Lettre d’Information – n°83 – Juillet 2014



 

                               

À RESERVER SUR L'AGENDA

 

 

Au gré des festivals d'Été

 

La saison estivale approche, porteuse de son lot de manifestations musicales alléchantes quant aux lieux des concerts et à l'originalité des programmes. Voici quelques suggestions, non exclusives bien sûr de toutes les autres propositions, fort nombreuses, fleurissant dans l'hexagone. Qui a osé prétendre que la France n'était pas un pays musical ! Au moment où la crise que l'on sait défraie la chronique, souvenons-nous de ce mot de Romain Rolland : « Toi seule ne passe pas, immortelle Musique. »

 

11 / 7 – 23 / 8

 

Musique et Nature en Bauges

 

 

Au cœur de la Savoie, au sein du Parc naturel régional du massif des Bauges et d'un triangle qui relie Annecy, Alberville et Chambéry, musique et nature ont un rendez vous particulier : un festival épousant un environnement naturellement généreux. Pendant quelques cinq semaines, dans de magnifiques églises de villages, éclectisme et qualité s'unissent pour accueillir des formations prestigieuses : les Arts Florissants et Paul Agnew dans un programme Purcell (11/7), ou le Concert Spirituel et Hervé Niquet, pour une soirée de splendeurs vénitiennes (23/8). Mais aussi une myriade de solistes de renom : Vox Luminis (15/8), le Chœur Les Eléments qui vanteront l'âme slave (25/7). Trois cartes blanches, l'instant d'un week end, rythmeront cette édition : au pianiste François-Frédéric Guy, pour des sonates pour piano de Beethoven, et avec Tedi Papavrami pour des sonates violon et clavier (31/7 et 1/8) ; puis aux solistes de l'Orchestre Philharmonique de Berlin qui honoreront Brahms et ses trois quatuors avec piano, et Dvořák et ses deux quintettes (9 et 10 /8), enfin à l'ensemble Chanticleer de San Francisco (18 et19/8). On fêtera aussi Rameau avec les meilleurs spécialistes : Bruno Procopio, Alexis Kossenko, Patrick Bismuth et Emmanuelle Guigues joueront des pièces de clavecin en concerts.   

 

Renseignements et réservations : Musique et Nature, Mairie, 73630 Le Chatelard ; par tel.: 04 79 54 84 28 ; en ligne : festival@lesbauges.com  ou  www.musiqueetnature.fr

 

 

14 - 25 / 7

 

Musique de chambre à Belle-Ile

 

 

Pour sa 9e édition, le festival de musique de chambre de Belle-Ile-en-mer, Plage Musicale en Bangor, propose 12 concerts en douze jours, frappés au coin de l'éclectisme, de Vivaldi à Beethoven, de Mozart à Debussy, de Brahms à Rimsky- Korsakov ou Tchaikovski. Deux invités d’honneur seront à l’affiche : le pianiste Jean-Marc Luisada, pour deux concerts Schubert (21 et 22/7) et une master-class (20/7), et la comédienne Marie-Christine Barrault pour trois programmes, dont une promenade poétique et musicale (16/7), une évocation de Sarah Bernhardt et la musique, en souvenir des années passées par l'actrice à Belle-Ile (17/7) et un concert pour les plus jeunes autour du Petit Prince de Saint-Exupéry (19/7). Comme chaque année, outre les églises de Bangor, de Locmaria ou de Sauzon, des lieux insolites se verront investis par la musique, valorisant ainsi le patrimoine naturel et humain de l'île,  comme le Grand phare de Goulphar, le fameux jardin La Boulaye au Grand Cosquet et le fort Sarah Bernhardt à la Pointe des Poulains. Chacun pourra y trouver de la musique à son goût : les grands classiques, et parfois des œuvres rares, mis en miroir avec la musique d'aujourd'hui : de nombreux compositeurs seront présents, comme Pierre Bernard, Laurent Camatte, Alexandre Gasparov, Benoît Menu ou Philippe Manoury. L'Académie d'été, qui se déroulera du 16 au 26 juillet, donnera son concert le 24 juillet autour de la symphonie « Pastorale » de Beethoven.

 

Églises de Bangor, de Locmaria et de Sauzon, et autres lieux, du 12 au 25 juillet 2014,  horaires variables.

Réservations : Office du tourisme, le Palais, 56 360 Belle-Ile-en mer ; par tel : 02 97 31 81 93; en ligne : www.belleilemusique.com

 

 

24 au 27 / 7

 

Itinéraire baroque en Périgord vert

 

 

Plusieurs célébrations figurent au calendrier de la 13 ème édition d'Itinéraire en Périgord Vert. Ainsi, seront fêtés les 70 ans de son directeur artistique, Ton Koopman, qui depuis 13 ans insuffle au festival une énergie débordante; de même que les 35 ans de l'orchestre créé par lui, l’Amsterdam Baroque Orchestra ; enfin, le festival  participera à la célébration nationale du quadri centenaire du chroniqueur de la Renaissance, Pierre de Bourdeille, dit Brantôme, périgourdin de pure souche et personnage haut en couleur. Son château de Richemont où il repose, ouvrira ses portes pour un concert le jour de l’Itinéraire. Durant ce long week end, on entendra, entre autres, des cantates pour alto de Bach et autres pièces de Marcello et de Telemann, chantées par le contre ténor Maarten Engeltjes (24/7, Église de Champagne-Fontaine), les Fables de La Fontaine (25/7, 12H, Cercles, théâtre de l'Incrédule), ou encore une soirée aux saveurs d'Orient, avec La marche des Turcs de Lully, extraite du Bourgeois Gentilhomme et des airs d’opéra de Haendel, Vivaldi, Hasse (25/7, 20H30). L'édition se terminera par le chef-d’œuvre mythique de Claudio Monteverdi, les Vêpres de la Vierge, sous la baguette de Ton Koopman (27/7, 17H, Église de Saint-Astier). L'événement le plus original du festival, sera la journée de l'itinéraire, qui après un concert d'accueil durant lequel Ton Koopman jouera des pièces d'orgue de Bach, Buxtehude et Stanley, présentera 5 concerts promenades dans 5 lieux différents, selon un module répété 5 fois, où l'auditeur aura l'occasion de savourer successivement des sonates de JS. Bach autour du dulcimer, un hommage à Jean-Marie Leclair, de la musique de chambre des maîtres allemands, des pièces du baroque italien et danois, enfin des airs de Cour au temps de Brantôme. De nombreux artistes seront présents pour toutes ces célébrations, des habitués, d’autres venant pour la première fois, comme Benjamin Lazar, Louise Moaty et Thomas Dunford qui feront apprécier, grâce à la prononciation et à la gestuelle baroque, la musicalité des Fables de La Fontaine.

 

Les 24, 25, 26 et 27 juillet 2014.

Renseignements et location : 36, rue du Four, 24600 Ribérac. Par tel. : 05 53 90 05 13 ; en ligne : www.itinerairebaroque.com

 

 

1 / 8

 

Les petits chanteurs de Sainte-Croix de Neuilly en concert

 

 

Fondée en 1956, la maîtrise des Petits chanteurs de Sainte-Croix de Neuilly réunit des garçons qui désirent pratiquer intensément le chant choral. Actuellement dirigée par François Polgár, elle assure le service musical du collège de Neuilly-sur-Seine, se produit dans les grands festivals et interprète régulièrement les grandes œuvres du répertoire avec  orchestre. Elle pratique également un répertoire de chants sacrés et profanes a cappella. La tournée estivale du chœur de garçons des Petits Chanteurs de Sainte-Croix le mènera, à partir du 14 juillet, en Picardie, Vendée, Charente, région Paca et en Haute Savoie. Elle s'achèvera lors d'une soirée festive, le 1er août, à Évian, dans la mythique salle de La Grange au Lac. Au programme du concert, accompagné au piano par Louis Absil, lui-même ancien choriste, des pièces de Toma Luis de Victoria, Rameau, Mozart, Saint-Saëns, Franck, Fauré, Duruflé, mais aussi de Ben Britten ou de Pau Casals.

 

Salle de la Grange au Lac, Évian, le 1er août 2014, à 20H.

Location  : Office du tourisme d'Évian ; par tel : 04 50 26 87 87 ; en ligne : info@petitschanteurs.com  ou www.petitschanteurs.com

 

2 / 8 – 14 / 9

 

Le classique se met au vert au Bois de Vincennes

 

 

Au Parc floral de Paris la musique se met au vert : beautés botaniques et fine fleur musicale se donnent rendez-vous sept week end durant. Dans une belle diversité de talents confirmés ou de jeunes pousses, comme de programmation : musique d'aujourd'hui, couleurs d'Amérique latine, art du violon,... A noter le récital du pianiste Andrei Korobeinikov associant JS. Bach à Keith Jarrett, Beethoven à Scott Joplin (2/8), le Quatuor Modigliani jouant Haydn et de Beethoven le 3èmr quatuor Razoumovsky (10/8), Didier Lockwood aux talents protéiformes (16/8), le fameux trompettiste Romain Leleu et l'Ensemble Convergences (17/8). Le violoniste Augustin Dumay et l'altiste Miguel da Silva se produiront dans la symphonie concertante de Mozart (30/8), puis Michel Portal, Miguel da Silva et Michel Dalberto joueront, entre autres, de Poulenc la sonate pour clarinette et le trio des Quilles de Mozart (31/8). Une carte blanche sera donnée aux lauréats de la Fondation Banque Populaire, permettant de découvrir le Quatuor Giraud, dans La jeune fille et la mort de Schubert, et avec Patrice Fontanarosa et Antoine de Grolée au piano, le sublime Concert de Chausson (6/9), ou le Quatuor Morphing qui offre la particularité de rassembler quatre saxophones, dans des œuvres de Thierry Escaich, Karol Beffa et Philippe Geiss (7/9). Un « week end spécial » sera dévolu à l'Orchestre français des jeunes, sous la direction de Dennis Russell Davies, aussi bien dans Ainsi parlait Zarathoustra de Strauss et la Symphonie pour orgue de Saint-Saëns (23/8), que dans le Concerto pour piano et instruments à vent de Stravinsky et la 2 ème symphonie de Brahms (24/8). L'ultime week end rendra hommage à la Première guerre mondiale : le 13/9, l''Ensemble Calliopée jouera les musiciens de la grande guerre, Lucien Durosoir et Lili Boulanger, et le 24/9, les percussions de Strasbourg concluront en beauté cette saison estivale.  

 

Parc Floral de Paris, Bois de Vincennes, 75012 Paris, les samedis et dimanches, du 2 août au 14 septembre 2014, à 16H ( sauf le 23/8 : 20H). Concerts gratuits.

Renseignements ; ww.classiqueauvert.paris.fr

 

 

21- 24 / 8

 

Rencontres musicales de Vézelay

 

 

Fêtant leur 15ème édition, les Rencontres musicales de Vézelay profitent d'un lieu unique et magique, la basilique Sainte-Marie-Madeleine perchée sur la colline éternelle. La petite cité bourguignonne, devenue la Cité de la Voix, mettra à l'honneur la musique baroque française, italienne et allemande comme la grande tradition chorale anglaise. Du baroque français, on entendra un hommage à Rameau, avec le chœur Arsys Bourgogne et l'Ensemble La Fenice sous la direction de Jean Tubéry (23/8, 21H, Basilique), mais aussi un inédit, La Peste de Milan de Marc-Antoine Charpentier, qui sera ressuscitée après plus de trois siècles d'oubli, par l'Ensemble Correspondances, dirigé par Sébastien Daucé (23/8, 16H, Collégiale Saint-Lazare, Avallon). Des extraits de la Selva morale de Monteverdi seront donnés par la Chapelle Rhénane et Benoît Haller (21/8, 21H, Basilique). L'ensemble Scorpio Collective s'attachera à faire découvrir des compositeurs de l'Allemagne du nord à l'époque de la guerre de Trente ans, dont Samuel Scheidt, Johann Hildebrand ou Johann Schein, sans oublier Dietrich et Buxtehude (22/8, 16H, Église Saint-Jacques, Asquins). Quant aux BBC Singers, ils chanteront Vaughan Williams, Holst, Taverner, Tippett, Stanford ou Britten (22/8, 21H, Basilique). Les auront précédé, le New York Polyphony, mettant en perspective la musique de William Byrd et de Thomas Tallis avec celle de compositeurs contemporains (21/8, 16H, Église Notre-Dame, Saint- Père sous Vézelay).   

 

Du 21 au 24 août 2014, à 16H et 21H, à Vézelay, Saint-Père, Asquins et Avallon.

Renseignements et location : Cité de la Voix, 4 rue de l'hôpital, 89450 Vézelay ; par tel .: 03 86 94 84 40 ; en ligne : billetterie@rencontresmusicalesdevezelay.com  ou www.rencontresmusicalesdevezelay.com

 

 

21 – 31 / 8

 

Le Festival Berlioz de la Côte-Saint-André

 

 

« Berlioz en Amérique, au temps des révolutions industrielles », tel est le thème de l'édition 2014 du festival de La Côte-Saint-André. Au centre des manifestations l'ode-symphonie Christophe Colomb de Félicien David, qui sera dirigée par François-Xavier Roth avec son orchestre Les Siècles (22/8, 21H), comme la reconstitution du concert extraordinaire imaginé et dirigé par Berlioz pour le Festival de l'Industrie à Paris en 1844, qui réunira quelques 1000 participants, annonce-t-on (21/8, 21H). Le maître de céans se verra encore honoré par sa Symphonie fantastique, donnée par  l'Orchestre des jeunes de l'État de Sao Paulo (26/8, 21H), Les Nuits d'été chantées par Kate Lindsey, accompagnée par Le Cercle de l'Harmonie, dirigé par Jérémie Rhorer (28/8, 21H), des extraits de  Roméo et Juliette par le LSO et John Eliot Gardiner, qui se joindront aussi à Gautier Capuçon dans le concerto pour violoncelle de Schumann (30/8, 21H), et enfin La Damnation de Faust, en concert de clôture, avec Anna Caterina Antonacci et Michael Spyres, et dirigée par François-Xavier Roth, à la tête du Jeune Orchestre Européen Hector Berlioz et des Chœurs et solistes de Lyon (31/8, 21H). A noter que l'Orchestre Poitou-Charente, sous la houlette de Jean-François Heisser, donnera Des Canyons aux étoiles, ultime œuvre pour l'orchestre de cet autre enfant du pays, Olivier Messiaen ; l'occasion de lancer le projet artistique de la «Maison Messiaen». Dans le domaine de la musique de chambre, en matinée, on pourra entendre l'intégrale des sonates pour violoncelle et piano de Beethoven par François-Frédéric Guy et Xavier Phillips (23, 24/8) et l'ensemble des sonates pour violon par le même pianiste et Tedi Papavrami (29,30, 31/8) ; comme un bouquet de sonates violon et piano d'Ysaÿe, Canteloube, Chausson et Franck, par Nicolas Dautricourt et Jean-Frédéric Neuburger (22/8), ou  encore des pièces pour saxophone par le Quatuor « Inédits» (24/8).

 

Église de La Côte-Saint-André, Cour du Château Louis XI, et autres lieux, du 21 au 31 août 2014, à 17 H et 21 H.

Renseignements et location : Billetterie du festival Berlioz - AIDA, 38, place de la Halle, 38260 La Côte-Saint-André ; par tel. : 04 72 20 20 79 ; en ligne : billetterie@aida38.fr

 

 

12 / 9 au 5 / 10

 

Ambronay célèbre son 35 ème festival

 

 

Une nouvelle direction et de nouvelles orientations ne feront pas dévier de sa ligne d'offres toujours aussi alléchantes le festival d'Ambronay, la manifestation baroque incontournable de la fin de l'été. Pour cette saison anniversaire, on a fait choix de célébrer plusieurs thématiques. Et d'abord, les musiciens dont on fête en 2014 les anniversaires, tels Jean-Philippe Rameau, bien sûr, et CPE. Bach, mais aussi Jean-Marie Leclair, Pietro Locatelli, Niccolò Jommeli. Plusieurs œuvres emblématiques du répertoire sacré, après celui de l'opéra, résonneront avantageusement sous les voûtes de l'abbatiale : La Passion selon Saint Jean de JS. Bach (Le Concert étranger, dir. Itay Jedlin, 19/9 20H30), Israël en Égypte de Haendel (Le Concert lorrain, dir. Roy Goodman, 21/9 17H), le Dixit Dominus de Haendel et le Beatus Vir de Jommelli (27/9 20H30), les Leçons de Ténèbres de Scarlatti, avec en complément le Miserere de Thierry Pécou ( 27/9, 22H30), le Requiem de Mozart et le concerto pour clarinette, dans des interprétations de référence dues à Leonardo García Alarcón (2 et 3/10,  20H, à l'Auditorium de Lyon), les grands Motets de Rameau et de Mondonville par les Arts Florissants et William Christie (4/10, 20H30), enfin un concert de cantates des trois Bach, le Cantor, le fils CPE, et l'oncle Johann Christoph (5/10, 17H). Leonardo García Alarcón, désormais artiste associé, aura ouvert le festival par une production originale, « Amore siciliano », proposant des madrigaux de Scarlatti et de Gesualdo et des mélodies traditionnelles siciliennes (12/9, 20H30). Fêtes et musiques du monde, sous le chapiteau, relooké pour l'occasion en une forme carrée, promettent des rencontres insolites (jazz et baroque) et des spectacles pour la famille.

 

Enfin ce millésime voit l'inauguration d'un festival dans le festival, consacré aux jeunes ensembles émergents européens de musique ancienne : eeemerging (Emerging European Ensembles), qui aux côtés du CCR d'Ambronay, réunit huit co-organisateurs à travers l'Europe. Le 4 septembre, quatre ensembles en résidence feront ainsi revivre l'incroyable vitalité de la musique baroque en Europe. La musique instrumentale ne sera pas en reste : Enrico Onofri et l'Ensemble Imaginarium (Vivaldi, Marini, Jannequin, Biber, 20/9, 20H30), l'Ensemble Les Surprises et son programme fétiche « Rebel de père en fils » (25/9, 20H30), Jordi Savall et son Hespèrion XXI dans des œuvres de Dowland, Gibbons, Schein, Guerrero, Purcell (26/9, 20H30), Fabio Biondi et Europa Galante ou «  le violon virtuose » (Leclair, Vivaldi, Locatelli, Corelli (3/10 à 20H30, au Monastère de Brou). Durant quatre longs week end, Ambronay sera comme toujours le pourvoyeur des musiques les plus diverses et de bien des talents.

 

Centre culturel de rencontre d'Ambronay, Place de l'Abbaye, 01500 Ambronay, les WE des 12 au 14 septembre, 18 au 21 septembre, 25 au 28 septembre, et 2 au 5 octobre 2014.

Renseignements et Location : Service location, Place de l'Abbaye, BP 3, 01500 Ambronay ; par tel. : 04 74 38 74 04  ; en ligne : contact@ambronay.org   ou www.ambronay.org     

 

Jean-Pierre Robert.

 

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L'ARTICLE DU MOIS

 

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JEAN-PHILIPPE RAMEAU

ET LA « FÊTE DU SOLEIL » des INDES GALANTES

 

         Au sein de la deuxième entrée, « Les Incas du Pérou », de l’opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau Les Indes Galantes, la « Fête du Soleil » constitue un véritable ensemble, d’une grande unité. Avant d’examiner ce magnifique extrait, il parait opportun de retracer les grands traits de la vie de Rameau afin de replacer l’œuvre dans son contexte.

 

L’AUTEUR

Sa vie :

-        25 septembre 1683 : Naissance à Dijon de Jean-Philippe Rameau, 7ème enfant de Jean Rameau, organiste en titre de la cathédrale St Étienne, et de Claudine de Martinecourt, qui eurent 11 enfants en 20 ans. Sa mère est musicienne aussi et l’enfant apprit ses notes avant ses lettres ; son frère Claude fut également musicien (père du fameux « Neveu de Rameau » illustré par Diderot)

-        Jean-Philippe fait ses études au Collège des Jésuites. Ses études générales sont médiocres, il passe son temps à chanter ou écrire de la musique sur ses livres ou ceux de ses condisciples (son camarade ne pleure pas en mesure !, dit-il) Il ne dépasse pas la 4ème. Son niveau est bon en latin, mais mauvais en français. Une anecdote raconte qu’il écrit vers 18 ans des lettres d’amour « criblées de fautes » à une jeune veuve !

-        1701 – Après avoir étudié dans son enfance le clavecin, le violon, l’orgue et la composition, son père l'envoie en Italie oublier cet amour impossible (et le perfectionner dans son art). Il ne dépasse pas Milan et revient en jouant du violon dans une troupe nomade. Il suit cette troupe en France et donne des concerts d’orgue à Marseille, Lyon, Nîmes, Albi, Montpellier. Là, il apprend d'un maître  obscur, Lacroix, la fameuse « règle d'octave », sorte de recette empirique pour l’accompa­gnement.

-        1702 – Il est organiste à Avignon (N.D. des Doms), mais quitte ce poste au retour du titulaire.

-        Mai 1702 – Il signe un contrat de 6 ans comme organiste à Clermont. Mais ce contrat lui pèse et l’empêche de se consacrer à ses travaux.

-        On raconte l’incident d’un vacarme déclenché à dessein dans les orgues devant l’Évêque qui lui rend sa liberté et le recommande à Paris (l'anecdote est contestée, car elle est aussi attribuée à Claude Rameau, à Dijon).

-        Rameau a alors écrit ses premières cantates : Médée, L’Absence, et le Premier Livre de pièces de Clavecin (terminé à Paris).

-        Juin 1706 – Il s’installe à Paris et travaille avec l'organiste Louis Marchand. Il est organiste chez les Pères de la Mercy et les Jésuites du collège de Clermont, rue Saint Jacques. Il fait paraître son Premier Livre de Pièces de Clavecin (débutant par un très beau Prélude non mesuré).

Il travaille dans des traités de Zarlino et de Mersenne, illustres théoriciens anciens, et bien qu’ayant été reçu premier au concours, n’accepte pas les orgues de Sainte Madeleine en la Cité, car le service est trop absorbant.

-        1709 – De retour à Dijon, il succède à son père aux orgues de l’Église Notre-Dame qu’il quittera bientôt.

-        1713 – Il devient alors Maître-organiste aux Jacobins de Lyon, mais quittera ce poste en 1715 au mariage de son frère Claude dont il courti­sait aussi la fiancée. (!)

-        1714 – Mort de son père, Jean Rameau – Il écrit à cette époque ses premiers motets et des cantates : Thétis (1715), Aquilon et Orithie (1715).

-        1715 (?) – Retour à Clermont où il sera un « grand et digne organiste » et où il va élaborer son traité d'harmonie. Compose le motet Laboravi en 1722.

-        1722 – Parution du Traité de l’Harmonie réduite à ses principes naturels. (« La musique est une science qui doit avoir des règles certaines »). Il y fixe les principes de l'harmonie moderne. Ce traité est suivi de nombreux articles qui développent ses doctrines.

Plan du traité : 4 parties :

ž   Rapport des sons et des proportions harmoniques.

ž   Nature et propriété des accords.

ž   Principes de composition.

ž   Principes d'accompagnement.

-        1723 – Il se fixe à Paris.

-        1724 - Second Livre de Pièces de Clavecin suivi d'un complément didactique sur La Méchanique des doigts.

-        1725 –  Exhibition au théâtre italien, de sauvages caraïbes (écrit des airs de danses à cette occasion qui deviendront sa pièce de clavecin Les Sauvages).

-        25 février 1726 – Se marie à 43 ans avec une jeune fille de 19 ans, Marie-Louise Mangot, gentille, douce, aimable, musicienne et dotée d'une jolie voix. Le ménage fut heureux : ils eurent 3 enfants.

-        1726 – Écrit des farces pour la Foire St-Germain (L’Enrôlement d’Arlequin).

-        1727 – Il concourt pour l’orgue de St Paul, mais est vaincu par Daquin ; il en veut à Marchand qu'il rend responsable de son échec.

Il se sent alors attiré par le théâtre et écrit à un librettiste célèbre, Houdar de la Motte qui ne lui répond pas (Rameau dit entre autres dans sa lettre « qu'il cache l'art par l'art »).

-        1728 – Écrit la cantate Le Berger Fidèle.

Rencontre Monsieur de La Pouplinière, riche financier qui va devenir son mécène. Les Rameau habitent chez lui, soit à Passy, soit à Paris et Rameau a à sa disposition un théâtre, un orchestre, un orgue. Il a alors de nombreux élèves.

-        1731 – Présenté à Voltaire avec qui il veut écrire un opéra biblique Samson. Ce projet n'aboutit pas à cause du refus des Jésuites qui n’admettent pas la position anti-religieuse de Voltaire.

La Pouplinière le présente alors à l'abbé Pellegrin, librettiste d'une Jephté, musique de Michel Pignolet de Montéclair, qui avait beaucoup intéressé Rameau. Leur collaboration aboutit cette fois à la tragédie-lyrique Hippolyte et Aricie, première grande œuvre dramatique de Rameau, âgé de 50 ans.

-        1er octobre 1733 – Première d'Hippolyte et Aricie à l’Opéra. L'accueil du public est mitigé et déclenche la « Querelle des Lullystes et des Ramistes ». On reproche à Rameau d'écrire une musique trop compliquée et trop savante. Rameau, découragé, veut abandonner, mais sans doute fut-il réconforté par l'avis de Campra qui aurait dit : « Il y a dans cet opéra plus de musique que dans dix des nôtres. Il nous éclipsera tous ».

-        1735 — Les Indes Galantes, opéra-ballet (ou ballet héroïque) sur un livret de Fuzelier.

-        1737 – Génération harmonique ou Traité de Musique théorique et pratique.

-        24 Octobre 1737 – Castor et Pollux (tragédie-lyrique sur un livret de Gentil-Bernard) ; déchaînement nouveau des Lullystes.

-        Rameau ouvre son école de Composition où « il réunit trois fois par semaine de 3 à 5 heures, douze élèves qui lui donneront 20 francs par mois ».

-        1739 — Rameau compose alors  Les Fêtes d’Hébé (opéra-ballet), puis Dardanus  (tragédie-lyrique, sur un livret de Leclerc de la Bruyère) qui ravive la querelle des Lullystes et des Ramistes. Pourtant, le public se presse en foule aux 26 représentations successives. (En 1760, reprise triomphale de Dardanus.)

-        1741 – Publication des Pièces de clavecin en concert, et des Six concerts transcrits en sextuor (d’après ces derniers).

-        23 février 1745 – La Princesse de Navarre (comédie-ballet sur un livret de Voltaire) (commande pour le mariage du Dauphin avec l’Infante Marie-Thérèse). Rameau obtient alors les faveurs du Roi qui lui accorde une pension de 2 000 livres.

-        31 mars 1745 – Platée (comédie-lyrique sur un livret de Autreau) ; son côté bouffon déplait à la Cour.

-        Le Temple de la Gloire (Fête en 3 actes, sur un livret de Voltaire).

-        Les Fêtes de Polymnie (opéra-ballet, sur un livret de Cahuzac).

-        Les Fêtes de Ramire (opéra-ballet sur un livret de Voltaire).

-        1748 – Zaïs (Ballet), Pygmalion (Ballet), Les Surprises de l’Amour (Ballet).

-        1749 – Naïs (Opéra) et le 5 décembre 1749, Zoroastre (tragédie-lyrique sur un livret de Cahuzac).

-        1750 – Démonstration du principe de l’harmonie qui reçoit l’approbation de l’Académie, ce qui lui vaut une nouvelle pension du Roi.

-        1751 – La Guirlande (ballet sur un livret de Marmontel), qui fait suite aux Indes Galantes – Acanthe et Céphise (Pastorale héroïque)

-        1752 – Nouvelles réflexions sur le Traité d'Harmonie auxquelles d’Alembert répond par un magnifique hommage aux théories de Rameau, dans un article célèbre.


Portrait de Jean-Philippe Rameau par Joseph Aved
(Musée des Beaux-Arts Dijon) / DR

-        Août 1752 – Représentation à Paris de la Serva Padrona de l'italien Pergolèse, qui déclenche la « Querelle des Bouffons », opposant les partisans de la musique italienne à ceux de la musique française. Cette querelle fut fomentée par Grimm, Diderot et J.J. Rousseau, partisans de la musique italienne.

-        Octobre 1752 – Représentation à Fontainebleau devant la Cour, partagée aussi en 2 clans, du Devin du Village de J.J. Rousseau qui se pique de composition musicale et de connaissances en musique. Rameau ne prend pas part à cette querelle, bien que ses œuvres y soient mises en cause.

-        1753-1754 – Il écrit 5 courtes œuvres (pastorale et ballets). Il sent venir en lui le déclin, la fatigue, la vieillesse. Il retrouve pourtant des forces pour combattre ses détracteurs (Rousseau, par exemple qui a écrit des articles contre lui dans l’Encyclopédie) et il publie une brochure :

-        1754 – Erreurs sur la Musique dans l’Encyclopédie.

-        1756 – Riposte de d'Alembert qui persifle Rameau ; discussions, polémiques.

-        1757 – Compose 2 petits actes et mûrit le plan d‘un important ouvrage théorique : Méthode pour apprendre la musique même à des aveugles.

-        1760 – Les Paladins (Opéra) qui a peu de succès. Rameau sait reconnaître le déclin de ses facultés créatrices : « de jour en jour, j'acquiers du goût, mais je n'ai plus de génie ».(1)

-        1760 – Ovation à l'Opéra (lors de la reprise de Dardanus). Le Roi veut le décorer de l'Ordre de St Michel et l’anoblir, mais Rameau meurt avant.

-        1762 – Lettre aux philosophes, concernant les corps sonores (dernier écrit théorique).

-        1764 – Abaris ou Les Boréades (Tragédie-lyrique en 5 actes), mise en répétition à l'Opéra, mais jamais représentée de son vivant. (2)

-        23 Août 1764 – Rameau tombe malade (fièvre et scorbut).

-        12 septembre 1764 - Mort de Rameau. Cette mort est considérée à l'époque comme un deuil national. De nombreuses manifestations musicales à sa mémoire sont organisées dans plusieurs villes. Il est enterré à St Eustache, près de Lully.

 

Ses œuvres : (on trouvera le détail des principales œuvres dans la biographie qui précède)

-          I – Œuvres théoriques : Une vingtaine d’écrits dont son Traité de l’Harmonie réduite à ses Principes Naturels (1722)

-          II – Œuvres musicales :

1)      Musique de clavecin (3 Livres de Pièces de Clavecin (1706 - 1724 - 1731) dont le second est suivi de la Méthode pour la Méchanique des doigts.

2)      Musique instrumentale : 5 Pièces de clavecin en Concert et 6 Concerts en sextuor (les 5 mêmes œuvres, suivies d’un dernier Concert, datant de 1741)    

3)      Musique dramatique :

a)     10 cantates environ (1702 - 1727)

b)      Environ 30 ouvrages dramatiques.

Dans cet ensemble, on relève entre autres 5 tragédies-lyriques et 6 opéras-ballets, ou ballets-héroïques auxquels s’ajoutent des ballets, des Pastorales, des Pastorales héroïques, des comédies-ballets…

4)      Musique religieuse : 6 motets (pour solistes, chœurs et orchestre).

Notons que Rameau, organiste notoire, ne nous a pas laissé de musique d’orgue. On pense qu’il devait improviser à ses claviers, lorsqu’il n’exécutait pas des pièces anciennes ou contemporaines. Mais ses fonctions principales d’organiste consistaient bien sûr à accompagner et à commenter les prières liturgiques des principaux offices.

Deux éditions monumentales des œuvres complètes de Rameau ont été entreprises :

-          Le première, chez Durand, sous la direction de Saint-Saëns dès 1895 et à laquelle participèrent entre autres Vincent d’Indy, Paul Dukas, Alexandre Guilmant, Claude Debussy, Maurice Emmanuel…

-          La seconde est en cours actuellement chez Billaudot puis Bärenreiter : Rameau opera omnia, sous la direction de Sylvie Bouissou.

 

L’ŒUVRE

         Les Indes Galantes sont un opéra-ballet ; pourtant cette œuvre fut représentée pour la première fois le 23 Août 1735 à l’Opéra de Paris sous le titre de Ballet-héroïque en trois entrées et un Prologue. La 4ème entrée, « Les Sauvages », fut ajoutée pour la reprise de 1736 sous le nom de Nouvelle Entrée. La raison en est que le public aimait la pièce de clavecin du même nom, inspirée à Rameau en 1725 (nous l’avons dit) par une exhibition d’Indiens Caraïbes (pour laquelle il avait écrit quelques « airs » dansés, imités de la musique originale(?) des Indiens).

La forme :

« L’opéra-ballet est un opéra en forme de ballet » disait Paul-Marie Masson. À l’opéra, que son créateur J.B. Lully en France, nommait «tragédie-lyrique », il emprunte :

a)         La structure :

ž  Ouverture d’orchestre « à la française », formée des mouvements lent-vif-lent.

ž  Prologue.

ž  Un certain nombre d’actes (appelés ici « Entrées »).

ž  Une chaconne, danse lente formée de variations, exécutée tantôt au cours de l’action, tantôt à la fin de l’œuvre.

b)         Les éléments :

ž  Le récitatif (sorte de déclamation chantée, proche de la parole, accompagné à la basse continue). Le récitatif fait progresser l'action.

ž  L’air, plus mélodique et chantant, accompagné par l'orchestre, il est souvent de coupe ternaire (l’air est dit alors « a da capo » (a-b-a) ou « en rondeau » en France, formé de couplets et refrains).

ž  Les ensembles vocaux, chantés par plusieurs solistes. Lorsqu’ils sont d'accord, l’ensemble est dit « unanime ». Lorsque leurs avis sont différents, l'ensemble est dit « divergent ».

ž  Les chœurs.

ž  Les symphonies ou passages d’orchestre (ouverture, symphonies guerrières, symphonies de sommeil et surtout symphonies de danse).

Au ballet il emprunte son rôle essentiel : la danse, qui revêt ici deux aspects :

- La pantomime, sorte de théâtre muet où la musique qui à elle seule « peut tout exprimer » s’adjoint à la mimique des danseurs.

- Les danses traditionnelles de l’époque (menuets, gavottes, bourrées, sans oublier la traditionnelle chaconne) de rythme et structure propres à chacune.

Enfin, dans l’opéra-ballet, les Entrées ont une action indépendante les unes des autres.

 

Histoire de l’Opéra-ballet :

Le créateur de la forme est André Campra (1660 – 1744) qui écrit  L’Europe Galante en 1697. Après lui, nous avons, entre autres, Les Sens et Les Grâces de Jean-Joseph Mouret, ainsi que Les Éléments de André Cardinal Destouches. Rameau en écrira six, sans compter les ballets et autres formes voisines.


DR

PLAN ET ANALYSE

 

Les Indes Galantes, opéra-ballet héroïque, représenté pour la première fois à l'Opéra le 23 Août 1735, sur des paroles de Louis Fuzelier, comporte une Ouverture, un Prologue et 4 Entrées aux actions indépendantes.

-        L’ouverture a la forme à la Française (lent-vif-lent).

-        Dans le Prologue, nous assistons aux fêtes qu’Hébé, déesse de la jeunesse, donne, dans ses jardins enchantés, aux jeunes gens et jeunes filles des quatre nations alliées européennes (France, Italie, Espagne, Pologne). Le caractère pastoral de ces réjouissances est souligné par l’emprunt à l’instrument traditionnel des bergers, la musette. Cette petite cornemuse de salon, très en vogue au XVIIIème siècle, accompagne ici un air d’Hébé « Musettes résonnez », un chœur et une Musette en rondeau ; mais ces innocentes festivités sont troublées et interrompues par l’arrivée de Bellone, déesse de la guerre ; elle entraîne à sa suite tous les garçons présents. Hébé, furieuse, appelle à l’aide l’Amour, dont l’intervention reste sans effet : la guerre l’emporte ! Les Amours n’ont donc plus rien à faire en Europe ; ils décident alors d’émigrer aux Indes pour y exercer leurs tendres activités.

Ce prologue est donc le seul lien, bien ténu, qui rattache les quatre Entrées les unes aux autres. (Rappelons qu’au XVIIIème siècle on avait un goût très vif pour les pays exotiques : l’Amérique et l’Asie étaient baptisées « Indes »).

Suivent alors les quatre Entrées consistant le corps de l’œuvre.

-        Dans la première Entrée : « Le Turc Généreux », nous assistons aux aventures d'une jeune esclave provençale Émilie, prisonnière du sultan Osman. Son fiancé, Valère, vient la délivrer. Osman leur fait grâce et les laisse partir, en souvenir d’un acte de générosité de Valère à son égard, autrefois. Des fêtes et des danses célèbrent cet heureux dénouement.

-        La deuxième Entrée : « Les Incas du Pérou » est la plus dramatique. Le Grand Prêtre du Soleil, Huascar, s'apprête à célébrer, dans les temples dévastés par les Conquistadors, le culte du Soleil. Mais il veut profiter de cette grande fête pour convaincre la jeune fille qu’il aime, Phani (qui lui préfère l'officier espagnol Carlos), que les Dieux sont irrités de ce choix. Pour cela, il provoque­ra une éruption factice du volcan. Seulement, la nature se venge, et c’est un véritable cataclysme qui se déclenche : un tremblement de terre engloutit Huascar, tandis que tout le monde s’enfuit.

-        La troisième Entrée : « Les Fleurs », Fête Persane, nous fait assister à un aimable chassé-croisé de deux couples d’amoureux qui se prennent les uns pour les autres, grâce à des déguisements. Finalement tout s'arrange et la Fête des Fleurs peut déployer tous ses charmes (costumes et danses ravissants).

-        La Nouvelle Entrée, ajoutée lors de la reprise, intitulée « Les Sauvages » se situe en Amérique. Une jeune « Sauvagesse », Zima, est courtisée par un français, Damon, et par un Espagnol, Alvar. Chacun vante la façon d’aimer de son pays, mais Zima leur préfère Adario, un « Sauvage » de sa tribu. L'Entrée se termine par La Danse du Grand Calumet de la Paix (repris de la Pièce de clavecin Les Sauvages de 1725). Duo et chœur sur cette danse, prétexte à de grandes réjouissances.

         L’œuvre entière se termine par une très belle chaconne, formée de 10 variations et dans laquelle le courant guerrier et le courant pastoral alternent.

 

LA FÊTE DU SOLEIL

         Elle forme l’ensemble de la scène V de la 2ème entrée, « Les Incas du Pérou », et réalise à l’intérieur de cette entrée un tout homogène (malgré les différents épisodes), sans doute dû au fait que la majorité des morceaux sont dans le même ton (la majeur ou mineur). Elle ne comporte pas de récitatif, mais 4 Airs de Huascar (dont 2 soulignés par un chœur), 5 danses (dont 2 de pantomime pour le culte du soleil et 3 sur des rythmes de danses traditionnelles), une Symphonie descriptive pour le Tremblement de Terre et un superbe chœur décrivant le cataclysme.

 

1)   Air de Huascar : « Soleil, on a détruit tes superbes asiles, Il ne te reste plus de temple que nos cœurs ».

Ce premier air de caractère recueilli et grave est déjà sur le chemin du grand récitatif d’opéra. Il a la forme « a da capo » et est en la mineur. La partie A débute par un prélude d’orchestre qui annonce toute la mélodie. Elle s’ouvre sur une sorte d'appel sur la dominante (mi, mi) auquel répondra à l'octave grave 3 mi suivis de la tonique la. La voix reprendra cet appel à découvert sur le mot « Soleil ». Une conclusion d'orchestre termine ce 1er volet. La partie B débute au relatif, do majeur (insistance sur cette note répétée six fois : « Daigne nous écouter »), puis module en sol majeur puis en mi majeur, dominante de la pour redire le 1er volet au da capo, intégralement. Remarquons, dans ce 2ème volet, l'écho orchestral en canon de la phrase « Déserts tranquilles ».

2)   Prélude pour l'adoration du soleil : « Les Pallas et Incas font leur adoration au Soleil ».

C'est une danse de pantomime religieuse à 2/2, en la mineur, jouée «  gravement ». On peut y déterminer 4 parties :

         - Les intervalles de 4te, répondent aux 5tes dans un style d'imitations serrées à 5 voix (écriture savante et très riche), repos à la dominante mi.   

         - Dialogue entre les bois (en 3ce) et les cordes, évoquant des saluts, des révérences, repris 2 fois.

         - Quatre marches d'harmonie à la basse avec réponses contrepointiques des autres voix, aboutissant à une cadence parfaite puis à un repos à la dominante.

         - Une gamme ascendante en rythme pointé de la flûte conclut cette première pantomime.

3)   Air de Huascar et chœur : « Brillant Soleil ».

C’est une vaste invocation au Soleil, pleine d’autorité et d’énergie à laquelle le peuple des fidèles mêle sa voix. Au point de vue musical, trois éléments vocaux seront utilisés, soit isolément, soit superposés : Les appels sur « Brillant Soleil » au rythme énergique, puis des gammes descendantes sur « N’ont vu tomber de noirs frimas » (figuralisme), enfin des vocalises plus ou moins développées sur « Répands » (encore le figuralisme)

L’Air, « animé », en la majeur, à 2/2, débute par des appels par la voix à découvert sur les notes du 2ème renversement de l’accord parfait de la « Brillant Soleil » auxquels l’orchestre répond par une fanfare très rapide en rythme pointé sur les notes de l’accord parfait.

Deux gammes descendantes commençant l’une par mi, dominante,  l’autre par la, tonique, évoquent la chute des frimas. Arrêt, après un rappel orchestral, sur la tonique la. Puis apparition de la vocalise sur « Répands » et modulation vers la dominante, mi majeur. Cadence parfaite en mi. (notons les interventions fréquentes du thème de fanfare à l’orchestre pour ponctuer les diverses fins de phrase.) La vocalise « Répands » s’amplifie, tandis que nous revenons au ton principal de la. La voix s’appuie sur mi, dominante, sur les mots « ta plus éclatante lumière », et conclut par une solennelle cadence parfaite à laquelle fait suite la fanfare orchestrale et une gamme descendante en fusée.

Le Chœur est une reprise amplifiée et modifiée de l’air. On peut y voir quatre parties, avec toujours les trois mêmes éléments, ponctués de la fanfare orchestrale.

A – a) Les appels donnés par les soprani sont repris par le reste du chœur et suivis par les gammes modifiées.

b) La vocalise, différente elle aussi, module tout de suite en mi. Cadence en mi, suivie de la fanfare orchestrale et de la gamme-fusée descendante.

B – Passage central modulant :

a) L’appel en la, est repris au relatif fa# mineur, suivi de la gamme descendante (tomber). Cadence en fa# mineur.

b) Dans la vocalise qui suit, intervient une modulation en si mineur. Cadence en si mineur.

C – a) Superposition des deux premiers éléments : deux appels, l’un en la, l’autre en ré aux soprani sont accompagnés par les gammes de la et de ré aux basses. Puis les alti et les ténors font entendre les appels, tandis que les gammes sont chantées par les soprani.

b) La vocalise apparaît ici en canon pour aboutir à une phrase conclusive homorythmique de tout le chœur sur une cadence en la.

D – Dans cette conclusion, tous les éléments se superposent : les appels aux alti qui tiennent une longue pédale de tonique tandis que les soprani divisées chantent la vocalise en tierces et que les basses descendent leur gamme. Reprise des appels par deux fois aux alti et aux ténors, tandis que les soprani et les basses chantent la vocalise pour aboutir sur une majestueuse cadence parfaite de tout le chœur et l’orchestre (en la majeur) sur les mots définitifs « ta plus éclatante lumière ». Après un court rappel de la fanfare à l’orchestre, une ultime redite de cette phrase par le chœur, syllabiquement, donne une conclusion somptueuse à ce magnifique hommage au Dieu Soleil. L’orchestre y met le point final avec un retour de la fanfare, suivi de la gamme descendante en fusée.


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                          4) Air des lncas pour la dévotion du Soleil – danse de Péruviens et de Péruviennes.

         Il s’agit à nouveau d’une pantomime religieuse en la majeur, de forme « suite ». La structure y obéit presque entièrement à la carrure (succession de groupes de 4 mesures). Elle s’exécute gravement.

A – Un premier thème A1 répétant 4 fois la tonique la aux 2 octaves sur un rythme énergique est suivi d'un groupe martelant 4 fois la dominante. Ce premier élément de 8 mesures s’achève sur un repos à la dominante et enchaîne sur une modification adoucie (A2) du premier thème A1 qui amène la modulation à la dominante mi (cadence en mi).

B – Débute sur A2 modulant en fa# mineur ; un retour au ton initial (souligné par une cadence parfaite), est suivi de près par une autre modulation en si mineur (cadence parfaite). Ici la carrure se rompt. Une série d’accords se prêtant à des attitudes mène à un arrêt à la dominante mi et à une grande cadence rompue, suivie d’une grande cadence parfaite en la majeur.

                          5) Hymne au Soleil et Chœur en rondeau : « Clair Flambeau du monde ».

         Ici encore, le peuple des fidèles va mêler sa voix à celle de Huascar, mais de façon moins majestueuse, moins pompeuse que dans le 1er chœur. La forme rondeau est déjà plus familière. Huascar énonce seul le refrain puis les deux couplets tandis que le chœur reprend « en rondeau » le refrain.

Cet air est « modéré », en la majeur, à 3 temps.

A – Refrain, énoncé par Huascar ; il comporte deux parties. La première s’achève sur un repos à la dominante, la seconde sur une cadence parfaite. Remarquons le rythme caractéristique « L’air, la terre et l’onde » ainsi que la dissonance sur le mot « terre » (à l’accord parfait de ré, Rameau ajoute un mi, appogiature du ré suivant).

Refrain repris par le chœur.

B – 1er couplet – il comporte 3 parties :

-          Début en fa# mineur sur un accord dissonant analogue à celui du refrain (sur « toi ») Cadence parfaite en fa# mineur.

-          Passage modulant en si mineur (« Chantons-les seulement »).

-          Retour au ton de la majeur avec repos sur mi, dominante, pour enchainer sur le refrain repris par le chœur.

C – 2ème couplet – il comporte deux parties :

-          Élan initial sur le deuxième renversement de l’accord parfait ascendant de la, suivi par une chute (« dans une nuit profonde ») et une modulation à la 5te inférieure, ré majeur – « lorsque tu disparais » – (impression d’assombrissement). Cadence en ré majeur.

-          La seconde partie ramène le ton de la dominante mi, pour enchaîner sur le refrain.

                       6) Loure en rondeau

         À la fête religieuse succède maintenant la fête populaire : les divertissements du peuple Inca vont commencer ici.  Apparue en France au XVIème siècle, la loure était à l’origine accompagnée par la « loure »  (sorte de cornemuse ou de grande musette normande.) Son rythme caractéristique à 6/4, exigera, lorsqu'elle sera confiée aux instruments à cordes dans les diverses suites ou compositions ultérieures, une accentuation spéciale sur chaque noire : ainsi naîtra le style « louré ». Les loures garderont toujours une allure rustique ou paysanne due à leur origine.

         Le refrain de cette loure est en deux parties ainsi que les deux autres couplets. Il est confié aux cordes et débute en fa# mineur. Son rythme à 6/4 avait fait taxer cette pièce d' « extravagante » par les Lullystes.

         La première de ces deux parties s'achève sur une cadence parfaite en fa# mineur (donc pas de modulation). Il en est de même pour la deuxième.

         Le 1er couplet, en la majeur est exécuté par un ravissant trio d’anches : deux hautbois et un basson, à qui un rôle important est dévolu : il semble gambader sur de joyeux arpèges. La 1ère partie s'achève sur un repos à la dominante mi : la 2ème retourne au la, tonique, après un bref emprunt à ré majeur.

         Le 2ème couplet, après la reprise du refrain, est confié aux mêmes bois, traités similairement. II est en do# mineur. La 1ère partie s’arrête sur sol#, dominante de do#, et la 2ème revient à do#, pour enchainer une dernière fois sur le refrain, aux cordes, en fa# mineur.

 

                         7) Air de Huascar : « Permettez, Astre du jour »

         Il s’agit là d’un air gracieux et galant, en rondeau, en fa# mineur construit sur le schéma de la loure précédente. Rameau utilise ici l’ossature de la danse, mais va modifier l'orchestration et la réalisation. Les 3 éléments (refrain et 2 couplets) seront de structure binaire, comme la loure et les tonalités seront aussi les mêmes. Dans cet air, Huascar demande au Soleil de permettre qu'à côté de son propre culte, on célèbre aussi celui de l’Amour.

         Le refrain, à 3/4, en fa # mineur, débute par une phrase vocale seule, avec le rythme caractéristique de la loure, suivie d’une phrase d’orchestre qui reprend la loure orchestrale. Après un arrêt en fa# mineur, la 2ème partie se déroule comme dans la danse.

         Le 1er couplet, à 6/4, («  Le soleil, en guidant nos pas ») est en la majeur et s’achève par une cadence en la, après un arrêt médian à la dominante mi.

         Le refrain est repris identiquement en fa # mineur, mais à 6/4 et sur d’autres paroles « Vous brillez, Astre du jour ».

         Le 2ème couplet, en do # mineur diffère un peu de celui de la loure instrumentale ; après une première partie comparable s'achevant par une cadence en do # mineur, la 2ème partie débute par une jolie modulation, une tendre inflexion en si mineur (« De la nuit, le voile sombre »), suivie d’une redite de cette tendre phrase en la majeur (marche d’harmonie à la basse). Le couplet s’achève sur un arrêt sur do #, dominante de fa #, ce qui amène le dernier retour du refrain sur les paroles initiales.

         Admirons ici le génie de Rameau qui, au cœur même de la scène, entre les solennelles cérémonies et le déclenchement du cataclysme, intercale ces deux pièces, dont le charme, la grâce et la tendresse, (dues en partie à l'utilisation du doux fa # mineur), sait ménager une belle diversion.


Production au Palais Garnier (Huascar : Laurent Naouri) / DR

                      8) 1ère et 2ème gavottes

La gavotte, apparue à la fin du XVIème siècle, nous vient de la ville de Gap. Elle fut très en vogue dans les salons. Sur un rythme binaire, on procède par petits sauts. On en trouve de nombreux exemples dans les opéras, les ballets et les suites de danses instrumentales (clavecin et orchestre).

Ici, deux gavottes se succèdent, la 2ème, en rondeau, avec 2 couplets.

-          1ère gavotte, en la majeur à 2/2, se joue « gaiment ».

Elle est en deux parties : La 1ère partie débute par les notes de l'accord parfait de la majeur et comporte deux phrases presque identiques avec repos à la dominante. La 2ème partie, qui débute par les notes de l'accord parfait de mi est reprise deux fois et s’achève par une cadence parfaite en la majeur.

-          La 2ème gavotte, en rondeau, est en la mineur.

ž  Le refrain, où les cordes répondent aux flûtes en une sorte de salut compassé,  comporte deux parties presque identiques, l’une s’achevant sur un arrêt à la dominante mi, l’autre par une cadence parfaite en la mineur.

ž  Le 1er couplet (« 1ère reprise »), est en do majeur et comporte 2 parties : la 1ère, construite sur un thème formé de notes répétées 2 par 2, s'achève sur un arrêt à la dominante sol, tandis que la 2ème conclut au hautbois par une cadence en do.

ž  Le 2ème couplet (« 2ème reprise »), après la redite du refrain est construit sur un thème analogue à celui du 1er couplet, mais utilise une harmonie bien plus colorée. La 1ère de ses deux parties débute par une phrase en ré majeur, redite en do majeur (marche d'harmonie); dans la 2ème partie, on revient au ton de mi mineur avec arrêt sur le premier renversement de l'accord de 7ème de dominante de mi ; puis, une formule reprise trois fois en marche ascendante par le hautbois et le basson, conclut sur une cadence parfaite en mi mineur puis majeur pour enchaîner sur un dernier retour du refrain.

 

                        9) Tremblement de terre 

 Mais … « On danse et la fête est troublée par un tremblement de terre ».

         Il débute par un prélude orchestral « nourri d'harmonie » en fa mineur : remarquons la brusque saute de tonalité. A trois fa graves joués d’abord « piano » (la terre tremble et frémit dans ses fondations), vont s'adjoindre l’une après l’autre les notes du 1er renversement de l'accord de 7ème diminuée : sol, si b, ré b, mi bécarre ; l’orchestre s'amplifie dans un crescendo puissant jouant en trémolos cet accord, tandis que les deux fa graves continuent de gronder. Nous avons ici un exemple d'accord sur-tonique, très audacieux à cette époque. Les accords se modifient, mais la tonique grave roule toujours au bas de l'édifice harmonique créant avec les divers accords dévelop­pés en traits rapides des dissonances terrifiantes.

         L’orchestre contribue à évoquer le séisme : au grondement des basses s‘adjoignent bientôt les traits stridents des petites flûtes figurant les « vents qui se déclarent la guerre ».

         Le chœur se superpose alors une première fois à la symphonie descriptive. Les alti et basses d’abord, puis les soprani et ténors clament une phrase descendante « Dans les abimes de la terre ».

Ensemble, le chœur complet achève cette première intervention, sur un arrêt à la dominante do, syllabiquement, afin d’évoquer l’unanimité de la terreur des assistants.

         Après un silence angoissant et lourd d'inquiétude, la symphonie reprend, car il s’agit bien sûr d’une fausse accalmie (nous retrouverons le même procédé dans l’Orage de la Symphonie Pastorale). « L’air s’obscurcit, le tremblement redouble, le volcan s’allume et jette par tourbillons du feu et de la fumée ».

-          Débutant par des notes répétées « piano » en croches, la symphonie s’amplifie dans un vaste crescendo, les croches faisant suite à des trémolos rapides en accords sans cesse renouvelés dans une succession très hardie. Basses chromatiques, opposition de nuances, tout concourt à accroître le pittoresque de cette page saisissante, qui se termine piano, puis forte par une formule conclusive de cadence parfaite en fa mineur.

-          Au point d’aboutissement de cette cadence, le chœur intervient à nouveau sur un rythme précipité à 6/8, chantant presque toujours syllabiquement : « Les rochers embrasés s’élancent dans les airs, Et portent jusqu’aux cieux les flammes des enfers ».

-          La première phrase est redite à une 3ce supérieure. Cet effet d’ascension s’accentue avec les élans sur le mot « cieux » qui sera tenu longuement par les soprani, sur le sol aigu formant dissonance avec le la b des alti. Ce chœur, bref mais saisissant, soutenu par le commentaire de l’orchestre, s’achève en une longue cadence parfaite dans le grave (« enfers »).

-          Une conclusion d'orchestre adoucie, mais comportant encore des sursauts de nuances d’intensité, pourvue encore de riches harmonies, de dissonances, de chromatismes à la basse, d’enharmonie (la # – si b) conclut de façon magistrale en fa mineur, puis majeur, ce grand déploiement de forces déchaînées, évoquant avec elles l’épouvante des assistants et leur fuite éperdue.

 

* *

*

 

         Dans la Fête du Soleil, superbe parenthèse au centre de l’entrée des Incas des Indes Galantes, le génie dramatique de Rameau, parvenu à son entière maturité, s’exprime dans toute sa plénitude. Il se manifeste en premier lieu dans la progression expressive des airs de Huascar, passant de la gravité des regrets et de la fidélité aux antiques croyances, aux invocations énergiques au Dieu, soulignées par les chœurs qui les amplifient, pour en arriver enfin à des prières plus familières. Les danses suivent aussi la même évolution, allant des évocations de rites cérémonieux et graves à des attitudes plus simples, élégantes et gracieuses. Mais c’est surtout dans la symphonie descriptive du Tremblement de terre, commentée elle aussi par le chœur saisissant des assistants affolés de terreur, que l’invention créatrice de Rameau atteint son apogée ; grâce à une écriture orchestrale riche et colorée mais surtout grâce à des audaces harmoniques, révolutionnaires pour l’époque, bien que toujours au service de l’expression dramatique, Rameau signe là une page vraiment prémonitoire.

         C’est en cela que l’on peut penser que l’auteur des Indes Galantes ouvre ici la voie, en vrai précurseur, aux grandes œuvres dramatiques à venir. Les chefs-d’œuvre de Gluck, les premiers opéras romantiques portent à coup sûr la marque de l’héritage de Jean-Philippe Rameau.

 

Francine Maillard.

 

(1) Pourtant, la postérité en jugera autrement grâce à la recréation de l’œuvre pour l’ « année Rameau » en 1983, date où John Eliot Gardiner crée les Paladins au Festival d’Aix-en-Provence. Plus tard, en 2004, William Christie présente à son tour l’opéra au Châtelet, puis à Londres et à Caen, avant qu’il ne s’envole pour Shanghai et Tokyo où il connut un succès international.

(2) Elle vit le jour, elle aussi, bien plus tard, inscrite en 1999 au programme du Festival de Salzburg et enfin à celui de l’opéra Garnier en 2003 avec William Christie.

  ***

 

L'ENSEIGNEMENT MUSICAL

Haut

 

La confusion de certains décideurs politiques français
à l’égard des écoles et conservatoires de musique, de danse et d’art dramatique


 

Ces quelques lignes représentent la volonté d’évoquer les problèmes d’un univers particulier – l’enseignement artistique spécialisé (les écoles et conservatoires de musique, de danse et d’art dramatique) – pour les acteurs d’un autre univers artistique, parfaitement complémentaire, celui de l’éducation musicale (au sein de l’enseignement général). Le présent texte s’adresse à tout lecteur intéressé par l’enseignement artistique, mais surtout à ce qu’il est convenu d’appeler de nos jours, en matière de système culturel, les médiateurs et les décideur : il ambitionne de braver l’inquiétant constat qu’une grande partie du personnel politique, tellement occupée à cimenter son empreinte dans les médias, ne consacre pas – ou plus – de son temps à se cultiver.

 

Quelques mots d’introduction

 

À cause du « Yalta » historique qui sépare les mondes de l’éducation musicale (ministère de l'Éducation Nationale) et de l’enseignement artistique spécialisé (ministères de la Culture et, en partie, de la fonction publique territoriale), il nous est apparu utile de rappeler d’abord aux acteurs du premier la situation et les différents problèmes qui frappent le second. Les propos qui suivent ne nous permettant pas de traiter de la totalité de ces aspects en un seul article, avons-nous décidé de nous centrer déjà sur la confusion qui marque la réflexion politique à propos de quelques-uns de ces aspects seulement.

 

Un rappel : la situation française des établissements d’enseignement de la musique, de la danse et de l’art dramatique (l’enseignement artistique spécialisé)

 

À côté de l’enseignement artistique dispensé au sein de l’enseignement général – notamment la discipline musique dénommée éducation musicale – prodigué par les 65.000 établissements de l’Éducation nationale (écoles primaires, collèges, lycées) et ceux placés sous la tutelle du ministère de l’Agriculture (lycées agricoles) ou au sein de certaines universités et grandes écoles (enseignement supérieur), il existe un autre domaine, qualifié d’enseignement artistique spécialisé, relatif à l’enseignement de la musique (majoritaire), de la danse et de l’art dramatique, délivré au sein d’un ensemble qui rassemble environ 4.500 établissements en France : les écoles et conservatoires de musique. Ceux-ci ne sont bien sûr pas à confondre avec des centres de loisirs ou des centres d’animation ! [en cette matière, relire le texte fondamental de Hannah Arendt : La crise de la culture (Paris, Gallimard, Folio essais, 1972, 380 p.)].

 

Le nombre de ces établissements d’enseignement s’est progressivement accru à partir des années 1970, lorsque la notion de culture est devenue une composante importante du développement économique des collectivités locales : les responsables politiques de terrain – notamment les maires – ont alors commencé à prendre conscience d’une forte demande de politique(s) culturelle(s) de la part de leurs populations administrées, constituées de classes moyennes émergentes. À la suite d’une vague de premiers équipements (centres sociaux, crèches, cantines, gymnases, stades…), se sont ainsi multipliés les équipements dits culturels : centres culturels, MJC, écoles et conservatoires de musique, salles polyvalentes, auditoriums, salles de théâtre, etc. À Paris par exemple, il a fallu attendre la décennie 1980-1990 pour voir enfin s’édifier des locaux spécifiques offerts aux dix-sept conservatoires municipaux d’arrondissement de la Ville (CMA), soit près d’un siècle après la création des premiers cours municipaux de musique (en 1900, dans le 18e arrondissement). La rénovation, l’extension ou le renouvellement de ces locaux, qui aujourd’hui se révèlent insuffisants ou inadaptés, commencent à se mettre très doucement en place (2e mandature municipale du XXIe siècle : 2008-2014).

 

Contrairement à l’enseignement général, placé sous la tutelle directe de l’État (des ministères de l’Éducation nationale; de l’Agriculture; de l’Enseignement supérieur) qui le finance dans sa quasi-totalité (ses personnels – professeurs des écoles, des collèges, des lycées, des universités – dépendent majoritairement de la fonction publique d’État, soit pour 2013, 41 % du budget total du ministère de l’Éducation nationale : ce qui représente, après le remboursement de la dette, le premier poste de dépense de l’État [90 milliards d’€]), l’enseignement artistique spécialisé reste un domaine éclaté, essentiellement du ressort des collectivités territoriales : une grosse moitié des établissements du domaine relève du droit privé (secteur associatif, peu ou prou subventionné par les collectivités locales, qui se doit d’appliquer et respecter la convention collective nationale de l’animation) ; une petite moitié des établissements du domaine est constituée d’établissements territoriaux (essentiellement gérés en régie directe par des communes ou par des établissements publics de coopération intercommunale [EPCI]).

 

La structure polymorphe de l’enseignement artistique spécialisé est due à l’histoire même de sa constitution et de sa mise en place progressives sur le territoire [sur l’histoire de ces établissements, consulter l’essai de l’auteur : L’Enseignement de la musique en France ]. Vouloir gérer ces deux domaines – enseignement général et enseignement spécialisé – d’une semblable manière (relire pour exemple les textes réglementaires produits par le ministère de la Culture) en laissant ces spécificités fondamentales de côté, restera voué à l’échec.

 

Pour clore cette introduction, précisons que les appellations école de musique ou bien conservatoire de musique, qui semblent traduire des structures différentes, ne délimitent en fait aucune différence et n’ont aucun fondement juridique particulier, hormis depuis 2006 [arrêté du 15 décembre 2006, J.O. du 29 décembre 2006, fixant les critères du classement des établissements d’enseignement public de la musique, de la danse et de l’art dramatique] pour les quelque 300 établissements dits « classés par l’État », qui utilisent les sigles CRR, CRD, CRC ou CRI. Pour la clarté de l’exposé, rappelons la signification de ces sigles : CRR (conservatoire à rayonnement régional, anciennement conservatoire national de région) ; CRD (conservatoire à rayonnement départemental, anciennement école nationale de musique de danse et d’art dramatique) ; CRC (conservatoire à rayonnement communal, anciennement école ou conservatoire municipal) ; CRI (conservatoire à rayonnement intercommunal, anciennement école intercommunale de musique, de danse et d’art dramatique)  (en soulignant qu’il s’agit d’établissements qui demeurent malgré tout financés en quasi-totalité par des collectivités territoriales). De plus, le recours à l’une ou l’autre de ces appellations – école ou conservatoire – diffère selon des usages locaux, suivant que l’on se trouve dans la région parisienne – ou sa banlieue – ou que l’on réside en province.

 

 

I. - Les établissements d’enseignement de la musique, de la danse et de l’art dramatique : leurs maux

 

Pour une commune ou un EPCI, son école de musique ou son conservatoire de musique représente le premier poste – ou l’un des tout premiers postes – de dépense budgétaire. De ce fait, ne nous étonnons pas que ces établissements spécialisés attirent les regards et concentrent sur eux l’attention des décideurs politiques, car ils leur procurent à tout le moins quelques préoccupations. En effet, indépendamment d’un budget d’investissement non négligeable (construction du bâtiment ou mise à disposition de locaux [le cas échéant], achat d’instruments de musique divers [pianos, percussions, contrebasses…], de matériels pédagogiques, de musique imprimée [partitions, manuels et méthodes, partitions d’orchestre et d’ensembles instrumentaux], de livres, d’enregistrements audio/vidéo [CD, DVD]…), le budget de fonctionnement d’une école ou d’un conservatoire de musique se trouve affecté d’un accroissement régulier et inéluctable, ce pour au-moins deux raisons :

 

·         Le salaire des enseignants – part la plus importante du fonctionnement – subit une revalorisation mécanique (suivant en cela les évolutions fixées soit par la convention collective de l’animation [droit privé], soit par les barèmes des carrières de la fonction publique territoriale [droit public], fonction du GVT : glissement vieillissement technicité) ;

·         Les élèves se doivent de recevoir un temps d’enseignement alloué qui augmente fatalement en fonction de leur progression dans le cursus (temps des cours individuels rallongé ; rajout de plusieurs disciplines théoriques et collectives [écriture, culture musicale, orchestres, ensembles vocaux ou instrumentaux, musique de chambre, improvisation, MAO…]).

 

Il faut aussi se rendre compte qu’une augmentation du nombre d’élèves débutants pour bénéficier à court terme d’une masse financière plus importante constituée de leurs frais de scolarité (droits d’inscription acquittés par les familles), ne sera en aucun cas une solution puisque ce plus de recrutement en début de cursus ne fera que faire refluer le problème dans le temps, en encourageant à terme une augmentation différée mais fatale du budget de fonctionnement de l’établissement, non compensée par les départs des plus grands élèves.

 

Face au constat de l’accroissement inévitable du poids financier d’une école ou d’un conservatoire de musique, qu’advient-il alors inévitablement : le(s) responsable(s) politique(s) – quelle que soit son (leur) orientation – se sent(ent) subséquemment investi(s) d’une mission de réforme ou de réorganisation de son (leur) établissement local. Et c’est là que le bât va blesser, puisque, à partir de ce moment, la structuration pédagogique de l’établissement va presque toujours endurer des considérations et/ou des contraintes sérieuses, qui lui seront extérieures, formulées et impulsées par des décideurs qui ne connaissent pas grand-chose aux exigences pédagogiques de l’enseignement artistique spécialisé, habités qu’ils sont de représentations mentales en général assez éloignées de la réalité. Au mieux, ces décideurs accepteront-ils peut-être de prendre l’avis de leurs équipes enseignantes (au minimum celui du directeur ou du responsable coordinateur).

 

Les conséquences de cette prise de conscience se retrouveront presque toujours les mêmes et ouvriront inlassablement sur les quelques éternelles questions vite posées. Ainsi, puisque le responsable politique constate qu’entretenir un tel établissement revient « toujours trop cher », il se dit in petto ou bien déclare haut et fort :

 

·         « Quel est le retour sur investissement du financement par notre collectivité d’une école ou un conservatoire de musique » ?  À combien revient un élève ;  Faire préciser à l’établissement quelle est son ouverture réelle sur la cité ;  Voir s’il poursuit bien la réalisation d’un projet d’établissement cohérent.

·         « L’établissement ne prodiguerait-il pas un enseignement élitiste, qui ne serait donc pas en phase avec notre volonté politique de démocratisation culturelle » ?  Ne pourrait-on pas multiplier les cours collectifs en chargeant leurs effectifs d’élèves, car ces cours sont moins onéreux et donc plus rentables ? D’autant que, d’après les textes officiels du ministère de la Culture (« source » qui, dans ce cas, est immanquablement appelée en secours !), la mission première de ces établissements serait de former des amateurs ?

·         « L’enseignement prodigué par l’école ou le conservatoire de musique est-il réellement en prise directe avec notre époque ou ne reste-t-il pas trop conservateur » ?  L’établissement ne peut-il avoir davantage recours au numérique à tous les niveaux pour réduire et limiter le nombre d’enseignants ?  Ne peut-on pas développer, dans une plus grande proportion, l’accès aux musiques actuelles, aux musiques extra-européennes, aux autres cultures communautaires ?

·         « Les enseignants (musiciens, danseurs, comédiens) ne bénéficient-ils pas d’un statut dérogatoire par trop avantageux (16 heures d’enseignement pour les professeurs territoriaux, 20 heures pour les assistants territoriaux) » ?  Ne pourrait-on pas les utiliser davantage (comprendre hors du légendaire « face à face pédagogique »(1)) ?

·         etc.

 

 

II. - Les confusions des politiques : quelques propositions pour les réduire.

 

Passons en revue quelques-unes des réflexions – ces quasi-réflexes ? – politiques rappelées ci-dessus, que nous ne manquons pas de continuer à rencontrer aujourd’hui un peu partout en France (mais depuis presque une trentaine d’années maintenant !), peut-être à cause – mais pas seulement – des effets de la « crise », et n’hésitons pas à en commenter certains, en espérant que nos remarques pourront, un tant soit peu et en toute humilité, éclairer – ou, à tout le moins, faire réfléchir – quelques-uns des décideurs politiques (élus municipaux ou associatifs) encore enfoncés dans une certaine confusion, et qui accepteraient d’examiner d’une manière un peu plus juste ces différents éléments.

 

 La confusion en matière de « retour sur investissement »

 

Il va de soi que les investissements réalisés en matière de culture doivent faire l’objet de deux considérations parallèles, l’une sociale, l’autre économique.

·         L’investissement social doit être regardé à l’aune de son impact indirect, mais fondamental, sur les citoyens. Comme le rappelle si bien Pierre Moulinier,

« A la décharge des responsables des politiques culturelles nationales ou locale, rappelons que […] l’impact majeur d’une action culturelle est immatériel, qualitatif et, s’il y en a un, il est indirect. Travailler au développement culturel, c’est œuvrer pour l’expansion de la beauté, de l’intelligence, de la créativité artistique, de l’agrément de la vie, pour le mieux-être, le renforcement de l’identité personnelle et collective, le développement du sens critique ou de la participation citoyenne » [Pierre Moulinier, Les politiques publiques de la culture en France, Paris, P.U.F., « Que sais-je » 3427, 1999, 128 p., p. 105.].

·         L’investissement économique doit être évalué au moyen d’outils adaptés, par exemple grâce à l’analyse d’impact économique en matière d’action culturelle (technique économique développée à partir des années 2000 en Amérique du Nord et encore peu connue ou peu maîtrisée en France) : cette démarche permettra d’évaluer ce que « rapporte » réellement l’investissement d’un euro de la part du financeur-décideur d’un projet culturel sur un territoire donné (1,10 € ? 1,20 € ? 1,50 € ?…) [consulter notamment de Yann Nicolas : Les Premiers Principes de l’analyse d’impact économique local d’une activité culturelle, Paris, Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS), ministère de la Culture, avril 2007, document CM-2001-1, 8 p.].

 

Aujourd’hui, les premiers – souvent les seuls – arguments avancés par de nombreux responsables politiques se réduisent à :

 Combien de citoyens touchés ? : c’est évidemment toujours beaucoup trop peu en regard de la population totale et surtout du nombre des supposés électeurs desdits responsables ;

 Quel est le coût par élève pour la collectivité ? : c’est évidemment toujours beaucoup trop en regard du budget de ladite collectivité.

De là, ces responsables s’estiment tout-à-fait « fondés » à demander en retour beaucoup et plus encore à l’établissement.

 

La confusion en matière d’« élitisme » supposé des écoles et conservatoires de musique et de leur enseignement

 

« Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage ». Ce proverbe, très ancien, semble qualifier les critiques souvent entendues contre les écoles ou les conservatoires de musique, de danse et d’art dramatique. Rappelons d’abord que les mots « élitisme » et « élitiste », dans leurs sens récents (1967, 1968), sont « devenus usuels pour évoquer la tendance à maintenir et développer les hiérarchies socio-intellectuelles. » [d’après Le Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1992, volume I, 1 156 p., p. 673.]. Il s’agit donc d’un problème inhérent à l’organisation structurelle de la société et non pas du rôle supposé des établissements d’enseignement artistique qui adopteraient une telle démarche en ce domaine. D’ailleurs, il va de soi pour tout observateur un tant soit peu objectif et lucide, qu’aucune structure d’enseignement artistique spécialisé ou qu’aucun de ses maîtres de musique, de danse ou d’art dramatique n’affiche ni ne se réfère à un tel programme aux relents de « culture bourgeoise » : tous les élèves qui le souhaitent doivent pouvoir s’y inscrire – et le peuvent –, sauf si l’insuffisance de moyens mis en œuvre par le décideur-financeur les en empêche (en termes d’insuffisance de locaux et/ou de budget accordés).

 

D’ailleurs, s’agirait-il là du seul « élitisme » rencontré, car cette insuffisance de moyens n’autorisera une place qu’aux enfants des seules familles arrivées en premier et bien au fait des procédures d’inscription mises en œuvre (queues d’attente – campements – devant l’établissement, appels téléphoniques réitérés sans interruption par plusieurs membres des familles mobilisés pour cela…). À l’évidence, accuser les écoles et conservatoires de musique d’aider au « renforcement » des inégalités socioculturelles de la société est une absurdité pitoyable.

 

La confusion en matière de publics enseignés

 

Les textes officiels du ministère de la Culture, relatifs à l’enseignement artistique spécialisé et que d’aucuns appellent à leur secours comme déjà écrit, présentent depuis quelques années une assertion quelque peu spécieuse qui définirait comme leur mission principale le fait que les écoles et conservatoires de musique, de danse et d’art dramatique ont à former des amateurs. Le recours assez systématique à l’opposition amateur/professionnel est apparu, notamment depuis les années 1970, dans les études développées par les sociologues de la culture et des « pratiques culturelles », et adopté sans trop de précautions par beaucoup de décideurs politiques. Les pouvoirs publics ayant eu besoin d’évaluer la portée et les résultats de l’action culturelle mise en œuvre dans leurs politiques culturelles, plusieurs administrations chargées de réaliser de telles études se sont trouvé mises en place. Au travers de leurs travaux(2) sont ainsi apparues différentes taxinomies, parmi lesquelles ont émergé les notions de pratiques culturelles et la classification afférente de pratiques amateurs (notons que dans ces études, on n’utilise d’ailleurs assez peu ou même pas du tout la notion de pratiques professionnelles).

 

Cette proximité avec les sciences humaines a fait que, par quelque incohérence intellectuelle et par démagogie certaine, les pouvoirs publics ont alors décidé de s’occuper des adeptes des « pratiques culturelles amateurs », cohortes nombreuses s’il en est, notamment en matière de jardinage. De ce fait, beaucoup de politiques serinent-ils aux responsables et aux enseignants des écoles et conservatoires de musique que leur public est constitué d’amateurs. C’est évidemment inexact : ces établissements forment des élèves artistes, au moyen d’un enseignement artistique de qualité. D’ailleurs, qui pourrait définir ce que devrait être un « enseignement pour amateurs » ? Au cours préparatoire, si les élèves étaient considérés en tant qu’amateurs, leur apprendrait-on alors à ne lire que le nom des rues ?

 

La confusion en matière d’adéquation avec l’époque

 

La période actuelle, imbibée par la propagation de produits culturels standardisés, fabriqués de manière industrielle (musiques de variété, sons Internet compressés, littérature commerciale…), et soumise à la mode du « tout-numérique », qui semble être devenu un progrès indispensable [alors qu’en 2013 il ne nous est déjà plus possible de consulter des disquettes informatiques (Mini Floppy Disks) inventées il y a seulement trente ans en 1984, nous arrivons cependant toujours à accéder à un texte écrit il y a 2000 ou 3000 ans (sous forme de hiéroglyphes sculptés, ou sur un papyrus…) !]), cette période, disions-nous, permet aux politiques – dont certain baignent déjà dans une « inculture » certaine (nous n’aurons point la cruauté de rappeler certains exemples venus de très haut…) – d’exiger de leurs établissements d’enseignement artistique qu’ils suivent ces mode  : ils se devront de réserver une plus grande part à l’enseignement des musiques dites « actuelles » (qui resteront actuelles jusqu’à quand, d’ailleurs ?), à la MAO (musique assistée par ordinateur), au recours au tout-numérique, mais aussi prendre en compte les cultures de différents groupes communautaires environnants, afin de satisfaire – sans le dire – davantage d’électeurs potentiels (cours de oud, de danse orientale…).

 

·         Il s’agit là encore d’une confusion des genres : sous couvert d’ouverture sur la société contemporaine, le politique « mord » sur le domaine technique de l’enseignement artistique, animé par le temps contraint de la durée de son mandat et par l’espérance de sa réélection, se mêlant de choses qui n’entrent évidemment pas dans ses compétences. Selon l’Adjoint à la Culture de la Ville de Paris, qui s’exprime dans un article de La Lettre du Musicien devenu célèbre [signé de Pierre Wolf-Mandroux : « Paris reporte la réforme de ses conservatoires », La Lettre du Musicien, n° 431, avril 2013, pp. 81-83], les enseignants des conservatoires auraient « fait des progrès » ! : « Je ne considère pas du tout que les conservatoires sont élitistes. Leurs professeurs ont d’ailleurs réalisé des progrès pédagogiques considérables à ce niveau. » De quels progrès s’agirait-il ? Sous quelle forme ? Parmi les « multiples » compétences artistiques de ce décideur, lesquelles lui permettent d’estimer une telle chose ?

 

La confusion en matière de statut

 

Les discussions des années 1990/91, préparatoires à la création de la filière culturelle de la fonction publique territoriale, avaient fixé le temps plein du travail des enseignants artistiques spécialisés à 16 heures pour les professeurs et à 20 heures pour les assistants. Ce statut, dûment argumenté par le fait qu’il s’appliquait à des artistes tenus de continuer à travailler leur discipline pour la qualité de leur enseignement (instruments, danse, comédie, voix), n’a pas manqué de créer une jalousie certaine de la part de plusieurs autres cadres d’emploi.

 

Les actuelles contraintes budgétaires et cette jalousie ancienne aidant, les écoles et conservatoires de musique font ainsi aujourd’hui l’objet d’attaques en règle, tant des politiques de gauche que de ceux de droite : parmi plusieurs questions récentes discutées au Parlement à ce sujet, consulter par exemple la question écrite n° 04121 du sénateur du Calvados (UMP) Ambroise Dupont, posée à la ministre de la réforme  de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique (J.O. du Sénat du 24/01/2013, p. 252) sur la situation des professeurs de musique territoriaux.

 

De plus et simultanément, réapparaît aussi dans les tentatives de réécriture ou d’amendement des textes statutaires des enseignants artistiques territoriaux, la très dangereuse notion de face à face pédagogique. Pour bien comprendre le danger inhérent qu’elle recèle, soulignons que cette notion laisse subodorer qu’il pourrait exister une possibilité d’employer les enseignants artistiques « hors » de leur seul face à face pédagogique (d’autant que le temps de congé d’un fonctionnaire n’est que de cinq fois son temps de service hebdomadaire). D’où la très forte tentation – récurrente chez certains décideurs – de « rentabiliser » les horaires – dérogatoires, mais dûment justifiés – des enseignants artistiques, « en utilisant » ces derniers notamment pendant les vacances scolaires. Cela a été le cas pour la Ville de Paris [avec le risque de créer un précédent pour le reste du pays] (délibération 2013 DAC 468, soumise au vote du Conseil de Paris et adoptée le 9 juillet 2013).

 

Rappelons aux plus jeunes lecteurs, qu’en 1990/91, grâce à une très forte mobilisation des acteurs de l’enseignement spécialisé, la notion de « face à face pédagogique » avait pu être retirée des textes préparatoires à la création de la future filière culturelle de la fonction publique territoriale. Car, il va de soi qu’en dehors de ce face à face pédagogique, l’enseignant se doit de toujours travailler son instrument, préparer ses cours, se produire [spectacle vivant], etc.

 

 

Pour conclure

 

Nous continuons à constater qu’en matière d’enseignement artistique spécialisé, de nombreuses confusions perdurent dans l’esprit de moult responsables politiques. Il s’avérerait donc nécessaire que certains parmi ceux-ci révisent et actualisent les chromos qu’ils entretiennent quant à cet enseignement et quant aux établissements – écoles ou conservatoires de musique, de danse et d’art dramatique – dont ils ont la tutelle : face à l’inexistence d’une centralisation régalienne de ce secteur au niveau national (contrairement à l’enseignement général), une concertation étroite avec des responsables compétents et des pédagogues et personnels représentatifs de ces établissements s’impose impérieusement à eux, afin de ne pas obérer plus avant le devenir d’un très important secteur de la vie culturelle française, que beaucoup d’autres pays nous envient (Rappelons qu’il y a quelques années, un célèbre Secrétaire d’état américain a demandé et obtenu d’assister et de participer à un cours de « solfège » à la Française dans un conservatoire parisien).

 

Gérard Ganvert.*

 

 

 

* Musicologue et essayiste, auteur de L’enseignement de la musique en France, Situation – Problèmes – Réflexions, Paris, L’Harmattan, 1999, 230 p. Ancien professeur associé (1997-2012) à l’Université de Paris-Sorbonne (Paris IV). Chargé d’enseignement à l’Université de Versailles-Saint-Quentin (depuis 2010). Formateur auprès du Centre national de la fonction publique territoriale CNFPT (projet de e-learning FOREMI France) et d’UNIFORMATION. Chargé de mission en matière de formation, d’information et d’inspection au sein de la Société des éditeurs et auteurs de musique (SEAM) (depuis 1997). Membre fondateur (1985) de la revue Analyse Musicale. Ancien directeur général de la FNUCMU (aujourd’hui FFEM) (1984-1998). Professeur de conservatoire à Paris (depuis 1976).

 

 

(1) Lire infra, p. 9

(2) Lire par exemple les travaux devenus célèbres du DEP – actuel DEPS – et d’Olivier Donnat, Les Amateurs. Enquête sur les activités artistiques des Français, Paris, ministère de la Culture, DEP, Département des études et de la prospective, La Documentation française, 1996 ou Les Pratiques culturelles des Français. Enquête 1997, Paris, ministère de la Culture, DEP, Département des études et de la prospective, La Documentation française, 1998 ou Regards croisés sur les pratiques culturelles, DEP, Paris, La Documentation française, 2003 ou encore Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique. Enquête 2008, Paris, La Découverte/ministère de la Culture, DEPS, Département des études, de la prospective et des statistiques, 2009.

 

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    SPECTACLES ET CONCERTS

Haut

 

Don Giovanni au Conservatoire de Paris

 

Wolfgang Amadé MOZART : Don Giovanni. Dramma giocoso en deux actes. Livret de Lorenzo Da Ponte. Olivier Cesarini/Alexandre Artemenko, Jérôme Collet, Julie Prola, Adèle Charvet, Alexandre Pradier, Alan Picol, Armelle Mousset/Justine Vultaggio, Antoine Foulon. Chœur : Oneyda Bigot, Élodie Bou, Florian Cahuzac, Claire Cervera-Lenert, Augustin Chemelle, Lucie Curé, Clarisse Dalles, Martin Davout, Robin Duval, Adrien Fournaison, Alejandro Gil Garcia-Marquez, Cyrille Lerouge, Quentin Monteil, Valentin Morel, Claire Naessens, Parveen Savart, Fanny Soyer. Corps de ballet : Cloé Alexandre, Clarisse Mialet, Mélodie Gouel, Henriette Wolf, Amélie Canton, Charlotte Arnould, Léozane Wachs. Pianiste, directrice musicale : Agnès Rouquette. Pianiste-répétitrice : Kiyoko Inoue. Florence Guignolet, mise en œuvre.


Donna Anna (Julie Prola) et Don Ottavio (Alexandre Pradier)/cliché Florence Guignolet

 

Les 19 et 20 mai dernier, auditorium Landowski de la rue de Madrid, le Département supérieur pour jeunes chanteurs s’est lancé, sous la conduite de Florence Guignolet, dans l’étonnante aventure d’une double représentation du Don Giovanni de Mozart. Musiciens et mélomanes l’auront compris, cet affrontement de la partition mythique du plus bel opéra jamais écrit ne pouvait relever, dans ces conditions de risque maximal, que de la gageure. L’inconscience figurant fort heureusement au chapitre des plus belles qualités de la jeunesse, c’est avec un rare brio que nos aspirants à la gloire lyrique ont relevé le défi, enchantant à deux reprises un public conscient d’assister, dans l’acception stricte du terme, à une performance exceptionnelle. Peut-être pourrait-on en conclure que tout ce qui est ôté à Mozart sans être du Mozart ajoute à Mozart. Ou, pour parler français, que Mozart n’est jamais plus enchanteur que lorsque tout ce qui nous sépare de lui disparaît. Ces deux soirs-là, plus rien de physique ne nous désunissait du génie de Salzbourg. L’orchestre, par exemple. À force de saluer, sans se donner la peine de les nommer, les féeries de la phalange mozartienne, on en vient trop aisément à les juger aussi naturelles que spontanées. Or ici, plus d’orchestre ; seulement le piano, laboratoire d’une vérité musicale qu’aucun filtre ne saurait altérer. Sous les doigts d’Agnès Rouquette, tout un monde inattendu surgit ainsi, musique dont chacun, à force de l’avoir entendue, croit posséder tous les secrets et qui se révèle pourtant à chaque mesure, neuve, brute, d’une poésie dont la délicatesse raffinée n’aurait d’égale que la pureté sauvage. Toutes les audaces d’écriture s’affirment ici dans leur joyeuse insolence, dissonances, irrégularités… dont Schoenberg prétendait, non sans raison, qu’elles constituent l’un des principaux formants de l’esthétique mozartienne ! Mais aussi ces particularités techniques qui, exigeant de la pianiste virtuosité digitale et intelligence musicale, sollicitent toutes sortes d’équivalences : notes répétées pour les batteries, changements de registre pour les mutations de timbre, équilibrage des accords aux deux mains pour les harmonies tenues, etc. Rien de plus saisissant que cette restitution de l’univers instrumental mozartien, toute de clarté, de vigueur et de lyrisme. Paradoxalement, la version pianistique exalte ainsi, d’un bout à l’autre de sa partition, cette intelligence du figuralisme si propre au compositeur : notes détachées pour les gouttes de sang quittant le corps du Commandeur mourant, fausse naïveté de l’arpège de Leporello pour son apostrophe à Donna Elvira, Voi sapete quel che fa, etc. Compagne du texte, la musique devient action en soi, plus dramatique et expressive que les mots qu’elle vêt de sa diaprure sonore.


Donna Elvira (Adèle Charvet) / Cliché Florence Guignolet

Maîtresse d’œuvre, Florence Guignolet met magistralement en lumière la subtile ambiguïté de ce dramma giocoso, “drame badin”, à mi-chemin entre insoumission enjouée et mutinerie perverse. Sa mise en scène d’une étonnante efficacité illustre à merveille la chronique, plus dramatique que tragique, d’une course au plaisir frénétique, défi dont le héros s’autorise pour donner libre cours à ses provocations. Athéisme, indifférence, cruauté et libertinage ne s’accompagnent-ils pas d’un réel amour, tout aussi subversif, de la liberté (« Viva la libertà », clame notre homme à la fin du premier acte, menace à peine voilée à l’endroit d’un régime monarchique miné par la pensée des Lumières). Ayant probablement médité sur le mot de Mozart (« Un opéra doit plaire d’autant plus que le plan de la pièce aura été mieux établi et que les paroles auront été écrites pour la musique »), Florence Guignolet a bien pris soin de souligner qu’à la chute du rideau (la suppression de la scène finale ne fait qu’en accentuer l’évidence), le destin d’aucun protagoniste n’est scellé, à l’exception de celui du héros. Comment s’en étonner face à cette galerie de portraits dont le premier caractère semble être l’ambiguïté ? Ainsi de Donna Anna à laquelle Julie Prola confère, tant par la beauté du timbre que par la justesse dramatique, une dimension prodigieusement sensuelle, du chevaleresque Don Ottavio, dont la magnifique interprétation d’Alexandre Pradier met en lumière tous les désordres, ou encore d’Elvira, dont Adèle Charvet traduit avec un souverain talent les continuels balancements de la détresse farouche à la fureur obscure. Quant à Don Giovanni lui-même à qui, par un trait de génie dramatique, Mozart accorde si peu d’airs pour lui conserver sa mystérieuse neutralité, les interprétations respectives d’Olivier Cesarini et d’Alexandre Artemenko, visages contrastés d’une élégance toute florentine et d’une brutalité tonique, ne témoignaient-elles pas du caractère polymorphe et mutagène de l’impénitent libertin, statue aux mille hypostases ? En miroir, mais de façon tout aussi pertinente, les brillantes prestations d’Armelle Mousset et de Justine Vultaggio mettaient tout aussi bien à jour, à mi-chemin entre espièglerie rebelle et pétillante gravité, les indicibles tourments d’une Zerlina dont le cri de terreur et de refus sonne l’hallali du héros à la fin du premier acte… Une Zerlina renonçant finalement au mirage aristocratique pour en revenir à la fière humanité d’un Masetto auquel Antoine Foulon confère une heureuse prestance, en rupture avec la rusticité dont il est ordinairement accablé.


Don Giovanni au bord de l'anéantissement (Olivier Cesarini) / Cliché Florence Guignolet

 

Il y aurait tant encore à signaler dans les didascalies de cette singulière production : le trio des Masques, moment de grâce absolue, l’ingestion de Don Giovanni par les délicieuses créatures aux bras tentaculaires, la fausse hallucination de Leporello face aux fantômes qu’il refuse de voir, le quatuor Non ti fidar, o misera, entre fusion déchirée des couples et dissipation des énergies, la fantasmagorie d’un Commandeur superbement campé par Alan Picol, etc. Que la magie ait opéré au gré des deux soirées, leur public peut l’attester ; quant à savoir pourquoi elle a opéré… À plusieurs reprises, entre lumière et mystère, la grande ombre du compositeur semble avoir plané sur la scène de son chef-d’œuvre, occasion de rappeler, pour ceux qui, à l’instar de l’auteur de ces lignes, méprisent le hasard, que la partition d’orchestre manuscrite du Don Giovanni a longtemps été conservée dans la bibliothèque de la rue de Madrid.

 

Gérard Denizeau.

 

 

Ali Baba va bon train à l'Opéra Comique

 

Charles LECOCQ : Ali Baba. Opéra-comique en trois actes. Livret d'Albert Vanloo et William Busnach. Tassis Christoyannis, Sophie Marin-Degor, Christianne Belanger, François Rougier, Philippe Talbot, Mark Van Arsdale, Vianney Guyonnet, Thierry Vu Huu. Chœurs : Accentus / Opéra de Rouen Haute-Normandie. Orchestre de l'Opéra de Rouen Haute-Normandie, dir. Jean-Pierre Haeck. Mise en cène : Arnaud Meunier.

 


© Pierre Grosbois

 

Créé en 1887, à Bruxelles, Ali Baba connut d'emblée un vif succès, mais sombra vite dans l'oubli de ce côté-ci de la frontière belge. Aussi sa présentation à l'Opéra Comique fait-elle figure de quasi exhumation. Son auteur, Charles Lecocq (1832-1918), dont la postérité a plutôt retenu un autre titre, La fille de Madame Angot, allait en effet pâtir de la perte de lustre d'un genre léger porté au zénith par Offenbach. Le sujet, plutôt bien ficelé par des librettistes connaissant leur affaire, est tiré du conte des Mille et Une Nuits, « Ali Baba et les quarante voleurs exterminés par une esclave ». Qui voit un pauvre hère témoin d'une invraisemblable découverte, une caverne emplie des trésors et investie par une bande de voleurs, s'emparer du code magique, « Sésame, ouvre-toi », pour accéder à ces improbables richesses. Il fera main basse sur elles avec d'autant plus de bonne conscience qu'après tout, ce n'est sans doute pas un mal « de prendre sur les voleurs »! On connait la suite : le cousin Cassim, qui ayant surpris le mot de passe, se rend dans la grotte pour y puiser lui-aussi, mais oubliant la formule, se fait lui-même prisonnier, est découvert par les voleurs qui le ligotent ; les débordement amoureux de la femme dudit, qui s'éprend de la richesse d'Ali Baba ; et surtout la destinée de l'esclave Morgiane qui va déjouer les plans assassins des voleurs et sauver son maître vénéré, s'assurant au final à la fois la liberté et l'hymen. L'adaptation des librettistes adoucit considérablement la violence du conte, et la musique ne fait volontairement pas dans l'orientalisme, à la différence de la contemporaine Lakmé de Delibes. Il s'agit en fait d'un opéra-comique et non d'une opérette. Encore que l'œuvre réponde au canon du grand spectacle par ses vastes proportions, chœurs fournis, distribution nombreuse, composante  chorégraphique. Les dimensions réduites du plateau de la salle Favart n'autorisant pas la débauche d'effets, on a fait œuvre d'ingéniosité. Arnaud Meunier, qui signa naguère à Aix une version chambriste de L'Enfant et les Sortilèges de Ravel, propose une adroite mise en scène. Il transpose l'histoire dans le milieu des grands magasins, façon « Au bonheur des dames »,  Ali Baba devenant un ouvrier d'entretien dans l'établissement géré par son frère Cassim. Ce qui introduit une pincée de satire sociale. La direction est vive et souvent accrocheuse : ainsi de l'arrivée des 40 voleurs se trémoussant sur le rythme saccadé de la musique, les postures avantageuses de Zobéide, la femme de Cassim, qui a tôt fait de comprendre le parti à tirer de la fortune subite d'Ali Baba, et s'avère autrement plus futée que son propre époux, qui mort-vivant se voit cocufier en règle. Les scènes d'action sont vives et il s'en dégage une vivacité communicative, en particulier à travers un travail fouillé sur les chœurs lors de la scène de la vente aux enchères des maigres biens d'Ali Baba, dont les couplets ne sont pas sans rappeler ceux de l'auction du Rakes' Progress de Stravinsky : le clou n'en est-il pas l'esclave Morgiane elle-même, comme Baba the Turk dans l'opéra de ce dernier ? L'humour se veut discret et le pittoresque reste de bon goût. Les échanges, un peu contrits au début, cèdent vite la place à un naturel enviable, et l'on se prend au jeu, séduit par l'entrain général, qui trouve son apogée dans un finale proprement endiablé.



© Pierre Grosbois

 

Cet entrain on le doit tout autant à la direction musicale. Jean-Pierre Haeck, qui habituellement fait les beaux soirs de l'Opéra de Liège, s'enflamme pour la musique suave et raffinée de Lecocq. Toujours très mélodieuse, plus parisienne qu'exotique, elle cherche à flatter l'oreille de l'auditeur et ne requiert pas d'efforts de concentration. L'invention n'est, certes, pas toujours au meilleur, mais la diversité rachète un léger déficit d'originalité. Encore que le cocasse motif énergique rythmant les frasques des 40 voleurs ne manque pas de panache. Dans le rôle titre, Tassis Christoyannis se taille un franc succès, car à la conduite agile de la voix dans le registre aigu de la tessiture de baryton répond un engagement de tous les instants et une vraie crédibilité. Sophie Marin-Degor, passé un début précautionneux, prête à l'esclave Morgiane à la fois résolution et lustre vocal. L'élan lyrique d'un air comme « Adieu l'humble et pauvre chaumière » nimbe le personnage de grâce ingénue. Au Cassim un peu contrit de François Rougier fait écho la désopilante Zobéide de Christianne Belanger, une chanteuse de la deuxième promotion de l'Académie maison. Celle-ci pourvoie encore les rôles du jeune Saladin, dû au joli ténor de Mark Van Arsdale, et de l'imposant chef des brigands, Vianney Guyonnet. A distinguer aussi la prestation de Philippe Talbot, Zizi, qui offre la savoureuse composition d'une petite main de voleur, passé maître dans l'art de jouer du destin de plus faible que lui.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

La Passion de Simone au Festival de Saint-Denis

 

Kaija SAARIAHO : La Passion de Simone. Chemin musical en quinze stations. D'après la vie l'œuvre de Simone Weill. Livret d'Amin Maalouf. Karen Vourc'h, Raquel Camarinha, Magali Paliès, Johan Viau, Florent Baffi. Isabelle Seleskovitch, comédienne. Compagnie La Chambre aux échos. Secession Orchestra, dir. Clément Mao-Takacs. Direction scénique : Aleksi Barrière.


Kaija Saariaho / DR

 

Comme ce fut le cas de son opéra Émilie, Kaija Saariaho (*1952) traite dans La Passion de Simone du parcours d'une femme hors du commun : après Émilie du Châtelet, ce nouvel opus, créé à Vienne en 2006, est un vibrant hommage à la philosophe et militante Simone Weill (1909-1943). Ni opéra, ni même oratorio, l'œuvre se veut un « chemin musical en quinze stations ». On pense aux Passions de Bach, mais plus encore aux mystères médiévaux, pour narrer un cheminement spirituel, plutôt qu'une action à proprement parler : celui de la philosophe qui dès 1932, s'engage aux côtés des premiers grévistes en usine, et va, sa courte vie durant, lutter contre les inégalités et littéralement se consumer pour l'accomplissement de ses idéaux de liberté, aidée par une force intérieure puisée dans le mysticisme religieux. D'un seul tenant, La Passion de Simone mêle, au fil de ses quinze courtes séquences, chant et déclamation, à l'image du personnage titre appréhendé à la fois par une chanteuse et une comédienne. Un dédoublement éminemment signifiant qui fonctionne à l'inverse de la dramaturgie d'une Passion de Bach : c'est à la chanteuse, qu'il revient, telle une récitante, de brosser la figure engagée de Simone, au fil d'une évocation subtile, par petites touches, tandis que la comédienne, personnification de cette dernière, l'appuie de courtes lectures. Celles-ci couronnent ainsi les passages chantés, plus développés, et conçus dans une forme libre, ne s'apparentant pas à l'aria ; ce qui confère au discours une étonnante fluidité. Le Chœur commente et renchérit sur les versets chantés. La huitième station, centre de gravité de l'œuvre, est purement instrumentale, tel un moment de répit. L'écriture musicale est extrêmement virtuose, ce que renforce la réduction pour formation de chambre, récemment préparée par Kaija Saariaho, et dont c'était lors de ce concert, la première française. Elle agit comme un orchestre de solistes, dont les bois émergent souvent. Le langage est, comme toujours chez la compositrice finlandaise, très personnel, alternant des explosions sonores et des plages de lyrisme, parées de glissandos venant en atténuation du son. Confié à quatre voix seulement, soprano, mezzo-soprano, ténor et baryton-basse, le chœur complémente la partie de la soliste. L'exécution donnée à la Basilique de Saint-Denis, en prélude au Festival annuel, propose plus qu'une mise en espace, une vraie présentation scénique : tandis que le personnage titre est représenté à sa table de travail (rôle parlé), son double chantant évolue sur une aire dégagée devant l'orchestre, parmi les personnages du chœur. Des éclairages étudiés sur l'environnement architectural et des projections en arrière plan (visions de chaîne d'usine, de champs de guerre, ou encore portrait de Simone Weill) parachèvent une  visualisation intelligente. Une direction d'acteurs discrète mais efficace confirme l'impression de déroulement d'un rituel, ponctué de superbes arrêts sur image, comme celle rapprochant dans une douce effusion le visage des deux interprètes de Simone. Tant la voix éthérée de Karen Vourc'h que la déclamation non emphatique de la comédienne Isabelle Seleskovitch traduisent ce chemin de vie qui se consume, d'une grande fragilité physique et d'une vraie force de l'âme. Elles sont entourées par un quatuor vocal valeureux. La vingtaine de solistes du Secession Orchestra, sous la direction précise et attentive de Clément Mao-Takacs enluminent une partition plus qu'attachante.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Les Dialogues des Carmélites ou le suprême dépouillement

 

Francis POULENC : Dialogues des carmélites. Opéra en trois actes. Livret du compositeur, d'après Georges Bernanos, adapté de la nouvelle de Gertud von Le Fort, « La Dernière à l'échafaud », et du scénario du révèrent Père Brückberger et de Philippe Agostini. Sally Matthews, Deborah Polaski, Sophie Koch, Anna Prohaska, Emma Bell, Thomas Allen, Yann Beuron/Luis Gomes, Neil Gillespie, John Bernays, Catherine Carby, Elisabeth Sikora, Alan Oke, David Butt Philip, Michael De Souza, Craig Smith. Royal Opera House Community Ensemble. Royal Opera Chorus. Orchestra of the Royal Opera House, dir. Sir Simon Rattle. Mise en scène : Robert Carsen.

 


Deborah Polaski & Sally Matthews © Donald Cooper

 

Cent fois sur le métier : la production des Dialogues des carmélites conçue par Robert Carsen, qui tourne depuis la fin des années 1990, atteint le Royal Opera de Londres. Le grand œuvre de Poulenc n'y avait plus été représenté depuis 1983, dans la régie alors de Margarita Wallmann et les décors solidement architecturés de Georges Wakhévitch. Carsen reste fidèle à l'esprit de ce singulier texte sublimé par la musique. Sa mise en scène est extrêmement dépouillée, voire minimaliste dans son aspect visuel : sur le plateau nu, ceint d'immenses murs gris, seuls quelques accessoires signalent tel ou tel lieu ou situation. Les modifications sont souvent infimes, à l'image de ce fauteuil capitonné du marquis, qui recouvert d'un linceul, devient le siège austère de la Première Prieure, ou de ces longs bancs de bois qui délimitent l'espace dans le carmel autant qu'ils servent à leur usage premier. Dans cet univers sévère, presque janséniste, la lumière (Jean Kalman) sculpte les scènes qui se succèdent dans un continuum naturel, tout en révélant chacune sa signification particulière. Carsen modèle la trame dramatique par un travail minutieux sur le groupement des personnages, dont le plus pertinent est sans doute ce mur humain formé par les sœurs durant la scène du parloir, séparant physiquement Blanche et le Chevalier de la Force durant leur ultime explication, et que l'un et l'autre parviendront à franchir comme malgré eux. La régie offre cette idée originale de conférer un rôle essentiel à la foule dont la présence est renforcée, notamment au début de l'opéra, durant les deux premières scènes entre la marquis de La Force et son fils, et lors de l'échange entre le marquis et sa fille Blanche. Pour ce faire, le chœur est décuplé par des figurants, pour lesquels on a fait appel à un recrutement spécifique par le truchement d'un « Community ensemble ». De fait, l'effet est saisissant de cette masse dont se détachent les personnages principaux, par exemple lors de l'évocation par le Chevalier de la Force de l'attaque du carrosse familial au carrefour Bucy, préfiguration des événements tragiques à venir. La foule menaçante, on la retrouvera au dernier acte, lors des scènes révolutionnaires, investissant l'espace pour réduire à presque rien le groupe des carmélites blotties les unes contre les autres. Paradoxalement, durant la scène finale, cette foule, d'abord cantonnée à l'arrière-plan en un long et régulier alignement, va s'effacer peu à peu, pour ne laisser que la vision des sœurs s'en allant vers la mort dans ce qui s'apparente à une transe rituelle. Le tableau sera parachevé en une sorte de transfiguration de Blanche aux ultimes mesures, parmi les corps inertes de ses compagnes. Peu avant, le moment crucial où celle-ci revient pour rejoindre Constance, n'aura pas livré l'émotion qui doit alors étreindre le spectateur aux larmes, le martèlement sec et bien sonore du couperet de la guillotine n'ajoutant pas au pathétique de la situation. On touche là aux limites de la conception du metteur en scène canadien : de ce schéma d'épure ne jaillit pas toujours l'étincelle de l'ébranlement intérieur si consubstantiel à la pièce.

 


Scène finale © ROH-Stephen Cummiskey

 

L'empathie de Simon Rattle pour la musique française trouve dans cette exécution une nouvelle flagrance. Cette partition lui tient particulièrement à cœur. De ce qui, selon Poulenc, doit être une « orchestration très claire pour laisser passer le texte », il fait son miel. On entend presque Debussy dans son approche tant elle privilégie une absolue transparence, comme la part de séduction que contient la partition et ses brusques élans d'optimisme, ou même ses accents presque voluptueux. Rattle favorise les contrastes extrêmes, ceux-là même qui forgent le drame intérieur de ces êtres  forts, en même temps sensibles : de la discrétion à la violence, des pianissimos d'une grande tendresse aux éclats vifs et anguleux. L'Orchestre du Royal Opera répond avec magnificence, se pliant aux multiples couleurs et fascinantes inflexions de cette musique si gallique, comme à son infinie richesse instrumentale, singulièrement des bois. On sait que Poulenc attachait une importance toute particulière à la distribution des voix de «  ces dames carmélites ». Le présent cast a fait l'objet d'un soin particulier. De Madame de Croissy, la première Prieure, Deborah Polaski, hier une fameuse Brünnhilde, dresse un magistral portrait : sa voix de soprano dramatique, à la sombre moirure, déploie autorité et pathétisme, quoique avec une certaine retenue lors de la terrible agonie de la prieure. De même, Sophie Koch, Mère Marie, sait-elle être glaciale. Le large timbre de mezzo remplit ce rôle, de manière plus convaincante que lors des récentes représentations parisiennes. Emma Bell campe une Nouvelle prieure, Madame Lidoine, toute de simplicité émue, et le soprano n'est pas taxé par les terribles écarts qui lui sont réservés. Anna Prohaska, qui aborde le rôle de Constance, lui prête des accents d'une touchante spontanéité, quoique n'atteignant pas cette évidente vérité que peut ici apporter une voix française. La jeu est en tout cas sincère, empreint de tendresse et dénué de mièvrerie, et le soprano solaire à la hauteur de cette partie délicate. Sally Matthews défend le rôle de Blanche avec conviction. Le timbre, chaleureux et expressif, est dans l'exact braquet corsé qu'avait en tête Poulenc, qui pensait bien sûr à Denise Duval. L'appropriation du rôle est rélle, dégagée de toute affectation : la résolution, l'assurance d'une foi assumée et en apparence inébranlable, mais aussi la fêlure survenant malgré tout devant l'épreuve. La scène qui l'oppose à Mère Marie, alors que rentrée au domicile paternel dévasté, est poignante dans sa fureur à peine contenue. N'étaient çà et là quelques soucis d'articulation, qui ne rendent pas toujours le texte aussi intelligible qu'il le faudrait, voilà assurément un sans faute, quoique sans atteindre la formidable intensité d'une Patricia Petibon dans la production due à Olivier Py au Théâtre des Champs-Elysées (cf. NL de 1/2014). Si le Marquis de Thomas Allen est un peu pâle vocalement, souvent proche du sprechgesang, le Chevalier de la Force de Yann Beuron fait montre d'une diction précise qui fait mouche. Une indisposition le fera renoncer après le premier acte. Sa doublure, Luis Gomes, propulsé en hâte, sauvera le show, et grâce à une diction aisée, conférera à l'échange du frère et de la sœur cette aura de déchirement réciproque, au-delà du détachement, qui porte cette scène au nombre des réussites du spectacle.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Deux opéras de Gounod et de Milhaud à l'Athénée

 

Charles GOUNOD : La Colombe. Opéra-comique en deux actes. Livret de Jules Barbier et Michel Carré. Darius MILHAUD : Le Pauvre Matelot, complainte en trois actes. Paroles de Jean Cocteau. Gaëlle Alix, Jean-Christophe Born, Sévag Tachdian, Lamia Beuque. Sungoo Lee, Kristina Bitenc, David Oller, Fernand Bernadi. Musiciens de l'orchestre Lamoureux, dir. Claude Schnitzler. Mise en scène : Stéphane Vérité.

 


La Colombe / DR

 

Intrigante idée de rapprocher deux opéras de Gounod et de Milhaud que rien ne prédestinait à être joués à la suite l'un de l'autre ! Encore qu'à y regarder de près, la thématique véhiculée par chacun ne soit pas si différente : on châtie bien ce que l'on aime. Gounod a écrit La Colombe en 1860, un an après Faust, pour le Théâtre de Baden-Baden. Inspiré de la longue fable « Le Faucon » de La Fontaine, revisitée par les librettistes experts que sont Barbier et Carré, cet opéra-comique narre un conte cruel : le triomphe de l'amour au prix du sacrifice d'un objet aimé, un oiseau, chéri par son propriétaire, Horace, et convoité par celle qui l'aime, Sylvie. Il finira en rôti pour alimenter le dîner que le pauvre jeune homme ne peut offrir à sa belle. Mais, miracle, il a été sauvé de cette piteuse posture par le sacrifice d'un autre volatile, et tout finit bien... Cette histoire bien ténue, Gounod l'agrémente d'une musique pleine de naïveté, mais d'une réelle fraîcheur mélodique qui aligne quelques morceaux concertants habiles, duos, trios et quatuors vocaux joliment enchaînés aux airs, et nullement affectés par les courts intermèdes parlés. La production de Stéphane Vérité est ingénieuse, grâce à une véritable scénographie d'images numériques projetées en guise de décor. La formation réduite d'une douzaine de musiciens de l'Orchestre Lamoureux confère au débit une vraie transparence et on admire les solos instrumentaux, dont celui du violoncelle durant l'Ouverture. Le quatuor vocal connaît des fortunes diverses, mais l'engagement de ces mousquetaires de l'Opéra studio de l'Opéra National du Rhin ne saurait être dénié.

 


Le Pauvre Matelot / DR

 

Le Pauvre matelot (1926) a été composé durant la période où Darius Milhaud (1892-1974) faisait partie du Groupe des Six. Premier de sa quinzaine d'opéras, cette « complainte », malgré ses trois actes, fait figure d'opéra-minute puisque dépassant à peine la demi-heure. Un rare condensé dramatique pour une tragique méprise : le meurtre du mari par une épouse demeurée vertueuse malgré l'absence de celui-ci depuis 15 ans, qui ne le reconnait pas lorsqu'il réapparait à l'improviste, et croit pouvoir, en le dépouillant de ses richesses, combler les dettes de celui dont on lui annonce le retour, et qui avait préféré ne pas se faire connaître pour « voir son bonheur du dehors ». Jean Cocteau qui a signé les paroles, use volontairement d'un langage simple mais terriblement efficace. A cette force, presque rudimentaire, fait écho la musique de Milhaud tout en arrêtes vives et maniant les rythmes syncopés et les accents populaires ; un univers sonore aux antipodes de la veine mélodieuse, un peu facile, de Gounod. Cuivres et percussions s'y taillent la part du lion. Et quel sens du drame ! Là encore, la formation instrumentale réduite détaille les angles vifs à l'envi, sous la baguette rigoureuse de Claude Schnitzler. Les quatre chanteurs sont à l'unisson de ce parcours tragique, en particulier Kristina Bitenc, la femme, déployant une formidable intensité sous un calme apparent. La régie de Stéphane Vérité est aussi tranchante que la musique, sorte de huis clos menaçant pour un dénouement inexorable dont on sent à peine l'arrivée tant il est amené avec une lenteur calculée. Un joli tour de force !

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Merveilleux Quatuor Mosaïques !

 


DR

 

Depuis plus de 25 ans, le Quatuor Mosaïques fait figure de leader des formations jouant sur instruments anciens. Ces trois viennois (Erich Höbarth, Andrea Bischof,  Anita Mitterer) et le français Christophe Coin cultivent avec une rare distinction le jardin des classiques viennois, mais aiment aussi se pencher sur les chefs d'œuvres méconnus du répertoire français du XIX ème. C'est précisément de cela qu'il était question lors du concert inaugural de la deuxième édition du Festival Palazzetto Bru Zane à Paris au Théâtre des Bouffes du Nord. Pour méconnu qu'il soit (encore), l'art du quatuor à cordes en France au XIX ème, n'en a pas moins été florissant : de nombreux musiciens s'y sont adonnés, tels Boëly, les frères Jadin, Baillot, Onslow ou encore Lesueur, le mouvement s'accentuant vers la fin du siècle avec des noms tels que Fauré ou Franck. La disposition topographique alors en usage était bien différente de celle que nous connaissons aujourd'hui du placement en éventail face au public, car les quatre concertistes étaient disposés par deux, face à face autour d'un lutrin central à quatre dossards. On privilégiait ainsi le plaisir de la conversation en musique et du jeu entre amis plus que la satisfaction de l'agrément du public. Les compositeurs produisent souvent dans une volonté de quantité, publiant des quatuors à la série, mais quelques uns déjà se mettent à produire à l'unité, tel Onslow. Le programme des Mosaïques débutait par l'« Ouverture générale pour les séances des quatuors » d'Antoine Reicha qui, en 1816, coucha sur le papier ce qui s'apparente à une plaisanterie musicale : une parodie de mise en condition, d'échauffement, durant laquelle les quatre partenaires s'accordent et s'apprêtent. Ce qui a tout l'air d'une improvisation est pourtant fixée sur la papier à la note près. Cela prend peu à peu une forme de mélodie et s'envole en une manière délicieusement naïve. Le Quatuor N° 2 de Louis-Emmanuel Jadin (1768-1853) appartient au genre dit du quatuor brillant qui confie au premier violon un rôle prééminent, les trois autres musiciens étant cantonnés à un accompagnement, parfois non dénué d'intérêt. Cette pièce qui fait partie des « Trois grands Quatuors dédiés au roi de Prusse », cultive un ton sombre, en particulier au maestoso moderato initial, tendu, et plus tard à l'andante, court mais d'une belle profondeur. Le deuxième mouvement est un menuet de curieuse allure, asymétrique par l'alternance de deux mesures à trois temps et de deux mesures à deux temps. Le finale ne manque pas d'entrain. Félicien David (1810-1876), compose son 3 ème quatuor en 1868/69. Demeuré à l'état de manuscrit,  il a été publié récemment grâce aux travaux éditoriaux du Centre de Musique romantique française Palazzetto Bru Zane. Là encore, le premier violon se voit assigner une partie saillante. Mais l'équilibre se modifie déjà vers une plus grande autonomie des quatre instrumentistes, du violoncelliste en particulier. L'œuvre a une ampleur qui la situe sur un autre braquet en termes d'expressivité et les échanges de thèmes d'un instrument à l'autre y sont fréquents. L'adagio exhale un large lyrisme qui cède la place à des pages plus agitées. Le scherzo propose des modes divers dont le jeu avec sourdine, qui confèrent une belle plasticité au discours, et le finale, allegro leggero, combine élan dramatique et accents populaires du meilleur effet. De ces œuvres contrastées, les Mosaïques livrent des lectures sensibles et habitées d'un sens du phrasé hors du commun, nimbées de pianissimos éthérés et d'une respiration merveilleuse. En bis, ils donneront le scherzo d'un quatuor de Pierre Baillot, dans le goût espagnol, discret hommage à un musicien qui introduisit en France l'italien Boccherini, madrilène d'adoption, puis le mouvement lent du 2 ème quatuor de Gounod, dans le ton nocturne. Un grand merci au Centre Bru Zane de nous avoir donné le bonheur d'entendre cette formation à Paris, où elle se fait si rare !

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Un trio ad hoc d'exception

 


Edgar Moreau / DR

 

Le festival de Saint-Denis présentait à l'Institution de la Légion d'Honneur un concert de musique de chambre hors des sentiers battus. Le genre du trio à cordes n'est pas aussi célébré que celui du trio pour piano. A de rares exceptions près, tel le Trio Grumiaux, s'y consacrent plutôt des formations ad hoc. Celle réunissant Renaud Capuçon, Gérard Caussé et Edgar Moreau devrait, si elle perdure, tenir une place sérieuse dans le paysage musical français, à en juger par le degré d'aboutissement qui transparait des présentes exécutions. Le choc de trois générations de musiciens en somme et une même assurance souveraine : le violon solaire du fringant Capuçon, l'alto charnu du presque vétéran Caussé, et le cello combien chantant du tout jeune Moreau, qui du haut de ses vingt ans se hisse sans peine au diapason de ses deux collègues ! Le Trio à cordes K 563 est sans doute l'un des chefs d'œuvre absolus de la musique de chambre de Mozart. Écrit en 1788, il est dédié à l'ami bienfaiteur et frère de Loge Michaël Puchberg. Il s'agit d'un divertimento, ou « cassation », genre pourtant abandonné par Mozart depuis longtemps, auquel il revient de manière inattendue, surtout après les trois grandes symphonies de cette même année. Ses six mouvements relèguent vite au second plan l'archaïsme désuet de la forme tant les idées musicales sont frappées au coin du génie. Le dialogue entre les trois instruments, en un vrai travail concertant, est d'une maîtrise absolue, chacun se voyant accorder une primauté qui n'est donc pas réservée qu'au seul violon. Le violoncelle, en particulier, assume un rôle qui dépasse celui de pure basse d'accompagnement, annonçant la place éminente qui sera la sienne dans les derniers quatuors à cordes. Nos trois interprètes s'emparent de cette pièce avec gourmandise et lui assurent un fini instrumental qui place sans peine cette exécution auprès des grandes interprétations d'hier, telle précisément celle, au disque, du Trio Grumiaux (Philips). On est immergé avec ravissement dans sa profusion thématique, comme émerveillée par la liberté rythmique qui transpire des mouvements rapides, qu'ils n'hésitent pas à bousculer à l'occasion pour un plus grand effet dramatique : les deux menuets sont ouvragés avec soin et nantis d'imaginatifs trios, et le finale se fait irrésistible d'entrain, qui transfigure son allure pastorale. Les séquences lentes, de même, découvrent une musicalité fastueuse : l'adagio, un des plus profonds laissés par Mozart, découvre une méditation inouïe sous ces trois archets inspirés, et l'andante sera vivement contrasté dans ses diverses variations à partir d'un refrain d'aspect folklorique. De la belle ouvrage ! Le concert avait débuté par un mouvement d'un trio de Schubert (D. 581, annoncé sur le programme dans son intégralité ; à moins que ce ne soit le seul mouvement du trio inachevé D. 471, car rien ne fut annoncé), suivi du Duo pour violon et alto N° 1, K 423 de Mozart. Dans ce dernier, les deux archets dialoguent sur un pied d'égalité et cet échange est si dense qu'on a l'impression d'entendre un trio, pour ne pas dire un quatuor à cordes. L'adagio médian annonce par la puissance de sa cantilène le divertimento de 1788. C'est là une différence essentielle avec le modèle prisé par un maître du genre, Michaël Haydn, qui accorde la prééminence au violon. L'histoire rapporte que Mozart aurait rendu à celui-ci le service de compléter, avec cette pièce et le duo K 424, une série de six promise à l'archevêque Colloredo et non menée à son terme par le vieux musicien ! 

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Un concert d’une subtile délicatesse.

 


Mikko Franck /DR

 

Un concert d’une subtile délicatesse qui nous fit amèrement regretter que Mikko Franck, pour des raisons de santé, ne puisse poursuivre son exploration de l’œuvre du compositeur finlandais contemporain, Einojuhani Rautavaara. Initialement deux concerts avaient été prévus, un seul en définitive nous fut donné à entendre, cela suffisant toutefois à juger de l’étonnante et très réelle affinité du chef finlandais pour l’œuvre de son compatriote compositeur. Rautavaara est un compositeur finlandais, né en 1928, enseignant à l’Académie Sibelius depuis 1966 où il fut notamment le maître d’Esa-Pekka Salonen et de Magnus Lindberg. Auteur d’une œuvre considérable comprenant œuvres vocales et concertos pour divers instruments, opéras, musique de chambre et huit symphonies. Pour ce concert deux de ses œuvres majeures avaient été choisies, le Cantus Arcticus (Concerto pour Chant d’oiseaux et orchestre) et le Concerto pour violon, interprété par la violoniste américaine Hilary Hahn. Cantus Arcticus, composé en 1972, est une œuvre originale, audacieuse et probablement la plus populaire du compositeur. Elle met au même niveau sonore l’orchestre et la bande magnétique dans un dialogue constant. Sorte de contrepoint orchestral au chant des oiseaux nordiques, pour un résultat musical d’une troublante sérénité, empreinte de la magie des grands espaces, comme un périple en montgolfière dans un ciel sans nuage au-dessus du cercle polaire, ou encore une promenade solitaire sur les falaises de Latrabag en Islande par un matin de commencement du monde. Bien différent, le Concerto pour violon, composé en 1977, délicat et véhément, alternant violence et lyrisme, comme une invitation au voyage où se succèdent différents paysages, différentes situations, tranquille dans le premier mouvement, énergique dans le second. Musique de l’ineffable, de l’impossibilité du dire, comme une méditation portée par la sonorité élégiaque du violon, d’une subtile délicatesse, sur laquelle éclatent et se développent des jaillissements orchestraux, dans un dialogue serré conduit par la main et les bras experts de Mikko Franck. Après une prestation violonistique et musicale de cette qualité, le « bis », emprunté à Bach (comme toujours chez Hilary Hahn !), parut bien fade…En deuxième partie, un programme Debussy pour souligner l’inspiration debussyste du compositeur finlandais : Le Prélude à l’après midi d’un faune (1894) et La Mer (1905). Deux œuvres mettant en avant toute la richesse, l’élégance, le scintillement, la subtilité et la beauté de l’orchestration du compositeur français. Des œuvres bien connues qui valorisèrent la  talentueuse petite harmonie du « Philar » et notamment Magali Mosnier à la flûte solo, sans oublier le pupitre des cors, infaillible, et la belle prestation d’Amaury Coeytaux au violon solo. Un superbe concert alliant talent et découverte, et une complicité palpable entre le « Philhar » et son nouveau directeur musical, Mikko Franck. Voilà qui nous promet de belles soirées pour la saison prochaine…

 

Patrice Imbaud.

 

 

Daniele Gatti clôt magistralement son cycle Tchaïkovski

 


Daniele Gatti / © Picture-Alliance OBS

 

Dernier épisode d’un cycle Tchaïkovski parfaitement conduit qui permit au public d’entendre, sur l’ensemble de la saison, l’intégrale des six symphonies avec notamment les trois premières symphonies du compositeur russe, rarement données, à l’inverse de la trilogie du fatum, à juste titre, beaucoup plus connue.  Tchaïkovski, héritier des classiques, dont les dernières symphonies sont chargées de puissance et de pathos, une musique naturellement cantabile, digne, rappelant ses splendides ballets, mais sous-tendue par le drame et le mystère, empreinte du poids du destin et d’angoisse métaphysique. La symphonie n° 6 dite « Pathétique » pour clore ce cycle, composée en 1893, créée le 28 octobre de la même année, quelques jours avant la mort du compositeur, le 6 novembre 1893. Une symphonie qui prendra de ce fait une coloration tragique où se mêlent désespoir, amours impossibles, culpabilité et pressentiment funeste. Une forme atypique se concluant par un long adagio se déployant comme un chant d’adieu… Daniele Gatti nous en livra une lecture très aboutie, engagée, alliant désolation et lyrisme, parfaitement dans l’esprit de l’œuvre, concluant son cycle sur un triomphe mérité. En première partie, la Musique funèbre pour cordes « à la mémoire de Béla Bartók » donnait le ton de la soirée. Une œuvre magnifique de Witold Lutoslawski (1913-1994), composée en 1954, associant, là encore, désespoir et méditation, que la sonorité un peu âpre des cordes du « National » rendit excellemment, faisant montre d’une précision rythmique et d’une virtuosité sans faille. Seul élément un peu festif de ce concert marqué du sceau de la désolation, le Concerto pour violon et orchestre (1905) de Sibelius, interprété par le violoniste américain Joshua Bell. Une prestation époustouflante comme rarement entendue, sans pathos (!), tendue, vibrante, engagée, presque violente par instant, virtuose, expressive, habitée de bout en bout, où la sonorité exceptionnelle du mythique Gibson-Huberman Stradivarius de 1713 de Joshua Bell  répondit avec un bonheur extrême aux assauts orchestraux du « National » mené de main de maître par le chef milanais. Magistral !

 

Patrice Imbaud.

 

 

Naufrage d'un Fidelio au Théâtre des Champs-Elysées.

 

Ludwig van Beethoven : Fidelio. Opéra en deux actes. Livret de Joseph Sonnleithner et Friedrich Treischke d’après Léonore ou l’amour conjugal de Jean-Nicolas Bouilly. Malin Byström, Joseph Kaiser, Sophie Karthäuser, Andrew Foster-Williams, Robert Gleadow, Michael Colvin, Mischa Schelomianski. Choeur de chambre Les Eléments. Le Cercle de l'Harmonie, dir. Jérémie Rhorer. Version de concert.

 


Jérémie Rhorer/ DR

 

Fidelio, opéra unique de Beethoven, méritait assurément mieux que le traitement qui lui fut infligé par Jérémie Rhorer à la tête de ses troupes du Cercle de l’Harmonie. Une prestation calamiteuse, frisant l’amateurisme, où se sont succédés décalages instrumentaux, défaut de justesse, sonorité terne, absence de nuances, tempi inadaptés, direction brouillonne et hystérique, pour un résultat musical confus et décevant, fruit probable d’un manque de préparation. Dans ces conditions, bien difficile de faire entendre sa voix ! Force est d’avouer que l’ensemble de la distribution vocale fut emportée dans ce naufrage où seul, peut- être, Robert Gleadow (Rocco) parvenait à sortir la tête de l’eau  par sa puissance vocale, sa présence physique et la rondeur de son timbre. Malin Byström (Leonore) chanta les notes mais son chant parut constamment rigide, figé, comme emprunté. Son grand air fut totalement gâché, ce qui n’aide pas, par un solo de cor digne des plus mauvaises harmonies municipales… Joseph Kaiser (Florestan) fut en permanence à la peine, le souffle court, à l’extrême limite de ses possibilités dans l’aigu. Andrew Foster-Williams (Pizarro) lutta inlassablement et de façon parfaitement vaine contre les torrents orchestraux accompagnant ses colères. Mischa Schelomianski (Fernando) se montra inexistant vocalement et sans charisme scéniquement. Sophie Karthaüser (Marzelline) déçut par son timbre métallique et son émission étriquée, répondant au faible Jaquino de Michael Colvin. Les ensembles vocaux, pourtant sublimes, ne firent que confirmer les faiblesses individuelles en les majorant, confirmant  ainsi le manque de répétition : décalages constants, confusion… Seul le Chœur de chambre les éléments fut exempt de toute critique, semblant se demander ce qu’il faisait dans cette galère ! Un naufrage à oublier rapidement !

 

Patrice Imbaud.

 

 

La scala di seta ou la conclusion festive du festival Rossini au Théâtre des Champs-Elysées

 

Gioachino Rossini : La scala di seta. Farce comique en un acte. Livret de Giuseppe Maria Foppa. Irina Dubrovskaya, Bogdan Mihai, Christian Senn, Rodion Pogossov, Carine Séchaye, Enrico Casari Orchestre National d'Ile de France, dir. Enrique Mazzola.

 


Enrique Mazzola / DR

 

Ambiance festive pour La scala di seta (L'échelle de soie), dernier opus du festival Rossini au Théâtre des Champs-Elysées, rondement mené par Enrique Mazzola à la tête de l’Orchestre National d’Ile de France, servi par un casting vocal de  grande qualité. Ce petit ouvrage, largement inspiré d’Il Matrimonio segreto de Cimarosa, fut longtemps délaissé et partiellement méconnu, ne devant sa réapparition sur les scènes lyriques qu’à la redécouverte de la partition autographe en 1973. Heureuse découverte qui nous permit d’entendre dans sa version originelle ce petit bijou belcantiste, créé à Venise au Teatro San Moisè le 9 mai 1812, Rossini avait alors vingt ans !  On retiendra de cette œuvre la remarquable Ouverture où s’exprime déjà l’appétence du maître de Pesaro pour la virtuosité des vents (hautbois et clarinette) ainsi que l’originalité et le génie précoce de Rossini dans l’écriture des voix avec de magnifiques ensembles vocaux comme le quatuor comique « Si che unito a cara sposa » ou encore l’air brillant du ténor « Vedro qual incanto », les couplets de Lucilla « sento talor nell’anima » et la grande scène de Giulia « Il mio ben sospiro », sans oublier  le valet Germano, personnage le plus singulier de la farce, qui déploie, ici, toutes les ressources drolatiques de la basse bouffe rossinienne de haut vol. Bref, une petite farce contenant en germe tout le Rossini futur et une heureuse conclusion pour ce festival, au demeurant fort réussi. Il faut bien reconnaitre que chacun participa de bon cœur à la fête. L’orchestre rutilant, parfaitement en phase avec les chanteurs et l’intrigue, chef et musiciens ne rechignant pas à prendre part à la farce dans cette mise en situation des plus réussies avec, pourtant, le peu de moyens qu’impose une version de concert ! Une distribution vocale de tout premier ordre : Irina Dubrovskaya (Giulia) à la vocalité facile, claire et puissante, Bogdan Mihai (Dorvil) ténor au timbre lumineux, et Christian Senn, irrésistible en Germano. Un ton en dessous, Rodion Pogossov (Blansac) et Carine Séchaye (Lucilla). Une soirée triomphale pour conclure ce beau festival Rossini.

 

Patrice Imbaud.

 

 

 

Hommage à Henri Dutilleux à la Cité de la musique

 


DR

 

Le compositeur Henri Dutilleux est disparu il y a juste un an. C’était une des figures les plus importantes de la musique contemporaine de la deuxième moitié du XXème siècle. La Cité de la Musique a eu la bonne idée de programmer quelques œuvres majeures de ce musicien et des tables rondes pour mieux le faire connaître et apprécier. Lors d'un premier concert, le Quatuor les Dissonances a interprété « Ainsi la Nuit ». C’était au départ une succession de cinq études pour quatuor à cordes. Ce projet initial, daté de 1974, a donné lieu à un prolongement de l’écriture vers une organisation de l’œuvre en un ensemble de « sept sections reliées pour la plupart les unes aux autres par des parenthèses souvent très brèves mais importantes pour le rôle organique qui leur est dévolu », précise Dutilleux, qui ajoute dans la préface de sa partition « Des allusions à ce qui va suivre - ou ce qui précède - s’y trouve placées et elles se situent comme autant de point de repères ». Aujourd’hui, ce quatuor fait partie du répertoire, il est devenu un classique au même titre que la plupart des œuvres de cet immense compositeur. Le Quatuor les Dissonances l’a abordé avec beaucoup de gravité, peut-être avec plus d’émotion que d’habitude. Cette musique abrupte et en même temps d’une facilité d’écoute a été accueillie dans un silence impressionnant dans cette salle où l’acoustique nous permet d’en apprécier toutes les nuances. C’est une œuvre où chaque interprète a son chemin musical bien particulier et la difficulté réside d’arriver à unir ces quatre discours, d’où la complexité extrême de la jouer. Les quatre interprètes ont fait une belle démonstration de leur qualité d’instrumentiste. L’orchestre Les Dissonances, qui existe depuis une dizaine d’années, a enchaîné avec « Mystère de l’Instant ». Cette œuvre, commande de Paul Sacher, fut créée en 1989. Il n’y a pas mystère à dire que Dutilleux était un Debussyste convaincu. Les références à ce musicien, à la peinture impressionniste, à la littérature de Baudelaire sont des concordances de pensées que l’on trouve dans cette œuvre et dans plusieurs autres compositions. « Mystère de l’Instant » est une succession d’instantanés, de séquences de proportions variables avec des types de matières sonores qui ne répondent à aucun canevas préétabli. C'est un kaléidoscope d’impressions, qui engendre, comme le dit le compositeur, la « spatialisation imaginaire de la matière sonore ». L’orchestre atypique les Dissonances, sans vrai chef d’orchestre mais avec un premier violon très présent en la personne de David Gaillard, a pris l'œuvre avec beaucoup d’imagination et l’a portée jusqu’à l’embrassement final avec conviction et enthousiasme.

 


François-Xavier Roth / DR

 

Un autre concert proposait « Muss es sein », « Pièce sans titre »,  interprétée pour la première fois le 28 septembre 2000 par l’Orchestre Philharmonique de Monte Carlo sous la direction de Marek Janowski. Cette œuvre a été commandée par la Fondation Prince Pierre de Monaco. Pour Dutilleux c’était une pièce pour inciter l’auditeur à un sentiment de recueillement. Elle est très courte et écrite sans la présence des violons. Elle privilégie des effets d’instrumentation assez étonnants et donne des résultats acoustiques saisissants. Elle a été jouée avant « Métaboles » et le concerto pour violoncelle « Tout un Monde Lointain », comme pour annoncer la suite du programme. Elle a donc mis le public dans un état d’écoute particulier. L’orchestre Les Siècles sous la direction de François-Xavier Roth a donné ensuite « Métaboles », une œuvre compliquée. Il n’est pas aisé de trouver une certaine cohésion dans cette œuvre qui est toujours en mouvement, en déformation de la cellule initiale, un principe qu’aime Dutilleux. A vouloir être trop le nez dans la partition, on peut perdre le sens de l’œuvre et sa fulgurance, c’est l’écueil, et par moment l’orchestre s’est perdu. Gauthier Capuçon enchaîna avec le concerto pour violoncelle « Tout un Monde Lointain ». C’est une œuvre qu’il interprète depuis des années. Ici aussi l’écriture est très exigeante et de grande précision. Elle demande une totale fusion entre le soliste et l’orchestre. Bien que très à l’écoute du chef, Gauthier Capuçon paraissait jouer seul. Pourtant, l’orchestre offrait une très belle sonorité et François-Xavier Roth était très à l’aise dans la direction de l'œuvre. Malgré ces quelques petits points de détail, cette hommage à notre plus grand compositeur contemporain était à la hauteur de l'événement.  A noter que ce concert est diffusé gratuitement pendant six mois sur www.citedelamusiquelive.tv

 

Stéphane Loison.

 

 

Un Concert Érotique !

 


DR

 

Après vingt-deux ans passés au service du duc Vincenzo Gonzaga, Claudio Monteverdi quitte Mantoue en 1612. Il obtient la direction de la chapelle ducale de San Marco de Venise en 1613. Ce n’est que six ans plus tard qu’est publié le Settimo libro madrigali dédicacé à la duchesse de Mantoue. Ce livre tourne le dos aux précédents. Le compositeur propose là un large éventail de dispositifs vocaux et instrumentaux qui se révèlent être totalement nouveaux. Le recueil comprend vingt-neuf compositions savamment mises en ordre.  Dès l’écoute de la première pièce la polyphonie fait place à la monodie, la voix se mêle aux instruments. C’est Paul Agnew qui dirige les Arts Florissants, ce concert s’inscrivant dans le cadre d’une intégrale des madrigaux de Monteverdi présentés sur quatre saisons par ces interprètes. Cet artiste de renommée internationale est dès 1992 l’interprète privilégié des rôles de haute-contre du répertoire baroque français, aux côtés de William Christie. Il se produit sous la direction de Marc Minkowski, Ton Kopman, Jean-Claude Malgloire, John Eliot Gardiner… C’est en 2007 qu’il prend une nouvelle voie et assure la direction musicale de certains projets des Arts Florissants. Cette intégrale des madrigaux fait partie de ces projets. Duos, trios, quatuors, c’est une succession de bijoux baroques qu’on a plaisir à entendre, dont le magnifique « Se pur destina e vole » pour voix seule. Le ténor Zachary Wilder en donne une interprétation émouvante et d’une exceptionnelle expressivité. On a pu entendre chanter ce ténor américain, en résidence à Paris, sur de nombreuses scènes internationales. La fin du recueil propose des compositions d’une grande originalité dont deux monodies, deux lettres d’amour, émaillées de sentiments contradictoires et passionnés, entre douleur et bonheur. La toute jeune contralto Lucile Richardot est très émouvante dans cette lettera amorosa « Se I languidi miei sguardi ». Le recueil s’achève en apothéose avec tous les membres de l’orchestre et tous les chanteurs dans un ballo « Tisi e Clori ». C’est avec une grande précision, simplicité, cohésion, que Paul Agnew, ses chanteurs, ses musiciens ont fait « suonare » ce très beau et émouvant « Concerto, Settimo libro de Madrigali ». A l’année prochaine pour le dernier libro qui parle de guerre et d’amour…On pourra suivre ce concert sur la chaîne culturebox.

 

 Stéphane Loison.

 

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L'EDITION MUSICALE

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FORMATION MUSICALE

 

DIVERS AUTEURS : Tour de chants. Livre de mélodies recueillies par Jean-Clément Jollet. Vol. 9. Cycle 3. 1 vol. 1 CD. Billaudot : G 8634 B.

On est vraiment impressionné par l’éclectisme du choix proposé par J-C. Jollet. Certes, on y trouve Bach et Rossini, mais également Poulenc, Chausson, Wolf et bien d’autres certainement moins connus de nos élèves. Comme dans les volumes précédents, chaque œuvre est précédée d’une mise en voix indispensable. Le CD ne contient pas moins de 63 plages d’accompagnement pour ces 19 mélodies : toutes les « mises en voix » sont également accompagnées. Ajoutons que l’enregistrement a été fait par Philippe Lefèvre, c’est en dire la qualité. C’est un régal musical… Cet ouvrage est donc à recommander chaudement comme tous ceux de cette collection.

 

 

 

Marie-Hélène SICILIANO : Faisons de la musique en F.M. Vol. 1.  1 vol. 1 CD. Hcube (Lemoine) : HC49.

Marie-Hélène Siciliano a raison de dire qu’elle propose une manière nouvelle d’aborder les différents domaines de la première année de Formation Musicale. On ne peut que souscrire au titre de sa méthode. Même si il est possible de rester dubitatif devant tel ou tel parti-pris (notamment pour la lecture des notes), nous nous garderons bien de critiquer a priori une méthode que nous n’avons pas expérimentée. Il y a de toute façon énormément de choses positives, ne serait-ce que l’utilisation de l’instrument en classe de FM, et le remarquable CD qui fournit à la fois un support à certains exercices de la méthode et une ouverture sur les répertoires les plus variés (classique, jazz, musique contemporaine). Il s’agit donc d’une méthode qui ne peut laisser indifférent.

 

 

 

Marguerite LABROUSSE & Jean-Paul DESPAX : Atout Rythme. 3ème cycle et cycle spécialisé. Lemoine : 29 130 HL.

Voici un ouvrage précieux et rédigé par des praticiens éprouvés. Le grand mérite de ce copieux volume est de ne jamais séparer le rythme de la musique et de se garder d’en faire un exercice abstrait et mécanique. Les conseils de mise en œuvre donnés par les auteurs sont fondamentaux pour tirer le meilleur de cet ouvrage qui est fait d’abord pour former des musiciens.

 

 

 

CHANT

 

Leonello CAPODAGLIO : Trois poèmes pour voix et piano. Fortin-Armiane : EFA 75.

Quelle belle et délicate musique à la hauteur des textes et qui les met si bien en valeur. Successivement, voici Le soleil blanc de Paul Eluard, Il s’est tu de Henri Barbusse et Avril de Gérard de Nerval. Que dire de plus ? Voici une œuvre qui fait du bien… On souhaite que ces trois mélodies soient très vite au répertoire de nos chanteurs, d’autant plus qu’elles sont techniquement très abordables.

 

 

 

CHANT CHORAL

 

Sophie ROUSSEAU : Chansons pour mener la danse. Polyphonies et monodies. Recueil de danseries. Delatour : DLT2394.

Ce recueil réunit deux recueils précédemment publiés. A la fois savant par la qualité des textes établis et la clarté de leur présentation, et remarquablement pratique, ces recueils sont avant tout destinés à une mise en œuvre par des chanteurs et des danseurs : textes originaux, transcription moderne à trois ou quatre voix, chorégraphies, notions d’interprétation et de prononciation, tout est fait pour faciliter l’exécution de ces « standards » de la Renaissance.

 

 

 

PIANO

 

Austin WINTORY : Journey. Extraits de la bande originale du jeu vidéo. Arrangé pour piano solo par Laura Intravia. Alfred : 41091.

Les amateurs du jeu retrouveront avec plaisir leurs thèmes musicaux favoris. Les autres pourront les découvrir car ils ne sont pas sans intérêt. L’ensemble est de difficulté moyenne.

 

 

Daniel ROSENBERG : Minecraft – Volume alpha. Sélection de morceaux extraits de la bande originale du jeu vidéo. Alfred : 42252.

Cet album permettra aux pianistes moyens de recréer l’ambiance du jeu vidéo. Les arrangements sont très bien faits, ni trop simples ni trop compliqués. Et, comme pour le précédent, si on ne possède pas le jeu vidéo, on peut toujours aller écouter la musique originale sur You tube.

 

 

 

SMETANA : Die Moldau pour piano à quatre mains. Urtext. Edité par Hugh Macdonald, avec une préface d'Olga Mojžíšová. Bärenreiter : BA 9549.

 

Cette transcription pour piano à quatre mains a été réalisée par Smetana lui-même, ce qui lui confère une valeur particulière. L’auteur de la préface nous rappelle à juste titre que ces transcriptions n’étaient pas essentiellement faites pour être jouées en concert mais constituaient, à une époque où l’enregistrement sonore n’existait pas, le seul moyen de faire connaître une œuvre dans les provinces : peu de villes pouvaient se permettre d’avoir un orchestre symphonique. De plus, au XIX° siècle, le piano se diffuse dans tous les salons et l’on se doit, dans la grande et petite bourgeoisie, de jouer convenablement de cet instrument. De nos jours, certes, nous bénéficions des enregistrements des œuvres. Mais les connaître à travers ces transcriptions à quatre mains n’est pas superflu et permet de mieux pénétrer les intentions de l’auteur et la structure de l’œuvre.

 

 

 

BRAHMS : Variationen und Fuge über ein Thema von Händelop. 24 pour piano. Urtext. Bärenreiter : BA9607.

Cette édition très soignée et très claire est précédée d’une préface tout à fait intéressante de Christian Köhn qui a également doigté la partition. Après avoir présenté la genèse de l’œuvre, celui-ci en fait une analyse et donne ensuite des conseils pour l’interprétation. Bien sûr, des notes détaillées permettent de comprendre les options de l’éditeur.

 

 

 

SATIE : 3 morceaux en forme de poire (à quatre mains) avec une Manière de Commencement, une prolongation du même & Un En Plus, suivi d’une Redite. Urtext. Bärenreiter : BA 10809.

Certes, on est un peu déçu, après une couverture trilingue, de ne trouver préface, indications d’interprétation et glossaire que dans la langue de Goethe et celle de Shakespeare. Les éditions Bärenreiter nous avait habitués à ce que la langue de Molière soit aussi employée pour la musique française… Ceci dit, ne boudons pas notre plaisir : l’édition est soignée et les présentations intéressantes et judicieuses.

 

 

 

Célino BRATTI : Sonatine pour Wippypour piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.2593.

Dans une harmonie très « début de siècle » (le XX°, évidemment), de très jolies et très fraiches mélodies se déroulent, qui demandent une finesse de toucher et de phrasé qui départageront immédiatement les interprètes. Il y a donc beaucoup de charme et de délicatesse dans cette œuvre au parfum un peu suranné mais si envoutant…

 

 

 

Arletta ELSAYARY : Profundum Maris pour piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.2787.

Flots grondants, ondulants, gouttes d’écume, tous les paysages marins se succèdent au profond de la mer. Le jeune interprète devra, pour rendre pleinement justice à cette œuvre, faire preuve d’imagination et d’un sens certain du maniement des timbres sur son instrument.

 

 

 

Arletta ELSAYARY : Trois danses polonaises pour piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.2728.

De caractère fort différent, mais bien polonais, ces trois danses évoquent chacune un aspect de ces danses si typiques. On y retrouve bien sûr le rythme de mazurka, mais pas seulement… C’est un peu l’âme de la Pologne qu’Arletta Elsayary réussit à nous transmettre. Et ce sera une excellente transition vers d’autres danses polonaises d’un certain Chopin…

 

 

 

GUITARE

 

Jean-Pierre SEMERARO : Fleurs d’automne. Pièce pour guitare. 1er cycle. Lafitan : P.L.2726.

Ces charmantes fleurs permettront au guitariste de montrer qu’il est capable de se dédoubler pour jouer une véritable mélodie accompagnée. Ce n’est pas si facile et suppose qu’on a une écoute intérieure structurée, autrement dit, qu’on est musicien. Quoi qu’il en soit, ces fleurs d’automne sont fort jolies.

 

 

 

VIOLON

 

Alain Louvier : Air enfantin et variations. Duo de violon. Dhalmann : ISMN: 9790560244280.

La « note de l’auteur » présente mieux la pièce que tout autre commentaire :

« Ce duo pour deux violons est conçu pour être abordable en 2è cycle de violon (6 à 8 ans d’étude environ). Les deux violons ont des parties de difficultés comparables sur l’ensemble de la partition.

Néanmoins, certains passages pourraient être abordés à la fin du 1er cycle :

- le début avec l’Air joué deux fois (mesure 1 à 18)

- la Variation 5 (mesure 49 à 55)

On pourrait dans ce cas enchaîner ces deux extraits.

Cette œuvre est dédiée à ma petite fille Ariane (9 ans) qui, sur le chemin de l’école, chantait cette mélodie toute spontanée.

Note pour l’exécution : On devra accorder les instruments ainsi :- Violon 1 : sol +¼  de ton, mi -¼ de ton (ré et la normaux) - Violon 2 : ré +¼ de ton, la +¼ de ton, sol et mi normaux.

Il est recommandé d’utiliser la partition en doigtés habituels, une flèche avant une note (ou sur tout un passage) indiquant l’effet de la scordatura, qui ne doit pas perturber le doigté indiqué. ».

 

 

 

Jean-François PAULÉAT : Caprice pour violon et piano. Niveau moyen. Delatour : DLT2245.

Ce joli Caprice commence par une longue introduction au violon seul, d’un caractère énergique et agreste. Puis piano et violon dialoguent en s’échangeant le thème, d’abord en mineur puis en majeur. Le tout est très varié et plein de charme. On peut écouter l’ensemble sur le site de l’éditeur.

 

 

 

Jean-François PAULÉAT : Sérénade pour violon et piano. Niveau moyen. Delatour : DLT2219.

On pourrait dire que cette pièce est la sœur de la précédente. On peut d’ailleurs les jouer à la suite l’une de l’autre. Cette fois, violon et piano vont immédiatement de concert. L’ensemble se présente très vite comme un double thème et variations. Très expressive et très poétique, cette Sérénade devrait charmer ses interprètes… et leur public !

 

 

 

CONTREBASSE

 

Daniel MASSARD : La contrebasse dans l’orchestre. Méthode basée sur les traits d’orchestre. Cycle 1. Combre : CO 5767.

Contrebassiste au sein de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse ainsi que professeur au CRD de Montauban, l’auteur fait profiter les jeunes contrebassistes à la fois de son expérience de musicien d’orchestre et de pédagogue. Bien loin des exercices arides, cette méthode ne contient, même pour les études techniques préparatoires, que des textes tirés des meilleurs auteurs. Chacun est présenté et mis en situation. Il ne reste plus à l’élève qu’à aller écouter l’œuvre mais c’est si facile à l’heure actuelle ! Bref, on ne saurait trop recommander cette approche profondément musicale de l’instrument.

 

 

 

HAUTBOIS

 

Bernard de VIENNE : Dual. Pour deux hautbois. Fin cycle 2, début cycle 3. Dhalmann : FD0298.

L’auteur précise qu’il s’agit d’une  véritable œuvre « au sens formel du terme ». Et il ajoute : « Une grande exigence est requise ici et les instrumentistes devront veiller à jouer très précisément ce qui est noté sur la partition, dans le moindre détail, sans ajouter quoi que ce soit et avec sensibilité. » L’œuvre se déroule dans un mouvement vif et joyeux et est pleine de contrastes et de surprises.

 

 

 

SAXOPHONE

 

Francis COITEUX : Maloula pour saxophone alto et piano. 1er cycle. Sempre più : SP0098.

Le titre de cette jolie pièce est-il le nom de ce village syrien qui a connu des heures si douloureuses ? On pourrait le penser devant cet allegretto cantabile aux rythmes et accents orientaux. Quoi qu’il en soit, l’œuvre est vraiment très belle et mérite d’être connue et jouée. Elle montre une fois de plus qu’on peut écrire pour un petit niveau en faisant de la belle et bonne musique…

 

 

 

BASSON

 

Francis COITEUX : Jeux à marée basse pour basson et piano. Premier cycle. Sempre più : SP0099.

Ces jeux divers forment comme une petite sonate dont les mouvements s’enchaînent. A un Allegro deciso fort bien venu avec un thème qui a des allures de chanson populaire succède un Andante cantabile qui évoquerait plutôt la sieste pour déboucher sur un Allegro scherzando qui clôt ces jeux d’une manière tout à fait vigoureuse. Il s’agit donc d’une pièce variée, fort agréable et pleine de charmants imprévus.

 

 

 

TROMPETTE

 

Pierre-Richard DESHAYS : L’énigme suisse pour trompette et piano. Deuxième cycle. Sempre più : SP0094.

De quelle énigme s’agit-il ? Le saurons-nous jamais… Ce qui est sûr, c’est que l’auteur nous invite à un très agréable voyage en chemin de fer aussi varié que plaisant. Il s’agit d’une musique joyeuse et rythmée qui devrait beaucoup plaire.

 

 

 

SAXHORN/EUPHONIUM/TUBA

 

Rémi MAUPETIT : Angel pour saxhorn basse/euphonium/tuba et piano. Niveau 1er cycle, 1ère année. Lafitan : P.L.2767.

Voici une jolie pièce pleine de charme. Une mélodie pleine de grâce se déroule tandis que le piano égrène ses arpèges soutenus par des octaves à la basse. Bref, on est séduit par la tranquille beauté de cette pièce pour débutant.

 

 

 

PERCUSSIONS

 

Grégory VANDENBROUCKE : Redondance pour percussions et piano. Niveau préparatoire. Lafitan : P.L.2690.

Voici une « redondance » bien sympathique : piano et percussions (caisse claire, tom basse et cymbale suspendue) dialoguent, se complètent dans un rythme allant et dynamique. La tonalité de la mineur ajoute un rien de nostalgie au discours. Bref, l’ensemble est bien agréable.

 

 

 

David LEFEBVRE : Xylotude n° 3 pour xylophone et piano. Débutant. Lafitan : P.L.2722.

Cette petite étude sans prétention propose une petite mélodie simple mais non sans charme soutenue par un accompagnement de piano extrêmement simple et dépouillé qui permettra de faire appel à un pianiste également débutant ou peu avancé. Ce sera, pour les deux interprètes, une excellente initiation à la musique d’ensemble.

 

 

 

Joe ZAWINUL : Mercy, mercy. Arrangé pour Mallet Ensemble, guitare basse et Drumset par Oliver Molina. Alfred : 40962.

Cet arrangement suppose sept exécutants. Il est très fidèle à la composition d’origine. On appréciera notamment la complexité de la section rythmique. Il y a là beaucoup de plaisir en perspective pour une classe de percussions.

 

 

 

Régis FAMELART : AOLN. Percussion solo. Dhalmann : FD0371.

Cette pièce difficile demande à l’instrumentiste de faire preuve d’une réelle virtuosité. L’ensemble joue avec bonheur sur les contrastes de timbres et de rythmes.

 

 

 

Chin-Cheng LIN : Wind 2. Duo de Marimbas.Dhalmann : FD0278.

Cette pièce lyrique met en valeur à part égale les deux instrumentistes. Assez difficile, elle devrait leur donner beaucoup de plaisir par la richesse de ses harmonies et ses mélodies délicates. On pourra d’ailleurs écouter la pièce à l’adresse

http://www.youtube.com/watch?v=2PeQ-FwkW8s

 

 

 

MUSIQUE D’ENSEMBLE

 

Bruno GINER : Ritorno. Duo pour flûte en sol et vibraphone. Dhalmann : FD00353.

Cette pièce difficile fait appel à toutes les techniques contemporaines. Elle met en valeur l’expressivité et les timbres variés que sont susceptibles de fournir les deux instruments.

 

 

 

Jean-François PAULÉAT : Becs & ongles pour quatuor de flûtes à bec (3 sopranos, 1 alto), piano et congas. Delatour : DLT2253. Pour quatuor de clarinettes (en si bémol) : DLT2257. Pour quatuor de saxophones (1 soprano, 2 altos, 1 ténor) : DLT2258.

Cette courte pièce est bien agréable et bien rafraichissante. On pourrait, dans une audition, envisager de jouer les trois versions à la suite ; pas ensemble : les tonalités diffèrent ! Un tempo allant s’allie à un air guilleret qui passe d’instrument en instrument puis s’exprime en tutti et se termine en feu d’artifice. La difficulté est moyenne mais les instrumentistes devront faire preuve d’un bon sens rythmique, surtout le pianiste. Ne parlons pas du percussionniste pour qui cela va de soi ! Précisons que la version pour flûtes à bec est écoutable sur le site de l’éditeur.

 

 

 

Jean-François PAULÉAT : Perc’fusion. 1ère trilogie pour 7 musiciens (piano, clavier, 4 percussions et batterie). Moyenne difficulté. Delatour : DLT2295.

La pièce est construite autour du piano qui est quasiment l’instrument soliste. Chaque pièce évoque une ambiance différente : flânerie dans un parc, danse tribale, plage au soleil… bref, il s’agit d’une agréable invitation au voyage.

 

 

 

Jean-François PAULÉAT : Perc’fusion. 2ème trilogie pour 9 musiciens (piano, clavier, guitare,  5 percussions et batterie). Moyenne difficulté. Delatour : DLT2296.

Cette deuxième trilogie a été écrite dans le même esprit que la première : le piano y joue toujours un rôle prédominant. Mais cette fois-ci, la couleur est très volontairement exotique, mêlant Afrique, Caraïbes, Europe, Amérique, Moyen-Orient, Cuba, etc…dans une joyeuse ambiance cosmopolite.

 

 

 

Johann Sebastian BACH : Quatre danses pour quintette à cordes. Delatour : DLT2391.

C’est une excellente idée de transcrire et d’adapter pour quintette à cordes ces quatre pièces extraites du Petit livre d’Anna Magdalena Bach. Nous ne chicanerons pas sur l’attribution au Cantor de ces petites danses, attribution sur laquelle le transcripteur revient fort judicieusement en quatrième de couverture. Quoi qu’il en soit, la transcription de Régis Prudhomme est à la fois fidèle et inventive. Et de plus, elle n’offre pas de grandes difficultés : ce sera l’occasion de faire découvrir aux élèves des classes de cordes les joies et les bienfaits de la musique de chambre.

 

 

 

Johan Sebastian BACH : Quatre danses pour consort de violes de gambe. Arrangement pour deux dessus de viole et deux basses de viole. Delatour : DLT2392.

Il s’agit des mêmes arrangements que ci-dessus mais, cette fois, pour consort de violes ou, pourquoi pas, pour quatuor à cordes. On y trouve les mêmes qualités que ci-dessus et on ne peut que se réjouir de ce travail qui fera découvrir à d’autres instrumentistes des œuvres faciles et plaisantes que pianistes et clavecinistes affectionnent.

 

 

 

Antonin SERVIÈRE : Car je croyais ouïr (…) pour cor et trio à cordes. Delatour : DLT2334.

Tout le monde aura reconnu dans le titre l’allusion au poème de Vigny Le Cor

« Car je croyais ouïr de ces bruits prophétiques

Qui précédaient la mort des Paladins antiques. ».

C’est cette ambiance romantique et sylvestre que s’efforce d’évoquer cette pièce difficile qui fait appel à toutes les techniques de jeu contemporaines.

 

 

 

Daniel Blackstone.

 

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LE COIN BIBLIOGRAPHIQUE

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Frédéric de LA GRANDVILLE : Une histoire du piano au Conservatoire de musique de Paris. 1795-1850. Paris, L’Harmattan (www.harmattan.fr ), 2014, 291 p. – 30 €.

Le Conservatoire de Musique a été créé le 3 août 1795 par la fusion entre l’école Royale de chant (François-Joseph Gossec) remontant à 1784 et l’Institut National de Musique (de Bernard Sarrette) de 1792 avec, pour objectif, de former des chanteurs et des clavecinistes. En fin connaisseur et s’appuyant sur de minutieuses recherches d’archives, Frédéric de La Grandville a en rédigé une histoire institutionnelle à partir d’un critère : le piano (instruments, facture, professeurs, élèves, exercices et concerts…) pendant plus d’un demi-siècle d’activités. Il relate la vie du Conservatoire au fil des années, précise que, sous l’angle administratif, il dépendait depuis 1785 du Ministère de l’Intérieur. Les lecteurs trouveront de nombreux renseignements concernant la réglementation des classes de piano, les enseignants (carrières, salaires), leurs élèves (statistiques), l’inspection des classes, les concours et jurys, ainsi que les programmes interprétés lors des distributions des Prix. L’auteur localise ce patrimoine instrumental en divers lieux, explique la facture des pianoforte et pianos, souligne la présence et le rôle du piano lors des concerts du Conservatoire. Ce livre, qui s’impose par la clarté du plan, la démarche logique et la méthode solide, aborde les problèmes avec pertinence, par exemple : les élèves femmes, les élèves étrangers, le passage objectif de la « musique militaire » à la « musique pour la société », le rôle des pianistes : soliste, virtuose, accompagnateur ou encore solfégiste et harmoniste. Il est complété par une abondante iconographie et de nombreux documents : portraits, signatures, façades, lettres, factures, emplois du temps, répertoire des concours et exercices, état des pianos, registres matricules des élèves, composition des jurys... De plus, Frédéric de La Grandville a eu l’excellente idée d’interviewer quelques dames pianistes qui, avant 1912, ont fréquenté l’ancien Conservatoire de la rue Bergère, notamment, en 1977, Aline von Barentzen, née en 1887 et décédée en 1981 (p. 259). En conclusion, l’auteur dégage le « caractère innovant de la création du Conservatoire » et démontre que « piano et Conservatoire sont nés simultanément dans la conscience des Français » (p. 242). Les lecteurs apprécieront à plus d’un titre cet ouvrage sérieux, cette démarche originale faisant preuve d’une grande curiosité d’esprit, et son indéniable apport à l’histoire du Conservatoire à travers ses pianos pendant plus d’un demi-siècle.

 

 

Édith Weber.

 

 

Nicolas VIEL : La musique et l’axiome. Création musicale et néo-positivisme au 20e siècle. Sampzon, DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com ), Collection Musique/Sciences, 2014, 393 p. – 28 €.

 

La création musicale, son abord, sa perception, sa finalité et sa compréhension à partir d’axiomes, figurent au centre de cet ouvrage très dense, faisant appel à tant de concepts. Ce livre retrace, en fait, leur histoire et leur succession, et illustre les déplacements culturels dans la longue durée (plus d’un siècle) autour de la notion de « calculabilité du musical ». L’axiomatisme succédera à la Gestalttheorie, aux préoccupations de l’École de Vienne, à la théorie dodécaphonique et au néo-positivisme. De nouveaux penseurs s’imposeront, par exemple le compositeur américain Henry Cowell (1897-1965), le musicologue et enseignant américain Charles Seeger (1886-1979). Abraham Moles (1920-1992), — Ingénieur en acoustique (Université de Grenoble) et Docteur d’État en Philosophie (La création scientifique dirigée, en Sorbonne, par Gaston Bachelard), l’un des précurseurs des sciences de l’information — lancera la théorie de l’informatique et de la perception esthétique, et influencera, entre autres, le compositeur français Tristan Murail (*1947), vers la seconde moitié du XXe siècle. En France, cette période verra aussi le retour du néo-positivisme avec Olivier Messiaen (1908-1992) et Pierre Boulez (*1925), à côté du structuralisme de Pierre Schaeffer (1910-1995), associé aux théories de Karlheinz Stockhausen (1928-2007) — spécialiste de la musique électroacoustique et de la spatialisation du son—, sans oublier le physicalisme de Yannis Xenakis (1922-2001) — compositeur, architecte et ingénieur — et la musique algorithmique pratiquée par Pierre Barbaud (1911-1990), l’un des premiers à utiliser systématiquement l’ordinateur pour la composition musicale. Ce volume — particulièrement dense et complexe — intéressera à plus d’un titre les spécialistes de l’esthétique et de la perception musicales, les théoriciens et mathématiciens, les compositeurs et créateurs, les psychologues et comportementalistes. Il est complété par une bibliographie spécialisée, des figures significatives, illustré par des graphiques musicaux très représentatifs et des citations pertinentes. Comme l’a observé Jean-Marc Chouvel (Préface, p. 9) : « Les axiomes dont il est question ici ne sont pas simplement ceux d’un jeu de construction plus ou moins réussi. Ce sont surtout ceux qui délimitent les conditions de possibilité d’un des arts les plus en prise avec notre sensibilité et notre conscience. » Ce constat suscitera la réflexion des lecteurs. Il en sera de même avec la conclusion prudente de Nicolas Viel : « mais il ne sera pas dit ici que l’époque de la fascinante synchronisation de la musique des humains sur le temps des machines fut une bonne ou une mauvaise chose ». (p. 335). Le recul du temps devrait trancher.

 

 

 

Édith Weber.

 

 

Paul BADURA-SKODA  : Dans l'intimité des maîtres. Entretiens avec Antonin Scherrer. 1 vol 14x22 cm, La Bibliothèque des Arts, Lausanne (www.bibliotheque-des-arts.com), 166 p, 19 €.

Paul Badura-Skoda, un des grands vétérans du piano, aime à se confier. N'est-il pas l'auteur de nombreux articles et ouvrages, notamment sur l'Art de jouer Mozart au piano ? Ses entretiens avec l'écrivain et chroniqueur musical suisse Antonin Scherrer sont révélateurs d'une nature résolument optimiste et ouverte sur le monde. Paul Badura-Skoda (*1927) aura traversé le XX ème siècle et en particulier connu les horizons sans limites de l'immédiat après-guerre où les musiciens étaient accueillis à bras ouverts. On pense aussi à ses collègues et amis Jörg Demus et Friedrich Gulda. Il a côtoyé les grands maîtres, Cortot, pour lequel son admiration est grande, comme son amour pour la France d'ailleurs, ou David Oïstrakh, « le roi David », dont l'art souverain ne recherchait pas l'effet, et surtout Edwin Fischer, le maître et mentor, qui rappelle-t-il, ne fut pas seulement un immense pianiste mais aussi un chef d'orchestre vénéré par ses musiciens. Les compositeurs chers à son cœur ? Mozart bien sûr, mais aussi Chopin, « un héritier du baroque », ou le suisse Frank Martin avec lequel il noua une solide amitié qui lui valut de créer plusieurs de ses œuvres. Au fil de ces entretiens, vivants et sans phare, Paul Badura-Skoda livre son credo artistique et fait sienne l'approche d'Edwin Fischer quant à la fidélité au texte, mais aussi à l'adaptabilité au jeu moderne, pour «  un respect absolu du texte sans verser dans le dogmatisme sclérosant ». Lucide sur son art, il pense qu'« il faut se renouveler pour ne pas reculer ». Et d'égratigner au passage la carence d'imagination de ses jeunes collègues dans leurs choix frileux de programmes de concerts. Pourtant, ces jeunes il leur a voué ses années d'automne par son enseignement. Aux côtés de cette mission de transmission, tout aussi essentiel est pour lui le travail d'édition, qui lui fait écrire plusieurs cadences pour les concertos de piano de Mozart – ses récents disques parus chez Transartlive attestent de la pertinence de sa pensée. Il y a encore du chercheur chez lui en termes de facture instrumentale. Sa collection d'instruments est une des plus riches du moment. Mais nulle tentation « intégriste » de choix entre l'historique et le moderne ne l'effleure, car l'interprète appartient à son temps et « joue pour des auditeurs d'aujourd'hui ». Au demeurant, le raffinement du toucher qu'autorisent le clavecin et le pianoforte, eu égard à leur faible résistance, n'enrichit-il pas le jeu sur les pianos modernes ? Cet ouvrage est essentiel en ce qu'il présente une expérience exceptionnelle de vie au service de la musique, humble et sans concession, celle d'un homme qui maniant au détour l'anecdote, ne se dépare jamais d'une vraie simplicité, apanage des grands.

 

Jean-Pierre Robert.

 

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CDs et DVDs

 

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« SILOS. Portes du Ciel ». 1CD JADE (www.jade-music.net) : 828-2. TT : 46’ 22.

En Castille, entre le XIe et le XIIIe siècles, le Monastère de Santo Domingo de Silos entretenait une école de copistes et de miniaturistes. Comme l’Abbaye Saint-Pierre de Solesmes au XXe siècle, il a participé à la renaissance du chant grégorien. Dans cette optique, entre 1956 et 1957, le Chœur des Moines a réalisé une série d’enregistrements discographiques avec la participation de jeunes moines formés au grégorien dès leur plus tendre enfance. Elle a bénéficié de remastérisations (depuis 20 ans). Si l’émission vocale de Silos rappelle quelque peu celle de Solesmes par sa suavité, elle gagne en spontanéité, vigueur et en dynamisme contenu. Le programme sous-titré : Portes du Ciel illustre des formes traditionnelles (composées dans les divers modes d’église) : des antiennes, dont Paradisi portae/Eructavit, Facta est cum Angelo, Descendit… ; des hymnes : A solis Ortus Cardine de Caelius Sedulius (Ve siècle), Virgo Dei Genitrix, Vexilla Regis prodeunt… ; la célèbre séquence Victimae Paschali Laudes maintenue par les Pères du Concile de Trente ; des extraits de messe : Kyrie XI, Gloria IX, Credo IV, Sanctus VIII (de la Messe des Anges), l’offertoire Ave Maria ou encore l’Alleluia bien connu : Alleluia omnes gentes (en mode I), le trait : Absolve ; les communions Gustate et videte et Lux Aeterna  et le répons Homo quidam. Belle Anthologie de ce répertoire multiséculaire qui gagne à être relancé.

 

 

Édith Weber.

«  L’Agneau Mystique ». 1 CD AQUARIUS PRODUCTION/JADE (www.jade-music.net) : 699 826-2. TT : 79’ 50.

Le programme de cette coproduction AQUARIUS/JADE est centré autour de l’idée de L’Agneau Mystique évoquée en musique, dans la longue durée, du Moyen-Âge à nos jours, aussi bien en Allemagne qu’en Angleterre, Hongrie, Italie et France. Hildegard von Bingen (1098-1179) exprime le miracle de la création dans O quam mirabilis est prescientiachanté en souplesse par Mady Bonert. Le chant grégorien est représenté, entre autres par l’Alleluia Hic est discipulus. L’Agnus Dei est enregistré en 3 versions plus développées : celles de Giovanni Pierluigi da Palestrina (1525/6-1594), Johannes Brahms (1833-1897) et Samuel Barber (1910-1981). Le Psaume 122/121 : I was glad (Je suis dans la joie quand on me dit : Allons à la maison de l’Éternel) de Henry Purcell (1659-1695) interprété avec entrain, se termine par la Doxologie trinitaire. Plus proches de nous, le verset Christus factus est pro nobis d’Anton Bruckner (1824-1896) côtoie l’incontournable Ave Maria de Giuseppe Verdi (1813-1901). Représentatifs du XXe siècle : la version polyphonique du Veni, veni Emmanuel de Zoltan Kodaly (1882-1967) dans la perspective de Noël, le Salve Regina de Francis Poulenc (1899-1963) exploitant un large spectre vocal, le Magnificat avec quelques résonances orthodoxes dû au compositeur estonien naturalisé autrichien Arvo Pärt (né en 1935). L’Amen du musicien polonais contemporain Henryk Gorecki (né en 1933) pose un lumineux point d’orgue sur ces 17 différentes sources d’inspiration suscitées par le thème de l’Agneau mystique.

 

 

Édith Weber.

 

«  Cello con fuoco ». 1CD KLANGLOGO (www.klanglogo.de) : KL 1507. TT : 67’ 30.

Depuis un certain temps, les éditeurs de disques privilégient des titres soit génériques, soit énigmatiques : c’est le cas de Cello con fuocoqui propose plus d’une heure d’œuvres de Jean Sébastien Bach, György Ligeti (1923-2006) et Zoltan Kodaly (1882-1967), et permet d’écouter, en solo, la fougueuse violoncelliste Veronika Wilhelm, pleine de tempérament, d’où le qualificatif : con fuoco. Née en 1971 à Schwerin, elle a fait ses études à la Musikhochschule de Berlin, enseigné à Leipzig, est actuellement violoncelle solo (remplaçante) à l’Orchestre du Gewandhaus de cette ville et membre de l’Orchestre du Festival de Bayreuth. Le répertoire pour violoncelle solo n’est pas abondant ; les premières références étant, bien entendu, les 6 Suites (Sei Solo à Violino senza Basso accompagnato) de Jean Sébastien Bach (BWV 1007-1012), dans une conception novatrice pour l’époque, mais renouant avec la tradition du XVIIe siècle. Il était alors maître de chapelle à la Cour du Prince Leopold d’Anhalt-Cöthen. Veronika Wilhelm interprète la Cinquième Suite, en do mineur (BWV 1011), en 7 mouvements issus de la danse selon l’usage ; elle leur confère un bel élan et un caractère abstrait s’élevant des profondeurs avec une expressivité baroque (notamment dans la Sarabande), et ceci dans le plus grand respect du phrasé (Gigue). Elle interprète également la Sonate pour violoncelle solo (1948-1953) de György Ligeti, en deux mouvements : Dialogo (plage 8), profond et mystérieux, plus chantant, dans lequel le registre de basse expose son thème auquel répond celui de ténor,  et Capriccio (pl. 9) faisant appel à la virtuosité et la vélocité. Quant à la Sonate pour violoncelle solo, op. 8 (1915) de Zoltan Kodaly, elle exige de nouvelles techniques : percussion, en plus des cordes frottées et pincées. En parfaite connivence esthétique et artistique avec son compatriote, Veronika Wilhelm tire le meilleur parti de cette redoutable œuvre, justifiant d’autant plus le titre : Cello con fuoco donné par KLANGLOGO à cette incontournable réalisation.

 

Édith Weber.

 

Arthur HONEGGER : König David. 1CD RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de) : ROP 60 88. TT : 72’ 18.

 

Le Label leipzicois RONDEAU PRODUCTION propose un enregistrement particulièrement intéressant d’une part avec le texte du Roi David en sa version allemande (König David), et d’autre part, grâce à la participation d’interprètes de tout premier plan tels que l’acteur Devid Striesow dans la fonction de Récitant et l’actrice Irm Hermann dans le rôle de la Sorcière. Par ailleurs, 3 solistes : Narine Yeghiyan (Soprano), Rowan Hellier (Alto) et Jan Remmers (Ténor) et le Junges Ensemble de Berlin assurent les parties vocales accompagnées et soutenues par le Prometheus Ensemble de cette ville. Arthur Honegger (1892-1955) a fourni plusieurs versions du drame de l’écrivain et dramaturge vaudois René Morax (1873-1963). Le chef Frank Markowitsch a retenu celle pour 10 instruments à vent, percussions, harmonium et célesta, conférant à l’ensemble une couleur orchestrale très particulière. (Ce n’est que plus tard que le compositeur en a réalisé la version bien connue pour orchestre symphonique). L’œuvre est structurée en 3 parties et 27 tableaux. Une large part est réservée aux Psaumes et aux parties descriptives. Le Récitant relate les événements au cours desquels les chanteurs interprètent notamment un Psaume de louange et un chant célébrant la victoire de David sur Goliath, puis d’autres Psaumes créent l’atmosphère et commentent l’action. Différents protagonistes interviennent — dont la Pythonisse et la Servante. Aux Lamentations de Guilboa, succèdent un Cantique de fête et la célèbre Danse devant l’Arche, point culminant de la partition. Le Couronnement de Salomon marque un autre épisode important. Enfin, l’hymne, concernant la Mort de David fait allusion à la Résurrection, au Paradis aboutissant à un vibrant Alleluia conclusif. Les interprètes, s’investissant pleinement dans l’action et l’esprit de l’œuvre, renforcent les effets dramatiques, sans négliger pour autant l’aspect lyrique ou le contexte émotionnel. L’intérêt de cette version en allemand est indéniable.

 

 

Édith Weber.

 

« Lost in transition ». Daarler Vocal Consort. 1CD RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de) : ROP 60 87. TT : 63’ 24.

Ce deuxième enregistrement du Daarler Vocal Consort (sextuor) — avec la participation d’Yvonne Zimmer (Soprano), de Susanne Wagenmann (Mezzosoprano), Marita Grasmück (Alto), Hermut Winkel (Ténor), Georg Grün (Baryton) et Stefan Paul ( Basse) — permet d’entendre des pages pour le moins inattendues. Il est centré sur l’idée générale de la transition  : « tout n’est que transition », titre du dernier morceau (plage 21). En fait, pour sa composition éponyme, Georg Grün (né en 1960) s’est inspiré de l’inscription figurant sur un pont à Vienne : « Alles ist nur Übergang… » « Tout n’est que transition…. Imprègne-toi de ces mots graves… La mort est vie, la mort en est la porte : tout n’est que transition. » Ce constat a donc déterminé le titre du disque sur les thèmes : transition, mort, solitude, douleur... Le programme propose un vaste parcours chronologique, avec, tout d’abord : le répons si douloureux des matines du Samedi Saint : O vos omnesde Carlo Gesualdo (1566-1613) ; ensuite, le verset Steh auf und nimm das Kindelein (Matthieu, 2, verset 20) de Christoph Demantius (1567-1643), sur les paroles de l’ange suggérant à Joseph de se rendre avec sa femme et l’enfant en Israël. Les textes sont, d’une part, d’essence biblique (Évangile de Matthieu, Cantique des Cantiques) ; d’autre part, de caractère plus lyrique (Johannes Scheffler (Angelus Silesius, 1624-1677) et Hermann Hesse (1877-1962) — avec son poème Im Nebel, 1905). Ce CD présente également des compositions romantiques de Peter Cornelius (1824-1874) et de Johannes Brahms. Pour l’époque contemporaine, les mélomanes découvriront notamment Wolfram Buchenberg (né en 1962), Kurt Bikkembergs (né en 1963), Jaako Mäntyärvi (né en 1963) et Ivan Moody (né en 1964). Une mention spéciale pour la pièce : Lost in transition de Georg Grün, si impressionnante et intemporelle. Les chanteurs formant une équipe équilibrée et soudée ont maîtrisé les traquenards techniques et se sont adaptés à des esthétiques et des atmosphères si différentes émanant de ce disque à thème autour du message philosophique et religieux : Tout n’est que transition.

 

Édith Weber.

 

 

Claudio MONTEVERDI : Vespri solenni per la festa di San Marco ( Extrait des Vespri (1610) et de la Selva Morale (1640, vol.1). Concerto Italiano, dir. : Rinaldo Alessandrini. 1CD Naive : OP 30557. TT.: 79'46.

Qu'on ne s'y méprenne pas, ces Vêpres sont une reconstitution, imaginée par Rinaldo Alessandrini, de ce qu'aurait pu être un office solennel dédié à la fête de San Marco à Venise. Pour ce faire il utilise deux matériaux existants, les Vespri de 1610 et le recueil de la Selva morale e spirituale de 1640. Ainsi structure-t-il l'office en empruntant majoritairement aux psaumes de la Selva morale, tels le « Beatus vir », le « Laudate pueri » ou le « Laudate Dominum », et au Magnificat à huit voix. Ces pièces vocales sont entrecoupées par des sonates instrumentales de Gabrieli, Usper et Buonamente, ou d'extraits de motets de Monteverdi. Les enchaînements sont magistraux. C'est le triomphe du faste pour glorifier Dieu, à la différence de l'immobilité contemplative du langage en usage à la Renaissance : la louange divine passe désormais par la richesse sonore autant instrumentale que vocale. Une attention particulière a été portée à la restitution de la fonction spatiale du son, qu'autorisait l'acoustique de San Marco à Venise par le truchement de ses diverses tribunes. L'enregistrement a ainsi été effectué dans la basilique Santa Barbara de Mantoue, dont l'acoustique généreuse donne tout son sens à la splendeur sonore de ces pièces ; ce que Rinaldo Alessandrini qualifie d'« onde sonore imposante » qui doit submerger l'auditeur. Les solistes vocaux et instrumentaux du Concerto Italiano font honneur aux prouesses techniques et expressives de ces pièces, et on admire la luxuriance des cuivres, cornets et trombones rutilants, comme la virtuosité vocale. Le parti de distribuer un seul chanteur par pupitre permet une extrême clarté et évite les effets de masse. 

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Antonio VIVALDI : L'incoronazione di Dario. Dramma per musica en trois actes. Livet de Adriano Morselli. Sara Mingardo, Anders Dahlin, Delphine Galou, Roberta Mameli, Lucia Cirillo, Sofia Soloviy, Riccardo Novaro, Giuseppina Bridelli. Accademia Bizantina, dir. Ottavio Dantone. 3CDs Naïve :  OP 30553. TT.: 64'32+68'55+43'50. 

Ce nouvel opus de la collection opéra de l'Édition Vivaldi de Naïve révèle une pièce aussi inconnue que passionnante. Créé en 1717, au Teatro San Angelo de Venise, époque faste sur la lagune pour Antonio Vivaldi, L'incoronazione di Dario (le couronnement de Darius) narre une curieuse histoire, tirée du vieux fonds théâtral vénitien du drame pseudo historique : alors qu'à la mort de Cyrus, roi de Perse, trois prétendants convoitent le trône, l'un d'eux, Darius, propose que la couronne revienne à celui qui se fera épouser par Statira, la fille aînée du défunt. S'en suit un enchevêtrement de situations conflictuelles qui vont diviser âmes et cœurs, surtout grâce à la machination amoureuse ourdie par Argene, la sœur cadette. Tout finira bien, après avoir frôlé la catastrophe prévisible. Sur cette trame alambiquée, quoique déjà simplifiée par le librettiste Morselli, Vivaldi a conçu une musique finalement très novatrice qui semble d'une inventivité inépuisable et brille d'un extrême raffinement. Vivaldi offre là un exemple unique de son art de créer le juste climat pour épouser le fait dramatique. Les récitatifs sont très développés eu égard à la complexité de la trame, mais les arias rivalisent de variété, le plus souvent dégagées du modèle da capo. Beaucoup sont construites sur une forme concertante, rappelant la prolixité du compositeur de musique instrumentale et de concertos. Ici, c'est la viole all'inglese, dans l'évocation d'un chant d'amour, là, c'est la viole de gambe ou la flûte à bec sur un accompagnement des violons en sourdine et un léger contrepoint de basses, ou encore le basson associé au violone pour le plus piquant effet. Une des plus merveilleuses arias est dévolue au personnage de Statira, au III ème acte, où la voix roucoule dans le registre piano avec le violon, là encore sur des cordes en sourdine, suprême alchimie sonore. La profusion ne s'arrête pas à ces morceaux de choix : on trouve de courts ariosos, pour de véritables petites scènes expressives, des duos, et même des ensembles plus rares, comme ce terzetto des trois prétendants invoquant le soleil pour savoir qui d'entre deux règnera sur l'Asie. La présente interprétation, captée à la Musikfest de Brême, en 2013, rend pleine justice à cette œuvre par une distribution magnifique. S'en détachent les deux voix graves de Sara Mingardo, Statira, qui ajoute à un timbre mordoré une profondeur expressive de tous les instants, et de Delphine Galou, Argene, l'intrigante, qui impose elle aussi un style accompli au service d'un timbre tout aussi envoûtant. Anders Dahlin prête au rôle de Darius une voix de ténor aigu bien conduite, et les sopranos font montre d'extrême agilité. Cette interprétation doit beaucoup à la direction d'Ottavio Dantone, qui à la tête des excellents solistes de l'Accademia Bizantina, délivre une manière naturelle de bouster le tempo, sans pour autant heurter le rythme, et une aisance certaine du   discours.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

George Friedrich HAENDEL : Orlando.  Opéra en trois actes. Livret anonyme d'après un canevas de Carlo Sigismondo Capece. Bejun Metha, Sophie Karthäuser, Kristina Hammarström, Sunhae Im, Konstantin Wolff. B' Rock Orchestra Ghent, dir. René Jacobs. 2CDs Universal Archiv : 479 2199. TT.: 77'15+82'46.

Pourvue de la même distribution que celle des représentations données à la Monnaie en 2012 (cf. NL de 6/2012), cette version d'Orlando s'impose par sa haute tenue. Elle le doit d'abord à l'élan que lui insuffle René Jacobs. Dans un de ses opéras les plus inspirés, Haendel ne recycle pratiquement pas et offre une profusion d'arias d'une désarmante beauté, de coupe da capo, bien sûr, quoique revisitée en une étonnante diversité et d'une inventivité constamment renouvelée. L'opéra s'enorgueillit encore de brillants duos. Celui, au dernier acte, entre Angelica et Orlando est d'un effet très original puisqu'il unit deux modes, implorant chez la première, vindicatif pour le second. Pour traiter le sujet, mille fois revisité à l'époque, en particulier par Antonio Vivaldi et Josef Haydn, du « Roland furieux » de l'Arioste, partagé entre amour et gloire, le saxon conçoit une partition qui cultive le versant élégiaque et magique de l'histoire, auquel la scène de folie d'Orlando apporte un contraste saisissant. René  Jacobs offre une direction ample et pacifiée, dont tout excès semble banni, dessinant avec amour la mélodie. Le continuo, bien étoffé, est imaginatif et les appogiatures toujours originales. Les ornementations vocales sont tout aussi soignées. La plénitude sonore du B' Rock Orchestra de Gand répond au souci du chef d'une instrumentation très travaillée, même si ne se voulant pas « historique ». Quelques bruitages judicieux rappellent que nous sommes dans l'univers de la magie. Le quintette vocal frôle la perfection. D'Orlando, créé par le castrat Senesino, Bejun Metha offre un portrait d'une saisissante éloquence, en complète identification avec les affects différenciés du personnage. L'agilité gracile de la vocalise n'a d'égale que l'absolue pureté de la ligne de chant. Celle-ci trouve son apogée dans la grande scène de folie de l'acte II, suite de morceaux enchaînés, récitatifs, cavatine et aria. Quand le personnage se fait hyperbolique, le timbre légèrement acidulé n'est pas sans rappeler celui de Dominique Visse. Une interprétation de référence. Le soprano solaire de Sophie Karthäuser prête à Angelica des accents tragiques d'une force confondante. La Dorinda de Sunhae Im est piquante à souhait, nullement maniérée, et le timbre sombre de Kristina Hammarström confère une grande richesse vocale au personnage grandiose de Medoro. On a apporté un soin particulier à l'agencement des récitatifs, contribuant à restituer au drame musical le frisson de la représentation. Une incontestable réussite.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Jean-Philippe RAMEAU : Les Indes galantes. Ballet héroïque en un Prologue et quatre Entrées. Livret de Louis Fuzelier. Valérie Gabail, Stéphanie Révidat, François-Nicolas Geslot, Reinoud van Mechelen, Aimery Lefèvre, Sydney Fierro. Le Chœur du Marais. La Simphonie du Marais, dir. Hugo Reyne. 3CDs Musiques à la Chabotterie : 605013. TT. : 77'21+ 58'21+65'46.

Cette version est la bienvenue car Les Indes galantes n'avaient pas connu de nouvelle interprétation au disque depuis quelques vingt ans. Son principal artisan est Hugo Reyne qui a mené un travail de fourmi pour retrouver la physionomie originelle d'une des œuvres emblématiques de Rameau et renfermant ses plus belles pages orchestrales. Reyne a réalisé sa propre édition complète, basée sur les sources conservées à la bibliothèque de l'Opéra de Paris. Cette nouvelle édition modifie l'ordre des pièces du Prologue et du ballet des Fleurs de la III ème entrée, réintroduit une air de Bellone et rétablit l'intégralité du « Tremblement de terre » qui clôt la fête du soleil au tableau des « Incas du Pérou ». L'ambition est de retrouver le goût français pour ce que Claude Debussy appelait « la clarté légère ». La direction rigoureuse se caractérise en effet par l'extrême netteté des attaques et la précision dans les articulations, ce qui permet au chant de s'épanouir naturellement et aux danses de distiller leur profusion rythmique et mélodique. L'œuvre opère dans des registres différents : de la tragi-comédie (« Le Turc généreux »), de la tragédie (« Les Incas du Pérou »), du marivaudage (« Les Fleurs »), et de ce que Sylvie Bouissou appelle la « comédie pacifique » (« Les Sauvages»). Le continuo est traité avec un égal souci de densité dramatique. La Simphonie du Marais, qui aligne une formation peu nombreuse, favorise une sonorité transparente des cordes et dispense des couleurs mirifiques aux bois. La flûte en particulier, l'instrument favori de Reyne, se voit offrir un sort enviable, souvent proche de l'effet hypnotique. Quand aux cuivres ils sont resplendissants d'énergie. Depuis l'Ouverture à la française jusqu'à la vaste Chaconne finale, on voyage dans un univers où triomphe une virtuosité orchestrale aux climats sans cesse renouvelés. Reyne ménage les danses avec doigté, rendant justice à l'originalité de l'orchestration et à sa modernité (le « Tremblement de terre » et sa texture accidentée), à son raffinement extrême (Ballet des fleurs, aux séquences si différenciées dans leurs rythmes divers) ou encore à ses modes originaux, telle la « Danse du calumet », vrai tube du baroque français. Seul manque peut-être, un certain mordant, pour ne pas dire ce clin d'œil gourmand que sait insuffler un William Christie. Six chanteurs de la jeune génération, rompus à la prosodie ramiste et à ses ornements raffinés, se partagent l'affiche, nullement gênés de devoir affronter une multiplicité de rôles, au fur et à mesure des diverses entrées. De sa voix idéalement placée de baryton-basse, Aimery Lefèvre campe successivement un Bellone à l'aigu claironnant, puis les personnages hauts en couleurs d'Osman, de Huascar, d'Ali et d'Adario, tous gratifiés d'une ardente déclamation. Les deux hautes-contre font montre d'agilité dans les vocalises, avec des atouts différents : François-Nicolas Geslot, timbre très clair aux éclatantes envolées (Valère, Tacmas), Reinoud van Mechelen, plus corsé et un peu âpre (Carlos, Damon). Les deux sopranos rivalisent aussi d'éloquence, Stéphanie Révidat (Hébé, Emilie, Zaïre) et surtout Valérie Gabail (Amour, Phani, Fatime, Zima) dont l'esprit et la fraîcheur, dans ces deux dernières parties,  s'inscrivent dans la lignée des Dessay et Petibon qui marquèrent ces rôles dans la dernière production de l'Opéra Garnier. Le Chœur du Marais, n'était un placement un peu en arrière du champ sonore, dispense une fine clarté d'émission. Un beau tribut à l'année Rameau.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Gioachino ROSSINI : Otello ossia Il moro di Venezia. Opéra en trois actes. Livret de Francesco Maria Berio di Salsa, d'après la pièce de Shakespeare «  Othello, the Moor of Venice ». Cecilia Bartoli, John Osborn, Javier Camarena, Edgardo Rocha, Peter Kálmán, Liliana Nikiteanu, Nicola Pamio, Ilker Arcayürek. Chœur de l'Opernhaus Zürich. Orchestra La Scintilla de l'Opernhaus Zürich, dir. Muhai Tang. Mise en scène : Moshe Leiser & Patrice Caurier. 1 DVD Universal Decca : 074 3863. TT.: 156'.

Captée à l'Opernhaus de Zürich en mars 2012, cette version d'Otello de Rossini se distingue avant tout par sa prestation musicale. Comme constaté lors de la représentation (cf. NL de 4/2012), la distribution assemblée est sans faille, dominée par la Desdemona de Cecilia Bartoli, dont la vocalité incandescente est une mine de bonheur, et un trio de ténors valeureux, trait qui fait toute l'originalité de la pièce. Surtout, à la différence de la récente reprise du spectacle à Paris (cf. NL de 5/2014), la direction vibrante de Muhai Tang apporte à la musique son cachet. Les musiciens experts de l'Orchestra La Scintilla savent trouver les vraies couleurs et possèdent cette sûreté du trait, notamment pour ce qui est du département des vents, petite harmonie savoureuse et cuivres justes, qui faisait cruellement défaut à leurs collègues de l'Ensemble Mattheus au Théâtre des Champs-Elysées. On savoure aussi les ensembles, tel le quintette du Ier acte, et les finales. La mise en scène du tandem Moshe Leiser et Patrice Caurier est habilement filmée. La transposition dans l'Italie des années 1960 fonctionne plutôt bien, et les excès ne sont pas soulignés : au contraire, la caméra resserre le schéma de haine qui se tisse autour d'Othello dont la couleur de peau n'est décidément pas en odeur de sainteté dans la famille patricienne du noble Elmiro, qui n'hésite pas à rudoyer sa fille Desdemona pour lui faire partager ses vues. De même le personnage de Rodrigo, qui prend chez Rossini une place autrement plus dramatique que dans l'opéra de Verdi, est-il saisi avec infiniment de pertinence, en particulier lors du pathétique duo avec une Desdemona qui ne veut rien entendre des déclarations pourtant sincères de cet amoureux sincère. Le ballet des portes ouvertes et fermées durant le premier acte, sur fond de réception dans la pièce adjacente, n'est pas aussi intrusif qu'à la représentation. Même l'aspect lépreux et sans âme de la taverne, au II ème acte, où semble s'être réfugié Othello, ne parvient pas à distraire le spectateur d'une suite de joutes hors du commun entre les trois ténors : Othello et Iago, d'abord, ou comment instiller le poison du doute et en recueillir les sûrs effets en termes de réaction hors de contrôle, entre le maure et Rodrigo ensuite, expression passionnée d'une vindicte non contenue de rivaux en amour, blessés dans leur amour propre. Le surgissement de Desdemona tentant de les séparer ressortit du vrai coup de théâtre. Et le dernier acte, dans sa sobriété décorative et sa direction d'acteurs millimétrée, est un formidable achèvement dramatique : les deux protagonistes et victimes y sont d'une vérité criante.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Igor STRAVINSKY : Oedipus Rex, opéra-oratorio en deux actes. Texte de Jean Cocteau. Apollon musagète, ballet en deux tableaux. Jennifer Johnston, Stuart Skelton, Gidon Saks, David Shipey, Benedict Quirke, Alexander Ashworth. Fanny Ardant, récitant. Monteverdi Choir. London Symphony Orchestra, dir. Sir John Eliot Gardiner. 1 CD LSOLive : LSO0751. TT.: 79'13.

Oedipus Rex est une œuvre hybride, à la fois opéra par son argument et oratorio si l'on considère son aspect délibérément statique. L'idée d'une œuvre chantée en latin, d'après une tragédie antique familière, revient au compositeur qui en confia la réalisation textuelle à Jean Cocteau. Créée en 1927, en version de concert, au théâtre Sarah-Bernhardt à Paris, elle ne connut de version scénique que l'année suivante à Vienne, puis à Berlin, cette dernière sous la direction d'Otto Klemperer. Due à John Eliot Gardiner, qui signe ici son premier disque pour le label LSOlive, la présente exécution, captée live au Barbican Hall de Londres, favorise une approche extrêmement contrastée, souvent chambriste ou lâchant les forces, notamment dans la scène finale. Ce qui est souligné par une prise de son très immédiate. Les vents du LSO brillent tout particulièrement. Les solistes sont de qualité, sans être mémorables : Jennifer Johnston, Jocaste, de son timbre de mezzo grave épouse le côté un peu histrion du personnage, et le Créon de Gidon Saks est bien sonore, rappelant que l'emploi n'est pas éloigné de celui de Nick Shadow du Rake's Progress, dont cet artiste s'est fait une spécialité. Mais Stuart Skelton n'est pas toujours à l'aise avec la tessiture tendue de ténor d'Oedipe. Le Monteverdi Choir, dans un répertoire qui ne lui est pas familier, fait merveille de précision dans les attaques et la diction. Dans la partie du récitant, dont Stravinsky condamna la pertinence dans ses réflexions critiques de 1963 (« Dialogues and a Diary »), Fanny Ardant fait montre de sensibilité et de nuances. Il est judicieux de coupler la pièce avec Apollon musagète dont la composition la suit immédiatement dans le catalogue straviskien (1928). Pour ce premier ballet écrit pour une compagnie autre que celle de Diaghilev, Stravinski a conçu une pièce sur un sujet abstrait, car il n'y a pas d'argument à proprement parler. Il en va de même de l'organisation de ses diverses parties, succession de danses de forme très classique, à mille lieux des aspérités du Sacre du printemps. On admire la richesse mélodique des seules cordes et un savant contrepoint, particulièrement efficace dans le « Pas d'action » qui propose un canon à quatre voix. John Eliot Gardiner en offre une interprétation inspirée, s'attardant avec délice sur les inflexions souples et presque complaisantes de la musique, mises en valeur par l'élasticité des cordes du LSO. La rythmique est franche (« Variation de Polymnie ») et le trait sait être raffiné lors du « Pas de deux », délicatement mélancolique.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Béla BARTÓK : « Piano works ». Suite de Danses. Quatre lamentations anciennes, extraits des Quinze chants paysans hongrois. Sonate pour piano. Six Danses populaires roumaines. 14 Bagatelles. Alain Planès, piano. 1CD Harmonia Mundi : HMC 902163. TT.: 78'59.

Ce disque propose une passionnante anthologie de la musique de piano de Béla Bartók. Son instrument de prédilection, Bartók lui confiera des pièces de choix, sous forme de cycles, tels les Mikrokosmos, mais aussi à travers nombre de courts morceaux dont la thématique est puisée dans le folklore paysan. Sans relâche, parcourra-t-il les contrées d'Europe centrale pour collecter auprès des paysans leurs authentiques chants populaires. Les 14 Bagatelles (1908), marquent déjà une évolution stylistique décisive chez le jeune musicien qui se détache des grands anciens, Liszt et Brahms, pour se forger une manière très personnelle, puisée aux racines de ce folklore paysan. Ces pièces courtes préfigurent le style de la maturité, avec de forts contrastes et un jeu percussif de l'instrument. Le souci d'authenticité populaire se retrouve dans les Six Danses populaires roumaines de 1915, plus tard arrangées pour orchestre. Ces pièces, devenues familières, dont les thèmes ont été collectés en Transylvanie, frappent par leur métrique irrégulière, leur donnant une allure d'improvisation. Tout autant habitées des airs populaires, les Quatre lamentations anciennes (1914/1918), extraites des « Quinze chants paysans hongrois », sont un mémorial à ce chant hongrois que le musicien n'aura de cesse de célébrer, au point d'en publier un traité en recensant plus de 350, fruit de ses inlassables collectages. Ces pièces, d'une grande difficulté technique, ouvrent la porte à l'avant garde. Ce même souci d'inspiration folklorique, et pas seulement hongroise et roumaine, mais aussi arabe, on le trouve dans la Suite de danses,  première commande publique de Bartók, à l'occasion des fêtes commémorant la  réunion de Pest et de Buda. Destinée à l'orchestre (1923), elle sera transcrite pour le piano en 1925. Les danses sont rythmées par une ritournelle revenant en boucle au fil des six pièces qui possèdent chacune une identité particulière. Enfin, la Sonate pour piano, de 1926, une année faste en matière de compositions pianistiques, revisite le modèle de la sonate classique, à l'aune des récentes recherches bartokiennes : rythmique serrée, densité du contrepoint, dissonances prononcées. Une pulsation irrépressible irrigue les deux allegros extrêmes, alors que le mouvement lent, marqué « sostenuto e pesante » déploie de larges accords résonnants sans pour autant renoncer à l'aspect volontariste qui domine cette pièce. Tous ces morceaux, Alain Planès les aborde avec une rigueur qui ne cherche pas à masquer leur âpreté. Son jeu en souligne aussi la beauté de l'harmonie et les saisissantes inflexions.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Francis POULENC : « Les anges musiciens » : Deux poèmes de Louis Aragon. Bleuet. Voyage à Paris. Montparnasse. Hôtel. Trois Poèmes de Louise Lalanne. Ce doux petit visage. Main dominée par le cœur. Tel jour telle nuit. Vocalise-Étude. Fiançailles pour rire. Fancy. La courte paille. Deux chansons pour Yvonne Printemps. Sophie Karthäuser, soprano. Eugène Asti, piano. 1CD Harmonia Mundi : HMC 902179. TT.: 66'06.

La mélodie est au cœur de la production de Francis Poulenc, pièces isolées ou cycles sur les textes empruntés à ses contemporains, Aragon, Apollinaire, Éluard, Louise de Vilmorin. Poulenc, qui aimait passionnément la poésie, excelle dans l'art de capturer l'essence poétique d'un texte, sa douce mélancolie, sa verve, voire son côté grotesque. Et sa musique offre, ici comme dans tant d'autres domaines, ce mélange inimitable de gravité et de nonchalance. Le présent CD offre d'abord quatre cycles essentiels. Les Trois Poèmes de Louise Lalanne (1931), pseudonyme qui cache en réalité des textes d'Apollinaire et de Marie Laurencin, alors épouse de celui-ci, annoncent les chefs d'œuvre à venir tant le musicien y tutoie cette union naturelle entre prosodie et ligne musicale qui caractérisera en particulier le cycle Tel jour telle nuit (1937). Ce dernier  est sans doute le sommet de l'univers de la mélodie chez Poulenc : neuf morceaux où le lyrisme des poèmes d'Éluard est transcendé tour à tour sur le ton de la confidence ou d'une violence à peine contenue, au sein d'une organisation qui fait penser en termes de structuration aux grands cycles du Lied allemand, comme les Dichterliebe de Schumann. Une longue péroraison pianistique renforce cette comparaison. Les Fiançailles pour rire, de 1939, constituent un pendant féminin au cycle précédent : empruntant à Louise de Vilmorin, et sous une apparence désinvolte, ils laissent percer des arrières plans tragiques et une indicible nostalgie. Enfin, La courte paille, sur des poèmes de Maurice Carême, de 1960, dédiés à Denise Duval, qui ne les créera pas, offre un cycle miniature aux géniales inflexions, mélange d'esprit (« Le carafon ») et de profondeur (« Les anges musiciens », « Lune d'avril »). Quelques pièces isolées complètent cette anthologie, dont plusieurs sur des textes d'Apollinaire, comme « Montparnasse » ou « Hôtel », dÉluard (« Ce doux petit visage ») et d'Anouilh, tels « Les chemins de l'amour », écrits pour Yvonne Printemps, sur un rythme de valse irrésistible. Pour son premier disque de mélodies poulenquiennes, Sophie Karthäuser affronte une concurrence sévère. La diction est impeccable et nulle affectation ne vient troubler un discours qui ne cherche jamais à solliciter le texte, mais se cantonne dans une réserve assumée. Reste qu'au-delà d'une vocalité accomplie et d'une appréhension certaine de la poétique, on eût aimé plus d'abandon, comme un dépassement de mots. L'accompagnement d'Eugène Asti est valeureux, qui met en valeur la merveilleuse écriture pianistique de Poulenc, même si, là aussi, l'ultime poésie n'est parfois pas assez en évidence.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

« Motherland ». Pièces de JS. Bach, Pyotr Iliych Tchaïkovski, Felix Mendelssohn, Chaude Debussy, Giya Kancheli, György Ligeti, Johannes Brahms, Franz Liszt, Antonin Dvořák, Maurice Ravel, Frédéric Chopin, Alexandre Scriabine, Domenico Scarlatti, Edouard Grieg, Georg Friedrich Haendel, Arvo Pärt, Traditional/ Khatia Buniatishvili. Khatia Buniatishvili, piano. 1CD Sony Classical : 88883734622. TT.: 65'50 .

La volcanique Khatia Buniatishvili ferait-elle dans la modération ? Emprunté au modèle de la compilation introspective concoctée par plus d'une chanteuse, titrée « Les chansons que me contait ma mère », son album « Motherland » rapproche des pièces pour piano évocatrices de souvenirs personnels, résolument inscrites dans le registre de l'intimité. Autant de feuilles d'album qui n'ont d'autre fil rouge que celui des sentiments enfouis. D'où le choix de pièces sur le mode lent, celui de la confession nostalgique, de l'allusion à quelque paysage choisi, ou du rêve d'enfance. Comme à son habitude, Khatia  Buniatishvili livre une conception très personnelle des œuvres jouées. Ainsi « Clair de lune », tiré de la Suite bergamasque de Debussy, fleure-t-elle un déconcertant alanguissement qui en vient à priver ce pur moment de grâce de sa substance même, et la Pavane pour une infante défunte, bien que débutant au juste tempo, se perd vite dans la quasi immobilité d'une mélancolie appuyée. La modeste Étude op 25/7 de Chopin, par contre, s'enfle en un déferlement sonore digne de Lizst. Trop plein d'expression dans l'un et l'autre cas ? Les enchaînements, arbitraires en apparence, ne le seraient pas autant qu'on le croit, car il semble qu'on ait voulu que les pièces s'éclairent les unes par les autres, comme le morceau cité de Debussy et tel Intermezzo de Brahms. Mais conclure le récital sur « Für Alina » d'Arvo Pärt, composition quasi minimaliste et jouée dans l'extrême pianissimo, atteint le comble du paradoxe chez une artiste habituellement plus à l'aise dans l'abattage ; comme il en est de la  transcription, de son cru, d'un chant folklorique de l'ouest de la Géorgie, « Ne m'aimes-tu pas ? », qui se distingue par son emportement sonore. Quelques brefs moments de gaieté évanescente traversent ce panorama nostalgique : une romance sans paroles de Mendelssohn, une danse slave de Dvořák, en forme de dumka, à quatre mains, avec Gvantsa Buniatishvili, sa sœur, ou une Sonate de Scarlatti. Quelques pièces peu connues dérident l'atmosphère aussi : ainsi de Giya Kancheli (*1935), « lorsque fleurissent les amandiers », thème principal du film éponyme de sa compatriote Lana Gogoberidze. Au fil de ces morceaux, on navigue entre sentiment d'évasion à la recherche d'imaginaire, et plus prosaïquement bis de fin de concert. Décidément, une offre pour les fans de la pianiste géorgienne.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

« Je n'aime pas la guitare classique, mais çà j'aime bien! ». Pièces pour guitare seule et pour guitare et orchestre de Joaquín RODRIGO, Isaac ALBENIZ, Manuel DE FALLA, Heitor VILLA-LOBOS, Narciso YEPES, JS. BACH, Domenico SCARLATTI, Claude DEBUSSY, Stanley MYERS, Billy STRAYHORN. Julian Bream, John Williams, Alexandre Lagoya, Ida Presti, Thibault Cauvin, guitare. Chamber Orchestra of Europe, dir. John Eliot Gardiner. Orchestre de chambre RCA, dir. Leo Brouwer. 2CDs RCA  : 88843067072. Distribution : Sony Classical. TT.: 61'15 +60'43.

Sur le modèle du concept des livres « (ex. :la musique) pour le nuls », RCA/Sony a lancé en CD celui de « Je n'aime pas (ex.: la guitare classique), mais çà j'aime bien ! ». Autrement dit une collection conçue sur des thèmes suffisamment généraux susceptibles d'intéresser le plus large public, à partir de morceaux choisis, d'accès facile, et dans le braquet « mid price ». Après l'opéra, le piano, le violon, et aux côtés des éternels adagios, dont le coffret paraît simultanément, le présent volume est consacré à la guitare classique, l'instrument le plus pratiqué des français, dit-on. Il propose un florilège de pièces archi connues, comme l'inusable Concierto de Aranjuez de Rodrigo, et sa non moins rebattue Fantaisie pour un Gentilhomme, et des pièces isolées d'Albeniz, d'Heitor Villa-Lobos  ou de Manuel de Falla. Pour ce faire on a puisé dans les trésors d'archives de la firme RCA. On n'échappe pas à « Asturias », « Mallorca », « Granada » ou encore « Sevilla », extraits de la Suite espagnole op. 47 d'Albeniz. De Manuel de Falla, on peut entendre la non moins célèbre première Danse espagnole pour deux guitares. Pour faire bonne mesure, on a convoqué les 'classiques' JS. Bach et Domenico Scarlatti dont sont offerts quelques bourrée, gavotte ou mouvement de sonates. On n'a eu garde d'oublier l'incontournable romance « Jeux interdits », composée en 1952 par Narciso Yepes, un prodigieux interprète. Quoique on puisse se demander si cette pièce emblématique d'un film culte n'est pas quelque peu passée d'actualité. Les interprétations ne souffrent pas de contestation puisque servies par les princes de l'instrument que furent et restent Julian Bream, John Williams ou Alexandre Lagoya. Voisine avec eux un représentant inspiré de la jeune génération, Thibault Cauvin. Les transferts sont de qualité variable, eu égard aux aléas des prises de son d'origine. Mais les deux pièces concertantes ne trahissent pas leur âge. Et pour encore mieux capter le regard de l'acheteur, on a fait appel au crayon de l'humoriste Sempé.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Frédéric CHOPIN. Dernier concert à Paris : 16 février 1848. Yves Henry, piano Pleyel 1837. Gilles Henry, violon. Adrien Frasse-Sombet, violoncelle. Julie Fuchs, soprano. Xavier Le Maréchal, ténor. 2CDs Soupir Éditions : S226. TT : 53’25 + 39’11. 

Dernier concert à Paris de Frédéric Chopin, le 16 février 1848, voilà une thématique originale pour ce beau coffret de deux CDs. Berlioz lui-même signalait la rareté des apparitions de Chopin, en tant que soliste, toujours dans le cadre rassurant de concerts de chambre et toujours chez Pleyel. Durant les seize années de son séjour à Paris, Chopin ne fera que quatre de ces apparitions mi publiques, mi privées, se situant entre concert et salon, seules adaptées à sa personnalité aristocratique et introvertie, à son jeu laissant une large place à l’improvisation, et à son désir d’échapper à la carrière de virtuose itinérant : de la présentation inaugurale de 1832, de son retour sur l’estrade en 1841 et 1842, jusqu’à l’ultime soirée de février 1848, qui fait l’objet de cet enregistrement, dans un programme varié où le compositeur interpréta certaines de ses œuvres associées à quelques airs de concert empruntés à Mozart, Bellini ou Meyerbeer. Un enregistrement doublement original, car effectué dans le grand salon d’apparat de la maison Chaumet, place Vendôme, à Paris, tout près de l’appartement où Chopin s’éteindra le 17 octobre 1849, et utilisant, de plus, un de ses chers pianos Pleyel. Une interprétation brillante, chargée d’émotion, cantabile où transparait par instant, en filigrane, l’indicible souffrance du compositeur exilé. Une invitation à un concert hors du temps, un fragment d’histoire baigné de nostalgie, à ne pas manquer !

 

Patrice Imbaud.

 

 

Philippe GAUBERT. Musique de chambre avec flûte. Vincent Lucas, flûte, Laurent Wagschal, piano. 2 CDs Indésens : INDE059. TT : 69’42 + 53’02.

Un bien bel hommage rendu par Vincent Lucas et Laurent Wagschal au compositeur français Philippe Gaubert (1879-1941). Compositeur mais également chef d’orchestre, flûtiste, pédagogue, directeur de la Musique à l’Opéra de Paris, un des chefs de file de l’école française de flûte dont l’excellence est reconnue, encore aujourd’hui, dans le monde entier. Un nom toutefois un peu oublié de nos jours du grand public, une omission heureusement réparée par ce superbe coffret de deux CDs proposé par le label Indésens qui poursuit son inlassable promotion de la musique française et des vents français. Le présent enregistrement présente l’intégralité des duos pour flûte et piano. Dans le premier CD différentes œuvres courtes (Berceuse, Esquisses, Madrigal, Sicilienne, Divertissement, Romance, Nocturne et Fantaisie), ainsi que la remarquable Suite datant de 1921, dont chacun des quatre mouvements est dédié à un grand flûtiste (Georges Barrère, Louis Fleury, Marcel Moyse et Georges Laurent). Le deuxième CD propose les trois Sonates et la Sonatine pour flûte et piano. Une musique typiquement française, élégante, limpide, déroulant son fil poétique tout au long d’amples mélodies au charme certain, bien qu’un peu désuet. Une musique délicieuse et délicate, chargée de rêve et de mélancolie, de virtuosité, de joie et de mystère, magnifiée par les deux interprètes installés dans un dialogue parfaitement équilibré où la rondeur et le chant élégiaque de la flûte répond aux attentes d’un piano discret mais omniprésent. Superbe !

 

Patrice Imbaud.

 

 

« Une mort mythique ». Albéric MAGNARD : Sonate pour violoncelle et piano. Pièces pour piano. Alain meunier, violoncelle. Philippe Guilhon-Herbert, piano. 1 CD Hortus. Collection Les Musiciens et la Grande Guerre I : HORTUS 701. TT : 70’37.

Bel esprit d’à propos de la part du label Hortus qui profite de cette année 2014, année de la célébration du centenaire de la Grande Guerre, pour éditer une collection spécialement dédiée aux musiciens de cette époque. Une collection qui devrait compter trente volumes à paraître jusqu’en 2018. En voici, ici, le premier opus consacré au compositeur français Albéric Magnard (1865-1914). Un compositeur qui périt les armes à la main le 3 septembre 1914 en défendant sa maison contre l’envahisseur allemand. Fusillé devant sa demeure incendiée de Baron dans l’Oise, il fut immédiatement héroïsé par toute la nation, la postérité conservant de lui une image de martyr et oubliant quelque peu celle du compositeur. Voila un oubli réparé avec ce disque qui présente plusieurs œuvres de son catalogue, somme toute assez réduit (21 opus). La grande Sonate pour violoncelle et piano datant de 1910, dense et profonde, tourmentée, romantique, aux accents brahmsiens un peu surannés. Le violoncelle et le piano y soutiennent un dialogue en quatre mouvements énergiques, non exempts de charme et de poésie. En Dieu mon espérance et mon épée pour ma défense (1888), Trois Pièces op. 1 (1887) et Promenades op. 7 (1893) constituent l’Intégrale de l’œuvre pour piano dont une partie est présentée, ici, pour la première fois. Ces œuvres variées, à la fois classiques et modernes, témoignent  du savoir faire du compositeur, en même temps qu’elles reflètent les différentes facettes et scintillements de la musique française à la veille de la Grande Guerre. Un disque qui sera pour beaucoup une découverte, une musique pleine de charme et une interprétation de qualité. Que demander de plus ?

 

Patrice Imbaud.

 

 

« 1913 : Au carrefour de la modernité ».  Igor STRAVINSKY : Le Sacre du printemps. Ferruccio BUSONI : Fantasia Contrappunstistica. Claude DEBUSSY : En blanc et Noir. Jean-Sébastien Dureau & Vincent Planès, piano. 1CD Hortus.  Collection Les Musiciens et la Grande Guerre II : HORTUS 702. TT : 70’37.

1913, effectivement une année magique portant tous les germes en devenir de la création artistique du XXe siècle. Une année marquée par une extraordinaire floraison artistique, littéraire et philosophique. Il suffit de rappeler Le Grand Meaulnes d’Alain Fournier, Jean Barrois de Martin du Gard, Du Coté de chez Swann de Proust, Stèles de Segalen, Alcools d’Apollinaire, La Prose du transsibérien et de la petite Jeanne de France de Cendrars, Ève et L’Argent de Péguy, mais également, la fondation du Théâtre du Vieux Colombier par Copeau et de la Roue de bicyclette par Marcel Duchamps. Rajoutons pour mémoire la structuration de la psychanalyse, la scission de Jung, la publication par Freud de Totem et Tabou. Parallèlement, Albert Einstein devient incontournable, le cinéma prend son essor à Hollywood, la bande dessinée est  reconnue, succédant aux comics. 1913, l’année de l’entrée dans la modernité, l’année qui verra s’ouvrir des expositions qui feront date comme Der Sturm à Berlin ou l’Armory Show à New York, sans oublier une effervescence générale où différents courants artistiques s’entremêlent et se disputent, tels le futurisme italien, l'expressionnisme allemand, l’imaginisme londonien, l’acméisme russe, le cubisme et le simultanéisme à Paris. Alors que Debussy, Fauré, Ravel composent des œuvres majeures…Schönberg fait scandale à Vienne le jour même du concert inaugural du Théâtre des Champs-Elysées, le 31 mars. Quelques mois plus tard, Le Sacre du Printemps de Stravinski et Nijinski exalte la vie, valeur dominante chez Nietzsche et Bergson, tandis que s’opposent encore les tenants du positivisme et ceux du spiritualisme, laissant cette année chargée d’espoir et lourde d’interrogations… 1913, une année qui pourrait pour certains, comme Pascal Ory, résumer l’ensemble du XXe siècle culturel en devenir. 1913, année de la naissance du Théâtre des Champs-Elysées, théâtre à l’architecture révolutionnaire, construit en béton armé par les frères Perret, temple emblématique du modernisme triomphant. Un  choix judicieux donc du label Hortus pour ce deuxième opus de la collection « les Musiciens et la grande Guerre », qui présente le Sacre du printemps de Stravinsky (dans sa version pour piano à quatre mains) qui restera dans l’histoire, avec Déserts de Varèse, comme un des plus grands scandales musicaux du  XXe siècle. Jean-Sébastien Dureau & Vincent Planès en donnent, ici, une interprétation haletante et captivante, d’une exceptionnelle qualité pianistique, soutenue par une précision rythmique époustouflante et la sonorité très ample du Pleyel à double clavier en vis-à-vis, utilisé pour cet enregistrement. En Blanc et Noir de Debussy et la Fantasia Contrappunstistica de Ferruccio Busoni complètent agréablement ce disque superbe.

 

Patrice Imbaud.

 

 

« Hommage à Maurice Maréchal ». Johannes BRAHMS : Sonate pour violoncelle op. 38. Gabriel FAURE : Élégie. Claude DEBUSSY: Sonate N° 1 pour violoncelle et piano. Arthur HONEGGER : Sonate. Alain Meunier, violoncelle. Anne Le Bozec, piano. 1 CD Hortus, Collection Les Musiciens et la Grande Guerre III : HORTUS 703. TT : 60’40.

Troisième volume de cette collection spéciale du label Hortus consacrée aux musiciens de la grande guerre, tous genres confondus, compositeurs et interprètes. Un disque conçu comme un hommage rendu au grand violoncelliste Maurice Maréchal par son élève Alain Meunier. Maurice Maréchal (1892-1964) violoncelliste international et pédagogue reconnu fut mobilisé trois ans après avoir obtenu le premier prix de violoncelle au Conservatoire de Paris. Il raconte dans ses carnets intimes comment deux camarades menuisiers lui taillèrent un violoncelle rudimentaire dans le bois d’une caisse de munitions ! Dénommé « le Poilu » cet instrument fut joué au front pour des offices religieux et des concerts destinés aux officiers, en soliste, ou en petit ensemble (Les musiciens du général) avec d’autres musiciens mobilisés comme André Caplet, Lucien Durosoir. Alain Meunier et Anne Le Bozec lui rendent ici un vibrant hommage, à l’occasion du cinquantenaire de sa mort, en interprétant la Sonate op. 38 de Brahms qu’il adorait jouer, la Sonate n° 1 de Debussy composée en 1915 et apportée au front par Caplet, jouée par deux fois à Debussy lors de permissions parisiennes, la Sonate d’Honegger et l'Élégie de Fauré. Là encore une interprétation d’une grande qualité où l’on regrettera parfois la sonorité assez sèche du Bechstein 1888 d’Anne Le Bozec faisant contraste avec le lyrisme et la rondeur du jeu d’Alain Meunier.

 

Patrice Imbaud.

 

 

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MUSIQUE ET CINEMA

 

Haut

GREAT BLACK MUSIC et CINEMA

Jusqu’au mois d’août la Cité de la Musique propose une magnifique exposition sur la vitalité de la musique noire et son importance dans la société urbaine aujourd’hui. Du blues au rap en passant par le jazz, le R&B, la musique cubaine, africaine, tous les courants de la musique noire y sont exprimés. De concert avec cette exposition notre rubrique musique et cinéma va s’intéresser aux BO des films en rapport avec la Black Music.  A l’origine, le jazz est présent comme support des films « noir » (sans jeu de mots), des films policiers, des casses (cf. NL de 6/2014), mais les acteurs noirs, eux, n'interprétaient que des rôles d’esclave, de jardinier, de domestique, de danseur ou de musicien, de petit gangster et pour les femmes, de nounou ou de prostituée. Très peu de films étaient joués par des noirs. En 1943, on trouve « Stormy Weather » de Andrew L. Stone, et « Cabin in the Sky » de Vincente Minnelli, totalement joués et chantés par des noirs. En 1954, la nouvelle star de la chanson, Harry Belafonte, et la sublime métis Dorothy Dandridge chantent dans une « Carmen Jones » noire réalisée par Otto Preminger. Le film est interdit en France par les héritiers de Bizet jusqu’en 1981 ! En 1957, avec « Island of the Sun » de Robert Rossen, le couple récidive. La musique du film et la chanson interprétée par Belafonte sont un succès. Le film fait scandale et il est interdit dans certains États des États-Unis.

Il faut attendre les années 70 avec le courant « black exploitation », ou « blaxploitation », pour que soit revalorisée l’image du Afro-Américain au cinéma. Il offre aux acteurs noirs de vrais rôles. Mais ce qui fait le succès de ces films c’est avant tout leur BO. Tous les genres sont déclinés : du polar à la comédie en passant par le cinéma fantastique. Jazzmen ou artistes de soul, de funk, participent à cette aventure. En 1971, Melvin van Peeble tourne « Sweet Sweetback’s Baadasss Song ». Le film est comme un coup de tonnerre dans l’industrie du cinéma hollywoodien. Melvin van Peeble a lui-même composé la musique et on y entend un groupe qui à l’époque est peu connu, Earth Wind and Fire. L’industrie hollywoodienne s’engouffre dans ce marché juteux. La MGM renfloue ses caisses grâce à « Shaft » réalisé par Gordon Park, un journaliste et réalisateur noir. Le film sera un succès planétaire à cause de la BO écrite par Isaac Hayes. Hayes écrira trois ans plus tard la musique du film de Tuccio Tessari, « Three Tough Guys ». Tessari était connu comme réalisateur de western spaghetti (co scénariste « D’une Poignée de Dollar » et réalisateur des « Ringo »). Chaque film, au scénario généralement médiocre, sera l’occasion d’une bande sonore de grande qualité qui aura souvent plus de succès que le film lui-même. Ainsi pour « Superfly » l’auteur est Curtis Mayfield. La BO devient culte avec des tubes comme Superfly ou Pusher Man. Le jazzman, vibraphoniste Roy Ayers compose une superbe musique pour « Coffy la Panthère Noire de Harlem ». Ce sont les débuts à l’écran de Pam Grier et de Dee Dee Bridgewater dans la bande son. Tarantino, grand connaisseur de ce cinéma, reprendra quelques titres de la blaxploitation dans « Jackie Brown ». Il fera revivre en 1997 Pam Grier, actrice oubliée. Un autre grand du jazz, le tromboniste bebop J.J. Johnson, compose en 1973 la BO de « Cleopatra Jones » de Jack Starrett, ainsi que « Willie Dynamite » de Gilbert Moses et «Across 110th Street » de Barry Shear. Edwin Starr, chanteur et compositeur de chez Motown compose celle de « Hell Up in Harlem », et Willie Hutch de « The Mac ». James Brown, en 1973, ne sera pas en reste et écrira la médiocre BO pour «  Black Caesar » ; Marvin Gaye, plus inventif, celle de « Trouble Man ». Dans le dernier « Captain America, le Soldat de l’Hiver » (2014) on fait comprendre à ce super héros que la seule chose qu’il a manquée pendant qu’il était dans les glaces c’est la musique du film de « Trouble Man » (sourires !)… Un film un peu oublié, mais une musique qui fait encore danser les nouvelles générations, est celle de « Car Wash », réalisé en 1976, par Michael Schultz. Elle a été écrite par un des fondateurs de la Motown, Norman Whitfield. C’est une des plus belles bandes sonores de l’époque disco et une des seules musiques récompensées au festival de Cannes. Le célèbre Barry White sera le compositeur de « Together Brothers » dirigé par William A. Graham, mais ne chantera qu’une chanson.

Toutes ces musiques de films sont pratiquement faites sur le même moule : cordes lancinantes et cuivres très présents avec la guitare whawha et la basse très en devant dans les mixages. Une ou deux chansons sont en général interprétées par le compositeur-chanteur soul. Le rythme syncopé à la Curtis Mayfield et la whawha à la Shaft seront les références de toutes ces BO. En l’espace de seulement quelques années le nombre de films de la blaxploitation a été impressionnant mais le public s’est vite lassé de la médiocrité de ce cinéma. La musique, elle, est restée. Tarentino a ressuscité ce genre comme il l’a fait sur d’autres styles de cinéma. Plusieurs albums de compilation « music from blaxploitation » se trouvent offerts sur internet mais certains proposent des morceaux de soul ou de funk qui n’ont rien à voir avec les bandes originales elles-mêmes. Pour ceux qui veulent en connaître un peu plus sur ces musiques, nous proposons en premier, mis à part « Sweet Sweetback’s Baadasss Song »,  les albums de « Superfly », « Shaft », « Car Wash », « Coffy » et « Cleopatra Jones ». Il est aussi intéressant d’écouter la BO de « Jackie Brown » de Tarentino. « Can You Dig It ! » est la seule bonne compilation sur les films de cette époque.

 

https://www.youtube.com/watch?v=LSpvY9K5STE

https://www.youtube.com/watch?v=NiwoFK8nwZ0

https://www.youtube.com/watch?v=zNnD7ZzoyJw

 

Stéphane Loison.

ENTRETIEN

RENAUD BARBIER, compositeur du film « Le Dernier Diamant » d'Éric Barbier.

Cette musique avait été analysée récemment (cf. NL de 5/2014). Pour compléter nous avons réussi, ce moi-ci, à obtenir un entretien avec le compositeur.


DR

Comment êtes-vous entré dans le monde de la musique ?

« A huit ans à Brignoles, petite ville du Var, j’entends Beethoven, une musique avec une telle énergie qu’elle me donne envie de faire du piano et de jouer ce compositeur ! Je me débrouille pour acheter un piano par le biais de mes grands-parents, de la famille. Mes parents étaient assez ouverts sur l’art. Mon père était psychanalyste et ma mère maîtresse de maternelle. Elle accueillait les enfants le matin avec la musique de Morricone. Je pense que cela a dû jouer pour la suite. Dix ans de piano classique, pas de conservatoire, un professeur privé, pas d’harmonie, pas de solfège. Je faisais aussi beaucoup de sport et à un moment il a fallu que je choisisse, et j’ai choisi la musique. A 16 ans et demi je monte mon premier groupe sans connaître l’harmonie. On a mélangé nos styles : moi le classique, eux le rock, c’est parti sur une envie de créativité. On répétait deux fois par semaine, fin des années 80. J’ai découvert le jazz rock, le Weather Report, Coréa et Jarret qui m’ont beaucoup marqué, puis Coltrane, Miles…Notre groupe, « Sixième Sens », m’a amené à faire beaucoup de concerts, puis je suis entré en 1990 au Centre Créatif Musical de Nancy en jazz et fusion. J’avais passé mon bac, commencé la fac en math physique chimie et j’ai tout arrêté. J’ai fait un an à Nancy qui était un peu le Berklee de l’époque. C’était une école internationale, privée. J’avais eu une bourse par l’AFDAS. A Nancy, j’étais tellement ouvert à la musique que j’ai tout appris au niveau de l’harmonie, du rythme. Je suis sorti major de ma promotion avec Franck Aguhlon, le célèbre batteur de jazz. J’ai eu une formation jazz et puis je suis devenu prof dans l’école et j’ai écrit une méthode de piano, car pour moi, avant le solfège, il faut être à l’écoute de la passion des enfants. Ça a superbement marché. J’avais 22 ans lorsque je suis parti à Barcelone avec un copain auditionner pour avoir une bourse pour Berklee. Je vous passe les détails de cette folle aventure de Bourse. Je suis parti quand même à Boston sans savoir si j’allais pouvoir suivre les cours, n’ayant pas encore l’argent. Je me retrouve dans la classe du professeur de Keith Jarret ! J’ai eu mon financement et j’ai pu rester à Boston pendant quatre ans. En 1995 j’ai pu assister à la classe de Pomeroy et c’était une révolution pour moi. J’ai étudié la composition symphonique, la musique pour l’image et le piano jazz. En dehors des cours j’ai écrit des compositions orchestrales et des musiques de films. A partir de là j’ai pu grâce à un agent et une bourse m’installer à Los Angeles. J’avais écrit un ballet et j’ai eu une commande d'une pièce symphonique pour la ville de Marseille pour ses 26 siècles d’existence. J’ai donc eu un dilemme entre Marseille et Los Angeles. Finalement je suis allé à Marseille.»

Quelle a été votre première composition importante pour l’audiovisuel ?

Un téléfilm pour M6 grâce au réseau de mon frère : « Peur Blanche » d’Olivier Chavarot, qui a été primé à Cognac en 1998.

Parlez moi un peu de votre frère ?

On a dix ans de différence d’âge avec Éric. J’avais sept ans quand il a quitté la maison. Il est réalisateur, il avait fait « Brasier » puis après l’échec de son film il a fait de la publicité. On a travaillé ensemble sur son deuxième long-métrage « Toreros » en 2000, qui n’a pas bien marché aussi.

Travailler avec son frère est-ce compliqué ?

Ce n’est pas évident, on est très différent, et puis il y a notre différence d’âge. Il regardait ce que je faisais avec bienveillance. Il me disait qu’il n’aurait pas eu le courage de faire ce que j’avais fait. On a travaillé ensemble sur « Toreros » parce qu’il n’y avait plus d’argent pour faire la musique. J’étais en tournée dans le sud, il m’a donné dix jours pour faire le score. Heureusement j’ai pu engager deux amis arrangeurs pour m’aider.

Avec « Le Dernier Diamant », et comme dans tous les films de casse, pourquoi met-on du jazz ? C’était une volonté de votre frère ?

Non c’était plutôt inconscient. Après « Toreros » j’ai travaillé sur « Le Serpent ». Il m’a demandé de faire un essai musical et il a adoré ainsi que les producteurs. Les critiques ont été bonnes. C’est après ce film qu’il m’a demandé de continuer avec lui, et on a fait quelques publicités ensemble. « Le Serpent », ce n’était pas mon univers mais j’aime bien entrer dans l'univers des gens et apporter ce qui peut le faire exister. J’ai lu toutes les moutures du scénario de « Le Dernier Diamant ». Éric était ouvert sur toutes les propositions musicales que je pouvais lui faire. Moi, je voulais beaucoup de cuivres, quelque chose de charnue, enregistrer en live et en analogique, avec du grain ; quelque chose d’un peu sale, brut ; d’où cette volonté d’enregistrer en direct. C’était plus compliqué. On a fait deux mix, un pour le film et un pour le CD. On a enregistré à Rochefort-sur-Mer avec un quintette de vents, avec des cordes et les cuivres plus devant. Le but c’était de mettre en avant la bande des casseurs, le côté noir, et faire le contraire pour Bérénice Béjo avec les cordes plus romantiques. On n’a pas complètement poussé à fond les cuivres pour le film car ça saturait, mais on l’a fait pour le CD. A Rochefort on a enregistré sur bande magnétique, pas en numérique, d’où ce résultat assez spécial.

C’est un superbe CD, c’est CristalRECORDS qui l’a produit ?

En fait, j’ai ma boîte de production et j’ai produit la musique du film. On est coproducteur avec Cristal et Vertigo.

Vous avez fait beaucoup de belles musiques pour la télévision dont une que j’apprécie particulièrement, « Vauban la Sueur Epargne le Sang », le documentaire de Pascal Cuissot. Elle est totalement différente de ce que vous composez et elle ne fait pas copie de la musique du XVIIIème.

Oui j’en suis assez content. Je venais de faire un film avec Jérôme Boivin, « Vital désir », un téléfilm sur l’hormone de croissance, assez dur. Judith, sa femme, est luthière, elle fabrique des violes de gambe. Je l’ai rencontrée, je voulais faire une musique pour « Vauban » assez moderne avec des instruments anciens. Elle m’a trouvé des solistes. La composition était pour viole de gambe, clavecin et orchestre moderne. J’aime enregistrer tous les instruments ensemble. Il y a une magie qui s’opère entre les musiciens. Inutile de vous dire que ça été une galère car la viole de gambe se désaccorde tout le temps. C'était mon premier contrat avec Cristal. Il y a eu une belle audience sur Arte.

Et aujourd’hui vous travaillez encore pour Arte ?

Oui, sur un documentaire, « Les Impunis », d’Agnès Gattegno, réalisatrice très engagée, et qui a pour thème les narcotrafiquants. C’est un choc ! Je l’ai rencontrée grâce à la monteuse du Serpent. Le film a été monté sans musique. Je compose une musique avec seulement deux instruments. J’ai aussi un autre projet pour Arte, sur la préhistoire du cinéma avec Pascal Cuissot, le réalisateur du « Vauban ».

Comment se faire connaître dans ce milieu où la plupart des réalisateurs sont incultes au niveau musical ?

Il faut travailler sur un film qui a du succès. J’ai deux projets de cœur, un avec un mexicain, Mauricio Isaac, avec qui j’avais fait « Mejor es que Gabriela no se Muera » qui a eu un grand prix à LA, et un autre avec un réalisateur d’animation le peintre Borislav Sajtinac pour qui j’avais composé la musique de “ Le Tueur de Montmartre”, qui a reçu de nombreux prix.

Quel compositeur appréciez-vous le plus, celui avec qui vous vous sentez le plus proche ?

En musique de films, c’est sans hésiter Bernard Hermann, mais aussi Ennio Morricone. En musique contemporaine j’aime beaucoup Henri Dutilleux, c’est un immense compositeur.

 

Desplat a Audiard, Bource a Hazanavicius, Hetze a Desplechin, Rombi a Ozon, Serra a Besson. Espérons que Barbier trouvera son Hitchcock. On le lui souhaite de tout cœur. Peut-être est-ce son grand frère ?

 

https://www.youtube.com/watch?v=quqyN-k0gOo

Propos recueillis par Stéphane Loison.

 

 

BO EN CD

 

 

LOUIS DE FUNES Musiques de film 1963-1982. 4CD Collection Écoutez le Cinéma : 378 2239.

En juillet 2014 Louis de Funès aurait eu cent ans. Les films dans lesquels il a joué dans la deuxième partie de sa carrière ont été d’immenses succès et continuent à faire rire les nouvelles générations. La collection « Écoutez le cinéma ! » a réuni chronologiquement dans une même anthologie les partitions emblématiques qu’elle avait proposées au cours des années. En cinq heures de musique, tous les grands films défilent : « Fantômas », « Les Gendarmes », « Le Corniaud », « La Grande Vadrouille », « Oscar », « La Folie des Grandeurs », « Les Aventures de Rabbi Jacob »… ainsi que les grands noms de la musique pour le cinéma, Georges Delerue, Michel Magne, Raymond Lefèvre, Michel Polnareff, Vladimir Cosma… C’est un bel hommage et une manière de se remémorer les grands moments d’un cinéma populaire.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=4UUgVAoleEY

https://www.youtube.com/watch?v=oijunPaCRZo

https://www.youtube.com/watch?v=g1uCUtIwU9U

 

DRAGON 2. Réalisateur : Dean Deblois. Compositeur : John Powell. Sony Classical n°88843071602

Le film sort le 7 juillet 2014

John Powell est un habitué des films d’animation. « L'Âge de Glace, Happy Feet, Rio 1 et 2, Kung Fu Panda, Chicken Run, Shrek, Fourmiz », tous ces films sont de DreamWorks, donc de haute qualité au niveau scénario et animation. « Dragon » était déjà un excellent film et le numéro 2 a les mêmes qualités. Le réalisateur canadien Dean Deblois a une grande habilité pour réaliser ce genre de cinéma. Il a commencé chez Walt Disney avant d’intégrer DreamWorks. Il a été le scénariste de « Mulan ». Un esprit irlandais règne dans cette musique, - « For The Dancing And The Dreaming », chanson interprétées par Gerard Butler, Craig Ferguson et Mary Jane Welles. On trouve aussi une chanson du chanteur du groupe Sigur Rós Jónsi, « Where No One Goes ». Dean Deblois avait fait un documentaire sur ce groupe. John Powell nous offre des compositions larges, épiques, joyeuses avec voix, flutiaux, flûtes, cornemuses irlandaises, ambiances moyenâgeuses dansantes. On s’envole, on est dans un monde mythique nordique. Bien sûr, il doit y avoir quelques moments d’émotion avec violon, harpe celtique ou piano solo. John Powell ne cherche pas à nous épater, il possède un bon savoir faire et cela se sent dans ses orchestrations. Lorsqu’on ne sait pas de qui est la musique, on peut dire c’est du John Powell, car sa particularité est d’arriver à se fondre dans l’univers qu’on lui demande de créer. On est loin avec « Dragon 2 » de « Braquage à l’Italienne », de « Robots », de « Volte/face » ou des « Mémoire dans la Peau ». On lui doit la belle musique pour le mélo « PS I Love You », à l’opposé de celle-ci. L’écoute de ce CD est très agréable, on a comme une sorte d'image symphonie entre Grieg et Ravel. Pour notre part on avait beaucoup apprécié ce qu’il avait écrit pour un film français « Au Bonheur des Ogres » de Nicolas Barry. Un film à voir ainsi que « Dragon 2 », et à découvrir ces deux musiques.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=n30rxe3_xFQ

 

LUIS MARIANO. 1 CD Milan n° 399 574-2

Voilà d’abord une voix qui a subjugué toute une génération. Luis Mariano aurait pu être un grand ténor d’opéra, mais il s’est dirigé vers l’opérette et a y eu un succès phénoménal. Pour le centième anniversaire de sa naissance, les éditions Milan Music sortent un CD de ses grands succès. Toutes ses chansons on les retrouve dans les films où il a joués. C’est Richard Pottier qui a filmé les opérettes telles que « Violettes Impériales », « Le Chanteur de Mexico » ou « Rendez-vous à Grenade ». Gilles Grangier, Raymond Bernard, André Berthomieu, tâcherons du cinéma français, l’ont utilisé dans des films insipides dont les seuls moments de grâce sont ceux où Mariano chante. Ce disque est surtout destiné aux nostalgiques des opérettes de Lopez et d’une certaine époque supposée insouciante.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=cZNUgC2gkJE

 

 

UNE PROMESSE. Réalisateur : Patrice Leconte. Compositeur : Gabriel Yared. 1CD Fidélité pl n°404287

Le scénario est basé sur la nouvelle de Stefan Zweig : «  Le Voyage dans le passé ». En Allemagne, en 1912, dans la Ruhr, un jeune secrétaire pauvre tombe amoureux de la jeune femme de son patron, un industriel âgé. « Une Promesse » est un beau mélo, bien réalisé, superbement joué par un trio d’acteurs - Richard Madden, l’intrépide Robb Stark de la célèbre série « Game of Thrones »,  Alan Rickman, le fameux Rogue de la série « Harry Potter », et Rebecca Hall, lancée au cinéma par Woody Allen dans Vicky Christina Barcelona - et accompagné par une musique de Gabriel Yared. Sa musique colle parfaitement aux images, à l’action, aux sentiments des personnages. Elle nous transporte dans cette folle histoire d’amour qui ne nous laisse pas insensible. Patrice Leconte change souvent de compositeur au grès de ses films, ce qui assez rare au cinéma.  On peut citer parmi la dizaine de compositeurs qui ont collaboré avec lui : Alexandre Desplat, Pascal Estève, Étienne Perruchon, et Antoine Duhamel qui a écrit la magnifique musique de « Ridicule ». Avec « La Promesse », Yared nous entraîne dans une musique simple, intime et qui vous envahit dès la première note. Comme le dit Leconte à propos de Yared, « Dans son écriture, j'aime passionnément sa capacité à traduire la complexité des mouvements du cœur, avec pudeur et retenue ». Le CD restitue bien cette ambiance. Un film et un CD coup de cœur.

 

 

 

GOLDEN NEEDLES. Réalisateur : Robert Clouse. Compositeur : Lalo Schifrin. Music box  records MBR-050

Afin de célébrer le 50ème album de sa collection, Music Box Records propose pour la première fois en CD la bande originale du film « Golden Needles » (Les 7 aiguilles d'or / L'aventurière de Hong-Kong) composée et dirigée par Lalo Schifrin. Réalisé en 1974 par Robert Clouse, ce film d'aventures est interprété par Joe Don Baker, Elizabeth Ashley, Ann Sothern, Jim Kelly et Burgess Meredith. À Hong-Kong, Dan, un détective privé Américain est chargé de récupérer une statuette en or contenant sept aiguilles d'acupuncture en or volées par Lin Toa, chef de la mafia locale. Plantées selon un schéma très précis, les aiguilles rendraient la jeunesse éternelle, mais mal utilisées, elles provoqueraient la mort. Le milliardaire Winters et la mystérieuse Felicity convoitent également ce fabuleux trésor. Essentiellement connu pour ses films d'action / aventure et d'arts martiaux, dont le dernier film de Bruce Lee « Opération Dragon » (1973), Robert Clouse fait de nouveau appel au célèbre Lalo Schifrin. Tous les codes du genre sont respectés : éléments orientaux, percussions électroniques, riffs de jazz et motifs syncopés. Transférée à partir des bandes master issues des archives de la MGM, la partition totalement inédite de Lalo Schifrin propose l'intégralité de la musique du film. Les notes du livret sont signées par Gergely Hubai. Un CD pour les fondus de Schifrin et les collectionneurs. L’album est en série limitée.

 

 

 

BIRD PEOPLE. Réalisatrice : Pascale Ferran. Compositrice : Béatrice Thiriet. Cristal Records n°B0016

Béatrice Thiriet a composé pour de nombreux réalisateurs tant au cinéma qu’à la télévision : Dominique Cabrera, Jacques Deschamps, Radu Miailheanu, Joêl Farges, Marc Esposito, Pierre Javaux, Xavier Durringer, Eyal Sivan. Elle écrit aussi des œuvres symphoniques, de la musique de chambre et de l’opéra. Pour la musique de « Bird People », Béatrice Thiriet joue les parties de piano et a fait appel au Star Pop Orchestra dirigé par Mathias Chartron, orchestre à géométrie variable qui, comme l’illustre Boston Pops dirigé par John Williams dont il tire son nom, a pour vocation de démythifier les concerts classiques. Elle avait composé pour cette même réalisatrice une belle musique pour accompagner « L’Amant de Lady Chatterley ».

 

 

 

L’ETAT SAUVAGE / LE GRAND FRERE. Réalisateur : Francis Girod. Compositeur : Pierre Jansen. Music box records.com  MRB 045.

Musicbox qui a déjà proposé des musiques de films de Francis Girod, offre aujourd’hui sur un même CD « L'État Sauvage »(1978) et le « Grand Frère ». « L’État Sauvage » est adapté du roman de Georges Conchon (prix Goncourt 1964) et traite des premières heures de la décolonisation dans un État africain imaginaire, à travers le destin tourmenté de cinq personnages principaux. « Le Grand Frère » (1982) est une adaptation du roman de Sam Ross, Ready for the Tiger. Trahi par un compagnon, Gérard Berger, ancien légionnaire, le retrouve et le tue. Témoin du meurtre, le jeune Ali va se lier d'amitié avec Berger.

Pour la musique de « L’État Sauvage » Pierre Jansen ne fait aucune allusion musicale à l’Afrique. L’écriture est, comme il en a l’habitude, très dissonante, sans thème, une musique rugueuse, résolument contemporaine. Pour « Le Grand Frère », la musique est plus traditionnelle. On y distingue deux volets : d’une part, les plages symphoniques destinées à mettre en relief la dramaturgie du scénario et la psychologie des protagonistes, et d'autre part, les musiques de source. Ces partitions sont, comme souvent, de grands moments de musique. Jansen a abandonné la musique de film pour n’écrire que de la musique de concert. On peut se souvenir qu’il était le compositeur attitré de Chabrol dès les années 1960 avec « Les Bonnes Femmes ». Suivront de superbes partitions telles que celles de : « Le Boucher », « La Décade prodigieuse », « Les Noces Rouges », « Violette Nozière »… ». La présente édition est limitée à 500 exemplaires. Les notes du livret sont signées par Laurent Perret qui a pu recueillir les souvenirs du compositeur.

 

LE VENT SE LEVE. Réalisateur : Hayao Miyazaki. Compositeur : Joe Hisaishi. Studio Ghibli records import TKCA 73920

Les japonais Joe Hisaishi et Hayao Miyazaki se retrouvent une dixième fois pour un nouveau film d'animation de Studio Ghibli. Yumi Arai signe la chanson “Hikoki Gumo” (issue de son tout premier album), présente en générique de fin. L’un comme l’autre n’ont plus rien à prouver. Ce film sera le dernier de Miyazaki. La partition est sans surprise mais toujours aussi lyrique, mélancolique, très bien orchestrée, et elle a le don de nous émouvoir, de nous enchanter. Le film n’est pas à proprement parler un film pour tout public et la musique est moins évidente à l’écoute que les précédentes. Bien sûr, il y a une certaine filiation avec un autre film d’animation, à savoir « Porco Rosso ». Le film et le CD s’ouvrent par une mélodie d’inspiration italienne, avec mandoline et accordéon. C’est ce thème mélancolique à souhait que nous entendrons pendant tout le film avec différentes variations orchestrales. Le piano est toujours présent chez Hisaishi, il donne une certaine unité à la partition. Il y a beaucoup de douceur et de tristesse dans cette musique ainsi que dans le film. Comme pour tous les autres CD de musique de Hisaishi, il faut se procurer cette BO. Hélas elle n’est pour l’instant qu'en import.

 

https://www.youtube.com/watch?v=sKeoLNJKmo0

 

 

THE BLUE MAX. Réalisateur : John Guillermin. Compositeur : Jerry Goldsmith. La-la land Records n° llmvd 1296

Au cœur de la première guerre mondiale, un jeune pilote allemand ne recule devant rien, y compris séduire la femme de son général, pour obtenir la "Blue Max", la plus haute des distinctions militaires. 20th Century Fox et La-La Land Records ont remixé la bande sonore de ce film qui date de 1967 et proposent 2CD avec des scores inédits. C’est une très belle partition de Jerry Goldsmith qui pour l’interpréter a eu des moyens colossaux - un orchestre de cent musiciens - et même une machine à vent. Il fallait un compositeur de cette envergure pour accompagner les impressionnantes scènes de bataille aérienne. Cette musique grandiose, brillante, contemporaine, jouée par le National Philharmonic Orchestra méritait une ressortie. La-La land l’a fait. Il n’y aura pas beaucoup d’heureux car c’est une édition limitée.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=fG5ulty8y9k

 

 

JERSEY BOYS. Réalisateur : Clint Eastwood. Compositeur : Bob Gaudio. NEW YORK MELODY.Réalisateur : John Carney. Compositeur : Greg Alexander

Deux comédies musicales sortent dans les salles en ce moment : « Jersey Boys » et « New York Melody ». L’une se passe dans les années 60, l’autre aujourd’hui. Elles ont un point commun, l’ascension de chanteurs dans la grande tradition des comédies musicales d’antan. La route pour arriver tout en haut de l’affiche est semée d’embûches, mais avec persévérance, avec énergie, « yes we can »! C’est toute la philosophie américaine qui se dégage de ces deux films.

 

« JERSEY BOYS » retrace l'ascension et le déclin du groupe de rock légendaire The Four Seasons avec le chanteur à la voix haut perchée Frankie Valli. Comme pour le spectacle de Broadway dont s'inspire le film, les comédiens ont rompu la convention cinématographique et s'adressent directement à la caméra, et donc au spectateur. Frankie Valli est celui qui chante le thème de « Grease », pour ceux qui n’ont pas connu les années soixante. La mise en scène d’Eastwood est très académique mais son film se laisse regarder avec beaucoup de plaisir. Le sujet est intéressant car il montre comment grâce à la chanson, même si cela a été difficile, des petits malfrats ont pu se sortir de leur ghetto. La bande sonore est faite des chansons écrites par Bob Gaudio pour la musique et Bob Crewes pour les paroles. Elles sont devenues des classiques de la culture populaire américaine : Sherry, Big Girls Don’t Cry, Walk Like a Man, et le succès planétaire Can’t take My Eyes off You, reprise par Sinatra, Gaynor, Hill, et même par le groupe Muse. On les écoute une fois et on est bon pour les avoir dans la tête toute la journée !

« NEW YORK MELODY » est un peu plus complexe dans le scénario. Gretta et son petit ami Dave débarquent à New York pour y vivre pleinement leur passion : la musique. Leur rêve va se briser et leur idylle voler en éclats quand, aveuglé par son succès naissant, Dave va plaquer Gretta pour une carrière solo et une attachée de presse. Son billet de retour pour Londres en poche, Gretta décide de passer une dernière nuit sur place. Encouragée par son meilleur ami, elle se retrouve à chanter sur une scène d’un pub de la ville. Dans la salle, un producteur de disques revenu de tout et en perte de vitesse va tomber sous le charme de la voix de Gretta. Malgré les embûches de toute sorte, il parviendra à réaliser un disque avec Gretta, qui sera un vrai succès. Outre Keira Knightley, Gretta la chanteuse, Mark Ruffalo, Dan le producteur, Adam Levine, Dave la rock star, il y a, comme on le trouvait dans certaines anciennes comédies musicales, une autre actrice très présente : la ville de New York. John Carney sait l’utiliser dans sa mise en scène. Le scénario est original et on a beaucoup de tendresse pour ce couple improbable (dans le film) que forme Gretta et Dan. Réunis par une même passion et un même désespoir, ils vont entamer une collaboration musicale qui va se muer en une profonde amitié et changer le cours de leur vie. Bien sûr, la musique est au centre du film. Elle est due à Gregg Alexander. Il est plus connu en tant que chanteur du groupe New Radicals avec qui il a fait l’album « Maybe You’ve been Brainwashed Too » qui s’est vendu à plus de deux millions d’exemplaires dans le monde. Pour le film, il a composé plusieurs chansons originales reflétant les différents styles de musique populaire d’aujourd’hui mais aussi l’état émotionnel des personnages. Les chansons devaient évoquer l’atmosphère et le rythme effréné de la métropole la plus animée des États-Unis. Le travail musical d’Alexander est exceptionnel. Enregistrer en direct l’album de Gretta dans des lieux mythiques de New York, sortir des fameuses scènes de studio, est une belle idée de scénario. New York Melody est une vraie comédie musicale contemporaine. La musique du film peut être téléchargée sur le site de Polydore.

https://www.youtube.com/watch?v=08ziDo8Luws

 

 

 

Stéphane Loison.

 

 

LIVRES

 

Vincent Amiel : LANCELOT DU LAC de ROBERT BRESSON. 1 vol. PUF Collection « Le Vif du Sujet », 112 p.

Quatrième de couv’ : « L’objet de cette étude est double : d’une part mettre en perspective les images de Lancelot du Lac de Robert Bresson et celles qui ont traité du même cycle arthurien, des enluminures médiévales au cinéma hollywoodien, d’autre part tenter de situer les innovations poétiques et formelles de ce film dans son temps, dans le contexte du cinéma contemporain. Approche iconographique et esthétique, l’étude du film met en avant l’extrême rigueur formelle de Robert Bresson, et la beauté rare de ses choix de montage. Une analyse des rythmes, des répétitions, des mouvements propres au « cinématographe » de Bresson voisine ici avec une réflexion sur les thèmes des récits de la Table ronde, et la tragédie d’un monde qui disparaît dans un désordre parfaitement mis en forme. »

 

Vincent Amiel est professeur d’études cinématographiques à l’université de Caen-Basse Normandie. Directeur de la revue Double jeu, il est par ailleurs critique (pour les revues Positif et Esprit en particulier) et essayiste dans les domaines du cinéma, mais aussi de la télévision et des images en général. Il a publié notamment « Les Ateliers du 7e art » (Gallimard, 1995),L »e Corps au cinéma, Keaton, Bresson, Cassavetes » (PUF, 1998), « Esthétique du montage » (Armand Colin, 2001, 2005), « Formes et obsessions du cinéma américain contemporain » (Klincksieck, 2003), et « Joseph L. Mankiewicz et son double » (PUF, 2010, Prix du meilleur livre de cinéma, Syndicat de la critique de cinéma). Le problème de ce type de livre est qu’il faudrait pouvoir répondre point par à point à ce qu’avance l’auteur. Il y a une telle subjectivité, un tel ton professoral, des phrases tellement alambiquées qu’il est impossible de s’y retrouver et même de le critiquer. Malgré tout son talent d’écrivain, il faut bien reconnaître qu’à la lecture de cet essai, on a l'impression que Vincent Amiel enfonce souvent des portes ouvertes. Il le dit d’ailleurs : les portes ne sont là dans le cinéma de Bresson que pour être franchies ! Musset disait qu’elles doivent être ouvertes ou fermées. Comme il l’écrit, c’est la simplicité et l’évidence des actions qui sont mises en action dans le film de Bresson. Il aurait pu s’appliquer cette phrase à lui-même. Pour qui écrit-il ce livre ? Pour ses quelques étudiants ? Pour lui ? Il aurait pu au début de cet ouvrage dont la mise en page est très sympathique - les illustrations, un clin d’œil à l’histoire du cinéma de Godard ?  -mettre au moins la fiche technique du film. Tout n’est pas à rejeter bien sûr. L’introduction est intéressante, la suite est à feuilleter. J’ai apprécié toute sa théorie filmique des gros plans de Bresson dans les scènes de tournois ou de bataille. Bresson y était bien obligé vu le peu de budget qu’il avait pour faire le film, et puis il n’a jamais été un adepte des plans larges, son objectif préféré était le 50mm. Kenneth Branagh avait eu les mêmes problèmes de budget dans « Henri V » pour filmer la bataille d’Azincourt et les gros plans de cette bataille sont devenus célèbres. La collection « Le vif du sujet » est peut-être une collection intéressante et les autres albums plus attractifs mais ne les ayant pas lus je ne peux porter un jugement.

 

Pour ceux qui aiment Bresson, il existe, chez Gallimard, un livre de ses réflexions sur le cinéma où tout est dit. Bresson c’est le mystère, alors il est difficile de tout vouloir expliquer …

 

 

Alexander Kluge : L’UTOPIE DES SENTIMENTS. Essais et histoires de cinéma. 1 vol PUF Collection « Le Vif du Sujet », 228 p.

Ce recueil est une proposition théorique ambitieuse : pour introduire à l’œuvre monumentale et multiple d’Alexander Kluge, il est composé à la fois d’essais rédigés entre les années 1960 et 1980 et de textes littéraires des années 2000, des « histoires » consacrées elles aussi au cinéma et aux médias (dont quatre récits inédits). Sa forme n’est pas sans rappeler la technique même d’Alexander Kluge, qui a constitué son œuvre en constellation de fragments, qu’il expose à toutes sortes de montages et de remontages. Le titre lui-même, L’Utopie des sentiments, rend hommage à la place centrale de la subjectivité dans la vision de l’artiste qui y voit le lieu d’une rencontre dialectique et révélatrice entre le privé et le public, entre le personnel et le politique. Sa théorie du cinéma met au centre le rôle du spectateur : les films, comme les médias, n’existent que par lui, au cœur de son imagination. Figure centrale de la culture allemande contemporaine, Alexander Kluge est tout à la fois cinéaste, écrivain, enseignant, philosophe, sociologue, théoricien des médias et homme de télévision. Maître de l’essayisme sous toutes ses formes, il est l’un des héritiers les plus inventifs de la Théorie critique de Theodor W. Adorno et conduit une recherche inlassable et inclassable, traversant et réinventant les champs disciplinaires. Parmi ses films les plus connus, on retiendra « Anita G. » (1966), « La Patriote » (1979), « Le Pouvoir des sentiments » (1983) ou encore « Nouvelles de l’antiquité idéologique » (2009).

 

Voilà un ouvrage unique qui permet de mieux faire connaître ce cinéaste pratiquement inconnu en France. Dario Marchiori, maître de conférences en histoire des formes filmiques à L’Université Lumière Lyon 2, a fait un travail passionnant pour mieux nous le faire apprécier. C’est un livre qui ne se lit pas comme un roman ; on peut le quitter, y revenir, relire certains passages soit sur les réflexions qu’a Alexandre Kluge sur le cinéma documentaire ou fiction, soit sur ses thèses philosophiques, ou encore sur la place des sentiments dans le cinéma. On ouvre le livre au hasard et on est tout de suite séduit par ce que nous raconte Kluge. Avec des mots simples, avec des phrases limpides, il nous parle de choses compliquées. Il y a, bien sûr, du Godard dans cet homme avec sa manière de jouer sur les mots. « L’Utopie des sentiments » doit être au centre de votre bibliothèque si vous aimez le cinéma.

 

Stéphane Loison.

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LA VIE DE L’EDUCATION MUSICALE

 

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·       La librairie de L’éducation musicale

   

Ce livre, que le compositeur souhaitait publier dans sa maison d’édition à Kürten, se propose de présenter les orientations principales de la recherche de Karlheinz Stockhausen (1928-2007) à travers ses œuvres, couvrant sa vie et ouvrant un accès direct à ses écrits. Divers domaines investis par le plus grand inventeur de musique de la seconde moitié du xxe siècle sont abordés : composition de soi à travers les matériaux nouveaux ; découvertes formelles et structures du temps ; musique spatiale ; métaphore lumineuse ; musique scénique ; l’hommage au féminin de l’opéra Montag aus Licht ; Wagner, Stockhausen et le Gesamtkunstwerk, œuvre d’art total. Les témoignages des femmes qui l’ont accompagné dressent un portrait vif et saisissant de l’homme, artiste génial qui aimait plus que tout la musique et la recherche compositionnelle au nom du progrès de l’être humain...(suite)

Analyses musicales

  XVIIIe siècle – Tome 1

 

L’imbroglio baroque de Gérard Denizeau

 

BACH

 

Cantate BWV 104 Actus tragicus   Gérard Denizeau

Toccata ré mineur                      Jean Maillard

Cantate BWV 4                          Isabelle Rouard

Passacaille et fugue                    Jean-Jacques Prévost

Passion saint Matthieu                Janine Delahaye

Phœbus et Pan                          Marianne Massin

Concerto 4 clavecins                  Jean-Marie Thil

La Grand Messe                         Philippe A. Autexier

Les Magnificat                           Jean Sichler

Variations Goldberg                    Laetitia Trouvé

Plan Offrande Musicale                Jacques Chailley

 

 

COUPERIN

 

Les barricades mystérieuses         Gérard Denizeau

Apothéose Corelli                        Francine Maillard

Apothéose de Lully                      Francine Maillard

 

 

HAENDEL

 

Dixit Dominus                             Sabine Bérard
Water Music                              Pierrette Mari

Israël en Egypte                         Alice Gabeaud

Ode à Sainte Cécile                     Jacques Michon

L’alleluia du Messie                      René Kopff

Musique feu d’artifice                  Jean-Marie Thill

 

 

Publié l'année même de son ouverture, cet ouvrage raconte avec beaucoup de précisions la conception et la construction du célèbre bâtiment.
Le texte est remis en pages et les gravures mises en valeur grâce aux nouvelles technologies d'impression.

Pour la première fois, le Tchèque Leoš Janácek (1854-1928), le Finlandais Jean Sibelius (1865-1957) et l'Anglais Ralph Vaughan Williams (1872-1958) sont mis en perspective dans le même ouvrage. En effet, ces trois compositeurs - chacun avec sa personnalité bien affirmée - ont tissé des liens avec les sources orales du chant entonné par le peuple. L'étude commune et conjointe de leurs itinéraires s'est avérée stimulante tant les répertoires mélodiques de leurs mondes sonores est d'une richesse émouvante. Les trois hommes ont vécu pratiquement à la même époque.
Ils ont été confrontés aux tragédies de leur temps et y ont répondu en s'engageant personnellement dans la recherche de trésors dont ils pressentaient la proche disparition. (suite).



Ce guide s’adresse aux musicologues, hymnologues, organistes, chefs de chœur, discophiles, mélomanes ainsi qu’aux théologiens et aux prédicateurs, soucieux de retourner aux sources des textes poétiques et des mélodies de chorals, si largement exploités par Jean-Sébastien Bach, afin de les situer dans leurs divers contextes historique, psychologique, religieux, sociologique et surtout théologique.
Il prend la suite de La Recherche hymnologique (Guides Musicologiques N°5), approche méthodologique de l’hymnologie se rattachant à la musicologie historique et à la théologie pratique dans une perspective pluridisciplinaire. Nul n’était mieux qualifié que James Lyon : sa vaste expérience lui a permis de réaliser cet ambitieux projet. Selon l’auteur : « Ce livre est un USUEL. Il n’a pas été conçu pour être lu d’un bout à l’autre, de façon systématique, mais pour être utilisé au gré des écoutes, des exécutions, des travaux exégétiques ou des cours d’histoire de la musique et d’hymnologie. » (suite)

Cet ouvrage regroupe pour la première fois les 43 chorals de Martin Luther accompagnés de leurs paraphrases françaises strophiques, vérifiées. Ces textes, enfin en accord avec les intentions de Luther, sont chantables sur les mélodies traditionnelles bien connues.
Aux hymnologues, musicologues, musiciens d'Eglise, chefs, chanteurs et organistes, ainsi qu'aux historiens de la musique, des mentalités, des sensibilités et des idées religieuses, il offrira, pour chaque choral ou cantique de Martin Luther, de solides commentaires et des renseignements précis sur les sources des textes et des mélodies : origine, poète, mélodiste, datation, ainsi que les emprunts, réemplois et créations au XVIè siècle... (suite)

Mozart aurait-il été heureux de disposer d'un Steinway de 2010 ? L'aurait-il préféré à ses pianofortes ? Et Chopin, entre un piano ro- mantique et un piano moderne, qu'aurait-il choisi ? Entre la puissance du piano d'aujourd'hui et les nuances perdues des pianos d'hier, où irait le cœur des uns et des autres ? Personne ne le saura jamais. Mais une chose est sûre : ni Mozart, ni les autres compositeurs du passé n'auraient composé leurs œuvres de la même façon si leur instrument avait été différent, s'il avait été celui d'aujourd'hui. Mais en quoi était-il si différent ? En quoi influence-t-il l'écriture du compositeur ? Le piano moderne standardisé, comporte-t-il les qualités de tous les pianos anciens ? Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Qui a raison, des tenants des uns et des tenants des autres ? Et est-ce que ces questions ont un sens ? Un voyage à travers les âges du piano, à travers ses qualités gagnées et perdues, à travers ses métamorphoses, voilà à quoi convie ce livre polémique conçu par un des fervents amoureux de cet instrument magique.

 

 
 

 

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Parution du numéro spécial BAC 2015

Courant Juillet 2014

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