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Mai - Juin 2011 - n° 571



Mars-Avril 2011
n° 570



Janvier-Février 2011
n° 569



Supplément Bac 2011

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Sommaire :

1. Editorial : Prima la musica, dopo le parole
2. Sommaire du n° 571
3. Informations générales
4. Varia
5. Manifestations et concerts
6. Recensions de spectacles et concerts
7. "Concert d'Été " : un merveilleux petit festival
8. Annonces de spectacles lyriques
9. L'édition musicale
10. Bibliographie
11. CDs et DVDs
12. La vie de L’éducation musicale


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Prima la musica, dopo le parole

La musique réside sous le sens et avant lui.
(Michel Serres)

S’il faut en croire le philosophe Michel Serres - et comment ne pas le croire ! - la musique serait « principielle » (Musique, Le Pommier, 2011).  Ur-Musik diraient nos amis allemands, souche de toutes les langues du monde, pansémique, omnivalente, totipotente…

Et ce, jusqu’à la triste musaque qui, à l’échelle planétaire, devança largement son sinistre alter ego, ce déluge informationnel insensé qui, chaque jour davantage, nous submerge - Woodstock précédant Facebook…

Notre oreille, d’autre part, ne nous informe-t-elle pas plus intimement que nos yeux ?  Bien que la plupart des penseurs, pédagogues ou servants de l’hydre médiatique s’ingénient à nier cette évidence…  À l’exception notable d’un Jacques Attali, qui reconnaît à la musique des vertus prophétiques (Bruits, Fayard, 2001).

Ainsi donc, matricielle serait la musique, seul langage commun à toute l’humanité.  Comme en témoignent abondamment les « modes pentatoniques sur bourdon », échelles adoptées par toutes les civilisations premières…

Écoutons enfin l’illustre Frank Zappa : « L’information n’est pas la connaissance.  La connaissance n’est pas la sagesse.  La sagesse n’est pas la vérité.  La vérité n’est pas la beauté.  La beauté n’est pas l’amour.  L’amour n’est pas la musique.  La musique est la meilleure des choses » (Music is the best, 1979).

Francis B. Cousté.

 

 

 


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Sommaire du n°571

 

Don Giovanni et Zerlina ou le jeu du chat et de la souris

Frédéric Platzer

 

Dossier « Francis Poulenc »

 

Parentés, écoles et réseaux dans la France musicale de l’entre-deux-guerres

Karol Beffa

 

Poulenc et le groupe des Six

Simon Basinger

 

Tel jour telle nuit de Poulenc : le premier cycle accompli

Louise Dehondt

 

L’écriture religieuse de Francis Poulenc : exemple de trois œuvres chorales

Joëlle Brun-Cosme

 

Le piano de Francis Poulenc confronté aux catégories conceptuelles de Vladimir Jankélévitch

Franck Ferraty

 

Florent Héau nous fait partager son regard sur la Sonate pour clarinette et piano de Francis Poulenc

Entretien avec Sylviane Falcinelli

 

 

Le mythe du Graal et le Parsifal de Richard Wagner

Jean-Pierre Robert

 

Éloge de la trace écrite
Olivier Geoffroy

 

Affaires de goût : Se rendre sensible aux choses
Antoine Hennion

 


 

© Ricardo Mosner

Le Kronos Quartet vient d’être doublement honoré de l’Avery Fisher Prize & du Polar Music Prize.  C’est la première formation à remporter l’un et l’autre prix.  Renseignements : www.kronosquartet.org

©DR

Orchestre national de Lyon.  Pour découvrir sa riche saison 2011-2012, tourner les pages dans : https://asp-indus.secure-zone.net/v2/index.jsp?id=1045/1218/1667&lng=fr

©DR

Orchestre national d’Île-de-France.  Chaque année davantage se développe l’action culturelle de cette phalange : Sensibilisation au répertoire de l’orchestre / Découverte de l’univers symphonique (spectacles jeune public) / Participations à des projets collectifs (chantons avec l’orchestre)…  Renseignements : 19, rue des Écoles, 94140 Alfortville.  Tél. : 01 41 79 03 43.  www.orchestre-ile.com

Opéra de Dijon.  Saison 2011-2012.  Au programme, notamment : Agrippina (Haendel), La Traviata (Verdi), Cosí fan tutte (Mozart), L’Opéra de la lune (Brice Pauset)…  Sans préjudice de 10 spectacles de danse, de quelque 70 concerts : Bartókiades 1, Bartókiades 2, Bachfest, Artistes & ensembles associés, etc.  Renseignements : 03 80 48 82 60.  www.operadijon.fr

Auditorium de Dijon ©DR

Cité de la musique & Salle Pleyel sont les premières salles de concert au monde à proposer - en live et en différé - une offre gratuite et structurée de leurs concerts.  Sans préjudice de leurs autres propositions sur la Toile : sites institutionnels, portail éducatif de la médiathèque, Newsletter…  Renseignements : www.citedelamusiquelive.tv

              

                        Cité de la musique              ©DR                               Salle Pleyel

Le Musée d’ethnographie de Genève (MEG) propose l’exposition « La saveur des arts, de l’Inde moghole à Bollywood », du 27 mai 2011 au 18 mars 2012.  Où sont abordées les relations étroites qui unissent musique, peinture & cinéma dans la culture de l’Inde du Nord.  Nombreux dispositifs audiovisuels, ateliers familles  Renseignements : chemin Calandrini 7, 1231 Conches / Genève.  Tél. : +41 (0)22 346 01 25.  www.ville-ge.ch/meg

Srî râga.  Miniature sur ivoire de Tilak Gitai, 1984 ©DR

L’Orchestre de chambre de Lausanne (OCL), directeur artistique : Christian Zacharias, communique le programme de sa saison 2011-2012.  Renseignements : rue Saint-Laurent 19, CH-1003 Lausanne.  Tél. : +41 21 345 00 20.  www.ocl.ch

« Sillages », tel est l’intitulé de la saison 2011-2012 de l’Ensemble genevois Contrechamps.  Les 12 et septembre 2011, Studio Ernest-Ansermet : projection du film Metropolis de Fritz Lang (1927) sur une musique, pour 16 instruments & électronique, de Martín Matalon (2011).  Le 2 octobre 2011, foyer du Grand Théâtre de Genève : Autour d’Igor Stravinski (œuvres de Feldman, Britten, Sciarrino, Grisey & Stravinski).  Renseignements : 8, rue de la Coulouvrenière, CH-1204 Genève.  Tél. : +41 (0)22 329 24 00.  www.contrechamps.ch

Sillages

Musée virtuel de la musique maçonnique.  Renseignements : www.mvmm.org et : www.mvmm.org/c/docs/univ/univers.html (revue L’univers maçonnique, 1835).

La 4e édition du « Dutch Classical Music Meeting » se déroulera, sur trois jours, du 15 au 17 octobre 2011, à Amsterdam (Netherlands).  Renseignements : +31 20 344 6000.  www.dcmm.mcn.nl/2468/?L=4

Le compositeur Marc-Olivier Dupin [notre photo] vient de se voir confier par Éric Garandeau, président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), une mission « pour améliorer la place de la musique dans les films de cinéma, les œuvres audiovisuelles & les jeux vidéo ».  Renseignements : CNC – 12, rue de Lübeck, Paris XVIe.  Tél. : 01 44 34 34 40.  www.cnc.fr

©Christophe Abramowitz

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Tanguísimo !  D’une incomparable richesse sur le monde du tango : www.todotango.com

Quelque 800 partitions de chansons (en toutes langues, à une ou plusieurs voix - pour enfants, traditionnelles, populaires, de variété, de rock…) sont gratuitement accessibles sur le site : www.partitionsdechansons.com

Documentation musicale.  Créé par notre collaboratrice Sylviane Falcinelli, un site remarquable : www.falcinelli.org

…avec Jean Guillou, église Saint-Eustache, Paris, 2006 ©Philippe Ponçon

L’Association française pour l’Éducation musicale [AFEM], représentant en France de l’International Society for Music Education [ISME], proposait, le 19 mars 2011, à la Schola Cantorum de Paris, une Journée d’information.  Intervenants : Mme Rita Ghosn (compositeur) : « Une didactique de l’éveil musical à travers la voix et l’opéra » / M. Yves Beaupérin (directeur de l’Institut européen de mimopédagogie) : « La dynamique naturelle de la parole dans les milieux traditionnels de style global ».  Renseignements : AFEM - 175, rue Saint-Honoré, Paris Ier.  Tél. : 01 42 96 89 11.

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L’île de Ré en festival.  Du 2 au 5 juin 2011 (week-end de l’Ascension), Marc Minkowski nous propose, en collaboration avec La Maline (dir. Catherine Wojcik) & La Coursive (dir. Jackie Marchand), diverses manifestations musicales – dont Così fan tutte en version de concert.  Avec la participation de, notamment : Thibaud Noally & Francesco Corti, Alexandre Tharaud, le Quatuor Diotima, Julia Lezhneva, Jean-François Heisser, Rachel Yakar, Laurent Naouri…  Renseignements : 05 46 29 93 53.  remajeure@gmail.com

Au Grand Foyer du Châtelet : « Les Rencontres d’Intégral ». Concerts mensuels gratuits.  Le 7 juin, à 19h30 : L'univers sonore de Michel Lysight (Johan Schmidt, piano ; Michel Lysight, piano ; Joseph Grau, flûte à bec).  Henry Barraud (Christophe Crapez, ténor ; Didier Henry, baryton ; Nicolas Krüger, piano).  Rita, opéra de Donizetti, extraits (Ensemble Musica Nigella, dir. Takénori Nemoto ; Christophe Crapez, ténor ; Paul-Alexandre Dubois, baryton).  Le 8 juin, à 19h30 : Soirée lyrique & pianistique, œuvres de Liszt, De Zeegant, Enescu, Dvořák (Johan Schmidt, piano ; Ana-Camelia Stefanescu, soprano colorature).  Le 9 juin, à 19h30 : Soirée Piano, œuvres de Schubert, Grieg (Edda Erdendsdóttir), Dussek, Weber, Liszt (Lisa Yui).  Renseignements : www.integralmusic.fr

Integral distribution

Festival « Outre-Mer Veille » : Au « Tarmac » de la Villette, jusqu’au 11 juin 2011.  Renseignements : www.2011-annee-des-outre-mer.gouv.fr ou : www.letarmac.fr

Hudson Valley Chamber Music Circle (°1950) propose, les samedis 4, 18 et 25 juin 2011, ses « Sixty-First Summer Concert Series ».  Œuvres de Mozart, Fred Lerdahl, Schumann / Beethoven, Richard Wilson, Brahms / Mozart, Respighi, Dvořák.  Renseignements : Bard College, Annandale-on-Hudson, 12491 New York.  Tél. : 845 339 7907.  http://hvcmc.org

Hudson River ©DR

Journées Carmen.  Du 7 au 20 juin 2011 : Festival de Bougival & des Coteaux de Seine [Villa Viardot / Péniche-Adélaïde / Château du domaine Saint-François d’Assise à La Celle Saint-Cloud].  Avec Tereza Berganza (master-classes & concert), Alexander Drozdov, Léa Sarfati, Christophe Giovaninetti, Quatuor Élysée, Etsuko Hirosé, Éric-Maria Couturier, Jorge Chaminé, Compagnie « La Lupi », Quintette Moraguès, Quatuor Parisii & Hervé Moreau.  Renseignements : 01 39 69 55 12.  www.lesamisdebizet.com

Villa Viardot ©DR

Le Quatuor Béla se produira le 9 juin, à Paris, au Collège des Bernardins.  Où il sèmera les « mécaniques hypnotiques de la musique alterminimaliste » : pièces de Scelsi, Marcœur, Walter Hus... plus un quatuor de Meredith Monk créé en France par le Kronos Quartet et jamais rejoué, sur nos terres, depuis lors : StringsongsRenseignements : 18, rue de Poissy, Paris Ve.  Tél. : 06 89 52 81 48.  www.quatuorbela.com

©DR

« Autour du luth », XIIe Festival de musique de l’Institut du monde arabe, se déroulera du 8 au 18 juin 2011.  Autour du luth, « sultan des instruments de musique arabes », graviteront la guitare, le bouzouk ou les percussions traditionnelles.  Avec notamment Rabih Abou et Naseer Shamma [notre photo] qui animera une master class.  Renseignements : 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, Paris Ve.  Tél. : 01 40 51 38 14.  www.imarabe.org

©DR

Goethe-Institut, Paris.  Jeudi 9 juin (20h00) : le pianiste argentin Alberto Neuman joue Bach, Mozart, Beethoven, Schumann.  Mardi 14 juin (20h00) : la pianiste luxembourgeoise Cathy Krier joue Haydn, Beethoven, Chopin, Debussy.  Jeudi 23 juin (20h00) : Trio de jazz Benjamin Schaeffer.  Renseignements : 17, avenue d’Iéna, Paris XVIe.  Tél. : 01 44 43 92 30.  www.goethe.de/paris

Hommage à Pierre Boulez (°1925) sera rendu, le samedi 18 juin 2011, 20h30, à Montbrison, ville natale du compositeur.  Avec l’Ensemble orchestral contemporain, dir. Daniel Kawka.  Programme : Mémoriale, pour flûte & ensemble de 8 musiciens / Dérive I, pour ensemble de 6 musiciens / Dérive II, pour ensemble de 11 musiciens.  Une répétition publique sera commentée par Pierre Boulez, le vendredi 17 juin, de 18h00 à 21h00 (réservation obligatoire au : 04 72 10 90 40).  Renseignements : Espace Guy Poirieux, avenue Charles-de-Gaulle, 42600 Montbrison.  Tél. : 04 77 96 08 69.  www.eoc.fr

©DR

Un pèlerinage avec Liszt et Chopin, du 18 juin au 14 juillet 2011, à l’Orangerie du parc de Bagatelle.  Renseignements : 23, avenue Foch, Paris XVIe.  Tél. : 01 45 00 22 19.  www.frederic-chopin.com

XXXe édition de la Fête de la musique : le mardi 21 juin 2011.  Renseignements : ADCEP.  Tél. : 01 40 03 94 70.  www.fetedelamusique.culture.fr

Marc Albrecht dirige les Gurrelieder.  À la tête de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg & du Czech Philharmonic Choir Brno, le jeune chef dirigera l’œuvre de Schoenberg : le 23 juin à Strasbourg, Palais de la musique et des concerts ; le 25 juin à Paris, Salle Pleyel.  Renseignements : 03 69 06 37 06 www.philharmonique.strasbourg.eu ou : 01 42 56 13 13 www.sallepleyel.fr

Marc Albrecht ©DR

Le Festival de la Grange de Meslay aura lieu près de Tours, du 17 au 26 juin 2011.  Renseignements : 02 47 21 67 33.  www.fetesmusicales.com

Musique en Sorbonne, Chœur et Orchestre de l’Université Paris-Sorbonne (dir. Johan Farjot), donnera son dernier concert (de la saison !), le mardi 28 juin 2011, à 20h30, en le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne.  Au programme : Andante de Félicien David (restitution : Muriel Boulan) ; Totentanz de Franz Liszt (Guillaume Vincent, piano), Cantate sur la mort de l’empereur Joseph II de Beethoven, Tango pour chœur & orchestre de Karol Beffa (création française).  Renseignements : 01 42 62 71 71.  www.musique-en-sorbonne.org

VIe Festival « Musiques interdites ».  Le jeudi 7 juillet 2011, à 20h00 : Kindertotenlieder et Adagio de la Symphonie n°10 de Gustav Mahler, avec le baryton autrichien Mathias Hausmann.  Le vendredi 8 juillet 2011, à 20h00 : Paroles d’Exil-Glanzberg-Weill, in memoriam Norbert Glanzberg, avec la soprano autrichienne Ute GfrererChâteau Pastré : 157, avenue de Montredon, 13008 Marseille.  Renseignements : 04 92 55 20 44.  www.musiques-interdites.eu

   

Le IIe Festival de musique d’Ascona se déroulera, sur les rives du Lac Majeur (Suisse), du 9 juillet au 27 août 2011.  Renseignements : +41(0)76 265 77 08.  www.academyofeuphony.com/festival

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Le 31e Festival de La Roque d’Anthéron se déroulera du 22 juillet au 21 août 2011.  Renseignements : Parc du Château de Florans, 13640 La Roque d’Anthéron.  Tél. : 04 42 50 51 15.  www.festival-piano.com

La 27e édition du Festival de Saint-Riquier / Baie de Somme se déroulera, à l’Abbaye de Saint-Riquier, du 8 au 19 juillet 2011.  Journées Marcel Proust.  Soirées baroques.  Actions culturelles…  Renseignements : 03 22 71 82 10.  www.festival-de-saint-riquier.fr

Festival de Saint-Riquier Baie de Somme

La 13e édition du Festival « Musique & nature en Bauges » se déroulera, en Savoie & Haute-Savoie, du 10 juillet au 21 août 2011.  Renseignements : 04 79 54 84 28.  www.musiqueetnature.fr

Festival de Radio France & Montpellier Languedoc-Roussillon.  Il se déroulera du 11 au 28 juillet 2011.  Renseignements : 04 67 02 02 01.  www.festivalradiofrancemontpellier.com

©DR

Le 38e Festival des Arcs est notamment dédié, du dimanche 17 juillet au vendredi 5 août 2011, à la musique russe.  Compositeur en résidence : Éric Tanguy.  Renseignements : www.festivaldesarcs.com

Les Nuits du Château de La Moutte [musique, théâtre & danse] se dérouleront à Saint Tropez, du 26 juillet au 11 août 2011.  Renseignements : 08 92 68 48 28.  www.lesnuitsduchateaudelamoutte.com

©J.-L. Chaix

Festival Pablo Casals de Prades.  Consacrée aux « Sommets de la musique de chambre », sa 59e édition se déroulera du 26 juillet au 13 août 2011.  Renseignements : 04 68 96 33 07.  www.prades-festival-casals.com

Musique à l’Empéri, Festival international de musique de chambre, se déroulera au château de l’Empéri, Salon-de-Provence, du 28 juillet au 7 août 2011.  Renseignements : 04 90 56 00 82.  www.festival-salon.fr

Redécouverte de Théodore Dubois (1837-1924) : Le « Chœur international » de Québec, dir. Michel Brousseau, donnera en France, du 18 au 27 août 2011, quatre concerts dédiés à ce compositeur bien trop méconnu dans son propre pays.  Le 18 août, en la cathédrale Saint-Pierre de Montpellier.  Le 21 août, en l’église de La Madeleine à Paris.  Le 25 août, en la cathédrale Saint-Étienne de Metz.  Le 27 août, en la cathédrale de Reims.  Solistes : Maria Knapik (soprano), Marc Boucher (baryton), Jean-Willy Kunz (organiste).  Renseignements : 01 47 63 54 82.

www.viva-concertino.fr/chap/index.php?idch=2&idrb=160&idpg=486

Théodore Dubois au piano ©DR

« Piano-Folies » au Touquet Paris-Plage.  Où les plus grands pianistes du monde se donneront rendez-vous, du 20 au 28 août 2011.  Plus de 60 concerts (dont la moitié gratuits).  Avec notamment : Nicolaï Luganski, Rhoda Scott, Vadim Rudenko, Anne Queffélec, Boris Berezovski, Andreï Korobeinikov…  Renseignements : 03 21 06 72 00.  www.letouquet.com

Le Touquet  front de mer ©nordmag2007

©DR

« D’un monde à l’autre », tel est l’intitulé du Festival d’Île-de-France qui se déroulera du 4 septembre au 9 octobre 2011.  Musique classique & musiques du monde.  33 concerts / 29 lieux.  Renseignements : 51, rue Sainte-Anne, Paris IIe.  Tél. : 01 58 71 01 01.  www.festival-idf.fr

Théâtre du Rond-Point.  En ouverture de la saison 2011-2012, sera donné, du 7 septembre au 29 octobre 2011, à 21h00 : René l’énervé, « opéra bouffe et tumultueux ».  Auteur, metteur en scène : Jean-Michel Ribes.  Compositeur : Reinhardt Wagner.  « Caramela, ne te mets pas dans cet état, nous allons devenir chef de l’État ».  Renseignements : 2bis, avenue Franklin D. Roosevelt, Paris VIIIe.  Tél. : 01 44 95 98 21.  www.theatredurondpoint.fr

Francis Cousté.

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Un virtuose du rasoir bien sympathique...

Stephen SONDHEIM : Sweeney Todd.  Musical thriller en deux actes.  Livret de Hugh Wheeler, d'après la pièce de Christopher Bond.  Orchestrations de Jonathan Tunick.  Rod Gilfry, Caroline O'Connor, Rebecca Bottone, Nicholas Garrett, Jonathan Best, John Graham-Hall, Rebecca De Pont Davies, David Curry, Pascal Charbonneau.  Ensemble orchestral de Paris, dir. David Charles Abell.  Mise en scène : Lee Blakeley.

 

©Marie-Noëlle Robert/Châtelet

 

Décidément le Châtelet devient le lieu incontournable du musical américain.  La production de Sweeney Todd est, en tous points, une franche réussite.  De quoi s'agit-il ?  D'un fait divers grand-guignolesque tourné en fable morale : la légende du barbier de Fleet Street qui égorge ses clients dont les cadavres sont ensuite récupérés par la tenancière de la gargote voisine pour en faire de la chair à pâté.  Mais ce barbier a une histoire qui sinon explique son geste, du moins le rend plausible : n'a-t-il pas juré de se venger du juge qui l'envoya sans raison naguère au bagne, alors que celui-ci a cherché à séduire sa propre fille Johanna.  Le récit mélodramatique puise aux sources de ces pièces sanglantes adulées par l'Angleterre du début de la révolution industrielle.  Les bas-fonds décrits par Dickens ne sont pas loin.  La dimension épique, quasi brechtienne, opposant la foule anonyme à des personnages très typés narrant une fable avec son contexte socio-politique est présente aussi.  Mais il s'agit d'une comédie destinée à divertir : les deux monstrueux protagonistes, le serial killer et sa voisine affairiste ne sont pas dépourvus d'humanité et attirent finalement la sympathie plus que la répulsion car ils sont sans doute les produits d'une société déshumanisée où l'arbitraire de certains (et peut-être même d'un juge) a creusé le fossé des inégalités.  Stephen Sondheim déroule une action d'un étonnant impact dramatique qui ne connaît pas de temps mort et dans lequel l'orchestre est constamment à l'œuvre même pour souligner les passages parlés.  Il y a là pléthore de personnages hauts en couleurs : le barbier Sweeney Todd, figure hors norme, Pirelli, autre as du rasoir et rival malheureux, l'aide de celui-ci, le jeune Toby, la mendiante qui, la première, va suspecter quelque chose d'anormal, ou des figures dont l'honorabilité est mise à mal, tels le juge Turpin qui s'est amouraché de la fille du barbier et est à l'origine de sa vindicte et son factotum, le bailli Bamford.  Il y a aussi des amoureux romantiques, Anthony, le jeune marin, sincèrement épris de Johanna.  Plus remarquable est le mélange de l'abominable et du comique qui finit par donner à la pièce une tonalité moins effrayante qu'il n'y paraît : le personnage de Mrs Lovett est caractéristique.  La commerçante peu scrupuleuse, voire amorale, appartient à la galaxie de ces rôles de mégères exubérantes qu'on n'arrive pas à prendre au sérieux car leurs raisonnements ne sont pas dénués du bon sens.

 

©Marie-Noëlle Robert/Châtelet

 

La production rend justice aux divers aspects de ce thriller musical.  La mise en scène de Lee Blakeley est d'une rare efficacité.  On entre très vite dans le vif du sujet et le spectacle ne souffre pas de baisse de régime.  Une sorte de continuum cinématographique s'installe qui capte l'attention : une décoration inspirée de quelque entrepôt londonien, développée sur deux niveaux, et des éclairages d'une grande sophistication permettent de varier scènes et atmosphères.  L'horreur est tournée en dérision car le hasard semble rendre les situations plus cocasses qu'effrayantes.  Les traits véristes (jaillissements d'hémoglobine, corps envoyés sans ménagement aux oubliettes) suscitent moins l'effroi qu'une réaction amusée.  C'est qu'un vent de folie s'empare peu à peu de l'action qui voit pourtant une seconde partie reprendre la précédente simplement en amplifiant la narration dans une sorte de mécanique de plus en plus implacable.  La seule licence que s'autorise Blakeley concerne la fin de l'ouvrage qui voit ici Sweeney Todd envoyer Mrs Lovett dans le four à pain et celui-ci périr sous les coups du jeune Toby devenu fou, lui aussi.  Avoir fait appel à un orchestre symphonique, ce qu'aucune production ne permit à Broadway, est un atout considérable.  L'image musicale s'en trouve renforcée dans sa force rythmique, sa rutilance comme ses stridences, et ses couleurs sombres dans les interventions du chœur.  Ainsi la ballade introductive, par ses diverses reprises, jouera-t-elle un rôle unificateur.  Le show est vocalement somptueux.  L'alliance de voix d'opéra ou rompues au style du musical produit un effet détonant : la gouaille inimitable de Caroline O'Connor, son énorme faconde scénique (déjà appréciée sur cette même scène dans On the Town de Bernstein) n'a d'égale que la prestance de Rod Gilfry (naguère Billy Budd à l'Opéra Bastille) et son art accompli de distiller un geste musical brillant.  Une armada de rôles de sopranos, ténors et basses, tous fort bien tenus, finissent de rapprocher l'œuvre de l'opérette, pour ne pas dire de l'opéra.  Une sorte de Porgy and Bess moderne ?

 

 

La Fiancée du Tsar entre au répertoire du Royal Opera

Nicolas RIMSKI-KORSAKOV : La Fiancée du Tsar.  Opéra en quatre actes.  Livret de Il'ya Fyodorovich Tyumenev, d'après le drame de Lev Alexandrovich Mey.  Johan Reuter, Marina Poplavskaya, Ekaterina Gubanova, Alexander Vinogradov, Vasily Gorshkov, Dmytro Popov, Paata Burchuladze, Jurgita Adamonytè.  Royal Opera Chorus.  Royal Opera Orchestra, dir. Mark Elder.  Mise en scène : Paul Curran.

 

©Bill Cooper

 

L'opéra de Rimski-Korsakov La Fiancée du Tsar est toujours considéré dans le pays où il fut créé en 1899 comme par nature intrinsèquement russe.  Il est ailleurs peu connu et encore moins joué.  En France : une exécution de concert en 2003 au Châtelet et des représentations à l'Opéra de Dijon l'année suivante.  Le disque l'ignore, ou à peu près (curieusement Valery Gergiev ne s'y est pas intéressé dans ses efforts pour ressusciter les grandes pages du répertoire russe).  Ses mérites sont pourtant loin d'être négligeables.  L'intrigue située en 1571 à Moscou, relate le troisième mariage malheureux d'Ivan le Terrible avec Marfa Sobakina, fille d'un riche marchand de Novgorod.  Elle décèdera quelques jours plus tard, empoisonnée par méprise par un amant, Gryaznoy, le chef de la police secrète du tsar, manipulé par celle qui l'aime, Lyubasha et ne conçoit pas de voir en Marfa une rivale.  Aussi substituera-t-elle un poison au philtre d'amour censé apporter à celle qui le boit la suprême félicité.  À la différence de bien d'autres de ses œuvres lyriques qui font une large place au fantastique, Rimski-Korsakov, s'inspirant ici d'un fait historique, confère une vraie consistance à ses personnages.  La partition met en valeur la voix avec airs et ensembles, du duo au sextuor, sans oublier une contribution notable du chœur.  La musique déploie un ample lyrisme et compte de riches mélodies émaillées de discrets thèmes conducteurs généralement associés aux personnages.  Notable est aussi la clarté de l'orchestration, héritée de Glinka, avec une savante écriture pour les bois et des effets originaux telle l'évocation de cloches associées au personnage du tsar, qu'on ne voit d'ailleurs pas.  L'influence du chant populaire y est prépondérante, notamment dans la peinture de la figure de Lyubasha.  Enfin, plus d'un morceau se souvient de la souplesse bel cantiste, ne serait-ce que la scène de la folie qui clôt l'opéra.  Est-ce à dire qu'une intrigue à ce point paroxystique doit appeler une mise en scène historiciste ?

 

©Bill Cooper

 

Ce n'est pas la solution adoptée par la production du Royal Opera.  Son auteur, Paul Curran, estime que cette histoire est « extraordinairement contemporaine » et « prend son sens à la fois politique, dramatique et émotionnel dans le contexte de ce qui se passe en Russie aujourd'hui », traversée des mêmes fantasmes, habitée de la même dépravation des mœurs.  Aussi la transpose-t-il dans le Moscou actuel, celui du système nouveau riche et de la corruption.  Remis ainsi en perspective quant à son ressort politique, l'opéra a quelque chose à voir avec la société russe contemporaine : déférence servile à l'autorité, croyance plus vivace que jamais en des pouvoirs occultes, vécu tenace de superstitions.  La dramaturgie décrit un système mafieux où les gardes de la police secrète du tsar, les Oprichniki, font régner la peur sous couleur de préserver la sécurité du monarque : lunettes noires, arme à la ceinture, ils évoluent parmi leurs pairs dans un univers de facilité que sont les réceptions dans des lieux à la mode où l'on boit beaucoup et se divertit de manière artificielle en accueillant des danseuses lascives ou en invitant la gent féminine à faire assaut de goût tapageur.  Cela fonctionne plutôt bien, même si le trait finit par devenir répétitif.  Les caractères sont bien sentis.  Quoique l'héroïne pâtisse un peu de ce traitement au bénéfice de sa rivale Luybasha qui se tire d'affaire avec brio : Ekaterina Gubanova déploie un sûr talent d'actrice et la voix de mezzo grave surclasse celle de Marina Poplavkaya qui déçoit dans la quinte aiguë du rôle de Marfa et paraît bien pâle dans la scène de folie.  La distribution masculine fait la part belle aux voix russes, jeunes ou aguerries - on est ravi de revoir la basse Paata Burchuladze.  Enfin Johan Reuter propose une composition vocalement brillante du rôle de Gryaznoy confié au registre de baryton héroïque.  La direction de Mark Elder se montre des plus efficaces.

 

 

Atys à l'Opéra Comique : une rare expérience de spectacle total.

Jean-Baptiste LULLY : Atys. Tragédie en musique en un prologue & cinq actes.  Poème de Philippe Quinault.  Bernard Richter, Stéphanie d'Oustrac, Emmanuelle de Negri, Nicolas Rivenq, Marc Mouillon, Sophie Daneman, Jaël Azzaretti, Cyril Auvity, Paul Agnew, Bernard Deletré.  Compagnie Fêtes galantes.  Chœur et orchestre Les Arts Florissants, dir. William Christie.  Mise en scène : Jean-Marie Villégier.

 

©Pierre Grosbois

 

Ainsi Atys qui marqua l’un des premiers grands succès internationaux des Arts Florissants, revient à l'Opéra Comique sur le lieu de sa production mythique de 1987.  Un providentiel mécène américain a permis cette renaissance.  Il ne s'agit pas d'une reprise mais d'une « recréation » et William Christie s'empresse de souligner qu'« il serait malhonnête d'annoncer une copie conforme ».  Tout comme il est vain de prétendre mesurer ce qui sépare 24 ans d'interprétation.  Puisé dans Ovide et ses Métamorphoses, le sujet du châtiment d'Atys est simple : ce berger qu'on dit insensible à l'amour, mais choisi par la déesse Cybèle comme grand prêtre et amant, tombe sous le charme de la belle Sangaride.  Il en sera châtié car, dans un acte de folie, il la tuera avant de se supprimer lui-même.  Éplorée, la déesse le métamorphosera en pin, l'arbre éternellement vert.  Si, pour sa quatrième tragédie en musique (1676), Lully s'inscrit dans la continuité du ballet de cour, la maîtrise du verbe devient essentielle : c'est une langue choisie que dévoile le poème de Quinault, en vers mêlés, utilisant une polyrythmie subtile dans les récitatifs émaillés de fines inflexions, d'articulations souples.  Et l'on est proche de la déclamation théâtrale racinienne.  C'est peut-être là ce qui caractérise l'opéra français par rapport au modèle italien.  Le fait aussi de combiner poésie et danse : les divertissements sont enchâssés dans la trame dramatique de manière si intime qu'ils sont partie intégrante de l'action.  La continuité narrative n'en est pas affectée, bien au contraire.  Ce qui peut sembler paradoxal aujourd'hui où l'on cherche à tout classifier en catégories étanches, procède pourtant d'une évidence : la tragédie en musique fédère indissolublement divers genres pour créer une unité de ton qui lui confère son homogénéité.

 

©Pierre Grosbois

 

Alors que tant de spectacles d'opéra baroque misent sur l'excentricité et le mélange de styles plus ou moins heureux, la production de Jean-Marie Villégier affiche une théâtralité d'une rare cohérence : recréer, à partir du contexte de grand deuil qui frappa l'automne du règne de Louis XIV, « un rituel du souvenir, rituel expiatoire indéfiniment répété ».  L'unification des diverses composantes du spectacle en sera le moyen.  Tel « un vestibule de tragédie », une salle de palais austère percée de six portes, peuplée d'un mobilier restreint et symbolique, forme l'unique décor.  L'imagerie en a été empruntée à des gravures d'époque représentant le mobilier d'argent des Grands Appartements de Versailles.  Seul le Prologue fait appel à la couleur, en ce qu'il annonce le spectacle qui va suivre par l'amusante improvisation d'un méticuleux maître de cérémonie.  Les costumes et leurs accessoires, perruques et parures, imaginés par Patrice Cauchetier, d'une richesse inouïe, apportent une note de faste non ostentatoire malgré leur magnificence : un camaïeux de noir et de gris dont se détacheront des tons pastels au IVe acte et l'or durant la scène des Songes, symbole de la « jeunesse dorée du Roi-Soleil », dit encore Villégier.  Mais l'essentiel pour celui-ci est de servir le texte au plus proche possible du flux musical.  Aussi le souci de la déclamation est-il l'épine dorsale du vocabulaire de la mise en scène qui se décline sur les mots d'élégance (de la gestuelle) et d'esthétisme (de l'environnement).  Loin de quelque reconstitution apprêtée, Villégier s'attache à suggérer combien la tragédie doit toucher le spectateur.  De même, les séquences chorégraphiques ont la simplicité, la légèreté et la grâce destinées autant à émerveiller qu'à illustrer le récit dramatique qu'elles prolongent.

 

©Pierre Grosbois

 

William Christie joue habilement de l'écrin acoustique avantageux de la salle Favart : fosse surélevée pour mettre en valeur la basse continue et la richesse d'un orchestre de cordes fourni, bois disposés de part et d'autre, dans les loges d'avant-scène, pour mieux distinguer leurs traits graciles, musiciens présents sur scène lors du tableau du sommeil.  Le chef livre une exécution intense, on ne peut plus séduisante, s'attendrissant à l'occasion : ainsi de l'infinie douceur hypnotique préludant au tableau des Songes comme de la fraîcheur de ses diverses séquences.  Le fini sonore que forgent ses musiciens des Arts Florissants est somptueux.  Si tous les protagonistes n'assimilent pas avec la même empathie la direction d'acteurs suggestive de Villégier, les principaux d'entre eux la portent à un haut degré d'achèvement : noblesse du geste, hiératisme des attitudes, présence habitée et juste ce qu'il faut d'exagération dans les scènes plus paroxystiques de dépit amoureux entre Atys et Sangaride ou de rage désespérée d'Atys prêt à commettre l'irréparable.  Ce personnage complexe de par les déchirements qui l'habitent, le ténor Bernard Richter le fait sien avec une grande justesse, diction racée et ligne vocale immaculée.  Emmanuelle de Negri, Sangaride, domine assurément comme lui les accents et fioritures du langage lullyste.  Le portrait le plus achevé est celui de Cybèle dans lequel Stéphanie d'Oustrac fait passer le frisson de la tragédie par une déclamation vocale hautement maîtrisée.  Le monologue « Ah ! Pourquoi me trompez-vous ? » possède une authentique grandeur et les ultimes lamentations laissent percer une indicible émotion.  Le Prologue est joué par les lauréats de la promotion 2011 du Jardin des Voix entourant Bernard Deletré, un des rares participants de l'entreprise de 1987.  Telle est la vitalité de l'institution forgée par Christie, dont les chœurs ne sont pas le moindre fleuron.  Enfin les danseurs apportent, par leur engagement, une contribution non négligeable au succès d'un spectacle prestigieux.  Bonheur de l'opéra !

Jean-Pierre Robert.

 

 

Magnifique Trouvère au Théâtre des Champs-Élysées (version de concert).

Opéra en quatre actes de Giuseppe Verdi.  Livret de Salvatore Cammarano.  Orchestre national Bordeaux Aquitaine, Chœur de l’Opéra national de Bordeaux, dir. Emmanuel Joel-Hornak.  Alexey Markov (Il Conte di Luna), Elza van den Heever (Leonora), Elena Manistina (Azucena), Giuseppe Gipali (Manrico), Wenwei Zhang (Ferrando).

Cet opéra de Verdi, composé en 1851, créé à Rome au Teatro Apollo le 19 janvier 1853, appartient à la trilogie populaire de Verdi avec La Traviata et Rigoletto.  Établi à partir d’un livret tarabiscoté et abracadabrant, il constitue indiscutablement une étape dans la production lyrique verdienne au même titre que Don Carlo et les productions plus tardives comme Otello ou Falstaff.  Un livret accumulant invraisemblances et embrouillaminis où tous les éléments du drame échappent à notre regard, rapportés par la narration, mais une musique somptueuse par la profusion mélodique et la prééminence du chant, servie, ici, par une distribution vocale remarquable et un orchestre totalement investi dans l’évolution de la dramaturgie et le service des chanteurs.

 

          

                  Elza van den Heever ©DR                               Alexey Marlov ©DR

De jeunes chanteurs talentueux parmi lesquels Alexey Markov campant un Conte di Luna superbe par la voix et le geste, Elza van den Heever, assumant totalement le rôle de Leonora, l’un des plus exigeant du répertoire, exceptionnelle de présence avec sa voix puissante, capable de magnifiques piano dans le registre suraigu, Elena Manistina faisant preuve d’un beau legato, d’une tessiture particulièrement étendue, de graves profonds sachant donner au personnage d’Azucena toute la présence psychologique et dramatique souhaitée par Verdi, avec un Stride la vampa d’anthologie, alliant vision d’horreur, effroi et émotion, enfin, Giuseppe Gipali, vaillant Manrico, également remarquable par son timbre plein de douceur, sans nulle agressivité malgré les difficultés de la partition et ses célèbres contre-ut.  Une mise en situation assez réussie, des acteurs et des musiciens engagés, une direction d’orchestre intelligente, bref, une très belle soirée saluée par une longue ovation du public.

 

 

Salle Pleyel : Samson et Dalila.  Pour les seuls orchestre & chœurs…

Opéra en trois actes de Camille Saint-Saëns sur un livret de Ferdinand Lemaire.  Version de concert.  Orchestre national & Chœur du Capitole de Toulouse, dir. Tugan Sokhiev.  Ben Heppner (Samson), Elena Bocharova (Dalila), Tomas Tomasson (Le Grand Prêtre), Nicolas Testé (Abimelech), Gudjon Oskarsson (Le vieil Hébreu).

Seul opéra, dans la copieuse production lyrique de Camille Saint-Saëns (1835-1921), reconnu par la postérité, Samson et Dalila fut créé en 1877, à Weimar.  Entre opéra et oratorio, inspiré d’un thème biblique, tiré du Livre des Juges (chapitre XVI), il s’agit d’une partition complexe où peuvent se lire différentes influences musicales, françaises (Berlioz, Gounod, Bizet), allemandes (Wagner), tout autant que la sensualité mélodique italienne ou la tradition baroque de Bach ou Haendel, le génie de Samson et Dalila et de Saint-Saëns étant, précisément, de réaliser, avec le plus grand bonheur, la synthèse de ces éléments disparates.  Œuvre particulièrement exigeante musicalement et vocalement, Tugan Sokhiev, par sa direction attentive, intelligente et son sens du phrasé, sut en donner une splendide vision parfaitement adaptée à la dramaturgie (et à la faiblesse des chanteurs !), sachant mettre en avant la très belle sonorité de son orchestre, toute la richesse des timbres, des couleurs orientalisantes, la beauté des chœurs (qui occupent, ici, une place primordiale) et la ciselure de l’orchestration.

 

Ben Heppner ©Marty Umans

 

Il n’en fut pas de même de la distribution vocale, homogène dans sa médiocrité.  Ben Heppner (Samson), très limité vocalement, ne pouvait assumer les nombreuses difficultés de la partition, Elena Bocharova (Dalila), remplaçant au pied levé Olga Borodina, n’avait pas, à l’évidence, un ramage en rapport avec son plumage étincelant, bien incapable, par sa technique restreinte, de faire preuve de la souplesse vocale nécessaire à son rôle, Tomas Tomasson (Le Grand Prêtre) manquait singulièrement de charisme, Gudjon Oskarsson (Le vieil Hébreu) était à la limite de la justesse et Nicolas Testé constamment décalé ! Ajoutons à cela la diction incompréhensible de la plupart des chanteurs et une mise en espace totalement absente…

 

©Patrice Nin

 

Enfin, il nous restait la musique, étincelante de bout en bout, que le public sut apprécier à sa juste valeur, par de nombreux rappels adressés à l’orchestre, au chœur et à leur chef qui semblent décidés à poursuivre leur collaboration pour les années à venir - ce dont on ne peut que se réjouir.

 

Tugan Sokhiev ©Denis Rouvre/Naïve

Patrice Imbaud.

 

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« Concert d’Été » : un merveilleux petit festival

 

XIIe Festival de musique & de poésie de Palau del Vidre

 

 

Du 24 juin au 3 juillet, le XIIe Festival de musique et de poésie de Palau del Vidre promet, cette année encore, des moments enchanteurs.  Son ambition est de faire découvrir la diversité des visages de la Méditerranée du Moyen Âge à nos jours, à travers musique, poésie et autres arts.  Pari régulièrement gagné, d’autant que la petite cité catalane, toute de charme et de sérénité, offre au festival un cocon accueillant au sein duquel le visiteur est d’emblée mis en condition pour des instants magiques.  Il faut connaître cette douceur de vivre, cette lumière particulière qui enveloppe la petite église de Palau et son parvis, cadre privilégié du festival.  Y goûter une fois suffit à y revenir, surtout que le programme des spectacles est particulièrement convaincant !

Palau del Vidre : le Palais du verre.  Cette petite ville située non loin d’Argelès-sur-Mer, à 19 kilomètres au sud de Perpignan, a construit sa réputation autour de ses maîtres verriers.  Durant l’été, un festival, des expositions et des démonstrations autour du travail du verre sont proposés aux touristes, autre visage des arts méditerranéens qui fait écho à la poésie et la musique.

Sous les auspices de sa présidente Marie Susplugas Andréa, le Festival 2011 rend hommage au grand poète roussillonnais que fut Josep Sébastiá Pons, évoqué dans le nom même « Concert d’été », titre de l’un de ses ouvrages.  Le président d’honneur du festival est Pedro Soler, guitariste flamenco virtuose à la sonorité étonnante et au style d’une grande pureté.  Il fera l’ouverture du festival le 24 juin.  Nous aurons également le plaisir de revoir le conteur Clément Riot, que nous avions pu applaudir l’année dernière dans ses deux prestations Les Mots-sons d’amour et Pour que l’image devienne symbole, soutenu par les flûtes de Dorothée Pinto et Annie Ploquin.  Quelle magie nous envoûtera avec son oratorio profane L’Épopée de la Constellation du Taureau ? Le Festival 2011 nous promet un programme diversifié et d’une grande qualité.  Le quintette Mare Nostrum, mélange de talents et de culture qui interprète avec la même aisance un répertoire étendu du baroque au contemporain, le duo Bensa-Cardinot, mêlant chanson, tango ou musique contemporaine dans une remarquable symbiose, les duos Clariana (flûte & guitare) et Moliner-Soler (flûte & violoncelle), le septuor Baroque au Bas Mot, sans oublier l’exposition éphémère d’art verrier « De l’auroch au toro ».

 

©DR

 

De quoi commencer l’été dans une ambiance chaleureuse, sympathique et culturelle !  Précipitez-vous à Palau del Vidre, vous ne le regretterez pas !

Renseignements : « Concert d’été », 66690 Palau del Vidre.  Tél. : 04 68 37 98 38.
  www.palau-del-vidre.com/festival_musique.htm ou :
concert.d.ete@wanadoo.fr

 

Gérard Moindrot.

 

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Création de Il Postino au Châtelet

Pour son dernier spectacle de la saison, le Châtelet monte Il Postino.  Écrit par le compositeur mexicain Daniel Catán d'après le film éponyme de Michael Radford (1994), l'opéra met en scène le poète Pablo Neruda.  L'histoire narre l'amitié qui se noue sur une petite île au sud de l'Italie où, exilé politique, il s'est installé, entre le poète chilien et un jeune pêcheur devenu facteur qui, fasciné par lui, aspire à écrire de la poésie.  Le rôle-titre sera chanté en espagnol par le ténor Placido Domingo pour lequel il a été taillé sur mesure.

 

Placido Domingo en Pablo Neruda ©DR

 

Théâtre du Châtelet, les 20, 24, 27 et 30 juin 2011, à 20h00.

Renseignements : 1, place du Châtelet, Paris Ier.  Tél. : 01 40 28 28 40.  www.chatelet-theatre.com

 

 

Les Brigands investissent l'Opéra Comique

Joyeuse fin de saison à Favart : l'opéra bouffe Les Brigands de Jacques Offenbach (1869) y fait halte.  La parodie est ici à l'honneur : une fable amorale où le vol est érigé comme principe de vie en société.  La critique à peine voilée du système politique de l'époque s'accompagne de celle des ressorts même de l'opérette.  Les librettistes Meilhac et Halevy singent quelques pièces en vogue de leurs confrères Scribe et Auber.  La production, signée Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps, est la reprise de celle créée en 1993 à l'Opéra de Paris.  François-Xavier Roth dirige l'orchestre Les Siècles.

 

Jacques Offenbach ©DR

 

Opéra Comique, les 22, 24, 27, 29, 30 juin et 2 juillet 2011 à 20h00 ; le 26 juin à 15h00.

Renseignements : 1, place Boieldieu, Paris IIe.  Tél. : 0825 01 01 23.  www.opera-comique.com

Jean-Pierre Robert.

 

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FORMATION MUSICALE

Anthony GIRARD : Le langage musical de Stravinsky dans l’Histoire du soldat.  « Les cahiers d’analyse musicale », Billaudot : G 8789 B.

Professeur au CRR de Paris et à la Schola Cantorum, Anthony Girard a déjà publié chez le même éditeur de nombreux ouvrages d’analyse musicale.  Celui-ci comporte les mêmes qualités que les précédents : clarté, pertinence, intérêt musical et pédagogique.  Il s’adresse aussi bien aux grands élèves des conservatoires et écoles de musique qu’aux amateurs désirant augmenter leur culture musicale en approfondissant des œuvres essentielles de l’histoire de la musique.  Tous les aspects de l’œuvre sont examinés à partir d’exemples pris dans la partition.  L’ensemble est à la fois clair et précis.  Il y a là un très beau travail au service de la musique.

 

 

ORGUE

Carsten CLOMP : Organ plus one.  Passion Ostern Easter.  Œuvres originales et arrangements pour le service d’église et le concert.  Bärenreiter : BA 8503.

Concerts ou services, il s’agit bien d’œuvres liturgiques, même si elles peuvent être utilisées bien au-delà du cadre du culte réformé.  Les thèmes sont ceux des chorals traditionnels.  Les pièces, qui peuvent leur servir de prélude, ont été transposées dans le ton de l’Evangelisches Gesangbuch.  Comme le titre l’indique, les arrangements ou compositions sont écrits pour orgue & un instrument mélodique, plutôt à vent.  Le volume contient la partie de l’instrument qui s’ajoute à l’orgue dans les tonalités d’ut, sib, mib et fa, pour pouvoir s’adapter à tous les instruments.

 

 

Jacques VEYRIER : Prélude, aria et fugue pour orgue.  Delatour : DLT0644.

Il est un peu étonnant, de prime abord, de ne trouver aucune indication de registration pour ce triptyque de forme classique, mais d’un contenu qui l’est moins.  Mais après tout, puisqu’il n’existe pas deux instruments semblables, n’est-ce pas au contraire faire confiance au goût et au savoir-faire de l’instrumentiste ?  D’ailleurs, une simple lecture de l’œuvre suggère immédiatement un monde sonore, des timbres, une esthétique… que nous ne préciserons pas davantage : à chacun son interprétation !  Mais ce serait vraiment dommage de ne pas en découvrir la richesse et la poésie.

 

 

Claude MONNIER : Variations pour orgue sur O Filii et Filiae…  Armiane : EAL 470.

Organiste de l’église Saint-Joseph de Clamart, Claude Monnier, avec ses variations de niveau facile, permettra aux organistes débutants d’avoir à leur répertoire une œuvre fort intéressante.  Faciles techniquement, ces variations n’en possèdent pas moins un grand intérêt musical.  Deux claviers, un pédalier et quelques mutations, c’est tout ce qu’il faut pour interpréter ces pièces variées dans leur style et dans le traitement du thème qui passe des mains aux pieds, sans oublier une variation en canon fort bienvenue.

 

 

PIANO

René MAILLARD : Poèmes pour piano.  Delatour : DLT1861.

Le titre de la pièce, écrite « d’après Fébrilité, cycle de mélodies sur des poèmes de Dominique Pagnier », ne doit pas tromper : ces Poèmes ne constituent qu’une seule œuvre courte mais dense.  À un « lento agiatamente » à 10/8 succède un court Andante et un Allegro assai à 4/4, le tout générant des rythmes aussi variés qu’expressifs.  Une écriture à la fois post-tonale et très lyrique donne à l’ensemble un intérêt certain.

 

 

Francis COITEUX : Images de Provence.  Trois pièces pour piano.  Niveau 2e cycle.  Delatour : DLT1857.

Heureux les élèves qui interprèteront ces trois pièces : ils devraient y trouver beaucoup de plaisir…  À une « Danse des rubans » en forme de tarentelle succède une charmante « Douce lavande » qui invite à la sieste ou aux idylles au milieu des senteurs provençales.  Le tout se termine bien évidemment par une « Joyeuse farandole », trépidante et pleine de soleil.  Voilà un bien agréable voyage à faire de toute urgence.

 

 

GUITARE

Jean-Marie LEMARCHAND : Litanie pour guitare.  Armiane : EAD471.

Écrite pour la fin du cycle 2, cette très courte Litanie possède une grande densité, à la fois mélodique et rythmique.  Pas d’effets dans cette pièce au caractère méditatif mais tout un jeu sur les résonances, sur la qualité du son et de l’expression ; et, en même temps, beaucoup d’énergie contenue ainsi qu’un dialogue entre une basse à l’aspect tonal et un chant aux mélismes délicats.

 

 

HAUTBOIS

Jacques VEYRIER : Sonatine pour hautbois & piano.  Delatour : DLT0659.

Attention, cette Sonatine est plus proche de Ravel que de Clémenti !  Trois mouvements : Modéré, Lent et Agité, tous trois d’un lyrisme et d’une poésie remarquables.  Un véritable dialogue entre les deux instruments.  C’est une œuvre petite par la taille mais grande par la musique qui l’habite.

 

 

CLARINETTE

Davide PERRONE : Softy Air pour clarinette sib & piano.  Delatour : DLT1162.

Cette pièce instaure entre les deux instrumentistes un dialogue rythmé par des claquements de doigts.  Puis la clarinette, lyrique, plane au dessus d’un piano qui lui impose une basse « obstinée » aux harmonies jazzy.  Si le pianiste doit avoir un niveau deuxième cycle, le clarinettiste peut aborder cette pièce dès la fin du premier cycle.  Le style original de cette œuvre devrait véritablement séduire les élèves.

 

 

TROMBONE

Fabrice LUCATO : Diabolo pour trombone & piano.  Préparatoire.  Lafitan : P.L.2082.

Faut-il voir dans le titre une allusion au jeu d’enfant et à la petite fille de l’auteur à qui cette pièce est dédiée ?  Toujours est-il qu’on goûtera l’aspect sautillant et bon enfant de cette jolie pièce, charmante et espiègle.

 

 

Rémi MAUPETIT : Ne va pas trop loin pour trombone & piano.  Préparatoire.  Lafitan : P.L.2080.

Jusqu’où faut-il ne pas aller trop loin ? Mystère…  On appréciera le caractère à la fois primesautier et un peu suranné de cette jolie pièce qui sera facilement interprétée par deux élèves.

 

 

Max MÉREAUX : Clair de lune pour trombone & piano.  Débutant.  Lafitan : P.L.2093.

Un joli do mineur un peu mélancolique caractérise ce Clair de lune bien séduisant.  On sait la difficulté d’écrire des pièces musicalement intéressantes pour un niveau débutant : Max Méreaux y réussit pleinement.

 

 

SAXHORN/ EUPHONIUM/ TUBA

Max MÉREAUX : Églogue pour saxhorn alto & piano.  Armiane : EAL511.

Cette charmante petite pièce écrite pour le premier cycle porte bien son nom, avec son caractère bucolique et champêtre.  Une petite modulation au ton homonyme mineur ajoute un peu de piment à l’ensemble.

 

 

Max MÉREAUX : Hommage pour saxhorn basse, euphonium, tuba & piano.  Delatour : DLT1121.

Il s’agit de la version pour saxhorn d’une œuvre recensée dans notre Lettre précédente (mai 2011).

 

 

Max MÉREAUX : Comptine pour saxhorn basse/ euphonium/ tuba & piano.  Lafitan : P.L.2096.

De niveau préparatoire, cette petite pièce développe des styles de jeux divers : le legato, le staccato.  Également contrastée dans ses nuances, elle permet au jeune instrumentiste de montrer ses qualités d’interprète.

 

 

Rémi MAUPETIT : La valse du temps pour saxhorn basse/ euphonium/ tuba & piano.  Préparatoire.  Lafitan : P.L.1990.

Cette valse aux harmonies délicates et parfois mélancoliques est pleine de charme et d’espièglerie.  Elle constituera pour le jeune interprète un moment bien agréable.

 

 

Thierry DELERUYELLE : Tranquille pour saxhorn basse/ euphonium/ tuba & piano.  Préparatoire.  Lafitan : P.L.2046.

Pas si tranquille que cela, cette pièce en rythme ternaire aux allures de farandole mettra à l’épreuve le sens rythmique des jeunes interprètes : des syncopes bien placées surgissent, qu’il faudra maîtriser !  Au bout du compte, beaucoup de plaisir et de joie de vivre s’expriment avec entrain.

 

 

COR

Max MÉREAUX : Églogue pour cor en fa & piano.  Armiane : EAL510.

Il s’agit simplement de la transcription pour cor de la pièce pour saxhorn recensée ci-dessus.

 

 

Rémi MAUPETIT : Leçon… Le son pour cor en fa ou mib & piano.  Préparatoire.  Lafitan : P.L.1998.

Le titre indique le but de cette œuvre : faire travailler à l’instrumentiste le son, l’expression…  Et il faudra effectivement que l’élève soit attentif à toutes les indications de dynamique, d’accentuation, d’articulation qui surabondent dans la partition et permettront de rendre toutes les nuances de cette œuvre qui n’est pas seulement un exercice d’expression mais aussi une très agréable musique à mettre en valeur.

 

 

CHANT

SCHUMANN : Dichterliebe op. 48.  Édité par Hansjörg Ewert.  « Bärenreiter Urtext », Bärenreiter : BA 7851.

Ici encore, ce n’est pas seulement d’une simple amélioration de la présentation de ce cycle universellement connu dont il s’agit mais d’une présentation critique contenant en appendice quatre Lieder (op. 127, 2, op. 142, 2, op. 127, 3 et op. 142, 4).  On comprendra leur présence en lisant la passionnante préface qui ouvre cette partition et que tout interprète de ce cycle se doit de connaître.

 

 

MUSIQUE CHORALE

Jean-Jacques WERNER : La voile errante.  Poème de Pierrette Germain.  Pour chœur mixte (SATB) & piano.  Delatour : DLT1118.

Un beau poème, une musique en plein accord avec l’esprit du poème : tout cela donne une œuvre très attachante, mais qui demande un chœur très exercé, même si le piano double constamment les voix, ce qui aidera considérablement à la justesse.  Il y faut aussi un récitant et une soliste éprouvée.  Mais qu’importe la difficulté puisque la musique est belle !

 

 

Roger CALMEL : Ave maris stella pour 4 voix mixtes & orgue.  Armiane : EAL98.

Messe Terre nouvelle pour chœur mixte, assemblée & orgue.  Armiane : EAL4.

Magnificat de Fourvière pour voix égales & orgue.  EAL70.

Bien qu’il ne s’agisse pas de nouveautés, il est important de rappeler que sont toujours disponibles aux éditions Armiane ces fort belles pièces de Roger Calmel.  Certes, elles demandent un chœur exercé, mais la difficulté n’est pas insurmontable et on sera récompensé par la découverte d’une musique fort belle et trop rarement interprétée.  Souhaitons que ces quelques lignes donnent envie à des chœurs de redécouvrir l’œuvre de ce compositeur trop méconnu.

 

         

 

OPÉRA

MOZART : Le nozze di Figaro KV 492.  Édité par Ludwig Finscher.  « Urtext de la Neuen Mozart-Ausgabe », Bärenreiter : TP 320.

Cette remarquable édition qu’on n’ose qualifier « de poche » étant donné son épaisseur est, malgré la petitesse des portées, d’une remarquable lisibilité.  Mais il s’agit aussi d’une édition critique comportant les plus récentes recherches (2010) effectuées sur cette œuvre.  Il s’agit vraiment d’un travail monumental comportant toutes les pages ajoutées ou supprimées lors des différentes représentations.  On lira avec beaucoup d’intérêt la préface et les abondantes notes critiques contenues dans ce copieux volume.

 

Daniel Blackstone.

 

 

Les Éditions du Centre de musique baroque de Versailles (Hôtel des Menus-Plaisirs.  22, avenue de Paris, 78000 Versailles.  Tél. : 01 39 20 78 10.  www.cmbv.fr) n’ont de cesse d’enrichir leur catalogue.  Ainsi de :

 

André CAMPRA (1660-1744) : Symphonies de l’Europe galante (Cahier 216).  Édition proposée par Julien Dubruque, collection « Orchestre ».  69 p.  20 €.

Créé en 1697 sur un livret d’Houdar de La Motte, l’Europe galante est l’une des œuvres majeures de l’opéra français classique.  Son ouverture, ses danses et préludes (lorsqu’ils sont suffisamment développés) ont été ici regroupés dans l’ordre originel.  Pièces à 5 parties (avec flûtes, hautbois & bassons) jouables en concert de chambre ou d’orchestre (parties séparées disponibles).

 

André CAMPRA (1660-1744) : Regina coeli (Cahier 217).  Édition proposée par Louis Castelain, collection « Chœur et orchestre ».  23 p.  14,5 €.

Très bref, ce grand motet versaillais – débutant « Gayement », suivi de « Rondement », de « Lent » puis de « Très Gay » - fait intervenir 3 chanteurs solistes (haute-contre, taille et basse-taille), un chœur à 5 parties (à la française) et un orchestre à 4 parties de cordes, avec bois & basse continue.

 

Jean-Marie LECLAIR (1697-1764) : Concerto pour violon & orchestre, op VII n°5 (Cahier 218).  Édition proposée par Louis Castelain, collection « Orchestre ».  43 p.  17,2 €.

En la mineur et 3 mouvements (Allegro, Largo, Allegro assai), ce Concerto, signé du plus éminent représentant de l’école française de violon du XVIIIe siècle, dure quelque 15 minutes.  Où, à la manière d’un concerto grosso, un « Violino concertino » alterne direction d’orchestre et soli.  L’orchestre comporte deux parties de violon, une partie d’alto, une partie de basse & un continuo.

 

Nicolas-Jean LEFROID de MÉREAUX (1745-1797) : Samson, oratoire (Cahier 219).  Édition proposée par Julien Dubruque, collection « Chœur et orchestre ».  98 p.  25 €.

Sur les deux premiers actes d’un livret de Voltaire, Lefroid de Méreaux composa un oratorio qui fut créé, au Concert spirituel, le 25 mars 1774.  Livret dont on retrouve deux vers sur le tableau du frère Goujet, dévoilé lors de l’apothéose maçonnique du 28 novembre 1778, en hommage au frère Voltaire récemment disparu.  L’œuvre requiert 4 chanteurs solistes, un chœur à 5 parties et un orchestre fourni, comprenant les cordes, tous les bois, plus cor, trompette & timbales.

 

Nicolas CLÉRAMBAULT (1676-1749) : Regina coeli (Cahier 221).  Édition proposée par Louis Castelain, collection « Chœur et orchestre ».  16 p.  10 €.

Hormis un très court duo pour haute-contre & basse, ce motet fait la part belle au chœur (à 4 voix) enchaînant trois parties contrastées : un mouvement léger en dialogue, une partie lente - harmoniquement très expressive - et un alléluia rapide, fortement contrapuntique.

 

          

 

 

Les éditions François Dhalmann (10, rue de Bienne, 67000 Strasbourg.  Tél. : 03 88 48 49 89.  www.dhalmann.fr) publient :

 

Sylvain KASSAP : More !Pour violon alto.  Niveau : difficile.  Tout en restant fidèle à l’écriture, cette pièce doit être jouée à la manière d’une improvisation.

 

Régis FAMELART & Bertrand CÔTE : De Smyrne à Constantinople.  Ensemble pour 4 claviers (ou instruments en ut) & 4 percussions.  Niveau : facile/moyen.  Nombreuses configurations possibles.  Conducteur + parties séparées.

 

Christian HAMOUY : Ombe on line.  Ensemble pour le 1er cycle, pour 2 guitares & piano.  Niveau : facile/moyen.  Peu d’exigences techniques doivent faciliter l’écoute de l’ensemble.  Il existe une version pour quatuor de guitares (transcription par Luc Vander Borght).

 

Bruno GINER : Lad 3.  Pour trompette solo.  Niveau : facile/moyen.  À l’exception de deux endroits où le tempo est métronomiquement indiqué, la notation est proportionnelle (« Senza tempo »).

 

Éric FISCHER : Kamélia.  Pour saxophone soprano en sib.  Niveau : difficile.  Pièce brévissime, inspirée – semble-t-il – du free jazz.

 

          

 

 

CHANT

Victor Alexandre STOICHIŢĂ : Chants tsiganes de Roumanie.  Pour chanter ensemble de 8 à 14 ans.  « Traditions chantées », Les Éditions de la Cité de la musique (www.citedelamusique.fr).  20 x 27 cm, 80 p., ill. n&b et couleurs, ex. mus.  27 €.

Anthropologue et musicien, Victor Alexandre Stoichiţă nous présente ici 8 chants tsiganes, traduits & transcrits à partir d’enregistrements réalisés dans différents villages de Roumanie.  Le peuple tsigane : Repères sur son histoire (Routes de la migration/ Tsiganes & identités nationales, en Europe, Roumanie, France/ Linguistique) / Sa musique (Musique tsigane ou Tsiganes musiciens ? Les Tsiganes de Gratia).  Les chants tsiganes : huit ont été enregistrés par un certain Napoléon, en 2008, dans sa villa de Gratia (dont six peuvent être chantés par de jeunes enfants ; deux sont destinés à la seule écoute).  Chaque titre est abondamment analysé, et envisagées ses possibles applications pédagogiques.  Le CD comporte 37 pistes (dont 4 proposent des interprétations par des classes de CM2, 6e ou 5e).  Un travail exemplaire.

 

 

VIOLONCELLE

Roswitha BRUGGAIER : Cello (phil)Vielharmonie, vol. 2.  Arrangements pour 4 ou 5 violoncelles.  Breitkopf Pädagogik.  Kammermusik Bibliothek (www.breitkopf.com) : 2298.  40 p. + CDRom.  17 €.

Dans des arrangements de Roswitha Bruggaier pour son propre ensemble, « Dr. Hochs Philharmonische Cellisten », voici 12 pages célèbres qui feront le bonheur de plus d’une classe de violoncelle : pièces de Tielman Susato, Valentin Haussmann, Haendel, Mozart, Weber, Schubert, Wagner, Verdi, Grieg & Heymann.

 

 

PIANO

Tempo ! Tempo !  40 morceaux originaux pour le piano.  Préface et doigtés par Monika Twelsiek.  Difficulté : intermédiaire.  Schott Piano Classics (www.schott-music.com) : ED 9049.  80 p.  16,99 €.

Rapides & fougueux, furieux & exaltés, turbulents & virtuoses, artistiques & divertissants, vertigineux & hardis, brillants & enflammés, hors du commun sont ces 40 morceaux empruntés à Lemoine, Bertini, Duvernoy, Burgmüller et autres Czerny, mais aussi à Diabelli, Kuhlau, Haendel, J. S. Bach, Slavicky, Grieg, Gretchaninoff, etc.  Très aisément jouable – à tempo moyen…

 

 

Carsten GERLITZ (Arrangements par) : Love Ballads, 16 Wonderful Songs of Passion.  Niveau : facile à intermédiaire.  Schott Piano Lounge (www.schott-music.com) : ED 20964.  72 p., CD inclus.  16,95 €.

Fort joliment et fonctionnellement arrangées par l’Allemand Carsten Gerlitz, les seize célèbres ballades ici regroupées comportent paroles originelles, en anglais, et chiffrages américains.  Sur le CD, tous les morceaux sont interprétés par Carsten Gerlitz.

 

 

Klaus BÖRNER : Romantische Klaviermusik.  23 pièces pour piano à quatre mains.  Volume 1.  Difficulté : intermédiaire.  Schott Piano Classics (www.schott-music.com) : ED 9051.  60 p.  12,99 €.

Le propos de ce fort plaisant florilège est de faire (re)découvrir des pièces méconnues ou tombées en désuétude de : Weber, Böhner, Schubert, Mendelssohn, Schumann, Gurlitt, Reinecke, Brahms, Dvořák, Saint-Saëns, Fauré...

 

 

FLÛTE

Patrick STEINBACH : Irish Folk Tunes, 71 Traditional Pieces.  Schott World Music (www.schott-music.com) : ED 13360.  52 p., CD inclus.  14,99 €.

71 morceaux traditionnels irlandais pour flûte traversière, à bec ou irlandaise (Tin Whistle) sont ici présentés avec leurs accords : Reels, Jigs, Slip Jigs, Polkas, Marches, Hornpipes, Carolan Tunes, Folksongs, Airs…  Convient à tout instrument mélodique.  Des commentaires accompagnent chaque pièce.

 

 

VIOLON

Edward HUWS JONES (Arrangements par) : The French Fiddler, pour violon & piano.  Niveau : facile à intermédiaire.  Boosey & Hawkes (www.boosey.com) : BH 12056.  108 p.  18,95 €.

Cette édition complète du « Violoniste traditionnel français » comporte le conducteur (violon mélodique, violon d’accompagnement, piano + guitare ad lib.) & les parties séparées de violons.  Fort réjouissant panorama : Gascogne (Saut du balai/ Gigue), Tarn (La Jeanne Saint-Martin/ Le tric-trac), Provence (Adieu pauvre Carnaval/ J’ai vu le loup), Auvergne (Les lourdauds de la montagne/ Chantons l’heure du départ), Berry (La bourrée d’Aurore Sand/ Polka des vignerons), Morvan (Bourrée de plein-jeu/ Scottish de Marmagne), Alsace (Au soir/ Chanson de route/ La cruche), Paris (Gare au loup !/ Un soir d’amour), Bretagne (Complainte/ Air de marche).

 

 

Ros STEPHEN : Argentinian Tango and Folk Tunes for Violin.  Niveau : intermédiaire à avancé.  Schott World Music (www.schott-music.com) : ED 13379.  108 p. + CD (TT : 70’18).

Incluant 41 tangos, milongas, chamamés, zambas, gatos ou chacareras, ce superbe recueil présente tous les styles musicaux de l’Argentine.  Souvent sous forme de duos : avec guitare (ou bandonéon), 2e violon ou piste playback MP3… Sont, en outre, fournies toutes explications nécessaires sur chacune des pièces.

 

 

GUITARE

Jens FRANKE & Stuart WILLIS : Baroque Guitar Anthology, vol. 1.  25 pièces pour guitare & luth.  Niveau : facile.  Schott Music (www.schott-music.com) : ED 13357.  32 p. + CD (TT : 26’45).  14,99 €.

Il s’agit là d’un ensemble de transcriptions de pièces des XVIIe et XVIIIe siècles, mais aussi de pièces originales de Gaspar Sanz, David Kellner et Robert de Visée.  Accessible à des instrumentistes ayant 2 à 3 ans d’expérience.  Outre des notices biographiques sur les compositeurs, sont fournies d’utiles notes pédagogiques, suggérant des axes de travail pour l’approche de certains passages.

 

 

Hugh BURNS : Scottish Folk Tunes for Guitar31 pièces traditionnelles.  Niveau : intermédiaire à avancé.  Schott Music (www.schott-music.com) : ED 13359.  64 p. + CD (TT : 42’38).  14,99 €.

Dans ce joyeux florilège, figurent strathspeys, jigs, waltzes, slow airs, reels & chansons traditionnelles.  Mélodies notées sur portées et en tablatures.  Chaque titre est assorti d’une notice.

 

 

Éric PÉNICAUD : Thème, variation et carillon, pour ensemble de guitares.  Productions d’Oz (www.productionsdoz.com) : DZ 1447.

Par le très prolifique Éric Pénicaud, voici un nouvel opus, pour 4 voix de guitares, où in fine est faite belle la part d’un joyeux désordre improvisé.  Sous la houlette, cependant, d’un maître assurant une manière de basse continue.

 

 

Marc PAPILLON : La main du guitariste.  Anatomie, technique & performance.  Alexitère (www.medecine-des-arts.com).  23 x 30 cm, 80 p., ill. n&b, ex. mus.  27 €.

Outre « Présentation & méthodologie », cet ouvrage comporte 10 fiches pratiques : L’axe vertical / La ventilation / L’axe horizontal, ceinture scapulaire / Les bras & avant-bras / Les poignets / La main / Échauffement de la main / Exercices des poignets / Exercices de la main / Synchronisation.  Pour concilier impératifs techniques ou stylistiques & respect de la physiologie, une somme !

 

 

SAXOPHONE

Dirko JUCHEM : Movie Classics.  14 Famous Film Melodies.  Pour saxophone alto & piano.  Niveau : facile à intermédiaire.  Schott Saxophone Lounge (www.schott-music.com) : ED 20981.  96 p. + CD (TT : 42’38).  14,99 €.

Deux fascicules : sax alto avec mélodies & chiffrages / sax alto & piano.  Proposant notamment : Tara’s Theme / Night Fever / Lily was here / Making Whoopee / Hit the road, Jack / Manha de Carnaval / Also sprach Zarathustra / Clair de lune / Pink Panther/ New York, New York…  Tous arrangements joués, sur le CD, par 5 joyeux musiciens (sax, piano, guitare, contrebasse & batterie).

 

Francis Cousté.

 

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Philippe AGID & Jean-Claude TARONDEAU : Le Management des opéras. Comparaisons internationales.  Descartes & Cie (www.editions-descartes.fr), 2011.  13,5 x 21 cm, 319 p.  25 €.

On a beaucoup disserté sur le genre opéra, mais rarement sur son mode d'organisation et de management.  C'est ce à quoi s'emploient les auteurs de la présente monographie à partir d'une étude statistique menée en 2007 dans quelque 80 maisons d'opéra en Europe et aux USA mais aussi de rencontres avec les principaux acteurs du secteur.  L'opéra est un monde qui n'évite pas la crise.  Toutes les grandes institutions y ont été confrontées à un moment de leur histoire (Opéra de Paris, Royal Opera de Londres, Berlin et ses trois salles).  L'évaluation des performances combinée à l'approche qualitative permettent d'en mieux comprendre le fonctionnement.  Un constat se dégage : l'extrême diversité des formes de gouvernance.  S'il existe deux modes dominants, le modèle nord-américain et le modèle allemand, bien des maisons échappent à cette classification.  Plusieurs paramètres l'expliquent tels que le poids des traditions, voire même l'impact de l'architecture des salles.  « L'omniprésente difficulté du financement » est au cœur du débat, autrement dit la plus ou moins grande autonomie financière pour tenter de résoudre la question sans fin de la rentabilité.  Et il se trouve bien des constatations paradoxales.  Ainsi « plus la jauge des salles est grande, plus le prix moyen des places et le taux d'occupation sont élevés ».  La recherche de l'audience et des divers moyens de la développer ne sont pas les seuls facteurs en jeu : d'autres sources de profit sont prospectées dont les bénéfices générés par la diffusion des spectacles par les médias.  Les auteurs dégagent trois modèles de financement selon que les subventions dominent (modèle européen) ou qu'il existe un équilibre frôlant la parité entre dons privés et billetterie (modèle américain) ou encore les systèmes combinant financements public et privé et billetterie (dit modèle mixte européen).  Encore que « les subventions publiques contribuent davantage au financement des maisons d'opéra en Europe que les donations aux États-Unis ».  D'autant qu'étant globalisées, elles offrent de ce fait un caractère de stabilité.  Reste que les différentes sources de financement sont problématiques : la croissance de la billetterie a ses limites, le niveau des subventions peut ne pas être maintenu, surtout en période de crise, les donations ou ressources du mécénat n'être pas extensives à l'infini.  Aussi la définition de stratégies économiques est-elle indispensable.  Quelles sont, dès lors, les perspectives d'évolution ?  Au-delà des constatations des bonnes pratiques, cette étude démontre que le poids des enjeux économiques pèse également sur la maison Opéra.  Son intérêt n'est-il pas de conduire ceux qui œuvrent dans le secteur à s'inspirer des expériences des uns et des autres pour tenter de résoudre la question cruciale de la maîtrise des coûts et d'établir le meilleur système de management ?  Et partant, d'apporter une réponse satisfaisante à cet autre paradoxe qui veut que l'art lyrique soit « le plus coûteux des arts vivants et celui qui s'adresse au public le plus étroit » et, dans le même temps, connaisse une vitalité qui ne se dément pas.

Gérard GUBISCH : Wozzeck ou l'opéra révélé.  Lecture musicale & dramaturgique de l'opéra d'Alban Berg.  Les Éditions de L'Île bleue, 2011.  16 x 23,5 cm, 295 p.  28 €.

Wozzeck est presque un modèle d'école.  Avec son souci de la forme poussé à l'extrême, une logique implacable présidant au découpage de son opéra, Alban Berg offre à l'analyste un idéal champ d'investigation.  Comme naguère Pierre-Jean Jouve et Michel Fano (Wozzeck ou le nouvel opéra, Plon, 1953), mais avec une volonté résolue d'ausculter chaque détail, Gérard Gubisch « explique » une œuvre à nulle autre pareille, « peut-être le plus beau rituel musical que le théâtre lyrique aura connu et connaîtra ».  N'a-t-on pas affaire assurément à un schéma dramatique quasi idéal que constituent les quinze étapes de l'inexorable parcours vers l'abîme du soldat Wozzeck, cet « archétype de tous les damnés de la terre ».  Après un synopsis musical et dramatique de ces quinze scènes, qui forme déjà à lui seul un résumé compréhensif, l'auteur se livre à une analyse musicale et dramaturgique minutieuse, mesure par mesure, phrase par phrase, vrai décodage de la « structure d'acier » imaginée par Berg à partir de la pièce de Büchner.  Il est peu d'exemples, hormis Pelléas et Mélisande, d'une telle adéquation entre un texte et une musique.  Et l'on se prend à saisir comment naît « la sensation étrange d'une musique en retour permanent sur elle-même » qui « traduit à un niveau suprême d'expressivité et de cohérence un état singulier d'enfermement qui fascine ».  Voilà peut-être le secret de cet opéra : son agencement formel complexe ne fait pas obstacle au choc émotionnel qu'il procure même pour le non initié.  Il a beau être éminemment organisé (autonomie dramaturgique de chaque acte, variété des formes musicales utilisées de l'un à l'autre), son pouvoir de fascination puise à d'autres ressorts.  Sans doute parce qu'il est traversé de thèmes récurrents qui lui donnent une couleur étrange et émaillé de raccourcis musico-dramatiques d'une formidable puissance évocatrice, tels que l'allusion, le sous-entendu, la phrase prémonitoire.  Ce travail scientifique « au scalpel » comme le décrit son auteur, reste d'une extrême clarté.  Outre le pur plaisir intellectuel du décryptage, il est de nature à renforcer l'indicible ébranlement que suscite chaque écoute de ce chef-d'œuvre.  L'ouvrage s'accompagne d'une explicitation de la symbolique des intervalles et d'une table des principaux motifs, d'une bibliographie et d'une discographie.

Bruno GINER : Survivre et mourir en musique dans les camps nazis.  Berg International éditeurs (www.berg-international.com), 2011.  15,5 x 24 cm, 190 p.  19 €.

« La musique fut placée délibérément au cœur de la barbarie et intégrée au système concentrationnaire comme un élément indispensable à son fonctionnement ».  Le compositeur Bruno Giner livre dans un ouvrage minutieusement documenté un tableau sans fard de ce qui a servi d'alibi à un régime réduit à l'infamie des camps d'extermination.  À travers la création de chorales, d'orchestres ou d'ensembles de jazz, la musique y avait plusieurs fonctions : celle d'embrigadement (l'obligation de chanter ou de jouer chaque matin afin de rythmer la marche des détenus partant travailler), d'expression de propagande (chaque camp a son hymne) mais aussi de distraction des membres de la Nomenklatura SS.  Comment ne pas la haïr alors ?  Au contraire, le fait non plus imposé mais spontanément exprimé de jouer de la musique apportait un réconfort moral aux déportés et prisonniers.  Nombre de chansons expriment la nostalgie, la résignation mais aussi l'espoir.  L'opérette de Ravensbrück, Le Verfügbar aux Enfers, écrite par Germaine Tillion en forme de revue pastiche d'Orphée aux enfers, se veut une satire grinçante de la vie quotidienne du camp où « l'humour caustique apparaît comme moyen de défense ».  Des musiciens ont composé dans les camps de prisonniers.  On pense à Messiaen et son Quatuor pour la fin du temps écrit au stalag de Görlitz.  Mais il y en eut bien d'autres : Jehan Alain, Maurice Thiriet, Émile Groué, Jean Martinon...  Jouissaient-ils d'une situation privilégiée ?  Certainement du point de vue matériel, encore que leur statut relativement protégé répondait, là encore, à un souci de propagande.  Le ghetto de Theresienstadt (Terezín) et son « administration des loisirs » seront la forme la plus sophistiquée d'une vitrine officielle cachant « une tragique ou cynique mascarade ».  De nombreuses œuvres seront aussi écrites pour dénoncer les camps d'internement, les exécutions et la 'Solution finale' : la Deutsche Symphonie de Hans Eisler, A survivor from Warsaw de Schoenberg, comme celles composées en hommage aux victimes de l'holocauste par Luigi Nono, Krzysztof Penderecki ou Steve Reich.  Tout au long de ces pages, l'horreur vous saute au visage car, quelles qu'aient été les vertus qu'on lui prêtât, « La musique n'a jamais rien empêché ».  Quelques portraits de musiciens et d'interprètes complètent ce troublant parcours.

Jean-Pierre Robert.

Éric de PUTTER : Bergers, guerriers et musiciens.  La musique dans la trifonctionnalité & la trifonctionnalité dans la Bible.  Collection « Pensée musicale » dirigée par J.-M. Bardez.  Delatour (infos@editions-delatour.com) : DLT1120.  254 p.  20 €.

É. de Putter dépasse largement les investigations sur le rôle des instruments de musique dans la Bible (cordes, trompettes…) et se réfère aux recherches de Georges Dumézil entreprises dès 1938.  Il aboutit à la conclusion que leur première fonction est tributaire du pouvoir religio-politique ; la seconde, de la défense ; la troisième, du grand nombre...  Le dénominateur commun de ce livre (au titre qui pourrait surprendre) est essentiellement l’instrument à cordes qui, selon l’auteur, représente un symbole récurrent.  Les utilisateurs en sont les bergers, guerriers et musiciens.  Ces investigations s’adressent non seulement aux musicologues et organologues, mais encore aux philosophes et anthropologues.  En effet, les sources exploitées par l’auteur dans sa démarche pluridisciplinaire se rattachent, d’une part, aux textes antiques : Philon d’Alexandrie, Théophile d’Antioche, Didime l’Aveugle, y compris les sources bibliques vétérotestamentaires (Genèse, Pentateuque, Livre de Samuel), l’espace indo-européen et la culture finno-ougrienne, d’autre part, à la pensée de réformateurs (Martin Luther, Jean Calvin) et théologiens - plus proche de nous : par exemple, Dietrich Bonhoeffer…  Cette forme de pensée est conditionnée par la double formation théologique et musicologique de l’auteur, qui lui permet de traiter ce thème complexe sur la trifonctionnalité dans la musique et dans la Bible.  Chacun, selon sa formation et ses affinités, saisira le sens parfois caché de la démarche de l’auteur.

Lettres de Franz Liszt à la princesse Marie de Hohenlohe-Schillingsfürst née de Sayn-Wittgenstein (présentées et annotées par Pauline Pocknell, Malou Haine & Nicolas Dufetel).  « MusicologieS », Vrin (www.vrin.fr), 2011.  434 p.  34 €.

Les faits sont bien connus : Franz Liszt (1811-1886), alors surtout compositeur, chef d’orchestre et professeur lié à la princesse Carolyne de Sayn-Wittgenstein, est installé à Weimar.  Il entretiendra une vaste correspondance avec sa fille, la princesse Marie (née en 1837).  Publiées pour la première fois en langue française, ces lettres, très explicites et révélatrices, plongent les lecteurs dans le grand monde d’alors.  Car la jeune princesse est mariée avec le prince Constantin de Hohenlohe-Schillingsfürts qui évolue dans le sillage de l’empereur François-Joseph.  D’une lettre à l’autre, c’est tout le gotha européen qui défile, avec ses artistes, ses personnalités influentes, ses intellectuels éminents…  Les lecteurs trouveront un tableau parfois inattendu de la vie musicale, avec des aspects neufs, permettant de suivre la carrière de Liszt, ses déplacements et les réactions de la princesse.  Une mine de renseignements présentés avec soin et annotés en connaissance de cause par les soins attentifs de Pauline Pocknell, Malou Haine et Nicolas Dufetel, et paraissant dans le cadre du Bicentenaire de la naissance de Liszt.

Figures du Protestantisme en BD.  Éditions du Signe (info@editionsdusigne.fr), 334 p.  22 €.

Évidemment, Jean-Sébastien Bach figure en toute première place parmi les grands noms du protestantisme, à côté des réformateurs : M. Luther qui a remis la pratique musicale individuelle et collective à l’honneur et les chants dans la langue du peuple (comme le préconisent J. Calvin et M. Bucer, ou encore Pierre et Marie Durand qui, enfermés par le roi à la Tour de Constance, chantaient des psaumes.  Plus proches de nous : Albert Schweitzer.  À noter également la présence de John Wesley (1703-1797) qui a tant prôné le chant d’assemblée.  Ce livre est le résultat de l’inventivité, de connaissances historiques de nombreux auteurs, avec des récits véridiques et des illustrations pertinentes.  Tout le mérite en revient aux narrateurs, dessinateurs et coloristes qui n’ont pas ménagé leur effort pour évoquer les motivations de 10 personnalités allant de Martin Luther à Martin Luther-King.  Très instructif, à lire avec curiosité et intérêt, pour mieux saisir l’histoire des sensibilités religieuses du XVIe siècle à nos jours.

Édith Weber.

Antoine de CAUNES : Dictionnaire amoureux du rock.  Plon.  736 p.  23,90 €.

Dans la belle collection des « Dictionnaires amoureux », un volume fervent, sincère, totalement subjectif, bourré d’anecdotes personnelles (voir par exemple les négociations mafieuses avec James Brown pour un show télé !) et surtout, à pisser de rire, dans lequel le virevoltant A. de Caunes, acteur, cinéaste, homme de média, partage avec nous sa passion du rock, du vrai : Ramones, pas Pink Floyd.  Quel pied !

Jim de ROGATIS et alii : Le Velvet Underground.  L’histoire illustrée de A Walk On The Wild Side.  Trad. C. Séruzier.  Hugo&Cie (www.hugoetcie.fr).  194 p., ill. n&b et couleurs, discographie, index.  28 €.

Bel album à l’abondante iconographie sur le fameux groupe new-yorkais, né de la rencontre du prolifique songwriter Lou Reed et de l’altiste cagien John Cale.  Propulsé par Andy Warhol en 66 (fameuse pochette à la banane), le Velvet a créé sur 4 ans et autant d’albums des chansons noires, vénéneuses, minimalistes, mêlant « chaos, sexe et poésie urbaine » qui ont marqué définitivement l’histoire du rock, indiquant aux acteurs du punk, de la New Wave et de tout ce qui s’ensuit, la voie des libertés alternatives.

Vincent COTRO et alii : John Coltrane.  L’œuvre et son empreinte.  « Contrepoints », Outre Mesure.  216 p., ex. mus., index, bibliographie.  23 €.

Comme le postface Laurent Cugny, la stature posthume du saxophoniste de jazz John Coltrane (1926-1967) ne cesse de grandir.  Il est partout : « Au-dessus, comme nous le ressentons tous. Ailleurs, toujours. Et tout près bien sûr ».  Les éditions Outre Mesure nous ont déjà gratifiés de la biographie de référence signée Lewis Porter.  Une dizaine de contributions pour un colloque (Tours, 2007) multiplient ici les points de vue sur une œuvre d’une richesse inépuisable.  De l’analyse de structures intervalliques (L. Florin) à la mise en évidence des influences indienne (C. Clementz) ou espagnole (E. Parent et G. Tosser), du témoignage de Dave Liebman aux approches poétique (C. Raynaud) et psychanalytique (B. Lauer), tout est passionnant et vibre d’un bel amour pour une musique à l’intensité unique.

John Coltrane

Paul Gontcharoff.

Frans C. LEMAIRE : La Passion dans l’histoire de la musique.  Du drame chrétien au drame juif.  Fayard.  15 x 23,5 cm, 564 p., tableaux.  29 €.

Que de chefs-d’œuvre musicaux n’auront-ils pas, au fil des siècles, illustré ou commenté la Semaine sainte – Sept Paroles du Christ de Schütz, Passions de Bach ou de Telemann, Messie de Haendel, Christ au mont des Oliviers de Beethoven, Parsifal de Wagner, sans préjudice d’innombrables autres partitions - de Gounod, Penderecki, Murail…  Drame chrétien certes, mais non moins drame du peuple juif, si longtemps accusé de déicide.  Divers éclairages sont apportés : la Passion selon les textes, dans la liturgie, à la Renaissance & à l’âge baroque (catholique ou luthérienne), revue par Beethoven ou Wagner, après Auschwitz, au théâtre, au cinéma, etc.

Marc BELISSA : Haendel en son temps.  Ellipses (www.editions-ellipses.fr).  16 x 24 cm, 432 p., cahier d’ill. n&b et couleurs.  24 €.

Pareille biographie de ce « tonneau de porc et de bière » (comme l’écrivit Berlioz dans ses Mémoires) était-elle bien nécessaire ?  Certes oui, pour un compositeur trop longtemps méconnu en France, mais à qui est désormais rendu pleine justice.  Il ne s’agit pas là d’un ouvrage d’érudition, armé d’un pesant apparat universitaire, mais d’une synthèse historique de la très riche bibliographie anglo-saxonne dédiée à « Georg Friederich Händel » (comme il fut inscrit sur son acte de baptême, à Halle, le 24 février 1685).  Biographie structurée comme suit : Ouverture (Portrait avec & sans perruque), Acte I (De Halle à Rome en passant par Hambourg, 1685-1709), Premier entracte (Politique, culture, musique & société : l’Angleterre de 1603 à 1737), Acte II (Haendel l’Anglais ou l’acclimatation de l’opéra seria à Londres, 1710-1736), Deuxième entracte (Politique, culture, musique & société : l’Angleterre de 1637 à 1759), Acte III (De l’opéra à l’oratorio, 1737-1759), Épilogue (La postérité de Haendel : icône britannique ou figure du cosmopolitisme musical ?).

Haendel en son temps

Gérard STRELETSKI (Textes recueillis, présentés & publiés par) : Duo violon-piano.  Mémoire et présence d’un genre.  Actes de la Journée d’études (Lyon, 4 avril 2007).  « Études », Université Lumière Lyon 2 (tél. : 04 78 69 71 37.  aurelia.puaux@univ-lyon2.fr).  16,5 x 24,5 cm, 258 p., photos, ex. mus.  25 €.

Associée au « 4e Concours international de musique de chambre de Lyon », cette Journée  permit d’entendre - suite à l’avant-propos de Gérard Streletski – six communications : La Sonate pour violon & piano, la question des origines (Frédéric Gonin) / L’Opus 7, n°1 et 3 pour violon & piano d’Anton Webern, l’adieu au pays tonal (Denis Le Touzé) / Lucien Durosoir, l’histoire au présent (Gérard Streletski) / Sonate pour violon & piano, « Le lis » de Lucien Durosoir, les fondements pluriels d’un langage singulier (Isabelle Bretaudeau) / L’œuvre pour violon & piano de Georges Enesco (Anne Penesco) / Olivier Greif [1950-2000], les œuvres pour violon & piano, La Rencontre des eaux (Brigitte François-Sappey).  Textes assortis de sources, index, bibliographie, discographie, etc.  Première monographie sur le sujet.  De référence !

Edmond MICHOTTE (1831-1914) : La visite de Wagner à Rossini.  Préface de Xavier Lacavalerie.  Actes Sud (www.actes-sud.fr).  10 x 19 cm, 112 p., 15 €.

Paru en 1906, cet opuscule relate la visite rendue à Paris - quelque 50 ans auparavant, en présence de l’auteur – par le tout jeune Wagner à l’illustre Rossini.  Où les deux hommes se lancèrent dans une passionnante disputatio autour de la réforme de l’opéra et de la conception wagnérienne de la « musique de l’avenir ».  L’ouvrage comporte aussi une lettre d’Edmond Michotte au compositeur François-Auguste Gevaert (1828-1908).

Henri GONNARD : Introduction à la musique tonale.  Perspectives théoriques, méthodologiques & analytiques.  « Unichamp-Essentiel », Honoré Champion (www.honorechampion.com).  13 x 21 cm, 170 p., tableaux, ex. mus.  15,50 €.

Déjà auteur, chez Champion, de La musique modale en France de Berlioz à Debussy, Henri Gonnard met, cette fois, en perspective « la musique tonale », depuis l’harmonia perfetta de Zarlino jusqu’à Messiaen et au-delà.  Envisageant successivement : La tonalité et ses modèles, de la linguistique structurale à la systémique / La situation consonantique des intervalles harmoniques / La théorie ramiste et ses antécédents / Le mode mineur / Chiffrage et fonctions tonales / Implications de la tonalité à l’époque classique / Consonance & dissonance, détente & tension, stabilité & instabilité / Aperçu des rapports de Schenker et Schoenberg / Au-delà.  Ouvrage synthétique et… d’une lecture relativement aisée.

Esther HEBOYAN, Françoise HEITZ, Patrick LOUGUET & Patrick VIENNE (Études réunies par) : Le son au cinéma.  « Lettres & civilisations étrangères, série Cinémas », Artois Presses Université (www.univ-artois.fr).  16 x 24 cm, 316 p., 24 €.

Dans ce foisonnant recueil de 21 articles, fruit du colloque « Le son au cinéma » organisé à Arras en novembre 2008, est fait le point sur les diverses utilisations du son au cinéma - par de célèbres cinéastes : Ch. Chaplin, Fr. Lang, J. von Sternberg, R. Bresson, St. Kubrick… mais aussi des auteurs plus confidentiels : A. Serra, J.-M. Straub, D. Huillet, M. de Oliveira, R. Ruiz…  Les aires géographiques ne sont pas moins variées : monde anglo-saxon, France, Espagne, Allemagne, aussi bien que Canada, Cuba ou Danemark…  Même si le propos est d’abord esthétique, la technique est présente grâce à un passionnant entretien avec Riccardo Giagni, sound designer de Marco Bellocchio.  Cinq parties : Du son direct à la post-production / Parcours conceptuels / Territoires sonores / Mémoires sonores / Entre silence et vacarme.

Benjamin MARTINEZ : Créer ses partitions avec « Finale ».  Composer, arranger, éditer.  Eyrolles (www.editions-eyrolles.com).  19 x 26 cm, 336 p., tableaux couleurs, ex. mus.  36 €.

Conçu pour Finale 2010 et 2011, ce gros manuel vise à accompagner tous musiciens, quel que soit leur niveau, dans leur utilisation du fameux logiciel - pour notamment la conception, l’édition & l’impression de partitions destinées à n’importe quel instrument ou n’importe quelle formation (orchestre, big band, quatuor à cordes, duos chant & piano, etc.).  Le tout assorti de mille astuces pour simplifier les procédures.  Utile glossaire.  Site d’accompagnement du livre : www.benjaminmartinez.com/finale

Créer ses partitions avec Finale

Didier ANTOINE : Georges Brassens.  De la pudeur… Sacrebleu !  Préface de Jean-Paul Sermonte.  Éditions du Cygne (www.editionsducygne.com).  14 x 21 cm, 130 p.  13 €.

Le flot des publications sur Brassens ne semble décidément pas près de se tarir.  Nous conviant à une promenade « auprès de son arbre », Didier Antoine nous émeut par la sincérité de son admiration – nullement conjoncturelle… – pour celui qui écrivit : « On se dissimule par pudeur derrière ce qu’on dit.  Je suis tout entier dans mes chansons.  Montré et caché… ».  Où le biographe met en lumière la modestie du grand Georges, mais aussi son humour et sa seule arme, l’ironie, aussi bien que son exigence morale laïque.  Index des chansons citées, discographie, bibliographie.  Remarquable !

Christine GUILLEBAUD, Victor A. STOICHITA & Julien MALLET (Dossier coordonné par) : La musique n’a pas d’auteur.  Revue Gradhiva, n°12 (http://gradhiva.revues.org/1784).  Éditions du musée du quai Branly.  Diff. Flammarion.  240 p., 93 ill. n&b & couleurs.  20 €.

Publié par Gradhiva, superbe revue d’anthropologie & d’histoire des arts, voici un ensemble d’études constituant des « ethnographies du copyright musical », propriété intellectuelle dont le caractère international trouve encore, hélas ! ses limites.  Où, à partir d’analyses, sont interrogées les notions clés liées au droit d’auteur et à la création.  Où sont mis en lumière les différents statuts économiques - depuis la totale gratuité jusqu’à la plus systématique marchandisation.  Avec la participation de, notamment : Antoine Hennion (« Soli Deo Gloria, Bach était-il un compositeur ? »), Guillaume Kosmicki (« Musique techno, mix, sample »), Laurent Aubert (« Woodstock en Amazonie & la superstar du ghetto de Kingston »)…  Plus contributions hors dossier.

Couverture du numéro 2010-12

Michel SERRES : Musique.  Le Pommier (www.editions-lepommier.fr).  Diff. Belin.  13,5 x 20 cm, 168 p.  17 €.

Où le célèbre essayiste, membre de l’Académie française, professeur à Stanford University, se fait musicien pour nous offrir une philosophie de la musique incarnant, selon lui, le vrai langage du Monde et des vivants.  En trois contes : Bruits, aspects légendaires autour du mythe d’Orphée : « Décrire d’abord le fleuve musical qui traverse la vie d’un compositeur » / Voix, aspects autobiographiques & scientifiques : « Avouer ensuite quelle Musique ma vie rêva et me jeta sur les rives discursives de ce livre » / Verbe, naissance & louange : « Jailli de la Genèse, un fleuve musical, modelant et produisant le temps, descend les siècles, torrentiellement ».  D’une lecture agréable, souvent enthousiasmante.

Jean-François LECLERCQ (Photographies de) : Myung-Whun Chung, sculpteur de sons.  Préface : Pierre Bergé.  Avant-propos : Jean-Luc Hées.  Présentation : Pascale Lismonde.  La Martinière (www.editionsdelamartiniere.fr).  Fort album relié sous jaquette, 28 x 28 cm, 160 p.

Dédié à l’un des plus grands chefs de notre temps, ce somptueux album de 100 photographies noir & blanc, signées Jean-François Leclercq (lequel aura suivi Myung-Whun Chung dans la plupart de ses déplacements en France & en Asie), est essentiellement centré sur le regard, les mains et la gestuelle du maestro.  Homme dont l’humilité n’exclut pas la plus rare intransigeance – comme peuvent en témoigner les musiciens de l’Orchestre philharmonique de Radio France, phalange qu’il dirige depuis bientôt dix ans.  Quel bonheur de feuilleter pareil ouvrage !

Maxime LE FORESTIER : Né quelque part.  Préface de Sophie Delassein.  Don Quichotte (www.donquichotte-editions.com).  14 x 22,5 cm, 342 p., album de photos n&b et couleurs.  19 €.

Pour ceux qui gardent nostalgie de San Francisco et de sa mythique « maison bleue », voire d’autres « tubes » tels que Comme un arbre ou Né quelque part (manière d’hymne anti-racisme), il sera émouvant de parcourir cet ouvrage, dans lequel le chanteur-guitariste dessine son autoportrait - avec sensibilité, mais sans complaisance.  Bibliographie, discographie.

Alain CASABONA : Le dernier lion de Castelnau, roman.  Calmann-Lévy.  14 x 21 cm, 146 p.  14,50 €.

Les lecteurs qui auront apprécié Histoires à dormir Dubout (Prix Alphonse-Allais), Le Grenier aux merveilles ou L’éventail de Saturne ne manqueront pas de se laisser derechef émerveiller par ce nouvel opus d’Alain Casabona.  Récit mettant en scène le pianiste et compositeur Sigi, retiré dans sa thébaïde héraultaise pour mettre la dernière main à l’opéra Orphée.  Récit onirique où il est parfois malaisé de faire le départ entre rêve et réalité - le héros mêlant au présent ses souvenirs d’enfance à N’Djamena (Fort-Lamy) où le garçonnet avait été, en quelque sorte, adopté par une lionne de l’Atlas.  Lionne vieillie qu’il retrouve aujourd’hui à Castelnau, et qui le conduira dans une sorte d’immense caverne, cathédrale des abîmes, antre couvert de fresques relatant d’Orphée la descente aux Enfers…  Découverte également d’un manuscrit où sera révélée la suite du mythe…  Un conte dont on ne peut guère se déprendre.  Fascinant !

Robert SCHNEIDER : La révélation, roman.  Traduit de l’allemand par Brigitte Déchin.  Fayard.  15,5 x 23,5 cm, 310 p., 22,50 €.

Cette révélation est celle d’une partition autographe de Jean-Sébastien Bach découverte sous les lattes du plancher de l’orgue de l’église Saint-Wenceslas, à Naumburg, petite ville de l’ex-Allemagne de l’Est.  Manuscrit découvert par Jakob Kemper, organiste titulaire de l’instrument, dont la vie sera, dès lors, totalement bouleversée.  Épisodes rocambolesques, suite à l’intervention d’un quarteron de musicologues venus expertiser l’orgue…  Outre ses rares qualités de plume, Robert Schneider (déjà couronné en France par le prix Médicis étranger, 1994) est, à l’évidence, un fin musicien, aux rares connaissances musicologiques.  Excellemment traduit, un roman qui passionnera tous les mélomanes.

Se parant des plumes de la musicologie, tel personnage s’autoriserait, nous dit-on, à mettre en doute notre exécration du nazisme et de ses suppôts - d’hier ou d’aujourd’hui.  Au prétexte que nous aurions recensé tel ou tel ouvrage concernant Céline ou Rebatet (voir notre Lettre n°49)…  Refusant, à dessein, de faire le départ entre errements politiques & qualités musicales ou littéraires…  Quelle tristesse !

Francis Cousté.

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Réforme & Contre-Réforme.  8 CDs Ricercar (stephanie@outhere.com) : RIC 101.  TT : 10h30.

Ce coffret de 8 disques se rattache à deux mouvements d’idées et à deux sensibilités religieuses ayant agité la Chrétienté aux XVIe et XVIIe siècles.  Tout d’abord : la Réforme, représentée en Allemagne par Martin Luther (1486-1543), en Alsace, en France et en Suisse par Jean Calvin (1509-1564)… et, en Angleterre, par l’archevêque Thomas Cranmer (1489-1556).  Cette remise en cause est illustrée musicalement par le Psautier huguenot (Genève, 1562), les nombreux recueils de chorals luthériens, les Psalters anglicans, sans oublier le répertoire calviniste aux Pays-Bas.  L’hymnologie en langue française sera freinée par les circonstances historiques alors que, dans l’Allemagne luthérienne, le Choral occupe depuis 1523 une place considérable et évoluera bien plus favorablement que le Psaume français : depuis H. Schütz, J. H. Schein, S. Scheidt, D. Buxtehude… jusqu’aux ancêtres de J. S. Bach ; il aboutira aussi à des formes plus élaborées telles que les Concerts spirituels, Cantates, Oratorios et Passions.  Dans l’Angleterre de Cromwell à la Restauration, de nombreux musiciens tels que J. Taverner, Th. Tallis, W. Byrd composent des œuvres latines et anglaises.  La production de la Contre-Réforme en Italie est illustrée par G. P. da Palestrina, A. Willaert, G. Gabrieli, Th. L. da Vittoria, V. Rufo dans la mouvance du Concile de Trente (1562-1565), suivis par des œuvres plus développées (Miserere, Messes, Oratorios bibliques…) de G. Allegri, G. Frescobaldi, Cl. Monteverdi, D. Scarlatti…  Cette passionnante anthologie illustrant l’évolution de la musique religieuse d’inspiration protestante et catholique, de la Réforme à l’époque baroque, a sa place incontournable dans toute discothèque de musique religieuse.

 

 

Georg Philipp TELEMANN : Der Tod Jesu.  Rondeau (mail@rondeau.de) : ROP 6038.  TT : 76’45.

Cet oratorio de G. Ph. Telemann - comme celui contemporain de Carl Heinrich Graun - relate l’histoire de la Passion, des souffrances et de La Mort de Jésus dans une perspective assez subjective.  Il a été composé à Hambourg, en 1755, pour 4 solistes vocaux et un ensemble instrumental.  Gotthold Schwarz, chef et basse, met particulièrement en relief le texte du philosophe et poète Carl Wilhelm Ramler.  Dès les premières mesures, les sonorités si prenantes des cors et des hautbois du Bach Consort Leipzig plongent les auditeurs dans une atmosphère méditative.  Le choral : Du, dessen Augen flossen reprend la mélodie du choral bien connu : Wenn ich einmal soll scheiden ou encore O Haupt voll Blut und Wunden (cf. Passions), puis récits et airs alternent, entrecoupés par des chorals qui commentent l’action : un total de 26 numéros, pour plus d’une heure et quart de musique, pendant laquelle l’attention des auditeurs est constamment tenue en éveil et leur permet de revivre de l’intérieur la Passion du Christ.

 

 

Ullrich BÖHME : Die Achtzehn Leipziger Choräle.  2CDs Rondeau (mail@rondeau.de) : ROP 6050/51.  TT : 52’46 ; 43’48.

Ullrich Böhme, titulaire du poste si prestigieux de l’orgue de l’église Saint-Thomas à Leipzig au si riche passé historique, propose - en deux CDs remarquablement bien présentés et enregistrés - les 18 Chorals de Leipzig (BWV 651-668), mis au point et recopiés vers la fin de sa vie par J. S. Bach.  Il s’agit d’un véritable testament musical dont les débuts se situent à l’époque de Weimar où, lors des cultes, les chorals devaient servir de préludes avant le chant des fidèles.  Certaines des pièces regroupées proviennent de motets et de cantates, et concernent les temps de l’Avent, de la Passion, de Pentecôte ; d’autres expriment la reconnaissance et la confiance.  L’excellent enregistrement à l’orgue de l’église Saint-Thomas se termine de façon émouvante par les chorals : Wenn wir in höchsten Nöten seien (Quand nous sommes dans la plus grande détresse), BWV 432, dicté à son gendre Altnikol par Bach peu avant sa mort, et Vor deinen Thron tret ich hiermit (Devant ton trône je vais comparaître), BWV 668, peut-être ajouté au recueil par une main anonyme.  À ne pas manquer.

 

 

Antonín DVOŘÁK : Biblische Lieder, op. 99.  Josef KLIČKA : Sonate für Orgel fis-Moll.  Rondeau (mail@rondeau.de) : ROP 6044.  TT : 64’06.

Ce disque associe, d’une part, les noms de deux compositeurs tchèques : Antonín Dvořák (1841-1904) et Josef Klička (1855-1937) et, d’autre part, un choix de pièces vocales religieuses pour chant et orgue et une Sonate pour orgue en fa# mineur.  Susanne Rohn - lauréate de concours internationaux, organiste et cantor - accompagne avec sensibilité et équilibre Klaus Mertens, baryton-basse, spécialiste de l’oratorio baroque, qui a une imposante discographie à son actif.  Sa voix à la fois profonde et saisissante lui permet de traduire musicalement les divers états d’âme et nuances de ces 10 Psaumes tchèques (une traduction allemande reposant sur celle de Martin Luther est jointe au livret).  Les versets extraits des Psaumes 55 et 61 (nos 3 et 6) se présentent comme une intense prière, contrastant avec des pages plus lyriques (nos 1 et 7).  L’ensemble se termine aux accents plus entraînants du Psaume 98 : Chantez au Seigneur un cantique nouveau ! (n°10).  Excellente réalisation.  L’orgue Sauer (à traction pneumatique) de Bad Homburg (Erlöser Kirche), restauré en 1993, à 4 claviers et pédale, convient parfaitement pour restituer la Sonate (1917) de Josef Klička, fidèle à la tradition tchèque dans le sillage de B. Smetana, dont Susanne Rohn tire le meilleur parti.  Excellente réalisation à découvrir.

 

 

Franz LISZT : Via Crucis.  Hortus (editionshortus@wanadoo.fr) : 902.  TT : 71’05.

Dans le cadre du Bicentenaire de la naissance de Franz Liszt (1811-1886), Didier Maes - à la tête des Éditions Hortus fondées en 1994 - a eu raison de rééditer la Via Crucis qui, la même année, avait obtenu le Grand Prix international du disque décerné par la Société Liszt à Budapest.  Il s’agissait de son tout premier disque, déjà si prometteur.  L’enregistrement a été réalisé en Lettonie par le Chœur Sacrum, sous la direction avisée d’Andris Veismanis, avec la participation très appréciée de Vincent Genvrin à l’orgue Walcker de la cathédrale de Riga.  Après de nombreux remaniements, l’œuvre a finalement été datée de 1879, mais créée seulement en 1929, à Budapest, pour le Vendredi Saint.  Il ne s’agit ni d’une Passion, ni d’un oratorio, mais d’une évocation des 14 Stations du Chemin de Croix, écrite pour soprano, alto, ténor et basse solos, chœur mixte et l’orgue très sollicité pour introduire les stations.  Liszt procède à de nombreux emprunts : chant grégorien (O Crux, Ave ; Stabat Mater ; Vexilla regis), chorals luhériens (O Haupt voll Blut und Wunden, largement exploité par J. S. Bach, ou encore O Traurigkeit, o Herzeleid).  Réédition vraiment à l’honneur des Éditions Hortus.

 

 

Charles-Marie WIDOR : Intégrale des Symphonies pour orgue.  6CDs XXI : CD 2-1720.

Cinq organistes ont été nécessaires pour rendre compte des 10 Symphonies de Charles-Marie Widor (1844-1937), dont la IXe et la Xe sont respectivement sous-titrées gothique (op. 70) et romane (op. 71) ; les autres appartiennent aux opus 13 et 42.  Successeur de L.-J.-A. Lefébure-Wély et de C. Frank, il a été le professeur de L. Vierne, Ch. Tournemire et M. Dupré…  Ses œuvres sont pensées pour l’orgue symphonique prôné par Aristide Cavaillé-Coll ; toutefois, elles ont été enregistrées au Québec, aux orgues Casavant, par exemple à la cathédrale Saint-Germain de Rimouski, à l’église Saint-Roch (Québec), à Saint-Jean-Baptiste (Montréal)…  Ses premières Symphonies sont assez proches de l’esthétique française ; en revanche, les deux dernières s’inspirent du chant grégorien.  Elles comprennent de 4 à 7 mouvements contrastés.  Les interprétations des organistes J.-G. Proulx, G. Rioux, B. Waterhouse, J. Rochette et J. Boucher reflètent la diversité stylistique et une image bien plus complète que celle de la célèbre Toccata (souvent galvaudée) concluant sa Ve Symphonie…  Ils font (re-)découvrir sa Suite latine, op. 86 et Trois nouvelles pièces, op. 87.  Une réussite organistique québécoise, tant pour la facture des Frères Casavant dans les années 1920, que pour cette Intégrale.

 

 

Henryk GÓRECKI : Totus Tuus.  Chœur de chambre Versija.  Jade (jade@milanmusic.fr) : 699 730-2.  TT : 66’.

Ce disque reparaît à l’occasion de la béatification du pape Jean-Paul II, à Rome, le 1er mai 2011.  Le titre « Totus Tuus » (Tout à Toi) désigne à la fois sa devise et l’œuvre éponyme de Henryk Górecki, né en 1932.  Il regroupe des pièces chorales du XXe siècle particulièrement attachantes et expressives, et fait découvrir des œuvres de compositeurs polonais, lituanien, letton et russe du XXe siècle, nés entre 1932 et 1946 : Henryk Gorecki - déjà cité -, Wojciech Kilar (Agnus Dei), Alfred Schnittke (Répons), Peteris Vasks (Dona nobis pacem), Arvo Pärt (7 Répons au Magnificat), Imant Ramins (Ave verum corpus).  À côté de cette jeune génération, figure encore Mikalojus Konstantinas Ciurlionis (1875-1911), représenté par un Kyrie et un Sanctus.  L’intérêt de cette réalisation est quadruple : événementiel et commémoratif, artistique (interprétation vocale hors-pair) et historique (découverte de musiciens de l’Est), cette réalisation est de nature à satisfaire les mélomanes curieux.

 

 

Domine Deus.  Chormusik des 20. Und 21. Jahrhunderts.  Rondeau (mail@rondeau.de) : ROP 6039.  TT : 61’52.

Ce CD est placé sous le signe de la méditation, de la louange et de l’expression de la foi.  Le chœur de chambre I Vocalisti se joue de tous les traquenards techniques et ne ménage pas ses efforts pour rendre l’intensité expressive de la Missa Rigensis d’Ugis Praulins (°1957), créée par le Chœur de garçons de Riga en 2002.  L’intensité dramatique et émotionnelle est à son comble avec le motet de Rudolf Mauersberger (1889-1971) : Wie liegt die Stadt so wüst (1945), illustration de la terrible destruction de Dresde à la fin de la Seconde Guerre mondiale.  Tout aussi intense et suppliant est : Eli, Eli (1928) de György Deak-Bardos (1905-1991), à découvrir, de même que le poignant De Profundis (1981) de József Karai (°1927).  Après la longue prière O Herr, mache mich zum Werkzeug deines Friedens, op. 37, n°1 (1946) de Kurt Hessenberg (1908-1994), le Notre Père (1999) du compositeur serbe Aleksandar S. Vujić (°1945), pose un point d’orgue exceptionnel sur cette musique bien de notre temps par ses techniques compositionnelles, et éternelle par l’impact de son message.

 

 

Jauchzet dem Herren.  Les Psaumes de David au XVIIe siècle en Allemagne du Nord.  Alpha (stephanie@outhere.com) : 179TT : 68’22.

Au XVIIe siècle, en France, l’esthétique de l’Air de cour tend à s’imposer ; en Allemagne - après l’incroyable essor des Chorals luthériens -, le Concert spirituel est très prisé.  C’est le cas de ce CD qui - sous un titre un peu inattendu : Poussez vers Dieu des cris de joie - permet de découvrir des Psaumes luthériens pour voix soliste avec accompagnement instrumental, et des musiciens peu connus tels que Julius Johann Weiland (ca 1605-1663), Johann Philipp Förtsch (1652-1732), Johann Sommer, ainsi que retrouver quelques grands noms de la musique protestante : N. Bruhns (1665-1697), Chr. Bernhard (1628-1692), l’élève de H. Schütz (1585-1672), et D. Buxtehude (ca 1637-1707), le célèbre Cantor et organiste à l’église Sainte-Marie de Lübeck.  La première partie concerne l’exultation et la joie ; la seconde repose sur le De profundis (Aus der Tiefe rufe ich, Herr, zu dir), dans les versions de J. P. Förtsch et Chr. Bernhard, à titre comparatif.  Cette intéressante réalisation du chanteur Hans Jörg Mammel, avec, en plus, le Cantique de Siméon/Mit Fried und Freud ich fahr dahin, comprend également quelques pièces instrumentales bien enlevées par l’Ensemble La Fenice sous la direction de Jean Tubéry.

 

 

Reto Reichenbach, piano : Mendelssohn, Bach/Busoni, Liszt, Messiaen.  VDE-Gallo (info@vdegallo.ch) : 1337.  TT : 66’.

Ce récital d’œuvres de piano va de F. Mendelssohn à O. Messiaen, en passant par l’arrangement par F. Busoni des 3 Préludes de choral pour orgue de J. S. Bach : Komm, Gott Schöpfer, Heiliger Geist (pour Pentecôte) ; Nun komm der Heiden Heiland (pour l’Avent) et le choral bien connu : In dir ist Freude, ainsi que de la Chaconne de la 2e Partita en ré mineur pour violon solo, BWV 1004.  J. S. Bach est encore représenté par les Variations sur le thème « Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen », BWV 12, dans la version très développée de Fr. Liszt.  Enfin, la musique française est représentée par 4 extraits des Vingt Regards sur l’Enfant Jésus d’Olivier Messiaen.  R. Reichenbach, jeune pianiste suisse très prometteur, lauréat de concours internationaux, a intitulé cette réalisation : Entre ciel et terre.  Elle associe musique luthérienne et musique catholique.  L’excellent interprète réussit à conférer à ces pages d’atmosphères si diverses les coloris et sonorités appropriés, permettant dans une certaine mesure de réconcilier les puristes avec la pratique des transcriptions.  Réalisation originale accompagnée d’un texte trilingue de présentation.

 

 

La Règle de Saint Benoît.  Jade (jade@milanmusic.fr) : 699 732-2.  TT : 69’29.

Vers 529, Benoît de Nurcie a fondé une communauté au Mont Cassin et élaboré cette règle pour guider ses moines dans la vie spirituelle.  Par la suite, de nombreux monastères en Occident ont accepté la règle qui a joué un rôle considérable dans la société.  Parmi les points importants, figurent : une constitution écrite indispensable, une loi pour contrôler l’autorité et l’élection du responsable par ses frères.  Quatre idées prédominent : la prière, le travail, le silence et l’accueil de tous.  Cet enregistrement, qui a remporté le Grand Prix international de l’Académie Charles Cros, reproduit la traduction de Dom Marc-François Lacan, très proche de l’original.  La règle, énoncée par la voix si convaincante de Michael Lonsdale, est présentée en 23 plages de longueur inégale, jalonnées par les ponctuations grégoriennes des moines de Ganagobie.  Les conditions de vie exemplaires sont groupées autour de 7 centres de gravité : Prologue ; Famille monastique ; Vertu monastique ; Prière et pénitence ; Discipline ; Administration, pauvreté et travail ; recrutement et esprit de la vie cénobitique.  Les musicologues seront intéressés par les renseignements sur la psalmodie et la récitation ; les lecteurs, par les impératifs : silence, prière, ordre ; sagesse, humilité, obéissance, « bon zèle »… ou encore les différents rôles (l’abbé, le prieur) et la formation des frères.  Fruit de la solide expérience de saint Benoît - encore valable quinze siècles après sa mort -, son guide de vie illustre fidèlement la tradition monastique.

 

 

Dietrich BUXTEHUDE : Membra Jesu nostri.  Raum Klang (info@raumklang.de) : RK 2043.  TT : 64’01.

Sous le titre : Membra Jesu nostri se cache non pas une Passion, mais un cycle de 7 cantates composé par Dietrich Buxtehude (ca 1637-1707) au sommet de sa carrière, en 1680.  Il s’agit d’un genre de méditation - à la manière de saint Bernard de Clairvaux - sur les souffrances du Christ, ou encore d’une oraison en vers s’adressant à chacun des « membres » du Christ : Ad Pedes (aux pieds), Ad Genua (aux genoux), Ad Manus (aux mains), Ad Latus (au côté), Ad Pectus (à la poitrine), Ad Cor (au cœur) et Ad Faciem (à la face).  Le texte repose sur la Bible latine, dans la version de Lukas Osiander, bien connue des fidèles.  Chaque Aria est séparée par une ritournelle instrumentale, proche de la forme de la Cantate concertante.  La Lautten Compagney (fondée en 1984 par Wolfgang Katschner, son chef actuel), à laquelle sont associés deux luthistes, collabore avec la Capella Angelica (fondée en 2002).  Les instruments historiques et les voix, toujours à l’affût du timbre idéal, se sont spécialisés dans les œuvres des XVIIe et XVIIIe siècles, allant de H. Schütz à G. Fr. Haendel.  La pochette et les textes quadrilingues (latin, allemand, anglais, français) permettront aux discophiles de revivre intensément le récit de la Passion.  Cet enregistrement se termine sur le choral si expressif : Herr, wenn ich nur dich habe (d’après le psaume 73, versets 5-6).  Au-delà de la peine et de l’affliction provoquées par les souffrances du Christ, le sentiment émanant de l’ensemble est une impression de vraie prière et de ferveur mystiques.

 

 

Dietrich BUXTEHUDE : Dein edles Herz, der Liebe Thron.  Carus (info@carus-verlag.com) : 83.193.  TT : 75’01.

La Capella Angelica et la Lautten Compagney Berlin - dans laquelle les luths jouent un rôle important -, dirigées par Wolfgang Katschner, interprètent, sous le titre : Dein edles Herz, der Liebe Thron, 7 œuvres (dont 3 en premier enregistrement mondial) de Dietrich Buxtehude (ca 1637-1707), depuis 1668 organiste de l’église Ste-Marie (Marienkirche) à Lubeck.  Pour les célèbres Abendmusiken, il a composé de nombreuses Cantates.  Dans la seconde cantate : Wo soll ich fliehen hin (BuxWV112), il exploite non seulement des versets bibliques mais également deux chorals et une aria ; elle est conçue dans l’optique piétiste, sous la forme d’un dialogue entre l’âme et le Christ.  La cantate (pour chœur et instruments) qui a donné son titre : Dein edles Herz, der Liebe Thron (BuxWV14), sur la traduction allemande de Johann Rist, concerne la Passion du Christ, et s’impose par sa douceur.  La cantate-choral Jesu, meine Freude (BuxWV60) repose sur le texte bien connu de Johann Frank.  Le cantus firmus y est très nettement perceptible…  Un modèle du genre, que D. Buxtehude n’aurait pas désavoué.

 

 

Schweizer Kammerorchester.  Gallo (info@vdegallo.ch) : 1319.  TT : 77’28.

Cet enregistrement des éditions Gallo permet d’apprécier à sa juste valeur l’Orchestre de chambre Suisse (Schweizer Kammerorchester) qui, dès les premières mesures, propose une version entraînante et irrésistible du Divertimento pour cordes de Béla Bartók (1881-1945), en 3 mouvements (avec un Adagio très expressif entouré de deux Allegro bien enlevés).  L’excellent altiste Hugo Bollschweiler s’impose par son extrême justesse et sa musicalité dans Love is in the air du compositeur suisse, Rolf Urs Ringger (°1935), créé en 2007, page haute en couleurs, avec des tessitures très élevées pour l’instrument soliste.  Cette œuvre est suivie d’un Adagio Celeste pour cordes du musicien finlandais Einojuhani Rautavaara (°1928), créé à Helsinki en 2002, page lourde de mysticisme, spéculant sur les oppositions de couleurs et le contraste en hésitation et accélération.  Œuvre à retenir.  Enfin, cette gravure se termine sur la Symphonie n°5 en sib majeur, D 485, de Franz Schubert.  Excellent programme proposé par Emmanuel Siffert, remarquable chef de réputation internationale.

 

Édith Weber.

 

 

Voix d’enfants, Chœurs de France.  Petits Chanteurs.  2CDs Bayard-Musique : M2280.  TT : 61’47 + 55’55.

Rendre un compte détaillé des 36 prestations que les « Petits Chanteurs, Pueri Cantores, Chœurs de France » nous présentent dans ce double CD (faisant suite d’ailleurs à un premier volume paru en 2007) n’est pas ici notre but ; il est bien plutôt de susciter l’intérêt pour cette remarquable réalisation.

En tout, 33 manécanteries, toutes excellentes, originaires de la France entière, nous proposent une fort belle anthologie de chœurs, en général d’inspiration religieuse, où des chants traditionnels du monde entier (Japon, Israël, Afrique du Sud, France) côtoient des œuvres de maîtres, et où le latin voisine avec l’anglais, le français, l’allemand, le japonais ou l’hébreu.

À des motets de Palestrina, Campra, Vivaldi, Pergolèse, Couperin, Charpentier, succèdent des chœurs de Haendel, Mozart, Mendelssohn, Britten et même Offenbach, sans oublier le célèbre Cantique de Jean Racine de Gabriel Fauré, ni le Panis Angelicus de César Franck.  Figurent aussi des œuvres d’auteurs contemporains pour aboutir à quelques Gospels frénétiques.

Les chœurs sont tantôt monodiques, tantôt polyphoniques (d’où se détachent parfois des soli angéliques de voix d’enfants), tantôt à voix égales, tantôt mixtes, tantôt a cappella, tantôt soutenus par l’orgue ou un orchestre au grand complet.

Bref, la richesse et la qualité de ce répertoire éclectique, de même que les interprétations remarquables de chacune des 33 chorales donnent à nouveau la preuve que les chœurs d’enfants occupent encore, de nos jours, une place privilégiée dans l’ensemble de la littérature musicale vocale.

 

Francine Maillard.

 

 

Carl Philipp Emanuel BACH : Sei concerti per il cembalo concertato.  Andreas Staier, clavecin.  Freiburger Barockorchester, dir. Petra Müllejans.  2CDs Harmonia Mundi : HMC 902083.84.  TT : 50'55 + 43'45.

La compositeur C.P.E. Bach (1714-1788), l'un des fils de Jean-Sébastien, marque de sa production vaste et variée la transition entre le baroque et la classicisme.  Les six concertos pour clavecin, deux flûtes, deux cors & cordes, composés en 1771/1772 peu après l'installation du musicien à Hambourg où il prendra comme maître de chapelle la succession de son parrain G.P. Telemann, forment le premier volet d'un diptyque dont les six symphonies pour instruments à cordes de 1773 seront le pendant.  Leur publication faisait état de pièces « faciles ».  Sans doute pour les rendre plus accessibles aux amateurs potentiels.  Rien n'est moins sûr.  Elles sont très exigeantes ne serait-ce que par leur audace.  Claveciniste expérimenté, auteur d'un Essai sur l'art de jouer les instruments à clavier (1753), C.P.E. Bach ne cherche pas à amoindrir la difficulté attachée à un projet ambitieux qui réside autant dans la conception de la partie soliste que dans la manière d'appréhender la forme.  Andreas Staier, dans le texte accompagnant le disque, se livre à une passionnante analyse de son contenu.  Chez le musicien, la liberté de la structure paraît sans limite et le recours à la forme cyclique conçu avec originalité, voire hardiesse.  Au point que l'individualisation des divers mouvements d'un concerto est plus que délicate.  Et de poser la question de savoir si telle pièce comprend un seul ou plusieurs mouvements tant ceux-ci paraissent imbriqués les uns aux autres, en tout cas affectés d'un facteur d'imprévisibilité certain dans leur agencement.  Ainsi du 5e Concerto : le bref adagio introductif débouche sur un presto lui-même suivi sans interruption par l'adagio proprement dit, lequel semble poursuivre le début du morceau.  On peut dès lors concevoir ces pages comme une ouverture en trois parties lent-vif-lent ou telle une succession de trois mouvements distincts.  Les effets de surprise lors du passage simplement attaca d'un morceau à un autre ou causés par l'absence de transition sont légion au sein des divers concertos.  Par ailleurs, l'inventivité qui préside à l'enchaînement des séquences (ainsi de la survenance inopinée d'un tempo di minuetto au beau milieu du 4e Concerto), les incertitudes tonales affectant tel passage (presto final du 3e Concerto) renforcent le sentiment d'étrangeté de cette musique.  Autant de traits qui la rendent extrêmement vivante malgré une tournure parfois surprenante, souvent inattendue.  Le niveau d'excellence de l'Orchestre baroque de Freiburg, conduit ici par l'un de ses premiers violons, Petra Müllejans, ne cesse d'enthousiasmer.  Après une magistrale exécution de la Musique de table de Telemann, l'ensemble prouve sa capacité à intégrer un style bien différent.  La vitalité inextinguible dans l'articulation est roborative en même temps qu’emplie d'un humour discret.  Andreas Staier qui joue un instrument à la sonorité claire, copie d'un clavecin de Hass de 1734, déploie une immense vélocité dans les traits rapides et une réelle élégance dans les trilles.  Surtout, la nécessité d'accentuer les contrastes n'enlève rien à un art consommé de manier la couleur pour varier les climats : son feutré de la pédale d'una corda, luminosité des traits virtuoses.  Et l'on est vite gagné par la souple énergie du discours de ce qui apparaît pour lui souvent comme « une fantaisie pour orchestre et soliste ».

 

 

Antonio VIVALDI : Six concertos pour violon & cordes « La Stravaganza ».  Édition de John Walsh, London 1728.  Concerto pour violon, violoncelle & cordes RV 544 « Il Proteo o sia Il mondo al rovescio ».  Europa Galante, dir. Fabio Biondi.  Virgin Classics : 50999 5193002.  TT : 56'24.

Cette édition des concertos de Vivaldi intitulés « La Stravaganza » est différente de l'original constituant l'op. 4 du Prêtre roux.  Il s'agit de la compilation réalisée par le célèbre éditeur anglais John Walsh en 1728.  Composée de six pièces, elle ne sélectionne que cinq des douze concertos dudit op. 4, auxquels est ajouté le Concerto RV 291 dont la provenance est problématique et dont l'esprit est, en tout cas, différent des autres morceaux.  Parmi les pièces « extravagantes », fustigées par un musicologue de l'époque comme « bagatelles tape-à-l'œil et futiles », Walsh a semble-t-il écarté les plus paroxystiques pour ne garder qu'un choix de concertos participant autant de la forme du concerto grosso que de celle du concerto de soliste italien.  Plusieurs des concertos retenus sont dans le droit fil du recueil de L'estro armonico op. 3, déjà publié par cet éditeur en 1715 avec grand succès auprès du public britannique.  Tous, en tout cas, se signalent par des mouvements extrêmes vifs et prestes, l'intervention du violon solo apportant une note d'originalité, tandis que les mouvements lents, très courts, de type largo, font office de transition dramatique.  Fabio Biondi et ses musiciens de Europa Galante apportent leur style rigoureux et enlevé habituel dans les ensembles alors que lui-même adorne les parties solistes d'éclat et de fantaisie dans les fioritures ornementales.  Au sein de ce florilège on remarque l'originalité du Concerto RV 204, introduit par un court échange de deux violons sans accompagnement.  Le largo distinguera le chant du soliste évoluant sur un contrepoint de basse comme frottée et le finale, allegro assai, des traits de violon comme arrachés.  Pour faire bonne mesure en termes de timing, on a ajouté le Concerto RV 544 pour violon & violoncelle dit « Protée ou le monde à l'envers ».  De facture bien différente des pièces précédentes, il offre un spectre sonore plus vaste et cette particularité que chaque soliste peut troquer sa partie avec celle de l'autre : sorte d'échange face-revers à l'allegro initial sur un ostinato sonnant comme une vielle, dialogue en répons du violon & du violoncelle au finale.  Là encore, l'expertise de Fabio Biondi et consorts est exemplaire.

 

 

Joseph HAYDN : Sonates pour piano.  Volume 2 : Sonates n°48, 32, 50, 19, 20.  Jean-Efflam Bavouzet, piano.  Chandos : CHAN 10668.  TT : 68'29.

Jean-Efflam Bavouzet est un pianiste curieux de tout.  Pour preuve sa magnifique intégrale de l'œuvre pour piano de Debussy.  Il s'est lancé depuis peu dans une autre aventure, les sonates pour clavier de Haydn.  Le deuxième volume d'une intégrale projetée comprend cinq pièces choisies en fonction non de la chronologie mais de l'inspiration et de la curiosité de l'interprète : pièces contrastées par leur structure (elle sont en deux ou trois mouvements) ou par leurs caractéristiques, car puisées à diverses phases créatrices.  Ainsi des 19e et 20e Sonates datant de la période 1765/1766, tout comme la Sonate n°32, qui toutes trois marquent un changement de manière par rapport aux premiers essais des années 1760, puis des Sonates n°48 et 52, datant de 1780.  On dit des sonates de Haydn qu'elles sont « faciles ».  Voire.  Bavouzet fait remarquer justement que Haydn n'a laissé que peu d'informations dans ses partitions quant aux indications de nuances et de phrasé ou pour ce qui est des tempos.  Le challenge n'en est que plus fascinant, relève-t-il.  Ces pièces ont vu le jour à une époque charnière où le clavecin cédait progressivement la place au pianoforte.  Une savante mécanique bien huilée semble habituellement parcourir toute interprétation.  Mais cela ne suffit pas à rendre compte de la mine de nuances qu'elles recèlent.  Un matériau combien original se cache derrière une apparente simplicité.  L'inventivité est reine, comme toujours chez Haydn, tel cet enchaînement presque cocasse d'un adagio et d'un allegro dans la Sonate n°19.  L'art de varier la forme est sans limite qui, par exemple, mêle un rondo et un menuet avec son trio (n°48) ou introduit un menuet dont est gommée peu à peu la fonction dansante (n°20).  Et quelle variété de climats !  Ainsi des allegros con brio, soit exubérant avec ses trilles ravageurs (n°48), soit virtuose, délicieusement bavard (n°50), des adagios expressifs et profonds, presque déclamatoires (n°48) ou d'un beau lyrisme intime (moderato de la n°32).  Le jeu de Bavouzet est un régal : d'une rigueur tempérée d'une belle lucidité, proche de l'humour qu'y voit Alfred Brendel, ménageant de nets contrastes, maniant les effets de surprise dans lesquels Haydn est passé maître (silences soudains, ruptures de rythme) et imaginatif dans les reprises.  Une suprême ductilité, tout sauf sèche, se fait une fête de ces notes piquées, accents mordants et autres traits arpégés.  La finesse des ornementations fait le reste.

 

 

Franz LISZT : « Harmonies du soir » - Waldesrauschen.  Sonetto 104 del Petrarca.  Valse oubliée.  Ballade n°2.  Au lac de Wallenstadt.  Rhapsodie hongroise n°3.  Consolations.  Harmonies du soir.  Nelson Freire, piano.  Universal/Decca : 478 2728.  TT : 58'09.

Pour célébrer l'année Liszt, Nelson Freire a concocté un programme très personnel qui tourne le dos au cliché du « tout virtuose ».  On pense à cette remarque d’Alfred Brendel : « Il faut prendre Liszt au sérieux pour bien le jouer » (Réflexions faites, Buchet/Chastel, 1979).  La Deuxième Ballade et les Consolations en sont les morceaux de choix.  L'opulence sonore de la Ballade, ses contrastes dont un deuxième thème épique et une péroraison sereine, ne détournent pas du sentiment de réelle improvisation qui parcourt ces pages.  Les Consolations (1850) offrent un lyrisme délicat, loin des torrents tourmentés, à la tonalité mélancolique.  La troisième pièce, marquée lento placido, est un hommage non dissimulé à Chopin.  Il règne, à travers ces six morceaux, un climat apaisé que traverse çà et là une fantaisie raffinée.  De part et d'autre de ces œuvres d'envergure, quelque pièces plus brèves complètent un voyage révélateur qui est aussi une leçon de style.  L'étude de concert Waldesrauschen étale un ondoiement lumineux dont se souviendra Ravel dans Gaspard de la nuit.  Du Sonetto 104 del Petrarca, on admire les audaces harmoniques luxuriantes.  La Valse oubliée, exemple de la manière tardive du maître, est une manière de danse étrange où la nostalgie procède de l'ambivalence tonale et qui s'interrompt impromptu. La troisième Rhapsodie hongroise, évocation par Liszt de son pays natal, est avec ses relents de czárdás un parangon d'ornementations tziganes d'une extrême fantaisie.  Au lac de Wallenstadt (tiré des Années de pèlerinage - Suisse) disserte sur la calme extase de la nature.  Marie d'Agoult y voyait « une harmonie mélancolique qui imite le soupir des vagues et la cadence des rames ».  Enfin, Harmonies du soir (l'une des Études d'exécution transcendantes) fait figure de digression impressionniste avant l'heure.  Non qu'elle ne soit appareillée de ces grands crescendos en rafale d'accords massifs dont Liszt a le secret.  Nelson Freire, l’un des grands maîtres du clavier d'aujourd'hui à se mesurer aussi bien à Chopin qu'à Liszt, orne ce récital de sa sobriété habituelle : introspection et refus de la virtuosité grandiloquente sont les maîtres-mots.  Comme l'absence d'excès de rubato et l'expression d'un lyrisme qui, s'il est parfois débordant, ne sombre jamais dans le maniérisme.

 

 

Pyotr Ilyich TCHAIKOVSKY : Symphonie n°6 « Pathétique ».  Arnold SCHOENBERG : Variations pour orchestre op. 31.  West-Eastern Divan Orchestra, dir. Daniel Barenboim.  Universal/Decca : 478 2719.  TT : 69'02.

Ce CD capté live lors du festival de Salzbourg 2007, présente le West-Eastern Divan Orchestra dont la particularité est de réunir de jeunes musiciens juifs et arabes.  Fondé par Daniel Barenboim et son ami, l'écrivain Edward Said, il est une des fiertés du chef qui souligne que « le langage métaphysique universel de la musique devient le lien qui unit ces jeunes gens les uns aux autres ».  Pour leur première tournée à Salzbourg, ils abordaient un programme difficile car jouer tant Schoenberg que Tchaikovsky tient du challenge pour des non-professionnels.  La réussite n'en est que plus exaltante.  Créées en 1928 à la Philharmonie de Berlin par Furtwängler, les Variations op. 31 de Schoenberg sont un manifeste dodécaphonique.  Pour grand orchestre, elles se composent d'une introduction conduisant au thème, de neuf variations et d'un finale.  Chaque morceau est d'une extrême concision.  Il faut trouver un juste équilibre entre ce qu'une savante déconstruction du système tonal a d'austère, pour ne pas dire d'elliptique et la puissance évocatrice que permet cette liberté nouvelle.  L'œuvre, dont l'auteur souligne la difficulté des parties individuelles, au-delà du jeu d'ensemble, paraît presque familière aux jeunes musiciens : leur formidable technique se joue de ses aspérités.  Aux antipodes de cette sévérité, la Pathétique de Tchaikovsky est une colossale célébration de la tonalité.  L'intellect laisse place à l'émotion.  Le challenge tient ici de la comparaison avec moult versions illustres.  Un aspect frappe d'emblée : l'homogénéité de l'ensemble.  Elle se conjugue avec la qualité des instrumentistes - une clarinette éloquente se détachant d'une magnifique ligne de bois, des cuivres glorieux, une section de cordes intenses.  Barenboim maintient la pression dramatique et ses tempos paraissent moins excentriques que parfois.  La vision est puissante, les contrastes marqués quoique sans excès.  Ainsi de la transition entre l'adagio initial et la seconde séquence plus épique du premier mouvement.  La valse (à cinq temps) de l'allegro con grazia est légèrement retenue.  Le molto vivace, qui fait figure de scherzo, libère à travers les diverses métamorphoses de sa marche triomphante une énergie haletante que l'orchestre ménage généreusement.  L'angoisse de la mort, la désespérance dans un veine lugubre sont les maîtres-mots du finale marqué Adagio lamentoso.

 

 

Claude DEBUSSY : Prélude à l'après-midi d'un faune.  La mer.  Jeux.  London Symphony Orchestra, dir. Valery Gergiev.  LSOLive : LSO0692.  TT : 56'07.

L'insatiable Gergiev en vient à Debussy.  Ce qui n'est, nul doute, qu'une première incursion s'en tient à un programme classique.  Le Prélude à l'après midi d'un faune est retenu, d'une lascivité certaine et traduit un climat de fantaisie érotique dans le solo de flûte.  On pense à ce commentaire de Mallarmé : « Cette musique prolonge l'émotion de mon poème et en situe le décor plus passionnément que la couleur ».  La fluidité de discours est indéniable.  Les trois esquisses symphoniques La mer sont abordées aussi très lent, en particulier le premier volet qui évoque quelque éveil et déploie un climat engourdi qui peu à peu s'anime et se pare de couleurs diaprées.  Reste que le solo de violon est un peu affecté et que des ralentissements arbitraires affectent le développement, même si les changements de tempo traduisent l'instabilité, le renouvellement incessant.  Le spectre sonore est large et la péroraison du mouvement justement glorieuse.  Le deuxième volet, Jeux de vagues que Vladimir Jankélévitch considère comme « le scherzo des eaux bouillonnantes », magnifie la broderie des cordes lumineuses, capricieuses comme l'élément aquatique.  Dialogue du vent et de la mer est réellement tumultueux, à la limite de la violence : il vit la colère des éléments indomptables, le sauvage vent d'ouest aux prises avec l'océan furieux dans un débordement d'énergie que closent de formidables clusters.  Le climax ultime est grandiose.  L'interprétation de Gergiev est à mi-chemin entre la conception dite impressionniste et une vision plus objective.  Mais c'est sans doute dans Jeux que le chef est le plus à l'aise.  Ce poème dansé retrouve et prolonge l'atmosphère envoûtante de la deuxième partie de La mer, quelque chose de mystérieux et de fascinant dans cette objectivité du geste musical, de détaché presque.  La clarté des lignes, les rythmes brisés, les traits comme furtifs, la somptuosité de l'orchestration, sa modernité dans les combinaisons instrumentales sont digérés dans une pulsation spontanée et une empathie qui ne sauraient être mises en défaut.  Tout comme l'art de doser les couleurs assimile ce que Debussy doit à Paul Dukas en termes de coloris.  Partout la maîtrise sonore du LSO, qui se souvient peut-être de Monteux, est évidente : un festin de couleurs galliques.

 

 

« Beau soir ».  Claude DEBUSSY : Sonate pour violon et piano.  Beau soir.  Clair de lune (transcriptions pour violon & piano).  Maurice RAVEL : Sonate pour violon et piano.  Olivier MESSIAEN : Thème et variations pour violon et piano.  Gabriel FAURÉ : Après un rêve.  Lili BOULANGER : Nocturne.  Richard DUBUGNON : La Minute exquise.  Hypnos.  Retour à Montfort-L'Amaury.  Janine Jansen (violon), Itamar Golan (piano).  Universal/Decca : 478 2256.  TT : 69'39.

Ce programme de musique de chambre est placé sous le thème de la nuit.  L'idée est originale de rapprocher les sonates pour violon et piano de Debussy et de Ravel de Thème et Variations de Messiaen.  La Sonate de Debussy est une merveille d'équilibre.  Janine Jansen présente une technique irréprochable mais son interprétation souffre de choix discutables, portamentos excessifs au premier mouvement et au début du troisième.  Une vision qui suscite plus admiration qu'émotion.  La violoniste hollandaise est plus à l'aise dans la pièce de Ravel.  Sans doute la virtuosité amusante dont le compositeur agrémente ses trois parties trouve chez elle un juste écho.  L'allegretto offre son lot d'étrangeté.  C'est ensuite avec Blues et ses déhanchements caractéristiques, le sortilège du jeu jazzy.  Perpetuum mobile n'est pas à cours d'esprit.  Thème et Variations, une des rares incursions de Messiaen dans le domaine de la musique de chambre (mis à part le Quatuor pour la fin du temps) a été écrit en 1932 pour Claire Delbos et créé par elle, avec l'auteur au piano.  La pièce annonce déjà des choix personnels en matière d'harmonie.  Elle est construite sur une longue mélodie contemplative conçue comme une gradation d'intensité qui va s'animant palier par palier jusqu'à une séquence quasi incantatoire, un cheminement vers un éclat de plus en plus affirmé.  La fin ramène decrescendo au calme intime des premières pages.  Il se dégage de ce morceau un intense rayonnement.  Quelques courtes pièces entourent ces trois chefs-d'œuvre.  Des transcriptions de Debussy d'abord : le mélancolique Beau soir (due à Jascha Heifetz) et Clair de lune et sa fameuse répétition hypnotique d'une même séquence musicale.  Suivent le délicat Nocturne de Lili Boulanger ou la poésie introspective poussée à son extrême épanouissement et Après un rêve de Fauré où le violon remplace la voix.  Enfin, trois pièces du compositeur suisse Richard Dubugnon (°1968), dont Janine Jansen a créé il y a trois ans le Concerto pour violon, écrites spécialement pour ce récital, parachèvent l'unité de ton qui le parcourt.  Elles sont en effet dans la lignée de la manière chambriste française au point de cultiver une sorte de mimétisme : douceur de la modulation, belles envolées, transparence.  La troisième, Retour à Montfort-L'Amaury, évoque le beau geste déclamatoire hérité de Ravel, inspiré en l'occurrence par l'ordonnance méticuleuse de sa demeure francilienne.  Tout au long de ce beau récital on admire une sûre maîtrise de l'intensité du violon (ppp d'une douceur extatique, aigus brillants) comme une sonorité charmeuse et chaleureuse que soutient l'accompagnement pianistique svelte et inspiré d’Itamar Golan.

 

 

Anton WEBERN : Passacaglia pour orchestre, op. 1.  Variations pour orchestre, op. 30.  Igor STRAVINSKY : Le Chant du Rossignol.  Gustav MAHLER : Symphonie n°6.  Lucerne Festival Academy Orchestra, dir. Pierre Boulez.  2CDs Lucerne Festival / Accentus Music : 7629999 0910 (Distr. Festival de Lucerne, Hirschmattstrasse 13, CH-6002 Luzern.  www.lucernefestival.ch).  TT : 37'40 + 76'43.

Pierre Boulez n'en est pas à sa première exécution au disque de ces quatre pièces.  Mais les présentes interprétations prennent un relief particulier dès lors qu'il s'agit du fruit de son travail avec l'Orchestre de l'Académie du Festival de Lucerne.  Cette formation composée de plus d'une centaine de jeunes musiciens spécialement formés dans le répertoire de la musique « moderne » est réunie chaque année lors du festival d'été sous la conduite du chef français.  On a ici affaire à des concerts captés live durant le festival 2010.  Intéressante idée de rapprocher le premier et le dernier opus symphonique de Webern pour souligner ce qui sépare un ultime hommage à la tradition romantique, par l'utilisation d'une forme héritée du passé, de la désintégration quasi générale du système tonal sous forme d'un thème se métamorphosant en d'improbables variations.  Stravinsky a tiré de son opéra Le Rossignol (1914) un poème symphonique Le Chant du Rossignol qui sera créé par Ernest Ansermet en 1919.  De ce conte orientaliste mêlant fantastique et mélancolie, Boulez fait sourdre le chatoiement de l'orchestration et ses délicieux passages concertants (la flûte et le violon symbolisant le chant respectivement de l'oiseau et de son pendant mécanique).  Il souligne aussi combien la vaste formation requise est traitée comme un orchestre de chambre.  L'exécution est miraculeuse de rythmique incisive alliée à une poésie opalescente : traits d'une finesse aérienne de la flûte, interventions suggestives des cuivres.  La Sixième Symphonie de Mahler connaît avec Pierre Boulez une exécution qui la situe aux antipodes de la vision débordante d'énergie et surpuissante de Valery Gergiev.  On sait que le chef a une conception personnelle de cette œuvre, s'attachant plus à suggérer qu'à démontrer.  Ses préoccupations vont à la transparence de l'orchestration, à la spontanéité du discours et au naturel des enchaînements.  Ainsi l'énergie de l'allegro energico est-elle contenue, celle d'une marche régulière, et repose sur des contrastes mesurés.  Les divers thèmes et leur développement s'ordonnent en un continuum aisé évitant toute manière anguleuse.  Le scherzo est pris dans un tempo confortable, la fantaisie y étant plus énigmatique que lugubre, et le trio poétique est souplement rythmé.  L'andante devient une calme méditation d'un lyrisme diaphane avec des cordes palpitantes et une petite harmonie presque enjouée.  Le finale se défie de toute fulgurance et se traduit par une dynamique utilisant avec parcimonie le fff.  Ce dont la symphonie se dépouille en terme de tonicité, de pessimisme même, elle le gagne en couleurs vraiment tragiques, en mirifiques nuances qui n'éludent pas l'ambiguïté de son message.  Là encore, les musiciens de l'Académie de Lucerne font des merveilles.  Ce qui est fascinant, c'est l'élan contrôlé que Boulez insuffle à ses jeunes musiciens qui leur fait dépasser le stade de la virtuosité.  Tout aussi remarquable est la liberté qu'il imprime à une interprétation dégagée du cliché de l'effort surhumain qu'on associe souvent à cet univers symphonique.

 

 

Philippe MANOURY : « Inharmonies » - Fragments d'Héraclite (2002/2003).  Inharmonies (2008).  Slova (2001/2002).  Trakl Gedichte (2008).  Accentus, dir. Laurence Equilbey.  Naïve : V 5217.  TT : 47'16.

Au sein d'une production fort diversifiée le compositeur Philippe Manoury (°1952) a écrit diverses pièces chorales, toutes créées par l'ensemble Accentus.  Elles sont réunies sur ce CD.  Fragments d'Héraclite, sur de très courts textes ou « fragments » du philosophe grec, regroupés en trois cycles thématiques, précédés d'un prologue et clos par un épilogue, convoque un triple chœur dont se détachent cinq voix solistes.  Certains jouent d'un instrument à percussion, le but étant selon l'auteur « de créer une matière sonore hétéroclite qui n'agit pas en prolongement des voix mais plutôt comme une sorte 'd'archaïsme' ».  Il s'en dégage une impression d'infini à la fois dans l'espace, de par la disposition des trois chœurs et dans la manière différenciée du traitement vocal, de l'explosion au murmure.  Inharmonies pour chœur mixte à 24 voix est une pièce expérimentale reposant sur un principe « d'inharmonicité » (par opposition aux sons harmoniques naturels obtenus par la multiplication d'une fréquence fondamentale par la suite des nombres entiers, les sons inharmoniques sont dérivés d'additions et de soustractions).  Slova est un triptyque composé sur des textes surréalistes tchèques.  Le matériau de la première pièce qui remonte à l'époque où Manoury composait son opéra « K...» (créé à l'Opéra Bastille en 2001), est traité de manière complexe « superposant parfois une même phrase en différentes couches, évoluant dans des temporalités différentes ».  De l'entièreté de l'œuvre, le compositeur dit qu'elle lui « apparaît maintenant comme un lointain souvenir des formes de certaines symphonies mahlériennes avec un premier mouvement très développé, un centre scherzando et un final adagio ».  Enfin Trakl Gedichte évoque dans une atmosphère nocturne la poésie tourmentée de l'Autrichien Georg Trakl (1887-1914) « qui annonce l'apocalypse (celle de la Première Guerre mondiale) mais est en même temps traversée par la nostalgie de moments qui auraient pu être heureux si seulement ils s'étaient fixés ».  L'étrangeté des textes se retrouve dans l'expression vocale là encore très polyphonique.  Le chœur Accentus, dont on sait l'aisance à se mouvoir dans l'univers musical contemporain, est l'interprète tout désigné de ces diverses pièces sous la conduite experte de Laurence Equilbey.

 

Manoury : Inharmonies. Accentus. Equilbey.

Jean-Pierre Robert.

 

 

ROSENMÜLLER, LEGRENZI & STRADELLA : Venezia.  The Rare Fruits Council, dir. Manfredo Kraemer.  Ambronay : AMY 028.  TT : 81’53.

Venise, ville cosmopolite, cité des arts et lieu de rencontres musicales où trois compositeurs nous donnent à entendre toute la richesse et la diversité de la musique vénitienne, dans le dernier tiers du XVIIe siècle.  Johann Rosenmüller (1619-1684) saxon d’origine, exilé à Venise pour pédérastie, fit paraître ses Sonates à 2, 3, 4 ,5 Stromenti da Arco e Altri , en 1682, opus tardif dédié au duc Anton Ulrich.  Giovanni Legrenzi (1626-1690) fut maître de chapelle à San Marco en 1685, le sommet de son œuvre instrumentale est sans doute le recueil de sonates La Cetra, dédié à l’empereur Léopold Ier, publié en 1673.  Alessandro Stradella (1639-1682) voulant fuir Rome, trouva refuge à Venise en 1677 ; musicien et virtuose, il y fit jouer ses Sinfonie, œuvres raffinées qui suivent la forme de la sonate d’église et sont apparentées à la musique de chambre par leur instrumentation.  Un beau disque, au minutage copieux, présentant des œuvres peu connues, bien différentes les une des autres, parfaitement interprétées, une rencontre musicale qui ne laissera pas indifférents les amateurs de musique baroque.

 

 

Jean d’ESTRÉE & Nicolas du CHEMIN (1559) : Bal au temps des Valois.  Compagnie Outre Mesure, dir. Robin Joly.  Musiques à La Chabotterie : 605009.  TT : 66’21.

Un disque consacré aux Musiques à danser de la Renaissance, danseries imprimées par Nicolas du Chemin, mises en musique à quatre parties par Jean d’Estrée, Pierre Phalèse & Pascal Boquet.  Musique de divertissement, danses récréatives fortement influencées par les maîtres à danser des cours italiennes, mais également outil politique qui servait à surveiller la noblesse tout au long du XVIe siècle, sous le règne des Valois-Angoulême.  Prémices de la Suite de danse, forme musicale développée plus tardivement, ces airs de danse se caractérisent par leur richesse mélodique et rythmique, support d’un discours corporel, véritable « rhétorique muette » par laquelle l’Orateur par ses mouvements montre au public qu’il est gaillard, digne d’être aimé et chéri… (Thoinot Arbeau).  Une réussite musicale, une belle prise de son qui nous transporte, l’espace de quelques danses, à la cour des derniers Valois.

 

 

J. Chr. BACH & W. A. MOZART : Concert Arias.  Solamente Naturali, dir. Didier Talpain.  Hjördis Thébault (soprano), Hiroko Kouda (soprano), Gustav Belacek (baryton).  Brillant Classics (www.brillantclassics.com) : 94116.  TT : 64’56.

Des airs de concert avec instruments obligés qui raviront tous les amoureux de Mozart et de son maître J. Chr. Bach. Alliant virtuosité et expressivité, souvent écrits pour, ou à la demande des chanteurs afin de mettre en valeur leur voix, habituellement composés pour une voix particulière, destinés plus souvent au concert qu’à l’opéra ; ils s’inscrivent dans une tradition remontant à l’époque baroque des castrats.  Mozart (1756-1791) en composa une cinquantaine, le plus souvent pour soprano solo.  Johann Christian Bach (1735-1782), quant à lui, utilisa volontiers plusieurs instruments obligés, réalisant de véritables symphonies concertantes avec partie chantée.  Un très beau disque, remarquablement interprété, où les chanteuses ne manquent pas à leur historique responsabilité d’excellence.  Incontournable !

 

 

A las Seis de la Tarde.  Rencontres autour du percussionniste Emmanuel Curt.  Indésens : INDE 024.  TT : 74’11.

Las Seis de la Tarde, temps de la promenade et des rencontres…  Rencontres entre artistes, Bertrand Chamayou (piano), Nicolas Baldeyrou (clarinette), Stéphane Labeyrie (tuba), Sarah Nemtanu (violon), mais aussi avec les musiciens de l’Orchestre national de France, de l’Orchestre de Paris et ceux de l’ensemble Latitudes, spécialement constitué pour l’occasion, dirigé par Emmanuel Curt.  Rencontres avec des compositeurs, Bruno Mantovani, Thierry Escaich, Didier Benetti, Franck Tortiller.  Rencontres organisées autour d’Emmanuel Curt, talentueux percussionniste, qui, pour son premier album solo, nous donne à entendre diverses compositions, de genres très différents, depuis le paso-doble des bandas de férias jusqu’aux œuvres contemporaines, certaines d’inspiration « jazzy », dans des arrangements inattendus…  Des percussions dans tous leurs états (marimba, vibraphone, timbales, tam-tams, cymbales et autres derbouka, udu, bidon métallique…) pour un superbe disque.  À écouter absolument.

 

Patrice Imbaud.

 

 

Christian LAUBA (°1952) : Bogor (a) ; Awabi (b) ; Morphing (c) ; Kwintus (d) ; Brasil sem fim (e) ; Blue Stream (e) ; Stan (f) ; Blue Party, version pour piano seul (g) et version mélodrame (h) ; Porgy Stride (i) ; Mist (j).  Orchestre national Bordeaux-Aquitaine, dir.  Jonathan Darlington (a) ; Juliette Hurel, flûte (b) ; Quatuor Casals (c) ; Matthew Trusler, violon (d); Ivo Janssen, piano (e) ; Richard Ducros, saxophone (f) ; Wenjiao Wang, piano (g) et (h) ; Daniel Mesguich, récitant (h) ; Brigitte Engerer & Boris Berezovsky (i) ; Christian Lauba, synthétiseur (j).  2CDs Adria : 10-33-04/1 (distr. Codaex).

Collectant des enregistrements de concerts, Christian Lauba a composé une anthologie présentant un beau panorama de sa création.  Certaines œuvres avaient déjà connu une édition discographique ; Stan pour saxophone baryton & synthétiseur (inséré notamment au sein du programme monographique consacré à l’œuvre pour saxophone de Christian Lauba par son fidèle interprète Richard Ducros), le quatuor à cordes Morphing, Kwintus pour violon solo, ou encore les deux étourdissantes pièces pour piano Brasil sem fim et Blue Stream sous les doigts de l’extraordinaire pianiste hollandais Ivo Janssen. Les autres paraissent pour la première fois.

L’ensemble reflète l’originalité d’un compositeur prônant en musique le multiculturalisme, puisque les sources d’inspiration et les allusions sonores mêlent l’Extrême-Orient, la Tunisie natale du compositeur, l’exubérance brésilienne et l’influence du jazz.  D’une oreille sagace, il transfigure les références musicales en un brassage bien personnel, d’où la malice n’est pas absente lorsqu’il s’agit de fustiger habilement le minimalisme (Brasil sem fim, joyau d’ironie virtuose !), non plus que l’hommage saluant l’apport de Ligeti au quatuor à cordes.  La relation au jazz, déclinée sous divers visages (du plus dramatique – Blue Party – au plus enlevé – Porgy Stride), se révèle sensuellement amoureuse.  Ainsi le caractère indépendant de Christian Lauba brouille-t-il les repères culturels convenus afin de les déconnecter de toute classification abusive.  Pour conclure le disque, il se livre à une improvisation où les nappes de brume (Mist) résultent des flottements de vibrations qu’un usage poétique du synthétiseur peut produire.

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Sylviane Falcinelli.

 

 

DVD

Robert CIBIS & Lilian FRANCK (Un film de) : Pianomania.  Avec Pierre-Laurent Aimard, Lang Lang, Alfred Brendel, Julius Drake, Till Fellner… et leur accordeur Stefan Knüpfer.  Jour2fête (www.jour2fete.fr).  Durée du film : 1h30.  Durée du DVD : 2h17. 

Sorti en janvier 2011, ce film-événement est déjà couvert de lauriers : Prix de la Semaine de la critique à Locarno / Prix du Festival international du film à San Francisco / Lola (César allemand) du meilleur son…  L’auriez-vous déjà vu en salle, ne manquez surtout pas sa parution en DVD !  Où l’on (re)découvre le maître-accordeur Stefan Knüpfer à la recherche du son idéal tel que le souhaite tel ou tel interprète – quête incessante de la perfection, dans l’amour, la joie… l’humour aussi !  Bonheur d’entendre pareils artistes - techniciens & pianistes - échanger ici véritablement…

Un bijou cinématographique aussi, grâce à un fabuleux montage (au cœur même de chaque séquence) aussi bien qu’à un son d’une qualité incomparable (certaines scènes ont été enregistrées sur quelque 90 pistes, en qualité Dolby Surround).  En « Compléments », une vingtaine de petits films nous permettent de mieux comprendre le travail d’orfèvre du génial maître-accordeur, et jusqu’au fonctionnement de son cerveau (entretien avec le Professeur Lutz).  Inoubliable !

 

Francis Cousté.

 

 

À l’heure où Renée Fleming s’apprête à chanter Desdémone sur la scène de l’Opéra Bastille (juin-juillet 2011), profitons de son actualité vidéographique pour conseiller de très gratifiants moments à nos lecteurs :

Giuseppe VERDI : La Traviata.  Renée Fleming (Violetta), Joseph Calleja (Alfredo), Thomas Hampson (Giorgio Germont).  Chœur & Orchestre du Royal Opera, Covent Garden, dir. Antonio Pappano.  Mise en scène : Richard Eyre.  Opus Arte : OA 1040 D (distr. Codaex).

Grâce au label Decca, on connaissait déjà une Traviata chantée en 2006 par Renée Fleming dans une luxueuse “period production” (comme disent les Anglo-Saxons pour désigner un spectacle en costumes historiques) de Marta Domingo à l’Opéra de Los Angeles (dont le directeur n’est autre que son époux Plácido), sous la baguette de James Conlon, avec pour partenaires Rolando Villazón qui cultive une expression des passions torride, exacerbée, et Renato Bruson qui ne contrôlait plus guère ses aigus.  La nouvelle captation, issue des représentations de juin 2009 à Covent Garden, franchit un pas étayé de subtils arguments dans la veine émotionnelle ; Renée Fleming s’y montre dans une forme vocale plus parfaite encore  et affine les multiples touches par lesquelles la maîtrise de son organe révèle les mouvements du cœur de l’héroïne.  On connaît son art consommé du legato, le contrôle dynamique savamment dosé que sa technique gouverne, ce qui lui permet de plier à sa volonté tout le spectre expressif du rôle.  Elle bénéficie, ce qui n’est pas un mince atout, du lyrisme de plus en plus souple et nuancé du directeur musical de la maison londonienne, Antonio Pappano.  De surcroît, un vrai travail psychologique a été accompli par le metteur en scène Richard Eyre avec ses acteurs-chanteurs, dans un cadre qui respecte également l’époque et le contexte de l’œuvre (ah, que cela fait du bien, de nos jours !).  Ainsi, l’interprétation de Renée Fleming vise à ne jamais faire oublier la condition de l’héroïne : elle ne s’abandonne pas à l’abstraction d’un quelconque pathos résultant du destin et de la maladie conjugués, mais s’attache à faire vivre une figure de femme en son temps impitoyable pour le sexe dit faible ; lecture fort judicieuse qui nous remémore le terrible miroir qu’Alexandre Dumas fils tendait à la société de son époque !  De surcroît, elle sait animer son personnage d’une constante présence scénique, soignant une mobilité de son corps qui n’est pas si commune parmi les artistes lyriques.

Le rôle de Germont père peut être traité sous divers angles, comme un gris tend vers le clair ou plutôt vers le charbonneux, selon les versants de la psychologie du personnage que l’on choisit de privilégier.  Grand habitué du rôle, Thomas Hampson déduit ici son cheminement interprétatif de la phrase de Germont au dernier acte : « Oh, malcauto vegliardo ! Ah, tutto il mal ch’io feci ora sol vedo ! ».  Au 1er tableau de l’Acte II, il agit en cruel manipulateur qu’indiffère toute autre considération que l’honneur de sa famille. Au 2e tableau, l’offense commise par son fils contre Violetta lui ouvre les yeux et son visage change lorsque lui-même relève la jeune femme humiliée.  Enfin, la compassion efface définitivement la morgue de ses certitudes à l’Acte III.  Puisque la vidéographie nous donne accès à plusieurs interprétations de Germont par le baryton américain, il est intéressant d’en mesurer les profondes différences (il n’est point le lieu de discuter ici les absurdités de mises en scène transposées au XXe siècle, donc ne cessant de se poser en contradictions – parfois effarantes de comique involontaire – avec le texte chanté) : à Zurich (sous la baguette de Franz Welser-Möst, mise en scène de Jürgen Flimm, avec une Eva Mei à l’aigu un peu étriqué, DVD Arthaus), Thomas Hampson, plus vieilli par le grimage, montrait un Germont d’emblée humain, empêtré dans ses maladresses face à un monde qu’il ne connaît pas ; à Salzbourg (mise en scène de Willy Decker, avec la belle Anna Netrebko et Rolando Villazón encore, DVD Deutsche Grammophon), il apparaissait hautain et accusateur dès le début d’un deuxième acte dont le premier tableau se terminait dans la violence.

Pour en revenir à Covent Garden, le ténor maltais Joseph Calleja, qui conquiert ces dernières années une audience de plus en plus captivée par le pouvoir de sa présence vocale à la technique très sûre, s’impose par sa touchante spontanéité et par une diction remarquable.  Face à deux acteurs aussi à l’aise pour se mouvoir sur scène que ses deux partenaires américains, il lui reste néanmoins à perfectionner l’art du geste et à vaincre le travers monolithique de sa large stature.

Le bonus du DVD s’avère particulièrement intéressant puisqu’il consiste en une interview d’une vingtaine de minutes où Renée Fleming parle de l’interprétation du rôle, de ses difficultés, de la technique vocale requise, guidée par les très pertinentes questions d’un interviewer hors norme qui n’est autre que… Antonio Pappano lui-même.

 

 

“Renée Fleming & Dmitri Hvorostovsky : a musical odyssey in St. Petersburg”, avec l’Orchestre de l’Ermitage, dir. Constantine Orbelian, Ivari Ilja et Olga Kern (piano).  Réalisation : Brian Large.  Decca : 074 3383 D H.

Un documentaire d’une heure et demie (plus 23 minutes d’airs en bonus) sur les trésors architecturaux de Saint-Petersbourg, guidé et commenté par une ravissante présentatrice nommée Renée Fleming, que demande le peuple ?  Et en plus, elle chante… et divinement comme chacun sait !  De surcroît en compagnie de l’un des plus charismatiques barytons de notre époque, Dmitri Hvorostovsky ! Alors, au lieu de passer des soirées idiotes à regarder des programmes abêtissants à la télé, offrez-vous ce DVD qui vous garantira un moment délicieux, un enchantement pour les yeux et les oreilles.  Naturellement, le cœur palpitant face au duo le plus “glamourous” qui soit, les spectateurs succomberont au charme de la belle Américaine, et les spectatrices à celui du séduisant Sibérien.  Notons que, confrontés à la situation restrictive du récital, les deux artistes font l’effort de jouer leurs personnages dans les duos très intenses qu’ils ont choisi d’interpréter, tel celui de Leonora et du Comte di Luna à la fin du Trouvère, et les retrouvailles du Doge et de sa fille à l’Acte I de Simon Boccanegra.  On rêve d’entendre Dmitri Hvorostovsky dans le rôle intégral du Doge de Gênes, car sa voix possède exactement l’autorité, le registre et la couleur requis par le personnage.

Des extraits des trois principaux opéras de Tchaïkovsky complètent le versant lyrique du film, tandis que des mélodies de Rachmaninov, Medtner et Tchaïkovsky encore, appportent une autre dimension musicale à cette évocation historique russe dont l’initiative revient au chef d’orchestre Constantine Orbelian.  En bonus (on dirait plutôt : en bis), Renée Fleming nous régale d’un “Casta diva” à faire damner tous les druides de l’antique Empire, tant son galbe belcantiste est parfait ; mais Dmitri Hvorostovsky révèle dans l’air à boire d’Hamlet d’Ambroise Thomas une notable incompréhension de la prononciation française, et spécialement des “e” muets !

 

 

Gioacchino ROSSINI : Armida.  Renée Fleming (Armida), Lawrence Brownlee (Rinaldo), John Osborn (Goffredo), Barry Banks (Gernando, et Carlo), Kobie van Rensburg (Ubaldo), Yeghishe Mnucharyan (Eustazio), Peter Volpe (Idraote), Keith Miller (Astarotte), The Metropolitan Opera Orchestra, Chorus and Ballet, dir. Riccardo Frizza.  Mise en scène : Mary Zimmerman.  Chorégraphie : Graciela Daniele. 2DVDs Decca : 074 3416.

Le rôle d’Armide, seule figure féminine au sein d’une distribution d’hommes (comportant six rôles de ténor !), fut composé pour Isabella Colbran, et il demeure un des grands rôles d’endurance dans le répertoire de soprano coloratura.  Renée Fleming s’y était fait remarquer lors du Festival Rossini de Pesaro en août 1993, production qui avait été fixée au disque par Sony ; Gregory Kunde lui donnait la réplique, sous la direction peu légère, peu accorte, de Daniele Gatti.  L’entrée de l’œuvre au répertoire du Metropolitan Opera se fit au printemps 2010, à la requête de Renée Fleming, et l’on reste admiratif en constatant que, 17 années après, sa voix reste aussi maîtresse de sa souplesse technique et de ses cascadantes colorature, avec même une douceur expressive dans les nuances patinée par la maturation d’une authentique musicalité.  Au terme de ce parcours de près de trois heures, Renée Fleming conserve intactes ses ressources pour réussir un Quatuor et un Finale de l’Acte III en grande actrice et vocaliste.  De surcroît, la capacité à se mouvoir sur scène avec grâce, à jouer son rôle sans avoir l’air de penser aux difficultés de sa partie, reste un atout précieux de la cantatrice, et rend le spectacle fort agréable à voir.  Face à elle, Rinaldo revêt la jeunesse et l’agilité vocale du ténor noir Lawrence Brownlee, qui produit ses extrêmes avec moins d’effort que Gregory Kunde.  Sa vigueur mène brillamment à terme la cabaletta du fameux terzetto des trois ténors à l’Acte III.  L’ensemble des comparses forme une troupe assez homogène, et le chef Riccardo Frizza, sans être particulièrement inspiré, s’avère plus vivant que Daniele Gatti.  On conseillera donc d’abandonner le disque pour le DVD, d’autant qu’il restitue aussi fidèlement la longue partition sans coupures, ballet compris.

La mise en scène de Mary Zimmerman alterne des trouvailles séduisantes et des naïvetés qui laissent perplexe.  Au premier acte, les soldats de Godefroy de Bouillon semblent aussi rigidement plantés dans le sol que les palmiers en à-plats tout bleus.  Et ne parlons pas des ridicules fleu-fleurs bleues (eh oui, il faut qu’elles soient assorties aux palmiers !) du catafalque de Dudone, et des tout aussi ridicules fleu-fleurs rouges plantées comme des poireaux à l’Acte III !  Quant aux mirages censément éblouissants du Palais des plaisirs de la magicienne (Acte II), qu’ils se réduisent à des chaises Louis XVI alignées tout le tour du décor… et à une énorme araignée au plafond (!) me semble un peu juste pour ensorceler le vaillant Rinaldo dans la volupté.  En revanche, félicitations au peintre du très beau rideau de scène figurant les éléments déchaînés.

Les costumes virils mêlent armures médiévales et redingotes inspirées des tenues de l’armée américaine au XIXe siècle (bretelles made in U.S.A. comprises) : prenez un zeste de Croisades, une lichette de guerre de Sécession, versez dans le shaker et servez frais !  À l’acte III, le bouclier carolingien à umbo sur l’uniforme de type “tunique bleue” fait très seyant !  On notera avec amusement, dans le rôle de l’intervieweuse des bonus, Deborah Voigt, soprano dramatique wagnérienne de son état.

 

 

Au total, la captation de ces trois spectacles récents couvre un champ particulièrement vaste de l’art éblouissant de Renée Fleming, un des plus grands sopranos de notre temps, aujourd’hui quinquagénaire mais toujours radieuse et d’une grande lucidité quant à la manière de conduire l’évolution de sa voix ainsi que le persévérant entretien de sa splendide technique.

Sylviane Falcinelli.

 

 

Jean-Baptiste LULLY : Armide.  Tragédie en musique en un prologue & cinq actes.  Livret de Philippe Quinault.  Stéphanie d'Oustrac, Paul Agnew, Laurent Naouri, Claire Debono, Isabelle Druet, Nathan Berg, Marc Mouillon, Marc Callahan.  Chœur et Orchestre Les Arts Florissants, dir. William Christie.  Mise en scène : Robert Carsen.  2 DVDs Fra Musica : FRA 005.  TT : 2h48'.

Armide, que compose Lully en 1686, est l'une des nombreuses adaptations suscitées par l'histoire de la magicienne éponyme du poème épique du Tasse.  La production de Robert Carsen en livre une vision habilement stylisée d'une grande unité.  Mais là où un Villégier suggère (Atys), Carsen cherche à démontrer en imposant un raisonnement : à partir du prologue basé sur des projections donnant à voir, outre des portraits de Louis XIV, un touriste visitant la Chambre du roi et s'endormant sous le baldaquin, la pièce se joue tel le rêve d'un improbable roman d'amour.  L'univers confiné de ladite chambre en sera le lieu, et la couche royale l'élément catalyseur de la lutte sans merci qui oppose Armide à Renaud.  L'idée sera déclinée en forme de variations au fil des cinq actes, seules les modifications d'éclairages venant en modifier l'ordonnancement.  Celui-ci est fondé sur un nuancier de gris argent duquel se détache la pourpre des costumes de l'héroïne et de ses créatures ou d'un parterre de roses.  La chorégraphie moderniste de Jean-Claude Gallotta alterne mouvements saccadés et gestes au ralenti : si pas toujours signifiante, elle est du moins agréable à l'œil.  Un effet de miroir (fond de scène, sol) enrichit l'esthétisme de la démarche.  De la vengeance proclamée à l'amour passion, de la colère à la langueur, du rejet d'une passion incontrôlée à la crainte du délaissement, le schéma dramaturgique aboutit à cette manière d'inversion (procédé cher au metteur en scène) : Renaud, appelé par la gloire, ceint de la pourpre royale, renonce à l'amour de la magicienne tandis que celle-ci, dépouillée de ses attributs de puissance, succombe au piège de sa propre vengeance.  Contrairement à la lettre du livret, elle se donnera la mort.  Du cast intéressant se détache cette figure tragique telle que la dessine Stéphanie d'Oustrac, d'une incoercible présence et d'une vocalité souveraine.  Le Renaud de Paul Agnew offre une belle diction qu'embellit le frémissement dans la voix qui le caractérise.  Laurent Naouri, n'était un curieux accoutrement, prête à La Haine des accents presque sardoniques dans leur outrance.  La prise de vues est réalisée avec goût et imagination.  La force du spectacle réside, bien sûr, dans la direction de William Christie qui livre de cette tragédie en musique la quintessence de ses harmonies envoûtantes.

 

Jean-Pierre Robert.

 

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Dorothée de MONFREID & Tony TRUAND : Super sauvage.  Gallimard Jeunesse Musique.  32 p. + CD.  22 €.

Super Sauvage est une histoire chantée qui se raconte, en musique & bande dessinée, autour de 13 chansons et de quelques dialogues.  L’histoire est celle de Pipo, un petit chien qui fuit le monde urbain et la vie domestique pour être libre.  En cavale, il rencontre le chat Attila.  En une journée, leurs aventures nous emmènent de la ville jusqu’à la forêt.  La liberté est-elle vraiment au bout de cette aventure ?  Le ukulélé et autres banjos deviennent, au fur et à mesure, de véritables personnages ; petits et grands les suivent dans leurs fabuleuses épopées ! À lire, à écouter, à découvrir sans attendre !

 

Laëtitia Girard.

 

 

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LA REUNION AU CAFE DE LA DANSE propose une série de rencontres avec des artistes réunionnais de la nouvelle génération, dans différentes disciplines et formes : cinq comédiens, vingt-deux musiciens, un photographe, une cuisinière et un libraire ; autant d’invitations à la (re)découverte de la culture réunionnaise, entre patrimoine et création.


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