Lettre d'information - no 121 juin 2018
C’est un message d’universalité, de quête d’altérité, qui unifiera l’ensemble des publications de ce mois-ci. Chaque artiste présenté dans ce numéro semble observer notre tradition musicale occidentale selon une position extérieure, alternative.
Tout d’abord, Samuel Andreyev nous propose un cours d’analyse musicale d’un genre nouveau : une chaîne youtube, entièrement dédiée aux répertoires des XXème et XXIème siècles. La traduction ici proposée vise à inciter les moins anglophones à découvrir sa très belle introduction au compositeur New-Yorkais Morton Feldman.
Carlos de Castellarnau nous livre quand à lui le premier volet d’une analyse méticuleuse de la Passion selon Marc du compositeur Michaël Lévinas, œuvre commandée dans le cadre du 500e anniversaire de la Réforme Protestante, qui, dans une perspective judaïque, porte un regard nouveau sur l’interprétation des Évangiles (Saint Marc), tout en interrogeant l’illustre genre musical rendu célèbre par J.S. Bach (Saint Jean, Saint Matthieu). (http://www.editions-beauchesne.com/product_info.php?cPath=68_107&products_id=1460)
Pierre Adrien Charpy et Eric Pénicaud, deux compositeurs aux parcours bien distincts, rappellent, chacun à sa manière la démarche de Jean Louis Florentz, dont l’imaginaire musical puisait le plus souvent ses sources dans des voyages et des connaissances ethno-musicologiques approfondies.
Marie-Aline Bayon, auteur de l’ouvrage « révolution numérique et enseignement spécialisé de la musique » (L’Harmattan, 2017), propose de mettre en oeuvre un changement dans le mode de transmission grâce aux outils numériques. Directrice du projet « première école de musique connectée de France », son ambition va jusqu’à remettre en question le modèle du conservatoire de musique à la française.
Enfin, Sandeep Bhagwati, compositeur Indo-Allemand formé au Mozarteum de Salzbourg, nous présente une œuvre dont les fondements théoriques se basent sur l’oralité/auralité. Prenant racine dans la tradition musicale occidentale écrite, Bhagwati nous révèle ici un procédé compositionnel - les audio scores - faisant appel aux musiques de tradition orales aussi bien qu’à la musique expérimentale américaine, et à l’esprit scientifique moderne qui la caractérise.
Jonathan Bell
© Magali Lambert
Samuel Andreyev, compositeur, poète, pensionnaire à la Villa Velsaquez (académie de France à Madrid), enseigna pendant quelques années l’analyse musicale au conservatoire de Cambrai, avant de décider, d’une façon inattendue, de simplement présenter ses analyses sur une chaîne YouTube. Rapidement, les analyses d’Andreyev acquirent une très large audience, jusqu’à obtenir aujourd’hui 16 000 abonnés, et environ 1500 vues par jours. Pour lui, ce phénomène est révèlateur d’un “public invisible”, amateur de musique contemporaine, désireux de s’y former, mais parfaitement absent des salles de concerts, ainsi que des rares niches hébergeant la musique des XXème et XXIème siècles.
Dans la vidéo ici présentée et traduite, Andreyev nous livre quelques clefs pour la compréhension de la musique de Morton Feldman, compositeur de l’école de New-York, protégé de John Cage, dont la musique intriguait, et suscitait souvent l’admiration, parfois même la jalousie de ses contemporains (Boulez, Stockhausen, Lachenmann...), à cause de sa beauté peut-être. Feldman écrivait et parlait également de musique de façon remarquable, avec un fort accent de Brooklyn (nous recommandons ici les conversations avec John Cage https://youtu.be/mF7ADYYppcI).
Après une brève introduction sur Morton Feldman et son contexte, Samuel Andreyev analyse brillamment Clarinet and Percussion (https://youtu.be/QdymO5COvRc), une pièce de 1981. La traduction qui suit vise également à accompagner le lecteur pas à pas dans sa compréhension de l’anglais musicologique (Traduction: Jonathan Bell).
Extrait 1: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1
J’aimerais parler de Morton Feldman. Morton Feldman est, selon moi, l’un des plus grands compositeurs du 20ème siècle. Il est plutôt surprenant qu'apparemment, il n’y ait aucune vidéo sur youtube pour présenter son esthétique, parler de son travail, ou présenter des analyses de ses pièces. J’ai donc ici l’opportunité d’y remédier. Et j’aimerais parler plus particulièrement d’une pièce appelée “Bass Clarinet and Percussion” de 1981.
Extrait 2: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=30
La raison pour laquelle j’ai choisi cette pièce est qu’elle date du début de la dernière période de Feldman. Donc elle en présente toutes les caractéristiques techniques ; pourtant, c’est une des pièces les plus courtes de cette période. Donc, si vous connaissez déjà un peu Feldman, vous savez peut-être que ses dernière pièces se préoccupent peu des problèmes pratiques liés à la forme du concert traditionnel - et à ses contraintes de durée en particulier: son deuxième quatuor à cordes peut durer jusqu’à six heures en concert. Beaucoup de pièces de musique de chambre durent une heure ou deux, et ce qui est intéressant à propos de “bass clarinet and percussion” est que, d’un point de vue formel, elle fonctionne essentiellement de la même façon que ses pièces extrêmement longues, mais elle dure environ 16-18 minutes.
Extrait 3: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=87
Donc, ce qui est merveilleux, c’est que cela me donne l'opportunité de présenter, non pas une analyse exhaustive, mais au moins une bonne vue d’ensemble de cette pièce, ainsi que du matériau qu’elle contient, de la façon dont il fonctionne, dans le format d’une vidéo youtube.
Extrait 4: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=101
D’abord j’aimerais présenter une citation intéressante de Pierre Boulez, qui, de façon notoire, n'appréciait pas Feldman, ce qui était réciproque. Boulez, dans une interview avec Rocco di Pietro, à la fin de sa vie, publia dans un livre appelé Composition with Boulez:
“A vrai dire, les compositeurs comme Feldman sont pour moi des amateurs, ils ont de jolies idées, mais ce n’est pas assez, ils n’ont pas d’outils”.
Extrait 5: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=147
En retour, Feldman dit: “la tragédie, c’est quand deux personnes ont raison”. La raison pour laquelle je mentionne cette citation est que, pendant très longtemps dans le monde de la musique contemporaine, il y a eu une mauvaise compréhension de son œuvre et de sa façon de travailler. Il déclarait souvent lui-même qu’il n’avait pas de système ni de méthode, mais cela a été compris comme s’il n’avait pas de technique, comme si sa musique était écrite de façon totalement arbitraire, ce qui n’est pas vrai.
Extrait 6: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=184
Mais il y a aussi chez Feldman une divergence d'approche esthétique et philosophique entre des personnalités comme Boulez et Stockhausen par exemple. L’approche Boulezienne, même si ce terme est inapproprié, représente une école de pensée compositionnelle dans laquelle structure, grammaire, logique et théorie, sont d’une importance primordiale. Pour Boulez il était très important d’élaborer des structures, des grammaires et des hiérarchies dans ses pratiques compositionnelles qui pouvaient ainsi se prêter à une analyse objective.
Extrait 7: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=233
En d’autres terme, on peut prendre une pièce de Boulez, la segmenter, et démontrer comment elle est écrite; vous pouvez déterminer, même si ce n’est pas toujours facile, qu’il y a une logique, que les objets qu’il utilise ont une fonction. Chez Feldman, ce n’est pas aussi évident, car sa musique ne pointe pas quelque chose, ce qui contraste avec la majorité de la musique européenne, dans laquelle la composition musicale est souvent une métaphore pour autre chose, que ce soit dans la musique baroque, une cantate de Bach, une sonate de Mozart, une pièce romantique, où le son est souvent utilisé pour pointer une idée, une métaphore pour autre chose, comme le mouvement pour une danse, ou un discours dialectique par exemple dans la forme sonate classique.
Extrait 8: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=318
Et Boulez est marqué par cet héritage, malgré ses positions radicales. Mais Feldman est l’un des premier compositeurs à s’écarter de ce schéma, et tente une autre approche qui consiste à, comme il le dit: “laisser les sons être eux mêmes”. En d’autres termes, il ne se sert pas des sons pour véhiculer un système ou une dramaturgie, une narration, une histoire, ou un processus de développement. Mais il s’intéresse simplement aux sons pour eux-mêmes. Cela est très intéressant d’un point de vue compositionnel, même s’il n’est évident de comprendre comment cette approche l’amène à écrire de si longues pièces, mais c’est ce qu’il a choisi de faire ; et je pense donc qu’il est temps d’examiner comment cette pièce fonctionne.
Extrait 9: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=381
Pour donner une brève vue d’ensemble ici, Morton Feldman était un compositeur américain, né à Queens, et qui a vécu principalement à New York. Il a ensuite enseigné à l’université de Buffalo en 1973, jusqu’à sa mort en 1987. L’une des chose intéressantes chez Feldman est qu’il a grandi artistiquement à New York dans les annés 50, ville fascinante à cette époque. Il a passé la plupart de son temps à discuter avec des peintres et des poètes, et s’est forgé une esthétique bien différente de celle de ses contemporains européens et américains. Ce qui est intéressant dans les annés 50 à New York, dit-il, c’est qu’il y eut une brève période, qui a duré peut-être deux semaines pendant laquelle, soudainement, personne ne savait ce qu’était l’art. Il est vrai qu’il y eut une expérimentation radicale, et une volonté de reformuler le projet artistique depuis son fondement, dans la peinture abstraite par exemple, ou dans la poésie à la même époque. Il y avait un refus des modèles historiques de représentation qui n’avaient pas été remis en question depuis très longtemps. En musique, cela se manifestait par la composition de John Cage; même s’il avait vingt ans de plus que Feldman, ils furent de très bons amis.
Extrait 10: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=518
Ils avaient tous les deux ce projet intéressant (bien qu’abordé selon des perspectives différentes) qui consistait à “libérer le son” . Mais libérer le son de quoi? De son besoin d’exprimer, d’être autre chose que le son lui-même, et, ce faisant, ils proposaient une façon plausible de composer. Les premières pièces de Feldman s’affranchissent de la notation musicale traditionnelle, n’utilisant pas les cinq lignes conventionnelles de la portée musicale. Elle sont écrites sous forme de grilles, dans lesquelles des boîtes, régulièrement espacées, déterminent par des symboles si le son est aigu, médium ou grave. Une boite étant généralement associée à une unité de temps chronométrique, elle correspond par exemple à une seconde, et, à l’intérieur, peuvent être placés d’autres éléments selon l’endroit où ils sont à peu près placés. Il précisait aussi des modes de jeu comme pizzicato, harmonique etc… Donc toutes sortes de paramètres, sauf que les hauteurs et le rythme n’était plus déterminés selon le système rationnel qui prévalait jusqu’ici.
Extrait 11: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=636
C’était donc une méthode ou une approche qu’il utilisait afin de se libérer du discours conventionnel, et pour mettre en avant la qualité matérielle des sons en eux-mêmes. Mais le problème avec ce type de composition était qu’il laissait trop de choix à l’interprète. Il y a donc une infinité de façon d’interpréter ces partitions, tout en restant une pièce de Morton Feldman. En évoluant, il décida finalement que ce degré de liberté était excessif, dans le sens qu’il ne laissait plus les sons être eux-mêmes, mais plutôt les interprètes être eux-mêmes - ce qui n’est pas exactement ce qu’il voulait.
Extrait 12: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=695
Donc au début des années 70, il change, et adopte une notation plus conventionnelle. Feldman est souvent catégorisé, à tort, comme un minimaliste. Il vrai que ses pièces tardives utilise un matériau limité, mais les minimalistes en peinture, sculpture, ou musique comme Philip Glass, voulaient s’affranchir des émotions et de l’expression, en examinant la qualité spatiale des objets qu’ils utilisaient, et la façon dont ils étaient faits.
Extrait 13: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=749
Mais Feldman n’essaie pas de s’affranchir de l’expression. Si on lit ses écrits, on peut voir que l’expression est pour lui presque une obsession. Il semble que ce qu’il cherche dans sa musique est plutôt une sorte d’écoute directe de ce que son oreille lui dicte. Sa sensibilité subjective et son approche personnelle du matériau déterminent tous les aspect de sa composition, plutôt que de laisser sa musique déterminée par un système d’une nature quelconque.
Extrait 14: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=798
Pourtant, il n’est pas vraiment minimaliste, ou du moins il l’approche différemment. Dès ses premières pièces, on peut percevoir une absence de développement, une absence de système, et peut-être de façon plus essentielle, une absence de directionnalité dans sa musique, (...) ce qui contraste avec la façon dont la musique avait jusqu’alors fonctionné, dans laquelle on trouve généralement un point de départ, un point d’arrivée, et une forme de trajectoire linéaire entre ces deux pôles.
Extrait 15: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=843
Feldman ne s'intéresse pas vraiment à cela, et on se trouve piégé ou du moins positionné dans une sorte d’éternel présent lorsqu’on écoute sa musique. Elle n’opère pas de façon discursive. Quand les matériaux sont présentés, ils sont entendus pendant un certain temps, ils sont variés, beaucoup de micro-variations s’opèrent, puis ils s’arrêtent, et il passe à d’autres matériaux, pouvant contraster ou non avec les précédents; dans certaines de ses longues pièces, durant plusieurs heures par exemple, certains matériaux viennent et s’arrêtent, puis le matériau original peut revenir une heure plus tard, ou peut revenir peut revenir une demi-heure plus tard.
Extrait 16: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=890
Et puisque le time scale est tellement distendu, l’effet produit est en fait extrêmement intéressant, donc avec une fascination de l’idée de mémoire dans ses pièces.
Mais ce n’est vraiment pas la même chose que la directionnalité, ni la même chose que le développement, et c’est une approche assez radicale, dans le contexte de la tradition musicale européenne.
Extrait 17: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=913
Donc, parlons maintenant de Bass Clarinet and Percussion, nous avons dit plus tôt que ceci est une pièce courte en comparaison des pièces tardives de Feldman; il y a aussi le fait que, ce titre (Bass Clarinet and Percussion) illustre bien son approche de la composition musicale, principalement dans la dernière partie de sa vie.
Extrait 18: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=934
C’est essentiellement une nature morte (still life), donc cette pièce ne décrit pas une image visuelle, elle ne décrit pas d’états émotionnels, elle ne décrit rien, elle fait que lister les éléments utilisés dans la pièce. Feldman a beaucoup de pièces tardives nommées de cette façon, par les pièces tardives pour orchestre, appelée simplement Orchestra, une pièce pour clarinette et quatuor à cordes s’appelle clarinet and string quartet, il y a une pièce pour piano et quatuor à cordes qui s’appelle piano and string quartet, etc…
Extrait 19: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=971
Donc à mon avis ce qu’il fait avec ces titres, c’est souligner l’importance primordiale des instruments, les instruments sont donc son matériau de base, ses héros. Ce sont les aspects les plus importants de sa composition musicale, il est très soucieux de choses comme l’articulation, toucher, dynamiques, timbre, les différents degrés de tension qu’on obtient dans les différents registres des instruments.
Extrait 20: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1004
C’est cela son matériau, c’est sa toile, son charbon, quelque chose qui est pour lui primordial. Il cherche, non pas seulement la qualité de ces instruments, mais sa propre compréhension/appréciation subjective, par ces pièces. Cette pièce, de manière caractéristique, est lente, douce, et n’a qu’une marque de dynamique qui est ppp pianississimo, qui se trouve au tout début de la partition, puis il ne dévie jamais de cela.
Extrait 21: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1038
Et comme dans d’autres œuvres de son style tardif, cette pièce présente plusieurs caractéristiques notationnelles. Donc, même si ces pièces n’utilisent plus de notation graphique selon les conventions de notation musicale, ces caractéristiques notationnelles ont un impact sur le résultat sonore de la pièce. Donc j’examinerai cela dans mon analyse.
………
Extrait 22: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1071
So let’s get started. Comme dans beaucoup de pièces tardives de Feldman, en ouvrant la partition, on observe immédiatement quelque chose d’intéressant : c’est représenté selon la forme d’une grille. En d’autres termes, on a en général le même nombre de mesures dans chaque système, et le même nombre de systèmes dans chaque page, une forme de grille donc comme vous voyez ici (...) Vous pouvez voir que la clarinette basse et la percussion ont neuf mesures dans chaque système, et vous avez quatre systèmes sur chaque page. Pourquoi Feldman fait-il cela?
Extrait 23: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1117
À mon sens, c’est un aspect de sa musique qui vient de sa complicité avec les peintres expressionnistes abstraits. C’est essentiellement lui qui, créant un dessin ou un motif sur la page, s’en sert comme une forme de résistance contre/avec laquelle il peut travailler. Cela implique qu’il pense à sa musique de façon picturale, selon l’aspect général de la page, et la façon dont cette notation spatiale lui permet, d’un coup d’œil, de voir comment se déroule cette pièce.
Extrait 24: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1160
L’autre aspect intéressant de cette pièce: on a trois instrumentistes (deux percussionnistes et un clarinettiste). La partie de clarinette basse est écrite avec des mesures de durées chaque fois différentes. Ici par exemple, la première mesure est à ⅜, ¾, ⅞, 2/4, ¾ et ainsi de suite, alors si on regarde la portée d’en dessous, la percussion est écrite de façon continue à ¾. Il garde cependant la notation disposée en grille, l’aspect visuel donne l’impression que chaque mesure a la même durée mais en fait ce n’est pas le cas. De plus, la façon dont la clarinette basse et la percussion s’aligne visuellement sur la page est complètement fausse. Donc, dans la première mesure, ⅜ à la clarinette basse, contre ¾ à la percussion. Donc logiquement la mesure à ¾ qui suit dans la partie de clarinette basse qui est ici...
Extrait 25: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1240
...devrait apparaître au milieu de la mesure à ¾ de la percussion, mais ce n’est pas le cas, elle tombe exactement en même temps que la deuxième mesure de percussion, et ainsi de suite. Donc bien sûr d’un point de vue visuel et métrique, c’est faux, mais si vous regardez la façon dont cette musique fonctionne à plus grande échelle, vous comprendrez ce qui se passe. Il y une boucle répétée, constituée de différentes métriques, dans la partie de clarinette basse, donc toutes les 15 mesures, elle se répète, la première mesure de cette boucle est en ⅜ (en haut de la page) et la dernière mesure est à 10/4 (en bas de la page): ⅜, ¾, ⅞… Maintenant si vous additionnez le nombre de temps dans ce segment de 15 mesure, cela donne 45 noires. Et si vous prenez le nombre de temps dans la partie de percussion, cela fait aussi 15x3 = 45 noires. Donc en théorie, à la fin de la page, les deux parties arrivent en même temps.
Extrait 26: https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1330
Et, pourquoi Feldman fait-il cela? Dans un sens on pourrait dire qu’il n’y a pas de problème technique pour que les deux parties co-incident, puisqu’il y a un commun dénominateur qui est la croche, et qu’on pourrait réduire toutes ces mesures à la croche commune. On pourrait ainsi voir facilement comment les rythme se superposent, mais ce n’est pas exactement ce que feldman veut. Il ne cherche pas une mesure instable contre une mesure stable. Il cherche à utiliser la notation dans un sens conceptuel…
Extrait 27:https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1379
De l'extérieur vous pouvez voir que les barres de mesures ne s’alignent pas correctement. Ceci est une sorte d'idée conceptuelle. Le but de tout cela est de frustrer les comptes, de frustrer l'exactitude dans la précision rythmique. Il cherche plutôt à ce que les deux parties soit à peu près synchrones, mais qu’elles gardent aussi un degré de leste, de jeu, en termes de précision. Même si vous jouez de façon rigoureuse, Il sera très difficile d'obtenir une synchronisation précise entre les musiciens.
Extrait 28:https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1431
Mais le fait que la boucle se répète après 16 mesures signifie que les musiciens se retrouveront tout de même à certains moments (à chaque fin de page), et à ce moment, les deux parties seront véritablement ensemble. Les instruments sont donc synchronisés mais il y a une certaine douceur dans la façon dont cela va sonner. Oui c'est une idée conceptuelle, mais c'est aussi quelque chose qui a un impact direct sur la façon dont la musique sonne, et sur la façon dont c’est interprété. C'est donc une stratégie intéressante que Feldman utilise...
Extrait 29:https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1463
Avoir à la fois un degré de précision objectif, si vous regardez l'une ou l'autre des parties séparées, mais avoir également un cadre à l'intérieur duquel il est possible de dévier de façon expressive, d’être “expressivement imprécis”, tout en exécutant fidèlement la partition.
Extrait 30:https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1491
Passons à la suite… Pendant un moment je vais me concentrer sur la partie de clarinette basse, dans la première partie de la pièce. La percussion dans la première partie joue un matériau à deshauteurs indéfinies (gongs, cymballes), mais voyons d’abord la clarinette, et voici donc quelques aspects de l'écriture de clarinette donc j'aimerais parler: La notation est précise, comme nous l'avons vu précédemment, mais elle est aussi conceptuelle. À part le paradoxe de synchronisation que j'ai souligné plus tôt, si on isole la partie de clarinette, on voit qu'il y a encore une approche originale de la notation rythmique ici: si on se rappelle des premières expériences de Feldman avec la notation en forme de grille, je pense qu'il reste des vestiges de cette pratique dans la pièce que nous analysons ici :
Extrait 31:https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1552
dans ce sens il considère chaque mesure, non pas dans un sens métrique, avec des temps forts et des temps faibles, avec une pulsation et une subdivision de cette pulsations; au contraire, il utilise vraiment les mesures comme un espace, comme une entité spatiale, un espace physique, ou encore un contenant d’une certaine longueur dans lequel il peut placer des éléments (son matériau).
Extrait 32:https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1581
Ici encore le but est d'avoir un cadre précis, mais de s'affranchir de la notion de pulsation, de s'affranchir de la notion de comptes (ce que les musiciens cherchent naturellement). Le mètre n'a donc pas de signification précise ici, ni de pulsation. Quand vous écoutez cette pièce, Il est absolument impossible de savoir quelle est l'indication métrique sur la partition, Et ce n'est pas l'intérêt.
Extrait 32:https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1614
Il y a une autre stratégie que Feldman utilise ici, qui a jusqu'ici été peu remarquée, mais qui est à mon sens intéressante. C'est ce qu'il appelle le “triolet retardé” (the delayed triplet), Comme vous pouvez voir ici à la deuxième mesure, mais qu'est-ce qu'un delayed triplet? Feldman ne nous explique cela à aucun endroit dans la partition. Que veut-il dire exactement ici? Si vous regardez cette deuxième mesure à ¾, il y a quelque chose de très singulier: vous voyez un crochet de triolets en pointillé, ce qui signifie normalement qu’il y a une subdivision irrationnelle de la pulsation. Pourtant est un triolet dans une mesure à 3/4 ce qui semble a priori paradoxal car la valeur du n-olet est la même que la valeur de la mesure. Donc c’est assez étrange…
Extrait 34:https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1661
Ensuite, si vous comptez le nombre de temps dans chaque mesure,il semblerait qu’il y ait sept croches dans un ¾, qui pourrait faire penser à des n-olets enchevêtrés, mais ce n'est pas ça non plus...
Extrait 35:https://youtu.be/emeDjNSxsCs?t=1676
Donc, le delayed tuplet consiste pour Feldman a considérer un triolet de croches, divisé en deux parties inégales, et à retarder la dernière croche du triolet à la fin de la mesure.
Donc le triolet de croches commence ici au début le la mesure, avec un soupir de noire, mais vous n’obtenez la 3ème croche du triolet qu’à la fin de la mesure. Donc ce qui se passe réellement, c’est qu’il prend un triolet de croches, il le fragment en deux parties, et ensuite, avant qu'il soit terminé, avant qu'on arrive à la fin du triolet, il y insère une valeur rythmique (une blanche). (la suite paraîtra dans la prochaine newsletter)
Samuel Andreyev (2016), traduction Jonathan Bell avec l'aimable autorisation de l'auteur.
Michaël Levinas Photo © Marie Magnin
L'analyse qui suit vise à élucider des enjeux structurels ainsi que poïétiques de l'œuvre La Passion selon
Marc après Auschwitz de Michaël Levinas. Avant tout, il est important de remarquer certains aspects
essentiels vis-à-vis du processus de composition habituellement suivi par le compositeur. D'un point de
vue poïétique, son travail se caractérise par une tension entre l'imaginaire sonore et la notation musicale.
Cela oriente tout le processus de composition et l'écriture. La conceptualisation et l'écriture résultent de
« l'intelligence du son » et en ce sens Michaël Levinas se situe certainement dans le sillage de l'école
spectrale. Mais son expérience de l'improvisation, la relation avec le texte et les origines electroacoustiques
de son travail le situent dans un espace différent.
Cependant, son travail est loin du pur fétichisme du son et utilise des techniques formalisées qui lui son
chères comme par exemple l'altération d'échelles ou la polyphonie paradoxale, entre autres. Dans
l'œuvre qui nous occupe, on peut y trouver des correspondances motiviques et du développement
thématique, en définitive des liens unificateurs qui sont plus proches d'une écriture rhétorique héritière
du langage musical à la fois baroque et romantique. La forme liturgique de la Passion est fondatrice de
l'histoire musicale occidentale et elle obéit à un cérémonial fixe qui suit le récit des Évangiles. Le temps
musical s'organise selon ce cérémonial structuré sur des motifs souvent figuralistes qui se
métamorphosent et structurent l'œuvre. Tout en étant une structure qui a marqué Wagner et le concept
même du leitmotiv, c'est le principe fondateur ainsi que la formalisation qui organise l'unité de La
Passion selon Marc, une Passion après Auschwitz. Ce sont donc quelques particularités qui révèlent la
singularité de cette œuvre dans le catalogue Michaël Levinas.
À l’initiative du théologien et philosophe Jean-Marc Tétaz, l'œuvre, s'inscrit dans le cadre
de la commémoration du 500 anniversaire de la Réforme et la création a
eu lieu pendant la Pâque de l'année 2017 à Lausanne par l'Ensemble vocal et l'Orchestre de chambre de
la même ville. Elle est structurée en forme de triptyque, suivant la volonté œcuménique du compositeur
et des commendataires de joindre dans une même composition des aspects de la liturgie hébraïque,
chrétienne, ainsi que la poésie de Paul Celan. Le lien entre les trois parties se produit notamment grâce
au partage d'éléments musicaux de nature thématique divers. Le moment de l'œuvre qui incarne le
mieux cette synthèse se produit dans la section de la Crucifixion.
Partie hébraïque
La première section, correspondant à la liturgie hébraïque, présente un caractère clairement rituel. À la
différence de la partie chrétienne, qui pourrait être considérée comme plus esthétisée (on verra le lien
avec certaines poétiques comme celle du merveilleux), ici la musique est plus ancrée à la réalité du rite
juif en soi-même, probablement dû à l'absence de dramaturgie dans le texte sacré. Ainsi, tout le
mouvement pourrait être considéré comme une polyphonie synagogale où les prières, les psalmodies et
les pleurs se joignent en hommage aux victimes de la barbarie nazie. La langue utilisée dans cette
section est l'hébreu dans sa prononciation ashkénaze correspondant à la langue parlée par la plupart des
juifs de l'Europe centrale morts par la Shoah.
1.- Kaddish
Dans le Kaddish, section ouvrant l'œuvre, le chœur masculin tisse une polyphonie complexe avec un
rythme obstiné constituée par des syllabes fragmentées en forme de petits crescendi, certaines modulant
grâce à un glissement de voyelle. Métriquement, les différentes voix sont disposées de manière
légèrement décalées et elles sont groupées selon différents registres (Fig.1). La texture résultante sert de
fond sur lequel des mots ou des phrases, appartenant à la liturgie hébraïque du Kaddish, sont prononcés
à plusieurs voix par un type de chant presque déclamé (mesure 3 sur les mots chemeï rabo). L'irrégularité
et le décalage rythmique de l'écriture du chœur, qui trouble la perception de la pulsation, se reproduit
aussi sur le plan harmonique. La section est polarisée autour d'un sol grave, cependant des notes
oscillant par dessus et par dessous créent une irrégularité constante qui est présente sur toute la section
(mesure 1 aux voix des bases du 4 au 8). Cette utilisation du battement est une constante dans toutes les
parties du chœur de la pièce. Le sol grave est cependant renforcée par les contrebasses et la timbale qui
jouent un accord de sol septième de dominante sans la quinte.
Cette polyphonie vocale complexe est parfois scandée par de tutti homorythmiques sur certains mots
importants de la liturgie. D'un point de vue évolutif, l'écriture du chœur devient de plus en plus
homophone vers la fin de la section
Fig.1 – Partie du chœur du Kaddish. Début de l'œuvre
© Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert
Audio_1 : Début du Kaddish
En réponse au chant principal, un motif fait apparition à la mesure 10, il s'agit d'un type de motif
responsorial qui sera développé dans la section suivante. (Fig.2)
Fig.2 – Motif responsorial à la mesure 10
© Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert
Audio_2 : Motif responsorial
L'utilisation de l'orchestre dans toute la partie juive est assez restreinte et le poids principal se trouve sur
le chœur masculin. Plusieurs éléments de l'orchestration accompagnant le chœur seront reprises ou
auront des correspondances dans d'autres sections de la pièce, notamment les rebondissements d'archet
sur les cordes et les trilles sur le registre grave du tubas. L'intervalle de tierce au chœur aura aussi une
continuité sur la section suivante et un vrai rôle structurel.
2.- El Maleh Rachamim
Le caractère monolithique et obstiné de la section précédente contraste ici avec un type d'écriture
constituée de plusieurs motifs ou objets musicaux dans une sorte de polyphonie synagogale Dans laquelle
différents éléments comme des psalmodies personnelles ou une rumeur se mélangent pour évoquer ce
type de rassemblement religieux. Ces motifs ne répondent pas tous à une même harmonie mais plutôt à
une superposition d'échelles modales et, globalement, la section pourrait être structurée selon le schéma
suivant : m36-43 / m44-70 / m70-101 / m101-110
m36-43 : Une descente presque chromatique des voix masculines graves sert d'introduction à la prière,
formant des accords de triades essentiellement mineurs (Fig.3). Si à l'écoute on entend des glissandi, il s'agit,
en réalité d'une progression d'accords. La conduite des voix se fait de manière parallèle et le
passage d'un accord à l'autre de manière décalée entre les différentes voix et à travers de glissandi.
Perceptiblement, le résultat est une sorte de murmure de réminiscences clairement rituelles. Pour arriver
à cet effet de « psalmodie intérieure », le compositeur propose une technique vocale consistant à
obstruer la bouche avec la main de manière rapide et intermittente tout en prononçant les voyelles aeiou
en continu, le résultat donne l'impression de l'existence d'un texte déclamé mais inintelligible.
Fig.3 - Motif descendant. Thème de la mort
© Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert
Audio_3 : Début El Maleh Rachamim
La voix soliste du Cantor chante à l’unisson avec les barytons sept et huit consolidant ainsi le caractère
rituel introductoire. Cette ligne mélodique est fortement polarisée autour de la note sol bémol et utilise
l'intervalle de tierce mineur descendante. Le chœur est soutenu par un fa grave très présent, qui trouve
son instabilité grâce aux battements produits par un fa dièse au quatrième violoncelle et à un trémolo
du gong aussi sur un fa dièse. Les cordes jouent un accord pédale de fa dièse diminué. L'harmonie de
cette introduction est principalement basée sur les notes Mi bémol-Sol bémol-Sol-La-Do
m44-70 : À la mesure 47, aux pupitres des basses 1 et 2 fait apparition un motif de tierce mineure (si
1 Comme on le verra à des différents endroits de la pièce, l'irrégularité et le décalage sont stratégies d'écriture très
utilisés par le compositeur.
2 Le nom des thèmes ont été choisis par le compositeur lui-même.
bémol-sol) descendant par glissando sur le mot Izkor (Fig.4). Ce motif, qui se trouve en état
embryonnaire dans le Kaddish, va présenter différentes variations et sa principale fonction est
d'accompagner de manière responsoriale le chant principal du Cantor.
Fig.4 – Tierce descendante sur le mot Izkor. Mesure 47
© Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert
La deuxième des variations du motif sur la tierce mineure apparaît à la mesure suivante aux barytons 1-6
où l'on trouve le même motif à trois voix (Fig.5). Partant d'un accord de mi bémol mineur, chaque voix
descend une tierce mineure pour arriver à un accord de do mineur. Le même motif se répète deux
temps plus tard dans un registre plus aigu et aux ténors 1-6. L'accord de départ est sol bémol majeur et celui d'arrivée mi bémol mineur.
Comme dans le Kaddish les voix modulent de voyelles (oh-ah)
Fig.5 – Motif descendant à trois voix
© Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert
Audio_5 : Motif Izkor à 3 voix
La troisième des variations se trouve à la mesure 52, cette fois-ci constituée par deux voix, partant d'une
tierce mineure (do dièse, mi), pour glisser jusqu'aux notes la et do bécarre. Des interventions
ponctuelles du piano et de la harpe suivent le même principe harmonique basé sur des accords gardant
un rapport par tierces (m.56)
La mélodie du Cantor est polarisée d'abord sur la note sol bémol (m.44, après si bémol (m.46 et 56) et
si bécarre (m.48) et termine par un la à la mesure 69 donnant une impression conclusive étant donné
que cette note n'a jamais été chantée précédemment. Les intervalles de tierce descendante, de quarte
ascendante et les chromatismes descendants sont très caractéristiques du chant soliste. Ces éléments
sont en concordance avec les motifs glissando du chœur.
m.71 : À partir de la mesure 73 le compositeur a utilisé la transcription d'un chant originaire de la prière
du El Maleh Rachamim, rite funéraire juif pour les victimes de la Shoah. Il s'agit d'un genre de chant très
ornementé, utilisant souvent des inflexions microtonales et basé sur une gamme de La naturelle ou
éolienne. L'harmonie diatonique de cette mélodie contraste avec tout le reste, basé sur une écriture où
le chromatisme est très présent. Ceci crée un contraste avec l'orchestre et le chœur et rajoute un effet
dramatique tout en plaçant la voix du Cantor dans un espace singulier.
Un autre motif fait apparition à la mesure 73 au premier et deuxième ténor qui dérive de celui utilisé sur
le mot Izkor. Une oscillation autour de la note si bémol produite par de glissements qui se terminent par une tierce descendante. Ce type d'oscillation sera aussi utilisée dans la partie chrétienne, notamment dans le
refrain. En même temps, le chœur chante un accord de la bémol augmenté tenu, en renforçant le grave par les violoncelles et contrebasses.
m.101 : Le chapitre se ferme sur une lente descente en seizièmes de tons, produisant un effet de glissando
réalisée grâce au clavier électronique qui utilise un tempérament basé sur cette division de l'octave. Ce
motif est très proche du thème de la mort, c'est-à-dire, celui du chœur au début analysé précédemment
et qui apparaîtra de nouveau après la mort du Christ crucifié. Un accord de la bémol augmenté sert de
fond à cette longue descente. Le passage constitue une sorte de cadence suite à la culmination de El
Maleh Rachamim lors de la prononciation de trois camps de concentration nazi, et donne lieu à lecture
des noms.
Audio 6 : Descente du clavier en 16e de ton
3.- Lecture des noms
Dans le rite du El Maleh Rachamim, prière aux défunts de tradition juive, le nom de la personne décédée
est inclus dans le texte liturgique. De ce fait, dans la « Lecture des noms » le compositeur utilise les
noms des victimes de la Shoah de manière parfaitement conséquente. Cette dernière section de la partie
hébraïque se caractérise par une ambiance de recueillement où la musique est non directionnelle, voir
statique, et sert à accompagner la lecture des noms. Le caractère cyclique de la musique évoque la
structure rituelle d'une prière de ces caractéristiques. Le chœur utilise de nouveau la technique vocale
de psalmodie sur une seule note renforçant l'ambiance d'incantation liturgique.
L'écriture du piano est clairement basée sur un accord de Fa dièse septième et renforcé par une pédale
de Fa dièse aux contrebasses et au gong. La harpe utilise le motif polyphonique descendent si présente
dans l'intégralité de l'œuvre. Le motif des rebondissements aux cordes, qui est déjà apparu au tout début
et qui sera de nouveau utilisé dans la « crucifixion », apparaît à la fin de la lecture. À la fin du
mouvement, le célesta fera de lien entre la partie hébraïque et la partie chrétienne.
Audio7 : Lecture des noms
Partie chrétienne
La deuxième section, la plus étendue de toute l'œuvre, correspond au récit chrétien de la Passion de
Christ selon les textes de l'Évangile de Saint Marc et, plus concrètement, selon les chapitres 14 et 15
d'une bible du XIIIe siècle issue de la collection de la Bibliothèque Mazarine. L'adaptation
dramaturgique du texte, écrit en ancien français, a été réalisé par le compositeur lui-même. Cette langue
est plus adaptée selon lui au récit évangélique, notamment par ses aspérités et par l'aspect rude et d'une
certaine manière violente des personnages. Pour bien comprendre sa diction, le compositeur a réalisé
une étude préalable grâce à la collaboration de plusieurs spécialistes. Cette prononciation va influencer
tout le travail vocal de la partie chrétienne, notamment celui des apôtres et de la tourbe dont la diction
se caractérise par une sonorité très nasale, par les « r » roulées ou par le poids particulier des consonnes,
entre d'autres. En définitive, des caractéristiques toujours présentes dans certains langues latines
proches de la méditerranée.
4.- Première imploration de la Mère
Les différentes sections de l'évangile sont ponctuées par des implorations de la Mère basées sur le poème
« Les mystères de la Passion » d'Arnoul Greban, poète français du XVe siècle, qui apportent une
ligne dramaturgique important et servent aussi à créer du contraste structurel. Les implorations de
la Mère, ainsi que le refrain, dont on parlera plus tard, servent à unifier formellement l'œuvre.
Le langage musical de la deuxième partie de la Passion est très lié à la tradition chrétienne de la
représentation symbolique et à l'utilisation de figuralismes. Cette partie débute avec la première des
implorations , dans laquelle le chœur des femmes fait son apparition apportant un contraste évident avec toute la
musique précédente, contraste renforcé par un changement important du profil mélodique qui
correspond au thème de la Croix. Alors que dans la partie juive, le chœur utilisait un ambitus plutôt restreint, souvent des intervalles conjoints et un type de chant syllabique, ici les
voix féminines chantent des arpèges mélismatiques à des vitesses différentes, sur de larges intervalles.
D'abord sur un accord de si bémol mineur, parfois majeur ; à la mesure 12 un accord mineur diminué sur si ou et finalement un accord de la majeur/mineur à la mesure 19, instant pendant lequel les ténors font leur entrée.
Le thème de la croix est donc un figuralisme caractérisé par le croisement de différents arpèges, il se
trouve sous de différentes formes et on le retrouvera de nouveau, entre d'autres, dans « La Cène » à la
mesure 139 et à la mesure 148 joué par les violoncelles, ou dans le refrain où certaines voix du chœur
utilisent aussi ce type de profil.
Fig.6 – Première imploration. Mesure 9
© Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert
Audio 8 : Chœur feminin. Première imploration
5.- La Pasque aus Juys
À la mesure 31 apparaît le refrain qui sera repris dans différents parties de l'œuvre3. L'écriture
polyphonique qui le constitue sert à introduire et à accompagner la voix de l'Évangeliste. Il s'agit d'un
élément unificateur de l'œuvre qui, selon le compositeur, représente un « archétype de certaines formes
musicales et textuelles que l'on retrouve dans l'histoire »4. Cette type de polyphonie, à vingt voix à
certains moments, présente un profil quasi spectrale où chaque voix individuelle chante une cantilène
presque statique sur une tessiture très réduite.
Cette grande masse vocale a été simulée informatiquement grâce au travail fait avec un chanteur qui a
enregistré, voix par voix, la totalité du chœur masculin. Le montage informatique a permis au
compositeur de constituer un type de mixture vocale complexe et très raffinée d'un point de vue
timbrale, constituée par un divisi par paires des voix. Le timbre granulé résultant est dû à la
combinaison de certains paramètres vocaux, notamment par l'utilisation des consonnes fricatives
alvéolaires comme la [s] ou la [z], des consonnes glottales [h] ou labio-dentales [v] ; mais aussi par
l'usage d'autres paramètres comme le vibrato de chaque voix, l'air utilisé, etc.5 Tous ces individualités
créent un épaisseur acoustique notable et une raréfaction timbrale renforcée par l'utilisation d'appeaux
sur certaines voix et par l'accompagnement de l'orchestre, notamment aux violoncelles, qui utilisent des
sourdines « Scelsi »6 et aux vents qui jouent des notes aériennes. Le refrain se répète trois fois, la
première sur un la instable comme fondamentale (m.31) après sur un la dièse (m.42) et finalement sur
un si (m.48).
Fig.7 – Détail du refrain. Mesure 31
© Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert
Audio 9 : Détail des voix du chœur masculin au refrain
Audio 10 : Extrait du refrain
Le rôle de l'Évangeliste est représenté par un contre-ténor et son profil mélodique se caractérise
notamment par l’exécution consécutive de deux intervalles descendants larges, de sixte mineure descendante et
septième majeure dans sa première apparition.
Fig.8 – Chant de l'Évangeliste. Mesure 34
© Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert
Audio 11 : Rires des disciples
Fig. 9 – Thème de l'ascension
© Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert
De cette agitation produite par les cris des disciples, à la mesure 80 (p.45) émerge un nouveau motif aux
cordes, le thème de l'ascension (Fig.9), constitué par une montée à quatre voix sur des accords de
disposition ouverte et toujours à double cordes. La vitesse avec laquelle la mélodie progresse est
différente pour chaque voix et, étant donné la disposition si ouverte de l'accord, le résultat rappelle une polyphonie paradoxale
, technique très utilisée par le compositeur qui donne l'impression d'un
mouvement perpétuel.7 Ce passage évoque des réminiscences évidentes du deuxième quatuor à cordes du
compositeur, cependant, si dans le quatuor cette « spirale infinie » devient une musique abstraite,
ici la voix de Jésus et sa mise en contexte lui conférent un sens transcendent autre. Le rôle de
l'orchestre devient plus en plus présent et indépendant à partir de ce moment de l'œuvre car, jusqu'à ici,
il était très lié au chœur.
Le thème de l'ascension introduit la voix de Jésus, celle-ci accompagnée dans la plupart de l'œuvre par
les cordes. Sa voix est caractérisée par une personnalité imposante et plutôt autoritaire, le texte de
l'évangile utilise fréquemment l'impératif et le compositeur consciemment le traduit par l'utilisation d'un
motif court descendant qui apparaîtra tout au long de l'œuvre (mesures 82 « Laissiez la ! », m.224,
m.290), ce motif est le thème de l'Eucharistie.
Fig.10– Entrée de Jésus. Mesure 82
© Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert
Des mélodies longues descentes ou ascendantes constituent un autre des motifs caractéristiques du
chant de Jésus, ce profil mélodique est issu du motif de l'ascension joué aux cordes. Le serment de
Jésus, qui est accompagné pendant cette section par les motifs ascendants et descendants aux cordes,
finalise sur une polyphonie basée sur le thème de la croix aux cordes ainsi qu'au chœur féminin sur
laquelle chantent le duo de la Mère de Jésus doublé par la voix de l'Évangeliste. Le refrain réapparaît à
la page 51 se répétant deux fois sur le récit de la trahison de Judas.
7 La polyphonie paradoxale de Michaël Levinas a été influencée par les illusions acoustiques du chercheur français Jean-Claude Risset.
Fig.11 – La voix de Jésus accompagné aux cordes. Mesure 90
© Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert
Audio 13 : La voix de Jésus accompagnée aux cordes
7.- La Céne
Toute la section de la Cène est caractérisée notamment par le thème de la croix sous de différentes
formes. Harmoniquement la section débute sur un accord de si diminué au chœur féminin et aux voix
de la Mère et de Marie Madeleine.
La modulation harmonique est une des stratégies formelles très utilisée par le compositeur dans la
Passion, la section de la Cène étant un clair exemple. Avec l'introduction des cordes à la mesure 148,
l'harmonie module sur un accord de la mineur/majeur. À la mesure 156, un figuralisme au piano
(fig.12) introduit presque chaque modulation du thème, le schéma harmonique étant le suivant :
m.148 la m/M
m.156 si bémol m/M
m.165 si bémol m/M
m.181 mi m/M
m.186 do dièse m/M
m.193 mi m/M
m.201 do dièse m/M
m.214 si bémol m/M
La section en si bémol constitue une sorte d'interlude instrumentale sur le thème de la croix d'une
certaine importance d'un point de vue structurelle compte tenu du fait que jusqu'à ici le chœur avait
prédominé sur tout le discours musical. L'exclusivité instrumentale finira par l'apparition du thème de
l'ascension donnant lieu à la voix de l'Évangeliste à la page 61. Le profil mélodique du personnage est
ici fortement caractérisé par l'intervalle de sixte majeur ascendante et par des descentes chromatiques.
Fig. 12 – Figuralisme de la croix au piano
© Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert
Audio 14 : Thème de la croix aux cordes (p.166)
8.- Thème de l'Eucharistie ; thème de la Crufixion
Après un bref passage de la voix Jésus accompagnée par le thème de la croix aux cordes, les cris des
apôtres laissent la place au thème de la crucifixion (fig.13) qui apparaît pour la première fois dans
l'œuvre à la page 68. C'est le moment où les disciples interpellent Jésus vis-à-vis de l'annonce de la
trahison en se demandant « suis je ce? ». Le thème de la crucifixion arrive après la phrase « o moi me
trahira » et il est un autre figuralisme qu'illustre la sonorité des frappes d'un marteau sur des sons
percutés. Comme d'autres motifs qui ont une correspondance entre la partie juive et chrétienne, il est
apparenté aux rebondissements des cordes dans le Kaddish au tout début de l'œuvre et à la fin de la
lecture des noms. Il apparaitra orchestré de différentes manières à la page 81 et logiquement, et de
manière plus étendue, dans « La crucifixion » à la page 134.
Fig. 13 – Extrait du Thème de la crucifixion
© Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert
À la page 76, après l’alternance des deux thèmes contrastants précédents, apparaît une variation du
thème de l'ascension constituée par une échelle diatonique par degrés conjointes altérée (mi-fa-sol-la-sido-
re-mi bémol). Elle est jouée aux cordes sur des différentes octaves simultanées (parfois altérée par
quarts de ton) et de manière décalée avec un poids notable sur les voix qui jouent les harmoniques
suraigus et qui ne suivent pas forcement l'échelle de base. Sauf ces dernières, toutes les voix jouent à
deux cordes un intervalle de quinte, dans le cas des violoncelles la quinte est jouée sur un harmonique
artificiel, en ayant une distance entre les deux notes de plus de deux octaves. Cette ascension acquiert
une dimension solennelle, qui accompagne la voix de Jésus au moment de l'Éucharistie.
Plus tard, la texture percussive constituée par le motif de la crucifixion, le thème de la croix aux cordes
et les cris des apôtres fermeront la section donnant lieu à la deuxième imploration de la Mère.
Audio 15 : Thème de l'ascension varié
8.- Deuxième imploration de la Mère
L'arrivée de cette nouvelle imploration, à la page 83, structure tout l'évangile jusqu'à l'annonce de la
trahison et sert, d'un point de vue formel, de repos à tout le continuum musical précédent. Pour voix
soprano à capella, elle est composée à partir de la voix déclamée de la chanteuse dont le compositeur
cherche à reproduire l'expressivité de la diction de la langue française ancienne. Comme nous avons
évoqué au début, le choix de cette lange a été fait par ses caractéristiques phonétiques plus adéquates
aux exigences expressives du texte.
Il est important de remarquer que le travail avec les interprètes, notamment avec les chanteurs, a été
important dans le processus de création de l'œuvre, particulièrement dans le cas de cette imploration.
Le profil mélodique du chant de la Mère est issu directement de la déclamation parlée du texte de
Greban, qui fut enregistrée par la chanteuse tout en suivant les indications du compositeur et, toujours
dans une interprétation exclusivement théâtrale. À partir cette voix prononcée, la chanteuse fut
demandé de chanter en essayant de maintenir, le plus fidèlement possible, le caractère dramaturgique de
l’interprétation originale. Le transfert de la voix parlée au chant s'est finalement produit à travers une
écriture sinusoïdale constituée d'inflexions micro-tonales et de désinences si chères au langage du
compositeur. Le chant récitatif résultant est peu stylisé et ses paramètres musicaux ainsi que son
structure sont complètement soumis au texte. Ce type de chant apporte une dimension théâtrale unique
dans l'œuvre.
Audio 16 : Deuxième imploration de la Mère
Par la suite, le voix soliste de la Mère sera accompagné par la voix de Marie Madeleine sur le texte
« parfonde tristesse » et par le chœur féminin sur le motif arpégé du thème de la croix qui ouvrait la
partie chrétienne de la Passion.
(à suivre …)
Carlos de Castellarnau
© Robert Del Tredici
Sandeep Bhagwati, compositeur, et professeur à l’université Concordia à Montreal, nous propose dans cet article de remplacer la partition musicale par des consignes audio (d’où le terme de « partition audio », ou « audio score »). Les signes traditionnels de la notation musicale disparaissent donc ici au profit de stimuli acoustiques délivrés aux interprètes au moyen de casques audio. Une telle pratique redéfinit alors le rôle traditionnel du compositeur et son lien à l’interprète, en offrant une palette expressive bien différente de celle des partitions visuelles (ou classiques).
Dans la pièce Villanelles de Voyelles par exemple (https://vimeo.com/250181664, 2017), Bhagwati nous propose une approche résolument moderne de la composition musicale, qui invite à comprendre, composer, interpréter et/ou écouter d’une façon nouvelle : tout d’abord la restitution de l’œuvre prend corps dans un contexte, on écoute pas ici une pièce de concert, mais on assiste à une performance, un happening, portant l’héritage de John Cage ; ceci pose aussi des questions relatives au monde sonore qui l’entoure, dans la mesure où la musique émise par les chanteurs se mêle à l’environnement sonore urbain. La partition enfin, cherche bien sûr une restitution fidèle de ses consignes audio, mais surtout stimule, provoque la créativité de l’interprète, dans une forme hybride entre improvisation et composition : comprovisation. Cet article propose donc de nombreuses pistes à tout jeune compositeur désireux de se poser une question importante : Comment fait-on faire de la musique à un autre musicien, How do we make another musician make music?
ABSTRACT
Over the past 18 years, I have repeatedly worked with
auditive tools and audio scores that completely replaced
any written score. The paper examines characteristics of
the type of elaborate, autonomous audio score that I developed
during this time, as well as attempts a preliminary
classification of the compositional affordances that
differentiate audio scores from visual scores. It describes
the conveyance modes unique to audio scores; it touches
on questions of control and context in elaborate audio
scores, including on the question of whether such audio
scores must necessarily be comprovisation scores; it
details how, in the context of elaborate audio scores, the
terms “practicing” and “rehearsal” describe other kinds of
activities than they do in the context of visual scores; and
it discusses unique problems of timing in the performance
and composition of elaborate audio scores.
1. INTRODUCTION
1.1 Conveying Music through Sound
How do we make another musician make music - not any
music, but a very specific musical gestalt, music that
conveys a specific meaning, an adequate sensibility, an
intentional emotion? In all musical cultures, this is a key
question for music performance pedagogy. Not surprisingly,
the answer usually is: anything that works – gestures,
images, symbols, verbal descriptions. But most
music performance teaching, even today, uses our ears:
the teacher plays, the students imitate the teacher. Musical
precision is conveyed most effectively through music
itself.
The European practice of music notation, introduced
into teaching as a mnemonic device among many others,
a device initially well-suited to encode sonically abstracted
pitch sequences but not much more, gradually evolved
over a millenium to become the dominant channel for
conveying eurological music from musician to musician.
Over centuries, its always wildly heterogenous catalogue
of signs and symbols expanded to encode many, but never
all, of the gestures, images and auditory informations
that previously had to be conveyed by personal contact.
But how many, precisely? No method transmits musical
information free of loss or noise, especially complex
niceties such as precise timing, dynamics or timbre. But
music conveyance is not simply the transmission of information:
each loss or misinterpretation significantly
alters the aesthetic meaning conveyed. And musicking,
while it may gainfully employ acoustic noise, is inimical
to informational and structural noise.
European music notation has thus always relied on
parallel, complementary channels of music conveyance:
in teaching, the score is used as a support for the sonic
and verbal conversations between students and teachers.
In chamber music rehearsals, the score as a scaffolding
saves time better used for discussions on finer points
between musicians (and, if available, the composer),
while in larger ensembles the role of the conductor has
specifically evolved as a centralized music conveyor.
Conductors in performance, of course, exclusively use
gestures and facial expressions to convey musical niceties,
but in rehearsal they still often sing: the premise
being that even a conductor’s usually quite inadequate
acoustic rendering of a musical passage can convey more
specific musical information than a gesture, let alone
words, could. Again, music itself, even a whiff of it, is
experienced to be the best conveyance for music.1
1.2 Acoustical Cues
Acoustical cues, a feature of many musical practices
around the world (e.g. colotonic gongs in gamelan, shouts
in many African and afrological musics, cadential
rhythms such as tihais in Hindustani art music), often
function as mid-level temporal indices that shape structural
features within a musical flow or coordinate ensemble
phrasing. A special case of such acoustical cueing can
be seen in click-tracks2: conceived initially to sync the
inflexible time structure of tape(d) music with the unavoidably
flexible timings of human performers, they
quickly came to be used by composers who desired precisely
coordinated control over the speed and the extent
of tempo changes in an ensemble – or who wanted the
musicians of one ensemble pursue individual tempo trajectories
that would meet at specific moments: thus parametrizing
time, as it were, both in its flux and in its
synchronicities. It must, however, be pointed out that
while most acoustical cues in other practices are used as
the best available solution to a problem of coordination,
click-tracks need not actually be acoustical, and probably
are not even an optimal solution: visual time cues would
work as well (and might even be less disturbing to musicians).
In live performance, the click-track was most
likely adopted only because paper scores already hogged
the visual channel.
Nevertheless, click-tracks - their technical infrastructure
as well as many musician’s familiarity with them -
opened a window for the previously unknown type of
score discussed in this paper: the elaborate audio score.
1.3 What is an Elaborate Audio Score (EAS)?
For the purposes of this paper, this term denotes a type of
score that uses headphones as its interface to the musician
and conveys musical information primarily via acoustical
messages. If we accept the definition of a score as the
collection of all composer3-defined, non-contingent aspects
of a performance, audio scores, then, are scores that
primarily use auditory communication to convey such
composer-defined aspects to the performers.
These aspects can be conveyed in different modes and
exercize various functions: information, instruction, imitation,
inspiration, and instance (more on these terms
below). These aspects will usually be conveyed in realtime,
i.e. during the performance, although the last mode,
instance, can be and has been used to complement a visual
score.
In spite of their real-time bias, such elaborate audio
scores need not necessarily be situative – they can be as
fixed, and thus practice-able, as a written score. And yet,
what is - and how it is - practiced will not be the same as
in a written score: practicing such a score will tend more
towards creative response than towards faithful execution,
more towards exercising the imagination than exercising
the fingers or the instrument.
Indeed, elaborate audio scores afford composers registers
and opportunities of musical conveyance different
from those possible in visual scores. They also exempt
musicians from looking at a score, and thus free them to
move around, and to use their eyes to take in other relevant
information or to communicate, much as they do in
improvisation or when music is played by heart.
Together with the possibility of conveying other registers
of composerly intention to a musician, this unfettering
of the musician’s body and gaze may be the strongest
motivation for composers to choose the audio score as
their primary communication channel for their compositional
ideas.
These ideas, based on a different interface and sensory
mode, must therefore be different from those underlying a written or graphic score – it is my experience that
composition for elaborate audio scores, especially for
ensemble music, most likely will employ the compositional
stance called “comprovisation”, a complex intertwining
of composition, structured improvisation and
contextual improvisation – this, at least, has been the case
in my compositions and comprovisations that use audio
scores.
1.4 Developing an Elaborate Audio Score
My interest in audio scores already began with a very
early score called “Music for the Deaf and Blind” (1985)
written in my first year of composition studies at Salzburg’s
Mozarteum. In this piece, I had planned to let each
musician in a classical piano trio play within a different
sonic context – each would have a closed-concept headphone
with different music, and they would be asked to
play their written part along with the music in their headphones,
not with their fellow musicians. This piece was
never performed. Since 1999, however, I have been
working with increasing frequency on progressively
complex types of audio score. In l’essence de l’insensible
[3] I used variable radio clicktracks enhanced with audio
instructions to guide and coordinate 12 musicians through
the sonically convoluted spaces of Richard Meyer’s
Stadthaus in Ulm (Germany), and to explore the aesthetic
potential afforded by the difference between synchronicity
and simultaneity. In Nexus [4] I used a continually
reconfiguring live transmission network between five
isolated musicians wandering in a cityspace to coordinate
their musicking. In Alien Lands [5] I used a combination
of animated score and audio score to enable the comprovisations
of a spatially dispersed percussion quartet. In
Iterations [6], I worked with live generated diverging and
converging pulse paths, as well as with the “inspiration”
mode detailed below that encouraged musicians to comprovise
to a live DJ mix that the audience could not hear.
During the gradual unfolding of a work cycle around a
poem by Kabir, “I am a Bird from an Alien Land, my
friend” (Oiseaux d’ailleurs [7], Ham Pardesi [8], Fremde
Vögel [9], On Nostalgia [10], all for ensembles of 7-11
musicians), I finally developed elaborate audioscores that
use all the conveyance modes listed below. Work on this
elaborate audio score continued with Villanelles de
Voyelles [11] for four singers a capella, and, at the time
of writing, with “Ephémerides”, a new project for large,
distributed ensemble, to be premiered in 2019.
The work on all these projects is the primary source
for the analysis outlined below. This paper, as my previous
work on the scores themselves, does not refer to, rely
on or relate in any decisive way to the work of other
composers. While I was distantly aware of and sometimes,
in media reviews, read about works such as Alvin
Lucier’s “Vespers” from 1968, which asks blindfolded
performers to move in a space guided only by scholocation
[12], Elisabeth Schimana’s works that rely on what
she calls “sounding scores” [13,14], the audio pitch and
rhythm prompts for lay singers in Jonathan Bell’s compositions
[15], I never actually encountered these works live
or studied them in detail during the years (1999-2015) that I developed my elaborate version of an autonomous
audio score.
If anything, I was more influenced and inspired by
certain works of installation and performance artists such
as by Sophie Castonguay, whose audio instruction score
patch for “Le souffleur” (2010) [16] was developed by
the same programmer who designed the audio score patch
for my work Oiseaux d’ailleurs; by TC McCormack’s
performance project “Team Taxi” (2005) [17] where
musicians sit in taxis who move around the city of Umea,
Sweden, and create live music by emulating the sounds
and events they hear on this trip; by Tino Sehgal’s “This
variation” (2012) where singers in a dark room at an
exhibition take their cues and sonic material from the
audience members coming to see the exhibition [18]; or
by choreographers such as Xavier Le Roy, who upended
the relationship between sound and the body in his
“Mouvements für Lachenmann”(2005) when he asks the
musician to just execute the movements that would be
required to make Lachenmann’s musique concrète instrumentale,
but without any instruments – thus creating
an inaudible, but mental music [18]; and finally Jerôme
Bel whose “The Show Must Go On” (2001) [19] asks
performers to only move in response different music’s
they can hear in their headphones.4
The reason, however, that none of these works had
any real bearing on my research-creation towards an
elaborate audio score is simple: with the possible exception
of Castonguay, none of these projects was interested
in repeatable, precise instructions – they all aimed to
create ephemeral, improvisatory situations rather than the
kind of repeatable and coherent constellations of sonic
events that characterize polyphonic and multilayered
music scores. These projects did not really care about any
specific dramaturgical shape and/or sound of the resulting
music, whereas my intention was to develop a conceptual
tool that could precisely convey musical ideas, sonic
materials and complex cochlear and temporal dramaturgies
to musicians while they perform – albeit in a less
abstract mode of representation than that of a traditional
ink-on-paper score.
2. CONVEYANCE MODES
As mentioned above, in an elaborate audio score the
composer’s intentions may be conveyed to the musicians
via different modes. It should be noted that all these conveyance
modes are applicable to both real-time scores
(when the audio messages are positioned, sequenced or
even generated live) and offline scores (when audio
tracks (i.e. parts) are prepared beforehand).
The difference between these score types will mainly
impact production modalities, such as the nature of practicing
and rehearsing (see section 4), or the preparation
and integration of live vs. pre-recorded sonic materials.
The sole difference they make to conveyance is quantitative:
each score type will need a different set of conveyance
modes and will weigh their importance differently.
2.1 Conveyance Mode A: Information
Cues are the most basic of auditory signals. They usually
inform the musician about their spatial or temporal embedment
or their place within the dramaturgy of an evolving
performance. They assume that the musician knows
what to do with this information and do not usually offer
specifics.
Cues can take the form of a variable
/intermittent/continuous click-track, a count-down to the
next change, or a kairotic cue-list (“Cue for your Solo:
start NOW!”). Cues could also inform the performer
about aspects of a performance that require no immediate
action or reaction (“next pitch set in 10 sec”, “spatialisation
mode 3 is now active”) or connect the performer to
other participants (“Singer expects your cue”, “Next cue
from trombone”).
A special kind of cue is the pitch cue: A musical pitch
(played as a tone, not verbally denoted) which the musician
does not imitate, but which informs the performance:
the most obvious of pitch-cues would be a drone. Another
example could be an upper-pitch limit that the improvising
musician should not surpass, or a pitch-attractor,
around which an improvisation should weave itself.
While these tones themselves are purely informational,
they, of course, must be pre-faced with an instruction that
tells the musician how to extract this information from
them.
Cues, while basic, can nevertheless decisively shape
the music: most dramatically in the case of a click-track
with varying speeds, or one in which individual tempi
diverge and then re-unite again. They also can be essential
for the performance of a live-generated auditory
score, where a performer needs to be prepared in advance
in order to be able to act on upcoming messages.
2.2 Conveyance Mode B: Instruction
Instruction messages, for a composer, will feel like the
closest analogy to a visual score: they actually tell a musician
what to do at a given moment. Nevertheless, the
type of instructions that are possible in an audio score are
quite different from those in a visual score. Visual notation
affords the composer detailed control over fastmoving
structural detail, especially with regard to pitch
sequence and duration. Audio scores, mainly because
inhabit the time of performance itself, and cannot be previewed,
cannot specify temporal details in similarly fine
detail: hence, their instruction set will always be limited
to comparatively broad strokes.
Instructions come in several types: musical, interactional,
para-musical and indexical. Musical instructions
provoke musical structures that concern only the musician
receiving the instruction; interactional instructions
concern the musical relations between two or more musicians;
para-musical instructions direct the performers to
enact non-sonic behaviours; and indexical instructions
point to, explain, and set up other conveyance modes.
2.2.1 Musical Instructions
While musical instructions in audio scores cannot shape
musical structure in deep detail, they can provoke a more
or less creative enactment of such structures. Such enactments
can take different forms:
a) recall: instructions refer to material previously committedto memory (“Play Melody X”, “Play Rhythm Y”)
b) adapt: memorized musical fragments are used as material to be transformed into the current context (“Play Melody X to fit/counter the current tempo/time signature/register”, “Play Rhythm Y in triple time” etc.)
c) create: instructions describe the music to be played in a rather comprehensive fashion (“Play a sad / upward moving / triadic etc melody” , “Play a jerky / groovy /rigid beat” etc.). Perfomers must then invent a music that fits these descriptions.
d) tune: musicians can be given precise pitches to play. This can be especially useful in microtonal contexts, and indeed seems one of the more practicable and reliable scoring solutions for precise microtonal tunings. It, of course, will work only with slow moving pitch material. In live-generated scores, this format can also help tune the musicians to other sound sources, such as an environmental sound.
e) conduct: each musician can be given precise cues for starting and stopping, for the precise evolution of dynamics and pulse, and for the coordination with other musicians. These are tasks that usually are relegated to conductors. Audio scores, however, are a unique tool that can be used by composers to shape each of these musical parameters as they happen, and this separately for each musician or sub-ensemble.
2.2.2 Interaction Instructions
These instructions ask the performers to connect with
other performers or with their environment – sonic or
otherwise - in various ways. Such instructions can range
from “Imitate performer x” to “Accompany performer Y”
or even “Disturb performer z”, or other interactional
behaviours. And they can focus the interaction on specific
elements of another’s performance: “Follow the pitches
of Z but in another rhythm” or “Match timbre with Y”
or “Create a rhythmical dialogue with X”.
Similar interactions with the environment fall into this
category, if they do not only reflect the sonic landscape
(that would be more an imitative behaviour, see 2.3) but
imply an interaction with it (“Trumpet: make the piano
strings resonate” or “Accentuate/Satirize a conversation
happening nearby”).
2.2.3 Para-musical instructions
Freeing the performer’s body and gaze implies new compositional
parameters: directionality of body and gaze,
body posture, the musician’s position and trajectory, etc.
These can be integrated into a score in flexible ways
previously difficult to define (“During the next 6 seconds:
On a high pitch, quickly turn 180° while singing” or
“When you hear a mordent from someone, slowly walk towards this performer”, “Turn away from the loudest
among you.”).5
Such parametrizations can be used musically (mainly
for flexible, improvisable, emergent types of sonic spatialisation
as well as for re-configurations of the ensemble)
as well as theatrically or choreographically.
2.2.4 Indexical Instructions
These are instructions that set up other conveyance
modes: after all, the sound examples that are used as
reference in the Imitation, Inspiration, and Instance
modes (see below) are not self-explanatory – they need to
be framed and defined by an instruction. (“Mimic the
following sound”, “Accompany the following sound”,
“Improvise like in the following sound”). Similarly, such
instructions can set up and define a cue (2.1.1.) (“On next
three cues: change timbre”).
2.2.5 Wording
A final remark on the wording of instructions: there is a
musical necessity to be as precise, unambiguous and
concise as possible. Musical time is so much more finely
grained than verbal time - and the longer or complex a
message is, the more music time it consumes – both on
hearing and when it is processed by the performer. In
addition, the longer an instruction the greater the risk that
it is not fully retained or understood by the performer
(who, after all, is usually playing while listening to the
instruction). At the same time, in a comprovisation context,
instructions do not really work effectively if they are
commands that must be followed blindly – they need to
be experienced as hints that open possibilities rather than
constraints that close down options.
I have frequently found the wording of instructions to
be a aesthetic/creative act in itself, not unlike writing
poetry.
2.3 Conveyance Mode C: Imitation
Set up by the indexical instruction “Mimic the following
sound” the performer aims to closely lock into a synchronized
(or, if possible, responsive echoing) imitation of a
sound example heard in the headphone. The composer is
completely free to use any sounds as sound examples6 – a
part of the interest in this feature will be the actual, physical
inability to exactly imitate the sounds presented on
one’s instrument: e.g. when a flutist hears a waterfall’s
bass rumble, or a keyboard player hears a microtonal
glissando. The strain to imitate the impossible will produce music that the performer would not have used in the
course of their usual idiosyncratic improvisations.
An interesting aspect of this approach to imitation is
the insight that the sound example will never be imitated
perfectly – and that embracing this impossibility opens
another door: just as Chinese script characters enable the
same thought to be communicated and spoken in widely
different dialects and languages, the imitation mode enables
musicians of widely different traditions and instruments
to create the same sonic dramaturgy within their
own sonic reference frame, even though their individual
realizations of the sound to be imitated might differ wildly.
7
A special case of this (and the two following modes)
would be the invitation to mimic sounds and sonic structures
outside the performer’s headphones, in the immediate
or mediated environment. This introduces even more
contextual chance elements into the score, and seems to
require a kind of default instruction that kicks in when,
for any reason, the environment does not afford anything
that the performer could use as a sound example.
2.4 Conveyance Mode D: Inspiration
Set up by an indexical instruction that specifies an interational
relationship with a sound example such as “Accompany/
accentuate/satirize/simplify etc the following
sound” the performer uses the sound in the headphones
(or outside) to orient her/his playing in the interaction
mode defined by the instruction. This orientation is not
mimikry in the sense of the previous mode, but rather a
way of playing that takes off from the example, expands,
comments, counterpoints it. This includes the possibility
that the musician will play something that is not similar
to the sound of the example, but emerges from a musical
dialogue with it.
Interestingly, these interaction modes usually describe
social or structural relationships rather than musical ones.
In effect, the player treats the sound example in the headphone
as if it emanated from another performer or other
performers - and plays with these “other performers”
according to their mutual musical and social positioning.8
One can, of course, ask a performer to be inspired by
the sound example in a strictly musical, compositional
manner (e.g. “play a floridus counterpoint to the example”,
“play the example as a New Orleans jazz phrase”,
“only play spectral overtones of this sound” etc.). This,
obviously, will limit the choice of performers to those
able to easily navigate such technical or stylistic constraints.
But such a musical constraint can also be productive
if used against the grain.
For example, I have found it musically interesting, in
working with ensembles consisting of musicians from different traditions, to generalize such instructions to e.g.
“play this example as it would be played in your tradition”.
In this way, aesthetical choices (here, an interest in
composing with the differences between musical mannerisms)
can determine and redefine the function of particular
modes of conveyance.
2.5 Conveyance Mode E: Instance
In this mode, the sound example the musician hears in the
headphone9 is used indeed as an example, one instance of
a particular style of musicking that the performer is expected
to realize. These examples are, in a sense, seeds
for a specific music to come: everything about them can
be important and become a guide to improvisation.
As a composer, one can either rely on the performer’s
ability to both intellectually and intuitively grasp the
specifics of this particular instance of possible musicking
– or one can specify those aspects of the sound example
that could become generative in the context of the current
performance: “Take the rhythms and improvise with
them”, “Develop the example’s melodic movement”,
“Like in the example, play with timbral changes” or a
similar focus on other parameters.
Instances can be used as examples in the legends of
visual scores, too (I have, for example, used them to
specify and differentiate different types of glissando, or
to show a specific desired voice quality). In an audio
score, they become a powerful and enabling live comprovisation
tool.
The three last approaches delineate three different interactions
with any given sound example: imitation engages
in sonic mimikry, inspiration engages in musical elaboration
while instantiation is a process of analysis and continual
re-construction.
3. SCORING
3.1 Comprovisation
Most music traditions arise from the fact that those aspects
of a performance that need to remain coherent from
one performance to the next and those that can be left to
contingency, context and improvisation tend to converge
on a stable, praxis-based mix: each tradition ‘selects’ a
unique constellation from among all the possible permutations
of performance parameters10. Further musicking in
such a tradition is then determined by this constellation.
For musicians within a specific tradition, its axiomatic
constellation of performance parameters will over time
become unquestioned and invisible. For example, western
classical musicians usually not ask themselves why composers
in their tradition (who mostly do not play with
them) have readily provided them with pitches and
rhythms and articulations - but often have left performers
to figure out vibrato, portamenti, rubati or the kind of
reed they use etc. They do not question this particular
choice of parameters, but rather accept it as their baseline
- and focus their creative energy on shaping those “surplus”
parameters that their tradition leaves undefined.
Comprovisation, in contrast, is a creative mode in
which composers, for each new piece, must decide the
specific constellation of parameters that are to remain
unchanged from one performance of the piece to the next,
as well as those that are to be decided in the performance
context [21]. Such decisions are often guided by several
categories of constraints - cognitive (how many different
and separate parameters can a musician control while
playing), social (how much minute aesthetic control over
a performer is socially acceptable, to what degree is a
score perceived as an invitation for co-creation rather
than as one where performers ‘execute’ the directions of
an author) and, for a large part, technical/ structural/
organisational (available instruments and technology,
players’ abilities and preferences, acoustics of available
venues, can players hear/see each other, etc.).
The elaborate audio score, initially defined primarily
as a specific interface and mode of conveyance, has already
been shown to afford and privilege certain modes
in which aesthetic or pragmatic information can be conveyed
to the musician. There is, however, and for now,
no particular school or aesthetic tradition based on audio
scores, i.e. there is no “conventional” set of performance
parameters, conveyance modes and sonic behaviours that
performers and composers can regard as given when they
embark on musicking with an audio score. This situation
thus requires composers to constantly think about defining
their own selection of performance parameters, almost
anew for each artistic project: their creative mode
for using audio score thus must be comprovisation.
As mentioned above, audio scores are not ideally suited
to prescribe, describe or control fast-moving, nonrepetitive
details of pitch sequences, durations or articulatio.
Instead they allow composers to inspire ensemble
musicians to realize sonic behaviours that transcend the
limits of written notation – and to coordinate them in
ways impossible for improvisers. Many of the sounds and
sonic behaviours resulting from audio scores will, of
course, be familiar both from improvised and from composed
music. But in an audio score, they can be sequenced
and arranged in conceptually and/or dramaturgically
elaborate musical relationships and ensemble constellations
that transcend both the barely situative written
score and the bare scaffoldings or the entirely emergent
dramaturgies of improvised music – they enable complex
architectures of ensemble comprovisation.
Moreover, audio scoring enables a composer to devise
performances on the basis of any sonic behaviour whatsoever
– including those that in the normal course of
improvisation or sound production would require lengthy emotional/musical build-ups or that musicians would
never use instinctively in their improvisations.11 Such
extra-traditional sonic behaviours can be coordinated and
sequenced in utterly non-improvisational ways, while
retaining their ontological openness for improvised sonic
realization. As such, audio scoring is a creative mode that
straddles both composing with conventional and graphic
visual notation (imagining sounds, providing prompts to
realize an imagined sound) and composing electroacoustic
music (working with each sound as it is, without considering
with its reproducibility or re-creation).
3.2 Timing
3.2.1 Precise timing
Tracing the advanced audio score back to click-tracks as
one of its forerunners highlights one of the most obvious
affordances of audio scores to the composer: perfect
control over timing. Not only is it possible to enable
groups of musicians to play in precisely coordinated
variable tempi (rubati, accelerandi, ritardandi etc), but
such variable tempi can also be composed polyphonically,
allowing a different temporal evolution for each musicians
while ensuring that all converge on a new common
tempo at a later moment.
While such advantages certainly are useful, they are
not applicable to all musical situations: Accelerandi and
ritardandi often are more expressive when they are not
precise, and rendered ad-hoc to fit the dramaturgical
context. Diverging and converging tempi or polytemporal
rhythms, in order to become aesthetically perceptible,
usually require the musical material itself to be
restrained and concise – and such restraint may well run
counter to stylistic or improvisatory affordances.
In many cases, click-tracks, whether pre-recorded or
live-generated, simply are not optimal solutions for a
desired outcome. For example, musicians in imitation
mode will often be attracted to or perturbed by any timings
in the sound example, and many instructions effectively
generate their own temporal structure which may
clash with the abstract pulsations of a click-track.
Lastly, audio scores, unlike visual scores, confront
musicians with a score element, a message or instruction
in real-time. One cannot, in an audio score, glance ahead
towards things to come – rather, each instruction and
example in the score arrives in the actual present, and
must be processed (i.e. understood and musically realized)
immediately. But this moment of immediacy has an
indeterminate duration – each musician will react more or
less promptly to an instruction, and may take a different
moment to process it into actual sound. Often, especially
in live-generated scores, such instructions may arrive at
any moment in a musical flow, and in certain stylistic or
musical contexts, the musician may need to “wind down”
the current utterance before taking up the new instruction.
In music, however, aesthetically relevant coherence coordination
is a matter of split-seconds – and the slightest of
such hesitations could thus destabilize a music that relies
on precise click-track compliance for its aesthetical import.
3.2.2 Heterophonic Elastic timing
Audio scores are a tool suited particularly well to what I
call ‘heterophonic elastic timing’, i.e. a mode of temporal
ensemble coherence that is neither rubato (localized pulse
variance) nor swing (localized variance in pulse/attack
couplings) nor, of course, straight “playing-on-the-beat”.
It also is different from kairotic, inner timing in solo
improvisations, because, although it may appear similar,
heterophonic elastic timing can only really apply in an
ensemble setting: the term describes a particular type of
coherence between different musicians.
Heterophonic elastic timing occurs when a score is
not only tolerant to the minute differences between individual
performers in reaction time, processing time, and
individually felt fit to the current musical activities – but
when it actually embraces and expects such individual
aberrations within the ensemble, usually in the interest of
a larger goal: this could be a maintaining an emotionally/
kinesthetically convincing flow, or an interest in perturbances
and their effects on musical dramaturgy etc.12
Performers in my audio score pieces have likened the
experience of playing in heterophonic elastic timing to
the coordination of fish or birds in a swarm: a common
trajectory is followed, but nevertheless each participant in
this swarm has a certain leeway in seeking their way – for
example if one encounters an obstacle, or if winds or
currents require adaptation. In an audio score with heterophonic
elastic timing, performers are effectively asked
to coordinate dramaturgically (i.e. by ear), while the
temporal flow weaves in and out of synchronicity.
A special case where precise and heterophonic elastic
timing are both applicable in audio scoring is the situation
in spatially dispersed, and maybe even spatially
mobile ensembles: here, a precisely synchronized audio
score can serve as the rigid conceptual scaffolding for a
music that will sound quite elastically timed, simply
because each listener will be at a unique location that is
defined by a specific set of time lags for each musician,
depending on the distance of the musicians. A composer
could make use of this effect by writing exactly the same
rhythm for all musicians, and then let the position and movement of the listener ‘compose’ a flexible spatial
canon.
3.3 Situative and Fixed Audio Scores
Audio scores occupy a curious middle ground between
situative and fixed scores. If we follow the definition of
situative scores, as “scores that do not build on linear,
pre-existing information structures. Information in these
scores is only available ephemerally, i.e. while it is displayed
or accessed in a particular context” [24] then audio
scores are situative scores – during performance,
every instruction or example is only ephemerally available
to the performer around the time of its realization.
And in the case of live-generated audio scores, this assumption
holds water.
However, both in my work and that of others, the audio
score has also been used in a fixed format – the individual
performers’ tracks, like orchestral parts of a written
score remain the same for any performance, and can
even be played on mp3 devices, their start synced by
gestures. In this case, the individual part itself is no more
situative than a written score – each performer can play it
back to themselves and, if it helps, even learn it by heart.
The audio comprovisation score is fixed and repeatable –
which means it can be rehearsed, much like any other
visual score.
4. PRACTICE AND REHEARSAL
In elaborate audio scores, the rehearsal is an important
facet that guides their implementation and even composer’s
choices.
The performance of audio scores usually requires
fewer ensemble rehearsals than a complicated chamber
music composition and more than a free improvisation
concert. And it usually requires more individual practice
and exploration than both the chamber music concert and,
most likely, also a free improv concert. What are the
demands on a musician performing the kind of elaborate
audio score discussed in this paper?
In any audio score comprising more than the most
basic of elements (durations and pitches), the particular
set of instructions first needs to be learned and understood.
As mentioned in 2.2.5, the constraints on the wording
of instructions are intense, and almost always will
require the composer to use short-hand terms for more
complicated ones, and explain them in the legend. In this,
the first approach to an audio score is very similar to that
needed for a conventional new music score that uses
many non-standard symbols.
Once the musicians understand all the instructions,
they might need to practice particularly demanding passages,
just like in any other score. The difference, however,
that these passages will only rarely be demanding for
their fingers or larynx – rather, the difficulty in these
passages will mostly pose a conceptual or creative challenge:
How to create engaging and convincing music in
imitation, inspiration or instantiation of a given sound
example – especially when the score affords only a fairly
short window of a few seconds to make such a musical
statement? In my experience, the only truly virtuosic challenge in practicing an audio score tends to arise with
complicated click-track led tempo changes and pulsebased
improvisation.
The main questions that need to be addressed in subsequent
ensemble rehearsals usually are again very different
from usual orchestra, chamber ensemble or band
rehearsals. Coordination in time and pitch, in phrasing
and in musical inflexion, the great time devourers in
usual rehearsals are almost absent from the audio score
rehearsal process – as delivering exactly these parameters
to the musicians is the great forte of such scores. Most
rehearsals I have witnessed tend to use the available time
to focus on the musical interaction between the musicians,
on understanding one’s role in a larger context and,
as a consequence of this understanding, on exploring
one’s responses to the instructions and sound examples.
In rehearsing an audio score, musicians, much like theatre
actors, need to understand the musical persona their engagement
with the audio score brings forth from inside
themselves.
5. PERFORMANCE
5.1 Interface and Infrastructure
Audio scores, while using a comparatively recent technological
interface, are not currently in dire need of ongoing
technological development – they rely on existing technologies.
In fact, today’s audio and wireless technologies
require between none and very minor tweaks in order to
be appropriate for all kinds of audio scores for the foreseeable
future.
All an audio score requires are interfaces to the musician’s
ear(s) (typically: open-concept headphones), a
device providing the sequence of acoustic conveyances
that make up the audio score, and, for some uses, a centralized,
multi-channel audio dispatching system. If musicians
are expected to move through space freely (after all,
one of the primary motivations for using an audio score)
then this dispatching system must be wireless. All these
technologies have for some time already attained commercial
viability and reliability, and are commonly used
in commercial branches of the live entertainment industry
as well as in a variety of non-artistic professions such as
the military, police, or large construction sites.
Likewise, any software that would control the score or
the multi-channel dispatcher is comparatively easy to
come by: in many cases, basic functions of studio sequencing
softwares are largely sufficient, and if not, multi-
channel real-time composition software frameworks
are comparatively easy to program. While it is conceivable
that a specialized audio score composition software
might emerge, there currently seems to be no need for
one.
The only remaining source of technological uncertainty
concerns the synchronization problems that may
emerge in future, more evolved and data network-centric
instantiations of the audio score13 when many wireless
data channels within close range must be kept in sync with one another. Interference, critical dropouts and unpredictable
variations in latency can be assumed to remain
vexing nuisances. Should the realization of an audio
score therefore require split second coordination, analog
radio transmission has so far proven to be the more reliable
option.
5.2 Ensembles
As already mentioned above, the most obvious use for
audio scores in music is an ensemble – in principle, of
any size.14 For the audience, the interplay of synchronicity
and diversity, the joys of co-incidence and divergence,
the seemingly unconducted and unexpected kairotic moment
as well as the richness and tangibility of quickly
changing, observable spatialisation through moving musicians
are essential aesthetic assets of performances
using an audio score, as can be the more choreographic or
theatric possibilities such a score affords the composer.
All these would obviously remain absent in a solo
score – the one exception being: a solo musician performing
to a live-generated audio score that in a specific,
artistically insightful and perceptible way connects the
comprovisational solo to the audible or visible, but ostentatiously
non-composed, contingent context, environment
or situation of the performance.
6. CONCLUDING REMARKS
As we have seen, audio scores, at first blush merely a
new type of interface, create new affordances for composers,
require new approaches to playing with a score
for performers and afford new aesthetic experiences for
audiences. A widespread use of this interface would thus
likely lead to new aesthetics of musicking. Competent
and insightful reflections on such a sea change, however,
would require detailed musical and theoretical analyses
of actual comprovisation works that use audio scores.
This paper intends to provide some tools for such
analyses, and for the ensuing aesthetic discussion. But
most of all, it is a composer’s invitation to other composers,
a little manual of how to approach and think through
composing with this relatively new and, as far as I can
see, not yet intensively explored score interface for novel
types of communications between composers and performers.
Acknowledgements
Research-Creation leading to this paper was financially
supported by the Social Sciences and Humanities Research
Council, the Canada Research Chairs Program, the
Fonds Quebecois de Recherche – Société et Culture, the
Canadian Congress for the Humanities, the Conseil des
Arts et Lettres de Quebec, the Hauptstadtkulturfonds
Berlin, and the Sociéte de Musique Contemporaine de
Quebec. It was artistically supported by matralab (Concordia
University), Stadthaus Ulm, Radialsystem V Berlin, Ensemble Supermusique Montréal, Bye Bye Butterfly
Percussion Quartet, and Ensemble Extrakte Berlin. The
author would also like to thank: Dr. Martin Scherzinger,
my audio score software developers Matthieu Marcoux
and Joseph A. Browne, as well as all the many musicians
who tested the different versions of the Elaborate Audio
Score for valuable insights and hints.
7. REFERENCES
[1] G. L. Duerksen. Teaching Instrumental Music.
Music Educators National Conference, Ann Arbor:
University of Michigan Press, 1972.
[2] G. Ligeti, “Poème Symphonique” for 100
metronomes. London: Boosey & Hawkes, 1962.
[3] S. Bhagwati, “L’essence de l’insensible” for
dispersed ensemble with clicktrack unpublished
score manuscript. Berlin, 1999.
[4] S. Bhagwati, “Nexus’ for 5 itinerant musicians with
musical audio scores, unpublished score and
software, Montréal 2010. [Online]. Available:
http://matralab.hexagram.ca/projects/nexus/
[5] S. Bhagwati, “Alien Lands” for 4 distributed
percussionists with animated and live-generated
scores, unpublished software score, Montréal 2011.
[Online]. Available:
http://matralab.hexagram.ca/projects/alien-lands/
[6] S. Bhagwati et al., “Iterations” for speaker, 8
musicians, 2 silent DJs, headphone installation and
interactive clicktrack unpublished score & software,
Berlin, 2014. [Online]. Available:
https://vimeo.com/120307891
[7] S. Bhagwati, “Oiseaux d’ailleurs” for 11 musicians
with written score and live-performed audioscore
unpublished, Montréal, 2011. [Online]. Available:
http://matralab.hexagram.ca/projects/oiseauxdailleurs/
[8] S. Bhagwati, “Ham Pardesi” for 8 itinerant
musicians with pre-recorded audio scores,
unpublished audio score, Montréal, 2014.
[9] S. Bhagwati, “Fremde Vögel” for 7 itinerant
musicians with pre-recorded audio scores.
unpublished, Berlin, 2015.
[10] S. Bhagwati, “On Nostalgia” for 9 musicians with
pre-recorded audio score. in: Ensemble Extrakte,
Treatises on Trans-Traditional Musicking [CD].
Berlin, 2017. Track 13.
[11] S. Bhagwati, “Villanelles de Voyelles” for 4 singers
a cappella with pre-recorded audio scores.
unpublished, Montréal, 2017. [Online]. Available:
http://matralab.hexagram.ca/projects/villanelles-devoyelles/
[12] A. Lucier, “Vespers” (1968) for blindfolded performers
with mobile echolocation devices. In: A.
Lucier and D. Simon, Chambers: Scores by Alvin
Lucier. Middletown: Wesleyan University Press,
2012. p.15–27.
[13] E. Schimana. “Virus #1.0-#1.7” for live generated
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[14] E. Schimana, “Vast Territory. Episode 1 Lily Pond”
for violin, viola, cello, bass clarinet, flute and
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http://elise.at/project/Vast%20Territory
[15] J. Bell and B. Matuszewski, “SMARTVOX. A webbased
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[16] S. Castonguay, “Le Souffleur” performance for six
performers with headphones. [Online]. Available:
http://www.sophiecastonguay.ca/index.php?p=lirepr
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[17] TC McCormack, “Team Taxi” performance for 6
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[18] C. Bishop and T. Griffin, “No pictures, please:
Claire Bishop on the art of Tino Sehgal,” Art Forum,
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[19] X. Le Roy, Mouvement für Lachenmann. Staging of
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[20] J. Bel, The Show Must Go On, 2001. [Online].
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[21] S. Bhagwati, “Comprovisation – Concepts and
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[22] R. Polak, “Rhythmic Feel as Meter: Non-
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[23] M. Scherzinger, “Temporalities,” in A. Rehding, S.
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Music Theory. New York: Oxford University Press,
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[24] S. Bhagwati et al., “Musicking the Body Electric.
The “body:suit:score” as a polyvalent score interface
for situational scores,” in Proceedings of the
International Conference on Technologies for Music
Notation and Representation (TENOR’16),
Cambridge, UK, 2016
Directrice de l'école de musique de Solaure, Marie-Aline Bayon est auteure d'un ouvrage sur la révolution numérique et l'enseignement musical. Convaincue de la pertinence des outils numériques, elle met actuellement en œuvre un projet innovant : la première école de musique connectée de France.
Quel type d'élèves recevez-vous ? Quels âges ? Que cherchent-ils le plus souvent ?
A l’école de musique de Solaure (quartier sud de St Etienne, Loire), nous accueillons tous types d’élèves à partir de 3 ans. Ces jeunes enfants accèdent aux cours d’éveil musical et à partir de la classe de CP, ils peuvent commencer à apprendre à jouer d’un instrument. Naturellement, nous accueillons aussi les adolescents et les adultes car nous disposons de surcroit de toute une offre en pratique collective et ateliers : chacun peut y trouver son compte !
Concernant les enfants, il n’y a pas de profil type : certains sont très déterminés à pratiquer un instrument précis et vont s’impliquer dans un cursus diplômant, d’autres sont plus à la recherche d’une découverte de la musique au sens large et vont plutôt se tourner vers un atelier avant d’avoir une envie plus précise.
Notre projet d’établissement fait la part belle à la pratique collective et du côté des plus grands, c’est un élément qui compte. En effet, le fait d’apprendre à plusieurs et de jouer ensemble est un critère déterminant pour les adolescents et les adultes qui, certes, cherchent une pratique artistique mais également un lien social à travers elle.
Enfin, dans le cadre de l’école de musique connectée, à la rentrée prochaine, nous inaugurons un nouveau pan de notre offre, celui de la musique connectée : la fabrique musicale où les enfants en CP pourront s’initier à la musique en découvrant les instruments et la création grâce à notre parc de matériel numérique, la tablette academy (apprentissage de la musique sur tablette/smartphone), un atelier de MAO pour les enfants de primaires et le parcours cyberorchestra, un parcours en apprentissage mixte comprenant un cours de 1H45 à l’école (apprentissage de l’instrument, jeu et création en collectif au moyen des outils numériques) et des ressources en ligne pour la maison.
Il semblerait que les conservatoires et écoles de musique aient pris un certain retard en matière de musique assistée par ordinateur. Le modèle du conservatoire à la française est un modèle très ancien, avec certes de grandes qualités, mais est-il possible à votre avis de l'ouvrir vers une forme plus hybride, ou faut-il à votre avis chercher un modèle complètement différent ?
Très ancien, c’est peu dire ! Le Conservatoire a plus de 200 ans et, s’il a évidemment et heureusement évolué, notamment ces dernières trente dernières années avec les schémas nationaux d’orientation pédagogique successifs, ce qui perdure effectivement c’est le modèle de transmission du maître à l’élève.
Ce modèle vise à former des interprètes de haut niveau et, dans la culture professionnelle, les enseignants y demeurent très attachés. Le numérique peine donc à entrer réellement dans les usages même si de plus en plus de structures comptent la MAO parmi leurs offres.
Des offres alternatives d’apprentissages se sont développées, notamment en ligne (Carpédièse ou imusic-school par exemple), mais elles proposent généralement des offres ciblées.
De mon point de vue, le conservatoire va et doit continuer d’exister car il fait partie de notre patrimoine mais il doit faire une mise à jour ! Les conservatoires se sont ouverts et grands nombres font des efforts, réfléchissent à des dispositifs pour accueillir de nouveau public. L’enjeu est là à mon sens : le conservatoire se doit de pouvoir accueillir le public avec un grand P !
A l’image de ce que je développe avec l’école de musique connectée, il est possible d’accueillir tous les publics si l’on propose une offre adaptée : mettre en place la MAO et utiliser plus généralement le numérique n’est pas incompatible avec faire perdurer la tradition.
On constate souvent en conservatoires que des élèves avec une forte maîtrise instrumentale n'ont absolument aucunes notions d'informatique musicale. Qu'est-ce que l'outil informatique pourrait leur apporter en premier lieu ?
L’outil informatique pourrait leur apporter à la fois des pistes de travail pour améliorer leur pratique et une ouverture sur une pratique autre que leur pratique initiale.
Par exemple, l’enregistrement peut aider l’élève à avoir une oreille plus « objective » sur sa production sonore et donc s’améliorer à différents niveaux (qualité du son, rythme, volume, nuances…). Les logiciels de notation peuvent aussi lui permettre d’aborder le rapport à l’écrit différemment en lui donnant la possibilité de travailler sur la notion d’arrangement que ce soit pour lui ou pour un collectif de musiciens et d’aborder conjointement des notions essentielles d’harmonie par exemple.
Pour aller plus loin, l’instrumentiste qui se lancerait dans la production musicale en direct avec un logiciel comme Ableton Live aurait l’opportunité d’élargir sa culture musicale en pratiquant dans d’autres styles et, pourquoi pas, en hybridant sa pratique avec celle de l’ordinateur : travail de boucles, jeu en direct avec l’ordinateur et l’instrument…
A l'inverse, la musique sur ordinateur n'a-t-elle pas tendance à replier les musiciens sur eux-mêmes, à geeker. Une DAW (Digital Audio Workstation) est un jeu merveilleux, qui se joue le plus souvent tout seul : les pratiques collectives ne restent-elles encore souvent plus spontanées avec des instruments acoustiques ? Comment insuffler du collectif aux nouvelles technologies ? Concrètement, par exemple avec quels outils ?
S’il on observe un DJ animer une soirée, il est seul derrières ses platines ou son ordinateur et les musiques électroniques impliquent un rapport différent au public. Cependant, pour avoir assisté à bon nombre de concerts, les musiciens acoustiques communient parfois peu avec le public aussi ! Cela dépend vraiment des artistes et des instants.
Ce qui est indéniable, c’est que l’ordinateur ajoute entre l’artiste et le public une interface qui est plus prégnante qu’un instrument acoustique et qui peut être vécue comme un mur. Malgré tout, il se développe des formes hybrides de musique où se mêlent les instruments acoustiques et les instruments numériques et cela fonctionne.
Il est possible de jouer de l’ordinateur comme d’un instrument acoustique et ce justement avec des musiciens acoustiques mais cela requiert un niveau de pratique un peu avancé et une proposition artistique réfléchie. En l’état, nos pratiques pédagogiques dans les conservatoires ne sont pas encore suffisamment développées sur ce point-là pour présenter des exemples probants mais je pense que cela n’est qu’une question de temps, d’où l’impression que les pratiques collectives plus « traditionnelles » sont plus spontanées.
En revanche si l’on sort du domaine des DAW, je peux citer Smartfaust du Grame (Lyon). Faust est un langage de programmation développé par Grame et Smartfaust est la déclinaison de ce langage en applications pour smartphones. Concrètement, les applications utilisent l’altimètre et le gyroscope : le musicien produit de la musique par le geste et, en fonction de celui-ci (dynamique, intensité, mouvement…) il travaille la matière sonore.
Grame a développé de nombreuses actions de médiation en direction de publics scolaires avec notamment la pièce « SmartMômes » composée par Xavier Garcia et des séries de concert participatifs avec des publics lambda. Pour moi, c’est un exemple probant de collectif par les nouvelles technologies et à destination de tous puisqu’il n’est pas nécessaire d’être musicien pour utiliser Smartfaust.
Si on prend le cas d'enfants de moins de 10 ans, où se situe pour vous la frontière entre un instrument et un jouet numérique ? L'enfant sera naturellement plus attiré par une tablette qu'un instrument acoustique, mais peut-être qu'une guitare lui offrira d'autres possibilités malgré une prise en main plus difficile ? Que préconisez-vous dans ce cas de figure ?
Dans le cadre de notre expérimentation sur l’apprentissage mixte, nous avons utilisé les tablettes et les smartphones avec des enfants de cet âge-là et j’ai quelques éléments de réponse même si mes conclusions ne sont peut-être pas généralisables.
Un groupe d’une douzaine d’enfants âgés de 7 à 11 ans ont travaillé sur un projet en apprentissage mixte : réaliser la musique et l’animation sonore d’un petit dessin animé. Répartis sous-groupes, les enfants ont tous, à un moment ou un autre, utilisé la tablette ou le smartphone pour produire des sons mais ils utilisaient aussi leurs instruments.
Au départ, utiliser ces outils a en effet généré beaucoup d’excitation, d’une part de par le caractère « nouveau » de cet usage au sein du cours de musique, d’autre part parce que les enfants ont tous l’habitude de ces objets, qu’ils aiment les utiliser pour des usages récréatifs et que ces mêmes usages sont certainement limités à la maison par les parents ce qui accroit l’excitation.
Cependant, au fil du travail, les enfants sont devenus plus responsables face à ces outils et l’excitation s’est canalisée en voyant le travail prendre forme. Nous n’avons pas déployé ces outils juste pour le dit de le faire, il y avait un véritable sens pédagogique. Les tablettes ont par exemple permis de déclencher facilement des sons créés par les élèves à partir de leurs voix, leurs instruments ou d’applications, et assignés à des pads pour animer les personnages.
En ce sens, je ne les considère vraiment pas comme des jouets numériques car ils ne sont pas là pour divertir mais bien soit pour faciliter une production musicale, soit pour permettre de réaliser des éléments qui ne seraient pas possibles sans. Ce ne seraient des jouets que si nous ne réfléchissions pas à l’objectif pédagogique qu’ils doivent permettre de réaliser.
Bien sûr, pour les enfants, cette utilisation revêt un caractère ludique et amusant. Pour autant, est-ce un problème ? Ne dit-on pas « jouer de la musique » ? Ce qui m’inquiète davantage, c’est lorsqu’un élève trouve cela ennuyeux de jouer de son instrument !
Naturellement, on ne fait pas les mêmes choses avec une guitare qu’avec un smartphone. Peut-on aller plus loin avec guitare ? Je pense que cela dépend du but que l’on veut atteindre. Il y a des choses qu’une guitare ne vous permettra pas de faire et c’est pareil pour un smartphone. Ce sont deux types d’instruments qui n’ont pas les mêmes fonctions et qui ont leurs limites. Je crois que l’écueil consisterait à faire croire que c’est pareil : on ne produit pas les mêmes choses, ce ne sont pas les mêmes usages, cela n’implique pas les mêmes types de compétences même s’il y a des compétences qui se croisent.
Chose intéressante à souligner cependant, lorsque nous avons interrogé les élèves sur leur expérience après le projet, la majorité a affirmé préférer utiliser l’instrument, c’est donc bien que les élèves sont capables de faire la différence et ne pas céder à préférer la tablette juste parce qu’elle apporte un résultat peut-être plus immédiat et donc avait moins « d’effort » qu’une guitare.
Pensez-vous que l'outil numérique puisse stimuler chez les plus jeunes l'envie d'apprendre le solfège ? Pourrait-il de cette façon démocratiser un enseignement trop souvent élitiste ?
Je pense que l’outil numérique peut permettre de démocratiser la pratique musicale au sens large, c’est indéniable ! Tout d’abord, une très large partie de la population est connectée : 73% des 12 ans et + possédaient un smartphone en 2017, 81% un ordinateur et 44% une tablette (enquête CREDOC), ce sont des chiffres très importants qui indiquent que la population française est de plus en plus connectée.
Dans les écoles de musique et les conservatoires, nous ne touchons qu’une petite partie de cette population alors que ces mêmes personnes ont dans la poche - et sans le savoir pour la grande majorité -des outils de création et production musicale ! Il y a là tout un pan de développement possible en termes de médiation artistique grâce à ces outils et de développement de nouvelles pratiques comme nous l’avons fait à la Cité du design auprès du grand public, ou avec des publics éloignés avec le centre social du quartier.
Ce qu’offrent ces outils, c’est une nouvelle porte d’entrée dans la pratique musicale qui n’est pas basée sur un parcours traditionnel d’interprète mais sur un parcours à inventer de créateurs. On associe toujours la pratique musicale à la pratique d’un instrument ou du chant mais il est possible d’acquérir des connaissances et compétences en musique sans passer par cela et c’est tout l’intérêt de ces outils.
Vous parlez de « solfège » mais nous utilisons le terme de Formation Musicale depuis la réforme de 1987 car le solfège revêtait un caractère très théorique et restrictif d’une pratique qui est maintenant plus complète et réalisée sous diverses formes. Je ne sais pas si les outils numériques peuvent stimuler à eux seuls l’envie d’apprendre que ce soit la FM ou une autre discipline car je crois que l’envie d’apprendre trouve sa source dans différents facteurs qui dépendent également des individus et des contextes dans lesquels ils évoluent.
En revanche, c’est là aussi indéniable que nous disposons d’applications gratuites et bien faites qui permettent de faciliter la pratique des élèves. Nous en avons testé plusieurs dans ce que nous avons appelée « FM connectée ». Il y a par exemple Music Crab (lauréat de la fondation Orange) sur la lecture de notes ou « Maître du rythme » pour le rythme. Dans le cadre d’un partenariat, nous avons aussi testé Meludia, un formidable outil pour le développement de l’oreille qui est enjeu très important. Développer son oreille n’est pas facile et, en cours de FM, le temps consacré à ce point ne suffit souvent pas car c’est un aspect très personnel, voire intime comme la voix, de tout un chacun. Un outil comme Meludia qui permet à l’élève de s’entraîner de façon progressive à la maison est un outil très pertinent.
Le logiciel Kiwi propose un environnement de "patching" collaboratif : sur le modèle d'un googledoc, les élèves construisent ensemble un même synthétiseur de sons, depuis plusieurs machines. Est-ce un modèle qui se rapprocherait de ce qu'on pourrait apprendre à l'école connectée ? Sinon en quel sens mettez-vous l'accent sur les modèles collaboratifs ?
Nous n’avons pas utilisé ce logiciel mais nous utilisons Soundtrap, un DAW gratuit et facile d’utilisation qui permet de créer de la musique à plusieurs en étant sur le même morceau mais derrière des machines différentes, de façon synchrone ou asynchrone.
Nous sommes effectivement dans une démarche collaborative car le modèle de l’école de musique connectée est un modèle collectif où l’enjeu pédagogique global est de repenser la façon dont on transmet la musique et donc les contenus et la forme de transmission.
Ce modèle est collaboratif avec trois dynamiques : la dynamique des élèves entre eux puisqu’ils doivent s’entraider et apprendre ensemble, la dynamique entre élèves (et familles) et enseignants car l’enseignant adopte davantage une posture de coach que de maître ce qui fait que les savoirs développés n’émanent pas d’une posture intrinsèquement autoritaire de l’enseignant, la dynamique des enseignants entre eux puisque que les enseignants travaillent en simultané avec un groupe d’élève en se répartissant les tâches, ce qui change énormément car ils sont obligés de se mettre d’accord et de se coordonner là où, dans le modèle traditionnel, l’enseignant est seul en face à face pédagogique, il rend peu de comptes à ses collègues.
Pourriez-vous présenter les logiciels qui vous semblent obtenir les meilleurs résultats d'après votre expérience ?
Pour mettre en place l’apprentissage mixte, nous avions besoin d’un outil qui serait facile à utiliser par les enseignants et les élèves et nous utilisons Padlet, un mur collaboratif sur lequel vous pouvez épingler tout type de contenus (vidéo, audio, documents, textes, etc). Il s’agit d’un outil en ligne auquel les élèves accèdent au moyen d’une simple adresse internet. En amont les enseignants décident si les élèves peuvent ou non partager du contenu à leur tour.
Une telle démarche permet vraiment de repenser le moment du cours en fonction de ce qu’on aura partagé avant ou après. Le but est que les élèves soient mieux outillés pour pratiquer en dehors et qu’ils viennent donc ensuite plus compétents et motivés à l’école de musique. C’est un cercle vertueux dans lequel il est de fait plus facile d’impliquer des familles qui ne sont pas musiciennes. Avec Padlet, les parents peuvent regarder et avoir une idée plus concrète de ce que font leurs enfants avec nous au moyen de vidéos par exemple. Comme l’apprentissage de la musique impliquent l’utilisation de différents sens et le développement important de la mémoire, Padlet facilite la pratique de l’élève dans le sens où, si celui-ci a oublié la position de l’accord qu’il doit apprendre, il aura par exemple accès à une courte vidéo ou une photo de lui ou de l’enseignant en train de réaliser le geste.
Padlet reste cependant un outil général qui n’est pas pensé pour la musique à l’origine. J’ai défini le cahier des charges d’outil qui pourrait être pertinent dans ce cadre et j’avais candidaté à l’appel à projet Service Numérique Innovant 2017 du Ministère de la Culture. Nous n’avons pas été lauréat mais nous développons depuis quelques mois cet outil grâce à une petite enveloppe de mécénat.
Travaillez-vous avec des musiciens intervenant en milieu scolaire (titulaires du Diplôme Universitaire de Musicien Intervenant). Ce profil de jeunes musiciens diplômé pourrait-il créer des interfaces entre l'esprit de votre école et une diffusion plus large en milieux scolaires ?
Actuellement ce n’est pas le cas mais c’est tout à fait envisageable. D’une part, le plan numérique de l’éducation nationale fait que les établissements scolaires sont équipés progressivement en matériel numérique ce qui peut permettre la mise en place de nombreuses actions. D’autre part, la mise en place de l’apprentissage mixte dans ce cadre pourrait faciliter le travail entre les Dumistes et les enseignants des établissements.
Selon un scénario peut-être utopique, avez-vous songé, par exemple, à des cours en anglais, et une extension du modèle école connectée à l'échelle européenne ? Je remarque que vos posts sur facebook sont en anglais...
Ce n’est pas utopique mais cela demande du temps ! Je suis bilingue, titulaire d’une Maîtrise de langue anglaise, et j’avais bien pensé traduire le site de l’école de musique connectée en anglais en postant chaque article dans les deux langues. Seulement, le peu de moyens que nous avons actuellement -et donc le peu de temps dont je dispose- fait que je n’ai pas eu le temps !
Les posts en anglais que vous voyez sur Facebook résultent du fait que nous avons plusieurs partenaires étrangers qui s’intéressent à notre pédagogie et soutiennent notre action en mettant à disposition leurs produits comme des objets connectés ou des applications : FretX, Soundtrap, Jamstik, Artiphon et Soundbrenner. Je discute aussi beaucoup avec SuperPads, l’application de référence pour les pads.
En revanche, il est vrai que je réfléchis actuellement à un projet qui découle du mien : le conservatoire européen connecté.
En mars 2017, vous avez fait paraître un livre chez l’Harmattan, RÉVOLUTION NUMÉRIQUE ET ENSEIGNEMENT SPÉCIALISÉ DE LA MUSIQUE- Ce type de thématiques semblait jusqu'ici manquer dans la littérature française, pourriez-vous nous présenter brièvement cet ouvrage ?
Au sein de cet ouvrage je présente les recherches que j’ai menées et qui m’ont amenée à porter concrètement le projet de l’école de musique connectée. La première partie est consacrée à l’enseignement institutionnel et dresse un état des lieux de notre corporation face au numérique : les pratiques à l’œuvre, les freins et les raisons de ces freins. La seconde partie porte sur le e-learning musical : quels sont les modèles économiques, en quoi consiste l’offre et à quels publics s’adresse-t-elle… Enfin, dans la troisième partie, j’expose mon concept pédagogique d’école de musique connectée ainsi que des pistes de réflexion d’évolution pour notre corporation à différentes échelles.
Un mot juste à sa place, le monde croît en nous (René Welter)
Ce « tu » qui propose la grâce » (Éric Pénicaud)
Éric Pénicaud, guitariste compositeur, né en 1952. ©Manoël Pénicaud-2017
Partir à la découverte de l’œuvre d’Éric Pénicaud, c’est tout d’abord, tomber en amour (comme diraient nos amis québécois) face à la poésie exquise des titres de ses compositions (Le chant du torrent, Concerto pour le Grand Large, Le Nuage d’inconnaissance, Stable/Mouvants, etc…). Puis, allant voir du côté de ses partitions, être saisi par la beauté graphique de celles-ci et surtout saisi par la sensation (comme chez Dutilleux) qu’aucune note, aucun espace, aucun signe n’est en trop ; que tout est méticuleusement ordonné et que, pourtant, l’écoute de celles-ci, nous surprend par son imprévisibilité.
C’est à une tentative d’élucidation du beau mystère de ce paradoxe que nous convions à présent nos lecteurs au travers l’analyse de quelques œuvres.
Mais tout d’abord, qui est Éric Pénicaud ? L’homme est né le 14 juin 1952 sous les cieux toujours ensoleillés de Casablanca ; imprégnation méditerranéenne qui aura assurément une influence décisive sur les œuvres du compositeur en devenir. Cette identité de départ quasiment double, saura trouver dans un esprit curieux, et une éducation ouverte, le terreau fertile des œuvres éclectiques futures, où l’idée de brassage et mélange de cultures diverses est quasiment obsessionnelle. Obsession compositionnelle favorisée aussi par un parcours d’initiation à la musique hors norme.
De retour du Maroc, la famille s'installe à Paris. Éric Pénicaud apprend la guitare à l’âge de 7 ans avec son père, bon guitariste amateur. Lequel père avait appris la musique de son épouse qui elle-même l’avait apprise de son père… D’autres aïeux pas si lointains ayant connu, Ravel et Fauré (et même le vieux Brahms) ainsi que Pablo Casals et Ricardo Viñes… Excusez du peu !
Cette découverte est un moment clé de son parcours, car malgré des études musicales poussées vers des horizons tout autres lors de la maturité, jamais il n’abandonnera cet instrument ; au contraire, même, il va tout mettre en œuvre pour le faire entrer dans des ensembles où il n’avait alors presque jamais eu sa place.
A 13 ans il perfectionne son art de la guitare avec le grand Narciso Yepes et s’initie en même temps aux « compás du flamenco » et au jazz. Déjà le goût de l’éclectisme ! Goût de l’éclectisme, par exemple son amour du jazz (il joue souvent avec Laurent Petitgirard). Mais la vie parisienne ne lui convient pas, le soleil méditerranéen lui manque, et, à 19 ans, déjà sûr de ce qu’il ne veut pas, le voilà parti pour la Provence où il se fixera définitivement… du moins entre ses nombreux voyages sur les mers (rejoignant ainsi la belle tradition française des compositeurs marins du tout début du XXème siècle : Albert Roussel, Jean Cras).
C’est à son arrivée en Provence qu’il suit la classe de perfectionnement en guitare classique auprès de René Bartoli et qu’il se recentre sur la composition, guidé en cela à ses débuts par son oncle compositeur Stéphane Caplain-Saint-André. Il découvre et analyse alors avec avidité les œuvres anciennes de G. de Machaut et les œuvres contemporaines de Stravinsky, Bartók, Ohana ou Messiaen.
Son irrésistible goût de l’ailleurs, le fait s’initier également à la navigation en voilier. Dès lors, il arpentera beaucoup l’espace maritime méditerranéen et en ramènera de nombreuses « collectes ethniques » qui nourriront l’inconscient créatif du compositeur.
Cette initiation musicale hors cadre classique, et très éclectique, va engendrer un style singulier. Mélange subtil du raffinement pointilliste de l’écriture pour cordes de Dutilleux, des contrastes rythmiques chers à Stravinsky et Messiaen, de la clarté incantatoire dans la déclamation vocale, chère à Ohana ; associé à un humanisme mystique ouvert (sur le monde et l’envie de connaître les passerelles entre les différentes spiritualités1). D’ailleurs parmi ses nombreux arrangements musicaux, on trouve parmi les plus récents, un Notre Père de Rimsky-Korsakov, transcrit pour guitare et chanteur gitan on ne peut plus étonnant !
Pour avoir une idée plus précise de la singularité esthétique d’Éric Pénicaud, égrenons à présent une brève analyse de 4 œuvres représentatives du compositeur ; en solo tout d’abord avec la Forlane (1980, révision en 2000) pour guitare, puis en duo avec Stable/Mouvants (1980 révision en 1997) pour violon et guitare, puis en quintette avec Le Nuage d’inconnaissance (2000) pour quatuor à cordes et guitare, enfin une œuvre orchestrale avec le Concerto pour le Grand Large (2015) pour orchestre à cordes de chambre, une flûte et une guitare solistes.
En écoutant la Forlane (pièce de grande virtuosité dédiée à une guitariste hors pair, Tania Chagnot) sur YouTube, on a le plaisir du son et du graphisme de la partition en même temps. L’encodage est d’une clarté admirable et contraste avec l’impression de divagation poétique du rendu sonore, pourquoi ? Le compositeur s’ingénie à employer avec finesse quelques-unes des trouvailles d’écritures typiques de l’avant-garde de la seconde moitié du XXème siècle comme :
• Les rythmes en accélérés/décélérés libres (chers à Dutilleux dans le Miroir d’Espace du quatuor Ainsi la Nuit, par exemple).
• Les « temps hors temps » en contraste avec des « tempi pulsés » (chers à Boulez et à son obsession de l’alternance, « temps lisse » et « temps strié »).
• L’utilisation de toutes les ressources de l’instrument (toute son étendue, mais aussi les harmoniques et le bois percuté de la guitare).
Mais là où certains avant-gardistes, par ces encodages nouveaux, brouillent la lisibilité, Éric Pénicaud les distille avec une telle acuité qu’elles n’obscurcissent en rien la clarté graphique de ses partitions… Et pourtant l’effet d’imprévisibilité sur l’auditeur, lui, se fait nettement sentir. En écoutant cette Forlane (qui n’a rien du superbe pastiche - exercice de style - ravélien) la perception générale, in fine, est celle d’avoir entendu comme l’écho lointain et fantomatique d’une vieille danse de la Renaissance qui ressurgirait irréelle le plus souvent, et presque tangible parfois, comme un songe éveillé où le rêve et le réel se confondent.
Cette courte (mais néanmoins très dense et inspirée) pièce est assurément avec le Tiento de M. Ohana et la Sequenza XI de L. Bério, une des pages pour guitare solo parmi les plus réussies de la « maigre » littérature solo moderniste pour cet instrument.
Avec le duo Stable/Mouvants, au titre humoristique, (car riche de sens philosophique sur l’Un et le Multiple)2 mais non grotesque, on retrouve toutes les caractéristiques de langage de la Forlane, à savoir une obsession des climats instables incarnés par les fameuses alternances de « temps psychologique » et « temps pulsé » chères à Messiaen, qui prennent ici une importance structurelle et poétique nettement plus fondamentale que chez l’auteur de Saint-François d’Assise. Remarquons également avec cette deuxième œuvre évoquée, le goût d’Éric Pénicaud pour les musiques qui semblent naître du silence pour retourner au silence, nul clinquant dans les codas de ce compositeur mais des points de suspension à l’infini dans la tête de l’auditeur… Comme on pourrait le dire également après l’écoute du Nuage d’inconnaissance où le quatuor à cordes est comme un reflet étouffé des plaintes élégiaques de la guitare « au-dessous ».
Dans le catalogue fourni du compositeur, on trouve une bonne quinzaine de pièces pour guitare solo et autant de pièces à caractère pédagogique pour une, deux ou trois guitares ; de nombreuses pièces en formation de chambre, de nombreux arrangements jazz, mais seulement deux pièces vocales (Ave Maria et Pater Noster, pour voix et guitare) et une seule pièce orchestrale, le Concerto pour le Grand Large (création mondiale par l’orchestre de chambre de Toulouse)… Quand on sait que la « visibilité médiatique d'un créateur » se mesure à l’aune de l’importance de ses créations orchestrales, on comprend dès lors qu’Éric Pénicaud soit le moins connu (hélas !) des compositeurs de « Musique Nouvelle » (comprenant Thierry Escaich, Anthony Girard, Michaël Sebaoun et Philippe Hersant). Ce concerto est pourtant un chef-d’œuvre d’équilibre sonore entre le soliste (le fabuleux Sébastien Llinares) et l’orchestre. Le compositeur ayant bien soin de ne jamais noyer le soliste sous l’orchestre, comme on a pu parfois le voir et l’entendre avec d’autres concerti pour cet instrument et des compositeurs avant-gardistes moins au fait de la technique particulière de la guitare. Ici nul besoin de subterfuge (amplification de la guitare pour passer dessus l’orchestre), l’équilibre sonore est déjà là dans la partition aussi réussie et du coup aussi bouleversante de poésie que dans les concerti pour violoncelle de Chostakovitch ou Dutilleux, dont elle atteint assurément les sommets expressifs de mystère du second et d’élégie du premier.
Après ce bref portrait biographique puis esthétique d’Éric Pénicaud, intéressons-nous à présent à la toute dernière œuvre du compositeur : Jusqu’en notre exil tu murmures, dont la création est prévue pour 2019. Le texte mis en musique est du compositeur lui-même et s’abreuve (selon Éric Pénicaud3) à des sources littéraires d’époques différentes, mais toutes françaises : Villon, Chrétien de Troyes, Baudelaire, Hugo, Bernanos, Giono. Et la musique se ferait l’écho du goût du compositeur pour : Purcell, Vivaldi, Bach, Mozart, Stravinsky, Barber, Ohana… A voir partition en mains !... Plongeons à présent dans l’analyse de celle-ci et voyons si nous y retrouvons les constantes esthétiques évoquées plus haut.
De quoi s’agit-il dans cette œuvre ? D’un superbe texte graphique qui n’est pas sans rappeler les poèmes d’Apollinaire ou Mallarmé (voir le texte en annexe)4 ; et le poète/compositeur de nous dire : « « Ce poème musical », et la partition proprement dite, ont cheminé de concert tout au long de leur élaboration. Comme un libre mais patient consentement à ce « tu » qui propose la grâce ».
En regardant le texte seul on y voit une progression chère aux auteurs d’Alcools et du Coup de dé, d’une mise en espace originale et d’une grande utilisation de ce que A. Breton appelait les « stupéfiants/images »… Eléments auxquels il faut ajouter des phonèmes (« m m ») typiquement musicaux (ces sonorités sont en effet propices à magnifier les résonateurs des chanteurs… et à faire surgir parfois par hasard, d’heureuses sonorités harmoniques… Ce n’est pas anodin si le « chant » principal des bouddhistes est le fameux « AOM »… gageons que le compositeur y ait un peu pensé)5.
Autre grande originalité, la formation musicale proposée : un chœur mixte, deux guitares et un violoncelle. Le compositeur de préciser que les trois instruments « seront amplifiés », condition sine qua non, en effet, pour « pouvoir « lutter » avec les 30 choristes »6… et de rajouter des précisions importantes à propos de cette formation vocale/instrumentale : « très rares sont les œuvres où la guitare se mêle harmonieusement à un chœur mixte. À part la musique ancienne ou plutôt Renaissance (…) puis Romancero Gitano de Castelnuovo-Tedesco, ou le Concerto-cantatede Pérouse de Léo Brouwer, il n’y a pas grand-chose d’autre. Si ce n’est quelques pièces un peu « folkloriques » »… et notre compositeur de conclure par cette interrogation inquiète : « d’où l’intérêt – j’espère ! – de cette publication »7.
Par ailleurs, cette œuvre apparaît de toute évidence, comme les œuvres évoquées plus haut, comme le travail acharné d’un homme pour faire cohabiter deux mondes musicaux à priori peu faits pour se rencontrer : le monde de la guitare et celui de la création contemporaine… Comme le compositeur s’en explique par ses déclarations véhémentes et claires à l’auteur de ces lignes :
Voilà « la difficulté de ma position, celle d’un compositeur qui lutte de toutes ses forces pour sortir la guitare de son « ghetto ». Je suis souvent pris entre deux feux : d’une part le monde de la guitare classique, qui tourne un peu sur lui-même et est désemparé devant de telles partitions (…) et d’autre part, il faut bien reconnaître que la guitare souffre encore d’un certain « déficit d’estime » dans le monde de « la musique en général » ; […pourtant] la guitare a tant de choses à révéler encore (c’est ce à quoi j’ai consacré ma vie) mais également cette sorte de condescendance des « musiciens généralistes » cache aussi une vraie méconnaissance de l’instrument. Il faut, en effet, une grande intimité avec la guitare pour écrire pour elle : les possibilités de doigtés sont source de complication extrême, rendant impossible souvent une brillante idée qui venait à tel ou tel compositeur. J’en connais beaucoup, qui ont tenté d’écrire pour elle, avec une vraie attirance pour l’instrument, mais qui ont renoncé. Yvonne Loriod à propos de son mari, m’avait confié ce regret, qui l’eût cru ? J’ai aussi parlé de cela avec Thierry Escaich, qui aime vraiment cet instrument mais recule devant ses difficultés, certains cependant franchissent le pas, tel Éric Tanguy par exemple. (…) C’est un tel casse-tête cette écriture, si on n’est pas intime de l’instrument : en effet on passe son temps à calculer tous les renversements possibles afin de ne pas trahir telle ou telle harmonie entendue ; mais ce stratagème ne doit pas non plus casser les différentes lignes mélodiques, le contrepoint. Enfin pour corser le tout, intégrer la guitare à un orchestre, ou même en « simple » musique de chambre, n’est pas chose aisée, la faible puissance de l’instrument requérant à nouveau des prouesses de dosages d’intensités ; et pour que son timbre si particulier ne soit pas gommé, cela demande également des alliages si délicats avec les autres instruments… Je comprends qu’avec un tel challenge, tant de compositeurs renoncent. Je connais bien ces deux mondes, le grand écart nécessaire est parfois usant. Mais le jeu en vaut la chandelle. En tous les cas, c’est ce que j’ai tenté de faire avec « Jusqu’en notre exil tu murmures » (…) pour lequel j’ai la chance d’avoir des interprètes de grande qualité »8.
« Luira ton visage dans le profond de nous », dès le premier vers, le ton général est donné. C’est la voix d’un humaniste (en cela on reconnaît, en effet, l’infusion secrète des œuvres de Giono, Hugo et Villon) teinté d’une spiritualité chrétienne questionnante et inquiète (dans laquelle peuvent effectivement s’entrapercevoir les ombres de Bernanos, Baudelaire et Chrétien de Troyes, ce que souligne le champ lexical de ce court poème : « Ci-gisant, transfigurés, désincarnée, le buisson, firmament »… et un ton d’ensemble qui évoque presque l’idée d’intercession divinatoire des chamanes chrétiens du Brésil).
Mais entrons vraiment dans la musique de cette œuvre à présent. Œuvre qui va définir une orientation nouvelle dans le catalogue du compositeur, puisque c’est seulement sa troisième œuvre vocale (après les brefs Ave Maria et Pater Noster évoqués plus haut), et sa toute première œuvre pour chœur. D’ailleurs le compositeur concède son appréhension par cette merveilleuse boutade lacanienne : « n’ayant moi-même jamais écrit pour chœur mixte, il me fallait bien quelques repères (re-pères… aurait dit Lacan) tout au moins vocaux »9.
Quels sont-ils ces « re-pères » vocaux convoqués par le compositeur ? Laissons encore une fois la parole à Éric Pénicaud lui-même : « Il m’a fallu me replonger dans la musique vocale, du moins celle qui me passionne depuis toujours : depuis Palestrina et R. de Lassus jusqu’à Pascal Dusapin. Et revoir (simplement relire, ou bien approfondir) mes classiques de Monteverdi à Ligeti en passant par –dans le désordre- Gesualdo, Villa-Lobos, Ravel, Pergolèse, Barber, Stravinsky (et sa superbe messe), Praetorius, Grieg, Rimsky-Korsakov, Purcell, Vivaldi, Bruckner, Bizet, Bach, Mozart, Messiaen, Liszt. Même Puccini (qui n’est pas vraiment ma tasse de thé pourtant, mais pour ses fameux « a bocca chiusa » de son œuvre Madame Butterfly). La liste est loin d’être exhaustive. (…) [Ajoutons] cette merveilleuse compositrice qu’est Betsy Jolas, en laquelle je me retrouve parfaitement, dans son refus de s’aligner sur le sérialisme intégral, et dans son désir de « prolonger » la tradition, mais de façon créatrice et « absolument moderne » (comme aurait dit Rimbaud) »10.
Tandis que pour la partie poétique, le compositeur « confessait l’appel à l’aide », de Verlaine, René Char, Dante, Apollinaire et Rimbaud ; ainsi que l’inspiration des romanciers qu’il dévorait dans sa jeunesse: Flaubert, Montherlant, Gide et Mauriac ; et d’ajouter : « À présent, de tous ces grands noms de la poésie et/ou de la littérature, je ne saurais plus dire qui m’a orienté vers quoi… (dans un tel labyrinthe, j’avoue que moi-même, et même pour la partie musique, je me perdrais dans ces réminiscences souterraines) »11.
Ouvrons la partition et entrons dans le labyrinthe ! Allons-nous nous y perdre ?...
La première page (il y en a 12 au total) commence comme presque toujours chez Éric Pénicaud comme si elle sortait du silence (nuances oscillantes entre p et mp et quelques rares mf), dans un tempo très lent (˩=46), avec des sonorités subtiles (bouches fermées du chœur entrant progressivement à la 2ème mesure par les basses, puis les ténors, puis les alti et enfin les sopranes ; et sons harmoniques des guitares), des notes longues très étirées ainsi que des strates en secondes superposées du chœur, créant un climat immédiat de mystère, culminant jusqu’à un « petit » climax mesures 9/10/11 pour retourner jusqu’au quasi silence du point d’orgue de la mesure 16. Cette fin de mesure 16 voit le tempo changer (˩=36) et le texte faire son apparition. Si le tempo à la noire est plus lent, en revanche, les valeurs rythmiques commencent à « s’agiter » de façon plus volubiles. « Luira ton visage dans le profond de nous » est mis en valeur par une écriture vocale très homorythmique avec un côté très incantatoire (des rythmes pointés et des trilles au quart de ton, évoquant un peu Ohana, des harmonies majeur/mineur, superposées très acidulées et… demandant une technique vocale du chœur particulièrement virtuose !... autant pour la technique vocale individuelle que pour l’exigence de justesse extrêmement difficile à réaliser dans cette écriture harmonique complexe !...
La deuxième phrase du poème, avec son aspect, « constellation de mots clés » sur lequel l’esprit doit s’attarder est « illustrée » comme il se doit par un changement d’écriture vocale : trois lignes de contrepoint sans réel souci d’imitation entre sopranes, ténors et basses, donnant l’allure d’éparpillement de la matière sonore, répondant à cette « constellation de mots clés », du visuel du poème. Eparpillement se terminant par un agrégat figé des 3 voix sur lequel les guitares extrapolent avec virtuosité à leur tour, comme un commentaire de chœur antique.
La quatrième page de la partition fait entendre les 3ème et 4ème vers du poème. Comme dans le 1er vers, la volonté évidente est la compréhension du texte chanté en presque homorythmie par les basses et alti pour le vers 3 et par les quatre voix pour le vers 4. Sur cette page les nuances restent dans les p et mp pour le vers 3 et vont crescendo (de mp à FF) sur le vers 4 (le FF arrivant sur le mot « assassins », comme un cri déchirant… héritage du madrigalisme monteverdien et de bien d’autres grands maîtres…).
La cinquième page semble être un commentaire purement instrumental de ce climax vocal d’une belle virtuosité aux deux guitares sur une longue note tenue du violoncelle qui en fin de trait leur répond, amenant le decrescendo (ppp) voulu pour le retour du chœur… sur les mots (« bruissera ton silence »… autre figuralisme…).
La sixième page de la partition fait entendre les vers 5 et 6 du poème, dans une parfaite homorythmie, avec un « accompagnement » instrumental très allégé par rapport aux 3 pages précédentes… « illustrant » là encore à merveille, l’idée du texte (« bruissera ton silence »).
La septième page est à nouveau vocalement presque homorythmique (avec quelques petits décalages rythmiques subtils entre les voix, donnant à voir et entendre, le grain précieux des différentes voix, comme le texte fait entendre la préciosité de « poutre d’or travers œil », éclatant pour la deuxième fois seulement depuis le début de l’œuvre en une nuance FF et SF, « agrémenté » de la fantaisie des rythmes aléatoires des guitares si chers au compositeur !).
La huitième page (retour au tempo ˩=46, aux sons bouches fermées du chœur en valeurs longues sur harmonies dissonantes et les 3 instruments faisant entendre différents modes de jeux modernistes) retrouve le même climat et les mêmes nuances que la première page en se terminant de même par un long point d’orgue.
La neuvième page de la partition fait entendre les vers 9 et 10 du poème en exacte homorythmie sur des superpositions « harmoniques » complexes et des tenues de violoncelle sans les guitares. Celles-ci n’intervenant que sur l’accord de fin de vers, comme un commentaire mystérieux de ceux-ci. Une mesure de quasi silence nous amène la dixième page et le vers 11 du poème (« sinon dupes des âges »), où le contraste des âges évoqué semble « illustré » par des contrastes de nuances sur quasiment chaque note de mesures 71/72, et deux changement de tempi en deux mesures 71/73, ainsi que par une écriture vocale non plus homorythmique (comme c’est le cas dans les trois quarts de l’œuvre), mais en entrées successives (BTAS), le « reste » de cette page étant un commentaire purement instrumental de ce vers, aux 3 instruments.
La première moitié de la onzième page, continue avec brio, ce commentaire de la page précédente avec comme souvent arrêt sur un point d’orgue nuance piano, alors que la seconde moitié nous fait entendre en presque homorythmie exacte le dernier vers du poème (« lors même taisant ce tu demeures en notre mort »). Contrastant avec le point d’orgue pianissimo, l’entrée du chœur (mF/F) suggère de façon confiante le message voulu par l’auteur, en une lente déclinaison decrescendo (de F à P) jusqu’au mot « mort » (dernier figuralisme musical de l’œuvre… la mort étant cette lente avancée vers le silence éternel, soulignée par l’écriture instrumentale qui elle aussi, se raréfie sur les deux dernières mesures).
La dernière page en sa première moitié fait entendre un éparpillement de sons du chœur (sur le phonème m) et quelques rares notes instrumentales sur la première mesure seulement, le tout en un magistral crescendo, s’essoufflant très lentement sur la deuxième moitié de la page en rythmes et durées aléatoires, en allant progressivement (pour les chanteurs) dans un : « souffle quasiment » (comme l’écrit la dernière indication du très lent ˩=32-34 avec des indications approximatives en secondes).
Au sortir de ce labyrinthe analytique de la partition quelle synthèse proposer ?
Oui l’écriture instrumentale retrouve toutes les caractéristiques énoncées dans les analyses des autres œuvres citées plus haut ; oui la singularité stylistique du discours musical évoquée dans les pages d’introduction se retrouve ici avec tout le brio d’un bel artisan au sommet de sa maîtrise technique instrumentale ; oui l’idée déjà présente dans ses œuvres antérieures (celle de réunir inflexions gitanes et recherches modernistes ainsi que l’idée de liens entre les spiritualités) est ici on ne peut plus présente et même magnifiée par l’ajout nouveau du chœur.
Avec les m-m représentant « l’Amen universel », avec les trilles au quart de ton superposé évoquant plus ou moins des acciacatures de guitare (l’écriture vocale de cette œuvre semble, en effet, très instrumentale)12, avec ce texte évoquant tout à la fois les poètes surréalistes chers au compositeur, mais aussi, pouvant donner parfois la sensation d’une incantation soufie, on est bien dans cette culture méditerranéenne qu’il aime tant, dans « un merveilleux laboratoire, où le « bricolage », selon l’expression popularisée par Claude Lévi-Strauss, demeure incessant »13.
Et si la maison de Marie à Ephèse, nous dit Manoël Pénicaud14 « apparaît comme un « lieu saint ouvert » à une pluralité de significations enchevêtrées », gageons que le public de 2019, sera sensible à cet aspect très polysémique de l’œuvre.
Sensible à cette volonté d’être tout à la fois un moderne attaché à la tradition, un poète des sens et un poète attaché avec une belle violente conviction à une très haute idée de la spiritualité. Laissons à présent les futurs auditeurs entrer dans cet « océan rebelle du croire »15, écrit par un homme attachant, et attaché à « ces circulations interreligieuses (qui) représentent une sorte de basse continue, derrière le tumulte (…) des guerres de religion »16 ; et qui s’y emploie depuis des dizaines d’années dans l’ombre comme en suivant cet admirable précepte de notre cher Gabriel Fauré : « la musique doit chercher humblement à nous élever au-dessus de ce qui est »17.
ANNEXE 1
Notes
1 – A ce sujet son fils Manoël Pénicaud marche totalement sur les traces de son père, puisqu’il est un des deux commissaires d’exposition, de cette formidable exposition itinérante : Lieux Saints Partagés (présentée à Marseille, en Tunisie, en Grèce, au Maroc, à Paris et à New York) et cette exposition a fait des petits, peut-être à venir : Venise, Dubaï...
A propos de cet humanisme mystique, le compositeur s’en expliquait dans un courriel : « ma démarche est mystique avant tout (…). Si le titre du livre « le nuage d’inconnaissance » a été emprunté par moi – je l’avoue – il s’agit d’un texte anonyme anglais du XIVème siècle : certains pensent qu’il s’agirait d’un moine chartreux. Mon ressenti personnel (et j’ai trouvé ce titre merveilleux pour décrire les expériences « numineuses »), est que cette voie d’inconnaissance, sans affirmation, la « via negativa » (très ancienne tradition des mystiques chrétiens, où on ne peut rien dire de ce qu’est le divin, sauf ce qu’il n’est pas) est peut-être le meilleur dénominateur commun entre les spiritualités ( vous voyez, j’ai même du mal à écrire le mot « religions » ) qu’elles soient bouddhistes, soufies, etc… elles partagent toute cette expérience non mentale, selon l’expression bouddhiste (spiritualité qui m’a longtemps nourri) et j’y suis très attaché ». (courriel à l’auteur de ces lignes du 06 mai 2018)
2 – Le compositeur à ce propos ajoute : « l’Un est le Multiple : ou toujours le dénominateur commun à toutes les formes différenciées. Giono écrit quelques choses de ce style dans La Rondeur des jours je crois : la joie de contempler l’universel sous une multitude d’apparences ». (courriel à l’auteur de ces lignes le 06 mai 2018)
3 – Sources évoquées dans un courriel du compositeur à l’auteur de ces lignes, daté du 25 novembre 2017. L’œuvre sera créée en 2019 dans le sud-ouest de la France par l’Ensemble Unité et son chef de chœur Christian Nadalet avec les guitaristes, Sébastien Llinares et Nicolas Lestoquoy et la violoncelliste Maitane Sebastián.
4 – Voir annexe 2
5 – En relisant un courriel du compositeur (daté du 3 avril 2018) on trouve la très érudite confirmation suivante, à notre propos : « Travail sur le m également, quand on chante en fermant la bouche. Et sur m-m final, qui n’est autre qu’un A-men universel. La racine étymologique serait mn (…) ; en hébreu Amen, puis chrétien Amen, et arabe Amin. Mais ce genre de son se perd dans la nuit des temps, son lien indo-européen avec om est fort probable. Ce qui nous amène au son avant le son, sans signification, ou plutôt sans conceptualisation possible… »
6 – Courriel à l’auteur de ces lignes datées du 23 octobre 2017. Précisons par ailleurs que l’œuvre est éditée chez : « Les Productions d’OZ, Québec ».
7 – Idem que 4
8 – Courriel à l’auteur de ces lignes du 22 février 2018, qui a envie d’ajouter que ce « jeu qui en vaut la chandelle » a été brillamment réussi dans toutes les œuvres analysées plus avant dans ce texte
9 – Courriel à l’auteur de ces lignes du 3 avril 2018
10 - Courriel à l’auteur de ces lignes du 3 avril 2018
11 – Courriel à l’auteur de ces lignes du 3 avril 2018
12 – A propos de cette écriture vocale… Beaucoup plus qu’à tous les maîtres évoqués par le compositeur, nous semblons y voir (du fait de la quasi omniprésence de l’homorythmie vocale) plutôt une grande influence de l’Ecole de Baïf (de Claude Le Jeune)… Ce qui n’est guère étonnant vu son grand amour de la musique de la Renaissance. Mais aussi par son refus des consonances « douceâtres », l’influence de sa chère messe de Stravinsky et de son austère rugosité… Les irisations instrumentales en plus ici jouent le rôle d’apporter les touches de couleur chères au compositeur.
A propos de certaines tournures évoquant l’incantation soufie, notons au passage que le compositeur a écrit une petite pièce jazzy intitulée justement : « Derviches tourneurs ».
13 – Catalogue de l’exposition : Lieux Saints Partagés, Mucem, Actes Sud, 2015, p.194 (article de Michel Wieviorka).
14 – Ibid. p.115
15 – Ibid. p.24 (article de Dionigi Albera)
A propos de la collaboration entre le compositeur et le chef de chœur les propos suivants d’Éric Pénicaud seront éclairants : A cette époque, pas loin de 2 ans en arrière donc, la "partition" n'était qu'un brouillon assez indigeste -non pas qu'elle ne soit pas achevée, c'est simplement que "j'attendais" LES interprètes.
Je lui ai dit que j'avais un peu honte de lui envoyer ce brouillon, car il devrait "défricher" plutôt que "déchiffrer", y aller à la machette dans cette jungle de notes pas trop bien écrites et d'annotations au-dessus, au-dessous, dans les marges etc. (annotations qui me permettaient de comprendre les choix qui avaient été faits; et donc d'éviter d'hésiter de nouveau -à tel ou tel endroit- au moment de l'écriture au propre. Vous devez connaître cela...).
Il m'a répondu : "pas de problème, envoyez tel quel!". Dont acte...
2 ou 3 semaines plus tard je reçois un coup de fil de sa part, où il me dit qu'il est emballé, en particulier par la synchronisation (l'homorythmie dont vous parlez) entre le texte et la musique.
Il dit "être impressionné" par cette 1ère œuvre vocale (pour moi), disant que "pour un 1er coup, c'est un coup de maître" Ouf, me voici rassuré...
Et je constate qu'il s'y est vraiment attelé de près car il me demande si je peux changer telle hauteur (ou faire un renversement dans les voix) à telle mesure, ceci à 3 ou 4 mesures de la pièce. Question de registre bien sûr, mais aussi question de respiration : je suis doublement rassuré car cela prouve qu'il s'y est adonné à fond (je me demande encore comment il a su se repérer dans cette jungle épaisse. Je comprends qu'il est bien armé musicalement!)
Et me voilà donc lancé dans l'écriture au propre (nous nous sommes encore contactés 2 ou 3 fois, pour que tout soit ok avant l'édition : je devais faire vite car le graveur de mon éditeur canadien avait fixé un créneau précis pour ce travail, qui nous a bien pris -entre les différentes épreuves à corriger- 2 mois 1/2).
Devant l'enthousiasme de Christian, je lui ai proposé de leur dédier l'œuvre -à lui et à son bébé, à savoir "l'Ensemble Unité" (oui, il en est le créateur depuis l'origine, et le dirige depuis tout ce temps avec passion et bonheur). J'ai senti à sa voix (toujours au téléphone) qu'il en était vraiment touché.
Je comprends car il en allait de même pour moi.
16 – Ibid. p.17
17 – Humilité du compositeur que l’on retrouve dans ce courriel où il citait toutes ses admirations poétiques et musicales en concluant : « je vous ai confié ces « astérisques » (…) pour m’incliner devant tous ces créateurs, devant l’acte créateur en lui-même également » (courriel du 3 avril 2018).
Annexe 2
Né à Niort en 1966, Pascal ARNAULT commence le piano et le solfège à l’âge de 16 ans, en cours particuliers avec Marie-Carmen LACASTA, une élève de Pierre SANCAN. A 19 ans, il s’inscrit de concert à la faculté de musicologie de Poitiers et au conservatoire de la même ville, dans la classe de Colette SICARD, élève d’Yvonne LEFEBURE. Après une maitrise de musique à Poitiers, un DEA de musicologie (sur la musique pour piano de MESSIAEN) à la Sorbonne, et un Diplôme d’Etudes Musicales de piano, formation musicale et musique de chambre au CNR de Poitiers, il obtient l’agrégation de musique en 1994. Enseignant dans les collèges des Deux-Sèvres durant 18 ans, il enseigne au collège d’Ozoir la Ferrière depuis septembre 2012. Pascal ARNAULT a été pianiste accompagnateur de la chorale COREAM à Niort pendant 6 ans et il est régulièrement sollicité par des amis musicologues pour des « causeries » sur la musique de MESSIAEN et DUTILLEUX, ses deux passions musicales ! Deux passions qui le poussent à composer, en autodidacte, de la musique depuis environ 25 ans…
© Isabelle Francaix
Le compositeur Pierre-Adrien Charpy caractérise bien la création d’aujourd’hui : il écrit pour des formations instrumentales traditionnelles, mais sait aussi s’emparer de l’électronique, des instruments anciens, des musiques traditionnelles, et de la voix, comme l’illustre bien son coffret « Sillage » , publié à Bruxelles chez Cypres records. Il nous livre dans cette interview quelques aspects de son parcours, comme sa rencontre avec Jean-Louis Florentz.
Sa prochaine création L'île Paradis qu'on ne doit pas dire (https://vimeo.com/273079501), sera donnée samedi 7 juillet, à 15:30 à Grignan (Festival de la Correspondance), et dimanche 29 juillet à 20:30 à Vallouise, salle Bonvoisin (Festival Musiques en Ecrins).
Quelle est votre conception de l’écriture musicale ?
J’ai réalisé mes classes d’écriture au CNSM de Paris. En composition je suis donc autodidacte ; j’ai rencontré des compositeurs, mais je n’ai pas suivi de cursus. Je suis arrivé à m’exprimer dans un langage contemporain par l’exploration des langages du passé. C’est le fait de connaître les pratiques d’autrefois qui a nourri mon ouverture au monde musical d’aujourd’hui. Lorsqu’à vingt ans, j’étais à Paris, je n'allais pas à tous les concerts de « créations ». Je leur consacrais le même temps qu'aux musiques de concerts du répertoire. Le rapport avec le passé est pour moi une chose importante. Néanmoins, ce n’est pas une relation nostalgique. Mon travail de compositeur est très axé sur un travail de stratification. Ces traces anciennes sont finalement des couches d’histoire, une stratification du temps qui se fait en chacun de nous. Quand on est aujourd’hui dans la création – quel que soit le domaine d’ailleurs –, on a tous avec soi un bagage qui peut remonter très loin. Par exemple, la culture de l’Antiquité qui est encore extrêmement présente, en passant à travers la culture classique de la Renaissance. Le Moyen-Âge est également important, notamment au travers l’héritage religieux qui transparaît au-delà de la stricte religion. Tout cela créé dans l’Histoire des jalons certes officiels, mais aussi des rivières souterraines, transversales, nous reliant à tous les vécus antérieurs. C’est en ce sens-là que les musiques du passé me nourrissent. D’une manière générale, je pense que l’on découvre davantage qu’on ne créé ; je pense que nous découvrons, et mettons en forme ce que l’on découvre.
Quels sont les compositeurs dont vous vous sentez proche ?
Le compositeur m’ayant influencé dans ma démarche – non forcément dans le style, mais plutôt celui qui m’a accouché dans l’art de la composition – est Jean-Louis Florentz, que j’ai rencontré plusieurs fois. Il avait une véritable culture multiple puisqu’il connaissait les mondes orientaux et africains. J’avais un jour écouté avec un ami burkinabé une pièce pour orgue de ce compositeur (L’Enfant noir) ; cet ami avait reconnu dans une œuvre de concert quelque chose qui lui parlait en temps qu’africain. Cette connaissance de l’Afrique n’était donc pas qu’une connaissance d’ethnomusicologue, mais vraiment intimement vécue. Ce n’était pas simplement de l’imitation car je pense qu’il était vraiment au carrefour de deux civilisations, africaine et européenne. Il a par ailleurs écrit et théorisé un système extrêmement complexe, fondé sur les modes africains et orientaux. Il a également beaucoup travaillé sur la notion de compagnonnage (importante en Afrique), où il utilisait deux modes compagnons : l’un heptatonique et l’autre pentatonique, qui ensemble formaient le total chromatique. Mais ce qui m’a vraiment inspiré est davantage sa conception de la musique ayant pour intermédiaire d’autres arts, ou le rêve. Je travaille beaucoup en relation avec la littérature ; j’ai souvent mis en musique des poètes (Andrée Chedid, Emily Dickinson…) dont la musicalité littéraire m’a influencé dans la composition même de mes pièces.
Si je devais citer un second compositeur participant à mes influences, ce serait Charles Ives, précisément pour cette poétique de la nature, cette composition inspirée du naturel, aboutissant longtemps avant tout le monde au quart de ton et à l’atonalité. Mais pas du tout dans une vision de destruction comme cela a pu être le cas en Europe, plutôt comme une contemplation mystique de la nature, dans la lignée d’Henry David Thoreau et toute cette philosophie.
Et les compositeurs de l’école répétitive ?
Je suis davantage proche du courant minimaliste. Il y a certes une dimension de répétition dans ma musique, mais ce n’est pas une approche du rythme comparable à la manière dont il est traité par les américains. Je suis en revanche très proche des musiques africaines et caribéennes. Je travaille beaucoup avec Moussa Hema, un balafoniste du Burkina-Faso. Le second disque de mon coffret Sillages est un projet réunissant ce musicien et un ensemble de musique baroque. Il s’y produit une confrontation entre des musiques italiennes du xviie siècle, des musiques africaines et mes propres créations. C’est une plateforme de dialogue entre ces trois univers. Pour une autre composition, j’ai conçu toute mon écriture à partir de cycles rythmiques donnés par Moussa, ce qui a donné une grande passacaille intégrant ces cycles. Il peut donc intervenir à la fois en tant qu’accompagnateur et en tant que soliste. À chaque nouvelle exécution de l’œuvre, et bien qu’elle reste reconnaissable, c’est toujours une œuvre différente. J’ai donc intégré un musicien de tradition orale dans un projet très écrit, sans qu’il ne perde ses repères.
Le 29 Juin prochain à l’auditorium du centre Pompidou, dans le cadre du festival Manifeste de l’IRCAM, les Frères Durupt de l’ensemble Links interpréteront Kontakte de Stockhausen, Étude pour un Piano-espace de Michaël Levinas, et Catharsis, une création de Didier Rotella. À propos de Kontakte, l’occasion nous est donnée, concernant cette œuvre majeure, de citer le compositeur, puis quelques passages, extraits de l’ouvrage de référence en langue française sur Stockhausen “Karlheinz Stockhausen, je suis les sons”, d’Ivanka Stoïanova, aux éditions Beauchesnes.
« Je me pose la question si l’auditeur ne se sent pas forcé d’écouter au-delà de ses capacités ; surtout lorsqu’une composition – comme Kontakte – ne raconte pas une histoire continue, n’est pas composée en suivant un fil rouge que l’on doit suivre du début à la fin, où il n’y a pas de forme dramatique avec exposition, montée, développement, climax et désinence (pas de forme fermée donc), mais où chaque Moment est un centre indépendant relié à tous les autres.»
(K. Stockhausen – Momentform / Neue Zusammenhänge zwischen Aufführungsdauer, Werkdauer und Moment, in Texte zur elektronischen und instrumentalen Musik, vol. 1, DuMont Schauberg, Köln, 1963, p. 190)
Les passages ci-dessous sont extraits de “Karlheinz Stockhausen, je suis les sons”, d’Ivanka Stoianova:
...Page 48:
“Une œuvre n’a pas de durée, seule l’exécution en a une” [1]
Il est évident que, dans des œuvres comme Kontakte, la durée de l’œuvre est identique à la durée d'exécution, compte tenu du fait que la partie électronique pré-enregistrée a sa durée fixe. Dans des œuvres aux dimensions variables (Klavierstück IX, Stimmung, etc.), les durées d’exécution, en effet, peuvent différer considérablement.
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En 1958/60, Stockhausen compose Kontakte, musique électronique avec piano et percussions [2], en 4 pistes, pour 4 groupes de haut-parleurs. Le compositeur prévoit 4 fois 2 haut-parleurs placés en cercle ou en carré dans les 4 coins de la salle. Il réalise les premières rotations du son autour du public, les “marées, les flots, les flux sonores” (Flutklängue) [3], les instruments en spirale, confrontés aux sons fixes des instruments acoustiques. Les haut-parleurs sont situés de telle façon qu'on puisse percevoir au mieux toutes les rotations, les mouvements diagonaux, les alternances, les déluges sonores, les sons filant au dessus des têtes de l'arrière vers l'avant, ou d'un côté à l'autre. À chacun des quatre haut-parleurs situés dans les quatre coins de la salle est confiée une couche sonore. Les 4 hauts-parleurs émettent la même musique, mais le son voyage d'un haut-parleur à l'autre en alternance, soit les sons se déplacent vers la droite ou vers la gauche (tandis que simultanément un ou deux haut-parleurs émettent de façon fixe); soit des mouvements rotatoires en boucle ( I - III - II - IV - I - III - II - IV, etc. ) sont effectuées; ou bien le son provient d'abord d'un seul haut-parleur, au bout d'un certain temps, les deux autres interviennent, et enfin le quatrième, qui crée l’effet de “marée sonore” (Flutklang), l'envahissement progressif de l'espace par le son. Lors d'une première écoute, l'auditeur est plutôt fasciné et donc distrait par les effets acoustiques des sons en mouvement diversifiés dans l'espace et ne peut se concentrer véritablement sur la richesse musicale des sons ou de la structure. Le phénomène est comparable à l'expérience de la découverte de techniques instrumentales inhabituelles ou de procédés de virtuosité instrumentale inédite. Ce n'est qu'après une appropriation pratique des nouvelles dimensions de l'écoute, après une familiarisation avec les nouveautés acoustique que l'on peut commencer à apprécier l’œuvre dans tous ses aspects.
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“J'écoute à plusieurs reprises le son tout près des musiciens, et j'essaie de transmettre à travers la régie du son l’expérience de la musique de chambre à l'origine” [4]
Pour apprendre la régie son d'une pièce de Stockhausen, le projectionniste doit connaître l' œuvre pratiquement par cœur. Les exigences fortes sont déterminées par la complexité de la prestation artistique. Ainsi, pour apprendre la régie son de Kontakte, le projectionniste du son-musicien doit connaître pratiquement de mémoire la bande et avoir répété “au moins 8 fois 3 heures avec le duo de instrumentistes (piano et percussions) et toute la technique” [5]. Le projectionniste du son effectue la balance des sources sonores pour rendre audible tout ce qu'il y a dans la partition, et cela en corrigeant les interprètes et en travaillant à la console. Il doit être capable de “mener les répétitions comme un chef d'orchestre” et surtout, de ne pas se limiter à la diffusion de la bande comme un “fond sonore” pour les instrumentistes. Il est aussi le projectionniste qui suit les indications pour la spatialisation du son, données dans la partition d'exécution (Aufführungspartitur).
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Mary Bauermeister: “Je l’ai pratiquement libéré de Darmstadt, du sillage de Schœnberg, Webern, je l'ai guidé, ouvert à lui-même. Après il est devenu très grand, très généreux. Et plus tard, quand j'ai remarqué qu'il travaillait toujours avec ses formules, j'ai constaté qu'il se refermait à nouveau, qu'il s'inventait lui-même des entraves et des limites. Les dix ans où il a été libre - quand il a fait Kontakte, Originale, Momente - il était vraiment ouvert. Plus tard, il s’est réduit, il s’est contracté de nouveau: il voulait, précisément, contrôler tout. Et je ne pouvais plus intervenir pour qu'il puisse s'évader.”
[1]: Momentform: Neue Zusammenhänge zwischen Aufführungsdauer, Werkdauer und Moment, in Texte zur elektronischen und instrumentalen Musik, vol.1, DuMont Schauberg, Köln, 1963, p. 198
[2]: L’œuvre existe en deux versions: Kontakte (1958), no 12, pour sons électroniques, Kontakte (1958) no12 1/2, pour sons électroniques, piano et percussions.
[3]: “Dans Kontakte, j’ai découvert la manière de réaliser des ”marées sonores”. Des sons démarrent dans des haut-parleurs situés derrière le public, juste après, les mêmes sons démarrent à nouveau à gauche et à droite; et encore après en face. Cela doit durer à peu près un tiers de seconde. Si le mouvement est continu (Le même sens sans arrêt décalé), Il crée l'impression de projecteurs qui se déplacent. Le son est comme une vague qui vous submerge et qui roule de l'arrière vers l'avant”, J. Cott, Conversations avec Stockhausen, J.-Cl. Lattès, Paris, 1979, p.167
[4]: Cf. “Elektroakustische Aufführungspraxis”, in Texte zur Musik 1984-1991, vol. 8, p. 563
[5]: Kontakte, in Texte zur Musik 1984-1991, vol. 7, Stockhausen Verlag, Kürten,1998, p.59
Le baryton Matthias Gœrne est né à Weimar en mars 1967. Élève de Hans-Joachim Beyer à Leipzig, il étudia également avec Elisabeth Schwarzkopf et Dietrich Fischer-Dieskau. Lui-même a enseigné l’interprétation du Lied à l’Académie de Musique de Düsseldorf. Membre honoraire de l’Académie Royale de Musique de Londres depuis 2001, il chante sur les plus grandes scènes dans le monde entier. Sa carrière s’est faite en une fulgurante décennie, depuis son succès à Cologne dans Le Prince de Hombourg de Henze, puis un triomphe dans Wozzeck à Zurich en 1999, après Salzbourg et New York dans la Flûte enchantée (Papageno). Cette saison, le public français a pu l’admirer en récital à l’Opéra Garnier ainsi qu’à la Philharmonie de Paris, dans le rôle d’Oreste d’Elektra en version de concert et dans le rôle titre d’Elias de Mendelssohn, avec le Freiburger Barockorchester, formation avec laquelle il a enregistré plusieurs airs pour basse de Cantates de Bach (BWV 56 et 82). Après un été passé essentiellement à Salzburg, et quelques excursions à Rosendal (Norvège), Lucerne (Suisse) et Vilabertran (Espagne), il sera sur la scène de l’Opéra Bastille, du 11 septembre au 9 octobre 2018, dans Tristan et Isolde. Ses enregistrements lui valent de prestigieuses récompenses (quatre nominations aux Grammys, meilleur récital vocal ICMA et Diapason d’Or/Arte). On lui doit notamment une sélection de Lieder de Schubert chez Harmonia Mundi (The Gœrne/Schubert Edition), des Lieder de Brahms avec Christoph Eschenbach et ceux de Malher avec l’orchestre de la BBC. La critique internationale est, à son sujet, dithyrambique : « Matthias Gœrne est actuellement ce qui se fait de mieux et de plus singulier dans le répertoire » affirmait Marie-Aude Roux dans Le Monde du 23 octobre 2008, au sujet des onze lieder du Cor merveilleux de l’enfant (Des knaben wunderhorn) de Gustav Malher que donnait Gœrne à la Salle Pleyel, avec l’orchestre de Paris sous la baguette de Christoph Eschenbach. Dans l’Abendzeitung München du 8 janvier 2017, Robert Braunmüller saluait : « Le meilleur Wotan depuis Hans Hotter » (The best Wotan since Hans Hotter). La même année, Wilhelm Sinkovicz, dans Die Presse, louait : « L’un des chanteurs les plus exaltants de notre temps » (Einer der aufregendsten singschauspieler unserer zeit), à propos du Wozzeck dont Gœrne tenait le rôle titre à Salzburg avec le Wiener Philharmoniker. « L’incomparable Wozzeck de Matthias Gœrne » (Matthias Gœrne, today's definitive Wozzeck), renchérissait John von Rhein dans le Chicago Tribune du 25 août 2017. Nous nous garderons toutefois de verser dans ces engouements qui, à trop user de l’hyperbole, finissent par étouffer tout discernement. Matthias Gœrne est un artiste hors du commun, c’est entendu ! Mais en quoi l’est-il ?
Durant l’hiver 2017, les 6, 8 et 10 février, accompagné au piano par Leif Ove Andsnes, Matthias Gœrne donna à Paris, au Théâtre des Champs-Elysées, un mémorable cycle Schubert qui comprenait, outre Le Voyage d’hiver, La Belle Meunière et Le Chant du cygne. L’interprétation du Voyage d’hiver (Winterreise), sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées, le 8 février 2017, était tout sauf un coup d’essai. A Brandon Hill en 1996, Gœrne en avait déjà enregistré, pour le label Hypérion, accompagné par Graham Johnson, une version de jeunesse que d’aucuns jugèrent trop austère. À Wigmore Hall (Londres), les 8 et 10 octobre 2003, il enregistra le Winterreise avec Alfred Brendel (Decca). En 2014 il fixe l’œuvre pour Harmonia Mundi, accompagné cette fois-ci par le pianiste Christoph Eschenbach, après un mémorable concert « Schubert 1828 » à la Salle Pleyel (Paris), le 11 mai 2012. La mise en scène et en image, par le scénographe sud-africain William Kentbridge, du Winterreise donné par Gœrne et le pianiste Markus Hinterhaüser, fut l’un des principaux événements du festival d’Aix-en-Provence durant l’été 2017.
Chacune des interprétations des poèmes de Wilhelm Müller mis en musique par Schubert mériterait d’être citée comme exemple de l’art hors du commun de Matthias Gœrne. Mais il nous faut choisir, et nous retiendrons La Corneille (Die Krähe), quinzième poème du cycle D. 911, qui en compte vingt-quatre.
La Corneille.
Une corneille hors de la ville m’avait suivi,
Et depuis, sans cesse, au-dessus de ma tête voletait.
Corneille, étrange animal, ne me veux-tu laisser ?
Espèrerais-tu prendre mon corps comme une proie ?
À présent, nous n’irons plus très loin, avec ce bâton de vagabond.
Corneille, laisse-moi voir enfin ce que c'est,
Qu’être fidèle jusqu'à la tombe !
Die Krähe.
Eine Krähe war mit mir
Aus der Stadt gezogen,
Ist bis heute für und für
Um mein Haupt geflogen.
Krähe, wunderliches Tier,
Willst mich nicht verlassen?
Meinst wohl bald als Beute hier
Meinen Leib zu fassen?
Nun, es wird nicht weit mehr gehn
An dem Wanderstabe.
Krähe, laß mich endlich sehn
Treue bis zum Grabe!
Wilhelm Müller (1794-1827) était originaire de la cité saxonne de Dessau. Comme Schubert, il mourut jeune, à 31 ans. Étudiant à Berlin, il participa contre l’armée de Napoléon 1er à la « guerre de libération », entre 1813-1814. Il appartint également, à l’instar de Lord Byron, au mouvement philhéllène. Partisan de l’indépendance de la Grèce, alors occupée par l’Empire ottoman, il composa, en 1821, un Chant des Grecs (Lieder der Griechen), qui lui valut le surnom de Müller le Grec et une réputation européenne. Érudit –on lui doit notamment la traduction de poèmes élisabéthains et une anthologie des Minnesänger–, ce fils de cordonnier fut nommé bibliothécaire du gymnasium (lycée) de Dessau. Le Winterreise, rédigé à partir de 1815, prit d’abord la forme d’un journal de souvenirs inspiré par une déconvenue amoureuse survenue lors de la guerre contre la France et le voyage qu’ensuite il entreprit, en novembre 1814, pour rentrer à Dessau. Müller n’était pas musicien, mais aurait eu conscience dit-on, du potentiel musical de ses lieder. Jamais il ne rencontra Schubert, ni n’entendit ses propres poèmes mis en musique, contrairement à Heinrich Heine, l’un des auteurs avec Ludwig Rellstab, du Chant du Cygne, cycle posthume (D. 957). Müller publia le Winterreise en trois parties séparées, entre 1822 et 1824. Il écrivit un premier recueil intitulé : Chants d’errance de Wilhem Müller. Le voyage d’hiver en douze poèmes. (Wanderlieder von Wilhelm Müller. Die Winterreise in 12 liedern), publié à Leipzig chez Urania en 1823. Dix nouveaux poèmes parurent, toujours en 1823, dans la « Revue allemande de poésie, et de littérature, art, théâtre » (Deutsche Blätter für Pœsie, Litteratur, Kunst und Theatre), portant le titre : Poèmes retrouvés dans les papiers d’un corniste ambulant. II. Chants de la vie et de l’amour (Gedichte aus den hinterlassenen Papieren eines reisenden Waldhornisten. II. Lieder des Lebens und der liebe). La version finale, augmentée de deux derniers poèmes, parut en 1824. L’année même du décès de Wilhelm Müller, en 1827, Schubert aurait trouvé, dans la bibliothèque de son ami Franz von Schober, les douze poèmes composant le premier recueil intitulé Wanderlieder von Wilhelm Müller. Die Winterreise in 12 liedern. Il en admirait l’auteur, ayant déjà composé sur ses poèmes, en 1823, les vingt lieder de La Belle meunière (Die Schöne müllerin). Enthousiaste, le compositeur se mit au travail, et fit un premier jet sans connaître encore l’existence des douze autres poèmes du cycle, qu’il ne lut que quelques mois plus tard, vers la fin de l’été de 1827. Ainsi, la composition de l’œuvre musicale en deux étapes explique-t-elle les différences de numérotation. La Corneille (Die Krähe), qui porte le n° 11 chez Müller, est le n° 15 du cycle schubertien. Les vingt-quatre lieder intitulés Winterreise, composés pour ténor, parurent entre janvier et décembre 1828, en deux cahiers, chez Tobias Haslinger, éditeur également de Beethoven, sous le n° d’opus 89. Franz Schubert mourut prématurément le 19 novembre 1828, un an après Beethoven dont il avait porté le cercueil et au même âge que Wihlelm Müller, épuisé par la maladie qui le rongeait depuis cinq ans.
Le romantisme le plus ardent traverse tout le cycle, s’y exprimant toutefois avec une retenue qui confine, dans Die Krähe, à l’austérité. Le texte et le chant, se combinant ici parfaitement, font surgir chez l’auditeur de fortes images. Les peintres romantiques allemands –certains, comme Moritz von Schwind, fréquentaient les « schubertiades »–, surent restituer exactement l’ambiance de ces textes et de cette musique où se fait entendre ce que l’on pourrait peut-être qualifier d’âme germanique ; celle du vagabond (wanderer) solitaire au cœur mélancolique, qu’effraie la force de la nature dans les forêts profondes, aux pieds des hautes montagnes, hanté quelque fois par la vision des ruines d’une cathédrale gothique ou celle d’un naufrage dans une banquise. Caspar Friedrich, que Schubert ne rencontra jamais, quoiqu’ils fussent contemporains, peignit en 1822, un an avant la parution du Winterreise, un tableau aujourd’hui au Louvre, intitulé Corbeaux sur un arbre (Krähen auf einem Baum). Au premier plan, un arbre défeuillé sert de perchoir à une nuée de corbeaux, image morbide qu’adoucit cependant, à l’arrière plan, l’aurore teintant de rose un ciel diaphane. Les trois artistes, Friedrich, Müller, Schubert, puisaient leur inspiration à la même source romantique.
L’interprétation de Matthias Gœrne est tout simplement admirable et obsédante : elle nous suit bien longtemps après la fin du concert. Le voir sur scène est déjà en soi une expérience unique. Solidement posé sur le plateau, cet homme d’allure robuste, aux grands yeux d’un bleu translucide, paraît habité. Les bras ouverts, se balançant près du piano, il s’y appuie de temps à autre comme pour prendre un élan. Ses oscillations, jamais ostentatoires, marquent les inflexions du chant, accompagnent les respirations de l’artiste, soulignent subtilement les mots ou bien les scandent. Simultanément, une autre vive émotion est provoquée par la beauté assez indescriptible d’une voix exceptionnelle. Bien sûr, nous avons affaire ici à un grand baryton dans la pleine maîtrise de son art, mais il y a plus : un timbre scintillant et chaud, riche dans les aigus comme dans les graves, souple, délicat, puissant mais jamais âpre, si particulier que l’on peut, sans courir de risque, prétendre le distinguer entre tous. Ajoutons que l’osmose avec l’excellent pianiste Leif Ove Andsnes, (quoique d’aucuns lui préfèrent Markus Hinterhaüser), contribue à l’expressivité de l’interprétation. Le mode mineur domine largement l’ensemble du cycle. Die Krähe figure dans la seconde partie, d’une teneur plus sombre encore que la première, mais dans laquelle, paradoxalement, le mode majeur est plus fréquemment employé. Ce lied est composé en Ut mineur à 2/4 et porte l’indication : « Plutôt lent » (Etwas langsam). La musique de Schubert, par sa simplicité, évoque le dépouillement hivernal. Dans presque tout le recueil, le compositeur fait coïncider notes et syllabes ; mais dans ce lied, la monotonie syllabique est plus marquée encore, pour représenter peut-être l’effarement du voyageur transi. Au piano, la main droite imite les cercles concentriques que décrit l’oiseau de malheur autour du vagabond. La mélodie est d’abord simple, presque pareille à un choral luthérien. Matthias Gœrne donne ici toute la mesure de son talent, passant graduellement du récitatif quasi monocorde du début : « Une Corneille hors de la ville m’avait suivi » (Eine krähe war mit mir, Aus der Stadt gezogen) à une soudaine imploration, flottant comme en suspens dans l’air glacé : « Corneille, étrange animal, ne me veux-tu laisser ? » (Krähe, wunderliches Tier, Willst mich nicht verlassen ?), le piano soulignant à la basse, en un lugubre écho, le mot Krähe. Sa voix étonnamment ductile enfle encore et culmine sur deux mots qui éclatent au moment le plus tragique du texte : fassen et graben (« prendre mon corps » et « jusqu’à la tombe ») puis elle revient, dans un legato parfait, au calme tempo du début.
Le génie particulier de ce grand baryton résiderait-il dans son rapport à la langue : « Matthias Gœrne a, comme nul autre, transcendé et exalté par le chant la prononciation de la langue allemande », m'affirmait récemment une mélomane et galeriste allemande qui eut l'occasion de rencontrer Matthias Goerne lequel, dans la conversation courante, aurait dit-elle, un "accent saxon". » En concert, sa diction est absolument limpide et juste : bien plus que de servir le texte, elle le révèle ! Or, dans une interwiew intitulée : « Le message est transmis par le timbre de la voix » (disponible sur son site internet officiel), Matthias Gœrne, s’indignant qu’un critique lui eût reproché ses intonations trop « tamisées » et ses consonnes insuffisamment prononcées, déclare : « Je dois m’exprimer, je n’ai pas besoin de réciter […] Je le prends plutôt mal lorsqu’un chanteur essaie de m’expliquer ce que le texte signifie. » La diction, le texte même, ne seraient-ils pas essentiels chez ce maître en diction, dont le timbre idéal : « est différent de celui d’un Dietrich Fischer-Dieskau. » Matthias Gœrne livre pudiquement, dans le même entretien, son analyse des deux cycles qu’il a si souvent chantés et enregistrés, La Belle meunière et Le Voyage d’hiver. Le jeune meunier, imputant au monde entier la responsabilité de ses propres maux et campant sur des certitudes sans concessions, ne pouvait échapper à la tentation du suicide. Le Winterreise serait moins désespéré : « Le voyage d’hiver a pour moi une issue où tout est encore possible. » L’on aurait tort, affirme-t-il encore, de confondre le joueur d’orgue de Barbarie du dernier lied et la Faucheuse. Peut-être trouvons-nous ici l’embryon d’une réponse à notre question initiale. Artiste exigeant et accompli, exceptionnellement doté par la nature, Matthias Gœrne serait animé par les convictions d’un généreux humanisme qu’à chaque récital, tacitement, par le truchement du timbre de sa voix, il cherche à communiquer au public: « Quel est finalement l’objectif d’un récital de chant ? On veut atteindre les gens […] ».
https://www.youtube.com/watch?v=Do3_OvxSITo
Bernard Patary
Seuls ceux qui n’ont jamais recueilli les doléances des professeurs de danse se plaignant de l’inculture musicale de leurs élèves pourront douter de l’utilité de ce solfège. Cet ouvrage ne remplace pas un cours de solfège traditionnel, mais il permettra à tout danseur ayant un minimum de connaissances de base en solfège d’acquérir la culture mélodique, rythmique, historique nécessaire pour être un vrai danseur. Le sous-titre de l’ouvrage est : « Les danses de l’époque médiévale à nos jours. Exercices de FM tirés du répertoire. Exercices rythmiques progressifs. » Ce sous-titre est bien loin de rendre compte de toute la richesse du contenu. Les auteurs présentent elles-mêmes ainsi leur travail : « Par cet ouvrage, nous avons voulu répondre de façon pratique aux questions et aux besoins des danseurs en matière de Formation Musicale : comprendre la structure d'une musique, les éléments théoriques liés à la partition, reconnaître les intervalles, les rythmes, afin de pouvoir exprimer encore mieux les sentiments qu'ils inspirent… Nous espérons par nos explications de musiciennes aider les danseurs dans l'expression de leur art. » Il est impossible de résumer l’ensemble de ce qui est proposé : panorama des différents styles des différents pays, de la danse du moyen-âge à la danse moderne, toujours à partir de musiques qu’on peut maintenant écouter très facilement sur internet et de leurs partitions. Bref, ce sera une mine pour les danseurs et leurs professeurs.
Daniel Blackstone
L’auteur présente ainsi lui-même cette œuvre : « Je suis la lumière du monde » magnifique verset de l’Evangile selon St Jean (8 :12), parole de Jésus, m’a inspiré cette œuvre.
Le début de l’œuvre notamment est scintillant, lumineux. Par la suite, plusieurs danses s’enchaînent au cours de l’œuvre. Ces danses de joie sont simplement l’expression du sacré par le croyant face à son créateur, à l’instar du Roi David qui dansa devant l’Arche d’Alliance (2 Samuel 6 :16) Pour la fin, on peut voir une allusion à l’épisode du prophète Elie dans sa grotte (1 Rois 19 : 11-13), où l’Eternel est comparé au murmure d’une brise légère. »
Cette commande du Festival Le Printemps des Orgues pour la finale du Grand Prix d’Orgue Jean-Louis Florentz - Académie des Beaux-Arts a été créé le dimanche 13 mai 2018 à la Cathédrale d’Angers, avec le soutien de la SACEM.
Précisons que cette œuvre exige en principe un orgue de trois claviers en 16 pieds… ce qui n’est pas le cas de tous les instruments ! Mais les organistes ont l’habitude de faire avec les moyens du bord !
Daniel Blackstone
Le manuscrit de ce concerto en trois mouvements (Allegro, Larghetto, Allegretto), dit du « Couronnement », porte la date de 1788. La première audition eut lieu, à la hâte, le 14 avril 1789, en comité restreint dans l’appartement de l’électrice Amalie Auguste, et en trio ! Mozart avait pour partenaire le Prince, à la flûte, et un petit garçon de neuf ans, Kraft, au violoncelle. Ce concerto fut ensuite joué à Leipzig le 12 mai 1789 (avec deux autres concertos), puis à Dresde. Il fut exécuté ensuite à Francfort pour le couronnement de Léopold II le 15 octobre 1790, mais le succès n’a été que pour l’honneur et la gloire. Les difficultés financières de Mozart ne seront pas aplanies. En 1795, soit quatre ans après la mort de Mozart, Johann André, célèbre éditeur d'Offenbach, publie deux concertos (K. 459 et K. 537). Comment a-t-il obtenu les manuscrits ? Par l’intermédiaire d’un compagnon de loge de Mozart, Paul Wranitzky, qui connaissait sa veuve ?
Une des curiosités de cette partition est le nombre impressionnant de portées vides (les parties de main gauche). Ces manques engendrent beaucoup de commentaires, de suppositions, de questions. Certains y voient une preuve du caractère improvisé de l’œuvre, d’autres une preuve de la peur de Mozart de voir son œuvre copiée… Mais vers qui l’éditeur se tourna-t-il pour compléter la partition ? Vers son propre fils, compositeur émérite ? La question n’est pas résolue.
Deux volumes composent cette édition Urtext : l’un contient la partie de piano, avec trois exemples de cadence pour le premier mouvement et une pour le deuxième et l’autre la partie concertante et la réduction d’orchestre. Les parties « manquantes » sont dans cette édition, signalées en petits caractères.
Sophie Jouve-Ganvert
Les dernières sonates pour piano de Haydn réunies dans ce volume sont les trois cotées Hob. XVI:40-42 (1784), les deux sonates Hob. XVI:48 et 49 « Genzinger » (1789) ainsi que les trois sonates Hob. XVI:50-52 « London » (1794/1795). Ces sonates étaient « destinées aux dames », dans l’esprit de C.P.E. Bach.
Les trois premières sonates (n°s 54, 55, 56) sont dédiées à la très jeune princesse Marie Esterhazy, née Princesse de Liechtenstein, épouse du futur Nicolas II. Composées de deux mouvements chacune, ces sonates apparemment « sans prétention » reprennent le principe de la variation déjà utilisé avec beaucoup d’habileté dans les sonates dites « Esterhazy » Hob. XVI:21-26 (1773). La sonate en Ut Majeur, Hob. XVI:48, commandée par Breitkopf pour un « Pot-pourri », date de 1789. Elle aussi comporte deux mouvements, un Andante con espressione à variations et un Rondo. La suivante, en Mi b Majeur, Hob. XVI:49, est dédiée à Anna de Jerlisckek la commanditaire, mais c’est à Maria Anna von Genzinger que Haydn la destinait, en témoignage affectueux comme le montre une lettre de 1790. Les trois dernières sonates, Hob. XVI:50-52 datent du deuxième séjour londonien du compositeur, en 1794/1795. C’est pour Thérèse Jansen, dont Haydn a été le témoin de mariage, qu’il écrivit les sonates Hob. XVI:50 (sans doute l’ultime) et 52. Cette dernière, en Si b Majeur, ne fut publiée qu’en 1798. La Hob. XVI: 51, éditée seulement en 1805, est étonnante de concision et de nouveauté. La qualité de certains de ses élèves a permis à Haydn de créer des pièces très inspirées et détachées des contraintes techniques. En l’absence de manuscrit autographe, c’est la première édition (1784) qui a servi à cette édition Urtext. Les nombreux problèmes de graphie rencontrés (les indications de dynamique, d’articulations, d’altérations, de rythme, de staccato, de liaisons…) ne sont résolus que partiellement. Faute de documents, ce n’est que par l’évolution de son écriture que l’on peut imaginer l’instrument sur lequel Haydn travaillait. On sait seulement qu’il possédait un clavicorde de Johann Bohak dans sa dernière décennie. Il dit avoir vendu son beau pianoforte le 11 avril 1809. Haydn a pu comparer la légèreté des pianoforte viennois avec la robustesse des pianos anglais, leurs différences de jeu, leur volume sonore, leur résonnance, leur étendue, l’effet de leurs pédales, il a pu profiter de l’évolution de la facture et ainsi développer une technique virtuose. Quant à l’ornementation, il est essentiel d’en connaître les règles, notamment celles concernant les trilles, les appoggiatures, les Doppelschlag. Pour cela, il faut consulter les traités de C.P.E. Bach (1753, 1762), de Türk, …, tenir compte du tempo, du caractère des pièces et ne pas oublier qu’au XVIIIe siècle, une bonne interprétation est affaire de « bon goût ».
On lira avec beaucoup d’attention les « commentaires critiques » de cette belle édition.
Notons que la préface datée de 2014, n’est pas entièrement de première main.
Sophie Jouve-Ganvert
Si la sonate est « monumentale », cette nouvelle édition l’est aussi. Elle nous propose en effet non seulement un texte établi sur la base d’une évaluation nouvelle mais aussi une édition destinée au concert. Plusieurs musicologues ont contribué à cette édition : Peter Hauschild en
a établi le texte, qui a été révisé par Jochen Reutter, Johann Sonnleitner nous propose de copieuses notes sur les tempi et indications métronomiques chez Beethoven, et Alexander Jenner a établi les doigtés. On appréciera d’autant plus ces textes qu’ils sont présents non seulement en allemand et en anglais, mais en français dans leur intégralité dans une remarquable traduction de Geneviève Geffray. Que dire de plus sinon que la partition est extrêmement agréable à lire et qu’il s’agit là d’une édition de travail en tous les sens du terme, aussi bien pour les interprètes que les musicologues.
Daniel Blackstone
On pourra être surpris, de prime abord, de ne trouver dans ce recueil que la seule ligne mélodique surmontée des « accords de guitare ». En fait, cela permet, à partir des mélodies proposées, et dont on a l’original en tête, de reconstituer sur un piano, un orgue électronique ou n’importe quel clavier les mélodies proposées. Le choix est éclectique puisqu’il va de Vivaldi au rock en passant par la valse viennoise ou la chanson des années trente. Ce pourra être très intéressant pour faire travailler l’oreille et sortir les élèves de leurs partitions toute faites ! Etre capable de reconstituer au clavier ce qu’il a dans la tête n’est-il pas un des grands plaisirs du musicien ?
Daniel Blackstone
La sonate pour piano n°26 en mi bémol fut dédiée à l’élève et ami de Beethoven : l'archiduc Rodolphe d'Autriche, plus jeune frère de l'Empereur. Son sous-titre de sonate « Les Adieux » (en allemand Lebewohl) se réfère au départ de l'archiduc Rodolphe en 1809, contraint de quitter Vienne occupée avec sa famille à la suite de la guerre de Wagram. Le premier mouvement symbolise l'exil et les regrets. Il débute adagio espressivo par trois notes descendantes sous-titrées par le compositeur lui-même le-be-wohl (adieux). Après seize mesures débute allegro le thème principal, toujours construit sur le même motif rythmique de trois notes. Les deuxième et troisième mouvements, intitulés respectivement L'absence et Le retour, Andante espressivo et Vivacissimamente, ont été écrits peu après le retour de l'archiduc dans la capitale autrichienne. Le troisième mouvement est enjoué et éloquent.
Cette nouvelle édition de Bärenreiter est très belle et très facile à manipuler. Les tournes sont placées stratégiquement pour favoriser une aisance optimale.
Marie Fraschini
Voici une petite pièce très bien écrite pour la guitare, ce qui la rend très agréable à jouer. Le thème lapidaire à deux voix est évident et facile à retenir. Il sera exploité dans la seconde partie avec des modulations. Il s’agit d’une danse pouvant faire référence aux bourrées que l’on trouve dans les partitas de J.S Bach pour violon par exemple.
Facile et très abordable au déchiffrage cette petite pièce demande une certaine rigueur et capacité à vaincre les difficulté pour avoir le caractère dansant et respecter le tempo qui avance !
Elle conviendra en fin de 1er cycle.
Lionel Fraschini
Voici une très jolie berceuse, charmante et de bon goût. Cette petite pièce très mélodieuse en laissera plus d’un nostalgique !
Il s’agit d’une mélodie accompagnée. On y trouvera beaucoup de cordes à vides à la basse avec la corde de mi grave en ré, ce qui donne de la profondeur et du soutien au chant. Cela permet de pouvoir chanter et travailler l’expression. La tessiture et l’ambitus sont parfaitement bien adaptés à la guitare.
Elle sera à aborder à partir de la 3ème année car les rythmes utilisés ainsi que la gestion de la polyphonie demandent un certain bagage, ainsi qu’un minimum de contrôle du son.
Lionel Fraschini
Il est bien plaisant, ce concerto qui nous raconte une belle histoire, celle de ce prince slave qui se réveilla un beau matin au son de la flûte. La flûte ? Ou plutôt de charmants oiseaux qui s’égosillent sur de jolis accords suspendus du piano. Le voici maintenant qui va, au galop de son cheval, respirer le parfum de la forêt. Après cette partie plus agitée, le prince regarde « son beau royaume illuminé par le soleil ». C’est donc une partie plus contemplative qui s’ouvre. Mais ce qui devait arriver arriva : le Prince invita une belle jeune fille à danser. « Et tout le monde dansa le Kolo avec le Prince ». Que dire sinon que les interprètes devraient prendre beaucoup de plaisir à interpréter cette pièce pleine de charme et de fraicheur, mais qui mettra cependant à l’épreuve tant leurs qualités d’expression que leur virtuosité.
Daniel Blackstone
Voilà une pièce bien réjouissante qui nous entraine « côté soleil », c’est-à-dire dans une ambiance brésilienne sur un rythme de samba. Sans être difficile, cette œuvre exige que les deux interprètes aient le même sens du rythme ! Si la flûte a droit à une cadence, le piano a lui aussi un rôle non seulement rythmique mais de partenaire à part entière. Inutile de dire que cette pièce ne respire pas la mélancolie et devrait beaucoup plaire à ses interprètes… et à leur public !
Daniel Blackstone
Cet appel ne manque pas d’allant… Bien rythmé, il module fort agréablement, évoquant, pourquoi pas, une marche joyeuse dans des paysages changeants. La partie de piano n’est pas non plus pour un débutant. La variété rythmique est au rendez-vous. Une cadence médiane permettra au jeune clarinettiste de montrer ses qualités techniques et expressives. C’est donc une pièce pleine d’intérêt et de ressources tant pédagogiques que musicale. On peut en voir un extrait PDF et en écouter un extrait sonore sur le site de l’éditeur.
Daniel Blackstone
Ce jour nouveau est plein de poésie. Si la partie de clarinette est évidemment techniquement facile, elle n’en est pas moins intéressante musicalement : l’élève pourra y déployer ses qualités expressives et y rechercher le « beau son ». La partie de piano n’est pas un simple accompagnement : un véritable dialogue s’instaure entre les deux instruments, constituant déjà une excellente initiation à la musique de chambre. Comme pour la pièce précédente, on peut en voir un extrait PDF et en écouter un extrait sonore sur le site de l’éditeur.
Daniel Blackstone
Nous retrouvons toujours avec plaisir ces enquêtes du commissaire Léonard dont les rebondissements humoristiques devraient faire la joie des élèves. On trouvera parmi les personnages un certain Ludwig van B., touriste allemand. On ne s’étonnera pas qu’à son arrivée le destin frappe à la porte… Comme d’habitude, l’œuvre laisse une place importante à l’improvisation et à la composition, et ce n’est pas le moindre de ses intérêts. Ajoutons que l’auteur guide évidemment ce travail avec des conseils réutilisables pour d’autres compositions. Bref, l’ensemble possède l’intérêt habituel des œuvres de C.H. Joubert.
Daniel Blackstone
Certes, le propos pourra étonner, mais on sera surpris de voir comme elles se suffisent. Les différentes pièces sont présentées succinctement. Il sera expédient de présenter l’auteur aux saxophonistes, peut-être même de leur faire voir le film Tous les matins du monde… et surtout de leur faire écouter de la musique de Marin Marais. Faire jouer ces pièces sans un travail préliminaire d’écoute et de mise en condition serait un non-sens. En revanche, elles peuvent contribuer à ouvrir les élèves sur d’autres musiques, et ces adaptations très respectueuses du texte peuvent y contribuer grandement. On peut voir un extrait de la partition sur le site de l’éditeur.
Daniel Blackstone
Ces trois Nocturnes en hommage à Debussy s’adressent aux élèves de 3ème cycle. « Ils auront plaisir à développer une véritable relation de musique de chambre avec leur partenaire pianiste pour acquérir calme et vigilance dans une conscience commune de l’équilibre des tempos ». Il utilise des matériaux musicaux présents dans les Préludes de Debussy « Des pas sur la neige », « la fille aux cheveux de lin » ainsi que dans sa rapsodie pour saxophone et orchestre pour composer cette allégorie de la nuit. Ces trois Nocturnes sont dédiés à Claude Delangle et Odile Catelin-Delangle. Le premier utilise des illustrations comme « Lontano, Evocativo, Arcaico, Luminoso », le second, «Misterioso, Capriccioso, Sarcastico ». Le dernier, « Evocativo et Lontano » nous accompagne tranquillement vers le calme lumineux du silence qu’on entend la nuit à la campagne.
Marie Fraschini
Voilà donc de la musique à programme. Ce concerto, en effet, nous raconte une histoire, celle de sorciers qui persécutent la charmante fille du roi, la princesse Madeline. Fort heureusement, celle-ci connait le Grand Albert, célèbre alchimiste, qui va la sortir de ce mauvais pas. Cette histoire à rebondissements permet au concerto de connaître des développements contrastés : les sorciers sont terrifiants, la princesse charmante, et le Grand Albert noble et triomphant. Si l’auteur ne nous fait pas tout à fait prendre le Pirée pour un homme, comme dans une célèbre opérette, il pourra être bon d’éclaircir avec les élèves la référence historique… Ceci dit, l’ensemble est fort plaisant et varié, tour à tour terrifiant et plein de charme. Si la pièce peut être jouée telle quelle, il ne sera pas interdit de faire appel à un récitant ou même d’en faire une musique de scène pour une pantomime. Quant à l’intérêt musical, on peut bien entendu faire confiance à l’auteur !
Daniel Blackstone
Cette courte pièce d’une durée de 1’51’’ est destinée à un percussionniste de premier cycle. Elle utilise des modes de jeux simples comme le Dome, des accents, quelques appogiatures devançant des croches, et ne va pas plus vite que la croche à 112 à la noire.
Les nuances vont du piano au forte. Pendant ce temps, le piano joue d’abord un thème en spiccato, imitant le geste saccadé du robot. Nous poursuivons par une partie plus chantée, comme si le robot avait des sentiments d’allégresse. On termine enfin en revenant sur le thème de départ en mineur puis joyeusement en majeur.
Marie Fraschini
Petite pièce pédagogique celtique pour batterie et piano en 1er cycle d’une durée de 2’35’’. Cette œuvre de forme tripartite fredonne d’abord un air celtique à trois temps au piano pendant que la batterie utilise les balais. On part ensuite vers une danse rapide où le piano joue des triolets à la main droite, accompagnés d’accords à la main gauche, pendant que la batterie utilise des baguettes cette fois en triolets. Pour terminer on revient sur l’air celtique du départ, pendant que la batterie retrouve ses balais. Ils finissent dans une dynamique flamboyante. Le titre fait évidemment penser au Capitaine Haddock…
Marie Fraschini
On peut se demander pourquoi, puisqu’il s’agit d’une œuvre française, l’éditeur ne nous a pas gratifié cette fois-ci, d’une traduction française de la préface. Mais ne boudons pas notre plaisir d’avoir enfin une édition critique de cette œuvre, beaucoup jouée depuis quelques années, mais pour laquelle nous manquions d’un matériel en édition moderne. C’est chose faite. Rappelons que cette Messe solennelle en l’honneur de Sainte Cécile, commandée par l’Association des artistes musiciens fut exécutée pour la Sainte Cécile de 1855. On lira tous les détails de cette première audition dans la préface. Gounod est alors en pleine possession de ses moyens. Elle est publiée ici intégralement avec les trois versions du Domine, salvum fac, la prière pour l’empereur Napoléon III qui terminait chaque messe dominicale et qui devint plus tard le Domine salvam fac rempublicam… qu’on chantait encore régulièrement dans les églises à la fin de la Grand’messe jusque dans les années cinquante. D’abondantes notes critiques figurent à la fin du volume. L’ensemble est de la qualité bien connue des éditions Bärenreiter
Daniel Blackstone
Précisons tout de suite que la partition pour solistes et orchestre, conducteur et matériel, est disponible mais seulement en location. Cette publication fait donc partie d’une série consacrée aux œuvres composées pour le concours pour le Prix de Rome. Si Saint-Saëns ne parvint jamais à décrocher le Prix, il s’y présenta cependant deux fois, en 1852 et 1864. C’est en 1852, donc à l’âge de dix-sept ans, qu’il écrit cette œuvre intéressante, certes, mais encore assez disparate et marquée aussi bien de Mendelssohn que de Berlioz (la Damnation). Telle quelle, elle mérite cependant d’être tirée de l’oubli. On lira sur le site de l’éditeur la préface de Cyril Bongers. On y trouvera également des extraits PDF de la partition avec orchestre ainsi que trois extraits sonores de l’œuvre tirés de l’enregistrement sur disque compact du Retour de Virginie, disponible sous le label Glossa Music.
Daniel Blackstone
Philippe Mazé, chef de chœur et compositeur, élève de Daniel Roth en orgue, est diplômé de l’École Normale de Musique de Paris en Harmonie, contrepoint, fugue, histoire de la musique, analyse et esthétique ; il a été formé à la direction de chœur par Stéphane Caillat, Eric Ericson et à la direction d’orchestre par Henri-Claude Fantapié. Il a également travaillé le chant avec Annie-Béatrice Lepré, et la technique vocale avec Richard Miller. Dès l’âge de 23 ans, il est déjà maître de chapelle de la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre et directeur musical de la Maîtrise et, en 1996, après concours, il est nommé maître de chapelle en l’Église de La Madeleine, à Paris. Ses œuvres instrumentales comportent des pièces pour orgue, orchestre et ses œuvres vocales totalisent plus de 150 Motets, 25 Messes, des pages de musique liturgique.
Sa vaste expérience de chef de chœur se répercute sur ses compositions. Derniers en date : Trois Chœurs mystiques conçus pour chœur mixte a cappella, à raison de deux pupitres par voix, chacune étant indépendante et se détachant de l’ensemble ; les autres étant — pour une meilleure intelligibilité — traitées note contre note, homorythmiquement et entrecoupées de silences éloquents. Il privilégie une facture mélodique conjointe et répétitive, des dissonances à bon escient, et accorde un soin tout particulier aux nuances extrêmement précises et diversifiées. Il sélectionne des textes très méditatifs : I. Hymne (p. 1-19), d’après le théologien et docteur de l’Église, Grégoire de Naziance (329-390) : Ô toi, l’au-delà de tout/ N’est-ce pas là tout ce qu’on peut chanter de toi, dans laquelle les 8 voix sont traitées individuellement à des fins de coloration. II. Le Cantique des créatures — en italien Cantico di frate Sole — (p. 20-42), d’après le fondateur de l’Ordre des Frères Mineurs (franciscains), Saint-François d’Assise (1181/2-1226) : Très haut, tout-puissant et bon Seigneur / À toi louange, gloire, honneur se présente comme un « fourmillement » dans la louange. III. Prière (p. 43-52), d’après le moine bourguignon Saint-Bernard de Clairvaux (1090/1-1153), fin connaisseur des Pères de l’Église. Elle évoque des impressions vivement ressenties par Philippe MAZÉ à Fatima (lieu de pèlerinage au Portugal), relevant d’une expérience vécue. Elle met l’accent sur l’injonction : Souvenez-vous… (traitée en ostinato rythmique), puis sur les paroles : Animé d’une pareille confiance, enfin : Je me prosterne, prière à la Vierge (à la suite d’un exaucement). Le compositeur exploite les harmoniques du son fondamental, des tournures mélodiques très chantables et « dans l’air », se gravant aussitôt dans la mémoire.
Philippe MAZÉ vit intensément les textes sélectionnés ; ses partitions communiquent immédiatement aux interprètes et auditeurs toute l’émotion ressentie et l’intériorité requises. À retenir par les chefs de chœurs.
Édith Weber
Nous ne résumerons pas une fois de plus la vie de ce musicien et compositeur trop peu connu, aux origines de la fondation de la Schola Cantorum en 1886 aux côtés de Charles Bordes, Vincent d’Indy et Alexandre Guilmant. Malgré le remarquable travail de l’éditeur, il n’a pas été possible de dater précisément cette œuvre écrite vraisemblablement pendant la première guerre mondiale. Pour l’interprétation, étant donné la rareté de la harpe chromatique de Pleyel, on pourra essayer d’adapter pour une harpe à pédales ou se servir d’un piano…
L’œuvre est en trois mouvements : Prélude, Improvisation et Danse. L’ensemble est fort agréable, varié, plein de charme et de poésie. On peut lire sur le site de l’éditeur l’intégralité de la passionnante préface de Jean-Emmanuel Filet et consulter un large extrait PDF de l’œuvre.
Daniel Blackstone
Cette fois, nous avons une préface en français, et tout à fait passionnante : elle nous retrace en effet toute la genèse de l’œuvre et sa place dans l’œuvre de Debussy. Rappelons qu’assez curieusement Debussy a écrit la réduction pour piano et clarinette, souvent jouée, avant la partition d’orchestre, peut-être à cause des délais impartis. Quoi qu’il en soit, on y retrouve tout l’art de Debussy à commencer par une orchestration chatoyante dans le style de La Mer. Même si elle est d’abord un « morceau d’examen », elle est évidemment bien plus que cela. Cette même préface nous donne également de précieux renseignements sur l’esthétique et la tradition d’interprétation de l’œuvre. Bien sûr, la graphie est, comme toujours, à la hauteur du travail de l’éditeur qui nous fournit en fin de volume ses sources et le commentaire critique.
Daniel Blackstone
Dans le cadre de la publication des œuvres de Haydn, voici donc cette symphonie en do Majeur qu’on peut dater de 1788. Elle comporte quatre mouvements : Après un allegro assai précédé d’un adagio se présente un andante plein de grâce chantante et de charme où l’on sent toute l’influence de Mozart. Le menuetto qui suit est empreint de cette bonhommie si caractéristique de Haydn ; quant au Final indiqué « allegro assai », il nous emporte dans un tourbillon de bonne humeur qui fait du bien… L’édition est, comme toujours parfaitement lisible et agréable à voir et destinée à être utilisée comme édition de travail ou par un chef !
Daniel Blackstone
Publiée avec le concours du département de Musique et Musicologie de l’UFR ALL – Metz de l’Université de Lorraine, cette édition comporte une notice sur Gluck, et la présentation d’Orphée et Eurydice ainsi que le synopsis de l’œuvre. Nous ne résumerons pas la présentation de l’œuvre qu’on peut lire intégralement sur le site de l’éditeur. Disons que les trois pièces orchestrales présentées ici interviennent à trois moments très importants de l’opéra. Le Ballet des ombres heureuses est certainement l’une des pièces les plus connues. Le site de l’éditeur nous propose également un copieux extrait PDF de la partition ainsi que des extraits sonores des trois pièces proposées ainsi que la référence à l’enregistrement sur disque compact de Orphée et Eurydice disponible sous le label Virgin Classics. Ajoutons que le matériel d’orchestre est également disponible. Il est bien agréable de disposer ainsi de cette suite d’orchestre dont certaines parties sont facilement abordables même pour de jeunes orchestres.
Daniel Blackstone
Qui l’eût dit ? Qui l’eût cru ? La célèbre Encyclopédie peut être consultée « à domicile » et, de surcroît, étayée de commentaires actualisés — grâce à une équipe de plus de 120 spécialistes : soit 28 volumes, 74 000 articles numérisés et 2 579 planches (totalisant 20 années de travail), données critiques, notes argumentées — immédiatement disponibles : une extraordinaire aventure éditoriale informatique (octobre 2017) s’étoffant en permanence de nouveaux dossiers.
Certes, les lecteurs disposaient de facsimilés thématiques (Paris, Éditions Interlivres, 1994), c’est-à-dire : Recueil de planches sur les sciences, les arts libéraux et les arts méchaniques [orthographe d’époque], par exemple : Musique ; L’art de l’écriture, caractères et alphabets (arménien, géorgien, siamois…) ; Imprimerie, reliure avec de nombreuses Planches, Illustrations (ateliers, outils ou encore définitions d’époque : « imprimerie en taille douce… »). Mais c’était sans compter avec les progrès de l’informatique.
Édith Weber
Cette ENCYCLOPÉDIE a été mise en ligne en octobre 2017, à l’initiative de l’équipe de coordination : Alain CERNUSCHI, Alexandre GUILBAUD, Marie LECA-TSIOMIS, Irène PASSERON (Institut de France, Académie des Sciences), à laquelle se sont joints Malou Haine, Alain Sandrier et Christine Lesueur. L’édition numérique tient compte du tout dernier état de la recherche technique et historique. Elle projette un nouvel éclairage sur le « Siècle des Lumières » alors entre héritage et innovations.
Les musicologues, ethnomusicologues, théoriciens et professeurs d’harmonie, entre autres, trouveront de nombreuses précisions sur les divers systèmes, modes, modulations, genres, intervalles… ; sur les instruments de musique (harpe, orgue, cloche…) et la lutherie ; spectacles, théâtre, opéra, danse, voix… ou encore littérature, poésie, rhétorique ; chronologie… Ce fascicule se présente comme un indispensable guide pour la consultation numérique. Son titre est justifié sur le plan sémantique par la définition d’époque (Grammaire) : « Oser, verbe actif : avoir le courage d’entreprendre une chose hardie, périlleuse, difficile. Qu’il ose ? Celui qui ose a mesuré en lui-même ses forces avec son entreprise » (Vol. XI).
Selon Catherine Bréchignac, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences : « C’est à la fois l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur cette œuvre gigantesque, et une excellente introduction à une navigation passionnante. » À vos écrans !
Édith Weber
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Cyril Pallaud, professeur agrégé, docteur en musicologie, chef d’orchestre, chef de chœur, brillant organiste, s’est spécialisé entre autres dans la facture d’orgue alsacienne et la musique baroque (Schola Cantorum de Bâle), et s’intéresse tout particulièrement à l’œuvre de Georg MUFFAT (1653-1704). Il enseigne depuis 2017 à Strasbourg. Pour interpréter ses Toccatas, il a retenu à juste titre l’orgue Jaque Besançon (1773) en l’Église Saint-Michel à Sierentz (Haut-Rhin) : instrument historique à deux claviers (Grand Orgue, Positif) et pédalier (avec quelques éléments anciens des facteurs Silbermann et Calinet, accordé au diapason 392 Hz). Il a été restauré en 2014 par la Manufacture Jean-Christian Guerrier.
Georg MUFFAT, baptisé à Megève en 1653, est mort à Passau (Bavière) en 1704. Après ses études à Paris, auprès de J.-B. Lully qui lui a enseigné « le style instrumental français », il s’installe à Molsheim et quittera l’Alsace lors de la Guerre franco-autrichienne pour s’établir à Vienne où, en 1678, il est organiste, puis à Salzbourg et ensuite à Passau, au service du Prince-Évêque. Savoyard de naissance, il se déclare « Allemand ». (Dans son Florilegium I, il stipule en effet : « chez nous, Allemands »).
Il a composé notamment des Sonates instrumentales, des Suites orchestrales, des Concerti grossi… et des ouvrages didactiques, dont l’APPARATUS MUSICO-ORGANISTICUS, datant de 1690, est dédié à Léopold Ier (1640-1705), Empereur du Saint Empire Romain Germanique. Ses 12 Toccatas, pages de virtuosité, sont destinées aux mélomanes « pour leur ravissement tout particulier » (zu derer Musikliebenden sonderbarer Ergötzlichkeit). Elles ont une finalité didactique, notamment pour l’apprentissage de l’ornementation (trilles, tremblements, appoggiatures…) et exigent donc une solide maîtrise technique (traits, accords plaqués…). G. MUFFAT précise, dans son Avant-Propos, qu’il a été influencé notamment par les Toccatas de Girolamo Frescobaldi (1583-1643) et marqué par d’autres compositeurs italiens (Bernardo Pasquini, Arcangelo Corelli et Alessandro Corelli) ; français (Jean-Baptiste Lully), allemands (Johann Jakob Froberger) et autrichien (Heinrich Ignaz Biber).
La forme Toccata permet à l’interprète de se mettre en valeur, ce qui est le cas de Cyril Pallaud qui observe fidèlement les indications de G. Muffat (changements de mesures, contrastes de tempi…). Il est impossible de détailler les 12 Toccatas — « sommet absolu d’invention et de créativité baroque » — ; elles sont magistralement restituées. Une vraie leçon de style.
Édith Weber
Daniel Propper, suédois par sa mère, autrichien par son père et français d’adoption, poursuit une brillante carrière européenne de concertiste. Formé en Suède, à la Julliard School (New York) puis au CNSM (Paris), il est professeur au Conservatoire de Dourdan, organise des masterclasses même à Pékin et se produit aussi avec orchestre. Il compte déjà une abondante discographie à son actif.
Ce coffret se veut d’abord une leçon d’histoire napoléonienne couronnée par le Prix 2012 de la Fondation Napoléon, évoquant 15 ans de Batailles et une période tourmentée de l’Histoire de France.
Les mélomanes pourront revivre la Grande Bataille d’Austerlitz (Bataille des « trois Empereurs », 1805) avec la cavalerie française, les roulements de tambour, la confrontation avec l’ennemi, les fusillades, la mêlée, les armées française et russe jusqu’à la victoire et la marche triomphale traduits avec réalisme par Louis Emmanuel JADIN (1768-1863).
Avec la Bataille d’Iéna (1806) — œuvre très développée —, c’est la victoire française sur les Prussiens, comprenant de nombreuses Marches, le discours de l’Empereur aux soldats, la bataille, la retraite des Prussiens et leur départ, qui est mise en scène. Cette œuvre « fracassante » (charges, tambours, canons) est due à Jean-Frédéric-Auguste LE MIÈRE DE CORVEY (1771-1832), compositeur à découvrir.
La Grande Bataille de Waterloo (1815), dédiée au Prince d’Orange par Christian Friedrich RUPRE (1753-1826) avec la cavalerie française, des roulements de tambour, la charge… jusqu’à la fuite de Napoléon, décrite en force par le compositeur. Quelques pièces évoquent encore d’autres événements, par exemple l’Élégie harmonique sur la mort… du Prince Louis Ferdinand de Prusse (1772-1806), soldat et ami de Beethoven : la sonate en fa # mineur (op. 61) de Jan Ladislav DUSSEK (1760-1812), en deux mouvements : lento patetico, puis vivace (con fuoco).
La destruction de Moscou (1812), évoquée par Daniel STEIBELT (1765-1823) en 4 mouvements, fait entendre une marche sur la mélodie Malbrough s’en va-t-en guerre avec l’entrée de Napoléon à Moscou, l’incendie ; la mélodie God save the King, la Marseillaise et débouche sur la joie des vainqueurs. Les Grandes Variations sur la chute de Paris (1814) d’Ignace MOSCHELES (1794-1870) sont également magistralement restituées.
Tirant le meilleur parti des sonorités du Piano Steinway B, Daniel Propper s’impose autant par son énergie (batailles) que par son jeu perlé et percutant, son sens du rythme et son phrasé très étudié. Il a bien assimilé les intentions de ces six compositeurs contemporains de l’hégémonie napoléonienne ; il les rend avec force, émotion et recrée avec simplicité ces mémorables pages d’histoire. Imposante réalisation ; document pianistique et historique fort révélateur.
Édith Weber
Le Duo Arnicans comprend Florian Arnicans (violoncelle), formé en Namibie, à Weimar et Dusseldorf, puis à Lausanne et Lucerne, et sa femme d’origine lettone, Arta Arnicane (piano), ayant étudié à Glasgow, Riga et Zurich. Ces deux interprètes ont réalisé une Anthologie de pièces à succès et d’arrangements allant de Jean Sébastien BACH à Astor PIAZZOLLA en passant entre autres par Robert SCHUMANN, Felix MENDELSSOHN, Maurice RAVEL, Antonin DVORAK, Serge RACHMANINOV, Manuel De FALLA, Edward ELGAR… soit un parcours allemand, français, tchèque, russe, espagnol et anglais. 24 œuvres au total illustrent des formes très variées : arioso, berceuse, élégie, habanera, romance, suite ou encore l’hymne Ave Maria (Astor Piazzolla, 1921-1992) : autant d’esthétiques spécifiques.
Ces diverses adaptations instrumentales baignent dans l’émotion, le calme, le lyrisme, le bonheur… Elles sont destinées à un auditoire intergénérationnel et portent la marque du cosmopolitisme, comme d’ailleurs la formation musicale de cet exceptionnel Duo. Les interprètes sont également férus de musicothérapie (en liaison avec la Fondation zurichoise pour la Néonatalité) : ce qui a aussi motivé leur souhait de « refléter la beauté de la vie » aux enfants comme aux adultes. Les discophiles seront subjugués notamment par la sonorité si prenante du violoncelle soutenu avec expression au piano, les rythmes chaloupés de la Suite populaire espagnole... Cette réalisation originale, doublement cosmopolite, enchantera les mélomanes.
Édith Weber
Danza de la Vida, titre symbolique, se veut un hommage de Jürg Eichenberger à José BRAGATO (1915-2017), violoncelliste argentin né en Italie, compositeur, chef, arrangeur et archiviste, qu’il a rencontré lors d’une tournée en Amérique du Sud. Il l’a ensuite invité à Lucerne en 2005 et ils se sont retrouvés trois ans plus tard avec sa femme Graciela. L’ami des deux interprètes, à l’origine du projet, est mort peu avant l’enregistrement de sa musique.
Le programme comporte une page envoûtante de José BRAGATO : Graciela y Buenos-Aires (plage 8) et Adios Nonino (pl. 13) — œuvre composée en 1959 par A. Piazzolla en hommage à son père Vicente « Nonino » — arrangée pour violoncelle et piano, de même que Introduccion al Angel, Milonga del Angel, La muerte del Angel (pl. 1-3), Oblivion (pl. 9), La resurreccion del Angel (pl. 19), toutes des pièces à succès du fondateur du Nouveau Tango argentin. Cette réalisation se termine avec le Grand Tango (pl. 27) d’Astor PIAZZOLLA (1921-1992), incisif, déhanché et haut en couleurs.
Une large place est réservée à Érik SATIE (1866-1925) avec des arrangements (pour violoncelle et piano) de pièces de piano réalisés par Daniel Fuerte : Chapitre 1 (pl. 4-7), Chapitre 3 (pl. 10-12) — avec 3 Nocturnes —, Chapitre 2 (pl. 14-18) : Fâcheux Exemple et 4 Exercices ; Chapitre 4 (pl. 20-26) : Le Piège de Méduse avec plusieurs danses (Quadrilles, Valse, Mazurka…). Le titre « E. S. » commémore le 150e anniversaire de la naissance d’Érik SATIE.
Ce programme se présente donc comme un Hommage à José BRAGATO, argentin né en Italie, et un Jubilé du français Érik SATIE, interprété par un violoncelliste actif en Suisse et professeur à Lucerne, Jürg Eichenberger, et une pianiste japonaise, Eriko Kagawa, ayant étudié au Japon, puis à Dresde et à Winterthur (Suisse).
Le Duo Eichenberger-Kagawa — qui se produit régulièrement en Europe et au Japon, à la Radio et à la Télévision, et a enregistré de nombreux disques — : une formation helvético-japonaise à retenir.
Édith Weber
Klaus WÜSTHOFF (né en 1922), fait prisonnier de guerre par l’armée russe, a pu bénéficier durant sa captivité de l’enseignement du contrepoint grâce à Hans Vogt. À sa libération, il a pu entreprendre des études à Berlin, entre autres auprès du compositeur Boris Blacher (1903-1975).
Die Schelde (L’Escaut), composé en 1956 pour une compétition à Radio Bruxelles, rend un joyeux hommage au fleuve prenant sa source en France, traversant la Belgique et se jetant dans la Mer du Nord à Flessingue (Pays-Bas). Cette œuvre de caractère descriptif, toujours en mouvement, comprend 3 parties : Ouverture : Trajet sur l’Escaut ; Nocturne : Clair de lune et Rondo. Finale : Anvers, page tonitruante. Les auditeurs s’y sentiront ballottés.
Son Poème symphonique : Die Regentrude — pour narratrice et orchestre — est une parabole et un avertissement concernant la responsabilité du changement climatique, thème d’actualité s’il en est... Écrit à l’âge de 95 ans par Klaus WÜSTHOFF (né en 1922), il s’agit, en fait, d’une nouvelle version d’un Ballet datant de la fin des années 1960 et reposant sur le récit éponyme du romancier, poète et novelliste allemand, Theodor Storm (1817-1888). Elle a été créée le 27 janvier 2018 par le l’Orchestre de l’État de Brandebourg (Francfort), dirigé par Ulrich Kern.
L’actrice Martine Gödeck, formée à l’Université des Arts de Berlin, a fait ses débuts au Théâtre de Francfort et pris part à de nombreux films et émissions de télévision. Son excellente diction et son timbre agréable servent admirablement le récit (toujours à découvert). Le texte, vivement ressenti, relate un été particulièrement chaud et sec, où les rues du village sont vides. La narration est illustrée par des épisodes orchestraux créant l’atmosphère. L’action met en scène un pompier, la terrible sécheresse, Andrees et Maren qui cherchent à sortir la Regentrude de son sommeil…, enfin la découverte du secret permettant la reverdie de la nature. Le compositeur s’inspire de la technique du Leitmotiv wagnérien. Le thème principal solennel (12 mesures) est confié aux cuivres. L’écriture instrumentale est souple et très vivace. Cette œuvre se réclame d’un romantisme tardif et associe tradition et modernité. Le chef Ulrich Kern, né à Stuttgart, a étudié au Conservatoire de sa ville natale et à Weimar, encouragé notamment par Bernard Haitink. Il a fait ses débuts à Mayence, au Théâtre d’État, puis à l’Opéra de Kiel. À Görlitz, il exerce les fonctions de premier maître de chapelle puis remplace le directeur général de la musique au Théâtre de cette ville. Sa carrière internationale l’a amené aux États-Unis, en Corée du Sud et en Russie.
À la suite du compositeur et de l’auteur, chef, narratrice et orchestre se sont investis dans la défense de la nature. Une curiosité rafraîchissante…
Édith Weber
Avec une grande sensibilité et une grande créativité, Marouan Mankar-Bennis enregistre chez L’Encelade un disque qui rétablit la lumière sur un compositeur parfois trop peu connu, au confluent chronologique et stylistique de François Couperin et Jean-Philippe Rameau : Jean-François Dandrieu. D’emblée on est séduit par l’emploi du jeu luthé, qui se poursuit ici sur une bonne partie du disque, permettant à l’auditeur de profiter de toutes les couleurs de son timbre léger et envoutant, la liberté et la finesse du toucher rappelant l’instrument qui a donné son nom à ce jeu : le luth. Un autre parti pris de l’interprète organise le disque comme une tragédie lyrique imaginaire, encourageant une écoute continue, conférant à l’ensemble une forme très convaincante. Astucieusement programmé et poétiquement présenté, ce disque agit donc comme une double révélation : celle d’un compositeur à mettre au panthéon des musiciens baroques, et celle d’un interprète talentueux et créatif, dont on attend de nouvelles créations phonographiques avec impatience.
Jean-Étienne Sotty
Olivier Calmel signe chez Klarthe un disque de « Jazz de chambre composé » : Immatériel, sous-titré Double Celli. La pochette, arborant les volutes et les chevalets des violoncelles, dans des teintes de bois, très classique, ne laisse pas présager de cette esthétique « jazzy » : pourtant les premières secondes du disque donnent le ton, notamment avec la batterie caractéristique du style. Ce sont donc quatre instruments à cordes, violon, alto et deux violoncelles comme l’annonce le sous-titre, parfaitement maîtrisés par Johan Renard, Frédéric Eymard, Xavier Phillips et Clément Petit, la batterie et les percussions de Antoine Banville, classique et fidèle à l’attente de l’accompagnement rythmique du Jazz, et enfin Olivier Calmel au piano ainsi qu’à la signature des compositions (sauf deux) qui sont à entendre dans cet enregistrement. L’effectif est bien utilisé, varié entre les pistes, mettant tour à tour en valeur chaque instrument, sans oublier le plaisir du son de groupe. Pizzicati, harmoniques, sul ponticello, sul tasto, piano aux cordes étouffées, bâton de pluie… toutes les richesses des instruments sont employées, conférant à ce disque un chatoiement sonore tout à fait plaisant. Les couleurs harmoniques et mélodiques sont classiques, volontiers orientalistes, bien consonantes, bien polies. Les compositions respectent l’exigence de variété, donnant tantôt dans le mélancolique, tantôt dans le rythmique effréné, en passant par le planant, le nerveux ou le joueur. Un joli disque : et ce sera peut-être là le point frustrant pour l’auditeur avide de création, ou le mélomane curieux … point de risque pris ici, aucune radicalité, pas d’aspérité, tout est fait ici pour un plaisir léger, sans perturbation.
Jean-Étienne Sotty
S’attaquer au répertoire français du XXème siècle, avec Jolivet en tête de file, qui plus est en hommage au Quintette à Vent Français de Jean-Pierre Rampal est une entreprise ambitieuse tant on sait que ces compositeurs ont livré des pages redoutables aux instrumentistes à vent. Le Quintette Aquilon réussit pleinement ce projet, et donne à entendre les couleurs harmoniques riches, les articulations ciselées, le style « sautillant » et ironique très caractéristique de cette époque et de cette veine de compositeurs. Si la prise de son ne permet pas toujours de goûter tous les reliefs et toutes les nuances, on est séduit par la vivacité des rythmes, par l’apparente facilité et la cohésion des contours, véritable signature de la virtuosité de ce quintette. Ce disque constitue une découverte pour qui ne connaissait pas ce répertoire et cette formation, il peut aussi constituer une belle référence dans ce style et dans la discographie du quintette à vent pour qui aime cette époque et cette formation si particulière. On peut attendre de nouvelles réalisations avec envie, et surtout une mise en avant plus efficace du Quintette Aquilon, qui n’a sans aucun doute pas besoin de rester dans le sillage de ses ancêtres : on peut en effet regretter que l’hommage au Quintette de Rampal ait placé le Quintette Aquilon en seconde place, donnant des couleurs surannées au visuel du disque, alors que l’interprétation du Quintette Aquilon mérite d’être mise en avant comme un acte créatif autonome, ne nécessitant aucune caution historique.
Jean-Étienne Sotty
DANIEL MOULINET
24.00 €. 178 pages
Ces dernières décennies, le chant liturgique a connu de profondes évolutions. Il a même suscité débats et tensions. Comment le chant liturgique, aujourd’hui en France, est-il révélateur des évolutions du langage théologique, des sensibilités spirituelles, des orientations pastorales ? Plus de cinquante ans après le concile Vatican II, ne devons-nous pas nous interroger et évaluer comment il répond à sa fonction ministérielle en liturgie et nous aide à mieux célébrer ?
C’est pour approcher ces questions que les journées d’études organisées en juin 2017 par l’Institut pastoral d’études religieuses de Lyon et les Amis de Marcel Godard ont réuni différents acteurs, universitaires, professionnels, acteurs de terrain et pastoraux, de façon à conjoindre différentes approches de cette action d’Église, du point de vue de l’histoire et de l’ecclésiologie, certes, mais aussi en prenant largement en compte la pastorale et la technique vocale.
Au terme, nous sommes invités à une réflexion sur la manière d’assurer la communion ecclésiale dans le contexte de la diversité actuelle des pratiques liturgiques. Par-delà cette variété des communautés qui prient et qui chantent, c’est le même Christ qui célèbre et se rend présent à notre monde.
48.00 €, 432 pages
Disparu en mars 2014 à l’âge de 86 ans, Serge Gut compte au nombre des figures majeures de la musicologie française des dernières décennies. Spécialiste de Franz Liszt, auquel il consacra deux grands ouvrages et de nombreux articles, il fut également un analyste réputé. Après une première formation de compositeur, il avait commencé sa carrière musicologique, dans les années 1960-1970, par des publications traitant surtout de questions de langage musical – un domaine qui, bien que parfois négligé par les milieux universitaires, constitue le pont naturel entre composition et théorie. Au terme de cinquante années d’une activité brillante, qui le vit notamment présider aux destinées de l’Institut de musicologie de la Sorbonne, Serge Gut devait revenir dans ses dernières années à cette passion de jeunesse. Son expérience unique, aussi bien dans les domaines de la recherche que de l’enseignement supérieur ou de la publication scientifique, lui inspira le présent ouvrage, qu’il qualifiait lui-même de testament. Théorie et histoire y tiennent un passionnant dialogue. (suite)
59.00€, 386 pages
« Connaissez-vous beaucoup d'inventeurs d'instruments de musique ? Ceux dont l'histoire a retenu les noms se comptent sur les doigts d'une main. Jean- Christophe Denner a inventé la clarinette, Adolphe Sax le saxophone. Et puis ? On connaît des facteurs d'instruments, Stradivarius, par exemple. Mais il n'a pas inventé le violon. Alors qui ? Qui le piano ? Qui a inventé le tambour, la flûte, la harpe ? Autant demander qui étaient Adam et Ève ! »
En octobre 1980 mourait accidentellement, à Paris, Maurice Martenot, musicien, pédagogue, inventeur des ondes musicales. Trois mois plus tôt, l’auteur était allé l’interviewer à sa maison de campagne de Noirmoutier.
Ce livre relate l’histoire des ondes Martenot, instrument électronique de musique exceptionnel qui a séduit des personnalités aussi diverses que Mau- rice Ravel, Rabindranath Tagore ou Jacques Brel, et des compositeurs connus, tels Olivier Messiaen, Darius Milhaud, André Jolivet, Arthur Honegger, Edgar Varèse, Maurice Jarre, Akira Tamba – auxquels se sont ajoutés, depuis la première édition de ce livre, parmi bien d’autres, Jacques Hétu, Jonny Greenwood, ou encore Akira Nishimura. (suite)
25.00 €. 137 pages
« CHANTS Harmonisés à quatre voix pour orgue et chœur par Yves Kéler et Danielle Guerrier Kœgler
Textes originaux rassemblés, mis en français et commentés par Yves Kéler
Ouverture, par le pasteur David Brown et Guylène Dubois
Préface du pasteur Alain Joly
Avant-propos d’Édith Weber
Ce recueil regroupe, pour la première fois, les 43 paraphrases françaises de chorals de Martin Luther, strophiques, versifiées, rimées, très fidèles aux intentions du Réformateur (ce qui n’est pas le cas des quelques rares textes figurant dans d’autres recueils français), et chantables sur les mélodies traditionnelles bien connues.
Il se veut un volume fonctionnel pour le chant des fidèles, avec des harmonisations à 4 voix destinées aux organistes pour accompagner l’assemblée lors des cultes et des messes. Il s’adresse également aux prédicateurs soucieux de trouver un choral pour illustrer les thèmes abordés chaque dimanche, aux organistes pour accompagner l’assistance et aux chefs de chœur pour diriger le chœur paroissial. Pour quelques harmonisations écrites en fonction des possibilités de l’orgue et, dans quelques rares cas, difficilement chantables (tessiture trop élevée ou trop grave, intercalation du texte à plusieurs des parties), (suite)
24.00 €. 270 pages
Cet ouvrage paraît à l’occasion de la création à Lausanne, lors de la semaine sainte 2017, de La Passion selon Marc. Une passion après Auschwitz du compositeur Michaël Levinas. Cette création prend place dans le cadre du 500e anniversaire de la Réforme protestante. Elle entreprend de relire le récit chrétien de la passion de Jésus dans une perspective déterminée par la Shoah.
Ce projet s’inscrit dans une histoire complexe, celle de l’antijudaïsme chrétien, dont la Réforme ne fut pas indemne, mais aussi celle des interprétations, théologiques et musicales, de la passion de Jésus de Nazareth. Et il soulève des questions lourdes, mais incontournables. Peut-on mettre en rapport la crucifixion de Jésus – la passion chrétienne – et l’assassinat de six millions de juifs ? Ne risque-ton pas d’intégrer Auschwitz dans une perspective chrétienne, et du coup de priver la Shoah de sa radicale singularité ? De redoubler la violence faite aux victimes d’Auschwitz en lui donnant un sens qui en dépasserait le désastre, l’injustifiable, l’irrémédiable ? (suite)
Michaël Levinas : La Passion selon Marc. Une Passion après Auschwitz par Michèle Tosi
34.00 €. 356 pages
Ce livre, que le compositeur souhaitait publier dans sa maison d’édition à Kürten, se propose de présenter les orientations principales de la recherche de Karlheinz Stockhausen (1928-2007) à travers ses œuvres, couvrant sa vie et ouvrant un accès direct à ses écrits. Divers domaines investis par le plus grand inventeur de musique de la seconde moitié du xxe siècle sont abordés : composition de soi à travers les matériaux nouveaux ; découvertes formelles et structures du temps ; musique spatiale ; métaphore lumineuse ; musique scénique ; l’hommage au féminin de l’opéra Montag aus Licht ; Wagner, Stockhausen et le Gesamtkunstwerk, œuvre d’art total. Les témoignages des femmes qui l’ont accompagné dressent un portrait vif et saisissant de l’homme, artiste génial qui aimait plus que tout la musique et la recherche compositionnelle au nom du progrès de l’être humain...(suite)
14.50 €. 75 pages
Mozart aurait-il été heureux de disposer d'un Steinway de 2010 ? L'aurait-il préféré à ses pianofortes ? Et Chopin, entre un piano ro- mantique et un piano moderne, qu'aurait-il choisi ? Entre la puissance du piano d'aujourd'hui et les nuances perdues des pianos d'hier, où irait le cœur des uns et des autres ? Personne ne le saura jamais. Mais une chose est sûre : ni Mozart, ni les autres compositeurs du passé n'auraient composé leurs œuvres de la même façon si leur instrument avait été différent, s'il avait été celui d'aujourd'hui. Mais en quoi était-il si différent ? En quoi influence-t-il l'écriture du compositeur ? Le piano moderne standardisé, comporte-t-il les qualités de tous les pianos anciens ? Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Qui a raison, des tenants des uns et des tenants des autres ? Et est-ce que ces questions ont un sens ? Un voyage à travers les âges du piano, à travers ses qualités gagnées et perdues, à travers ses métamorphoses, voilà à quoi convie ce livre polémique conçu par un des fervents amoureux de cet instrument magique.
29.00 €. 268 pages
Au travers du récit que James Lyon nous fait de l’existence de Dickens, il apparaît bien vite que l’écrivain se doublait d’un précieux défenseur des arts et de la musique. Rares sont pourtant ses écrits musicographiques ; c’est au travers des références musicales qui entrent dans ses livres que l’on constate la grande culture musicale de l’écrivain. Il se profilera d’ailleurs de plus en plus comme le défenseur d’une musique authentiquement anglaise, forte de cette tradition évoquée plus haut.
Et s’il ne fallait qu’un seul témoignage enthousiaste pour décrire la grandeur musicale de l’Angleterre, il suffit de lire le témoignage de Berlioz (suite)
25.00 €. 232 pages
En plein essor à l'étranger, particulièrement en Allemagne, l'hymnologie n'a pourtant pas encore acquis ses titres de noblesse en France.
Dans l'esprit de la collection « Guides musicologiques », cet ouvrage se veut une initiation méthodologique. Il comprend une approche de l'hymnologie se rattachant à la musicologie historique et à la théologie pratique, et résume l'historique de la discipline.
Pratique et documentaire, il offre aussi de précieuses indications : un large panorama des institutions et centres de recherche, un glossaire conséquent ou les mots clés. et les entrées sont accompagnés de leur traduction en plusieurs langues, et une bibliographie très complète (431 titres) tenant compte du tout dernier état de la question.
Outil de travail indispensable, ce livre s'adresse aussi bien aux musicologues, aux théologiens, traducteurs et chercheurs, qu'aux organistes, maîtres de chapelle, chanteurs, et bien entendu, aux hymnologues.
49.00 €. 336 pages
Ce guide s’adresse aux musicologues, hymnologues, organistes, chefs de chœur, discophiles, mélomanes ainsi qu’aux théologiens et aux prédicateurs, soucieux de retourner aux sources des textes poétiques et des mélodies de chorals, si largement exploités par Jean-Sébastien Bach, afin de les situer dans leurs divers contextes historique, psychologique, religieux, sociologique et surtout théologique.
Il prend la suite de La Recherche hymnologique (Guides Musicologiques N°5), approche méthodologique de l’hymnologie se rattachant à la musicologie historique et à la théologie pratique dans une perspective pluridisciplinaire. Nul n’était mieux qualifié que James Lyon : sa vaste expérience lui a permis de réaliser cet ambitieux projet. Selon l’auteur : « Ce livre est un USUEL. Il n’a pas été conçu pour être lu d’un bout à l’autre, de façon systématique, mais pour être utilisé au gré des écoutes, des exécutions, des travaux exégétiques ou des cours d’histoire de la musique et d’hymnologie. » (suite)
76.00 €. 484 pages
Cet ouvrage regroupe pour la première fois les 43 chorals de Martin Luther accompagnés de leurs paraphrases françaises strophiques, vérifiées. Ces textes, enfin en accord avec les intentions de Luther, sont chantables sur les mélodies traditionnelles bien connues.
Aux hymnologues, musicologues, musiciens d'Eglise, chefs, chanteurs et organistes, ainsi qu'aux historiens de la musique, des mentalités, des sensibilités et des idées religieuses, il offrira, pour chaque choral ou cantique de Martin Luther, de solides commentaires et des renseignements précis sur les sources des textes et des mélodies : origine, poète, mélodiste, datation, ainsi que les emprunts, réemplois et créations au XVIè siècle... (suite)
19.00 €. 224 pages
L’imbroglio baroque de Gérard Denizeau
BACH
Cantate BWV 104 Actus tragicus : Gérard Denizeau - Toccata ré mineur : Jean Maillard -
Cantate BWV 4: Isabelle Rouard -
Passacaille et fugue : Jean-Jacques Prévost -
Passion saint Matthieu : Janine Delahaye -
Phœbus et Pan : Marianne Massin -
Concerto 4 clavecins : Jean-Marie Thil -
La Grand Messe : Philippe A. Autexier -
Les Magnificat : Jean Sichler -
Variations Goldberg : Laetitia Trouvé -
Plan Offrande Musicale : Jacques Chailley
COUPERIN
Les barricades mystérieuses : Gérard Denizeau -
Apothéose Corelli : Francine Maillard -
Apothéose de Lully : Francine Maillard
HAENDEL
Dixit Dominus : Sabine Bérard -
Water Music : Pierrette Mari -
Israël en Egypte : Alice Gabeaud -
Ode à Sainte Cécile : Jacques Michon -
L’alleluia du Messie : René Kopff -
Musique feu d’artifice : Jean-Marie Thill -
79.00 €. 720 pages
Pour la première fois, le Tchèque Leoš Janácek (1854-1928), le Finlandais Jean Sibelius (1865-1957) et l'Anglais Ralph Vaughan Williams (1872-1958) sont mis en perspective dans le même ouvrage. En effet, ces trois compositeurs - chacun avec sa personnalité bien affirmée - ont tissé des liens avec les sources orales du chant entonné par le peuple. L'étude commune et conjointe de leurs itinéraires s'est avérée stimulante tant les répertoires mélodiques de leurs mondes sonores est d'une richesse émouvante. Les trois hommes ont vécu pratiquement à la même époque.
Ils ont été confrontés aux tragédies de leur temps et y ont répondu en s'engageant personnellement dans la recherche de trésors dont ils pressentaient la proche disparition. (suite).
39.00 €. 400 pages
L’histoire de David et Jonathan est devenue aujourd’hui un véritable mythe revendiqué par bien des mouvements homosexuels qui croient y lire le récit d’une passion amoureuse entre deux hommes, alors même que la Bible condamne de manière explicite l’homosexualité comme une faute grave.
Cette lecture s’est tellement imposée depuis quelques décennies que les ouvrages qui traitent de la question de l’homosexualité dans la Bible ne peuvent contourner le passage et l’analysent dans les moindres détails afin de découvrir si le texte parle ou non d’une amitié particulière entre le fils de Saül et le futur roi d’Israël, ancêtre de Jésus.
Le texte est devenu le lieu de toutes les passions et révèle les interrogations profondes de la société sur la question homosexuelle. (suite)
24.00 €. 186 pages
Publié l'année même de son ouverture, cet ouvrage raconte avec beaucoup de précisions la conception et la construction du célèbre bâtiment.
Le texte est remis en pages et les gravures mises en valeur grâce aux nouvelles technologies d'impression.
INITIATION À L’HARMONIE ET À L’INTERPRÉTATION À PARTIR DES POLONAISES DE CHOPIN.
VOLUME 1 Les Polonaises de jeunesse en sol mineur et sib majeur.
22.00 €,
INITIATION À L’HARMONIE ET À L’INTERPRÉTATION À PARTIR DES POLONAISES DE CHOPIN.
VOLUME 2 Les Polonaises de jeunesse en lab majeur et sol# mineur
22.00 €
COLLECTION VOIR ET ENTENDRE
Jean-Marc Déhan et Jacques Grindel ont réalisé, dans les années 1980, collection « voir & entendre », qui s'adressait autant aux collèges et lycées qu'aux conservatoires et écoles de musique. Il nous est apparu que cet outil remarquable pouvait, avec quelques compléments, redevenir un outil pédagogique de tout premier plan. Le parti pris a été de réimprimer à l'identique les fascicules, enrichis d'un court dossier pédagogique. Pour chaque titre, des pistes d'utilisation s'ajoutent à celles déjà mises en lumière dans les partitions elles-mêmes.
Il est possible d'utiliser ces partitions :
- pour la lecture de notes
- pour la lecture de rythmes
- pour la dictée musicale ;
- pour le chant, en faisant chanter et mémoriser les principaux thèmes
- pour la formation de la pensée musicale : les thèmes mémorisés, transposés à l'oreille, donneront lieu, le cas échéant, à des autodictées ;
- pour l'analyse musicale et l'harmonie, avec les analyses fines de J.-M. Déhan et J. Grindel reportées sur la partition
- pour l'histoire de la musique grâce aux textes de présentation ;
- enfin, pour l'écoute raisonnée des œuvres en suivant simplement la partition, quitte à faire porter l'audition sur des éléments précédemment indiqués par le professeur qui pourra adapter ces exercices au niveau de ses élèves.
Mais ces partitions sont également destinées aux amateurs éclairés pour qui la lecture des clés d'ut dans les partitions d'orchestre habituelles, ainsi que le casse-tête des instruments transpositeurs sont souvent des obstacles insurmontables.
Souhaitons que cette réédition permette une meilleure connaissance par tous, jeunes et moins jeunes, futurs professionnels ou amateurs éclairés, de quelques œuvres fondamentales du répertoire.
W.A. Mozart. Symphonie n° 40 (K550)1. Allegro Molto – 3. Menuetto
9 €, 26 pages
A. Borodine. Dans les steppes de l’Asie centrale
9 €, 22 pages
H. Berlioz. Symphonie fantastique 5e mouvement
12 €, 42 pages
J.-S. Bach. Cantate BWV 140« Wachetauf, ruft uns die Stimme »
10,50 €, 34 pages