from the European tradition are often enforced: One must write music with a system in which the performers reproduce what you imagine; one must use instruments, singers and scenic action. The opera must involve both a stage and an audience. But what about those of us who respect and study the tradition but do not come from that tradition?
Imagine what might happen if the theaters stopped being theaters to become cities, cars, or places in the forest. Imagine if the audience stops being the audience and becomes a character/actor? In Germany, the word "Musiktheater" refers to the new genre of musical theater that includes opera. But is this term really sufficient to redefine and expand the term "opera"?
We need a term that encompasses not merely theater, musical, or the opera, but still refers to it. It is in between these categories, in a space defined by "not being", where the "ne- opera" is born. ("ne" as "no" in Esperanto)
In the "Ne-opera", artists who have learned the rules of opera can begin to explore beyond what they learned in universities. They can travel, discover other ways of approaching musical composition and break with tradition. These artists may be young or old, from various backgrounds and social strata, and willing to diverge from the operatic tradition. By breaking the rules, they create, and by creating new paradigms, they reinvent themselves. It is then that the opera stops being an opera and the terms begin to change or new terms are created.
But at the moment, this happens in only some parts of the world. "For 200 years the Europeans have sent us their operas. Now Iam returning all of them"
John Cage
The term "Ne-opera" makes a reference to a great tradition and history that it takes as a basis, but is different insofar as it denies it. What does a Ne-opera sound like?
In the Ne-opera, the instrumentation would be reinvented. An orchestra could be reincarnated as a variation of itself.
The Female Laptop orchestra in the UK, the Babylon Orchestra in Berlin and the Andean orchestra of the PUCV (Pontifica Universidad Católica de Valparaíso) in Chile—an orchestra of native instruments playing new music with extended techniques—are only three examples of organizations already expanding traditional orchestral boundaries. Orchestras can do more than merely accompany singers. They can also become an important character within the scene and moment, as the Stegreif Orchestra does in Berlin.
The singer would have different functions as well. She/he could stop singing bel canto and instead experiment with his/her voice using his/her whole body as a resonator in motion. When singers cease to be characters on stage and become part of the orchestra, or begin to sing with gestures that are translated by a computer software that performs songs based on the emotion they show, new art forms are born. This happens in the project created by the artist Laura Anzola in Bogotá and presented as an installation at the Banff Center in Canada. It also occurs when a robot becomes the conductor of the orchestra as well as the lead singer in the Opera of Keiichiro Shibuya, released in Japan in 2018.
Let the singing never resemble anything, not a man, not a soul, not a singing
Pablo de Rokha
Composers could create solos or create within a collective of composers from different parts of the world, participating as composers-performers and merging new music based on their own traditions into a show with video and electronic interfaces that interact with a dancer on stage. This was recently done in 2010 at the Opera, no opera AH! at the REDCAT in Los Angeles.
Composers could write sheet music without paper, using the dramaturgy of the work as a score for the interpreters. One example of this comes from the Fractura Ensamble from Chile conducted by Enrique Schadenberg, which works with experimental scores and movement. As an example of this, in 2018 performed a work with an audio poem for a score. The music is what musicians express with their instruments when they perceive/hear the poem. The work is rehearsed because the musicians must understand the poem first and then interpret what they feel, with the instruments interacting with electronics.
The spaces themselves can also perform the role of the orchestra. Mexican composer Carlos Vidaurri created the play "Tañer de Viento" for the bell towers of various churches in the city of Guanajuato. The work was presented at the Cervantino International Festival in 2006.
Like these elements, scenery also lends itself to reinterpretation. In The Tree Opera by composer Anna Kirse and Andris Kalnozols in Latvia, the scenery is the forest and the trees its characters. The Hopscotch Opera, composed by a collective in Los Angeles, USA, created scenery from cars in movement and made the city itself the audience. Scenery could be part of a virtual reality or combined with dance and drones, as the Japanese artist Daito Manabe does in his work Elevenplay. Scenery could also include a documentary or an interactive video game.
The director becomes a composer when her or his orchestra is made out of light, people, instruments and texts spoken by actors who turn on and off to the rhythm of his baton, as theater director Ersan Mondtag does in his rehearsals. The music plays an important character in his Musiktheater piece Sinfonie # 1. It is when we think about crossing the boundaries of specialization to do more or maybe less that we truly open ourselves to something new, something authentic.
Ne-operas could be presented in different languages or with a multi-language text. An example would be Zaide/Adama’s multi-linguistic text or the multi-linguistic features that appear in "The Infinite Now", both operas written by Chaya Czernowin. Another example would be the concert stage productions presented by the French company "La Chambre aux Échos" which are chosen by the stage director Aleksi Barrière who is interested in incorporating different languages and multiple perspectives into their productions. Why not consider an opera in some language that is spoken by a few people but that is rich in sonorities or different in its concept? In the Aymara language in Bolivia, the future waits back and the past is seen ahead and has 26 consonantal phonemes. In the musical composition, the text has a very important function because it has a rhythm and a certain intonation. Musically it is very interesting to work with other languages because they open us to new sound possibilities, new vocals, and guttural gestures that we are not used to performing in our own languages. Hence, the myriad ways of singing in traditional music are so diverse because they come from different languages. If we took the bel canto as a basis for using these languages, there would be even more possibilities within the bel canto technique. New sounds would automatically be explored and bel canto technique would also confront an evolution.
Nowadays, many composers must adapt to a system in the world of traditional opera. They must also adapt to the fact that the theaters are not well equipped enough to hold events in which the audience is located in another place, or in a place where electronic music sounds in more than four speakers. Tradition is not useless, however, but serves as an important point of departure and repository of memory.
When we speak of "new music", we are talking about a phenomenon that does not occur in just one place or in one specific group of people; it occurs throughout the world. In our era, most of the opera creators who make a living from composition come from the middle or upper middle class. For those who come from lower social strata, entering this world is almost impossible, due to the fact that it is a very exclusive circle. Most of the time, composers cannot find work in theaters or opera houses without the recommendation of either the director or the dramaturg. Without a playwright or active director, curious and open, there is no way to enter this circle, even if you have talent.
How many concert programs, operas, festivals, contests, residencies and workshops do we see with composers who only come from more economically developed countries, most of them men? We must be more aware of the importance of the integration of women, minorities and artists from developing countries. Integration, not assimilation. Their voice and their identity should also have a place in music education and they are also capable to teach music to the world from their own perspective. It would be a connection of identities that could have the same opportunity to share information in order to keep reinventing themselves. We need to think about the creation of art for art’s sake while supporting its development through a more social and equitable vision. For music to continue to be a vital part of our cultures, we have to think globally. The countries that have the capacity to commission, that have publishers selling all over the world and produce first class shows could support the creation of new music and consider to look beyond its borders at art in the broader world, art that is a surely a universal good. If you honestly value and seek other perspectives, you must give those perspectives a chance as well.
The production of new music belongs to everyone, everywhere. To cultivate future of music requires a commitment to diversity, to the integration of other artistic traditions, and to exploring new perspectives with respect. We need to teach students and professors both to respect other musical expressions and other cultures and to accept difference artistic views. With respect and acceptance can come better things from the least expected places. Above all, we need to create solidarity among all musicians and artists. Our institutions must find new ways to give voices to those who have been underrepresented in the history of music, without labels or condescension.
The future of the Ne-opera is not in one place, one artist, one country; it is in many places and many minds. The possibilities are limited only by our musical imagination. We cannot break the rules without reinventing ourselves, without opening ourselves to the possibility that there is much to explore. Only then can music achieve new and startling brilliance.

Mexico/Germany
Article published by the magazine Teātra Vēstnesis in 2019, Latvia Written by Diana Syrse.

Diana SYRSE

© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021

Les Variations sérieuses opus 54 de Felix Mendelssohn : Entre héritage et modernité (Première partie)
par Antoine Bienenfeld

Après un Master d’écriture au CNSMD de Paris, Antoine Bienenfeld étudie actuellement le piano (Master d’interprétation) à la Haute École de Musique de Lausanne tout en se formant à la pédagogie au CNSMD de Lyon (Formation au certificat d’aptitude) dans ces deux disciplines. Cette double casquette l’amène à établir des passerelles entre pratique et théorie et à développer, en tant que pianiste, un jeu qui s’appuie sur la connaissance des styles et les processus de composition.

1. Introduction
Felix Mendelssohn est parfois considéré comme le "classique des romantiques", voire comme un compositeur conservateur.
 Si cette qualification est réductrice, l'ensemble de son œuvre regorge toutefois de références au passé.
 Attaché à des modèles illustres - Beethoven et Bach en particulier dont il ne cessa toute sa vie de promouvoir la musique -, Mendelssohn puise dans l'œuvre de ces grands maîtres dont il va s'approprier l'exigence formelle ou la richesse du contrepoint bachien, sans être pour autant un compositeur épigone.
 Il opère ainsi une véritable synthèse stylistique, en insérant des techniques anciennes de composition dans un langage personnel et romantique.

C'est certainement dans les Variations sérieuses opus 54, composées en 1841, que l'ancien et le moderne se conjuguent avec le plus d'originalité. Elles font tour à tour appel à l'art exigeant du contrepoint, d'un style sévère à une écriture plus moderne qui invente un son et un traitement du piano d'avant-garde.
Occupant une place centrale dans l'histoire de la Variation, par leur qualité et par leur position dans l’évolution de ce genre musical - entre Bach, les compositeurs classiques et Brahms -, les Variations sérieuses sont tout autant un hommage aux maîtres du passé qu'une œuvre ancrée dans son époque, emblématique du romantisme allemand.
Est-ce donc bien une œuvre moderne, inscrite dans son temps ? De quelle manière le modèle de composition, l'imitation, est-il intégré à la création, à la nouveauté ? C'est cette dualité stylistique que nous essaierons de démontrer.
Nous nous attacherons tout d'abord à replacer les Variations sérieuses dans leur contexte historique en regard de la production des auteurs contemporains de Mendelssohn pour ce genre musical. Puis, après une analyse formelle, nous tenterons de déterminer, variation par variation quels sont les modèles de composition et sources d'inspiration utilisés par Mendelssohn, et de démontrer enfin en quoi cette œuvre est représentative de son époque, voire avant-gardiste dans son écriture.
L'opus 54 ouvrant un large champ de références, nous donnerons plusieurs exemples d'œuvres (de Bach, Beethoven, Schumann...) présentant des similarités d'écriture et de style.
En tant que pianiste, j'ai toujours eu un goût prononcé pour la musique de Mendelssohn, à la fois spirituelle et lyrique, virtuose ou expressive.

Les Variations sérieuses me semblent réunir à elles seules cette variété de caractères, mais aussi les divers types d'écritures pianistiques caractéristiques de ce compositeur constituant en quelque sorte une synthèse de son langage à cet instrument.

2. Présentation de l’œuvre

2.1 Contexte historique et circonstances de composition.
En mars 1841, l’éditeur viennois Pietro Mechetti demanda à Mendelssohn, ainsi qu’à une dizaine d’autres compositeurs, de contribuer à un « Album-Beethoven » dédié à financer un monument à la gloire de Beethoven à Bonn. C’est à cette occasion que Mendelssohn composa les Variations sérieuses. Achevées le 4 juin 1841, elles seront publiées dans cette anthologie à Vienne en 1842 sous le titre :
ALBUM-BEETHOVEN. Dix Morceaux brillants pour le piano composés par Messieurs Chopin, Czerny, Döhler, Henselt, Kalkbrenner, Liszt, Mendelssohn-Bartholdy, Moscheles, Taubert et Thalberg, et publiés par l’éditeur P. Mechetti pour contribuer aux Frais du Monument de Louis van Beethoven à Bonn.
En voici les premières pages :


Ces circonstances entourant la publication des Variations sérieuses jouèrent un rôle important dans la conception de l’œuvre. En choisissant d’écrire des variations, Mendelssohn avait probablement à l’esprit de rendre hommage à Beethoven, un des maîtres du genre de la génération précédente.

Christa Jost1 remarque que l’œuvre de Mendelssohn est l’unique contribution dans une forme classique stricte et se distingue des impromptus, nocturnes et autres pièces de genre romantique en vogue qui dominent la collection. En effet, dans les années 1830-40, le genre du thème et variations se cantonne essentiellement à une composition partant d’un thème d’opéra (les paraphrases dont Liszt se fera le champion), d’un thème populaire, ou encore ce sont des pots-pourris ou des variations-fantaisies, formes libres virtuoses et au caractère improvisé. Mendelssohn, après avoir illustré comme tant d’autres le type de la variation brillante (citons les Variations concertantes pour piano et violoncelle opus 17 ou les Variations brillantes sur une marche de Carl Maria von Weber opus 87b) réagit fermement en composant les Variations sérieuses.
 Il apparaît clairement qu’il ne souhaita pas composer des variations à la mode, n’approuvant aucune virtuosité superficielle au détriment de l’invention thématique et d’une logique de développement motivique dans la tradition de Beethoven et Bach.
En outre, cet « Album-Beethoven » n’est pas sans rappeler une autre anthologie viennoise d’œuvres pour piano, précédant celle-ci de vingt ans. Il s’agit du recueil édité par l’éditeur-compositeur Diabelli qui avait demandé à plusieurs musiciens d’écrire chacun une variation sur une valse de son cru. Beethoven y répondit en composant 33 variations, son opus 120. Des compositeurs de « l’Album-Beethoven » - Czerny, Kalkbrenner, Moscheles et Liszt – avaient déjà participé à ce projet antérieur.

2.2 Pourquoi ce titre de Variations sérieuses ?
Étant donné les circonstances et le titre de cette anthologie, l’épithète « sérieux » donné par Mendelssohn pour caractériser ses variations, pouvait susciter la curiosité du lecteur de l’Album-Beethoven plus habitué au terme « variations brillantes » ou encore « variations faciles sur un thème connu » qui décrivent mieux les nombreuses productions inondant le marché de l’édition musicale à l’époque. En plus de sa forme stricte et de son caractère (le thème en particulier), c’est donc aussi par son titre que l’œuvre de Mendelssohn se distingue des compositions de ses contemporains.
Jérôme Bastianelli2 cite Jankélévitch à ce sujet qui souligne le caractère de l’œuvre :
En intitulant « Variations sérieuses » son opus 54, Mendelssohn nous avertit implicitement qu’il ne faut pas s’attendre à trouver dans ces dix-sept pièces l’humour des scherzos et de la burla : la plaisanterie est, pour une fois, mise en vacances, la tonalité, mineure d’un bout à l’autre (sauf la quatorzième variation, qui est d’ailleurs un grave adagio), dément toute velléité de jeu ; à la cyclothymie de l’humoresque lunatique, qui tour à tour rit et pleure, à la désinvolture du cappricio, les Variations sérieuses apportent leur style soutenu.
Ce n’est pas la première fois que Mendelssohn utilise l’adjectif sérieux. Dans les Sept Pièces caractéristiques opus 7 écrites en 1828, le mot apparaît en allemand, ernst, dans la cinquième pièce, une noble et vaste double fugue. L’aspect sérieux d’une œuvre dans l’esprit de Mendelssohn serait-il associé à une écriture contrapuntique, à des procédés de compositions anciens ?
Ce cycle par ailleurs est, avant les Préludes et Fugues opus 35, la véritable première manifestation chez Mendelssohn de renouer avec une esthétique musicale baroque allemande. Brigitte François-Sappey dans son ouvrage l’Allemagne Romantique le souligne : « C’est un panaché de l’ancienne suite à la Bach et Haendel, revue par un esprit romantique. » (p. 133)
Pour clore ce sous-chapitre, notons que Mendelssohn, dans son enthousiasme pour la forme thème et variations, composa deux autres cycles de variations pour piano quasiment simultanément avec les Sérieuses : les Variations en mi bémol majeur opus 82 terminées le 25 juin 1841 et les Variations en si bémol majeur opus 83, en juillet de la même année.
Moins développées que l’opus 54, moins réussies certainement, l’auteur ne jugea pas les deux cahiers dignes d’être publiés et donna sa préférence aux Sérieuses. Mais l’inspiration mélodique et l’écriture pianistique restent de qualité et, comme nous allons le voir, comportent diverses similitudes probablement du fait de la rédaction concomitante ou presque des trois cycles.

2.3 La tonalité de l’œuvre
La gravité des Variations sérieuses est renforcée par l’emploi de la tonalité de ré mineur. Toutefois la relation entre tonalité et caractère musical d’une œuvre est loin d’être systématique.
Le ton de mineur est pourtant, dès l’époque baroque, porteur d’une forte symbolique (« Grave et dévot » selon M.-A. Charpentier (1636-1704), Règles de composition, Paris, 1690). Par la suite, il est particulièrement associé à la mort et au chagrin avec les œuvres de Mozart telles que Don Giovanni ou le Concerto pour piano n° 20 K. 466. Les compositions de Mendelssohn en ré mineur sont, quant à elles, marquées par des caractères variés et contrastés. Cependant, il est notable que cette tonalité est fréquemment en lien avec une certaine gravité. Christa Jost (1992) le souligne en relevant plusieurs exemples :
 L’ouverture de l’Oratorio Elijah (chœur n° 1) traite de la vulnérabilité de la vie. Dans la musique de scène, Oedipus à Colone, d’après la tragédie de Sophocle, la mort apparaît en toile de fond. Le second numéro (« Grausam ist es, O Freund »), en ré mineur, révèle l’inquiétant destin qui attend le héros. Ou encore, l’Allegro con fuoco, de la Symphonie « Réformation » opus 107 où le compositeur intègre des éléments de musique liturgique protestante.
Dans sa musique instrumentale, signalons la Sonate pour orgue opus 65 n° 6, avec un thème, variations et fugue sur le choral « Vater unser im Himmelreich ».
Dans les œuvres de petite envergure, la tonalité de ré mineur est plus rare (totalement absente des Romances sans paroles [Lieder ohne Worte] par exemple).
La signification de ré mineur pour Mendelssohn va toutefois au-delà du simple caractère de lamento et de gravité. Le compositeur l’utilisa dans des œuvres moins « sérieuses », moins empreintes de religiosité, comme dans son fougueux Concerto n° 2 pour piano opus 40 qui est le parfait contre-exemple de ceux donnés ci-dessus. En tout état de cause, à la lumière de ces remarques, il semble bien que la « psyché » de ré mineur n’est pas obligatoirement associée aux larmes et à la mort chez le compositeur.

3. Analyse formelle : une conception classique
3.1 Introduction
Les Variations sérieuses sont dans leur construction générale plutôt d’une conception classique et baroque. Si elles sont « sérieuses » c’est, au-delà du caractère, par leur rigueur formelle et la forte unité thématique.
 Plusieurs procédés propres à la forme thème et variations relèvent d’un esprit classique, qu’ils soient inspirés de Beethoven, Mozart ou encore Haendel :

- le plan tonal

- des variations regroupées par paires

- l’idée d’un thème générateur et d’une évolution mélodique et harmonique

- la structuration par les tempi, l’idée de progression rythmique

- le procédé de variation amplificatrice
La relation avec les Variations en ut mineur WoO 80 de Beethoven a été révélée en 1978 par Charles Rosen dans son ouvrage Le style classique (p. 506) :
De toutes les variations de Beethoven, ce sont les seules à retourner à la forme baroque. Il s’agit aussi, stylistiquement, d’une œuvre étrangement prémonitoire, qui annonce sans ambiguïté la renaissance du rythme et de l’harmonie baroques à l’époque romantique. Aussi est-ce une des sources des Variations sérieuses de Mendelssohn.
L’œuvre de Beethoven recourt effectivement à la forme baroque du thème et variations, en suivant de près la forme passacaille comme le pratiquait Haendel. Les deux œuvres entretiennent aussi une parenté esthétique. Mais c’est plus par les procédés contrapuntiques éloignés du style courant à leur époque que les deux œuvres se rapprochent. Les deux cycles ont ainsi une variation en écriture fuguée (variation 14 chez Mendelssohn, fughetta à la variation 17 chez Beethoven) ou une écriture de choral (variations 28 et 30 chez Beethoven, le thème original ou la variation 14 chez Mendelssohn). Nous verrons aussi dans le chapitre suivant que plusieurs variations de Beethoven ont une écriture pianistique proche de celles des Variations sérieuses. Nous savons que Mendelssohn connaissait cette œuvre de Beethoven. Comme nous l’apprend Christa Jost (1992), le 21 Janvier 1841, lors du premier Concert Historique dédié à Bach et Haendel, il interpréta le Thème et variations en mi majeur de ce dernier (extrait de Leçons pour le clavecin, publié pour la première fois en 1720), le 27 novembre de la même année que ces Variations sérieuses composées peu avant, et enfin, le 12 février 1846, les Variations en ut mineur de Beethoven (p. 44).

3.2 Le plan tonal
L’omniprésence de la tonalité de ré mineur crée l’unité de l’œuvre. Sur le modèle des compositeurs classiques tels que Haydn et Mozart, toutes les variations emploient le mode mineur, le ton du thème, sauf la quatorzième, unique Adagio dans l’œuvre, qui est écrite dans le ton homonyme majeur. Beethoven déjà prend davantage de libertés sur ce plan. Les Six variations en fa majeur opus 34, avec de perpétuels changements de tonalité en sont le meilleur exemple.

3.3 Variations écrites par paires
La plupart des variations s’enchaînent, avec certains regroupements évidents par paires. Les variations 8 et 9, par exemple, fonctionnent par paires, par une amplification du matériau utilisé. Ce procédé d’écriture propre à la forme thème et variations est révélateur de la conception traditionnelle du compositeur.
On le retrouve chez Beethoven, dans les 32 Variations en ut mineur WoO 80 où l’écriture des doubles croches à la main gauche de la variation 7 va se prolonger et apparaître aussi à la main droite dans la variation suivante. Le principe est le même chez Mendelssohn dans les variations 8 et 9 avec des triolets de doubles croches.
Les variations 16 et 17 forment aussi une paire. Le procédé est cette fois légèrement différent mais tout aussi ancien. La variation 17 conservera la même écriture que la précédente, à la différence que les rôles entre les mains seront inversés. L’inversion du matériau est assez courante dans la forme variation classique comme par exemple dans les 32 Variations en ut mineur de Beethoven « à l’image de la variation XIoù la main droite reprend les triples croches de la main gauche de la variation X, et où la seconde main procède symétriquement avec un élément descendant » (Claude Abromont3). Mais il existe déjà chez des compositeurs baroques comme Rameau (5e et 6e doubles de la Gavotte extraite des Nouvelles Suites de pièces de clavecin, où des doubles croches véloces d’octaves brisées - représentant une nouveauté technique pour l’époque - sont exposées successivement à la main droite puis à la main gauche).

3.4 L’idée d’un thème générateur et d’une évolution mélodique et harmonique
Dans l’ensemble, les variations restent fidèles au thème dont elles conservent division métrique et harmonie. Tandis que l’écriture pianistique et le rythme harmonique du thème sont souvent variés, la carrure régulière de ses phrases et son chromatisme mélodique demeurent relativement constants tout au long des dix-sept variations, à l’exception notable de quelques points culminants, de « débordements » lyriques ou d’amplifications virtuoses, en particulier à la fin de l’œuvre.
La cellule initiale la-sol#-ré-do#, deux demi-tons descendants espacés d’un triton, est la caractéristique mélodique principale du thème. Elle sera omniprésente dans l’œuvre. Qu’elle soit intégrée dans une écriture canonique, dissolue dans des formules de virtuosité ou variée mélodiquement, elle ne perd jamais son identité, son « ADN ». Même dans des passages tels que l’ébouriffant Presto final, à l’allure brillante et improvisée, la musique conserve sa rigueur formelle.
Il en résulte ainsi un fort sentiment d’unité malgré les changements de tempi, de rythme harmonique et d’écriture pianistique.
Mendelssohn prend garde à ne pas abattre toute ses cartes trop rapidement. Les deux premières variations restent dans une expression contenue, un climat relativement calme, dans le registre médian du clavier, et surtout dans un cadre formel strict. La première variation conserve à l’identique le thème, sa structure et son harmonisation. La seconde reste aussi très proche du thème avec toutefois quelques légères modifications mélodiques (mesure 34 ou la syncope mesure 39) et harmoniques (nouvelle harmonisation mesure 45). Mendelssohn va tout au long de l’œuvre progressivement s’éloigner du canevas harmonique et mélodique du thème.
À partir de la variation 3, le thème est moins aisément identifiable, comme resserré rythmiquement par les doubles croches et modifié dans ses intervalles. Toutefois, Mendelssohn conserve la carrure et la structure du thème (deux phrases brèves suivies d’une phrase longue), sa courbe mélodique générale ainsi que, comme toujours, le squelette harmonique.
La variation 5 offre davantage de liberté sur le plan harmonique. Construite cette fois sur une pédale de tonique, la première partie de la variation se termine sur une demi-cadence en sol mineur au lieu de la cadence parfaite en fa majeur du thème initial. On ne retrouve pas ensuite d’emprunt en sib, mais une rapide incursion en fa majeur qui bascule très vite dans la sombre tonalité de ré mineur.
L’éloignement thématique se poursuit dans la variation 6 en raison de l’écriture instrumentale, tout en conservant toujours la cellule initiale du thème et son parcours harmonique.
 La variation 7 va dans sa dernière partie apporter un élément mélodique nouveau (mais toujours chromatique comme le thème, ici fa-mi-mib-ré-réb-do) que l’on retrouvera dans la variation suivante ainsi que les variations 12, 13, 16 et 17.
Le parcours harmonique de la variation 8 est toujours similaire au thème, mais l’utilisation de valeurs rapides permet de l’entendre de manière plus étalée. Ainsi, le premier accord se prolonge sur quatre mesures. Mendelssohn joue sur le rythme harmonique, en le dilatant ou le resserrant jusqu’à la durée d’une seule croche. L’intervalle de demi-ton omniprésent dans le thème prend ici toute son importance.
Si la variation 10 conserve le squelette harmonique du thème, c’est par le procédé de composition que celui-ci va être transformé (un fugato, la cellule de demi-ton néanmoins toujours conservée). Mais même dans des variations relativement éloignées harmoniquement du thème ainsi que c’est le cas de la variation 11, Mendelssohn garde les cadences principales (demi-cadence en mineur, cadence parfaite en fa majeur et cadence parfaite en mineur), la marche harmonique ascendante de sa seconde partie et toujours le retour au ton principal pour finir.
Les variations 12 et 13 nous font réentendre fidèlement le thème. Ce sera la dernière fois, à la variation 13, que nous entendrons le thème dans sa forme originelle.
Celui-ci sera transformé de nouveau dans la variation 14 (caché dans une voix médiane et en mode majeur). Enfin, c’est à partir de cette variation que la liberté thématique va s’accroitre allant de pair avec une inéluctable progression sur le plan du rythme, des dynamiques et de la virtuosité. Toutefois, Mendelssohn jusqu’au bout conservera la cellule thématique la-sol #-ré-do#.
Finalement, des grands cycles de variations antérieurs à l’opus 54 de Mendelssohn, telles que les Variations Diabelli opus 120 de Beethoven, vont beaucoup plus loin dans l’explosion du cadre initial donné par le thème.

3.5 Structuration par les tempi-progression rythmique
Le tempo change périodiquement et il découpe ainsi l’œuvre en grandes parties. Ces ruptures sont des marqueurs formels, des pauses dans la progression du cycle qui peut être perçu comme une inéluctable ascension vers la virtuosité et la puissance jusqu’à la fin en apothéose.
 Quand il n’y a pas de tempo indiqué, l’interprète devra être vigilant à conserver le tempo de la variation précédente.
Mendelssohn entame un processus de composition, courant dans la variation classique, de diminution rythmique, faisant entendre des valeurs de plus en plus courtes ainsi qu’une progression métronomique. Ce processus ira jusqu’à la variation 9, qui termine une première section du cycle. Claude Abromont souligne cette manière d’établir un plan à grande échelle dans un thème et variations :
     Dans ses Variations sérieuses, Mendelssohn planifie ainsi une évolution qui mène du thème jusqu’à la 9e variation, au sein d’un mouvement en deux phases qui conduit progressivement vers la virtuosité ; la diminution des valeurs se double de plus d’une accélération progressive des tempi. (op. cit., p. 216)
La première variation apporte un accompagnement en doubles croches à la partie médiane, la seconde des sextolets de doubles avec l’indication un poco più animato (le terme un poco a selon moi son importance, la progression rythmique de doubles croches à sextolets étant déjà efficace). La vitesse s’accroît encore à la variation 3 par des doubles croches continues dans un tempo più animato. La variation 4 maintient le tempo de la 3. Enfin, la variation 5 apporte un premier aboutissement par des doubles croches en accords alternés aux deux mains dans un caractère indiqué agitato par le compositeur.
La variation 6, dont l’indication a tempo sous-entend par le retour au tempo primo un caractère moins agité, sera le début d’une nouvelle progression rythmique et virtuose jusqu’à la variation 10, à l’écriture fuguée et au tempo moderato.
Le caractère méditatif de la variation 10 contraste avec les variations précédentes. La nervosité et le drame de l’œuvre s’interrompt le temps des variations 10 et 11. Cette rupture dans le discours, située approximativement au milieu de l’œuvre, est un marqueur formel important. Elle offre un moment de répit nécessaire pour l’auditeur comme pour le pianiste. Le tempo croissant de la 1e partie se conclut avec le retour du tempo del tema dans les variations 12 et 13. Ce retour est toutefois présenté dans une tout autre écriture instrumentale (voir chapitre suivant).
Mendelssohn construit ainsi une « arche » dans l’écriture pianistique, une évolution progressive qui s’étend de l’écriture à 4 voix du thème, de type choral, à une écriture travaillée et romantique digne des meilleures Romances sans paroles dans la variation 13. Ferdinand Hiller4 décrit une des improvisations de Mendelssohn : « Il était retourné au piano et improvisa sur un motif de Bach dans la plus ingénieuse manière de ses célèbres Romances sans paroles, réunissant le passé et le présent [Sonst und jetszt] en quelque chose de nouveau et indéfinissable. » Si les premières variations sont imprégnées d’une esthétique bachienne, on s’en éloignera rapidement pour se diriger de plus en plus vers le romantisme. L’évolution du discours musical qui de toute évidence tend vers une virtuosité croissante est aussi une mutation vers un langage plus moderne.
Ainsi, Mendelssohn a la capacité de tirer parti de sa connaissance de l’écriture du Cantor pour se construire un langage personnel et novateur. Les deux manières se chevauchent et se nourrissent l’une de l’autre en un même discours. En improvisant, comme dans ses œuvres écrites, le compositeur conçoit le passé comme une condition du futur dans le but de développer quelque chose d’artistiquement entièrement nouveau.
Le silence conclusif de la variation 13 est un indice supplémentaire pour nous faire comprendre que l’on est parvenu à la fin d’une grande section. La variation en majeur (n° 14), avec l’indication de tempo Adagio (que l’on rencontre rarement dans la musique de Mendelssohn), marque le début d’une dernière grande partie qui se terminera avec le climax final. Chacune des trois dernières variations amène la suivante, par une progression des tempi. C’est à partir de la variation 17 que le processus d’amplification va débuter.

3.6 Le procédé de variation amplificatrice.
L’amplification des dernières variations est un procédé compositionnel présent chez les compositeurs antérieurs comme Mozart et Beethoven.
 Dans ses 32 Variations en ut mineur notamment, chacune d’elles comporte le même nombre de mesures que le thème (8 mesures), la variation finale en comporte 50. Chez Mendelssohn, les 16 mesures du thème sont conservées pour chaque variation (à l’exception des variations 9 et 13 qui ont une courte extension de 4 mesures) jusqu’à la variation 17 (extension de 38 mesures) et le presto final. Cette amplification est l’occasion de sortir du cadre strict de la forme et du respect du thème. Une certaine liberté thématique voit le jour, qui est l’occasion, chez l’un comme l’autre, de déployer une virtuosité qui contribuera au sentiment d’apothéose finale. En ce sens Mendelssohn se situe dans un esprit classique. Cette manière de « déborder » du cadre établi est paradoxalement aussi très romantique : l’expression contenue des premières variations va progressivement s’amplifier pour atteindre un aspect totalement débridé et extérieur à la fin de l’œuvre. Les Variations sérieuses peuvent au fond se concevoir pour l’interprète comme un gigantesque crescendo, avec des retours en arrière pour toujours sembler aller plus loin encore dans la virtuosité.

1 (1992). Christa Jost, « In mutual reflection : historical, biographical, and structural aspects of Mendelssohn’s Variations sérieuses. In L.Todd (Ed.), Mendelssohn Studies ». Cambridge : Cambridge University press, p. 39.
2 Bastianelli, J. (2008). Félix Mendelssohn, Arles : Actes Sud, p. 88.
3 Guide des formes de la musique occidentale, pp. 196-218, Paris, Fayard.
4 Felix Mendelssohn Bartholdy : Briefe und Erinnerungen, 1874, p. 144, cité par Christa Jost, 1992, p. 57

Antoine BIENENFELD

© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021

Le nouveau et l’ancien comme catégories de l'histoire de la musique
Quelques implications pédagogiques1
par Gerhard Lock
Traduit de l’anglais par Charles de Paiva Santana
Illustrations par Raphael Egel



« La popularité acquise par ce slogan, ‹ Musique nouvelle ›, suscite immédiatement la suspicion et oblige à s'interroger sur sa signification » dirait Arnold Schoenberg (1874-1951). Illustration : Raphael Egel pour L’Éducation Musicale.

Gerhard Lock, né en Allemagne, est un musicologue, compositeur, éducateur et rédacteur en chef de la revue The Changing Face of Music and Art Education. Il enseigne actuellement la musicologie et le multimédia à l'université de Tallinn (BFM) et termine son doctorat en musicologie à l'Académie estonienne de musique et de théâtre (EAMT).

Introduction
Afin de comprendre la musique, ses phénomènes, ses structures, les choix des compositeurs, les attentes des auditeurs et les idéologies au cours de l'histoire, les historiens utilisent, entre autres termes, la juxtaposition des catégories « nouveau » et « ancien » dans plusieurs langues, notamment les termes latins ars nova, ars antiqua et les termes italiens stile moderno ou seconda pratica contre stile antico ou prima pratica. Le terme « nouvelle » apparaît parfois dans le nom de groupes de compositeurs — on pourrait citer la Neudeutsche Schule (la nouvelle école allemande) du 19e siècle par exemple ; il fait souvent partie des noms de festivals ou d'ensembles de musique nouvelle aux 20e et 21e siècles.
La musique qui est désignée comme « nouvelle » est souvent comprise comme étant la musique contemporaine, moderne (mais aussi une musique qui nous revoie vers « l’avenir ») ; par ancienne, la compréhension implique des attributs tels que « traditionnelle », « établie », « régressive » (celle qui nous renvoie dans « le passé », compréhension fortement préconisée par Adorno, 1949). Souvent, les adjectifs « nouvelle » ou « ancienne » complètent d'autres termes, mais si l'on en vient à leur signification concrète, ils semblent plutôt dénués de sens : la signification se cache dans différentes interprétations ou idéologies ; elle définit des phénomènes, des structures, des attitudes et ainsi de suite.
Tout au long de l'histoire, de nombreux arguments ont été avancés pour établir laquelle de ces directions est la plus appropriée, la plus correcte, la plus appréciée ou la plus vitale. Le sens des termes « nouvelle » et « ancienne » émerge dans les interprétations et les attitudes (souvent idéologiques) envers la position des musiciens, compositeurs, critiques musicaux ou musicologues2. Leur utilisation comme catégories de l'histoire de la musique est complexe et dépend du contexte, des conceptions contemporaines et modernisées, des objectifs et de la manière d'interpréter les outils de création musicale3.
Un aspect pédagogique important est la façon dont les élèves abordent l'historiographie en utilisant les sources de la bibliothèque, car, comme l’explique le bibliothécaire Conor (2019) : « … l’historiographie est un point d'entrée logique dans la maîtrise de l'information critique pour l'histoire de la musique. Nos sources d'information sont une fenêtre sur notre enseignement. Elles révèlent comment nous avons défini l'histoire de la musique au fil du temps, ainsi que les débats et discussions en cours qui ont façonné nos définitions » (p. 34). Conor souligne qu'avec le développement d'une compréhension de l'historiographie, les étudiants voient « que l'information ne consiste pas en des ensembles de faits absolus ; elle se déplace constamment par rapport aux débats en cours » (idem).
Je suis entièrement d'accord avec Cochran (2019), professeur américain d'histoire de la musique qui enseigne à ses étudiants « à devenir des historiens non seulement par l'acquisition de connaissances spécifiques à la discipline, mais aussi par des actes d'interprétation historiographique et des habitudes d'esprit » (p. 67).
Je propose de réfléchir sur ces notions en tant que catégories d'une histoire de la musique basée sur les cadres théoriques du musicologue allemand Andreas Ballstaedt et du musicologue américain Richard Taruskin4. Le cadre théorique de Ballstaedt (2003) propose une étude de sens des termes par rapport à leur usage temporel, épochal et impératif tandis que le concept d'agens (agent, personne active), proposé par Taruskin (2009), se réfère à la force motrice que représente la manière dont, et par qui l'histoire de la musique s'est développée, a été reçue et interprétée à travers les temps.
Ce dernier concept révèle une question fondamentale des manuels scolaires d'histoire de la musique : afin de généraliser et de générer de brefs aperçus du développement de la musique, soit 1) l'agens a été retiré du récit (laissant l'impression que la musique se développe d'elle-même), soit 2) le récit évolue de manière simplifiée autour d'un agent unique, canonisé, laissant de côté les aspects environnants importants (y compris les autres agents) qui ont influencé et façonné ces agents. En effet, de tels agents, bien qu'ils puissent être exceptionnels, ne peuvent être compris en dehors de leur contexte respectif. Ainsi, ce texte vise à illustrer et élargir le cadre de Ballstaedt vers un modèle plus concret incluant également le principe « agens » (agent) de Taruskin (2009). L'objectif est de mieux comprendre pourquoi et par qui des adjectifs comme « nouvelle » et « ancienne » sont utilisés pour désigner les phénomènes de la musique — à travers l'histoire et de nos jours. Le présent texte a donc pour ambition d'aider les professeurs de musique à sensibiliser leurs élèves à ce sujet5. Les réflexions présentées ici ont été développées pendant une dizaine d'années dans le cadre des cours d'histoire de la musique que j'ai dispensés à l'université de Tallinn. Je les ai appliquées à l'Institut des Technologies Numériques de l'Université de Tallinn, dirigé par l'État estonien (financé par l'UE) dans le cadre du projet Digital Learning Resources for High Schools (DÕV, 2017-2018) (Vihterpal, Lock, Kallastu, Getman, Selke, Konsap, Ulvik, Mihkelson & Palu, 2018).

La critique de Schoenberg contre les « pseudo-historiens »
Le compositeur et théoricien autrichien Arnold Schoenberg (1874-1951) représente à la fois la tradition de la composition basée sur la note et le lien avec les développements futurs de la musique6. En tant que compositeur et professeur, il a exercé une influence considérable sur le monde de la musique jusqu'à nos jours : il a été la figure de proue de la Seconde École de Vienne et l'auteur de manuels de composition et d'harmonie classiques. Sa musique est à la fois souvent incomprise et qualifiée plus tard, contre son gré, d’atonale —, mais également par le principe de composition dodécaphonique. Cette section présente quelques-unes des réflexions pédagogiques de Schoenberg (à mon avis toujours pertinentes aujourd'hui). J'aimerais commencer par des citations qui illustrent la dimension historique de l'attitude de Schoenberg à l'égard de l'expression omniprésente « musique nouvelle ».


Th. Adorno juxtaposait « Schoenberg, le progressiste » contre « Stravinski, le régressif ». Illustration : Raphael Egel pour L’Éducation Musicale.

Schoenberg est lui-même devenu un sujet historique : Jean Cocteau (1921, 4) le voyait comme un maître à qui tous ses contemporains, y compris Stravinski, devrait quelque chose (en dépit du fait que Schoenberg resterait un « musicien du tableau noir ») ; Theodor Adorno, à son tour, juxtaposait (de manière historiquement controversée) « Schoenberg, le progressiste » contre « Stravinski, le régressif » dans Philosophie der neuen Musik (Adorno, 1949).
Dans l'essai New and Outmoded Music (1950), Schoenberg regrette que « malheureusement, les méthodes d'enseignement de la musique, au lieu de familiariser les élèves avec la musique elle-même, fournissent un conglomérat de faits historiques plus ou moins vrais, enrobés d'un grand nombre d'anecdotes plus ou moins fausses sur le compositeur, ses interprètes, son public et ses critiques, plus une forte dose d'esthétique vulgarisée » (p. 37).
La critique de Schoenberg (1950) va à l'encontre du slogan « Nouvelle musique » propagé par les « pseudo-historiens » après la Première Guerre mondiale : « La popularité acquise par ce slogan, ‹ Musique nouvelle ›, suscite immédiatement la suspicion et oblige à s'interroger sur sa signification » (p. 38-39).
Le compositeur autrichien définit une musique nouvelle comme suit : 1) doit différer en tous points de la musique précédente ; 2) doit exprimer quelque chose « qui n'a pas encore été exprimé en musique » :
« Dans l'art supérieur, seul mérite d'être présenté ce qui n'a jamais été présenté auparavant » (p. 39) ;
« Il n'y a pas de grande œuvre d'art qui ne transmette un nouveau message à l'humanité ; il n'y a pas de grand artiste qui échoue à cet égard » (p. 39) ;
« C'est là le code d'honneur de tous les grands de l’art et, par conséquent, dans toutes les grandes œuvres des grands nous trouverons cette nouveauté qui ne périt jamais, qu'il s'agisse de Josquin des Prés, de Bach ou de Haydn, ou de tout autre grand maître. Puisque l’Art signifie l’Art Nouveau » (p. 39).
Selon le compositeur du Pierrot lunaire, « l’idée que ce slogan ‹ New Music › puisse changer le cours de la production musicale était probablement basée sur la croyance que l'histoire se répète. […] Si l'histoire se répétait vraiment, l’hypothèse, selon laquelle il suffit d'exiger la création d'une musique nouvelle, suffirait également à notre époque et le produit tout prêt serait immédiatement servi » (p. 39). D’après lui, il s'agit là de confondre les symptômes et les causes. Les véritables causes des changements dans le style de composition musicale sont autres. Pour Schoenberg, ces autres causes sont liées à des aspects structurels de la musique, par exemple le développement et la conquête progressive de l'espace musical vertical (accords, harmonie) et horizontal (mélodie) (voir aussi les conférences de Webern de 1932-33, publiées dans Webern, 1960).
Schoenberg décrit le rôle de ce qu'il appelle les pseudo-historiens comme inutile pour comprendre le changement de direction des styles musicaux (comparer avec l'utilisation impérative de l'adjectif « nouveau », comme entendu par Ballstaedt, et du terme agens dans la terminologie de Taruskin) :
« Si la musique a abandonné son ancienne direction et s'est ainsi tournée vers de nouveaux objectifs, je doute que les hommes qui ont produit ce changement aient eu besoin de l'exhortation des pseudo-historiens. Nous savons qu'ils — les Telemanns, les Couperins, les Rameaus, les Keysers, les Ph. E. Bachs et d'autres — ont créé quelque chose de nouveau qui n'a mené que plus tard à la période des classiques viennois. Oui, un nouveau style de musique a été créé, mais cela a-t-il eu pour conséquence de rendre la musique de la période précédente démodée ? » (Schoenberg, 1950, 41).
Il introduit le terme péjoratif « démodée » au lieu du terme plus neutre « ancienne » pour désigner la musique non moderne. Si cette façon de penser a été en vigueur tout au long du XXe siècle dans le domaine de la (nouvelle) musique contemporaine académique, elle a fait place à une compréhension multilatérale et plus ouverte aujourd'hui. Dans le domaine de la musique populaire, on pourrait toutefois affirmer que cet antagonisme entre « moderne » et « démodé » est encore observable.
Par conséquent, la critique formulée par Schoenberg soulève — pour le lecteur d’aujourd'hui — la question de savoir si cela est encore d'actualité à notre époque : les enseignants ont intérêt réfléchir à la manière dont ils ont appris, compris et appliqué l'enseignement de l'histoire de la musique. Cela pourrait faire l'objet d'une étude empirique ultérieure menée par les professeurs de musique.

Le point de vue de Ballstaedt
L'histoire de la « nouvelle musique » (Neue Musik) a été étudiée par Andreas Ballstaedt dans Wege zur Neuen Musik. Über einige Grundlagen der Musikgeschichtsschreibung des 20. Jahrhunderts7. Ballstaedt propose que le « nouveau » en tant que catégorie du xxe siècle apparaisse à plusieurs niveaux simultanément. Ballstaedt aborde le terme « nouveau » en le définissant d’abord et, ensuite, en détectant plus précisément le contenu musical et les couches de signification. Il tire le sens « nouveau » de deux racines de la langue grecque : l'aspect temporel et authentique ainsi que des significations particulières. Puis, Il l’utilise aux deux niveaux de compréhension et considère comme synonymes les termes « moderne », « avant-gardiste », « contemporain ».
Dans les dictionnaires Oxford, l'adjectif « new » (New OD, 2020) a les significations suivantes (1) Produit, introduit ou découvert récemment ou maintenant pour la première fois ; n'existant pas auparavant ; (2) Déjà existant, mais vu, expérimenté ou acquis récemment ou maintenant pour la première fois ; (3) Commencer à nouveau et d'une manière transformée.
En tant que terme parallèle du latin nova (nouveau), Ballstaedt (2003, 17-18) révèle le terme modernus (latin modo signifie maintenant, juste) du ve siècle. Anna Zayaruznaya (2020) explique que « dans la langue courante, mais pas de façon inexacte, on pourrait traduire moderni par ‹ les gens d’aujourd'hui ›. » (p. 96).
Elle se réfère à Dorit Tanay (1999) qui souligne « les moderni ne doivent pas nécessairement être des praticiens d'une doctrine explicitement novatrice en disant qu'à l'époque médiévale, le terme modernus n'exprimait qu'un ‹ mode de pensée contemporain, plutôt qu'un mode de pensée nécessairement radical ou novateur › » (p. 148). Selon Ballstaedt (2003, 17-18), on a fini par faire la distinction entre quelque chose qui existait à l'époque actuelle et quelque chose en vogue. Tout ce qui n'était pas nouveau dans le sens de modernus était appelé en latin antiquus (ancien) ou vetus (vieux). Lorsque, à l'époque de la renaissance, le « Nouveau » est devenu un thème particulier, une compréhension cyclique de l'histoire a également été rétablie. Dans la philosophie humaniste, l'idée de progrès permet deux aspects différents : le latin imitatio (imitation) et aemulatio (émulation) dans le sens d'imiter et de dépasser l'exemple « antique ».
La comparaison avec les références « antiques » est développée dans le discours sur la musique classiciste lorsque le biographe de W. A. Mozart, Franz Xaver Niemetschek, a attribué à sa musique une « valeur classique » (1797, 1808) qui serait basée sur une écoute répétée et développant le goût — comme c'était la pratique avec la littérature classique grecque. De plus, Constanze Mozart a qualifié les compositions de son époux comme comparables aux fragments d'auteurs classiques (1800) (Heartz & Brown, 2001). En revanche, le poète et compositeur allemand Hoffmann (1776-1822) a écrit en 1814 que Haydn, Mozart et Beethoven ont développé un nouvel art, dont les germes se trouvent au milieu du xviiie siècle (voir Rosen, 1997). La vision liée à l’« antique » préfère une compréhension plutôt universelle, en quelque sorte dans le sens de l'imitatio ; celle liée au xviiie siècle préfère une compréhension plutôt développementale, en quelque sorte dans le sens de l'aemulatio, avec la prétention de développer un « nouvel art ».
En concevant la musique comme un art (d'après la signification ancienne du latin « ars », artisanat), Zayaruznaya (2020) associe pratique et théorie musicale aux notions d’« ancien » et « nouveau » : « Ars, c'est faire quelque chose et ensuite théoriser le faire. Ars, c'est l'activité. Des activités anciennes et nouvelles coexistent bel et bien, en partie parce que des personnes de générations différentes coexistent, en faisant les activités et en les théorisant au fur et à mesure. » (p. 138).

Différentes significations et utilisations du terme « nouveau » ; le concept d'Agens
Le sens et l'usage temporels du terme « nouveau » décrits par Ballstaedt (2003, 25) prennent en compte les aspects contemporains ou de proximité immédiate des événements. Le sens et l'usage impératif, à son tour, se réfèrent au caractère substantiel de ce qui est désigné, dans la mesure où il doit être en accord avec les normes d'un style, d'une esthétique, d'une poétique ou d'une vision du monde particulière. Ballstaedt ajoute que même si ces normes peuvent être tacites, elles peuvent toujours être dérivées du type de description ou récit. Le sens et l'usage épochale concernent des aspects relatifs à des périodes plus longues (prenant en compte des aspects supposés faire partie d'un style ou généralisés comme stables). Dans cet article, le tableau général englobe les idées suivantes (voir figure 1) : la signification temporelle s’applique au niveau local ou micro temporel (racontée souvent par des événements synchroniques, dans une proximité locale ou temporelle immédiate), le sens épochal intervient au niveau global ou macro temporel (racontée souvent de manière diachronique au cours des décennies ou des siècles et en utilisant une sorte de logique déductive). Le sens impératif confère aux phénomènes observés certaines caractéristiques majeures tant au niveau temporel local que global, posant des normes de contenu plus ou moins contraignantes. C'est à partir de là que se forme la juxtaposition des catégories désignées par les termes « nouveau » et « ancien ».
Selon Taruskin (2009), l'agens (agent) (p.4) est une personne (compositeur, musicien, auditeur, critique, musicologue) qui a suscité un phénomène au moment où il apparaît au niveau local-temporel (la signification temporelle de Ballstaedt), en étant conscient ou non de ses attitudes ;
est le destinataire contemporain et produit dans ce moment contemporain le premier récit (sens temporel), en étant conscient ou non de ses attitudes, en agissant en fonction des croyances populaires (principes ou idées) de son époque ;
est un destinataire ultérieur et façonne le récit de réception de la musique dans une période temporelle plus longue au niveau global ou macro temporel (signification épochale de Ballstaedt), en étant conscient des croyances populaires (principes ou idées) à travers l'histoire de la musique, c-à-d le croyances de son époque ou d'époques antérieures.
Un agent scientifique (un musicologue notamment) détermine consciemment l'usage impératif des termes et des concepts ; un critique musical, des compositeurs et des musiciens les utilisent soit consciemment, soit en fonction de leur vision idéologique du monde. Tous les auteurs sont plus ou moins des agents (cela s’appliquant à moi en tant qu’auteur, mais également à tous les auteurs cités dans cet article)8.
Le public est souvent influencé par les visions du monde et les croyances populaires sans nécessairement en être conscient. Cependant, ses membres contribuent toujours à façonner l'histoire de la musique en tant qu'agents, par exemple en soutenant la visibilité ou la reconnaissance d'un compositeur ou d'un musicien.
Aujourd'hui, le soutien d’un amateur de musique se manifeste lorsqu'il paie pour un concert ou un enregistrement sur disque, ou en tant qu'utilisateur de portails de streaming : il fait partie des statistiques importantes qui rendent possible les prix, la célébrité et l’argent.


Figure 1 Le sens temporel, épochal et impératif du terme « nouveau » et leur usage d'après Ballstaedt (2003) élargie par le concept « d’agens » de Taruskin (2009).

Dans la figure 1, on trouve visualisé les différentes couches de signification du terme « new », comme cité plus haut, dans les Dictionnaires Oxford (New OD, 2020) : (1) phénomènes/musique produits, introduits ou découverts récemment ou maintenant pour la première fois ; n'existant pas avant - vision idéaliste, car elle dépend de ce que l'on sait réellement du passé ; (2) phénomènes/musique déjà existants (par exemple ceux du point 1), mais écoutée, expérimentée ou acquise récemment ou maintenant pour la première fois (renaissance redécouverte) ; (3) peut également s'appliquer au point 2 en tant que musique au sens de renaissance - commencer une nouvelle et d'une manière transformée, « l’aemulatio » comme le dépassement de l'antique, ou le développement classiciste des principes classiques basés sur l'antiquité.
En résumé, ces couches de signification dépendent de la position chronologique des agens en tant que créateur, premier narrateur, destinataire contemporain ; ou plutôt destinataire ultérieur ou musicien qui façonne la réception d'un récit à travers une période temporelle plus longue — le récit favorisant soit une redécouverte, comme dans une sorte de renaissance ou de classicisme, soit un redémarrage stylistique comme cela s'est produit avec certains courants au xxe siècle. La pensée postmoderne des années 1970 a fait renaître le principe de l'imitatio. Les approches synthétisantes du xxie siècle utilisent une façon transformatrice de comprendre ce qu'est la nouvelle musique qui est plus en accord avec un mode de pensée moderne et avant-gardiste. On pourrait penser que quelque chose de réellement nouveau dans le sens de « n’existant pas auparavant » comme l'a mis en avant Schoenberg, serait irréalisable, car au xxe siècle, presque toutes les possibilités dans l'espace de la gamme tempérée (du point de vue sériel) ont en quelque sorte déjà été explorées - de la note au champ sonore et à la musique générée par ordinateur.
A mon avis, seule la pratique récente et systématique de la composition microtonale et son expérience d'écoute - des systèmes musicaux basés sur des intervalles inférieurs à un demi-ton - offrent quelque chose qui pourrait correspondre aux définitions mentionnées ci-dessus : 1) n'existant pas auparavant ; et 2) expérimentés, ou acquis récemment ou maintenant pour la première fois. En outre, même si les développeurs d'intelligence artificielle (systèmes comme AIVA - Artificial Intelligence Virtual Artist, et autres) prétendent créer quelque chose de nouveau, cela ne correspond toujours pas au premier sens du mot nouveau (découvrir ce qui était « auparavant inexistant »), car ils utilisent toujours des fragments et des règles de composition de musiques antérieures, en les recombinant soit dans la perspective de l'imitatio, soit en les recréant (c'est-à-dire en les redécouvrant) dans la perspective de l'aemulatio.
La troisième définition du terme « nouveau » (correspondant à recommencer quelque chose de façon transformée) peut être identifiée sous des aspects assez spécifiques, par exemple quand l'on adapte en musique des analogies interdomaines provenant d'autres arts, des mathématiques, de la biologie, de la technologie, etc. De telles pratiques interdisciplinaires sont courantes depuis le xxe siècle.
La transmission des notions désignées par les termes « nouveau » et « ancien » dans la pédagogie musicale peut ainsi être influencée par « des perspectives dominantes, hégémoniques et dominantes - des vues qui ‹ cachent › leur existence ontologique comme une perspective parmi d'autres et, basées sur la rhétorique de la vérité, de l'objectivité ou de la sainteté, s'imposent comme singulières et légitimes » (Glaveanu, 2018, p. 527).
Ainsi, les professeurs de musique doivent sensibiliser leurs élèves à ces trois couches de signification du terme « nouveau ». Prenons par exemple le domaine de la musique populaire, où une grande partie de l'activité des jeunes compositeurs de Electronic Dance Music (EDM), qui préfèrent s'appeler producteurs de musique, se situe dans la perspective de la musique comme ars, comme artisanat, dans le but de profiter de ce qu'ils aiment, de collaborer avec leurs amis ou de gagner de l'argent. Ils recombinent les mêmes éléments musicaux que ceux utilisés par leurs héros populaires, en traitant ces éléments comme des normes, en utilisant des préréglages de logiciels, l'imitatio. Ou bien ils redécouvrent ces éléments en utilisant la même forme, les mêmes principes mélodiques et rythmiques, en cherchant à dépasser leurs modèles, l'aemulatio, grâce au développement de leurs propres caractéristiques et en utilisant des outils informatiques de manière créative. Mais ces compositeurs sont pour la plupart inconscients des traditions musicales classiques et d'avant-garde (le sens artistique de la forme et de la structure, le travail motivique, l'harmonie, les algorithmes, etc.) ; ils émulent les références existantes et se revendiquent de la nouveauté - ce qui se traduit souvent par une attitude strictement conservatrice, moins créative, à l'égard de la composition musicale (Tikerpuu, 2019). Ils travaillent principalement au niveau local ou micro temporel, parfois dans une perspective temporelle un peu plus longue (un niveau quasi global ou macro temporel), car la « musique pop » des médias de masse a été en évolution depuis les années 1950, au cours des dernières décennies, pas encore depuis plusieurs siècles. Leur recours impératif à la nouveauté est basé sur les aspects à court terme qui peuvent introduire quelque chose de nouveau sur le plan technologique (par exemple le synthétiseur, le vocodeur), mais la structure musicale reste plutôt conservatrice, étant basée sur des matériaux comme les gammes pentatoniques, les modes diatoniques, etc. Les principes novateurs comme les expériences rythmiques et harmoniques des Beatles, le rock progressif, le bebop, les approches expérimentales et le free jazz ont moins d'influence, étant plutôt reconnus par les spécialistes et n'étant pas principalement reconnus comme des commodités culturelles (comme l'est généralement la musique pop). De plus, les genres radicaux d'improvisation libre ont un public restreint similaire à celui de la musique contemporaine académique. La revendication constante et pseudo-progressive de la nouveauté dans le domaine de la musique pop a d'autres objectifs (par exemple, des fins capitalistiques, à l'instar de l'industrie de la mode) que dans la tradition académique d'avant-garde, la première ne transcendant pas le niveau local-temporel, même s'il s'agit d'un phénomène mondialisé.

Conclusions
1. Les innovations dans l'histoire de la musique occidentale sont considérées comme des phénomènes qualitativement positifs ou négatifs dans un processus de simplification et de complexification de certains aspects du langage musical. Cela a été particulièrement visible dans l'avènement du modernisme musical. Le passage de la tonalité aux pratiques modernes de composition remonte au romantisme tardif, lorsque les compositeurs ont étendu les éléments de la tonalité par l'utilisation croissante du chromatisme, dans un processus de complexification. À la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, la musique moderne européenne trouve son expression dans l'impressionnisme français et l'expressionnisme allemand. Dans la seconde moitié du xxe siècle, la musique d'avant-garde et expérimentale, avec sa complexification du langage musical, et plus tard la musique répétitive américaine, avec ses innovations simplificatrices, ont changé la façon de composer et d'écouter la musique. Cette dernière a réintroduit des éléments du système tonal, sous forme de triades harmoniques basées sur la tierce. On peut observer une restauration, ou une redécouverte, des traditions compositionnelles des siècles précédents dans un certain nombre de courants que l'on a appelés néoclassicisme, néobaroque, néoromantisme, postmodernisme (approches polystylistiques), etc. Le dualisme qui apparaît souvent entre modernisme et restauration, sous la forme d'un progrès bienvenu contre une régression reprochable, remonte à la philosophie de la nouvelle musique d'Adorno (1949) et doit être relativisé en tenant compte de leur contexte (les révolutions cycliques qui engendrent des changements de style) et de leurs agents.
2. La voie possible de la transmission de la nouveauté en musique, tant dans les sphères académiques que dans le grand public, réside dans un enseignement ouvert et de soutien qui permet des influences trans-domaines et qui n'antagonise pas le passé et les traditions. Il ne qualifie pas de régressif l'utilisation des aspects de la musique ancienne ou précédente (Adorno, 1949), mais intègre cette utilisation dans la compréhension du nouveau, selon les trois modalités possibles décrites ci-dessus. Cela signifie qu'il faut penser non seulement le point de vue académique, d'avant-garde - dans le sens idéaliste de Schoenberg du « maintenant pour la première fois ; n'existant pas avant » de la « Nouvelle Musique » - mais aussi les principes d'imitatio, d'aemulatio et de transformation. Ces concepts peuvent être précieux pour comprendre le développement de la musique faite par les nouveaux compositeurs et pour comprendre la musique à tous les niveaux temporels (local, global, époque). Cela nous permettrait d'éviter de nous enliser dans une idéologie excessivement normative, tributaire de postulats impératifs qui enchaînent la créativité et ne permettent pas au domaine du possible de se développer autant que nécessaire sur le plan individuel ou collectif.
3. En se basant sur Conor (2019), Burkholder (2011) et Cochran (2019), les enseignants pourraient soutenir les compétences de leurs élèves (1) à aborder l'historiographie en utilisant des sources bibliothécaires pour comprendre sciemment les voies de transmission de ce que l'on entend par nouveau, (2) à rendre explicites les modes de pensée, de prendre conscience des visions du monde et des idéologies qui ont engendré les phénomènes historiques portés au présent et projetés dans le futur, (3) d'interpréter les événements en utilisant judicieusement les méthodes historiographiques et de cultiver des habitudes d'esprit qui nous aident à comprendre comment des conventions émergent et comment elles sont instaurées par des agents.
4. Toute personne qui écoute et fait de la musique aujourd'hui est un agent de son histoire future, soit à un niveau individuel, soit dans un cercle restreint (avec des amis ou un groupe qui partage des valeurs esthétiques similaires), soit à un niveau plus universel (en tant que spécialiste de la musique). Dans le contexte scolaire, ces influences se rencontrent et se croisent : l'enseignant et les élèves apportent leur propre expérience musicale en classe et apprennent les uns des autres, comme le décrit le concept de Critical Pedagogy for Music Education (CPME) (Abrahams, 2005). Si l'enseignant et les élèves comprennent qu'ils sont des agents mutuels, et s'ils comprennent où la musique du passé et du présent se situe dans le temps, dans le cadre de visions du monde ou d'idéologies, ils prendront conscience des niveaux temporels global et local, ainsi que des significations et des usages impératifs des catégories du nouveau et de l'ancien dans la musique.

Références
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Gerhard Lock est un musicologue, compositeur, éducateur, organisateur et rédacteur en chef de revues de recherche né en Allemagne. Il enseigne actuellement la musicologie et le multimédia à l'université de Tallinn (BFM) et termine son doctorat en musicologie à l'Académie estonienne de musique et de théâtre (EAMT).

1 Paru dans Problems in Music Pedagogy, Vol. 19(2), 2020, 23 - 34
2 Dans ce sens, l’un des changements de perspective les plus marquants de l’histoire de la musique est apparue au cours du 20e siècle. Elle comprenait la musique comme tout ce qui est causé par des ondes oscillantes sous forme de son et de bruit dans l'environnement. On retrouve cette pensée dans des écrits tels que le manifeste L'art des bruits de Luigi Russolo en 1913, Libération du son d’Edgar Varèse en 1917 et L'avenir de la musique : Credo de John Cage (1937-1940). A cela s'ajoute l'idée d'un « silence » physiquement impossible : « […] Le silence n'existe pas. Ce qu'ils pensaient être du silence, parce qu'ils ne savaient pas écouter, était plein de sons accidentels […] » (Kobler, 1968, 92). Avec les concepts d'écologie acoustique" et de paysage sonore développés par le compositeur canadien Murray Schafer (né en 1933) et approfondis dans le contexte du modèle d'apprentissage informel par Green (Green, 2008), ces concepts ont également été appliqués à l'éducation musicale. La célèbre phrase de John Cage (1912-1992) « Everything we do is music » (voir Kobler, 1968) est le point culminant d'une compréhension de la musique qui va bien au-delà des sons produits par les humains, des instruments naturels/électroniques et des notes écrites dans les partitions traditionnelles (Fischman, 2015).
3 C'est également le centre d’intérêt du Journal of Music History Pedagogy (JMHP depuis 2010), par exemple dans l'article de Burkholder (2011), qui a appliqué le modèle de décodage des disciplines proposé par David Pace et Joan Middendorf, un modèle qui cherche à expliciter les modes de pensée que nous utilisons et donne aux étudiants la possibilité de s'entraîner à les utiliser afin qu'ils apprennent à participer à la discipline en la pratiquant.
4 Rédacteur en chef de l'Oxford History of Western Music.
5 Ce texte envisage ainsi les termes « nouveau » et « ancien » comme des catégories générales. Je ne traiterai donc pas de manière privilégiée de la musique du xxe siècle dans laquelle ces termes entretiennent une relation mutuelle et une existence pluraliste-synchronique.
> 6 Malgré la reconnaissance croissante des notions de « bruit » et de « silence », de « musique électronique » et de « paysage sonore », qui sont parmi les nouveaux concepts musicaux qui posent le plus de défis et qui ont aujourd'hui fait leur chemin dans l'éducation musicale (via des instruments électroniques tels que des synthétiseurs, des ordinateurs et des postes de travail audio), cette section tient compte du fait que la pratique traditionnelle de la musique basée sur les notes dans l'enseignement du chant (choral) et des instruments est toujours en vigueur dans l'éducation musicale dans de nombreux pays du monde, sans parler des approches informelles via le web (e. g. les didacticiels sur YouTube pour apprendre à jouer de la guitare ou à composer des mélodies ou des harmonies par le biais du standard MIDIdes stations de travail audio).
7 La première partie de l'ouvrage aborde des termes aussi importants que « nouveau », « moderne », « avant-garde ». Il décrit les tendances historiques de ces termes jusqu'au xixe siècle, leurs significations et usages, les principaux concepts et la hiérarchie des termes. La deuxième partie traite de l'historiographie : comment le « Nouveau » musical peut être détecté et retracé au xxe siècle. Elle comprend également la description des caractéristiques du « Nouveau », et ce qu'il faut prendre comme point de départ, ce que sont les modèles de l'histoire, et l'ordre chronologique en tant que juxtaposition historique. La troisième partie présente la manière dont deux compositeurs de la première moitié du xxe siècle, l’américain Charles Ives (1874-1954) et l’autrichien Anton Webern (1883-1945), ont construit le « début ». On y trouve les descriptions de la position des compositeurs dans l'histoire, leur traitement historique, leur poétique, la signification du terme « pièce musicale » et des réflexions sur la comparaison de l'incommensurable.
8 Mes principes de pensée et ma vision du monde sont influencés par le matériel structurel et musical de la musique allemande (Gieseler, 1975) ainsi que par les concepts méthodologiques de l'histoire de la musique (Dahlhaus, 1983 ; Eggebrecht, 1996) et l'histoire du « nouveau » en musique (Blumenröder, 1980 ; Danuser, 1997).

Gerhard Lock - Traduit de l’anglais par Charles de Paiva Santana - Illustrations par Raphael Egel

© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021

Le Prélude, Choral et Fugue de César Franck :
Jeux de formes et d’harmonies (deuxième partie)
par Thomas MOUGEL

Thomas Mougel est étudiant au CNSMD de Paris. Il y suit parallèlement les cursus d’analyse et d’écriture musicale, où il a déjà obtenu les prix d’harmonie et de contrepoint. Passionné par la musique de César Franck, il réalise en 2019 un dossier sur le Prélude Choral et Fugue pour son DEM d’analyse au CRR de Lyon que reprend en partie cet article. Par ailleurs, il envisage actuellement la composition de pièces de musique de chambre en association de textes récités.
Cet article est la deuxième et dernière partie de l’analyse de l’oeuvre de César Franck. Pour consulter la première partie, rendez-vous sur la dernière lettre d’information : https://www.leducation-musicale.com/newsletters/LI130.html

Tableau synthétisant la forme du Prélude

Commentaire sur le Prélude
Un principe essentiel de ce prélude réside dans l'opposition franche de ses deux grands thèmes. Du premier (A), à peine mélodique, on retient avant tout la texture de ses arpèges de triples croches se brouillant avec la pédale. Le deuxième (B) tient justement par sa mélodie expressive. Son accompagnement est fait de ponctuations harmoniques espacées. Franck a pris soin de séparer les deux thèmes par des silences. Il les expose d'abord chacun leur tour au ton principal, en si m, puis fait de même à la dominante. Si A voit sa fin légèrement varier avec ce nouveau ton, la redite de B donne lieu à un véritable développement. En si m, le deuxième motif de B (b1b), achevé par une demi-cadence, se répétait une fois plus orné. En fa# m, un silence interrompt le discours avant la répétition (mes. 28). Quand celle-ci survient malgré tout juste après, elle se fait dans le ton inattendu de mi m, et le thème se poursuit comme s'il avait toujours été dans cette tonalité. La phrase se prolonge alors dans la continuité de ce qui précède. Un autre phénomène intéressant intervient au moment de cette prolongation. Après avoir donné le motif qui concluait initialement B (b2) en augmentation (mesures 31-32), Franck fait alterner un nouveau motif, b3, avec b2 pour ne garder après deux mesures que b3. On a ainsi : b2 → b2/b3 → b3, manière particulièrement habile de parvenir à un point nouveau sans aucune rupture ! De plus, la ligne de basse chromatique qui soutient b3 à partir de la mes. 35 est préparée par la basse chromatique mais moins dense des mesures précédentes. Le retour se fait de manière semblable, en sens inverse. Mesure 39, on a tout à la fois la tête de b2 alternant avec celle de b3 (on remarque combien elles sont proches), et la tête de b2 en augmentation. Le principe est poussé jusqu'à joindre le retour de la section A au ton principal à cette fin de B à l'aide de cette technique. Mesure 41, la formule arpégée du premier thème réapparaît, mais elle est d'abord fragmentée et en alternance avec le renversement de la tête de b2 avant de retrouver pleinement son état initial. Enfin, le retour de A en si m, dernier moment du prélude, transforme largement la trame harmonique de cette section. Plus suspensif dans un premier temps, le discours gagne en intensité pour atteindre son sommet en sol# m et se résout seulement trois mesures après au ton principal. Motifs notoires du prélude

Tableau synthétisant la forme du Choral

Commentaire sur le Choral
Le choral est avant tout un thème que Franck a construit de manière à ce qu'on le remarque et qu'on le retienne. Il a pour être retenu une mélodie simple, diatonique, dont la clarté provient de sa doublure en octaves dans le registre aigu du piano. La lenteur du tempo le rend majestueux. Il est soutenu par de grands accords arpégés homorythmiques. Son harmonisation est elle aussi particulièrement diatonique pour une musique si pleine d'altérations. Il a pour être remarqué, l'effet de contraste qui marque son arrivée. Les intermèdes sonnent dans un registre médium, soutenus par une harmonie modulante plus chromatique, et adoptent une mélodie continue sans repères. Ils semblent chercher une direction avec hésitation. Chaque fois, après être arrivé dans le ton du thème-choral qui va suivre, une cadence puis la stagnation sur la tonique agissent comme un signal précédant son retour. Ainsi, le parcours « sinueux » des intermèdes laisse place à l'éclatant choral. De même que les ritournelles baroques, le thème du choral n'est pas associé à une tonalité. D'abord en do m, il revient ensuite en fa m puis en mib m. De plus, il suit une forme bar (par ailleurs fréquente dans les chorals luthériens) dont l'abgesang varie à chacune de ses apparitions. En fa m, la dernière période est renouvelée par rapport à do m. En mib m, Franck enchaîne les deux fins précédentes, réharmonisant ce qui était la cadence de la première de sorte à ce qu'elle mène à la deuxième.
Le durée du point d'orgue que choisit l'interprète en tenant la note finale de cette dernière entrée du choral a une certaine importance dans la compréhension de la forme. Faut-il créer une rupture et marquer nettement le passage à cette nouvelle section qu'est la jonction entre le choral et la fugue, ou bien enchaîner de façon plus continue et faire croire pour un temps au commencement d'un nouvel intermède ? Dès le début de cette jonction nous est révélé le sujet de la fugue à venir, dont il n'y a bien sûr pas moyen de savoir qu'il sera sujet de fugue si on ne connaît pas déjà la pièce. Il est dans un tempo plus élevé que la section choral mais a cela en commun aux intermèdes qu'il est en mélodie accompagnée d'accords. Bien vite, il se perd dans le grave, tandis qu'une arabesque prend le relais et se perd elle dans le silence. Ce schéma, sujet → arabesque, est répété, varié, une fois dans un autre ton. Franck pose ici une énigme : que sont ces nouveaux éléments ? Tout de suite il les confronte en opposant la tête du sujet à l'arabesque, avant que cette dernière explose dans immense arpège de 9ème mineure de dominante. Lorsque la fugue démarre, l'exposition du sujet en tant que telle donne rétrospectivement la réponse à l'énigme.

Tableau synthétisant la forme la Fugue


Commentaire sur la fugue
À première vue, la fugue semble bâtie en trois blocs de tailles inégales : la fugue à proprement parler qui alterne entrées du sujet et divertissements, le Come una cadenza marquant le retour des grands thèmes des mouvements antérieurs, et la conclusion plus brève. Dans cette première grande partie, Franck pousse particulièrement loin les possibilités de son sujet, le morcelant et usant à foison de chacun des pièces obtenues, jouant avec son miroir, le faisant sonner dans tout les registres, avec des contre-sujets et accompagnements sans cesse renouvelés. Il n'utilise cependant pas de strettes, réservant l'effet de superposition pour la section des retours. De plus, un certain nombre d'arpèges et de lignes mélodiques qu'on n'attend pas traditionnellement dans ce genre irriguent les développements. La cadence parfaite la plus affirmée est au relatif (mes. 59-60) et met en relief l'entrée du sujet à la basse et en miroir qui suit. Une impressionnante pédale de dominante soutient la réexposition du sujet en si m (mes. 122) mais n'aboutit pas, interrompu par le Come una cadenza. C'est pourtant à cet instant qu'une fugue plus traditionnelle se serait conclue. La pièce s'achèvera avec le choral en Si M. Pour mener à ce ton, une fois les grandes superpositions tout à fait réalisées, Franck transpose l'épisode menant à la cadence au relatif afin d'aboutir à une cadence au ton homonyme. Juste avant cela (mes. 190), un sommet de contrepoint ayant été atteint, plus rien ne semble possible dans le domaine de la fugue, le discours vire à la fantaisie, éclatant en de grands arpèges lisztiens.

Le sujet et sa segmentation en cellules, utilisées dans les développements de la fugue

Thomas MOUGEL

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Les jeux d’anches de Charles Mutin : ultime innovation sonore de l’orgue symphonique parisien
par Samuel CAMPET

Les années 1900 ont vu se conjuguer une course à l’innovation accrue par les possibilités offertes par l’électricité et une tentative d’adaptation de l’orgue à l’interprétation du répertoire ancien, revenant alors à la mode. La rencontre de ces deux évolutions donnera progressivement naissance à ce qu’on appelle l’orgue néoclassique. Charles Mutin, étant à la fois successeur d’Aristide Cavaillé-Coll, le facteur phare de l’esthétique symphonique parisienne, et ami d’Alexandre Guilmant, l’initiateur de la redécouverte de la musique ancienne, s’inscrit dans ce mouvement. Cependant, il va devoir affronter une baisse significative des commandes d’orgues neufs à la suite de la loi de 1905, privant les églises des subventions gouvernementales pour la construction de nouveaux instruments. Un nouveau marché va se développer, celui de l’orgue de salon. En exploitant cette filière, Mutin redressera son entreprise, qui ne connaîtra pas de déclin au cours de son exercice, et ce malgré l’épisode douloureux de la Grande Guerre. Un amateur éclairé, qui avait déjà fait fructifier les affaires de Cavaillé-Coll par diverses commandes d’orgues grassement payés, va rémunérer spécialement son successeur pour qu’il lui conçoive un instrument unique, pouvant imiter l’orchestre à un degré inégalé à ce jour, du moins en France. À cette occasion, Mutin pourra laisser de côté les idées de Guilmant et concevoir de nouvelles sonorités visant à satisfaire l’idéal orchestral de leur commanditaire. Ces jeux ont malheureusement peu convaincu les organistes contemporains, quelque peu frileux à l’idée de nouveauté sonore alors que la tendance était davantage au retour aux timbres des 17e et 18e siècles. Ainsi, le Cor d’harmonie, le Cor de basset et la Musette des ateliers Cavaillé-Coll se retrouveront dans très peu de compositions d’orgues de l’époque, jusqu’à sombrer dans un oubli total.

HISTOIRE
En 1865, on inaugure un orgue de trois claviers dans le château du marquis de Lambertye à Gerbévillers (Lorraine). Albert de l’Espée, un jeune garçon d’une douzaine d’années, descendant d’une grande famille très impliquée dans l’industrie métallurgique, est présent à cette inauguration. Il est profondément marqué par cette expérience et se jure de se faire construire un jour son orgue1. Victime d’une maladie qui affaiblit profondément son système immunitaire dans les dernières années de son adolescence, Albert devient petit à petit hypocondriaque et développe une misanthropie qui l’amènera à se faire construire des demeures isolées et dotées de systèmes perfectionnés destinés à le protéger du monde extérieur et de certains accidents domestiques. Rentier, il vit uniquement de la grande fortune de sa famille. Sa passion pour l’orgue le conduit à prendre contact avec le facteur d’orgues parisien le plus estimé de son époque, et qui est aussi le constructeur de l’instrument qui l’a tant marqué en 1865 : Aristide Cavaillé-Coll. Il commande à ce dernier plusieurs instruments pour ses diverses demeures, le premier dont le devenir nous est connu datant de 1894 et se trouvant actuellement en l’église Saint-Antoine des Quinze-Vingts à Paris.
Ces instruments se démarquent par une nomenclature insolite incluant notamment un Cor des Alpes ainsi que la présence d’une ou plusieurs Clarinettes 16, jeux marginaux dans la facture parisienne. Le baron concevra pour son usage, entre 1895 et 1897, une villa dotée de nombreux perfectionnements lui permettant d’éviter tout contact humain avec son personnel – les cuisines sont situées en dehors du bâtiment principal auquel elles sont reliées par des monte-charges – afin d’y abriter un orgue qu’il veut idéal pour son salon musical privé. Il fait une fois de plus appel à Cavaillé-Coll pour réaliser ce projet. L’entreprise parisienne est alors à l’agonie, son patron, excellant plus en facture d’orgue qu’en gestion d’entreprise, se fait vieux : la commande l’aidera momentanément à ne pas sombrer. Albert de l’Espée suivra consciencieusement la réalisation de cet instrument hors du commun, allant jusqu’à octroyer à l’harmoniste un louis d’or par jeu harmonisé2. Cependant, ce grand-orgue, le plus important que Cavaillé-Coll ait entièrement conçu, déçoit le baron, qui s’en sépare assez rapidement : en 1903, il le cède à Charles Mutin, qui a repris les rênes des ateliers Cavaillé-Coll en 1898 et a supervisé l’achèvement de cet instrument. L’orgue sera installé dans les locaux de la manufacture après quelques modifications et fera la joie des visiteurs, notamment d’Albert Schweitzer et d’Émile Rupp, pionniers de la « réforme alsacienne de l’orgue »3. Il sera par la suite installé dans la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, où il a conservé l’essentiel de son matériel sonore malgré certaines vicissitudes.
À la suite de cette cession, Albert de l’Espée reformule à Mutin la demande qu’il avait faite à son prédécesseur une dizaine d’années plus tôt. Il lui réclame expressément un orgue « orchestral » faisant fi des courants esthétiques en vogue à cette période. L’orgue doit comporter moins de jeux à tuyaux que le précédent, mais plusieurs de ces jeux sont inédits. L’expérience sera renouvelée cinq ans plus tard, cette fois pour la demeure du baron à Monte-Carlo. Pour parachever ces instruments, tous les moyens matériels, financiers et même humains nécessaires sont mis à la disposition de Mutin qui, en 1912, dispose notamment d’un clarinettiste et d’un ancien cor de basset d’orchestre pour mettre au point un jeu du même nom4. Tout aussi inédit est le Cor d’harmonie de 19075, dont l’organiste et musicologue Jean Huré, ami de Mutin, donne la description suivante : « Arrivée à un certain degré de mordant, la Montre, dans son registre moyen et aigu, se confond avec une famille de jeux encore inconnus du public, et même des organistes, et construits par la Maison Cavaillé-Coll : les Cors harmoniques. Chose curieuse, ce sont des jeux à anches battantes, mais ils ont une pureté supérieure à celle de beaucoup de jeux de fonds6. » Un troisième jeu d’anches fait son apparition, la Musette ; des jeux de ce nom ont existé par le passé, mais celui-ci possède des paramètres de construction spécifiques. En plus de ces innovations dans les jeux à tuyaux, l’instrument doit être doté d’un clavier auxiliaire d’étendue plus réduite permettant de jouer une trentaine d’instruments à percussions. Un piano, un clavecin et trois célestas, jouables sur le clavier de Grand-Orgue, viennent compléter cet appareil orchestral qui, à n’en pas douter, devait être plus fidèle aux souhaits du baron. Enfin, l’étendue des claviers et du pédalier atteint le contre-la 0 (grave), selon le principe du ravalement, connu dans les orgues d’avant la période romantique, et permettant ici d’accroître encore les possibilités d’un orgue déjà particulièrement hors normes pour l’époque. L’instrument est terminé en 1907, mais Albert de l’Espée se sépare de sa propriété en 1911. Le domaine sera racheté à diverses reprises, et l’orgue fera les frais de ces changements successifs de propriétaires. Il sera finalement délesté d’un tiers de sa tuyauterie et installé en l’église d’Usurbil, au Pays Basque espagnol. Les percussions, les claviers et les jeux nouveaux ont malheureusement disparu dans l’aventure…

DE NOUVEAUX JEUX ?
Pour quel répertoire construire un tel instrument ? Il est communément admis qu’Albert de l’Espée possédait un goût très prononcé pour la musique de Richard Wagner. Mais aucun document ou témoignage fiable ne le prouve… Il semblerait même qu’il s’agisse d’un mythe inventé par Pierre-Barthélemy Gheusi, journaliste et directeur de théâtre ayant racheté le château du baron. Des témoignages de personnes ayant côtoyé Albert de l’Espée mentionnent plutôt des affinités pour Haydn et la musique autrichienne7. Le Cor de basset, le Cor d’harmonie et la Musette peuvent évoquer un imaginaire sonore cohérent avec de telles affinités. Le premier se rapporte plutôt à Mozart, qui en a fait un usage conséquent. Le Cor d’harmonie pourrait être relié à l’instrument homonyme des symphonies classiques, mais également bel et bien aux cuivres bouchés des opéras de Wagner (comment ne pas songer à l’ouverture de Tannhäuser ?). Quant à la Musette, son nom évoquant un instrument archaïque et son timbre assez différent du jeu de Hautbois en font un candidat tout trouvé pour l’interprétation de transcriptions d’œuvres anciennes. Ainsi donc, cet orgue serait-il dévolu à un répertoire antérieur à celui qu’on lui prête, avec son clavecin (instrument moderne, sans doute de Pleyel) ? N’oublions pas la présence d’un grand nombre de jeux de fonds et d’ondulants typiques de l’orgue symphonique ainsi que de l’existence d’un clavier supplémentaire dévolu uniquement à des instruments à percussions : gong, cymbales, cloches tubulaires8… Amateur de musique autrichienne, se pourrait-il que le baron jouât du Mahler, compositeur plus récent que Wagner ? Il semble que l’épais voile de mystère planant au-dessus de cette question ne puisse être dissipé de sitôt…

APRÈS LE BARON…
Mutin semble avoir tenté de placer ses inventions dans d’autres instruments par la suite. Jean Huré9 donne, outre des indications à son sujet, la composition de l’orgue (disparu) conçu en 1914 pour un jeune compositeur du nom de Pierre Braunstein, hélas mort au front peu après, où figurent deux des trois jeux qui nous intéressent, mais également un célesta, des chamades10, des systèmes de prolongement du son11, et dont les claviers commencent au do 0 pour finir au mi 6, étendue inhabituelle pour un orgue.
Alexandre Guilmant, bien qu’ami de Mutin et ayant connaissance du jeu de Cor d’harmonie12, lui avait préféré, à la salle Gaveau, un Cromorne apte à faire sonner la musique ancienne13. La facture d’orgues française était alors en pleine mutation, des organistes comme Guilmant prônaient un retour partiel à « l’orgue ancien », et l’innovation orchestrale, même si elle pouvait être appréciée, n’avait alors plus la priorité. Mutin déplore ce manque d’enthousiasme des interprètes contemporains face à ses innovations et se récusera d’une accusation de Huré de n’avoir pas placé davantage de Cors d’harmonie dans ses orgues. Il est actuellement impossible de savoir si d’autres exemplaires du Cor d’harmonie et du Cor de basset ont été construits, et si l’un d’entre eux existe toujours, ce qui est assez peu probable. En revanche, une Musette avait été placée dans l’orgue du Sacré-Cœur, remplacée plus tard par un Nasard, et une existe toujours dans l’orgue construit par Auguste Convers, successeur de Mutin, pour une galerie commerciale parisienne et se trouvant de nos jours au temple d’Amiens. Dans un tapuscrit14 conservé au musée de la musique de la Philharmonie de Paris, des documents plus précis ainsi qu’une description des jeux par leur inventeur lui-même ont été retrouvés, permettant de se faire une idée plus précise du travail de Mutin. Le Cor d’harmonie (Fig. 1) comporte des pavillons de taille large et aux rigoles à larmes15. Dans le pavillon se trouve l’innovation : un étouffoir de forme tronconique entouré de peau, fermé dans sa partie supérieure, cette dernière étant percée d’un trou dont le diamètre varie selon la hauteur et l’harmonisation. Un tel outil a pour but de réduire la vibration du pavillon et d’atténuer la puissance de l’onde sonore, ayant pour effet de produire un timbre rond et étouffé, dépourvu de l’éclat des jeux d’anches. Deux autres paramètres influent également sur ce timbre : l’anche à larme évoquée plus haut, utilisée usuellement pour les jeux de bassons, produisant un son plus sourd qu’une trompette, ainsi que la pression de l’alimentation en vent, qui doit être d’au moins 150 millimètres de colonne d’eau, afin que la résistance engendrée par le système d’étouffement soit plus forte, accentuant l’efficacité de ce dernier.


Fig. 2 (Ch. Mutin, L’Orgue)

Fig. 1

Le Cor de basset (Fig. 2) est d’une conception moins sophistiquée : son corps comporte un premier pavillon évasé surmonté d’un double cône, lui conférant l’aspect d’un cor anglais simplifié. Le corps est terminé par un opercule partiellement ouvert. Ce sont ces caractéristiques, ainsi que des mesures précises indiquées par Mutin, qui lui confèrent son timbre « imitant à s’y méprendre l’instrument ancien »16.
La Musette, enfin, est construite avec des anches de Trompette et des pavillons très étroits. Le son obtenu est plus franc que celui du Hautbois, sans pour autant perdre en douceur.

ET MAINTENANT ?
De nos jours, l’esthétique sonore de Charles Mutin connaît un regain d’intérêt, et ses réalisations commencent à être protégées et restaurées scrupuleusement. L’image du chef d’entreprise prime cependant sur le savoir-faire du facteur d’orgues, et l’on ne connaît que peu l’investissement dont il a fait preuve pour développer l’instrument auquel il a dévoué des années de travail. Dans le contexte actuel de recherche de nouveauté, aidé par l’avancement technologique de notre époque, les jeux inventés par Mutin ont tout à fait leur place. Clins d’œil historiques, compléments d’esthétique dans des instruments qui leurs sont contemporains, apports bienvenus dans des réalisations neuves, leur présence est parfaitement justifiée dans la dynamique esthétique de l’orgue d’aujourd’hui. Il est dès lors possible de travailler à la construction de specimen de ces jeux. Les données concernant le Cor d’harmonie sont insuffisantes et sa reconstitution nécessitera une phase expérimentale. Le Cor de basset, en revanche, pourra être fabriqué directement grâce aux mesures laissées par son inventeur. Quant à la Musette, il suffira de copier les caractéristiques de celle sonnant encore au temple d’Amiens…

S’ils sont issus des lubies de l’excentrique baron de l’Espée, les jeux d’anches de Charles Mutin ne doivent donc pas être considérés comme une expérience marginale mais comme des personnages sonores ayant toute leur légitimité dans l’aventure de la facture d’orgues, de la même manière qu’une Flûte harmonique ou un Hautbois, des jeux sans lesquels il est presque impensable de concevoir certains types d’orgues. L’instrument-orgue est en constante évolution depuis ses origines et il serait dommage de faire l’impasse sur de telles innovations à une époque qui opère une synthèse de tous les principaux courants esthétiques ayant créé son histoire. « Ces Cors, ignorés des maîtres anciens, malheureusement inusités dans les orgues contemporains, pourront un jour apporter à l’art de l’orgue des ressources toutes nouvelles »17, déclarait Jean Huré en 1924 au sujet du Cor d’harmonie, et son point de vue n’a jamais été autant d’actualité.

1 Christophe Luraschi, Albert de l’Espée, Bayonne, Atlantica, 2013.
2Daniel Roth, « Le Grand Orgue du Sacré-Cœur », La Flûte harmonique, Paris, Association A. Cavaillé-Coll, 1985.
3Ce courant de renouveau de l’orgue alsacien tentera d’importer le « style Cavaillé-Coll » dans une région où l’esthétique germanique prédominante est souvent considérée comme décadente.
4Charles Mutin, L’Orgue, 1927, tapuscrit conservé au musée de la Musique, Paris.
5Parfois appelé Cor harmonique, ce qui prête à confusion du fait de l'existence d'un Clairon en chamade portant le même nom.
6L’orgue et les organistes, périodique, 1924.
7Témoignages recueillis par M. J.-L. Ménochet, ancien gardien du château.
8Ces cloches, récupérées par Maurice Puget pour l’orgue de Saint-Charles de Biarritz, ont été placées dans l’orgue de l’église Saint-Joseph de la même ville par Bernard Dargassies en 2015 (source : B. Dargassies).
9Jean Huré, L’Esthétique de l’Orgue, Paris, Sénart, 1923.
10Jeux d’anches disposés à l’horizontale et d’une grande puissance.
11Appelés par la suite sostenutos, ces appareils permettent à une ou plusieurs notes de rester enfoncées après avoir relevé les doigts.
12Huré assurera en avoir entendu « un éloge mérité » de la part de Guilmant (réponse à une lettre de Mutin, dans L’orgue et les organistes).
13Charles Mutin, lettre à Jean Huré, conservée au Fonds Jean Huré, médiathèque d’Angers.
14Ch. Mutin, L’Orgue.
15Le pavillon d’un jeu d’anches est le corps qui contribue à en modeler la sonorité, équivalent des deux corps et du pavillon d’une clarinette ; la rigole est, elle, l’équivalent du bec de la clarinette. Contrairement aux instruments d’orchestre, c’est cette dernière qu’on appelle anche, et non la partie battante, qui est la languette.
16Ch. Mutin, L’Orgue.
17Jean Huré, L’Orgue et les Organistes, op. cit.

Samuel CAMPET

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Festival ECLAT

Le festival ECLAT de musique nouvelle de Stuttgart a eu lieu ! Du 3 au 7 février 2021, 35 œuvres ont été diffusées lors de 13 concerts, dont 24 étaient des premières mondiales. La nouveauté : ECLAT était entièrement “en distanciel” pour la première fois de son histoire. Après avoir pu attester de l'extraordinaire foisonnement artistique de cet événement, nous proposons ici une traduction de l’éditorial de Christine Fischer, directrice artistique du festival.

EDITORIAL
ECLAT Festival de “musique nouvelle” de Stuttgart - Entièrement retransmis depuis le Theaterhaus Stuttgart : avec soin, inventivité et enjouement.

Alors que les possibilités techniques explosent et qu’en même temps, le changement climatique nous incite à adopter des mesures modérées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, le temps est venu d’inventer de nouvelles formes à l'aide de la richesse inimaginable des médias numériques qui mettent en relation notre public de Stuttgart avec des "fans" du monde entier et de rendre nos projets accessibles à l'échelle internationale. Il est grand temps.... La pandémie nous force tous à nous isoler et nous met de ce fait au défi d'agir de manière créative, pour de continuer à enrichir notre paysage culturel et à préserver la marge de manœuvre des artistes. ECLAT doit avoir lieu, comme toujours, au début du mois de février. Nous aimerions donc vous faire découvrir notre nouveau portail web du Theaterhaus de Stuttgart, et en même temps vous inviter au plaisir d'écoute concentrée, à une perception attentive de 35 œuvres très différentes (dont 24 premières mondiales). Considérez cela comme une invitation à notre expérience de développement hybride d'un festival sur Internet.

Avec une équipe de jeunes concepteurs de communication, une équipe de cinéma, nous merveilleux merveilleux collègues de SWR (Südwestrundfunk, radio, orchestre et choeur) et avec tous les musiciens impliqués, nous développons un portail web qui va bien au-delà du "streaming informel", permettant de mettre l'accent sur les particularités de chaque œuvre et de trouver pour chaque concert la forme de présentation pour celui-ci. Avec soin, inventivité et, il est vrai, aussi une part d'espièglerie, nous reconstruisons notre festival comme un château de sable après le déluge, nouveau et différent. Nous essayons, malgré toutes les impossibilités liées à la pandémie, de préserver autant que possible l'atmosphère habituelle du Theaterhaus. Laissez-vous donc tenter de suivre de près ECLAT dans sa 41e année, comme à l'époque analogique, pour s'immerger dans les raffinements, provocations, et actes poétiques les plus divers. Dans son oeuvre "Placeholder", Ricardo Eiz évoque les "sons étranges d'une année étrange et incohérente", comme de nombreux fragments énigmatiques, traite d'une impatience pressante ou d’une sublimité inaccessible, se référant évidemment à la situation particulière qui sévit chacun d'entre nous. Il n'aurait pourtant pas été nécessaire d’attendre la pandémie pour inventer un dispositif qui permettrait de participer numériquement à des créations artistiques, en reliant le public local au monde entier, et en l’invitant à participer/jouer ensemble avec les possibilités d'interaction dont nous disposons aujourd’hui. Et donc au moyens de chats, les conversations, interviews, rencontres personnelles avec les artistes, jeux et même pauses-concerts culinaires - les 13 concerts dirigent notre écoute vers des thèmes majeurs, à résonance mondiale.

L'un des thèmes abordés concerne la Biélo-Russie, et il est dédié à Maria Kalesnikava, qui a accompagné ECLAT en tant qu'experte en médias sociaux au cours des dernières années et qui, en tant que figure de proue du mouvement démocratique biélorusse a été kidnappée à Minsk le 7 septembre et est emprisonnée depuis. Dimanche 7 février, pour la clôture du festival, elle recevra le prix des droits de l'homme, décerné par la fondation Gerhart et Renate Baum. Dans ECHOES - VOIX DE BIELO-RUSSIE, des artistes et militants biélorusses s’associent à des musiciens internationaux pour formuler une déclaration artistique originale sur le drame de notre pays voisin européen.
L'exposition d'art numérique "Belarus - the way to oneself" raconte de façon impressionnante les mondes parallèles auxquels le pays est confronté.

Le projet VOICE AFFAIRS témoigne de façon similaire de la puissance explosive de la création artistique. Il initie un franchissement des frontières et décrit une scène dans laquelle la musique européenne est influencée par la diversité des scènes musicales expérimentales du Liban, et qui, en pleine situation apocalyptique, dépeint diversité, contradictions et explosivité de la culture libanaise contemporaine, entre composition, musique électronique, art sonore, improvisation et avant-pop. Un projet passionnant, situé entre détresse existentielle et volonté artistique de liberté et d'exploration.

Vivez donc cette expérience et appréciez numériquement ECLAT, un festival qui explore de nombreux territoires encore inexplorés - une expérience pleine d'explosivité et de découvertes artistiques !
Enfin, une note structurelle : pour l'accès à notre portail numérique, qui vous mènera vers l'action en direct au Theaterhaus, nous demandons une participation financière. Même sous forme numérique, l'art coûte de l'argent (peut-être plus qu’on ne pourrait l’imaginer), et nous nous efforçons de garantir la meilleure reproduction professionnelle possible. Toutefois, vous déterminez le montant de l'admission vous-même - en fonction de vos moyens. Mon dernier conseil : notre programme aux multiples facettes comprend également la possibilité de se reposer les oreilles. Retirez vos écouteurs, versez un verre de votre meilleure eau ou de votre meilleur vin, puis allumez vos haut-parleurs pour poursuivre l'expérience. Nous nous réjouissons de pouvoir vous accueillir bientôt ! Bien à vous, Christine Fischer, directrice artistique.

Traduction Française Jonathan BELL

© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021

ECLAT Festival

ECLAT Festival New Music Stuttgart took place! From 3 to 7 February 2021, 35 works could be experienced in 13 concerts, 24 of which were world premieres. The novelty: ECLAT was entirely digitally broadcasted for the first time in its history! After having been able to attest to the extraordinary artistic abundance of this event, we propose here a translation of the editorial by Christine Fischer, artistic director of the festival.

EDITORIAL
ECLAT Festival of New Music Stuttgart - Digitally, from the Theaterhaus Stuttgart, with care, inventiveness and playfulness.

In times when technical possibilities are exploding, and climate change at the same time urges us to adopt measured strategies of international cooperation, the time has come to invent new forms, and with the help of the unimaginable wealth of digital media that connect our Stuttgart audience with worldwide "fans", to make our projects available internationally. Actually, it's long overdue… Now the pandemic forces us all into isolation and challenges us to respond with creative action in order to continue to enrich our cultural landscape and to preserve the artists' room for manoeuvre. ECLAT is to take place. As always, at the beginning of February. And we would like to usher you through our newly created web portal and into the Stuttgart Theatre, so you can join us in the concentrated pleasure of listening, and the attentive perception of 35 very different works (including 24 world premieres). Consider this an invitation to a most attractive festival, on the internet. Together with a team of young communication designers, a film team, our wonderful colleagues from SWR and all the musicians involved, we are developing a web portal that goes far beyond "informal streaming" and allows us to respond to the special features of each individual work and concert and to find the best form of presentation for it. With care, inventiveness and admittedly also a portion of playfulness, we are rebuilding our festival like a sandcastle after a receding flood - and despite all the pandemic impossibilities, we are trying to convey as much as possible of the familiar flair in the Theatre House. So allow yourself to be seduced, and follow ECLAT into its 41st year just as attentive as in those analogue days and immerse yourself in the most diverse refinements, provocations and poetries. In "strange sounds from a strange, incoherent year", as Ricardo Eizirik calls it in his work "Placeholder", which, like many an enigmatic fragment, operating full of urgent impatience or unapproachable sublimity, refers to the special situation that befalls all of us.

Yes, the pandemic would not have been necessary to invent something that digitally enables global participation in artistic creation, connects the local audience with worldwide participants and invites interactive interventions and "playing along". Nevertheless - while embedded in chats, background discussions, interviews, personal encounters with artists, games and certainly also culinary concert breaks - the 13 concerts will direct our gaze to major themes of global relevance. One focus is Belarus, and it is dedicated to Maria Kalesnikava, who has accompanied ECLAT in recent years as a social media expert and who, as a leading figure of the Belarusian democracy movement, was kidnapped in Minsk on 7 September and has been imprisoned ever since. On the Sunday of the festival, she will receive the Human Rights Award donated by Gerhart and Renate Baum. In ECHOES - VOICES FROM BELARUS, Belarusian performers, artists and activists together with international musicians will make a differentiated artistic statement on the drama unfolding in our neighbouring European land. And the digital art exhibition "Belarus - the way to oneself" impressively tells of the parallel worlds with which the country is confronted. The VOICE AFFAIRS project also bears witness to the explosive power of artistic creation. It initiates border crossings in which European art music is infected by the diversity of Lebanon's experimental music scenes and focuses on a tremendously lively art scene that, in the midst of an apocalyptic situation, tells of the diversity, contradictions, explosiveness and poetry of the Lebanese cultural space from the perspective of contemporary composition, electronic music, sound art, improvisation and avant-pop. An exciting project, situated between existential distress and artistic desire for freedom and exploration. So experience and enjoy digitally a festival - ECLAT looking in many directions - an experiment full of explosiveness and artistic discoveries! Finally, a structural note: we charge a fee for entry to our digital portal, which will lead you to the live action in the Theatre House. Even digitally mediated art costs (more than a little) money and we will go to great lengths to ensure the best possible professional reproduction. However, you can decide how much you wish to pay - depending on your means. My tip: Think of the artistic undertakings that underlie such an undertaking - but also reserve something for yourself, namely, a really good pair of headphones, so that you can also perceive the many spatial pieces that are in the programme. It'll be worth every penny! Final tip: our multifaceted and genuinely interesting interval programme also includes the opportunity to rest your ears. Take off your headphones, pour yourself a glass of your best water or fine wine, then switch on your speakers and continue the experience. Looking forward to the possibility of welcoming you soon! Yours, Christine Fischer, Artistic Director.

English translation by Benedict ERIS CAREY.

© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021

ECLAT Festival

ECLAT Festival Neue Musik Stuttgart stattgefunden! In den Tagen vom 3. bis 7. Februar 2021 waren in 13 Konzerten 35 Werke zu erleben, davon 24 Uraufführungen. Das Novum: ECLAT wurde erstmals in seiner Geschichte komplett digital ausgespielt! Nachdem wir uns von der außerordentlichen künstlerischen Fülle dieser Veranstaltung überzeugen konnten, wir bieten hier eine Wiedergabe des Editorials von Christine Fischer, der künstlerischen Leiterin des Festivals, vor.

EDITORIAL
ECLAT Festival Neue Musik Stuttgart - Digital aus dem Theaterhaus Stuttgart Mit Sorgfalt, Erfindergeist und Spieltrieb

Eigentlich wäre es schon lange fällig gewesen in Zeiten, in denen technische Möglichkeiten explodieren und der Klimawandel uns zugleich zu maßvollen Strategien internationaler Zusammenarbeit anhält: nämlich mithilfe des unvorstellbaren Reichtums digitaler Medien Formen zu erfinden, die unser Stuttgarter Publikum mit weltweiten „Fans“ verbindet und unsere Projekte international verfügbar macht. Nun zwingt die Pandemie uns alle in die Isolation und fordert zu kreativem Handeln heraus, um unsere Kulturlandschaft weiterhin zu bereichern und den Handlungsspielraum der Künstler*innen zu erhalten. ECLAT soll stattfinden. Wie immer Anfang Februar. Und wir möchten Sie durch unser neu geschaffenes Webportal hindurch entführen ins Stuttgarter Theaterhaus, ja gleichsam verführen zu konzentriertem Hörgenuss und zu aufmerksamem Wahrnehmen von 35 sehr unterschiedlichen Werken (darunter 24 Uraufführungen). Einladen zu unserem hybriden Experiment, ein attraktives Festival im Internet zu entfalten.

Gemeinsam mit einem Team junger Kommunikationsdesigner, einem Filmteam, mit den wunderbaren Kolleginnen vom SWR und mit allen involvierten Musiker*innen entwickeln wir ein Webportal, das weit über das „informelle Streaming“ hinaus ermöglicht, auf die Besonderheiten jedes einzelnen Werkes und Konzertes einzugehen und die beste Präsentationsform dafür zu finden. Mit Sorgfalt, Erfindergeist und zugegeben auch einer Portion Spieltrieb bauen wir also unser Festival wie eine Sandburg nach der Flut neu und anders wieder auf – und versuchen trotz aller pandemischer Unmöglichkeiten, möglichst viel vom gewohnten Flair im Theaterhaus rüberzubringen.

Lassen Sie sich also verführen, ECLAT in seinem 41. Jahr genauso aufmerksam zu verfolgen wie zu analogen Zeiten und sich zu versenken in die unterschiedlichsten Raffinessen, Provokationen, Poesien, in „seltsame Klänge aus einem seltsamen, unzusammenhängenden Jahr“, wie Ricardo Eizirik in seinem Werk „Placeholder“ das benennt, was wie manches andere rätselhafte Fragment, aber auch Werke voll drängender Ungeduld oder nichtanzutastender Erhabenheit auf die besondere Situation von uns allen verweist.
Es hätte der Pandemie also nicht bedurft, um etwas zu erfinden, was die globale Anteilnahme am künstlerischen Entstehen digital ermöglicht, das lokale Publikum mit weltweiten Teilnehmern verbindet und zu interaktiven Eingriffen und zum „Mitspielen“ einlädt. Und so lenken – eingebettet in Chats, Hintergrundgespräche, Interviews, persönliche Künstlerbegegnungen, Spiele und durchaus auch kulinarische Konzertpausen – die 13 Konzerte den Blick auf große Themen von globaler Relevanz.

Ein Schwerpunkt ist dabei Belarus, und er ist Maria Kalesnikava gewidmet, die ECLAT in den letzten Jahren als Social Media Expertin begleitet hat und die als Führungsfigur der belarusischen Demokratiebewegung am 7. September in Minsk entführt wurde und seither inhaftiert ist. Am Festivalsonntag bekommt sie den von Gerhart und Renate Baum gestifteten Menschenrechtspreis zugesprochen. In ECHOES – VOICES FROM BELARUS setzen belarusische Performer-, Künstler- und Aktivist* innen gemeinsam mit internationalen Musiker*innen ein differenziertes künstlerisches Statement zu dem Drama in unserem europäischen Nachbarland. Und die digitale Kunstausstellung „Belarus – der Weg zu sich selbst“ erzählt beeindruckend von den Parallelwelten, mit denen das Land konfrontiert ist.
Von der Sprengkraft künstlerischer Schöpfung zeugt auch das Projekt VOICE AFFAIRS. Es initiiert Grenzüberschreitungen, in denen die europäische Kunst-Musik durch die Diversität der experimentellen Musikszenen Libanons infiziert wird, und fokussiert auf eine ungeheuer lebendige Kunstszene, die inmitten einer apokalyptischen Situation aus Sicht von zeitgenössischer Komposition, Elektronischer Musik, Sound Art, Improvisation und AvantPop von der Vielfalt, Widersprüchlichkeit, Explosivität und Poesie des libanesischen Kulturraums erzählt.

Ein spannendes Projekt, angesiedelt zwischen existentieller Bedrängnis und künstlerischem Freiheitswillen und Forscherdrang. Erleben und genießen Sie also digital ein in viele Richtungen blickendes Festival ECLAT – ein Experiment voller Brisanz und künstlerischer Entdeckungen!

Zum Schluss noch eine strukturelle Anmerkung: Für den Eintritt in unser digitales Portal, das Sie zum Live-Geschehen ins Theaterhaus führen wird, erheben wir eine Gebühr. Auch digital vermittelte Kunst kostet (nicht wenig) Geld und wir betreiben einen großen Aufwand für eine bestmögliche professionelle Wiedergabe. Die Höhe des Eintritts bestimmen Sie allerdings selbst – je nach Ihren Möglichkeiten. Mein Tipp: Denken Sie dabei an die künstlerische Leistung, die allem zugrunde liegt – aber leisten Sie sich auch selbst etwas, nämlich einen richtig guten Kopfhörer, um z.B. auch die vielen Raum-Stücke wahrnehmen zu können, die im Programm sind. Es lohnt sich! Letzter Tipp: Unser vielseitiges und wirklich interessantes Pausenprogramm ist auch ein Ohrenentlastungsprogramm. Also: Kopfhörer runter, Ohren befreien, ein Glas gutes Wasser (oder reinen Wein) einschenken, Computerlautsprecher einschalten und weitergenießen.

Ich freue mich, Sie bald bei uns zu begrüßen!
Ihre Christine Fischer Intendantin

Christine FISCHER

© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021

MUSIQUE ASSISTÉE PAR ORDINATEUR/COMPUTER MUSIC

LISP dans Max:
Exploration de la Composition assistée par ordinateur en temps réel
Julien Vincenot

Julien Vincenot (https://julienvincenot.com/) est compositeur et chercheur, actuellement en doctorat de composition à l’université de Harvard sous la direction de Chaya Czernowin et Hans Tutschku. Spécialiste de la composition assistée par ordinateur (CAO, ou CAC: computer-aided composition), son introduction donne un bel aperçu de l’historique de la discipline et de ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Nous avons conservé le deuxième chapitre qui s’adresse à un lecteur spécialisé. Le troisième chapitre présente la librairie MOZ-LIB, qui est au contraire destinée aux débutants en CAO, et qu’il présentera plus en détail dans le prochain numéro.
Ce texte est la traduction d'un article présenté lors de l'International Computer Music Conference organisée au Conservatoire de musique de Shanghai en Octobre 2017.

ABSTRACT L'auteur décrit une stratégie visant l’implémentation d’applications Common Lisp pour la composition assistée par ordinateur au sein de Max, pour enrichir les possibilités offertes par la bibliothèque bach. En parallèle, une discussion plus large est ouverte sur l'état actuel de la discipline, et certaines mises en application sont présentées.

1. INTRODUCTION Ce qu’on appelle aujourd’hui composition assistée par ordinateur (CAO) existe depuis des décennies. Après les pionniers de la musique algorithmique, l'émergence des premières interfaces graphiques a permis à la discipline de se développer dans plusieurs directions. La CAO existe aujourd'hui sous différentes formes, différents langages et différents outils mis à la disposition des compositeurs.
Cette tendance s'est cristallisée autour d’environnements de programmation visuelle tels que OpenMusic (OM) et PWGL, tous deux issus du programme PatchWork (ou PW) conçu par Mikael Laurson à la fin des années 1980 [5]. Une des spécificités de cette famille de programmes, mais aussi celle de nombreuses autres depuis lors1 , est que son intégralité est construite sur le même langage : Common Lisp2 .
Depuis les débuts de l'intelligence artificielle, Lisp a toujours été considéré comme un langage particulier, et il ne fait pas l’unanimité des développeurs professionnels. Cependant, l'intérêt des musiciens n'a jamais complètement décliné. Cela est probablement dû à la facilité inhérente à Lisp de représenter, par le biais de listes imbriquées (voir fig. 1), les structures hiérarchiques de la notation musicale, mais aussi tout type de code conceptuel. Lisp possède par ailleurs plusieurs atouts : sa syntaxe claire et élégante, son efficacité à travailler avec la récursion (un concept puissant qui a de nombreuses applications concrètes dans le domaine musical), et sa capacité à générer du code de manière dynamique par le biais de macros.


Figure 1. Un objet Score dans PWGL et sa représentation interne sous la forme d'une liste ou d'un arbre de liens Lisp.

On pourrait dire que les innovations les plus récentes en matière de systèmes interactifs et traitement du son en temps réel, ainsi que le développement de divers modes de représentation et de contrôle, ont poussé cet outil à l’arrière-plan de la musique par ordinateur. D'une certaine manière, cela est compréhensible, car les approches purement symboliques, principalement dédiées à la notation traditionnelle, concernent une minorité de musiciens.
Néanmoins, on peut observer aujourd'hui un réel intérêt pour le renouvellement de ces paradigmes. La CAO comme discipline traverse une phase de transition, avec l'émergence de nouveaux outils orientés vers le temps réel, l'interactivité et des performances telles que le "mode réactif" dans OpenMusic [4], et bien sûr la librairie bach pour Max, développée par Andrea Agostini et Daniele Ghisi [1].
Tous ces développements récents sont prometteurs et nous ne pouvons pas encore imaginer les applications qui en émergeront, en particulier pour la conception de partitions et formes ouvertes/génératives en composition, et pour les installations interactives en particulier. Mais surtout, ils redéfinissent profondément l'accès à ces outils pour le travail "hors temps" du compositeur, ainsi que la distance entre concept et réalisation.

2. CAO EN LISP TEMPS-RÉEL
2.1. Lisp vs librairie bach
Toute mon activité de compositeur, au cours de la dernière décennie, a évolué autour de PWGL. Je ne l'utilise pas seulement comme un moyen de générer et de transformer des précompositions mais aussi comme un espace de travail, favorisant une certaine lenteur, un éloignement du matériau, afin de m’aider à penser la musique en général [7]. Comme OM, PWGL peut être considéré comme un environnement visuel pour programmer en Lisp, donc j'ai fini par apprendre à programmer directement en code Common Lisp, et c’est devenu pour moi un moyen très naturel de manipuler des idées musicales.
Ma première approche de la librairie bach a été problématique, compte tenu de ma pratique en CAO jusqu'à présent. Bien qu'il emprunte une partie de ses références à l’univers Lispien, il a été clairement conçu par ses créateurs avec d'autres paradigmes à l'esprit, assez loin du Lisp. La proximité avec la famille PW n'était qu'une façade, et j'étais réticent à m’y plonger plus sérieusement. Cependant, alors que je concevais le prototype d'un ensemble d'outils pédagogiques qui allait devenir MOZ'Lib (voir ci-dessous), j'ai été de plus en plus séduit par les immenses possibilités de la librairie, en termes d'interactivité et de composition exploratoire.
Ce n'est donc que plus tard que j'ai réalisé son pouvoir caché en tant que langage. bach s'appuie fortement, comme principale structure de données, sur ses bien nommées "lisp-like linked lists" (ou lllls), qui empruntent la structure parenthésée de Lisp, Structure fondamentale, comme je l'ai déjà expliqué, pour représenter des données musicales de manière hiérarchique. Mais les lllls ont également une caractéristique inattendue : elles peuvent être "détournées" pour générer un code Lisp complet en temps réel.

2.2. Une langue de plus pour Max ?
A ce stade, on peut s'interroger sur l'intérêt d’introduire un langage en apparence désuet tel que le Lisp dans Max. En plus de la possibilité d'écrire de nouveaux objets en C avec le SDK dédié, les utilisateurs de Max ont déjà accès à plusieurs langues intégrées : Gen~, Lua, Javascript, Node.js et Java. Ce qui s'est avéré très utile lorsqu’on se heurte aux limites de la programmation visuelle, en particulier dans le cas des structures de contrôle telles que les boucles et la récursion.
Comme nous le verrons plus loin, offrir à Max un pont stable avec Common Lisp n'enrichit pas seulement les possibilités de la librairie bach -- lui donnant ainsi accès à 40 ans de formalisation et de techniques de composition, à partir de plusieurs paradigmes esthétiques et informatiques -- mais permet également de “ressusciter” une myriade de pratiques historiques qui étaient limitées aux environnements de travail en "temps différé” (donc non en temps réel).
En effet, Lisp a déjà été accessible dans Max grâce à une bibliothèque antérieure, MaxLISPj3 , développée par Brad Garton. Dans cette approche, l'interprète Lisp, ABCL (Armed Bear Common Lisp), une implémentation basée sur une machine virtuelle Java, a été encapsulée dans l’objet mxj et tournait directement dans Max. Il y avait donc un risque de ralentissement ou même de crash de Max en cas de mauvaise programmation. En outre, l'auteur a souligné que la stabilité de son implémentation n'était pas garantie en cas de calculs lourds. Enfin, la sortie de MaxLISPj ne pouvait pas dépasser 2 000 caractères en raison de la limite des messages Max, il était donc impossible d'évaluer des structures musicales complexes. Toutes ces raisons justifient la recherche d'une autre approche4.

2.3. Comment formater des expressions Lisp avec bach
Afin de générer facilement du code Lisp avec la librairie bach cet article propose une méthode assez simple. Le point de départ est l'objet bach.join (anciennement bach.append), qui est un équivalent de la vénérable fonction LIST en Lisp. Comme le montre la figure ci-dessous, l'objet a besoin de plusieurs arguments et attributs afin de formater correctement la notation Lisp, ou s-expressions. Premièrement, le nombre d'entrées doit tenir compte du nombre d'arguments en faveur de la s-expression, y compris le nom de la fonction elle-même. Donc (+ 1 2) nécessitera un bach.join avec 3 entrées.
L'attribut @set permet d'initialiser les arguments pour la liste : ici, nous définissons le nom de la fonction, bien sûr, mais aussi des constantes si nécessaire. Les deux attributs restants, @triggers 0 et @outwrap 1, permettent de s'assurer que chaque sortie est "hot" (c'est-à-dire qu'elle peut déclencher une évaluation), et que la liste qui en résulte est respectivement entre parenthèses. Il faut comprendre à ce stade que les objets bach, comme bach.join, n'émettent pas de messages Max standard, mais une sorte de pointeur appelé format "natif". Cela permet aux objets bach d’échanger lllls sans pratiquement aucune limitation de la taille ou la profondeur.


Figure 2. Formatter du code Lisp avec bach.join

Dans cet exemple, la liste est convertie au format "texte", avec l'objet bach.portal, uniquement à des fins d'illustration. Deux objets bach.join sont combinés pour produire un s-expression, prêt à être envoyé à un interprète Lisp. La modification des valeurs dans les cases numériques mettra immédiatement à jour l'expression-s, transformant les constantes en variables. De la même manière, on pourrait entrer un symbole ou une liste pré-formatée à l'aide de la fonction de citation, en évitant que l'interprète ne les confonde avec un nom de fonction incorrect.5

2.4. Évaluations à la volée
De toute évidence, la génération dynamique de code Lisp à la volée a peu d'intérêt s’il ne produit aucun résultat. Après plusieurs essais6 , une stratégie nécessitant l'utilisation de SBCL (Steel Bank Common Lisp)7 en parallèle avec Max a été conçu. L'interpréteur Lisp est appelé dans Max via une interface en ligne de commande, avec l'aide de l’external shell8 sur macOS (une approche similaire est envisagée pour Windows 10). À ce stade, l'objet bach.write est utilisé pour transcrire le code généré en un fichier texte temporaire, avec l’extension .lisp. Cette opération est assez immédiate et il n’y a pas de limite à la taille du script, grâce au format lllls. Le script est alors prêt à être évalué avec la commande shell suivante :
sbcl --script path-of-script.lisp
Pour recevoir le résultat dans Max, les choses se compliquent. En effet, l'objet shell renvoie une chaîne de caractères de taille limitée, que nous ne pouvons pas utiliser pour des résultats excédant quelques caractères. La solution à ce problème est d'écrire finalement le résultat de notre code dans un autre fichier temporaire, directement depuis SBCL. Pour ce faire, j’ai créé une simple abstraction Max, pw.eval-box, qui est au centre de la librairie MOZ (voir ci-dessous).
Son but est de compléter notre code Lisp juste avant qu'il ne soit envoyé au bach.write, en ajoutant quelques s-expressions. Ce supplément de code permet de s'en assurer :
- le paquet Lisp pour l'évaluation est défini par la fonction in-package, permettant de travailler avec une bibliothèque d’utilisateurs (voir ci-dessous) ;
- la variable globale *random-state* est initialisée à chaque évaluation, en empêchant que des processus aléatoires rendent toujours les mêmes valeurs;
- finalement, le résultat est inscrit dans un autre fichier temporaire à une place définie.
Chaque fois que l'évaluation est terminée, la deuxième sortie de l'objet en shell renvoie un bang. Ceci est utilisé pour déclencher un bach.read pour importer le contenu du fichier temporaire résultant. C'est maintenant à l'utilisateur de décider quoi faire avec ces nouvelles données : contrôle des processus en temps réel dans Max lui-même, ou affichage de résultat en notation standard avec bach.roll ou bach.score par exemple. Bien entendu, en cas de besoin, on peut interrompre toute évaluation sans fin en envoyant le message pkill à l'objet shell. De toute évidence, cette approche n'est pas en temps réel, en soi, puisqu'elle s'appuie sur des fichiers temporaires et doit attendre que la SBCL rende un résultat pour que Max le lise. La latence entre les deux étapes est minime selon notre expérience, même avec de lourds calculs, et reste assez proche de l'exécution en pur SBCL, ce qui permet l'implémentation du système à l'intérieur d’applications réactives. Toutefois, un certain retard peut être parfaitement acceptable -- en fonction du but de l'évaluation, de la complexité du scénario et de la durée du résultat -- si tant est qu’une telle complexité dans les algorithmes soit pertinente dans un contexte artistique donné.

2.5. Vocabulaire étendu
Comme mentionné précédemment, il est possible avec la pw.evalbox de spécifier un paquet de démarrage pour nos évaluations. Pour Common Lisp, les paquets sont un moyen de définir les espaces de noms lors du codage. Par exemple, cette fonction est fréquemment utilisé dans OM et PWGL pour éviter les conflits entre plusieurs bibliothèques d'utilisateurs, dans le cas où certaines fonctions ou variables porteraient le même nom. La richesse d'environnements comme ceux de la PWGL et de la OM réside précisément dans la multitude de bibliothèques qu'ils ont apportées au public au cours des dernières décennies, allant de techniques très personnelles de compositeurs tels que Tristan Murail (Esquisse) ou Brian Ferneyhough (Combine), à des systèmes plus généraux de génération ou d'analyse de la musique. Ce ne sont que quelques exemples d'une grande variété de recherche dont le champ d'application pourrait être considérablement élargi grâce aux interfaces en temps réel.
SBCL permet d'utiliser un environnement prédéfini à la place de celle prévue dans la distribution officielle. La fonction save-lisp-and-die (du paquet SBCL sb-ext) peut stocker n'importe quel ensemble de paquets, ou de fonctions et variables comme une image binaire, ou un fichier .core. Par conséquent, une image nouvellement générée comprendra toutes les fonctions standard de common lisp et LCCB, étendues par ces définitions d'utilisateurs. Par conséquent, l'évaluation d'un script ne nécessitera l'installation que de deux fichiers sur la machine : l'exécutable SBCL lui-même et le fichier .core. Afin de charger SBCL avec un environnement donné, il suffit d'exécuter la commande suivante :

sbcl --core path-of-image.core --script path-of-script.lisp
Comme ce système est opérationnel, un travail d'adaptation des bibliothèques existantes de PWGL a été effectué :
- Le PMC9 de Mikael Laurson, le solveur de contraintes original de PatchWork (également connu sous le nom de PWConstraints) ;
- le CMIde Jacopo Baboni Schilingi, Profil (avec Mikhail Malt) et Contraintes ;
- Morphologie de Frédéric Voisin, un ensemble d'outils pour l'analyse des séquences symboliques, en explorant divers paradigmes.
La plupart de ces bibliothèques s'appuyaient sur plusieurs fonctions iconiques commune à la fois à l'OM et au PWGL (et héritée de PatchWork), tels que flat-once, x-append ou posn-match, dont les définitions ont été extraites et adaptées des sources d'OpenMusic10 . Aujourd'hui, une partie importante de ce lexique partagé, ainsi que les bibliothèques susmentionnées peuvent être utilisées comme exemple de fichier binaire de base fourni avec MOZ'Lib. Les sources sont accessibles sur simple demande à l’heure actuelle et seront incluses dans le pack Max dans un futur proche.
Un autre développement à long terme est en cours, en collaboration avec les compositeurs Örjan Sandred et Torsten Anders, afin de mettre à disposition le Cluster-Engine à Max avec la même méthode. Ce nouveau solveur de contraintes11 , initialement développé par Sandred pour PWGL, permet de contrôler plusieurs voix musicales en parallèle en utilisant un réseau de moteurs de contraintes semi-indépendants --un pour chaque paramètre de chaque voix, y compris la structure métrique, les hauteurs et les rythmes. Les résultats de cette recherche, en termes de temps, de calcul et de flux de travail, sont déjà très prometteurs, et seront à terme l'objet d'une publication complète.

3. Applications
3.1. Une CAO intuitive pour enseigner la composition
Comme nous l'avons déjà mentionné, le besoin d'une interface Lisp appropriée dans Max est apparu lors du développement de MOZ'Lib12 , un ensemble expérimental d'outils pédagogiques, conçu pour explorer simultanément l'écriture musicale, la création et la programmation informatique.
La librairie comprend plusieurs modules sous la forme de bpatchers - inspirés des modules BEAP et Vizzie apparus avec Max 7 - et principalement basés sur la librairie bach pour son interface. Chacun de ces modules représente une idée ou technique de composition, permettant à l'utilisateur d'interagir par diverses interfaces intuitives. Bien entendu, tous les modules peuvent être combinés entre eux, souvent de manière inattendue, pour imaginer et réaliser de nouvelles idées musicales.
Parmi ces modules, plusieurs n'auraient pas pu être mis en œuvre sans l'implication de Lisp. Par exemple, plusieurs techniques ont été directement empruntées aux librairies de Jacopo Baboni Schilingi (cf. ci-dessus). D’autres parties utilisent Lisp comme raccourci pour écrire des fonctions qui semblaient trop complexes ou trop spécifiques pour être traitées uniquement avec les objets bach. C'était le cas du module de rotation (voir fig. 3), qui utilise le solveur PMC de Mikael Laurson pour produire facilement une permutation circulaire d'une mélodie qui maintient de manière heuristique la forme globale de l’entrée d’origine.


Figure 3. Un simple patch utilisant trois modules de MOZ’LIB: draw_notes, see_notes et rotations

3.2. Renouveler une pratique avec un code préexistant
L'intérêt principal de cette approche est, à mon avis, d’étendre l'utilisation même des techniques de composition qui ont été initialement conçues pour un travail en "temps différé".
C'est le cas, bien sûr, de la plupart des processus créés avec PWGL et OM, mais encore plus avant PatchWork, alors que l'interface principale était le code Lisp lui-même. Un exemple parfait est un projet réalisé en collaboration avec le compositeur Jean-Baptiste Barrière, fondé sur sa bibliothèque personnelle Chréode [3]. La première version du code a été écrite au début des années 1980 à l'IRCAM avec Le Lisp (implémentation française du langage, développée par l'INRIA) à l'intérieur des environnements CHANT et FORMES. Chréode a été conçu avec l'ambition de réaliser "une grammaire de processus formels, une morphogenèse" [2], qui pourrait déterminer le comportement global de la synthèse sonore complexe ainsi que des partitions instrumentales.
Ce travail est parti d'une adaptation faite par Kilian Sprotte comme bibliothèque pour OM et PWGL. Le code original sur Le Lisp était presque indéchiffrable en raison de sa syntaxe très spécifique, très éloignée du Common Lisp qu’on connaît aujourd’hui. De plus, Chréode était principalement basée sur l’idée de programmation orientée-objet, son interface a dû être complètement réécrite à l’aide de CLOS (Common Lisp Object System).
D'une manière très similaire à MOZ'Lib, Max-Chréode consiste en une palette de bpatchers. Chacun d'eux, tout comme notre exemple de la figure 2, vise à générer un morceau de Lisp de façon dynamique. L'utilisateur a simplement besoin de connecter les boîtes selon les “règles” acceptées par le système. Le code entier est ensuite envoyé à une variante de pw.eval-box (evalchreodes), et le résultat peut être observé sous forme de graphiques (plot~) ou les partitions en temps réel.


Figure 4. Un simple patch utilisant des objets Max-Chréode, sur deux paramètres, montrant la génération du code (et leur sortie en commentaire), et la représentation graphique en sortie avec plot~

Un dernier exemple d’application est lié au projet Pre-Tensio, par les compositeurs Colin Roche et Jacopo Baboni Schilingi. Ce projet, situé à la lisière entre installation et performance, vise à représenter la tension créative ressentie par les compositeurs au cours de leur processus de travail. Développé à l’initiative de Colin Roche, Le Livre des Nombres s'appuie fortement sur Max et Lisp pour son dispositif interactif. La performance, d'une durée de 24 heures, a déjà été présentée dans plusieurs galeries d'art à Paris. Le compositeur, équipé de capteurs de rythme cardiaque, écrit de la musique à la table, qui est elle-même équipée de microphones de contact. Le public peut écouter, au moyen d'un casque, une amplification du battement cardiaque du compositeur, ainsi que les différents sons produits par son stylo sur le papier.
En parallèle, un patch Max enregistre l'évolution du battement cardiaque du compositeur sur une longue période, et finit par déclencher une analyse sur SBCL, pour révéler son profil général. Ensuite, le scénario traduit cette morphologie en une série de tempi modulant dans le temps, et la longue liste qui en résulte est imprimée automatiquement à la réception comme une métaphore du coût en temps passé par le compositeur au travail. Des fragments de ces grandes partitions de silence sont finalement transcrits à la main, en notation standard, et offerts au public.

4. ÉVALUATION
Plusieurs améliorations de cette approche devront être apportées. Le manque de transparence du processus en cours, exacerbé par l'utilisation d'un fichier binaire .core comme système de mémoire exige de plonger dans les sources pour obtenir une meilleure compréhension. Pour l'utilisateur, cela implique, bien sûr, une familiarité avec Common Lisp lui-même, mais aussi avec les fonctions spécifiques qui pourraient être invoquées.


Figure 5. Example de “reçu” généré et manuscrit des transcriptions pour Le livre des Nombres (avec l’aimable autorisation du compositeur @ Colin Roche 2016)

Un effort important de documentation et de diffusion aiderait un public plus large à acquérir ces outils. Comme déjà mentionné, une distribution sous forme de package Max constituerait une nette amélioration pour en faciliter l'installation. Un moyen d’accéder directement dans Max à la chaîne de documentation de toute fonction Lisp concernée, mais aussi à une liste de toutes les bibliothèques dans son environnement serait également très utile afin de réduire au minimum le phénomène de "boîte noire".
De plus, il est encore relativement difficile de déboguer du code Lisp dans Max. Pour les petites erreurs, il est possible de récupérer le résultat de toute fonction d'impression de la première sortie du shell externe, qui n'est pas utilisée autrement. Cependant, le débogueur SBCL rend difficile l’accès aux erreurs imbriquées plus profondément. Il est donc nécessaire pour travailler en parallèle sur le terminal ou sur un IDE (éditeur de texte) tels qu'Emacs ou SublimeText, pour identifier où un problème se produit dans un fichier temporaire donné.
En tout cas, ma propre pratique jusqu'à présent a été de faire des prototypes directement dans PWGL, avant de commencer à les traduire dans Max avec des objets bach. C'est là que se trouve une limite de cette approche qui a été soulignée par Jean-Baptiste Barrière après son expérience avec Max-Chréode : le patching avec des générateurs de code peut apporter une confusion entre les aspects sémantiques et pragmatiques d'une abstraction. Bien que le patch dans PWGL semble très similaire à Lisp (puisque le lexique et les règles sont à peu près les mêmes), chaque boîte renvoie en fait son propre résultat après évaluation. En revanche, les générateurs de code ne renvoient rien d'autre que code Lisp imbriqué, ce qui rend le patching direct plus cryptique.
De plus, la dépendance à l'égard du shell externe est toujours problématique. Comme il n'y a pas de soutien officiel de la part de Cycling'74 pour l'interface de ligne de commande, l'avenir de ces technologies n'est pas garanti et repose, au moins pour l'instant, sur la bonne volonté de la communauté des utilisateurs.

5. CONCLUSION
J'ai présenté une méthode pour évaluer du code Lisp en temps réel dans un environnement comme Max, en montrant les différents avantages de cette syntaxe supplémentaire, non seulement pour les utilisateurs existants de la communauté CAC mais aussi pour développer des applications interactives nécessitant l'exécution d'algorithmes de haut niveau en arrière-plan. De nombreuses autres possibilités que celles couvertes dans cet article pourraient être imaginées, par exemple le contrôle des processus audio en temps réel, la transformation ou la synthèse, à l'aide d'un code Lisp sophistiqué.
J'appartiens à une petite communauté de compositeurs qui est vraiment attachée à la CAC en général, et à PWGL en en particulier, comme environnement de travail privilégié. Ce développement ne vise manifestement pas à remplacer OM ou PWGL, mais vise au contraire à rendre leur possibilités accessibles dans desÒ contextes différents.
Cependant, on ne peut pas nier que les environnements Lisp dédiés à la CAC sont aujourd'hui dans une situation délicate comparée au reste de la musique informatique, et qu'ils survivent difficilement dans des contextes socio-économiques qui ne comprennent pas pourquoi ils comptent. Dans le cas où ils viendraient à disparaître, une telle initiative pourrait être considérée comme une mesure de préservation de l'héritage de générations de compositeurs et de chercheurs. Tout comme les esquisses, les partitions et les enregistrements, les environnements logiciels, qu’ils prennent la forme de patchs Max ou code Lisp, ils sont un support pour les connaissances artisanales et l'expression artistique que nous nous efforçons ici de préserver.

6. REFERENCES
[1] Andrea Agostini & Daniele Ghisi, « Real-Time Computer-Aided Composition with bach », in Contemporary Music Review, 1(32), 2013.
[2] Jean-Baptiste Barrière, « L’informatique musicale comme approche cognitive: simulation, timbre et processus formels », in La musique et les sciences cognitives, Ed. S. McAdams & I. Deliège, Pierre Mardaga, Brussels, 1988.
[3] Jean-Baptiste Barrière, « “Chréode”: the pathway to new music with the computer », in Contemporary Music Review, 1(1), 1984
[4] Jean Bresson & Jean-Louis Giavitto, « A Reactive Extension of the OpenMusic Visual Programming Language », in Journal of Visual Languages and Computing, 4(25), 2014.
[5] Mikael Laurson, PatchWork: A Visual Programming Language and some Musical Applications, PhD thesis, Sibelius Academy, Helsinki, 1996.
[6] Örjan Sandred, « PWMC, a Constraint-Solving System for Generating Music Scores », in Computer Music Journal, 34(2), 8-24, 2010.
[7] Julien Vincenot, « On “slow” computer-aided composition », in The OM Composer’s Book Vol.3, Ed. J. Bresson, C. Agon & G. Assayag, Éditions Delatour / IRCAM- Centre Pompidou, Paris, 2016.

1 On peut citer par exemple Common Music ou plus récemment OpusModus, qui s'appuient tous deux sur une interface de programmation textuelle, cf. commonmusic.sourceforge.net | opusmodus.com
2 L'un des plus anciens langages de programmation, le LISP (pour "list processing") a été conçu à l'origine par John McCarthy en 1958. Le Common Lisp est l'un des nombreux dialectes Lisp dérivés de la langue originale, standardisé au début des années 1980, et l'un des plus populaires avec le LISP de Scheme, Clojure et Emacs.
3 cf. http://sites.music.columbia.edu/brad/maxlispj/
4 Lisper, une bibliothèque développée par Alex Graham entre 2011 et 2013, a poursuivi un objectif similaire. Cette approche, contrairement à MaxLISPj, s'appuyait sur le protocole OSC pour établir une communication entre Max 4 ou 5 et une implémentation Lisp telle que Clozure CL. Ce travail n'ayant été porté à la connaissance de l'auteur que récemment, aucune comparaison claire n'a pu être établie entre cette approche et celle décrite dans cet article. Cependant, l'utilisation d'un tel protocole de réseau sera soigneusement étudiée pour les développements futurs, ainsi que son impact possible, positif ou négatif, sur la facilité d'utilisation pour les utilisateurs moyens du système. Cf. https://github.com/thealexgraham/lisper
5 Une règle de Lisp est que toute s-expression doit commencer par un appel de fonction, sinon elle renvoie une erreur. (+ 1 2) est correct car le symbole + est compris comme une fonction. La liste plate (1 2 3), en revanche, retournera une erreur puisque son premier élément 1 n'est pas une fonction. La syntaxe correcte utiliserait la fonction de liste (liste 1 2 3) ou la notation de citation : '(1 2 3) ou (citation (1 2 3)). De même, un symbole unique comme foo doit être mis entre guillemets "foo ou (quote foo)", sinon il sera interprété comme une variable non liée. En d'autres termes, la citation permet de transformer un morceau de code en une donnée.
6 Cette approche a d'abord été discutée à l'IRCAM à l'occasion de la réunion internationale PRISMA 2015. Plusieurs membres avaient remarqué que, dans certaines conditions, les calculs lourds étaient vraiment difficiles à gérer par PWGL ou OM, mais seraient évalués sans problème en Lisp pur. Une première stratégie consistait à utiliser sprintf pour formater le code Lisp, mais elle est rapidement devenue problématique pour de multiples raisons (interface utilisateur confuse, stabilité compromise par la gestion de la mémoire des symboles dans Max, etc.) Cette méthode a été explorée pendant plusieurs mois en collaboration avec les compositeurs Örjan Sandred, Hans Tutschku, Johannes Kretz et Jacopo Baboni Schilingi, puis optimisée et standardisée par l'auteur.
7 Il est évident que toute implémentation de Common Lisp, accessible via une interface de ligne de commande, pourrait être utilisée à la place. La SBCL est l'une des implémentations les plus populaires aujourd'hui : elle est à code source ouvert, multiplateforme et offre de grandes performances. Clozure CL est une bonne alternative, et offre des avantages similaires. Cf. www.sbcl.org | ccl.clozure.com
8 Cet objet externe a été initialement développé par Bill Orcutt, puis mis à jour par Jeremy Bernstein en 2013. Cf. cycling74.com/toolbox/bernstein-shell/
9 Il faut noter ici que, puisque PWGL est gratuit mais non open-source, le code du PMC n'est accessible que sous la forme d'un portage partiel réalisé par Örjan Sandred pour OpenMusic, sous le nom de OMCS.
10 Je profite de l'occasion pour remercier l'équipe des Représentations musicales de l'IRCAM, pour avoir rendu ces sources accessibles au public.
11 Le Cluster-Engine est le successeur des bibliothèques de Sandred OMRC et PWMC [6], respectivement pour OM et PWGL.
12 MOZ'Lib est actuellement maintenu par l'auteur en collaboration avec le compositeur Dionysios Papanicolaou. Il a été initialement soutenu par Ariane# (financé par la région Franche-Comté dans l'est de la France), une initiative axée sur l'extension de la pédagogie à l'aide des outils numériques. Pour une introduction générale à MOZ'Lib, cf. bachproject.net/2016/10/15/mozlib/

Copyright : © 2017 article en libre accès distribué selon les termes de la licence Creative Commons Attribution License 3.0 Unported, qui autorise l'utilisation, la distribution et la reproduction sans restriction sur tout support, à condition que l'auteur original et la source soient mentionnés. Cet article est traduit des proceedings de ICMC 2017 - International Computer Music Conference. Lien vers la publication originale:
https://quod.lib.umich.edu/i/icmc/bbp2372.2017.012/--lisp-in-max-exploratory-computer-aided-composition-in-real?view=image

Julien Vincenot

© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021

Un modèle informatique pour l'analyse de la diversité et de la coordination dans l’orchestration 1
par Charles de Paiva Santana et Didier Guigue


Tant que nous continuerons à nous concentrer presque exclusivement sur le monde de la « note », loin de la réalité du « son », notre technologie analytique restera en deçà des besoins de la création et de la recherche contemporaines. Illustration: Rafael Diniz pour L’Éducation Musicale.

Introduction
Le timbre instrumental et la texture musicale sont deux aspects d'une importance fondamentale pour comprendre la musique, que ce soit dans sa dimension historique, créative ou technologique. Dans la musique occidentale, nombre de grandes percées stylistiques et esthétiques se caractérisent par un changement significatif dans le type de texture musicale et technique instrumentale dominante.
La trajectoire historique, vue à travers l'utilisation d'une certaine texture prédominante, implique nécessairement de nouvelles possibilités technologiques ou créatives liées à la technique et à la qualité du son vocal et instrumental. À partir de compositeurs comme Jean-Philippe Rameau (1683-1764), Hector Berlioz (1803-1869), Ludwig van Beethoven (1770-1827) et Richard Wagner (1813-1883), le timbre instrumental et la texture musicale sont devenus de plus en plus partie intégrante de l'articulation formelle au sein d'une œuvre musicale. Dans les périodes modernes et contemporaines, où les éléments mélodiques et rythmiques, ou même la progression harmonique, ne sont plus les vecteurs principaux de la forme musicale, diverses pratiques de composition sont surtout définies par le modèle spécifique de texture et de sonorité qu'elles emploient.
Bien que la texture pointilliste et la Klangfarbenmelodie de la deuxième école de Vienne, les « nuages » de la micropolyphonie e György Ligeti (1923-2006) et les objets sonores liminales de la musique spectrale de Gérard Grisey (1946-1998) soient des thèmes communs dans la littérature spécialisée, peu de propositions pour une théorie systématique de la couleur sonore et de la texture comme vecteur de la forme musicale ont été mises en avant. Même lorsque nous examinons des partitions musicales où le son et la texture sont les matières premières essentielles de la construction musicale, nous les abordons avec des outils de représentation et de quantification qui n'ont pas la sophistication et la précision qu'exige le travail analytique, surtout si nous comparons ces outils avec ce qui est normalement employé en termes de hauteur, d'harmonie et de rythme.
Si quelques outils pratiques d'orchestration assistée par ordinateur ont été proposés récemment, la plupart des systèmes d'analyse assistée (symbolique), y compris des outils sophistiqués tels que Music21 de Christopher Ariza ou Hundrum de David Huron, ne proposent pas de modèles spécifiques pour l'observation détaillée des configurations texturales. La question du timbre est généralement reléguée à ce que permettent les formats MIDIet MusicXML. Tant que nous continuerons à nous concentrer presque exclusivement sur le monde de la « note », loin de la réalité du « son », notre technologie analytique restera en deçà des besoins de la création et de la recherche contemporaines.
En réponse à ce que nous pourrions appeler une disparité entre le rôle prépondérant de la notion de sonorité dans la composition contemporaine et l'absence de modèles analytiques par les études musicologiques, nous avons développé une stratégie pour étudier concrètement le rôle du timbre et de la texture musicale en tant que véhicule de la forme musicale. Dans ce texte, nous souhaitons présenter le modèle global de notre approche, qui est un travail en cours, ainsi que la mise en œuvre de certains de ses aspects, notamment l'évaluation de l'hétérogénéité et de la diversité des configurations sonores.
Notre recherche s'appuie sur les considérations théoriques faites par Wallace Berry dans le classique Structural Functions in Music (1976) et sur la représentation numérique et la manipulation combinatoire subséquente, fondées sur la théorie mathématique des Integer Partitions, proposées par le compositeur brésilien Pauxy Gentil-Nunes (2009).
Notre stratégie propose :
Une représentation numérique générale qui permet l'abstraction et la manipulation informatique ultérieure de configurations texturales.
Une hiérarchie de « critères de dispersion », ou « situations texturales », qui permet de stratifier la surface musicale en différentes « composantes réelles ».
Une mesure qui permet de quantifier les relations d'hétérogénéité dans les configurations texturales: une mesure qui estime la diversité des ressources sonores utilisées pour la réalisation de configurations texturales.
Un modèle de « complexité relative des textures » basé sur la diversité de l'orchestration et la complexité de la répartition des composants réels dans une œuvre musicale donnée.
Les fonctions mettant en œuvre le modèle ont été programmées dans un progiciel (SOAL) pour OpenMusic, un environnement de composition assistée par ordinateur développé à l'Institut de Recherche et de Coordination Acoustique/Musique (IRCAM), et sous forme de Jupyter Notebook, utilisant le langage de programmation Python.

Principaux concepts et étude pré-analytique
Notre stratégie considère la texture musicale et spécialement l'instrumentation comme des aspects de l'expression musicale principalement abordés à travers deux perspectives complémentaires. La première perspective concerne ce que l'on pourrait appeler l'aspect normatif du code écrit, c'est-à-dire les questions liées aux instructions et aux décisions des compositeurs telles qu'elles apparaissent dans la partition musicale ou sont révélées dans une transcription. Elle est liée à ce que nous appelons dans le vocabulaire musicologique le niveau symbolique.
En général, les analyses basées sur la représentation symbolique peuvent traiter, grosso modo, des questions de grammaire compositionnelle et de notation musicale. L'analyse au niveau symbolique de l'orchestration et de la texture est la norme, car la partition nous permet d'accéder à des données qui seraient autrement difficiles à obtenir, notamment en ce qui concerne la composition précise de chaque voix ou partie instrumentale dans une configuration texturale ou orchestrale. Les informations facilement accessibles dans une partition musicale ou une transcription musicologique peuvent être très difficiles à obtenir par la simple écoute d'une performance ou par des moyens informatiques à partir d'enregistrements sonores réalisés par l’orchestre.
Le deuxième point de vue porte sur la réalité pratique et acoustique de la performance musicale. C'est-à-dire que la deuxième perspective, à caractère complémentaire, porte sur le résultat sonore ou la « sonorité » de ces prescriptions et instructions symboliques. Après tout, la façon dont une note ou une instruction instrumentale donnée sonne réellement fait également partie de ce qui stimule l'imagination des compositeurs pour les sélectionner et les structurer dans une conception formelle particulière. Les performances musicales peuvent être examinées, par exemple, au moyen des fichiers audio de leur enregistrement et des outils de traitement du signal.
En reconnaissant le poids et la complémentarité de ces deux facettes, nous espérons éviter les conclusions précipitées ou les surestimations lorsqu'une observation est faite en regardant principalement la partition ou principalement l'enregistrement d'une interprétation.
La discrétisation de la composition musicale en segments successifs et distincts sur le plan instrumental, tant dans le registre symbolique que dans le registre audio, joue un rôle central dans notre approche. Cela signifie que la partition musicale et les fichiers audio de l'enregistrement sont divisés en sous-sections pertinentes, qui, en fait, peuvent ou non correspondre à des hypothèses formelles plus traditionnelles. En d'autres termes, quand une composition est segmentée selon le timbre instrumental et la technique de jeu employés par le compositeur, elle peut coïncider avec la façon dont d'autres paramètres sont structurés, comme le contour mélodique et la progression harmonique, ou elle peut se révéler comme une dimension indépendante.
À titre d'exemple simple, on peut citer le Boléro de Maurice Ravel (1928), remarquable illustration de l'idée de placer l'orchestration au centre du développement musical alors que d'autres paramètres, tels que la hauteur, le rythme et le tempo, sont fixes. Dans la partition la plus reconnue du compositeur français, chaque fois que le thème en do majeur ou le contre-thème phrygien est repris, une nouvelle configuration orchestrale est déployée. Par conséquent, segmenter et isoler la forme orchestrale du Boléro de Ravel correspondrait à délimiter chaque succession mélodique, qui se produit toutes les 16 ou 18 mesures.
L'orchestration magistrale d'Anton Webern (1883-1945) du Ricercar a 6 (1935) de l'Offrande musicale de Jean Sébastien Bach divise son célèbre thème royal et ses contre-mélodies en plusieurs fragments, à chacun desquels une palette large et variée de couleurs orchestrales est mise en jeu. La présentation du thème de vingt-et-une notes, au tout début de la partition, est rendue par cinq configurations instrumentales uniques au cours de six fragments mélodiques (un cor solo avec sourdine, jouant doucement, est employé dans deux fragments différents) et, à partir de là, l'orchestration devient de plus en plus détaillée. Dans le cas de Ricercar, la segmentation et l'isolement de la forme orchestrale révèlent une relation beaucoup moins linéaire avec le matériau thématique et contrapuntique, bien que la manière particulière dont Webern les aborde soit fortement liée à son interprétation des caractéristiques structurelles internes de la composition originale.
La segmentation dans le domaine symbolique est réalisée en examinant d'abord la partition et en cataloguant chaque composante individuelle de la palette sonore de l'orchestre. Cela signifie que non seulement les instruments nécessaires pour jouer la composition sont identifiés, mais aussi chaque mode d'exécution indiqué dans la partition, y compris les techniques de jeu dites étendues, et les effets, tels que pizzicato, con sordina, harmoniques, flatterzunge, col legno, sul ponticello, etc. D'autres informations sont également collectées, comme le nombre de fois où la même ressource sonore peut être utilisée simultanément.
Nous appelons ce catalogue le Sonic Resource Index (SRI), et il prend généralement la forme d'une liste ou d'un tableau textuel (voir tableau 1). En suivant chaque changement dans l'orchestration, nous pouvons diviser la partition musicale en une séquence de blocs ou d'unités simples. Chacun de ces blocs est appelé Local Sonic Setup ou LSS en abrégé.

Tableau 1 : Indice de ressources sonores du De Natural Sonoris n°1 (1966) de Krzysztof Penderecki (1933). La partition précise 86 musiciens, y compris le nombre exact de cordes nécessaires pour chaque section. La partition indique un total de 60 effets sonores différents, dont 52 sons différents peuvent être joués simultanément.

instr. #musiciens #ressources max-sim.
4 fl. (2 picc.) 4 2 2
ob. 3 1 1
eh. 1 1 1
cl. 2 1 1
bcl. 1 1 1
sax. 2 1 1
bn. 3 1 1
cbn. 1 1 1
hn. 6 1 1
tpt. 4 1 1
tbn. 3 1 1
tba. 1 1 1
perc. 6 24 6
pf. 1 1 1
harm. 1 1 1
flexatone 1 1 1
vn. 24 8 8
vl. 8 8 8
vc. 8 8 8
db. 6 6 6
Total 86 60 52

Une fois que la LSS de la partition a été établie, les fichiers audio pertinents de ses représentations sont divisés de manière appropriée en sections. Chacun de ces segments de fichiers audio est appelé Local Audio Unit (LAU). La LSS et la LAU peuvent être étudiées à l'aide d'un certain nombre de descripteurs numériques. L'analyse des LAU peut être effectuée en utilisant plusieurs algorithmes pour extraire les caractéristiques audio, telles que le centroïde spectral, le zero-crossing rate, la spectral roll-off, le MFCC, etc.
Une LSS peut être abordée, par exemple, en comptant les ressources sonores qu'elle utilise. À cette fin, nous avons développé une mesure, que nous appelons le nombre pondéré de ressources sonores ou WNR (Weighted Number of Sonic Resources). Une LSS peut également être examinée à l'aide d'une fonction appelée Relative Voicing Complexity (RVC), que nous décrirons plus loin dans ce document. Un certain nombre de descripteurs numériques pour la LSS et la RVC sont combinés pour obtenir une mesure de la complexité relative de l'orchestration et de la texture musicale.

La représentation numérique et l'analyse partitionnelle
Dans notre approche, la texture musicale est représentée par une liste imbriquée contenant des nombres entiers. Considérons par exemple la liste simple suivante : [2,1,2]. Elle peut se référer à un segment musical, où : 2 voix sont coordonnées dans une première « partie texturale » ; une couche intermédiaire est composée d'une seule voix et, enfin, 2 autres voix sont également coordonnées dans une troisième couche séparée. Cette configuration texturale pourrait, par exemple, dans le cas d'un quintette à vent, être matérialisée par : 2 instruments, un piccolo et un hautbois, jouant, disons, des dyades rythmiques staccato ; une clarinette unique jouant une partie différente et indépendante ; les deux instruments restants, un cor et un basson, assurent le registre inférieur tout en étant renforcés par une sorte de doublage ou de transformation contrapuntique.
C'est le cas d'un petit extrait, le début de la coda du deuxième mouvement du Quintette à vent (1924) d'Arnold Schoenberg (1874-1951), op. 26, mesures 360-362, illustré dans la figure 1 ci-dessous.


Figure 1 : Mesures 360-362 du quintette à vent d'Arnold Schoenberg, op. 26. L'extrait peut être représenté par la liste [2,1,2].

Dans l'extrait dodécaphonique ci-dessus, nous pouvons observer que le piccolo et le hautbois peuvent être vus de manière analytique, et peut-être entendus, comme une strate homogène de la texture, car ils partagent les mêmes rythmes, articulations et expressions. Même s'ils jouent sur des hauteurs différentes, ils contribuent à la perception de l'homogénéité par le biais d'un mouvement contraire coordonné (formes sérielles inversées).
On pourrait dire exactement la même chose de la couche texturale constituée par le cor et le basson. Bien que différents de la première strate, ils partagent également le même rythme, la même articulation et la même expression, établissant ainsi une autre composante distincte de la surface musicale. La couche intermédiaire, menée par la clarinette, reçoit un caractère différent, avec des attributs soigneusement choisis pour en ressortir comme une autre composante de la texture musicale.
À ce titre, dans de telles configurations texturales, n observe des relations de coordination, d'homogénéité, se produisant en même temps que des relations d’hétérogénéité. .
Il va sans dire que la liste ordinaire de trois nombres entiers présentée ci-dessus pourrait représenter un nombre infini de situations texturales, et pas seulement celle de l'exemple de Schoenberg. En outre, il n'est pas toujours facile de déterminer de manière catégorique ce qui est coordonné ou non ; il existe des gradations de ce qui peut être considéré comme uniforme ou hétérogène.
Notez que la liste [2, 1, 2] est équivalente à la liste non ordonnée [2, 2, 1], les deux signifiant une configuration texturale de trois strates de deux paires et une seule ressource sonore. Ainsi, l'extrait ci-dessous du Pierrot Lunaire, Raub, mesures 16-17, a une configuration texturale analogue à celle de l'extrait du quintette à vent ci-dessus :


Figure 2 : Mesures 16-17 du Pierrot Lunaire d'Arnold Schoenberg, Raub. L'extrait fait référence à une autre instance de la configuration sonore [2,1,2] ou [2,2,1].

Dans cet extrait, la flûte et la clarinette, le violon et le violoncelle, et le récitant matérialisent les trois strates de la configuration texturale [2, 2, 1]. Si, dans l'extrait du quintette à vent, l'homogénéité des parties coordonnées était renforcée par un mouvement contraire, ici l'homogénéité des strates coordonnées (fl. et cl., vln. et vc.) est cimentée par leur timbre, car elles font partie des mêmes familles d'instruments (bois contre cordes contre voix). On pourrait dire que les composants réels sont formés par l'homorythmie et l'homochromie (c'est-à-dire ayant une couleur de son similaire ou identique).
Chaque strate, ou couche, d'une configuration texturale est appelée un composant réel. il peut se référer à une ou plusieurs ressources sonores coordonnées. (voir Berry, 1987).
En fait, il existe dix-huit façons de représenter le nombre 5 comme la somme d'autres nombres entiers. Cela signifie que si un compositeur veut employer jusqu'à cinq ressources sonores sur un passage musical donné, il peut choisir de les disposer dans l'une des dix-huit combinaisons de groupes et de parties individuelles. Ces combinaisons comprennent également toutes les partitions des sous-groupes, ainsi que les combinaisons de quatre, trois et deux ressources sonores simultanées plus une ressource seule. Les partitions d'un groupe de cinq ressources sonores maximum et leur représentation numérique sont indiquées dans le tableau ci-dessous :
[5][4,1][3,2][3,1,1][2,2,1][2,1,1,1][1,1,1,1,1]
[4][3,1][2,2][2,1,1][1,1,1,1]
[3][2,1][1,1,1]
[2][1,1]
[1]

Maintenant, examinons la liste [1, 1, 1, 1, 1]. Elle est longue de cinq éléments et décrit une texture de cinq ressources sonores jouant des rôles indépendants. Cette configuration est plus complexe que, disons, la configuration représentée par la liste [2, 1, 1].
Le cas le plus simple pour une texture composée d'un nombre quelconque de ressources sonores est la liste simple [1] qui représente une texture composée d'un seul instrument solo. Ainsi, nous disons que la complexité de la texture est fonction de son degré de dispersion et de la valeur totale de ses composantes réelles.
Pour calculer les taux d'interdépendance et d'indépendance, désignés ci-dessous comme les degrés d'agglomération et de dispersion, respectivement, d'un Local Sonic Setup donné, nous devons d'abord compter chaque combinaison, ou plutôt chaque relation possible de deux éléments quelconques du LSS. Nous pouvons le faire en nous référant à la formule générale pour trouver le nombre de combinaisons de p objets à partir d'un ensemble de n objets, connue sous le nom de n choose p. Nous ferons référence au nombre total de paires uniques de toute ressource ou composant réel d'une configuration donnée comme 𝑇2 ou simplement 𝑇. En résolvant n pour p égal à 2, nous le définirons comme une fonction de la manière suivante :

Le nombre total de paires uniques, successives, T2(T) lorsque n est mis en correspondance avec les huit premiers entiers positifs, soit 1, 2 ... 8 est égal à 0,1,3,6,10,15,21,28 (cf. Gentil-Nunes, 2009).
Il s'ensuit que, pour calculer le taux d'interdépendance, ou d'agglomération, d'une LSS donnée, nous devons faire la somme de la valeur 𝑇2 de chacun de ses composants. Par exemple, le taux d'agglomération de la configuration représentée par la liste [2,1,1] est donné par (𝑇2 (2) + 𝑇2 (1) + 𝑇2 (1)), ce qui correspond à 1. Il est formellement défini par la fonction de somme suivante

où la liste [𝑎0 ... 𝑎𝑟-1] représente une LSS, 𝑎i chacun de ses éléments, c'est-à-dire ses composantes réelles, et r la longueur de la LSS. Nous désignons le taux de dispersion d'une LSS donnée comme étant la différence entre la valeur 𝑇2 e sa somme par son taux d'agglomération :

où 𝜌 est une somme, le nombre de ressources sonores de la LSS
La figure 3 montre les taux de dispersion et d'agglomération pour une section (mesures 56-73) des Variations pour orchestre d'Anton Webern, op. 30.

Les critères de dispersion
La détermination des relations d'hétérogénéité et d'homogénéité présentes dans une configuration texturale donnée, lorsqu'elle est effectuée de manière trop déterministe, peut être limitative et naïve. L'un des plus grands défis de la méthodologie présentée ici est de la rendre suffisamment flexible pour être applicable dans des situations réelles d'analyse musicale, sans qu'elle devienne totalement arbitraire ou applicable sur une base purement ad hoc.
Il faut trouver un moyen d'incorporer dans le modèle une gradation ou un degré de confiance dans la classification d'une configuration sonore donnée comme étant plus homogène. La représentation pourrait comprendre, par exemple, les critères pris en compte et leur poids respectif pour qualifier les configurations texturales.


Figure 3 : Valeurs d'agglomération et de dispersion pour les Local Sonic Setups successifs des mesures 56-73 d'après les Variations pour orchestre op. 30 d'Anton Webern.

C'est pourquoi nous avons mis en œuvre une stratégie provisoire et expérimentale pour traiter les situations où des aspects autres que la coordination rythmique s'avèrent plus importants pour l'analyse. Lors de l'analyse de telles situations, le musicologue organise, dans un ordre hiérarchique, les aspects, ou paramètres, de la surface musicale, qui étaient importants pour déterminer les différentes strates des configurations texturales. Pour chaque segment de la composition considérée, un critère approprié est attribué.
En nous inspirant de Wallace Berry (1987), nous proposons la liste suivante de critères de dispersion, classés par poids :
Hétérochromie dominante : lorsque la stratification des ressources sonores est soutenue par le timbre et la famille instrumentale.
Hétérorythmie dominante : lorsque les ressources sonores sont stratifiées en composantes réelles basées sur la coordination rythmique, mais non sur la couleur sonore. Elle peut être soutenue par d'autres aspects comme la dynamique et l'articulation.
Hétérocinésie mélodique : lorsque la coordination rythmique ne peut être déterminée et que les composantes réelles sont différenciées principalement par la directionalité des hauteurs.
Hétéroarthrie : lorsque la coordination rythmique ne peut être déterminée et que les composantes réelles partagent la même articulation (ex. : composante réelle legato contre composante réelle staccatto).
Hétérophonie : lorsque la texture est homocinétique et homorythmique, mais que les composantes réelles peuvent être distinguées sur la base des variations entre les intervalles mélodiques.
Chaque critère correspond à un nombre entier, le poids étant inversement proportionnel à la magnitude, c'est-à-dire que l'hétérochromie correspond à 1, l'hétérorythmie à 2, etc. Les trois derniers critères sont nettement moins courants. Dans la plupart des situations analytiques, seuls les deux premiers critères sont utilisés.
En tenant compte des critères ci-dessus, la représentation texturale des exemples précédents peut être adaptée de la manière suivante :
Le quintette à vent de Schoenberg, mesures 360-362 : [[2,1,2],2] signifiant [[Picc + Ob, Cl, Hn + Bn], “Hétérorythmie"].
Pierrot Lunaire, Raub, mesures 16-17 : [[2, 1, 2], 1] signifiant [[Fl + Cl, Vn + Vc, V], “Hétérochromie"].

Les fonctionnalités mises en œuvre
La Sonic Object Analysis Library (SOAL) est une bibliothèque externe OpenMusic que nous développons à l'Université de Campinas (UNICAMP, État de São Paolo, Brésil). Elle est conçue pour être utile à toute une série de fins analytiques et soutient une approche top-down.
La bibliothèque est modulaire et permet l'intégration de nouvelles fonctionnalités. SOAL facilite l'identification et l'analyse des structures musicales en comparant les qualités sonores relatives d'une séquence de configurations et en les représentant par un vecteur de complexité relative (de 0 à 1, du plus simple au plus complexe).
Dans cette section, nous décrivons une partie des outils que nous avons mis en œuvre dans le paquet SOAL dans le cadre du modèle d'analyse de l'orchestration et de la texture.

The Weighted Number of Sonic Ressources (Le nombre pondéré de ressources, WNR)
Un segment employant quatre ressources sonores coordonnées avec une autre jouant un rôle indépendant est représenté par la liste [4, 1] ; pour calculer combien de ressources jouent dans cette configuration, il suffit d'additionner la liste, ce qui donne 5. Le premier argument dont WNR a besoin est une séquence de ces sommes, ou le taux de ressources sonores par LSS.
La fonction WNR demande également un second argument. Il se réfère à la quantité de ressources pouvant être jouées à une configuration donnée (déterminé par le SRI). Dans l'exemple ci-dessus, la configuration [4, 1] employant 5 ressources pourrait faire partie d'une pièce nécessitant un effectif instrumental beaucoup plus important. Si cette configuration emploie 5 ressources sur un total de 20 possibles, cela signifie qu'elle ne désigne que 25 % de ce total. La fonction WNR calcule alors les rapports entre les ressources utilisées et le total des ressources.
La fonction met toutefois en œuvre un traitement supplémentaire : les logarithmes des termes sont utilisés pour pondérer les quotients. Cela permet d'atténuer les ratios des structures où seul un petit nombre de ressources est utilisé. Cet artifice permet de repérer les points les plus élevés des configurations denses sur un graphique [plot] WNR et modélise potentiellement la façon dont nous percevons réellement ces changements.
Notez que le taux de ressources par LSS (premier argument) ne doit pas être supérieur aux ressources totales (deuxième argument).

The Relative Voicing Complexity (Complexité relative de la conduite des voix, RVC)
La relative voicing complexity s'articule autour du calcul des taux d'agglomération et de dispersion. Un de ces rapports peut être choisi pour calculer une valeur pondérée en fonction du critère de dispersion et du nombre de critères considérés dans l'analyse. Le résultat de cette pondération est le principal résultat de la fonction. La figure 4 montre la fonction en cours d'exécution sur un patch OpenMusic.
Les dix valeurs de sortie fournies par la fonction sont :
(i) les agglomérations ;
(ii) les agglomérations négatives ;
(iii) les dispersions ;
(iv) une mesure expérimentale que nous appelons tendance texturale ;
(v) les rapports successifs d'agglomération sur le nombre de paires ;
(vi) les rapports successifs de dispersion sur les nombre de paires ;
(vii) les rapports successifs de l'évolution texturale sur le nombre de paires ;
(viii) l'agglomération, dispersion ou tendance texturale pondérée par le critère de dispersion et nombre de critères ;
(ix) l'agglomération normalisée, dispersion, ou tendance pondérée par le critère de dispersion choisi et le nombre de critères; et
(x) le nombre de paires uniques utilisé par l’analyse.


Figure 4 : Patch OpenMusic avec le prototype de fonction soal-texture-complexité utilisé pour analyser les mesures 56-82 des Variations pour orchestre d'Anton Webern, op. 30.

The relative setup complexity (La complexité relative du setup, RSC)
Le raisonnement à la base de la fonction Relative Setup Complexity repose sur le fait que le nombre de composants réels (et de combinaisons par paires) avec lesquels une configuration peut être structurée est déterminé par le nombre de ressources sonores disponibles. Par exemple, dans un extrait musical où seules deux ressources sonores sont utilisées, comme dans un duo, il y aura beaucoup plus de chances que leurs parties aient un degré d'indépendance plus élevé que dans un tutti de soixante instruments, ce qui n'empêchera pas la texture d'un tel duo de rester limitée malgré la plus grande indépendance.
Par conséquent, les estimations calculées avec la fonction Relative Voicing Complexity ne sont pertinentes que si elles sont faites en interaction avec celles obtenues par le nombre pondéré de ressources.
C'est pourquoi nous utilisons la sortie de la fonction WNR pour « moduler » les valeurs renvoyées par RVC, de la même manière que nous le faisons avec la technique sonore de « modulation de fréquence ». Elle peut être décrite par l’équation
SRC = WNR + (WNR × RVCw) × tw
w, est un poids, un pourcentage du modulateur RVC, et t est la durée.

SOAL partitional analysis
Les mesures précédentes sont combinées pour former la fonction SOAL partitional analysis, qui est la principale composante de notre mise en œuvre. Elle produit toutes les mesures significatives proposées par le modèle. Elle attend comme paramètres d'entrée la liste combinée des arguments utilisés pour les fonctions RVC, RSC et WNR.
Figure 4 : Patch OpenMusic avec le prototype de fonction soal-texture-complexité utilisé pour analyser les mesures 56-82 des Variations pour orchestre d'Anton Webern, op. 30.
La fonction, en conséquence, renvoie le nombre de sorties de la fonction RVC, ainsi que la sortie RSC triée et non triée (zippée avec des numéros de mesure). Le code de cette fonction est donné dans la listings 1 ci-dessous.

Conclusions
Notre modèle expérimental d'analyse assistée par ordinateur propose une stratégie pour évaluer le rôle de l'orchestration et de la texture musicale dans la structuration de la forme musicale. Il opère en examinant le niveau symbolique des prescriptions de la partition et le niveau acoustique de la musique interprétée. L'analyse que nous proposons fait appel à une application de la théorie des partitions. Nous avons décrit comment collecter et formater les données de la partition, son contexte mathématique, le fonctionnement de la fonction mise en œuvre et le type de résultats qu'elle peut produire.
Nous avons déjà appliqué ce modèle dans un certain nombre d'études de cas comme la Symphonie op. 21 d'Anton Webern, la Sinfonia em Quadrinhos d'Hermeto Pascoal et Les Boréades de Jean-Philippe Rameau.
La branche audio de notre méthode sera le principal point d'investigation dans les travaux futurs, ce qui implique le choix, l'importation, le développement et la mise en œuvre de descripteurs d'audio features appropriés. L'impact de la durée d'une LSS sur la perception musicale globale devrait également être traité de manière appropriée dans les prochaines étapes de notre travail. Sur la base de nos premiers résultats expérimentaux, nous espérons que notre outil aidera les musicologues à jeter un nouvel éclairage sur le rôle de l'orchestration dans la structuration de la forme musicale.

Remerciements
Cette recherche est soutenue par la Fondation de recherche de l’État de São Paulo (FAPESP) dans le cadre de la subvention 2018/04229-6 et par le Conseil national brésilien pour le développement scientifique et technologique (CNPq).

Références
Andrews, G. (1984) The theory of partitions. Cambridge University Press.
Berry, W. (1987) Structural functions in music. Dover, New York.
Gentil-Nunes, P. (2009) Análise particional: uma mediação entre composição musical e a teoria das partições. Ph.D. Thesis. Universidade Federal do Estado do Rio de Janeiro.

1. def soal_partitional_analysis (partitional_analysis,
2. total_resources,
3. number_of_criteria,
4. factor,
5. bar_labels,
6. mod_weight,
7. option):
8.
9. partitions = texture_dispersion(partitional_analysis)
10. resources_per_segment = resources_per_lss(partitions)
11. criteria_of_dispersion_per_segment = order_number(partitional_analysis)
12. voicing_complexity_multi_values = voicing_complexity(partitions,
13. resources_per_segment,
14. criteria_of_dispersion_per_segment,
15. number_of_criteria,
16. factor,
17. option)
18. wnr = weighted_number_of_resources(resources_per_segment, total_resources)
19.
20. # Outputs
21. layers_per_segment = number_of_real_components(partitions)
22. max_total_pairw_comb = voicing_complexity_multi_values['total_pairwise_combinations']
23. agglo_per_segment = voicing_complexity_multi_values['agglomerations']
24. neg_agglo_per_segment = voicing_complexity_multi_values['negative_agglomerations']
25. disp_per_segment = voicing_complexity_multi_values['dispersions']
26. tendency_per_segment = voicing_complexity_multi_values['tendency']
27. agglos_over_t_resources = voicing_complexity_multi_values['agglomerations_over_t_resourc es']
28. disps_over_t_resources = voicing_complexity_multi_values['dispersions_over_t_resources' ]
29. tends_over_t_resources = voicing_complexity_multi_values['tendency_over_t_resources']
30. weighted_option = voicing_complexity_multi_values['weighted_option']
31. norm_weighted_option = voicing_complexity_multi_values['norm_weighted_option']
32. rsc = relative_setup_complexity(wnr, weighted_option, mod_weight)
33. sorted_rsc_and_bar_labels = sort_rsc_output_descendingly(bar_labels, rsc)
34.
35. print(factor)
36.
37. return {'wnr' : wnr,
38. 'lay' : layers_per_segment,
39. 'max' : max_total_pairw_comb,
40. 'aggl': agglo_per_segment,
41. 'negg': neg_agglo_per_segment,
42. 'disp': disp_per_segment,
43. 'tend': tendency_per_segment,
44. 'aggt': agglos_over_t_resources,
45. 'dist': disps_over_t_resources,
46. 'tent': tends_over_t_resources,
47. 'weig': weighted_option,
48. 'neig': norm_weighted_option,
49. 'rsc' : rsc,
50. 'srsc': sorted_rsc_and_bar_labels}

Listings 1: Code Python implémentant la fonction SOAL Partitional Analysis, le principal composant de notre mise en oeuvre.

Charles de PAIVA SANTANA et Didier GUIGUE

© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021

ENTRETIENS / INTERVIEWS

Une conversation avec la compositrice Elżbieta Sikora (Première partie)
Anthony MONDON

La compositrice franco-polonaise Elżbieta Sikora (https://elzbietasikora.com) ne cesse de nourrir son corpus d’œuvres avec notamment son Concerto pour violon, Soleos pour violon et électronique, Running North pour carillon, Instants fugitifs pour piano. Nommée chevalier de la Croix du Mérite en Pologne en 1997 et chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres en France en 2004, cette compositrice audacieuse a toujours conjugué musique électronique et musique acoustique. L’Éducation musicale revient vers elle, après son interview accordée à Michèle Tosi en 2016 (https://www.leducation-musicale.com/index.php/recensions-de-spectacles/5666-elzbieta-sikora-une-compositrice-polonaise-engagee), sur l’évolution de sa trajectoire et ses conceptions de la musique au sein de la société actuelle…


©Bartek Barczyk

Qui êtes-vous, Elżbieta Sikora ?
Un être humain. Femme, compositrice, ingénieur du son, polonaise et française, mère et grand-mère.

Pouvez-vous nous raconter votre rencontre avec Pierre Schaeffer et le GRM ?
Un jour de juin 1968, après avoir obtenu le diplôme d’ingénieur du son à l’École supérieure de musique à Varsovie, je décide de venir à Paris. Sans argent, sans voiture, il faut faire de l’auto-stop. Le voyage prend un mois. En passant par Cologne, Zurich, Venise. C’est Monte Carlo qu’une tante lointaine évoque le stage de musique électroacoustique à Radio France. Je m’y intéresse et une fois à Paris, je fonce. Il faut passer un test, je ne parle que très peu français et je stresse. Miracle, je suis reçue ! Une grande joie et aussi de la fierté. C’est comme cela que j’ai connu Pierre Schaeffer, en octobre 1968. Quel personnage ! Rapidement, je passe des jours et des nuits au studio. En tant qu’ingénieur du son, je me débrouille très bien avec la technique. Montage, mixage, manipulations diverses sur des machines magiques, comme le phonogène, ne me font pas peur. Pierre Schaeffer devient mon guide spirituel, je suis fascinée par le personnage, par son ouverture d’esprit (à l’époque), par son talent d’orateur et ses idées novatrices : ouvrir nos oreilles aux sons, faire abstraction du contexte anecdotique, pouvoir systématiser l’immensité de l’univers sonore apparemment sans fin. Je participe à ses master classes sans trop comprendre, je note tout, je travaille mon instrument, suivant le conseil donné inlassablement par Schaeffer. Le GRM, c’est aussi un groupe de compositeurs tous originaux et intéressants : François Bayle, Guy Reibel, Bernard Parmeggiani, Ivo Malec, Luc Ferrari et beaucoup d’autres. Des personnalités fortes qui nous accompagnent dans cette aventure magnifique avec leur savoir-faire. Il y a aussi les co-stagiaires, Dieter Kaufmann, Eta Midič, Michel Chion, Françoise Barrière, Christian Closier. Nous faisions la musique ensemble et nous partons pour Avignon présenter une œuvre collective, Musiques éclatées, reçue par des jets de tomates et d’œufs, nous vivons tous intensément ces deux années qui marquent nos vies et nos carrières. J’y compose ma première œuvre, Prénom. Des années plus tard, je la recompose, pour Pierre Schaeffer, en lui donnant un nouveau titre, Flashback.

Quelle a été la visée et l’impact de groupe de compositeurs « KEW » ?
En juin 1970, je suis retournée à Varsovie. C’est aussi le retour à des études musicales plus classiques, dans le département de composition, dans la classe de Tadeusz Baird, puis celle de Zbigniew Rudzinski. La rencontre avec Krzysztof Knittel et Wojciech Michniewski devient vite une amitié solide. Nous parlons beaucoup ensemble, nous échangeons des idées. La volonté de créer un groupe surgit tout naturellement. Nous voulons nous libérer de la prédominance de l’École polonaise qui occupe trop, selon nous, le terrain. Nous sommes jeunes et modernes, voulons faire connaître notre modernité. modernité. Nous avons besoin de nous affirmer. Notre premier concert fait tilt, nous partons en tournées, nous nous produisons au festival Automne de Varsovie, nous allons à Berlin, Vienne, Stockholm. Très avant-gardiste, le KEW combine l’image avec le son, introduit l’action scénique, le happening dans l’espace de concert trop restreint, selon nous. Nous composons ensemble, discutons, improvisons. Le son, son timbre, son évolution dans le temps nous intéresse tout d’abord, mais aussi le contexte, la forme musicale, l’approche expérimentale, en un mot : le nouveau, l’original. Et bien sûr les nouvelles technologies disponibles. Dès le tout début, nous utilisons dans nos compositions l’électronique ainsi que des objets sonores très divers et de diverses provenances. Après trois années très intenses, tout en restant liés par l’amitié qui durera, nous arrêtons de travailler ensemble et continuons séparément à chercher nos voies respectives. Le KEW devient un groupe mythique qui symbolise jusqu’aujourd’hui la liberté artistique et l’audace.

Quelle a été votre relation avec l’IRCAM et ses personnalités ?
L’Ircam a été une extraordinaire aventure. En 1981, à Varsovie, a eu lieu la création de mon œuvre électronique, La Tête d’Orphée,composée au Studio expérimental de la Radio polonaise, l’un des premiers en Europe, fondé dès 1956 ! Par un heureux concours de circonstances, parmi le public se trouvait Tod Machover, le compositeur américain, qui travaillait alors à l’Ircam. Après le concert, il m’a proposé de venir composer dans les studios de cette extraordinaire institution. Déjà, en 1975, lors d’un de mes séjours à Paris, j’avais eu l’occasion de visiter l’Ircam, encore en travaux, et de rencontrer une partie de la première équipe dont Jean-Claude Rosset et Luciano Berio. Michel Decoust a été mon guide. Ça m’a beaucoup impressionnée ! Tout comme le Centre Pompidou, ce bâtiment fabuleux, unique au monde.
En 1981, à l’Ircam, il fallait apprendre à se servir des ordinateurs, maîtriser la programmation en différents langages informatiques, tels Music V, Lisp, Pascal. En été 1981, nous avons été nombreux à faire le stage d’un mois avant de commencer à composer. J’y ai rencontré, entre autres, Philippe Manoury, Horatiu Radoulescu, Gérard Grisey, Arnaud Petit. J’avais derrière moi quelques années de pratique de la musique électronique au GRM à Paris, à l’Imeb à Bourges et au Studio expérimental de la Radio polonaise à Varsovie. Partout on utilisait alors encore la technique analogique. L’informatique n’entrait que timidement dans l’environnement technique des studios. L’Ircam a joué dans ce domaine un rôle de précurseur. Les ordinateurs qu’il mettait à la disposition de chercheurs et de compositeurs étaient énormes, il fallait les garder dans une salle réfrigérée, le temps de calcul n’était pas immédiat. Et j’avoue que programmer n’était pas mon fort ! Le stage passé, il fallait néanmoins commencer à composer. Avec l’assistance de Marc Battier, l’aide de Pepino di Gunio (qui a construit la 4A et la 4X dont s’est servi Pierre Boulez pour Répons), en combinant les techniques mixtes analogiques et informatiques, j’ai composé La Tête d’Orphée II pour flûte et bande. Les inoubliables heures passées dans différents studio de l’Ircam, souvent tard la nuit ! Les discussions autour de la machine à café du 1er sous-sol, la rencontre avec Pierre Boulez, la participation à des conférences, les concerts, ont été très formateurs pour moi. Tout en gardant un certain lien avec l’Ircam, j’ai travaillé ensuite à l’Ina/GRM et ailleurs. Le retour à l’Ircam après plus de trente ans a été une nouvelle révélation. En 2016-2017, j’y ai réalisé la partie de l’électronique life de Sonosphère IIIet IV,œuvre pour orchestre et électronique, créée à Wroclaw, au festival Musica Electronica Nova, dont je quittais la direction artistique au même moment. En plus des trente ans qui séparent La Tête d’Orphée II et la Sonosphère IIIet IV, j’ai apprivoisé l’informatique, je l’ai même enseignée au Conservatoire d’Angoulême. La technologie numérique est devenue bien plus composers friendly qu’en 1981. qu’en 1981. En plus, à l’Ircam le compositeur est très entouré aujourd’hui. Assisté des RIM, dans mon cas l’extraordinaire Sébastien Naves, il ou elle trouve facilement comment transmettre une idée sonore pour qu’elle soit réalisée par ces programmes, ces patches, et ses nouvelles machines dont le développement continue.
Que dire d’autre ? Ma première œuvre pour flûte et bande, La Tête d’Orphée. II n’a pas été accueillie avec grand enthousiasme par Pierre Boulez ; mon esthétique, jugée peut-être trop expressionniste  était loin de la perfection structuraliste de l’Ircam. Je ne rentrais pas dans le moule. C’est plusieurs années plus tard que cette œuvre a été jouée par Emmanuelle Ophèle qui l’a enregistrée ensuite pour son disque Solo&electronic paru chez DUX en 2012. D’autres grands flûtistes, parmi eux Robert Dick et Carine Levine, l’ont jouée partout dans le monde avec toujours un grand succès. La deuxième œuvre, Sonosphère IIIet IV a été très bien accueillie à Wrocław. Une reprise avec la participation de l’Ircam est prévue. Y aura-t-il une troisième œuvre Ircam ? Je ne sais pas. En tout cas, j’ai été très heureuse d’être invitée par le département pédagogique de l’Ircam pour assurer en 2017 des travaux pratiques des jeunes stagiaires et parler devant eux pendant deux jours de conférences de ma propre musique. Il est toujours possible de les consulter sur le web. Je reste en contact avec Frank Madlener qui est un directeur absolument formidable de l’Ircam d’aujourd’hui, rendant cette institution plus proche des musiciens, tous genres, toutes esthétiques et toutes générations confondues, plus ouvert au public auprès duquel son succès va grandissant. Pierre Boulez a mis l’Ircam au monde, Laurent Bayle a assuré la position de leader à cet édifice, Frank Madlener l’a fait encore plus grandir et se développer. C’est avec une émotion toujours aussi grande que j’y rentre par la petite passerelle arrondie place Stravinsky pour retrouver le sol orange de l’origine et la machine à café toujours à la même place.

Quel souvenir gardez-vous de votre séjour au CCRMA de l’université Stanford ?


©Antoni Stasinski

C’est une histoire très différente. J’ai eu la chance d’obtenir à deux reprises, en 1983 et 1984, la bourse de la Fondation Kościuszko de New York pour étudier la computer music au CCRMA de Stanford. Riche de l’expérience de l’Ircam, j’ai été plus apte à prendre l’ordinateur par les cornes. Il était devenu entre-temps plus petit, plus maniable, les programmes plus faciles à utiliser. À cette époque, le CCRMA se trouvait dans un bâtiment à demi délabré en plein paysage californien aux odeurs d’eucalyptus et autres plantes enivrantes, loin du campus de l’Université de Stanford. C’est là que j’ai vu les jeunes informaticiens vivant carrément avec leurs machines, mangeant à côté d’elles, ne les quittant presque pas, dormant sur place souvent. Des passionnés ! Brain storming permanent.
C’est là qu’est né le premier programme informatique permettant d’écrire la musique, SCORE. John Chowning et ses collaborateurs venaient de remporter un énorme succès avec la technique bien spécifique de la modulation de fréquences qui a permis entre autres de construire le fameux synthétiseur D7. En utilisant seulement deux fréquences, il était facile d’obtenir toutes sortes de sons ! Qui ne l’a pas utilisé ? John Chowning nous a enseigné les principes de la création sonore par les moyens informatiques, nous faisions des exercices en tous genres, j’ai fait beaucoup d’efforts pour apprendre les techniques des plus modernes, on a joué ma Tête d’Orphée II en concert. Je garde le souvenir d’un John Chowning adorable, bon cuisinier, très clair lors de ses cours, bienveillant. Je reste en contact avec Chris Chaffe, qui a remplacé John Chowning au poste de directeur, Patty Wood, à l’époque dans l’administration du CCRMA, est devenue une amie. Il y a quelques années, un jeune collègue compositeur, Jarosław Kapuściński, recommandé par moi au GRM, est devenu professeur de composition au sein du CCRMA. Le CCRMA et plus tard l’Ircam ont été des centres d’une importance majeure pour le développement de la musique moderne. J’ai eu la chance de les fréquenter.

Quelles sont les musiques et les compositeurs qui vous inspirent ?
La liste est longue. Les compositeurs : Bach, Mozart, Bartók, Boulez, Lutoslawski, Penderecki, Ligeti, Varèse, Berg, Schönberg.
Les œuvres telles que Requiem ou Don Giovanni de Mozart, Pli selon pli et Visage nuptial de Boulez, Lontano de Ligeti, Le Livre pour orchestre de Lutoslawski, Le Château de Barbe Bleu de Bartok, Ionisation de Varèse, Wozzeck de Berg, Erwartung de Schönberg, De natura sonorum Iet II de Penderecki m’ont guidée dans les chemins de la composition. Il y aussi Tadeusz Baird et son Concerto lugubre et puis tellement d’autres ! puis tellement d’autres   Sans oublier Stravinsky dont j’écoute inlassablement Le Sacre, Debussy avec La Mer, Richard Strauss avec Salomé.
Le jazz, les Beattles, Louis Amstrong, Jimmy Hendrix, les rapeurs, les protest songs. Nino Rotta et Kurt Weil. À vrai dire toute bonne musique m’intéresse et m’inspire. Comme celle de Sciarrino entendu hier sur le web ou celle de Philippe Hurel jouée à la Salle Cortot.
Cela peut être une ligne sublime de la musique orientale ou le rythme africain également ou encore la musique des montagnards polonais, sauvage, sans concession, forte.

Quelles sont les sources extra-musicales qui vous inspirent ?
L’architecture contemporaine me fascine, je peux passer des heures devant l’Arche de la Défense ou le Musée de Bilbao à étudier les formes nouvelles, leur langage à déchiffrer. La littérature, la poésie contemporaine m’ont toujours accompagnée, ainsi que les arts plastiques. Et puis l’atmosphère des grandes villes, les tourbillons de la circulation, les trains, les métros, les travaux publics. Et aussi les bruits de vagues, du vent, de la pluie, de l’orage, des feuilles mortes quand on marche dessus, de grands arbres quand ils bougent poussés par le vent. Les lignes fascinantes des vols des oiseaux, les cris des mouettes, le rire des enfants, des exclamations de joie ou des cris d’angoisse, le chuchotement des amoureux et des éclats des voix en colère. Sur mon site web, je dis ceci en introduction :
« La musique est partout. Dans le souffle du vent, dans les gouttes de la pluie sur le rebord des fenêtres, dans le rythme des formes architecturales, dans le vol des oiseaux, dans les conversations des passagers du métro, dans le bruit des roues sur les rails, dans le râlement des machines, dans les cris des foules, dans les paroles qu’on lit. J’écoute, je cherche inlassablement. J’observe, je note, j’enregistre, j’essaye de mémoriser. C’est ainsi que je recharge mes batteries. »


Voir notre recension

Anthony MONDON

© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021

Christian Hugonnet, président de la Semaine du son
Interview exclusive par Jonathan Bell

La 18e Semaine du Son a eu lieu du 18 au 31 janvier 2021 partout en France. Il s'agit d'une semaine de sensibilisation du grand public au son qui permet des rencontres avec des professionnels. Christian Hugonnet, président de la semaine du son, nous livre ici une interview exclusive.

Jonathan Bell : Cher Monsieur Hugonnet, d’abord un grand merci d'avoir accepté cette interview qui complète celle que nous avons déjà réalisée il y a deux ans, et que vous pouvez retrouver en ligne aux liens suivants : 1 & 2. Désormais la Semaine du son est sous tutelle de l'Unesco et devient la Semaine du son de l'Unesco. Elle s'articule autour de cinq thèmes principaux :
1/ acoustique sonore(s)
2/ santé auditive
3/ enregistrement diffusion
4/ relation images
5/ expression musicale et pédagogie
et donc, par rapport aux années précédentes, ce qui m'a semblé de plus frappant est l’expansion à l'international de la Semaine du son. Qu’en est-il ?


Christian Hugonnet : Oui, la Semaine du son se répand naturellement et inexorablement à l'international. Elle a lieu d’abord en France, mais deux ans plus tard démarrait en Belgique, puis elle s’est spontanément mise en place dans d’autres pays, dont quatre en Amérique du Sud : Argentine, Chili Colombie, Uruguay, Venezuela… On y a compris assez rapidement l’importance de l’enjeu du sonore aujourd'hui dans une société entièrement dédiée au visuel. C'est grâce à cela que nous avons pu déposer cette résolution auprès de l'Unesco, car nous nous étions rendu compte très vite que ce problème abordé en France était international, et qu’il devait être traité au niveau international. C’est ainsi qu’est née d'abord la charte qui maintenant permet à tous les pays qui se lancent sur la voie de la “Semaine du son” de savoir à quoi s'en tenir, quels sont les projets définis, comme vous l'avez dit, sur les cinq thèmes évoqués plus haut : Environnement, Santé auditive, Enregistrement reproduction, Image et son, Expression musicale. Ainsi est née cette fameuse résolution 39c-59 qui nous permet d'être définitivement installés au sein de l’Unesco avec le titre de “Semaine du son de l’Unesco”, qui peut être étendu à tous les pays du monde : nous en avons encore 193 à conquérir, si je puis dire, de manière à ce que — comme le disait si justement il y a quelques années Murray Schafer, parrain d’une des éditions : « Christian, le jour où tu auras 52 pays qui organiseront 52 semaines du son, on aura du sonore tous les jours au rendez-vous de l'année » — on y est presque…

Vous parliez de Murray Schafer… En France, nous avons eu un Pierre Schaeffer (citons le Traité des objets musicaux) dont la pensée est encore différente, mais en dehors de lui, je dirais que ce focus sur le son, du point de vue artistique, en composition et en musique, est plutôt un phénomène américain (Cage, Feldman, Murray Schaefer…).

J'ai envie de dire d'emblée que c'est le traitement sonore qui est à l'origine de la musique -—autrement dit la manière dont on traite les sons pour en faire véritablement de la musique est un moment fondamental : les notions de silence, de dynamique sonore, de timbre sont fondamentales : la musique passe par cette condition sine qua non d’une maîtrise absolue du sonore et, de ce point de vue, Pierre Schaeffer et tous les compositeurs qui ont suivi (intéressés plus directement aux sonorités nouvelles) finalement, ont su maîtriser ces notions.
Ce qui peut nous faire peur aujourd'hui, c'est de perdre cette étape de structure musicale à travers une réduction — c'est-à-dire la réduction de la capacité dont on dispose aujourd'hui pour créer la musique. Si on s’impose aujourd’hui une réduction de la dynamique sonore —comme c'est le cas avec ce qu'on appelle la compression sonore — qui fait que la notion de nuance est en train de disparaître totalement de tout ce qu'on écoute —, on s’éloigne de la musique et la maîtrise du sonore devient plus que fondamentale. Si on n’y met aucun micro-silence, cette musique d'aujourd'hui et de demain s'écartera de la musique et les compositeurs se trouveront dans une contradiction sans précédent, celle de faire un son de qualité et en même temps de nourrir des radios qui leur demandent des sons de mauvaise qualité. C‘est en cela que la musique peut, à mon avis, nous filer entre les doigts, et nous en sommes conscients à la Semaine du son. J’en ai largement parlé au sein de l’Unesco : il y a, dans cette dérive de ce que Didier Lockwood appelait la malbouffe sonore, la possibilité de nous écarter de la création musicale et de porter ainsi un coup fatal à la culture musicale avec un son qui n'aurait plus de goût, plus de nuance, plus de timbre, qui n'aurait plus ce qu'il y a d’essentiel à la musique : cette notion de « relief », qui appartient à toutes les musiques...
C'est une question importante et Murray Schafer en était parfaitement conscient. Évidemment, lorsqu'il a imaginé la notion du soundscape, écoute de l’environnement sonore, pour nous permettre d’imaginer le monde en fermant les yeux simplement et en écoutant, il était conscient qu'il y avait à travers ces sons tout ce qu'il y a de plus riche : les notions de dynamique, de timbre, d’évolution temporelle, on a tout dans la nature ! Donc, attention, à travers toute la chaîne électro-acoustique que nous ne maîtrisons pas forcément, de ne pas anéantir ce formidable trésor naturel qu’est le sonore. C’est là que nous sommes un peu inquiets de la manière dont la musique peut évoluer aujourd'hui surtout au moment où, précisément, dans la musique et les salles de concert où les publics écoutent de moins en moins des instruments acoustiques et ne perçoivent une clarinette qu’à travers un téléphone. Un instrument de musique doit d'abord être écouté naturellement pour ensuite être analysé avec intelligence. Encore une fois il nous faut des références.
Les références de la campagne dont parlait Schafer ne sont plus en ville. La ville nous apporte une espèce de brouhaha sonore, celui du moteur à explosion, qui fait que tous les micro-silences et les petits bruits sont masqués. Nos notions de référence sont donc mises à mal, et peuvent nous conduire à accepter le pire en termes de musique. Il faut qu’il y ait une prise de conscience nécessaire et indispensable pour la musique de demain.

Je tiens à vous remercier parce que vous m'avez fait prendre conscience du danger que représente la compression sonore — le fait de remonter tous les niveaux, cette radio en continu quand on est au supermarché, ou dans le bus, un flux sonore souvent là pour distraire, mais peut-être aussi s’empêcher de penser.
Pour parler de la qualité du son, je vais prendre un peu le contrepied en rappelant une observation de Jean-Claude Risset : quand on entend Charlie Parker à travers dans un vieux magnétophone avec un filtrage, les craquements d’un tourne-disque rayé, on reconnaît Charlie Parker tout de suite ! Alors, puisque vous êtes acousticien, comment expliquez-vous ce fait ?


Jean-Claude Risset était un homme que j’adorais, lui aussi chercheur, musicien, compositeur. Il a beaucoup contribué à la prise de conscience de la qualité sonore. Notre intelligence rend compte du fait que ce qu'il y a de plus important n’est pas ce que l’on croit : c'est ce qu'il y a « entre » la musique, « entre » les notes, etc... Dans une attaque de violon ou de guitare, on a déjà tout… Dans la manière de pincer la corde ou de tirer l’archet, on a déjà l’identité de l'interprète. Redisons-le : lorsqu’on attaque une note, il y a un bruit, le transitoire et, derrière, l’entretien de la note, qui donne la hauteur avec son timbre propre. Au moment où vous attaquez, vous avez déjà l'essentiel, le timbre est donné à travers cette structuration du bruit, qui n’est pas un bruit blanc, ni un bruit rose, mais celui qui appartient au musicien, à partir de là on a déjà l'essentiel de l’identité de la personne qui est derrière. Je donnerai en exemple une expérience que nous avions réalisée à l’Ircam : vous prenez une attaque de violon et une attaque de clarinette, vous coupez les 50 premières millisecondes de l’attaque du violon et vous la faites suivre par l’entretien de la clarinette : celui qui écoute dira que c'est un violon, pas un très beau violon, mais un violon quand même. Inversement si vous prenez une attaque de clarinette suivie par l’entretien du violon, on entend une clarinette, même si ça n’a duré que 50 millisecondes. Donc on est loin encore d’avoir compris ce qui se passe sur le plan de la perception auditive et c’est là qu’on attend beaucoup des chercheurs et des neuroscientifiques sur le rôle du cerveau dans ce qu’on appelle la reconnaissance du timbre. Le timbre n’est pas ce qu’on imagine, le timbre n'est pas lié à une note tenue essentiellement à l'attaque, et à la manière avec laquelle les choses arrivent. Encore une fois, les attaques sont aujourd’hui très altérées par la compression dont on parlait plus haut. On reste sur un même ton et sur un même niveau d’énergie, en remplissant ainsi l’espace, on ne laisse plus le temps à celui qui écoute d’écouter, et de se faire son interprétation. C’est une véritable asphyxie, qui empêche le mélomane de comprendre le message, ou de reconnaître celui qui s’exprime.
Les enregistrements analogiques de Charlie Parker, si mauvais soient-ils, ont encore l’essentiel, la modulation. Aujourd’hui on a tendance à tout aplatir, pour être au-dessus du niveau sonore de la ville.

Encore à propos de ce flot sonore continu, je pense à Morton Feldman dont la musique comporte tant de silence, et quelques notes pianissimo, je pense que cela pourrait aider à retrouver ce goût du silence, et son lien essentiel à la musique… Mais pour mentionner maintenant d’autres thématiques de la Semaine du son, la santé auditive est-elle un sujet de très important pour la Semaine du son ? Nous pouvons mentionner Shelly Chadha ?

Shelly Chadha, qui est indienne, et qui est maintenant à la tête du département audiologie au sein de l’Oms (Organisation mondiale de la santé – WHO World Health Organisation), mène un travail important pour lutter contre le fléau de la malaudition, qui touche aujourd’hui 1,3 milliard de personnes, quasiment une personne sur quatre, surtout chez les moins de 35 ans. Sans être catastrophiste, on doit être conscient que l’oreille est aujourd’hui menacée, avec les acouphènes (sifflement dans les oreilles souvent dus aux niveaux sonores trop importants de la ville), les écouteurs, les haut-parleurs, et souvent aussi à cause d’une méconnaissance du son. Dans les écoles, on n’enseigne pas ces choses, le bruit nous est imposé sans qu’on puisse avoir les bons mots pour le maîtriser. Un vocabulaire serait tout à fait nécessaire, nous travaillons avec les écoles associées de l’Unesco afin de définir un vocabulaire international qui permette à chaque enfant de parler du son, d’utiliser un mot adéquat. Lorsqu’on parle de dynamique sonore, on parle de nuance, évidemment, mais on a du mal à comprendre ce qu’est la compression, tout simplement parce que le son ne se voit pas, on a tendance à l’oublier. Or, l’Oms le sait bien, c’est du son que dépend le visuel. C’est parce que j’entends que je vois mieux. Les aveugles sont des voyants d’une certaine manière, celui qui garde l’oreille sur le monde a toujours une vision assez exacte de ce qui se passe. Celui qui n’a que les yeux n’a pas forcément une vision exacte de ce qui se passe, parce qu’il a un champ de vision qui est celui dont il dispose, qui est forcément orienté, alors que l’oreille, à 360 degrés, permet de se construire des images mentales.
Savoir écouter, c’est aussi savoir trier les bons mots des mots insignifiants, autrement dit c’est l’intelligence. La musique, c’est l’intelligence, et savoir écouter, c’est savoir comprendre l’autre.
Comprendre l’autre, c’est ce qu’il y a de plus important sur cette terre. On n’est rien sans l’autre...

Christian Hugonnet,
janvier 2021
La suite au prochain numéro.

© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021

LES MÉTIERS DE LA MUSIQUE,
série dirigée par Christiane DETREZ-LAGNY

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1. Le bibliothécaire musical
Entretien avec Florian BÉCARD

« Mes chers serviteurs, sans vous, je ne vaux pas grand-chose » : c’est en ces termes que, dans Montrez-moi vos mains, le pianiste Alexandre Tharaud rend hommage aux « compagnons de route attentionnés, essentiels », que sont pour lui les tourneurs de pages.
Que serait le prestige d’un orchestre ou d’un théâtre lyrique sans ces « serviteurs » de l’ombre que sont les bibliothécaires musicaux, ou musicothécaires ?
Pour mieux connaître ce métier méconnu, nous nous sommes adressée à Florian Bécard, à qui nous exprimons nos vifs remerciements pour la générosité avec laquelle il a partagé avec nous son expérience de douze années à la bibliothèque de l’Opéra national du Rhin.

Florian Bécard : Avec mon collègue, nous formons le service des Ressources musicales de l’Opéra national du Rhin. Notre rôle consiste principalement à gérer les partitions qui seront utilisées pour nos productions. Mais nous pouvons être amenés à répondre à des demandes émanant de personnes extérieures : ce peut être un air d’opéra pour une audition, un conducteur (partition d’orchestre) pour un chef d’orchestre qui a accepté de faire un remplacement de dernière minute à l’étranger, ou encore un matériel d’orchestre très ancien pour un musicologue venu de l’autre bout de la France y rechercher la trace d’une éventuelle pépite à remettre au goût du jour (par exemple, une modification d’orchestration apportée par le compositeur au moment de la création d’une œuvre).

Comment devient-on bibliothécaire d’orchestre ? Dès l’obtention d’un Brevet de technicien des métiers de la musique, préparé au lycée de Sèvres à l’aube des années 2000, j’ai débuté mon activité professionnelle dans le domaine de l’édition musicale, avant de me tourner vers celui de la bibliothèque musicale. Mon collègue, en poste depuis quatorze ans, est titulaire d’une licence de musicologie ainsi que d’un Diplôme d’études musicales qu’il a préparé aux Conservatoires de Colmar et de Strasbourg. Il a été tromboniste intermittent dans les deux orchestres.
Nos profils sont très complémentaires : le sien en fait un interlocuteur idéal auprès des chefs d’orchestre et des musiciens, le mien me permet d’interagir efficacement avec les éditeurs, d’être un référent pour tout ce qui touche au droit d’auteur et de ne jamais laisser un problème technique sans solution.
Depuis 2008, le Centre de formation d’apprentis (CFA) « Métiers des arts de la scène » de Nancy propose une formation de bibliothécaire musical (licence professionnelle). Mon collègue et moi avons été amenés à partager notre expérience avec des étudiants de cette formation. Certains d’entre eux sont devenus nos homologues.

Les missions du bibliothécaire musical sont multiples et varient d’une structure à l’autre L’Opéra national du Rhin (OnR), syndicat intercommunal regroupant les villes de Colmar, Mulhouse et Strasbourg, a pour particularité de comprendre une compagnie de ballet (à Mulhouse), une structure de formation de jeunes chanteurs, l’Opéra Studio (à Colmar), un chœur professionnel et une maîtrise (à Strasbourg), mais de ne pas posséder d’orchestre propre. Par convention, deux formations orchestrales consacrent en alternance la moitié de leur saison à l’OnR : l’Orchestre philharmonique de Strasbourg (115 musiciens) et l’Orchestre symphonique de Mulhouse (56 musiciens). La bibliothèque musicale est située dans les locaux de l’Opéra, dans le centre historique de Strasbourg.

Florian Bécard résume ses multiples activités par ce slogan : « la bonne partition, au bon moment, pour la bonne personne ».

La bonne partition
À l’OnR, la programmation est fixée par le Directeur général (pour les opéras) et par le Directeur de la Danse (pour les ballets) environ deux ans à l’avance — délai nécessaire pour s’assurer la disponibilité des chefs d’orchestre, des metteurs en scène et des solistes.
Dès que nous avons connaissance de la programmation, nous prenons en considération l’ensemble des informations mises à notre disposition, afin d’avoir une vision le plus claire possible des besoins : nom du compositeur, titre de l’ouvrage (sauf s’il s’agit d’une création mondiale dont le titre reste à définir), version souhaitée (Tannhäuser : version parisienne ou viennoise), effectif orchestral (inutile d’utiliser la version d’Un violon sur le toit pour 15 musiciens alors que nous pouvons disposer de 60 ), nom du chef d’orchestre (hors de question pour tel chef italien de donner un opéra sans utiliser l’édition Ricordi), passages supprimés, appelés aussi « coupures » (le même chef italien fera les coupures dites « traditionnelles », puisqu’il a arraché de sa partition les pages supprimées depuis des années).
La plupart du temps, ces informations ne nous sont pas communiquées, et nous devons partir à la recherche de tout le matériel complet disponible. La première question à laquelle nous devons répondre est d’ordre légal : l’œuvre est-elle ou non dans le domaine public ? Le droit d’auteur méritant un article à part entière, je me bornerai à aborder ce qui relève de notre mission. Si l’œuvre est protégée, notre travail de recherche est quasiment terminé : l’œuvre ne sera disponible que chez un seul éditeur, très probablement en une seule version. L’édition d’un ouvrage lyrique étant particulièrement coûteuse, il n’est pas rare que, pour les œuvres protégées programmées pour une même saison, nous ne nous fournissions qu’auprès de trois éditeurs (ou représentants d’éditeurs).
Si l’œuvre est dans le domaine public, l’offre est plus riche, et nous avons toute latitude pour procéder si besoin à des adaptations. Certains éditeurs se sont fait une spécialité de réimprimer sous leur nom des éditions anciennes, en les proposant à bas prix. D’autres se sont consacrés aux réductions qui, en raison du nombre moindre de musiciens, facilitent l’accès de certains ouvrages à des structures qui ne disposent ni du budget ni de l’espace pour les faire jouer dans l’effectif complet. Enfin, certains éditeurs rééditent les opéras sous la direction d’un musicologue, pour produire une version de qualité qui deviendra l’édition de référence pour les décennies à venir. Le musicologue y est considéré comme auteur, ce qui permet à l’édition en question, dite « musicologique », d’être également protégée.
Une fois toutes ces recherches menées à bien, nous consultons le chef d’orchestre qui choisit, parmi les versions que nous lui soumettons, celle qui lui paraît la plus pertinente. Si l’édition choisie par le chef est protégée, nous nous retournons vers l’éditeur pour louer l’ensemble du matériel musical (les partitions nous sont « prêtées » le temps des représentations, en l’échange d’une certaine somme). Si l’œuvre est dans le domaine public et que la bibliothèque ne possède pas la version choisie, nous achetons les partitions qui intégreront le fonds de la bibliothèque à l’issue des représentations et pourront être réutilisées pour une production ultérieure.
Pour tout ballet qui se donne avec orchestre et non « à la bande », nous nous chargeons de fournir les partitions. S’il s’agit d’un ballet du répertoire, nous commençons par établir une liste exhaustive de tous les extraits qui y ont figuré un jour ou l’autre, y compris les numéros ajoutés au fil du temps à la partition originale par divers compositeurs (par exemple, ceux de Riccardo Drigo dans Le Lac des cygnes). Et nous attendons patiemment que le chorégraphe nous communique la liste des extraits qu’il a choisis, leur ordre d’exécution et les endroits où seront placés les changements d’acte. S’il s’agit de créations, nous ne pouvons rien prévoir. Avec un peu de chance, nous recevons une liste Spotify, où les titres sont clairement indiqués. Il arrive que l’on nous adresse des liens Youtube, avec le minutage pour retrouver le bon endroit, mais sans le titre. Nous nous transformons alors en Shazam de l’Opéra, afin de transformer une bande son en partition.
Une des particularités de l’Opéra national du Rhin est de posséder les premières éditions de plusieurs opéras de Richard Strauss : Salome, Ariadne auf Naxos, Elektra, Arabella, Der Rosenkavalier. Depuis que Strauss est tombé dans le domaine public, ces matériels d’orchestre ont moins de « valeur », ils ne sont plus de première fraîcheur, mais nous les « bichonnons » car sur certains d’entre eux figurent les noms des musiciens qui les ont utilisés, ainsi que les dates d’utilisation. La raison pour laquelle nous possédons de tels trésors tient à l’histoire de la ville de Strasbourg. Entre 1910 et 1914, le Théâtre de Strasbourg alors en territoire allemand, aurait obtenu de l’éditeur d’alors (Fürstner), l’acquisition des droits d’exécution ainsi que les partitions des opéras susnommés. Lorsque Strasbourg, à l’issue de la Première Guerre mondiale, est redevenue française, un procès est venu confirmer la légalité de ces droits.
Nous entretenons d’excellentes relations avec nos homologues français et étrangers. Nous partageons nos informations de recherche pour des traductions de livrets, des réglages, des questions de phonétique, ainsi que des listes de modifications de détail invisibles pour le public, mais essentiels pour le metteur en scène, dans le cadre de co-productions.

Le bon moment
Une fois que les résultats de nos recherches ont été validés, nous dressons, pour chaque production, une liste des tâches à effectuer, ainsi que le calendrier de leur mise en œuvre.
Lorsqu’une édition (ou version) est dans le domaine public, nous procédons à l’achat. Hormis des délais de livraison qui peuvent se compter en semaines, l’achat est rapide et peut être effectué en avance. La location d’une œuvre protégée exige, en revanche, un délai beaucoup plus long, qui peut aller jusqu’à deux ans si l’éditeur doit faire valider le projet par les ayants droit et négocier les conditions du contrat. Les partitions nous seront envoyées dans un délai raisonnable avant les premières répétitions : ni trop long pour ne pas pénaliser l’éditeur, ni trop court pour que tout le matériel soit prêt à temps.
Dans le cas des créations de ballets, nous devons prendre en compte le temps nécessaire pour louer/ acheter/ créer/ arranger/graver chaque extrait. La partition ne doit en aucun cas être un élément « bloquant » pour le musicien, elle doit être claire et fonctionnelle.
Lorsqu’une œuvre fait intervenir un orchestre de scène ou de coulisse, nous nous chargeons, avec l’aval du chef d’orchestre, de la réalisation des réductions d’effectif. Prenons l’exemple des opéras de Verdi : de nos jours, il est rare qu’un metteur en scène veuille faire évoluer sur le plateau une fanfare de trente musiciens — ce qui aurait pour conséquence d’accroître le coût de la production par l’emploi de musiciens supplémentaires. Il est donc préférable de faire appel à un effectif de six à dix musiciens qui joueront en coulisse.
Nous veillons à ce que chaque musicien ait sa partition dans un délai qui lui permet de travailler confortablement son rôle ou sa partie : pour un chanteur soliste, environ quinze mois avant le début des répétitions ; pour les musiciens de l’orchestre, un mois avant les premières « lectures d’orchestre » (répétitions concernant uniquement le chef d’orchestre et les musiciens d’orchestre).
Nous assistons aux « lectures d’orchestre » afin d’assurer le « service après-vente » : si nécessaire, nous mettons à jour les coupures, nous améliorons les tournes de page, en tenant compte du tempo, du type d’instrument, voire de l’instrumentiste ; nous vérifions si un accord sonne bizarrement, qu’il n’y ait pas d’erreur de note sur les partitions, nous corrigeons d’éventuelles incohérences entre le conducteur et la partition d’un musicien.
À l’issue de la dernière représentation, nous nous chargeons de récupérer toutes les partitions, de supprimer toutes les annotations ajoutées et, si elles ont été louées, de les restituer à l’éditeur. La bonne personne Les partitions se répartissent en trois types : la partition d’orchestre (PO en abrégé), la partition piano-chant (PC), le matériel d’orchestre.
La partition d’orchestre, ou conducteur, présente l’ensemble de toutes les parties instrumentales et vocales mises en partition, c’est-à-dire synchronisées. Nous fournissons en PO le chef d’orchestre, son assistant, les chefs de chant (pianistes ou clavecinistes chargés d’aider les chanteurs à la préparation de leurs rôles respectifs), le chef de chœur et le directeur musical pour consultation. Le « piano-chant » comporte toutes les parties lyriques mises en partition, ainsi que la réduction pour piano de toutes les parties instrumentales. Notre public d’emprunteurs de PC est assez large : chanteurs solistes, chefs de chant, chef de chœur, artistes des chœurs, éclairagistes, régisseurs de scène, surtitreur. Pour le metteur en scène, son assistant et les régisseurs de scène, nous créons des PC spécifiques : chaque page imprimée comporte en regard une page vierge destinée à la prise de notes techniques et aux indications du déroulé sur scène.
Le matériel d’orchestre regroupe l’ensemble des parties séparées destinées aux musiciens de l’orchestre. Nous préparons chaque partition en reportant soigneusement toutes les indications données au préalable par le chef d’orchestre ou les solistes de chaque pupitre, et ce, au crayon à papier, afin qu’elles puissent être gommées : coupures, réglage de battue et de tempo, coups d’archet pour les cordes frottées. Il arrive que nous les reprenions de productions antérieures. Ce travail d’annotation est de loin le plus chronophage, et le restera, à moins de remplacer les partitions papier par des partitions numériques.

Et la crise sanitaire ? Dès le confinement du printemps dernier, notre directeur général, Alain Perroux, a souhaité maintenir la programmation prévue, la fosse peut contenir au maximum 70 musiciens. Le travail conjoint des équipes de l’Opéra et de l’Orchestre symphonique de Mulhouse a permis de déterminer, à partir du protocole sanitaire propre à l’orchestre, un effectif maximal de 35 musiciens.
En moins de six semaines avant les premières « lectures d’orchestre », nous avons dû chercher une réduction de qualité pour Samson et Dalila. Nous l’avons trouvée rapidement, grâce au travail effectué en amont par MOLA (Major Orchestra Librarian’s Association), qui donne une liste de toutes les réductions d’opéras existantes, y compris chez les très petits éditeurs. Sans MOLA, nous aurions très certainement dû donner Samson et Dalila dans une version à deux pianos. Nous avons préparé le plus rapidement possible le matériel de la version réduite.
Forts de cette expérience, nous avons préparé directement une version réduite pour Hänsel und Gretel. Du fait de la décision de non-réouverture des théâtres à la mi-décembre, l’opéra a été capté pour une diffusion télévisée et en streaming. »


Christiane DETREZ-LAGNY
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CAUSERIES MUSICALES,
série dirigée par Anna Maria BARBARA

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Causerie musicale VOL. 1

Décontractés, parlons de musique avec sérieux et surtout avec passion !
Pour ce première volume, Anna Maria BARBARA invite Alexis GALPÉRINE, violoniste, professeur au CNSMDP.


Au cours de plus de trente années de carrière, Alexis GALPÉRINE s'est produit comme soliste et comme chambriste dans la plupart des pays d'Europe ainsi qu'au Japon, au Moyen-Orient et en Amérique. Il a été l'invité d'orchestres tels que l'Orchestre des Concerts Lamoureux, l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, l'Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy, l'Orchestre Philharmonique de Lorraine, l'Orchestre Mondial des Jeunesses Musicales, l'Orchestre de Chambre de Cologne, les Solistes de Sofia, l'Orchestre à cordes de Belgrade, l'Orchestre du Théâtre de Gênes, l'American Chamber Orchestra et le Royal Philharmonic Orchestra.
Chambriste recherché, il est invité par des festivals tels que Le Festival des Arcs, le Library of Congress Summer Chamber Festival de Washington D.C, Nancyphonies, les Musicades de Lyon, MusicAlp, le Festival de l’Orangerie de Sceaux… et joue régulièrement à Radio-France. Il participe aux ensembles Musicavanti et 2E2M.
Grand propagateur de la musique contemporaine, Alexis Galpérine a créé plus de soixante-dix œuvres ; il est dédicataire de nombreuses pièces, telles que « Légendes » Concerto pour violon de Laurent Martin, le Concerto de Yassen Vodenitcharov, Alone de Paul Méfano, Belgirate de Carlos Roqué-Alsina, Adagio d’Olivier Greif, la Sonate de Frédérick Martin, le Quatuor d'Edouard Souberbielle… Il participe aux ensembles Musicavanti et 2E2M.
Il est régulièrement associé aux concerts de l’Ensemble Stanislas de Nancy et, aux États-Unis, il est membre fondateur des American Chamber Players avec lesquels il a donné des centaines de concerts. Le cinéma fait régulièrement appel à lui et il a composé des musiques de scène.
Lauréat des concours Carl Flesch (Londres) et Paganini (Gênes), il a obtenu le premier prix du Concours international de Belgrade après ses études au Conservatoire de Paris et à la Juilliard School de New York. Ses principaux maîtres furent Ivan Galamian et Henryk Szeryng. Il est titulaire d'une licence de philosophie de la Sorbonne.
Alexis Galpérine est professeur au CNSMDP, où il enseigne aussi la pédagogie, et au Conservatoire Américain de Fontainebleau. Il donne des classes de maître et a été notamment invité à l'Université de Bloomington. Des élèves du monde entier viennent suivre ses leçons et il participe aux jurys des concours internationaux. Sa discographie compte à ce jour plus de quatre-vingts enregistrements.
Auteur d’articles et d’ouvrages musicologiques remarqués, il a publié en 2008 La Musique française pour violon. Il est président de L’Association Française des Violonistes (L'Amirésol) et responsable de la Collection Violon aux Éditions Delatour-France.



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RECENSIONS


PARTITIONS

FORMATION MUSICALE

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Anne CHAUSSEBOURG – Dominique LE GUERN – Bruno GARLEJ, Destination musique Formation musicale / Solfège, Volume 3, Hit Diffusion, HIT49032

Cette méthode fait partie d’un ensemble de quatre volumes recouvrant chacun une année de formation musicale. On pourra voir la description des autres volumes sur le site de l’éditeur : https://www.editions-hit-diffusion.fr/ Ajoutons que ce volume contient également, pour ses acheteurs, un « bonus » sur Internet. Il s’agit donc d’un cours complet de Formation Musicale, complet à la fois pour l’élève et pour le professeur. Comment dire mieux que les auteurs le contenu de l’ouvrage : « Chaque cours tient sur une double-page, incluant des exercices de lecture de notes, de rythmes lus et / ou frappés, une notion théorique, et un chant avec accompagnement piano - les premières étapes de l’ouvrage récapitulent les acquis de l’année précédente, afin de commencer l’année du bon pied. Tous les quatre cours, une double-page « escale » permet de bien réviser les notions des dernières leçons. Enfin, une double-page « Commentaires d’écoute » permet d’aborder les œuvres de Beethoven, Fauré ou encore Scott Joplin en classe avec les élèves. » Ajoutons qu’un lien permet l’écoute des œuvres en ligne. En résumé, ces volumes remarquablement faits vaudront, comme d’habitude, par la qualité du professeur qui les mettra en œuvre. Et bien sûr, le titre de la collection est à lui seul tout un programme !
Daniel BLACKSTONE
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Elsa GRABOWSKI– Hélène LOUIS, Ma boîte à musiques, volume 3, Billaudot, G 9788 B

Ce volume 3 est destiné à la 3ème année du 1er cycle de Formation Musicale. Nous nous permettons de reproduire ici ce que nous écrivions à propos des premiers volumes : « Encore une méthode de Formation Musicale, pourra-t-on dire. Mais celle-ci est spéciale à plus d’un titre, et particulièrement par la richesse des outils pédagogiques fournis. En effet, chaque volume permet d’accéder à un espace prévu sur le site de l’éditeur, sur lequel se trouve un riche et abondant matériel pédagogique. Il faudra pour cela, me direz-vous, disposer d’une connexion internet haut-débit et, une fois de plus, la fracture numérique risque de défavoriser certains. Mais l’ensemble pouvant être téléchargé une fois pour toute, on pourra ainsi en disposer hors connexion. La seule petite réserve que l’on peut faire est que la première connexion s’apparente un peu au célèbre « parcours du combattant », mais le résultat récompense vite de l’effort demandé. 
 Chaque volume comprend le livre de l’élève et le livret du professeur. L’avant-propos précise bien toutes les fonctionnalités de cette méthode très complète qui développe tous les paramètres de l’apprentissage : corporéité, chant, mémorisation, rythme… avec tous les outils nécessaires pour ces apprentissages et pour permettre également aux parents de s’impliquer et de découvrir la musique avec leur enfant. C’est donc une méthode à découvrir absolument et qui a dû demander à ses auteurs un travail colossal ! »
Le troisième volume ici présenté possède toutes les qualités des précédents et je ne reviendrai pas sur la qualité et la richesse du travail accompli par les auteurs. J’ajouterai que les réserves que j’avais faites sur la connexion ont été corrigées et que l’accès aux ressources internet sont maintenant d’une totale fluidité. Un QR code inséré dans la couverture et à activer dès le début permet de profiter pleinement de toutes les ressources offertes par l’ouvrage.
Daniel BLACKSTONE
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ALTO

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Diane TAGLIO, Crépuscule d’hiver pour alto et piano, Éditions Pierre Lafitan P.L.3665

Cette jolie pièce qui dure env. 2’15 – 2’30, destinée aux élèves en fin de premier/début de deuxième cycle nous invite à plonger dans un monde imaginaire hivernal à l’aide de plusieurs éléments techniques, agogiques et des nuances. La tonalité sol mineur, module au milieu vers sol majeur, pour revenir à la tonalité initiale à la reprise du thème. Le rythme demande un bon sens de la pulsation (noires, croches, triolets, doubles-croches, syncopes…), d’autant plus qu’il y a plusieurs changements de mesure qui passe de 4/4 à 3/4. Le début Moderato avec un chant d’alto s’anime progressivement. Le piano qui accompagne avec une harmonie relativement simple, change de rôle avec l’alto en rappelant le thème, pendant que celui-ci l’accompagne en mouvement de triolets. On arrive ensuite à la partie en sol majeur, Più vivo, plus dansante, syncopée, avec quelques doubles cordes (tierces, quintes, sixtes et octaves en première et en troisième position). Après un rallentando on retrouve le thème initial et la tonalité sol mineur. Le tout s’estompe comme le crépuscule, (decrescendo, morendo), pour laisser la place au silence de la nuit.
En commandant la partition sur le site de l’éditeur, vous recevez en cadeau dans votre boîte e-mail, les fichiers sonores de démonstration (instrument avec accompagnement de piano et piano seul).
https://www.lafitan.com/
Anna Maria BARBARA
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CHANT

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Jules MASSENET, C’était dans la saison des roses, Symétrie, ISBN 978-2-36485-120-7

Jean-Christophe Branger, agrégé et docteur en musicologie, est professeur à l’Université Lyon 2. Ses travaux sont principalement consacrés à l’œuvre de Jules Massenet. Si on connait Massenet essentiellement par ses opéras, il ne faut pas oublier que ce fut aussi l’auteur de plus de trois cents mélodies, la plupart éditées, mais dont certaines, destinées à des périodiques ou à des albums musicaux de personnes qui recevaient le compositeur dans leur salon sont restées inédites. Celle qui est publiée aujourd’hui est effectivement inédite et c’est un plaisir de la découvrir. On pourra lire dans la passionnante préface de l’éditeur l’histoire de cette mélodie et du poème écrit par Augustine-Malvina Blanchecotte, poétesse soutenue Béranger, Sainte-Beuve et George Sand et qui est loin d’être sans intérêt. On retrouve toute la délicatesse de Massenet dans cette mélodie exempte de toute mièvrerie. C’est une œuvre à découvrir et à faire connaître.
Daniel BLACKSTONE
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Yves CASTAGNET, Messe brève pour chœur mixte et orgue, Symétrie, ISBN 978-2-36485-113-9

Il s’agit là de la première œuvre liturgique de ce remarquable organiste nommé en 1988 titulaire de l’orgue de chœur de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Laissons-lui la parole un instant : « J’ai composé cette messe dans les premières années de ma présence à Notre-Dame, avant la création de l’association Musique sacrée à Notre-Dame de Paris et la restructuration de la maîtrise sous sa forme actuelle. La maîtrise existait déjà, bien sûr ; on enseigne en effet le chant en ce lieu depuis le Moyen-Âge, à l’époque où la cathédrale était encore en construction, il y a plus de 850 ans. À la fin des années 1980, la maîtrise était bien différente de ce qu’elle est devenue maintenant. Elle était alors dirigée par le chanoine Jehan Revert, maître de chapelle, qui fut pour moi un véritable guide, et dont la mémoire restera toujours dans le cœur des musiciens de Notre-Dame. »
On peut donc penser que cette Messe a été composée vers 1990, peut-être même en 1980 si l’on en croit la couverture de la partition. L’œuvre n’est pas facile, mais à la portée d’un chœur exercé. Profondément écrite dans l’esprit liturgique, cette Messe comporte kyrie, gloria, sanctus et agnus. Le texte (grec et latin : n’oublions pas que le Kyrie est en grec dans la liturgie latine…) est admirablement servi et mis en valeur dans l’esprit des directives pontificales et du Concile. On ne peut malheureusement l’entendre en entier sur YouTube, mais on pourra écouter au moins le Kyrie et l’Agnus. Souhaitons qu’elle soit bientôt au programme de nombreuses chorales.
Daniel BLACKSTONE
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CLARINETTE

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Rémi MAUPETIT, Une île au soleil pour clarinette et piano, Fin de 1er cycle, Lafitan, P.L.3637

C’est sur un rythme exotique bien connu que se déroule la première partie de cette pièce, effectivement pleine de soleil et évocatrice de palmiers et de plages au soleil. Tout cela demandera de la part des interprètes un sens du rythme bien ancré et de la part du clarinettiste une certaine virtuosité bien maîtrisée. Une cadence conduit à une deuxième partie à 3/4 allegro, très syncopée sous forme de couplets – refrains, le tout plein d’élan et de lyrisme. Comme on pouvait s’y attendre la pièce se termine par un crescendo et une montée dans les notes aigües de la clarinette. Les interprètes devraient prendre beaucoup de plaisir à interpréter ce morceau qui n’engendre pas la mélancolie !
Daniel BLACKSTONE
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CONTREBASSE

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Max MÉREAUX, Complainte pour contrebasse et piano, 1er cycle, Lafitan, P.L.3176

Cette jolie pièce fait penser à une mélodie celtique, à la fois pleine de charme et de mélancolie. Contrebasse et piano dialoguent et s’entrelacent. Le pianiste a sa part dans cette complainte. Le ré mineur confère à ce morceau un caractère grave mais plein de poésie. Il n’est pas si facile d’écrire avec légèreté pour la contrebasse, et l’auteur y réussit pleinement. Bien sûr, la partie de piano sera avantageusement tenue par un élève : tout en étant relativement simple, elle est, elle aussi pleine de charme. Interprètes et auditeurs devraient y trouver beaucoup de plaisir.
Daniel BLACKSTONE
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FLÛTE

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James RAE, Sounds Irish pour flûte et piano, Universal, UE 21750

Ces dix pièces originales ou traditionnelles sont de difficulté moyenne. Les arrangements et les compositions originales sont faits dans l’esprit de cette musique si attachante. L’accompagnement de piano, également de difficulté moyenne, soutient la flûte dans le même style. La partition comporte aussi la mention des accords de guitare, ce qui laisse le champ ouvert à d’autres interprétation. Qu’ils soient joyeux ou nostalgiques, ces airs traditionnels ou composés dans le style irlandais promettent bien du plaisir à ceux qui se lanceront dans cette aventure pleine d’attraits.
Daniel BLACKSTONE
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Tilman DEHNHARD, 16 miniatures pour flûte et piano, 1 vol. 1 CD, Universal, UE 38040

L’auteur présente ainsi ces pièces : « Courtes, simples et belles : c’est ainsi que j’ai voulu les 16 miniatures pour flûte et piano réunies dans ce recueil. J’espère que vous aurez plaisir à les jouer, et qu’elles trouveront la place qu’elles méritent en cours aussi bien qu’en concert ». L’écoute du CD permet de penser que les ambitions du compositeur sont bien à la hauteur de son œuvre. Ces pièces, à la fois classiques et teintées de jazz sont effectivement pleines de charme et ne pourront que séduire leurs interprètes. L’ensemble est de difficulté moyenne mais demande une parfaite entente entre les instrumentistes. C’est de la vraie musique de chambre. Bien entendu, le CD comporte pour chaque pièce la version complète et le play-back.
Daniel BLACKSTONE
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Aleksey IGUDESMAN, Magical Spells, 10 pièces magiques pour flûte solo, Universal, 38041

Pièces magiques ? Pièces envoutantes en tous cas. L’auteur est un poète, et cela s’entend. Certes certaines pièces ne sont pas faciles, mais toutes ont un charme fou. On ne peut que conseiller d’aller écouter sur YouTube l’auteur nous jouer l’ensemble du recueil. Comment ne pas tomber sous le charme de ce recueil aussi varié qu’intéressant. En résumé, c’est de l’excellente musique qu’il faut absolument découvrir. Décidément, la flûte est faite pour nous enchanter ! https://www.youtube.com/watch?v=NPyaD0e3P_M
Daniel BLACKSTONE
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James RAE, Citysnapshots Flûte, pour une ou deux flûtes avec accompagnement de piano ou de CD, niveau débutant, 1 vol. 1 CD, Universal, UE 21742

Signalons d’abord que le recueil contient les parties de flûte, la partition de piano est disponible sur le CD ou téléchargeable sur le site de l’éditeur… où on peut aussi l’acheter en version papier. Cette promenade à travers le monde comporte douze pièces de styles très variés. De New-York à Shangaï en passant par Montmartre, les principales capitales du monde sont ainsi évoquées avec beaucoup de charme. On trouve aussi sur la partition de piano les symboles d’accords, permettant ainsi des formations diverses. Les accompagnements du CD (également en play-back) sont des orchestrations fort agréables. L’ensemble est donc à recommander à la fois pour sa qualité musicale et par sa souplesse d’utilisation.
Daniel BLACKSTONE
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Jean-Pierre LEGUAY, Trois esquisses pour flûte (avec ou sans piano), Lemoine, 29399 H.L.

Ces trois courtes pièces évoquent trois paysages divers. Il ne faudrait pas déduire de la mention « avec ou sans piano » que le piano ne joue qu’un rôle accessoire. Simplement, ces pièces prendront un caractère différent selon l’absence ou la présence du clavier. L’ensemble, très poétique et très varié est plein de fantaisie, de liberté, de couleurs diverses. Techniquement, ces pièces sont difficiles, mais le plaisir sera au rendez-vous.
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


GUITARE

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Bruno GINER, Eclipse de son pour quatuor de mandoline ou trois mandolines et guitare, Delatour, DLT 2838

Il s’agit d’une pièce contemporaine à l’usage d’élèves de 3ème Cycle. On peut ressentir l’influence de la musique de Béla Bartok et d’Alberto Ginastera.
Vous y trouverez beaucoup de notes répétées propre au jeu de la mandoline et également toute une thématique chromatique avec beaucoup de changements de mesure et une grande importance accordée au rythme. La pièce se développe et prend de l’ampleur sur le plan de la chronologie pour atteindre son climax en fin de parcours, même si quelques courtes périodes d’accalmies s’interposent. Elle est écrite pour quatuor de mandolines avec pour option la possibilité de jouer la partie de mandoloncelle à la guitare.
Cette courte pièce va permettre d’enrichir le répertoire de musique de chambre de la mandoline à travers un langage contemporain. On y trouve un caractère mystérieux notamment avec les chromatismes, les silences et la dynamique générale.
Lionel FRASCHINI
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Roland DYENS, Air ascendant Terre pour flûte et ensemble de guitares, Lemoine, 29514 H.L.

Voici une œuvre atypique du célèbre Roland Dyens en 3 mouvements destinée à des élèves de 3ème Cycle. Elle est écrite pour ensemble de guitares à 4 parties et flûte solo.
C’est une musique pleine de couleurs et de surprises. C’est en quelques sorte un concerto où toutes les parties demandent une certaine dextérité. On notera la scordature pour la guitare 4 qui offre une couleur très particulière avec un do# sur la 6ème corde. On ressent bien l’empreinte de Roland Dyens qui ne se fixe pas de limite et repousse même les frontières de l’au-delà.
On sent bien aussi l’influence de la musique sud-américaine avec l’emploi de rythmes syncopés, le tout fondu dans un décor impressionniste cher au compositeur.
Il y a des arpèges des gammes, des trémolos, des accords : tous les ingrédients sont là !
On notera également le parfait et judicieux équilibre entre toutes les parties. Ici, il y en a pour tout le monde et toutes les parties sont intéressantes et donnent un sentiment d’unité à la pièce. Comme dans toute la musique que nous a laissé le défunt compositeur, il y a beaucoup de détails d’articulations, de mouvements et de nuances. Les doigtés sont logiques et clairs.
Voici encore une œuvre qui va enrichir la littérature des guitaristes ! Cette musique est pleine d’humour et nécessite un travail assez conséquent.
Lionel FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


ORGUE

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Wolfgang LINDNER, Dance Sketches pour orgue, Three valses pour orgue ou piano, Schola Cantorum, SC 8791

Né en 1956 et aujourd’hui en retraite de ses fonctions d’organiste d’église, Wolfgang Lindner nous offre ici deux échantillons de son œuvre de compositeur. On pourra être un peu surpris du caractère de ces œuvres qui risquent de ne pas convenir aux offices religieux (encore que ce n’est pas sûr, par les temps qui courent) mais qui sont fort agréables à entendre et certainement à jouer. Les titres en donnent un aperçu : après la Pavane des prélats et la Polonaise des Acolytes nous avons le Cakewalk des douces nonnes, le Quick-step du vicaire, le Tango de l’archevêque et la Samba du Conseil presbytéral… Bref, on ne s’ennuie pas avec cet auteur. Les trois valses ne manquent pas non plus de piquant… On pourra juger du résultat en écoutant sur YouTube Dance Sketches https://www.youtube.com/watch?v=BW5oa0iDO8g
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


PIANO

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Hans-Günter HEUMANN, Best of Bach, Schott, ED 23398

Il y a deux parties bien séparées dans ce recueil. Dans la première, Hans-Günter Heumann propose d’authentiques œuvres de Bach éditées avec soin, allant des plus simples à de plus difficiles (des préludes et fugues extraits de Das Wohltemperierte Klavier notamment). Puis, dans une deuxième partie, il nous propose des arrangements de pièces pour orgue ou pour orchestre. On y trouve notamment le célèbre choral de la cantate 147 Jésus, que ma joie demeure, la Toccata et fugue en ré mineur, et bien d’autres pièces célèbres et de grand intérêt. Nous savons les réticences de certains vis-à-vis de ces transcriptions mais il nous semble important que les pianistes puissent se frotter à ces œuvres par une autre voie que les enregistrements sonores, aussi bons soient-ils. Ajoutons qu’il ne s’agit pas vraiment d’arrangements mais de transcriptions totales ou partielles des œuvres faites avec la maîtrise que l’auteur possède dans ce domaine. Ne boudons donc pas notre plaisir ni le plaisir que ce recueil pourra procurer aux pianistes en contribuant à leur faire découvrir des œuvres célèbres, certes, mais qu’ils ne connaissent pas forcément intimement…
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Hans-Günter HEUMANN, Best of Mozart, Schott, ED 23214

Comme dans le recueil précédent, nous trouvons deux parties, l’une d’œuvres originales, l’autre de transcriptions d’œuvres orchestrales ou vocales. Là encore, nous retrouvons tout le savoir-faire de l’auteur et toutes ses qualités de transcripteur. Nous avouons – mais c’est un avis tout à fait personnel – ne pas être ébloui par les petits menuets composés par Mozart dans son jeune âge (qui m’ont dégouté de Mozart de l’âge de 6 ans jusqu’à ce que je découvre le concerto en ré mineur K 466…) Mais ce ne sont que quelques pièces dans ce recueil dont le contenu ne pourra que séduire les jeunes et moins jeunes pianistes. Et on ne peut ici que redire tout le bienfait de cette pénétration de l’intérieur des œuvres transcrites, qui ne peut que conduire à une écoute plus attentive, plus profonde des originaux. C’est une incitation à découvrir les grandes œuvres symphoniques, lyriques et religieuses de Mozart.
Daniel BLACKSTONE
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David IANNI, Adieu pour piano, Universal, UE 38070

Laissons la parole à l’auteur : « Le 23 avril 2019 mourait, à l’âge de 98 ans, le Grand-Duc Jean de Luxembourg. Touché par cette nouvelle, j’ai composé le jour même Adieu, hommage musical au souverain bien-aimé de mon pays natal. La pièce, qui compte 98 mesures, s’ouvre sur l’hymne de la famille grand-ducale, le Wilhelmus, d’abord à une seule voix, puis repris en canon par la main gauche. Ce prologue est suivi du thème principal, une mélodie très large exprimant des sentiments de respect et de gratitude envers le disparu. Après la reprise du thème, un crescendo solennel donne à nouveau à entendre le Wilhelmus, le morceau s’achève sur une combinaison des deux mélodies ». Que dire de plus ? On peut écouter l’œuvre sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=2MPP-mjRWnE
Daniel BLACKSTONE
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Easy Charts pour piano, Schott, MF 3596

Voici un nouveau recueil de succès (allemands) mis à la portée de tous les pianistes. Le recueil contient pour chacun des titres l’ensemble des paroles, une version piano extrêmement simple et les accords de guitare qui permettront toutes les possibilités d’accompagnement par d’autres instruments. A partir de cette partition et de la connaissance des œuvres originales, il est donc possible de se lancer dans des interprétations personnelles de ces « tubes » au gré de l’inspiration et des possibilités techniques de chacun.
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Régis CAMPO, Galaxies 1 pour jeunes pianistes, Lemoine, HL 29448

Ces neuf pièces créent, pour nos jeunes pianistes, un environnement d’autant plus interstellaire que l’invitation à laisser la pédale toujours enfoncée si possible crée une ambiance réverbérante propice au rêve et à l’évasion hors de notre monde terrestre. Citons quelques titres : Galaxie des cinq soleils, Espaces infinis, Galaxie en expansion… L’ensemble est très simple et bien écrit pour débutants. Mais l’auteur, avec ces moyens très simples, parvient à créer des paysages sonores qui devraient séduire les jeunes interprètes.
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Keith JARRETT (arrangements), The Melody At Night, With You, Schott, ED 20927

On trouvera dans cet album onze morceaux de différents auteurs ainsi que des « traditionnels » arrangés par Keith Jarrett. L’ensemble n’est pas facile : il s’agit d’arrangements destinés au concert. Keith Jarrett n’est pas directement l’arrangeur de tous, mais tous ont reçu son approbation pour la publication. Quoi qu’il en soit, il s’agit de belle et bonne musique : l’ensemble, composé de ballades jazz et d’airs du folklore, est plein de poésie. L’édition fait droit aux « tournes » des pianistes, ce qui est bien appréciable.
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Mike CORNICK, Blues in two and more pour interprètes de niveau intermédiaire, Universal, UE 21 777

L’auteur reprend en tête du volume l’une de ses pièces déjà publiées (Easy Jazzy Piano UE 16 550) mais qui a connu beaucoup de succès. Les onze autres pièces parcourent les différents rythmes et styles du jazz, valse tango, mesure à cinq temps, samba, calypso… L’ensemble, bien que de niveau relativement facile, est d’une grande qualité musicale et devrait plaire aux jeunes interprètes. On peut écouter sur YouTube le Blues in two dans différentes versions. Nous nous garderons ici de choisir…
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Mike CORNICK, 4 more Afro-Caribbean pieces pour 6 mains sur 1 piano, Universal, UE 21747

Après un autre recueil publié précédemment, Mike Cornick nous offre quatre pièces de plus avec cette même formation de trois pianistes sur un seul piano. On sait tout le bénéfice que peuvent trouver les jeunes pianistes à faire ainsi de la musique d’ensemble. Si le niveau est techniquement très facile, on sait que la mise en place donnera lieu à un exercice de synchronisation très profitable et… générateur de nombreux fous-rires ! Les airs afro caribéens sélectionnés ont été choisis, nous dit l’auteur, pour leurs rythmes animés et leurs harmonies robustes. Il précise également que les doigtés indiqués l’ont été pour éviter des carambolages fréquents quand on est à trois sur le même piano. Nous passons successivement de Trinidad & Tobago aux Bahamas et à la Jamaïque pour terminer par une Carribean Escapade entièrement de Mac Cornick. L’ensemble est particulièrement plaisant et sera certainement très apprécié des interprètes !
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Christian PEZZA, Premier chagrin pour piano, Lemoine, 29 428 H.L

Ce « premier chagrin » qui, pour les pianistes, évoque évidemment celui de l’Album pour la Jeunesse de Schumann, est une suite de « 6 larmes » de niveau débutant. Est-ce à dire que les débuts au piano sont un supplice si terrible ? Quoi qu’il en soit, ces six pièces sont pleines de charme. Chacune explore en quelques lignes les possibilités de l’accompagnement d’une mélodie énoncée par la main droite. Chaque larme est plutôt gracieuse et joyeuse et devrait charmer et non rebuter le jeune élève débutant.
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Christophe LEONETTI, 6 variations sur « Le petit poney » de C. Hervé et J. Pouillard, Lemoine, 29 476 H.L

Voici ce qu’écrit l’auteur : « J’ai voulu à travers ces variations faire un clin d’œil à toute une génération de pianistes pour qui « Le petit poney » a été le premier morceau qu’ils ont pu exécuter mains ensemble : le morceau fondateur, en quelque sorte. » Bien sûr, ce n’est plus vraiment pour débutant, mais ce n’est pas non plus d’une difficulté insurmontable. Le charme de ces variations est de nous faire parcourir styles et compositeurs divers dans des « à la manière de » fort réussis. Successivement, Haydn, Clémenti, Schumann, Chopin, Ravel sont évoqués dans les six variations qui composent ce recueil. On souhaite bien du plaisir à tous les interprètes qui, ayant fréquenté l’excellente méthode piano de Charles Hervé et de Jacqueline Pouillard, retrouveront avec plaisir et nostalgie leur « premier morceau » ainsi développé et transformé…
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Arletta ELSAYARY, La marche du chat boiteux pour piano, Pierre Lafitan, P.L.3427

Dans cette courte œuvre d’1’10 pour débutant qui fait deux pages, nous commençons à 116-120 à la noire en do majeur. Il y a un mélange de piqué louré et des liaisons. Ce qui demande de la légèreté à la main gauche piquée piano pendant que la main droite lie par exemple. Le rythme va de la ronde à la croche et les nuances du forte au piano subito. Nous restons dans un registre médium. Comme difficultés nous avons : l’indépendance des mains avec des oppositions de gestes (main droite liée main gauche piquée, ou main droite liée par deux pendant que la main gauche lie sur six temps). Accords de deux sons à la main droite. Anticipation de l’intervalle suivant avec un déplacement des doigts en se positionnant dessus le plus tôt possible. Pour terminer nous avons un changement brusque de nuance en passant de forte au piano où les mains doivent devenir légères (en staccato main gauche) puis de nouveau crescendo vers un forte final bien affirmé.
Marie FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Christophe DURANT, L’escarpolette pour piano, Pierre Lafitan, P.L.3466

Cette petite pièce pour piano de niveau fin de premier cycle d’une durée de deux minutes dix, prend le thème de la balançoire sur un 6/8 lent cantabile. Un thème passe de la main gauche à la main droite, comme une balade agréable, pendant que l’autre main joue des noires pointées sur la deuxième croche. On a ensuite un pont en arpèges faisant passer les mains l’une au-dessus de l’autre, amenant le deuxième thème en sicilienne à la main droite, soutenu par des arpèges à la main gauche. De nouveau les mains passent l’une au-dessus de l’autre amenant une sorte de coda terminant en point d’orgue. Le thème A refait alors surface au milieu du clavier à la main droite, pendant que la main gauche accompagne toujours par les noires sur la deuxième croche en passant au-dessus. Puis les mains reprennent leur place et une coda finale nous emmène vers le lointain, comme si la personne qui se balançait était partie vers d’autres contrées.
Marie FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Transcription d’Alexandre THARAUD du Prélude à l’après-midi d’un faune de Claude DEBUSSY pour piano, Editions Lemoine, 29400 H.L.

Alexandre Tharaud, pianiste bien connu, réputé pour sa finesse de jeu, a déjà enregistré cette transcription du Prélude à l’après-midi d’un faune dans son album « Alexandre Tharaud, Le poète du piano », dont vous pouvez écouter un extrait sur son site internet en ligne. Cette version pour piano seul est pour le moins déroutante. Debussy lui-même ne s’y est pas risqué ! Il faut imaginer tous les différents timbres que l’on retrouve dans un orchestre debussyste sur un seul clavier. On y retrouve la douceur de la flûte, la délicatesse de la harpe dans les arpèges, le poids des cors, les profondeurs des contrebasses, les trémolos des cordes dans les trilles, et surtout une virtuosité extrême d’accords et de déplacements dans tous les sens. Restons concret, il y a de quoi chercher pendant des heures (voire des années pour certains dont je devrais faire partie) le panel de sonorités et de fluidité que l’on peut faire sortir d’un seul piano.
Marie FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Nathalie BERA-TAGRINE, Allures, 8 mesures pour un geste pour piano, Editions Van de Velde, VV311

Dans ce recueil de piano pour le premier cycle, Mme Bera-Tagrine fait appel à l’imagination en utilisant 20 animaux pour en faire 20 petites études en relation avec ce qui pourrait identifier chaque bête. La première étude s’intitule le Hérisson. La main droite doit réagir comme si elle touchait les piquant du hérisson pendant que la main gauche lie du début à la fin en faisant quelques accords. La deuxième s’intitule Le moustique. Cette fois-ci c’est la main gauche qui doit piquer le clavier en contre-temps comme le moustique pique sa proie, et la main droite à contrario lie les notes. En trois nous avons le papillon dont le battement des ailes est connoté par la répétition d’accords de deux sons à la main gauche sur un trois temps. Puis le poisson rouge tourne dans son bocal à trois temps avec un fa# à ne pas oublier, car il a la mémoire courte ! La main droite commande les levées de la main gauche par un doigté encadré qui indique le « bouton éject ». Le loup continue dans la même lignée de levée de la main gauche mais sans commande. L’ours est indiqué par la main gauche où chaque doigt appuie avec une pression sur la touche « pour bien faire chanter la mélodie ». Dans Le chat, on entend ses miaulements au travers de diminuendo. En huit, nous avons les premiers pas trébuchants d’un faon dépeint par le rythme de sicilienne à la main droite. Le même rythme joué à la main gauche dans un mouvement de rotation sert de berceuse à la marmotte durant l’hiver. Puis nous avons Le Paon ; Le Dauphin dont les sorties de l’eau sont évoquées par des déplacements rapides du grave vers l’aigu ; Le hamster ; L’abeille dont on entend le vol rapide évoqué par des doubles croches ; Le poulain dont on entend les premiers sauts ; La poule et le coq dont le caquètement est illustré par des petites notes ; On entend également l’aboiement du chien à la main gauche, puis la biche qui gambade, la tendresse du chaton, le coin-coin du canard dans une voix du milieu, et enfin les petits bonds de l’écureuil. De quoi découvrir la faune en musique !
Marie FRASCHINI
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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André Delcambre, Sonate diplomatique pour piano, Pierre Lafitan, P.L.3323

Cette pièce d’une durée de 3’25’’ et de niveau préparatoire présente une écriture modale dont les surprises pourraient rappeler Satie. Un aperçu de la partition et un aperçu sonore sont consultables sur le site de l’éditeur : https://www.lafitan.com/partition-sonate-diplomatique-piano-oeuvres-instrumentales-1363-38-1-1.z.fr.htm?recherche=53147
Anthony MONDON
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Servane Mordacq, Midnight pour piano, Pierre Lafitan, P.L.3418

Cette pièce d’une durée de 2’35’’ et de niveau élémentaire s’assimile à un nocturne simplifié qui exploite principalement les arpèges de main gauche et les octaves de main droite. La pièce en ré ♭ majeur ne module pas et varie à trois reprises un simple thème en valeurs longues. Un aperçu de la partition et un aperçu sonore sont consultables sur le site de l’éditeur : https://www.lafitan.com/partition-midnight-piano-oeuvres-instrumentales-1341-38-1-1.z.fr.htm?recherche=53149
Anthony MONDON
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Eric Legaud, Terre de Sienne, Mélodies confinées pour piano, Paul Beusher, PB1387

La partition comprend 4 pièces de variété proche du langage de Yann Tiersen. La partition, agrémentée de citations, possède un flash code qui renvoie aux interprétations du compositeur. Lien vers l’éditeur : https://www.paul-beuscher.com/eric-legaud-galago-music-terre-de-sienne-piano-c2x33687402
Anthony MONDON
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Axel Pierrard, 6 bagatelles, Éditions Delatour, DLT2858

Le compositeur, professeur de piano au CRR de la Métropole du Grand Nancy, est soucieux de la qualité et de la diversité des répertoires pédagogiques contemporains. Pour preuve : ces 6 bagatelles, en écho aux Microkosmos de Bartòk, sont des miniatures poétiques variées et uniques du point de vue compositionnel. Elles sont écrites dans un langage foisonnant qui développera chez l’élève la sensibilité aux dissonances et agrégats inouïs, incarnés dans des gestes pianistiques de fin de premier cycle. Lien vers l’éditeur : http://www.editions-delatour.com/fr/piano-seul-solo/4422-6-bagatelles-pour-piano-9790232116419.html
Anthony MONDON
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Axel Pierrard, 2 sonatines, Éditions Delatour, DLT2859

On connaît l’engagement pédagogique du compositeur pour enrichir les formes de jeux et de créativité des jeunes élèves. Les 2 Sonatines, en trois brefs mouvements chacune, allie le plaisir de l’écriture libre et la richesse du jeu pianistique abordable dès la fin du premier cycle. Le langage habile et imaginatif du compositeur est une porte d’entrée intéressante aux répertoires de Messiaen, De Falla et Bartòk. Lien vers l’éditeur : http://www.editions-delatour.com/fr/piano-seul-solo/4419-2-sonatines-pour-piano-9790232116426.html
Anthony MONDON
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SAXOPHONE

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Nicolas PROST, Adolphe Sax Album, vol. 3, Solos caractéristiques pour saxophone sélectionnés par Nicolas Prost, Lemoine, 29510 HL

Faisant suite au volume dont nous avons rendu compte en 2015, voici ce volume 3, de niveau moyen à supérieur. La richesse de ce volume consiste essentiellement dans le choix éclectique opéré par Nicolas Prost. En effet, de Fauré à aujourd’hui, Nicolas Prost nous propose un choix à la fois divers et original d’œuvres méconnues et pourtant passionnantes, balayant tous les styles de musique pour saxophone. Il s’en explique dans une très intéressante et copieuse préface dans laquelle il justifie ses choix et présente œuvres et compositeurs contenus dans cet album. Citons-le pour terminer : « Adolphe Sax Album volume 3 est un formidable document musicologique pour tous les amateurs de saxophone afin de découvrir une écriture idiomatique par les grands compositeurs qui ont contribué à l’histoire de l’instrument ». On ne saurait mieux dire…
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


TROMPETTE

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Gilles MARTIN, Une trompette à Paris pour trompette ou cornet ou bugle et piano, milieu de 2ème cycle, Lafitan, P.L.3138

C’est maintenant au tour de la trompette, après d’autres instruments, de se promener dans paris. Avouons que cette promenade est bien agréable. Après une valse froufroutante et batifolante, un allegro vivo à 4/4 nous entraine dans une marche rapide et pleine de vigueur. Puis la valse reprend et se termine en apothéose sur un crescendo et une longue tenue triomphale. Comme toujours dans cette collection « Plaisir de jouer », la partie de piano est faite pour être jouée par un élève, ce qui permet une très bonne initiation à la musique de chambre et à l’accompagnement, pratiques indispensables pour un pianiste et qui procure tant de plaisir… On ne s’ennuie pas un instant dans ces deux minutes trente de bonne musique, et ce sera certainement le cas pour les interprètes.
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Rémi MAUPETIT, Bulle de savon pour trompette ou cornet ou bugle et piano, niveau 1er cycle, Pierre Lafitan, P.L.3641

Légère comme une bulle de savon, cette pièce l’est sans conteste. Une première partie allegro a des airs de valse : notre bulle danse sur un accompagnement aérien du piano. Après une courte cadence, une partie plus lyrique se présente sous forme d’un andante à 12/8 légèrement berceur. Une jolie phrase mélodique en mineur permettra au jeune trompettiste de montrer toute sa musicalité et son sens du phrasé. Le tout se termine en douceur par deux points d’orgue et des accords suspensifs un brin mélancoliques. Le piano, qui intervient comme partenaire en même temps qu’accompagnateur, devra ne pas écraser la bulle mais tenir son rôle de soutien avec légèreté et délicatesse. L’ensemble est, en tout cas, fort agréable et plaisant.
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Jean-Noël GARDE (trompette) – Pascal SAINT-LÉGER (piano), De Lille à L’isle pour trompette ou cornet ou bugle et piano, débutant, Lafitan, P.L.3657

Cette œuvre, dédiée à Romain Leleu, a été sélectionnée pour le concours de Trompette 2020 (15e édition), de l’Isle-sur-la-Sorgue, en catégorie débutant, ce qui explique le titre…Après une introduction par le piano, un thème joyeux et espiègle ouvre ce morceau. Puis le thème devient rêveur tandis que le piano s’élance en arabesques légères. Une dernière partie, « décidé », conclut la pièce de façon martiale et triomphante. L’ensemble, plein de panache, devrait ravir les jeunes interprètes. La partie de piano n’offre aucune difficulté : ce sera une bonne occasion de pratiquer la musique d’ensemble.
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


VIOLON

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Ludwig van BEETHOVEN, Sonates pour piano et violon, volume Iet volume II, Bärenreiter Urtext, BA 9036, (www.baerenreiter.com)

Durant toute l’année 2020 qui a marqué le 250 e anniversaire de la naissance du grand compositeur, considéré comme le dernier des trois classiques viennois, plusieurs éditeurs ont renouvelé les publications des œuvres de Ludwig van Beethoven. Il ne pouvait en être autrement pour les Éditions Bärenreiter, maison fondée en 1923 et installée depuis 1927 à Cassel en Allemagne, qui est spécialisée notamment dans des partitions historiquement sourcées (Urtext).
La nouvelle version intégrale, en deux volumes, des Sonates pour piano et violon, est la première qui contient un commentaire critique, une description de toutes les sources pertinentes, des informations historiques sur la notation de Beethoven, les marquages du métronome, ainsi qu’une explication sur la pratique du spectacle. C’est au Professeur Clive Brown de l’Univertity for Music and Performing Arts à Vienne que l’on doit cette parution qui, en plus du texte musical, est une véritable mine d’informations (préparée en anglais et allemand).
Vous y trouverez l’histoire détaillée, ainsi que des anecdotes concernant la création de chaque Sonate. Les deux volumes contiennent le chapitre « Reading between the lines of Beethoven’s notation » (Lire entre les lignes de notation de Beethoven). Ce texte de 26 pages, extrêmement bien documenté, et très utile pour une meilleure compréhension du texte beethovenien, ouvre un champ de possibilités d’interprétation, tout en respectant les intentions du compositeur.
Un rapport critique situé à la fin de chaque volume fait la lumière sur toutes les différences de notation entre l’autographe et les premières éditions, expliquant les choix pris parfois par l’éditeur.
Chaque volume contient deux parties de violon : une Urtext et une historiquement annotée, avec des doigtées et coups d’archet très soigneusement choisis. Il est inutile de rajouter qu’elles sont préparées de façon que toutes les tournes de pages soient confortables. L’impression d’ensemble est une qualité remarquable, typique de Bärenreiter, pour un prix raisonnable.
Sur le site de l’éditeur vous trouverez Performing Practice Commentary (uniquement en anglais) préparé par Clive Brown et Neal Peres Da Costa :
https://www.baerenreiter.com/en/shop/product/details/BA9036/
ainsi que des extraits enregistrés par Victoria Mullova et Alsdair Beatson :
https://www.youtube.com/user/BaerenreiterVerlag
et pour celles et ceux qui comprennent l'anglais, un commentaire de 21' de Clive Brown :
https://www.youtube.com/watch?v=wO2xVN6ru2g&t=67s
Voici une édition magistrale d’œuvres magistrales, absolument indispensable dans la bibliothèque d’un violoniste ou pianiste.
Anna Maria BARBARA
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Ludwig van BEETHOVEN, Romances in F major and G major for Violin and Orchestra, Bärenreiter Urtext, BA 9026-90, (www.baerenreiter.com)

Nul besoin de présenter aux violonistes les deux Romances de Beethoven, qui depuis bien longtemps font partie du répertoire des plus grands solistes. Mais, saviez-vous que celle en Fa majeur, op. 50 est antérieure à celle en Sol majeur op. 40 ? Cette dernière a été conservée uniquement sous une forme inachevée, avec des indications de nuances ou d’articulations quasi absentes. Elles ont été rajoutées au fur et à mesure par les éditeurs successifs.
En effet, des analyses graphologiques ont permis aux chercheurs de situer l’autographe de l’op. 50 vers 1798, tandis que l’op. 40 a été sans doute composé entre 1800 et 1801. C’est la raison pour laquelle les éditions Bärenreiter les publient dans cet ordre qui est chronologique.
La réduction piano est basée sur l’Urtext et arrangée par Martin Schelhaas. La partie violon fournie en deux exemplaires : Urtext, qui est à l’image du manuscrit, préparée par Jonathan Del Mar ainsi qu’une version doigtée et avec des coups d’archets par Detlef Hahn. Cela permet de faire une analyse comparative des différentes sources, les plus proches du compositeur, pour préparer son interprétation. Les tournes de pages sont, comme toujours, bien placées et l’ensemble édité avec le plus grand soin.
https://www.baerenreiter.com/en/shop/product/details/BA9026_90/
Anna Maria BARBARA
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Claud-Henry JOUBERT, La belle et la bette, Concerto végétarien pour violon avec accompagnement de piano, dédié à Maud Rouchaleou, Éditions Pierre Lafitan, collection Plaisir de jouer, P.L.3692

Un morceau ludique, puisqu’il est doté d’une petite histoire (en parlant de la bette il s’agit bien d’une plante comestible !) écrite au début de chaque section qui fait référence à un aspect technique spécifique à travailler.
Que ça soit un chant avec des points d’orgue qui laissent la place pour une éventuelle mini-improvisation, la vélocité, des liaisons longues avec des changements de cordes, des coups d’archet évoquant certains passages de musique baroque (doubles-croches avec la première détaché, puis trois ou sept liées), le texte peut éveiller l’imaginaire et aider ainsi à renforcer la musicalité. Par moment un dialogue est à réciter ou à chanter tout en jouant. Les nuances vont de p à f, mais, à mon avis, il ne faut pas hésiter à en rajouter.
La pièce serait destinée à une 4 e année, mais cette indication reste relative, car par sa longueur (3 pages), ses fréquents changements de tonalités (sol majeur – do mineur – do majeur – ré mineur – sol majeur), la nécessité de démancher constamment entre la 1 ère et 3 e (il y a même un ou deux endroits où la 2 e position serait la plus confortable) et une technique d’archet assez complexe, elle pourrait plutôt être destinée aux élèves en début du 2 e cycle.
La partie de piano est simple, construite sur des harmonies de base, ce qui permet une mise en place facile et aide à garder le rythme malgré tous les changements agogiques.
https://www.lafitan.com/
Anna Maria BARBARA
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


VIOLONCELLE

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François NARBONI, 5 Barberinades pour violoncelle seul, Lemoine, 29 583 H.L.

François Narboni est un compositeur et vibraphoniste français né à Paris le 26 juillet 1963. Mais il est aussi pédagogue. Ces cinq pièces pédagogiques sont composées pour des élèves de fin de 2ème cycle. Chaque pièce est centrée sur un effet particulier à réaliser sur l’instrument : harmoniques naturelles et artificielles, doubles cordes, percussion archet et main gauche, pizzicati… Les titres sont particulièrement évocateurs : Petite sieste, Septembre, Djoule, Dans la lune, Chic planète. Et surtout, l’effet technique disparait derrière la musique : plus que des exercices, sont de petites œuvres musicales diverses et charmantes. Deux de ces pièces se trouvent sur YouTube : dans la lune https://www.youtube.com/watch?v=Fr3lp2aa3Gw et Djoulehttps://www.youtube.com/watch?v=fEUqP0WAxoo
Daniel BLACKSTONE
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Patrick Chadaillat, Mon chien s’appelle Igor pour violoncelle et piano, Éditions Pierre Lafitan, P.L.3608

Un morceau sympathique, ludique et joyeux pour développer l’agilité et appréhender l’extension arrière en demi-position, destiné aux élèves du 1 er cycle.
À noter également, des subtilités sur le plan rythmique et technique d’archet.
En commandant la partition sur le site de l’éditeur, vous recevez en cadeau dans votre boîte e-mail, les fichiers sonores de démonstration (instrument avec accompagnement de piano et piano seul).
https://www.lafitan.com/
Virginie Constant
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


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Romain Dumas, Adagio pour violoncelle et piano, Éditions Pierre Lafitan, P.L.3601

Joli morceau pour développer le legato et l’expression. Si la pièce demande un peu d’aisance sur le plan de l’interprétation et de la conception, contrairement à l’indication (fin de 2 e cycle), elle est plutôt destinée à un milieu, voire début de 2 e cycle.
A noter qu’il existe une version violoncelle et orchestre à cordes.
Virginie Constant
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2021


MUSIQUE DE CHAMBRE

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Henri-Jean SCHUBNEL, Trio op. 25 pour violon, clarinette et piano, Delatour, DLT 2840

Ce trio pour violon, clarinette et piano comporte les mêmes qualités lyriques et expressives qu’on connait à ce compositeur. Né à Nice en 1935, il a reçu en 1955 le Grand prix de la ville de Nice attribué à l’élève le plus remarqué lors des concours du conservatoire (premier prix d’orgue à l’unanimité, première médaille d’harmonie…). Il compose dès l’âge de 12 ans, et est élève de Tony Aubin, mais il est également docteur ès sciences naturelles, et a été professeur de minéralogie au Muséum national d’histoire naturelle. Quatre mouvements dans ce trio : un allegro, un scherzo, un troisième mouvement « expressif » et un final allegro. Ecrit en 2001, cette œuvre nous est heureusement présentée aujourd’hui par les éditions Delatour France.
Daniel BLACKSTONE
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Alireza Mashayekhi, ̔Darya  ̓ A Parsian Suite pour quatuor à cordes, DELATOUR France (www.editions-delatour.com)

Alireza Mashayekhi est un compositeur iranien, formé à L'académie de musique et des arts du spectacle de Vienne et à l’institut de sonologie à Utrecht. Il occupe un poste de professeur de composition à l’Université de Téhéran.
Sa composition pour quatuor à cordes, op 137, No.2, largement inspirée, comme l’indique le titre, par la musique persane, contient quatre mouvements. Toutes les parties en la mineur, où la note de la est omniprésente, sont tenues dans un climat sombre. Il n’y a aucune description du caractère des mouvements si ce n’est quelques indications métronomiques. Le Ier mouvement, avec beaucoup d’unissons demande une bonne synchronisation entre les musiciens. Le 2 e est une sorte de marche aux rythmes assez simples, avec quelques éléments d’écriture contemporaine (coups d’archet « jeté »), beaucoup de mouvements rythmiques et mélodiques parallèles entre deux, trois ou quatre instruments. Le 3 e mouvement, lent, à mon goût le plus réussi, est dans l’esprit d’improvisation, avec des longs chants dialoguant entre le violon 1 et le violoncelle dans un climat méditatif. Le 4 e est encore une marche, presque militaire, avec des éléments techniques tels que : glissades en tremolo, pizz. Bartok, changements fréquents et rapides des nuances. Dans l’écriture on retrouve les mouvements parallèles. Cette composition peut être étudiée en cours de musique de chambre par des élèves en fin de 2 e et en 3 e cycle. Il faut néanmoins bien les guider dans le choix des coups d’archets qui ne sont parfois que suggérés.
La partition est très soigneusement éditée et contient toutes les parties séparées ainsi qu’un conducteur.
Vous trouverez ici une version pour l’orchestre à cordes :
https://www.youtube.com/watch?v=FvBEfQmfGuk&list=OLAK5uy_ng0KFvqNiJHvNpm6B3xE gkb5WRkZ_k2NI
Anna Maria BARBARA
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ORCHESTRE

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Hyacinthe JADIN, Concerto pour piano n° 2 en ré mineur, Symétrie, ISMN 979-0-2318-0365-5

Né en 1776 et mort prématurément de tuberculose en 1800 à l’âge de vingt-quatre ans, Hyacinthe Jadin est l'un des représentants les plus originaux du préromantisme français. Sa courte carrière fut cependant féconde. Compositeur précoce (dès l’âge de neuf ans), il fait partie d’une famille de musiciens. On lira avec intérêt la notice consacrée à cette œuvre par Jérôme Dorival https://symetrie.com/fr/titres/concerto-pour-piano-orchestre-n-2 et qu’il est inutile de recopier ici. On pourra également écouter en partie l’œuvre sur YouTube, notamment les deuxième et troisième mouvements https://www.youtube.com/watch?v=CDfFAEaHgNc On peut également y trouver d’autres œuvres de Hyacinthe Jadin, notamment sa musique de chambre. Pour ce concerto, non seulement le conducteur est disponible en deux formats mais aussi tout le matériel d’orchestre ainsi qu’une réduction pour deux pianos. On ne peut que recommander chaudement la découverte de cette partition et de ce compositeur trop peu connu.
Daniel BLACKSTONE
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CHŒUR

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Chanoine M. KALTNECKER, Messe brève sur des Noëls populaires pour chœur mixte SATB cordes et orgue, Orchestration : Jean-Claude FASEL

Le chanoine Maurice Kaltnecker fut, certes, un compositeur de cantiques, mais pas uniquement. Il avait reçu une solide éducation musicale et fut notamment l’élève de Guy Ropartz en harmonie. Cette messe brève écrite en 1934 dans sa version originale pour chœur mixte et orgue ou piano a été orchestrée avec beaucoup de goût. Ecrite dans un style très classique, elle fera le bonheur de bien des paroisses ou pourra être donnée en concert. Les Noëls qui servent de thèmes à la partition sont indiqués en détail sur la deuxième de couverture et sont bien connus, du moins on l’espère, et sont un rappel authentique de la tradition des noëls français qui, depuis le XVI° - XVII° siècle ont traversé le temps.
Daniel BLACKSTONE
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CDs

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F. Scarlatti, A. Scarlatti, F. Geminiani, A. Corelli, Concerto Grosso émigré british isles, {oh!} Orkiestra Historyczna, Martyna Pastuszka, MUSO (www.muso.mu), mu-030, TT : 63’56

L’ensemble baroque polonais {oh!} Orkiestra Historyczna et sa fondatrice Martyna Pastuszka invitent l’auditeur à un voyage dans les îles britanniques du 18 ème siècle où les musiciens italiens trouvaient souvent une satisfaction artistique et pécuniaire plus facilement que sur le continent. Un bel hommage aux maîtres italiens reconnus, tel Francesco GEMINIANI(1653-1762), dont la Sonate pour violon op.1 N°1 dans l’arrangement de Charles Avison est interprété ici avec brio, ou Arcangello CORELLIavec sa Sonate op 5 N°3 où GEMINIANIapparait cette fois-ci comme arrangeur. La place la plus importante est réservée aux Goncerti grossi Nos 1, 2, 3, 4, 8 et 9 du compositeur Francesco SCARLATTImoins connu que son frère, le célèbre Alessandro. Les musiciens se sont servis de l’édition de six concerti les plus magistraux, publiée par A-R Editions comme source pour cet enregistrement. Leur interprétation très dynamique, soignée dans les choix de timbres, de nuances et d’agogiques offrira au public un moment musical captivant. Le disque, édité avec l’élégance, est doté d’une notice très explicite et documentée, rédigée par Martyna Pastuszka et traduite en français et en anglais.
https://www.youtube.com/user/OrkiestraHistoryczna
Anna Maria BARBARA
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Quintette Aquilon, Vincent David, Saisons, Piazzolla, Barber, McDowall, Tomasi, KLARTHE Records (www.klarthe.com), TT : 64’39

Un disque pas comme les autres. Les cinq musiciennes : Marion Ralincourt, flûte, Claire Sirjacobs, hautbois, Stéphanie Corre, clarinette, Marianne Tilquin, cor et Gaëlle Habert, basson, ont pris l’engagement de rendre hommage à la nature et aux femmes. Le choix du programme autour des quatre saisons évoque la question du dérèglement climatique et met en valeur les compositions de Henri Tomasi (1901- 1971) : Printemps pour sextuor à vent avec la participation du saxophoniste Vincent David, celle de Samuel Barber (1910 - 1981) : Summer music, de Jennifer Higdon (1962) : Autumn music, et de Cecila McDowall (1951) : Winter music. Le tout intercalé par Estaciones Porteñas d’Astor Piazzolla (1921 – 1992), dont la version originale pour violon, piano, guitare électrique, contrebasse et bandonéon, est arrangée ici pour quintette à vent. Les jeunes femmes sont parfaites dans leurs interprétations techniquement irréprochables, réfléchies, naturelles, juvéniles. Le disque est lui-même « emballé » dans une pochette respectant l’environnement : fabriquée en carton brut et papier recyclé, impression minimaliste, sans cellophane. Et la cerise sur le gâteau…ou plutôt le goût du miel qui s’annonce : une feuille de papier ensemencé de graines de fleurs mellifères à planter est glissée à l’intérieure. De quoi éveiller tous les sens !
https://www.quintette-aquilon.com/ https://www.youtube.com/user/quintetteaquilon
Anna Maria BARBARA
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LE BLEU DU CIEL, mise en musique : Régis Campo, mise en image : Edouard Taufenbach, Filigranes Éditions (www.filigranes.com), TT : 38’44

Un objet absolument hors du commun réalisé dans le cadre du projet de création « Prix Suisse Life à 4 mains » par Régis Campo, compositeur et Edouard Taufenbach, photographe. Un livre leporello1 qui peut se lire et relire en boucle. D’un côté on découvre les photos des hirondelles sur un fond de ciel dont les nuances de couleur changent entre gris, beige, bleu, prises lors du séjour d’Edouard Taufenbach à la villa Médicis. De l’autre, le texte qui présente les valeurs que le jury a mis en place pour l’attribution du prix de l’année 2020, à savoir : l’audace, la générosité, la liberté. Il y a aussi un entretien croisé avec les deux artistes qui nous invitent à plonger dans un voyage entre leurs deux univers et veulent nous amener à découvrir les mêmes émotions, réflexions à travers leurs langages respectifs : la photographie et la musique. Les esquisses qui tracent des vols d’hirondelles superposées aux esquisses des partitions complètent le livre, en font encore une œuvre d’art à part.
Régis Campo raconte qu’il a été contacté par Edouard Taufenbach, via son compte Instagram ! Au mois de janvier 2020 leur projet a été choisi parmi 128 candidats et a reçu carte blanche de la Fondation Suisse Life pour sa réalisation.
Le travail a occupé les deux artistes pendant les longues semaines du confinement entre mars et mai, en échange virtuel entre Rome et Paris.
L’enregistrement de la musique a pu avoir lieu au mois de juillet au Studio de Meudon et au Studio Taylor. Régis Campo s’est éloigné volontairement de son champ esthétique habituel, vers un style qui évoque la musique de film, pop ou encore électro. Le disque contient cinq titres dont chacun est dédié à une personnalité. Le deuxième, le plus long (12’06) rend hommage à Ennio Morricone, décédé pendant la réalisation du projet, dont Régis avoue connaître sa musique depuis l’âge de trois ans. Son titre : Rondini (hirondelles en italien), fait aussi l’allusion à ville de Rome tant aimée par Morricone.
L’emploi des sons, parfois surprenants, comme des sifflements, des battements du cœur, caquètements, miaulements…et en même temps l’aspect très orchestrale, typique du compositeur, produisent une musique très illustrative, extrêmement riche en couleurs et en émotions.
Les prises du son ont été effectuées dans des règles d’une production pop, soit en superposant plusieurs pistes. Il faut ici souligner le travail remarquable d’Arthur Dairaine qui a assuré non seulement des partis de nombreux instruments, mais aussi la programmation des sons électroniques, le mixage et le montage. Mais tous les artistes unis dans la réalisation méritent d’être applaudis : Mylène Ballion - mezzo-soprano, Cyril Constanzo - contre -ténor et baryton, Valentin Marinelli - violon, Yoko Yamada - toy piano et moulin à musique, Régis Campo - sifflements, Samy Bouvet - ingénieur du son, sans oublier une petite chatte nommée Lola !
Une œuvre d’art à découvrir absolument et sans tarder, car tirée en seulement huit cent trente exemplaires !

1 Livre accordéon, dont la forme fait l’allusion à Leporello, le valet de Don Giovanni dans l’opéra de Mozart, qui présente à Donna Elvira la liste des conquêtes de son maître, pliée en accordéon, soit une liste sans fin.

https://www.filigranes.com/livre/le-bleu-du-ciel/
https://www.youtube.com/channel/UCwVIdxGZiHa0kmIUFg8uD9A
https://www.facebook.com/regis.campo
twitter : @Regiscampo
Instagram : @regiscampo.oficial, @edouardtaufenbach
https://www.swisslife.fr/Le-Groupe/Fondation-Swiss-Life/Soutenir-la-creation

Anna Maria BARBARA
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Gaëlle Solal, Tuhu, Eudora Records, Distribution : Distrart Musique, EUD-SACD-2003, TT : 59’07, Compositions de Villa-Lobos, Roland Dyens, Pixinguinha, Ernesto Nazareth, Guinga, Tom Jobim, Egberto Gismonti et Garoto

La guitariste française Gaëlle Solal, formée au CNSM de Paris et à la Hochschule de Cologne, lauréate de plus de douze prix nationaux et internationaux, installée à Bruxelles, nous offre avec son nouvel album un programme chaleureux et cohérent autour du Brésil et du compositeur brésilien Heitor Villa-Lobos (1887-1959). Le CD s'ouvre avec Tuhu, quatrième mouvement de l'Hommage à Villa-Lobos, composé par l'incontournable Roland Dyens (1955-2016), ancien maître de la guitariste. Le titre, qui donne son nom à l'album (Tuhu était le surnom d'enfance de Villa-Lobos), est abordé avec un traitement rythmique enthousiasmant ajouté à une clarté expressive. Dans la seconde piste, Gaëlle Solal propose une version sobre et oxygénée du classique populaire brésilien, Carinhoso, de Pixinguinha (1897-1973). L'album consacre sept des 14 titres aux partitions de Villa-Lobos, dont les favoris Choros n.1, Prelúdios n.2 et n.3, en plus des deux premiers mouvements de la Suite Populaire Brésilienne. Mazurka-Chôro, piste numéro cinq, se distingue par la réincorporation d'une introduction à la pièce récemment découverte par le musée Villa-Lobos de Rio de Janeiro. Il est bien relié, dans une atmosphère de nostalgie, à Tristorosa, également de Villa-Lobos. Avec Saudade n°3, composé par Dyens, l'album explorera d'autres paysages, notamment le son caractéristique de la musique du nord-est du Brésil. L'album comporte également Brejeiro du compositeur Ernesto Nazareth (1863-1934), dans une version qui fait référence à la spontanéité des « cercles de choro » que la guitariste a fréquentée à partir de son voyage au Brésil en 2009.
Le CD s’achève par les Lamentos do Morro, une pièce festive et ensoleillée du compositeur populaire Garoto (1915-1955). Également disponible sur des plateformes de streaming, Tuhu est distribué sous digipak, avec un généreux encart d'information en anglais et en français. Distribué sous forme de CD hybride SACD et MQA-CD, il constitue donc une proposition attrayante à la collection des amateurs audiophiles.
Charles de PAIVA SANTANA
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Joseph-Guy ROPARTZ, Les 3 Sonates et autres pièces pour violon & piano, Alexis Galpérine, Jean-Louis Hagenauer, Gérard-Marie Fallour, Forgotten Records (https://forgottenrecords.com), fr 1828/9, TT : 60’30 (CD1), 47’41 (CD2)

Le compositeur breton (Guingamp, 1864 – Lanloup, 1955), compagnon de route de Vincent d’Indy, a connu de son vivant les honneurs officiels et académiques. George Enesco et Robert Casadesus ont donné ses trois Sonates en une seule séance le 30 mai 1929, prouvant ainsi l’estime qu’ils leur portaient. Malgré tout cela, son œuvre est progressivement mise à l’écart dès son vivant. Pourtant elle mérite de sortir dans la lumière, aussi bien auprès des musiciens que des mélomanes. Telle est la volonté du violoniste Alexis Galpérine, des pianistes : Jean-Louis Hagenauer et Gérard-Marie Fallour et de la maison de disques Forgotten Records. Cette rétrospective contient trois Sonates pour violon et piano, dont la création est espacée à chaque fois de dix ans : n°1 en ré mineur (1907) s’ouvre avec un grave cantique traditionnel breton qui donne le ton sombre et mélancolique de la partition ; n°2 en mi majeur (1917), écrite en pleine guerre à Nancy et dédiée à Gaston Vallin, la plus imposante, complexe par ses harmonies somptueuses qui soutiennent les phrases étirées ; n°3 en la majeur (1927), dédiée à George Enecso, la plus jouée de nos jours, peut-être à cause de son climat enjoué, son lyrisme lumineux, son côté passionnel. Alexis Galpérine et Jean-Louis Hagenauer savent non seulement traduire en émotion l’écriture du compositeur, mais trouvent des discours, des messages qui, à première vue, sont bien cachés dans le texte musical. L’entente parfaite des deux chambristes nous fait partir immédiatement vers un monde où l’art est la seule préoccupation.
Le deuxième disque est complété par quelques raretés parmi les œuvres officiels de Ropartz. Nous découvrons une magnifique Elégie op. 19, initialement écrite pour violoncelle et piano, évoquant la nostalgie des chants populaires. Elle est ici transcrite pour violon par Alexis Galpérine avec le concours de Benoit Menut, tout comme les quatre Mélodies qui concluent le programme. Puis vient Lamento avec tout le chagrin que le titre peut évoquer. Romanza e Scherzino fait partie des rares pages concertantes du compositeur, n’ayant pas pour autant une virtuosité apparente. Dans ce deuxième disque le violoniste est accompagné par Gérard- Marie Fallour. La générosité, la longueur de phrasés, un son chaud et une riche palette d’émotions exposées avec une élégance naturelle sont les atouts d’Alexis Galpérine. Soutenues par la profondeur et la rondeur dans le touché du piano sous les doigts de Gérard-Marie Fallour, ces qualités font de l’écoute un moment de détente profonde. N’hésitez pas à commander ce beau disque, ainsi que visiter le riche et très intéressant catalogue de la maison Forgotten Records :
https://forgottenrecords.com/fr/catalogue
Anna Maria BARBARA
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Hollandse Fragmenten: Early Dutch Polyphony, Diskantores / Niels Berentsen, MUSO, MU-042 (www.muso.mu), TT : 66'

Comme son nom l’indique, la nouvelle livraison du label MUSO sort des sentiers battus en proposant un assortiment original de pièces essentiellement polyphoniques composées au tout début du XV e siècle aux Pays-Bas. Les vingt pièces ici réunies proviennent de fragments divers, conservés dans les bibliothèques universitaires d’Utrecht, Leyde et Amsterdam. On y trouve des musiques religieuses, plains-chants et polyphonies mesurées, autant que des chansons et des solos d’orgue. Le latin y côtoie le moyen néerlandais, voire un peu de français et d’allemand. À part quelques noms connus (Martinus Fabri, Hymbert de Salinis et Oswald von Wolkenstein), la plupart de ces compostions sont anonymes. Comme souvent, à une époque où la polyphonie était éditée en parties séparées, plusieurs pièces sont lacunaires et ont dû faire l’objet de restaurations et de restitutions sophistiquées. Il y a même un grand Salve médiéval complètement métamorphosé par d’audacieuses ficta ! Servie par une prise de son de qualité, cette collection agréablement variée est interprétée avec virtuosité par le jeune ensemble vocal néerlandais Diskantores (deux ténors et deux contre-ténors), et Jacques Meegens à l’orgue. La direction en est assurée par le talentueux chanteur et musicologue Niels Berentsen, professeur à la Haute École de Musique de Genève, expert de cette longue période musicale à cheval entre Moyen Âge et Renaissance, et spécialiste des techniques d’improvisation polyphonique de cette époque.
Daniel SAULNIER
Centre d’études supérieures de la Renaissance (Tours)
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Orchestre Pasdeloup, POLISH HEROINES OF MUSIC, ANAKLASIS - ANA 014 SOUNDS, 2021, TT : 63:54

Devant la nécessité d’écouter la voix et l’oeuvre des femmes compositrices d’aujourd’hui, l’orchestre Pasdeloup dirigé par Marzena Diakun et ses musiciens hors-pair sort chez Anaklasis le CD Polish Heroines of Music (« Héroines de la musique polonaise ») comprenant des œuvres orchestrales d'Elżbieta Sikora, Hanna Kulenty, Grażyna Bacewicz et Agata Zubel.
L’orchestre Pasdeloup, présidé par la violoniste Marianne Rivière - la seule femme directrice d’orchestre en France - est le plus ancien orchestre de France (fondé en 1861) à se produire régulièrement en France comme à l’étranger.
En hommage subtil à la claveciniste Wanda Landowska (1879-1959) Sonosphère V d’Elżbieta Sikora conjugue la modernité électrique à la tradition acoustique grâce au jeu époustouflant du guitariste jazz Misja Fitzgerald Michel. L’oeuvre s’inscrit dans un cycle débuté en 2013 par la compositrice.
Aisthetikos de Hanna Kulenty, interprété par le saxophoniste Bartłomiej Duś et la pianiste Magdalena Duś, est un duo mystique d’une sonorité enveloppante porté par un fond d’orchestre discret en dialogue intime avec les solistes.
Contradizione est un classique de l'éminente compositrice et virtuose du violon Grażyna Bacewicz, également pianiste et écrivain chevronnée. Créée en 1966, cette oeuvre mystérieuse pour orchestre de chambre est bourgeonnante d’expressions musicales fortes et diversifiées.
In the Shade of an Unshed Tear d’Agata Zubel tente d’explorer les possibilités d’un orchestre beethovenien dans la musique contemporaine. Dans une palette dynamique de piano, l’orchestre énigmatique donne à entendre des couleurs déchirantes où la dissonance culmine jusqu’à l’éclat.
http://www.anaklasis.pl/en/katalog.html https://www.youtube.com/watch?v=JRQqS_QzMdw&list=OLAK5uy_mr0XcAZ5tAPXBlc9Xn8BDOnOyevhF2qGw
Anthony MONDON
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BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉDUCATION MUSICALE

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VIENT DE PARAÎTRE


BAC 2021. LE LIVRET DU CANDIDAT
ISBN : 9782701023243,
Parution le 10 décembre 2020, 24.50 €

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LA MÉTAPHORE MUSICALE DE L’HARMONIE DU MONDE À LA RENAISSANCE
Myriam JACQUEMIER
ISBN : 978270102291,
560 pages, 2020, 56 €


Comment dire le sacré ? Comment résoudre l’attrait irrésistible pour le principe de l’Unité alors que tout spectacle du réel renvoie à l’évidence troublante de l’altérité ? La musique par la magie des accords, la complexité des sons, la richesse de l’inventivité humaine, ne pouvait-elle pas, à bon droit, espérer rendre possible un tel espoir ? Ne pouvait-elle pas aller jusqu’à exercer un réel pouvoir de régénération de la nature entière, élevant les âmes, fédérant corps et esprits en un même idéal, jusqu’à ce que le mystère opère et que l’esprit de concorde des premiers commencements rejoue la symphonie initiale désaccordée par les colères humaines ? Lire la suite

lire l'introduction

VOIX HÉBRAÏQUES
Hector SABO
ISBN : 9791091890359,
352 pages, 2020, 26.00 €

L’association du peuple hébreu à la musique remonte aux temps de la Bible. Or, « la composante musicale de la tradition juive est déterminée à la fois par l’espace et le temps ; par les modes artistiques de ses lieux d’exécution, et par les contextes culturels propres à son histoire », écrit Paul B. Fenton dans sa préface à ces Voix hébraïques. Espace et temps, c’est à un voyage historique, mais surtout musical, qu’invite ce livre, en quête de la « musique juive », si difficile à définir dans sa diversité, ancrée dans la permanence de la langue hébraïque. Lire la suite

Lire le chapitre 2, La Renaissance et le Baroque

Interview d'Hector SABO par AKADEM


Hector SABO et Marc-Alain OUAKNIN dans Talmudiques
La leçon de musique 1/2 Quand Jean de Dreux rencontre Mozart à la synagogue.
La leçon de musique 2/2 De la synagogue à Broadway

Les Polyphonies Hébraïques de Strasbourg

LES AVATARS DU PIANO
Ziad KREIDY
ISBN : 9782701016252, 75 pages, 14.50€

Mozart aurait-il été heureux de disposer d’un Steinway de 2010 ? L’aurait-il préféré à ses pianofortes ? Et Chopin, entre un piano ro- mantique et un piano moderne, qu’aurait-il choisi ?
Entre la puissance du piano d’aujourd’hui et les nuances perdues des pianos d’hier, où irait le cœur des uns et des autres ?
Personne ne le saura jamais. Mais une chose est sûre : ni Mozart, ni les autres compositeurs du passé n’auraient composé leurs œuvres de la même façon si leur instrument avait été différent, s’il avait été celui d’aujourd’hui. Lire la suite


KARLHEINZ STOCKHAUSEN JE SUIS LES SONS ...
Ivanka STOIANOVA
ISBN :9782701020273, 356 pages, 2014, 34.00€

Ce livre, que le compositeur souhaitait publier dans sa maison d’édition à Kürten, se propose de présenter les orientations principales de la recherche de Karlheinz Stockhausen (1928-2007) à travers ses œuvres, couvrant sa vie et ouvrant un accès direct à ses écrits. Divers domaines investis par le plus grand inventeur de musique de la seconde moitié du xxe siècle sont abordés : composition de soi à travers les matériaux nouveaux Lire la suite


ANALYSES MUSICALES XVIIIè SIECLE. VOLUME 1
Daniel BLACKSTONE, C. et Gérard DENIZEAU (sous la direction de)
ISBN : 9782701020280, 224 pages, 2014, 19.00€

En 2010, L’Éducation musicale a fêté son soixante-cinquième anniversaire. Dans l’histoire de la presse spécialisée, ce record de durée ne laisse pas d’impressionner, surtout en un temps où tant de menaces pèsent sur les exigences de la vie culturelle. sans doute le secret de cette longévité est-il à découvrir dans la constante capacité de renouvellement d’une publication réservée, lors de sa création, à la corporation – jeune et enthousiaste – de professeurs de musique jouissant d’un nouveau statut au sein de l’Éducation nationale. Lire la suite


MAURICE MARTENOT, LUTHIER DE L’ÉLECTRONIQUE
Jean LAURENDEAU
ISBN : 9782701022376, 386 pages, 2017, 59.00€

« Connaissez-vous beaucoup d'inventeurs d'instruments de musique ? Ceux dont l'histoire a retenu les noms se comptent sur les doigts d'une main. Jean- Christophe Denner a inventé la clarinette, Adolphe Sax le saxophone. Et puis ? On connaît des facteurs d'instruments, Stradivarius, par exemple. Mais il n'a pas inventé le violon. Alors qui ? Qui le piano ? Qui a inventé le tambour, la flûte, la harpe ? Autant demander qui étaient Adam et Ève ! » Lire la suite


LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA MUSIQUE OCCIDENTALE
Serge GUT
ISBN : 9782701022383, 432 pages, 2018, 46.00€

Disparu en mars 2014 à l’âge de 86 ans, Serge Gut compte au nombre des figures majeures de la musicologie française des dernières décennies. Spécialiste de Franz Liszt, auquel il consacra deux grands ouvrages et de nombreux articles, il fut également un analyste réputé. Après une première formation de compositeur, il avait commencé sa carrière musicologique, dans les années 1960-1970, par des publications traitant surtout de questions de langage musical – un domaine qui, bien que parfois négligé par les milieux universitaires, constitue le pont naturel entre composition et théorie. Lire la suite



ÉSPRIT DE SUITE. Pour une lecture avisée et pratique des œuvres du répertoire organistique
Jean GUILLOU
ISBN : 9782701022888,
24.00 €

Une application minutieuse inspirée par un répertoire organistique allant de Frescobaldi jusqu'aux œuvres de l'auteur lui-même est le mot d'ordre de cet ouvrage qui veut faire suite à celui de La Musique et le Geste, aussi confié aux éditions Beauchesne.
Remarques porteuses d'expériences pratiques, libres présentations esthétiques accompagnant des lustres de concerts et d'enregistrements et qui permettent d'aller d'emblée à l'essentiel, de toucher ce noyau central qui libère les forces devant présider à l'interprétation. Rencontre entre l'esprit et le monde, comme la rencontre entre La Musique et le Geste, dans ce désir de céder dans l'aura musical au pouvoir de l'écriture. Lire la suite

LA MUSIQUE ET LE GESTE
Jean GUILLOU
ISBN : 9782701019994,
352 pages, 2012, 29.00 €

Cet ouvrage illustre l’activité protéiforme de Jean Guillou et célèbre l’indissociable alliance de sa musique avec la littérature et les autres formes d’art qui s’y trouvent comme entretissées. À l’encontre de tout académisme, ces écrits, attachés à diverses circonstances, manifestent une inlassable projection dans l’avenir. De même nature prospective que ses œuvres musicales – plus de quatre-vingts opus aujourd’hui – qui font de lui l’un des compositeurs majeurs de notre temps, ces textes sont vifs et variés comme ses improvisations fulgurantes. Théoricien novateur, Jean Guillou est l’auteur de L’Orgue, Souvenir et Avenir (quatrième édition chez Symétrie) et on lui doit, dans la facture d’orgues, la conception de nombreux instruments construits à Zurich, Rome, Naples, Bruxelles, Tenerife, León et en France. Lire la suite


CHARLES DICKENS, la musique et la vie artistique à Londres à l’époque victorienne Suivi d’un Dictionnaire biographique et d’un
 Dictionnaire des personnages cités
James LYON
ISBN : 9782701020341,
268 pages, 2015, 29.00 €

Au travers du récit que James Lyon nous fait de l’existence de Dickens, il apparaît bien vite que l’écrivain se doublait d’un précieux défenseur des arts et de la musique. Rares sont pourtant ses écrits musicographiques ; c’est au travers des références musicales qui entrent dans ses livres que l’on constate la grande culture musicale de l’écrivain. Il se profilera d’ailleurs de plus en plus comme le défenseur d’une musique authentiquement anglaise, forte de cette tradition évoquée plus haut. Lire la suite

LEOŠ JANÁČEK, JEAN SIBELIUS ET RALPH VAUGHAN WILLIAMS. UN CHEMINEMENT COMMUN VERS LES SOURCES
James LYON
ISBN : 9782701015958,
720 pages, 79.00 €

Pour la première fois, le Tchèque Leoš Janáček (1854-1928), le Finlandais Jean Sibelius (1865-1957) et l’Anglais Ralph Vaughan Williams (1872-1958) sont mis en perspective dans le même ouvrage. En effet, ces trois compositeurs - chacun avec sa personnalité bien affirmée - ont tissé des liens avec les sources orales du chant entonné par le peuple. L’étude commune et conjointe de leurs itinéraires s’est avérée stimulante tant les répertoires mélodiques de leurs mondes sonores est d’une richesse émouvante. Les trois hommes ont vécu pratiquement à la même époque. Lire la suite

JOHANN SEBASTIAN BACH : CHORALS
James LYON
ISBN : 9782701014937,
336 pages, 2005, 49.00 €

Ce guide s’adresse aux musicologues, hymnologues, organistes, chefs de chœur, discophiles, mélomanes ainsi qu’aux théologiens et aux prédicateurs, soucieux de retourner aux sources des textes poétiques et des mélodies de chorals, si largement exploités par Jean-Sébastien Bach, afin de les situer dans leurs divers contextes historique, psychologique, religieux, sociologique et surtout théologique. Lire la suite


CONNAÎTRE SA VOIX POUR MIEUX LA PRÉSERVER
Élisabeth PÉRI-FONTAA
ISBN : 9782853853651,
240 pages, 2020, 28.00 €

Préserver ses capacités vocales est un objectif majeur chez ceux qui utilisent leur voix pour exercer leur profession, les professionnels de la voix. Mais de nos jours, ne sommes-nous pas tous des professionnels de la voix ? Et parmi les rares d’entre nous qui ne le sont pas, la qualité de la voix est essentielle pour certaines activités extra- professionnelles : que ce soient les loisirs, engagements associatifs et vie familiale. Lire la suite


LE VERBE ET LA VOIX. LA MANIFESTATION VOCALE DANS LE CULTE EN FRANCE AU 17ÈME SIÈCLE
Monique BRULIN
ISBN : 9782701013756,
506 pages, 1998, 48.00 €

Notre époque qui s'interroge sur le renouveau des chemins de l'esprit et du cœur porte une attention marquée aux supports et aux conditions de l'expérience religieuse.
La France du XVIe siècle qui constitue le cadre de cette étude est le lieu d'un débat permanent entre l'avènement de l'homme intérieur et la nécessité de donner à cette expérience individuelle et collective une manifestation extérieure et sensible. Lire la suite


EN PRÉPARATION


LA MUSIQUE ARABE DANS LE MAGHREB
Jules ROUANET
ISBN : 9791091890397,

La musique arabe dans le Maghreb, de Jules Rouanet, est un chapitre du tome V de l’Encyclopédie de la musique, dirigée par Albert Lavignac et Lionel de La Laurencie, publiée chez Delagrave de 1913 à 1922, d’abord en fascicules, puis en volumes reliés : «monument littéraire », « ouvrage considérable, conçu sur un plan absolument nouveau et sans aucun parti pris d’école », dont le but était «de fixer l’état des connaissances musicales au début du vingtième siècle ». C’était l’époque des grandes machines éditoriales, des mobilisations, des bilans, de l’Histoire de la langue et de la littérature française, en huit tomes, sous la direction de Louis Petit de Julleville, ou de l’Histoire de la langue française, en onze tomes, dirigée par Ferdinand Brunot qui partait en automobile sur les routes, vers 1911, avec de drôles d’appareils pour enregistrer les façons de parler de notre pays. Lire la suite

LA PENSÉE SYMPHONIQUE
Ivanka STOIANOVA
ISBN : 9782701023090, En préparation

Cet ouvrage didactique, troisième volume du Manuel d’analyse musicale d’Ivanka Stoianova qui fait suite à Manuel d’analyse musicale 1 /Les formes classiques simples et complexes, Minerve, 1996 et Analyse musicale 2 /Variations, sonate, formes cycliques, Minerve, 2000, se propose d’élucider les principes de la pensée symphonique dans les formes dites libres de la tradition classique et romantique. Lire la suite



ANNONCES

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Concert-Conférence à la Salle communale de Marmoutier
Présentation du livre « Voix hébraïques »
18 avril 2021
Jean Moissonnier, basse, Micaël Berger, flûte traversière et Hector Sabo, auteur du livre, musicien et musicologue.

Le « Concert-conférence » proposé par Hector Sabo présente, de manière succincte et condensée, le contenu global de son livre Voix hébraïques – Un voyage dans la musique juive d’Occident, publié récemment par les éditions Feuilles. Le livre retrace plus de trente ans d’un parcours musical et musicologique exceptionnel autour de la musique juive, avec une approche particulière qui relie constamment la musique hébraïque à la musique classique européenne, avec ses rapports étroits et souvent méconnus.

Hector Sabo a eu une formation musicale complète, d’abord en Argentine, puis en France, incluant des études de piano, orgue, clavecin, direction d’orchestre et composition. Après ses études à l’Université de La Plata en Argentine, puis au Conservatoire de Rueil-Malmaison, en région parisienne, il poursuit ses études universitaires à Strasbourg et obtient en 1995 un DEA (1e année de doctorat) en musique et musicologie. Parallèlement à son activité musicale en tant que pianiste, chef et arrangeur dans des domaines aussi variés que le tango, l’opéra et la musique classique, il s’oriente de plus en plus vers la musique vocale et plus particulièrement dans le domaine de la musique hébraïque, où il développe ses travaux de recherche universitaire, en écrivant de nombreux articles et donnant des conférences. En 1996 il créé le chœur Les Polyphonies Hébraïques au sein de l’Université de Strasbourg. Et en 2007 l’Ensemble Vocal Hébraïca. Enfin, en 2017 c’est la troupe de La Truite Lyrique qui verra le jour, avec son spectacle Mozart, La Truite et Rabbi Jacob. Après 18 ans à la tête du chœur de la Grande Synagogue de Strasbourg, il est nommé directeur musical et artistique du Chœur Juif de France, sous l’égide du Consistoire de Paris/Ile-de-France, qu’il dirige depuis 14 ans. La même année il est engagé comme professeur de Formation musicale (titulaire du CA) au Conservatoire de Strasbourg. Enfin, la composition musicale fait également partie de ses activités, ainsi que l’écriture d’articles musicologiques.

Professeur des écoles de profession et chanteur par passion, Jean Moissonnier a été formé sur le plan vocal par Louis Bronner à Strasbourg. Il a accumulé nombre d’expériences musicales en se produisant en soliste et dans différents ensembles de la région, notamment de musique ancienne comme Le Tourdion, Ripieno, Hortus Musicalis, La Chapelle Rhénane... Depuis 2007, il travaille également sous la direction d’Hector Sabo, au sein des ensembles Hébraïca et la Truite Lyrique, et des Polyphonies Hébraïques de Strasbourg.

Né en 1987 à Strasbourg, Micaël Berger est diplômé du conservatoire et de l’Université de Strasbourg. A l’âge de 19 ans, il intègre l’Orchestre symphonique des jeunes de Strasbourg, avec lequel il effectue des concerts en Italie, en Allemagne, aux Etats-Unis et au Canada. Il se perfectionne au cours de plusieurs stages et master-classes avec des flûtistes de renom tels que Patrick Gallois, Sandrine François et Christian Studler. A 25 ans, il est reçu au Centre de Formation des Musiciens Intervenants de Sélestat, où il élargit ses horizons musicaux. Il se produit régulièrement en concert en Alsace, en France et en Suisse. Il a participé à l’enregistrement de plusieurs albums : à Zurich avec la chanteuse Edit Szabo, mais aussi avec les Polyphonies hébraïques de Strasbourg. En collaboration avec Hector Sabo, il a composé un cycle de 6 pièces pour flûte traversière et piano intitulé « La danse du Soleil ». Sa passion pour la musique l’a également amené à intervenir dans des milieux divers – scolaires et culturels – où la musique fait parfois exception. Il a travaillé dans différentes écoles de musique en Alsace et au conservatoire de Colmar. Il est actuellement professeur de formation musicale à l’école municipale de musique de Saverne.


Programme musical
en alternance avec la présentation du livre


I. Sélection de morceaux du Moyen-âge

1. Mi al Har ‘Horeb – poème liturgique (Qui, sur le mont ‘Horeb) Duo avec orgue et flûte
2. Betseïs Yisroël Mimistroyim – Psaume 114 (Lorsqu’Israël sortit d’Egypte) Duo a cappella
3. A la una yo nací – Je suis né à une heure, chanson ladino (judéo-espagnole) Basse avec orgue et flûte

II. Fin de la Renaissance en Italie : Salomone Rossi l’hébreu

4. Hachkiveinou – prière du soir (Fais nous nous coucher en paix) Basse, avec orgue et flûte

III. La période baroque : Benedetto Marcello à Venise, la musique à Amsterdam et Louis Saladin dans le Comtat Venaissin

5. Maoz tsour anonyme vénitien – hymne pour la fête de ‘Hannouka Basse avec orgue et flûte
6. Halélouya, anonyme hollandais Basse avec orgue
7. Air de basse, extrait de Canticum Hebraicum, de Louis Saladin Basse orgue et flûte

IV. Début de l’ère romantique en Allemagne et en France : Halévy et Naumbourg

8. Mimaamakim, de Jacques Halévy : Marche funèbre et air de basse, extrait de « De Profunids en hébreu » Flûte et piano / basse et piano
9. Ets ‘hayim, prière de l’office du matin – Rentrée des livres de la loi, de Samuel Naumboug Basse avec orgue et flûte
10. Tovo lefoné’ho, prière des Grandes fêtes, de Jacques Offenbach Basse avec orgue

V. L’ère romantique à Vienne et à Berlin : Salomon Sulzer et Louis Lewandowski

11. Véhakohanim, prière des Prêtres du Temple, de Louis Lewandowski Basse avec orgue et flûte
12. Hiné ma tov, Psaume 133, de Sulzer Basse avec orgue et flûte
VI. La musique juive en Russie et en Pologne

13. Ets ‘hayim, Arbre de vie, d’Avraham Dunajewski Basse avec orgue
14. Ouvachofor godol, Le grand chofar retentira, de Leo Low Basse avec orgue et flûte
VII. La musique européenne en Amérique et la musique américaine de racines européennes

15. Ahavat olam, D’un amour éternel, de Max Janowski Basse avec orgue et flûte
16. Retsei, prière du matin, de Stephen Richards Basse et piano
17. Naaritse’ho, prière de Sanctification, de Mario Castelnuovo-Tedesco asse avec orgue et flûte


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