Lettre d’Information – n°68 – Mars 2013



 

 

 

 

                               


À RESERVER SUR L'AGENDA

 

 

17 & 24/03

 

La XXVIII ème Semaine Sainte à Arles

 


© JP Campion

 

L'association du Méjan organise, les dimanches 17 et 24 mars 2013, dans la belle chapelle du Méjan, trois concerts d'exception, pour fêter la Semaine Sainte en Arles. Le 17 mars, à 11H, le Concerto Italiano et Rinaldo Alessandrini joueront, autour du thème « Per la Virgine Maria », des pièces de Monteverdi, Carissimi, Scarlatti mais aussi des moins connus Alessandro Melani et Pietro Paolo Benci. Le même jour, à 17H, Rinaldo Alessandrini donnera un récital de clavecin, « L'Europe du clavecin », avec des pages de Frescobaldi, Buxtehude, Bach, Haendel, et François Dagincour. Le 24 mars, à 11H, Hervé Niquet et Le Concert Spirituel interpréteront la Messe Ad Majorem Dei Gloriam de Campra, et le Gloria et le Magnificat de Vivaldi. Des interprètes de choix dans un lieu magique ! Ces concerts s'inscrivent dans les manifestations du  label Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture.

 

Renseignements et location : Association du Méjan, BP 90038, 13633 Arles ; par tél.: 04 0 49 56 78 ; mejan@actes-sud.fr

 

Jean-Pierre Robert.

 

21 au 24/03

 

Festival de quatuors à Saint-Roch

 

La 5 ème édition du Festival de quatuors à Saint-Roch aura lieu du 21 au 24 mars, dans la belle Chapelle du Calvaire. Restaurée grâce à l'engagement, et la générosité, d'un mécène américain, cette chapelle bâtie en 1754, est devenue un lieu incontournable pour ce genre musical. Le présent festival permettra d'entendre, comme les années précédentes, un florilège de jeunes formations : le Quatuor Asasello (21 mars), le Quatuor Tercea (le 23), le Quatuor Armida ( le 22), et le Quatuor Hermes (23 et 24), ces deux deniers 1er prix ex-aequo, en 2011, du Concours de Genève. Ces diverses formations misent sur l'éclectisme, puisque leur programmation s'étend de Mozart à Schumman, de Bartók à Webern, et même aux compositions de Horatio Radulescu, Lucien Durosoir ou André Boucourechliev. Des concerts à ne pas manquer pour qui apprécie l'intimité de la musique de chambre, dans un lieu choisi.

 

Église Saint-Roch, Chapelle du Calvaire, 24, rue Saint-Roch, 75001 Paris. Concerts, les 21, 22, 23 à 20 H, et les 23 et 24 à 16 H.

Location : Fnac, ou par tel au 01 46 32 02 26;   contact13@ars-mobilis.com

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

21, 24, 27, 29/03

 

Salomé pour un nouvel auditorium à Bordeaux

 


© Sudouest.fr

 

Comment mieux apprécier le flambant neuf auditorium de Bordeaux qu'en allant y savourer Salomé de Richard Strauss. Cette salle de concert, dont se dote enfin la cité girondine, a été inaugurée le 14 janvier dernier. Elle permet, enfin, à l'Orchestre National Bordeaux Aquitaine de trouver sa vraie place au centre-ville, et de délaisser l'incommode Palais des sports. Et aussi pour cette formation d'aborder, dans le domaine du lyrique, des compositions qui lui étaient refusées jusqu'alors, en raison de l'étroitesse de la fosse du Grand Théâtre. Ainsi en est-il du chef d'œuvre sulfureux de Strauss. Celui-ci verra la prise de rôle de Mireille Delunsch, artiste associée de la saison 2012-2013. Le pari est osé, mais l'engagement dont sait faire montre la chanteuse, qui peut aller jusqu'à se consumer, devrait autoriser un portrait hautement dramatique. La mise en scène sera assurée par Dominique Pitoiset, et la direction d'orchestre confiée au directeur musical et artistique Kwamé Ryan.

 

Auditorium de Bordeaux, Salle Dutilleux, 9-13, Cours Georges Clemenceau, 33000 Bordeaux, les 21, 27, 29 mars à 20H, et le 24 mars à 15H.

Location : Grand Théâtre, Place de la Comédie, 33000 Bordeaux ; par tél : 05 56 80 85 95 ; http://www.opera-bordeaux.com/

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

23 & 24/03

 

Gustavo Dudamel & le Los Angeles Philharmonic à Paris.

 


© DR

 

Événement que le passage à Paris, salle Pleyel, du jeune, talentueux et très médiatique chef d’orchestre vénézuélien, Gustavo Dudamel, dit « Duddy », à la tête du Los Angeles Philharmonic, dont il a pris la direction en 2009, succédant au finlandais Esa-Pekka Salonen. Gustavo Dudamel, âgé de 32 ans, est le symbole de la réussite du Sistema, programme vénézuélien d’action sociale par la musique. Nul doute qu’il saura transmettre toute sa fougue et son enthousiasme à la mythique phalange américaine, dans deux programmes qui sortent des sentiers battus, exclusivement consacrés au répertoire du XXème et du XXIème siècle ! The Gospel According to the Other Mary, le nouvel oratorio de John Adams, raconte la Passion du Christ dans une perspective inhabituelle : à travers le regard de Lazare et de ses sœurs Marthe et Marie de Béthanie. Le spectacle sera mis en espace par l'ami Peter Sellars. Cette création française aura lieu le 23 mars, à 20 H. Un programme célébrant les couleurs orchestrales, le lendemain, 24 mars, à 16 H, associera Zipangu, pièce pour treize cordes, du canadien Claude Vivier (1948-1983), La Mer de Claude Debussy, et L’Oiseau de Feu d'Igor Stravinski, dans sa version complète.

 

Location : 252, rue du faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris ; par tél : 01 42 56 13 13 ; http://www.sallepleyel.fr/.

 

Patrice Imbaud.

 

 

26, 27, 30/03 & 5, 6/04

 

L'autre Ring : Siegfried et l'Anneau maudit

 


Croquis : Jérôme Kaplan

 

 

 

Une ravigotante initiative que la présentation, aux côtés du Ring de Wagner, d'une évocation modèle réduit, de l'immense Tétralogie, à destination des plus jeunes, et des autres. Cette version inédite miniature est centrée autour de la quête de l'anneau par Siegfried, dont est racontée l'aventure cosmique. En trois volets : la découverte de l'anneau magique, le voyage de Siegfried à travers le monde, le temps des complots. Ce spectacle, conçu par Charlotte Nessi, de l'Ensemble Justiniana, est basé sur un arrangement pour seize instruments, réalisé en collaboration avec la classe d'arrangement du CSM de Paris. « Pas un mot, pas une note qui ne soit de Richard Wagner », souligne Christophe Ghristi, directeur de la dramaturgie à l'Opéra de Paris ! Le merveilleux est privilégié dans cette adaptation, qui se veut aller au-delà du simple digest. La direction des solistes du Cercle de l'Harmonie et de l'Ensemble Initium, est confiée à Marius Stieghorst. Il sera entouré d'une équipe de jeunes chanteurs qui n'en sont pas à leur première découverte. Une excellente introduction au Grand œuvre wagnérien !

 

Amphithéâtre de l'Opéra Bastille, les 26, 30 mars, 5, 6 avril 2913, à 2OH, et le 27 mars à 15H. Matinées scolaires réservées les 25, 29 mars, et 4 avril, à 14H30.

Réservation : guichets de l'Opéra Bastille et du Palais Garnier ; par tel. : 08 92 89 90 90  ; http://www.operadeparis.fr 

 

Une tournée en province est prévue au cours de la saison 2013/2014, à Saint-Etienne, les 6 et 7 décembre 2013, puis à Besançon, Montbéliard, Nancy, Vichy...

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

16 & 17/03

 

Fer de lance du quatuor à cordes : ProQuartet, Centre Européen de musique de chambre

 

 

L'association ProQuartet organise, les 16 et 17 mars 2013, un week-end de musique de chambre à l'intention des musiciens amateurs. Il sera encadré par le Quatuor Voce, et se déroulera au Conservatoire à Rayonnement départemental de Créteil. Chaque groupe recevra 4 heures de cours durant les deux jours. Une rencontre collective est prévue le samedi, en fin d'après-midi. Un concert des ensembles participants, dans l'Auditorium, viendra clore le stage, le dimanche, à 17H.

 

Renseignements et inscriptions : helene.letouze@proquartet.fr

 

Par ailleurs, dans le cadre des actions de sensibilisation à l'endroit des musiciens amateurs, et parallèlement à celles menées en direction des élèves, en partenariat avec des établissements des XI, XVIII, et XIXème arrondissements de Paris, des cours personnalisés à l'année ont lieu à la Cité des arts à Paris. Louis Firma et Pascal Moragues offrent à des ensembles à cordes ou mixtes vents-cordes, des cours dont la fréquence et le nombre sont définis en fonction des besoins. Louis Firma donne ainsi, depuis février, des cours à cinq quatuors à cordes.

 

Renseignements : bettina.sadoux@proquartet.fr

 

Enfin, des formations à destination des professionnels ont lieu à Paris, mais aussi en Provence, sous l'égide de chambristes éminents. Ainsi, à Paris, par Günther Pichler, de feu Alban Berg Quartet, du 8 au 13 avril 2013, avec une masterclasse publique le 11 avril, Rainer Schmidt, du Hagen Quartet, du 29 avril au 1er mai, et masterclasse publique le 1er mai, ou encore Valentin Erben, du 25 au 31 mai et masterclasse le 31 mai.

 

Renseignements et inscriptions : mailto:patricia.nydegger@proquartet.fr

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

03/04

 

Un oratorio cataclysmique de Michelangelo Falvetti

 


©Bertrand Chimène

 

 

Le Chœur de Chambre de Namur et la Capella Mediterranea, sous la direction de Leonardo Garcia Alarcón, interpréteront, à l'Opéra Comique, Il Diluvio Universale de Michelangelo Falvetti, oratorio italien en trois parties, qui avait été donné en création lors de l'édition 2010 du Festival d'Ambronay. Oubliée depuis trois siècles, cette partition est d’une originalité sans pareille dans l’histoire de l’oratorio italien. C’est en 1682, à Messine, que le calabrais Falvetti, nommé la même année maître de chapelle de la cathédrale, joue cette composition, qui s’inspire d’un des thèmes les plus sacrés de la Bible, le Déluge. L’œuvre est un vrai catalogue des émotions humaines autant que des genres musicaux, alors en vogue.

 

Opéra Comique, le 3 avril, à 20 H.

Location : 1, Place Boieldieu, 75002 Paris ; par tel : 0825 01 01 23 ; http://:www.opera-comique.com/

 

Jean-Pierre Robert.

 

10 au 14/04

 

Focus jeune public à Nantes

 


© DR

 

A Nantes, le festival « Petits et grands » propose un programme vitaminé de spectacles pour enfants, et des rendez-vous foisonnants. Un montreur de puces savantes, le premier concert de rock'n roll pour les enfants, des jongleurs de cloches ou d'objets volants non identifiés....le festival accueillera pas moins de 50 spectacles, au Château des ducs de Bretagne et dans une vingtaine d'autre lieux, joués par des compagnies nationales et internationales. Au total plus de 120 représentations. Le festival veut donner aux plus jeunes, et aux parents, le goût de la culture, et susciter des vocations de spectateurs dès le plus jeune âge. Une large partie de la programmation s'adresse ainsi aux tout petits, dès 6 mois ! Tous les genres de spectacle seront représentés : musique, théâtre, danse, marionnettes, conte, cirque....Il y en aura pour tous les goûts, à des prix très, très doux.

 

Nantes, du 10 au 14 avril 2013.

Programme détaillé et réservations : petitsetgrands.net

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

13 & 14/04

 

Le Quatuor Hagen  entame son intégrale des Quatuors à cordes de Beethoven.

 

 


©Harald Hoffmann

 

C'est un des sommets de la musique de chambre occidentale que franchiront, avec le talent que l’on sait, les membres du mythique Hagen Quartet : l'intégrale des Quatuors de Beethoven. Une sorte de nouveau défi pour cet ensemble. Cohésion, immense musicalité, profondeur de l’interprétation, les Hagen font figure de légende vivante du quatuor à cordes. Dans ses quatuors, Beethoven trace l'itinéraire de toute une vie de composition, du classicisme, parfaitement assimilé, à une modernité avant-gardiste et innovante, qui ne s’est, jusqu’à ce jour, encore jamais démentie. L'intégrale des seize opus sera répartie sur six concerts et deux week ends, dont le premier aura lieu en mars, et le second en décembre 2013. Les Hagen ont choisi de rapprocher, à chaque concert, les trois périodes, ou « époques » du compositeur. Des exécutions indispensables pour qui veut pénétrer au plus près de cette somme beethovénienne, de musique pure tout simplement. 

 

Salle Pleyel : samedi 13 mars à 16 H & 20H, et  dimanche 14 mars à 11H. 

Location : 252, rue du faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris ; par tél : 01 42 56 13 13 ; http://www.sallepleyel.fr/.

 

Patrice Imbaud.

 

 

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L’ARTICLE DU MOIS

 

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Rencontre avec Annick Massis : au nom du beau chant français

 

 

La soprano Annick Massis est depuis longtemps considérée comme une ambassadrice du beau chant français, synonyme d'exigence et de rigueur. Discrète, au point de peu se préoccuper de l'emphase médiatique. Est-ce pour cela qu'on ne la distribue que parcimonieusement dans nos maisons d'opéra, alors que les scènes étrangères la réclament, d'Amsterdam à Milan, de Vienne à Berlin. Notre rencontre parisienne, mi-janvier dernier, découvre une personne affable, combien enthousiaste pour son art. 

 

Une série de concerts, à Lyon et Paris, de L'Enfant et les sortilèges, Les Pêcheurs de perles à Strasbourg : est-ce le signal d'un retour à l'opéra français ?

 

On peut dire cela. J'aime l'opéra français, et défendre ce répertoire, qui est le mien, me tient particulièrement à cœur. L'Enfant et les sortilèges de Ravel, je l'ai interprété en concert, avec Simon Rattle. Ce fut l'occasion d'un travail fantastique avec ce chef, dans la salle mythique de la Philharmonie de Berlin, avec des collègues exceptionnels. L'évènement a été préservé par le disque, capté live, par EMI. Avec l'Orchestre de Lyon, et Leonard Slatkin, un chef que je ne connais pas encore, c'est une nouvelle expérience, sûrement enrichissante. Je l'ai aussi interprété sur scène, à Monte Carlo, l'année dernière, dans une mise en scène signée de son directeur, Jean-Louis Grinda. Cette production présentait l'originalité de  réunir les trois rôles confiés au soprano aigu, en un seul et même personnage, celui d'une gouvernante, qui, tour à tour, incarnait le Feu, la Princesse, et le Rossignol. Cela donnait de la vie à la pièce, et le texte de Colette prenait un étonnant relief. Quant au personnage de Leila, des Pêcheur de perles, il m'est cher aussi, et j'attends avec joie la production de l'Opéra du Rhin, en mai prochain.

 


© Gianni Ugolini

 

Et le grand opéra français du XIXème ?

 

J'ai joué La Juive [ la Princesse Eudoxie ], et Les Huguenots [ Marguerite de Valois ]. Je vais aborder le rôle d'Isabelle, de Robert le diable, en concert, à Barcelone. Ce dernier rôle est intéressant. Il est situé, tout comme les parties des deux autres opéras cités, de Halévy et de Meyerbeer, dans la tessiture aiguë du soprano. Et il contraste parfaitement avec l'autre rôle féminin de la pièce. J'aimerais aussi incarner d'autres reines, ces personnages dont foisonne le répertoire du grand opéra. Il faut développer le répertoire français. Il est immense et varié. Le XIXème recèle des trésors, encore cachés, ou insuffisamment mis en valeur. II y a, bien sûr, les trois rôles de femmes des Contes d'Hoffmann. Les incarner durant la même représentation ne me pose pas de problème. On les a, certes, souvent distribués à des voix plus légères, en pensant d'abord à Olympia. Ce fut le cas, par exemple de Joan Sutherland. Mais il faut autre chose, qu'appellent les deux autres rôles : un médium développé, corsé, est indispensable. Le personnage d'Antonia est assurément le plus intéressant, et le mieux caractérisé vocalement par Offenbach. J'ai beaucoup de joie aussi à camper Giulietta, une partie vocale grave, là aussi ; mais cela ne présente pas pour moi de difficulté. Ce qui est intéressant dans le fait de jouer les trois rôles, au cours de la même représentation, c'est la nécessité de se confronter à trois psychologies différentes. Il faut, bien sûr, une grande expérience, pour gérer la chose. Une confidence : lors de ma première audition à l'Opéra de Vienne, j'avais chanté plusieurs airs, dont celui de Philine de Mignon, rôle dans lequel j'ai débuté, et qui fait écho à Maria Callas. Le directeur, Ioan Holender, me dit alors : « Que voulez-vous ? Olympia ? » J'ai eu l'audace de dire non ! Il est certain qu'on peut faire de ce rôle plus qu'une pure démonstration virtuose.

 

Et certains metteurs en scène, tel Robert Carsen, à l'Opéra Bastille, qui, justement, s'attachent à une approche globale, à une mise en perspective, incluant Stella, la cantatrice - « quatre femmes en une femme -, ont su tirer de chacune, d'Olympia en particulier, des ressources insoupçonnées.

 

C'est vrai. Et cela, on peut même le faire passer dans une exécution de concert. Avec Michel Plasson, l'année dernière, à Amsterdam, j'ai eu beaucoup de plaisir à chanter ces quatre personnages, car je me sentais en confiance avec lui. A propos des autres rôles, gratifiants, du répertoire français, je vais reprendre Juliette, de Gounod [Roméo et Juliette]. J'aimerais aussi tant faire Thaïs, de Massenet : le rôle correspond parfaitement à l'état actuel de ma voix. Le faire avec Michel Plasson, ce serait le rêve !

 

Comment voyez-vous la situation de l'art lyrique, en France, du point de vue vocal ?

 

Ma position est nuancée. Il y a des voix. La relève semble assurée. Il n'est que de voir l'ascension de la jeune Julie Fuchs, dont l'énergie et l'appétit font plaisir à voir. Mais y a-t-il beaucoup de collègues qui peuvent se produire dans les grandes maisons, celles qui comptent dans la carrière, en France ou à l'étranger ? Par ailleurs, on constate un gros déficit de productions dans les maisons d'opéra. Les productions nouvelles se font rares. Encore qu'on soit peut-être enfin sorti d'une sorte d'enfermement, ces derniers temps. Quelques signes rendent optimiste. On vous associe des étiquettes aussi, ce qui ne facilite pas les choses : par exemple, celle de chanteur affidé au baroque, ou spécialisé dans le contemporain, au motif que vous avez chanté quelques  œuvres de ces répertoires. Pour prendre mon propre cas, j'ai commencé par l'opéra français du XIXeme. Mais diverses incursions dans le baroque font qu'on a, pendant longtemps, pensé à moi pour ce dernier répertoire.   

 

Que pensez-vous de l'enseignement du chant, en France, actuellement ?

 

Transmettre me passionne. Il y a beaucoup de choses que je voudrais faire partager. Mais il y faut du temps. Et ménager carrière et enseignement est délicat. Le travail est différent : la position vocale est différente, du point de vue psychique. On éteint quelque chose en soi, même en donnant beaucoup d'exemples. Cela éveille, certes. Puis juste après, il faut reprendre son égo. Mais la chose est enrichissante, car c'est un travail sur la matière humaine, avec toutes ses subtilités, émotionnelles en particulier. La perception physique d'un rôle, d'un air même, est quelque chose qu'il est passionnant de travailler avec les étudiants, car elle est essentielle pour le métier. Et puis cela me plaît foncièrement d'entendre une voix qui cherche à s'exprimer. L'essentiel est de s'attacher à la qualité.

 

Il me revient une expérience singulière, intitulée « Open opera ». La chaîne de télévision franco-allemande Arte organisait, à Berlin, un casting sur Carmen, pour distribuer les quatre rôles principaux à des jeunes chanteurs. J'étais dans le jury qui devait sélectionner les candidats. Mais mon rôle ne s'est pas arrêté là : je l'ai conçu comme une aide qui pouvait être apportée aux étudiants, un soutien technique aussi bien que moral. Cette expérience m'a enthousiasmée. Car il n'est rien de tel que la mise en situation quasi réelle. Ceux des compétiteurs qui ont finalement été retenus, et désignés comme vainqueurs de cette épreuve, ont ensuite été appelés à travailler pour des théâtres.

 

Et puis le fait de « passer à la télé » est de nature à les lancer. Car cela flashe! C'est aussi tout bénéfice pour tout le monde. Cela montre au grand public ce qu'il y a derrière, l'envers du décor en quelque sorte : la dose de travail exigée, souvent impressionnante, la façon de se comporter scéniquement, du fait de la mise en situation, en dépassant ses peurs et ses inhibitions, sans pour autant « en faire trop » , la manière de ménager la voix, d'aborder le rôle. Certains le faisaient avec des idées préconçues, d'autres au contraire restaient ouverts à la critique. 

 

Le répertoire italien est loin d'être chez vous, délaissé. A l'avenir, Verdi ou le bel canto, ou les deux ?

 

À Vienne, l'année dernière, au Staatsoper, j'ai chanté Lucia di Lammermoor. Je ferai La Sonnambula (Amina) bientôt, à Monte Carlo, en concert. Je suis très attachée à ce répertoire bel cantiste. Et il y a tant à faire : les trois reines de Donizetti [ Anna Bolena, Maria Stuarda, Roberto Devereux ], et bien d'autres encore. Le jeune Verdi m'intéresse également. Un opéra comme I Masnadieri, par exemple, me tente. Sans oublier Rossini. Il occupe tant. Il ne permet jamais de se poser. Cela va partout, et dévore votre énergie. Je me souviens d'un Comte Ory [Adèle] à Glyndebourne, une expérience fastueuse. Il faut encore tirer des titres de l'oubli. Je l'ai souvent fait : La Dame blanche, par exemple. Ou encore les rôles enregistrés pour le label Opera Rara, « du bel canto inédit », comme ils l'appellent. Argument de marketing, certes, mais qui correspond bien à la réalité. Ainsi de Francesca de Foix, et d'Elvida, de Donizetti, de Pavento Insano de Mercadante, ou encore de Marguerite d'Anjou de Meyerbeer. 

 

Il n'est pas toujours aisé de faire cohabiter les divers répertoires, et de ménager un équilibre entre les divers rôles au cours d'une même saison. Plusieurs facteurs entrent en jeu, avec lesquels il vous faut jongler. Ainsi, en va-t-il des aléas de la programmation. Il y a beaucoup de changements dans les maisons d'opéra, ces dernières années, une moins grande visibilité, en terme de prévision de programmes, en Italie par exemple, hormis La Scala. Même si les maisons françaises, et allemandes d'ailleurs, sont plus «  correctes » en la matière. On programme de plus en plus tard, partout. A huit mois, par exemple, alors qu'hier, il n'était pas rare d'être demandée plus de trois ans à l'avance.

 

Les exigences de la mise en scène ne sont-elles pas également une composante avec laquelle il faut compter, sinon accepter, au risque de rater une occasion d'engagement ? C'est William Christie qui dans une récente interview, dit «  j'essaie toujours de façonner mon interprétation musicale sur les partis pris de la mise en scène, seule façon de faire vivre le théâtre lyrique ». Déclaration éclairante de la part d'un éminent interprète, qui sait ce que collaboration chef-régisseur veut dire. Ce paramètre ne devient-il pas essentiel ?

 

Les demandes des metteurs en scène sont effectivement un autre facteur qu'il vous faut gérer soigneusement. Sans entrer dans la vaste discussion quant à la pertinence des transpositions et autres ré interprétations, auxquels aiment se livrer les régisseurs, et les phénomènes de mode, un point préoccupant demeure l'engagement physique qu'ils exigent de leurs interprètes. Un trait commun à tous ou presque aujourd'hui. Ce qui peut s'avérer problématique pour la voix. On demande parfois au chanteur d'aller  jusqu'au point de rupture d'un équilibre conciliant chant et prestation scénique. Jouer sur une scène de théâtre requiert déjà un certain investissement. Autre chose est de devoir se livrer à une « gestique » ressortissant souvent à un périlleux exercice physique, tenant parfois de la prouesse. Comment chanter normalement, ménager la voix, confronté à de telles exigences ?

 


©KNO

 

Pour en revenir à l'opéra français : vous avez magnifiquement interprété le rôle de Blanche de la Force des Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc. Que vous inspire ce personnage, qui vit une vraie tragédie intérieure ? 

 

C'est pour moi un grand bonheur de le jouer. Je n'ai pas de doute sur le personnage. La tessiture en est grave, mais me convient...

 

Que voulez-vous dire par là ? On connaît ce mot de Poulenc, dans sa Correspondance, à propos de l'écriture pour la voix, de cette pièce : « C'est follement vocal ».

 

C'est un opéra à résonance spirituelle. Cela a un grand écho en moi. Il met en valeur des questionnements ou des thèmes que je côtoie où ai côtoyé, où côtoierai sans doute de près : la peur, la foi, la mort, l'incertitude, la peur de la mort, la joie, l'amour, être présent dans ses actes, même dans sa peur, la peur de la peur, mais aussi le dépassement de soi, la pureté, la naïveté, l'empathie jusqu'à l'extrême... Faut-il croire en quelque chose qui aide à vivre et à mourir ? Faut-il contourner cette peur ultime de la mort ? Est-ce que Blanche n'a pas raison ? Elle a peur, mais provoque, et se provoque elle-même, tant elle semble fascinée et happée par  cette recherche sans fin. Au demeurant, n'est-elle pas la plus honnêtement consciente, et la plus consciemment honnête ?

 

La musique immense de Poulenc offre un véhicule extraordinaire. Avec cet opéra,  Poulenc est proche de la musique italienne. Et cela se chante comme du Puccini ! Il souhaitait que le rôle de Blanche soit dévolu à une Thaïs... Le chant est très lyrique et plein, très précis, dans des tonalités surprenantes. Il emporte une exigence de clarté syllabique très honnête. Le texte de Bernanos est poignant. Son alliage avec la musique n'a pas été sans me donner de très puissantes émotions, pas toujours faciles à surmonter, à certains moments sur la scène. J'avoue que c'est parmi les rares fois où cela m'est arrivé à ce point-là d'être émue aux larmes sur la scène, ou d'être obligée de me « cramponner » à mon texte pour ne pas être trop déstabilisée. Il m'a fallu rester extrêmement concentrée, car chacun des personnages a des paroles et un texte très fort. Cela peut déstabiliser un acteur, ou un chanteur, alors qu'il est là  " seulement " en tant qu'interprète. C'est aussi ce qui fait la beauté de ce rôle, sa « porosité ». Blanche est un personnage égaré, faible, désarmé. En apparence seulement. Blanche a peur de la mort et aussi sans doute de la vie.

 

Sensible ou pas au sacré, ou à la religion, on ne peut rester indifférent devant cet opéra, ni en tant qu'auditeur ni en tant qu'interprète. La musique de Poulenc et le texte de Bernanos abolissent toute distance, quelle qu'elle soit, entre soi et soi, soi et l'autre, entre soi et l'actrice, entre soi et la chanteuse. Et cela m'a aussi fascinée. Je ne suis pas ressortie la même. Dialogues des Carmélites est une partition sans concession. C'est une gifle que l'on reçoit, un miroir placé de façon crue devant ses propres questionnements, devant sa propre raison de vivre et de mourir, devant son interprétation.

 

Je l'ai fait, récemment en Corée, dans la mise en scène de Stanislas Nordey, d'une grande sobriété, minimaliste même, mais parfaitement efficace. En homme de théâtre, il a saisi l'essence de la dramaturgie essentielle de l'œuvre de Poulenc. Je le referai volontiers demain. En cette année anniversaire, dites-vous ? Pourquoi pas !

 

Propos recueillis par Jean-Pierre Robert.

 

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LES FESTIVALS SE FONT AUSSI L’HIVER

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La Semaine Mozart à Salzbourg

 


© DR

 

La Mozart Woche de Salzbourg se donne un vent de jeunesse, avec une nouvelle direction artistique, confiée à Marc Minkowski, qui fait équipe avec un jeune et dynamique directeur, Matthias Schulz. Leur projet : jouer Mozart, bien sûr, sous toutes ses facettes, en particulier le jeune compositeur prodige, et dans ses divers styles d'interprétation, sans entrer dans le carcan de la notion d'authenticité, sans doute vétilleuse. Mais aussi Mozart mis en perspective : par rapport à ses contemporains, Jean-Chrétien Bach, en particulier, à ses admirateurs aussi, dont Richard Wagner. Beau clin d'œil à un musicien fêté en cette année anniversaire ! On veut s'attacher à créer des associations, rechercher des correspondances insoupçonnées, parfois étranges. On met également un point d'honneur à distinguer la création contemporaine, avec l'instauration d'un compositeur en résidence. Ce sera Johannes Maria Staud, cette fois. Mais, au fond, on veut être innovant, sans paraître révolutionnaire. A l'image de Minkowski, qui aime se placer dans le sillage de ses illustres prédécesseurs,  Nicolaus Harnoncourt ou René Jacobs. Autre initiative réconfortante que la création d'un Orchestre de jeunes, attaché au festival, le Kinderorchester. Des tous jeunes, puisque ses membres ont entre 7 et 12 ans ! La formation devait se lancer sous la houlette du maestro Minkowski, et de Christoph Koncz, jeune violoniste des Wiener Phil. La solide participation française reste un autre trait original de ce millésime. Car, outre ses Musiciens du Louvre Grenoble, Minkowski a fait appel, entre autres, au Quatuor Diotima, à des chanteurs passés par des écoles de chant françaises, et des instrumentistes, dont le fameux hautboïste François Leleux, aux côtés d'un « habitué » comme Pierre Laurent Aimard. Une exposition consacrée aux Portraits de Mozart, juxtaposés de manière exhaustive, dans sa « maison », sur la Makartplatz, complète le plaisir d'un public chanceux. Il est attentif, attentionné même, et participe de l'atmosphère paisible d'un festival, où la musique est reine, dans une cité enveloppée de son manteau de neige, livrée à sa vraie nature. Un festival qui appartient à la constellation des grands, indiscutablement.

 

 

Lucio Silla ou le bonheur partagé

 

WA.MOZART: Lucio Silla. Dramma per musica en trois actes K 135. Livret de Giovanni Gamerra. Rolando Villazón, Olga Peretyatko, Marianne Crebassa, Inga Kalna, Eva Liebau. Salzburger Bachchor. Les Musiciens du Louvre Grenoble, dir. Marc Minkowski. Mise en scène : Marshall Pynkoski.

 


© Matthias Baus

 

On a longtemps considéré Lucio Silla comme une pièce mineure dans l'œuvre de Mozart pour la scène. Mais pas à Salzbourg, où des productions ont de temps à autres été montées, comme celle, remarquable, due à Peter Mussbach, durant l'ère Mortier au festival d'été. Venant après Mitridate, ce dramma per musica, créé à Milan, l'hiver 1772, révèle un réel talent pour la veine sérieuse. Écrire pour Milan signifiait pour le jeune musicien faire usage d'une imposante veine vocale. Et Mozart n'en fera pas misère pour défendre et illustrer cette histoire romaine du dictateur Silla, épris de Giunia, la fille de son ennemi Marius, secrètement fiancée à Cecilio, partisan de celui-ci, et habilement proscrit par le despote. Pour avoir conspiré à la ruine du dictateur, ledit Cecilio sera condamné à mort, mais Giunia dénoncera les agissements de Silla. Un providentiel lieto fine permettra de louer la clémence du potentat. Le génie de cette pièce est de rafraîchir la forme de l'opera seria, en reliant les scènes d'une étonnante manière. Mozart expérimente une nouvelle façon de traiter les arias, munies ici de longues introductions symphoniques, et abandonne le traditionnel schéma de l'air précédé du récitatif secco, au profit de récitatifs accompagnés. Surtout, là où d'aucuns voient un hommage appuyé à l'aria da capo, Mozart qui s'en accommode mal, le fait voler en éclat, en l'agrémentant de manière innovante, ou en abandonnant même la reprise dans certains cas. Il y a là un pas franchi : la virtuosité vocale se fait chantre de l'expression dramatique. La fantaisie sonore, la dynamique offrent des nuances insoupçonnées, et confèrent à la pièce une vie peu commune. « Il y a encore des échos du baroque, mais toutes sortes de portes sont ici ouvertes », remarque Minkowski. Et de signaler que modernité ne s'oppose pas à approche historiciste. C'est pourquoi, il dit avoir fait appel au régisseur canadien Marshall Pynkoski, dont le dessein est une vision « historiquement informée ». De fait, la mise en scène est d'une rare élégance : décoration, due à Antoine Fontaine, à la Watteau, où les délicats bosquets cèdent la place à la solennité de colonnades corinthiennes, et costumes fastueux. Les changements de tableaux sont ingénieux. Il en est même des climats au cours d'une même aria, détachée soudain de son environnement contingent, pour en souligner la force expressive. Pynkoski conjugue le geste emphatique d'hier, où règne l'hyperbole, avec l'outrance des réactions libérées d'aujourd'hui, claques sur la joue, tapes sur l'épaule... Cela instaure une indéniable vie, peu ordinaire sur une scène d'opéra de cette époque. Il n'hésite pas à placer tel ou tel à l'avant-scène, comme prenant à témoin le public.

 


© Matthias Baus

 

Ses interprètes s'y plient volontiers, avec un naturel incroyable. Une équipe de jeunes chanteurs bâtissent une interprétation vraiment libérée, ce qui est, là encore, peu coutumier. Olga Peretyatko, Giunia, femme fière préfigurant Donna Anna, offre une prestation d'une richesse inextinguible. L'assurance scénique et la qualité souveraine du spectre vocal, jusqu'aux vocalises les plus aventureuses, contribuent à un portrait achevé. Dans le rôle travesti de Cecilio, Marianne Crebassa, qui fit ses classes à l'Atelier lyrique de l'Opéra Bastille, est tout bonnement prodigieuse : soprano sombre avec des reflets de bronze, force d'expression empreinte d'une verve intarissable, nuances infinies dans la cadence où l'extrême aigu jongle avec le grave. Fiordiligi n'est pas loin. L'autre couple, mais non secondaire, Inga Kalna, Lucio Cinna, et Eva Liebau, Celia, forme un habile contrepoint aux prime uomo et dama, tout aussi libérés dans l'art de la vocalise. Il faut dire que Minkowski fait chanter toutes les ornementations, souvent longues et détaillées. Loin d'être improvisées, elles sont totalement écrites de la main de Mozart. Rolando Villazón couronne le tout. Si la stamina du ténor italien n'est jamais loin, force est de reconnaître que la ligne de chant est admirable. Le ténor assoluto, qui semble recentrer sa carrière, et placer Mozart au centre de ses préoccupations stylistiques, ne détonne pas, loin de là ; n'était une frénésie constante dans la manière de jouer. Formidable acteur, Villazón porte un regard aigu sur un rôle vocalement moins gratifié que ceux de Cecilio ou de Giunia, quoique impressionnant dans la contribution aux ensembles concertants finaux. Au point que Minkowski a l'idée de lui confier un air intercalaire, écrit par Jean-Chrétien Bach, où la voix dialogue avec un trio concertant de vents, flûte, basson et cor. L'aria, de vaste dimension, s'achève en une volée interminable de vocalises étourdissantes. Le ténor est alors assis parmi les musiciens. Joli clin d'œil. En tout cas, voilà un grand ténor qui chante au milieu de ses pairs, et non une vedette entourée de collègues. La réussite musicale revient encore, et peut-être surtout, à la direction de Minkowski et à la verve des Musiciens du Louvre Grenoble. Comparés à d'autres formations jouant sur instruments anciens, ceux-ci occupent désormais une place enviable : une sonorité cultivée et intense, mise en valeur par la manière chambriste du chef français, comme par sa volonté de préserver l'ambivalence de cette partition, entre respect de la tradition et modernité, à l'aune des effets harmoniques inhabituels dont Mozart l'émaille. Une accélération imperceptible du tempo, qui libère le mouvement intérieur, le soin apporté à la ligne des vents, la manière de sertir le chant n'en sont que des exemples. Qu'on mesure à la passion de ses musiciens, ressentie à chaque phrase. 

 

 

Sir Simon Rattle dirige les trois dernières symphonies

 


©Wolfgang Lienbacher

 

C'est à la tête, non de ses Berliner Philharmoniker, mais de L'Orchestra of the Age of Enlightenment, que Simon Rattle joue les trois dernières symphonies de Mozart. Une fête de l'esprit ! Composés en un laps de temps étonnamment bref, en quelques six semaines, à l'été 1788, ces trois opus offrent autant de ressemblances que de différences. Mozart a-t-il pensé à une sorte de cycle, comme on voudrait le faire croire, qui ouvert par l'introduction adagio du K 543, s'achèverait dans la coda fiévreuse de la Jupiter ? Nul ne le sait. Il est certain qu'il n'avait pas à l'esprit une exécution consécutive des trois pièces durant un même concert. Des contingences matérielles l'ont conduit à ces productions. Le génie a fait le reste. Chez Rattle, ces pièces sont le fruit d'une profonde réflexion, d'une analyse spectrale, dont le message vous entraîne loin des exécutions seulement bien en place, et pour tout dire banales à force de recherche de beau son. Chez lui, celui-ci est transcendé par quelque chose qui relève de l'intérieur. D'ailleurs, le spectre sonore n'est, justement, pas trop large, laissant aux vents une douceur de ton qui se fond idéalement dans l'écrin des cordes. La 39 ème, K. 543, est débutée très lent, et progresse sans hâte. Une même atmosphère sereine caractérise l'andante con moto, illuminé de mille nuances, comme Rattle se plaît à parer ses exécutions du répertoire classique. La fin du trio du menuet est habilement enchaîné avec la reprise. Son finale offre un dynamisme parfaitement contrôlé, magnifiant de bout en bout un thème principal quasi omniprésent. L'audace harmonique du développement du premier mouvement de la Quarantième, K. 550, contrastant avec le doux ronronnement de ses premières pages, est mise en exergue par l'exécution sur instruments anciens. Le paisible cantabile de l'andante, pris quasi adagio par le chef, se poursuit dans le menuetto, où il pacifie son orchestre avec des ralentissements étonnants, mais combien sublimes lorsque la ligne des vents s'intègre en douceur, et non en opposition avec les cordes. On savoure la qualité hors pair des instrumentistes, dont les deux clarinettes. Rattle a en effet, fait le choix de jouer la seconde version, avec l'ajout des clarinettes. Le finale est on ne peut plus entraînant, alternant ombre et lumière. Avec la Symphonie Jupiter, grandeur et subtilité se conjuguent à un rare degré d'achèvement. La  tonalité d'Ut majeur est celle « héroïque de la victoire » et « la couleur de la limpidité » (J.& B.Massin). On a dit que cette symphonie réunissait en une parfaite synthèse l'esprit de l'opera-buffa et celui de la fugue (Albert Einstein). Il souffle, ici, un vent de liberté, une croyance en la vie, une affirmation d'un chant de joie. Les quatre épisodes contrastent un andante cantabile expansif avec un allegro vivace initial fort actif, puis un menuetto fermement articulé, presque victorieux, entrecoupé d'un trio cadencé avec esprit, avec un finale impérieux, vigoureusement affirmé. Là encore, l'exécution sur instruments anciens sonne idiomatique, et apporte un plus de douceur, une finesse du trait tout à fait en situation. Rattle et ses merveilleux musiciens (et musiciennes, pour quasi la moitié de l'effectif, dont trois ladies à la contrebasse !), souligne toute la singularité de ces trois pièces uniques.

 

 

Deux Quatuors, entre anciens et modernes

 


©Wolfgang Lienbacher

 

La musique de chambre occupe une place de choix durant la Semaine Mozart. Le Quatuor Emerson offrait un programme entièrement dédié à l'enfant du pays. Le résultat est mitigé, car ces musiciens, qui fêtent leurs quelques 35 ans de vie commune, semblent désormais animés d'un souci de distanciation, pour ne pas dire de froideur. Leur exécution du quatuor K 499 est lénifiante et n'ouvre guère de plage de félicité. Écrite en août 1786, pour Hoffmeister, son éditeur, cette pièce, en ré majeur, est pourtant emplie d'accents forts, impérieux et altiers. Las ! La tension qui l'anime de bout en bout est gâtée par une exécution au ras du texte, en particulier l'adagio, pourtant partagé entre angoisse et émotion, ou le finale, dont les ritournelles inquiétantes font peu de place au sentiment de désolation. L'adagio et fugue, K 546 est pareillement joué, bien en place, certes, mais court d''inspiration. Les deux quatuors avec piano sont une toute autre affaire. Le vétéran Manahem Pressler est là, pour notre bonheur. Lui qui, des décennies durant, fut l'âme du Beaux-Arts Trio, développe un prolifique été indien, comme constaté encore, cet hiver, à Paris. Il va les inspirer. Ces deux pièces, parties d'un cycle de trois, promis à Hoffmeister, mais demeuré inachevé, appartiennent à un genre nouveau chez Mozart : le quatuor avec piano, sorte de synthèse de ceux du quatuor à cordes et du concerto. Le K 493, que les Emerson jouent en premier, affirme la richesse de la thématique de son premier mouvement, et livre une profondeur insoupçonnée dans son larghetto, qui pose les interrogations de l'homme Mozart. La délicatesse du jeu de Pressler emporte littéralement ses trois partenaires. Le finale est empli de toute la fantaisie dont Mozart sait illustrer son propos, triomphe d'un combat entre ombre et lumière, ici encore. Le quatuor K 478, est lui aussi une grande méditation sur la vie et ses événements heureux et tristes. Le doigté d'elfe du pianiste illumine l'allegro introductif, si ardent dans son développement. Le délié de ces mains, comme collées au clavier, distille toute la tendresse de l'andante médian, paré d'une mélodie simple en apparence. Le rondo final est le beau chant suprême, le joie intérieure, sereine. Voilà des exécutions marquées du sceau de la simple grandeur, justement saluées par un public de connaisseurs.

 


© Wolfgang Lienbacher

 

Le lendemain après-midi, le Quatuor Diotima, pour ses débuts salzbourgeois, juxtaposait Schubert, Ravel, et une pièce du compositeur en résidence Johannes Maria Staud. Dans l'acoustique, bien présente, de la salle moderne de l'Université de musique, en bordure du jardin Mirabell, leur quatuor D 173 de Schubert sonne étonnement engagé. Contemporain de la 2 ème symphonie, ce quatuor en sol mineur, tonalité chère à Mozart, s'ouvre par un thème vigoureux, maniant une succession d'accords âpres. L'andantino, les Diotima le prennent allègre, au fil des échanges entre 1er violon et violoncelle. Les deux mouvements suivants affirment leur caractère proche de la danse : le menuet, qui s'inspire de celui de la symphonie K 550 de Mozart, fait place à un trio, faisant la part belle au 1er violon, et à sa ligne sinueuse. Quant au finale, il est ici robuste, sans paraître heurté. Contraste total que «  Dichotomie » (1998) de JM. Staud. Comme il l'explique, celui-ci puise son inspiration, non dans la littérature, qu'il chérit pourtant, mais, cette fois, dans la botanique (le processus de transformation des plantes). Ce morceau se mesure aux extrêmes, sauvage, âpre dans sa dynamique intense. D'une durée d'une bonne demi-heure, il est structuré en deux mouvements. Le premier s'ouvre par un fort éclat, qui fait place à de longues phrases en faux unissons, et à des pizzicatos rageurs, ou encore des frôlements pppp des divers instruments. Une longue tenue du cello, pianissimo, débouche sur une animation de plus en plus paroxystique avec frappement de pieds. La deuxième partie recourt à un processus inverse, du forte au piano, avec des effets éthérés, comme sidéraux. Le discours finira par se dissoudre dans un souffle. Les Diotima, qui se font une spécialité de déchiffreurs de pièces nouvelles, lui donnent tout son souffle, et montrent combien on peut encore et toujours jongler avec toutes les possibilités des quatre instruments fondateurs. Retour à la tonalité avec le Quatuor de Ravel, dans une conception très mesurée, techniquement irréprochable. Le moderato allegro est abordé confortable. Le « Assez vif » contraste, mais une tendance à la lenteur se fait jour dans le deuxième thème. Le « Très lent » l'est, bien sûr, quoique laissant percer une légère sollicitation. Le finale, joué au vrai tempo, ce « Vif et agité » si ardent, paraît paradoxalement un peu vite, mimétisme avec ce qui précède obligeant, et comparé à l'approche générale. Mais la sonorité est constamment belle et l'entente plus que parfaite.

 

 

Le phénomène Andras Schiff et son orchestre ad hoc  

 


© Wolfgang Lienbacher

 

Les concerts d'András Schiff et de son orchestre Cappella Andrea Barca sont le «  hottest tickets » de la Semaine Mozart. Le pianiste hongrois jouit ici d'une popularité dont on n'a pas idée chez nous, qui ne lui offrons qu'un succès d'estime lors de ses rares apparitions. La réputation n'est pas usurpée, loin de là. Il a joué avec Sandor Vegh une intégrale des concertos de Mozart, restée légendaire. Il ira même jusqu'à fonder son propre orchestre pour les remettre sur le métier, en tant que chef et soliste. C'est, en effet, en 1999, qu'il réunit quelques amis musiciens, non des moindres, tels Erich Hobarth, Ier violon du Quatuor Mosaïque, un des flûtistes des Wiener Phil, ou encore Louise Pélerin au hautbois. Au fil des ans, la formation demeure plus ou moins inchangée, avec le noyau dur des proches, et se réunit de nouveau pour la Mozartwoche et quelques concerts en tournée. Le concert s'ouvrait par le Quatrième concerto pour piano de Beethoven. D'emblée, Schiff impose un discours simple, à la fois nimbé de grandeur, après la belle phrase d'introduction du piano : à son jeu délié répond une coulée orchestrale très liée. Il faut dire que la disposition instrumentale est originale, puisque divisant non seulement les violons, mais aussi les contrebasses, et réunissant les vents en groupes distincts. Le cantabile du second mouvement est d'une profondeur abyssale. Il émane de cette exécution sérénité et paix intérieure. Le son cristallin dans l'aigu, du Bechstein, est un ravissement lors des traits de la main droite. La Quatrième symphonie de Schubert, apporte un contraste intéressant. Quoique on ait compris que Schiff veuille chérir cette école viennoise classique dont il s'abreuve depuis toujours, aux côtés de JS. Bach, au seul clavier. Le sous-titre de « tragique », de la main de Schubert, ne laisse pas d'étonner, car d'autres de ses pièces porteraient cet épithète avec plus d'évidence. La tonalité d'Ut mineur, celle de la 5ème de Beethoven, y est pour quelque chose cependant. Le premier mouvement est sombre, solennel, ce que Schiff ne cherche pas à amoindrir, renforçant même les traits rageurs de l'allegro vivace. L'andante, il lui confère un caractère paisible, intime, intensément lyrique. Le scherzo, vivace, est solide, mais sans perdre de sa finesse viennoise, tandis que le trio offre une halte bienfaisante. Le finale est partagé entre tragique et atmosphère de danse. Et Schiff abandonne son flegme pour se montrer d'une ardente juvénilité. Avec le concerto K 595, son 27ème et dernier, Mozart s'éloigne de la virtuosité pianistique, pour le dépouillement stylistique, qui sera commun à d'autres pièces de cette époque. La tonalité générale est paisible, non sans une trace de mélancolie. Schiff le ressent du tréfonds, et l'allegro initial est joué avec sérénité, tandis que le larghetto est empreint d'une grande douceur, seulement traversée de ces traits de détresse qui ne quittent jamais le compositeur. Au finale, où affleure le thème d'une des arias de Dorabella de Cosi fan tutte, tout est harmonieux à travers le jeu extrêmement raffiné, nullement maniéré du pianiste. Celui-ci se laisse à lui-même, en tant que chef, le soin d'assurer une balance idéale entre soliste et orchestre, en particulier dans le dialogue avec les bois. En bis, et pour fêter l'anniversaire de Mozart, le 257ème, en ce 27 janvier 2013, il donnera le dernier mouvement d'un autre concerto, empli de joie communicative, devant un public plus qu'enthousiaste, conquis.

 

 

Le concert des Viennois : un mariage inachevé avec Gustavo Dudamel

 


©Wolfgang Lienbacher

 

Il est pénible de le dire, mais le concert des Wiener Philharmoniker n'aura pas été le plus intéressant de la série ! Le jeune, et déjà fort en vue, chef vénézuélien Gustavo Dudamel, faisait équipe avec un orchestre exigeant. Si tout semble, en apparence, fonctionner, car bon technicien, le chef connaît son affaire, et comment s'y prendre côté charme, il n'en reste pas moins que l'esprit était souvent absent de ses interprétations, un peu au ras des notes. Siegfried Idyll ouvrait le bal, joué avec une formation quelque peu nombreuse, celle sans doute de cet arrangement pour grand orchestre, projeté par Wagner pour Cosima. Même si les premiers violons sonnent comme un seul homme, le premier d'entre eux en l'occurrence, et si tout est parfaitement huilé, le geste manque d'impact, et la pièce ne dégage pas beaucoup d'atmosphère. Malgré l'attention extrême qu'y portent les musiciens. Rainer Kuchl, le leader, a l'œil sombre, et ne lâche pas du regard le chef. Dommage, car cette pièce est loin d'être une bluette. Avec Mozart les choses allaient-elles s'enflammer ? Dans le concerto pour piano K 466, que Maria João Pires aime à donner (comme elle le fit encore récemment à Paris, avec Haitink), tout est corseté d'une mâle énergie au premier mouvement. Mais est-ce là suffisant ? Le charme du second affleure tout juste, grâce au jeu de Pires, souverain. Et le finale offre brio et fière allure, dans sa manière preste. Reste que de cette pièce, qui doit ménager grandeur et intimité, n'émane pas ce sentiment d'achèvement qu'on attend d'une exécution à ce niveau. A noter que Pires joue les cadences de Beethoven, qui vont bien au-delà de la pensée virtuose de l'auteur. La Sérénade K 320, dite « Cor du Postillon », là encore donnée avec une distribution instrumentale presque démesurée, dégage un indéniable parfum mozartien. C'est la dernière laissée au genre par Mozart, dans ses ultimes années passées à Salzbourg, marquées par ses démêlées avec l'archevêque Colloredo. Elle se signale par une fertile utilisation des vents, en particulier au 3 ème mouvement, où une vraie symphonie concertante pour vents, marquée andante grazioso, remplace le traditionnel concerto intercalaire pour violon. L'interprétation de Dudamel débute de manière carrée, un peu trop martiale, manquant de grâce et de suprême finesse. Mais le chef va se détendre peu à peu, en particulier à partir du Rondeau, qui déploie un ininterrompu dialogue entre les vents, et entre  ceux-ci et les cordes. L'andantino voit aussi ce caquetage à son apogée, le hautbois pétillant, ou l'échange entre petite flûte et violon. Bien sûr, le solo du cor, qui orne le second trio du 2 ème menuet, sera un moment de vrai bonheur. Et tout s'emballe prestement dans un finale joyeux, dont la fièvre annonce celle de L'Enlèvement au sérail.

 

 

Curiosités au concert de Minkowski et des Musiciens du Louvre           

 


©Wolfgang Lienbacher

 

Il n'est pas de meilleure occasion d'illustrer le credo, rappelé ci-dessus, que le programme du concert donné, le 27 janvier au soir, dans la grande salle du Mozarteum. Minkowski insiste sur le regard en miroir qu'il est nécessaire de porter sur Gluck. Dont il donnera d'ailleurs l'opéra Orféo et Eurydice, l'année prochaine. Le concert débutait ainsi par l'Ouverture d'Iphigénie en Aulide, avec le final de concert dû à... Richard Wagner, qui vouait une égale admiration vis à vis de ces deux génies de la musique. Minkowski, prenant la parole, à la manière de Nicolaus Harnoncourt, indique, en préambule, sa volonté de « célébrer Mozart dans l'esprit de Wagner ». Le morceau ne manque pas d'allure. Un florilège de pages de Don Giovanni suivra : l'Ouverture et quelques arias fameux. D'emblée, on sent l'empathie du chef pour le chef d'œuvre de Mozart, qu'il s'apprête à diriger à Aix cet été. Son Ouverture est grandiose, éclatant presque dans le cadre restreint de la salle du Mozarteum, avec un second thème vraiment giocoso, et prestissime. Il enchaîne directement avec l'air du catalogue de Leporello : le jeune Christian Helmer, qui a débuté ses études musicales en France, possède un bagout vocal inextinguible. Ce qu'il va encore démontrer dans le rôle-titre, et « un air du champagne » enlevé haut la main. Quelle prestance ! Entre temps, le ravissant duettino «  Là ci darem la mano » l'aura réuni à la belle Olga Peretyatko, toute fraîche sortie de son triomphe dans Lucio Silla. On admire la sûre ligne de chant, un métal de vraie couleur mozartienne. Elle le confirme, et l'amplifie, dans les deux arias de Donna Anna, avec une quinte aiguë aisée et une sûreté du trait étonnante pour une si jeune artiste. Voilà encore un festival vocal de jeunesse et de belle assurance, et un indice certain de réalité de la relève. En seconde partie, Minkowski donnait la symphonie en Ut majeur de Wagner, unique, ou presque, incursion de l'auteur de Tristan dans l'univers symphonique pur. Couchée sur le papier en 1832, par un musicien de 19 ans, voilà bien une œuvre étrange, qui ne laisse que peu présager du talent d'auteur lyrique qu'il deviendra. Créée à Prague, en janvier 1833, lors d'un concert où débutait une jeune pianiste du nom de Clara Wieck, qui en dira tout le bien, la symphonie sera ensuite perdue. Retrouvée en 1877, moins les parties de trombone, elle sera de nouveau jouée, à Venise, le jour de Noël 1882, Wagner en ayant réécrit les parties manquantes. D'une durée de quelques 35 minutes, elle comprend quatre mouvements contrastés, nullement en reste en termes de fécondité. Elle s'ouvre par un « sostenuto e maestoso », en fait, une succession d'accords massifs, qui débouchent sur un sujet fiévreux, inspiré de Beethoven. Une foule d'idées jaillissent, quoique tournant un peu court. Un cantabile tourmenté parcourt l'andante, qui verra se succéder moult changements de climats, non sans emphase, ce que nourrissent les trombones. On y distingue, toutefois, la chaude sonorité de la clarinette. Le scherzo, très scandé, presque saccadé, voit un répit dans son trio lent. Le finale débute comme du Rossini, avec un thème rengaine qui reviendra en boucle. Mais Basta ! Cela prend un autre chemin, voire plusieurs, et tortueux, aux bois notamment. Outre une fugue bien maîtrisée, on croit déceler l'apparition, fugace, d'un thème du dernier mouvement de la IXème du Maître de Bonn. Quoique se réclamant de ses deux idoles, Mozart et Beethoven, la pièce reste très ancrée dans un XIXème qui cherche sa voix. Minkowski la défend bec et ongle, et ses Musiciens du Louvre Grenoble, soumis à rude épreuve, font des prouesses. Même si une instrumentation aussi nourrie sonne presque congestionnée dans le faible gabarit de la salle du Mozarteum. Mais l'expérience valait d'être tentée, et le directeur artistique de la Mozartwoche peut être fier de son coup !

 

 

Où souffle le chic français

 


© Wolfgang Lienbacher

 

Un fort original concert clôturait notre série salzbourgoise : « Les vents français » sont un ensemble ad hoc réunissant pas moins que Emmanuel Pahud, Ier flûtiste des Berliner Phil, Paul Meyer, Ier clarinettiste des mêmes, François Leleux, récemment primé aux Victoires de la musique, Gilbert Audin, basson et Radovan Vlatkovic, solistes émérites, Eric Le Sage, enfin, pianiste, dont on connaît l'amour pour la musique de chambre. Quel feu d'artifice ! On pense au « Coq et l'Arlequin », immortalisé par Cocteau. Poulenc et Ravel encadraient deux compositions de Mozart. L'étonnante composition du Trio pour hautbois, basson et piano, de Poulenc, a de quoi émerveiller un auditoire de connaisseurs, dont une belle part de jeune public : ironie et lyrisme au second degré, vrai-faux académisme et franc humour, baignent cette pièce au charme irrésistible. François Leleux enflamme le second mouvement d'une ligne étonnamment fluide. La Sonate K 296, pour violon et piano, transcrite pour flûte, trouve en Emmanuel Pahud un serviteur zélé, qui joue affectueux l'adagio médian, et apporte au finale enjoué un zest délicat. Que dire du Tombeau de Couperin de Ravel, dans l'arrangement imaginé par Mason Jones, pour ensemble de vents ? Si ce n'est qu'il a en a compris l'esprit et la finesse de l'orchestration. C'est pur régal que de voir comme le hautbois mène les débats, dans « Prélude », bientôt relayé par la flûte, alors que le cor joue la basse. Mais partout la distribution instrumentale s'avère fascinante. La « Toccata » finale, jouée ici très décidé, est pur chic gallique. Le Quintette K 452 pour piano, hautbois, clarinette, cor et basson, dont Mozart était si satisfait, est une œuvre rayonnante d'harmonie. L'écriture pour les vents est d'une rare richesse, et le dosage entre ceux-ci et le piano un miracle d'équilibre. Abandon et densité se partagent ses trois séquences, dont le larghetto est le joyau : une mélodie ample et expressive, emplie d'effusion, où les quatre vents chantent ensemble, dialoguent entre eux, ou avec le clavier, dans une douce joie. Ce que poursuit le finale, allegretto, empli de finesse. Les interprètes illuminent ce beau langage, et Le Sage sait laisser la primeur à ses partenaires, sans pour autant s'effacer. Le Sextuor pour piano et quintette à vents de Poulenc réunit l'entière formation des « Vents français », en une conclusion dont on se délectera sans remords. Là éclate la modernité de l'auteur des Dialogues des Carmélites. Entre faux abandon et vraie illusion, Poulenc sait rebondir :  par exemple, avec au premier mouvement, un mini solo du basson, annonçant une plage relaxée, avant que cela ne reparte de plus belle. La cantilène du hautbois distingue le second, qui offre ruptures et traits ironiques, sans oublier la note nostalgique. Le dernier débute en une sorte de « Que la fête commence », offrant une plénitude sonore irrépressible, tandis que la piano galope allégrement. Cela ira, au détour d'une phrase, jusqu'à singer Stravinsky. Tout finira, comme souvent chez Poulenc, dans une mélancolie résignée, mais si douce qu'on ne la prend pas au sérieux. En bis, le Divertissement de Roussel ajoute encore au bonheur de la fête. Bravo, Archibravo messieurs !

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Une exquise Folle Journée !

 

L'édition 2013 de la grande fête musicale nantaise se conjuguait à « L'heure exquise ». Le projet de ce parcours de musique française, longtemps chéri par René Martin, a été soigneusement mis au point, en y mêlant une guirlande de pièces espagnoles. Tant ces deux nations se sont influencées mutuellement à partir de la fin du XIX ème. Encore une fois, la fréquentation aura été nombreuse, même si plusieurs concerts n'affichaient pas salle pleine : crise oblige, ou abondance de propositions ? En tout cas, la qualité d'écoute était au rendez-vous, et même des titres quasi inconnus auront su capter l'auditoire. Souvent, l'interprète livrait quelques clés de compréhension sur telle œuvre, ou la manière de la jouer, rendant ainsi l'assistance partie prenante d'une aventure, qui est tout sauf quelque chose de passif.

  


© Marc Roger

 

Le programme, concocté par le signataire de ces lignes, s'est d'abord abreuvé de piano, de celui des piliers que sont Debussy, Ravel et Fauré. La jeune Claire Désert jouait une poignée de pièces tirées des Préludes de Debussy, dont une souveraine « Cathédrale engloutie », ou une volatile « Ondine ». La manière de cette artiste fait plaisir à voir, faite d'humilité et d'immense musicalité. « Debussy, Best-of », tel était le titre d'un des récitals conçus par Philippe Cassard, qui, l'espace de trois quart d'heures de pure fantasmagorie sonore, rapprochait des pièces aussi contrastées que la « Première arabesque » ou « Golliwogg's cake-walk », bien charpentées, « Clair de lune » ou « Rêverie », où la poésie à l'état pur, ou encore « Jardins sous la pluie », modèle de drame miniature, avec son refrain « Nous n'irons plus au bois ». Le jeu, bien détaché, n'a rien de vaporeux, alors que le spectre sonore est très ample. De Ravel, Jean-Frédéric Neuburger jouait Le tombeau de Couperin avec une maestria parée de nuances infinies : « Rigaudon », a déjà des sonorités orchestrales,  « Menuet » est d'un doux abandon, la « Toccata » finale réveil virtuose. Cette empathie pour l'art ravélien, on la retrouve dans Gaspard de la nuit : le grand crescendo de « Ondine », le sentiment palpable de désolation de « Le Gibet », et son lancinant écho de cloche triste, ou l'énergie de « Scarbo ». La maîtrise des climats, comme des aspérités techniques, n'est décidément pas un problème pour cet interprète. Du grand piano ! Autre manière, plus centrale, dirons-nous, chez Jean-Claude Pennetier, qui offrait la 2ème partie des Nocturnes de Fauré, dont il explique qu'ils ne forment pas un cycle, et seront joués selon un enchaînement apte à respecter quelque logique sonore. La poétique de ces pièces secrètes, qui explorent l'âme, Pennetier la transmet avec la simplicité de celui que l'expérience a enrichi. Les trois derniers morceaux se vivent comme des épures, les traits véloces de l'ultime, op. 119, ne parvenant pas à dérider, chez Fauré, un climat qui s'enfonce dans la réflexion métaphysique. Une merveilleux concert restera celui de Anne Queffélec, titré « Satie et compagnie ». La pianiste, dont on connaît les talents de pédagogue, détaille, d'entrée de jeu, le fil rouge de son programme : réunir autour du musicien non conformiste, vrai « oxymore humain », quelques contemporains non moins imaginatifs, Poulenc, Koechlin, Déodat de Séverac, Reynaldo Hahn, Florent Schmitt, et même des inconnus, tel Pierre-Octave Ferroud (1900-1936). Ses « coups de cœur », en somme. Pour montrer comme « la locomotive Satie » rendit service à ses collègues en les faisant connaître. Et combien aussi la musique française est plus que charme apparent : souvent sombre, comme si «  le vide est plein ». Le récital fera alterner quelques pièces de Satie avec Debussy, et le délicieux « Petit nègre », et plus loin, son magique « Clair de lune ». On se délectera du charme acide de « La Pastourelle » de Poulenc, de l'insondable tristesse de « Hivernale », de Hahn, tandis que « Un après-midi de dimanche », de Gabriel Dupont (1878-1914), donne à entendre une joyeuse volée de cloches, et que « Le glas » de Schmitt recèle une modernité inouïe dans ses traits shuntés de la main droite. Immense Queffélec !

 


© DR

 

Celle-ci était rejointe par Régis Pasquier pour l'exécution des premières Sonates pour violon et piano de Fauré et de Saint-Saëns. L'op. 13 du premier offre cette veine inépuisable de modulations, avec un andante « sur le mode mineur », et un scherzo où le thème se déploie tel un ludion espiègle. Une interprétation d'une parfaite transparence gallique. Ce que l'on savoure autant au fil de la Sonate de Saint-Saëns, qui se signale par son primesautier allegretto moderato et son finale, enchaîné, en forme de mouvement perpétuel. Le genre du trio avec piano, si prisé des musiciens au tournant du siècle, était fort représenté durant ces concerts. Par celui de Fauré, op 120, en particulier, entendu deux fois, l'une par le Trio Pennetier/Pasquier/Pidoux (père), distillant l'inspiration la plus secrète du compositeur, et ce langage serré qui est celui de sa dernière période, l'autre par le Trio Wanderer, musiciens idéaux dans ces longues phrases typiques fauréennes. Ces derniers donnaient aussi les Quatre petites pièces pour cor, violon et piano, op 32, de Koechlin, aux sonorités envoûtantes. Une première exécution au concert, aux dires du violoniste, l'œuvre n'étant pas même encore éditée. L'autre formation donnait le Trio de Ravel, dans une interprétation miraculeuse d'équilibre, en particulier durant l'illustre « Passacaille ». Question quatuors, il y avait embarras de richesses. On avait sélectionné celui de D'Indy, rarissime, joué par un jeune quatuor multinational, le Cuarteto Arriga. Cet élève de Franck sera lui-même chef de file de toute une génération : un fin mélodiste, qui sait varier les climats et la forme. Le «  thème varié », sorte de scherzo, est très libre, les variations traitant magistralement le thème dans ses diverses métamorphoses. Bien sûr, il ne fallait pas manquer ce formidable morceau chambriste qu'est le Concert pour piano, violon et quatuor à cordes op 21 de Chausson, ou l'élégance française à son zénith. Régis Pasquier, Emmanuel Strosser et le Quatuor Prazák l'abordent d'un geste ample et resserré à la fois, libérant la clarté des structures ; tandis que l'ensemble réunissant Renaud Capuçon, Nicholas Angelich et le Quatuor Modigliani le voit bandé comme un arc, sonnant quasi orchestral, extrêmement contrasté. Fascinante comparaison, entre deux façon d'interpréter, entre deux générations. 

 


Théodore Gouvy    © DR

 

Autre sujet de fascination : la foultitude d'œuvres à peu près inconnues présentées lors de ces journées. On a déjà parlé de Koechlin. On pouvait aussi entendre Charles- Valentin Alkan (1813-1888), et son « Scherzo diabolico » pour piano (Claire Désert), grand morceau de virtuosité, tendu à l'extrême, un des exemples de ce que peut produire le « Berlioz du piano ». Le nantais Paul Ladmirault (1877-1944), élève de Fauré, dévoile dans sa courte Fantaisie pour piano et violon, un beau lyrisme, où pointe quelque trait fantasque. De Jean Cras (1879-1932), les Wanderer donnaient le Largo pour violoncelle et piano : grand mélodiste, cet officier de marine, qui mena de font ses deux carrières, a des élans qui font penser à ceux de la voix humaine. Là aussi, une quasi redécouverte, car la pièce n'est pas encore publiée. Mais les Wanderer sont d'infatigables déchiffreurs. Ils ont joué aussi le Trio pour violon violoncelle et piano de Gabriel Pierné, op 45 : émule de Frank, la forme cyclique se ressent dans cette composition, lors d'un immense premier mouvement, combinant thème haletant et plages plus paisibles, « planant », aux dires du violoniste. Dans l'allegretto scherzando pointe un rythme de valse mâtinée de samba ! La découverte la plus étonnante restera Louis-Théodore Gouvy (1819-1898), musicien franco-allemand, tout comme Offenbach, qui doit sa redécouverte aux efforts de la Fondation pour la musique romantique française, Palazzetto Bru Zane. Claire Désert jouait deux de ses « Sérénades » pour piano, qui ne manquent pas d'intérêt : dans l'esprit de Chopin, auquel il manquerait l'ultime esprit mélodiste, mais recelant une indéniable fantaisie.

 


© Marc  Roger

 

René Martin avait tenu à inclure de la musique espagnole : rendant hommage aux amitiés qui ont marqué une époque bénie. On a ainsi entendu des pièces là encore peu connues. Ainsi du Quatuor de Turina (par les Arriaga), de veine impressionniste, hyper mélodieux, quoique moderne. La pièce titrée La Prière du torero, pour quatuor à cordes, déploie une veine ibérique évocatrice. Écrite à l'origine pour quatuor de guitares, elle sera transcrite par l'auteur : on passe de l'invocation, à la fièvre précédent l'arène, pour terminer dans un trait extatique. La Sérénade du même compositeur, est séduisante de ses traits sul ponticello, et alterne pages de mystère ou éclatantes de lumière. Le Quintette pour piano de Enrique Granados assimile le style de César Franck, et offre une belle atmosphère nocturne, et ces traits tristes souvent tracés par la musique espagnole. Isaac Albeniz était fêté par son chef d'œuvre Iberia, dont Luis Fernando Pérez donnait l'intégrale. Quelle musique ! Ces « douze impressions pour piano » (1905-1908) sont un vibrant hommage à sa chère terre natale. Nullement descriptives, malgré les titres des pièces, elles traduisent l'âme espagnole. Forgées à la virtuosité de Liszt, elles sont aussi imprégnées d'influence française. Quelle interprétation ! Luis Fernando Pérez, qu'on a vu mûrir au fil des récentes Folles Journées, atteint aujourd'hui la pleine maturité. Digne successeur de Alicia de Larrocha, il dévoile tout la modernité de ces pages, dans un spectre sonore très vaste, du pppp évanescent au ffff rageur, et soigne les appogiatures qui en font le sel. Un grand moment de piano !

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

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SPECTACLES ET CONCERTS

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Radamisto au Theater an der Wien

 

Georg Friedrich HAENDEL : Radamisto. Opera seria en trois actes. Livret de Nicola Francesco Haym. David Daniels, Florian Boesch, Sophie Karthäuser, Patricia Bardon, Jeremy Owenden, Fulvio Bettini. Freiburger Barockorchester, dir. René Jacobs. Mise en scène : Vincent Boussard. 

 


©Monika Ritterhaus

 

Radamisto, tiré des Annnales de Tacite, est le premier opéra anglais de Haendel. Il sera créé en 1720, au King's Theater de Londres. Pour René Jacobs, « c'est l'opéra des superlatifs », garni de grandioses arias da capo, qui, ici, dominent plus encore que dans d'autres compositions. Elles contrastent aussi avec des formes vocales différentes, dont plusieurs cavatines, sans parler d'un quatuor à la scène finale. L'histoire est familiale, et politique, où l'on voit l'arménien Tridate convoiter la belle Zénobie, épouse de Radamisto, enfant de Thrace, son ennemi juré. La sœur de ce dernier, Polissena, est pourtant l'épouse de Tridate... On imagine les chassés croisés vengeurs, parce qu'amoureux. Un lieto fine remettra tout en ordre, et les deux couples se reformeront. Cette trame avait déjà été mise en musique, dix ans auparavant, par un certain Domenico Lalli, sous le titre de « L'amor tirannico o Zenobia ». Mais Haendel se fait plus concis et plus dramatique, aidé de son librettiste Haym, lui-même fin musicien. Comme souvent, l'opéra connaîtra plusieurs versions, celle d'origine ayant été remaniée dès 1721, puis encore en 1728, dans le souci de raccourcir les récitatifs. Pour cette production du Theater an der Wien, René Jacobs indique avoir cherché à concentrer la pièce, pour bien faire émerger les vertus qui sous-tendent les personnages, le courage, l'affirmation de soi, mais également la fantaisie. C'est ce qui transparait de sa direction, très inspirée. Elle paraît uniforme dans sa gestuelle symétrique des deux bras. Et pourtant, il s'en dégage une volonté de souligner mille nuances. La battue est énergique, les tempos décidés, et les passages de calme lyrisme suggestifs. Jacobs favorise à l'envi vocalises et appogiatures. Ainsi de l'aria de Radamisto, « Ombra cara », assurément le summum de l'opéra, délivrée par un orchestre assagi, sur une envoûtante pédale de grave, qui va s'éteindre peu à peu. Le Freiburger Barockorchester est tout simplement l'instrument idéal. Son équipe de chanteurs est elle aussi superlative. Florian Boech apporte une autorité naturelle au tyran Tridate, et un abattage phénoménal, dont un air de bravoure avec accompagnement de trompettes et de cor ! Sa Polissena, épouse rejetée, en proie au malheur des grandes héroïnes, Sophie Karthäuser en livre la belle jeunesse gâchée, et le chant immaculé. Cette immense artiste fait de l'or avec sa voix de soprano clair. Patricia Bardon, de son timbre de bronze, campe une Zénobie résolue et grandiose, au chant inextinguible. On admire le style assuré et les ornements imaginatifs du ténor Jeremy Owenden, Tigrane. Quant à David Daniels, Radamisto, il n'est, certes, plus à son apogée pour négocier ces trilles d'enfer, confiées à la création, au castrat Senesino, et surtout mis en concurrence avec ses actuels challengers contre-ténors. Mais il faut lui reconnaître une ligne de chant élégamment menée, qui sait encore briller dans l'air « Ombra cara ».

 


© Monika Rittershaus

 

La mise en scène du français Vincent Boussard a fait tousser le public viennois. Il voit là une histoire d'initiation, celle d'une jeune prince, déjà à la fin de son règne, qui cherche à se dégager de l'autorité paternelle, celle de l'ancêtre Farasmane. Il est  question aussi du thème de la cruauté des puissants pour assouvir leurs passions intimes. Boussard se réfère au bon Dr Freud : ce sera un voyage dans la psyché et l'âme de Radamisto. Sans pour autant négliger d'autres perspectives : la douceur des sentiments, la clémence, si présents dans la précision des récitatifs. Dont acte. Mais le résultat ne laisse pas d'interroger : à force de vouloir animer coûte que coûte ce qui est manifestement statique (un brelan de femmes, façon béguines, par exemple, entrent et s'en vont, souvent en procession réglée), on n'évite pas l'effet gratuit. Voire même l'opposition avec la musique : tel ce beau solo de Zénobie, gâté par le bruit intempestif du lâcher d'une poignée de couverts en argent... L'action se déroule dans un huis clos, une pièce banale, percée de trois portes qui ouvrent sur des horizons plus lointains. La symbolique, empruntée à l'auteur de «  L'interprétation des rêves », s'encombre de traits au énième degré : ainsi de la chaise, celle du pouvoir, que Tridate brandit en tous sens, ou d'une immense table à manger, symbole du rapprochement, et aussi d'équilibre ; mais qui barre la scène, et que d'aucuns doivent enjamber, tant elle est infranchissable, pour se rapprocher, et simplement mieux se faire entendre. La symbolique du poisson dans l'aquarium, signifiant du processus d'individualisation, est plus absconse. Le choix des costumes participe du même parti d'attirer l'attention. Christian Lacroix, qui plaide, justement, pour leur fonction dramaturgique, a conçu un mélange de styles, souvent extravagants, dans les tons sombres, sur lesquels tranchent quelques touches de blanc. Tout cela créé une atmosphère souvent surréaliste, certes agréable à l'œil, qui n'apporte pas cependant beaucoup à l'impact dramatique, si ce n'est la volonté de chercher à animer à tout prix des conflits secrets.

 

Jean-Pierre Robert.

 

La Dame de Pique au Staatsoper de Vienne

 

 

Peter Ilych TCHAIKOVSKI : La Dame de Pique. Opéra en trois actes. Livret de Modest I.Tchaikovski, d'après la nouvelle d'Alexandre Pouchkine. .Neil Shicoff, Hasmik Papian, Grace Bumbry, Tómas Tómasson, Eijiro Kai, Sorin Coliban, Nadia Krasteva, Juliette Mars, Herwing Pecoraro, Benedikt Kobel. Chor und Orchester der Wiener Staatsoper, dir. Marko Letonja. Mise en scène : Vera Nemirova.


© Wiener Staatsoper/Michael Poehn

 

Le chef d'œuvre de Tchaikovski qu'est La Dame de Pique renferme un fort potentiel dramatique, puisant à des grands thèmes, dans lesquels le compositeur frôle le génie théâtral. Il existe bien des façons de le représenter. Parmi les mises en scènes récentes, celle de Lev Dodin, à l'Opéra Bastille est proche de l'envoûtement. Vera Nemirova, au Staatsoper de Vienne, se montre moins ambitieuse, et même par rapport à sa régie pour un Eugène Onéguine, produit naguère au Festival de Salzbourg. Là où Dodin place l'action dans un asile, dans lequel le pauvre Hermann vit un calvaire programmé, sa collègue russe imagine un pensionnat de jeunes gens. L'enfance est, en effet, un paramètre essentiel de la pièce, dans ses premières scènes du moins. La deuxième, qui voit éclore le poétique duo entre Lisa et sa sœur Polina, n'est nullement affectée par ce traitement. Au contraire, la remarque de la Gouvernante, « Quel genre, Mesdames » prend tout son sens. Reste que le décor, unique, va devoir se plier à d'autres situations, et servir de cadre, par exemple, à une gigantesque « party », traitée dans le ton de la débauche et le clinquant, qu'on sent inspiré des manières de la nomenklatura de l'ère Poutine. Il en ira de même au tripot final. Ce grotesque, Nemirova le souligne à satiété, pour faire comprendre que deux mondes s'opposent, celui des gens fortunés, qui se vouent au jeu, celui des pauvres miséreux ; à l'image de Saint-Pétersbourg, la ville des dissimilitudes sociales. La pièce est pessimiste, plus encore, « une forme d'avertissement » souligne-t-elle. Il y a quelque chose d'extrême dans le texte, et son expression musicale d'ailleurs. L'hyper activité des tableaux d'ensemble contraste avec le caractère réservé, discret, des scènes intimistes. Lorsque, par exemple, Hermann tente d'arracher à la Comtesse le secret des trois cartes gagnantes. Un bel effet dramatique verra alors le visage de celui-ci, tapi au fond de la pièce, taquiné par le reflet du miroir du poudrier de la vieille femme. Rare effet, car la direction d'acteurs reste peu imaginative ailleurs. Mais sans doute, l'impact de la régie s'est-il émoussé, lors de cette reprise d'une production inaugurée en 2007. Ainsi en va-t-il du système de la « stagione », favorisé dans cette maison. Mauvaise idée encore que la coupure intempestive intervenant après cette scène. Le fait d'introduire la suivante par la lecture, par une voix de femme enregistrée, Lisa sans doute, d'une lettre en russe, apporte peu à la dramaturgie, qui se ressent décidément de cette interruption. Un exemple des ruptures de rythme, comme de style au demeurant, émaillant cette mise en scène.  

 


©Wiener Staatsoper/Michael Poehn

 

Musicalement, les choses sont plus nuancées. Pour ses débuts in loco, Marko Letonja, qui officie à l'Opéra National du Rhin, livre une direction pensée, et bénéficiant de musiciens hors pair, peaufine des détails intéressants. Même si ne sont pas évités quelques décalages entre fosse et plateau, dans les chœurs. La distribution devrait être dominée par Neil Shicoff, dont Hermann passe pour un des meilleurs rôles, Las, et une menace de défection, dont le suspens a duré jusqu'au dernier jour, le démontre, la performance n'est plus celle d'antan : aigus forcés et fatigués, même si  la présence est encore assurée, métier aidant. Sa Lisa est par contre, de classe : Hasmik Papian, vue déjà à l'Opéra de Lyon, possède le timbre et le gabarit exact de cette partie merveilleusement écrite, et un engagement de tous les instants. Grace Bumbry fait un comeback remarqué dans le personnage phare de la Comtesse, dramatiquement juste, vocalement encore suffisant. Sa grande scène est un modèle de drame assimilé : d'abord étonnée de la présence de l'officier, puis incrédule, et peu à peu reprenant la situation en mains. Dommage que les choses sombrent après dans le mélodrame. Les autres protagonistes sont plus ou moins bien servis : de l'excellent,  la Polina assurée de Nadia Krasteva, le Surin sonore de la basse Sorin Coliban, à l'acceptable, le Tomski beuglé de Tómas Tómasson. Une représentation qui n'évite pas le sentiment de routine.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Solistes russes à la manœuvre

 


©Medici TV

 

Vadim Repin et quelques amis se retrouvaient l'instant d'une soirée de musique de chambre au programme peu ordinaire. Le Trio de Chostakovitch, le Quintette de Bartók, et le Trio élégiaque de Rachmaninov ne figurent pas au nombre des «  morceaux de culture » habituels des salles de concerts. L'assistance était très fournie pourtant. Signe réconfortant de la maturité du public, qui veut désormais s'attarder dans des sentiers nouveaux. De Rachmaninov, le Trio élégiaque N°1, pour piano, violon et violoncelle, encore moins connu que son petit frère, dit «A la mémoire d'un grand artiste », date de 1892, et dans son seul mouvement, laisse au clavier le rôle de primus inter pares. Et de quelle manière, puisqu'il se verra même confier, en son beau milieu, une longue plage solo. Avec la pièce de Chostakovitch, le climat est bien différent : cet op 67, créé avec le compositeur au piano, en novembre 1944, à Saint-Pétersbourg, tout juste libérée, a été écrit à la mémoire d'un ami cher, Ivan Ivanovitch. Elle exhale un sentiment tragique irrépressible, et forme un pendant à la Huitième Symphonie. Son premier mouvement est âpre, ce que la persistance des notes aiguës du cello souligne. Le suivant, allegro con brio, est motorique, et ne laisse pas de place au répit. Celui-ci viendra avec le largo, une sombre passacaille, profonde, déchirante. La conclusion, proche d'une danse macabre, est étourdissante de difficultés, pour les deux cordes, notamment dans le registre supérieur. On ne sort pas indemne d'une telle pièce, dont Vadim Repin, Alexander Kniazev et Denis Matsuev jouent à fond les contrastes. Au point que le pianiste, une force de la nature, a tendance à quelque peu écraser l'ensemble dans le forte. Bartók a, très tôt dans sa production, abordé la musique de chambre. Son Quintette pour piano et quatuor à cordes, de 1904, est une œuvre monumentale, quelques 40 minutes, encore marquée par l'influence des romantiques, Liszt tout particulièrement, dont il reprend le système cyclique de la métamorphose thématique. La pièce fourmille d'idées et de rythmes, à l'aune de la fougue qui caractérise le jeune musicien, épris de liberté. Il y développe ainsi une métrique complexe dès le premier mouvement, en forme d'arche. Le deuxième, marqué « vivace scherzando », modifie constamment la rythmique. Il est aussi traversé de brèves sections expressives, tributaires de Brahms. L'adagio, qui fait penser à Richard Strauss, dont il « anticipe » certaines harmonies, est une vraie étude sur le timbre, et les alliances cordes-clavier. Le finale, qui s'y enchaîne directement, au point qu'il est difficile de distinguer les deux séquences, est parcouru de thèmes populaires hongrois, et de rythmes très accentués, annonçant les œuvres futures. Repin et Matsuev, qui se sont adjoints le violoniste Valeriy Sokolov, l'altiste Julia Deyneka et le celliste Alexander Buzlov en donnent une exécution passionnée, d'un formidable jaillissement. Il faut saluer leur audace d'avoir sorti de l'ombre une pièce que Bartók lui-même avait mise de côté, en 1921. Tombée ensuite dans l'oubli, pour n'être redécouverte qu'en 1963, elle demeure depuis lors peu jouée et enregistrée.

 

Jean-Pierre Robert.

 

Reprise de La Khovantchina à l'Opéra Bastille

 

Modest MOUSSORGSKY : La Khovantchina. Drame musical en cinq actes. Livret du compositeur et de Vladimir Stassov. Orchestration de Dimitri Chostakovitch. Orlin Anastassov, Larissa Diadkova, Gleb Nikolsky, Vladimir Galouzine, Vsevolod Grivnov, Sergey Murzaev, Marina Lapina, Nataliya Tymchenko, Vadim Zaplechny, Yuri Kissin, Vasily Efimov, Vladimir Kapshuk. Maîtrise des Hauts-de-Seine, Chœur d'enfants de l'Opéra National de Paris. Orchestre et Chœur de l'Opéra National de Paris, dir. Michail Jurowski. Mise en scène : Andrei Serban. 

 


© ONP/Ian Patrick

 

Plus encore que Boris Godounov, La Khovantchina est la grande œuvre lyrique de Moussorgsky. Elle scrute l'âme du peuple russe en ce qu'elle a de plus profond. Son austérité, sa manière quelque peu patchwork, peuvent dérouter, tout comme l'ascétisme du sujet. Mais il y a là un flot musical puissant, qui s'abreuve aussi bien de mélodies grandioses que de traits volontairement plus abrupts, sans parler des thématiques orientalisantes, au IV ème acte. Surtout, le chœur est traité dans ce qu'il a de plus original, les diverses factions en lice permettant d'en différencier le chant à volonté. La déclamation vocale y est calquée sur la parole en une fusion expressive rare. On est subjugué par le rythme, tout comme par ces ruptures qui surgissent où on ne les attend pas, et plus d'une fois on reste saisi devant l'extrême concision de la pensée. Il n'est que de citer les deux interventions réunissant Dosifei et Marfa, pour constater que la mélodie peut être aussi brève que profonde. L'orchestration de Chostakovitch, d'une pièce demeurée inachevée, est pourtant loin d'assécher la veine de son auteur. Aussi, la direction d'orchestre en est-elle délicate. On a fait appel, pour cette reprise, à l'Opéra Bastille, au vétéran Michail Jurowski, père des deux jeunes chefs en vue que sont Juri et Vladimir. Après un Prélude, banal, qui passe à côté de sa belle poésie, et un premier acte, un peu court côté émotion, les choses s'améliorent, et peu à peu émerge un discours affermi, rendant justice au « symphonisme » de la pièce, que souligne Rotilslav Hofmann. Le chef a enfoncé son orchestre au maximum de la fosse, sans doute pour ne pas gêner le chant, et sûrement obtenir un son fondu et synthétique. De fait, on perçoit plus les nuances d'une musique souvent étonnamment lyrique, qu'on est frappé par son impact, grands coups de boutoir mis à part. Tout cela n'est, sans doute, pas aisé à savourer par un public, ce soir-là, difficile à « accrocher », et empli de « tousseurs » invétérés. Dommage de passer à côté de l'essentiel. L'Orchestre de l'Opéra se donne au mieux dès le départ, et les chœurs font des prouesses. Les solistes sont, pour la plupart, au plus près de l'idiome singulier de Moussorgsky. Au premier rang, on citera le formidable Dosifei de Orlin Anastassov, voix d'airain, presque un peu trop lisse, mais ne boudons pas le plaisir d'entendre une basse de cette ampleur. Et quelle solennité dans la prise de parole ! Tout comme Larissa Diadkova, Marfa d'une grave présence, et dont le timbre impressionnant de mezzo-contralto épouse de si près la ligne de chant. Il y a là un des plus beaux rôle du répertoire russe, quasi idéalement servi par cette artiste d'exception. Les autres voix sombres sont bien défendues, dont Sergey Murzaev. Quoique Gleb Nikolsky, en Ivan Khovantski sollicite le trait facile, et ne parvienne pas toujours à maintenir un chant maîtrisé. Pareillement, les ténors sont excellents dans le cas de Vladimir Galouzine, mais trop discret pour ce qui est de Vsevolod Grivnov.

 


© ONP/ Ch.Leiber

 

La mise en scène de Andrei Serban conserve son pouvoir de suggestion, même si  peu imaginative. On peut pénétrer plus à fond le drame de ce peuple balloté entre idéaux et suivisme. Il y a là des déploiements de force quelque peu stéréotypés, et une régie souvent très policée dans la différenciation entre tableaux de foule animés, et passages de dialogues resserrés. Ces derniers, qui  interviennent souvent sans solution de continuité, sont, ici, trop dispersés sur le vaste plateau pour donner force aux  oppositions ou communauté d'idées. Mais, là encore, les choses connaissent une intéressante progression au fil des actes. Et les deux derniers percent les arcanes de cette œuvre gigantesque. Ainsi du tableau de la danse des esclaves persanes enchaînées, chez le Prince Ivan Khovanski, qui verra là sa soudaine et tragique fin. La scène finale, dans un no man's land aride, des Vieux Croyants se dépouillant de leurs vêtements noirs pour arborer une chasuble blanche immaculée, ne manque pas son effet émotionnel : c'est pour atteindre la rédemption, plus encore qu'assurer l'avènement de leurs idées, qu'ils offrent le sacrifice de leurs vies.

 

Jean-Pierre Robert.

 

Street Scene au Châtelet ou l'occasion manquée

 

Kurt WEILL : Street Scene.  Opéra américain en deux actes. Livret de Elmer Rice, d'après la pièce éponyme. Lyrics de Langston Hugues et Elmer Rice. Geof Dolton, Sarah Redwick, Susanna Hurrell, Pablo Cano Carfioca, Paul Featherstone, Kate Nelson, Paul Curievici, Robert Burt, Simone Sauphanor. Chœur du Châtelet. Orchestre Pasdeloup, dir. : Tim Murray. Mise en scène : John Fulljames.

 


© Alastair Muir

 

Enfin une version scénique de Street Scene à Paris ! Kurt Weill portait en haute estime cette œuvre, qui sera créé en 1947, à New-York. En tout cas, c'est celle dans laquelle il a le mieux assimilé le style de Broadway, en l'adaptant à la manière de l'opéra européen. Si la trame ne recèle pas d'action dramatique haletante, du moins autorise-t-elle des développements musicaux évocateurs d'une torride journée dans le East Side new-yorkais, que vivent des communautés d'immigrants, qui subissent là un quotidien ordinaire : les heurs et malheurs d'une existence banale, à défaut d'être héroïque. On voit bien vite que dans cet espace finalement rétréci qu'est la rue, les commérages des uns accréditeront le voyeurisme des autres, et qu'un bon père de famille, un peu trop rigide, finira par un geste tragique, qui dépasse peut-être sa volonté. Un mini drame social en somme. Weill a habillé cette vie de tous les jours d'une musique attachante, fourmillante d'inventions. Dire que la production du Châtelet lui rend justice revient à poser la question des intentions de ses auteurs, et du ressenti sur le vif. Le metteur en scène John Fulljames relève que Street Scene « est un spectacle melting pot sur le creuset new-yorkais », la rue, cadre de l'action, étant « un espace vide défini par les gens qui le remplissent », où « des vies privées se jouent en public ». C'est exactement cela. Mais pourquoi l'orchestre tient-il une place si particulière qu'il doive déserter la fosse pour être placé sur le plateau même ? Ce qui a pour effet de limiter singulièrement l'espace scénique, confinant les protagonistes sur une aire de jeu restreinte, et conduisant à des mouvements quelque peu stéréotypés. La rue est scène, certes, mais il est un peu facile de la réduire ainsi à un lieu introuvable, où seuls deux escaliers, façon « stairs » en ferraille, disposés de part et d'autre du dispositif orchestral, lui-même situé sur deux niveaux, les cordes en bas, les vents en-dessus, viennent en rompre la monotonie. On est là dans une présentation proche du « semi staged » en costumes. De plus, on a vite fait le tour d'une régie d'acteurs simpliste, où les numéros musicaux se succèdent sans grande fantaisie. Il y aura peu de surprises, tant les évènements paraissent attendus. Seuls, les éclairages permettent de différencier les tableaux. Certes, il n'est pas aisé d'habiter cet « espace vide ». Mais l'idée, a priori originale, de placer les musiciens à même le plateau, corsète la mise en scène plus qu'elle ne lui offre d'espace. Le show est sauvé par des prestations vocales et dramatiques intéressantes, notamment les personnages de Rose Maurrant, attachante Susanna Hurrel, ou du papa Frank Maurrant, impressionnant Geof Dolton, belle voix de baryton clair, menaçant, puis pitoyable devant son forfait, ou encore le jeune Sam Kaplan, Paul Curievici, fin ténor, bel acteur. Quelques individualités ressortent aussi, qui font le sel de la pièce, et l'émaillent d'habiles diversions : le bagout de Paul Featherstone, le doux illuminé Abraham Kaplan, qui voit tout en révolution prolétarienne, ou Robert Burt, excentrique Lippo, à la faconde italienne plus vraie que nature. La sonorisation, façon revue américaine, se veut  discrète, mais se rappelle constamment à l'attention. L'Orchestre Pasdeloup se tire fort bien d'affaire, sous la conduite de Tim Murray qui montre combien Weill marie astucieusement les divers styles et genres musicaux, agrégeant ce qui revient au jazz, à l'opérette européenne, au blues, à l'opéra vériste même. 

 

Jean-Pierre Robert.

 

René Jacobs porte au triomple « Il Trionfo » de Haendel

 

Georg Friedrich HAENDEL : Il Trionfo del Tempo e del Disinganno. Oratorio en deux parties. Livret de Benedetto Pamphili. Sunhae Im, Julia Lezhneva, Christophe Dumaux, Jeremy Ovenden. Freiburger Barockorchester, dir. René Jacobs.

 


© Altamusica.com

 

Décidément, Il Trionfo del Tempo e del Disinganno a la faveur des salles ( cf NL de 3/2012, au sujet d'une exécution scénique à Berlin). Tant mieux ! L'oratorio, commandé par le cardinal Benedetto Pamphili, au compositeur fraîchement installé à Rome, sur l'allégorie de la vanité de la beauté, est un parfait exemple de l'adaptation que Haendel peut réussir d'un sujet moral : un « oratorio volgare », une forme à peine déguisée d'opéra. Quatre personnages pour un jeu qui soumet la Beauté à rudes interrogations, et la conduira au renoncement des fastes de la vie d'ici-bas, malgré les assauts de séduction du Plaisir. Et ce grâce aux efforts assidus et conjugués du Temps et surtout de la Désillusion. Haendel a commis là une de ses musiques les plus fascinantes. Les arias da capo virtuoses, de pur lyrisme comme de fureur passionnée, se parent souvent d'un accompagnement instrumental concertant. On distingue aussi des duos, et même deux quatuors vocaux. René Jacobs fait sienne cette partition avec une force peu commune. Son exécution sera résolument chambriste, avec quelques 25 musiciens, répartis spatialement de manière symétrique, la harpe baroque trônant au centre, devant le chef. Grâce à son passé de chanteur, René Jacobs sent tout par et à travers le chant : les appogiatures de la ligne vocale migrent dans le discours symphonique. De même, les tempos modulent-ils constamment, au sein d'un air, pour souligner tel passage signifiant. Cela semble couler de soi, tant la manière du chef est simple. En apparence. Car il scrute patiemment chaque morceau, chaque phrase. Et il émane de ses mains des nuances inouïes. Il a tenu expressément à ce que toute interruption pour applaudissements soit bannie. On le comprend, tant les enchaînements entre numéros sont, ici, essentiels : toute coupure serait maladroite. Tel air, qui semble devoir conclure naturellement, peut se trouver contrecarré par l'intervention subite d'un autre protagoniste. Cela confère au déroulement une vie extraordinaire, qui n'est pas loin du théâtre. La ponctuation est aussi soignée : plus d'une fois on est saisi par ces fins de phrases douces ou abruptes, comme cette fabuleuse note de l'orgue, tenue durant plusieurs secondes, à la fin de l'ultime aria de Bellezza. Le Freiburger Barockorchester fait des merveilles : chaque musicien est un soliste, même si l'on distingue, de par l'originalité du texte, le premier violon et ses envoûtants solos, tout comme ceux du violoncelle, de l'orgue ou du clavecin. Ils sont chaleureusement et longuement ovationnés. Comme le quatuor de chanteurs, de haut vol. Ils sont, eux aussi, savamment disposés, les deux femmes au premier plan, les deux hommes au fond, pour ce qui se rapproche d'une  exécution semi-staged. Sunhae Im, Bellezza, est une radieuse soprano, sobre au début, puis s'épanouissant à mesure que la voix se chauffe. Le ténor Jeremy Ovenden, que s'arrachent les chefs baroques, s'accomplit en une ligne de chant assurée et des vocalises d'une absolue sûreté. Christophe Dumaux, Disinganno, qui figure en bonne place dans l'avantageuse liste de nos contre-ténors vedettes, signe une exécution fouillée, donnant même du piquant à ce qui est «  théâtre de la vérité ». Julia Lezhneva, Piacere, offre quelque chose que l'on devine souverain dès ses premières interventions, une vraie présence, simple, pas affectée, un chant mû par la chaleur du timbre comme par sa ductilité, des cascades de vocalises pianissimos étourdissantes, au fils d'arias superbes, dont la fameuse « Lascia la spinna », une des plus belles inspirations mélodique du « caro Sassone ». Une voix à suivre de très près. Un concert miraculeux en tout cas.   

 

Jean-Pierre Robert.

 

Une ravigotante Ciboulette à l'Opéra Comique

 

Reynaldo HAHN : Ciboulette. Opérette en trois actes. Livret de Robert de Flers et Francis de Croisset.  Julie Fuchs, Jean-François Lapointe, Julien Behr, Eva Ganizate, Romain Debois, Cécile Achille, Jean-Claude Saragosse, Guillemette Laurens, Patrick Kabongo Mubenga, François Rougier, Safir Behloul. Bernadette Lafont, Michel Fau, Jérôme Deschamps. Chœur Accentus. Orchestre symphonique de l'Opéra de Toulon, dir. Laurence Equilbey. Mise en scène : Michel Fau.

 


© Elisabeth Carrechio

 

Reynaldo Hahn est venu à l'opérette sur le tard. Avec une sûre expérience de la scène.

Après une première partie de carrière consacrée plutôt à l'opéra, le compositeur d'origine espagnole, né à Caracas, se tourne vers le genre léger. Ciboulette voit le jour, en 1923, grâce à la proposition de livret de l'ami de Flers, avec d'éminents chanteurs, Edmée Favart et Jean Périer, le créateur de Pelléas ! Le succès, immédiat, ne se démentira pas. C'est que Hahn, pour qui littérature et musique sont à placer sur le même plan, retrouve la veine lyrique de l'opérette du XIX ème siècle, d'un Lecoq, d'un Offenbach ; un genre qui s'est délité et est alors éclipsé par la vogue de  l'opérette viennoise. Il reprend à son compte tous les codes d'un genre bien français, et manie un art du chant qui sait allier la rigueur opératique et la liberté du caf' conc'. Bernard Gavoty dit que sa musique «  simple en apparence, est toujours le fruit d'une ardente méditation » (« Reynaldo Hahn », Buchet & Chastel). Elle est avant tout sincère : « Je n'ai jamais écrit une seule note insincère », dira son auteur. Et c'est ce qui en fait tout le prix : des tournures légères pour des airs, certes, sans prétention, mais si bien troussés, des échanges vifs et aguichants, des ensembles bien ficelés, des finales entraînants. Et surtout, un mélange du parler chanter, cette épine dorsale du genre, parfaitement maîtrisé. Tout ce qui est parfaitement assimilé dans la présente production, salle Favart, dont l'unité stylistique s'impose très vite. Là où, souvent, le convenu est la règle, et laisse un sentiment de daté, tout est ici naturel, en particulier le passage de la parole au chant, sans hiatus. Michel Fau, qui dit vouloir enlever toute mièvrerie, et être confiant dans une nécessaire audace, réussit le pari de ne pas brider le cocasse, voire l'absurde, des situations. Un jeune homme de la ville, enfourné dans la charrette de la belle maraîchère, qui se retrouve sur la place du village d'Aubervilliers, à la campagne donc, à la surprise de tous : « c'est pas Paris, c'est sa banlieue...c'est pas l'amour, c'est sa banlieue ». Plus que littéraire, le trait se pare de sous-entendu. Point d'actualisation hasardeuse, non plus que de reconstitution vénale. Car « il faut faire voyager le public plutôt que de  ramener l'opéra à l'actualité télévisée ». Enfin, un régisseur courageux de ses opinions ! Le ton restera sobre, juste surtout. Avec cette pointe de nostalgie constamment sous-jacente chez Hahn. Il faut savoir déceler dans une longue tirade, d'apparence futile, la phrase qui, soudain, ouvre des perspectives autrement plus parlantes que ce qui se lit au premier degré. Il faut déceler l'émotion vraie. En sont truffées les tirades du sympathique Duparquet, le poète Rodolphe de La vie de Bohème, devenu philosophe et fonctionnaire, se remémorant les derniers instants de sa chère Mimi : c'est à vous tirer les larmes. Les tableaux se succèdent habilement dans un charme rétro, joliment imagé, du carreau des Halles au salon d'un grand café, de la scénette champêtre au finale triomphal de Ciboulette, dont le rêve d'ascension sociale est enfin devenu réalité.

 


© Elisabeth Carrechio

 

Michel Fau a magnifiquement utilisé sa distribution. D'abord les « vieux de la vieille », vraiment savoureux : Mr le directeur Deschamps jouant son propre rôle de patron un peu dépassé, Mr Fau lui-même, grimé en Castafiore désopilante, singeant l'espace d'un mini récital, nos grandes cantatrices adulées, Bernadette Lafont, une des actrices favorites de Truffaut et de Chabrol, péripatéticienne, qui poissarde, s'invente un opportuniste destin de mère-poule. Les protagonistes sont jeunes, tendres, et en phase. Julie Fuchs, joli minois, saura manier la corde sensible de ses soupirants, et des spectateurs. Sa Ciboulette a de l'épaisseur, et émeut par une facilité innée à passer du registre décontracté à celui des interrogations existentielles. Jean- François Lapointe, épate pas un chant d'une fière assurance, à deux doigts de l'opéra. Et quelle prestance à l'humour finement dévastateur ! Du falot Antonin, amoureux malgré lui, basculant dans le transi, Julien Behr évite le benêt qu'on croit, par la justesse de ton, qui relègue loin les habituels ténors d'opérette. On mesure  le travail du metteur en scène pour déniaiser l'affaire. Et puis il y a les jeunes « académiciens » de l'Opéra Comique, qui jouent et chantent leurs premières leçons in situ : et déjà des talents en devenir, tant ils s'insèrent sans barguigner dans la troupe ; car c'est de cela qu'il s'agit ! Un bravo à leurs maîtres ! Accentus apporte aux chœurs nombreux et variés, une contribution fort vivante, et c'est bonheur de les voir ainsi grimés, qui en gens des halles, qui en villageois. Les huit 'autres' prétendants au cœur incertain de l'héroïne, empanachés façon naïfs, sont d'une drôlerie inénarrable. Ajoutant à sa couronne de chef de chœur (attribué ici à Christophe Grapperon, de chez Les Brigands), celle de chef d'orchestre, Laurence Equilbey donne du lustre à la musique de Hahn : finesse, transparence d'une orchestration souvent lumineuse, toujours profonde, énergie et vivacité. La tendresse pour les personnages affleure à chaque morceau, et leurs tribulations, que parsèment d'adorables airs, tel « Moi, j' m'appelle Ciboulette », ou duos, comme « Nous avons fait un beau voyage ». Les couplets de la valse « Amour qui meurt!...amour qui passe !», ou le refrain « du muguet » sont entonnés par la salle, dûment avertie, et même chauffée à cet effet, retrouvant la connivence avec le public, favorisée à la Belle Époque.   

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Une monumentale Turangalîla-Symphonie au Théâtre des Champs-Elysées

 


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Œuvre monumentale que cette Turangalîla-Symphonie d’Olivier Messiaen, commande de Serge Koussevitsky pour l’Orchestre Symphonique de Boston. Composée entre 1946 et 1948, la partition, forte de 429 pages et 2683 mesures, d'une durée de quelques 80 minutes, écrite pour un orchestre de 103 musiciens, se compose de pas moins de 10 mouvements. Créée en 1949, par le jeune Leonard Bernstein, à Boston, elle verra sa création française, l'année suivante, à Aix-en-Provence, avant sa reprise, en 1954, à Paris, dans ce même Théâtre des Champs-Elysées, avec Yvonne Loriod au piano, et sa sœur Jeanne aux ondes Martenot. Le titre lui-même en confirme la dimension titanesque, puisque signifiant, en sanscrit, d'une part, le jeu de la création, de la vie et de la mort, d'autre part, le temps qui court, le mouvement. La pièce est ainsi, selon l'auteur, « chant d'amour, hymne à la joie, temps, mouvement, rythme, vie et mort ». L'orchestre, de très vastes proportions, comprend un instrumentarium des plus variés, incluant force cuivres et percussions, ainsi que trois claviers (célesta, jeu de timbres et vibraphone), que renforcent les interventions du piano solo et des ondes Martenot. Cette œuvre gigantesque est parcourue par quatre thèmes récurrents : un « thème-statue », brutal et terrifiant, entonné fortissimo par les trombones, un autre, pianissimo, « l’image de la fleur », joué par les clarinettes, puis l'ample mélodie d’Amour, inspirée de la légende de Tristan & Iseult, et enfin un quatrième thème, tout en accords, qui « réalise la formule doctrinale des alchimistes : dissocier et coaguler ». Le découpage des 10 mouvements alterne tension, lyrisme, chants d’oiseaux, passion, danse frénétique, drame, violence et poésie. Symphonie hors norme, unique, elle peut donner lieu à plusieurs niveaux d’interprétation, se résolvant dans une sorte d’épiphanie... La partie de piano est d’une extrême difficulté, toute en virtuosité, quant au toucher et aux ruptures rythmiques. Jean-Yves Thibaudet en donna une magistrale interprétation, d'une souveraine clarté, usant d’une sonorité limpide et cristalline, face aux tutti de l’orchestre. Cynthia Millar, qui exécuta plus de cent fois cette œuvre, sut donner aux parties confiées aux ondes Martenot (instrument électro acoustique, associant un clavier, un ruban permettant les glissandos, et une touche d’intensité réglant l’importance du son et la netteté des attaques) tout leur pouvoir expressif et poétique. Mariss Jansons, chef emblématique s’il en est, à la tête de l'Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise, dont il est directeur, livra de cette partition délicate, une vision juste et équilibrée, insistant sur la précision rythmique et le travail des timbres. Cette œuvre d'exception, dont l'exécution constitue toujours un événement, a donné lieu là à un concert exceptionnel ! Et à une ovation triomphale, bien méritée !

 

 


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Patrice Imbaud.

 

Le « Philhar » et Lisa Batiashvili : lumineux!

 


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Une salle Pleyel comble pour ce concert du « Philhar » sous la direction du chef allemand Markus Stenz, et l’étoile montante du violon, Lisa Batiashvili. Le programme regroupait le Concerto pour violon & orchestre de Brahms, et  la Symphonie n° 5 de Mahler. Dédié à Joaquim, créé par lui et le compositeur au pupitre, le concerto pour violon de Brahms, réputé alors injouable, du fait de ses difficultés techniques, est devenu un des monuments incontournables du répertoire violonistique. Lisa Batiashvili en donne une vision lumineuse, loin de la virtuosité vaine, toute en délicatesse du toucher : un premier mouvement clair, juste de ton, et engagé, alliant agilité digitale et superbe legato, soulignant des pianissimos d’une sublime langueur ; un deuxième mouvement, introduit par un très beau solo de hautbois (Hélène Devilleneuve), avant que ne s’élève la voix du violon dans une mélodie d’un lyrisme poignant. Un finale virtuose aux accents tziganes, joué tout en retenue avec une élégance et une netteté du trait remarquables. En « bis », pour répondre aux applaudissements nourris de la salle, la violoniste joue une chanson géorgienne, adaptée pour violon et cordes, chargée de douceur, et d’une indicible mélancolie. En seconde partie, Markus Stenz donnait la Symphonie n° 5 de Gustav Mahler. Choix judicieux, car le chef allemand possède déjà, dans sa discographie, une intégrale des symphonies de Mahler, enregistrée sous le label OehmsClassics, avec l’Orchestre du Gürzenich de Cologne, dont il est le directeur musical. La  ville où fut créée en 1904, cette Cinquième symphonie, sous la direction de Mahler lui-même. Premier volet des trois symphonies médianes, dites « instrumentales », composées dans le climat d’amour du mariage récent du musicien avec Alma, mais aussi dans la douleur et l’angoisse faisant suite à une hémorragie intestinale grave, la Cinquième symphonie est dominée par un sentiment d’ambigüité, d’autant que parfois les forces créatrices semblent submerger le compositeur lui-même : « C’est une œuvre maudite, personne ne la comprend » dira-t-il. Elle est constituée de trois parties, et de cinq mouvements. La première partie comprend les deux premiers mouvements : marche funèbre et allegro se terminent dans un sentiment d’angoisse, malgré une vaine tentative optimiste, représentée par un  hymne triomphal des cuivres. Vient ensuite le scherzo, qui représente, à lui seul, la deuxième partie : explosion de joie sans transition avec le mouvement précédent, sur un rythme de danse, où l’inquiétude n’est pas totalement absente. Enfin, la troisième partie, avec l’adagietto, sorte d'intermezzo, lied sans paroles, où l’heure est au recueillement, comme dans le lied « Ich bin der Welt abhanden gekommen » (Je me suis retiré du monde), puis le rondo final, victoire définitive des forces de vie et de création. Mais là encore, la victoire n’est pas dénuée d’ambigüité et d’interrogations. « Ciel, quelle figure fera le public devant ce chaos qui engendre toujours un monde prêt, au dernier moment, à retourner au néant ? », s'interrogera encore son auteur. Markus Stenz en donne une interprétation convaincante, d’une lisibilité absolue, limpide et pertinente, peut-être un peu outrancière dans l’usage des nuances. Il s'agit là d'une vision de Mahler très extravertie, qui sait rendre compte cependant de la richesse de l’orchestration. On décèle l'influence de Leonard Bernstein. Stenz fut d’ailleurs son élève, à Tanglewood. L'orchestre est attentif et, une fois de plus, impressionne par sa qualité, tous pupitres confondus, avec une mention spéciale pour les trompettes, cors et hautbois.

 

 

 
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Patrice Imbaud.

 

 

Mariss Jansons dirige Royal Concertgebouw Orchestra

 

Mariss Jansons est décidément omniprésent sur les scènes parisiennes ! Après avoir donné, quelques jours auparavant, une remarquable Turangalila Symphonie de Messiaen, au Théâtre des Champ-Elysées, à la tête de son Orchestre de la Radio Bavaroise, le revoici, Salle Pleyel. Cette fois à la tête de l'Orchestre du Royal du Concertgebouw d’Amsterdam, dont il est également, depuis 2004, le directeur musical. Ce passage à Paris intervenait à l’occasion d’une tournée internationale, fêtant le 125 ème anniversaire de cette glorieuse phalange, qui a connu à sa direction des chefs aussi prestigieux que Wilem Mengelberg, et plus récemment, Bernard Haitink ou Riccado Chailly. La salle était comble, et conquise d’entrée de jeu, pour ce concert de gala, associant Johan Wagenaar, Richard Strauss et Tchaïkovski. La première partie sera toutefois un peu décevante, avec l’Ouverture de « De getemde feeks », de Johan Wagennar : une œuvre sans grand relief, si ce n’est de faire connaître au grand public ce compositeur, né à Utrecht en 1862, où il fit carrière d’organiste, d’enseignant, et de chef d’orchestre. Ses compositions, à son image, sont chargées d’humour et d’ironie, comme en témoigne cette ouverture quasi bouffonne, inspirée de la Mégère apprivoisée, mais dont la découverte, pour beaucoup, ne restera pas gravée dans les mémoires. Lui faisait suite Mort et Transfiguration de Richard Strauss, où Mariss Jansons parut, par instant, mal à l’aise. La vision est un peu confuse, voire approximative, notamment au niveau des cuivres et de la petite harmonie. Mais le meilleur restait à venir, avec une exécution d'anthologie de Symphonie n° 5 de Tchaïkovski ! Cette œuvre fait partie du dernier triptyque symphonique de Tchaïkovski. Composée en 1888, elle use du thème récurrent et évolutif du destin, qui revient de façon cyclique dans les quatre mouvements. Voilà une œuvre versatile, ambiguë, tour à tour, lugubre, enjouée, pathétique, radieuse, lyrique, dansante, populaire et savante, que l’orchestre et son chef interprètent de façon particulièrement claire et pertinente, déployant la somptueuse orchestration de l'auteur, et retrouvant, du même coup, toute la rutilance des bois, la douceur des cordes, et la véhémence des cuivres. Une magnifique exécution, digne du grand Evgeni Mvravinski, qui a gravé les trois dernières symphonies dans une version de référence unanimement reconnue, aux côtés des celles, plus intériorisée de Karajan, ou plus extravertie de Bernstein. Le chef letton Mariss Jansons, qui fut l’assistant de Mvravinski à Saint-Pétersbourg, qui conduisait alors l'Orchestre Philharmonique de Leningrad, sut en retenir les précieuses leçons. Une mention spéciale pour le hautboïste Alexei Ogrintchouk, et le jeune corniste Laurens Woudenberg.

 


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Patrice Imbaud.

 

 

Yuja Wang, époustouflante,  enflamme l'Orchestre de Paris

 

 


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Ce concert particulièrement intéressant de l'Orchestre de Paris, vaut, à la fois, par la qualité de l’interprétation et par le choix des œuvres, rarement jouées : les Danses de Galanta de Zoltan Kodaly, le Concerto pour piano n° 2 de Prokofiev, et La Petite Sirène d’Alexandre von Zemlinski. Les Danses de Galanta furent composées en 1933, par Zoltan Kodaly (1882-1967), en vue de commémorer le 80 ème anniversaire de l’Orchestre de la Société Philharmonique de Budapest. C'est une partition haute en couleur, aux sonorités tourbillonnantes, majoritairement tziganes, au climat tour à tour nostalgique ou endiablé, tirée d’un recueil de danses hongroises. Juraj Valcuha, d’origine slovaque, en donne une vision très attrayante et très engagée. Rappelons que Galanta est une petite cité marchande sur la route reliant Budapest à Vienne, située, aujourd’hui, en territoire slovaque. Ceci expliquant peut être cela !  Le Concerto pour piano n° 2 de Prokofiev a une  histoire  un peu compliquée, puisqu’il fut composé initialement en 1912, en Russie, avant d’être oublié par le compositeur, et reconstitué de mémoire à Paris en 1923. La partition, qui restera dans l’ombre du Concerto n° 3, est rarement donnée. Elle se caractérise par une stupéfiante cadence au premier mouvement, un mouvement perpétuel au second, un intermezzo au rythme barbare hérité du machinisme ensuite, et un finale déchaîné. La jeune prodige chinoise Yuja Wang sait déjouer toutes les difficultés d'une œuvre complexe et virtuose, s’il en est, grâce à une agilité digitale hors du commun, un toucher d’une stupéfiante musicalité, où le piano se fait successivement confident ou orchestral, en parfaite symbiose avec l’orchestre. Cette prestation exceptionnelle déchaîna une standing ovation ! La Petite Sirène est une œuvre magnifique d’Alexandre von Zemlinski (1871-1942), remarquable compositeur, contemporain de Franz Schmidt, Erich Korngold ou Franz Schreker, dont les carrières furent mises à mal par les purges nazies, les condamnant à l’exil, et leur collant l'étiquette de « musique dégénérée » ; pour ne pas dire quelque peu éclipsées, jusqu’aux années récentes, par le succès envahissant de la Seconde École de Vienne. Alexandre von Zemlinski, beau-frère de Schönberg, fiancé malheureux d’Alma, et ami de Mahler, laisse une œuvre considérable, à la fois symphonique et lyrique, dont l’opéra Le Nain, la Symphonie Lyrique et La Petite sirène sont des pièces maîtresses. Cette dernière, composée en 1903, d’après le conte d’Andersen, créée à Vienne en 1905, est une fantaisie orchestrale, aux confins de la tonalité, sans en franchir le pas. Une œuvre à programme aussi, usant des leitmotivs, où le compositeur se met lui-même en scène dans le personnage malheureux de la petite héroïne vouée à la mort. Il offre un langage complexe, avec une orchestration très riche, une stratification des timbres au service d’une expressivité accrue. L’Orchestre de Paris, au mieux de sa forme, sut rendre compte, sous la baguette précise de Juraj Valcuha, de la richesse et du charme vénéneux de cette partition. Une mention spéciale pour Philippe Berrod, à la clarinette, et Benoit de Barsony, au cor, particulièrement sollicités pendant cette remarquable soirée.

 

 


© DR

 

Patrice Imbaud.

 

Pourtant attendue, La Favorite déçoit.

 

Gaetano DONIZETTI : La Favorite (version originale en français). Opéra en quatre actes. Livret d’Alphonse Royer et de Gustave Vaëz. Alice Coote, Marc Laho, Ludovic Tézier, Carlo Colombara, Loïc Félix, Judith Gauthier. Chœur de Radio France. Orchestre National de France, dir. Paolo Arrivabeni. Mise en scène : Valérie Nègre. Scénographie: Andrea Blum.

 

 


La Favorite © Vincent Pontet/WikiSpectacle.

 

La reprise de La Favorite, de Donizetti (1797-1848), tant attendue, car absente des scènes parisiennes depuis si longtemps, devait constituer un des évènement phares de l'année du centenaire du Théâtre des Champs-Elysées. Or, cette nouvelle production a été marquée, dès le début, par des aléas dans la programmation (remplacement de Rita de Letteriis, metteur en scène initialement prévu, comme de Celso Albelo dans le rôle de Fernand, sans parler des viroses hivernales n’épargnant pas plus les chanteurs que le commun des mortels…). Bref, cela commençait mal. Mais, notre espoir ne faiblissait pas !

 


La Favorite © Vincent Pontet/WikiSpectacle.

 

L'œuvre, créée à Paris en 1840, en français, lors du séjour parisien du compositeur, connaîtra près de 700 représentations à l’Opéra, jusqu’en 1918, avant de disparaitre des scènes parisiennes jusqu’en 1991, où elle fut reprise à l’Opéra Comique. L'œuvre est originale, mêlant, adroitement, bel canto par sa ligne de chant magnifique, mais sans les ornementations habituelles du genre, et grand opéra français, dans la lignée d’Halévy ou de Meyerbeer, par la langue d’abord, mais également par la dimension historique, l’effectif orchestral et la structure en 4 actes avec ballet (absent dans cette représentation). Un opéra de Donizetti de la maturité, s’inscrivant dans la lignée de Rossini. Malheureusement, la déception  fut à la hauteur de l'attente, la faute en incombant, surtout, à l’indigence de la mise en scène. Si Valérie Nègre a travaillé avec les plus grands, en particulier Patrice Chéreau, elle n’a, à l’évidence, pas su en retenir les leçons ! Sa mise en scène est d’une platitude affligeante, n’exploitant aucune des facettes politico-religieuses fournies par le livret, qui font toute la particularité de cette version française de 1840, par rapport à la version italienne de 1842, expurgée pour cause de censure. Une direction d'acteurs réduite, où ceux-ci errent sans but apparent, et parfois surjouent sur l’immense plateau vide. Une incapacité à animer les masses chorales. Ce que n'arrange pas une scénographie indigente, elle aussi réduite à quelques décors hideux (rochers en plastique, mobilier de pacotille…), censés reproduire l’Ile de Leon ou les jardins de l’Alcazar. Dans ce qui est proche d'une « version de concert en costumes », les chanteurs font ce qu’ils peuvent. Mais force est de reconnaître, là encore, que malgré de beaux moments de musique, comme le duo d’amour « Oui, ta voix m’inspire », l’air d’Alphonse « Leonor, viens », l’air de Leonor « Oh ! mon Fernand », celui de Fernand « Ange si pur », et un final dramatique bien mené, la distribution est peu adaptée aux rôles. C’est finalement Marc Laho, le dernier arrivé, qui s’en tire le mieux, même s’il n’a pas le charisme nécessaire, et si son Fernand manque de crédibilité. La voix est claire, la diction impeccable, mais le jeu est étriqué, comme les aigus d’ailleurs, parfois amputés des redoutables contre ut ! Alice Coote, qui avait séduit, en février 2012, sur cette même scène, dans le rôle de Sextus (La Clémence de Titus), offrant un air « Parto, Parto » d’anthologie, n’arrive pas, aujourd’hui, à convaincre : voix trop lourde pour le rôle de Leonor, puissance agressive, mal adaptée au bel canto, ligne de chant hachée, sans legato. La tessiture est étendue, certes, mais le passage de la voix de tête à la voix de poitrine s'avère parfois houleux, et les graves sont présents, mais mal tenus. Ludovic Tézier, Alphonse, déçoit également, trop rigide dans le jeu, comme dans l'émission, manquant de nuances. Carlo Colombara, seul, tire son épingle du jeu, quoique avec une diction parfois approximative. Dans cette production, assez médiocre, retenons l’excellente prestation de Judith Gauthier (Inès), au timbre cristallin, et la bonne tenue de l’Orchestre National et des Chœurs de Radio France, parfaitement dirigés par Paolo Arriabeni. Celui-ci rend à la partition de Donizetti toute sa richesse et sa grâce. Bref, un spectacle qui ne restera pas dans les mémoires. Dommage. Espérons qu’il ne faille pas attendre encore vingt ans avant de la revoir !

 


La Favorite © Vincent Pontet/WikiSpectacle.

 

Patrice Imbaud.

 

Un concert d’exception : La Damnation de Faust.

 

Hector BERLIOZ : La Damnation de Faust, op. 24. Légende dramatique en quatre parties. Livret du compositeur, d'après la traduction française, de Gérard de Nerval, de la pièce éponyme de Goethe. Olga Borodina, Bryan Hymel, Alastair Miles, René Schirrer. Chœur Orfeon Donostiarra. Orchestre National du Capitole de Toulouse, dir. Tugan Sokhiev.

 

La Damnation de Faust peut, indifféremment, être donnée en version de concert ou scéniquement. Cette légende dramatique, ou opéra-concert, en 4 actes, composée en 1845-1846, sur un texte de Berlioz lui-même, d’après Goethe, a été créée en décembre 1846, à l’Opéra Comique, sous la direction du compositeur. On sait le rôle important de la littérature dans l’inspiration et l’imaginaire de Berlioz, L’Enéide de Virgile, pour les Troyens, Shakespeare pour Roméo & Juliette, enfin Goethe pour cette Damnation de Faust dont la composition, itinérante lors d’un voyage en Europe, fut favorisée par Liszt. En retour, celui-ci idédiera à l’auteur de la Symphonie Fantastique, sa Faust-Symphonie. Opéra de l’esprit, quelque peu éloigné du texte de Goethe, retraçant le destin tragique de Faust, qui  damné, finira en Enfer, il s’agit d’une œuvre centrée sur la solitude et la désillusion, alliant force dramatique et orchestration brillante, prétexte à une errance onirique qui suspend le temps, source d’émotion et d’émerveillement. De cette partition, donnée en version de concert, salle Pleyel, Tugan Sokhiev, à la tête de son Orchestre du Capitole de Toulouse, sut rendre toute la poésie : une direction à la fois sobre dans sa gestuelle, inspirée dans son interprétation, particulièrement efficace, maniant avec précision et clarté l’articulation des différents plans sonores du chœur et de l’orchestre. Une musique toute entière au service de l’émotion. La distribution vocale ne dénotera pas. Si Bryan Hymel, Faust, a  la sagesse d’esquiver quelques contre Ut particulièrement périlleux, et de rompre intelligemment la joute vocale face à la redoutable voix d’Olga Borodina, il parvient à conserver au personnage tout son charme, par la beauté de son timbre et  la souplesse de sa ligne de chant. Il offrira un « Nature immense » d’une stupéfiante beauté. Olga Borodina est égale à elle-même, magnifique, dans le rôle de Marguerite, usant d’une projection vocale hors du commun, et d’un registre exceptionnellement étendu, gratifiant d’un air du Roi de Thulé, avec alto solo et cordes graves, d'anthologie, tout comme il en fut d’une romance « D’amour, l’ardente flamme », avec accompagnement de cor anglais ! Alastair Miles, Méphistophélès, sembla légèrement en deçà, non pas tant par un jeu diabolique, d’une parfaite crédibilité, que par une diction parfois approximative, entachant l’air de la Puce et celui des Feux follets. Un très beau moment de musique.

 


© DR

 

Patrice Imbaud.

 

 Un Orchestre National euphorique !

 

Il est vrai que les raisons d’être euphorique doivent être rares à l’Orchestre National, lorsque dirigé par Daniele Gatti ou Kurt Masur ! L’occasion était belle de retrouver sourire et entrain sous la baguette de Vassily Sinaisky, élève de Kondrachine, et directeur musical du Bolchoï de Moscou, dans un programme regroupant l’Ouverture Carnaval de Dvořák, le Concerto pour violon & orchestre de Mendelssohn et la Symphonie n° 1 de Sibelius. Les visages étaient donc souriants, les coups d’archet vifs, l’orchestre plein d’allant, et la complicité grande avec le chef, dès la pièce de Dvořák, qui ouvrait la soirée. Une œuvre composée en 1891, avant le départ du musicien pour l’Amérique, et faisant partie d’un triptyque avec les Ouvertures Dans la nature et Othello. Mais chacune d'elles peut être jouée de façon indépendante, dans la tradition des ouvertures de concert inventées en 1826-1827 par Mendelssohn et Berlioz. Une façon pour le moins entraînante de débuter le concert dans une ambiance de luxuriance orchestrale, pleine aussi de poésie à l'andante central, où dialoguent cor anglais, flûte, clarinette et violon solo, et de rythmes slaves encore. Le Concerto pour violon de Mendelssohn, partition incontournable du répertoire violonistique, créé en 1845 au Gewandhaus de Leipzig, était l’occasion d’une interprétation remarquable de la part de Julian Rachlin, claire dans le jeu, juste dans le ton, virtuose et profondément musicale, parfaitement en phase avec l’orchestre. Une prestation qui ravit l’orchestre et la salle. Ils bénéficièrent, en « bis », de la Sarabande de Bach, comme un clin d’œil à Mendelssohn qui fit tant pour la redécouverte du Cantor de Leipzig, à qui il vouait un véritable culte. La Symphonie n° 1 de Sibelius concluait en beauté la soirée. Une œuvre charnière, sans doute, où l’on peut sentir les différentes influences de ses prédécesseurs, mais surtout contenant en germes toutes les facettes du Sibelius de la maturité : un premier mouvement plein de mystère, un andante nostalgique et méditatif, un scherzo énergique et rythmé, un finale, quasi una fantasia, très libre, se concluqnt sur un rappel de la mélodie de la clarinette, qui ouvrait la symphonie. A la différence de Mahler, chez Sibelius chaque symphonie est un monde en soi. Cette très belle soirée permit au National de retrouver sa joie, son plaisir de jouer et  tout son talent.                

 


© DR

 

Patrice Imbaud.

 

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L’EDITION MUSICALE

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REPERTOIRE PEDAGOGIQUE

 

La Médiathèque de la cité de la Musique nous indique l’accès en ligne des volumes épuisés de la collection 10 ans avec sur le portail de la Médiathèque de la Cité de la musique :

http://mediatheque.cite-musique.fr/catalogue/partitions

Edités depuis les années 1990 par l’Institut de Pédagogie Musicale et Chorégraphique, ces volumes présentent chacun le répertoire d’un instrument, classé par niveau d’étude avec de courts commentaires. Aujourd’hui, les volumes épuisés sont numérisés par la Cité de la musique avec l’accord de leurs auteurs et accessibles en ligne gratuitement. La version numérique est enrichie de liens vers des extraits de partitions.

Sont déjà disponibles en ligne :

c)     10 ans avec l’alto

ci)   10 ans avec l’orgue

Seront prochainement mis en ligne :

cii) Opéras pour enfants,

ciii)                      Répertoires pour le chant,

civ)                      10 ans avec la percussion…

On ne peut que se réjouir de cette initiative aussi intéressante qu’utile.

 

Daniel Blackstone.

 

FORMATION MUSICALE

 

Henri SAUGUET, Maurice DRUON, Jean-Luc TARDIEU : Tistou les pouces verts. Conte lyrique en un acte. Billaudot : G 9298 B. 1 vol. 1 CD. Partition chant piano G 8026 B, matériel orchestre et conducteur en location.

Ce délicieux conte merveilleusement mis en musique par Henri Sauguet demande, certes, un effort pour trouver les chanteurs solistes, mais est parfaitement abordable par les enfants, même dans le cadre des cours de Formation Musicale. L’histoire est jolie, avec des rebondissements et une fin à la fois heureuse et un peu mélancolique… mais n’en disons pas plus ! L’ensemble dure un petit peu plus d’une heure mais c’est un vrai régal. Le CD a été réalisé avec l’orchestre philharmonique et la maîtrise de Radio France.

 

 

 

Catherine MÉCHAIN : Itinéraire musical pour adultes. Vol. 2. 1 vol. 1 CD. Billaudot : G8843B.

Ce deuxième volume qui fait suite à celui dont nous avons rendu compte dans notre lettre de mars 2012, en a toutes les qualités. Il n’est pas facile à un adulte de commencer ou de reprendre l’étude du solfège, et cet itinéraire musical porte bien son nom, lui qui permet de développer grâce à un CD remarquablement réalisé, tous les aspects de la formation musicale, de l’apprentissage de la lecture et des rythmes à une véritable culture musicale tout en formant l’oreille à tous les paramètres du son. En effet, le travail se fait à partir d’œuvres très judicieusement choisies. Bref, il s’agit d’un ouvrage indispensable pour tout professeur qui s’occupe d’adultes ou de grands adolescents.

 

 

 

CHANT

 

Daniel ROTH : Ave Maria pour soprano et orgue. Compositeurs Alsaciens volume 30. Delatour : DLT2126.

Transcription de l’Ave Maria pour quatre voix égales a cappella publié aux mêmes éditions, c’est cependant une œuvre originale : les harmonies célestes de l’accompagnement servent de soubassement à la mélodie quasi grégorienne de la soprane. La photographie du Sacré Cœur qui figure sur la couverture rappelle l’origine de l’œuvre. Et le fait qu’elle ait été achevée le jour anniversaire de la mort de Maurice Duruflé indique dans quelle sphère d’influence elle a été écrite.

 

 

 

GUITARE

 

Nicolas GUAY : Trois préludes pour guitare. Niveau 3ème cycle. Sempre più : SP 0041.

Ces trois préludes se caractérisent autant par leurs tonalités que par leur caractère. A un premier prélude en la mineur où le thème se trouve à la basse avec les traditionnels arpèges succède un prélude en sol dièse mineur, de style plus grave, s’épanouissant peu à peu pour terminer par un prélude en fa dièse mineur développant un thème obstiné plein de mélancolie.

 

 

 

Jean-Marc FRÉZIGNAC : A toi de jouer ! La guitare en liberté pour les débutants. Lafitan : P.L.2569.

Il est indispensable de citer le titre au complet : « Méthode pour développer le sens créatif par le jeu de l’écriture, de l’imitation et de l’improvisation ». Vaste programme, certes, mais développé avec beaucoup d’efficacité par un guitariste qui est manifestement un pédagogue amoureux de son instrument et soucieux de faire partager sa passion. Pour plus de détails, il ne faut pas hésiter à se reporter à la page du site de l’éditeur consacrée à cet ouvrage à découvrir absolument.

 

 

 

ORGUE

 

Franck VILLARD : Quasi una fantasia. Symétrie. 30, rue Jean-Baptiste Say

69001 LYON. http://symetrie.com/fr

Saluons d’abord cette maison d’édition et de diffusion dont on aura tout intérêt à consulter le catalogue riche et varié.

Voici un titre qui ne manque pas de résonnances… mais sans rapport avec une certaine sonate sinon la liberté de ton, de couleur. L’auteur nous précise que la pièce doit être exécutée « avec fougue, emportement et parfois avec un certain sens dramatique ». La pièce est dédiée à Denis Comtet, titulaire des grandes orgues de Saint François Xavier (Paris) qui en a assuré la création. Riche autant par ses rythmes que par ses harmonies, cette pièce essentiellement modale foisonne de trouvailles qu’il faut découvrir.

 

 

 

PIANO

 

The Boosey & Hawkes Piano Sonata Collection : Six sonates by Bartók, Bernstein, Copland, Ginastera, Prokofiev and Stravinsky. Boosey & Hawkes – Hal.Leonard : HL48021178.

Bien sûr, ces six sonates ne sont pas des nouveautés, mais il est très intéressant de les retrouver groupées dans ce recueil. Pour Ginastera, il s’agit de la sonate n°1 op. 22 et pour Prokofiev, de la sonate n° 3 op. 28. Les élèves avancés y trouveront ainsi un florilège qui leur permettra d’élargir leur culture musicale. C’est tout un panorama d’une certaine musique pour piano du XX° siècle qu’ils auront ainsi à leur disposition.

 

 

 

VIOLONCELLE

 

Leonello CAPODAGLIO : Trois petites pages : Sicilienne, Chanson, Toccata pour deux violoncelles. Fortin-Armiane : EAL 522.

Assez faciles, ces trois pièces au langage clair et agréable feront le bonheur des jeunes violoncellistes. Ce pourrait être également l’occasion de présenter aux jeunes interprètes trois formes musicales caractéristiques de bien agréable façon.

 

 

 

Max MÉREAUX : Mandala pour violoncelle seul. Fin de 3ème cycle. Sempre più : SP0049.

Quelle que soit la doctrine spirituelle à laquelle ce titre fait référence, on comprendra tout de suite que cette pièce est destinée à créer une certaine ambiance méditative à travers un langage très personnel. Il s’agit d’une œuvre spirituelle qui demande à l’interprète une grande intériorité.

 

 

 

CONTREBASSE

 

Frédéric BORSARELLO : Tagada tsoin tsoin pour contrebasse (ou violoncelle) et piano. Premier cycle. Sempre più : SP 0043.

Il est inutile de préciser que cette pièce ne manque pas d’humour mais elle a aussi beaucoup de charme. Une première partie tonitruante conduit à une deuxième partie plus mélancolique, le tout se terminant par une cadence qui conduit à six mesures triomphantes. Le jeune interprète devrait trouver beaucoup de bonheur à jouer cette pièce qui, sans en avoir l’air, l’amènera à dévoiler toutes les faces de son talent.

 

 

 

TROMPETTE

 

Jean-Michel TROTOUX : Le chant de la terre pour trompette ou cornet ou bugle et piano. Débutant. Lafitan : P.L.2401.

L’auteur nous offre ici une jolie pièce lyrique pleine d’enthousiasme qui devrait ravir les jeunes interprètes. L’accompagnement de piano, souple et chantant, contribue beaucoup à l’atmosphère à la fois paisible et joyeuse du morceau.

 

 

 

TROMBONE

 

Alexandre CARLIN : Nuages d’été pour trombone et piano. Débutant. Lafitan : P.L.2434.

Un vrai dialogue s’instaure entre les deux partenaires : le piano n’est nullement cantonné à un rôle d’accompagnateur mais prend une part active à ces nuages. C’est une excellente manière de préparer les interprètes à la sonate et de leur apprendre à s’écouter mutuellement. Le tout est nuageux et mélancolique à souhait.

 

 

 

Rémi MAUPETIT : Le marchand de glace en Mongolie pour trombone et piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.2254.

A l’heure de la mondialisation, on ne s’étonnera pas qu’un marchand de glace vende ses cornets en Mongolie sur un rythme de bossa nova. Quoi qu’il en soit, tout cela est fort entrainant et fort agréable à entendre, et certainement aussi à jouer ! Il faudra, bien évidemment, que les interprètes et spécialement le pianiste aient un bon sens du rythme… ou profitent précisément de cette pièce pour l’affermir !

 

 

 

COR

 

Olivier DEVIENNE : Nuit d’été pour cor en fa ou mib et piano. Débutant. Lafitan : P.L.2433.

Il est toujours difficile d’écrire de jolies musiques pour les débutants. Cette page, simple autant pour le cor que pour le piano, devrait faire le bonheur des interprètes par son charme et sa grâce.

 

 

 

SAXHORN/EUPHONIUM/TUBA

 

Rémi MAUPETIT : Méli-Mélodie pour saxhorn basse / euphonium / tuba et piano. Débutant. Lafitan : P.L.2463.

Une jolie mélodie déroule en ré mineur ses variantes tout au long d’un morceau un peu mélancolique et plein de charme. Le piano intervient avec des chromatismes qui accentuent encore le caractère un peu nostalgique de l’œuvre. C’est une manière de s’assurer que le jeune interprète débutant est déjà un vrai musicien.

 

 

 

PERCUSSIONS

 

Denis DIONNE : La méthode Pygmalion. Découvrez, apprenez, créez ! Dhalmann : FD0394.

A partir d’études simples à jouer d’abord sur la caisse claire, l’auteur propose toute une série de « jeux » dans tous les sens du terme permettant à l’élève de découvrir et de maîtriser l’ensemble des instruments mis peu à peu à sa disposition. Si l’idée est simple, disons qu’il fallait quand même y penser ! Et n’est-ce pas mettre tout de suite l’élève « en situation » ? Amateur ou professionnel, peu importe : un batteur inventif est une bénédiction.

 

 

 

Thomas Vandevenne : Les claviers de percussion de deux à quatre. Volume 1. Dhalmann : FD0375.

Il s’agit d’une méthode très complète mettant non seulement en jeu la technique des baguettes (de deux à quatre) mais toutes les notions solfégiques, mélodiques, dynamiques et harmoniques qui en découlent. On lira avec beaucoup d’intérêt la « Note aux élèves » que tout musicien peut lire avec profit et transposer pour son propre instrument. Interprétation et création s’interpénètrent tout au long des pages. Bref, il s’agit d’un ouvrage d’une grande richesse et pleinement pédagogique.

 

 

 

Olivier DEVIENNE : Au bord du soir pour caisse claire et piano. Débutant. Lafitan : P.L.2491

Tandis que le piano égrène une fort jolie mélodie, la caisse claire ponctue le discours par un rythme tantôt parallèle à celui de la mélodie, tantôt en introduisant ses propres ponctuations. Le tout constitue un ensemble bien agréable et qui exercera nos jeunes interprètes à l’écoute mutuelle.

 

 

 

Max MÉREAUX : Jogging pour caisse claire et piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.2453.

Tandis que le piano se lance dans une course ininterrompue en ternaire, la caisse claire l’encourage par des rythmes entrainants rappelant à certains moments ceux de l’Apprenti sorcier. Il faudra à nos interprètes beaucoup de régularité et de constance pour mener à bien cette course qui culmine sur un fortissimo.

 

 

 

MUSIQUE DE CHAMBRE

 

Daniele CORSI : Amor che vien per le più dolci porte pour violoncelle et contralto. Fortin-Armiane : EAL 473.

Tiré d’un sonnet de Cino da Pistoia (1270-1336), le très poétique texte est porté délicatement par une musique à la fois discrète et lyrique, toute au service du texte. Le violoncelle clôt la pièce par un discours solitaire. Daniele Corsi, compositeur italien, nous offre là une pièce courte mais d’une grande densité musicale et poétique. Bien sûr, ce n’est pas très facile… mais c’est bien beau !

 

 

 

Georges ONSLOW : Quatuor op. 50. 1833. Préface d’Alexandre Dratwicki. Conducteur. Symétrie.

Disons tout de suite qu’outre la partition de poche ici présentée, il existe également le matériel aux mêmes éditions. On ne peut que se réjouir de voir enfin disponible ce quatuor d’un compositeur français du début du XIX° siècle et encore trop peu joué malgré les efforts d’un certain nombre de musiciens. On consultera avec profit les différents sites qui lui sont consacrés et notamment http://george.onslow.online.fr/accueil.html . Alexandre Dratwicki présente à la fois l’auteur et l’œuvre. Cette musique est à découvrir et à jouer ou faire jouer absolument !

 

 

 

Marie JAËLL : Sonate en la mineur pour violoncelle et piano. Delatour : DLT1043.

Dans leur collection « Musique & Patrimoine », les éditions Delatour nous font découvrir cette sonate inédite (comme la plus grande partie de son œuvre de compositrice) de Marie Jaëll. Et l’éditeur nous propose d’en écouter deux copieux extraits sur son site. On pourra ainsi se faire une idée de l’importance de cette musique que nous présente une fort intéressante préface de Florence Doe de Maindreville. Doit-on y chercher des influences ? Il y en a, certes, mais c’est d’abord et avant tout une œuvre originale qu’on souhaite très vite entendre dans les concerts.

 

 

 

André AMELLÉR : Adagio pour violon et piano. Delatour : DLT0704.

Voici une œuvre très attachante de ce compositeur français né en 1912 et mort en 1990, et encore trop peu connu. Commençant dans un style quasi choral avec un violon constamment en doubles cordes, elle se continue par un chant soutenu du violon qui s’épanouit dans l’aigu tout en gardant son charme intense et mélancolique. C’est tout simplement beau.

 

 

 

Louis-Noël BELAUBRE : Le Tombeau de Louisa Paulin pour voix d’alto, clarinette, violoncelle et piano. Delatour : DLT0599.

Cinq parties constituent ce recueil. Après un prélude instrumental, un premier chant, Pour l’âme, s’élève doucement. Puis Le ramier constitue une partie plus animée. On trouve ensuite Pleureuse, Chant pour le vent du sud et enfin La colombe qui avait déjà inspiré au compositeur une mélodie pour voix et piano en 1962. Les poèmes sont donc de Louisa Paulin, institutrice et poétesse albigeoise (1888-1944). L’ensemble est d’une grande beauté.

 

 

 

Gérard HILPIPRE : Trio pour violon violoncelle et piano. Delatour : DLT0957.

Développée en trois mouvements, cette œuvre dense se caractérise par ses recherches de sonorités et sa force expressive. A un adagio sostenuto plutôt contemplatif succède un Vivacissimo impalpabile (très fluide, comme un songe). Le troisième mouvement laisse éclater toute l’énergie contenue jusque-là dans un « Impetuoso. Con fuoco » qui, après un bref retour à l’ambiance du deuxième mouvement se termine par un vertigineux « prestissimo stringendo ». 

 

 

 

ENSEMBLE DE CUIVRE

 

Georges BIZET : Carmen (ouverture). Transcription pour deux trompettes, cor et trombone. Arrangement de Jean-Louis Petit. Fortin-Armiane : EAL 534.

Ecrit, comme les suivants, à l’occasion du concours international de quatuors de cuivres de Paris/Ville d’Avray du 23-24 mars 2013, cet arrangement est réalisé avec tout le soin et la compétence musicale qu’on connait à Jean-Louis Petit. Nul doute que les quatuors de cuivre ne bouderont pas leur plaisir ! Notons qu’un deuxième trombone peut remplacer le cor en fa : la transcription nécessaire est fournie.

 

 

Nicolaï RIMSKY-KORSAKOV : Le vol du bourdon. Transcription pour deux trompettes, cor et trombone. Arrangement de Jean-Louis Petit. Fortin-Armiane : EAL 534.

Le bourdon se promène agréablement dans trois parties sur quatre… et ne leur rend pas la vie facile ! Cette transcription bénéficie des mêmes qualités que la précédente et devrait connaître un grand succès. Le cor peut également être remplacé par un trombone.

 

 

Jean-Sébastien BACH : Art de la fugue. Contrapunctus I. Transcription pour deux trompettes, cor et trombone. Réalisation de Jean-Louis Petit. Fortin-Armiane : EAL 458.

Remarquons tout de suite que Jean-Louis Petit a bien précisé en tête de la partition « réalisation » et non « transcription ». C’est bien en effet de cela dont il s’agit et l’on ne peut que se réjouir qu’un tel monument puisse figurer au répertoire d’un quatuor de cuivres. Rappelons qu’on peut remplacer le cor en fa par un deuxième trombone.

 

 

 

Domenico GABRIELLI : Canzone. Arrangement pour deux trompettes, cor et trombone. Réalisation de Jean-Louis Petit. Fortin-Armiane : EAL 532.

Voici une œuvre jubilatoire qui convient tout à fait à un quatuor de cuivres (rappelons que le cor en fa peut être remplacé par un trombone). Le thème passe d’un instrument à l’autre dans un joyeux contrepoint. Les interprètes devraient y trouver beaucoup de plaisir.

 

 

Georges GERSHWIN : Bess you is my woman. Transcription pour deux trompettes, cor et trombone. Arrangement de Jean-Louis Petit. Fortin-Armiane : EAL 532.

Voici un bien joli et bien fidèle arrangement de la célèbre mélodie de Gershwin tirée de Porgy and Bess. Jean Louis Petit, comme à son habitude, montre dans cette adaptation une grande délicatesse. Comme toujours dans cette collection, le cor en fa peut être remplacé par un deuxième trombone.

 

 

 

MUSIQUE CHORALE

 

Franck VILLARD : Christus factus est, motet pour la Passion. Chœur mixte. Editions Symétrie.

Cette pièce, qui demande un chœur solide, est d’une grande expressivité et d’une profonde intériorité. Elle est construite sur un « cantus firmus » exposé tour à tour par chacune des voix et qui n’est « autre que la scala enigmatica utilisée par Verdi dans son Ave Maria des Quattro pezzi sacri, échelle ascendante et descendante aux degrés accidentés symbolisant pour moi [Franck Villard] la montée douloureuse du Christ au calvaire suivie de sa mort et de sa descente au tombeau ». L’auteur commente son œuvre dans une préface indispensable à lire et à méditer. Est-il utile de rappeler que ce texte de Saint Paul est un sommet de la messe du Jeudi Saint, et de toute la liturgie catholique ?

 

 

 

Giacomo PUCCINI : Messa di gloria. Version pour deux pianos. Arrangement Ludovic Thirvaudey. 2 vol. Symétrie.

Précisons immédiatement qu’il s’agit d’un arrangement permettant à un chœur de donner la Messa di Gloria pour chœur et orchestre avec simplement deux pianos. Chacun des volumes contient les parties des deux pianos. Cet arrangement, fort bien fait, a été commandé par l’ODAC 74  (Office Départemental d’Action Culturelle de Haute Savoie) pour le Chœur de Haute Savoie. Nul doute qu’il sera très apprécié de beaucoup de chorales de qualité mais qui ne peuvent se payer les services d’un grand orchestre… Cette version est compatible par les numéros de mesure avec l’édition Carus et par les lettres-repères avec l’édition Ricordi. 

 

 

 

Charles BALAYER : Un ti bout de Fwance pour chœur mixte SATB et piano (ou section rythmique). Delatour : DLT1440.

Comment mieux rendre compte de cette délicieuse biguine créole qu’en conseillant, toute affaire cessante, d’aller l’écouter dans son intégralité grâce à la vidéo disponible sur le site de l’éditeur à l’adresse http://www.editions-delatour.com/fr/jazz-vocal/1882-un-ti-bout-de-fwance-pour-choeur-mixte-et-piano-9792321007547.html  L’adresse est un peu longue... Mais il suffit de cliquer et ça vaut vraiment le détour. On ne peut que saluer une fois de plus la polyvalence d’un auteur aussi à l’aise dans l’orgue classique que dans le jazz et les musiques du monde. Reste la question de savoir si le chœur qui doit interpréter cette pièce doit boire le punch avant ou après…

 

 

 

Davide PERRONE : Vieni con noi pour chœur mixte SATB et piano. Delatour : DLT2123.

Cette pièce de jazz devrait plaire à beaucoup de chœurs. Une « walking bass » du piano anime l’ensemble qui est constitué d’imitations et de tutti à la manière d’une comédie musicale. Le texte italien est une incitation à partir en vacances à la mer… Bref, il s’agit d’une pièce très agréable de moyenne difficulté.

 

 

Daniel Blackstone.

 

 

Vissarion CHEBALINE : Sonate pour violoncelle et piano, op. 51, n° 3. Les Éditions du Chant du Monde (www.chantdumonde.com ), VC4665, 51 p. (+ partie séparée pour violoncelle, 16 p.).

Le Chant du Monde, spécialisé dans la musique russe, vient de publier, pour le cinquantenaire de la mort de Vissarion Chébaline (né à Omsk en 1902, mort à Moscou en 1963), sa Sonate pour violoncelle et piano, op. 51, n° 3, composée en 1960 et créée, l’année suivante, à Moscou par le dédicataire Mstislav Rostropovitch et Alexeï Zybtsev (piano). Elle comprend 4 mouvements contrastés. 1. Allegro assai (p. 3-20) : l’accompagnement est marqué par un ostinato rythmique auquel succèdent des accords plaqués ; la ligne mélodique du violoncelle, légèrement chromatique, s’appuie sur un rythme de trochée s’animant peu à peu avec des croches et un trait de doubles-croches. 2. Vivace (p. 21-30) : le violoncelle assure d’abord un mouvement perpétuel de croches assez conjointes, des pizzicati très disjoints, puis les croches alternent entre violoncelle et piano ; l’ensemble se termine sur de vives oppositions de nuances (p, sff). 3. L’Andante (p. 31-36), de caractère plus chantant, fait dialoguer les deux instruments, avec retour des mouvements de croches, changement de tempi, et se termine pp. Enfin, 4. l’Allegro (p. 37-51), avec un rappel du mouvement de croches au violoncelle, des changements de mouvements, se termine sur des doubles cordes au violoncelle et de riches accords au piano. Partition très bien gravée et de difficulté moyenne.

 

 

Edith Weber.

 

 

 

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CDs et DVDs

 

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William BYRD. : Messe à 5 voix & autres pièces. Vienna Vocal Consort. 1CD KLANGLOGO (www.klanglogo.de) :  KL1401. Diffusion : RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de ). TT : 55’16.

William Byrd (v. 1543-1623), Gentleman de la Chapelle Royale, peut-être l’élève de Thomas Tallis, détenait avec celui-ci le monopole de l’impression musicale en Angleterre. Ce compositeur, typiquement de la Renaissance et de la Réforme, s’est illustré dans la musique chorale religieuse associée à sa fonction liturgique ; il maîtrise particulièrement le contrepoint, tout en mettant l’accent sur l’intimité et l’émotion religieuses, bien que ses Motets soient esthétiquement assez proches des Madrigaux profanes. Et c’est le mérite d’un des Ensembles vocaux les plus célèbres d’Autriche, le Vienna Vocal Consort (fondé en 2001) dont le titre est significatif, de restituer fidèlement, avec une émission vocale très soutenue et une belle ligne mélodique (y compris des basses prenantes), d’une part sa Messe à 5 voix (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Benedictus, Agnus Dei) bénéficiant d’un remarquable paysage vocal et, d’autre part, une dizaine d’autres pièces brèves, dont Alleluia, Ave Maria-Virga Jesse ; Laetentur Coeli ; Miserere mei Deus très prenant, Ne irascaris, Domine ; O Lord, my God et Lord, make me to know, sommets d’expressivité. Bel hommage au « Father of Musick » : à écouter et réécouter.

 

 

Édith Weber.

 

« Italian Journey ». Quartetto di Cremona. 1CD KLANGLOGO (www.klanglogo.de) : KL1400. Diffusion : RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de ). TT : 70’49.

Cette production est née d’une rencontre de musiciens italiens et de producteurs allemands qui se sont intéressés au Quartetto di Cremona fondé dans cette ville en 2000 et réunissant C. Gualco, P. Andreoli, S. Gramaglia et G. Scaglione. Ils précisent leurs réactions dans le texte d’accompagnement : pour un quatuor, il est généralement difficile de jouer de la musique de chambre italienne, car aucun traité n’en décrit les critères d’interprétation et, d’ailleurs, les traditions manquent… ; il s’agit d’un événement tout particulier que de jouer des Quatuors à cordes de compositeurs italiens, avec des passages très exigeants ; en fait, ils portent en eux les parfums, ainsi que les couleurs et les beautés… spécifiquement italiennes. Ce « voyage » musical commence avec Luigi Boccherini (1743-1805). Son Quatuor op. 2, n°6 en Do Majeur, en 3 mouvements bien contrastés : Allegretto spirituoso, Largo, Menuet. Trio, est interprété avec extrêmement de finesse et de transparence. Ces mêmes qualités se retrouvent dans le Quatuor en mi mineur de G. Verdi (1858-1924) en 4 mouvements : l’Allegro est enlevé avec élan ; l’Andantino, tout en finesse et élégance ; le Prestissimo, plus bref, frappe par sa virtuosité technique et débouche sur le Scherzo Fuga  très structuré. Après le romantique et dramatique Crisantemi (Andante mesto) de Giacomo Puccini (1858-1924), le Quatuor en Ré Majeur d’Ottorino Respighi (1879-1936), édité à Vienne en 1907, en 4 mouvements traditionnels : Allegro moderato de caractère grave, avec des sonorités chaudes ; Tema con variazioni s’impose par son caractère intériorisé ; l’Intermezzo avec ses pizzicati est animé ; le Finale, pétillant et énergique, avec des harmonies délibérément du début du XXe siècle. Ce disque — dont la succession des pièces n’est pas chronologique — brosse un tableau intéressant de l’évolution de la forme du Quatuor italien entre Boccherini, l’un de ses premiers fondateurs, et Respighi dont le rôle historique est indéniable.

 

 

Édith Weber.

 

« Jesu, meine Freude ». Un siècle de motets baroques allemands. Chœur de Chambre Les Temperamens. 1CD Variations (http://lestemperamens.free.fr   ). TT : 52’ 19.

Thibault Lam Quang, fondateur et directeur du Chœur de Chambre Les Temperamens Variations, propose un programme historique illustrant l’évolution du motet baroque, traité par trois musiciens représentant trois générations différentes. Cinq Motets de Heinrich Schütz (1585-1672) sont extraits de sa Geistliche Chormusik, d’inspiration luthérienne, véritables petits sermons en musique. Composés pendant les affres de la Guerre de Trente Ans (1618-1648), ils prennent tout leur sens, notamment avec leur aspiration à la paix (Verleih uns Frieden genädiglich, SWV 372) et sont interprétés avec musicalité et sensibilité. Le Motet Jesu, meine Freude de Jean Sebastien Bach (1685-1750) bénéficie, comme il se doit, de relief, d’intériorité et de nuances précises : beau point d’orgue à cette réalisation introduite par quatre Motets a cappella de Gottfried August Homilius (1714-1785) marqués par l’influence de l’Empfindsamkeit. L’intérêt historique de ce triple parcours, qui a bénéficié du concours d’instruments (positif, théorbe, violoncelle, violone et contrebasse) et également de l’excellente prononciation allemande des choristes, est indéniable.

 

 

Édith Weber.

 

« Wie mit vollen Chören ». Musique du centre historique de Berlin. Marienvokalconsort et  Marienensemble 1CD RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de) : ROP 6071. TT : 75’ 06.

Ce disque transporte les discophiles au centre historique de Berlin ; dès les premières mesures, ils seront subjugués par la justesse extrême, la plénitude vocale, la précision des entrées successives et le paysage vocal lumineux dont le Marienvokalconsort et le Marienensemble placés sous la direction si sensible de Marie-Louise Schneider détiennent le secret. Ils révèlent des pages très attachantes, par exemple le Magnificat IV, à 5 voix, en Fa, et quatre textes dont deux chants de mariage avec basse continue et les Chorals : Fröhlich soll mein Herze springen (encore chanté de nos jours) et Jesu, meine Freude de Johann Crüger (1598-1662), éditeur de l’Anthologie Praxis pietatis melica, recueil de Chorals, professeur au Gymnase et Cantor à l’Église St-Nicolas de Berlin. Son successeur, Johann Georg Ebeling (1637-1676), est l’auteur, entre autres, de la Cantate Der Herr erhöre dich in der Not à 5 voix, cordes et basse continue, et du Motet à 6 voix : Ein Tag in deinen Vorhöfen interprétés avec infiniment de musicalité. À découvrir également deux Cantates de Magnus Peter Henningsen (1655-1702). Ces œuvres ont résonné à Berlin, dans les Église St-Nicolas, St-Pierre et Ste-Marie. Programme irrésistible à écouter et réécouter.

 

 

Édith Weber.

 

« Verklingend und ewig. Raritäten aus der Herzog August Bibliotehk Wolfenbüttel ». Chœurs de Hanovre. Capella Augusta Guelferbytana. 1 CD RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de ) : ROP 6054. TT : 78’ 22.

La Bibliothèque du Duc August, à Wolfenbüttel, contient des riches inestimables, dont, par exemple, des manuscrits de l’École Notre-Dame de Paris. Le présent disque propose une sélection d’œuvres allemandes du XVIIe siècle, entre autres d’Andreas Hammerschmidt (†1675), représenté par la version allemande des chorals Verleih uns Frieden gnädiglich (Dona nobis pacem) et le Notre Père si typiques de l’esthétique luthérienne, comme d’ailleurs les versets bibliques : Ich weiss dass mein Erlöser lebt (Je sais que mon rédempteur est vivant) mis en musique par Johann Schelle (†1701) et Ich habe einen guten Kampf gekämpft (J’ai combattu le bon combat) de Johann Erasmus Kindermann (†1655)… Ce volet allemand est complété par des œuvres italiennes sorties de l’oubli et à découvrir : Madrigaux à 4 voix du Second Livre  de Maddalena Casulana (†v.1590), plus développés ; Premier Livre pour le Jubilé de Saint-Bernard de Jacobus Peetrinus (†v. 1591), ou encore le Psaume 134 : Ecce nunc benedicite… de Giovanni Battista Chinelli (†1677), se terminant par la Doxologie. Ces pages étaient entendues à la Cour de Wolfenbüttel. Grâce aux inégalables Chœurs de Hanovre souvent présentés à nos lecteurs : le Chœur de filles (sous la direction de Gudrun Schröfel), le Chœur de garçons (sous la direction de Jörg Breiding), ainsi que la Capella Augusta Guelferbytana, ce répertoire enfoui dans les fonds de la célèbre Bibliothèque reprend vie et « résonne » à nouveau « et pour longtemps » : verklingend und ewig...

 

Édith Weber.

 

Jean-Sébastien BACH : Cantates d’anniversaire. Ensemble Mitteldeutsche Hofmusik. 1 CD RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de ) : ROP 6058. TT : 65’ 21.

Sous le titre : Gloire et bonheur, l’Ensemble Mitteldeutsche Hofmusik (Musique de Cour d’Allemagne moyenne) — se produisant sur instruments anciens — a reconstitué deux Cantates d’anniversaire de Jean Sébastien Bach, avec le concours, en solistes, de Gudrun Sidonie Otto (Soprano), Wiebke Lehmkuhl (Alto), Hans Jörg Mammel (Ténor), Varsten Krüger (Basse), tous placés sous la direction d’Alexander Grychtolik. Ces deux Cantates, datant respectivement de 1725 et 1718, destinée à la Cour ducale de Köthen pour laquelle son ancien Maître de chapelle — déjà nommé à Leipzig — devait encore composer pour des occasions particulières. La Cantate : Steigt freudig in die Luft (BWV 36a) était destinée à l’anniversaire de la Princesse Charlotte Friederike Amalie de Nassau-Siegen, alors que, encore à Köthen, Bach avait composé en 1718 sa Sérénade : Der Himmel dacht’ auf Anhals Ruhm und Glück (BWV66a) pour l’anniversaire du Duc Leopold, lui souhaitant bonheur, santé et longue vie. Ces œuvres, interprétées, en 2012, dans le cadre du Festival Bach à Köthen (Köthener Bachfesttage), s’imposent par leurs atmosphères tour à tour : festive et énergique, méditative et solennelle, limpide et dépouillée, expressive et grave… Décidément, presque trois siècles après leur composition, ces premiers enregistrements n’ont rien perdu de leur pertinence.

 

Édith Weber.

 

« Ein Hofer Königspaar. Die Orgeln in St Marien und St Michaelis ». Pièces d'orgue et instrumentales. 1CD RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de ) : ROP 6072. TT : 75’ 06.

La Ville de Hof, en Bavière (Haute-Franconie) possède deux Orgues célèbres : d’une part, l’Orgue Heidenreich  en l’Église Saint-Michel ; d’autre part, l’Orgue Steinmeyer en l’Église Sainte Marie, particulièrement mis en valeur par leur titulaire respectif : G. Stanek et L. Stühlmeyer. Ils proposent un programme cosmopolite, avec le Praeambulum en Sol majeur de V. Lübeck ; le Prélude de choral : Schmücke dich, o liebe Seele (BWV 654) de J. S. Bach (plage 8) — à confronter avec celui de J. Brahms (pl. 9) — ; le Prélude et Fugue en Sol Majeur de F. Mendelssohn, ainsi que des extraits de sa Deuxième Sonate d’orgue en Do mineur ; et, plus proches de nous, Joseph Gabriel Rheinberger (mort en 1901), avec son Chant du soir (Abendlied), pour alto et soutien instrumental ; Sigfrid Karg-Elert (mort en 1933), avec son Choral : Nun danket alle Gott. À ce volet allemand, s’ajoute notamment la Sonate en Ré Majeur de H. Purcell, ou encore le Largo extrait de la Symphonie n°9, op. 95 d’A. Dvorak. Ces organistes, auxquels sont associés Z. Kruzikaite (Alto), W. Mehling (Flûte traversière), C. Kelber (Trompette), J. Wilkens (violon) ont signé un bel hommage à ces deux Orgues des Églises St. Marien et St. Michaelis, à Hof. Ce programme si varié et éclectique mérite les plus vifs éloges. À ne pas manquer.

 

Édith Weber.

 

RUNDUMADUM. Mit den Grassauern durch den Winter. 1CD KLANGLOGO (www.klanglogo.de) : KL1402. Diffusion : RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de ).  TT : 59’ 58.

Ce disque contient une sélection de 26 pièces en tous genres, interprétées par l’Ensemble de Cuivres de Grassau (Bavière), créé en 1980. Dirigé par Wolfgang Diem, il propose un « parcours autour de l’hiver » et de Noël, à travers l’Allemagne (E. Humperdinck, Hänsel et Gretel, ou encore Schlittenfahrt), la Bavière (Munich), la Russie (D. Bortnianski), la Suède (Staffan och Herodes), la France (arrangement du Gloria in excelsis Deo), l’Italie (d’après la Pastorale de Corelli) et l’Espagne (Riu Riu Chiu). L’époque romantique est évoquée notamment par le Psaume 91 : Denn er hat seinen Engeln befohlen… adapté du double-quatuor de l’Oratorio Elias de F. Mendelssohn. Le titre : Münchner Weihnacht regroupe des Noëls contenus dans un manuscrit provenant du Couvent de Weyarn (XVIIe siècle) et des mélodies munichoises. Dans l’ensemble, ces pièces, habilement arrangées par Hans Kröll, conviennent parfaitement aux sonorités des cuivres ; elles reflètent le sérieux et la joie ressentis par les Grassauer Blechbläser dans l’interprétation de ce répertoire à la fois populaire et classique.

 

 

Édith Weber.

 

« Chant grégorien ». Ensemble En chemin. 1CD Éditions JADE (www.jade-music.net ) : 699774-2. TT : 44’ 59.

L’Ensemble En chemin regroupe des Pères norbertins en activité à Saint-Michel (en Californie) où des prêtres hongrois s’étaient installés en 1950 ; en 1984, le lieu a été élevé au rang d’Abbaye. En fait, le modèle canonique de la vie religieuse, d’abord envisagé par Saint Augustin d’Hippone (354-430), a inspiré quelques siècles après, Saint Norbert de Xanten (1080-1134) qui, en 1121, fonda l’Ordre des Prémontrés. Si leur objectif principal est d’ordre pédagogique, cette communauté pratique quotidiennement l’observance du chant à l’office et à la messe. Ses membres s’adonnent aussi à la prédication et à la traduction d’ouvrages spirituels. La qualité de leur chant s’est imposée au « Renée et Henry Segerstrom Concert Hall », comme le rappelle le chef, Carl St. Clair, directeur musical de l’Orchestre Symphonique du Pacifique sous la direction duquel ces Pères ont interprété, entre autres, des œuvres religieuses d’A. Bruckner. La genèse du disque a ainsi été résumée par le Père Chrysostom Baer : « Comme aucun de ces concerts ne fut enregistré, nous décidâmes de revivre l’expérience de la seule manière possible, et de produire cet album avec les mêmes morceaux, mais chantés cette fois-ci dans le studio très douillet de notre propre Église abbatiale… ». Ce CD comprend 9 chants interprétés à Segerstrom Hall : pour l’arrivée du public, puis de la procession dans la salle de concert et enfin lors de la messe.  Les chants 10 à 13 ont été interprétés dans la Salle de concerts Sutherland Hall à l’Université Biola, lors d’un Symposium concernant l’espace d’art sacré. Le programme représente une synthèse des formes grégoriennes traditionnelles avec non seulement des graduels, répons, introït, antienne, litanie, mais encore des hymnes, et une prière pour le Saint Père : Oremus pro Pontifice. L’Ensemble En Chemin s’impose par le paysage vocal, la justesse, la pureté, la diction précise et par sa haute spiritualité de ces pièces d’une part destinées aux temps liturgiques (Avent, Vendredi Saint, Pâques) et d’autre part  consacrées à l’honneur du Saint Sacrement ainsi que de la Vierge Marie. Un exemple d’émission vocale et d’intériorité. À suivre.

 

Édith Weber.

 

Guillaume COSTELEY : Mignonne, allons voir si la rose. Ludus modalis. 1CD Ramée (www.outhere-music.com ). RAM 1301. TT : 71’ 42.

L’Ensemble bien connu, Ludus modalis, dirigé avec tant de compétences par Bruno Boterf — chanteur, musicologue, spécialiste aussi bien de la musique médiévale que de la musique contemporaine, en passant par Cl. Monteverdi ou encore les Cantates et Oratorios de J. S. Bach —, rend un vibrant hommage à Guillaume Costeley (v. 1530-1606). Dans un sonnet, Jean-Antoine de Baïf l’apostrophe ainsi : « […] toy  Costeley, qui entre les meilleurs /Exerces le doux art d’une musique eluë, /Qui sçais par beaux accors acoiser l’ame emuë,/ L’exciter assoupie, exprimer ses douleurs. » (Préface au volume de Musique, 1570). Cette réalisation sous-titrée : Mignonne allons voir si la rose » se veut implicitement aussi un hommage à Pierre de Ronsard (1524-1585), le « prince des poètes ». Il contient 27 chansons spirituelles et amoureuses, typiques de la Renaissance en France, y compris une Fantasie sur orgue ou espinette très ornementée à la manière des luthistes, interprétée avec clarté et virtuosité par Freddy Eichelberger. Ces diverses chansons expriment l’ennui, le chagrin, les tourments amoureux, le destin cruel… mais aussi la consolation de l’âme et l’amour de Dieu à la manière des Psaumes (J’ayme mon Dieu et sa saincte Parolle ; Seigneur Dieu, ta pitié s’estende dessus moy/car O Seigneur je suys en un terrible esmoy). Elles relatent également des événements historiques (la prise du Havre) et contiennent des allusions lyriques (rose, vert bocage, le mois de mai ; à noter le chant homosyllabique si impressionnant : La terre les eaux va buvant (2 quatrains) n’étant pas sans rappeler l’atmosphère des Octonaires mis en musique par Paschal de l’Estocart et Claude Le Jeune). D’autres allusions concernent des personnages : berger(s), damoiselle ; Noé, Satan ; Robin, Marion, Margot ; des instruments : fleageollet, fifre, cornet, clairon, y compris de nombreuses allusions grivoises. Un modèle d’interprétation.

 

Édith Weber.

 

Jan Dismas ZELENKA : Gaude laetare, Missa Sanctissimae Trinitatis.  Ensemble Inégal & Prague Baroque Soloists. 1 CD NIRIBU : 01572231. Distribution : CD DIFFUSION (www.cddiffusion.fr ). TT : 66’ 10 .

Depuis plusieurs décennies, l’œuvre de Jan Dismas Zelenka a retenu l’attention des discophiles, alors que, vers la fin de sa vie, sa réputation s’était détériorée ; toutefois la Bibliothèque du Land de Saxe possède un important fonds. Il est né à Lounovice (près de Prague) en 1679 et mort à Dresde en 1745 où il a été membre de l’orchestre à la Cour d’Auguste le Fort, Roi de Pologne et Électeur de Saxe. Bach (né six ans après lui) l’a même rencontré dans cette ville. Il a peut-être été initié à la musique au Collège jésuite de Prague. En 1715, à Vienne, il a été l’élève en contrepoint de Johann Fux, puis, à Venise, d’Antonio Lotti. Dès 1735, il a été nommé Kirchen-Compositeur à la Cour d’Auguste le Fort.

Le Label NIBIRU — avec le concours de l’Ensemble Inégal et Les Prague Baroque Soloists, sous la direction d’Adam Viktora — propose l’imposante messe enregistrée à Prague en 2012 (La 415) : la Missa Sanctissimae Trinitatis (ZWV 17) composée en 1736, période à laquelle il est affecté par un manque de reconnaissance et des problèmes de santé qui ne transparaissent guère dans l’œuvre. Cette messe tardive exige une orchestration réduite (sans cuivres). Contrairement aux usages, les invocations du Kyrie sont bien enlevées et entraînées par l’orchestre. On pourrait y déceler une facture mélodique annonçant le style galant, une structure solide proche de J. S. Bach (par exemple dans le Kyrie II et le Dona nobis pacem). Zelenka spécule sur les contrastes de tessitures, de nuances, les oppositions entre des Airs de solistes et l’ensemble des chanteurs. Ardeur et élan sont constants ; le Credo est affirmatif et vigoureux comme il se doit, contrastant avec l’intériorité de l’Incarnatus est. Destiné à la Fête de la Sainte Trinité, le motet Gaude laetare (ZWV 168), daté du 17 mai 1731 (suivant le dimanche de Pentecôte), tripartite (air-récitatif-Alleluia) est particulièrement lumineux, gai et exubérant. En signant cette belle « Défense et illustration », ces interprètes tchèques ont remarquablement réhabilité leur compatriote Zelenka.

 

Édith Weber.

 

Jean-Sébastien BACH : ‘Sei Solo’. Sonatas & Partitas for Violin. Christine Busch. 2CD PHI (www.outhere-music.com ): LPH 008. TT : 145’ 48.

Christine Busch est une violoniste baroque, chambriste et soliste de réputation internationale, formée notamment à Winterthur et Vienne, qui s'est produite en soliste avec les plus grands Ensembles : Deutsche Bachsolisten, Concentus Musicus de Vienne (sous la direction de Nikolaus Harnoncourt), ou encore l'Orchestre de chambre d'Europe, sous la baguette de Claudio Abbado, Sir Colin Davis et Sandor Vegh. Elle a réalisé un coffret de 2 CD faisant alterner Sonates et Partitas (BWV 1001-1006), pièces redoutables de Jean Sébastien Bach exigeant une technique à toute épreuve (doubles cordes, notamment). Les Sonates sont constituées de 4 mouvements, et les Partitas, d’une suite de danses brèves, par exemple : Allemande, Courante, Sarabande, Gigue, Gavotte, Sicilienne, Menuet… nécessitant une grande diversité de tempi et d’atmosphères. Dès les premières mesures, elle entraîne les auditeurs dans un flot de notes et des sonorités recherchées, dominé par une musicalité exceptionnelle et une grande densité émotionnelle qu’exige « la musique pure ». Elle a le sens de la construction précise et de la transparence des lignes mélodiques (dans les Fugues, deuxième mouvement des  3 Sonates). Un vrai chef-d’œuvre d’interprétation et d’intériorité, en conformité avec le titre donné à son commentaire par l’excellente soliste : « musique pour le cœur, l’âme et l’esprit ».

 

Édith Weber.

 

 

« BACH in Brandenburg ». Orchestre d’État de Brandebourg, dir. : Howard Griffith. 1CD Klanglogo (www.klanglogo.de ) : KL1502 .TT : 49’ 46.

Le titre : Bach à Brandebourg (ville, région) implique non seulement Jean Sébastien, mais encore Carl Philipp Emanuel, et retentit sur le programme comportant notamment deux Concertos Brandebourgeois (BWV 1050 et 1047) interprétés par l’Orchestre d’État de Brandebourg dirigé par Howard Griffiths. Dans le cinquième en Majeur, l’Allegro bien enlevé, laisse la part belle à la flûte qui, compte tenu du tempo plus rapide, perd quelque peu en intensité expressive dans l’Affettuoso ; l’Allegro conclusif est particulièrement volubile. Dans le deuxième en Fa Majeur, l’Andante bénéficie d’un tempo plus adapté et l’Allegro assai particulièrement brillant et virtuose avec Thilo Hoppe (trompette) se présente comme une joyeuse marche en avant. Ce disque est introduit par le Concerto n°3 pour clavecin en Sol Majeur (Wq 3) de Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) — deuxième fils musicien de Jean Sébastien et de Maria Barbara, surnommé « Bach de Berlin » ou « Bach de Hambourg » —, incisif, annonçant déjà l’époque de l’Empfindsamkeit, comprend un Andante quelque peu théâtral, encadré d’un Allegro di molto et d’un Allegro assai tous deux d’un seul tenant. Sebastian Wienand (clavecin) y déploie sa haute technique.  Orchestre et soliste dialoguent avec ténacité et précision encore renforcée par la gestique de H. Griffiths. Incontournable festival brandebourgeois.

 

 

Édith Weber.

 

Johannes BRAHMS : Un Requiem allemand. Elisabeth Grümmer, Dietrich Fischer-Dieskau. Chœur de la Cathédrale Sainte Edwige de Berlin. Orchestre Philharmonique de Berlin, dir. : Rudolf Kempe. 1CD JADE : 699 780-2 (www.jade-music.net ). TT : 76’ 01.

Avec le recul du temps, il est intéressant de réécouter d’anciens enregistrement illustrant les conceptions esthétiques partagées par des chefs réputés et de retrouver des voix célèbres du passé : tel est le cas de la version avec orchestre du Requiem de J. Brahms intitulé : Un Requiem allemand, dirigée par Rudolf Kempe à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Berlin et du Chœur de la Cathédrale Sainte Edwige de Berlin. Cet enregistrement, datant de 1955, a été remastérisé par Igor Kirkwood pour le label Jade, comme déjà pour le Requiem de Mozart (cf. NL n°66). Il s’agit d’un Requiem selon l’optique luthérienne, en effet Brahms, lecteur assidu de la Bible, en a sélectionné des textes significatifs et lourds de sens. La partie de baryton est interprétée par le regretté Dietrich Fischer-Dieskau (1925-2012), alors âgé de 30 ans, donc au début de sa carrière, faisant déjà preuve de son grand talent ; dans le solo de baryton : Herr, lehre doch mich (Seigneur, enseigne-moi que ma vie a un terme…), tour à tour à découvert ou renforcé par l’orchestre, il s’impose par son ton grave et moralisant. Elisabeth Grümmer (1911-1986), soprano, réussit à conférer toute l’émotion requise à la cinquième partie si poignante et rassurante : Ihr habt nur Traurigkeit (Vous êtes dans la tristesse, mais je vous reverrai…). Dans la première Béatitude : Heureux ceux qui souffrent, car ils seront consolés (Selig sind…), le chœur donne le ton, non pas terrifiant d’un Requiem mais rempli de certitude : ceux qui sèment dans les larmes moissonneront dans la joie et, dans la dernière, il affirme que ceux qui meurent dans le Seigneur sont heureux, car ils se reposent de leurs travaux et leurs œuvres les suivent. Après le constat implacable de la chair qui, comme l’herbe, sèche (Denn alles Fleisch, es ist wie Grass), le texte invite à la patience et à la certitude que la douleur devra disparaître. Le chœur rappelle qu’ici-bas, nous n’avons pas de cité permanente (Denn wir haben hie keine bleibende Stadt…). Certes, pour des auditeurs du XXIe siècle, cette version porte la marque du temps, notamment dans les tempi et les mouvements lents, mais elle représente un authentique témoignage concernant l’histoire des critères d’interprétation.

 

 

Édith Weber.

 

« Les douze degrés du silence ». 1CD Éditions HORTUS (www.éditionshortus.com ) : 096. TT : 67’ 52.

Ce premier enregistrement mondial, malgré son titre, ouvrira les « oreilles » des mélomanes avides d’innovation. Il est réalisé par Christophe d’Alessandro (né en 1961), mathématicien et informaticien, Directeur de recherches au CNRS  où il est responsable du Groupe Audio & Acoustique. Sa formation est d’abord classique (clavecin, musique ancienne, orgue, improvisation, composition), mais il s’intéresse aussi au rock et au free jazz. Ses recherches portent sur l’analyse et la synthèse de la voix, la parole, l’organologie, l’informatique musicale. Il est associé à Markus Noisternig (né en 1974), qui « s’intéresse aux aspects artistiques et scientifiques de la musique et du son », à l’acoustique et à la musique électronique, depuis 2008, chercheur à l’Équipe Espaces Acoustiques et Cognitifs de l’IRCAM. Il est aussi spécialiste des « environnement électroniques temps réel » dans le cadre de Festivals internationaux… Sous le titre : Orgue et réalité augmentée, les deux auteurs évoquent les instruments de synthèse reproduisant les voix, la capture du son interne de l’orgue et la restitution de l’espace acoustique en temps réel. Ils constatent que « l’orgue absorbe l’héritage des musiques électroacoustiques et électroniques, tout en gardant son identité instrumentale. » « Dans cette esthétique de l’augmentation, les sons transformés par les effets numériques et les sons naturels se mêlent en créant une musique faite de micro-variations, nuances dynamiques, tuilages, imitations, superpositions, intonations fluctuantes, formants mobiles, jeux de mutations artificiels, échos, bruits de souffle et de vent. » Après une introduction précisant l’objectif : « Parler peu aux créatures et beaucoup à Dieu… », le « silence » est abordé (plages 2-12) : dans le travail…, les mouvements…, dans l’imagination… ; il s’agit ensuite du silence de la mémoire…, aux créatures…, du cœur…, de la nature…, de l’amour propre…, de l’esprit du jugement…, de la volonté…, avec soi-même…, jusqu’au silence avec Dieu…  La première version a été créée en 2008 lors du Festival Science en Seine de la Ville de Paris ; la version enregistrée date de 2008/9, ces 12 brefs épisodes s’inspirent  des Douze degrés du silence de D. Quoniam (sœur Marie-Aimée de Jésus) qui avait « écouté le silence ». La démarche mérite d’être retenue. Ce disque est complété par la Symphonie de l’Empereur jaune (plages 13-27) d’après une improvisation créée en 2010 et recréée en 2011 dans le cadre du festival « Le Paris des Orgues » pour l’Orgue de Sainte-Élisabeth, sur des idéogrammes relatant l’initiation par Huangdi, l’Empereur jaune, de son ministre Beimen Cheng. Elle évoque aussi bien le vertige que l’exaltation et la prostration. Félicitations à Chr. d’Alessandro pour sa capacité d’invention et de recréation d’atmosphères aussi variées qu’insolites. À chacun de se faire une idée en fonction de ses oreilles et de son parti pris esthétique.

 

Édith Weber.

 

 

Martial CAILLEBOTTE : Messe Solennelle de Pâques. Mathilde Vérolles, Patrick Garayt, Éric Martin-Bonnet. Matthias Lecomte, orgue. Chœur Régional Vittoria d'Ile-de France. Orchestre Pasdeloup, dir. Michel Piquemal. I CD Sisyphe : 020. TT.:62'41.

Michel Piquemal, lauréat de deux Victoires de la Musique Classique, n’en est pas à son coup d’essai dans la redécouverte du répertoire sacré de la fin du XIXème et du début du XXème siècle : il fut en effet le premier à enregistrer le « Requiem » de Tomasi, celui de Guy Ropartz et le «Stabat Mater » de Cornelius. Mais avec la « Messe Solennelle de Pâques » de Martial Caillebotte, qui voit son premier enregistrement mondial, le chef d’orchestre parisien dut faire face à un challenge original : utiliser le conducteur manuscrit, proposant en parallèle deux orchestrations différentes d’une œuvre que personne n’avait jamais entendue, pour unique document de travail ! Cette messe que Martial Caillebotte (1835-1910), frère du célèbre peintre impressionniste, écrivit à l’age de 43 ans, ne fut vraisemblablement jouée qu’une seule fois, le dimanche 5 avril 1896 à Notre-Dame de Lorette. Jamais éditée, alors que Caillebotte était issu d’une famille richissime, l'œuvre allait reposer chez un des descendants du compositeur jusqu’au début des années 2000. Une analyse sérieuse de cette « Messe solennelle de Pâques », qui dure plus d’une heure, et compte trois numéros purement instrumentaux, demanderait d'amples développements. Qu'il suffise de dire qu'on en retire, dès la première écoute, et surtout après lecture de la partition, une impression de très grand foisonnement. Un énergique accord parfait majeur descendant, qui reviendra à plusieurs reprises et dans diverses tonalités, plante le décor de cette fête de Pâques, qui est celle de la Résurrection. Avec pourtant, en filigrane, de nombreux accords de neuvième traités comme des appogiatures tombant sur les premiers temps. Exactement comme dans la « Mort d’Isolde ». Nous voilà donc bien dans l’ « après Wagner », et la « Joie » de Pâques s’en retrouve nettement assombrie. L’ « Ouverture » orchestrale enchaîne directement avec un « Kyrie » quasi modal et tout en douceur. Saluons la couleur des pupitres d’hommes du Chœur Vittoria d’Ile-de-France, très peu soutenu par endroit par un orchestre que Caillebotte a délibérément choisi de mettre en valeur dans des mouvements qui lui sont exclusivement consacrés. Ainsi de  l’ « Offertoire », ou de la somptueuse péroraison qui clôt l’« Agnus Dei ». Du trio de solistes se détache, sans peine, le ténor Patrick Garayt, dont le timbre généreux est très bien servi par la partition. La musique de Caillebotte épouse parfaitement les intentions du texte latin, y compris dans ce qu’il peut avoir de tragique. Elle est aussi, sans conteste, l'œuvre d’un coloriste, et il convient de signaler, à ce propos, la parfaite homogénéité des cuivres et le moelleux des cordes de l’Orchestre Pasdeloup. Quant au chromatisme quasi constant de l’œuvre, fréquent en Europe à la fin du XIXème siècle et, comme toujours, générateur de tensions, il doit être ressenti ici comme une immense houle. Les nuances exacerbées et le tempo fluctuant adoptés par Michel Piquemal pour diriger cette « Messe Solennelle de Pâques », sont donc pour beaucoup dans le charme et l’intérêt qu’offre cette partition.

 

 

Michèle Lhopiteau Dorfeuille.

 

 

 

« Amore Contraffatto ». Gianvincenzo CRESTA : Répons des Ténèbres pour la Semaine Sainte. Carlo GESUALDO : Devequt II.. Ensemble Solistes XXI, dir. Rachid Safir. 1CD Digressione music : DCTT 23. TT : 50’34.

Un pari ambitieux et original que d’associer, sur le même disque, deux compositeurs  nés à quatre siècles  d’intervalle. Carlo Gesualdo (1566-1613), Prince de Venosa, compositeur de la Renaissance italienne,  ayant mené une vie excessive et mouvementée, faite de meurtres et de repentance, parfois perverse, est l'auteur d’une œuvre importante, sacrée et profane, à la fois visionnaire et innovante par l’usage de chromatismes et de dissonances quelquefois hardies. Gianvincenzo Cresta est compositeur italien contemporain, né en 1968. Une mise en miroir de deux œuvres, les Répons des Ténèbres  pour la Semaine Sainte, à six voix, datant de 1611, et Devequt II, pour alto solo et sept voix. Rapprochement passionnant, où, selon le commentaire du livret, l’œuvre de Cresta se voudrait une réponse sereine au questionnement tourmenté de Gesualdo (vice versa et réciproquement…). Une musique chargée d’une forte spiritualité (Laudes du franciscain Jacopone di Todi pour la première, attachement à Yahvé pour la seconde), de l’indicible, de l’ineffable, du silence, d’où s’élèvent, dans une prière, l’alto et la voix. L’alto de Christophe Desjardins n’est pas sans  rappeler  étrangement les propos de Thomas Mann dans son Docteur Faustus : «les instruments se taisaient les uns après les autres… l’alto reste seul, il ne lui est pas permis de mourir, il doit jouer éternellement, mais nous ne pouvons plus l’entendre. Le son, qui a cessé d’exister, que l’âme seule perçoit et qui exprimait le deuil n’est plus le même, il a changé de sens, et à présent, il luit comme une clarté dans la nuit ». La musique de Cresta est, à l’évidence,  une musique où le silence et la voix prennent une importance considérable. Penser le silence, c’est tenter d’envisager, d’entendre, la part d’inconnu du langage, lui donner dans une partition musicale une valeur signifiante, au même titre que les notes. Le silence devient alors une forme de musique, une autre musique, à la fois le même et l’autre. Dans cette dialectique, le silence porte en lui le germe de l’espoir. Il devient l’image des tourments de la conscience, questionnement métaphysique débouchant sur une autre naissance, une renaissance. Un disque, on l’aura compris, qui porte à la méditation, où la musique, magistralement interprétée, nourrie d’une force incantatoire certaine, s’élève comme une prière. Remarquable, pari audacieux, certes, mais totalement réussi.

 

 

Patrice Imbaud.

 

Igor STRAVINSKY : L'Histoire du soldat (version pour trio pour piano). Galina USTVOLSKAYA : Trio pour clarinette, violon et piano. Nicolas BACRI : A Smiling Suite.  Bela BARTÓK : Contrasts . Zodiac trio. 1CD Blue Griffin recording : BRG257. TT : 58 ’19.

Ce disque présente le grand mérite d’associer des œuvres très connues, comme l’Histoire du Soldat de Stravinsky, ou Contrasts de Bartók, à des œuvres plus contemporaines, comme le Trio pour clarinette, violon et piano de Galina Ustvolskaya (1919-2006), et A Smiling Suite de Nicolas Bacri (°1961). Une sélection de compositions particulièrement judicieuse, permettant de mettre en avant le jeu des timbres instrumentaux, en même temps que  d’apprécier l’étonnant pouvoir expressif du Trio Zodiac, composé de Kliment Krylowskyi à la clarinette, Vanessa Mollard au violon, et Riko Higuma au piano. Cette formation chambriste constituée en 2006, à la Manhattan School of Music de New York, est venue se perfectionner à Paris, auprès du Quatuor Ysaÿe ; ce qui rend particulièrement coupable l’absence de notice en français ! Rappelons que le ballet-opéra de chambre l’Histoire du Soldat fut composée en 1918, pour un effectif instrumental comprenant 7 instruments (violon, contrebasse, clarinette, basson, cornet à pistons, trombone et percussions), associé à un ensemble d’acteurs et de danseurs. La réduction pour trio pour piano et cordes date de 1919. Contrasts, composé en 1938, est la seule composition chambriste de Bartók faisant appel à la clarinette. Elle fut créée en 1939 par Benny Goodman, Josef Szigeti et Endre Petri, avant d’être remodelée, en 1940, dans sa forme actuelle, en trois mouvements. Cette œuvre, comme son nom l’indique, est toute en contrastes, virtuosité, improvisation, à la fois folklorique et jazzy. En revanche, véritable révélation de cet enregistrement, le Trio pour clarinette, violon et piano de la compositrice russe Galina Ustvolskaya, élève de Chostakovitch, est une œuvre peu connue. Composée en 1949, est elle méditative, empreinte de désolation et d’angoisse. Le maître russe utilisera un de ses thèmes dans son Quatuor à cordes n° 5, en un ultime hommage. En premier enregistrement mondial, A Smiling Suite, de Nicolas Bacri, est une œuvre d’inspiration néo-classique, composée en 2007, comme un hommage chargé d’humour et de nostalgie à différents styles musicaux, de Bach à Prokofiev. Une magnifique composition pleine de rythme et d’émotion, où l’auditeur éclairé essaiera de démêler l’écheveau des multiples influences musicales…Ce disque est à la fois parfaitement conçu et superbement interprété.

 

 

Patrice Imbaud.

 

 

Serge PROKOFIEV. Le bûcher d’hiver. Orchestre Symphonique de la Saison Russe, dir. Andreï Tchistiakov. Vincent Figuri, récitant. 1CD Salamandre 600. www.salamandre-productions.com. TT : 59’22.

Voilà un disque, à la fois charmant, original et rare, qui présente un conte musical de Prokofiev (1891-1953), composé en 1949, sur un texte de Samuel Marchak. Rare, car Le bûcher d’hiver est une œuvre radieuse, de la maturité, où Prokofiev livre une musique chargée d’expressivité, de poésie et d’images, contant l’histoire d’un groupe d’enfants quittant Moscou pour un court séjour à la neige. Dans cette œuvre, d’une vingtaine de minutes, Prokofiev se souvient de tout son savoir- faire dans le domaine de l’évocation musicale, de la ligne mélodique, de l’orchestration, de la musique de ballet et du chant choral. Original aussi, car moins connu que le célébrissime Pierre et le Loup, cette pièce existe en deux versions, une version originale datant de 1950, toute imprégnée de l’idéologie communiste, et une version révisée, datant de 1957, témoignant du dégel post-stalinien, plus naïve et apolitique. C’est évidemment cette deuxième version qui fait l’objet du présent enregistrement, où Vincent Figuri mêle sa voix, avec bonheur, à une bande sonore, réalisée en 1995, par  l’Orchestre Symphonique de la Saison Russe, sous la direction d’Andreï Tchistiakov. Rare enfin, par sa qualité artistique et le support pédagogique qu’il représente. La qualité artistique est attestée par la symbiose tout à fait réussie entre voix et musique, même si on peut regretter une théâtralité un peu grandiloquente dans la déclamation du texte, comme par la belle facture du livret, enrichi des illustrations originales d’Adrien Calle. Le support pédagogique, enfin, est intéressant, car ce disque associe trois versions, en français, en anglais (première mondiale), et une version purement instrumentale, permettant de favoriser l’apprentissage de la déclamation ou de laisser libre cours aux errances indicibles de l’imaginaire enfantin. Un disque coup de cœur à ne pas manquer !

 

 

Patrice Imbaud.

 

 

Henri TOMASI : Concertos pour trompette & trombone. Noces de cendres .Suite pour trois trompettes. Éric Aubier, trompette. Fabrice Millischer, trombone. Orchestre d’Harmonie de la Garde Républicaine, dir. François Boulanger & Sébastien Billard. 1CDIndésens : INDE050. TT : 56’31.

Le label Indésens poursuit l’exploration de l’œuvre d’Henri Tomasi (1901-1971) avec cet enregistrement du Concerto pour trompette et du Concerto pour trombone, associés aux Noces de cendres, et à la Suite pour 3 trompettes, en « première mondiale » dans ces orchestrations pour grande formation d’instruments à vent. Un disque particulièrement intéressant par le choix du compositeur et celui des œuvres, faisant appel à des instruments rarement utilisés en solistes. Henri Tomasi, d’origine corse, compositeur et chef d’orchestre, Prix de Rome de composition en 1927, ne cessera d’être inspiré par la lumière méditerranéenne, tout en restant un citoyen du monde, humaniste, indépendant de tout mouvement esthétique, attaché à promouvoir la portée poétique de son œuvre et la capacité à communiquer un affect. Il laisse une œuvre considérable comprenant opéras, ballets, musique symphonique, musique de chambre, musique vocale, et de nombreux concertos, dont les deux présentés ici constituent des pièces maîtresses. Le Concerto pour trompette et orchestre, composé en 1948, est une œuvre techniquement difficile, à la fois virtuose et lyrique, originale par les associations timbriques, devenues désormais incontournables dans le répertoire de la trompette. Le Concerto pour trombone et orchestre, composé en 1956, est une pièce de concours poussant au maximum les possibilités techniques et expressives de l’instrument,  tantôt lascives et mystérieuses, tantôt jazzy ou agitées. Noces de cendre est une œuvre bien différente. Musique de ballet, composée en 1952, dénonçant l’absurdité de la guerre, c'est une danse d’amour et de mort, au rythme lancinant, chargée d’un dramatisme poignant, parfaitement rendu par la réorchestration de Désiré Dondeyne. La Suite pour trois trompettes, composée en 1964,  conclut ce disque sur une note plus optimiste, rendant compte de la richesse de la personnalité et de la musique de Tomasi. A écouter absolument !

 

 

Patrice Imbaud.

 

 

Jean-Sébastien BACH : Transcriptions des chorals pour orgue BWV 659 & 639, de la Cantate BWV 12, du Motet BWV 225, du Prélude et fugue N °9, BWV 854, du Ricercare BWV 1079, de la Partita BWV 826,  de l'Aria « Erbarme dich » BWV 244, de la Passacaille et fugue BWV 582, et de « Bist du bei mir » BWV 508. Karol Beffa, piano. Ensemble Contraste. 1CD La Dolce Volta : LDV04. TT.: 53'45.

Le genre de la transcription des œuvres de Bach a connu des fortunes diverses. On pense à celles du chef Leopold Stokowki. Mais il a été porté à son zénith par Busoni, Kempff ou Kurtág. Deux des membres de l'Ensemble Contraste, Johan Farjot et Arnaud Thorette, s'y attaquent sans complexe, avec  flair et goût, se proposant d'en offrir un nouveau visage, au-delà de la comparaison entre approches baroque et moderne. Ils veulent « éclairer le souterrain harmonique ou contrapuntique de cette musique ». Il s'agit de transcriptions pour quatuor à cordes avec piano, ou pour trio à cordes. Ils s'appuient sur le fait que Bach était souvent, dans ses compositions, indifférent au choix de l'instrument. De la à dire que la voie a été ouverte par le Cantor lui-même, il n'y a qu'un pas. Le résultat est fort intéressant, le choix opéré parmi les œuvres  judicieux, la manière de transcrire en adéquation avec la rigueur de la construction, comme la polyphonie foisonnante des divers morceaux. Cela tend à prouver que « le contenu musical prime sur le moyen ». Ainsi du Choral pour orgue BWV 639, transcrit pour trio à cordes, où la première voix, celle du violon, trace la ligne. Cette même formation permet, dans la Cantate BWV 12, « Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen », de retrouver la pureté de l'inspiration, sa spiritualité. Comme dans le motet BWV 225, « Singet Dem Herrn ». Le Ricercare à 6 voix, de l'Offrande musicale, BWV 1079, prend une ampleur insoupçonnée, le piano assurant la basse, comme l'orgue. Dans la Passacaille et fugue en ut mineur, BWV 582, les quatre instruments donnent à entendre mieux les différentes voix que Bach a voulu faire s'exprimer par le seul orgue. Dans la Partita pour clavier, BWV 826, on perçoit plus que ce que permet de révéler l'instrument. Une rareté aussi, que la transcription pour piano seul, due au compositeur Karol Beffa, de l'aria « Erbarme dich », tirée de la Passion selon Saint Mathieu : outre qu'elle est réalisée avec tact, la main droite énonçant la ligne mélodique, elle porte sur l'aria un regard différent, une tonalité certainement plus claire. L'enregistrement, très présent, apporte une agréable couleur chambriste à ces pages mémorables. Loin d'être l'« Ovni musical », dont parlent les interprètes, ces transcriptions, qui ne trahissent nullement l'esprit du musicien, et sont magnifiquement jouées, donnent aux pièces d'origine une vie nouvelle.

 

 

Jean-Pierre Robert.

 

« Felix & Fanny ». Félix MENDELSSOHN : quatuors à cordes N° 2 op. 13, en la mineur, et N° 6, op. 80, en fa mineur. Fanny MENDELSSOHN-HENSEL : quatuor en mi bémol majeur. Quatuor Ebène. 1 CD Virgin Classics : 50999 464546 2 1. TT.: 76'50.

Fière idée que de réunir le frère et la sœur en une commune pensée musicale. Celui que ses contemporains ont appelé « le Mozart du XIX ème », a beaucoup mis de lui-même dans ses quatuors à cordes. Les Ebène juxtaposent le premier et l'ultime. Un lien indissociable les unissait, transcendé par la musique : Fanny, pourtant musicienne accomplie, et première Kapellmeisterin d'Allemagne, saura s'effacer devant la prodigieuse carrière de Félix. Elle composera pourtant un quatuor, qui montre une similitude d'inspiration avec celle de son cadet. Écrit entre 1827 et 1832, le Quatuor  op. 13 de Mendelssohn se place dans le sillage de Haydn, de Mozart, et bien sûr, de Beethoven. La facture contrapuntique du 1er mouvement allegro vivace, passé l'introduction adagio, déploie une belle énergie. L'adagio « non lento », sera fugué dans une progression jubilatoire, mêlée de résignation. Le trio, au sein du fin intermezzo, enluminé par le superbe 1 er violon de Gabriel Le Magadure, annonce déjà les pages nocturnes qui feront flores dans plus d'une œuvre ultérieure. Et le grand presto final, hommage appuyé à Beethoven, démontre la formidable maîtrise du jeune compositeur, tout comme celle du juvénile Quator Ebène. L'opus 80, de 1847, « Requiem pour Fanny », car composé peu après la disparition de la sœur tant chérie, et créé après la mort de Félix, est une mémorial vibrant à une âme disparue. L'allegro est traversé de traits farouches, d'images déchirantes, de frissons de douleur. Les interprètes y apportent une tension palpable. L'allegro assai, syncopé, se vit tel un scherzo, tendu comme un arc, qui semble tout emporter. Le trio, sombre, n'apporte que faible apaisement. L'exécution est chauffée à blanc. Le long adagio a peine à contenir le désespoir devant l'absence. Et pourtant, quelle tendresse y perçoit-on ! Le finale est un cri de douleur, que tempèrent des réminiscences des moments heureux. Fanny écrira son quatuor en 1834. La symbiose de pensée musicale est étonnante : en guise d'introduction, un discours retenu, empreint de réflexion, un scherzo qui n'est pas loin de ceux de Félix, avec des traits vifs et joyeux, une « romance » faisant montre d'un épanchement, certes romantique, mais suprêmement maîtrisé, et empreint de quelque pensée tragique ; un allegro vivace affirmé, presqu'enflammé, sollicitant particulièrement le 1er violon. Les Ebène sont, ici encore, à leur meilleur : un art des nuances, une générosité sans faille, pour des exécutions mémorables.

 

 

Jean-Pierre Robert.

 

Carl Maria von WEBER : 6 Sonates progressives « pour le Piano-Forté avec Violon obligé », op. 10. Quatuor pour violon, alto, violoncelle et pianoforte, op.8, en Si bémol majeur. Isabelle Faust, violon, Alexander Melnikov, pianoforte, Boris Faust, alto, Wolfgang Emanuel Schmidt, violoncelle. 1CD Harmonia Mundi : HMC 902108. TT .70'11.

Weber ne saurait être réduit à son opus magnum opératique, Der Freischütz. Il a laissé  bien d'autres musiques, dont quelques pièces de chambre. Les 6 Sonates « pour le Piano-Forté avec Violon obligé, composées et dédiées aux amateurs », de 1810, sont de courtes pièces, en deux ou trois mouvements. Elles ne s'adressent, bien sûr, pas qu'aux « amateurs », car si pas de grande difficulté, elles requièrent un flair interprétatif certain, pour mettre en valeur les singularités qu'elles renferment et les divers styles qu'elles véhiculent ; sans parler des traits inattendus dont elles pullulent, proches du bel canto ou de la danse. Ceux-ci annoncent plus d'un thème du futur opéra rupestre. Un minuscule larghetto, donnant dans le déclamatoire, est au centre de la première. Un mouvement bien senti de bolero, titré « Carratere Espagnolo », ouvre la 2 ème, dont l'adagio offre une mélopée du violon ppp, sur un accompagnement du pianoforte non moins discret. L'« Air Russe », qui débute la 3 ème, entremêle des pizzicatos du violon et les cordes pincées du clavier, d'originale façon. Le rondo vivace scandé de la n°4 anticipe ce qui sera le thème du chœur des Chasseurs de l'opéra. Placé sous le signe de l'agile cantabile de son premier mouvement, « Tema dell'Opera Silvana », qui sera décliné en variations, la 5 ème se termine par une Sicilienne gracile. La dernière offre cet humour dont Weber n'est pas avare, clin d'œil au chant. Isabelle Faust et Alexander Menlikov sont irrésistibles d'esprit. Le Quatuor op 8, pour pianoforte et trio à cordes, ne manque pas d'allure : un allegro con fuoco d'une belle facture, très classique, mais traversé d'éclats fulgurants, un adagio intense, mêlant paradoxalement divers rythmes, ce qui confère vie au discours, avec des phrases solistes (cello, violon ) qui semblent vouloir faire un sort à ce qui est normalement un moment de répit, alors que l'hétérogénéité règne en maître, un menuetto pas moins placé sous le signe de l'idée éphémère, de ses thèmes de danse aussi vite abandonnés qu'ils ont surgi, un finale aisé, presto sans histoire, que mène le pianoforte, jusqu'à une petite fugue enjouée. On apprécie la sonorité pleine des cordes auxquelles le clavier apporte un indéniable piquant. Le jeu délié de Menlikov y est pour quelque chose.     

 

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Edvard GRIEG : Pièces lyriques op. 12, op. 38, op. 43 et op. 47. Ziad Kreidy, piano. 1 CD LdN : . TT.: 58'35.

Au sein de la production d'Edvard Grieg, pour le piano en particulier, les Pièces lyriques occupent une place de choix : plus de 60, écrites entre 1867 et 1901, réparties en dix recueils. La vogue de la petite pièce était grande à cette époque d'après romantisme, où le public d'amateurs était friand de choses simples, aisées à jouer. La manière d'épicer harmoniquement ce qui pourrait n'être qu'une banale pièce de salon, exerce un indéniable pouvoir d'attraction sur le pianiste, mais aussi sur l'auditeur. Ziad Kreidy a choisi de jouer les quatre premiers recueils. Les atmosphères sont souvent à peu près les mêmes d'un recueil à l'autre, chacun composé de six à huit morceaux. Leur délicieux charme rétro («  Papillon », op.43 N° 1), naît d'une sorte d'intimité sonore. Car ces pièces étaient conçues plus à l'usage domestique, où l'on fait de la musique, chez soi, entre amis, qu'à l'exécution de concert. Leur caractère confidentiel se prête peu au faste de l'estrade. Elles évoquent la poésie nostalgique, typique des contrées danoises (« Voyageur solitaire », op.43, N°2), mais aussi la veine de la danse, la mélancolie de l'élégie, la beauté de la nature, bien sûr, surtout au printemps. Elles sont très chantantes. Ainsi de ces « Feuillet d'album », op 47 N° 2, dont le climat se poursuit dans « Mélodie ». L'autre intérêt de ce disque réside dans l'instrument joué : un Érard droit des années 1867, conservé dans son état d'origine. Pour nos oreilles formatées au « grand », à queue, de concert, bien sonore, la surprise est de taille. Encore que la démarche interprétative s'inscrive dans l'interrogation actuelle sur les instruments et leur manière de restituer le son : qu'il s'agisse des  Steinway, Yahama, Bechtein, Fagioli, Steingraeber, ou encore Shigeru Kawai (cf. le récent disque Stravinsky, de Lydia Jardon, NL de 2/2013), les interprètes repensent leur manière de jouer. Ce questionnement, partagé par un András Schiff, pour ne citer que lui, est au centre des réflexions de Ziad Kreidy, dans son récent ouvrage, « Les avatars du piano », publié par les Éditions Beauchesne. On est agréablement saisi par le médium, naturel de cet Érard (« Valse » op 12, N02 ), et sa fine résonance (« Berceuse » op.38, N° 1). Si les aigus semblent voilés, car comme le signale le pianiste, le timbre n'est pas uniforme, on s'habitue aisément à la leur sonorité cristalline, impression qu'explique un diapason plus bas. La richesse de l'exécution démontre combien Kreidy est un ardent avocat de cet instrument. Seul regret de cette production discographique : l'absence de toute note sur les œuvres.   

 

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

« L'enfance ». Gabriel FAURE : Dolly op. 56. Georges  BIZET : Jeux d'enfants op. 62. Claude DEBUSSY : Petite suite. Maurice RAVEL : Ma mère l'Oye. Claire Désert, Emmanuel Strosser, piano à quatre mains. 1 CD Mirare : MIR 190. TT.: 66'.

Le genre du piano à quatre mains fleurit au tournant du XIX ème et du XX ème.  Le thème de l'enfance semble lui être attaché. Gabriel Fauré compose Dolly en 1893. La pièce sera créée deux ans plus tard par Cortot et Risler. La séduction de ces six courtes pièces est immédiate dès la première, « Berceuse », et ne se démentira pas au fil des suivantes. On citera l'esprit de «  Mi-a-ou », la modulation typique fauréenne de « Jardin de Dolly » ou la rythmique du « Pas espagnol », une manière annonçant Chabrier. Georges Bizet avait déjà écrit pour cette combinaison « quadriforme », en 1871, les douze morceaux de Jeux d'enfants. Lui-même excellent pianiste, il n'a pas son pareil pour varier les modes, et on est étourdi de bonheur devant la fluidité des arpèges de « L'escarpolette », le rythme vraiment giratoire de « La toupie », l'expression des sentiments de tendresse (« La Poupée »), de fantaisie aérienne (« Les bulles de savon »), ou encore d'esprit bien de chez nous, telle la marche de soldats de plomb de « Trompettes et tambour ». Debussy, en 1889, livre sa Petite suite, « qui ne cherche humblement qu'à faire plaisir », dira-t-il. C'est peut-être la composition la plus éloignée du thème de l'enfance, encore que la profondeur de la poésie n'en soit sans doute pas si éloignée. Au fil de quatre tableaux enchanteurs, évoquant tour à tour le balancement de la barque au fil de l'eau (« En bateau »), le rythme délicat de « Cortège », la douce mélancolie d'un « Menuet » gracile, et le mode de valse désarticulée de « Ballet ». Qui dit enfance, dit bien sûr Ma mère l'Oye. Ravel y a épousé la poésie des Contes de Perrault, et aussi de « La Belle et la Bête », de Mme Leprince de Beaumont (1757). Là, comme dans les autres pièces, Claire Désert et Emmanuel Strosser, un tandem bien connu dans ce genre élitiste, nous prennent par la main pour le plus beau rêve enfantin. Ils font des prodiges de finesse et de délicatesse, sans aucune mièvrerie. Une rigueur, essentielle chez Ravel, une souplesse chez Fauré ou Debussy les inspirent, et ils savent garder la tête froide, et ne pas se laisser emporter par une émotion à fleur de peau. Un bien beau disque !

 

 

Jean-Pierre Robert.

    

 

André CAPLET : Le Miroir de Jésus. Triptyque sur le Mystère du Rosaire.  Écrit par Henri Ghéon pour voix principale, chœur à trois voix, harpe et quatuor à cordes. Marie-Claude Chappuis. Ensemble vocal de Lausanne. Anne Bassand, harpe, Marc-Antoine Bonanomi, contrebasse. Quatuor Sine Nomine, dir. Jean-Claude Fasel. 1CD Mirare : MIR 140. TT.: 67'04.

Situé dans la lignée des œuvres françaises honorant le fait religieux, notamment chez les impressionnistes, mais aussi annonçant Jehan Alain, voire même Messiaen, Le Miroir de Jésus d'André Caplet (1878-1925) offre bien des singularités. De par sa structure, en trois volets, « le Miroir de Joie », « le Miroir de Peine », « le Miroir de Gloire », sertissant chacune cinq séquences. Autrement dit, les quinze dizaines de chapelets, au cours desquelles « le chrétien médite sur les 'mystères' vécus par la Vierge Marie face aux événements de la vie de son Fils, comme dans un 'miroir' d'elle-même » (Jean- Yves Bras). Par l'ascèse du traitement musical ensuite : instrumental, quatuor à cordes et harpe, et vocal, une voix soliste et un chœur de femmes, en trois groupes de 9 voix. Si la déclamation de la soliste emprunte à Mélisande, elle peut aussi s'avérer proche de Schoenberg. Les chœurs de femmes annoncent chaque partie, puis chaque morceau, à la manière d'une enluminure médiévale. Un prélude instrumental ouvre chaque mystère. La quintessence de la composition frappe à chaque instant, et son étonnante modernité, particulièrement dans la deuxième partie. De par sa portée enfin, et surtout : la belle langue d'Henri Ghéon est emplie de poésie simple et émouvante, au plus près de l'émotion spirituelle. Cette nouvelle interprétation est bienvenue, et rappelle les beautés de cette pièce, tout comme l'avait fait un concert à l'Opéra Bastille, la saison dernière, avec d'autres interprètes. On est saisi par l'intensité du cheminement, que libèrent les notes graves de la ligne instrumentale, dans « Agonie au jardin », et le poignant de cette phrase « N'y a-t-il donc que Jésus qui veille Dans la prison d'une nuit sans fin ? ». Ou par l'affirmation d'une joie céleste dans « le Miroir de Gloire », où l'utilisation du mode répétitif simple décrit un jaillissement de bonheur, qui s'animant peu à peu, aboutit à une sorte d'apothéose sonore. Messiaen reprendra à son compte le procédé. Le dialogue de la Vierge s'adressant à son fils, dans «  Ascension », « Mon fils, me quittez-vous encore ? » transcende l'émotion humaine. L'exécution, qui donne à entendre la version originale, telle que créée à Paris, en 1924, au Vieux Colombier, exprime dans sa simplicité toute intérieure, l'exceptionnelle portée de ce triptyque mystique. Le dernier morceau, «  Couronnement au ciel », qui mêle voix parlée et chantée, rappelle combien Caplet, directeur d'opéra à Boston, puis chef d'orchestre à l'Opéra de Paris, connaissait bien la voix, et savait l'utiliser jusqu'à la vibrante prière.  

 

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Carl NIELSEN : Symphonies N°2, « Les quatre tempéraments », op. 16, et N° 3, « Sinfonia expansiva », op. 27. Lucy Hall, Marcus Farnsworth. London Symphony Orchestra, dir. Sir Colin Davis. 1 CD LSOLive : LSO0722. TT.: 66'35.  

Avec ce CD, Colin Davis achève son intégrale des symphonies de Nielsen. La musique du compositeur danois (1865-1931) allie simplicité rustique et sophistication intellectuelle. Sa symphonie N°2, écrite en 1901, le démontre : elle s'inspire de la notion grecque des « quatre tempéraments », où le caractère de l'homme est classé en colérique, flegmatique, mélancolique, et sanguin. Le premier mouvement, « allegro collerico », déploie, selon l'auteur « une énergie furibonde », et son matériau est sauvage et impétueux, rehaussé de cuivres bien sonores. « Mouvements violents et secousses rythmiques » conduisent à une fin péremptoire. Le deuxième, « allegro comodo e flemmatico » contraste : presque dansant, où rien ne semble devoir rompre un climat paisible. Le 3 ème, « andante melincolico », est plus secret et un peu ésotérique, telle une réflexion désabusée (aux bois) ou plus affirmée (aux cuivres). On pense à la Sinfonia Domestica de Richard Strauss. Le finale, « allegro sanguino », ou l'idée d'« un homme qui fonce sans réfléchir », est décidé. La Troisième Symphonie (1910-1911) est fort différente, et plus en phase avec la célébration de la terre danoise. Après un début affirmé, avec un chapelet d'accords, et une première  séquence presque motorique, quoique dans une acception différente du mode favorisé par Chostakovitch, le premier mouvement se développe de manière plus lyrique. Le suivant déroule comme un rêve pastoral, donnant à imaginer les paysages de Fionie, où tout est un peu plat (cordes) ou paré de détails (bois), impression renforcée par l'intervention des solistes vocaux gambadant dans des vocalises évocatrices de quelque lointain. L'allegretto poursuit cet atmosphère dégagée, mais cette fois, en introduisant un thématique populaire, dont une curieuse mélodie initiée par le hautbois, qui revient en boucle. Le finale est, selon Nielsen, « un discours sans détour », mais propose moult changements de rythmes. Il se conclut en une apothéose optimiste. On sait les affinités de Sir Colin avec la musique nordique, et les atomes crochus des musiciens du LSO avec leur « Président ». Cela donne un disque passionnant. 

 

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Edward ELGAR : Concerto pour violoncelle en mi mineur op. 85. Elliott CARTER : Concerto pour violoncelle. Max BRUCH : Kol Nidrei, op. 47. Alisa Weilerstein, violoncelle. Staatskapelle Berlin, dir.  Daniel Barenboim. 1 CD Universal Decca : 478 2735. TT.: 62'14.

Le concerto pour violoncelle d'Elgar, écrit en 1919, est un des grands morceaux du répertoire de l'instrument. Alisa Weilerstein dit avoir eu du mal à se départir de sa fascination pour l'interprétation, légendaire, de Jacqueline du Pré. Elle voit dans cette pièce « un adieu intimiste et tragique à toute une époque ». Après une introduction ample, élégiaque, envoûtante, libérant la simple, mais si efficace mélopée du violoncelle, une seconde séquence instaure un ton différent, très fluide. Une courte cadence fait office de transition avec le 2 ème mouvement, en forme de mouvement perpétuel, bondissant, de climat plus optimiste. L'adagio, point névralgique du morceau, livre une confession où le cello s'épanche avec une réelle distinction, sur un orchestre calme. Le vaste finale est fait de séquences variées, réflexive, agitée, de nouveau expansive, puis affirmée, mais toujours dans le souci de privilégier le chant lyrique du soliste. Fille de musiciens, Alisa Weilerstein, qui dit avoir grandement été aidée par les conseils de Barenboim, offre une interprétation puissante, à la chaude sonorité, parée de mille nuances, dont la douceur des pianissimos. Le concerto d'Elliott Carter (1908-2012) nous entraîne sur une autre planète ! Sept sections, extrêmement contrastées, le compose. Il est techniquement ardu, mais écrit avec sympathie pour le soliste, car selon Alisa Weilerstein, « le potentiel de l'instrument le galvanisait ». Dès la première section, on perçoit un orchestre facilitateur, laissant au soliste toute sa place, même lorsque les percussions se distinguent, dans des passages syncopés. L'interprète y voit là quelque chose de spirituel ! Dans le lento, méditatif, « la fibre expressive et lyrique du violoncelle a la possibilité de briller ». L'antagonisme entre celui-ci et un orchestre irisé aux cordes, mais, là encore, ponctué de force percussions, n'est qu'apparent. Plus tard, le « tranquillo », se fait étrange, le soliste poussé jusqu'à l'extrême aigu, sur une trame sombre, d'où émerge la clarinette basse. Le « fantastico » final ne ménage pas l'interprète. Mais Alisa Weilerstein y est à l'aise, autant que dans la pièce d'Elgar. Sa manière est impressionnante. Comme dans le Kol Nidrei, de Max Bruch (1881) : cette belle prière juive, où le cello psalmodie, réintroduit l'élégiaque. L'expressivité y est maîtrisée dans un jeu d'une parfaite délicatesse.

 

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Benjamin BRITTEN : The Rape of Lucretia. Opéra en deux actes. Livret de Ronald Duncan, d'après la pièce « Le Viol de Lucrèce » de André Obey. Ian Bostridge, Susan Gritton, Angelika Kirchschlager, Peter Coleman-Wright,  Chrisopher Purves, Benjamin Russell, Hilary Summers, Claire Booth. Aldeburgh Festival Ensemble, dir. Oliver Knussen. 2CDs Virgin Classics : 50999 6026722. TT.: 46'35+59'11.

The Rape of Lucretia a été créé à Glyndebourne, à l'été 1946. Après Peter Grimes, Britten décide de rompre avec le genre du grand opéra, et se tourne vers celui de l'opéra de chambre. Le nouvel opéra connaîtra une organisation particulière : à la manière du chœur antique, deux chanteurs, « Male Chorus », et « Female Chorus », encadrent et commentent l'action, au point même d'intervenir, simultanément, en surimpression, avec tel ou tel protagoniste. Le sujet appelle à un tel schéma, car l'histoire est aussi bien vécue qu'expliquée, voir appréciée au moment même où elle se fait. Pour tester la constance des femmes, et la jalousie de Tarquinius, dit le superbe, Prince étrusque ayant ravi le pouvoir sur Rome, le général romain Junius le met au défi de vaincre Lucrèce, la pure épouse du général Collatinus, pourtant son ami. Le thème, rémanent chez Britten, de l'innocence perdue, trouve ici, quoique à un degré moindre que dans certains autres de ses drames lyriques, manière à s'exprimer. Lucrèce succombera malgré elle, et se suicidera, faute de pouvoir surmonter la honte d'avoir souillé un amour exclusif avec Collatinus : « Aimer comme nous nous aimions, c'était vivre au bord de la tragédie », diront-ils, à l'unisson d'un ultime dialogue. Le traitement musical est singulier : un orchestre de 13 instruments, regroupant ceux, fétiches, de l'auteur, la flûte, dont l'interprète est poussé dans ses retranchements, l'évocatrice harpe, jouée souvent dans le pianissimo, et le piano, bien sûr. On y décèle les plus subtiles combinaisons vents-cordes. L'orchestre au complet n'est que peu sollicité, réservé qu'il est aux moments vraiment paroxystiques. Ainsi de la confrontation entre un Tarquinius pressant et une Lucrèce farouche, dialogue haché, peu à peu relayé par les deux « chœurs » en un irrépressible crescendo orchestral, « où chaque instrument, soumis à un rythme particulier, entre en lutte avec la masse sonore » (Xavier de Gaulle : « Benjamin Britten ou l'impossible quiétude », Actes Sud). La dynamique sonore connaît les extrêmes, d'un tel déchaînement à l'étiolement sonore, comme celui qui consacre les pages finales. Le traitement vocal n'est pas moins orignal : de par la distribution des rôles, les deux hommes, l'époux et le félon, confiés à un baryton, les deux « chœurs », respectivement, à un ténor et à une soprano. De par la manière de s'exprimer encore, extraordinairement diversifiée, de la plus extrême violence à la phrase impalpable. Il y a même un trio de femmes, Lucrèce et ses suivantes, d'une faconde qui n'a rien à envier au célèbre morceau du III ème acte de Der Rosenkavalier, de Strauss ! La pièce comporte plus d'un trait purement magique. Pour n'en citer qu'un : la longue intervention du cor anglais plaintif, sur une sombre pédale des cordes, marquant le moment où Lucrèce, au comble du désespoir, retrouve Collatinus. La présente interprétation a été captée live au Festival d'Aldeburgh 2011, haut lieu de célébration de l'œuvre de Britten. Elle est dirigée par Oliver Knussen, lui-même compositeur, avec goût, et un immense respect de toutes les particularités de cette partition unique. Le cast aligne les grands noms du chant britannique : Ian Bostridge, Male Chorus, dont l'engagement trouve ici partie à sa hauteur, Susan Gritton, Female Chours, mezzo-soprano toute aussi bouleversante, Peter Coleman-Wright, Tarquinius impérieux, et Christopher Purves, Collatinus sympathique. Parmi ces éminences anglaises, Angelika Kirchschlager, la viennoise, se taille un franc succès : dans le rôle créé par une Kathleen Ferrier, qui débutait alors à la scène, elle est, elle aussi, « great », assumant ce que celui-ci a d'extrême diversité dans son langage. Une réussite et un ajout au catalogue de Ben Britten, plutôt disert quant à cette œuvre.

 

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Henri DUTILEUX : Correspondances, pour soprano et orchestre. Tout un monde lointain..., pour violoncelle et orchestre. The shadows of Time, cinq épisodes pour orchestre (version pour trois voix d'enfants). Barbara Hannigan, soprano. Anssi Karttunen, violoncelle. Basile Buffin, Alexandre Selvestrel, Armand Sztykgold, de la Maîtrise de Radio France. Orchestre Philharmonique de Radio France, dir. Esa-Pekka Salonen. 1CD Universal DG : 479 1180. TT. 67 12.

« Tout ce que Dutilleux a écrit ces dernières décennies relève du chef-d'œuvre ». Ainsi s'exprime Esa-Pekka Salonen, qui en hommage au musicien français, a réuni trois de ses plus récentes compositions. Correspondances, une première au disque, qui a été créée en 2003, à la Philharmonie de Berlin, par Simon Rattle, est un recueil de cinq pièces vocales, sur des textes de Rilke, Mukherjee, Soljénitsyne, et van Gogh. Le terme doit être entendu dans son double sens, de rapport entre musique et texte, et épistolaire. Deux des morceaux affirment cette seconde acception : le troisième « A Slava et Galina » est le texte d'une lettre adressée par Soljénitsyne à Rostropovitch et Vichnevskaya. Une immense émotion s'en dégage : « Sans votre protection et votre soutien, jamais je n'aurais pu supporter ces années-là », leur écrit-il. Dans le dernier, « de Vincent à Théo », le peintre s'attache à décrire, entre autres, la fièvre, pas seulement picturale qui se dégage du tableau « Café de nuit ». L'orchestration de ces pièces est souvent énergique, très spatiale, et on remarque le recours à l'accordéon. L'écriture pour la voix, « le plus bel instrument de tous » (Dutilleux), trace une mélodie sinueuse, avec un usage modéré du registre aigu, dans un sens éthéré. Barbara Hannigan reprend le flambeau de la créatrice Dawn Upshaw, avec délicatesse. Tout un monde lointain..., en cinq parties là encore, a été créé à Aix, en 1970, par son dédicataire, Mstislav Rostropovitch. Baudelaire, et Les Fleurs du mal, en fournissent la poésie sous-jacente. Cette pièce a « une nature tout à fait insaisissable, mais engageante » dit Salonen. Rhapsodie pour violoncelle, plus que concerto, les titres des parties en disent long sur leur contenu. La musique en est fascinante. Ainsi de la mélodie du violoncelle sur un accompagnement de cordes extatiques, dans «  Regard », l'instrument étant poussé jusqu'au registre suraigu. Accords en progression d'intensité, dans «Houles », où le soliste progresse sur les clusters orchestraux, réflexion intense de « Miroirs », où il évolue parmi un orchestre frémissant, agrémenté d'effets de symétrie. La dernière, « Hymne », conduit de l'exubérance au silence. Anssi Karttunen, qui appartient à la nouvelle génération des interprètes de cette œuvre, en livre une vibrante exécution. On mesure combien Dutilleux, pensant au formidable talent de Slava, a truffé la pièce de traits techniquement les plus audacieux. The Shadows of Time, créé en 1997, à Boston, par Seiji Osawa, est une œuvre « obsédante et, malgré certains passages enjoués, traversée par une tristesse sous-jacente » (Salonen). Le thème du temps qui s'écoule, et de son « ombre », taraude Dutilleux depuis toujours. Cinq sections, enchaînées, très contrastées, offrent une tapisserie sonore et des effets de dilatation de l'espace, notamment dans la pièce centrale « Mémoire des ombres », interprétée ici par trois voix de garçon. « Vagues de lumière » associe, comme l'avait fait Messiaen, musique et couleurs. Esa-Pekka Salonen défend ces trois pièces avec la sympathique compréhension qu'un chef, lui-même compositeur, peut porter à cette grande figure tutélaire de la musique du siècle présent. Le Philar, lui aussi en empathie avec ces pages imprégnées d'atmosphères, est superlatif, en particulier cuivres et percussions.

 

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

 

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MUSIQUE ET CINEMA

 

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POINT DE VUE : Philippe ROMBI, compositeur


Philippe ROMBI est né le 3 avril 1968 à Pau. Dès l’âge de trois ans, il pianote sur le piano familial pour retrouver les mélodies qu’il vient d’entendre à la radio ou d’un disque que met son frère ainé. Il ne sait pas qu’il reproduit des musiques de films qui font changer sa vie. Aujourd’hui il a pris de l’âge, mais sa passion est intacte pour cette musique qui l’a fait rêver.

 

A ses débuts, pour bien composer, interpréter ses compositions, il était prêt à faire des sacrifices. Il garda longtemps sa place de prof de piano pour obtenir des producteurs les moyens pour les jouer idéalement. Depuis 15 ans qu’il en compose, il y a toujours cette flamme qui l’anime lorsqu’il parle de sa musique. C’est en elle qu’il s’exprime le mieux, même si elle est composée pour faire vivre l’idée d’un réalisateur. Philippe Rombi est un grand généreux romantique. C’est ce qu’on découvre lorsqu'on analyse ce qui l’a écrit pour le cinéma.

 

Il effectue la première partie de ses études musicales au Conservatoire National de Région de Marseille, en particulier auprès de Pierre Barbizet, Léa Roussel, pour le piano, et Pol MULE pour la direction. Il a étudié le piano, l'harmonie, le contrepoint, la direction d'orchestre, la musique de chambre. Il obtient un Premier Prix de direction, une Médaille d'or en piano et en musique de chambre, ainsi que le Grand Prix de la Ville de Marseille. Pendant ses années d’études il étudie les compositions de Michel Legrand, et les interprète au piano, au Conservatoire. Au grand dam  des professeurs !

 


© Christian Rombi

 

Après ses études à Marseille, il intègre, l'École Normale Supérieure de Musique, pour se spécialiser dans la composition. Il passe deux ans dans la classe d'Antoine Duhamel (compositeur de Godard, Truffaut, Tavernier, Leconte…). Il en ressort avec un Diplôme Supérieur de Composition. A l'époque, en 1990, il n'y avait pas de cours de musique à l'École Nationale de cinéma (FEMIS). Un échange entre le conservatoire et l’école a été proposé par Duhamel, ce qui a permis à de jeunes réalisateurs d'entendre les épreuves de concours de fin d'année de Rombi. Son Premier Prix de composition a été enregistré à la FEMIS, et sa première musique de film a été écrite pour un élève de l'école, Jean-Yves Philippe, sur un court-métrage intitulé La virée. Lorsqu’il écrit la musique de Chocolat amer, un court métrage d'Isabelle Broué, François Kraus, tout jeune producteur sorti de La FEMIS, demande à Rombi de travailler sur deux courts-métrages qu’il produisait : Presse-citron d'Isabelle Broué et Ombres magiques de Patrice Spadoni.

 

Olivier Delbosc, lui aussi élève de la FEMIS, est à l'origine de la rencontre du compositeur avec François Ozon. Philippe Rombi composera son premier long-métrage : Les Amants Criminels (1999). Suivront Sous le Sable (2000), Swimming Pool (2003), 5x2 (2004), Angel (2007), Ricky (2009), Potiche (2010), Dans la Maison (2012). Il a composé les musiques de deux films de Christian Carion : Une hirondelle a fait le printemps (2001), et son premier succès public,  Joyeux Noël (2005), pour lequel il obtient sa première nomination aux Césars. Après quelques musiques remarquées, comme Jeux d’Enfants (2003), de Yan Samuel, Le coût de la vie (2003), de Philippe Le Gay, Dany Boom fait appel à son talent pour mettre en musique l’immense succès Bienvenue Chez les Ch’tis (2008)

 

Philippe Rombi compose, arrange en autodidacte, et dirige lui-même l’orchestre lors des enregistrements, voire interprète régulièrement les parties de piano solo. Il a eu le plaisir de diriger le London Symphony Orchestra pour Joyeux Noël, un des plus beaux cadeaux qu’on a pu lui faire, et le plus souvent il dirige l’Orchestre Symphonique Bel Arte. Pour les jeux Olympiques de Pékin, il a écrit un poème symphonique, « Symphonic Hymn for Harmony »

 


© DR

 

Ses rapports avec les réalisateurs sont les mêmes que ceux qu’ont de nombreux compositeurs. Le réalisateur n’a pas souvent d’idée pour sa musique, c’est un élément qu’il maîtrise moins. Il cache son complexe quelquefois en prenant un consultant. Donc, c’est souvent compliqué à travailler ainsi. Il y a des réalisateurs qui sont des musiciens frustrés, et donnent des indications sur la forme, comme le choix d’un instrument pour une séquence. Ils vont même jusqu'à mettre des musiques témoins sur le montage, comme on le fait aux États-Unis, pour illustrer musicalement tout le film avec des musiques existantes. Ce qui peut être utile, mais s'avère aussi parfois catastrophique, car on s'habitue à ces musiques. Ce fut le cas de Kubrick avec Alex North, le compositeur de Spartacus, qui a écrit aussi une musique pour 2001, Odyssée de l'espace, et que celui-ci a rejeté, tellement il était habitué à la musique qu’il avait mise pour le montage.

 

Si un réalisateur lui dit qu'il faut du doux-amer, de l'ambigu ou du sensuel, Rombi reconnaît que cela lui parle plus qu'une phrase du type « je pense que des glissandos de violon avec un solo de basson à ce moment-là, ce serait parfait... ». Pour lui c’est insupportable. C'est son métier de mettre ce qu'il faut pour traduire leurs envies. Et puis, les termes trop techniques peuvent les induire en erreur. Certains réalisateurs ont peur de se faire avoir, et que le compositeur tire la couverture à soi, impose son style à tout prix. Pour Rombi, le but est, quand même, de composer ce qui marche pour le film, et non la musique que le réalisateur écoute à la maison. C'est un cas de figure qu’il rencontre parfois avec les réalisateurs. Ils mélangent les deux. Il a déjà refusé un film pour cette raison. Pour certains films, il a lu le scénario, il connaît le casting. Parfois il n’a rien, ne voit rien, et c’est à la fin du film monté qu’il découvre sur quoi il doit écrire la musique. Souvent, le manque de temps est le premier handicap pour composer.

 

D’une manière générale, la musique de Philippe Rombi est de facture classique, souvent romantique, avec de grandes envolées lyriques. Il aime les grands orchestres qui donnent une largeur, une belle texture à ses musiques. Souvent symphoniques, elles ont un thème mémorisable, car comme il le dit, il aime composer « des musiques savantes abordables par tous ». Elles doivent pouvoir être écoutées sans le support de l’image, même si, au départ, elles ne sont pas écrites dans ce sens. C’est pourquoi elles sont toujours agréables à écouter en CD. Il lui arrive de les retravailler, de les arranger, de les adapter pour le report.

 

Le tandem Ozon / Rombi a évolué au fur et à mesure des années. Du film Les Amants Criminels à la Dans La Maison, ce seront 13 ans de musique et de recherche pour servir au plus près l’histoire, sans être pour autant redondant. Ozon, au départ, avait une culture musicale très générale, et Philippe Rombi, lui, avait déjà fait plus de 20 courts-métrages. Leur travail en commun n’a jamais été identique : tâtonnements, essais pendant le montage, entretiens avant tournage, lectures de scénario, toutes les formes de collaboration ont été employées. La première composition avec Ozon est Les Amants criminels. C’est une musique dissonante, ostinato, qu’il a écrite pour la séquence de la poursuite dans les bois. Il y avait, au départ, un adagio pour cordes de Dvořák, pour la fin du film. Il a proposé un adagio original, qui après de nombreuses écoutes, a été monté pour la fin et le générique. Dans Swiming Pool, il s’est amusé à proposer des « doublets » musicaux, comme le duo confié à Rampling/Sagnier. Sorte de musique en miroir. « Du symphonisme intimiste », telle est l’analyse de Cécile Carayol*. C’est grâce à ce film, et à la corrélation parfaite musique / image, que Philippe Legay, non satisfait du musicien qu’il avait pris, demanda à Rombi de refaire la bande sonore de Le Coût de la Vie. Rombi lui proposa une sorte de danse de l’argent à base de cordes, bois et clavecin. Legay était ravi.

 

Dans Angel, Rombi va écrire une grande composition symphonique romantique, à l’aune de cette histoire pleine de passion. Une musique assumée sans complexe, dans la tradition de Max Steiner, et des musiques Hollywoodiennes d’antan. Après une musique totalement atonale pour Ricky, Rombi s’est accordé avec Potiche, une friandise, une musique comme le faisait Françis Lai, et comme il en existait pour les comédies des années 70. Le thème, au début du film, est totalement sifflé ! Pour Deneuve et Depardieu de sera un thème sentimental, une valse. Pour Dans la maison, ce sont des cellules rythmiques, à la manière de  Philippe Glass ou de John Adams : une musique symphonique minimaliste avec présence de piano, et violoncelle mis en second plan.

 

Son travail sur Une Hirondelle a fait le Printemps a été un concours de circonstances de production, comme il en arrive de temps en temps. Christian Carion, de culture pop, écouta de nombreux compositeurs, mais rien ne lui plaisait. Rombi, venu pour un autre film, qu’il n’a pas fait finalement, avait laissé un CD avec quelques musiques. En 2001, son travail était encore bien maigre. Il y avait celui de Sous le Sable, film qu’avait apprécié Carion. Mais c'est avec Une Hirondelle a fait le Printemps que Rombi fait une musique de film qui sera son premier succès public. En 2005, Carion lui confiera la musique de Joyeux Noël. Il commença à écrire le thème pour la fanfare, et proposa un Ave Maria original pour ne pas tomber dans les sempiternels « Ave Maria » de Gounod ou de Schubert. Il a eu une bonne idée, car Nathalie Dessay l’a chanté pour le film, puis en concert, et l’a reprise sur l'un de ses disques. Le thème de la fanfare est devenu celui du film. Dany Boom, qui joue dans le film, apprécia son travail. Mais, pour lui, Philippe Rombi était un compositeur de films sérieux, et non de comédies.

 


© DR

 

Lorsqu’il réalisa son premier film, La Maison du Bonheur, Boon, amateur de jazz, bonne oreille musicale, perfectionniste, raffiné, pas satisfait de la musique qu’il avait, demanda à Rombi, après avoir entendu celle de Mensonges et Trahison, comédie de Laurent Thirard, de lui sauver le coup. Il lui écrivit une musique symphonique de comédie, que Boon accepta. Le temps manqua, c’était la panique générale. Mais finalement une composition, comme celle des comédies américaines, put être enregistrée à temps. Rombi composera trois films pour Dany Boom, dont celle de Bienvenue chez les ch’tis. A la lecture du scénario, Philippe Rombi le trouva si drôle qu’il proposa une musique tendre, populaire, comme pour une fable, afin qu'elle ne soit pas redondante : les situations étaient déjà assez comiques, il ne fallait pas en rajouter. C’est ainsi qu’est née la fameuse « valse des ch’tis». Il réalisa une musique originale pour les carillons. Le traveling musical des carillons, à la musique symphonique, est un grand moment de musique de Philippe Rombi, qui avec ce film, enregistrera son plus gros succès. Rien à déclarer marquera sa troisième collaboration avec Dany Boon.

 

Avec La Nouvelle Guerre des Boutons, de Christophe Baratier, et Hollywoo, de Frédéric Berthe et Pascal Serieis, Rombi continue, en 2011, dans la musique de comédie.  Pour Jeux d’Enfants (2003), film sensible et drôle de Yan Samuel, il composera une musique symphonique très rythmée qui fut remarquée et appréciée.

 

Les musiques de Rombi, souvent émouvantes, aux thèmes reconnaissables et aux orchestrations riches et subtiles, sont aujourd’hui appréciées du public et des musiciens, et sont jouées régulièrement par des orchestres dans le monde entier. Rombi passe du drame à la comédie, du thriller à la romance, avec facilité, et on sent que son enthousiasme d’enfant n’a pas été altéré, malgré les difficultés d’être un compositeur sincère de musique de films. Hollywood lui fait les yeux doux. Souhaitons-lui la même carrière que ses aînés. Jeune et Jolie, le prochain film d’Ozon, est déjà habillé de sa musique !

 

Stéphane Loison.

 

 

* Cécile Carayol : « Une Musique Pour L’image, vers un symphonisme intimiste dans le cinéma français ». Presse Universitaire de Rennes, 2012.

 

 

 

Quelques musiques de Phlippe Rombi

 

1999 : Les Amants Criminels de François Ozon

2000 : Sous le sable de François Ozon

2001 : Oui, mais... de Yves Lavandier

2001 : Une hirondelle a fait le printemps de Christian Carion

2003 : Swimming pool de François Ozon

2003 : Le coût de la vie de Philippe le Guay

2003 : Jeux d'enfants de Yann Samuell

2004 : Le rôle de sa vie de François Favrat

2004 : Comme une image de Agnès Jaoui

2004 : Mensonges et trahisons et plus si affinités de Laurent Tirard

2005 : Joyeux Noël de Christian Carion

2006 : La maison du bonheur de Dany Boon

2007 : Angel de François Ozon

2007 : Du jour au lendemain de Philippe le Guay

2008 : Bienvenue chez les Ch'tis de Dany Boon

2008 : La Fille de Monaco de Anne Fontaine

2008 : Un homme et son chien de Francis Huster

2009 : Ricky de François Ozon

2010 : Potiche de François Ozon

2011 : Rien à déclarer de Dany Boon

2011 : La nouvelle guerre des boutons de Christophe Barratier

2011 : Hollywoo de Frédéric Berthe et Pascal Serieis

2012 : Dans la maison de François Ozon

2013 : Jeune et Jolie de François Ozon

 

 

 

BO en CD's

 

 

Dans La Maison. Film de François Ozon. Musique de Philippe Rombi. BOriginal. 1CD Cristal RECORDS, distribué par Sony Music.

Les premières œuvres de Philippe Rombi intéressent le jeune réalisateur François Ozon. Il compose pour lui la musique pour Les Amants Criminels, son premier long-métrage. Ils auront d’autres collaborations, jusqu’à ce film qui a eu de nombreuses nominations au César 2013. Ce n’est pas la première fois que Rombi est nommé pour sa musique. C’est avec « Joyeux Noël », de Christian Carion, en 2005, qu’il  est remarqué par la profession. Dany Boon fait appel à lui pour « Bienvenue chez les Ch’tis » (2008). Pour « Dans la Maison », Rombi part d’un thème très mélodique, entêtant, très rythmé. Une musique répétitive, qui rend accro. Philippe Rombi est lui-même au piano, et Anthony Pleeth au violoncelle. Les orchestrations sont variées, de très classique à une déstructuration par des sons « sales ». Ces variations perpétuelles, « feuilletonnantes », au fur et à mesure de la narration, donnent envie de connaître la suite des rédactions du héros. Petit à petit, dans le film, la musique contamine le récit. Et ajoute au trouble du scénario d’Ozon. Avec le thème « Claude et Esther », ainsi que « Claude et Jane », Rombi écrit de manière jazzy, datée, très « hollywoodien », dans le style de Mancini. A l’écoute du CD, et pour ceux qui ont vu le film, les images reviennent en mémoire. L'amateur de musique, quant à lui, sera agréablement surpris par la couleur, la sensation musicale envoûtante que procure ce disque. A l’instar de sa place dans le film, c’est une musique à suspens. Le pari est réussi : elle existe par elle-même, et les césars ne se sont pas trompés.

 

 

Lawrence d’Arabie. Film de David Lean. Musique de Maurice Jarre. 1CD Les éditions Milan. Distribué par Universal.

 

Il y a cinquante ans, David Lean a fait découvrir au grand public Peter O’Toole, Omar Sharif et Maurice Jarre dans « Lawrence d’Arabie », le film au sept oscars, dont celui de la meilleure musique. Les éditions Milan, pour l’occasion, sortent un CD qui outre la bande originale du film, propose aussi une suite de la musique de « Docteur Jivago », de « La Fille de Ryan », et de « La Route des Indes ». C’est aussi avec Lean que Jarre obtint ses deux autres oscars. Cette relation durera jusqu’à la mort du réalisateur, en 1991. Maurice Jarre, élève de Louis Aubert,  s’est fait une solide réputation à ses débuts de compositeur dans le domaine radiophonique et théâtral. Ses sonneries pour le TNP sont un modèle du genre, et on peut encore les entendre à Avignon. Il est considéré comme un compositeur de la tradition de la musique de film « à la française ». Les anglo-saxons l’apprécient, et il sera victime du succès, par l’adaptation de ses thèmes en chansons (La chanson de Lara, Paris Brûle-t-il..), qui lui vaudront le mépris de ses collègues, et de la critique. Sa musique se reconnaît par l’utilisation d’instruments pittoresques, dont Lean est l’initiateur (« Docteur Jivago »). Peter Weir fera appel à ses services sur plusieurs films. Il obtiendra le British Academy Award, pour «  Le Cercle des Poètes Disparus », en 1989. C’est dans ces années là qu’il s’intéressera à la musique électronique (« L’échelle de Jacob », « Ghost »). Hitchcock, Visconti, Zeffirelli, Huston, Fleischer, Frankenheimer, Wyler…ont fait appel à son talent. Il sera catalogué quand même comme musicien du renouveau du « cinéma spectacle » au même titre que John Williams. Si « Lawrence d’Arabie », et « Docteur Jivago » sont extrêmement connus, il est intéressant de redécouvrir, par le biais de ce disque, la musique de « La Route des Indes », qui, moins écoutée, est sensible, magnifique. Maurice Jarre dirige lui-même ses compositions à la tête du Royal Philharmonic Orchestra. Un disque obligatoire pour tous ceux qui aiment la musique sans distinction de classification.

 

 

Arbitrage. Film de Nicholas Jarecki. Musique de Cliff Martinez. 1CD : Les Editions Milan, distribué par Universal

Pour son premier film en tant que réalisateur, le jeune trentenaire Nicholas Jarecki a fait appel au musicien de Steven Soderberg, Cliff Martinez, dont la musique de « Drive » (2011) est un des plus gros succès de musique de films.  Ce musicien, un des plus prisés d’Hollywood, fut le premier batteur du groupe de hard rock, le mythique RHCP, Red Hot Chili Peppers. Il débuta dans la BO avec le premier film de Soderberg, Palme d’or à Cannes en 1989, « Sex, Lies, and Videotape ». Pendant dix ans, il enchaînera de nombreux films du réalisateur  : du angoissant « Traffic » (2000), jusqu’au terrifiant « Contagion » (2011). Jarecki n’avait aucune idée de musique pour son film, une histoire tragique, un thriller psychologique, dans le milieu de la haute finance, et dont le rôle principal est interprété par Richard Gere. La bande sonore de Martinez est, dans le film et sur cet album, propose une musique évoquant l’ambiance noire, mystérieuse, de Manhattan. Elle enveloppe le spectateur et l’auditeur de ces nappes caractéristiques du compositeur, cristallines, évanescentes, et par des sonorités subtiles des polars des années 80, dont il est friand. Il utilise les percussions métalliques, cristal Baschet et une guitare électrique, comme instruments réels, et tout le reste est constitué de musiques échantillonnées. Martinez prolonge ce climat de mélancolie par des chansons de Björk, Billie Holiday, Joäo Gilberto. Les musiques de Cliff Martinez servent les films, ne les phagocytent pas. A-t-on envie de les écouter souvent ? Telle est la question ? Avoir plusieurs CD de ce compositeur ne paraît pas indispensable. « Arbitrage » est le plus abouti, peut- être parce qu’il est le plus récent. Le travail de Cliff Martinez est passionnant, et mériterait d’être écouté par les amateurs de musiques contemporaines, et par les compositeurs de l’IRCAM !

 

 

Killer Joe. Film de William Friedkin. Musique de Tyler Bates. 1CD Les éditions Milan, distribué par Universal.

Avec « Killer Joe », c’est le grand retour de William Friedkin, le réalisateur de « French Connexion », et de « l’Exorciste ». Pour cette adaptation théâtrale, il s’est offert une musique, ou plutôt une ambiance sonore, de Tyler Bates, compositeur atypique qui avait signé ce film si original qu’est « 300 ». Deux personnalités iconoclastes ne pouvaient que concocter des moments inoubliables, tant pour la mise en scène que sur la bande sonore. A l'origine, Tyler Bates a une grande culture musicale, allant du rock au classique. Puis, il a formé un groupe rock, s’est fait  la main sur des films underground. C’est grâce à un concert que son groupe enregistrera chez Atlantic, et qu’il composera, en 1996, sa première musique pour le film « Crow : City of Angels ». Manipulateur de sons, il enchaîne musique de films d’horreur, et de science-fiction. Avec « Dawn of the Dead », de Zack Snyder, sa carrière prend un tournant décisif. « 300 », du même réalisateur, lui offre le BMI award, et la même année, il compose la musique de la série à succès Californication. Sa carrière est lancée, et Snyder le prend sur tous ses films. La musique de « Killer Joe » est un mixte d’ambiances, de musiques très trash-rock, de rock, de country, avec des sons de  Marxophone, de Melodica, de guitares électriques réverbérées, et de voix de baryton. Elle correspond parfaitement à l’atmosphère glauque, grinçante, provinciale, non conventionnelle, désespérante de bêtises qu’est « Killer Joe ». On est loin des musiques de films traditionnelles. Le terme bande sonore originale serait plus approprié. Le principal d’une BO est d’être en phase avec un film, et de lui apporter une couleur, sans pour autant être pléonastique. Le travail de Tyler Bates est aussi marquant que celui de Tubular Bells, en son temps, pour « L’exorciste ». William Friedkin a toujours su initier des œuvres musicales originales à la hauteur de ses films.

 

 

Les Adieux à la Reine. Film de Benoît Jacquot. Musique de Bruno Coulais. 1 CD Quartet Records.

Il s'agit de la troisième collaboration de Benoît Jacquot avec Bruno Coulais. La musique des « Adieux à la reine » offre l’originalité d’avoir été enregistrée avant le tournage, sous forme de maquettes. « Elles ont parfois influencé les montages image et son, lesquels ont ensuite influencé la musique », explique Coulais, dans ce bel album présenté par le grand spécialiste de la BO qu’est Stéphane Lerouge. Celui-ci a initié une très passionnante collection de plus d’une quarantaine d’albums et de compilations. Benoît Jacquot n’était pas un adepte des musiques originales. Avec Coulais, il « rattrape » le temps perdu. Bruno Coulais a une formation classique, et se destinait à écrire de la musique contemporaine. Peu à peu il s’est dirigé vers la composition pour l’image. Au départ pour des documentaires, puis beaucoup pour la télévision. C’est en 1996, pour le film « Microcosmos » (César et Victoire de la musique) qu’il se fait connaître du grand public, et remarquer par les réalisateurs de cinéma. Il obtient un deuxième César avec « Himalaya » (1999). Il est appelé sur tous les « blockbuster » à la française. Avec « Les Choristes » (2004), il obtient un troisième César. Le succès public sera aussi important avec le CD de sa musique que pour le film. La musique des « Adieux » est une musique funèbre. « Une musique, non de chaos, mais de naufrage », explique le compositeur. Loin de faire une musique d’époque, il emploie le piano, la harpe, les vents, pour envelopper les personnages de sonorités funestes, annonçant à la cour de Versailles, incrédule, le glas d’un monde qui s’écroule . « Une musique pour film de vampires » ose-t-il  dire. On peut écouter également sur le CD les deux musiques que Bruno Coulais a écrites précédemment pour Jacquot, « Au Fond des Bois », et « Villa Amalia ». Cette dernière est interprétée par la pianiste Claire Désert. Quant au concerto d’ « Au fond des bois », d’un lyrisme tendu, il est joué par le violoniste Régis Pasquier, l’orchestre de Hongrie étant dirigé, comme pour les autres musiques, par Laurent Petitgirard. D’une conception totalement moderne, cette musique  prouve que Bruno Coulais peut écrire des musiques plus puissantes que celles, assez « descriptives », plus facile d’accès, du film « Les Adieux à la Reine ». le CD permet d’apprécier la palette assez large de ce compositeur, qui peut être très créatif quand il travaille avec des réalisateurs qui ont une culture musicale ; ce qui, hélas, est rarement le cas chez les français.

 

 

 

Alfred Hitchcock et la musqiue. Film de Sacha Gervasi. 2CD : Les musiques des films des Editions Milan. Distribué par Universal.

Pour la sortie du « biopic » sur le plus célèbre des réalisateurs, les éditions Milan offrent, en deux CD, une compilation des musiques de films qui accompagnent des films aussi célèbres que « Vertigo », « Psycho » ou « La Mort aux Trousses », au total sept films de la collaboration entre Herrmann et Hitchcock.  Le second CD est dédié aux autres compositeurs « hollywoodiens », dont la collaboration ne fut pas moins talentueuse : Dimitri Tiomkin (« L’inconnu du Nord Express », « Le Crime était Presque Parfait », « l’Ombre d’un Doute, » « La Loi du Silence », ou Miklos Rozsa (« La Maison du Dr.Edwardes », ou encore Franz Waxman (« Le Procès Paradine »). Voilà un album d’initiation pour tous ceux qui veulent mieux connaître la musique de films, et pour ceux qui sont intéressés par les compositions moins divulguées qu’on trouve sur le second CD. Ces musiques n’ont rien à envier aux compositions dites du répertoire classique. Pour les musiques d’Herrmann, on peut se procurer des CD avec les compositions complètes originales, ou réinterprétées. Le Los Angeles Philharmonic, sous la direction de Esa-Pekka Salonen, a interprété des suites de composition de Bernard Herrmann, dont les magnifiques musiques de « Marnie », la moins connue, et de « Torn Curtain », deux films de Hitchcock, mais aussi celles de « Fahrenheit451 », pour Truffaut, ou encore de « Taxi Driver », pour Scorcese. 

 

 

 

Ernest et Célestine. Film de Benjamin Renner,Vincent Patar,Stéphane Aubier. Musique de Vincent Courtois. Chansons écrites par Thomas Fersen. 1CD Les éditions Milan. Universal

Vincent Courtois est violoncelliste de formation. Il étudie avec Roland Pidoux, du Trio Wanderer, et Frédéric Lodéon, puis s’oriente vers le jazz. Il joue dans plusieurs formations (Solal, Lourau, Escoudé, Sclavis, Pifarely). Il a de nombreux disques à son actif. Il travaille aussi avec les Rita Mitsouko. En 2007, il signe la musique du film « Ma vie n’est pas une comédie romantique ». Pour la nouvelle bande sonore de «  Ernest et Célestine », il a fait appel à ses amis jazzmen, comme Louis Sclavis, à la clarinette, François Couturier, au piano, Dominique Pifarély, au violon, et Michel Godard. Il a élaboré une construction subtile pour le film, où chaque personnage a son thème et son instrument, à la manière de « Pierre et le Loup » : piano et clarinette pour Célestine, dont la musique sautillante désigne la naïveté du personnage, violon pour Ernest. Au fur et à mesure de la narration filmique, les thèmes vont se mélanger, percussions, cordes, piano pour les moments d’action. Chaque pupitre est attaché à un personnage ou à une symbolique précise. Le basson, par exemple, incarne La Grise, l’autorité, la police. Le film d’animation demande une extraordinaire précision de la part des animateurs, et aussi du compositeur. Tout doit être créé à partir des images sans son. Le compositeur doit s’adapter avec le design, les bruitages. Cela demande des réajustages très complexes. A l’écoute du disque, on retrouve les personnages, les moments du film, et surtout les trois belles chansons de Thomas Fersen, dont une chantée par Lambert Wilson. Un disque pour continuer le conte, le film, ou simplement pour le plaisir de l’écoute.

 

 

 

DJANGO enchaîné. Réalisation Quentin Tarantino. Musiques de divers compositeurs. 1 CD Républic UMG Universal / Mercury :602537270286.

Quentin Tarantino, le roi du mashup! En s’inspirant du Django, de Sergio Corbucci, un des grands réalisateurs de Western Spaghetti, il fait des morceaux de bravoures cinématographiques soutenus par des musiques grandioses de Morricone, Bacalov, Ortolani, compositeurs cultes de ces westerns, et un morceau d’Under Fire  (réalisateur Roger Spottiswoode), du célèbre compositeur Jerry Goldsmith. Tarantino ajoute quelques chansons inédites, 100 black Coffins, de Rick Ross, co-écrite et produite par Jamie Foxx, Who Did That To You?, De John Legend, Ancora Qui, d’Ennio Morricone et Elisa Tiffoli, célèbre chanteuse italienne, et Freedom, d'Anthony Hamilton et Elayna Boyton. On retrouve dans le film, un mashup de Untouchable, de Tupac, et The Payback, de James Brown. Il manque sur le CD quelques musiques, dont le magnifique Freedom, de Richie Havens , un grand moment de Woodstock. Ce qui est amusant dans cette BO, c’est que le réalisateur s’est servi de ses propres vinyles avec toutes les scories qu’ont ces disques, à la manière des rappeurs. Cette bande de musique de films, non tout à fait originale, est déjà un hit comme les précédentes (Kill Bill, Pulp Fiction, Resevoir Dog..). Peu de gens, à part les happy few ou cinéphiles, savent que la musique du générique du film est celle du « Django », de Sergio Corbucci composée par Luis Bacalov. Ce compositeur prolifique, mal connu par le grand public, est d’origine argentine. Il a été récompensé par un Oscar en 1994, pour la mélancolique musique de « Il Postino » (le facteur), de Michael Radford. Il a pris la place de Rota, chez Fellini, quand ce dernier s’en est trouvé orphelin, son compositeur fétiche. Le thème de Django est chanté par Rocky Roberts. Franco Nero. Le vrai Django apparaît dans le film, mais ce « private joke », seuls les italiens et les malades de westerns l’auront apprécié. Bacalov a aussi écrit une touchante Missa Tango, interprétée par Domingo, Martinez, Chung et l’Orchestre  Sainte Cécilia de Rome. Il faut voir ou revoir le film de Corbucci, et écouter la musique de Bacalov, qui est aussi inspirée qu’une BO de Morricone.

 

 

 

Blanca Nieves. Réalisateur Pablo Berger. Musiques de Alfonso de Vilallonga. 1CD Milan : 399 455 2. Universal Music

« Blanca Nieves » est un film en noir et blanc, muet, avec des intertitres. L’histoire se passe dans les années 20. Les films étaient à l’époque muet et accompagnés par un orchestre symphonique dans les grandes salles. Ici, le réalisateur, dont c’est le troisième film, joue sur tous les codes de ce cinéma avec un certain humour noir hispanique. L’histoire est celle, bien sûr, de Blanche Neige, mise à la sauce espagnole, dans le monde de la tauromachie. Blanche Neige va s’enfuir de l’hacienda où commande une belle-mère acariâtre, et sera recueillie par sept toreros nains ! C’est un film totalement morbide. La musique est pendant tout le film le support à l’image. Elle est descriptive, un genre difficile à composer. Elle apportera de la gaité, de l’ironie, de la mélancolie, de l’émotion, comme on faisait à l’époque, et comme Hollywood, au début du parlant, a continué à le faire. Alfonso de Vilallonga, et surtout son arrangeur et orchestrateur Roman Gottwald, ont fait un travail important et très réussi. Cette musique vient de recevoir le Goya (Les Césars espagnol) de la meilleure musique.

Alfonso de Vilallonga est né à Barcelone, en 1960, dans une famille noble. Il a commencé à étudier la musique à Barcelone, puis au Berklee College de Musique, à Boston. En 1990, il fait sa première BO pour le film Inquisiteur de Rachel Schaaf, et enchaînera jusqu’à aujourd’hui avec Blanca Nieves. Parallèlement, il monte des spectacles de variétés à base de chansons françaises et américaines, et fait quelques albums de variétés.Il chante dans des comédies musicales (Candide de Bernstein) et compose pour le théâtre. S’il est apprécié et connu dans le monde hispanique, il n'est pratiquement pas connu en France. Le film, qui est une petite merveille d’inventivité picturale, aurait mérité une meilleure distribution. Il vaut largement le succès qu’a eu un autre film muet, The Artist. Mais ne polémiquons pas. Écouter la musique de ce CD  pour ce qu’elle est, est un vrai plaisir musical, où se mêlent chansons, interprétées par Silvia Pérez Cruz, morceaux de guitare flamenco, par Juan Gomömez, « Chicuello », un trio piano/ukulélé/ violoncelle, un duo violon/piano, et des morceaux symphoniques avec le grand orchestre Philharmonique de Bruxelles, dirigé par Robert Groslot. Cette bande sonore couvre une palette de couleurs, de styles assez vastes : de la musique dramatique de genre classique et orchestrale, des pièces plus folkloriques et gaies, avec instruments à vent, d’un genre très espagnol, et des pièces jazzy évoquant l’époque, les années 20. Cette diversité  raconte en musique le conte des frères Grimm. En 2008, il avait fait une belle composition pour le film de Brad Anderson : Transsiberien .

 

 

Stéphane Loison.

 

ANNONCES FILMIQUES

 

Parallèlement à l’exposition « Musique et cinéma / Le mariage du siècle ? »,  qui est organisée du 19 mars au 18 août 2013, au Musée de la Cité la musique à Paris, une série de concerts y est donné tout au long du mois de mars, à l’amphithéâtre ou dans la grande salle de concert.

 

Mercredi 20 mars à 20h : Hollywood, mon amour

 

Rocky, Footloose, Mad Max... par Marc Collin aux claviers.

Rencontre avec Marc Collin à 19h, dans la Rue Musicale, animée par le réalisateur Thierry Jousse

 

Jeudi 21 mars à 20:00 :Film noir

 

Stéphan Oliva  au piano, Philippe Truffault, vidéo.

Relecture des musiques et images des films de Alfred Hitchcock, Stanley Kubrick, Otto Preminger, Orson Welles, Billy Wilder, Robert Wise... Rencontre avec Stéphan Oliva et Philippe Truffault, à 19h, dans la Rue Musicale, animée par N.T. Binh (commissaire de l'exposition "Musique et cinéma, le mariage du siècle?")

Vendredi 22 mars à 20:00 : Ciné concert Le Cuirassé Potemkine

 

Musique de Michael Nyman

Le Cuirassé Potemkine / Film muet de Sergueï Eisenstein, URSS, 1925, 70 minutes Michael Nyman Band

Michael Nyman  piano

Rencontre avec Michael Nyman, à 19h dans la Rue Musicale, animée par N.T. Binh, commissaire de l’exposition "Musique et cinéma, le mariage du siècle ? "

 

Du 23/03/2013 au 24/03/2013 : French Touch (création)

 

Fred Pallem & Le Sacre du tympan jouent les musiques de François de Roubaix, Michel Magne, Francis Lai, Jean-Claude Vannier, Philippe Sarde, Michel Legrand, Raymond Lefebvre, Vladimir Cosma...

Samedi 23 mars : Rencontre avec Fred Pallem et Francis Lai, à 19h dans la Rue Musicale, animée par Stéphane Lerouge, concepteur de la collection discographique « Écoutez le cinéma ! »  (Universal Classics & Jazz France).

Dimanche 24 mars : Rencontre avec Fred Pallem, à 19h dans la Rue Musicale, animée par Stéphane Lerouge, concepteur de la collection discographique « Écoutez le cinéma ! »(Universal Classics & Jazz  France)

Dimanche 24 mars 2013 / 16:30 : Quai de scènes (création)

 

Alexandre Desplat et Traffic Quintet

Dominique Lemonnier  conception et réalisation, création vidéo

Alexandre Desplat  musiques

Ange Leccia  création vidéo

Stéphane Vérité  scénographe

Rencontre avec  Dominique Lemonnier et Alexandre Desplat à 15h30 dans la Rue Musicale, animée par N.T. Binh (commissaire de l'exposition "Musique et cinéma, le mariage du siècle?")

 

 

Mardi 26 mars 2013 / 20:00 : Un air de déjà vu, Chansons du cinéma français (création)

Alex Beaupain  chant

Camélia Jordana  chant

Fanny Ardant  comédienne

Rencontre avec Alex Beaupain à 19h dans la Rue Musicale, animée par N.T. Binh, commissaire de l’exposition "Musique et cinéma, le mariage du siècle ?"

 

Vendredi 29 mars 2013 / 20:00 : De Nino Rota à Ennio Morricone

Giovanni Mirabassi Trio

Giovanni Mirabassi  piano, Gianluca Renzi  contrebasse, Lukmil Perez  batterie

Rencontre avec Giovanni Mirabassi, à 19 h dans la Rue Musicale, animée par Benoit Basirico, journaliste, spécialiste de la musique de film, fondateur de Cinezik.fr

 

Stéphane Loison.

 

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LA VIE DE L’EDUCATION MUSICALE

 

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A découvrir :

 

 

YAMAHA : l’innovation Silent

 

 

 

Vingt ans après la création de son premier piano Silent™, Yamaha récidive et innove avec son nouveau piano équipé du système Silent SH : jouer en silence sur un piano, enregistrer ses créations et les partager en quelques clics.

Yamaha connu pour être le leader mondial de la technologie dédiée aux instruments  de musique créé la surprise avec deux nouveaux systèmes : Silent™ SH et Silent™SG2 (tous deux disponibles sur 24 modèles : pianos droits et à queue).

 

 

 

Le système Silent™ SH est le premier système à employer l’échantillon sonore du piano à queue grand concert Yamaha CFX. Il permet d’enregistrer en différents formats (MIDI, ou audio) et de partager ses compositions sur les réseaux sociaux en quelques clics. Le pianiste devient un musicien qui s’exprime à travers le monde en temps réel.

Il bénéficie de nombreux avantages comme un échantillonnage numérique binaural procurant un effet 3D, une polyphonie multipliée par 8 soit 256 notes, 19 sonorités proposées, un casque hifi Yamaha HPH-200, prise USB en façade …

 

   

     

Le système Silent™ SG2 utilise, lui, l’échantillon sonore du piano à queue grand concert Yamaha CFIIIS. Est doté de belles particularités comme un échantillonnage AWM, une polyphonie de 64 notes, 10 sons pour créer ses compositions et reproduire ses interprétations avec possibilité de modifier le niveau de réverbération, enregistrement en mode MIDI …

 

 

Information: fr.yamaha.com/silentpiano

 

 

 

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Passer une publicité. Si vous souhaitez promouvoir votre activité, votre programme éditorial ou votre saison musicale dans L’éducation musicale, dans notre Lettre d’information ou sur notre site Internet, n’hésitez pas à me contacter au 01 53 10 08 18 pour connaître les tarifs publicitaires.  

Laëtitia Girard.
l.girard@editions-beauchesne.com

 

 

 

 

Projets d’articles sont à envoyer à redaction@leducation-musicale.com

 

Livres et CDs sont à envoyer à la rédaction de l’Education musicale : 7 cité du Cardinal Lemoine 75005 Paris

 

 

 

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75019 Paris
Tel : 01 42 01 78 86

Librairie Ombres blanches
50, rue Gambetta
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Tel : 05 34 45 53 33

Librairie Musicalame
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3, place Bellecour
69002 Lyon
Tel : 04 72 56 27 10

 

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