Lettre d'information - no 129 juillet 2020
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L’Orchestre Pasdeloup à la Philharmonie de Paris – Anda jaleo, jaleo... au Père-
Lachaise – Ives, Prokofiev, Lutosławski, Penderecki à Varsovie – Debussy,
Satie et Grisey joués par Le Balcon – Le piano sous les doigts d’une pianiste
chez un ami
Savez-vous qu’il existe dans le monde 780 orchestres symphoniques
professionnels et qu’il y a 45 femmes chefs d’orchestre ? Vous le savez, si vous
écoutez Au cœur de l’orchestre, émission très écoutée de Christian Merlin sur
France Musique. C’est le 8 mars 2020 qu’il a communiqué ces chiffres avec la
précision qui lui est propre. Notez au passage que l’auteur de cette série
d’émissions s’est vu décerner le Prix de la Biographie du Prix France Musique
des Muses 2020 pour sa biographie de Pierre Boulez publiée chez Fayard. Nous
avons tous maintenant assez de temps pour lire non seulement cette biographie,
mais aussi d’autres livres récompensés par le jury de la même distinction :
L’Italie fasciste (1922-1943) par Charlotte Ginot-Slacik et Michela Niccolai,
chez Fayard aussi (Grand Prix), Musiquer par Christophe Small aux Éditions
Philharmonie de Paris (Prix de l’Essai) et L’Humour de Claude Debussy par
Benjamin Lassauzet chez Hermann Éditeur (Prix Coup de cœur).
Créé en 1869 par Jules Pasdeloup, l’Orchestre – qui porte depuis son nom
et qui fut le premier orchestre symphonique de Paris – a confié récemment la
direction musicale à deux cheffes d’orchestre, Elena Schwarz et Marzena
Diakun. Le samedi 14 décembre 2019 à 15 heures, elles ont choisi de créer une
nouvelle œuvre d’Elżbieta Sikora, Sonosphères V. Wanda Landowska pour
orchestre et guitare électrique.
Elena Schwarz, cheffe suisso-australienne, a conduit l’orchestre Pasdeloup
avec, à la guitare électrique, Misja Fitzgerald Michel (né en 1973), ancien élève
de la classe de jazz de François Jeanneau au Conservatoire national supérieur de
musique de Paris, étudiant ensuite chez Jim Hall, Billy Harper et Kenny Werner
à la New School de New York, nominé aux Djangos d’or de la guitare 2006
pour le disque Encounter ainsi qu’aux Victoires du jazz 2012 pour son album
Time of No Reply.
Marzena Diakun, cheffe polonaise, a enregistré la pièce en studio avec le
même soliste et le même orchestre. Les deux créations ont mis en valeur
l’écriture énergétique de la nouvelle composition de Sikora : la construction
savante de l’ensemble est ici, comme toujours chez elle, la valeur la plus sûre,
mais soulignons surtout l’éclat sonore et riche en couleurs de l’orchestre qui se
marie parfaitement avec la fougue et la liberté de la guitare rock du soliste qui
semble parfois délaisser les notes de la partition pour aller vers une véritable
improvisation ! L’utilisation de la guitare électrique parmi les instruments
d’orchestre se refère, d’après les dires de la compositrice, à un souvenir musical
lié à la personnalite très forte de Wanda Landowska, virtuose de clavecin, qui
aurait probablement – selon Elżbieta Sikora – joué de la guitare si elle était
toujours parmi nous : « Cette composition sous forme d’anneau non fermé –
écrit-elle dans le programme du concert – contient dans sa partie centrale un
important solo de la guitare qui, comme un diamant noir serti dans du métal
précieux, détermine la forme d’ensemble de la composition. Dès le début de
l’œuvre, les interventions fragmentées de la guitare annoncent ce moment
d’apothéose pour laisser ensuite l’orchestre reprendre son rôle de meneur de
jeu. »
L’autre soliste de cet après-midi, le pianiste estonien Mihkel Poll (né en
1986) a exécuté avec l’orchestre la Danse macabre (1849) de Franz Liszt. Dans
le programme du concert, Gérald Cardineau souligne la modernité de l’œuvre de
Liszt : « La profusion de combinaisons originales de timbres, les innovations
harmoniques – certaines dissonnantes pour l’époque –, la pulsation rythmique
véhémente qui parcourt toute la pièce, font de Totentanz un tableau orchestral et
pianistique moderne qui n’est pas sans évoquer – près d’un siècle en avance – la
musique de Bartók et de Prokofiev. » En effet, le thème du Dies irae suivi de ses
six variations offre à l’orchestre et au pianiste toute la gamme de virtuosités
connues du compositeur hongrois et des compositeurs à venir. Sous les doigts du
pianiste estonien, le piano a été puissant, envoûtant, diabolique à volonté.
Malgré les grèves du mois de décembre, la grande salle Pierre Boulez de la
Philharmonie de Paris ne fut point vide ce samedi 14 decembre 2019 à
15 heures ; au contraire, elle craquait d’un public enthousiaste venu pour ce
concert titré Eroica, à cause de la 3 e symphonie de Bethoven jouée pour clore le
concert comme un prélude à l’année Beethoven. Cette symphonie à multiples
facettes sonores et rythmiques non seulement me fait plonger toujours avec la
même joie dans ses lignes mélodiques bien connues, mais aussi m’incite à
chercher des filiations entre divers compositeurs d’avant 1804 mais surtout
d’après cette date. Ici, j’ai pu observer la manière dont Elena Schwarz conduisait
en concert les musiciens chevronnés de l’orchestre Pasdeloup et, en studio, la
façon dont Marzena Diakun, profitant de la présence de la compositrice sur
place, travaillait avec ces musiciens pour obtenir un enregistrement digne de
l’œuvre.
*
Au début de l’année, le vendredi 3 janvier 2020 à 15 h 30, j’ai assisté à un
hommage rendu à Claude Schvalberg, libraire, éditeur et bibliographe de La
Porte Étroite, rue Bonaparte, disparu le 27 décembre 2019. Son précieux
Dictionnaire de la critique d’art à Paris. 1890-1969 (Presses Universitaires de
Rennes, 2014) est un de mes livres de chevet… Dans la salle de la Coupole, au
créamatorium du cimetière du Père-Lachaise, sa famille et ses amis. Plongé dans
mes souvenirs et pensées bien tristes, soudain j’entends la voix de Rolando
Alarcón. Il chante El quinto regimiento, chanson de la guerre civile espagnole.
Après chaque strophe, le refrain, qui puise dans la chanson populaire recueillie
et harmonisée avec une dizaine d’autres par Federico García Lorca dans ses
Cantares populares : « Anda jaleo, jaleo ; / ya se acabó el alboroto / y ahora
empieza el tiroteo ». Forte émotion : il y a une cinquantaine d’années, la
chanson de Lorca est entrée dans ma tête et dans mon cœur avec la voix de
Victoria de Los Angeles enregistrée sur un 45 tours, et dont je vois toujours la
couverture jaune clair avec un portrait du poète. Ce disque m’était venu par le
miracle d’une amitié qu’on n’oublie pas. Mystérieuses coïncidences de lieux et
de temps : dans la tristesse du moment je retrouve l’émotion juvénile, fraîche et
intacte. L’art salvateur.
*
Du 25 janvier au 8 février 2020 se déroulait à Varsovie le 17 e festival Witold
Lutosławski. Du nom d’une de ses œuvres, Łańcuch II (Chaine II), ce festival
offre une suite de concerts savamment composés, d’exécutions des compositions
de différents créateurs dont le métier et la sensibilité se rapprochent sur plus
d’un plan : le concert du 25 janvier s’ouvrait sur The Unanswered Question pour
orchestre (1908-1935) de Charles Ives, avec le superbe solo de trompette. Sept
questions et sept réponses, puis la huitième question suivie d’un silence profond,
prolongé, on dirait sans fin – est-ce la réponse de l’Éternité ? J’avais découvert
cette œuvre il y a des années au festival Automne de Varsovie. D’autres œuvres
de Charles Ives ont suivi, tel A Set of Pieces for Theater or Chamber Orchestra
(1906-1911), rejoué au festival Lutosławski le 26 janvier dernier. À chaque fois,
en les écoutant, je pense aux avant-gardes européennes, à Guillaume Apollinaire
ou à Blaise Cendrars, aux poèmes-conversations, au simultanéisme, à la poésie
de plus en plus concrète ou abstraite, futuriste ou cubiste… Recherches
formelles qui rapprochent le savoir-faire et la sensibilité de grands créateurs, et
qui découvrent des mondes – ici, à Varsovie, les deux œuvres d’Ives,
« accompagnées » de la première Symphonie de Penderecki (1973) et de la
deuxième Symphonie (1967) de Lutosławski (pour le premier concert), et de la
Petite suite pour orchestre (1951) et de Chaine II (1985) de Lutosławski ainsi
que du premier Concert pour violon (1917) de Prokofiev (pour le deuxième
concert) ont apporté de la bonne matière à l’esprit et aux sens. Soirées
inoubliables !
*
Le 31 janvier, à Paris, une autre soirée inoubliable : Prélude à l’après-midi d’un
faune de Claude Debussy, Socrate d’Erik Satie et Vortex Temporum I, II, III de
Gérard Grisey. Ces trois œuvres ont été jouées par l’orchestre Le Balcon sous la
direction de Maxime Pascal. Le public, dans l’Auditorium de Radio France, a
été d’abord conquis par l’émotion à peine contenue du chef d’orchestre qui, face
à la crise dans le domaine de la culture, et avant que le virus ne nous attaque ! a
parlé de disparitions autour de lui : disparition des oiseaux, qui n’ont plus d’air
ni d’espace où vivre, et celle des hommes – musiciens, techniciens, spécialistes,
acteurs, chanteurs qui prennent leur retraite ou partent licenciés à cause de la
politique d’économie imposée par le gouvernement ; des applaudissements bien
nourris ont salué ce beau témoignage de solidarité.
Mais le public a été aussi subjugué par l’interprétation quasi religieuse des
œuvres jouées ce soir-là : la précision technique de l’exécution leur insufflait la
profondeur poétique qu’on attendait. Surtout le Prélude de Debussy, dans la
transcription d’Arthur Lavandier (nomenclature : flûte, hautbois, 2 clarinettes ;
cor ; piano, cymbales antiques ; 2 violons, alto, violoncelle, contrebasse),
laquelle – si je lis bien la notice du programme – suit à quelques différences près
celle qui aurait été réalisée vers 1920 par Schoenberg et un de ses élèves, Benno
Sachs, m’a paru juste de ton, évoquant à merveille les tonalités secrètes du
poème de Mallarmé. Je pense que le poète aurait décelé et aimé le souffle et la
lumière de cette transposition où le sobre, le solennel et l’antique sont au rendez-
vous visant la modernité. Puis un drame symphonique en trois parties avec voix,
sur des dialogues de Platon traduits par Victor Cousin, Socrate d’Erik Satie,
avec Damien Bigourdan, ténor. Pendant une demi-heure, j’ai nagé dans la
reconnaissance au compositeur et dans la félicité même qu’il ressentait lors de la
gestation de son œuvre : « Platon est un collaborateur parfait, très doux et jamais
opportun. […] Je nage dans la félicité. » Composé en 1917-1918, Socrate
apparaît comme « une sorte de testament avant l’heure, une manière de sublimer
ses doutes et ses douleurs » (Anne Foisy dans son excellente notice du
programme). Composé en 1994-1996, Wortex Temporum [Tourbillon de temps]
pour piano et cinq instruments (flûte, clarinette, violon, alto, violoncelle) est une
pièce maîtresse dans l’œuvre de Gérard Grisey (1946-1998). Le compositeur a
ainsi décrit sa démarche : « Abolir le matériau au profit de la durée est un rêve
que je poursuis depuis de nombreuses années. Vortex Temporum n’est peut-etre
que l’histoire d’un arpège dans l’espace et dans le temps, en deçà et au-delà de
notre fenêtre auditive et que ma mémoire a laissé tourbillonner au gré des mois
dévolus à l’écriture de cette pièce. » En l’écoutant, on ressent en effet le vertige
de la durée. Un très beau concert qu’on n’oublie pas. Maxime Pascal et tous les
musiciens du Balcon sont des enchanteurs.
*
Le 1 er février 2020, un après-midi passé chez un ami dans sa maison de Bercy,
pour son 80 e anniversaire. En sortant, dans l’escalier, j’entends le piano jouer
sous les doigts d’une amie de Bernard. Je vois son visage, elle me regarde un
moment, souriante, en continuant de jouer un morceau que je ne connais pas
mais qui me fait plaisir. Je nage dans les sons qui vont partout dans la maison.
La musique prend possession de l’espace et du temps. Lentement je sors dans le
jardinet, puis dans la rue, je ferme le portail. Sensation de bonheur. Il se fait tard.
Le bus arrive. Les gens se parlent en souriant. On n’oublie pas ce genre de
merveilles. « Les souvenirs sont cors de chasse / Dont meurt le bruit parmi le
vent ».
Zbigniew NALIWAJEK
1348
1. Ars antiqua-ars nova
Au printemps 1348, Guillaume a quarante-huit ou quarante-neuf ans. Il est originaire de Machault, une bourgade au sud des Ardennes, vassale de Louis de Maerle, deuxième comte de Flandre, d’Artois, de Rethel et de Nevers, époux de Marguerite de Brabant.De leur union naquit une fille unique qui plus tard, épousa un frère du roi de France, Philippe le Hardi. Bon sang ne saurait mentir ! L’Ardenne est une ancienne terre de France ; c’est une marche du royaume, non loin des comtés du Hainaut et du Luxembourg. La Guerre de cent ans, a commencé depuis dix ans déjà, lorsque débute notre récit.
Le village de Machault, dont Guillaume porte le nom, se trouvait alors dans la province ecclésiastique de Reims, à 13 lieues de la métropole royale, soit environ trente-huit kilomètres. Reims était, depuis Clovis, la ville du sacre des rois de France. Elle l’était restée, bien que Paris se fût imposé, depuis Philippe Auguste, comme capitale politique. On y conservait une relique des plus sacrées, la Sainte Ampoule, contenant le saint chrême pour l’onction des rois thaumaturges. La ville était riche. La toile de Reims se vendait en Norvège et même en Russie, à Novgorod, grâce aux marchands du Hainaut et à ceux de la Ligue hanséatique ; on la retrouvait en Italie et jusque sur les bords de la mer Noire. Reims était au croisement des routes commerciales les plus actives d’Europe, au cœur de la Champagne et de ses foires opulentes. Elle était riche et indépendante. Désormais, un Conseil de ville, s’ajoutant aux échevins qui rendaient la justice, dirigeait la cité. La Guerre de cent ans ayant affaibli le pouvoir royal, il convenait d’y suppléer et d’assurer son propre gouvernement. On n’est jamais mieux servi que par soi-même ! En 1348, la galerie des rois de la nouvelle cathédrale est achevée, couronnement, si j’ose dire, d’un siècle de travaux commencés à la fin du règne de Philippe Auguste, pour édifier la troisième des cathédrales qui embellirent cette cité prestigieuse ! La façade occidentale, celle que nous admirons encore aujourd’hui (certes restaurée maintes fois), compte cinquante-six statues royales, hommage au monarque céleste, aux rois bibliques, mais pas seulement : on y voit Clovis !
De l’enfance et de la prime jeunesse de Guillaume de Machault, dans ce pays austère, triste plateau formé de craie, autrefois surnommé la Champagne pouilleuse, qu’irrigue l’Aisne, nous ne connaissons rien, sinon ceci : Guillaume est un roturier. Par l’on ne sait quel truchement, il put se rendre à l’école-cathédrale de Reims pour y suivre une formation de clerc. Probablement avant l’âge de vingt ans, il reçut les ordres mineurs (ostariat, lectorat, exorcistat, acolytat), fonctions liturgiques qui précédaient généralement la réception des ordres majeurs (sous-diaconat, diaconat et sacerdoce), mais ce ne fut pas son cas : Guillaume devint un clerc savant, mais jamais il ne fut ordonné prêtre. Cédric Giraud, dans le Cahier de Recherches Médiévales et Humanistes (n° 18-2009), montre l’importance du réseau des écoles-cathédrales, au centre duquel brillait celle de Reims. Son rayonnement, comme celui de l’école voisine de Laon, s’étendait en France et à l’étranger. De nombreux nobles anglo-normands venaient à Reims étudier sous la conduite de magister, maîtres réputés placés sous l’autorité de l’écolâtre et Guillaume le roturier y fréquenta de brillants esprits et de jeunes aristocrates. Depuis les grandes réformes de la Renaissance carolingienne, à partir du IXe siècle, la formation d’un clerc reposait sur l’apprentissage des sept arts libéraux, que l’on peut voir représentés sur la rose du transept nord de la cathédrale de Laon : « Gramm loquitur, Dia verba docet, Rhet verba colorat, Mus canit, Ar numerat, Geo ponderat, Ast colit astra. » La Grammaire parle, la Dialectique enseigne, la Rhétorique colore les mots, La Musique chante, l'Arithmétique compte, la Géométrie pèse, l'Astronomie s'occupe des astres. Les trois premiers forment le Trivium, les quatre suivants le Quadrivium. Nous ne disserterons point ici sur cette savante question réservée à d’érudits paléographes et ne retiendrons qu’un aphorisme : Mus canit, la musique chante. Car l’on chantait, dans le chœur canonial de la cathédrale de Reims et Guillaume n’était point sourd ! Et que chantait-on ? D’abord et surtout, le plain-chant en latin, seule forme musicale liturgique tolérée par l’Église, depuis la décrétale Docta Sanctorum Patrum du pape Jean XXII, qui n’entendait point d’une bonne oreille les hardiesses musicales de son temps. On lira avec profit sur cette question l’article d’Étienne Anheim, « Une controverse médiévale sur la musique : la décrétale Docta sanctorum de Jean XXII et le débat sur l’ars nova dans les années 1320 » (Revue Mabillon n.s. 11, p. 221-246). La monodie grégorienne ne suffisait plus aux musiciens, ni aux chantres ; ils voulaient du contre-point, de la polyphonie, en un mot un Ars nova qui remplaçât l’ars antiqua ! Qui plus est, les compositeurs ne répugnaient pas à faire quelque infidélité au texte sacré, à lorgner du côté des trouvères et des ménestrels, de l’amour courtois et de la chanson de geste, quitte à mêler subrepticement les formes musicales profanes et religieuses. Intolérable ! En 1323, Jean XXII, le deuxième pape d’Avignon, né à Cahors, fulmine une condamnation sans appel de ces débauches musicales : « Ce n'est pas inutilement que Boèce dit : L'âme corrompue se délecte des modes les plus corrompus, et les entendant souvent, elle s'amollit et se dissout. » Boèce, philosophe vivant au Ve siècle de notre ère est, entre autre, l’auteur d’un traité sur la musique. Il semblerait toutefois, nous apprend Florence Mouchet, dans sa contribution à Jean XXII et le midi, parue dans Les Cahiers de Fangeaux (n° 45, Privat, Toulouse, 2012), que le Souverain pontife en eût davantage contre le motet, forme polyphonique profane toute récente, que contre les fioritures qu’il était devenu courant d’ajouter au chant grégorien pour l’agrémenter. L’ire pontificale n’eut que peu de conséquences. Que l’on en juge ! En 1324, un an seulement après la publication de la décrétale de Jean XXII, Guillaume composait Bone Pastor Guillerme, un motet à trois voix en l’honneur de Guillaume de Trie, nouvellement promu archevêque de Reims : « Bone pastor Guillerme, Pectus quidem inerme, Non est tibi datum. » Guillaume, bon berger, point ne t’a été donnée, poitrine désarmée. Il en existe plusieurs enregistrements. Nous retiendrons celui réalisé par The Hilliard Ensemble (2001) chez Media Music et cet autre, par l’ensemble lyonnais Musica Nova (2002), réédité en 2011 par Ǽon, le n° 18 d’un album contenant l’intégralité des 23 motets.
Guillaume n’avait que vingt-quatre ans lorsqu’il écrivit cette œuvre. Une fois ses études achevées, il devint secrétaire d’un très puissant seigneur, digne des plus belles chansons de geste, le roi Jean 1er de Luxembourg, roi de Bohême, mieux connu sous le surnom de Jean l’Aveugle, en qui l’on reconnaissait, de son vivant déjà, le parangon de la chevalerie, dont Guillaume s’apprêtait à partager la vie aventureuse et raffinée pendant plus de vingt années. Avec lui, il découvrit l’art de la fauconnerie, s’aguerrit auprès de ce seigneur fougueux qu’il accompagna lors de ses expéditions en Italie ou à Prague. Pour ce protecteur remarquable il écrivit Jugement du roi de Bohème, épopée mêlant amour courtois et roman de chevalerie, qu’imita Christine de Pisan dans son poème intitulé le Dit de Poissy. Hélas, le 26 août 1346, lors de la bataille de Crécy, Jean l’Aveugle trouva la mort, mais une mort héroïque : afin de continuer à se battre, n’y voyant goutte, il avait demandé qu’on l’attachât à deux de ses chevaliers, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche !
1348
2. La Peste noire, Dies irae
Pierre de Damouzy était inquiet. Ancien maître régent à la Faculté de médecine de Paris, médecin personnel de Marguerite de France, comtesse de Flandre et mère de Louis de Maerle, deuxième comte de Flandre, d’Artois, de Rethel et de Nevers, suzerain de Machault, il réside à Reims, en sa qualité de chanoine de la cathédrale. Or, Guillaume avait également été nommé au chapitre de Reims, vers 1338 ou 1340, grâce à l’intercession de son ancien protecteur, qui lui procura cette charge lucrative avec l’approbation du pape d’Avignon Benoît XII. Guillaume percevait donc une prébende canoniale, mais il était non résidant (et le resta, probablement jusqu’en 1359), préférant, à celle des chanoines, la compagnie de nobles personnes lettrées et leur goût pour la littérature profane. Après le désastre de Crécy, Guillaume de Machault était entré au service de la fille de Jean l’Aveugle, Bonne de Luxembourg. Il fréquentait la cour de cette princesse de sang royal, société relevée qui lui inspira de nombreux poèmes, rédigés non plus en latin, mais en (ancien) français, la « langue vulgaire » ! Pierre de Damouzy écrivait lui aussi, mais en latin et sans nul projet poétique. Il mettait la dernière main à son Tractatus de epidymia, Traité de l’épidémie (manuscrit latin 11227 de la Bibliothèque nationale). Car, depuis un an, une nouvelle affreuse se transmettait de bouche à oreille. Le voyageur Ibn Battuta, les poètes Boccace et Pétrarque, des médecins italiens ou catalans, Gentile da Foligno, Jacme d’Agramont, avaient sonné l’alarme : la peste se répandait comme une trainée de poudre autour de la Méditerranée. Pestis, le fléau… Transportée par les galères génoises venues de la mer Noire, elle avait débarqué à Constantinople, à Gaza, puis gagné Gènes, Messine, Florence, Pise, Marseille et enfin Avignon : « L’an du Seigneur 1348, en France et presque partout dans le monde, les populations furent frappées par une autre calamité que la guerre et la famine : je veux parler des épidémies. Ledit fléau, à ce que l’on dit, commença chez les mécréants [dans l’empire mongol, en guerre avec les Génois], puis vint en Italie ; traversant les monts, il atteignit Avignon, où il frappa quelques cardinaux et enleva tous leurs domestiques. » (Jean de Venette, Chroniques latines, 1368). Gaucelm de Jean d’Euse d’Ironne, neveu de Jean XXII, cardinal-évêque d’Albano ; Giovanni Colonna, archiprêtre de la basilique Saint-Jean de Latran; Pedro Gomez Barroso, évêque de Carthagène, cardinal-évêque de Sabine, dit le cardinal d’Espagne ; Imbert du Puy, neveu de Jean XXII, cardinal des Douze Apôtres ; Gozzio Battaglia, patriarche de Constantinople, cardinal de Saint-Prixe ; Elie de Nabinal, cardinal de Saint-Vital ; Domenico Serra, maître général de l'Ordre de Marie, tous ces prélats furent entraînés dans une même danse macabre et avec eux onze mille avignonnais. Parmi ces derniers, la peste enleva Laure de Noves, aïeule du marquis de Sade, amour platonique et muse de Pétrarque qui l’avait rencontrée vingt ans plus tôt dans l’église Sainte-Claire d’Avignon, dont il s’était épris alors qu’elle venait de se marier.
Pierre de Damouzy était inquiet. Il n’avait encore jamais vu de ses yeux les épouvantables symptômes de la peste. Il ne les connaissait qu’à travers des témoignages parfois contradictoires. Alors, il préféra user d’un terme plus général, « épidémie » et, plus qu’à la maladie elle-même, c’est à sa transmission qu’il pensait. L’article savant de Danielle Jacquart, « La perception par les contemporains de la peste de 1348 » (Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 2006), nous en apprend beaucoup à ce sujet. Ayant été informé de l’arrivée de la peste en Avignon, où elle avait pris une forme pulmonaire, Pierre de Damouzy s’interrogeait. La propagation du mal serait-elle due au contact avec les malades, lorsqu’amis, médecins et prêtres les visitent ? Leur respiration empoisonnerait-elle l’air environnant ? Pis encore, des personnes en apparence saines pourraient-elles transmettre la maladie ? Avicenne, le grand philosophe et médecin persan, dans un traité médical, raconte l’anecdote légendaire de la pucelle venimeuse : nourrie de poison depuis l’enfance, mithridatisée en somme, elle avait été destinée à séduire puis contaminer des rois ennemis ! Nulle magie noire en cela, nulle intervention divine mais une contagion qu’il faudrait désormais savoir prévenir. Le meilleur rempart contre l’épidémie se révélait être la prophylaxie. À la demande de la Faculté de médecine de Paris, le Tractatus fut adressé au roi de France Philippe VI dès la fin de l’année 1348, alors que la peste silencieusement, venait d’entrer dans Paris. Reims était épargné, mais pour combien de temps ?
Pierre de Damouzy était inquiet, car les descriptions du fléau faisaient froid dans le dos. Voici celle de Boccace, l’auteur du Décaméron, dix récits se déroulant lors d’un « confinement » volontaire de quatorze jours dans une villa proche de Florence, où sévissait la peste : « Chez nous, au début de l’épidémie, et qu’il s’agît des hommes ou des femmes, certaines enflures se produisaient à l’aine ou sous l’aisselle : les unes devenaient grosses comme des pommes ordinaires, d’autres comme un œuf, d’autres un peu plus ou un peu moins. On les appelait vulgairement bubons. Après quoi le symptôme du mal se transforma en taches noires ou livides qui, sur beaucoup, se montraient aux bras, aux cuisses et en tout autre point, tantôt grandes et espacées, tantôt serrées et menues. Quant au traitement de la maladie, il n’était point d’ordonnance médicale ou de remède efficace qui pût amener la guérison ou procurer quelque allègement. Les guérisons étaient rares, et, dans les trois jours qui suivaient l’apparition des symptômes déjà signalés, et plus ou moins vite selon le cas, mais généralement sans fièvre et sans autre trouble apparent, presque tous les gens atteints décédaient. L’intensité de l’épidémie s’accrut du fait que les malades, par leur commerce journalier, contaminaient les individus encore sains. » (Cité dans Johannes Nohl, La mort noire : Chronique de la peste d’après les sources contemporaines, Paris, Payot, 1986, p. 26-27.) Les chroniqueurs témoins des faits, tel le florentin Matteo Villani, nous ont laissé d’effroyables témoignages. Partout, les populations littéralement affolées étaient en proie à la panique. Les uns se livraient à d’ultimes débauches quand d’autres s’adonnaient à la dévotion. Les prêtres, décimés comme les autres, n’étaient plus assez nombreux pour s’acquitter de leurs bons offices et les chrétiens mouraient sans recevoir les derniers sacrements. Il n’y avait plus assez de vivants pour enterrer les morts ; des cadavres abandonnés gisaient dans leur lit, oubliés de tous tandis que d’autres jonchaient les rues, en l’attente d’un fossoyeur. Les plus riches citadins parvenaient à s’enfuir sans se douter que la peste, où qu’ils allassent, les aurait précédés. Sur leur chemin, sans doute croiseraient-ils une procession, verraient-ils des dos lacérés, une foule de flagellants hirsutes invoquer la protection de la Vierge, des prophètes improvisés annoncer la fin des temps, de hâves frères franciscains aux yeux exorbités exhorter, de villages en villages, des paysans à la contrition, des pénitents porter des croix plus lourdes qu’eux-mêmes en chantant à tue-tête la Prose des morts : « Dies irae, dies illa, Solvet saeclum in favilla, Teste David in Sibylla. » Jour de colère ce jour-là, Il réduira le monde en cendres, David et la Sibylle l’attestent. Cette séquence grégorienne, écrite vers la fin du XIIe siècle, tirée en partie du poète Lactance (250-325), était chantée lors de la messe des défunts. Elle décrit l’apocalypse, le jugement dernier au son des trompettes, le tardif repentir des pécheurs, implorant la miséricorde du Seigneur : « Pie Jesus domine, dona eis requiem. » Doux seigneur Jésus, donne-leur le repos éternel. Nul ne l’entend sans frémir. Elle inspira nombre de compositeurs jusqu’à aujourd’hui. Berlioz la fait sonner en une lugubre fanfare dans le cinquième mouvement, Songe d’une nuit de Sabbath, de sa Symphonie fantastique. Carl-Théodore Dreyer (1889-1968) l’a prise pour titre de l’un de ses films, Dies irae (1943). Dans le Septième sceau (Ingmar Bergmann, 1957), Max von Sydow incarne le chevalier Antonius Block, de retour des croisades. Au cours de son périple, il croise une procession de flagellants hagards, ivres d’imprécations, surgissant comme des fantômes parmi les fumées d’encens : à l’arrivée dans un village, au son du Dies irae, l’un d’entre eux est crucifié. Plus tard, Antonius Block jouera sa vie aux échecs avec la Mort, sur un rivage… « A peste fame belloque libera nos Domine. » De la peste, de la faim et de la guerre libère-nous seigneur ! Le Moyen-âge a résonné de cette imploration quotidienne, ajoutée aux litanies des saints, résumé complet des trois causes principales du malheur sur la terre. René Girard l’a bien montré (La violence et le sacré, 1972), dans sa théorie du « Bouc émissaire » : pour ne pas retourner contre elles-mêmes leur propre violence ambivalente et refoulée, les sociétés primitives, mues par un « mécanisme victimaire », doivent trouver un responsable de leurs maux, faute de quoi elles s’autodétruiraient. En général, les boucs émissaires sont choisis parmi les groupes minoritaires, les marginaux, les réprouvés de toutes sortes. En avril 1348, à Toulon, quarante juifs étaient massacrés, accusés d’avoir causé la peste par l’empoisonnement de l’eau des puits. Bientôt, le pogrome s’étendit et contamina tout le Languedoc, atteignit Paris, se répandit en Savoie, en Suisse et en Allemagne, à Nuremberg. Le pape Clément VI s’en émut. Le 26 septembre 1348, il admonestait les évêques en ces termes : « Récemment, une nouvelle infâme est parvenue jusqu’à nous : la peste que Dieu inflige au peuple chrétien pour ses pêchés, voici que des chrétiens la mettent sur le compte des juifs. Poussés par le Diable, ils les accusent d’empoisonnement. Il est vrai que ce crime d’empoisonnement mériterait un châtiment terrible, mais on voit que la peste atteint aussi les juifs. Et puis, comment croire que les juifs ont pu trouver le moyen de déclencher une catastrophe pareille ? Nous vous ordonnons de profiter de la messe pour interdire à votre clergé et à la population – sous peine d’excommunication – de léser les juifs ou de les tuer ; s’ils ont des griefs contre les juifs, qu’ils recourent aux juges compétents. » (Cité par Raymond Darioly, Le Moyen Age, Lausanne, LEP, 1998, p. 386).
1348
3. Le Remède de Fortune
Alors que Pierre de Damouzy s’inquiétait, Guillaume menait grand train. Le roturier des Ardennes fréquentait désormais l’entourage de Bonne de Luxembourg. Fille de Jean l’Aveugle, elle était aussi la sœur aînée du futur empereur du Saint-Empire romain germanique, Charles IV, couronné à Rome le jour de Pâques 1355. À dix-sept ans, elle avait été mariée à Jean de Valois, qui n’avait alors que treize ans. Plus tard, il devint roi de France sous le vocable de Jean II dit le Bon. Par son mariage, elle devenait duchesse de Normandie, comtesse d’Anjou et du Maine, mais ne fut jamais reine de France, car le sort en décida autrement… L’autorité des premiers Valois, branche cadette des Capétiens, fut très tôt mise à mal. Edouard III Plantagenêt, roi d’Angleterre et seigneur d’Irlande, duc d’Aquitaine était aussi le petit-fils de Philippe IV le Bel par sa mère, Isabelle de France, épouse d’Edouard II d’Angleterre. C’est donc à lui, et non à ses cousins Valois, qu’aurait dû revenir la couronne de France. Puisqu’on la lui refusait, il irait la prendre. La guerre de cent ans commençait ! Jean de Valois, lui-même petit neveu de Philippe le Bel, passa donc la première partie de sa vie à guerroyer, en Normandie et en Guyenne. Il remporta des succès, mais le pouvoir de Philippe VI de Valois, le roi son père, était de plus en plus menacé. La bataille de Crécy, où mourut Jean l’Aveugle, lui porta un coup fatal. L’affaiblissement du roi de France allait profiter à ses frères puinés, qui avaient reçu en apanage de prestigieux fiefs ; Anjou, Berry, Orléans, Bourgogne. Quoique vassaux du roi leur frère, ces princes du sang s’accaparèrent petit à petit le bénéfice des impôts royaux. Le faste de leurs cours attira troubadours, poètes, savants, philosophes et musiciens. Bien qu’elles soient plus tardives, les Très riches heures du duc de Berry, commandées en 1411 à des enlumineurs hollandais, nous aident à imaginer la magnificence de ces cours princières ; dans des palais d’un gothique désormais ornemental, évoluent élégamment Dames et Seigneurs vêtus de tuniques de brocart rehaussées de fil d’or, courtisans, ecclésiastiques et serviteurs. Dans ses travaux érudits consacrés à La cour de Bourgogne à Paris, 1363-1422, (Université de Lille-3, 2011), Florence Berland nous montre la place de choix qu’occupaient les musiciens dans cette première « société de cour » (pour citer Norbert Elias). Une mode, en particulier, s’était installée ; celle des chapelles. Tout le monde voulait la sienne ! Peut-être doit-on cet engouement à l’influence de Clément VI (1291-1352), l’un des plus remarquables parmi les pontifes d’Avignon, mécène et protecteur des arts, qui avait créé sa propre chapelle au palais des papes ; la Grande chapelle. Le mot, par métonymie, désigne le lieu et les chœurs qui s’y produisaient. Bien après la fin de notre récit, vers 1365, Guillaume de Machault y fit exécuter sa Messe de Nostre Dame, son chef d’œuvre, l’une des premières messes polyphoniques, apogée de l’Ars nova.
Guillaume servait deux Dames, l’une céleste et l’autre bien terrestre. Pour la princesse qui le protégeait, il voulut donner le meilleur de lui-même. En ces temps troublés, il fallait bien se divertir. Pour rendre hommage à l’esprit autant qu’à la beauté des femmes, des cours d’amour se tenaient dans les palais princiers, sortes de tribunaux où l’on tranchait toutes questions touchant à l’amour. Chacun y allait de ses déclamations poétiques, la grivoiserie n’étant point de mise car seul prévalait le code de l’amour courtois. Dans le Remède de fortune, qu’il composa en 1348, œuvre alternant poèmes et chants, Guillaume de Machault décrit les affres d’un soupirant, que sa timidité empêche d’avouer ses sentiments à celle qu’il aime. Margaret Switten, dans les Cahiers de l’AEIF (1989, p. 101-116), en fait une analyse des plus éclairantes. L’œuvre est en trois parties. Dans la première, l’amoureux transi manque toutes les occasions de se déclarer, dans la dernière, il y parvient enfin. Tout s’est donc joué pendant la partie centrale lorsque, s’étant retiré au parc de Hédin, il rencontre « Espérance ». Il se ressaisit, grâce à cette muse puis adresse à Dieu une prière, afin qu’il lui soit pardonné d’avoir commis le péché de tristesse !
Or le Remède de Fortune n’est point une œuvre sentimentale ou frivole ; c’est un manifeste en faveur du renouveau musical, alors que sévissaient la faim, la guerre et la peste. Les pièces chantées de la première partie sont monodiques, notées en neumes comme l’est le chant grégorien. Les formes musicales utilisées – Virelai, Complainte, Chanson royale – se rapportent à l’art déjà ancien des troubadours et des ménestrels ; les durées sont divisées en trois, hommage à la Trinité sainte. Lors de la partie centrale et pendant toute la troisième partie, le style ancien (ars antiqua), se transmue en art nouveau (ars nova); le chant devient polyphonique, la notation se modernise, les durées sont divisées par deux, ce qu’interdisaient les traités musicaux jusqu’alors, des formes nouvelles apparaissent, telles que Baladelle, Rondelet… Signalons les interprétations qu’en donnent l’Ensemble Project Ars Nova, et celle de Marc Mauillon et Pierre Hamon (Guillaume de Machault Eloquentia, 2008, diapason d’or). Lorsque Guillaume lui dédia l’œuvre, Bonne de Luxembourg n’avait plus que peu de temps devant elle. En 1348, Jean Le Noir, enlumineur de grand renom, commençait la composition d’un psautier aujourd’hui connu sous le nom de Psautier de Bonne de Luxembourg (New-York, The cloisters). Les 150 psaumes de David y sont ornés d’enluminures. L’une d’elles retiendra notre attention. Elle reprend un thème très célèbre alors, celui des Trois vifs et des trois morts. Trois jeunes et fringants chevaliers rencontrent, au détour d’un chemin, trois cadavres qui les veulent entraîner dans une Danse macabre, comme celles que l’on peignait alors dans les églises, afin que tous méditassent sur la vanité du monde et la précarité de toute vie humaine. Memento mori. Souviens-toi que tu es mortel ! Bonne de Luxembourg fut arrachée à la vie en 1349, saisie par la peste qui faisait encore des ravages, même dans les cours princières… Le Remède de Fortune repose sur un pivot qui a pour nom « Espérance ». Il nous enseigne que les temps de peste peuvent annoncer de la nouveauté dans le monde !
Chapitre 2
L’ère du 78 tours
« Un âge d’or tourmenté », voilà qui peut définir le moment que traverse la musique enregistrée pendant la première moitié du XXe siècle. Un âge d’or produit par la prospérité aux États-Unis et en Europe, cette dernière ayant traversé une période de paix après la guerre de 1870, jusqu’en 1914. Du presque jamais vu sur le vieux continent.
Remontons le cours de l’histoire : aux États-Unis, la Columbia Phonograph Company commercialise à partir de 1887 aussi bien les inventions de Berliner que celles d’Edison. Elle se développe rapidement en Angleterre avec The Graphophone Company qui devient The Gramophone Company, puis en Allemagne, quand Emil Berliner, de retour dans son pays natal en 1898, fonde la Deutsche Grammophon. L’année suivante vient le tour de la compagnie française. Symbolisant que le son issu d’un gramophone bénéficie de la pureté céleste, le logo de la Gramophone Company est le dessin d’un ange gravant un disque avec une plume d’oie.
Nipper le pinceur
Il avait l’habitude de s’en prendre aux bas de pantalon des visiteurs, d’où son nom, « Nipper » (to nip, pincer). En 1898, le peintre britannique Francis Barraud reproduit ce jack-russel écoutant la voix issue du pavillon d’un gramophone à cylindre. Owen (fondateur
de la filiale anglaise de la Columbia Phonograph Company) perçoit aussitôt le symbole et l’impact que ce tableau peut avoir comme emblème commercial et fait une offre d’achat à condition que le peintre substitue à la machine à cylindre un gramophone lisant un « disque » plat, l’invention de Berliner. Cette demande exaucée, l’année suivante, ce tableau modifié est acquis pour la somme de 100 livres couvrant le copyright et des droits de reproduction internationaaux exclusifs. En Angleterre, la Gramophone Company devient donc His Master’s Voice (La voix de son maître). Nipper traverse l’Atlantique pour devenir l’emblème de la société mère américaine. On le retrouvera aux quatre coins du monde.
Quand les deux associés, Emile Berliner et Eldridge R. Johnson, se sépareront, ce dernier prendra la garde de Nipper devenu le logo de sa société Victor Talking Machine Company. En 1929, la Radio Corporation of America achète la société, His Master’s Voice devient l’emblème des disques RCA Victor. Le chien se partage donc en deux : aux États-Unis, Canada et Japon, il appartient à RCA Victor, en Europe principalement, il reste chez His Master’s Voice.
Les déboires de Nipper ne s’arrêtent pas là. Avec la Première Guerre mondiale, Berliner perd le contrôle de Deutsche Grammophon, sa branche allemande. La paix revenue, pour reprendre pied dans ce pays, il lance Electrola, en 1925. Avec le cours tourmenté de l’histoire allemande, Electrola ne retrouvera l’usage de Nipper qu’en 1949.
En dépit des aléas, le tableau de Francis Barraud devient le logo le plus célèbre au monde après celui de Coca Cola.
Qu’entend-on ?
Au début, la durée d’une face se limite à 1’30 environ (montant progressivement jusqu’à 6’), une durée pas tellement plus longue que celle d’un cylindre dont le son s’améliore grâce aux recherches de Graham Bell et de Charles Summer Tainter lorsqu’ils lancent la Columbia Graphophone Company.
Qu’enregistre-t-on ?
Avant toute chose, la voix (parole et chant), les grandes stars du cabaret et du caf’conc. En Angleterre, le spécialiste de l’humour cockney, Albert Chevalier, de l’autre côté de la Manche, Félix Mayol puis Maurice Chevalier, deux des chanteurs les plus aimés du public, l’un à la Belle Époque, l’autre dans l’entre-deux guerres. Les grandes voix d’opéra : Dame Nelly Melba, Enrico Caruso, Georges Thill ; des violonistes, tel Ysaÿe.
Pourquoi cette priorité ? Dans l’ère de l’enregistrement acoustique, l’artiste s’exprime face à un pavillon acoustique qui capte et transmet les fréquences au stylet, lequel grave un sillon sur la « matrice ». La voix, le son du violon sont les plus adaptés à cette technologie.
Le répertoire s’élargit avec les progrès techniques. Les pianistes les plus célèbres, Rachmaninov par exemple, y participent.
Dès le début des années 1920, His Master’s Voice enregistre The Virtuoso String Quartet.
Le « disque » se vend alors sur tous les continents. L’Allemagne, unifiée depuis peu, s’en saisit pour affirmer aux yeux du monde qu’elle est LA patrie de la musique classique et en premier lieu symphonique. La parution en 1913 du premier enregistrement de la Cinquième symphonie de Beethoven par l’Orchestre Philharmonique de Berlin, dirigé par Nikisch, prédécesseur de Furtwängler, est un véritable coup de tonnerre. S’enchaînent alors les projets les plus ambitieux, à l’image de la Deuxième symphonie de Mahler (1924) ou de la Symphonie « Alpestre » de Richard Strauss (1925) par Oskar Fried.
La fée électricité
Comment se déroulait un enregistrement au début du siècle passé ?
Le chef d’orchestre Piero Coppola en fait une bonne description dans son livre, Dix-sept ans de musique à Paris, 1922-1939 (1943, réimpr. Slatkine, 1982) :
« En ce temps-là les bureaux (de la Gramophone Company dont il était également le directeur à la demande de Fred Gaisberg) étaient situés boulevard Richard-Lenoir, non loin de
la Bastille. [...] À côté de mon bureau de direction il y avait la salle d’enregistrement [...].
« La direction de Londres m’avait envoyé le chef des ingénieurs enregistreurs qui bientôt
se mit à l’œuvre. La salle d’enregistrement était assez grande et se terminait d’un côté, par une paroi derrière laquelle s’abritait, caché par une cloison en bois, l’ingénieur du son ; de sa cage pointait vers la salle un étrange entonnoir qui se doublait par un plus petit quand l’enregistrement nécessitait un soliste avec l’accompagnement d’orchestre. » Or, avec l’enregistrement acoustique, l’orchestre était réduit au minimum !
La grande révolution technologique de 1925, en provenance d’Amérique, va tout métamorphoser : l’enregistrement électrique. Fini le grand entonnoir capteur de son. L’idée est d’amplifier le signal avant de le graver, en utilisant les technologies mises au point pour la radio, afin d’éviter les distorsions des signaux les plus faibles. Les premiers essais se déroulent dans les studios de Camden dans le New Jersey.
Les premiers micros se composent d’une capsule contenant des granulés de charbon, fermée par une membrane souple, le charbon étant maintenu entre deux plaques. Ces micros, assez médiocres, sont des dérivés de ceux utilisés dans les téléphones, avant l’arrivée des micros à condensateur, très proches de la technique utilisée aujourd’hui, comme les fameux Neumann.
Piero Coppola poursuit : « … un jour (1925-1926) je reçus de Londres le premier exemplaire d’un disque arrivant d’Amérique […] la Danse Macabre de Saint-Saëns enregistrée avec le nouveau système par l’Orchestre de Philadelphie sous la direction de Leopold Stokowski. J’étais sidéré : enfin de la vraie musique. On percevait distinctement tous les instruments et on avait l’impression réjouissante d’une grande masse d’instruments à cordes.
« Fini ce grattement de l’aiguille sur l’ébonite qui faisait souvent grincer des dents. […] À Paris, on décida de renoncer à cette petite salle d’enregistrement du troisième étage et on chercha autre chose. […] On finit par se décider pour la Salle Pleyel, rue Rochechouart, au cœur de Paris. Cette salle aujourd’hui disparue, avait une renommée historique, tant de grands artistes d’autrefois y ayant joué et chanté ; on parlait même de Chopin. […]
« Malheureusement on ne put pas trouver dans la même maison les locaux pour la pose des appareils électriques et des accumulateurs. Ceux-ci furent installés dans la salle du troisième étage du boulevard Richard-Lenoir, témoin de mes débuts, et la liaison avec la Salle Pleyel se faisait par un fil direct que
l’administration parisienne des P.T.T. avait installé entre les deux maisons, ce qui n’était pas encore l’idéal, car l’ingénieur du son, à quelques kilomètres de la salle d’enregistrements ne pouvaient pas nous voir. »
Cette révolution technologique (qui s’accompagne de l’amélioration des appareils de reproduction sonore) va donner une nouvelle impulsion aux politiques d’enregistrement, spécialement des œuvres orchestrales et des opéras. À Paris, en 1928, Georges Thill grave de larges extraits de Carmen. La même année est enregistrée au Festival de Bayreuth une quasi-intégrale de Tristan und Isolde de Richard Wagner, suivie, deux ans plus tard, par Tannhäuser ; en 1930, Georges Thill et Ninon Vallin signent un Werther de Jules Massenet. Ces deux stars se retrouvent en studio d’enregistrement pour Louise de Gustave Charpentier en 1935. Le succès est tel que trois ans plus tard, Abel Gance en réalise un film avec Georges Thill, mais dans lequel Ninon Vallin est remplacée par l’actrice et chanteuse Grace Moore, marché américain oblige. Quant à Beniamino Gigli, le ténor italien le plus célèbre depuis Caruso, entre 1934 et 1939, en plus de ses nombreux disques d’airs d’opéras, His Master’s Voice lui fait enregistrer I Pagliacci, La Bohème, Madame Butterfly et le Requiem de Giuseppe Verdi. Charles Gounod n’est pas ignoré : le premier enregistrement de Faust avec César Vezzani, Marcel Journet et Mireille Berthon, est gravé en 1930.
Un marché florissant
Treize millions de disques sont vendus en France au cours des quatorze premières années du XXe siècle. Dans les années vingt, un nouvel enregistrement de la chanteuse Yvonne Printemps peut atteindre les soixante mille exemplaires. Un chiffre énorme si l’on tient compte de la population française de l’époque (39 millions d’habitants environ) et du prix du disque. Le disque est cher, son profit confortable. Mais, si on enregistre autant, c’est principalement pour développer les ventes des gramophones. Déjà à l’époque, le software (enregistrement) sert
à faire vendre le hardware (matériel de lecture) qui génère un profit encore plus considérable.
Le paradis sur terre n’existant pas, ce marché va traverser diverses péripéties jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Déjà en 1922, la Columbia américaine fait faillite, rachetée par sa filiale anglaise qui s’alliera avec His Master’s Voice avant de fusionner en 1931 et de donner naissance a EMI. Le krach boursier de 1929 a d’importantes conséquences sur le marché de la musique enregistrée. En 1929, la Gramophone Company et la Columbia vendent trente millions de disques. Deux ans plus tard, les ventes ont baissé d’un tiers. En Amérique, beaucoup de musiciens s’établissent sur la côte ouest pour bénéficier des emplois de l’industrie du cinéma. Face aux restrictions budgétaires, Coppola démissionne de son poste de directeur de la branche française de His Master’s Voice. C’est la première crise du disque importante. Pas la dernière. Avec la reprise économique progressive, la politique du New Deal, l’arrivée au pouvoir des régimes totalitaires en Italie puis en Allemagne qui utliseront la musique comme outil important de propagande, la musique enregistrée retrouvera petit à petit ses couleurs d’avant 1929.
Sites internet
https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=the+columbia+gramophone+company
https://en.wikipedia.org/wiki/His_Master%27s_Voice
Livres
Piero Coppola, Dix-sept ans de musique à Paris, 1922-1934, Lausanne, Librairie F. Rouge, 1944.
Brian Southall, The Rise and fall of EMI Records, Omnibus Press, 2012.
Chapitre 3
Le disque sous l’Occupation
Un entretien avec Philippe Morin*, 29 février 2020
Laurent Worms − Comment aborder l’histoire du disque sous l’Occupation ?
Philippe Morin − Tout d’abord, il faut revenir sur les années qui ont précédé le 14 juin 1940 − jour de l’entrée des troupes allemandes dans Paris − pour comprendre ce qui se passera sous l’Occupation. EMI est le plus grand éditeur discographique international. Une situation de quasi-monopole. Le monde musical a l’œil rivé sur sa politique artistique. Or elle n’est que le reflet des grandes lignes de la politique internationale anglaise des années trente, après la prise de pouvoir par Hitler, jouant l’apaisement envers l’Allemagne nazie. Dès 1934, les artistes juifs, tels Bronislaw Huberman, Jascha Heifetz, Gregor Piatigorsky ou Wladimir Horowitz, disparaissent progressivement des studios d’enregistrement d’EMI. La plupart émigrent aux États-Unis. Arthur Rubinstein et Arthur Schnabel enregistrent toutefois jusqu’en 1939.
Le pianiste britannique Solomon ne retrouvera le chemin du studio qu’après 1942, tout comme Benno Moïseiwitsch, dans la collection « économique » de HMV (étiquette Plum) et jamais dans la collection internationale (étiquette rouge).
Par contre, on enregistre à tout-va de la musique germanique, de chambre ou symphonique : symphonies de Beethoven ou de Brahms gravées à Vienne sous la baguette de Felix Weingartner et de Bruno Walter qui, toujours en charge de l’Opéra et de la Philharmonie de la capitale autrichienne, est sous contrat avec HMV. Dès 1937, les artistes des pays fascistes entrent au catalogue international de Gramophone (et de Victor aux États-Unis), tels Furtwängler et la Philharmonie de Berlin ou toute la troupe de l’Opéra de Berlin qui enregistre avec Sir Thomas Beecham la première intégrale de La Flûte enchantée de Mozart. Suivront toute la série d’opéras italiens avec en vedette Beniamino Gigli. Enfin, en Allemagne, de larges extraits des Maîtres Chanteurs de Nuremberg par l’Opéra de Dresde et Karl Böhm, seront l’une des fiertés discographiques de l’immédiat avant-guerre.
Une confrontation politique va alors s’opérer par musique interposée entre les États-Unis et l’Allemagne. Qui sera le premier à publier l’enregistrement du concerto pour violon de Robert Schumann écrit en 1853, redécouvert en 1937 ? Deux projets vont s’affrontent : en Allemagne, Kulenkampff avec l’orchestre philharmonique de Berlin placé sous la direction de Hans Schmidt-Isserstedt (Telefunken, l’éditeur discographique allemand indépendant soutenu par le IIIe Reich) ; aux États-Unis, Menuhin avec le New York Philharmonic dirigé par Barbirolli (HMV). Le premier sortira en 1937, le second l’année suivante.
Quelle est la situation de l’édition discographique en France à cette époque ?
Une société tient le marché, Pathé Marconi. La société française Pathé, l’une des pionnières dans la musique enregistrée est rachetée en 1928 par la Columbia britannique, laquelle s’unit à Gramophone, elle aussi britannique, pour former EMI. En décembre 1936, EMI fonde une entité nommée « Les Industries Musicales et Électriques Pathé-Marconi, Compagnie Générale des Machines Parlantes Pathé frères et Compagnie Française du Gramophone réunies ». L’appellation Industries Musicales et Électriques est la francisation de celle de la maison mère britannique, Electric and Musical Industries.
Le nom de Pathé-Marconi, choisi en l’honneur d’Émile Pathé (1860-1937), leader du disque phonographique et de la machine parlante depuis la fin du XIXe siècle, et de Guglielmo Marconi (1874-1937), Prix Nobel de Physique en 1909, incarne la découverte de la radio. Émile Pathé est président d’honneur du conseil d’administration de la société jusqu’à sa mort le 3 avril 1937, soit quatre mois après la création de l’entreprise.
Pathé-Marconi possède les quatre marques qui règnent sur le marché du disque en France : Gramophone/His Master’s Voice, Columbia, Pathé et Swing. C’est un fleuron de l’économie française avec son usine ultra-moderne de Chatou. En plus de sa propre production, l’usine presse également les disques Odéon, Lumen, La Boîte à Musique, L’Anthologie Sonore et L’Oiseau Lyre. Autre activité : la fabrication de disques pour des éditions au Liban, au Vatican ou en Suisse par exemple. Le but, dès 1928, est d’être la plus importante usine de l’époque.
À partir de 1935, Jean Bérard, militant d’Action Française, prend les rênes de l’entreprise (son règne s’achèvera en 1944, à la Libération) et, dès 1940, l’engage dans la collaboration, au grand plaisir de l’occupant allemand qui trouve une oreille attentive et bienveillante à ses demandes. En 1941, Bérard déclare : « Le disque est bien le meilleur agent, non seulement de propagande, mais d’exportation de la production nationale de notre musique à l’étranger. Il est le trait d’union reliant la production musicale étrangère à la nôtre comme un avant-coureur de la production européenne » (Musique et Radio, no 368, mai 1941). C’est la première rupture avec le centre décision qui est à Londres. Bérard n’est plus que le patron de Pathé-Marconi. Et c’est tout le monde musical français qui va devenir autarcique. Il n’y a plus d’importation de Hayes (quelques disques allemands en 1942 seront publiés sous étiquette française).
Il est plausible de penser qu’en 1940-1941, Bérard espérait pour le disque français et Pathé-Marconi une place plus qu’honorable dans l’Europe nazie.
Quelles ont été les demandes des nazis?
Montrer la supériorité de la musique allemande et germaniser la culture musicale française par les Français eux-mêmes. La musique classique est la pierre angulaire de cette propagande. Ce qui se traduit sur le plan discographique par des enregistrements d’œuvres préalablement gravées par des artistes juifs. En 1941, à l’occasion des 150 ans de la mort de Mozart, événement phare pour la propagande culturelle nazi, Gramophone enregistre son cinquième concerto pour violon avec Jacques Thibaud et Charles Münch à la tête de la Société des Concerts du Conservatoire afin de faire face à celle de Jascha Heifetz chez le même éditeur. Autre exemple, le concerto pour violon de Beethoven dont une version avec Henry Merckel, l’Orchestre Lamoureux dirigé par Eugène Bigot était censée remplacer celles de Kreisler/Barbirolli et Szigetti/Bruno Walter. Ou le concerto pour violoncelle de Schumann gravé par André Navarra pour doubler les disques de Gregor Piatigorsky. Pathé-Marconi veut officiellement et progressivement déjudaïser son catalogue. En fait il ne le sera pas. Hormis les disques de compositeurs juifs, Mendelssohn, Wieniawski et Bloch, tous les disques de Yehudi Menuhin, Bruno Walter ou Fritz Kreisler seront fabriqués et distribués jusqu’en 1944, le critère de la pérennité de ces disques étant qu’ils s’en tiennent à la musique germanique.
C’est un premier paradoxe. Parallèlement à ces nouveaux enregistrements réalisés à la demande de l’occupant, Pathé continue de vendre la musique allemande d’avant-guerre jouée par des artistes juifs. En étudiant les fiches de ventes dans les archives de l’usine de Chatou, je me suis aperçu que 480 exemplaires du concerto pour violon de Schumann ont été vendus entre octobre 1940 et l’été 1943, contre 310 exemplaires de mai 1938 à juin 1940. Un exemple parmi tant d’autres.
Deuxième paradoxe apparent, pendant cette période, les enregistrements de musique française surpassent en nombre les compositeurs germaniques. Avant guerre, mis à part la ligne d’enregistrements de musique française réalisés à la demande de Fred Gaisberg par Piero Coppola jusqu’en 1935, les compositeurs français étaient les parents pauvres de l’édition phonographique, les deux compositeurs les plus mis en valeur étant Ravel et Debussy. Ce dernier, surnommé Claude de France, sera le compositeur roi de cette période. Le Quatuor par le quatuor Bouillon, des pièces pour piano par Jean Doyen, La Mer par Charles Münch, Iberia par Gaston Poulet vont enrichir sa discographie pourtant déjà bien fournie.
Le projet central sera le premier enregistrement mondial de Pelléas et Mélisande. Sa distribution regroupe la crème des artistes de l’Opéra de Paris et de l’Opéra-Comique : Jacques Jansen (Pelléas), Irène Joachim (Mélisande), Henri-Bertrand Etcheverry (Golaud), Germaine Cernay (Geneviève), Paul Cabanel (Arkel) Leila ben Sedira (Yniold). Roger Désormière dirige un orchestre de haut niveau avec, par exemple, Pierre Jamet à la harpe. Les séances ont lieu en 1941 : un mois au printemps, quinze jours à l’automne et une semaine en novembre. Cette initiative pulvérise tous les budgets d’enregistrement préalables. La publication a lieu en décembre de 1941. Le coffret de vingt 78 t/mn est vendu au prix de détail qui est l’équivalent actuel de 1 200 €.
Cette version de Pelléas et Mélisande est peut être l’unique enregistrement d’opéra qui n’ait jamais quitté le catalogue discographique français. Après les éditions en 78 t, puis en microsillon, il est de nos jours disponible en compact disc ou streaming. Du jamais vu.
De son côté, Jean Bérard exulte. Dans son optique collaborationniste, un tel projet n’a pu se réaliser que grâce à la « présence » allemande.
Ravel a, lui aussi, été bien réenregistré. Son Quatuor, déjà disponible par le quatuor Calvet, est réenregistré par le quatuor Bouillon, l’Introduction et Allegro par le quintette de Pierre Jamet, des pièces pour piano par Lucette Descave-Truc. Münch grave la Pavane pour une infante défunte, la valse et le concerto pour la main gauche avec Jacques Février, le Boléro et l’orchestration des Tableaux d’une exposition de Moussorgski sont réalisés sous la direction du jeune Jean Giardino et Tzigane par Jean Fournier et Jean Fournet à Radio-Paris.
L’œil de Goebbels à Paris
Ancien combattant de le guerre de 14, compositeur, organiste et chef de chœur, Fritz Werner adhère au NSDAP, parti nazi, le 1er mai 1933, quelques mois après la prise de pouvoir de Hitler. Il a trente-cinq ans.
À la déclaration de guerre, il est en poste à Postdam et incorpore la Wehrmacht. En août 1941, il rejoint le haut commandement à Fontainebleau, nommé Sondenführer au sein de la Propaganda Abteilung, émanation de la Section pays étranger du ministère de l’Information et de la Culture de Goebbels. Placé, dans un premier temps, sous commandement militaire, cet organisme dépendra à partir de juillet 1942 de l’Ambassade d’Allemagne, sous le contrôle direct d’Otto Abetz. Fritz Werner est en charge de la censure de la vie musicale : concerts, spectacles musicaux, éditions et enregistrements discographiques. À Paris, sous l’Occupation, certaines de ses propres œuvres seront données en concert, diffusées par Radio-Paris, enregistrées et éditées, comme son Quatuor publié par les éditions Costallat en 1943. Il enregistre son œuvre Thème et 10 variations sur une mélodie bretonne avec l’orchestre de la Société des concerts du Conservatoire qu’il dirige en personne (disques Gramophone : DA 4949/4950).
Arrêté à la Libération, prisonnier en Amérique pendant un an, il revient dans son pays natal et s’installe comme chef de chœur à Heilbronn.
En 1953, Philippe Loury, qui a épousé la petite-fille de Georges Costallat, lance les disques Erato. En constituant son équipe d’interprètes, il fait appel à Fritz Werner, ami de la famille, pour réaliser dès 1957 de nombreux enregistrements d’œuvres chorales de Bach (Messe en si, les deux Passions, motets, une vingtaines de cantates).
Est-ce en remerciement pour services rendus à la culture et la musique française que le ministère de la Culture fait, en 1974, Fritz Werner chevalier des Arts et des Lettres ?
Pour en savoir plus
Livres :
Alan Riding, Et la fête continue. La vie culturelle à Paris sous l’Occupation, trad. G. Meudal, Paris, Plon, 2012.
Sous la direction de Myriam Chimènes, La Vie musicale sous Vichy, Paris, Éditions Complexe, 2001.
Yannick Simon, Composer sous Vichy, Paris, Éditions Symétrie, 2009.
Sites Internet :
https://www.yvelines-infos.fr/les-freres-pathe-a-chatou-capitale-du-phonographe/
http://www.delabelleepoqueauxanneesfolles.com/Pathe6.htm
Roger Désormière, qui enregistre beaucoup pendant cette période, n’était-il pas connu pour être proche du Parti communiste ?
Tout à fait. Avant guerre, il joue un rôle important lors du Front populaire. Il dirige la première audition en France de la cinquième symphonie de Chostakovich, en 1938. Sous l’Occupation, il est membre du mouvement de résistance « Front national des musiciens », antenne « catégorielle » du Front national de la résistance aux côtés de musiciens comme Charles Münch (qui cache les pilotes alliés tombés en France), Manuel Rosenthal (qui survit dans la clandestinité), Paul Paray (qui s’exile à Monaco), Irène Joachim ou Claude Delvincourt (qui protège les étudiants du Conservatoire de Paris du Service du travail obligatoire, le STO).
Depuis 1934, lors de l’inauguration de l’Orchestre de la Société Philharmonique de Paris, Roger Désormière s’est lié d’amitié avec Alfred Cortot, devenu chantre de la collaboration, « honoré » de la francisque. Lorsque Cortot, après trois ans d’absence, revient jouer à l’Opéra de Paris le 7 novembre 1941, c’est avec cet orchestre de la Société Philharmonique qu’il joue quatre œuvres concertantes sous la direction de Désormière ! Encore un paradoxe de cette époque trouble.
Comment Pathé-Marconi a-t-il pu investir une telle somme en pleine Occupation?
À cette époque les ventes explosent. Un troisième paradoxe. L’armée d’occupation est forte de trois cent mille soldats et gradés avec un taux de change excessivement favorable pour eux : 20 francs pour 1 deutschemark, contre 11 francs au cour officiel. L’occupant consomme énormément et le prix des disques augmente considérablement en l’hiver 1941, le 30 cm passant de 40 à 47,50 francs !
Debussy et Ravel furent-ils les uniques bénéficiaires de cette période ?
Berlioz ne demeure pas en reste. Avec le Grand Orchestre de Radio-Paris, la station de la propagande nazie basée sur les Champs-Élysées, Jean Fournet réalise en 1942 le premier enregistrement de La Damnation de Faust et, l’année suivante, celui du Requiem. En 1943, après les festivités autour du centenaire de la naissance d’Emmanuel Chabrier en 1941, Roger Désormière enregistre des extraits de L’Étoile ainsi que ceux de Ginevra, un opéra-comique de Marcel Delannoy très heureusement reçu par le tout-Paris en juillet 1942. Mais pas de nouvel enregistrement de Carmen ou du Faust de Gounod déjà bien servis au disque avec des distributions exceptionnelles.
L’infatigable Alfred Cortot, outre ses concerts de direction d’orchestre ou ses récitals, enregistre à nouveau, de novembre 1942 à septembre 1943, tout son répertoire Chopin en 43 disques dont 16 sont effectivement publiés (Valses, Préludes et Études).
Et la musique contemporaine ?
La musique est une affaire d’État. Époque bénie et unique que cette époque pour la musique contemporaine. Le milieu musical est particulièrement gratifié. Jusqu’en avril 1944, plus d’une centaine d’enregistrements sont ainsi réalisés, certains sont publiés commercialement sous les marques Gramophone, Columbia, Pathé et Florilège. D’autres, une quarantaine, hors commerce, sont diffusés gratuitement par le Secrétariat général des Beaux-Arts et l’Association française d’action artistique. Chaque disque étant dédié à un compositeur, évidemment racialement correct avec la législation de l’époque. Parmi les heureux bénéficiaires citons Marcel Landowski, Jean Françaix, Florent Schmitt, Olivier Messiaen, Maurice Duruflé, Jean Hubeau, Maurice Jaubert, Tony Aubin, Maurice Thiriet, Max d’Ollone, Claude Delvincourt, Yves Nat, Henry Barraud, Marcel Delannoy, Jean Rivier, Marcel Dupré, Henri Sauguet...
Arthur Honegger est le plus enregistré. À l’été de 1942, une semaine de concerts lui est consacrée à l’occasion de son cinquantième anniversaire. Sa Deuxième symphonie y est créée puis enregistrée par Charles Münch qui avait déjà gravé en 1941 La Danse des morts. Son oratorio Jeanne au bûcher avec Marthe Dugard (Jeanne), Raymond Gérôme (Frère Dominique) et Frédéric Anspach (Porcus) est capté à Bruxelles en 1943. Enfin, son concerto pour violoncelle est publié par Maurice Maréchal et lui-même qui dirige avec la Société des concerts du Conservatoire.
Deux jeunes compositeurs bénéficieront d’une promotion par le disque commercial : Jean Hubeau, dont le concerto pour violon et orchestre est gravé par Henry Merckel et André Lavagne avec son « Concerto romantique » gravé par le premier violoncelliste du Grand Orchestre de Radio-Paris, Paul Tortelier. Autre concerto contemporain largement entendu avant guerre sous les doigts de Clara Haskil, celui pour piano et orchestre d’Henri Sauguet est gravé par Arnaud de Gontaut-Biron et Roger Désormière.
Werner Egk, le compositeur préféré de Hitler vit à Paris. En juillet 1942, Serge Lifar créeà l’Opéra de Paris son ballet Joan von Zarissa (composé en 1940), des extraits sont enregistrés sous la direction du compositeur. C’est le premier disque réalisé en France par un compositeur allemand.
Et après l’entrée en guerre des Américains et Stalingrad ?
Un tournant s’effectue après ces deux événements. L’occupation se durcit. Tout est focalisé pour soutenir l’effort de guerre de l’Allemagne. La pression économique se fait de plus en plus grande.
En 1943-944, on n’enregistre quasiment plus de musique symphonique, si ce n’est essentiellement des œuvres germaniques tels le Quatrième concerto pour piano de Beethoven, le double Concerto pour violon et violoncelle de Brahms, Don Juan, Till, Burlesque de Richard Strauss, également le Concerto pour violoncelle de Dvorak. Les artistes concernés sont jeunes, comme André Cluytens, Jean Fournet, Jean Giardino, Monique de La Bruchollerie, les frères Jean et Pierre Fournier. Quelques doyens vont encore faire des disques telle Marguerite Long qui, en 1941, avait enregistré la Rapsodie portugaise d’Ernesto Halffter, grave en juin 1944, probablement clandestinement, le Cinquième concerto pour piano de Beethoven sous la baguette de Charles Münch, disques publiés dès la Libération. À cette époque, l’industrie du disque est presque arrêtée. La moitié de tous ces enregistrements sont restés dans les cartons de Pathé-Marconi, jamais publiés ou parfois, dans l’après-guerre, comme le Concerto pour piano et vents de Stravinski par son fils Soulima avec l’orchestre Oubradous, ou Les Trois Complaintes du soldat d’André Jolivet avec Pierre Bernac.
Curieuse époque que 1943. Alors que la pénurie de matière est évidente, des disques supprimés sont à nouveau disponibles : ceux de Prokofiev pianiste, enregistrés en 1935, publiés avec une petite vente en 1937, épuisés depuis, réapparaissent ! Mais ils ne seront pas réédités à la Libération. Sont à nouveau disponibles les disques brahmsiens de Doda Conrad et Eric Ithor-Kahn, artistes tous deux juifs et aux Etats-Unis ! L’éditeur semble préparer l’après-guerre.
De nouveaux éditeurs ont-ils vu le jour sous l’Occupation ?
Au printemps de 1941, Henri Screpel lance les Les Discophiles français. Ces disques en albums de luxe présenteront au public des œuvres de Rameau, Couperin, Mozart, sous la direction de Maurice Hewitt. Les frères Pasquier feront aussi quelques disques Bach-Mozart. Des cantates de Bach sous la direction de Charles Münch seront enregistrées en 1943, mais jamais publiées.
Fin 1943, Maurice Hewitt est déporté au camp de Buchenwald. Après la guerre, le label sera partagé entre les gravures de musique chorale sous la direction de Marcel Couraud et les célèbres disques de Marcelle Meyer avant d’y intégrer Yves Nat en 1950. En 1950-1951 Maurice Hewitt fera toute une série exceptionnelle d’enregistrements symphoniques.
Quelle conclusion ?
Sous l’Occupation, avec l’engagement rapide dans la collaboration et son épuration raciale, spécialement à l’initiative de Jean Bérard, Alfred Cortot et Max d’Ollone, le disque s’est bien porté, et même très bien.
* Ancien producteur d’émission sur France Musique, Philippe Morin qui a été également responsable d’éditions discographiques d’enregistrements historiques, est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs spécialiste de l’histoire de l’enregistrement, spécialement pendant la seconde guerre mondiale.
La digitale a été créé le 11,12 et 13 décembre 2015 au Théâtre de la Criée à Marseille. Juan Pablo CARREÑO, musique / Sylvain COHER, livret / Sybille WILSON, mise en scène / Jim CLAYBURGH, scénographie / NIETO, vidéos / Coralie SANVOISIN, Costumes / Ensemble Musicatreize / Roland HAYRABEDIAN, direction musicale
Juan Pablo Carreño est un compositeur colombo-français, cofondateur de l’orchestre Le Balcon. Il s’est formé auprès de Gérard Pesson au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris et a été pensionnaire à la Villa Médicis. Son opéra La Digitale est édité par les Éditions Musicales Artchipel.
La Digitale (commandé par l'Opéra de Marseille et Musicatreize avec le soutien de la Fondation Musical Ernst von Siemens) est un opéra de chambre pour huit chanteurs et ensemble. Écrit dans un prologue, huit scènes et un épilogue, son intrigue aborde les effets de l'empoisonnement par digitoxine. Cet opéra a été composé entre Paris et Berlin en 2014 et 2015. L'opéra décrit les effets d'une plante toxique sur la perception de Flore, le personnage principal de La Digitale. L'œuvre dépeint le chemin du poison dans son corps et comment la réaction psychédélique qu'elle éprouve articule la forme musicale. En plus des voix, cet opéra est marqué pour un ensemble hybride, un mélange d'instruments acoustiques et électriques. L’expérience du compositeur en tant que membre fondateur du Balcon, ensemble parisien spécialisé dans des productions scéniques, ainsi que la conception de son opéra-cinématographique Garras de oro (Griffes d'or) ont été fondamentales pour la création de cette œuvre.
1. INTRODUCTION
La Digitale est le premier opéra d'une trilogie policière commandée à trois compositeurs différents par
Roland Hayrabedian, directeur musical et artistique de l'ensemble Musicatreize. Mon opéra explore comment
une chronique d'une mort par empoisonnement peut devenir une œuvre d'art et comment exprimer
musicalement un complot et une enquête sur un crime. Flore Withering est une jeune fille qui, pour venger sa
mère folle, empoisonne Karl après l'avoir séduit lors d'une fête. Karl est le fils de l'homme qui a fait interner sa
mère dans un hôpital psychiatrique lorsqu'elle était enfant. Effrayée par la culpabilité, Flore utilise le même
poison pour mettre fin à sa vie juste avant que la police ne l'arrête. La digitale est une plante contenant des
composés toxiques dont un poison appelé digitoxine peut être extrait. L'ingestion de quarante à cent vingt
grammes de feuilles de digitale peut représenter une dose mortelle due à des troubles cardiaques ou par
asphyxie. Mon opéra La Digitale explore la réaction de l'empoisonnement en Flore, et la manière dont le poison
affecte sa perception déploie le phénomène théâtral et articule la forme de l'œuvre. Les chapitres suivants
discutent de mes antécédents et de mes expériences avec le genre de l'opéra, mon idée d'un opéra «toxique», la
relation entre le texte et la musique, et les matériaux vocaux et instrumentaux de l'œuvre.
2. CONTEXTE ET EXPÉRIENCE AVEC LE GENRE DE L'OPÉRA
Ma relation avec l'opéra a commencé bien avant que je sache que j'écrirais La Digitale. Pendant mon
séjour en Floride à la FIU, j'ai commencé à rêver d'écrire une œuvre lyrique basée sur un livre viscéral de
l'écrivain colombien Fernando Vallejo, qui décrit la complexité d'une époque où la Colombie était un pays au bord
de l’abîme. Un texte qui évoque un vide profond dans cette relation entre l'oubli, la mort, l'amour fraternel et
l'amour de l'autre. Un livre qui place le lecteur dans une maison qui s'effondre, dans un pays qui ne va nulle part,
sans mémoire, dans cet endroit atroce et extravagant qui pourrait devenir la Colombie. Il m'a fallu plusieurs
années pour contacter l'auteur de ce roman pour lui demander la permission d'utiliser son texte pour composer
un opéra. Je lui ai dit dans une lettre naïve que je voulais chanter sa voix, celle qui crache sa colère et nous
raconte un passé perdu, un pays déchiré en morceaux. Aussi, que j'écoutais de la musique en lisant son texte,
un texte qui se chantait dans la prosodie de ses personnages et l'accent circulaire d'Antioquia avec ses
désinences abyssales. Dans le roman, Darío, le frère de l'auteur, est en train de mourir du sida et l'auteur
l'accompagne pendant qu'il attend la mort. Il y avait de la musique dans les hallucinations de Darío, dans la
synchronicité des rêves des deux frères, la synchronicité de leurs âmes, dans le dialogue constant avec la mort.
Fernando Vallejo m'a répondu par un «non» retentissant et énergique, accompagné d'un argument curieux: «le
genre de l'opéra n'a jamais eu de sens et il n’en aura plus maintenant». Peut-être qu'il a raison. Je crois que
lorsqu'un compositeur veut écrire un opéra , il veut écrire "l'opéra", "son" opéra, et je pense que le mien est celui-
là, même si je ne l'écrirai jamais. Tout ce que je rêvais de faire à l'époque, en termes de prosodie et de relation
entre texte et musique, a définie plus tard plusieurs paramètres essentiels de mon opéra La Digitale.
2.1 Le Balcon & Garras de oro : un opéra vidéo sur un sujet colombien
Ma première approche du genre de l’opéra serait par le Balcon en 2011, je décide d'écrire une vidéo -
opéra basé sur le film muet colombien homonyme des années 1920. L'œuvre est un projet scénique et
dramatique, qui a été criée à Paris en août 2013 à l'église de Saint-Eustache. Garras de oro est un objet
cinématographique anonyme, censuré et disparu, qui tourne autour de la perte de Panama que la Colombie a
souffert au début du siècle dernier, avec l'intervention des États-Unis.
Ce film est considéré par beaucoup comme le premier film "anti-Yankee" de l'histoire du cinéma mondial,
bien que par son intrigue, il semble être plutôt un subtil dispositif de propagande américaine contre Theodore
Roosevelt qui était déjà mort au moment où le film a été fait. L'écriture musicale que j'ai modelée autour du film
Garras de oro est chargée de différents messages. Dans ce projet, j'ai voulu exprimer la charge politique et
idéologique du film original, qui est représentée par une transversalité entre imaginaire visuel, illustration
narrative, un manifeste politique précis, et une interrogation sur l'identité nationale. En d'autres termes, une
réflexion sur l'idée de mémoire historique et la relation avec notre patrimoine sont essentiels. Dans mon projet
Garras de oro, la musique et la mise en scène sont une voix qui chante sur le récit silencieux et nous murmure à
l'oreille une idée qui est créée dans les images.
Mon spectacle Garras de oro est ce que tout le monde appelle aujourd'hui un «spectacle total». C'est à la
fois un spectacle sur scène et un concert où le mouvement et la structure des images font partie intégrante de la
musique et où l'ancienne technique des «coupes», ce changement soudain d'un instant à l'autre dans un film,
fonctionne comme un véritable modèle temporel et de langage musical. En ce sens, ce film muet, son contenu,
ses coupes, sont une sorte de scénario sans texte, mais toujours une narratif. Bien que le film muet Garras de
oro ait toujours évoqué en moi un sentiment de déchirure, je n'ai pas conçu cet opéra-cinéma comme une simple
illustration sonore mais comme une véritable écriture dramaturgique. La Digitale est conçue de la même
manière. Lorsque j'ai commencé à travailler avec le cinéaste, artiste, performeur et metteur en scène Luis Nieto
sur ce projet, ma première intention était d'utiliser son aide pour reconstruire le récit silencieux du film et refaire
surface un message politique. Pour nous deux, l'idée de protester contre les États-Unis pour leur intervention
dans la perte du Panama, et contre le gouvernement colombien accusé de vendre l'isthme, était essentielle.
Garras de oro était le précédent qui me permettrait d'entrer dans le monde vertigineux de la voix et de l'opéra, en
plus de deux œuvres que j'écrirais immédiatement après, Naturalis Historia (2014), pour chœur de douze voix
sur des textes de Pline l'ancien, et mon opéra La Digitale (2015).
3. LE LIBRETTO, UNE TRAGÉDIE POLICIÈRE: L'IDÉE D'UN OPÉRA TOXIQUE
La Digitale commence dans l'atmosphère glaciale d'un commissariat. Deux inspecteurs interrogent Flore,
le personnage central de l'enquête, mais aucun d'entre eux ne sait que peu de temps avant d'être arrêtée, elle a
ingéré une dose mortelle de décoction de digitale. Flore est une femme fragile, qui porte avec elle un destin
tragique qui l'a conduite au crime, au meurtre. La Digitale est la première d'une trilogie d'opéras policiers qui
retrace l'histoire de trois femmes de la même famille condamnées à la folie et à la mort. Le livret de l'opéra devait
commencer en 2011, mais ce n'est qu'à la fin de 2013 que j'ai reçu la première version du synopsis de La
Digitale - un complot sur un crime par empoisonnement, basé sur la structure fondatrice de la dramaturgie
lyrique: violence, amour, passion, crime…
Dans cette première version de l'histoire, tout se passe dans un commissariat. Là, Flore nie avec
insistance le crime dont ils l'accusent : la mort de Karl par empoisonnement. La dernière scène correspond au
suicide de Flore qui, acculée par les preuves, allait boire une fiole de poison. Elle mourrait en chantant son
chagrin et son amour pour les plantes vénéneuses… Ma première impression de cette synopsis de La Digitale
fut que l'opéra avait plus d'éléments d’une tragédie que d’un thriller. Une sorte de tragédie policière
contemporaine qui avait en partie préservé les éléments de la tragédie grecque: un destin tragique
incontournable; la souffrance dévastatrice de l'héroïne qui décède progressivement au cours de l'opéra; une
certaine fierté qui la conduit à défier son destin; et cette idée de la libération par le suicide.
J'ai suggéré différents changements dans le livret, dont l'inclusion d'une scène finale (après le suicide),
une scène de libération en termes de culpabilité morale. Pour cette dernière scène, le librettiste a écrit un éloge
funèbre à la fleur de La Digitale, à son poison, dans le cadre d'une autopsie. J'ai également suggéré un autre
changement dans le livret qui serait définitif dans le développement et la construction de la dimension actuelle de
l'oeuvre: que Flore prenne le poison avant le début de l'opéra. Ainsi, dès la première scène de l'interrogatoire,
sans que personne ne le sache, Flore serait déjà en train de mourir. Ensuite, j'ai commencé à imaginer une
structure de double dramaturgie: une dramaturgie linéaire - le thriller policier -, et une autre qui chercherait à
briser cette directionnalité autour des effets de l'empoisonnement par La Digitale. La Digitale deviendrait ainsi une
porte ouverte vers une autre dimension de la perception, vers une expérience fantasmagorique filtrée par les
toxines de la fleur de digitale.
Cet opéra est, en effet, une tragédie toxique, de la réaction psychédélique de l'empoisonnement à Flore
au chemin du poison à travers son corps. Elle meurt progressivement, en chantant son désespoir accompagné
d'une masse froide de sons électriques. Sa voix est une voix harmonique qui se mélange aux instruments
amplifiés (orgue Hammond, guitare électrique) et évoque le crime, la culpabilité, l'innocence et l'impossibilité
d'évasion. Avec cet opéra, j'ai voulu rompre, la relation objective récurrente, qui s'établit souvent entre le public et
toute action théâtrale qui se déroule sur scène. À certains moments de l'opéra, le public doit écouter et voir
comme s'il était à l'intérieur de la tête du personnage principal, et expérimenter l'empoisonnement depuis cette
perspective unique. Comme si un opéra sur un poison était lui-même une expérience toxique.
4. RELATION TEXT & MUSIC
L'idée d'un opéra toxique est décisive dans la relation entre le texte et la musique dans cette oeuvre. Cette
relation s'exprime de différentes manières et couvre à la fois la structure formelle de l'opéra, ainsi que la prosodie
de chacun des personnages, leurs dimensions vocales et psychologiques, et même la manière dont le matériel
instrumental est développé. Le prologue, les interludes et l'épilogue sont également pensés et structurés à partir
de l'idée d'empoisonnement progressif.
4.1 Forme
La Digitale est composée d'un prologue, de trois interludes, de huit scènes et d'un épilogue. En termes
formels, l'opéra, comme mentionné précédemment, est un voyage à travers l'empoisonnement de Flore. Il s'agit
d'un empoisonnement hallucinatoire dans lequel Flore perd progressivement sa lucidité. Deux éléments
structurels définissent la forme de l'œuvre et décrivent ce processus d'empoisonnement. Le premier est la
densité vocale des scènes en ne prenant en compte que les apparitions des personnages (Flore, Inspecteurs,
Legiste, Avocat, Martin, Témoins). Le second est l'apparition du chœur de fantômes, qui sont les voix que Flore
entend dans sa tête et qui représentent son état hallucinatoire. Le premier de ces éléments représente
l'empoisonnement progressif de Flore, et le second représente sa perte progressive de lucidité.
4.1.1 Densité vocale des scènes comme élément structurel
La figure 4.1 montre comment les apparitions des personnages sont structurées et quelle est la densité
vocale pour chaque scène:
Figure 4.1 Densité vocale par apparition des rôles
La courbe bleue montre non seulement la densité vocale, mais symbolise également l'empoisonnement
progressif de Flore, passant de la première à la sixième scène, qui est celle qui précède la mort de Flore. Dans la
scène 7 Flore meurt et dans la scène 8 le légiste fait l'autopsie - louant le poison de La Digitale.
Les huit scènes de La Digitale peuvent être classées en trois catégories:
1. Le chemin du poison: la première catégorie se caractérise par une croissance progressive du nombre
de personnages sur scène. Les scènes 1, 2, 3, 5 et 6 (voir figure 4.1) appartiennent à cette catégorie.
L'opéra commence par la scène d'interrogatoire, dans laquelle deux inspecteurs interrogent Flore. Dans
la scène 2, l'avocat apparaît. Dans la scène 3 apparaît le légiste, qui personnifie le poison de La Digitale.
Dans cette scène, Flore commence à être consciente des effets du poison dans son corps donnant lieu
à la scène suivante, qui est une parenthèse hallucinante (que j'expliquerai dans la catégorie suivante).
Ensuite, dans la scène 5, Martin et les 2 témoins apparaissent. Dans la scène 6, bien que les témoins
ne soient plus présents, leurs voix font toujours partie du chœur et, comme dans la cinquième scène,
nous entendons un passage vocal en tutti.
2. Les deux duos, un parallèle entre hallucination et lucidité: les scènes 4 et 7 appartiennent à cette
catégorie. J'ai construit le rôle du légiste pour qu'il incarne le poison de La Digitale. En raison des effets
de l'empoisonnement Flore hallucine et dans la scène 4 elle dialogue avec le poison de La Digitale
personnifiée par le légiste. Cette scène est une conséquence de l'apparition du légiste dans la scène 3,
qui est analogue à l'apparition de certains symptômes du poison dans le corps de Flore. Les premières
phrases de la scène 3 montrent cette analogie:
Figure 4.2 Fragment du livret, scène 3
Dans la scène 4, le légiste décrit les symptômes médicaux de La Digitale tandis que Flore décrit les symptômes causés par le poison dans son corps, comme le montre le fragment suivant du livret:
Figure 4.3 Fragment du livret, scène 4
Dans la scène 7, Flore gravite entre lucidité et hallucination: c'est le moment où elle découvre que ce
n'est pas elle qui a tué Karl, mais aussi le moment où les voix à l'intérieur de sa tête hurlent de plus en
plus fort. Contrairement à la scène 4, la scène 7 représente un moment de lucidité qui précède la
mort, conséquence de la croissance progressive de la densité - et de l'empoisonnement - à travers les
scènes 1, 2, 3, 5 et 6. Néanmoins, l'hallucination et la lucidité cohabitent dans la souffrance de Flore,
qui est au bord de l'abîme.
3. Dans la scène 8, Flore n'est plus en vie et la scène appartient donc à cette catégorie, qui est liée à
l'épilogue. Dans cette scène, le légiste, qui personnifie le poison de La Digitale, fait l'éloge de la fleur.
Flore est morte, mais le poison est vivant, il survit et nous parle.
4.1.2 Apparitions du chœur de fantômes comme élément structurel
Le deuxième élément structurel qui définit la forme de l'œuvre et décrit le processus d'empoisonnement
est les apparitions sporadiques de ce que j'appelle le chœur de fantômes: les voix que Flore entend dans sa tête.
.
La figure 4.4 montre les apparitions du chœur de fantômes par scène:
Figure 4.4 Interventions chorales par scène
Le chœur apparaît sporadiquement à deux moments importants de l'opéra. Ces deux moments pourraient être décrits comme une souffrance précoce par les premiers effets de l'empoisonnement, et comme un délire atteint progressivement lorsque les effets du poison sont déjà mortels. Ces apparitions du chœur sont déterminantes dans la construction de la dimension toxique de La Digitale. Au premier moment, du Prologue au premier Interlude (Scènes 1, 2, 3 incluses), le chœur est rarement entendu. Les voix interrogent Flore comme un écho d'elle-même et/ou des inspecteurs. Tout cela est précédé et suivi d'un autre texte chanté par le choeur dans le Prologue et l'Interlude, un texte qui évoque la toxicité:
«Toxicatio. Toxicatores et veneficae. Abhorratio sanguinis. Sine effusione sanguinis sed horrendum scelus »
Dans le second moment, de la scène 6 à l’Interlude 3, les apparitions du chœur augmentent. Les voix ont
une forte présence, même si elles sont derrière la scène, l'appelant «idiote», et résonnant dans sa tête comme
une vérité incontestable.
4.2 Matériaux vocaux
En termes de traitement prosodique, les personnages de La Digitale sont divisés en deux groupes. Le
premier groupe est composé de Flore et du légiste, qui représentent l'empoisonnée et, métaphoriquement
parlant, le poison. Le deuxième groupe est composé du reste des personnages, que nous écoutons comme
Flore les écoute. L'écriture vocale du deuxième groupe est définie par la manière dont le poison transforme la
perception de Flore (je l'expliquerai plus en détail au chapitre 4.2.3).
Les deux personnages principaux de La Digitale sont Flore et le légiste, qui - comme mentionné ci-dessus
- incarne métaphoriquement le poison de La Digitale. Cette relation «poison-empoisonnée» détermine le travail
prosodique que j'ai développé dans ces deux personnages.
4.2.1 La prosodie du personnage principal liée à l'idée d'une mort progressive par
empoisonnement
L'empoisonnement progressif de Flore est modelé vocalement par des glissandos microtonaux
descendants: une métaphore de l'invasion progressive du poison dans son corps. Elle se caractérise également
par un certain lyrisme évoquant l'étouffement et à la disparition de la voix. L'exemple suivant (figure 4.5), tiré de
la scène 1, montre comment l'écriture vocale de Flore est structurée à partir de glissandos microtonaux
descendants:
Figure 4.5 Extrait de La Digitale (scène 1, mm. 71-81) - Flore
Dans ce passage, Flore réagit à l'accusation portée par les inspecteurs qui lui attribuent le crime. Un
mort? Elle demande. Elle dit ensuite:
«Je suis venue comme j'étais et j'ai froid.
J'ai dormais quand vous êtes venus me chercher.
Je dormais et maintenant je suis transie, j'ai si froid… »
La première phrase de ce passage musical utilise le premier couplet du texte. C'est un glissando
microtonal descendant du Mi bémol au Si bémol. Comme mentionné précédemment, l'intervalle de quarte juste
symbolise la toxicité. Ces deux éléments, les glissandos microtonaux et la quarte juste sont essentiels pour
définir la nature toxique de La Digitale.Une chose importante à souligner dans ce passage: en langue française,
la voyelle "e" est généralement silencieuse lorsqu'elle apparaît à la fin d'un mot. Ainsi, le mot "transie" se
prononce "transi". Ce «e» silencieux, selon la situation, est accentué pour dénoter un certain caractère élégant
et bourgeois. J'ai utilisé cette ressource pour construire la dimension vocale de Flore et l'avocat.
À ce moment de l'opéra, "transie" est l'état dans lequel Flore se trouve et, bien que les inspecteurs ne le
sachent pas encore, cette déclaration cache une allusion à son empoisonnement. Dans cette ligne particulière,
Flore accentue le «e» silencieux, amenant la fin du mot à la note extrême de la phrase, un La bémol, pour
transformer l'affirmation textuelle ambiguë en une affirmation musicale plus suggestive.
L'exemple suivant (figure 4.6) montre les deux autres éléments qui caractérisent les lignes mélodiques de
Flore : la répétition du texte lorsqu'il évoque une idée importante, et le flou traduit par la disparition progressive
de la voix:
Figure 4.6 Extrait de La Digitale (scène 3, mm. 380-396) - Flore et les inspecteurs
Dans le passage précédent de la scène 3 (mm.380-396), une fragile Flore mourante chante le texte suivant, qui fait directement allusion au poison de La Digitale:
"Un peu de parfum, c'est tout pour parfumer le monde."
La première partie du texte est répétée trois fois, et la deuxième partie est répétée jusqu'à ce qu'elle soit
pratiquement imperceptible, évoquant sa souffrance. Le glissando microtonal est soutenu par un large
decrescendo de ff à pp et par une disparition progressive des notes chantées remplacées par du texte chuchoté.
4.2.2 La prosodie du Légiste liée à l'idée d'incarner le poison, la Digitalis Purpurea
L'écriture vocale du Légiste est caractérisée par des glissandos microtonaux interrompus constamment
par des sauts de tessiture. C'est une sorte de «docteur fou» qui est joué par un contre-ténor exploitant à la fois le
registre haut et le registre extrêmement bas. Ces brusques changements de tessiture dans ses lignes
mélodiques tentent d'exprimer une certaine effervescence et agitation du poison de La Digitale.
La figure 4.7 montre comment les lignes mélodiques du Légiste sont structurées. Les différents registres
sont différenciés par des couleurs: grave (bleu), medium (jaune) et aigu (rouge):
Figure 4.7 Extrait de La Digitale (scène 3, mm. 321-332), le légiste
Dans le passage suivant (figure 4.8), début de la scène 3, le légiste entre en scène pour la première fois en chantant le nom du poison: la digitoxine est le glycoside cardiaque toxique extrait de La Digitale. Dès que le légiste apparaît sur scène et mentionne la digitoxine, l'ensemble présente le matériau instrumental qui représentera le poison dans tout l'opéra. Ce matériau est basé sur un mélange de lignes microtonales effectuées par l'accordéon et les cordes, comme nous pouvons le voir dans l'exemple suivant (figure 4.8):
Figure 4.8 Extrait de La Digitale (scène 3, mm. 306-310), Flore, accordéon et cordes
Surpris, les inspecteurs répètent le même mot immédiatement après l'apparition du légiste: Digitoxine!
Digitoxine! Après eux, Flore répète le mot comme si, pour la première fois, elle ressentait les effets physiques de
l'empoisonnement: vertiges, douleurs à l'estomac et diminution de la force. Il y a une chose à souligner dans ce
passage: Flore, après avoir mentionné la digitoxine, demande de quoi il s'agit. La réponse vient de l'ensemble,
qui présente à nouveau le matériel instrumental qui représente le poison - accordéon et cordes -, tandis que le
légiste s'approche d'elle pour examiner ses élèves.
Nous pouvons voir cette chaîne d'événements dans l'exemple suivant (figure 4.9):
Figure 4.9 Extrait de La Digitale (scène 3, mm. 311-320), Flore, les Inspecteurs et l'ensemble
4.2.3 Les autres personnages: l'idée d'un univers de fantômes à l'intérieur de la tête de Flore
Les autres personnages de La Digitale sont définis par la façon dont le poison transforme la perception de
Flore. Flore, qui commence à ressentir les effets du poison, entend les Inspecteurs comme s'ils avaient une voix
harmonique, et parfois même des voix qui viennent de nulle part. Ces voix venues de nulle part sont ce que
j'appelle le choeur des fantômes.
Les inspecteurs
L'opéra commence au poste de police, où deux inspecteurs interrogent Flore. C'est à partir de ce tout
début de l'opéra, en raison de la disposition harmonique entre les voix des inspecteurs, que la perception de
Flore est affectée. Les inspecteurs chantent souvent ensemble, en harmonie homorythmique:
Figure 4.10 Extrait de La Digitale (scène 1, mm. 39-47) - Flore et les inspecteurs
Au tout début de la scène 1, au m.39 (figure 4.10), ils demandent à Flore si elle a soif. La première relation
intervallique entre les voix des inspecteurs est une quinte juste. Puis, en m.40, il devient une quarte juste qui se
déplace en mouvement parallèle pour tout le passage (jusqu'à m.51, avant l'entrée de Flore), et sur presque
toute la scène. Ce type de parallélisme harmonique est ce que j'appelle la couleur "orgue". J’applique souvent
cette couleur aux glissandos microtonaux. Il s’agit d’une couleur comme celle des registres de l’orgue et consist
ici des quartes, quintes et des tierces majeurs en mouvement parallèle autour des lignes microtonales.
Il est important de noter que, dans ce passage (m.39-m.51), la relation entre la première et la dernière
note de la ligne mélodique de l'Inspecteur 1 est également une quarte juste: C4-G3. L'intervalle de quarte juste
fonctionne à la fois comme la couleur harmonique qui représente le caractère toxique de La Digitale et comme
élément structurel des lignes mélodiques (comme nous l'avons déjà vu au chapitre 4.2.1, figure 4.5).
Le chœur des fantômes
La dimension toxique de La Digitale est révélée dès le début de l'opéra par différents éléments. Les
glissandos microtonaux, l'idée d'une voix harmonique chez les inspecteurs et la présence constante de la quarte
juste déterminent la couleur globale de l'opéra.
Mais peut-être que l'une des composantes essentielles de la dimension psychédélique de cette œuvre est
le chœur des fantômes: ces voix que Flore entend dans sa tête. Ces voix apparaissent pour la première fois
dans le prologue chantant le toxicatio, toxicatores. Puis, dans la scène 1, le choeur des fantômes apparaît deux
fois. La première fois il apparaît comme un écho de la voix de Flore (m. 51) et, comme nous pouvons le voir
dans l'exemple suivant (figure 4.11), la relation intervallique entre les voix est également basée sur des quartes
justes (la dièse, ré dièse, sol dièse) qui se déplace en mouvement parallèle:
Figure 4.11 Extrait de La Digitale (scène 1, mm. 48-53) - Flore, le chœur des fantômes
La deuxième fois que le chœur apparaît dans cette scène, il résonne comme un écho des inspecteurs, tout en interagissant avec Flore. Juste avant l'apparition du chœur, Flore dit qu'elle a froid et les Inspecteurs répondent par une accusation tacite:
«Dans ce bureau, on reconnaît les coupables parce qu'ils tremblent et qu’ils ont froid»
Cette accusation provoque l'apparition des voix qui chantent “J'ai froid” dans différentes langues. Le chœur se transforme ainsi en chœur fantasmagorique d’accusés coupables, comme on peut le voir dans l'exemple suivant (figure 4.13):
Figure 4.12 Extrait de La Digitale (scène 1, mm. 96-101) - Le chœur des fantômes
Dans cette deuxième apparition du chœur, les intervalles prédominants sont à nouveau les quartes et
quintes justes. Pour mieux expliquer l'état dans lequel Flore se trouve au début de l'opéra, je voudrais revenir sur
l'enchaînement des événements qui se produisent dans les 15 premières mesures de la scène 1 (mm.39-53).
Flore écoute les questions des inspecteurs qui résonnent d'une étrange voix harmonique tandis que, en
accompagnement, la pédale de quarte juste de l'accordéon fonctionne comme une sorte de vestige harmonique
du poison. Puis, elle répond aux inspecteurs avec son nom et entend immédiatement d'autres voix qui font écho
à sa propre voix. Ces techniques sont celles que j'ai utilisées pour recréer l'idée que la perception de Flore est
affectée par le poison de La Digitale.
4.3 Matériaux instrumentaux
L'ensemble remplit trois fonctions essentielles: définir la couleur globale de l'opéra, soutenir la dimension
vocale des personnages et mettre l'accent sur l'idée de l'empoisonnement progressif de Flore, qui articule la
forme. Le prologue présente du matériel qui se transforme tout au long de l'opéra et représente
l'empoisonnement progressif de Flore. Ce matériau est progressivement compressé du début à la fin de l'opéra,
en particulier dans les interludes 1, 2 et 3 et dans la scène 8 dans laquelle il est déjà complètement compressé
en une pédale fluctuante. Cette procédure est l'un des axes structurels de l'opéra, car elle articule sa forme,
comme mentionné précédemment.
4.3.1 Les mixtures qui symbolisent la toxicité
La première scène montre clairement comment l'ensemble instrumental définit la couleur toxique de
l'opéra. Comme expliqué ci-dessus, l’intervalle de quarte juste symbolise la toxicité. Dès le premier temps de la
scène 1 - et pendant toute la scène -, l'accordéon, soutenu plus tard par l'orgue Hammond, joue une pédale de
quarte juste dans son registre aigu. Cette couleur de quarte parfaite croît en intensité et en densité harmonique
puisque le Hammond ajoute progressivement différentes composantes sonores grâce à la manipulation de ses
tirettes. Ce long crescendo harmonique symbolise l'empoisonnement progressif de Flore.
Nous pouvons voir dans la figure 4.11 comment il est structuré (à l'intérieur de la boîte bleue se trouvent
les manipulations des tirettes du Hammond):
Figure 4.13 Orgue Hammond à pédale et accordéon (scène 1, mm. 39-119)
Dans le chapitre 4.2.2, nous parlons brièvement du matériau instrumental qui accompagne le légiste dans la scène 3. Ce matériel est un mélange de différentes techniques dans les cordes (pizzicatis, jetés, trilles d'harmoniques, sul ponticellos, sul tastos...) en combinaison avec l'accordéon microtonal. Puisque ce materiau l'identifie, chaque fois que le légiste entre en scène, ce matériau est entendu. Il est également présenté de différentes manières à travers l'opéra évoquant le poison de La Digitale. Dans la scène 4, il y a un bon exemple de la façon dont un mélange du Hammond avec des pizzicati à cordes fonctionne comme un résonateur du Legiste, alors qu'il récite les noms de plusieurs hétérosides stéroïdiques: digoxosine, digitoxoside, diginatoside, lanatoside. Le légiste, comme cela a été mentionné précédemment, représente le poison. Dans le passage suivant (figure 4.14), le Hammond et les pizzicati à cordes fonctionnent comme une longue réverbération de sa voix et comme un écho de sa toxicité:
Figure 4.14 Extrait de La Digitale (scène 4, mm. 705-709) - Le Légiste, Hammond et cordes
Après l'énumération des hétérosides par le Légiste, il y a un nouveau mélange de Hammond, accordéon et cordes, dérivé de la scène 3, qui continue d'exprimer la définition de la couleur toxique de l'opéra. L'accordéon microtonal interprète le même matériau que les premières mesures de la scène 3 (figure 4.9) tandis que les cordes jouent des pizzicati dans le registre aigu en alternance avec des jetés et des harmoniques artificielles. La relation intervallique entre le violon et le violoncelle est une quarte juste, un intervalle qui, comme nous l'avons vu précédemment, définit la couleur globale de l'opéra. Le passage à 6 mesures (mm. 710-715, figure 4.15) fonctionne comme une descente chromatique qui se répète plusieurs fois jusqu'à la fin de la scène.
Figure 4.15 Extrait de La Digitale (scène 4, mm. 710-715) - Le légiste, Hammond et les cordes
La dernière scène et l'épilogue de La Digitale conservent cette même structure. Dans la scène 8, le légiste chante seul, accompagné d'une grosse pédale jouée sur une combinaison d'accordéon, de hammond et de basse électrique. Cette pédale est liée à la scène 1, définissant la couleur toxique de l'opéra. Mais lorsque le Légiste quitte la scène, c'est son matériel entendu dans la scène 3 qui ferme l'opéra. À ce stade, Flore est déjà morte. Le légiste a quitté la scène. Il ne reste que le poison ou la matière qui l'invoque résonnant dans une combinaison de cordes, d'accordéon microtonal, de Hammond et de basse électrique.
Figure 4.16 Extrait de La Digitale (Épilogue, mm. 1431-1434)
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Philippe Graffin's documentary: Ysaÿe's Secret Sonata
Hidden in a Sketchbook
Most violinists recognize Eugène Ysaÿe as a legendary figure. His influence on modern violin playing, beloved compositions, and musical institutions lasts to this day. Works such as Debussy’s string quartet, Chausson’s Concert and Poème, and Franck’s Violin Sonata are among the soulful music defined by the largeness of Ysaÿe’s character. In Ysaÿe’s Solo Violin Sonatas, unmistakably modeled after the six unaccompanied violin works by Bach, musicians will find a deeper story of intrigue and human connection. These pieces hearken back to the end of the older Romantic traditions, when music aimed to capture traces of a spirit. Each of Ysaÿe’s six solo violin sonatas are dedicated to a specific violinist. The character of each work imbues both the playing style and personality of that particular artist.
The source of these sonatas is a sketchbook in which Ysaÿe detailed plans for musical projects. These include concert programs, collaborators, and compositional drafts. The Opus 27 sonatas are included, with each dedicated to an exemplary violinist of the upcoming generation, some of whom were his pupils. All six works were drafted from 1923 to 1924 in Knokke, a resort on the north-east Belgian coast. The sketchbook was discovered amongst the collection of papers and items that belonged to the British violinist Philip Newman who, before his death, gifted them to his friend, the Belgian violinist Josette Lavergne. Lavergne later donated the entire collection to the library of the Koninklijke Conservatorium Brussels. This mysterious sketchbook appeared undisturbed.
While holographs were ultimately made for publications–those for the second and third sonatas belong to the Juilliard Manuscript Collection in New York–this sketchbook is a significant preliminary source containing drafts and corrections for the entire opus. Inside the ornate cover, Ysaÿe scrawls “Six Sonatas” with a list of names hidden beneath furious scribbles. Just below, he re-lists each work, titled with tonality and corresponding dedicatee. Compared to modern publications, the second and fourth sonatas were originally switched. A list of other dedications to cellists and violists are written in the margins, including the names Casals and Tertis.
In 2018, nearly a century after the conception of the Opus 27 sonatas, the French violinist Philippe Graffin examined the sketchbook, stumbling upon a nearly complete seventh sonata for solo violin. These pages titled “6ème Sonate” include a work in C major that bears no resemblance to the E major Sonata known today as the Sixth. The initial pages are drafts depicting a messy compositional process. Excerpts are jotted all over the pages accompanied with nearly indecipherable notes in the margins. An interesting labeling system of syllabically divided composer names organizes these disjointed excerpts. The end of one, labeled “Bee-,” connects to another down the page, labeled “-thoven.” “Mo-” connects to “-zart,” “Schu-” to “-bert,” and so on. Some passages are paralleled with scaffolds of notes outlining a harmonic progression. Some sketches calculate finger positions for technical execution. A few measures are “looped” in with pencil for insertion. The transparency of the draft is stunning. One sees the inner artistry of the master behind the pencil.
Additional pages show that the compositional process for this original sixth sonata was advanced. Following sketches of a viola sonata and the Poème Nocturne, the full three-movement C major work reappears in cleaner script as if carefully printed for an engraver or copyist. The title dedicates the work to the Spanish violinist Manuel Quiroga. Few editorial corrections are labeled in purple ink. “This is a big discovery for violinists,” says Graffin. “When you find something that is unknown in manuscript form, it is usually not in good shape or form, but this is rare–it is very good. It has one of the best slow movements [Ysaÿe] ever wrote. Clearly written, [it] starts with a beautiful long melody–it is also very enjoyable to play. It is very strange to me why [the sonata] was not finished.”
The finale movement trails off after the first staff of its second page. According to Graffin, the material bridges back to the first theme. With the subsequent pages empty, the question of how the E major sonata replaced the C major as the Sixth Sonata is intriguing. The E major sonata, drafted in the same sketchbook, was completed on 10 May 1924.
Quiroga’s Spirit in the Music
As performers increasingly rely on the editorial work of specialists, the direct examination of source materials, such as manuscripts and draft sources in sketchbooks, is not as necessary or common today. While each artist has their personal musical process, the vast amount of music one prepares often prohibits this type of in-depth exploration. According to Graffin, one can therefore be easily deceived by the type of source. “Because it is a sketchbook, people think these are sketches being put together. This is not. It is a very clear first draft. There are sketches for other works all around it. It’s a mess. You have an idea here or there of what things are going to be combined–but for this work, this is not a puzzle.” The actual puzzle is piecing the narrative together: how did this original sonata fit into the entire concept of the Opus 27? What was the context for its original conception? How is this discovery pertinent to the performers of these visionary sonatas?
Graffin’s new documentary titled Ysaÿe’s Secret Sonata focuses precisely on these subjects. The film details the discovery of the unknown C major sonata, building an understanding of Ysaÿe’s musical legacy from his compositions. The greater part of the film spotlights Knokke, also called Le Zoute in French, as an important center for Ysaÿe and his violin students. Archival interviews with Nathan Milstein and Maurice Solway illustrate the vibrant musical atmosphere at Ysaÿe’s residence, full of stories about violin lessons and chamber music parties with the maestro and the Queen of Belgium. Josef Gingold, with whom Graffin studied in America, pointed out a direct relation between the solo violin sonatas and his personal memories of Knokke during lessons.
While the other sonata dedicatees like Jacques Thibaud, Joseph Szigeti, and Fritz Kreisler are widely known today, Manuel Quiroga remains the most obscure. The film follows Graffin on a journey to Pontevedra, Quiroga’s hometown on the Iberian Peninsula. In conversation with Quiroga’s great niece, Milagros Bará, the film dives into Ysaÿe’s concept of capturing a dedicatee’s personality and playing style. With the discovery of the unknown sonata, Quiroga is the only one portrayed with two works. “Ysaÿe had probably perceived in [Quiroga] two very different personalities,” notes Graffin. “One, very proud, very virtuosic, very brilliant, more jovial, loved by everyone. And another, more sombre and probably more profound. It is the latter this [unknown] Sonata resembles.”
Manuel Quiroga was regarded as the spiritual heir of Pablo Sarasate. His concertizing career effectively ended when a traffic accident in New York caused an irrecoverable arm injury in 1937. Quiroga’s talents as a visual artist sustained him; he made a series of caricature portraits of fellow musician friends in the 1940s. He was also a composer, although he could not continue with the onset of Parkinson’s disease. The film records Graffin bringing a copy of the original sixth sonata to a city square where a statue of Quiroga stands, playing the violin for friends seated around him. In Pontevedra where he died, Quiroga is remembered as a violinist. The sonata, analogous to a message in a bottle, holds traces of someone whom Ysaÿe considered very important to the musical world. While Quiroga did create a caricature of Ysaÿe, Ysaÿe’s musical portrait of Quiroga lives on as a performative experience. This documentary is a powerful and poignant tribute to Ysaÿe’s legacy. As performer, composer, mentor, and friend, he is still known as one of the greatest violinists who ever lived.
A Story from the Past to Publication
Ysaÿe belonged to one of the last, wonderful generations of performer-composers. Although the Opus 27 sonatas are widely known by violinists, many of his works are still under extensive research and being introduced into the musical literature. The original sixth sonata, edited by Graffin, has been completed for forthcoming publication by Schott. Graffin completed the unfinished finale movement using fragments of discarded material from the first movement. He asserts, “the idea was not to finish the end as my own, nobody wants that. It was important having as much Ysaÿe as possible without changing what he had written.”
The anticipated edition will include additional markings. As the other six sonatas are marked with symbols regarding bow usage, the C major sonata will be annotated by Graffin in the same style. “These [annotations] should be treated as expressive markings,” he explains. “The markings are quite specific–like, the use of a lot of bow on certain notes. I think it’s to make sure those particular notes are important for harmony. Normally, you feel these notes are very important but missing on the violin, like a pedal.” Graffin expects the seventh sonata to quickly become an important part of the violin repertoire.
A full recording of the sonata is already released on the 2019 album Fiddler’s Blues by Avie Records, featuring Graffin with pianist Claire Désert.
The documentary film, Ysaÿe’s Secret Sonata, can be watched on YouTube.
Fiddler’s Blues can be heard on Amazon, iTunes, and Spotify.
The seventh sonata will be published by Schott as Sonate posthume pour violon seul, Op. 27bis.
Caché dans un carnet de croquis
La plupart des violonistes reconnaissent Eugène Ysaÿe comme une figure légendaire. Son influence sur le jeu de violon moderne et les institutions musicales perdure encore aujourd'hui. Des œuvres telles que le quatuor à cordes de Debussy, le Concert et le Poème de Chausson, ou la Sonate pour violon de Franck font partie de la musique définie par l'ampleur du personnage d'Ysaÿe. Dans les Sonates pour violon solo d'Ysaÿe, inspirées incontestablement des six œuvres pour violon solo de Bach, les musiciens trouveront une histoire plus profonde d'intrigue et de connexion humaine. Ces pièces rappellent la fin des anciennes traditions romantiques, lorsque la musique visait à capturer les traces d'un esprit. Chacune des six sonates pour violon solo d'Ysaÿe est dédiée à un violoniste spécifique. Le caractère de chaque œuvre imprègne à la fois le style de jeu et la personnalité de cet artiste particulier.
La source de ces sonates est un carnet de croquis dans lequel Ysaÿe détaille les plans de projets musicaux. Il s'agit notamment de programmes de concerts, de collaborateurs et de projets de composition. Les sonates Opus 27 sont incluses, chacune étant dédiée à un violoniste exemplaire de la génération à venir, dont certains étaient ses élèves. Les six œuvres ont été rédigées de 1923 à 1924 à Knokke, une station balnéaire sur la côte belge du nord-est. Le carnet de croquis a été découvert parmi la collection de papiers et objets qui appartenaient au violoniste britannique Philip Newman qui, avant sa mort, les a offerts à son amie, la violoniste belge Josette Lavergne. Lavergne a ensuite fait don de l'intégralité de la collection à la bibliothèque du Koninklijke Conservatorium Brussels. Ce mystérieux carnet de croquis ne semblait pas déranger.
Bien que des holographes aient finalement été créés pour des publications - celles des deuxième et troisième sonates appartiennent à la Juilliard Manuscript Collection de New York - ce carnet de croquis est une source préliminaire importante contenant des ébauches et des corrections pour l'ensemble de l'opus. À l'intérieur de la couverture ornée, Ysaÿe griffonne «Six Sonates» avec une liste de noms cachés sous des gribouillis furieux. Juste en dessous, il ré-énumère chaque œuvre, intitulée avec tonalité et dédicataire correspondant. Par rapport aux publications modernes, les deuxième et quatrième sonates ont été initialement commutées. Une liste d'autres dédicaces aux violoncellistes et aux violistes est écrite en marge, y compris les noms Casals et Tertis.
En 2018, près d'un siècle après la conception des sonates de l'Opus 27, le violoniste français Philippe Graffin a examiné le carnet de croquis, tombant sur une septième sonate presque complète pour violon solo. Ces pages intitulées «6ème Sonate» comprennent une œuvre en do majeur qui ne ressemble en rien à la sonate en mi majeur connue aujourd'hui sous le nom de Sixième. Les premières pages sont des ébauches illustrant un processus de composition désordonné. Des extraits sont notés sur toutes les pages accompagnés de notes presque indéchiffrables dans les marges. Un système d'étiquetage intéressant des noms de compositeurs divisés syllabiquement organise ces extraits disjoints. La fin de l'un, intitulé Bee, se connecte à un autre en bas de la page, intitulé «-toven». «Mo-» se connecte à «-zart», «Schu-» à «-bert», etc. Certains passages sont parallèles à des échafaudages de notes décrivant une progression harmonique. Certains croquis calculent la position des doigts pour l'exécution technique. Quelques mesures sont «bouclées» avec un crayon pour l'insertion. La transparence du projet est stupéfiante. On voit le talent artistique intérieur du maître derrière le crayon.
Des pages supplémentaires montrent que le processus de composition de cette sixième sonate originale était bien avancé. Après les croquis d'une sonate pour alto et du Poème Nocturne, l'œuvre complète en do à trois mouvements réapparaît dans un script plus propre comme si elle avait été soigneusement imprimée pour un graveur ou un copiste. Le titre dédie l'œuvre au violoniste espagnol Manuel Quiroga. Peu de corrections éditoriales sont marquées à l'encre violette. «C'est une grande découverte pour les violonistes», explique Graffin. «Lorsque vous trouvez quelque chose qui n'est pas connu sous forme manuscrite, il n'est généralement pas en bon état, mais c'est rare - c'est très bien. Il possède l'un des meilleurs mouvements lents qu’Ysaÿe ait jamais écrit. Clairement écrit, [il] commence par une belle longue mélodie - c'est aussi très agréable à jouer. C'est très étrange pour moi que la sonate n'ait pas été terminée. »
Le mouvement final s'achève après la première portée de sa deuxième page. Selon Graffin, la matière fait le lien avec le premier thème. Les pages suivantes étant vides, la question de savoir comment la sonate en mi majeur a remplacé celle en do majeur puisque cette sixième sonate est intrigante. La sonate en Mi majeur, rédigée dans la même sketchbook, a été achevée le 10 mai 1924.
Esprit de Quiroga dans la musique
Comme les instrumentistes comptent de plus en plus sur le travail d’édition de spécialistes, l'examen direct des sources comme les manuscrits et les carnets de notes n'est pas aussi nécessaire ou commun aujourd'hui. Alors que chaque artiste a sa démarche personnelle, la grande quantité de musique que l'on prépare interdit souvent ce type d'exploration en profondeur. Selon Graffin, on peut donc être facilement trompé par le type de source. «Parce que c'est un carnet de croquis, les gens pensent que ce sont des croquis en cours de montage. Ce n'est pas le cas. C'est un premier projet très clair. Il y a des croquis pour d'autres œuvres tout autour. C'est le bazard. Vous avez une idée ici ou là de ce qui va être combiné - mais pour ce travail, ce n'est pas un casse-tête. » Le véritable puzzle consiste à reconstituer le récit: comment cette sonate originale s'intègre-t-elle dans le concept entier de l'Opus 27? Quel était le contexte de sa conception originale? En quoi cette découverte est-elle pertinente pour les interprètes de ces sonates visionnaires?
Le nouveau documentaire de Graffin intitulé Ysaÿe's Secret Sonata se concentre précisément sur ces sujets. Le film détaille la découverte de la sonate en do majeur inconnue, construisant une compréhension de l'héritage musical d'Ysaÿe à partir de ses compositions. La plus grande partie du film met en lumière Knokke, également appelé Le Zoute en français, comme un centre important pour Ysaÿe et ses étudiants en violon. Des interviews d'archives avec Nathan Milstein et Maurice Solway illustrent l'atmosphère musicale vibrante de la résidence d'Ysaÿe, pleine d'histoires sur les cours de violon et les soirées de musique de chambre avec le maestro et la reine de Belgique. Josef Gingold, avec qui Graffin a étudié en Amérique, a souligné une relation directe entre les sonates pour violon solo et ses souvenirs personnels de Knokke pendant les cours.
Alors que les autres dédicataire des sonates comme Jacques Thibaud, Joseph Szigeti et Fritz Kreisler sont largement connus aujourd'hui, Manuel Quiroga reste le plus obscur. Le film suit Graffin lors d'un voyage à Pontevedra, la ville natale de Quiroga sur la péninsule ibérique. En conversation avec la grande nièce de Quiroga, Milagros Bará, le film plonge dans la volonté d'Ysaÿe de capturer la personnalité et le style de jeu d'un dédicataire. Avec la découverte de la sonate inconnue, Quiroga est la seule à présenter deux œuvres. «Ysaÿe avait probablement perçu dans [Quiroga] deux personnalités très différentes», note Graffin. «Un, très fier, très virtuose, très brillant, plus jovial, aimé de tous. Et un autre, plus sombre et probablement plus profond. C'est à cette dernière que cette Sonate [inconnue] ressemble. »
Manuel Quiroga était considéré comme l'héritier spirituel de Pablo Sarasate. Sa carrière de concertiste s'est terminée brutalement lorsqu'un accident de la circulation à New York a causé une blessure irrémédiable au bras en 1937. Les talents de Quiroga en tant qu'artiste visuel l'ont soutenu; il a réalisé une série de portraits caricaturaux d'amis musiciens dans les années 40. Il était également compositeur, bien qu'il ne puisse pas continuer avec l'apparition de la maladie de Parkinson. Le film enregistre Graffin apportant une copie de la sixième sonate originale sur une place de la ville où se dresse une statue de Quiroga, jouant du violon pour des amis assis autour de lui. À Pontevedra où il est décédé, Quiroga est connu comme un violoniste. La sonate, analogue à un message dans une bouteille jetée à la mer, contient des traces de quelqu'un qu’Ysaÿe considérait comme très important pour le monde musical. Alors que Quiroga réalisé une caricature de Ysaÿe, le portrait musical par Ysaÿe de Quiroga continue comme une expérience performative. Ce documentaire est un hommage puissant et poignant à l'héritage d'Ysaÿe. Interprète, compositeur, mentor et ami, il est toujours connu comme l'un des plus grands violonistes de tous les temps.
Une histoire du passé à la publication
Ysaÿe appartenait à l'une des dernières et merveilleuses générations d'interprètes-compositeurs. Bien que les sonates de l'Opus 27 soient largement connues des violonistes, nombre de ses œuvres font encore l'objet de recherches approfondies et sont introduites dans la littérature musicale. La sixième sonate originale, éditée par Graffin, est terminée pour publication prochaine par Schott. Graffin a achevé le mouvement final inachevé en utilisant des fragments de matériel issus du premier mouvement. Il affirme: «L'idée n'était pas de finir la fin comme la mienne, personne ne veut ça. Il était important d'avoir autant d'Ysaÿe que possible sans changer ce qu'il avait écrit. »
L'édition prévue comprendra des notes supplémentaires. Comme les six autres sonates sont marquées de symboles concernant l'utilisation de l'archet, la sonate en do majeur sera annotée par Graffin dans le même style. «Ces [annotations] doivent être traitées comme des marques expressives», explique-t-il. «Ces notes (coups d’archets) sont assez spécifiques, comme l'utilisation de beaucoup d'archet sur certaines notes. Je pense que c'est pour s'assurer que ces notes particulières sont importantes pour l'harmonie. Normalement, vous sentez que ces notes sont très importantes mais manquantes sur le violon, comme une pédale. » Graffin s'attend à ce que la septième sonate devienne rapidement une partie importante du répertoire de violon.
Un enregistrement complet de la sonate est déjà sorti sur l'album 2019 Fiddler's Blues d'Avie Records, avec Graffin avec la pianiste Claire Désert.
Le film documentaire, Ysaÿe’s Secret Sonata, peut être visionnée sur YouTube.
Fiddler’s Blues peut être entendu sur Amazon, iTunes, et Spotify.
TLa septième sonate sera publiée par Schott sous le titre Sonate posthume pour violon seul, Op. 27bis.
RÉSUMÉ:
Les modèles d'apprentissage automatique sont des outils utiles et attrayants pour le musicien “interactif”, permettant un large éventail d'interfaces et d'instruments. Avec le matériel grand public actuel, il devient possible d'exécuter des algorithmes avancés d'apprentissage automatique dans des situations de performances exigeantes, mais l'expertise reste une barrière d'entrée contraignante pour la plupart des utilisateurs potentiels. Les implémentations actuellement disponibles utilisent principalement des techniques d'apprentissage automatique supervisé, tandis que les capacités adaptatives et d'auto-organisation des modèles non supervisés ne sont généralement pas disponibles. Nous présentons une nouvelle boîte à outils gratuite d'algorithmes d'apprentissage automatique non supervisés implémentés dans Max 5, pour traiter la musique et la vidéo interactives en temps réel, à l'intention de l'artiste informaticien non expert.
Mots-clés NIME, apprentissage automatique non supervisé, théorie de la résonance adaptative, cartes auto-organisatrices, Max 5
1. INTRODUCTION
Alors que les applications ML (machine learning) fournissent des développements et des avancées significatives dans les performances musicales interactives, les outils continuent d'exiger un haut niveau d'expertise. Les applications typiques d'aujourd'hui sont soit conçues par un seul technicien / artiste [10, 12] ou par une équipe de développeurs et de créateurs artistiques [9]. Cependant, les bibliothèques et les boîtes à outils ready made pour les environnements de développement deviennent de plus en plus répandues [3, 4], ouvrant la voie à une adoption plus large de ces techniques. Les techniques de ML à disposition de l'artiste interactif se composent aujourd'hui principalement de modèles et d'algorithmes supervisés. Cette approche permet à l'utilisateur de sélectionner soigneusement les données d'entraînement (training data) afin d'atteindre des degrés élevés de précision et de répétabilité dans le fonctionnement du système. De plus, des limitations communes, telles que des périodes d’entraînement extrêmement longues et des exigences de calcul élevées, sont surmontées dans les réalisations récentes [3], permettant un apprentissage interactif en direct et la construction de modèles.
Les techniques adaptatives ou non supervisées, qui sont largement absentes des packages disponibles, peuvent offrir un certain nombre d'avantages dans certaines situations [8]. Contrairement aux techniques supervisées, les modèles adaptatifs apprennent progressivement et l’entraînement est toujours additif, évitant d’avoir à cesser l'ensemble de l'entraînement à chaque itération ou époque. Ils apprennent également immédiatement, tandis que les techniques supervisées nécessitent souvent des milliers d'époques avant de converger vers une tolérance appropriée. Les algorithmes non supervisés correspondent sans doute bien aux modèles de perception humaine et sont auto-organisés, pouvant fonctionner sans aucune intervention extérieure.
Afin de mettre l’ensemble des modèles ML à la disposition du musicien et artiste interactif, nous avons développé et publié une petite bibliothèque de techniques non supervisées pour l'environnement Max1 . Les cartes auto-organisées (SOM - self organizing maps) [6], la théorie de la résonance adaptative (ART) [1], les réseaux de perceptrons multicouches (MLP Multi-layer Perceptron) et les techniques d'encodage spatial [2] sont tous disponibles sous forme précompilée et/ou d'objets java pour Max. La bibliothèque est distribuée gratuitement pour des applications non commerciales. Nous présentons une discussion sur les avantages et les limites de ces modèles en ce qui concerne la musique interactive pour servir de bref tutoriel à l'utilisateur non expert sur l'utilisation de techniques de ML non supervisées pour des performances en temps réel.
2. ML.SOM
La carte auto-organisée (SOM) [6] fournit un regroupement et une classification non supervisés, mappant les données d'entrée de haute dimension (à n-dimensions) sur un espace de sortie bidimensionnel, préservant les relations topologiques entre les éléments de données d'entrée aussi fidèlement que possible. La principale force du SOM est sa métaphore fondamentalement visuelle, traduisant des données en hautes dimensions en une carte facilement représentable. En d'autres termes, la SOM produit une projection de l'espace de données d'entrée sur une carte bidimensionnelle de telle sorte que la proximité sur la carte est parallèle à une sorte de similitude (ou proximité) dans l'espace de données source (à n-dimensions). La visualisation de la carte peut conduire à un aperçu rapide et intuitif de l'organisation des données sources, révélant des clusters d'importance et d'intérêt. Il s'agit d'un modèle peu coûteux en termes de calcul et qui imite sans doute les modèles cognitifs humains conduisant à des résultats qui mettent en parallèle la perception et les décisions humaines à un niveau de base. En son cœur, le SOM est un réseau de neurones connectés dans une configuration bidimensionnelle (bien que des dispositions dimensionnelles plus élevées soient possibles) dans lesquelles chaque nœud représente une catégorie possible dans l'entrée. Le SOM peut également être considéré comme une généralisation non linéaire de l'analyse en composantes principales (PPA) sur laquelle le SOM offre sans doute de nombreux avantages [7]. Lorsqu'une entrée est présentée au SOM, une recherche est effectuée pour localiser le nœud le plus similaire (c'est-à-dire le plus proche, en utilisant une mesure de distance conventionnelle) ou gagnant sur la carte. L'apprentissage est ensuite effectué, en adaptant le nœud gagnant et ses voisins pour représenter de manière plus appropriée cette nouvelle entrée. L'apprentissage est calculé comme une réduction progressive de la distance entre l'entrée et le nœud de carte correspondant (le processus peut être compris comme un simple filtre passe-bas), et ce taux d'adaptation est contrôlé par le taux d'apprentissage de la carte. L'apparence topographique caractéristique du SOM est le résultat de l'adaptation des nœuds dans un voisinage progressivement décroissant autour du gagnant. Cet effet est contrôlé par un paramètre de rayon de voisinage et l'adaptation déplace les nœuds adjacents au nœud gagnant avec une proportion décroissante vers le bord du voisinage (nous utilisons une gradation linéaire). Le SOM est généralement initialisé avec des valeurs aléatoires, mais cela peut produire des classifications nettement divergentes (également dépendant de l'ordre d'analyse d'entrée). D'autres alternatives consistent à initialiser la carte de manière uniforme ou à utiliser une certaine forme de prédiction (comme l'analyse des composants principaux ou un SOM plus ancien sur un ensemble de données - dataset - précédent et exemplaire).
Enfin, le SOM peut prendre en compte l'âge de la carte et devenir progressivement plus résistant au changement, s'installant éventuellement sur une représentation permanente des données. L'avantage et l'inconvénient de cela sont que les données jusqu'à un certain point sont conservées comme base pour la cartographie, en restant à l'abri (c'est-à-dire en ignorant) les nouvelles données divergentes (contrôlées avec la propriété de solidification du ml.som). Les résultats du regroupement SOM peuvent être vus sur la fig. 1, où la carte s'entraîne sur une sélection de couleurs. Celle de droite utilise trois couleurs (cyan, magenta et jaune) qui se déposent à trois extrémités de la carte, se chevauchant pour produire la gamme de couleurs entièrement saturées. L'autre - à gauche - utilise huit couleurs (les trois initiales plus le rouge, le vert, le bleu, le blanc et le noir). Le noir et le blanc sont poussés dans les coins (la sélection des coins supérieurs coïncide avec l'ensemencement aléatoire de la carte) et les six couleurs restantes s'organisent selon un motif de roue chromatique classique. Le SOM dépend fortement de l'état d'initialisation et l'ordre des données d'entrée et l'importance des relations perçues résultantes dans la carte peuvent varier en conséquence. Randomiser et recycler le SOM produit différentes orientations des couleurs (et différents coins pour le noir et le blanc), mais le motif dominant reste cohérent.
Figure 1: SOM avec 64x64 nœuds formés sur huit couleurs (à gauche) et trois couleurs (à droite).
2.1 Exemple
Comme exemple d'application, nous décrivons un système minimal pour regrouper des exemples de timbre à partir d'un flux audio live (voir fig. 2). L'objectif est de permettre à un artiste en direct de jouer une gamme de matériel et de demander au SOM de rassembler des échantillons de sons similaires (en timbre) sur la carte. Ceci est un exemple utile car les mesures de similitude de timbre restent un problème ouvert dans la théorie de la perception musicale. Ml.som vise à fournir une interface robuste et facile à utiliser, et les listes de paramètres reçues par l'objet sont traitées comme de nouvelles entrées résultant en une correspondance et un apprentissage immédiats.
Nous partons de l'hypothèse que l'audio numérique est traité dans Max et qu'il a été analysé selon ses caractéristiques saillantes (centroïde spectral, intensité, bruit, bandes d'écorce, etc.). Ces fonctionnalités, garantissant que chaque valeur est mise à l'échelle sur (0-1), sont ensuite transmises directement au SOM. Nous configurons le SOM avec les arguments suivants:
• 64 nœuds en largeur et en hauteur
• 24 éléments en entrée, vecteur d'entités (24 paramètres)
• taux d'apprentissage de 0,1 (ou 10%)
• taux de solidification de 0,01 (ou 1%)
• rayon de voisinage de 8 nœuds.
Figure 2: correctif SOM minimal pour classer les fonctionnalités d'entrée (à l'aide de l'objet som java ml).
Dans la figure 2 le message randomize initialise la carte dans un état aléatoire et doit être utilisé avant le début de l'opération. Une fois le jeu en cours, les emplacements 2D qui sont entraînés seront affichés dans les cases numériques descendant de la sortie la plus à gauche. Nous laissons à l'utilisateur final le soin de définir une fonction pour l'utilisation de ces données (peut-être: enregistrer les coordonnées à certains points pendant la performance, calculer une mesure de distance, reflétant un degré de similitude ou de différence de timbre, et utiliser ce résultat pour conduire un moteur de synthèse). La sortie droite du ml.som (sortie médiane de l'objet java) produit l'état modifié et entraîné du nœud correspondant (basé sur l'entrée la plus récente ou le message Get). Cela permet une analyse algorithmique et / ou l'affichage des données de la carte. Il est prévu que le jeu du musicien en direct trace des formes ou des motifs sur la surface de la carte, traversant des figures qui correspondent de manière fiable à des déclarations musicales données (telles que des articulations, des registres et des changements dynamiques). Ceux-ci pourraient facilement être rendus visuellement (en utilisant un objet lcd, par exemple), pour donner à l'utilisateur une idée de la nature du mapping. Une fois qu'une régularité est observée, elle peut être connectée à une autre couche d'apprentissage automatique (en utilisant un autre ml.som ou un ml.art) pour apprendre ces modèles de niveau supérieur et mapper vers des fonctions analogues dans le système de performance.
3. Les algorithmes ML.ART
Les algorithmes Adaptive Resonance Theory [1] ont été initialement proposés comme modèle de calcul de l'attention humaine, utilisant un réseau de neurones. Comme le SOM, ART compare les nouveaux vecteurs de caractéristiques d'entrée avec les nœuds de catégorie connus et forme le réseau de manière adaptative. Cependant, les nœuds ART ne s'influencent pas mutuellement pendant l'entraînement (ils ne sont pas connectés au sens où le SOM les emploie), et la métaphore spatiale n’est pas significative. Alors que les cartes SOM présentent l'espace de manière continue sur la carte (c'est-à-dire que les points intermédiaires entre les nœuds du réseau SOM peuvent être interpolés), l'ART code une zone continue d'espace de fonctionnalité dans chaque nœud (ml.art implémente la version ART floue ou “fuzzy”). Lorsqu'un nœud de catégorie gagnant est identifié lors de la présentation d'entrée, le nœud doit passer un test de vigilance avant que l'apprentissage ne puisse commencer. Le processus de vigilance vérifie la zone que représenterait la catégorie gagnante si l'entraînement devait se poursuivre et garantir que la catégorie ne dépasse pas une limite prédéfinie (définie avec le paramètre de vigilance). Si la catégorie reste dans la limite, il est permis de s'adapter et d'apprendre la nouvelle entrée, de la même manière que le SOM (en utilisant un paramètre de taux d'apprentissage). Cependant, si la catégorie s'étendait pour englober une trop grande partie de l'espace des fonctionnalités, le nœud est supprimé de la considération et la recherche d'un nœud gagnant est effectuée à nouveau.
Ainsi, l'ART est idéal pour localiser des catégories dans des flux de données continus et la granularité de l'analyse peut être facilement ajustée. Comme pour le SOM, la sélection des caractéristiques est importante mais dans l'ART, la dimensionnalité complète des relations de catégorie est préservée, permettant une analyse plus approfondie des résultats de l'ART à tout moment (voir [11], par exemple).
L'ART est efficace en termes de calcul et, parce que de nouveaux nœuds peuvent être ajoutés au besoin, capable de classer des ensembles de données étendus avec un large éventail de spécificités (limité uniquement par le hardware). C'est sans doute un modèle approprié de processus de mémoire à long terme humains [5, 10] et il est donc utile dans les modèlisations informatiques de perception. Alors que l'indice de nœud de l'ART n'a qu'une signification interne, il est trivial d'obtenir la résonance (c'est-à-dire la mesure de distance) de chaque catégorie avec chaque entrée. Cette résonance, ou ajustement, peut décrire de nombreux aspects utiles de l'entrée, tels que la clarté de l'ajustement (différence entre le pic et la résonance moyenne), la signification de l'entrée (somme de toutes les résonances) et la comparaison de cet ajustement aux ajustements précédents (indiquant le mouvement dans l'espace de classification). Cette dernière mesure peut potentiellement donner un fort sentiment de mouvement en coupe dans une pièce, indiquant des passages de transition ou des changements soudains.
Bien que l'ART ne soit pas sensible aux divergences d'initialisation (tous les nœuds non formés sont considérés comme nuls), il dépend fortement de l'ordre des données d'entrée. Les classifications, et en particulier les limites définies par les nœuds ART, peuvent être radicalement différentes si les entrées sont présentées dans une séquence différente. Cela peut être à la fois une force, dans le cas de l'analyse musicale où l'identité d'une pièce ou de l'improvisation exige une certaine séquence, et une faiblesse, semblant incohérente lorsque les modèles supervisés sont cohérents.
Ml.art a une entrée et deux sorties et accepte des listes qui sont traitées comme des vecteurs de caractéristiques d'entrée. Ici, la taille du vecteur d'entité en entrée n'a pas besoin d'être spécifiée à l'avance car les nœuds ne sont remplis que lorsque les données sont reçues et le réseau continuera de croître au besoin pour coder toutes les données reçues. Par défaut, l'ART fera toujours correspondre la meilleure catégorie de sous-ensemble à l'entrée reçue, bien que ce comportement puisse être annulé en définissant le paramètre de choix > 0, où des valeurs plus élevées imposent des correspondances plus restrictives. Tous les paramètres peuvent être définis dynamiquement avec les messages appropriés et le ml.art peut être effacé à tout moment. Lors de l'apprentissage réussi d'un nouveau noeud ml.art sort l'ID de catégorie gagnante ainsi que les résonances de toutes les catégories entraînées.
3.1 Exemple
Nous décrivons maintenant la construction d'un petit système pour analyser, apprendre et identifier des séquences de hauteur mélodique (sur le modèle de [5, 10], voir fig. 3). Outre ml.art, cela nécessitera une méthode pour produire une séquence de données de hauteur. Une fois qu'une séquence de pitch est disponible, elle est réduite à ses “pitch classes” (en prenant la hauteur modulo % 12).
Afin d'effectuer l'extraction et la mise en correspondance de motifs sur cette séquence de hauteurs, l'ART a besoin d'une représentation uniformément dimensionnée qui capture à la fois les classes de hauteurs et l'ordre des notes. Ceci est accompli en utilisant ml.spatial, décrit ci-dessous. Pour l'instant, nous plaçons un objet ml.spatial au bas de la courte chaîne de traitement (le vecteur caractéristique résultant pour une mélodie descendant chromatiquement est affiché dans le graphique au milieu à droite de la figure 3). Maintenant, nous ajoutons un objet ml.art avec les paramètres «0 0,5 0,85» (correspondant respectivement au choix, au taux d'apprentissage et à la vigilance). Celles-ci sont définies pour encourager la recherche d’ensemble de sous-ensembles profonds,
Figure 3: Max 5 patch utilisant ml.art et ml.spatial pour identifier les modèles mélodiques. recherche,
Figure 4: Codage spatial de courts fragments mélodiques.
Une fois l'encodage terminé, le vecteur peut être traité par un modèle ML. Une chaîne d’échantillons codée spatialement rend les comparaisons ensemble-sous-ensemble triviales et rend également possible l'identification des ensembles réorganisés (rétrograde, extension, contraction et ornementation deviennent ainsi transparents pour le classificateur). Chacun de ceux-ci se traduira par des vecteurs codés qui ont des éléments similaires, permettant une identification facile par un SOM ou ART, par exemple.
Cependant, des ambiguïtés peuvent se produire, par exemple lorsqu'un échantillon apparaît plusieurs fois dans une chaîne et que les apparitions antérieures sont remplacées par les suivantes. L'effet de cet échantillon précédent est toujours présent dans la désintégration des autres nœuds, mais en fonction de la précision requise du système, cela peut avoir un effet néfaste.
Un mode d'activation dynamique [11], incorporé dans ml.spatial, tente de réduire cet aspect négatif. Ce mode active un nœud d'une quantité proportionnelle au mérite d'attention calculé pour l’échantillon présenté (la valeur de mérite doit être entrée avec l’échantillon). Cette méthode masque l'ordre des échantillons, mais elle permet à un l’échantillon proéminent de recevoir une grande attention tandis que les échantillons insignifiants ne sont que peu représentés (ce mode est activé avec un message approprié à l'objet ml.spatial). Les paramètres de contrôle de ml.spatial sont: le nombre d’échantillons dans le jeu de données d'entrée (26 pour le texte anglais, 12 pour les classes de hauteur, etc.), le taux de décroissance (force d'atténuation) et le choix d'une décroissance linéaire ou exponentielle modèle. Le taux de décroissance contrôle la longueur de la mémoire du réseau et peut être calculé comme un sur la longueur souhaitée (pour conserver 7 échantillons, le taux de décroissance doit être réglé sur 1/7 ou 0,143). Le modèle linéaire soustrait cette quantité de chaque nœud à chaque pas de temps (nouvelle présentation d'entrée) tandis que le modèle exponentiel multiplie chaque nœud par un moins le taux de décroissance. L'opération dans Max consiste simplement à saisir un entier représentant l’échantillon considéré et à recevoir le vecteur d'entités en sortie (sous forme de liste de flottants). Cela peut ensuite être directement acheminé vers les objets ml.som ou ml.art. Les cas éprouvés pour le codage spatial comprennent les degrés d'échelle mélodique, les intervalles tonaux, les classes de hauteur et les classes d'intervalle [5, 10, 11]. L'espace timbral et la modélisation rythmique peuvent également être des zones prêtes pour l'encodage. De plus, il devient possible d'acheminer la sortie d'un ART (l'ID de catégorie gagnante) dans un codeur spatial et de créer un système ART multicouche [5, 12], qui sert à suivre la structure hiérarchique au sein de l'entrée.
5. CONCLUSION
Actuellement, aucun des objets ml.x ne prend explicitement en charge la conservation de l'état entre les sessions.2 Nous prévoyons de mettre en œuvre des capacités d'exportation de modèles pour permettre une sauvegarde et un chargement rapides des états pré-formés. De plus, nous avons l'intention d'étendre la bibliothèque pour inclure plus de techniques à mesure qu'elles sont identifiées ou demandées et une version PD de cette bibliothèque est également à l'étude. Nous avons décrit la fonctionnalité et la théorie derrière plusieurs techniques ML puissantes implémentées dans une nouveau package pour Max. Des exemples simples mais pertinents ont été décrits dans le but de fournir un accès à ces outils pour les utilisateurs non experts, sous la forme de programmes rapidement et facilement mis en œuvre. Nous espérons que ce travail contribuera et permettra d'explorer davantage les nouvelles possibilités esthétiques offertes par les techniques de machine learning en informatique musicale interactive.
6. REMERCIEMENTS Les auteurs remercient eDream et le National Center for Supercomputing Applications de l'Université de l'Illinois à Urbana-Champaign.
7. RÉFÉRENCES
[1] GA Carpenter, S. Grossberg et DB Rosen. ART flou: apprentissage stable rapide et catégorisation des motifs analogiques par un système de résonance adaptative. Neural Networks, 4: 759–771, 1991.
[2] CJ Davis et JS Bowers. Contrastant cinq théories différentes du codage de position des lettres: preuves des effets de similitude orthographique. Journal of Experimental Psychology: Human Perception and Performance, 32 (3): 535–557, 2006.
[3] R. Fiebrink, PR Cook et D. Trueman. Cartographie Play-along des contrôleurs musicaux. Dans Actes de la Conférence internationale sur la musique informatique, 2009.
[4] N. Gillian, R. Knapp et S. O'Modhrain. Une boîte à outils d'apprentissage automatique pour l'interaction ordinateur musicien. Actes de la Conférence internationale de 2011 sur les nouvelles interfaces pour l'expression musicale (NIME11), 2011.
[5] RO Gjerdingen. Catégorisation des modèles musicaux par des réseaux neuronaux auto-organisés. Perception musicale, 1990.
[6] T. Kohonen. La carte auto-organisée. Actes de l'IEEE, 78 (9): 1464–1480, 1990. [7] Y. Liu, R. Weisberg et C. Mooers. Évaluation des performances de la carte auto-organisée pour l'extraction d'entités. Journal of Geophysical Research-Oceans, 111 (C5), 2006.
[8] Page MPA. Modélisation de la perception des séquences musicales avec des réseaux de neurones auto-organisés. Connection Science, 6 (2 & 3): 223–246, 1994.
[9] M. Schedel et R. Fiebrink. Une démonstration de la reconnaissance de l'articulation de l'arc avec wekinator et k-bow. Dans Proc. Conférence internationale de musique informatique, 2011.
[10] B. Smith et G. Garnett. La machine auto-surveillée. Dans Proc. of New Interfaces for Musical Expression, 2011.
[11] B. Smith et G. Garnett. Écoute machine: Interface acoustique avec l'art. Dans Proc. of SIGCHI Intelligent User Interfaces, 2012.
[12] B. Smith et G. Garnett. Apprentissage par renforcement et improvisateur musical créatif et automatisé. Dans Proc. d'EVOMUSART, 2012.
------------------
1 http://cycling74.com
2 Note du traducteur : l’auteur décrit la version de 2012, celle de 2019 bénéficie de nombreuses améliorations, dont la sauvegarde de presets etc...
"Cet article est traduit des proceedings de la conférence NIME 2012
https://www.nime.org/proceedings/2012/nime2012_68.pdf"
ABSTRACT
This paper discusses recent uses of bach automated composer’s
helper), a Max library for algorithmic composition.
In the context of the author’s own works, audiovisual musical
scores are (pre)-composed in bach (bach.score). In performance,
the scores are sent to performers and synchronised
to a shared common clock, in local networked music
performances (npm), with the help of the SmartVox score
distribution system. The 0.8.1 version of bach presents
two major improvements which will articulate the structure
of this article: on the lower level, bach now exposes an
expr-like small language (bell: bach evaluation language
for lllls), which greatly simplifies algorithmic processes in
Max. The case study of an algorithm for automatic cueing
system for singers will be given as exemple. On the
higher level, bach.roll now supports dynamics, thus revealing
promising user-friendly playback possibilities, exemplified
here with Ableton and the ConTimbre library.
1. INTRODUCTION
1.1 Technology for Notation and Representation
The present research situates itself within the realm of “Technologies
for Notation and Representation (TENOR)”, which
emerged in France around 2014 under the initiative of Dominique
Fober (GRAME-CNCM). The first conference of
the same name took place at IRCAM in 2015, and enjoys
ever since a growing community of researchers, developers,
scholars, and composers. Amongst the latter (composers),
the “slow but steady shift away from textualization
in digital media” [1] inspires very diverse avenues
of research, encompassing live generated scores [2] and
their link to “comprovisation” [3] [4], realtime notation/algorithmic
composition [5] [6], animated notation [7] [8],
audio-scores [9] [10], augmented reality notation [11] [12]
and distributed notation [13], to name a few.
1.2 Distributed Notation with SmartVox
Smartvox is web application dedicated to score distribution.
Amongst the aforementioned categories, SmartVox
best situates itself under the categories of audio-scores [14],
distributed notation [15], and more recently augmented reality
notation [16]. Obtaining best results with choirs (with
or without instruments), it consists in distributing audiovisual
mp4 scores (i.e. pre-composed audio and animated
notation), and synchronising them to a shared common
clock, through the browser of the singer’s own Smartphones.
Developed by Benjamin Matuszewski and the author at IRCAM
in 2015, in the SoundWorks framework [17], SmartVox
is based on a node.js server communicating with clients
(smartphones) through the WebSocket protocol. The great
majority of the scores sent and synchronised by SmartVox
are composed by the author in the bach environment. Whilst
bach is perhaps more often used for live-generated scores
than for more traditional algorithmic composition, such
live or ephemeral scores [18] have nevertheless endured
criticism, which encourages the author to carry on writing
fixed scores (i.e. the same score each time, although animated).
1.3 Algorithmic composition with bach
bach [19] is a library of external objects for real-time CAC
(Computer-Aided Composition) and musical notation in
Max. Providing Max with a large set of tools for the manipulation
of musical scores, it has later been expanded
with the higher-level Cage [20] and Dada [21] libraries.
bach inherits from softwares such as Open Music or PWGL
a lisp-like organisation of data, albeit with its own syntax
called lllls (Lisp-Like Linked Lists). The latest version of
bach (version 0.8.1 released in 2019) exposes the bell language
[22] [23], conceived specifically for llll (lists) manipulation.
2. BACH EVALUATION LANGUAGE FOR LLLLAN
OVERVIEW OF THE BELL LANGUAGE
2.1 General presentation
The bell language in bach arose from an observation that
the Max patching environment can be cumbersome when
formalising algorithmic compositional processes: “It has
been clear since the beginning of bach that non trivial tasks
- in algorithmic composition - require the implementation
of potentially complex algorithms and processes, something
that the graphical, data-flow programming paradigm
of Max [...], is notoriously not well-suited to.” [22].
Indeed, while the Max GUI can be extremely intuitive
and efficient for many DSP processes, its data-flow paradigm
can make list (llll) formatting inefficient. As will be exemplified
with the help of Fig.1, 2 and 3, bach.eval now
allows for a single line of code to centralize list formatting,
which would have formerly required dozens of objects,
themselves most often bringing priority issues.
2.2 Writing notes and playing them
In some cases, composing with bach essentially comes down
to formatting “addchord” messages (i.e. adding note on the
score) containing all necessary information about where/how
each note should be inscribed and displayed, and what Max
should do when retrieving that information later during
playback. Lisp inherited lllls (lisp-like linked lists) can be
represented as trees (see Fig. 1).
Figure 1. A tree representation of the following list:
“addchord
2 [ 1000 [ 6000 4641 127 [ slots [ speed 24 ] [ seek
1954 ] [ respect 109 ] [ file be.aif] [ size 12 ] [ volume 1. ]
] ] ]”
Before the existence of the bell language (mainly exposed in Max with the bach.eval object, the formatting of such list messages typically required the user to build that tree “from the ground up” (see Fig. 2, reading the patch from top to bottom, and Fig.1 from bottom to the top). The process implied for instance: 1/ appending together all slot content 2/ wrapping it together (adding a level of parenthesis) 3/ appending pitch, duration, and velocity 4/ wrap again 5/ prepend onset 6/wrap again 7/ prepend addchord and voicenumber....
Figure 2. The object bach.wrap add a level of parenthesis
around a list. Bach.append appends lists together. Formatting
complex lists in this way was cumbersome and errorprone.
Such a process was often prompt to error, and now gives evidence of the fact that a single bach.eval expression makes the process much easier and versatile (see Fig. 3).
Figure 3. The bell language (mainly exposed through the
bach.eval object) was conceived for lisp-inherited lisp-like
structured messages. $x1, $x2. . . correspond to the different
inlets of the object. bach.eval makes the construction of
lisp-inherited parenthesis structures much easier than with
the data-flow bach.wrap system.
The implementation of variables in the bell language constitutes another major improvement of bach. The ability to name variables in Max in this way (such as ONSET, or DUREE, as in the loop expressed in Fig. 4) helps again centralising information within simple expressions, which the message-driven send-receive Max functionality would have made cumbersome.
Figure 4. A loop calculates the onset of each syllable of a
vocal line according to a starting onset (the variable “ONSET”),
a given duration/tempo (“DUREE”), and prosodic
accentuation (2 1 1 2 1 for long short short long short - 0
is used for initialisation).
2.3 Use cases in compositions for voices According to the performer’s feedback, and in comparison with the author’s previous artistic output and experience with composing in bach (since 2015), the use of algorithmic processes (such as the ones exposed below) demonstrated much better results than “hand-made” former methods. Although in germ in Common Ground 1 (Fig. 5), a more systematic approach to algorithmic polyphony generation was used in a Deliciae 2 (Fig. 6), while discovering the new bell language. Most polyphonic passages in Deliciae were generated inside a poly˜ in Max, with each instance (i.e. each voice) receiving the same types of information (i.e. text, prosody, melodic contour and harmonic material) but only differing by vocal range (sopranos for instance cannot sing below middle C and so forth). Contrast in Renaissance polyphony often consist in alternation between homophonic passages and contrapuntal ones. Contrast therefore mainly consisted in opposing textures in which singers articulate and move from one pitch to the next at the same time (homophonic) or not (contrapuntal). This consideration highly influenced the parameters chosen at the foreground of the “composer’s interface” 3 . ONSET is in milliseconds and correspond to
Figure 5. Common Ground. Photography: Simon Strong.
the position in the timeline where the generation is happening: as exemplified in the video 747618 ms correspond to 12’28”. The term DUREE (French for duration) represents the duration of notes: the tempo speeds up when durations diminished. RANDUR sets the degree of randomness in durations, RANDOMONSET sets the degree of randomness in the onset of the first note of the phrase, DECAL sets the duration of delay between voices, positive value goes from low register to high, negative values from high (sopranos) to low (basses). STAGGER, finally, imitates a behaviour typical of the renaissance where two groups of voices are staggered or delayed by a given value. When the variables RANDUR, RANDOMONSET, DECAL, and STAGGER are set to 0, the algorithm generates a homophony. If only RANDUR increases, voices will start at the same time, but their duration will differ between each other. If only RANDOMONSET increases, they will all have the same duration but start at different times. If only DECAL increase, voice will enter at regular intervals from the bottom-up (and inversely if DECAL is negative).
Figure 6. Deliciae (Madrid version). Photograpy: Enrique Muñoz
2.3.1 Automatic cueing system
Since the beginning of SmartVox (see [24]), cueing the
singers with what comes next appeared one of the main
advantages of the system.
To identify appropriate moments for page turns and in order
Figure 7. The script above adds markers only when two
notes are separated by more than 600ms.
Figure 8. The first note (with lyrics “dia”) has a duration
that lasts until the beginning of the following note, (with
lyrics “blo”). The distance between the two (ECART1,
highlighted in yellow) is almost null.
to cue the singers accordingly, the first step consisted
in identifying the start and end of each phrase (see Fig. 7):
with iterations on each note of the score two by two, we
evaluate if the distance between two notes is superior to
600 ms or not. Fig. 8 and Fig. 9 illustrate how the decision
is taken: in the first case it isn’t (see Fig. 8, the
two notes are close to one another) and nothing happens.
On the following iteration however, the gap between two
notes is wider than 600ms (see Fig. 9), so the messages
“addmarker fin” and “addmarker debut” are sent to the end
of the phrase and to the beginning of the next phrase respectively,
resulting in adding green marker named debut
and fin at the beginning and the end of the phrase respectively
(see Fig. 8 and Fig. 9).
When a performer has nothing to sing, this precious time
is systematically used in the score to provide cues feeding
the perfomer’s headphone with what is coming next: using
the markers previously generated to retrieve their onsets,
if the pause is longer than the phrase to sing, (i.e. if the
DURANTICIP is greater than DUR (see Fig. 10, and the
“then” stance of the “if” statement in the code displayed in
Fig. 12), then the cue will need to start at the onset corresponding
to the difference between entrance of the singer
(START) and the end of his phrase (END), with a 300ms
break between the two. If on the other hand, the pause is
shorter than the phrase to sing (see Fig. 11, and the “else”
stance of the if statement in the code displayed in Fig. 12),
Figure 9. The two notes (with lyrics “blo” and “ho” respectively)
are separated by a silence longer than 600 ms
(ECART1 lasts a bit more than two seconds), therefore two
markers are generated.
then the cue needs to start as soon as possible, i.e. as soon as the singers has finished the previous phrase (PREV):
Figure 10. When the pause is long (or very long....) the cue
needs to be provided as late as possible i.e. just before the
singer’s entrance. The corresponding onset value is 0’46”
because START*2 - END = 48,5*2 - 51 = 46
Figure 11. When the pause is short, the cue needs to be
provided as soon as possible i.e. just after the previous
singer’s phrase (see the PREV variable).
Figure 12. Coding example in bell
Finally, the ’end’ markers (the ones named ’fin’, as in Fig.
8 at 0’16”200”’) are used for score display: the domain
to be displayed on the playing staff and on the preview
staff of the bach.roll(i.e. the staff-line that is coming next,
as for page turns). Fig. 13 shows a coding example for
formatting messages aimed at displaying the right portion
of the score at the right time on both staves.
Each time the cursor hits one of these markers, the domain
display of both ’playing’ and ’preview’ staves are
updated, provoking at the same time an alternation up and
down between the position of those staves, so that the passive
(or ’preview’) roll looks like an anticipation of the active
(or ’playing’) one, resulting on a 2-staves display with
constant preview. 4
Figure 13. Message formatting for maker generation in
bell.
3. DYNAMICS IN BACH 0.8.1, IN SEARCH FOR
PLAUSIBLE INSTRUMENTAL WRITING
MOCKUPS
It is often a danger for a composer to write only what he
can hear on his computer, rather than from his imagination
directly. First he will limit his palette to what his virtual
instruments can do, but also these instruments will always
draw his attention to how they sound best, rather than
how the instrument they are emulating would sound. However,
the simulations of a sample library like ConTimbre
5 slightly undermine this statement because of the infinity
of timbre combinations it makes available to composers today.
Taking advantage of bach 0.8.1 dynamics support, the
following proposes an overview of some mockup strategies
for instrumental writing, showing how bach may be
particularly handy in the context of musique mixte (instrumental/
vocal music with electronics), notably thanks the
control of Ableton Live and/or ConTimbre.
3.1 bach-Ableton
The bach.roll object displays notation in proportional time
(as opposed to bach.score in mensural notation), and outputs
notifications of its playback status in real-time. These
notifications can be interpreted in Max For Live in order to
synchronize the notation for human players in bach with
the electronic tape in Ableton Live. Figure 14 shows how
Ableton’s playback controls can be accessed through the
live-set path of the live object model (LOM), which makes
constant back and forth playbacks possible between composition
of the vocal/instrumental lines in the score and
electronic tape (fixed media) in Ableton, during the compositional
process. Here bach (“master”) sends playback
notifications to Ableton (“slave”) though the live.object.
Figure 14. Max For Live device syncing bach and Ableton.
3.2 Controlling VSTs in Ableton via bach: the
drawbacks of MIDI
We’ll examine here the case where bach (the fullscore) is
used within Max-for-live to control synthesisers or VSTs.
One way to do this consists in hosting the score in one track
(e.g. the master track), and adding one track per instrument
e.g. violin on track 1, cello track 2...). Max-for-live
devices can send messages to each other (but not signal),
so the full-score track can send control data to various instruments
(interpreted as MIDI by VSTs).
Numerous strategies can be used in bach to map symbolic
data to dynamic change. The most common way will consist
in using a function stored as slot 6 content, for instance
dB function of time (see Fig. 15), to be retrieved during
playback with the help of bach.slot2curve, thus mimicking
the behaviour of automation lines in a DAW.
Figure 15. bach.slot2curve allows for automation curve
retrieval.
Very similar results can be achieved by mapping the thickness
or opacity of the duration line of the note to dynamic
change, using this time bach.dl2curve. In this case the volume
of the sound increases if the duration line gets thicker
over time. Whilst the MIDI control data of the instrument
(noteon pitch velocity noteoff...) is sent to the entry of
the VST, such automation-like gain/volume control must
be placed at its output. Some difficulties then emerge with
this approach to MIDI-to-VST-instrument communication:
- MIDI velocity and volume/automation data tend to contradict
each other (e.g. what is the velocity of a crescendo
dal niente?)
- crescendos and diminuendo merely multiply the signal’s
value without changing its spectral content (Risset
famously evidenced the correlation between loudness and
brightness in his trumpet study [25])
- pitch-wise, MIDI communication needs to rely on pitch
bend, which is relatively easy when dealing with finite values
such as semi/quarter or eighth of tones. Pitch bend can
however be more error prone than straightforward MIDIcent
communication (supported by contimbre through OSC
communication) when dealing with non-approximated pitch
value (e.g. making sure that 59.99 sounds “C” etc...).
3.3 bach Controlling ConTimbre via OSC
ConTimbre is a large database of orchestral sounds (87000
samples, 4000 playing techniques). Its use in conjunction
with bach promisses being of interest for plausible mockups
using instrumental extended technique, with clear possibilities
in the realm of algorithmic composition. Considering
one instrument (e.g. flute), each playing technique
can be considered in bach as a list of slot information describing
note-head, articulation, textual information to display
on the score, and control data assigning that note to a
specific playing technique of the ConTimbre library. The
lisp-inherited data structure of bach allows to represent all
this information as a tree. 7
The OSC syntax of ConTimbre also allows for precise
control over dynamic change. Dynamic changes will therefore
simulate true crescendi or diminuendi by sample interpolation.
In a trumpet crescendo for instance, the timbre
or harmonic content of the sound will transform over time,
from low to high regions of the spectrum. To do so directly
from notation information retrieval, the dynamic of
the note is treated differently whether it is stable (i.e. if the
dynamics list contains only one symbol e.g. f as “forte”),
or if it changes over time (e.g. if the dynamics list contains
3 symbols e.g. o
Figure 16. Dynamic information is routed according to the
length of its list: “fff >o” contains 3 symbols.
If the dynamic information contains 3 symbols, it will send to ConTimbre a noteon message with its initial dynamic, followed by a “dynamic” message containing the duration of the note and the target value.
Figure 17. The message ’dynamic “from max 1” 8400. 1
2742’ demands ConTimbre to reach velocity 1 in 2742ms”
3.4 bach, dada and attempts at using AI-inspired
techniques
A playback engine such as the one described above (bachcontimbre
could lead to interesting research in timbre combination
and computer-aided composition, using techniques
borrowed from AI in particular. Attempts are currently undertaken
at classifying data with the help of the dada [21]
library. 8
4. CONCLUSIONS
Recent improvements of the bach library for Max open
promising perspectives in the realm of algorithmic composition,
with the implementation of the bell language in
particular. The seemingly anecdotal support of dynamics
offers musical and intuitive playback control possibilities,
and re-inforcing the link between historically-inherited musical
notation and forward-looking algorithmic processes,
which make bach an invaluable tool for composers today.
Acknowledgments
The author would like to thank Andrea Agostini, Daniele
Ghisi, and Jean-Louis Giavitto from the latest improvements
of bach. In memoriam Eric Daubresse who highly
supported Cage, the first extention of the bach library.
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1 Video of the performance: https://youtu.be/ZrLgbBw4xfU
2 Video of Sevilla’s performance: https://youtu.be/zxnznD0Gzo0
3 See parameters tweaks on the right hand side for demonstration here: https://youtu.be/OKkiySEagm0
4 See for instance the tenor part: https://youtu.be/NLpI OpFcTs
5 https://www.ConTimbre.com/en/
6 The concept of slot in bach consists in attaching various kinds of metadata to a single note.
7 See https://youtu.be/cAtcMUKbQbs for demonstration.
8 See for demonstration : https://youtu.be/UxaEuKtXb8 and
https://youtu.be/ByeIyRLnX-w.
"Cet article est issu des proceedings SMC2020
https://smc2020torino.it/adminupload/file/SMCCIM_2020_paper_222.pdf
«Strune» est une installation audiovisuelle interactive inspirée de la théorie des cordes de la physique des particules, présentée en janvier 2018 à Galerija SC à Zagreb, Croatie. "Strune" se compose d'un piano tendu de 15 mètres de long fil, soutenu par une boîte de contreplaqué résonnant, et est entraîné pour résonner par un boulon tout filetage attaché à un caisson de basses. Un patch Max / Msp est utilisé pour traiter les vibrations se propageant sur la chaîne selon un jeu de données simulant Collisions de particules du LHC 13TeV. En conséquence, le processus fait ressortir une série de fréquences apparentées aux familles de particules produites par les résonances du quantum cordes mécaniques. Les détails de conception et les expériences du public sont décrits.
Jonathan Bell
Marek Chołoniewski est un compositeur, artiste sonore, conférencier et interprète de renommée mondiale. Il est directeur du Studio de musique électro-acoustique de l'Académie de musique de Cracovie depuis 2000 et écrit de la musique instrumentale et électroacoustique pour le théâtre, le cinéma et la radio. Il produit également des installations sonores et vidéo et des performances audiovisuelles, dans les mondes physique et virtuel et a été impliqué dans l'organisation du festival annuel audio-art de Cracovie depuis ses débuts.
Marek Chołoniewski était cette année keynote pour la conférence SMC, dans laquelle il développe le concept de "sound space kinetics", une reflexion aujourd'hui incontournable dans le domaine des NIMEs : New interfaces for Musical Expression, ou la relation du geste au son par l'usage des nouvelles technologies © L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Samuel Andreyev interroge ici le compositeur britanique Julian Anderson. Ils y discutent l'ensemble de son parcours et sa formation de compositeur, mais aussi des thématiques plus larges telles que la composition aujourd'hui, l'avant-garde et le spectralisme.
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020Alors que les discussions, approbations, contestations allaient bon train concernant le nouveau baccalauréat, et la part importante (40%) que le ministre avait dévolue au contrôle continu pour l’obtention du nouveau diplôme, un virus veillait ! Ce ne sont pas 40, mais 100% des notes du contrôle continu qui furent - à cause du Covid19 - prises en compte pour la session 2020 ! En 2021, les épreuves vont, si le virus se calme, retrouver les dispositions prévues par les bulletins officiels ! Il est donc temps de faire le point. C’est l’objet du préambule de ce livre. Au cours des pages suivantes, comme chaque année, nous analyserons bien entendu les œuvres du « programme limitatif ». Mais « pas que » ! Les candidats auront, je l’espère, envie de suivre ce manuel dans son déroulement intégral.
Les nouveauté du Bac 2021 :
1. L’option facultative de musique ne fera plus l’objet d’une épreuve finale, mais sera l’une des notes prises en compte (à part égale avec les autres disciplines) pour calculer la moyenne globale des notes des 6 bulletins de 1re et terminale, cette moyenne générale étant dotée d’un coefficient 10.
2. Les élèves qui auront choisi, parmi les trois spécialités de première, la spécialité musique pourront :
- soit l’abandonner en terminale, et passeront alors une épreuve orale de 30 minutes (sans préparation) (coefficient 5) en 2 temps :
soit la conserver dans les deux spécialités demeurant en terminale, et elle fera alors l’objet d’une épreuve finale en deux parties (la première écrite et la seconde orale) au retour des vacances de printemps. Son coefficient sera (comme celui de la seconde spécialité) le plus important : 16 (alors que celui de la philosophie n’est plus que de 8, et celui du grand oral de 10).
3. la spécialité musique sera alors partie prenante pour moitié dans « le grand oral » (épreuve obligatoire pour tous les candidats) (Préparation : 20 mn ; durée : 20 mn ; noté sur 20 Coefficient : 10. L'épreuve permet au candidat de montrer sa capacité à prendre la parole en public de façon claire et convaincante. Elle lui permet aussi de mettre les savoirs qu'il a acquis, particulièrement dans ses enseignements de spécialité, au service d'une argumentation, et de montrer comment ces savoirs ont nourri son projet de poursuite d'études, voire son projet professionnel. Le jury valorise la solidité des connaissances du candidat, sa capacité à argumenter et à relier les savoirs, son esprit critique, la précision de son expression, la clarté de son propos, son engagement dans sa parole, sa force de conviction.
Premier temps : (5 mn) Le candidat présente au jury deux questions (sur une feuille signée par les professeurs des enseignements de spécialité du candidat qui l’ont aidé à les élaborer) qui portent sur les deux enseignements de spécialité soit pris isolément, soit abordés de manière transversale. Elles mettent en lumière un des grands enjeux du ou des programmes de ces enseignements, et sont adossées à tout ou partie du programme du cycle terminal. D'autres élèves peuvent participer. Le jury choisit une des deux questions. Le candidat dispose de 20 minutes de préparation pour mettre en ordre ses idées et réaliser, s'il le souhaite, un support qu'il remettra au jury sur une feuille qui lui est fournie. Ce support ne fait pas l'objet d'une évaluation. L'exposé du candidat se fait sans note. Le candidat explique pourquoi il a choisi de préparer cette question pendant sa formation, puis il la développe et y répond. Le jury évalue les capacités argumentatives et les qualités oratoires du candidat.
Deuxième temps : (10 mn) Echange avec le candidat. Le jury interroge ensuite le candidat pour l'amener à préciser et à approfondir sa pensée. Il peut interroger le candidat sur toute partie du programme du cycle terminal de ses enseignements de spécialité et évaluer ainsi la solidité des connaissances et les capacités argumentatives du candidat.
Troisième temps : (5 mn) Echange sur le projet d'orientation du candidat. Le candidat explique en quoi la question traitée éclaire son projet de poursuite d'études, voire son projet professionnel. Il expose les différentes étapes de la maturation de son projet (rencontres, engagements, stages, mobilité internationale, intérêt pour les enseignements communs, choix de ses spécialités, etc.) et la manière dont il souhaite le mener après le baccalauréat. Le jury mesure la capacité du candidat à conduire et exprimer une réflexion personnelle témoignant de sa curiosité intellectuelle et de son aptitude à exprimer ses motivations. Le candidat effectue sa présentation du premier temps debout, sauf aménagements pour les candidats à besoins spécifiques. Pour les deuxième et troisième temps de l'épreuve, le candidat est assis ou debout selon son choix.
Si la question traitée concerne l'enseignement de spécialité langues, littératures et cultures étrangères et régionales, chacun des deux premiers temps de l'épreuve orale terminale peut se dérouler, en partie, dans la langue vivante concernée par l'enseignement de spécialité, selon le choix du candidat.
Les candidats individuels ou les candidats issus des établissements scolaires privés hors contrat présentent l'épreuve orale terminale dans les mêmes conditions que les candidats scolaires. Le document précisant les questions présentées par le candidat à destination du jury est alors constitué par le candidat lui-même, en conformité avec le cadre défini pour les candidats scolaires. Le jury est composé de deux professeurs de disciplines différentes, dont l'un représente l'un des deux enseignements de spécialité du candidat et l'autre représente l'autre enseignement de spécialité ou l'un des enseignements communs, ou est professeur-documentaliste. Les candidats à l'examen du baccalauréat général ou technologique dont les troubles impactent la passation de l'épreuve orale terminale (troubles neuro-développementaux, troubles du langage oral ou de la parole, troubles des fonctions auditives, troubles psychiques, troubles des fonctions motrices ou maladies invalidantes, etc.) qui souhaitent bénéficier d'aménagements de l'épreuve orale terminale peuvent en faire une demande selon les procédures en vigueur. Les demandes d'adaptation ou d'aménagements peuvent porter particulièrement sur :
1. Une majoration du temps de préparation ou du temps de passation de l'épreuve ;
2. Une brève pause en raison de la fatigabilité de certains candidats (déductible du temps de passation) ;
3. Une accessibilité des locaux et une installation spécifique de la salle ;
4. Des aides techniques ou du matériel apportés par le candidat ou fournis par l'établissement : utilisation d'une tablette ou d'un ordinateur équipé d'un logiciel spécifique le cas échéant (logiciel de retour vocal par exemple) que l'élève est habitué à utiliser en classe, mais vidé de ses dossiers ou fichiers et hors connexion ;
5. La communication : le port, par au moins un membre du jury, d'un micro haute fréquence (HF), une énonciation claire et simple des questions en face du candidat afin de faciliter une lecture labiale le cas échéant ou toute autre modalité d'adaptation ;
6. Les aides humaines : un secrétaire reformulant une question ou expliquant un sens second ou métaphorique, rassurant le candidat ou apportant toute autre aide requise, un enseignant spécialisé dans les troubles des fonctions auditives le cas échéant, un interprète en langue des signes française (LSF) ou un codeur en langage parlé complété (LPC) ;
7. D'autres adaptations possibles : fournir une transcription écrite (avec ou sans aide humaine) pour la présentation orale de la question et pour l'échange sur le projet d'orientation du candidat ; répondre par écrits brefs (avec ou sans aide humaine) lors des échanges avec le jury ; la présence dans les membres du jury d'au moins une personne maitrisant la LSF ou le code LPC, le cas échéant, sera préférée à la présence d'un interprète ou d'un codeur ; toute autre mesure favorisant les échanges avec le jury et conforme à la réglementation en vigueur. La grille d'évaluation indicative ci-jointe en annexe 1 doit être prise en compte également pour les élèves à besoins éducatifs particuliers. Le jury veillera à adopter une attitude bienveillante et ouverte afin de permettre d'évaluer les objectifs de l'épreuve dans le respect des compétences spécifiques du candidat.
Si le candidat n’a obtenu qu’entre 8 et 10/20 à l’ensemble (contrôle continu et épreuves), il devra passer un oral de contrôle (session de rattrapage), et s’il considère qu’il peut obtenir une bien meilleure note dans la spécialité musique, il pourra passer l’épreuve orale de contrôle musique:
La spécialité musique au lycée
Voyons maintenant pour les élèves de seconde qui envisagent de prendre la spécialité musique en cycle terminal du lycée (1re et Terminale) quels sont les programmes. Ces textes sont tirés des instructions officielles ; dans un souci de clarté, certains mots ont été déplacés ou colorés, histoire de vous permettre de lire en diagonale !
Préambule spécifique à l’enseignement de spécialité de musique au cycle terminal
L’enseignement de spécialité de musique apporte aux élèves une formation équilibrant le développement des compétences fondamentales nécessaires à l’expression musicale individuelle et collective, une culture musicale et artistique embrassant le temps et l’espace et mise en lien avec d’autres domaines de la connaissance.
Il s’appuie sur le plaisir de la musique partagée, qu’il s’agisse de la pratiquer collectivement ou bien de la découvrir individuellement par l’écoute et l’analyse.
Il engage à une réflexion approfondie sur les pratiques et rôles de la musique dans le monde contemporain.
Que ce soit en classe de première ou en classe terminale, il amène également chaque élève à interroger puis préciser son projet de formation supérieure, à identifier ce qu’apporte une éducation musicale généraliste à une diversité de parcours de formation, dans tous les cas à développer des compétences transversales nécessaires à la réussite de ses études quelle que soit l’orientation choisie.
Cet enseignement est conçu pour accueillir tous les élèves qui le souhaitent, quels qu’aient été leurs parcours antérieurs (enseignement optionnel de musique en classe de seconde ou non, suivi en parallèle d’une formation musicale hors l’École).
Dans ses composantes pratiques, analytiques et historiques, il privilégie l’oralité en classe de première afin de développer des compétences expressives et auditives reposant essentiellement sur la sensibilité de la perception. Les éléments liés à la musique écrite et à ses conceptions théoriques sont davantage investis en classe terminale selon les situations d’étude et les besoins des élèves.
La présence de la partition ou de représentations graphiques est cependant courante à chacun des deux niveaux, ne serait-ce que pour aider la mémoire lors d’un travail d’interprétation ou pour guider l’écoute d’une œuvre musicale.
Les approches spécifiques à chacune des années du cycle terminal permettent au professeur d’assurer la cohérence du parcours de formation, que l’élève suive cet enseignement sur la seule classe de première ou bien durant l’ensemble du cycle.
Elles construisent une culture musicale adossée à la connaissance d’une multiplicité d’œuvres interprétées, écoutées, étudiées. Cet ensemble est enrichi d’une réflexion sur les pratiques menées et les rôles de la musique aujourd’hui mais également dans les époques précédentes ou encore dans d’autres cultures.
Pour l’ensemble du cycle, le programme précise les grands champs de compétences travaillés. S’y ajoutent trois champs de questionnement déclinés en thématiques dont le choix est laissé au professeur en fonction des besoins des élèves comme des associations d’enseignements de spécialité suivis en cycle terminal. Le professeur veille en outre à la complémentarité des choix effectués l’autre année du cycle. Si certaines de ces thématiques invitent à un travail interdisciplinaire avec les enseignements scientifiques (mathématiques, physique, numérique, sciences de la vie et de la terre), d’autres se tournent plus spontanément vers les lettres, l’histoire, la géographie, les langues étrangères ou régionales, ou encore les sciences économiques et sociales sinon d’autres spécialités notamment artistiques.
Ces champs de questionnement engagent à la recherche, à l’exploration mais aussi au débat et à l’argumentation. Ils sont ainsi des leviers pour développer les compétences des élèves à la communication orale et offrent naturellement des perspectives diversifiées pour la réalisation d’un projet ambitieux, support du grand oral du baccalauréat.
La diversité des possibilités ainsi offertes par le programme permet par ailleurs de tirer parti des ressources de l’environnement artistique et culturel (scène de spectacle vivant, lieu de diffusion, conservatoire, festival, etc.) afin d’enrichir le travail mené en classe.
Enjeux et objectifs. Les élèves ayant fait le choix de l’enseignement de spécialité de musique pratiquent la musique selon une grande diversité de modalités (instrumentistes, chanteurs, adeptes du numérique, auditeurs critiques, etc.) et dans le cadre d’esthétiques multiples. Respectueux de leurs compétences acquises, l’enseignement dispensé en ouvre les perspectives, en affine les techniques et les enrichit de connaissances culturelles dépassant les références qu’ils privilégient a priori. La singularité des profils musicaux réunis en classe impose une attention à chacun. Cette diversité contribue à la richesse du travail mené collectivement. C’est notamment le cas dans les situations de pratique musicale, qui restent au centre de l’enseignement et sont au principe de ses mises en œuvre. Ces situations de pratique sont le lieu privilégié où toutes les compétences et tous les savoirs construits alimentent la sensibilité de chacun et participent d’un projet commun. Si le développement des compétences nécessaires à la pratique de la musique reste essentiel, celui d’une culture musicale et artistique ouverte et structurée est tout aussi important. La profusion d’informations musicales à laquelle les élèves peuvent aisément accéder sur les réseaux rend cet objectif d’autant plus nécessaire.
Connaître la musique aujourd’hui revient à appréhender cette abondance sans exclusive ni ostracisme particulier : toutes les musiques, passées, présentes et actuelles comme relevant de diverses cultures, font partie de l’expérience musicale contemporaine. C’est cet ensemble qui nourrit progressivement une capacité à réfléchir sur la musique et sur ses différents aspects dans le monde d’aujourd’hui, à porter un regard informé et critique sur la vie musicale contemporaine et à s’émanciper de la pression constante des industries culturelles comme des représentations sociales qui pèsent sur les goûts de chacun. Il permet enfin à chaque élève de préciser son projet de formation supérieure afin de l’inscrire dans un paysage réaliste d’études voire d’insertion professionnelle.
Champs des compétences travaillées
Que ce soit en classe de première ou en classe de terminale, l’enseignement développe des compétences en permanente interaction. Elles s’inscrivent dans la continuité des programmes pour l’éducation musicale au collège puis en classe de seconde et élèvent leur ambition. Définies plus précisément, elles s’appliquent à des situations et des objets d’étude graduellement plus exigeants. Selon des équilibres variables, chaque activité (réalisation de projets musicaux, écoute, etc.) fait converger ces compétences au bénéfice d’un résultat global associant chacune d’entre elles. En classe terminale s’ajoutent deux champs de compétences complémentaires, le premier relatif aux représentations écrites de la musique et à quelques éléments de théorie musicale, le second à la connaissance du contexte économique et social de la musique aujourd’hui et à la diversité des métiers qui en découlent.
Champs de compétence en classe de première et en classe terminale
Projets musicaux :
− maîtriser les techniques nécessaires à la conduite des projets musicaux d’interprétation collective ou de création, d’improvisation ou d’arrangement, qu’ils mobilisent la voix, l’instrument et/ou un instrumentarium numérique;
− développer son autonomie musicale par la maîtrise d’une méthodologie adaptée à la réalisation des projets.
Écoute/culture :
− développer une écoute comparée, analytique et critique des œuvres écoutées et jouées permettant d’élaborer un commentaire argumenté; construire une culture musicale et artistique diversifiée et organisée;
− identifier les relations qu’entretient la musique avec les autres domaines de la création et du savoir:sciences, sciences humaines, autres arts, etc.
Méthodologie :
− élaborer une problématique issue d’un champ de questionnement et conduire une recherche documentaire permettant de l’éclairer;
− construire et présenter oralement une argumentation sur une interprétation, une œuvre, une production, etc. et participer à un débat contradictoire;
− rédiger de façon claire et ordonnée les commentaires d’écoute; synthétiser à l’écrit les termes d’un argumentaire sur une problématique donnée.
Champs des compétences complémentaires en classe terminale:
− faire un usage approprié de partitions et représentations graphiques des œuvres étudiées pour approfondir la connaissance des organisations musicales perçues à l’écoute;
− situer sa pratique, ses goûts musicaux mais aussi ses projets de formation supérieure par rapport aux filières d’études et au contexte économique, social, professionnel de la musique dans la société contemporaine.
Champs de questionnement
Les champs de questionnement précisés ci-dessous ouvrent des thématiques de travail qui, de diverses façons, éclairent la portée et le sens de la musique, qu’il s’agisse de sa pratique ou de son écoute. Chaque situation d’apprentissage permet d’étudier une ou plusieurs thématiques, choisies par le professeur en tenant compte du profil des élèves, de leurs attentes et des enseignements de spécialité suivis par ailleurs au cours du cycle terminal. Les trois champs de questionnement sont présentés ci-dessous. Ils sont déclinés en thématiques plus précises pouvant permettre de circonscrire une problématique de travail.
Le son, la musique, l’espace et le temps
−La musique, un art du temps;
− La forme: principes et éléments du discours musical;
− Musique et texte;
− Musique et image;
− Musique et récit;
− Musique, théâtre, mouvement et scène;
− Musique et esthétique;
− Musique, son et acoustique;
− Musique, son et algorithme;
− Musique, proportions et modèles scientifiques;
− Musique et numérique;
− Musique, architecture, paysage.
La musique, l’homme et la société
− Musicien: créateur, interprète, arrangeur, auditeur, mélomane;
− Musique vivante vs musique enregistrée;
− Droit et économie de la musique;
− Pratiques musicales contemporaines;
− Transmettre la musique: médiations musicales;
− Musique et santé.
Culture musicale et artistique dans l’histoire et la géographie
−Variants et invariants du langage musical;
− Mondialisation culturelle: diversité, relativité et nouvelles esthéiques;
− Supports de la musique: mémoire, écriture, enregistrement, etc.;
− Authenticité vs recréation;
− Musique: témoin et acteur de l’histoire.
En classe de première, quatre thématiques au moins couvrant les trois champs de questionnement sont arrêtées par le professeur au cours de l’année scolaire. Chacune d’entre elles engage les élèves à élaborer progressivement une problématique de travail. Elles peuvent se recouper, s’enrichir les unes les autres, voire fusionner dans une interrogation nouvelle issue des travaux menés. Selon diverses formes, elles restent toujours la toile de fond des situations de travail mises en œuvre.
En classe terminale, trois thématiques au moins, couvrant les trois champs de questionnement, sont choisies par le professeur en concertation avec les élèves. Elles sont étudiées dans les mêmes conditions qu’en classe de première mais profitent d’une plus grande diversité de situations susceptibles de les éclairer. Une quatrième thématique, cette fois choisie par chaque élève en lien avec son autre spécialité, est l’objet d’un travail approfondi mené parfois en groupe et accompagné par le professeur. Elle est le support principal d’un projet qui peut être présenté à l’occasion du grand oral du baccalauréat. Ce projet particulier se nourrit des thématiques étudiées en classe de première.
Repères pour l’enseignement Les situations d’étude sont d’une grande diversité et largement modulables en fonction aussi bien des besoins avérés des élèves, du type de pratique menée, des thématiques privilégiées, que de la forme visée par la restitution du travail. Pour ce faire, l’enseignement se déroule dans une salle spécialisée dotée d’un équipement spécifique associant un instrumentarium fourni, des terminaux informatiques équipés de logiciels et applications adaptés, un système de diffusion de qualité et un système de vidéo projection. En outre, la salle spécialisée est reliée au réseau de l’établissement permettant la mise à disposition de ressources de toutes natures sur l’espace numérique de travail. Elle est suffisamment vaste pour accueillir aussi bien le travail collectif que par petits groupes. Les situations d’étude sont toujours élaborées autour des dispositions suivantes:
En classe de première et en classe terminale
− Réalisation de projets musicaux de création (arrangement, pastiche, improvisations, création, etc.) mobilisant toute la classe ou des petits groupes;
− Réalisation de projets musicaux d’interprétation mobilisant toute la classe ou des petits groupes
− Réalisation de projets de médiation issus de recherches documentaires et croisant d’autres domaines de connaissance;
− Écoute et analyse d’œuvres ou d’extraits d’œuvres:
en classe de première: analyse auditive des œuvres;
en classe terminale: approfondissement de l’analyse à l’aide des partitions et d’autres représentations graphiques; première approche des conceptions théoriques de la musique adossée conjointement à l’écoute et à la partition, et développement d’un vocabulaire spécifique;
−Recherches en ligne par l’écoute grâce aux sites de streaming au bénéfice du traitement d’une problématique.
En classe terminale
− Réalisation d’un projet musical documenté associant pratique musicale, recherche documentaire et ouvrant sur la place et les apports de la culture artistique et de la pratique musicale dans le projet d’étude supérieure envisagé;
− Étude de cas relevant de la sociologie et de l’économie de la musique; informations sur les métiers liés à l’économie de la musique, du spectacle vivant à la diffusion.
Pour mettre en œuvre cette multiplicité de situations de travail, d’autres lieux de l'établissement peuvent accueillir les pratiques musicales des élèves, notamment une salle de spectacle pour les répétitions et les prestations collectives ou bien de petits studios pour le travail individuel ou par petits groupes. Cette diversité des lieux de présence musicale contribue au rayonnement de la musique dans l’établissement et à la connaissance par tous les élèves de la formation musicale qui y est dispensée.
Programme limitatif En vue de l’épreuve terminale du baccalauréat, un programme national est publié au bulletin officiel de l’Éducation nationale. Il est renouvelable pour partie chaque année. Il est enrichi de l’écoute et de l’étude de nombreuses autres pièces, le choix de certaines d’entre elles tirant parti des programmations prévues dans les structures de diffusion de l’environnement proche. Allié aux compétences pratiques développées tout au long du cycle terminal, cet ensemble permet aux candidats de satisfaire les différents attendus de l’épreuve
Attendus de fin d’année et attendus de fin de cycle Au terme de chacune des années du cycle, les attendus sont de même nature. Cependant, l’année de terminale permet d’en élever l’exigence, de densifier le réseau de références culturelles, d’approfondir certaines pratiques par le développement de nouvelles techniques. Les attendus de fin d’année sont référés aux compétences qui structurent le programme.
Maîtriser les techniques nécessaires à la conduite des projets musicaux :
− tenir sa place, son rôle, sa fonction dans les divers projets musicaux menés durant l’année scolaire;
− traduire en gestes techniques adaptés les consignes et contraintes diverses nécessaires à la réalisation d’un projet.
Développer une écoute comparée, analytique et critique permettant d’élaborer un commentaire argumenté;
construire une culture musicale et artistique diversifiée et organisée
En classe de première et en classe terminale
− Décrire les musiques écoutées avec un vocabulaire précis en en soulignant les principales caractéristiques; comparer plusieurs œuvres afin d’en identifier les parentés et ressemblances comme les différences et les contrastes; les relier les unes aux autres dans la perspective d'une compréhension fine de l'évolution de la musique;
− En partant des impressions éprouvées, argumenter la critique d’une œuvre ou d’une interprétation en identifiant les éléments de toutes natures qui y contribuent et en tirant parti de sa connaissance des contextes artistiques, esthétiques, historiques de l’époque correspondante;
− Situer des œuvres inconnues en référence à celles qui ont été étudiées durant l’année scolaire.
En classe terminale
− Situer des œuvres inconnues dans le temps et l’espace en référence aux grands courants esthétiques de l’histoire occidentale depuis le Moyen- ge ou des aires culturelles d’origine pour la musique extra-occidentale;
−Utiliser une partition simple pour confirmer, approfondir et interroger une caractéristique musicale identifiée à l’écoute.
Mobiliser ses savoirs techniques et culturels sur la musique pour une approche critique de la musique écoutée et jouée
En classe de première et en classe terminale,
Développer le commentaire d’une œuvre écoutée ou jouée sur la base de l’analyse des éléments qui la constituent et, dans certaines situations pratiques, des choix effectués pour faire aboutir le projet musical.
Développer son autonomie musicale par la maîtrise d’une méthodologie adaptée à la réalisation des projets mis en œuvre comme à la poursuite d’une recherche ou d’une étude particulière
− Respecter les consignes et contraintes nécessaires à la réalisation d’un projet;
− Approfondir un geste technique en autonomie;
− Mener une recherche audio ciblée sur Internet et en synthétiser les résultats.
Respecter ses propres capacités auditives comme celles de son entourage
− En utilisant à bon escient une diffusion audio de qualité à un niveau d’intensité acceptable;
− En prenant la mesure du rôle de chacun dans la construction et la gestion de l’environnement sonore commun.
En classe terminale, situer sa pratique et ses goûts musicaux dans le contexte économique, social, professionnel de la musique dans la société occidentale contemporaine.
− Connaître les grandes catégories de métiers qui organisent la vie musicale et culturelle aujourd’hui et les filières d’études qui y conduisent;
− Connaître les grandes lignes des logiques économiques qui y président;
− Connaître les principes du droit d’auteur et du respect des œuvres, des artistes et de la création;−Identifier les apports de ses pratiques et de sa culture musicalesdans la perspective de son projet d’études supérieures.
Évaluation L’évaluation continue des apprentissages relève de la responsabilité du professeur d’éducation musicale. Elle tire parti de l’autoévaluation et de la coévaluation entre élèves, et s’appuie sur une explicitation systématique des objectifs poursuivis et des critères qui permettent d’apprécier les apprentissages. Elle identifie la progression de chaque élève sur chacune des compétences travaillées.
Chorale et orchestre En classe de première comme en classe terminale, les élèves sont vivement incités à participer à la chorale et/ou à l’orchestre du lycée pour mener un projet artistique annuel destiné à être produit en concert, notamment en fin d’année. C’est pour eux l’occasion de développer leur pratique dans une perspective ambitieuse, d’enrichir leur expérience du spectacle vivant, de faire de la musique avec des élèves aux profils divers, de découvrir les vertus d’un projet commun associant des compétences hétérogènes. Ainsi, la chorale et/ou l’orchestre du lycée rayonne sur tout l’établissement et contribue à ce qu’il soit considéré par tous comme un lieu de vie musicale au sein d’un espace de formation.
Enfin voyons en quoi consiste désormais l’option facultative du lycée :
L’option musique au lycée
L’enseignement optionnel de musique au cycle terminal est aussi une éducation musicale. Il accueille les élèves ayant ou non suivi l’enseignement optionnel en seconde et quel que soit leur parcours musical personnel. En s’appuyant sur la réalisation de projets musicaux diversifiés menés collectivement ou par petits groupes, cet enseignement développe leurs connaissances et leurs compétences de praticiens de la musique en s’appuyant sur le plaisir qu’ils éprouvent à en faire. Guidés par leur professeur, les élèves peuvent par ailleurs mener des recherches et explorations documentaires concernant l’histoire et l’esthétique musicales, un ou plusieurs courants de la création aujourd’hui, certaines pratiques musicales contemporaines mais également l’économie du spectacle vivant et celle de la culture et les professions qui en découlent.
L’organisation par projets successifs garantit la cohérence des contenus travaillés aussi bien durant chaque année scolaire que durant l’ensemble du cycle terminal. Le suivi de cet enseignement sur deux ou trois années permet d’élaborer des projets toujours plus complexes et artistiquement plus ambitieux comme d’approfondir sa maîtrise technique et ses connaissances culturelles. L’enseignement optionnel de musique offre également un complément de formation aux élèves qui, en classe de première puis en classe terminale, suivent un enseignement de spécialité dans le même domaine. Les projets menés mobilisent en effet les compétences et savoirs acquis dans une diversité de situations pratiques, développent la coopération entre élèves de niveaux différents, éclairent enfin dans le cadre d’une recherche documentaire auditive un questionnement abordé en enseignement de spécialité. S’inscrivant dans la continuité de l’enseignement optionnel en classe de seconde, le programme du cycle terminal en reprend la structuration. Les souplesses offertes permettent à chaque professeur, dans le respect des grands objectifs de formation présentés ci-dessous, de construire des parcours de formation annuels et pluriannuels progressifs et complémentaires répondant aux besoins des élèves et adaptés à leurs compétences techniques et connaissances culturelles. En outre, cette structure adaptable permet d’envisager aisément des parcours liés d’une part aux spécialités privilégiées par les élèves tout au long du cycle, d’autre part aux opportunités offertes par l’environnement culturel de proximité notamment les lieux de diffusion de la musique.
Enjeux et objectifs Quelles que soient les perspectives d’orientation de l’élève, l’enseignement optionnel de musique vise à compléter sa formation générale d’une dimension artistique. Il lui permet aussi de développer des compétences transposables au-delà de la musique et des arts, nécessaires à la poursuite d’études dans de nombreux domaines et à l’insertion professionnelle.
Sur un plan musical: la pratique permet de développer des qualités expressives dans une diversité de contextes esthétiques ainsi que les techniques concourant à l'aboutissement de chaque projet; l’écoute et la comparaison d’œuvres nombreuses issues d’horizons historiques et géographiques variés enrichissent la culture musicale et artistique et générale de chaque élève.
Sur un plan général: les exigences propres à l’expression musicale et la rigueur de son langage apprennent la maîtrise de soi, l’attention au détail, la mémorisation et la concentration; le développement de l’imaginaire, de la créativité et de la prise de risque incite à l’expérimentation, à l’exploration, à l’initiative et à la détermination des choix ; la conduite des projets et la collaboration entre pairs développent des savoir-faire méthodologiques transférables à un grand nombre de situations de travail. Les travaux liés aux projets conduits permettent d’aborder sous des angles originaux les domaines d’intérêt de chaque élève, domaines ayant présidé à son choix des enseignements de spécialité. Renforçant la cohérence du parcours général de formation et la complémentarité des enseignements choisis (optionnels et de spécialité), cette possibilité conduit l’élève à mesurer les liens que peuvent entretenir la pratique artistique et l’ensemble des compétences développées dans sa formation, en renforçant ainsi la cohésion du parcours qu’il a choisi et sa préparation aux études supérieures, voire à l’insertion professionnelle.
Champs des compétences travaillées Au cycle terminal, l’enseignement optionnel de musique renforce les quatre champs des compétences travaillées depuis la classe de seconde :
- Réaliser des projets musicaux d’interprétation et de création
- Explorer, imaginer, élaborer une stratégie: faire et créer
- Écouter, comparer, commenter: construire une culture musicale et artistique
- Échanger, partager, argumenter et débattre
auxquelles s’ajoutent, au cycle terminal, deux champs de compétences complémentaires liés, d’une part à l’activité de recherche sur la musique, d’autre part à la connaissance des divers aspects de la vie musicale, artistique et culturelle d’aujourd’hui :
- Organiser une recherche documentaire, fiabiliser ses sources, suivre une méthode rigoureuse et assurer la médiation orale de sa production.
Qu’il s’agisse d’une esthétique musicale, d’un artiste, d’un lieu de diffusion, d’une période historique ou d’une culture musicale particulière, les élèves sont amenés à explorer des sources d’information abondantes, notamment audio, aujourd’hui aisément accessibles. Guidés par leur professeur, ils apprennent à préciser les objectifs poursuivis, à interroger la qualité des ressources consultées, à construire et à suivre une méthode de travail permettant d’atteindre le résultat visé, enfin à partager le fruit de leurs recherches notamment à l’occasion d’un exposé oral.
- Mettre en lien les informations relatives à la vie musicale et culturelle contemporaine pour en comprendre le fonctionnement et connaître ses grandes catégories de métiers. Tous les projets menés, musicaux ou documentaires, donnent l’occasion aux élèves de découvrir les multiples rouages qui font vivre la musique dans leur quotidien. La réalisation d’un projet musical engage à interroger les conditions de sa diffusion ou la qualité de sa captation. Un projet visant l’élaboration d’un concert, d’un festival ou de tout autre événement culturel permet d’en analyser la cohérence artistique en regard du public visé, sa dimension économique, son cadre légal, dans tous les cas les contraintes avec lesquelles elle doit composer. Toutes ces questions conduisent à découvrir une palette très riche de métiers dans lesquels la musique tient une place particulière. L’élève est en outre amené à apprécier les compétences spécifiques qu’il lui faudra acquérir et les besoins de formation correspondant.
∙Deux champs de questionnement alimentent sans cesse la conception puis l’élaboration de chaque projet. Pour chacun d’entre eux, le professeur définit les perspectives de travail qui sont les mieux adaptées aux besoins, aux compétences et aux souhaits des élèves. Lorsque cela est possible, il veille à les choisir en lien avec les enseignements de spécialité suivis par les élèves. Il veille également à la complémentarité entre les projets réalisés à chaque niveau d’enseignement pour assurer la progressivité des apprentissages.
En classe de première comme en classe terminale, chaque élève explore au moins quatre perspectives couvrant obligatoirement des deux champs de questionnement. C’est dans ce cadre que le professeur veille à un choix approprié d’œuvres écoutées et étudiées, chacune contribuant à éclairer les projets menés.
En jaune les perspectives choisies pour le bac 2021
1. La place de la musique et de ses pratiques dans la société contemporaine
La musique et ses lieux;
Réceptions de la musique:-écoute individuelle vs écoute partagée;-musique enregistrée vs musique vivante;-écoute nomade vs concert;-écoute subie vs écoute choisie;
Le bulletin officiel ajoute pour cette année le commentaire suivant : « Il y a les lieux où l'on joue de la musique, ceux où on l'écoute par choix, ceux où on la subit par contrainte... Il y a des lieux où la musique est l'objet exclusif de la rencontre entre musiciens et public, il y en a d'autres ou elle n'est qu'un élément de l'environnement pour une finalité qui n'a rien à voir avec elle... Il y a des lieux privés où l'on écoute parce que l'on en a décidé... Il y a des lieux publics où l'on entend, car on ne peut faire autrement... Il y a des lieux d'écoute collective et partagée dont chacun est libre de profiter... Il y a des lieux où la musique est... musique, d'autres où elle n'est que son ou bruit...
Cette multiplicité des lieux où la musique s'écoute ou s'entend interroge sur ce qu'elle est. Est-elle une « œuvre de l'esprit », témoin d'une époque donnée, de la pensée d'un créateur et ainsi porteuse d'un sens s'imposant aux manipulations dont elle peut être l'objet ? Est-elle porteuse de « valeurs » artistiques bien au-delà de tous les usages et toutes les manipulations dont elle peut être l'objet ? Est-elle comme une « éponge » dont le sens n'est que la conséquence de ce qu'en font ceux qui l'entendent ou l'écoutent ? Est-elle indépendante des contextes esthétiques comme des modes qui passent ? Pour démêler ces questions - et beaucoup d'autres - il est nécessaire de s'interroger sur l'acception des concepts de son, de bruit et de musique. Ces trois dimensions ne sont-elles pas intimement dépendantes des contextes et lieux de la perception ? Et comment s'accordent-elles à ces deux verbes bien souvent mobilisés lorsqu'il s'agit d'en parler : écouter et entendre ?
Musique: culture individuelle vs patrimoine collectif;
Musique et rituels sociaux;
Musique et finalités d’usages;
Musique: produit commercial vs œuvre musicale;
Musique et numérique: pratique, création, diffusion;
Musique et mondialisation: authenticité, identités, métissage, transformation;
Place et rôle du musicien: artiste, enseignant, médiateur;
Musique et sciences: lutherie, acoustique, neurosciences, intelligence artificielle, etc.;
Musique et autres arts: de nouveaux espaces et de nouvelles formes de création.
2. La diversité des esthétiques, des langages et des techniques de la création musicale dans le temps et l’espace
Musique et texte;
Musique et image;
Musique et mouvement;
Musique et modèles: littéraires, visuels, scientifiques, naturels, etc.;
Musique: son, bruit, langage;
Musique écrite vs musique orale;
Musique savante vs musique populaire;
Musique: ancrage historique vs présence contemporaine.
Chacune de ces perspectives circonscrit un champ de réflexion et d’interrogation couvrant un aspect des enjeux de la musique, qu’il s’agisse de ses techniques, de ses pratiques et de ses usages aujourd’hui mais également dans l’histoire. Elles ne peuvent être abordées comme un ensemble de connaissances à transmettre mais engagent l’élève à interroger ses propres connaissances tout comme ses pratiques musicales afin de les enrichir, les développer et les faire évoluer. C’est dans cet objectif que le professeur apporte opportunément des éléments de différentes natures au fil de chaque projet afin d’en enrichir la réalisation.
∙ Programme complémentaire national. Un programme complémentaire est publié chaque année au bulletin officiel de l’Éducation nationale. Il est constitué d’un corpus d’œuvres de référence et de perspectives de travail relevant des deux champs de questionnement présentés ci-dessus. Dans ce cadre, les élèves, aidés de leurs professeurs, définissent les objectifs d’un projet dont la forme finale pourra être partagée, que ce soit avec d’autres élèves de l’établissement, d’autres lycées mais aussi avec des étudiants de l’enseignement supérieur.
Chaque année du cycle, les élèves réalisent un projet relevant de ce programme complémentaire. Dans des conditions adaptées, il gagne à être partagé avec d’autres classes d’autres établissements suscitant des échanges argumentés.
∙ Repères pour l’enseignement La réalisation des projets induit une diversité de situations pédagogiques qui se succèdent, se conjuguent parfois, et contribuent à atteindre les objectifs fixés initialement.
Exploration, manipulation, expérimentation, interprétation, création mais aussi recherche, documentation, découverte, écoute sont autant de situations fréquentes qui s’agrègent volontiers en des architectures variables au sein de chaque projet. Ceux-ci gagnent à être partagés avec d’autres publics –dans la classe, dans l’établissement ou à l’extérieur. Il s’agit alors, non seulement d’en assurer la présentation selon des formes adaptées à la situation de diffusion, mais aussi de pouvoir soutenir un débat argumenté visant à défendre le travail mené. Ces situations, essentielles à la formation des élèves, concluent chaque projet mené et contribuent au développement de leurs compétences d’expression orale. Tout au long du cycle terminal, en lien avec les projets menés en classe, les professeurs peuvent solliciter des professionnels du spectacle vivant et de la culture qui, non seulement éclairent les travaux en cours, mais témoignent aussi bien de leur métier, de ses traits essentiels que des parcours de formation qui peuvent y conduire.
∙ Attendus de fin d’année Chaque projet permet aux élèves de faire preuve de curiosité face à des œuvres, des styles, des pratiques musicales jusqu’alors inconnus, de les mettre en lien les uns avec les autres, enfin de développer une réflexion argumentée sur la problématique travaillée. Dans tous les cas, ils l’amènent à maîtriser les compétences techniques nécessaires à la réalisation de projets musicaux collectifs ou par petits groupes .En classe de première comme en classe terminale, les élèves sont amenés à consigner cette réflexion dans autant de notes de synthèse que de projets menés. Ils sont également engagés à développer ces notes au moyen d’informations complémentaires issues de leurs recherches, de points de vue personnels, ou encore de références à d’autres domaines de la création et de la connaissance. Ces notes de synthèse, le carnet de bord de chaque élève, constituent progressivement la mémoire du travail mené chaque année et ont également vocation à être diffusées, a minima au sein de la classe mais aussi, lorsque cela est possible, plus largement par l’intermédiaire de l’espace numérique de travail de l’établissement. C’est le cas, en particulier, du projet mené au titre du programme complémentaire annuel quel que soit le cadre dans lequel il est mené –petit groupe ou ensemble de la classe. Les principales œuvres étudiées sont aisément identifiées à l’écoute et resituées les unes par rapport aux autres comme dans leur contexte historique et géographique. Particulièrement en classe terminale, les élèves sont en mesure de présenter les apports de leur pratique musicale personnelle notamment en relation avec leur projet d’études voire d’insertion professionnelle. Ils identifient les compétences transversales développées à l’occasion des projets qu’ils ont réalisés. Ils savent présenter quelques domaines professionnels liés à la musique et à la culture témoignant de leurs aspirations personnelles. Enfin, l’ensemble des projets réalisés engage l’élève à prendre soin de ses capacités auditives et à maîtriser l’impact de ses propres pratiques musicales sur l’environnement partagé.
∙ Évaluation des apprentissages Relevant de la responsabilité du professeur, l’évaluation des apprentissages s’appuie pour une large part sur l’autoévaluation et la coévaluation entre élèves. Celle-ci suppose une explicitation rigoureuse des objectifs poursuivis par chaque projet comme une formulation contextualisée des compétences principales qui y sont travaillées et qui seront l’objet d’une évaluation précise et exigeante. Les notes de synthèse relatives à chaque projet contribuent à cette évaluation et peuvent porter en annexe un avis argumenté des participants permettant au professeur de forger son regard sur les apprentissages.
∙ Chorale et orchestre En complément de l’enseignement optionnel de musique en cycle terminal, les élèves sont engagés à participer à la chorale et/ou l’orchestre pour mener un projet artistique annuel destiné à être produit en concert, notamment en fin d’année. La chorale et/ou l’orchestre accueillant tous les élèves du lycée qui le souhaitent, elle réunit des élèves de tous les niveaux suivant ou non un enseignement de musique. Au-delà de l’hétérogénéité des compétences ainsi réunies, les élèves apprennent alors que la musique vivante est le fruit d’une mise en commun où chacun joue un rôle déterminant.
Ayant tenu cette rubrique depuis quarante ans, il est temps pour moi de chercher un successeur. Je remercie les collaborateurs qui ont commencé à prendre le relais : Sophie Jouve Ganvert, Marie et Lionel Fraschini. Mais je souhaiterais trouver un collaborateur « avec droit de succession » … Si vous voulez des détails, vous pouvez me contacter directement en m’écrivant sur mon courriel daniel.blackstone@wanadoo.fr Merci d’avance aux futurs candidats !
Daniel Blackstone
George Arthur Richford est un compositeur et chef d'orchestre plusieurs fois primé, vivant et travaillant dans le sud de l'Angleterre. Il est actuellement directeur de la musique à l'abbaye de Romsey et au chœur de chambre de l'université de Southampton.
Cette messe brève correspond parfaitement au « canon » du genre. Elle comporte l’ensemble des pièces de l’ordinaire de la messe, y compris le Gloria. L’ensemble est de construction relativement classique, on pourrait dire grégorianisant. Il est expressif mais avec retenue. Bien sûr, il est en grec (Kyrie) et en latin pour le reste. Il faut le préciser, hélas, pour des lecteurs français…
L’œuvre ne comporte pas de difficultés spéciales pour un chœur de bons amateurs. La partition comporte une réduction au clavier, mais qui ne doit être utilisée que comme outil de travail et jamais lors de l’exécution.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Signalons tout de suite qu’on peut écouter cette pièce sur le site de l’éditeur exécutée a cappella par un excellent chœur. https://www.universaledition.com/search?q=UE%2038074
Max Beckschäfer (né le 23 février 1952 à Münster ) est un organiste, compositeur et universitaire allemand. Il enseigne à la Hochschule für Musik Augsburg-Nürnberg. L’œuvre ici présentée est écrite dans un langage original, très poétique mais ne comporte pas de difficulté majeure. Elle est, bien sûr, écrite sur le texte latin et comprend la doxologie maintenant commune aux protestants et aux catholiques. L’œuvre comporte en option un accompagnement de piano qui est une réduction des voix. Elle est en tout cas fort belle.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
« Et j'ai entendu une voix » est une commande du Centro Nacional de Difusión Musical CNDM (Madrid) à l'occasion du 800e anniversaire de la fondation de l'Université de Salamanque en 2018. L'œuvre est dédiée à la mémoire de l'archevêque Konrad Veem. Le texte est tiré de l'Apocalypse de Jean (14:13): « Et j'ai entendu une voix venant du ciel dire : « Écris ceci : bienheureux les morts qui meurent désormais dans le Seigneur. Bienheureux, dit l'Esprit, afin qu'ils se reposent de leurs travaux, car leurs actions les suivent ! (Jean, Apocalypse 14 :13)
Voici une œuvre absolument admirable, méditative écrite dans un langage d’une simplicité très grande. Que ceux qui le pourront n’hésite pas à monter cette œuvre malgré les difficultés de langue : elle est en effet écrite en estonien. L’édition – anglaise – comporte les indications de prononciations de l’estonien pour anglophones… mais on peut aisément transposer les indications données pour le français. Elle demande également un chœur suffisamment étoffé notamment en hommes car les parties sont très souvent divisées, notamment les basses.
On peut écouter l’œuvre sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=tAH_11sUr4s ce qui, outre la beauté de l’exécution, pourra aider pour la prononciation !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Contrairement à d’autres transcriptions de cette même œuvre, celle de Jean-Paul Imbert respecte pleinement non seulement la lettre mais l’esprit de cette œuvre très expressive et toute en subtilité et tendresse. Il faudra donc respecter aussi la registration conseillée par l’auteur qui est faite pour un orgue à trois claviers pédalier mais qui jouera entièrement sur les fonds de 8 (et 8 – 16 au pédalier, bien entendu). Une boite expressive s’avère nécessaire si on veut pouvoir faire ressentir les élans lyriques de l’œuvre. La transcription est un art difficile qui peut vite devenir une trahison si elle n’est pas faite avec goût. Celle de Jean-Paul Imbert l’est pleinement : souhaitons qu’elle ne soit pas dénaturée par des organistes qui en manqueraient !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cette fois, Jean-Paul Imbert nous propose une transcription d’une pièce composite aux multiples facettes et à l’histoire compliquée… Tous les pianistes la connaissent. Sans doute moins les organistes. C’était une véritable gageure que de réussir cette transcription et J.P. Imbert y réussit pleinement. On peut d’ailleurs l’écouter sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=-yHfqs8Clfw et on peut être sûr que cela rendra bien service aux organistes pour adapter la registration à leur propre instrument. Mais le jeu en vaut la chandelle ! Bien sûr, il sera difficile d’utiliser cette pièce dans un cadre liturgique, mais l’orgue, fort heureusement, n’est pas cantonné à ce répertoire !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
On sait qu’Haydn lui-même écrivit plusieurs versions de cette œuvre magistrale. C’en est l’introduction que Jean-Paul Imbert a adaptée pour orgue. Il est inutile de souligner les difficultés inhérentes à une telle adaptation, qui est plus qu’une transcription. On imagine aussi la difficulté à rendre les intentions de l’adaptateur. Celui-ci l’a bien senti : plutôt qu’une registration, il utilise des plans sonores au nombre de quatre et indique les couleurs de chaque plan en précisant bien qu’il faudra les adapter à chaque instrument… Une bonne connaissance des différentes versions de l’œuvre originale aidera chacun à utiliser cette adaptation tout en restant fidèle à Haydn, mais le jeu en vaut la chandelle !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Comment ne pas être séduit par cette adorable « petite blague » ! Une introduction de huit mesures où la main droite déroule une mélodie à deux temps tandis que la main gauche semble affirmer un trois temps décalé, ouvre l’œuvre. Puis les deux mains se lancent dans un joyeux discours où quelques altérations bien placées viennent mettre leur grain de sel. Surprises harmoniques et rythmiques s’enchainent, donnant un caractère « début de siècle » (le XX°, évidemment) tout à fait plaisant et dégingandé. On ne s’ennuie pas pendant la minute que dure cette courte pièce. Gageons qu’elle sera souvent bissée pour le plus grand plaisir de l’interprète et de ses auditeurs.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Voici une agréable colline que les élèves se feront certainement un plaisir de gravir. Larges arpèges et octaves risquent de leur rendre l’ascension moins aisée, surtout pour les petites mains. Mais cela fait partie du jeu. Lorsque la main gauche n’est pas arpégée, elle se déploie en pompes qui soutiennent toujours la mélodie. Celle-ci, un peu répétitive (mais ce n’est pas un reproche !) se déploie largement. Le tout sonne comme une rapsodie un peu mélancolique qui ne manque pas de charme.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ne nous y trompons pas, plus que des transcriptions, ce sont des réécritures que le compositeur nous propose ici : il ne s’agit pas de variations de Haendel mais de variations sur des thèmes de Haendel.
Haendel lui sert de support pour réexprimer dans son propre langage la « substantifique moëlle » des œuvres transcrites. Quand nous disons « son langage », nous voulons dire un langage qui se situe entre Bach, Beethoven et bien entendu Händel. L’auteur s’en explique dans une longue préface où il précise et justifie ses choix. Il s’agit donc d’une réécriture à la fois fidèle à un certain esprit et en même temps originale. Le tout n’est évidemment pas facile : il s’agit en fait de pièces de concert.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
1. Leicht, zart (léger, délicat)
2. Langsam (lent)
3. Sehr langsam (très lent)
4. Rasch, aber leicht (rapide mais léger)
5. Etwas rasch (assez rapide)
6. Sehr langsam (très lent)
Datées de 1911 (un an avant Le Pierrot lunaire), créées en 1912 à Berlin par Louis Closson, ces six pièces extrêmement courtes, répondent par leur forme dépouillée et leur caractère intimiste, au travail de Schönberg sur la « petite forme ». (On rappellera ici les œuvres de Webern (opus 5…, 11) qui correspondent à une recherche similaire). En 1909, le compositeur écrit à F. Busoni : « ma musique doit être courte. Maigre ! En deux notes, non pas bâtie, mais « exprimée ». Et le résultat est, je l’espère, sans sentimentalité stylisée et interminablement stérile. C’est ainsi qu’un homme ressent ». Cette miniature intense et subtile dégage lyrisme, drame, poésie, éléments propres à émouvoir, sans pourtant aucun concept de tonalité, ni de mélodie.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cet intéressant volume recueille les compositions de trois des lauréats du Concours de composition Mauricio Kagel de 2019.
Mirage (d’une durée de 6 minutes) de Ayaz Gambarli (2018) qui a reçu le premier prix, sonne tendrement dans une atmosphère personnelle avec des jeux d’accords, de pizzicati, des jeux de doigts sur les cordes, enveloppés d’un fond de pédale.
4 (Hommage) Etudes de Dimitris Maronidis a obtenu le troisième prix. Chaque courte étude rend hommage à quatre compositeurs en initiant les jeunes étudiants à l’esthétique de la musique moderne de manière agréable. La première rappelle Lachenman, (chef de file du mouvement Klang) en proposant un travail sur les propriétés sonores des agrégats avec une précision rythmique et un jeu très léger de la main accompagnante.
La deuxième est un hommage à György Ligeti en proposant de travailler sur l’exécution de figures rythmiques inégalement longues, en les chevauchant, sur des mouvements pratiquement conjoints et cycliques, notes tenues d’une main sur l’autre, ce qui produit un halo sonore.
Conçue mécaniquement, sur une basse répétitive et staccatissimo, la troisième pièce est un hommage à Steve Reich. La partie supérieure explore les registres aigus sur un seul rythme qui doit être clairement articulé. Avec de jeunes élèves, cette étude peut être jouées à quatre mains.
Forme ouverte pour la quatrième pièce : hommage à Gundega Smite (Shadow Clock in C). Sur une harmonie douce et égrenée, une mélodie ponctue dans le suraigu ses rythmes irréguliers. A chacun de trouver un bon équilibre entre les différentes parties, sans les contrarier.
Tacto, Six etudes for young musicians de Ignacio Brasa Gutierrez (récompensé par une « mention honorable ») est un ensemble de six études aux titres très évocateurs et très bien illustrés : I. Walking on dry leaves, II. On the ice, III. Passacaglia below stalactites, IV. Barefoot on a stony river bed, V. Under shooting stars, VI. On the seashore.
Ces pièces écrites par de jeunes compositeurs méritent d’être proposées à un large éventail de jeunes (et moins jeunes) pianistes, non débutants.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce deuxième volume contient, outre les dix sonates des op. 26, 27/1 (Sonata quasi una fantasia) et 2 (Sonate au clair de lune), op. 28 (Sonate Pastorale), op. 31/1-3 (dont La Tempête), 53 (Walstein), 54 et 57 (Appassionata), composées entre 1800 et 1806, ainsi que l’opus 49 (les deux Sonates faciles).
Contrairement aux sonates du premier volume, nous possédons les manuscrits de travail de la main de Beethoven, de cinq opus, (26, 27/2, 28, 53 et 57) ce qui permet d’en apprécier les techniques de correction. Les erreurs des premières éditions étant très nombreuses, il a été indispensable de comparer nombre d’autres sources pour ce nouveau travail éditorial. Les ajouts y sont indiqués entre crochets ou entre parenthèses.
Ce volume contient une centaine de pages de nombreuses et précieuses notes critiques (versions allemand-anglais) se rapportant à chaque sonate. Ce qui représente un outil de travail indispensable pour tout interprète scrupuleux. Précisons que les doigtés sont de H. Kann (opus 57), de N. Taneda (opus 26), de B. Bloch (opus 27), de P. Gililov (opus 28 et 54) et de G. Ludwig (opus 31), de L. Hokanson (opus 49), et de J. Lateiner (opus 53). Ce « nouveau testament de la musique pour piano » (Hans von Bülow), volume très épais (333 pages) d’une telle qualité éditoriale mériterait une couverture cartonnée rigide.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Pierre Boulez et Jean-Marie Lehn étaient tous deux enseignants au Collège de France. A l’occasion de son prix Nobel de chimie, le chimiste reçoit en cadeau cette très courte pièce de son collègue musicien. « Le fragment d’une œuvre à venir pour piano et ensemble instrumental, encore à l’état d’ébauche. Mais pour un prix Nobel, on peut bien faire une exception et livrer une simple ébauche en témoignage de sympathie et d’admiration ». Boulez, lors de la création en 2013 à Strasbourg, explique à son dédicataire présent : « …il y avait ces esquisses qui étaient là, qui attendaient quoi ? rien du tout ! (…). Avec votre nomination (…), il [fallait] faire un cadeau et le cadeau était tout prêt, heureusement (…). Il n’y avait aucune intention (…), c’est un « objet trouvé ». Espérons que ces trente secondes agressives et décousues auront contenté le nouveau prix Nobel !
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
La seconde sonate de l’opus 27 fut composée en 1801, après la Sonata quasi una fantasia. Son surnom de Sonate au clair de lune n’est pas de Beethoven et s’est imposé vers 1830. Carl Czerny, élève de Beethoven, parle de « scène nocturne dans laquelle résonne au loin une voix plaintive fantomatique ». Beethoven avait pensé le premier mouvement (sans forme sonate !) comme une pièce séparée ; une annotation visible sur le manuscrit (conservé presque intégralement) le prouve. A cette époque, Beethoven souffre déjà d’une audition défaillante, qui rend sa vie « vide et triste » et le fait passer pour un misanthrope. De plus, il ne peut épouser, n’étant pas de son rang, la comtesse Guilietta Guicciardi, jeune élève à qui il dédiera la sonate (en « seconde main » d’ailleurs !). Les tonalités de do # mineur et de Réb Majeur reflètent cet état de tristesse. Cette nouvelle édition est enrichie grâce à la consultation de plusieurs sources et de courtes notes sur l’interprétation et de commentaires critiques.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce florilège invite « à un voyage à travers les époques à la rencontre des personnages les plus divers. Il revient aux pianistes, au gré de leur interprétation, de leur donner vie par la force de leur imagination ». Les auteurs sont classés chronologiquement de François Couperin (1668-1733) à Emile Naoumoff (l962). Le choix des œuvres est intéressant et sort un peu de l’ordinaire, courant au travers de bon nombre de volumes de ce genre et offre un ensemble de pièces agréable à jouer. Ainsi, nous côtoyons avec plaisir des auteurs anciens comme Reichardt ou Burgmüller, des auteurs modernes comme Satie ou Turina et des contemporains comme E. Toch, D. Dushkin ou K-H. Pick. Mais comment peut-on encore aujourd’hui maltraiter à ce point les « très » anciens Couperin, Rameau en les affublant d’ornements fantaisistes, en gommant ce qui dérange, en inventant des doigtés inutiles, en donnant des traductions approximatives… De grâce ! Aux pédagogues de choisir une édition respectueuse des écrits des anciens maîtres (qui ont laissé des traités et des tables d’ornements), une édition respectueuse des travaux des musiciens qui travaillent à des éditions musicologiques, une édition respectueuse des éditeurs qui proposent des éditions critiques (avec notes, corrections, sources…). Cette partie de recueil est tout à fait dommageable et devrait faire l’objet de corrections sérieuses et appropriées.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Le titre indique bien le côté agreste de cette très agréable pièce. Le premier mouvement s’intitule « En sautant les haies ». Son rythme évocateur décrit bien le batifolage à travers bois suggéré par le titre. Tandis que la mélodie évoque une course folle, la basse suggère bien les sauts par-dessus les haies, d’autant plus que la fin est à jouer « Avec swing ». « Près du vieux moulin » est une évocation plus nostalgique d’un paysage rustique mais n’engendre cependant pas la mélancolie. Le dernier mouvement, intitulé « la roue du moulin » est tout à fait évocateur de cette roue qui tourne sans cesse, mouvement perpétuel suggéré par la suite continue des triolets rythmés par la basse et cela jusqu’à la fin. Ajoutons que l’ensemble est délicieusement écrit et devrait enchanter interprète et auditeurs.
Daniel Backstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce compositeur et harpiste nous offre, avec ces cinq valses, des œuvres très intéressantes. Le langage de Benoit Wéry est aussi varié que poétique. La première valse est rapide et enlevée, colorée. La seconde, plus lente, plus calme intervient comme un repos avant la troisième qui enchaine très vive et très rapide, à la blanche pointée. La quatrième « Mystérieusement lointain » possède un côté un peu envoutant qui contraste avec une cinquième valse brillante qui clôt le recueil. Ces valses forment donc un ensemble qui sera de préférence interprété en son entier sans interruption.
Daniel Backstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Que voici une œuvre tout simplement belle ! Camille Pépin, née en 1990, a eu un parcours marqué par la danse et la composition. Mais on découvre ici tout simplement une artiste, qui nous invite à la contemplation d’une œuvre du peintre Edward Hopper. Ayant travaillé la composition et l’orchestration aussi bien avec Thierry Perrine qu’avec Thierry Escaich, Guillaume Connesson et Marc-André Dalbavie, elle s’est forgé un langage original qui lui permet ici de nous envouter à la fois par sa musique et par la contemplation du tableau. On pourra en juger par l’interprétation qui est faite de cette pièce sur YouTube qu’on écoutera ainsi en regardant le tableau : https://www.youtube.com/watch?v=vgX-md4HZms&t=339s Bien sûr, on peut aussi écouter l’œuvre telle quelle : elle se suffit. Mais avec le tableau…
Daniel Backstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce recueil est dédié au compositeur et guitariste anglais John Duarte. Il s’agit d’une compilation de pièces réalisée par Paul Coles. Cette compilation montre le large spectre de style qu’utilisait le compositeur dans sa musique. Il y a bien sûr quelque pièces de John Duarte qui méritent vraiment d’être mises sur le devant de la scène, avec un grand coup de cœur pour le morceau intitulée « Broadway ». Il s’agit comme très souvent chez Duarte d’une musique raffinée, pleine de couleurs et très chantante qui valorise la guitare. On notera également l’emploi d’une polyphonie qui se révèle être gracieuse et qui montre une profonde maîtrise de la guitare et de ses possibilités de la part du compositeur. On y trouve également plusieurs pièces issues principalement du répertoire de la période renaissance et baroque qu’affectionnait particulièrement John Duarte. Cet ouvrage conviendra parfaitement à des élèves de deuxième cycle.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Voici une nouvelle pièce d’Adrien Politi qui va permettre aux ensembles de guitares d’étoffer leur répertoire. C’est un magnifique outil pédagogique qui va donner la possibilité aux élèves de travailler le côté rythmique inhérent à la musique folklorique d’Amérique du Sud. Cet ouvrage est destiné à des élèves de 1er Cycle. Les plus avancés pourront jouer deux voix ensemble. La musique ne va pas au-delà de la deuxième position. Elle permettra aux élèves d’aborder certaines notions rythmiques délicates dans un contexte de musique d’ensemble et de manière ludique. Les lignes mélodiques sont entraînantes et l’ensemble entre les différentes parties est bien équilibré.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
On trouve ici, extraite du recueil pour piano à vocation pédagogique de Béla Bartok intitulé Mikrokosmos, une sélection de pièces transcrites pour guitare classique par Siegfried Steinkogler.
C’est une véritable aubaine pour les guitaristes de pouvoir aborder la musique d’un compositeur phare du 20ème siècle. Ici, le compositeur déploie une savante maîtrise de l’écriture musicale en connivence avec ses racines nationale, plus particulièrement, le folklore de son pays la Hongrie, ainsi que des pays d’Europe de l’Est.
C’est un très bon moyen de travailler l’équilibre polyphonique dans un contexte tonal instable et même polytonal pour certaines pièces. Cela permettra également d’aborder des métriques rythmiques également instables qui caractérisent ces musiques d’Europe de l’Est.
Chaque pièce est dotée d’une atmosphère particulière. On notera la précision et l’ingéniosité du doigté dans ces transcriptions pour la guitare de Siegfried Steinkogler, ceci afin de valoriser la clarté des différentes lignes mélodiques.
On notera également la précision des différentes articulations et l’utilisation du staccato qui nécessite un entraînement particulier et permettra ainsi aux guitaristes d’avoir un support pour travailler le contrôle des résonances avec précision, choses qu’ils négligent souvent.
Enfin, cet ouvrage pourra être abordé à partir du 2ème Cycle et pourra servir bien au-delà.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ces deux pièces du compositeur Francis Kleynjans articulées autour d’une mélodie lancinante et d’un accompagnement coloré et raffiné en raviront plus d’un. Pour obtenir un rendu optimal, il sera nécessaire d’extraire chaque voix et de veiller à rester souple en les rassemblant.
Ces deux pièces aux mélodies entraînantes peuvent s’aborder à partir du 2ème cycle et servir au-delà. La richesse harmonique qui soutient ces très belles mélodies demande un certain contrôle de la polyphonie, qu’il faut garder légère pour que la musique préserve son caractère initial doux et rêveur.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Voici un thème et variation composés par Francis Kleynjans sur un thème traditionnel originaire d’Auvergne. Le caractère populaire de cette danse paysanne à 3 temps est valorisé par la guitare.
Dans les 6 variations qui vont suivre, le compositeur emploie pour chaque variation des techniques peu orthodoxes et élargit ainsi le champs des possibilités de la guitare. Il y a du « taping » avec les deux mains dans la première variation, caractérisant les deux lignes mélodiques.
La deuxième variation prend une touche humoristique grâce a l’emploi de glissandi et de coulés en appogiatures.
On trouvera dans la troisième variation un mode de jeu utilisant une technique rare. Celle-ci consiste à jouer des notes derrière la main gauche qui appuie sur certaines notes. Ainsi, on obtient un son très doux, « en son de mandoline », comme le mentionne l’auteur.
Chaque variation utilise une technique très particulière et nécessite une grande attention pour produire l’effet souhaité.
L’ingéniosité réside dans les différentes techniques employées dans ces variations offrant des sonorités nouvelles et permettant d’aborder de nouveaux effets sur la guitare.
Cette musique laisse paraître clairement l’empreinte du guitariste Francis Kleynjans maîtrisant parfaitement les possibilités de son instrument.
Ce nouveau chef-d’œuvre va permettre d’enrichir le répertoire moderne de la guitare. Effet de surprise garanti ! Cette pièce pourra être jouée par un élève de milieu de deuxième cycle.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Disons un grand merci aux éditions Lemoine de continuer à mettre à notre disposition les œuvres si attachantes de Mel Bonis. Rappelons que Mel Bonis (1858-1937) a été l’élève d’Auguste Bazille au Conservatoire de Paris, où elle a pu entrer grâce à César Franck. Malgré de nombreux obstacle, elle nous a laissé plus de trois cents œuvres y compris orchestrales. Celle qui nous est présentée ici est à géométrie variable. Si la version piano – violon risque d’être la plus souvent jouée, l’œuvre trouve sa plénitude lorsqu’elle est interprétée en quatuor. Œuvre de 1928, elle est écrite dans le langage spécifique de la compositrice, où les audaces harmoniques s’expriment dans une forme qu’on peut qualifier de classique. L’ensemble pourra trouver place en concert ou même en cérémonie d’église. Souhaitons qu’elle soit souvent interprétée dans sa forme la plus achevée.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Quel violoniste n’a pas eu envie de jouer l’une de ces célèbres valses viennoises ne serait-ce que dans sa chambre ? Cet arrangement de David Brooker permet de jouer l’une des plus célèbres d’entre elles à deux violons, donc facilement dans n’importe quel endroit ! Les deux violons se partagent le thème, pendant ce temps l’autre fait l’accompagnement d’abord en pizzicati puis arco. Le niveau demandé est un bon deuxième cycle pour les deux violons qui doivent jouer des sixtes dans un tempo allant. Cette œuvre mélange les coups d’archets sautés, lourés, liaisons, doubles cordes et pizzicati. De quoi exciter la curiosité de plus d’une personne voulant valser tout en jouant !
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cristóbal Halffter, né le 24 mars 1930 à Madrid, est un compositeur et chef d'orchestre espagnol, un des compositeurs les plus en vue du groupe dit de la Generación del 51. Cette pièce date de 2018. Voici comment le compositeur la présente : « Gabriel Cruz, un garçon connu sous le nom de «Pescaíto», est né et a vécu à Hortichuelas de Nijar (Almería). Le 27 février 2018, à l'âge de huit ans, il a été brutalement assassiné. Dans cette pièce solo pour violoncelle, je veux exprimer mes sentiments de douleur et d'indignation, qui sont impossibles à exprimer par des mots. Avec une grande admiration à sa mère Patricia Ramírez, pour son exemple de dignité et de courage : Merci Patricia ! » Comme beaucoup d’espagnols, l’auteur a été bouleversé par ce qu’on ose appeler un fait divers. C’est dans un langage contemporain mais d’une grande sobriété que l’auteur exprime ses sentiments. Qu’en dire sinon qu’il faut aller écouter cette œuvre sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=KBsnNN-WDFQ
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
C’est en 2017 que Cristóbal Halffter écrit cet Adagio pour trois violoncelles, dédié à son neveu Cristóbal et à ses amis violoncellistes. C’est une œuvre écrite dans le style contemporain propre au compositeur, plein de lyrisme et de contrastes. L’auteur précise que cette œuvre requiert un chef d’orchestre. Si ce n’est pas possible, il recommande que l’un des interprètes joue ce rôle. C’est dire que la pièce n’est pas spécialement facile de mise en place. Mais on sera récompensé par la beauté de l’ensemble.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Tout ce carrousel est construit sur des réminiscences fort agréables. Il ne sera peut-être pas indispensable de faire chanter aux élèves l’air d’opérette qui constitue en entier (couplet et refrain) la première partie de cette pièce. Tout le monde (?) aura reconnu la chanson titre de l’opérette de Maurice Yvain Ta bouche : « Ta bouche a des baisers, si bons, si doux, si longs, si fous, si frais, si tendres… ». Créée en 1922, cette opérette a d’ailleurs été reprise récemment (2005) par la Compagnie Les brigands et est toujours disponible en DVD. La deuxième partie ne manque pas non plus de panache et reste dans le style de la première. Bien sûr, on pense aux orgues limonaires des anciens manèges-carrousel… Bref, on ne s’ennuiera pas à jouer cette œuvre pleine d’allusions et de souvenirs !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ces quatre impressions s’enchainent sans solution de continuité. La première, à trois temps moderato a des allures de valse tranquille et gracieuse. Une transition en forme de cadence nous conduit à la deuxième. Cette fois, un moderato à quatre temps aux allures un peu exotiques nous dépayse tandis qu’une nouvelle cadence nous conduit à un 6/8 allegro moderato déroule sur une rythmique insistante une sorte de romance qui nous conduit à la quatrième impression, 12/8 franchement allegro aux allures de tarentelle qui se termine dans un paroxysme fortissimo. Il ne sera pas interdit aux interprètes de cette pièce fort variée d’évoquer entre eux différents paysages. A eux de les partager pour conférer à ces impressions diverses l’unité qu’elles manifestent cependant. L’ensemble est cohérent et fort réussi.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ces duos vont de facile à moyenne difficulté. Ils constituent une excellente initiation à cette musique spécifique qu’est l’Afro-latin Jazz, musique qui fusionne les rythmes de danse africaine et caribéenne avec le jazz américain. Le recueil est constitué de l’adaptation de mélodies bien connues ainsi que de pièces originales. Le tout permet de perfectionner sa technique et d’introduire de nouveaux éléments mélodiques et rythmiques. Mais il permet surtout de s’amuser et de se faire plaisir !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
On peut supposer que ce titre fait allusions aux trois volets caractéristiques de cette pièce. Nous commençons en effet par une Ballade tranquille qui déroule une mélodie un peu rêveuse et pleine de charme. Vient ensuite une valse lente au caractère un peu nostalgique. Le tout s’achève par une Danse folklorique à deux temps, rapide et rythmée qui s’achève sur un fa Majeur triomphal. La pièce est consistante puisqu’elle ne dure pas moins de 3 minutes 20. Piano et saxophone dialoguent, tenant chacun leur rôle, même si celui du saxophone reste prédominant. La partie de piano n’offre pas de difficulté particulière même s’il faudra, bien entendu, soutenir le rythme, surtout dans la troisième partie. Quoi qu’il en soit, chacune des trois dimensions de cette œuvre possède un charme propre qui devrait ravir les interprètes.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cette pièce porte bien son nom, mais cette « ritournelle » ne manque pas de charme. Après une introduction de piano tout à fait dans le style, les deux instrumentistes nous racontent une jolie histoire sur un rythme de valse qui débouche sur une longue cadence libre du saxophone. Le piano reprend la main et nous introduit dans un deux temps décidé et bien rythmé. La ritournelle est, comme il se doit, exprimée une tierce plus haut dans sa dernière apparition pour que l’ensemble se termine le plus joyeusement possible. Cette « ritournelle » n’engendre donc pas la mélancolie.
Daniel Blackstone
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Ce compositeur japonais né en 1968 et ancien élève de Gérard Grisey écrit dans un langage contemporain des musiques très expressives qui demandent également souvent une certaine mise en espace. C’est le cas ici dans la partie pour deux saxophones. Les indications sont claires et précises et permettront une interprétation qui rendront compte de toutes les recherches sonores de la pièce. Bien sûr, ces « appels » demandent une grande maîtrise de l’instrument, mais cela en vaut la peine : la musique et la poésie sont au rendez-vous.
Daniel Blackstone
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Voici une fort jolie pièce qui comporte différentes facettes. Après une introduction de piano, le basson entre en scène avec une formule simple qui se répète au fil des mesures. Une deuxième partie, plus ornée, conduit à une troisième partie où la phrase s’élargit pour un discours plus lyrique. La fin nous ramène à la formule du début, en la mineur, mais se termine joliment et de façon un peu surprenante mais bien agréable en do Majeur ! La partie de piano, techniquement peu difficile, joue un rôle essentiel de soutien et d’ornementation du discours. Comme toujours dans cette collection « Plaisir de jouer », les deux interprètes sont invités à faire de la véritable musique d’ensemble et à s’entrainer à l’écoute mutuelle.
Daniel Blackstone
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Si la tonalité récurrente de sol mineur rend l’ensemble un peu mélancolique, on ne pourra pas dire que ces variations manquent de variété. Après un larghetto fort lyrique aux harmonies doucement modulantes survient un allegretto qui expose le thème sous une forme rythmique « croche deux doubles » qui lui donne une réelle vigueur. Suit un « assez lent » à 6/8 qui développe le thème sous forme de sicilienne. Un lento à 3/4 en croches varie le thème dans un discours souple qui contraste avec l’allegretto qui survient alors, dans le rythme sautillé bien connu de la croche pointée double. La variation suivante est une sorte de tarentelle rapide qui nous entrainera en triolets et jusqu’à la fin dans une danse échevelée. L’ensemble, qui dure pratiquement sept minutes ne pourra que séduire. La partie de piano ne se limite pas à l’accompagnement mais donne à l’ensemble tout son caractère.
Daniel Blackstone
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L’adagio qui ouvre la pièce se présente sous forme d’une jolie mélodie qui peut effectivement évoquer une promenade sur la plage ou sur un bateau par temps calme. L’ensemble ne manque pas de charme et permet au piano et à la trompette de dialoguer aimablement. Une courte cadence conduit alors à un « swing » nettement plus animé mais qui reste rythmiquement sage, malgré la présence des croches inégales, comme il se doit. Cela demandera au pianiste d’avoir le même « swing » que son partenaire… et réciproquement !
Daniel Blackstone
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Voici une pièce aussi plaisante que variée. Nous commençons par un tempo de valse qui évoque bien une ambiance parisienne des années 50. On pense à la chanson de Mouloudji Un jour, tu verras… Quelques mesures de transition nous conduisent à un Allegro vivo à quatre temps, vigoureux et joliment « pompier » où piano et cor dialoguent joyeusement, puis le tempo de valse revient, mais avec un rythme plus « jazzy » qui culmine sur une note tenue de plus en plus crescendo. L’ensemble ne manque ni de panache ni de fantaisie et crée une atmosphère des plus réjouissante.
Daniel Blackstone
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Faut-il parler de pièce de virtuosité ? Toujours est-il que l’instrumentiste, dans cette pièce, devra montrer à la fois ses qualités mélodiques et techniques. Après huit mesures moderato et très chantantes, les doubles croches s’envolent gaiement agrémentées de quelques triolets de doubles puis c’est au piano de s’élancer pour soutenir un passage mélodique avant que ne se déploie de nouveau la virtuosité de son compagnon. Le tout débouche sur un Andante mélodique avant que le piano ne chante à son tour pour préparer une cadence qui débouche alors sur un allegro moderato à 2/4 qui termine brillamment la pièce. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne risque pas de s’ennuyer dans cette pièce qui exploite toute la tessiture de l’instrument, mais toujours au service d’une musique fort plaisante et qui porte bien son nom. Comme nous l’avons laissé entendre, le piano joue un rôle concertant qui fait de ce badinage une sorte de sonate. Cette pièce possède donc de nombreux atouts.
Daniel Blackstone
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« Qui s’y frotte s’y pique ! » : cette devise à l’origine discutée est en tout cas en relation directe avec l’animal qui a fourni le titre à cette pièce. Espérons qu’elle ne portera pas malheur aux instrumentistes qui s’y risquerons. Ce serait dommage, en effet. La pièce est fort joyeuse, nous n’osons dire fort piquante… Une pompe quasi discontinue du piano soutient quasiment d’un bout à l’autre le discours du saxhorn après une introduction qui fait un peu penser à une musique de cirque. Parfois un contre-chant de la main gauche apparait, sans interrompre la pompe. Bref, les interprètes devraient trouver beaucoup de plaisir à se frotter à ce « Porc-épic » …
Daniel Blackstone
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Cette charmante pièce pour instrumentistes débutants ne manquera pas de séduire ses interprètes. Un do Majeur placide et joyeux leur permettra de faire leurs débuts d’une manière bien agréable. Piano et xylophone s’accompagnent ou s’enchainent au gré de gammes et d’arpèges fort bien venus. La partie de piano est facile et permettra d’initier très tôt de jeunes élèves à la musique de chambre. Comme y invite le titre de l’œuvre, il faudra bien s’écouter !
Daniel Blackstone
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Il faut, pour ce morceau, quatre timbales accordées la, ré, mi, fa. Les modifications sont indiquées tout au long de la partition. Cette tour semble bien mystérieuse et le la mineur persistant ajoute au caractère envoutant de cette pièce. On pourrait apercevoir, du haut de cette tour une mystérieuse caravane ou tout simplement s’enfermer dans une méditation profonde. Quel que soit l’imaginaire qu’elle suscite, cette pièce est en tout cas fort plaisante à entendre et certainement à jouer. On notera en particulier les changements de timbres indiqués dans la cadence, qui permettent une grande expressivité.
Daniel Blackstone
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Saxophone ou clarinette se marient fort bien à l’orgue. L’œuvre se joue essentiellement sur les fonds de l’orgue. Elle ne demande pas un instrument important : deux claviers et pédalier conviennent tout à fait. La première partie a pour caractère « Majestueux, intense ». L’orgue accompagne une mélodie très expressive. La deuxième partie se veut « extrêmement tendre ». La mélodie se fait plus enveloppante et dialogue avec l’orgue avec la même fluidité et la même tendresse. Suit un mouvement animé puis on revient au « tendre » et au « tendre et doux » qui se terminent par un solo assez long de saxophone et le tout se clôt par une intervention monodique de l’orgue qui devra trouver un timbre qui se marie avec son partenaire, comme dans une évidente continuité.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce trio de Jean-Charles Gandrille est en trois mouvements : Triads, Auschwitz impressions et Final. On y ressent l’influence très forte d’Arvö Part. Triads représente trois personnages chacun bien défini. L’un fait l’ostinato de doubles piquées, un autre fait un chant et le piano joue un enchaînement d’accords comme des cloches qui résonnent à différentes tessitures. « Auschwitz impressions » est opposé aux deux autres mouvements par son caractère lent et chantant. Le Final termine cette œuvre nerveusement mais en groovant. Des triolets joués en même temps que les doubles défilent, on a du trois pour deux et du trois pour quatre. Mais l’effet vivifiant et scintillant ne quitte pas le mouvement. L’édition présente magnifiquement l’œuvre, incluant un conducteur relié en format A4 de façon à tourner facilement les pages et avoir toutes les parties bien visibles, plus les parties séparées.
Marie Fraschini
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Ce quatuor en un mouvement Vivace, est un arrangement d’une pièce initialement pour piano solo qui a reçu le deuxième prix de composition au 12ème tournoi international de Musique de Rome en 2006. Vous pouvez entendre cette version sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=4dzRf5av5KY
Après des études en piano et écriture au CNR de Grenoble, Claire Vazart entame une formation jazz en piano, arrangement et composition au Département jazz de Chambéry puis au Humber College de Toronto. Cette pièce s’inspirant fortement du jazz, a été transcrite pour Julian Boutin et l’Ensemble 20/21, dirigé par Cyrille Colombier. Elle est à la fois vivifiante, captivante et amusante. De quoi régaler plus d’un quatuor aguerri !
Marie Fraschini
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Alireza Mashayekhi, compositeur iranien né à Téhéran en 1940,, nous plonge dans la musique traditionnelle persane au travers de cette palette de couleurs très profonde, parfois inquiétante et virtuose. A Mashayekhi utilise dans cette œuvre « la théorie complémentaire qu’il définit comme un complément modal à l’harmonie classique et au contrepoint baroque ». On y retrouve des notations modernes comme les « pizz Bartok », des jetés écrits en zigzag descendants, des groupes de notes encadrées devant être répétées asymétriquement ou encore des trémolos en glissades sans note d’arrivée décrite. Cette pièce en quatre mouvements a d’abord été écrite pour orchestre à cordes. Il y a une forte opposition entre les premier et troisième mouvements qui donnent une impression de contemplation lente, et les deuxième et quatrième mouvements qui sont rapides et fougueux. On peut écouter la première version pour orchestre sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=FvBEfQmfGuk
Marie Fraschini
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Dans la collection Easy string ensemble, voici un recueil bien intéressant. Bien sûr, il n’est pas tout à fait de saison, mais il n’est jamais trop tôt pour prévoir son futur programme. Tous les Noëls (onze) contenus dans ce recueil sont des « tubes » : Adeste fidèles, Stille Nacht, O Du Fröhliche, Les anges dans nos campagnes, Il est né le divin enfant… Les arrangements sont très bien faits. Ils sont à la fois fidèles à l’original et réalisés avec goût et originalité. Chaque partie du quatuor y trouve son compte : la mélodie voyage tout en étant toujours parfaitement identifiable. L’ensemble est facile, mais sans facilités. Au contraire, ce recueil comporte un véritable intérêt musical et instrumental, ce qui n’est pas toujours le cas de tels arrangements. Nul doute que les ensembles qui s’en empareront n’y trouvent à la fois beaucoup de plaisir et beaucoup de profit.
Daniel Blackstone
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Les flûtistes et historiens apprécieront à leur juste valeur ce nouveau numéro contenant des renseignements si intéressants : Entretiens avec Emily Beynon à propos de sa formation, ses activités à l’Orchestre du Concertgebouw, avec ses impressions et réaction en tant que jurée à divers concours : aspect rarement abordé. Ce volume est accompagné de nombreuses photos de terrain.
Pascal Gresset s’est entretenu avec Nina Pollet et Ludwig Böhm, respectivement au sujet du 4e Concours Maxence Larieu (Nice et Munich). Il signale également deux Premiers Prix français au Concours Carl Nielsen. Deux problèmes sont posés : la paternité Quantz et Agricola, une controverse ; Alain Fourchotte ou l’expression du discours. Sur le plan organologique, Pierre Helou présente une Flûte Parmenon, avec toutes les cheminées alignées.
À noter les informations précises sur le Conseil Européen de la Flûte (EFC) et ses priorités stratégiques. L’actualité concerne les Festivals, la discographie, la bibliographie et les partitions. Revue toujours très enrichissante.
Édith WEBER
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Préfacée par Catherine Massip, cette rétrospective situe les nombreuses publications de Danièle Pistone, professeur émérite (Sorbonne Université), notamment responsable (1980-1999) de l’Observatoire musical français. Passionnée par les sciences humaines, les neurosciences, la sociologie de la musique, l’esthétique, la philosophie, la linguistique, le piano, la méthodologie et l’intradisciplinarité, elle a fondé la Revue internationale de musique française (1980-1997), privilégiant le XIXe siècle, encouragé la constitution des catalogues d’œuvres en insistant sur leur classification. Elle a ainsi forgé des outils de recherche en Musicologie dépassant le cadre de la musicologie historique.
Les lecteurs apprécieront la nouveauté et l’actualité de ses propos. La première partie est intitulée : « Entre histoire sociale et sociomusicologie » ; la deuxième : « Propositions méthodologiques » évoque le catalogage, la « titrologie appliquée aux œuvres musicales », la contextualisation à la lumière de l’herméneutique ; la troisième traite l’esthétique à l’exemple des « musiques de l’eau », propose des éléments pour une étude lexicologique et aborde encore « la musique et l’imaginaire dans la France contemporaine ». Chaque partie, avec tableaux, exemples musicaux, nombreux encadrés (statistiques et pourcentages) est suivie d’une orientation bibliographique circonstanciée. À noter un apport original : La thématique de l’eau dans une approche pluridisciplinaire et surtout la technique de l’enquête.
Bel exemple d’ouverture d’esprit, de croisements des méthodes et des disciplines.
Édith WEBER
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D’entrée de jeu, quelques précisions sont indispensables : Bruno Monsaingeon, violoniste réputé, est aussi essayiste et même cinéaste ayant réalisé de nombreux films sur des musiciens : Glenn Gould, Sviatoslav Richter, Yehudi Menuhin…, sur le chef d’orchestre russe G. Rojdestvensky (1931-2018)d’après leurs échanges portant sur la triste réalité quotidienne et l’oppression des consciences à l’époque stalinienne, la situation au Bolchoi, l’existence tragique du peuple russe. Au fil des chapitres, les lecteurs seront renseignés sur la doctrine du réalisme soviétique et ses répercussions quotidiennes pendant 25 ans. Un condensé d’émotions non exempt d’un certain humour. Captivant.
Édith WEBER
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Luigi DALLAPICCOLA (1904-1975) a étudié le piano et la composition à Florence et à Graz et enseigné les deux disciplines au Conservatoire de Florence puis à Tanglewood (Etats-Unis), au Queen’s College de New York et à l’Université de Berkeley (1961). Sa musique se veut abstraite et concise, sa facture mélodique marquée par l’influence de R. Wagner, ce qui ne l’empêche pas de privilégier par exemple le dodécaphonisme, les quartes superposées, les intervalles dissonants.
Sylvain Samson, musicologue averti et philosophe insatiable, a mis à profit son savoir encyclopédique pour dégager la personnalité et l’immense apport intellectuel de ce grand compositeur italien, également auteur de ses propres livrets d’opéras, dont le héros représente l’une des problématiques.
Les Annexes sont d’une exceptionnelle richesse : Bibliographie : manuscrits de Dallapiccola, livres imprimés, livrets, partitions, écrits divers, sur des œuvres notamment Il Prigionero (chant), Job, Ulisse (et les références littéraires qu’il a brassées) et aussi d’autres sources inattendues : Nietzsche voisinant avec Ovide, Saint Exupéry avec Sénèque, Dante côtoie Thomas Mann… ; Discographie et même Webographie. Autant de sources de première et de seconde main exploitées par l’auteur — « une vraie gageure » — que d’années de travail intense et suivi. Pour entrer en perspective, les lecteurs pourront suivre notamment le cas d’Ulisse particulièrement significatif, avec figures et exemples musicaux illustrant la pensée concentrique de L. Dallapiccola.
La démarche si dense de l’auteur est vertigineuse et intradisciplinaire : musicale, littéraire, historique, philosophique, théologique et anthropologique. Initiations et horizons multiples. Un modèle à suivre.
Édith WEBER
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Ce livre comble une lacune dans les publications françaises sur la musique espagnole. Luis de PABLO est né le 28 janvier 1930 à Bilbao. Installé à Madrid en 1939, il commence des études musicales et juridiques. Il participera à la fondation du Grupo nuova musica, organisera des concerts pour promouvoir la musique contemporaine. Grand voyageur, il séjournera au Mexique, à Berlin, en Argentine, à Ottawa et Montréal, en Ukraine, en Inde…, fondera à Madrid un studio électronique. Pour ses compositions, il s’inspire de R. Leibowitz, d’O. Messiaen et du Doktor Faustus (Thomas Mann).
En introduction, J.-N. von der Weid retrace brièvement la vie du compositeur jusqu’à leur première rencontre. Ils entretiennent alors une abondante correspondance, de 1995 à 2014 (puis passeront aux échanges téléphoniques), faisant l’objet de cette publication, révélant notamment leurs goûts respectifs, affinités et projets. Les lecteurs trouveront en filigranes l’évolution de la situation politique en Espagne, des renseignements concernant l’écriture et la réception de son œuvre ; d’autres plus anecdotiques notamment sur la Patum — très ancienne fête populaire catalane avec monstres, recherche du grotesque dans le pathétique — scandée par le tabal (grand tambour) (6 juin 2005, p. 124) ; une description du Pays basque... Par son corpus de plus de 200 œuvres (la plus récente en 2020) — dont plusieurs opéras —, Luis de PABLO confirme son appartenance à l’avant-garde sérielle et postsérielle, allant « d’un sérialisme avec des éléments aléatoires à une synthèse personnelle — flamenco des soleils, grandes fugues intimes —, dans laquelle se fondent la consonance, les micro-intervalles, la forme libre, la métrique complexe et certaines musiques extra-occidentales » (dernière de couverture). Sans Table des matières (la chronologie sert de fil conducteur), cet ouvrage, de lecture instructive, rédigé dans un langage recherché et très imagé, présente un compositeur éclectique en quête de son espagnolité.
Édith WEBER
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VOIX HÉBRAÏQUES
Hector SABO
L’association du peuple hébreu à la musique remonte aux temps de la Bible. Or, « la composante musicale de la tradition juive est déterminée à la fois par l’espace et le temps ; par les modes artistiques de ses lieux d’exécution, et par les contextes culturels propres à son histoire », écrit Paul B. Fenton dans sa préface à ces Voix hébraïques. Espace et temps, c’est à un voyage historique, mais surtout musical, qu’invite ce livre, en quête de la « musique juive », si difficile à définir dans sa diversité, ancrée dans la permanence de la langue hébraïque.
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Le projet « Ya’had », « Ensemble » en hébreu, inspiré par le premier chant présenté : « Hiné ma tov ouma na’yim chévet a’him gam YA’HAD » (Psaume 133 : « Qu’il est bon et agréable que les frères soient ensemble »), est une initiative du producteur Dan Leclaire et d'Hector Sabo, directeur musical. Il a été soutenu par Radio Judaïca de Strasbourg.
Les ensembles strasbourgeois « La Truite Lyrique » et « Les Polyphonies Hébraïques de Strasbourg », dirigés par Hector SABO, sont réunis ici, une fois de plus, après deux projets récents : un CD d’hommage au Centenaire de la naissance de Jacques Offenbach et un spectacle d’ouverture du Festival Sacrées Journées de Strasbourg : « Mozart, La Truite et Rabbi Jacob ».
Un premier chant polyphonique, sur l’air populaire du Psaume 133, est suivi de la célèbre chanson israélienne « Ossé chalom », « Celui qui établit la paix ». Il s’agit d'un triptyque dont les deux premiers chants, des arrangements du compositeur Malcolm Singer, sont adaptés ici par Hector Sabo, avec l'ajout d’un piano, un violon-alto et une flûte traversière. Les deux premiers chants sont complétés par un court extrait de Salomone Rossi (Mantoue, 1570-1630), reprenant le même texte hébraïque du deuxième chant, dans son célèbre « Kaddich », Prière de sanctification, à 5 voix, qui clôture la réalisation.
Le mixage a été réalisé par le Studio Kawati et la mise en images par Gabriel Goubet, avec la coordination de Solène Picard.
Qu’il est bon et agréable que les frères soient ensemble
Attention : démarche audacieuse ! Comme l’affirme Erik Orsenna dans son texte introductif : « la musique est la patrie du possible, ou si vous préférez de la liberté, du temps sublimé. Préparez-vous : Jupiter va vous tourner la tête. » À la manœuvre : le jeune chef Thomas Dunford s’est entouré de quelques musiciens réputés de sa génération pour, avec son ensemble Jupiter, faire la fête à Antonio, c’est-à-dire mettre leurs incroyables talents au service d’extraits particulièrement enivrants du répertoire du Prêtre roux et donner le tournis aux auditeurs qui n’en demandent pas mieux… Alternent tempi, humeurs, au travers des Airs (Juditha triumphans, L’Olimpiade, Giustino, Griselda ; Nisi Dominus) — dont l’interprétation par la mezzo-soprano franco-italienne Lea Desandre est éblouissante — et Concertos tripartites très contrastants (pour basson, violoncelle, luth) qui plongent les discophiles dans un bain de jouvence au cœur de l’océan vivaldien. Antidote à la morosité !
Édith Weber
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L’interprétation du Voyage d’Hiver par Dietrich Fischer-Dieskau (1925-2012) restera gravée dans toutes les mémoires, toutefois la transcription de Gilone Gaubert (pour baryton et quatuor à cordes) enregistrée en 2018 retiendra l’attention des mélomanes à plus d’un titre : sur le plan de la couleur, du paysage sonore et du phrasé obtenu par les cordes. Le Quatuor Les Heures du jour comprend Gilone Gaubert et David Schivers (violons), Sophie Cerf (alto) et Emmanuel Jacques (violoncelle), formant — avec Alain Buet (baryton), élève du CNSMDP puis professeur à partir de 2007 — une merveilleuse équipe.
Ils misent sur l’authenticité en préconisant les instruments historiques en vogue à l’époque de Franz SCHUBERT (1797-1828), avec un diapason plus bas. Les poèmes de Wilhelm Müller (1794-1882) sélectionnés par le compositeur abordent des thèmes variés : la solitude (Einsamkeit) qui affecte l’étranger (Fremd) ; la nature (le tilleul/der Lindenbaum) ; le rêve du printemps (Frühlingstraum), l’hiver avec la neige/Ich such im Schnee ou les larmes gelées (gefror’ne Tränen) et le torrent (Wasserflut), mais aussi les corbeaux (Die Krähe), le repos du voyageur (Rast) ou encore la parhélie (Die Nebensonnen, faux soleils, illusion atmosphérique). Le joueur de vielle (Der Leiermann) qui tourne inlassablement la manivelle conclut avec grande retenue (bourdon à peine esquissé) ce cycle que Schubert affectionnait tout particulièrement. En lieu et place du piano, le quatuor se fonde en un seul instrument accompagnateur. Alain Buet soutient la comparaison avec son prestigieux aîné.
Paradoxalement : dépaysement et pourtant authenticité (le processus de transcription étant courant au début du XIXe siècle).
Édith Weber
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Ce disque illustre l’évolution de la musique de chambre polonaise pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, encore dans la mouvance romantique mais avec un apport original et créatif.
Jozef WIENIAWSKI est né à Lublin (Pologne) en 1837 et mort à Bruxelles en 1912. Après ses études dans son pays natal, il a été, en 1847, élève, entre autres d’A.-Fr. Marmontel et Ch.-V. Alkan en piano et de F. Le Couppey en composition à Paris, ainsi que d’A. B. Marx en théorie musicale, à Berlin. Après une tournée de concerts en Europe, il rencontre à Paris notamment Gounod, Berlioz et Wagner. Napoléon III le considérera comme l’un de ses musiciens favoris. Il enseignera au Conservatoire de Moscou, puis s’installera à Bruxelles. Il affectionne les titres français : Grand Duo Polonais en mi mineur pour violon et piano (op. 5) — interprété par Iwona Kallinowska-Grohs (violon) et Barbara Pakura (piano) —, Pensée fugitive (op. 8) et cultive les formes classiques : Quatuor à cordes en la mineur (op. 32) et Sonate pour violoncelle en Mi Majeur (op. 26) interprétés respectivement par Szczepan Konczal (piano) et le Tono Quartet, en belle symbiose. Tous ces instrumentistes mettent leur dynamisme et leurs talents au service de la redécouverte du musicien cosmopolite si bien introduit dans les hautes sphères parisiennes.
Le CD 2 est consacré à 2 œuvres très amples : le Trio avec piano en Sol majeur (op. 40), en 4 mouvements : Allegro souple et charmant ; Andante molto cantabile très expressif ; Allegro con fuoco bouillonnant ; Allegro risoluto et non troppo presto aux accents héroïques puissamment servis par N. Frankiewicz (violon), L. Tudzierz (violoncelle) et Sz. Konczal (piano) ; la Sonate pour violon en Ré majeur (op. 24) également quadripartite, magistralement restituée par I. Kallinowska-Grohs et B. Pakura. La programmation s’achève sur l’Allegro de Sonate en sol mineur pour violon et piano (op. 2), page de jeunesse d’abord pleine de tension puis plus tendre, somptueusement rendu par le duo précédent.
Nouvelle démonstration de la valeur de l’école polonaise, hier et aujourd’hui.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce CD illustre l’atmosphère autour de la Grande Guerre dans les villégiatures sur la Côte d’Albâtre (entre Dieppe et Fécamp), avec un trio de compositeurs contemporains Grand Prix de Rome et leur Sonate pour violon et piano respective.
Jacques (Guillaume de Sauville) de LA PRESLE (Versailles, 1888-Paris, 1969), élève au CNSM en harmonie, contrepoint et composition, organiste à Notre-Dame de Versailles (1910-1920), Grand Prix de Rome (1921), enseigne l’harmonie au Conservatoire (1937-1958). Après la guerre, il sera notamment inspecteur principal de l’enseignement musical.
Sa Sonate pour violon et piano (1913-14), dédiée à Léonie Lapié, tripartite : Lent-Assez animé ; Lent ; Animé spécule sur les contrastes.
Paul PARAY (Tréport, 1886 - Monte-Carlo, 1979), musicien précoce, a suivi des cours de chant, piano, d’orgue, violoncelle, timbales, ami de Marcel Dupré, puis se perfectionne au Conservatoire auprès de X. Leroux, G. Caussade et puis P. Vidal… Grand Prix de Rome (1911), il est pianiste accompagnateur et surtout, après guerre, chef d’orchestre (Colonne, notamment) et ardent défenseur de la musique française. Sa Sonate pour violon et piano (1908), dédiée à Hélène Jourdan-Morhange, appartient à sa « période parisienne ». Également en 3 mouvements : Allegro moderato ; Allegretto amabile ; Molto vivo, elle fait montre d’une belle inventivité mélodique alliée à une solide maîtrise compositionnelle.
Claude DELVINCOURT (né à Paris en 1888, mort à Ortebello (Italie) en 1954), élève de Léon Boëllmann, Henri Busser, Georges Caussade et Charles-Marie Widor. Grand Prix de Rome (1913), éborgné fin 1915 en Argonne, il sera organiste titulaire de l’Église St-Jacques, à Dieppe (1926). En 1941, directeur du Conservatoire de Paris, il y modernise les méthodes pédagogiques. Sa Sonate pour violon et piano (1919), dédiée à la pianiste Jeanne Zimmermann, spécule sur les contrastes d’atmosphère au cours des 3 parties : Largement-souple et sans lenteur ; Vif et gai. Le vaste mouvement conclusif suit tout un parcours émotionnel allant de Calme, mystérieux et lointain vers Animé, avec une impétuosité joyeuse.
Gautier Dooghe (violon) — violon solo de l’Orchestre symphonique de Douai-Région Hauts de France, professeur au CRR de Douai, membre du Trio Johanna — et Alain Raës (piano) — concertiste, professeur aux Conservatoires de Lille, Douai, Roubaix — ont conjugué leurs talents pour élaborer cette carte postale sonore à la fois sophistiquée et pleine de sève.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Sous le titre Inception (terme popularisé par le film éponyme, signifiant début, commencement), est regroupé un choix d’œuvres française et polonaises (à découvrir).
La Zoo-Suite de Piotr MOSS (né en 1949) — compositeur polonais naturalisé français, vivant à Paris, élève de Kr. Penderecki et Nadia Boulanger, diplômé de l’Académie de Katowice et de l’École Normale (Paris), toujours à l’affût de nouveaux paysages sonores — est structurée en 5 mouvements tour à tour luxuriant/exubérant, mystérieux, percutant, lyrique (avec allusion au Cygne du Carnaval des Animaux), drôlatique… très exigeants sur le plan technique.
L’œuvre Vers per archi de Jerzy MAKSYMIUK (né en1936) — formé à Varsovie, auteur de musiques de film, chef d’orchestre (Orchestre Philharmonique de Cracovie) — s’inspire d’un fait divers pendant la Seconde Guerre mondiale : une jeune scout arrêtée, torturée puis exécutée en 1944 par la Gestapo, n’ayant pas donné son réseau. Ombre et lumière planent sur cette musique très émouvante créée en 2014.
Le CD se termine avec deux œuvres d’Adam WESOLOWSKI, formé en piano, composition et théorie musicale à Katowice, membre de l’Union des Compositeurs Polonais, ayant organisé des festivals. Son généreux Silver Concerto en 4 mouvements très contrastés (dont l’époustouflant Presto), s’achève sur un Allegro con bravura particulièrement enlevé et dansant. L’Euphory Concerto pour euphonium et orchestre à cordes fait preuve de la même énergie vitale. Pour, si besoin était, rehausser encore la valeur de cette réalisation exceptionnelle, c’est une magistrale interprétation du Carnaval des Animaux de Camille SAINT-SAËNS (1835-1921) qui ouvre le bal… À déguster sans hésiter.
Édith Weber
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Louis AUBERT (Paramé, 1877 - Paris, 1968), formé au Conservatoire de Paris, a été notamment l’élève de G. Fauré. Dans cette intégrale pour violon et piano du pianiste et compositeur presque oublié, 6 œuvres sont enregistrées en première mondiale, 2 pour piano seul et une est inédite. Il est possible de suivre l’évolution de l’écriture de Louis Aubert en écoutant les plages selon l’ordre chronologique des œuvres. De la grandiose Romance (op. 2, 1897, harmonisée alla Wagner) et du mélodieux Madrigal (op. 9 n°1, 1901 ?), en passant par Trois Esquisses (op. 7, 1900) et son chef-d’œuvre Sillages (op. 27, 1908-1912), le Caprice aux accents hongrois (1924), la Sonate en ré mineur (1926) — dédiée « à la mémoire de mon maître Gabriel Fauré » : Animé, Lent et très expressif ; Assez animé , toute de « passion et de lyrisme » (selon Stéphanie Moraly) —, le parcours du CD s’achève par la pièce douce et mélancolique Sur deux noms (1947, inédite). Stéphanie Moraly — violoniste concertiste née en 1980, musicologue (Thèse sur les Sonates françaises) et pédagogue — et Romain David — pianiste d’une grande curiosité, lauréat de nombreux concours internationaux — conjuguent leurs talents au service d’un musicien français très raffiné dont l’œuvre gagne à être plus largement diffusée.
Édith Weber
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Deux Sonates, l’une pour violon et piano, l’autre pour violoncelle et piano, constituent les pièces maîtresses de cette réalisation consacrée à la production pour cordes et piano de Paul PARAY (Tréport, 1886 - Monte-Carlo, 1979), musicien précoce, ayant suivi des cours de chant, piano, d’orgue, violoncelle, timbales, ami de Marcel Dupré, puis s’étant perfectionné au Conservatoire auprès de X. Leroux, G. Caussade et P. Vidal… Grand Prix de Rome (1911), il est pianiste accompagnateur et surtout, après guerre, chef d’orchestre (Colonne, notamment) et ardent défenseur de la musique française.
Sa Sonate pour violon et piano (1908), dédiée à Hélène Jourdan-Morhange, appartient à sa « période parisienne ». En 3 mouvements : Allegro moderato ; Allegretto amabile ; Molto vivo, elle fait montre d’une belle inventivité mélodique alliée à une solide maîtrise compositionnelle. Eliot Lawson (violoniste belge et luso-américain), diplômé des Conservatoires de Bruxelles et Rotterdam, et Diane Andersen (pianiste belge d’origine danoise) s’en acquittent brillamment.
Sa Sonate pour violoncelle et piano (1921), également tripartite, interprétée par Samuel Magill (violoncelliste, membre du Met Orchestra depuis 1991) et Diane Andersen qui font pleinement vibrer les cordes émotionnelles de cette musique pleine de charme.
Le CD prend fin avec la Romance faisant chaleureusement dialoguer les trois instruments (dans une adaptation d’Eduard Perrone), en premier enregistrement mondial. Musique attachante.
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Robert DUSSAUT (Paris, 1896-Paris, 1969), formé au Conservatoire de Paris, sera Premier Grand Prix de Rome (1924) et enseignera au Conservatoire à partir de 1936. Il est aussi à l’aise dans les musiques de théâtre, pour orchestre, de chambre ou vocale. Le CD s’ouvre sur sa Symphonie n°1 pour cordes qui n’est autres que l’extension d’un Quatuor à cordes (Premier Grand Prix Jacques Durand de l’Académie des Beaux-Arts). Structurée en 4 mouvements contrastés : au poignant Preludio ed allegro succède le frémissant Intermezzo ; le 3e mouvement Cantabile, tout en délicatesse, cède la place au Finale le plus développé. L’œuvre est interprétée en 1967 par l’Orchestre de chambre de l’ORTF, sous la direction d’André Girard, que les discophiles auront plaisir à retrouver. Les œuvres suivantes sont enregistrées en première mondiale. Y prend une part active la pianiste Thérèse Dussaut, fille de Robert et Hélène Dussaut.
Hélène COVATTI-DUSSAUT (1910-2005), élève puis enseignante au CNSM, compositrice, est l’épouse de Robert DUSSAUT. Sa Sonate pour piano et violon (qui lui vaudra le Prix Halphen de Composition avec les félicitations d’Arthur Honegger) est tripartite : Allegro, Andante, Finale : Animato. Elle figure également avec Apollon, 4 pièces pour violon et piano
Le CD comprend encore, de Robert DUSSAUT, la version pour piano du Prélude d’Altanima et Deux pièces : Élégie et Printemps pour violon et piano (adaptation de deux mélodies éponymes). Agréable découverte de l’univers musical des Dussaut.
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Hélène Boulègue, née en 1990, formée au CNSM et à la Hochschule für Musik de Karlsruhe, titulaire de Prix internationaux, est déjà à 19 ans 2e Flûte à l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg. Dans la Collection « Laureate Series : Flute » du Label NAXOS, elle a signé l’Intégrale des œuvres pour flûte d’André JOLIVET (1905-1974), est accompagnée au piano par François Dumont, en parfaite connivence (CD 1). Les mélomanes apprécieront, entre autres, l’Incantation pour que l’image devienne symbole (1937, flûte alto) et les Cinq Incantations (1936, flûte solo) très élaborées ou encore le célèbre Chant de Linos (1944), pièce de concours CNSM avec mode inventé et mode dorien. Le CD 2 concerne, entre autres, la Suite en concert n°2 (1965) avec 4 percussions ; le Concerto pour flûte et orchestre à cordes (1949) avec notamment l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg. Le compositeur y favorise le lyrisme, la mélodie fluide, la bravoure frisant la virtuosité. D’une manière générale, André JOLIVET, disciple de Paul Le Flem et d’Edgar Varèse, exploite la résonance naturelle et les harmoniques, le dynamisme sonore, les rythmes irrationnels, le phénomène incantatoire et le lyrisme débouchant sur l’émotion.
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Confrontation très constructive qui retiendra l’attention en cette commémoration beethovénienne : la version (originale) du Concerto n°5 dit L’Empereur [Napoléon Ier] grâce à Cyprien Katsaris accompagné par Sir Neville Marriner à la tête de l’Academy of St Martin in the Fields et surtout, en première mondiale, son arrangement pour piano solo, qui — même sans les sonorités de l’orchestre — va droit à l’essence même du célèbre Concerto parfois galvaudé. Une belle « leçon de fidélité », d’adaptation à l’actif de l’inégalable Cyprien Katsaris. Une émouvante plongée dans l’univers comme volontairement quelque peu assourdi, lointain du compositeur, dont la richesse de la vie musicale intérieure pallia toujours davantage la surdité progressive, à la frontière entre imagination et réalisation musicale. Incontournable pour les pianistes. Démarche au cœur du sensible.
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Les Symphonies de Robert SCHUMANN (1810-1856) servent d’une certaine manière de « baromètre » de ses états d’âme psychiques, bref de confession troublante. Il était, en effet, atteint de dépression et de mélancolie à partir de 1820, avait tenté de se suicider et été placé dans un asile en 1854. Il était cyclothimique, souvent abattu et souffrait d’insomnies, d’hallucinations et de vertiges qui ont profondément imprégné ses Symphonies II en Do Majeur (op.61, composée en 1845-1846) et IV en ré mineur (op.120, commencée dès 1841, dans la foulée de la Première), enregistrées avec passion et ferveur par Philippe Herreweghe et l’Orchestre Symphonique d’Anvers. Une belle révélation de plus à son brillant actif.
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René de BOISDEFFRE bénéficie depuis plusieurs années de la volonté d’exhumation de son œuvre injustement oubliée. Dès 2016, la production pour violon, flûte et alto de R. de BOISDEFFRE était relancée par le Label polonais ; en 2018, sa musique chorale. Cette année, c’est de nouveau la musique de chambre qui retient son attention avec des duos pour clarinette ou violoncelle et piano. Né à Vesoul en 1838 et mort à Vézelise (Lorraine) en 1906, René de BOISDEFFRE a étudié la musique auprès de Charles Wagner et la composition avec Auguste Barbereau. Il obtient le Prix Chartier en 1883. Son esthétique néoromantique s’inscrit dans la mouvance de Charles Gounod, Édouard Lalo et Camille Saint-Saëns... En premier enregistrement mondial, Anna Mikolon (piano), Andrzej Wojciechowski (clarinette) et Anne Sawicka (violoncelle) s’associent au gré des opus : que ce soit dans l’imposante Sonate pour clarinette et piano (op. 12) quadripartite — arrangée par Romuald Twardowoski —, dans les deux jeux de Trois Pièces pour clarinette et piano (op. 20 et op. 40) ou dans La Prière ou encore La Berceuse, pages plus intériorisées, pour violoncelle et piano (op. 26 n°2 et op. 34), les musiciens restituent à merveille cette écriture chatoyante mettant en valeur le dialogue instrumental. Ce CD attachant s’achève avec la Suite Orientale (op. 42) où l’inspiration s’exotise. Une réussite.
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Max REGER (1873-1916) est à l’honneur dans la production discographique. Après l’intégrale de ses œuvres pour orgue qui ont assuré sa réputation, voici 2 Trios à cordes (violon, alto, violoncelle) : n°1 (op. 77 b, en la mineur et n°2 (op. 141 b) en ré mineur, par l’intrépide ensemble Il Furibondo, fondé en 2011, exploitant des instruments historiques. En fait, Giuseppe Tartini (1692-1770) a jadis utilisé furibondo pour qualifier le jeu du violoniste Francesco Geminiani, ce qui n’est pas un mince mérite pour Liana Rosa (violon), Gianni de Rosa (alto) et Marcello Scandelli (violoncelle). Les précisions des divers mouvements justifient à elles seules cette exigence « furibonde » : Sostenuto – Allegro agitato ; Larghetto ; Scherzo vivace contrastant avec Allegro con moto. Un mélange de rigueur néoclassique, d’esprit baroque, de tendresse romantique. Totale adéquation entre le titre de ce Trio et les exigences de sensibilité d’un Max REGER si estimé par Hans von Bülow.
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Arrière-petite-fille de (Joseph-)Ermend BONNAL (1880-1944), la soprano Roselyne Martel-Bonnal, au timbre généreux, propose un récital lyrique associant des compositeurs français de mélodies des XIXe et XXe siècle : Jules MASSENET (1842-1912) avec 3 chants — dont la poignante Élégie —, Ernest CHAUSSON (1855-1899) avec 2, Charles GOUNOD aussi avec 2 (dont Le Colibri, extrait de ses 7 Mélodies, op. 2), Cécile CHAMINADE, Hector BERLIOZ… (Joseph-)Ermend BONNAL (1880-1944) — le plus proche de nous — figure avec 5 chants : Sur le lac triste, Petit Poème (op. 19), Improvisation (op. 23), Bosphore et Chêne gaulois (arrangé par l’organiste et compositeur David Maw pour voix, violon, violoncelle et piano). Le violoniste Guillaume Latour, la violoncelliste Juliana Laska et la pianiste Flore Merlin se sont associés avec infiniment de sensibilité à ce noble projet filial.
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Paul PARAY (né au Tréport en 1886 et mort à Monte Carlo en 1978) a assumé une brillante carrière de chef d’orchestre dès 1920 — après avoir été prisonnier de guerre — pour le plus grand plaisir des mélomanes, mais ses activités de compositeur avaient cependant quelque peu été occultées. Ce disque vient à point nommé pour en dévoiler la notoriété que lui a valu le Grand Prix de Rome, après avoir été l’élève au Conservatoire de Paris de Xavier Leroux et Georges Caussade.
Cette réalisation discographique propose la Sonate pour violon et piano (1908), une Sonate tripartite pour violoncelle et piano et, en conclusion, une Romance pour violon, violoncelle et piano (adaptation). Sa recherche du raffinement est typique de l’École française ; il s’impose également par sa riche invention mélodique. Ces compositions, en premier enregistrement mondial réalisé par Eliot Lawson (violon), Samuel Magill (violoncelle) et Diane Anderson (piano), bénéficient d’une remarquable introduction par Damien Top. Une « corde de plus » à son arc… Révélation à ne pas manquer.
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Chaque changement de saison suscite un autre état d’âme, comme le démontrent le violoniste français Laurent Houque — formé à Paris et au Conservatoire de Mons — et la pianiste japonaise née en Californie, Misa Kakumoto — après sa formation en Angleterre et en Belgique. Ils apportent une démonstration de plus à la théorie de l’« Effet de vie » élaborée par Marc-Mathieu Münch. Dans cette perspective, ils ont retenu Winter Fairy (Fée de l’Hiver) de Serge PROKOFIEV, la Sonate n°5 Le Printemps de Ludwig van BEETHOVEN, Diptychon (op. 11) de Per NOGÄRD (né en 1932) évoquant un paysage nordique, étoilé, calme lors d’une nuit d’Été. Laurent HOUQUE (né en 1985) a intitulé sa pièce En Haut D’un(e) des Arbres (2018), inspirée par les bois dans les dunes, selon ses commentaires : « d’une explosion jaillit l’inattendu, le chant d’un oiseau dont le regard embrasse la forêt qui l’a vu naître, au milieu des dunes » (p. 7). L’auditeur peut « suivre le coucher de soleil dans la mer, derrière la ligne d’horizon… » ; la lune réfléchissant « la lumière que nous ne pouvons plus voir directement » et qui « devient la veilleuse de nos nuits ». Quant à l’Automne, il est traduit par les feuilles prenant des couleurs en forêt, dans la Sonate pour violon et piano n°2, en mi mineur de Gabriel FAURÉ, page de la maturité, tour à tour nonchalante, lumineuse puis fascinante. En guise de conclusion, ce duo hors pair fait découvrir La Poupée valsante du Hongrois Ede POLDINI (1869-1957), arrangée par Fritz KREISLER (1875-1962), qui pose un point d’orgue marquant sur ce récital original, à la fois descriptif, psychologique et introspectif, portant sur le cycle des Saisons et celui de la Vie. À entendre et à méditer.
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Pluie d’or : titre quelque peu étrange qui prend tout son sens après une indispensable lecture préalable de l’interview très ciblée et éclairante et des Propos recueillis par Maxime Kaprieljan. Il s’agit d’un retour en arrière sur la vie et l’œuvre de François-Bernard MÂCHE (né en 1935) grâce à l’ensemble Musicatreize, à géométrie variable, fondé en 1987 par Roland Hayrabedian.
Le compositeur a effectué un parcours polyvalent exceptionnel : prix de piano et harmonie (Conservatoire de Clermont), DES en archéologie grecque, Agrégation de Lettres (1958), Doctorat d’État en Esthétique, Prix de Philosophie de la musique (CNSMP). Il évolue dans le sillage de Pierre Schaeffer et d’Olivier Messiaen, et s’intéresse aussi aux films expérimentaux.
Fr.-B. MÂCHE exploite les données sensorielles, est obsédé par les références grecques (« papyrus égyptien rédigé en grec », cf. Invocations pour 6 voix et 2 percussionnistes). Il utilise l’aulos pour restituer la couleur sonore de la langue grecque, le tambourin pour opposer tons aigus et tons graves ; la prosodie quantitative de la langue grecque… Son objectif consiste à relier l’humain, la musique et l’univers, dépassant l’espace sonore et chronologique en associant Sappho de Mytilène (v.-630 ; v.-580) et Novalis (1772-1801), cf. p. 12 : Heol Dall (Soleil aveugle, en breton) pour 12 voix et 2 pianos.
Grâce, d’une part, à sa formation polyvalente et pluridisciplinaire, à son inlassable recherche expérimentale et à son inventivité et à sa curiosité hors normes et, d’autre part, au travail acharné du vaillant ensemble Musicatreize et de son chef R. Hayrabedian si motivé, les mélomanes découvriront les multiples facettes du génie de François-Bernard MÂCHE. Pluie d’or : titre riche en expérimentations, en associations philosophiques et littéraires, en sonorités opposées : une confrontation exceptionnelle.
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Artiste fidèle du Label polonais ACTE PRÉALABLE, Joanna Bruzdowicz (née en 1943 à Varsovie) a étudié au Conservatoire de sa ville natale, puis à Paris, auprès de Nadia Boulanger, Pierre Schaeffer et d’Olivier Messiaen. Elle a soutenu en Sorbonne sa Thèse portant sur le thème « Mathématiques et logique dans la musique contemporaine ». Elle s’installera en Belgique, puis en France. Compositrice engagée, elle a été considérée comme dissidente dans le mouvement d’émancipation polonaise des années 1970. Son catalogue s’étend de l’opéra (La Colonie pénitentiaire, Les Femmes de Troyes, Les Portes du Paradis), à la musique symphonique et de chambre, en passant par des pièces pour enfants, la musique de film et de télévision.
Ce bref CD reproduit les versions française et polonaise du poème À la tombée du jour (2017) de Jean SOREL (1933-2019) — philosophe des monothéismes, diplomate —, mis en musique et traduit dans sa langue par la compositrice. Yves Daoudal-Soler est le narrateur pour la version française ; Catherine Dagois (contralto) et Edgar Teufel (claviers) du Duo Canticel, se partagent l’aspect musical. Dans la version polonaise : A schylku dnia, le narrateur est Jerzy Raziwilowicz, le chanteur est le baryton-basse Jaroslaw Brek, qu’accompagne au piano Tomasz Jocz.
La pièce débute par un long monologue dressant l’état d’esprit du vieillard au soir de sa vie, puis la musique prend le relais. La voix de contralto accentue le caractère dramatique, soutenue aux claviers numériques par l’accompagnateur attentif. En fait, la version polonaise nous semble mieux correspondre : l’accompagnement au piano du baryton-basse au timbre plus précis est du meilleur effet.
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Anthony GIRARD (né en 1959 à New York, formé au CNSMDP — 5 Premiers Prix harmonie, contrepoint, analyse, orchestration et composition — et à la Sorbonne : DEA d’Histoire de la musique). Pensionnaire de la Casa Velasquez, lauréat de plusieurs Concours, a composé environ 150 œuvres et enseigne l’orchestration et l’analyse musicale au CRR de Paris et l’orchestration au CNSMDP depuis 2012.
La proximité artistique entre l’interprète : Jean-Luc Richardoz (violon) et le compositeur est palpable. Les Quatre Saisons (Printemps, Juillet l’espiègle, L’Automne en rêve, Vent de neige), 4 caprices pour violon (à la mémoire de Boris Pasternak) exigent une grande virtuosité en raison des doubles cordes, harmoniques doubles, pizzicati… Un autre Caprice : Partons, ô mon âme ! repose sur un poème de Walt Whitman (1819-1892), l’auteur des Leaves of Grass), et propage une oscillation lancinante. L’Étoile Aldébaran, pour 2 violons, est dédiée à Isabelle Flory et Nicolas Risler. Patricia Reibaud rejoint Jean-Luc Richardoz pour accomplir avec une grande sensibilité cette déambulation perpétuelle où l’amarre du temps s’enlève. Dans Lucky ways, 4 études pour violon, les violonistes chevronnés trouveront de quoi développer encore l’appropriation totale de leur instrument. L’écriture très personnelle d’Anthony GIRARD, quelque peu influencée par la musique médiévale, les musiques de l’Inde et le minimalisme, est marquée par une facture mélodique très soignée, une libre utilisation des consonances au service de profondes aspirations spirituelles.
Le discours violonistique, déployé au long du CD, plonge l’auditeur dans un état second, comme rapproché des intentions du compositeur et toujours plus à l’écoute des variations spirituelles subtiles. Expérience intime assurée.
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L’interprétation de duos exige à la fois une compétence réelle dans l’exploitation des timbres spécifiques et une belle connivence artistique. Marcel COMINOTTO, formé au Conservatoire de Liège, a obtenu, à l’âge de 15 ans, les premiers prix en harmonie, contrepoint, fugue puis de virtuosité. Son programme rassemble des duos pour les formations suivantes : 2 violoncelles, piano à 4 mains, violon et piano, 2 guitares. Pianiste de rayonnement international, depuis 1978, il enseigne l’instrument et l’écriture tonale et s’intéresse au matériau et à la sémantique dans une perspective historique.
Sa Storia pour deux violoncelles, dans laquelle « chacun apporte une qualité d’engagement et de précision, tant expressive que technique », est en fait « un voyage exceptionnel ». Anna-morphoses pour piano à 4 mains — œuvre composée pour le duo Jean Schils et Dominique Swinnen — tire son titre d’un « jeu de mots lié au prénom de leur petite fille ». Proche de la forme sonate, cette page frappe par sa complexité rythmique et contrapunctique, les couleurs harmoniques et les dissonances. La pièce Facéties, également à 4 mains et destinée à Pablo, petit frère « facétieux » d’Anna, entraîne les discophiles dans une valse enivrante. En réalité, ces 2 pièces forment un diptyque. Apollo, duo pour violon et piano, nécessite grande maîtrise technique et solide sens du rythme (le titre se rapporte à la course à la lune, vers 1960) : un mélange d’énergie et d’introspection. Démarche originale explosive autour de « big bang miniatures ». Six Préludes (brefs) pour 2 guitares (à 10 et à 8 cordes) rarement associées, exploitent des accords particuliers. Selon Marcel Cominotto, le 1er est un « mouvement perpétuel » ; le 2e plonge dans l’atmosphère d’une mélodie tzigane ; le 3e, est désinvolte puis mélancolique, avant de reprendre le ruissellement initial ; le 4e exploite des quartes répétées et des clusters ; le 5e se veut méditatif et intériorisé ; enfin le 6e est le « plus mécanique, puis tendu à base de tritons ». La conclusion ramène passionnément la sensation de mécanicité.
Les commentaires de M. Cominotto mettent en évidence son extrême inventivité et originalité compositionelles. Premier enregistrement mondial à ne pas manquer. Inouï et inégalable.
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Les Six Suites pour violoncelle solo (BWV 107-112) de Jean Sébastien BACH sont très connues entre autres grâce à la version déjà ancienne de Pablo Casals. Elles ont été enregistrées par Sergey Malov, violoniste et violiste russe, pour le tricentenaire de l’œuvre en 2019, avec un réel souci de vérité historique. Il a retenu un « violoncelle d’épaule » (da spalta), instrument en usage jusqu’au XVIIIe siècle, notamment chez J. S. Bach ; une restitution en a été présentée en 2014 à Londres.
Cette démarche pourrait surprendre les oreilles traditionnelles, car elle révèle une résonance particulière et inhabituelle, autrement dit un « autre paysage sonore », avec un caractère dansant et une certaine légèreté. Par rapport au violoncelle. La viola da spalta (ni alto, ni violoncelle), posée sur l’épaule droite, est maintenue avec une courroie. Chaque Suite commence, selon l’habitude, par un Prélude suivi de 5 brèves danses contrastées. Allemande (tempo modéré), Courante (gracieuse) Sarabande (méditative), Menuet (élégant) — ou, selon les Suites : Bourrée (virevoltante) ou Gavotte (tumultueuse) — et Gigue conclusive.
Voici une histoire inattendue du sort ultérieur de ces Suites restituées conformément à la pratique d’alors : ce n’est pas le moindre mérite à l’actif de Sergey Malov. Les comparatistes seront comblés.
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Tiré de l’oubli grâce à Jan A. Jarnicki, le compositeur et violoniste polonais Joachim KACZKOWSKI (1789-1829), actif à Varsovie, a connu une certaine notoriété en Autriche, Allemagne et Italie. Il est ici représenté par ses deux Concertos pour violon et orchestre. Interprété avec virtuosité par Agnieszka Marucha (après des études à Varsovie et Berlin, soliste, pédagogue, titulaire de nombreux Prix internationaux), accompagnée par l’Orchestre Symphonique Philharmonique Henryka Wieniaskiego de Lublin, sous la baguette experte de Wojciech Rodek, le premier, en la mineur (op. 8) comporte 3 mouvements : Moderato, Adagio et Polonoise, à mi-chemin entre MOZART et BEETHOVEN. Le second, en si mineur (op. 17), également tripartite : Maestoso — Romance Adagio — Rondeau à la Mazure. Allegro, mérite aussi l’enthousiasme du Label. Une belle découverte.
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Raul KOCZALSKI (1885-1948), considéré comme le « Mozart polonais », a rencontré un grand succès sur le plan international — mais guère dans son pays natal. Après s’être perfectionné en piano, vers 1903, il se consacre davantage à la composition, avant de revenir à une carrière européenne de concertiste. Le CD réserve une large part à ses 21 Solos et Duos (op. 121) en allemand magistralement servis par Katarzyna Dondalska (soprano fidèle au Label polonais) et Michal Janicki (baryton) accompagnés avec finesse par Michal Landowski (piano), suivis de 4 Chants romantique (op. 63). Le disque se termine gravement sur le cycle Chants des 4 Hafiz (personnes versées dans la connaissance du Coran).
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Né en 1990, Victor Julien-Laferrière se perfectionne au violoncelle au CNSMDP auprès de Roland Pidoux et de Heinrich Schiff à l’Université de Vienne. Très sollicité au plan international, il est accompagné au piano par Jonas Vitaud (né en 1980) — élève entre autres Christian Ivaldi, détenteur de 4 Premier Prix et Lauréat de plusieurs concours, à la carrière internationale. Ils interprètent en premier lieu la Sonate pour violoncelle en ré mineur (op. 40) de Dmitri CHOSTAKOVICH (St-Petersbourg, 1906-Moscou, 1975) comportant 4 mouvements contrastants : Allegro non troppo, Allegro, un Largo extatique s’opposant à l’espiègle Allegro conclusif. La Sonate pour violoncelle en sol mineur (op. 19) de Sergei RACHMANINOV (Semionovo, 1873-Beverly Hills, 1943) a également retenu leur attention. Aussi quadripartite : Lento. Allegro moderato — Allegro scherzando — Andante — Allegro mosso, elle se présente comme une miniature de ses concertos de piano. Le plus récent des 3 compositeurs : Edison DENISOV (Tomsk, 1929-Paris, 1996, peu apprécié de l’Union des compositeurs soviétiques pour son avant-gardisme) figure avec ses Variations sur un thème de Schubert. Une plongée en profondeur dans l’âme russe par deux interprètes français de haut-vol.
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L’Espagnol Francisco de Asis TARREGA (né à Villareal, en 1852-mort à Barcelone, en 1909) a commencé la guitare à l’âge de 8 ans ainsi que le piano. Neuf ans plus tard, ayant acquis une guitare bien plus sonore du facteur espagnol Antonio de Torres, il décide de se consacrer à cet instrument. Son œuvre marque un important jalon dans la technique guitaristique. Fondateur de la nouvelle école, il compose des danses (Danza Mora, tango, mazurka, gavotte, valse). Sa pièce la plus célèbre : Recuerdos de la Alhambra imite à souhait une boîte à musique (destinée à son fils).
Le guitariste suisse Michael Winkler (né à Zurich en 1962) — qui a étudié à la Musikakdemie de Zurich et obtenu le Diplôme de soliste au Conservatoire de Berne —, frappé par les mélodies, les harmonisations, l’élégance et le charme de ces 24 pièces brèves, leur réserve un sort royal. À elle seule, la somptueuse restitution de Recuerdos de la Alhambra, où l’écrin arpégé enveloppe doucement la mélodie « mandolinée », emporte l’adhésion... Certains auditeurs seront peut-être un tantinet déroutés par les sonorités et la puissance de la guitare retenue, mais les enseignants et interprètes tireront profit de la leçon technique et esthétique. À la fois déroutant et séduisant.
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CHOPIN a composé sa première Mazurka à l’âge de 14 ans, sa dernière est restée inachevée. Il s’agit d’une danse polonaise paysanne à ¾ originaire de Mazovie, de caractère slave, rustique et populaire. Cette forme engendre une vaste panoplie émotionnelle : tendresse, rêve, douceur ou nostalgie et morosité, mais aussi désinvolture, selon son état d’esprit du moment. Ces quelques 60 pièces illustrent son parcours esthétique et psychologique dans la longue durée. Dans ses miniatures, son langage exploite des accords de septièmes non résolues, des sixtes napolitaines, le chromatisme descendant, des effets d’écho, des contrechants et des motifs spontanés ainsi que diverses variétés de contrepoints. Yves Henry a retenu le piano PLEYEL n°5612 de Croissy (1837) donc contemporain des œuvres, et l’auditeur se croirait dans un salon mondain romantique. Ses analyses précises et percutantes seront très appréciées des mélomanes (cf. texte, p. 6-39).
Né en 1959, ce disciple de Pierre Sancan au CNSM, puis d’Aldo Ciccolini, a remporté de nombreux prix internationaux. Sa technique pianistique éblouissante et sa grande sensibilité forcent l’admiration, de même sa faculté de diversifier l’atmosphère et de respecter les intentions du compositeur. Un modèle inégalable de ténacité , on ne pouvait imaginer un meilleur hommage à Chopin.
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Toujours à l’affût d’une démarche originale voire historique, le Label SOUPIR retrace le dernier concert de CHOPIN donné le 16 février 1848 à Paris.
5 musiciens très motivés par cette restitution, interprètent des pages de W. A. MOZART, C. BELLINI, G. MEYERBEER et, surtout, Fr. CHOPIN, dont des Nocturnes, Sonate, Études, Préludes, Mazurkas, Valse… Décidément, Yves Henry (piano Pleyel 1837), Gilles Henry (violon), Adrien Frasse-Sombet (violoncelle), Julie Fuchs (soprano) et Xavier Le Maréchal (ténor) ont le chic pour transporter les mélomanes actuels dans l’atmosphère légendaire d’un salon parisien de 1848.
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Etsuko Hirose, pianiste et violoniste japonaise, tire de l’oubli Moritz MOSZKOWSKI (né à Breslau (Wroclaw) en 1854-mort à Paris en 1925), musicien allemand d’origine polonaise. Installé à Dresde en 1863 puis, 4 ans après, à Berlin, il y fait de brillantes études, admiré par Franz Liszt, entre autres, puis sera le professeur notamment de Wanda Landowska, Gaby Casadesus, Vlado Perlemuter… La pianiste réussit à recréer et à symboliser la « Belle Époque », avec un programme varié en 14 plages : arrangements (Barcarole des Contes d’Hoffmann ; Mort d’Iseult (Wagner), Valse (un chef-d’œuvre de poésie et de sensibilité), En automne… Un témoignage sonore (piano Bechstein, Église protestante St Marcel (à Paris) et une très juste réhabilitation et illustration de M. Moszkowski, de sa bravoure et de ses enjeux pianistiques.
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Nicolas Horvath a minutieusement regroupé une intéressante sélection de pièces inconnues dont certaines en brouillon, exhumées par le musicologue anglais Robert Orledge. Sur un total de 8, les 6 Préludes oubliés, particulièrement développés, figurent, révélés en premier enregistrement mondial. Certaines ont été transcrites, d’autres complétées. Claude DEBUSSY (1862-1918) les a élaborées entre 1902 et 1917.
À remarquer, également en première mondiale : la participation du narrateur Florient Azoulay à la plage 10 : No-Ja-Li, Le Palais du silence, Ballet chinois (1914, complété en 2005 et 2014) et à la pl. 15 : Un jour affreux avec le diable dans le beffroi (The Devil in the Belfry d’Edgar Allan POE, 1902/3, transcription 2018) ; inspiré du même auteur : A Night in the House of Usher (Une nuit dans la Maison Usher, 1915-1917, transcription 2010) ; Le Roi Lear (entre 1904 et 1908, complété en 2004 et 2018).
Nicolas Horvath (né en 1977 à Monaco), Lauréat de l’Académie de Musique Prince Rainier III, puis, après un passage à l’École Normale (Paris), s’est spécialisé dans la composition électroacoustique et a remporté de nombreux Concours internationaux. Pour ce programme, il a retenu un piano Steinway modèle C (1926, donc de la même époque).
Cette belle réalisation illustre le problème des transcriptions, compléments et arrangements en vue de l’interprétation dont s’acquitte avec une grande maîtrise et une haute musicalité le pianiste talentueux. Une avancée de plus au service du compositeur contemporain notamment de Maurice Emmanuel (1862-1938) : DEBUSSY autrement.
Édith Weber
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S. RACHMANINOV, né à Semionovo (Russie) en 1873 et mort à Los Angeles en 1943, après ses études de piano et contrepoint au Conservatoire de Moscou, devenu un grand pianiste virtuose, s’est installé aux États-Unis. Il a composé ses 8 Études-Tableaux (op. 33) en 1910 et ses 9 Études-Tableaux (op. 39) en 1916-1917.
Ce contemporain de Maurice Ravel et Bela Bartok, resté attaché à la tonalité, peut être considéré comme le dernier compositeur romantique dans le sillage de Chopin. Il se distingue par sa grande inventivité mélodique très personnelle, son lyrisme douloureux et tourmenté reflétant sa personnalité introvertie (et nerveuse).
Alberto Ferro, pianiste italien né en 1996, titulaire de nombreuses distinctions internationales, s’identifie pleinement aux intentions émotionnelles de ces Études-Tableaux sans titres. Interprétation raffinée à l’aune des états d’âme du compositeur. Sensibilité et raffinement d’exception.
Édith Weber
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Heitor VILLA-LOBOS, célèbre musicien brésilien (1887-1959), polyvalent, à la fois compositeur, violoncelliste et guitariste, pédagogue et ethnomusicologue, assez autodidacte, s’est intéressé au Cours de composition de Vincent d’Indy, aux chansons populaires brésiliennes, aux rythmes pratiqués par les Noirs, à la musique de salon venue d’Europe et aussi à l’âme indienne. Il a rayonné comme chef d’orchestre aux États Unis en Europe après la Seconde Guerre mondiale. Son catalogue prolifique comporte des œuvres de musique de chambre, des opéras, poèmes symphoniques, 6 symphonies… pour un total d’environ 1000 opus, y compris un Guide pratique de pièces pour piano, chant et chœurs. C’est le mérite du CIAR (Festival International Albert Roussel) d’avoir convié Flavio Varani, pianiste virtuose, à interpréter des pages telles que Bachianas Brasileiras, Carnaval das Criancas Brasileiras (des enfants) ou encore des Danses africaines caractéristiques… Elles illustrent les goûts multiformes, l’inspiration féconde, le langage personnel, l’inventivité harmonique, l’alternance entre la mélancolie et la joie, plus importante que le drame.
Comme le résume Damien Top (CIAR) : « la tradition spirituelle occidentale rejoint l’émerveillement sensuel du Continent amérindien » (dernière de couverture). Disque absolument remarquable.
Édith Weber
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Les discophiles bénéficient actuellement de nombreuses Intégrales. Henri TOMASI (Marseille, 1904 - Paris, 1971) a accompli une carrière internationale de chef d’orchestre, a étudié au CNSM l’harmonie, la direction d’orchestre avec Vincent d’Indy, la composition avec Paul Vidal et Philippe Gaubert. Prix de Rome, il est aussi titulaire de nombreuses distinctions internationales.
Avec enthousiasme et ténacité, la pianiste franco-britannique Emilie Capulet, conférencière, docteur en musicologie et littérature, a réalisé en 2 disques et en première discographique cette intégrale de l’œuvre pour piano solo du compositeur quelque peu oublié, ne se rattachant à aucune école. Ses sources d’inspiration comprennent, par exemple, le folklore, la musique populaire, la collection de chants corses (réunis par son père Xavier Tomasi), dont il exploite le lyrisme, les racines méditerranéennes. Il s’intéresse aux musiques de scène et radiophoniques, à la chorégraphie, recherche les sonorités exotiques, favorise le déroulement narratif, avec un sens inné du drame et de la beauté mélodique.
Dans le CD 1 (en 27 plages), avec passion, sensibilité et une virtuosité à toute épreuve, Emilie Capulet confirme l’affirmation d’Henri TOMASI : « La musique qui ne vient pas du cœur n’est pas de la musique ». Le CD 2 est consacrée à sa Féerie laotienne composée en 1939. Une belle découverte en perspective.
Édith Weber
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Les discophiles trouveront avec intérêt des enregistrements inédits d’œuvres pour piano, et piano avec orchestre, interprétées par Jeanne-Marie Darré (1905-1999), ancienne élève de Marguerite Long (1874-1966). À son époque, la sonorité chaude et chantante est obtenue par les méthodes Marie Jaëll (1846-1925) et Blanche Selva (1884-1942) ; l’agilité et la précision digitales, par la technique d’Isidore Philipp (1863-1958).
Cette sélection d’œuvres de Camille SAINT-SAËNS (1835-1921) comprend : l’Étude en forme de Valse, la Bourrée pour la main gauche (vraie gageure), enregistrées en 1953, la redoutable Toccata (op. 727/3), forme aussi cultivée par Charles-Marie Widor et Louis Vierne, gravée à l’âge de 26 ans.
Les deux CD, sous digipack, offrent également la Sonate pour violon et piano n°1 en ré mineur (op. 75) — avec Denise Soriano (1916-2006) — et celle pour violoncelle et piano n°1 en ut mineur (op. 32) — avec Maurice Maréchal (1892-1964) —, ainsi que 3 Concertos pour piano et orchestre, n°4 en ut mineur (op. 44), n°2 en sol mineur (op. 22) et n°5 en Fa majeur (op. 103), dirigés respectivement par Roberto Benzi, Charles Munch (Boston Symphony Orchestra) ainsi que Thomas Shippers — que les mélomanes retrouveront avec plaisir. Dans ces pages, Jeanne-Marie Darré s’affirme par sa méticulosité, sa concision, son phrasé, son contrôle de la sonorité mais aussi son romantisme et son lyrisme.
Cette réalisation met en valeur la brillante technique de la « grande dame du piano » (Harold Schonberg), concertiste internationale (dès 1920) tombée dans l’oubli et incomparable professeur (depuis 1958 au CNSM) mais — grâce à Yvette Carbou et au label SOLSTICE — de nouveau très présente.
Édith Weber
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Le pianiste et chef ukrainien Kirill Zvegintsov, formé dans son pays, puis en Suisse, Lauréat de plusieurs concours internationaux, convie les amateurs à un programme pour le moins divers et original autour de 4 compositeurs, dont deux peu connus.
Le CD s’ouvre avec l’Onzième Ordre de François COUPERIN (1668-1733), attestant la diversité esthétique du pianiste qui s’y illustre par son traitement spécifique de chaque miniature. Claude DEBUSSY (1862-1918) est représenté par Masques dont la percussivité est rendue à merveille. À retenir Eaux-fortes (qui donne son titre au CD) de Georges HUGON (1904-1980), élève d’Isidore Philipp et Georges Caussade, Jean Gallon et Paul Dukas au Conservatoire où il enseignera l’harmonie. Son écriture se veut sobre, marquée par les forts contrastes et la polytonalité et devient très originale. Dans ce quadriptyque datant de 1963, ce compositeur resté au second plan dresse 4 portraits aussi subtils qu’acrobatiques : Ophélie et Ariel (appartenant au théâtre sheakespearien) ; L’innocent et Maldoror (empruntés au Chants de Maldoror du poète Isidore Ducasse, alias le Comte de Lautréamont (1846-1870)). Kirill Zvegintsov y fait preuve d’une parfaite maîtrise du langage hugonien ainsi que d’une grande richesse expressive.
Le CD s’achève par l’inédite Fantaisie pour piano de Jacques LENOT (né en 1945), compositeur précoce, autodidacte ayant bénéficié de rencontres tutélaires, reconnu vers 2000, dont l’œuvre dans la mouvance sérielle bénéficie d’une écriture personnelle et exigeant une grande virtuosité. Très développée, cette vaste épopée sonore fait se percuter plusieurs plans expressifs que le pianiste mène de front avec une rare densité. Incontestablement : une découverte.
Édith Weber
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Cyril Guillotin réserve un sort royal à deux grandes œuvres du répertoire : la Suite Casse-Noisette de Piotr Illitch TCHAIKOWSKY (1840-1893), transcrite et arrangée pour piano par Mikhail Pletnev et Les Tableaux d’une exposition de Modeste MOURSSORGSKY (1839-1881). Dès les premières notes, son toucher tient l’auditeur en haleine et la trame romantique se déploie sans rétension. Les Tableaux révèlent la même capacité à passer d’une focale minimaliste à l’immensité monumentale.
À noter, en premier enregistrement mondial : la Suite (tricolore) « Les Visages » de Laurent LEFRANÇOIS (compositeur né à Caen en 1974) : Bleu le courageux ; Rouge le héros ; Blanc le rusé, chaque couleur étant hautement caractérisée. Une autre découverte…
Édith Weber
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La pianiste et accompagnatrice française, Myriam Barbaux-Cohen, formée à Paris, puis en Suisse et en Espagne, installée à Francfort, est spécialisée dans la musique romantique. Ce premier CD traduit sa dilection hispanique qu’elle partage avec un rare bonheur. Son jeu n’est pas sans rappeler la méthode Blanche Selva (technique du poignet, sonorité chatoyante grâce à la somptuosité timbrique du Piano Bechstein convenant admirablement à ce répertoire). L’interprète a choisi la musique pour piano du compositeur catalan Enrique GRANADOS (1867-1916) en raison de son « mélange de légèreté et de profondeur ». Pour s’imprégner pleinement du climat ibérique, elle s’est rendue sur place. Au programme : le Livre d’heures, des Lettres d’amour (Valses intimes), des Scènes poétiques (Livres I et II), Valses poétiques, Oriental (n°2 des Danses espagnoles), sans oublier un Allegro de concert où Myriam Barbaux-Cohen donne toute sa mesure. Une échappée belle catalane à suivre.
Édith Weber
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La pianiste, claveciniste, organiste, harpiste, soprano et théoricienne polonaise au grand rayonnement international, Aleksandra GARBAL (née en 1970, formée à Varsovie et Katowice) est également compositrice. Un CD précédemment recensé témoignait de sa polyvalence compositionnelle, mais son corpus pour piano est également conséquent. 22 plages hautes en couleurs, regroupent, sous des titres anglais et polonais, notamment Les Voyages des Nains, 20 Images d’une visite au zoo, Épilogue, Les Couleurs de la Mer, Étude-Polonaise dédiée à Artur Cimirro, incontournable et talentueux pianiste d’ACTE PRÉALABLE qui s’illustre au fil des divers pages. Le CD s’ouvre sur une combinaison percussion/piano du meilleur effet. Dans ce premier volume, le pianiste fait preuve d’émotion, d’une grande concentration, d’un engagement total toujours proche du public. Aleksandra GARBAL mise sur l’importance de la mélodie et de l’harmonie, le chromatisme, les clusters (avec 5 doigts), le lyrisme mélodique dans les miniatures ainsi que les rythmes variés. Sur le plan pédagogique, ces morceaux s’adressent à des niveaux différents. Une belle réalisation de plus à l’actif de Jan A. Jarnicki et de son Label si prolifique au service de la musique notamment polonaise.
Édith Weber
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Considéré comme le « Mozart polonais », le compositeur et pianiste Raul KOCZALSKI (1885-1948) a rencontré un grand succès sur le plan international sauf dans son pays natal. Après s’être perfectionné en piano avec Anton Rubinstein, vers 1903, il se consacre davantage à la composition, avant de revenir à une carrière européenne de concertiste. C’est encore l’éminente pianiste polonaise, Joanna Lawrynowicz, qui poursuit l’enregistrement des Concertos nos 5 et 6, toujours accompagnée par l’Orchestre Philharmonique de Lublin, dirigé par Wojciech Rodek — tous deux infatigables promoteurs de la musique polonaise — qui ont répondu avec enthousiasme à la poursuite du projet d’exhumation de cette musique concertante. Le Concerto pour piano n°5 en Ré Majeur (op. 140) comporte 4 mouvements contrastés : Moderato, Adagio, Vivo et final Maestoso, tout comme le n°6 en Ré Majeur (op. 145) : Andante, Lento sostenuto, Scherzo. Vivace et Deciso, patetico, chacun rendu avec soin et musicalité par les interprètes au service de la musique de leur compatriote.
Édith Weber
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Voici, en premier enregistrement mondial, l’œuvre pour piano de Claude DELVINCOURT (né à Paris en 1888, mort à Ortebello (Italie) en 1954), élève de Léon Boëllmann, Henri Busser, Georges Caussade et Charles-Marie Widor. Grand Prix de Rome (1913), éborgné fin 1915 en Argonne, il sera organiste titulaire de l’Église St-Jacques, à Dieppe (1926). En 1941, directeur du Conservatoire de Paris, il y modernise les méthodes pédagogiques. Dans ce premier CD, sont réunies une vingtaine de pièces brèves interprétées au Piano Steinway D Concert, sous les doigts agiles de Diane Andersen, pianiste belge d’origine danoise (née en 1937), professeur honoraire au Conservatoire royal de Bruxelles.
Le recueil (1931), Croquembouches (dédié à sa « fille Annie Pifre », comporte 12 pièces brèves aux titres alléchants : Omelette au rhum, Grenadine, Meringue à la crème, Plum pudding… et n’engendrant pas la morosité. À noter 4 pages inédites proches des formes traditionnelles : Prélude et Fugue, Menuet, Gavotte, Valse ; son ultime pièce pour piano bitonale : Galéjade (éditée en 1952) témoigne de sens invétéré de la plaisanterie. Le volume contient encore Cinq Pièces pour le piano : Prélude, Danse pour rire, Tempo di Minuetto, Berceuse, Danse hollandaise… hautes en couleur. Le toucher délicat et si précis de Diane Andersen rend un somptueux hommage à ce maître français.
Édith Weber
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Voici une confrontation patronymique et musicale peu commune, associant Robert SCHUMANN (1810-1856), les frères Georg (1866-1952) et Camillo SCHUMANN (1872-1946) et, de surcroît, avec une sortie physique et numérique mondiale, à partir d’un enregistrement en 2019, en l’Église protestante Saint-Marcel (Paris) réputée pour sa remarquable acoustique et sa sonorité large.
Cyrielle Golin (violoncelle Caussin, 1866) et Antoine Mourlas (piano Steinway & Sons, 1986) convient les mélomanes à un exceptionnel moment musical romantique et postromantique, illustré par deux formes : Stücke (pièces) et Sonates. Selon le texte de présentation, la fratrie Camillo et Georg SCHUMANN, « issue d’une grande tradition musicale partage pourtant de nombreux liens avec l’illustre Robert Schumann », d’où la problématique du disque. Cette invitation au voyage dans le temps (XIXe-XXe siècles), avec les 5 Stücke im Volkston, pièces de caractère populaire, de Robert (op. 102, 1849) qui ont enchanté son épouse Clara, avec une certaine tendance à l’imagination est de facture romantique et vivement ressentie par les deux interprètes. Il s’agit de 5 œuvres brèves avec des indications précises : Vanitas vanitatum (avec humour) ; Lent ; pas vite ; pas trop rapide ; Fort et marqué, scrupuleusement respectées.
Georg SCHUMANN a écrit, fin 1897, sa Sonate en mi mineur (op. 19) ; il y privilégie l’alternance binaire/ternaire, des harmonies rares et se souvient de BRAHMS. Il a accompli une carrière de concertiste internationale. Camillo SCHUMANN, son frère, aussi originaire de Saxe, est organiste, pianiste et chef d’orchestre. Sa Sonate n°1 (op. 59, éditée par Breitkopf & Härtel en 2017), très imprégnée de romantisme allemand, est une première mondiale.
Passionnant voyage comparatif (avec découverte) en Schumannie.
Édith Weber
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Sous ce titre plus recherché, Catherine Lechner-Reydellet propose en fait un dictionnaire des pianistes français nés entre 1846 (Marie Jaëll) et 1952 (Brigitte Engerer) actifs depuis la deuxième moitié du XIXe siècle jusqu’en 2012, donc dans la longue durée. Ce guide a la particularité de faire appel à leurs élèves, donc aux sources authentiques relevant d’intenses témoignages, pour un total de 50 entrées.
La publication est abondamment illustrée et bénéficie d’un très copieux Index des noms. Elle pourrait servir de prétexte à d’autres investigations comparatives, par exemple sur le problème du trac qui démolit nerveusement ; sur la qualité de l’accueil des élèves (choc d’une rencontre avec Yves Nat) ; sur le « charme miraculeux » de Ginette Doyen ; sur les spécialités et particularismes des professeurs (dont l’enseignement novateur de Lazare-Lévy) ; sur l’exigence de l’ordre et de l’efficacité dans la classe de Jeanne-Marie Darré ; sur l’héritage de Reine Gianolli et son énergie débordante… Pour la préparation d’un concours, Yvonne Lefébure fait entrevoir le génie de BEETHOVEN. Les divers enseignants avaient leurs exigences : Alfred Cortot insiste sur le sens de chaque œuvre ; Brigitte Engerer, sur l’importance du rythme, de la construction du discours musical et de la faculté de s’émouvoir (facteur indispensable).
Il serait aussi instructif de considérer les techniques de Marie Jaëll (1846-1925, élève de Franz Liszt), sensible aux recherches neuropsychologiques, et de Blanche Selva (1884-1942) dans le domaine de la sonorité pianistique : elles obtiennent la même qualité chantante et sonore par des moyens opposés : d’un côté « caresser » les touches et, de l’autre, « appuis spectaculaires du poignet ». La tradition de la grande École française, magistralement révélée par ces « Légendes », pourra susciter d’autres études.
Édith WEBER
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