Sommaire :

1. Editorial : Nosocomialité de l'école

2. Informations générales

3. Varia

4. Manifestations et Concerts

5. Recensions de spectacles et concerts

6. De Cucendron à Cenerentola, les deux visages de Cendrillon

7. Echos d'une pluie d'étoiles sur le clavier

8. Le Festival de Lucerne "am Piano"

9. Annonces de spectacles et concerts

10. Nouveautés dans l'édition musicale

11. Bibliographie

12. CDs et DVDs

13. D'un label l'autre

14. La librairie de L’éducation musicale

15. La vie de L’éducation musicale

16. Où trouver L’éducation musicale ?

 

Janvier - Février 2012 - n° 574

 

SUPPLEMENT BACCALAUREAT 2012

 



Nov - Déc 2011
n° 573



Sept - Oct 2011
n° 572



Mai - Juin 2011
n° 571


L'éducation musicale n'a rien contre les étudiants...

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Nosocomialité de l’école

Nous vivions dans la crainte,
nous allons vivre dans l’espoir…
(Tristan Bernard)

Lequel d’entre nous n’aura été, un jour, choqué par le comportement de tel ou tel groupe d’adolescents ? Sans qu’il y ait, nécessairement, malveillance de leur part…

Comportement tribal né, à l’évidence, au sein de l’école, navrant creuset aujourd’hui de « déséducation »… Avec pour principe tacite de ne jamais paraître docile vis-à-vis de quelque autorité que ce soit – fût-elle scolaire, civique ou parentale… Seul étant désormais légitime le jugement du clan…

Mais rien que d’ordinaire à cet âge, me direz-vous ! Ce qui l’est moins, en revanche, c’est que la chose ait désormais gagné les préadolescents, sinon de plus jeunes enfants. Phénomène amplifié par leur commune addiction à ces nouveaux jouets - tablettes, ordinateurs, petits ou grands écrans – qui permettent de s’évader, d’un clic, du monde réel… En témoigne, jour après jour, la blogosphère, où chacun, fût-ce innocemment, devient la nocence de tous.

Cependant que nos pouvoirs publics dénient à la musique sa place au sein de l’école, la prétendant - à l’ordinaire… - dangereuse source de subversion, faisant mine d’ignorer que ses pratiques chorales ou orchestrales sont un incomparable agent communiel - idéale métaphore de la démocratie !

 

Francis B. Cousté.


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Jacques Attali,  parrain de la 9e Semaine du Son, donnera la conférence inaugurale de cette manifestation, le lundi 16 janvier 2012, à 17h00, en l’Auditorium de France Télévision (7, esplanade Henri de France, Paris XVe). Renseignements : 01 42 78 10 15.  www.lasemaineduson.org

 

 

©DR

 

 

« We are more », Campagne pour les arts & la culture en Europe. Renseignements : Culture Action Europe, rue de la Science 10, 1000 Bruxelles. Tél. : +32 (0) 534 40 02. www.wearemore.eu/manifesto

 

 

 

La Semaine de l’improvisation,  2e édition, se déroulera du 16 au 21 janvier 2012, au Conservatoire à rayonnement régional du Grand Chalon. L’improvisation en question : quelles pratiques pour quels enjeux ? Musiques baroques, traditionnelles, extra-européennes, jazz, danse, théâtre contemporain…  Sous le parrainage d’Alain Savouret, une centaine d’ateliers seront animés par une quinzaine d’artistes de renommée nationale & internationale, ainsi que par des professeurs de l’établissement.  Renseignements : 1, rue Olivier-Messiaen, 71100 Chalon-sur-Saône. Tél. : 03 85 42 42 65.  www.conservatoire.legrandchalon.fr

 

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Le Forum européen de la musique se tiendra, à Istanbul (Turquie), du 12 au 22 avril 2012.  Renseignements : Conseil européen de la musique. Tél. : +49 228 966 996-67. www.imc-cim.org

 

 

 

L’Académie 2012 du Festival de Lucerne  (direction artistique : Pierre Boulez) se tiendra du 18 août au 9 septembre.  Répétitions, ateliers & leçons assurés par des membres de l’Ensemble intercontemporain.  Cours de direction : Pierre Boulez.  Date limite des candidatures : 20 janvier 2012.  Renseignements : +41 (0)41 226 44 49. www.lucernefestival.ch

 

Lucerne ©DR

 

 

Tout Danièle Pistone sur Canal Académie !

www.canalacademie.com/idm679-+-Daniele-Pistone-+.html

 

Palais Mazarin ©DR

 

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Novlangue !  « Avenir-écoles, syndicat des femmes moteures du changement. » (Communiqué du 24 novembre 2011).

 

Katherine Legge ©DR

 

 

L’Association Caix d’Hervelois propose - dans le cadre de la préparation au sujet du baccalauréat Terminales L - une intervention autour du film Tous les matins du monde, par Jean-Louis Charbonnier, assistant musical sur le tournage (théorbe ou concert à 4 ou 5 musiciens).  Séance de 2h00, avec projection DVD sur le tournage du film.  Renseignements : 01 48 83 60 09. www.caix.fr.st

 

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Universal,  première firme mondiale de disques (filiale du groupe français Vivendi), vient de racheter EMI Music.  Montant de l’opération : 1,4 milliard d’euros.  Ne demeurent donc plus que 3 « Majors » :

 

   

 

 

 

Théâtre de Cornouaille, Centre de création musicale (Oscar Strasnoy, compositeur en résidence), propose, cette saison, 45 spectacles musicaux : Musiques du monde, Jazz, Chanson, Musique classique & contemporaine, Théâtre musical). Renseignements : 1, esplanade François Mitterrand, 29000 Quimper.  Tél. : 02 98 55 98 55.  www.theatre-cornouaille.fr

 

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Le Prix Pierre Schaeffer 2011  a été décerné à la jeune auteur belge Sonia Ringoot pour son documentaire radiophonique En quête de terre (51’).  Renseignements : www.phonurgia.org ou : www.soniaringoot.com

 

 

Spécialité lyonnaise :  Un concert (au choix) + un match (au choix) : 20 €.  Renseignements : 04 78 95 95 95.  www.onl.fr/onl_info/onl.htm

 

 

 

Demain tous sourds ?  Sur Canal Académie, un entretien avec le professeur Claude-Henri Chouard, membre de l’Académie nationale de médecine, auteur de L’oreille musicienne (Gallimard Folio, 2010).  À écouter sur : www.canalacademie.com/emissions/foc674.mp3

 

 

 

54th Annual Grammy Award Nominees (« Best Orchestral Performance ») :

Nicholas McGegan, conductor.  Philharmonia Baroque Orchestra.  Haydn : Symphonies n°104, 88 & 101. [Philharmonia Baroque Productions]

Andrew Davis, conductor.  BBC Philharmonic.  Bowen : Symphonies n°1 & 2. [Chandos]

Gustavo Dudamel, conductor.  Los Angeles Philharmonic.  Brahms : Symphony n°4 [DG]

Marek Janowski, conductor.  Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin.  Henze : Symphonies n°3-5 [Wergo]

Jirí Belohlávek, conductor.  BBC Symphony Orchestra.  Martinů : The 6 Symphonies [Onyx Classics]

Renseignements : www.grammy.com/nominees (catégorie n°70)

 

 

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Quatrièmes  Rencontres internationales de « L’effet de vie ».  Université de Metz, 2-4 février 2012.  Cette rencontre est organisée par Marc-Mathieu Münch, professeur émérite à l’Université de Metz, qui a le mérite d’avoir lancé une nouvelle discipline : « L’effet de vie », déjà largement répandue en France et à l’étranger parmi les littéraires, les musicologues, les historiens de l’art, les esthéticiens, les anthropologues... 

Après les trois rencontres scientifiques autour de la jeune école de « L'effet de vie » publiées par la collection « L'univers esthétique » à L'Harmattan, les Quatrièmes Rencontres de « L'effet de vie » auront lieu à Metz, les 2, 3 et 4 février 2012, à l'UFR Lettres et Langues. Elles réuniront des chercheurs d'Allemagne, du Caméroun, du Canada, du Luxembourg, de France et de  Norvège autour du rôle des formes artistiques dans la réussite esthétique des œuvres d'art.  Il s'agira plus particulièrement de redéfinir les formes artistiques, autant du point de vue anthropologique que du point de vue de l'histoire, selon la dialectique du pluriel, du beau et du singulier (anthropologique) de l'art qui caractérise la théorie de l'effet de vie.  Comme les arts n'existent que par la réception, une partie de ces Rencontres sera ouverte au public et au dialogue avec lui, ce qui est une originalité qui mérite d'être soulignée. Renseignements :www.effet-de-vie.org

 

Ivoire chinois ©DR

Édith Weber.

 

 

Musique de chambre à l’Arsenal de Metz…  Le dimanche 8 janvier 2012, à 16h00, seront donnés : Quintette avec clarinette K. 581 (Mozart), Ouverture sur des thèmes juifs op. 34 (Prokofiev), 1er Quatuor avec piano op. 25 (Brahms).  Avec Nicolas Baldeyrou (clarinette), Frédéric d’Oria-Nicolas (piano), Amaury Coeytaux & Akayo Tanaka (violons), Lise Berthaud (alto), François Salque (violoncelle).  Renseignements : 03 87 74 16 16.  www.arsenal-metz.fr

 

L’Arsenal ©Christian Legay

 

 

Viktoria Mullova et ses amis.   À l’Auditorium du Louvre, Portrait de la violoniste en cinq concerts.  Le 9 janvier, avec Il Giardino Armonico (Haendel, Bach, Leclair, Mascitti, Vivaldi).  Le 11 janvier, avec Kristian Bezuidenhout, pianoforte (Beethoven).  Le 16 janvier, avec Nicolau de Figueiredo, clavecin (J. S. Bach).  Le 18 janvier, avec Adrian Chamorro, Nimrod Guez, Manuel Fischer-Dieskau, Heinrich Braun, Pascal Moraguez, Guido Corti et Marco Postinghel (Nielsen, Schubert).  Le 20 janvier, avec Matthew Barley Ensemble (Bratsch, Bartók, Weather Report, Kodály, Du Oud, Barley).  Renseignements : 01 40 20 55 00/55.  www.louvre.fr

 

©DR

 

 

Rencontre avec Ondřej Adámek,  le mardi 10 janvier 2012, de 18h30 à 20h30, au Centre de documentation de la musique contemporaine (CDMC).  Entrée libre.  Renseignements : 16, place de la Fontaine-aux-Lions, Paris XIXe. Tél. : 01 47 15 49 86.  www.musiquecontemporaine.fr

 

 

 

« Prades aux Champs-Élysées », 19e édition.  Le 12 janvier, à 20h00 : Trio avec piano n°5 (Beethoven), Sérénade pour cordes & vents n°1 (Brahms), Quintette pour piano & vents (Mozart), Duo concertant pour violon & contrebasse (Penderecki).   Le 16 février, à 20h00 : Quintette avec piano en mib majeur (Schumann), Octuor pour cordes (Mendelssohn).  Renseignements : 15, avenue Montaigne, Paris VIIIe. Tél. : 01 49 52 50 50.  www.theatrechampselysees.fr

 

 

 

Monsieur de Pourceaugnac,  comédie-ballet en 3 actes de Molière et Lully, sera représenté les 14 et 15 janvier 2012, à l’Opéra de Reims. Compagnie « Les Malins Plaisirs ».  Chorégraphie : Marie-Geneviève Massé.  Direction musicale : François Lazarevitch.  Mise en scène : Vincent Tavernier. Renseignements : 03 21 81 10 88 ou : 06 98 90 28 08.  www.lesmalinsplaisirs.com

 

 

 

French Kiss !  Pour sa 2e édition, ce festival lyonnais (10 janvier-10 février 2012) a programmé les Requiem de Maurice Duruflé (10 janvier, 20h00) & Gabriel Fauré (10 février, 20h00).  Renseignements : www.lyon-france.com/Actualites/Archives/Festival-French-Kiss

 

 

 

Lo Speziale,  opéra bouffe de Franz Joseph Haydn, livret de Carlo Goldoni, sera donné, du 10 janvier au 26 mars 2012, au Théâtre Artistic Athévains (45bis, rue Richard-Lenoir, Paris XIe).  Adaptation & direction musicale : Andrée-Claude Brayer.  Mise en scène : Anne-Maire Lazarini.  Renseignements : 01 43 56 38 32.  www.artistic-athevains.com

 

 

 

 

Le Kronos Quartet  se produira le mercredi 18 janvier 2012, à 20h30, à la Cité de la musique de Paris – dans le cadre de la 5e Biennale de Quatuors à cordes.  Programme :  Quatuor n°7 (Wolfgang Rihm), Quatuor, création (Alireza Farhang), WTC 9/11, création française (Steve Reich).  Renseignements : 221, avenue Jean-Jaurès, Paris XIXe.  Tél. : 01 44 84 44 84.  www.cite-musique.fr

 

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©DR

 

 

Le CRR 93  consacre sa nouvelle saison au « Dialogue des Arts » (Martin Matalon, compositeur en résidence).  Ainsi, le 20 janvier à 20h00, Zahia Ziouani, talentueuse chef d’orchestre, dirigera-t-elle, à la tête de plusieurs formations réunies : Egmont (Beethoven), 2e Concerto pour piano (Saint-Saëns), extrait des Goyescas (Granados), extraits de Casse-Noisette (Tchaïkovsky), musiques du film Le Mépris (Delerue), musique du générique du film The Cowboy (J. Williams).  Entrée libre. Renseignements : 13, rue Réchossière, 93300 Aubervilliers.  Tél. : 01 43 11 21 10. www.conservatoireregional93.fr

 

Zahia Ziouani ©DR

 

 

Auditorium du Louvre :  « Une saison à… l’Opéra de Paris ».  Samedi 21 janvier 2011, à 15h00 : Moïse et Pharaon (Gioachino Rossini), à 18h30 : L’Enfant et les sortilèges (Maurice Ravel) & Oedipus Rex (Igor Stravinski).  Dimanche 22 janvier, à 15h00 : La guerre et la paix (Sergueï Prokofiev).  Renseignements : 01 40 20 55 55.  www.louvre.fr

 

Auditorium du Louvre ©DR

 

 

À la Gaîté lyrique :  Carte blanche à Gabriel Prokofiev & Peter Gregson, pour un après-midi de « musique classique non traditionnelle », le dimanche 22 janvier 2012, à 15h00.  Petit-fils du célèbre compositeur, le DJ Gabriel Prokofiev est également producteur, à Londres, de musiques hip-hop, électro & électroacoustique. Violoncelliste écossais, Peter Gregson est un ardent défenseur de la musique contemporaine.   Renseignements : 3bis, rue Papin, Paris IIIe.  Tél. : 01 53 01 51 51.  www.gabrielprokofiev.com

 

©DR

 

 

Auditorium du musée Guimet.  Le vendredi 13 janvier, à 20h30 : Les trois violons du monde, avec Guo Gan (erhu, Chine), Sabir Khan (sarangi, Inde), Naranbaatar Purevdorj (morin kuur & chant, Mongolie) et Mathias Duplessy (guitares, France).  Le vendredi 27 janvier, à 20h30 : Musique de l’Inde du Nord, avec Sabir Khan (sarangi) et Prabhu Edouard (tabla).  Renseignements : 6, place d’Iéna, Paris XVIe.  Tél. : 01 40 73 88 18.  www.guimet.fr

 

     

 

 

L’ensemble 2e2m  invite, en résidence, le jeune compositeur tchèque Ondřej Adámek -  autour de qui seront organisées, à Paris, quatre rencontres : les 10, 12, 27 et 31 janvier 2012.  Renseignements : 01 47 06 17 76.  www.ensemble2e2m.com

 

    

Ondřej Adámek ©E. Schneider Caprices

 

 

Katia Kabanova,  version de chambre de l’opéra de Leoš Janáček, sera donné, en création mondiale, du mardi 17 janvier au samedi 4 février 2012, au Théâtre des Bouffes du Nord.  Mise en scène : André Engel.  Direction musicale : Irène Kudela.  Renseignements : 37bis,  bd de la Chapelle, Paris Xe.  Tél. : 01 46 07 34 50.  www.bouffesdunord.com

 

André Engel ©Royaumont

 

 

Kyôgen et nô  à la Maison de la Culture du Japon, à Paris, les vendredi 27 & samedi 28 janvier 2012.  Renseignements : 101bis, quai Branly, Paris XVe. Tél. : 01 44 37 95 01.  www.mcjp.fr

 

©Kumi Akasaka

 

 

L’ensemble « Les Concerts d’Athalie », dir. Léonard Ganvert, se produira le dimanche 29 janvier 2012, à 17h00, en l’église luthérienne Saint-Paul-de-Montmartre (90, bd Barbès, Paris XVIIIe), œuvres de : Felix Mendelssohn, Johann Strauss II et Franz von Suppé.  Le samedi 4 février 2012, à 20h30, en l’église Saint-Lambert-de-Vaugirard (2, rue Gerbert, Paris XVe), œuvres de : W. A. Mozart et J. Haydn.  Entrée libre.  Renseignements : 01 42 23 13 06.  http://lesconcertsdathalie.free.fr

 

Léonard Ganvert ©DR

 

 

À la Gaîté lyrique : « 2062, Aller-retour vers le futur ».  Du 1er février au 25 mars 2012, exposition, spectacles, concerts, conférences, projections, ateliers et expériences inédites (hypnose) nous transporteront 
dans un voyage temporel et subjectif auquel chacun sera amené à participer.  Renseignements : 3bis, rue Papin, Paris IIIe.  www.gaite-lyrique.net

 

©DR

Francis Cousté.

 

 

 


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Dixième anniversaire du Chœur de chambre Agapanthe (2001-2011).

Présidé par Hervé Berbié et dirigé par sa fondatrice, Isabelle Retailleau, le Chœur de chambre Agapanthe a dignement fêté ses dix ans d’activité au service de la musique sacrée, lors de son concert du 20 novembre  2011 (repris le 26) en la basilique Sainte Clotilde (Paris), avec le concours de l’ensemble instrumental hollandais Concerto Barocco, des solistes triés sur le volet : Sophie Landy et Sophie Pattey (sopranos), Rodrigo Ferreira (alto), Sébastien Obrecht (ténor) et Nicolas Rouault (basse) ; à l’orgue : Hélène Dufour.  Cette belle phalange d’une quarantaine de chanteurs amateurs expérimentés a préparé intensément la Messe en si mineur de Jean-Sébastien Bach, très appréciée par les mélomanes qui remplissaient la basilique jusqu’à la dernière place.  Au premier rang : M. Rudolf  Klemm, représentant, en France, la Nouvelle Société Bach (Neue Bach Gesellschaft, NBG) qui, dans le programme, a remercié Isabelle Retailleau de « contribuer ainsi à mieux faire connaître l’œuvre universelle de Johann Sebastian Bach ».

 

Isabelle Retailleau ©Sergio Grazia

 

 

L’audition a été introduite par Gilles Cantagrel qui, en un exposé vivant et circonstancié, a évoqué la genèse de l’œuvre, le montage de diverses pièces, l’éventail des divers styles, la symbolique du chiffre 3, la symétrie des 9 morceaux du Symbole de Nicée (Credo), et placé l’œuvre sous le signe d’un testament et d’une réflexion de J. S. Bach - à la fin de sa vie - sur toute la création et sur l’angoisse existentielle.  Isabelle Retailleau, qui a le don de « galvaniser » ses troupes par sa direction précise, à la fois souple et volontaire, avec un dosage équilibré des voix, a conféré, au chœur comme à l’orchestre — qui collaborait pour la première fois —, sa conception sobre et très personnelle de cette messe.  Ses choristes, motivés et disciplinés, toujours souriants même confrontés aux difficultés techniques, se sont imposés d’emblée par leur expressivité, leurs nuances, leur justesse, leur paysage vocal et leur diction. Le chœur : Gloria in excelsis Deo, rythmé et scandé, a été bien enlevé et vécu intensément, contrastant avec l’émouvant Et in terra pax, l’insistante prière Suscipe deprecationem meam ou le pétillant Cum Sancto Spiritu, ou encore le pesant Et incarnatus est ou émouvant Sepultus est, l’affirmation massive de l’Et resurrexit.  L’Osanna in excelsis a fusé de toutes parts, alors que le chœur conclusif Dona nobis pacem a posé sur cette messe un point d’orgue appuyé et très bien ressenti.  Les solistes étaient triés sur le volet.  À noter l’air d’alto Qui sedes si expressif ; l’air de basse Quoniam tu solus sanctus, d’une saisissante gravité ; l’excellent duetto (soprano I-alto) Et in unum Dominum.

 

Chœur Agapanthe ©Bénédicte EL Nemer

 

 

Gilles Cantagrel a affirmé : « Le musicien parvient ici, dans un immense parcours allant du style le plus grave du ricercar à l’expression lyrique la plus contemporaine, alliant la pesanteur et la grâce, l’abstraction et le lyrisme, du statisme de la méditation à la danse sacrée, à concilier les aspects les plus divers de sa pensée spirituelle en un tout parfaitement équilibré» (cf. J. S. Bach, Passions, Messes et Motets, Paris, Fayard, 2011).  C’est aussi l’équilibre et la distinction, l’invitation à la méditation qui - grâce à Isabelle Retailleau -planaient sur ce concert audacieux et si prometteur, accueilli avec un enthousiasme unanime pour le 10e anniversaire du Chœur de chambre Agapanthe, à réentendre et à apprécier : Ad multos annos.  

Édith Weber.

 

 

Valery GERGIEV triomphant, Salle Pleyel.  London Symphony Orchestra, dir. Valery Gergiev.  Anne-Sophie Mutter, violon.

Une ambiance des grands soirs et une salle comble pour ce passage à Paris, Salle Pleyel, du LSO, dirigé par son chef titulaire, Valery Gergiev. Un programme varié permettant d’apprécier toute la magnificence de cette phalange considérée, à juste titre, comme l’un des meilleurs orchestres actuels.  En première partie, Le Lac enchanté d’Anatole Liadov (1855-1914), composé en 1909, modèle de composition impressionniste, fut l’occasion de goûter aux superbes sonorités orchestrales, dans une ambiance de matin du monde.  La célèbre violoniste Anne-Sophie Mutter prit ensuite le relais avec le Concerto pour violon & orchestre de Tchaïkovski (1840-1893). Après un début laborieux, à la limite de la justesse, l’interprétation fut de belle facture, engagée, parfaitement en phase avec l’orchestre et notamment les vents, nous gratifiant d’un superbe legato dans le 2e mouvement et d’une formidable virtuosité, sans faille, dans le 3e.  En « bis » la traditionnelle Chaconne de Bach, avant de reprendre, après la pause, avec une composition de Wolfgang Rihm (°1952), Lichtes Spiel, pièce estivale pour violon & petit orchestre, dont A. S. Mutter est la dédicataire. Une belle pièce, destinée à mettre en valeur le soliste, autour d’une ligne mélodique riche en nuances et variations rythmiques.  En fin de programme, la 6e Symphonie de Chostakovitch (1906-1975), composée en 1939, créée la même année par Mvravinski, nous donna à entendre un Gergiev surprenant, assagi, nous proposant, de cette symphonie mal aimée, une vision un peu lisse et sans l’ambiguïté habituelle chez ce compositeur.  Un premier mouvement pathétique, aux tempi exagérément lents, amplifiant le dramatisme, la souffrance et la douleur, tout en maintenant par le phrasé, en permanence, la profondeur et la tension de l‘œuvre…  Un deuxième mouvement grandiose et un troisième sautillant, là où nous aurions aimé plus de sarcasme et de rugosité.  Un magnifique orchestre, une direction sobre qui malaxe avec bonheur la pâte sonore, une salle conquise, une « standing ovation » et les applaudissements des musiciens pour leur chef !

 

Description : Macintosh HD:Users:fbcouste:Desktop:Valery Gergiev (c)Fred Toulet.JPG

©Fred Toulet

 

 

Racha ARODAKY : Un piano lumineux et intime.  Institut Goethe, Paris.

Après Scarlatti et Haendel, la pianiste française d’origine syrienne Racha Arodaky poursuit son exploration du répertoire baroque avec son tout dernier disque consacré aux Partitas de Bach.  Un récital, à l’Institut Goethe de Paris, qui s’inscrit, bien sûr, dans une logique de travail, mais témoigne également de l’attachement de la pianiste à cette musique positive, pleine d’énergie, qui lui est devenue comme indispensable.  Un programme associant Haendel, Bach et Rameau, trois compositeurs de génie, dans une mise en miroir très intéressante, révélant d’étonnantes similitudes et de surprenantes convergences musicales.  Des différences d’écriture, d’univers, avec parfois des influences harmoniques ou mélodiques permettant de constater combien les inspirations voyageaient, et cela malgré les distances qui séparaient les compositeurs (Angleterre, France, Italie et Allemagne).  Des différences d’interprétation, également, une sobriété dans le son, une attaque pleine et dense associée à une dynamique nerveuse pour Bach, une vision plus moelleuse et sensuelle pour Haendel enfin, un son plus délicat, léger, raffiné et intériorisé pour Rameau.  Une très belle interprétation, une personnalité forte et attachante, un très beau récital qui reçut, de la part du public, une ovation bien méritée.  Une confirmation pour certains, une découverte pour d’autres, dans tous les cas une pianiste de talent à retrouver, le 4 février 2012, Salle Wagram à Paris.  À ne pas manquer !

 

©DR

 

 

Un concert d’excellence, Salle Pleyel.  Orchestre national du Capitole de Toulouse, dir. Tugan Sokhiev.  Olga Borodina, mezzo-soprano.

Après la Halle aux Grains à Toulouse, c’était au tour de la Salle Pleyel, à Paris, de recevoir l’Orchestre national de Toulouse et son chef titulaire Tugan Sokhiev, dans un programme associant Tchaïkovski, Moussorgski et Brahms.  Force est de reconnaître qu’il existe une affinité particulière entre le chef russe et le public parisien, expliquant l’accueil chaleureux qui lui fut fait dès son entrée en scène.  Accueil chaleureux et ovation enthousiaste, en fin de concert, tout à fait mérités devant la qualité musicale  d’exception de la prestation qui nous fut offerte.  En première partie, l’Ouverture-fantaisie Roméo et Juliette de Tchaïkovski, l’une des œuvres préférées du compositeur, œuvre de jeunesse composée en 1869, révisée à plusieurs reprises, contenant en germes tout le Tchaïkovski de la maturité, avec ce mélange si particulier de lyrisme et de mélancolie.  Suivaient les Chants et danses de la mort de Moussorgski, composées en 1875, orchestrés près d’un siècle plus tard, en 1962, par Chostakovitch, interprétés, ce soir, par Olga Borodina, sans nul doute la meilleure mezzo-soprano actuelle.  En seconde partie la Symphonie n°1 de Brahms, composée en 1876, produit d’une maturation de plus de vingt ans (les premières ébauches remontent à 1854) où l’on peut entrevoir certains accents beethovéniens.  Toutes occasions pour le chef russe de faire montre de la somptueuse qualité de l’orchestre, tous pupitres confondus, nous livrant un Roméo et Juliette plein d’émotion, de couleurs, tout en retenue et délicatesse, puis une Symphonie n°1 de Brahms dépoussiérée, comme rajeunie, associant profondeur et légèreté, dans une science du phrasé maintenant l’auditeur sous le charme.  Gageons que cette symphonie fera probablement partie du prochain enregistrement discographique de la phalange toulousaine.  Olga Borodina, quant à elle, nous livra une interprétation d’anthologie des Chants et danses de la mort de Moussorgski, aux accents déchirants et angoissés, d’une qualité vocale exceptionnelle, malgré les difficultés certaines de la partition et d’une présence scénique comme habitée par la mort.  Un concert d’exception.

 

Tugan Sokhiev ©Denis Rouvre

 

 

Une Flûte enchantée « high tech » au Théâtre des Champs-Élysées.  Singspiel de Wolfgang Amadeus Mozart en deux actes, sur un livret d’Emanuel Schikaneder.  Ensemble Matheus, Chœur du Théâtre des Champs-Élysées, Maîtrise de Radio France, dir. Jean-Christophe Spinosi.  Topi Lehtipuu, Sandrine Piau, Markus Werba, Emmanuelle De Negri, Jeannette Vecchione, Ain Anger, Steven Cole, Robert Gleadow, Claire Debono, Juliette Mars, Élodie Méchain.  Mise en scène : William Kentridge.

 

©Alvaro Yañez

 

 

On jouait à guichets fermés, devant une salle comble, pour ce premier opéra en version scénique de la saison, après les travaux de rénovation du TCE (réfection de la fosse d’orchestre, du plateau, de la machinerie et de l’acoustique).  La Flûte enchantée, composée en 1791, créée à Vienne le 30 septembre de la même année, est une fable initiatique mêlant le féerique, le rituel maçonnique (cf. L’éducation musicale : « Musique et franc-maçonnerie » n° 565) et l’aventure sentimentale, sous forme d’un voyage des ténèbres vers la lumière, expliquant, par sa complexité, les multiples façons d’aborder cette œuvre.  William Kentridge en proposa une vision tout à fait réussie, d’une grande pertinence mêlant, avec bonheur, la gravité de la quête initiatique et la dérision de la farce, utilisant largement la vidéo avec de beaux effets de profondeur et de mouvement, s’appuyant sur une scénographie faite de temples égyptiens (Mozart a probablement été initié le 14 décembre 1784, selon un rite égyptien) sur lesquels circulaient des surimpressions maçonniques ou d’autres dessins et animations éclairant la compréhension et la progression du livret.  Des décors gris, des éclairages blancs et une métaphore tout à fait pertinente entre ombre et lumière retrouvée dans l’opposition entre dessins en négatif ou positif, au sens photographique du terme.  Une direction d’orchestre, comme d’habitude avec J.-Chr. Spinosi, très enthousiaste,  pleine d’allant, soutenant parfaitement les chanteurs.  Une distribution vocale, en revanche moins homogène quant à sa qualité, car, si Sandrine Piau (Pamina), Markus Werba (Papageno), Ain Anger (Sarastro), Emmanuelle De Negri (Papagena) ne souffraient aucun reproche, Topi Lehtipuu (Tamino) nous parut bien pâle, d’une vocalité douteuse comme empêchée, quant à  Jeannette Vecchione (Reine de la Nuit), elle chanta juste et clair, mais manqua un peu de puissance pour ce rôle.  Un spectacle d’une belle tenue, des spectateurs satisfaits, comme en témoigna l’ovation méritée faite aux chanteurs, au chef, mais également au metteur en scène - ce qui n’est pas si fréquent par les temps qui courent…

 

©Alvaro Yañez

Patrice Imbaud.

 

 

Une allègre Vie Parisienne à l'Opéra de Lyon

Jacques OFFENBACH : La Vie Parisienne.  Opéra-bouffe en quatre actes (1873).  Livret de Henry Meilhac & Ludovic Halévy.  Jean-Sébastien Bou, Boris Groppe, Laurent Naouri, Blandine Staskiewicz, Michelle Canniccioni, Sophie Marin-Degor, Guy De Mey, Tansel Akzeybeck, Thomas Morris.  Orchestre & Chœurs de l'Opéra de Lyon, dir. Gérard Korsten.  Mise en scène : Laurent Pelly.

 

©Michel Cavalca

 

 

Rarement compositeur aura écrit pareil hymne à la gloire d'une ville, et non des moindres.  Délaissant la mythologie aux fins de scruter le temps présent, ce qui lui avait tant réussi avec La Belle Hélène ou Orphée aux enfers, Offenbach cherche à analyser des thèmes modernes.  La frénésie qui s'est emparée de la capitale française en cette époque faste du Second Empire lui en offre l'occasion.  L'actualité des objets familiers même, car comme le dit Reynaldo Hahn, « la fièvre des êtres se communique aux choses, tout est animé d'une vibration frénétique ».  La Vie Parisienne est un miroir de la société de l'époque, de ses classes aussi bien populaires qu'aisées.  Il faut du talent pour donner forme à tout cela, et surtout éviter de sombrer dans la caricature banale.  Laurent Pelly en a à revendre.  Son approche plus que malicieuse fait des ravages.  Car elle est amusée, narquoise, voire caustique.  Peu de choses échappent à ce regard acéré.  Une constante animation maintient en haleine : la gare Saint-Lazare sera un lieu de passage obligé de gens qui ont une improbable idée de s'y rencontrer, de personnages la traversant sans réfléchir, dans des attitudes saccadées.  Ces gens ont mille travers, que Pelly va scruter sans pitié.  Car ne se prennent-ils pas pour autre chose que ce qu'ils sont ?  Tels ces domestiques s'affairant avec aisance à assumer le rôle de leurs bourgeois de maîtres.  On y voit aussi des touristes débarquant d'on ne sait où, triés sans ménagement au faciès par de zélés douaniers, des quidams excentriques arpenter Dieu sait quelle trajectoire.  Le décor de ladite gare de l'ouest est parfaitement déjanté, escalators, affiches, véhicule de police muni de gyrophare, taxi attendant de potentiels clients.  Plus tard, c'est dans un lieu ouvert que se situeront les délirantes soirées parisiennes où se retrouve une société cosmopolite : une maquette de Paris stylisée et surtout, en toile de fond, un diagramme de la capitale, qui se muera en plan du métropolitain muni de ses lucioles qui, en guirlande, indiquent les stations.  L'emphase comique n'est pas exagérée, tout au plus soulignée par des traits bien ciblés.  Comme déjà illustré dans ses précédents spectacles Offenbach au Châtelet, Pelly se déchaîne lors des intermèdes.  Il les chorégraphie de main de maître : des figures d'automates ou au contraire d'un parfait dégingandé, tels, au second entracte, entre les actes III et IV, ces balayeurs vêtus vert fluo, qui ramassent sans ménagement les restes de la fête.  Ce seront des dames plus qu'éméchées, versées sans vergogne dans de vastes poubelles de la ville.  Le trait est féroce et l'on rit jaune.  Mais aussitôt une touche poétique dissipe tout : l'apparition, à califourchon sur le manche à balai du cantonnier, d'une égérie au sourire désarmant, comme sortie d'un conte de fées !  On se régale de cette théâtralité, de cette frénésie des êtres et des choses.  Le finale du III,  « il est gris, tout à fait gris », est époustouflant : le pauvre baron suédois qui a voulu « s'en fourrer jusque-là » est pris à son propre mot.  Affalé sur l'immense table du banquet, il va, à mesure que celle-ci se transforme en bascule, être balloté en tout sens.  «  Tout tourne, tourne, tourne ».

 

©Michel Cavalca

 

 

La formation orchestrale réunie semble peu fournie et le rendu sonore manque un brin d'opulence.  Mais l'entrain est là, car Gérard Korsten sait ménager les effets savamment distillés par Offenbach, à l'heure des ensembles en particulier.  Sa distribution est bien dosée côté messieurs.  Jean-Sébastien Bou et Boris Grappe campent les deux larrons amoureux de la même femme, réunis dans l'adversité lorsqu'ils se la voient ravir par un troisième.  La faconde vocale est au rendez-vous.  La palme revient cependant à Laurent Naouri en Baron de Gondremarck : frivole, désopilant avec un désarmant air de ne pas y toucher, ménageant gourmand les inflexions cocasses imaginées par Offenbach.  La diction est à faire pâlir bien de ses collègues.  Parmi les autres rôles, on relève la métamorphose savoureuse de Guy De Mey, Frick le bottier devenu général d'un soir.  Mais on est déçu par le Brésilien de Tansel Akzeybeck, peu au fait de l'abattage vocal exigé par cette figure excentrique.  Dommage,  car ce représentant du cosmopolitisme tient une place importante dans la pièce, au finale du dernier acte en particulier.  Les dames ne sont pas toujours inspirées.  Michelle Canniccioni est une baronne de classe. Mais ni Gabrielle (Sophie Marin-Degor), ni la Métella de Blandine Staskiewicz ne sont à la hauteur de la vocalité requise, du moins dans l'optique « sérieuse » de l'opéra-bouffe, par différence avec une approche d'opérette, qui peut sans doute souffrir, vocalement, plus de désinvolture.

 

 

Cecilia Bartoli, irrésistible Sémélé

Georg Friedrich HAENDEL : Sémélé.  « Musical drama » en trois actes.  Livret de William Gongreve. Cecilia Bartoli, Charles Workman, Hilary Summers, Christophe Dumaux, Liliana Nikiteanu, Jaël Azzaretti, Brindley Sherratt.  English Voices.  Orchestra La Scintilla an der Oper Zürich, dir. Diego Fasolis.

 

Cecilia Bartoli ©Alberto Venzago

 

 

Afin de se renouveler et de continuer de plaire au public londonien qui se lassait de l'opéra italien, Haendel eut l'idée, dans les années 1730, de se tourner vers un autre genre, « l'oratorio volgare », dans la manière de l'opéra, et chanté en langue anglaise.  Sémélé est créé au King' Theater de Covent Garden en février 1744.  Inspirée de la mythologie païenne, la destinée de la belle Sémélé, une mortelle aimée de Jupiter qui flirte avec l'adultère sous le yeux horrifiés de Junon, ne saurait la conduire qu'à sa  perte.  Car l'épouse royale délaissée a juré de faire plier cette incroyable égérie.  La dramaturgie est suffisamment élaborée pour produire une pièce solidement construite et d'une extrême richesse musicale.  Les airs sont grandioses et les récitatifs parfaitement intégrés dans la trame dramatique, souvent accompagnés.  Chacun des trois actes dispose de sa propre ouverture instrumentale.  Un duo et plusieurs chœurs agrémentent ce qui est une suite d'arias, au demeurant fastueuse.  Le concert donné à Pleyel, par les forces de l'Opernhaus de Zurich tient ses promesses.  On sent même, dans cette exécution, la théâtralité du spectacle zurichois, mis en scène par Robert Carsen (et disponible en DVD).  Par exemple, à travers les postures hyperboliques de Junon (dont on manque le costume, façon « reine d'Angleterre » avec la couronne impériale d'apparat, et le sac à main de cuir noir, façon « Mme Thatcher »)… L'incontournable, bien sûr, est la prestation de Cecilia Bartoli, de passage à Paris pour autre cause (voir supra) : les dix airs dont est doté le rôle sont une fête vocale de tous les instants.  L'aria « Endless pleasure », où Sémélé ose railler Jupiter soi-même, « il n'y a d'éclat que dans ses yeux », est pur enchantement, qui se conclut avec le chœur.  Plus tard « O, sleep », si lent et d’un ppp quasi hypnotique, offre une ligne de chant plus qu'éloquente.  « Myself, I shall adore » transporte au-delà de la virtuosité dans une douce guirlande de vocalises.  Tout au long du concert la grande Bartoli est générosité vocale, intensité expressive.  La sûreté de la vocalise legato trouve là une sorte d'accomplissement confinant à l'idéal.  Un « carissima » tombé du balcon, juste après la pause, salue à sa manière cet événement.  Charles Workman est fidèle à lui-même, impeccable, même si légèrement mal à l'aise dans un deuxième air pris très lent, habitant avec élégance ce dieu Jupiter qui emprunte les habits d'un mortel et ne cherche pas à pontifier.  Hilary Summers est plus vraie que nature en Junon vengeresse, et on admire la belle vocalité de la mezzo Liliana Nikiteanu, Ino.  Lors du duo où elle rejoint Sémélé, les deux voix s'enlacent idéalement.  Belle incarnation d’Iris par Jaël Azzaretti et de Cadmus par le baryton basse Brindley Sherratt.  Christophe Dumaux, Athamas, cet autre contre-ténor français défendant les couleurs de ce répertoire, est formidable de précision toute en souplesse, et le timbre est dans la veine d'un Dominique Visse.  Ce qui à première vue, dans la direction de Diego Fasolis, peut paraître lymphatique, traduit en réalité un souci de traiter la musique de Haendel avec respect et sans hâte inutile.  Il truffe son exécution de mille nuances, notamment ppp, et l'orchestre La Scintilla, qui a l'habitude de jouer ce répertoire avec les plus grands, justifie une enviable réputation.  Enfin les English Voices apportent une aura d'authenticité britannique certaine, comparé à leurs confrères zurichois, sans que cela ne diminue en rien les mérites de ces derniers.

 

 

Otello à l'Opernhaus de Zurich

Giuseppe VERDI : Otello.  Drame lyrique en quatre actes.  Livret d’Arrigo Boito.  José Cura, Thomas Hampson, Fiorenza Cedolins, Stefan Pop, Stefania Kaluza, Benjamin Bernheim, Pavel Daniluk, Tomasz Slawiski.  Orchester und Chor der Oper Zürich, dir. Daniele Gatti.  Mise en scène : Graham Vick.

 

©DR

 

Verdi a failli ne pas composer Otello.  Il aura fallu les patients efforts de son éditeur Ricordi pour le convaincre de le mener à bonne fin, et bien du tracas.  Les relations avec Boito, librettiste désigné, et compositeur de son état, n'auront pas toujours été au beau fixe, jusqu'à ce que ce dernier lâche ce qui va décider de tout : « Ce livret est le vôtre par droit de conquête.  Vous seul pouvez mettre un tel sujet en musique ».  Ce ne sera pas « Iago », titre un temps envisagé, mais bien « Otello ».  Car selon le maître, « certes, c'est Iago le démon qui fait tout marcher, mais c'est Otello qui agit : il aime, il est jaloux, il tue et se tue ».  Voilà défini le drame, dans toute son évidence.  Si le personnage du traître Iago est très présent dans les deux premiers actes, son rôle s'efface peu à peu aux deux autres, au point de n'être plus guère audible au dernier, sauf à bien mal se disculper d'un faute longuement méditée.  Verdi a écrit là un chef-d'œuvre, c'est connu.  Surtout il a taillé dans le drame de Shakespeare, pour le condenser avec une rare efficacité et un flair musical exceptionnel.  Même ses détracteurs en viendront à rendre les armes, lors d'une mémorable première à La Scala, le 5 février 1887, un événement considérable, pas seulement dans le théâtre, mais alentour, dans Milan.  Aux dires du conférencier présentant le présent spectacle, c'est depuis les débuts de la tenure d’Alexander Pereira, la troisième mise en scène de l'opéra donnée à l'Opernhaus de Zurich : après Ruth Berghaus et Sven-Eric Bechtold, c'est au tour du britannique Graham Vick de relever le défi.  Celui-ci a voulu concevoir quelque chose de différent, un spectacle qui parle d'aujourd'hui, et met en scène un drame de toujours, la lubie de l'homme jaloux.  Qui n'a pas besoin d'être maure, au visage noir, pour connaître les affres de cette psychose insidieuse, au point de supprimer sa victime.  Cet opéra ne saurait être objet de musée.  Il a à voir avec le substrat politique du moment.  Le héros peut tout aussi bien être blanc, un religieux quelque peu sectaire ou encore un homme égoïste en diable, que noircit un sombre dessein, l'ultime ravage du virus appelé jalousie.  Vick voit encore dans ce drame l'opposition entre mondes chrétien et musulman, cette multitude à laquelle on impose une certaine propagande et qui aime la gesticulation de ses édiles.  D'où cette immense croix latine plantée dans le décor au Ier acte et la maquette d'une mosquée qui lui fait réplique.  Les images seront fortes : l'« Esultate », proclamé au micro devant une foule attendant fébrilement le retour de son chef, prélude à des scènes bien différenciés durant le premier acte qui voit se nouer la manigance de Iago.  Habile travail sur la dramaturgie.  Une confrontation sévère entre Otello et Iago au II, au milieu de nulle part, si ce n'est une vision de chaos, avec voiture calcinée - un tic éculé pourtant - et trois palmiers rachitiques.  Que dire aussi du « Credo » que celui-ci débite face à une poignée de gosses, un public transporté par la morgue d'un modèle ?  On aime moins ce char encombrant ou encore les barbelés déroulés pour isoler le groupe des femmes et des enfants venus chanter les louanges de Desdémone.  Le troisième acte a pour lieu un salon avec sofas blancs tandis qu'une équipe de TV s'affaire à filmer la saga de bonheur du chef de guerre et de sa belle épouse.  Le lieu s'élargira lors du terrible échange entre Otello et Desdémone, ou comment l'insinuation du doute peut gâcher l'idylle.  Le vaste ensemble qui s'ensuit voit fleurir des affiches au message politique affirmé, dont celle, immense, clamant « Attenzione » où le lion de Venise, rouge, est recouvert de minarets noirs.  Le spectateur suisse appréciera.  Le coup de maître est l'entier acte IV, en forme d'épure, qui sur un plateau totalement vide, forge un drame dont l'issue n'est autre qu'inexorable : Desdémone, qui a endossé sa robe de mariée pour livrer la Chanson du saule et l'Ave Maria, sera étouffée par Otello à l'aide du voile de gaze blanche dont elle s'était délicatement entouré le visage.

 

©DR

 

 

Le plateau vocal est éblouissant. L'Otello de José Cura, un des rares à pouvoir tenir le rôle aujourd'hui depuis que Plácido Domingo a renoncé à l'incarner, a fière allure.  Les quintes extrêmes ne lui posent pas le moindre souci.  Des pages comme le monologue du IIIe acte « Dio, mi potevi scagliar » comme les premières phrases de l'échange ultime avec Desdémone, sont d'une formidable efficacité.  Les dernières répliques sont bouleversantes, tandis que d'une voix étranglée par le sanglot, il lâche en forme d'adieu les mots « un bacio, un bacio encor ».  Là où Verdi, dans un trait de génie, laisse revenir le thème d'amour qui illuminait la fin du premier acte.  La carrure de géant du ténor flatte le personnage, même si Vick lui impose souvent une apparente indifférence.  Thomas Hampson fait de Iago bien autre chose qu'un traître de comédie.  Là aussi, la carrure physique y est pour beaucoup, même si à l'acte I, il appuie sur une certaine trivialité, histoire de se montrer proche de Cassio et de Roderigo.  Le timbre est bien sonore et les nuances, un monde de découvertes, qui assignent au personnage une aura de distinction.  Son apparition en uniforme galonné au II a quelque chose de réjouissant.  La Desdémone de Fiorenza Cedolins est une heureuse découverte.  Loin du banal et de l'étudié, comme souvent, le portrait est finement tracé : la promise offrant sa générosité, l'amoureuse qu'un soupçon ne peut atteindre, la femme du monde qui n'hésite pas à supporter stoïquement l'ire d'un mari jaloux et l'avanie publique, l'être transfiguré enfin, à l'heure d'une mort certaine.  La voix frôle l'évidence : on se prend à ne pas attendre l'intonation ou la note filée.  Elles sont là.  Les autres rôles sont excellemment tenus, avec une mention au Cassio de Stefan Pop, et les chœurs d'une belle envolée.  L'orchestre de l'Opernhaus fait honneur à son chef, Daniele Gatti.  Les traits instrumentaux sont de toute beauté et le flux musical raffiné et dramatique.  N'était une tendance à avaler certaines phrases, il embrasse cette fresque épique dans un élan certain.  La tendance à jouer forte, un péché mignon, concerne surtout le Ier acte qui, lors du duo d'amour, ne s'embarrasse pas de pathos inutile, mais dégage un lyrisme franc et direct.  Gatti trouve la vraie poésie qui habite le dernier acte.

 

 

La Force du Destin à l'Opéra Bastille

Giuseppe VERDI : La Forza del Destino.  Melodramme en quatre actes.  Livret de Francesco Maria Piave.  Marcelo Alvarez, Violetta Urmana, Vladimir Stoyanov, Nadia Krasteva, Kwangchul Youn, Nicola Alaimo, Mario Luperi, Nona Javakhidze, Rodolphe Briand, François Lis.  Orchestre & Chœurs de l'Opéra national de Paris, dir. Philippe Jordan.  Mise en scène : Jean-Claude Auvray.

 

©DR

 

 

La  Force du destin a mauvaise réputation.  On lui reproche son livret à la fois abscons et désordonné.  On fait grief à Verdi d'avoir accepté une histoire invraisemblable, de donner dans le mélange des genres.  Mais c'est peut-être de ce dernier trait que l'opéra tire sa force.  Verdi était avant tout un fin dramaturge et savait comme peu subodorer dans une action, même livrée brut, comment en faire une trame d'opéra.  Le livret de Piave, cet « immense panorama romantique » où se côtoient « le tragique et le burlesque, inséparablement liés dans le vie » (Jacques Bourgeois), offre un terrain d'expérience d'une vraie richesse.  Verdi a vite su le parti qu'il pouvait tirer musicalement de la désespérance d'une femme dont l'espoir d'amour est ruiné par un coup de feu malencontreux tuant le père de famille, la féroce vengeance d'un frère que sa fierté espagnole ne peut conduire qu'à l'intransigeance d'une vengeance inexorable, l'incroyable malheur s'abattant sur un amant, héros généreux sans doute, condamné à subir l'avanie du sort.  Mais aussi la grandeur d'âme d'un Père supérieur du couvent qui recueillera la femme puis l'amant, ou la faconde de ce frère tourier, chargé de détendre une atmosphère souvent à couper au couteau.  Que dire encore de cette cantinière sortie d'un tableau de Velázquez, haranguant une foule bigarrée, quoique bien docile.  Mais n'est-on pas dans une Espagne guerrière et aimant la dive bouteille ?  Tous ces caractères sont typés et pas si ridicules qu'on a cru devoir le professer.  À y regarder de près, on constate des oppositions étonnantes : Leonora et Preziosilla, Don Alvaro et Don Carlo, Padre Guardiano et Fra Melitone, du grave au léger, de l'héroïque au douloureux, du sublime au cocasse.  N'est-ce pas là la marque des « contradictions de l'âme humaine » (ibid.) ?  Il est heureux que l'Opéra de Paris réinscrive ce « melodramma » à son répertoire, la dernière production remontant aux années Liebermann.  Et donc, tente de le réhabiliter dans la conscience des mélomanes, voire des aficionados.  La production de Jean-Claude Auvray est sobre et ne cherche pas à imposer quelque relecture.  Sans vouloir comparer à ce qui se fait à peu près partout aujourd'hui, elle paraît minimaliste.  Une succession de tableaux léchés, nantis de beaux éclairages, et enrichis de costumes dans le pur style ibérique (la taverne, l'intronisation de Leonora au couvent, la scène finale joliment dépouillée) laisse l'action progresser sans heurt.  C'est une approche illustrative, qui ne prend pas de risque.  Mais les scènes d'action ont moins d'impact.  Ainsi les visions de guerre de la deuxième partie sont-elles peu imaginatives : un plateau plongé dans le noir d'où émergent les silhouettes de soldats courant en tous sens.  Les apartés réunissant Carlo et Alvaro sont ménagés moyennant l'abaissement d'une toile peinte.  Le chœur final de cette partie, le fameux Rataplan, est résolument ancré dans la convention opératique de naguère, la foule avançant à pas cadencés vers le devant de la scène.  Un premier degré un peu trop marqué.  Auvray dit avoir cherché une certaine unité pour conjurer la difficulté scénographique tirée de la multiplicité et de la variété des lieux.  Sa recette visant à procéder par addition ou soustraction pour modifier l'espace au fil du récit laisse interrogateur.

 

©DR

 

 

La Force du destin, c'est sans doute d'abord un formidable festival de musique.  À cet égard, le spectateur de l'Opéra Bastille est comblé.  La direction de Philippe Jordan évite le pathos comme une inutile brillance.  La finesse instrumentale est exemplaire et l'on sent l'orchestre vraiment en phase avec son chef.  L'attention particulière qu'il porte aux cuivres signale un souci de vérité sonore dans le recherche de la couleur.  Du flux aussi qui laisse à la pâte verdienne loisir de s'épancher naturellement.  La conduite des chœurs est tout aussi efficace.  Jordan a opté pour la version d'origine, de la création de 1862 à Saint-Pétersbourg, c'est-à-dire sans faire précéder l'opéra de l'ouverture conçue pour le reprise de 1869, à La Scala.  On entre directement, comme de plain pied, dans le premier tableau.  Mais les trois accords sont déjà inscrits, sous forme de trois notes, dans le tissu orchestral.  La Sinfonia de 1869, il a fait choix de l'insérer entre ce tableau et le suivant.  Belle idée, dans la mesure où, quoiqu’on en dise, cette ouverture munie des trois illustres accords du destin, et jouée ici très vite et sec, constitue un résumé de la pièce.  Marcelo Alvarez prête à Alvaro un timbre de ténor radieux et subtil, qu'il s'agisse des airs ou de ses autres interventions.  Comme Vladimir Stoyanov un beau legato à la partie de baryton de Carlo, en particulier lors de l'aria « Urna fatale ».  L'échange entre les deux, d'abord amical, puis virant à la confrontation sans merci, a quelque chose d'excitant.  Ces duos dont Verdi sait si bien innerver sa trame dramatique, illuminent la pièce.  Le grave bien sonore de basse profonde de Kwangchul Youn, hier Gurnemanz à Bayreuth, fait des interventions du Padre Guardiano des moments essentiels.  Et Nicola Alaimo est un amusant Melitone, bien chanté, pas trop histrion, dans la lignée d'un Bacquier.  Côté dames, les choses ne viennent pas aussi naturellement.  La Preziosilla de Nadia Krasteva manque de mordant vocal.  Si le premier air, « du tambour », passe la rampe, le « Rataplan » laisse sur sa faim, plus conventionnel qu'inventif de par la régie, artificiel dans le rendu sonore.  La Leonora de Violetta Urmana déçoit, à la limite du contre-emploi.  Et si le désastre est évité, c'est au prix d'un effort quasi visible.  Ni la jeunesse passionnée qui se transmute vite en douleur irrépressible, ni l'aura de la grande soprano verdienne ne sont au rendez-vous.  Seul, le final et déchirant « Pace, pace, mio Dio » retrouve émotion et belle évocation vocale.  

Jean-Pierre Robert.

 

 

   

 


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L'histoire de Cendrillon a inspiré bien des musiciens ! Des Contes de ma mère l'Oye de Charles Perrault, c'est celui qui reste le plus emblématique.  Pourtant, alors qu'un même sujet les anime, la diversité des versions est confondante.  Qui touche à peu près à tous les éléments du conte. Les personnages en particulier, du Prince pour ne citer que lui.  Le message adressé aussi, à travers la morale souhaitée par l'auteur de l'adaptation.  Au demeurant, le conte offre des atouts contradictoires pour faire un bon sujet d'opéra : l'unité de temps, certes, et l'expérimentation quant à la régie scénique, eu égard à la composante du merveilleux, mais, par contre, un sujet non pervers et une héroïne touchante, paramètres ne soutenant pas nécessairement le moteur lyrique qui aime se complaire dans les sombres dénouements.  Encore que le merveilleux ait ses chances dans l'univers opératique.  En réalité, trois facteurs expliquent un succès pérenne : le comique, qui tranche sur ce qui, dans le conte, ressortit au sérieux, la musique, qui enrichit bien évidemment le texte, permettant d'insérer des scènes variées, la primauté accordée au spectaculaire enfin.  Car l'illusion qu'autorise le théâtre, lyrique en particulier, ajoute à l'enchantement inhérent à un tel sujet.

 

Alors que le premier opéra marquant est l'opéra-féerie Cendrillon (1810) de Nicolas Isouard (1773-1818), ce sont bien sûr Rossini et Massenet qui vont, chacun à sa manière, donner un lustre définitif à l'héroïne de Perrault.  Le premier en 1817, le second en 1899, à l'Opéra-Comique. Deux succès incontestés. Là où Rossini mise sur l'aspect moral avec un philosophe en lieu et place de la Fée, et fait de sa Cenerentola une jeune fille plus préoccupée de sincérité et d'amour que de richesse, Massenet accentue l'élément surnaturel, revenant aux sources de Perrault, ne s'entiche pas trop de métaphysique et joue sur le populaire.  On est à une époque de triomphe du vérisme.  Et pourtant l'onirisme triomphant défendu par Massenet, loin de rebuter les premiers auditeurs de cette Cendrillon de la fin du siècle, vont les convaincre qu'il y a là matière à s'émouvoir, comme à l'écoute du dramma giocoso de Rossini.  Deux productions, données simultanément à Paris et à Bruxelles, permettent un amusant rapprochement quant à la manière de négocier cet élément onirique.  Elles sont dues à des régisseurs d'un incontestable talent, Jean-Pierre Ponnelle, hier, Laurent Pelly, aujourd'hui. On ne s'étonnera pas qu'elles aient plus d'un point commun, eu égard à l'imagination fertile et à la verve inépuisable de leurs auteurs. 

 

 

Gioacchino ROSSINI : La Cenerentola.  Dramma giocoso en deux actes. Livret de Jacopo Ferretti.  Karine Deshayes, Javier Camarena, Carlos Chausson, Riccardo Novaro, Alex Esposito, Jeannette Fischer, Anna Wall.  Orchestre et chœur de l'Opéra national de Paris, dir. Bruno Campanella.  Mise en scène : Jean-Pierre Ponnelle (réalisation : Grischa Asagaroff).

 

©Agathe Poupeney

 

 

Aussi incroyable que ce soit, la mise en scène de La Cenerentola conçue par Jean-Pierre Ponnelle, n'avait jamais atteint Paris. C'est enfin chose faite à l'Opéra Garnier ! Créée (avec Claudio Abbado) dans les années 1970, elle devait tourner dans bien des grandes maisons à travers le monde.  Il s'agit de sa deuxième mise en scène d'un opéra de Rossini.  Ponnelle était fasciné par ce maître dont les schémas clairs et bien ficelés et la musique combien divertissante dictaient sa manière.  Cette dernière surtout, tant le mouvement est insufflé aux ensembles comme aux dialogues avec une totale rectitude.  Les récitatifs encore, « aussi importants que les parties chantées » dira-t-il.  À l'origine décorateur, Ponnelle allait venir à la mise en scène par nécessité, tant la symbiose entre direction dramatique et environnement décoratif lui paraissait déterminante.  « Le décor est pour moi l'un des éléments de dialectique qui composent le phénomène du théâtre ». Après un inoubliable Barbier de Séville (Salzbourg, 1968), Ponnelle s'attache donc à La Cenerentola dont le concept se fonde sur des décors alliant pittoresque (la demeure étriquée de Don Magnifico, véritable maison de poupée, percée de quatre chambres autour d'une pièce sans âme avec son âtre) et féerie : le fastueux palais du Prince, dont le dispositif en trompe-l'œil achève une idée de merveilleux. On savoure, du premier, les effets de simultanéité qu'il confère au jeu dramatique, du second, la combinaison entre symétrie et perspective, d'où s'échapperont des personnages fantasques.  Tout cela se coule dans des couleurs soit maussades, un camaïeux de gris, soit lumineuses, l'opposition du noir et du blanc, si cher au Français, forgeant un vrai esthétisme poétique.  La magnificence des costumes ajoute à la finesse, permettant d'évoquer un XVIIIe siècle délicieusement réimaginé.  Chez Ponnelle, rien n'est imposé. Tout découle du flux musical, au point de fonder la dramaturgie sur son exact débit, de régler tout mouvement sur la mécanique rossinienne : la démarche saccadée des deux sœurs, celle réglée comme une chorégraphie du valet passé maître Dandini. Le traitement du petit chœur d'hommes est exemplaire : tels arrêts sur image les saisissent comme une guirlande, dans la décontraction, le contentement de soi, ou la vraie-fausse réprobation.  On ne compte pas les morceaux d'anthologie : la première apparition du Prince déguisé en valet, et de son factotum plus maître que nature, alors qu'une kyrielle de courtisans en habit de chasse rouge vif et haut-de-forme, leur font une haie plus que d'honneur.  Le final de l'acte I, animé de ses fameuses strettes, met le temps entre parenthèse, tout étant soumis à la stupéfaction de chacun.  Les célèbres crescendos rossiniens dégorgent d'effets de surprise, d'attitudes comme interdites, au bord de l'absurde.  Le sextuor des onomatopées du II, où l'expression dramatique se fige pour basculer dans la farce formelle, laisse à voir les six personnages, agglutinés, se tenant par la main en un entrelacs savoureux.  Que dire encore de la scène d'orage, l'immanquable  temporale, qui voit moult quidams chercher refuge sous un seul parapluie !  Ponnelle unit réalisme et monde irréel, dilate temps et espace, fusionne factuel et onirisme.  Le génie naît du foisonnement des idées tout autant que de leur ancrage dans le texte musical. 

 

©Agathe Poupeney

 

 

L'interprétation musicale est tout aussi passionnante. Sa réussite, on la doit avant tout à Bruno Campanella dont la battue précise génère une absolue sûreté pour ses chanteurs.  Comme elle insuffle aux musiciens un art de jouer d'une extrême acuité.  Ceux-ci se régalent de ces traits joyeux et piquants, à la petite harmonie notamment. Point de pathos pour faire ressortir ce qui est naturellement fluide, point de brillance inutile pour faire cheminer la courbe mélodique et ses avatars.  Encore moins de « coups » visant à donner du relief à ce qui est, en soi, évident ou d'efforts vains afin de fignoler les fameux excès du cygne de Pesaro.  Mais est-ce bien des excès ? Car ils en ressortent ici plus naturels que jamais. Et l'on est vite gagné par la frénésie ambiante. L'ensemble vocal ne souffre aucune faiblesse. On perçoit chez tous, dans cette « recréation », l'amour que Ponnelle portait à ses personnages, et à leurs interprètes bien sûr.  Alex Esposito prête au philosophe Alidoro, tirant les ficelles, des accents vrais, et son grand air « de la bonté » (sur ombres chinoises) est un des moments phare de la soirée.  Le Dandini de Riccardo Novaro est cabot, endiablé, bien rythmé, et le Don Magnifico de Carlos Chausson un parangon de jeu cocasse, sans exagération, grâce à la perspicacité du regard de Ponnelle sur le personnage.  Les deux sœurs, au nez pointu, agrémentent par leurs mimiques désopilantes, un tandem de « méchantes » bien vues.  Javier Camarena, Ramiro, confirme qu'il est bien l'un des grands ténors rossiniens de l'époque. Jamais les vocalises ne détonnent. La ligne de chant est un enchantement permanent. Enfin Karine Deshayes s'impose comme une Angelina de rêve : maintien de classe, vocalises sûres et souples, mâtinées de colorature imaginatives, sans être artificielles. Le parcours de cette artiste est exemplaire, qui, elle aussi, s'illustre au panthéon des interprètes choisis de  Rossini. On attend avec impatience sa Rosina plus tard dans la saison, à Bastille. Des chœurs, tout est sveltesse et entrain vocal. Au final, un incontestable succès, qui comble un public séduit. Un spectacle dont on souhaite une reprise au plus tôt !

 

 

Jules MASSENET : Cendrillon.  Conte de fées en quatre actes et six tableaux.  Livret de Henri Cain, d'après Charles Perrault.  Anne-Catherine Gillet, Frédéric Antoun, Nora Gubisch, Eglise Gutiérrez, Ilse Eerens, Angélique Noldus, Lionel Lhote, Yves Saelens, Quirijn de Lang, Donal Byrne, Patrick Bolleire.  Orchestre symphonique et chœurs de La Monnaie, dir. Alain Altinoglu.  Mise en scène : Laurent Pelly.

 

©Johan Jacobs

 

 

On franchit avec Massenet un large pas dans le temps. Peut-être pas dans le sens attendu. Car le retour à Perrault est net. Mais comme le conte n'est pas assez riche pour en faire une intrigue d'opéra, Massenet et son librettiste l'ont corsé de plusieurs touches nouvelles puisées, entre autres, chez les frères Grimm.  Ainsi, étoffent-il le père, Pandolfe, qui se voit assigner une rôle essentiel, à la fois souffre-douleur de sa mégère de femme, mais aussi confident de sa fille, le meilleur ami de celle-ci.  Surtout, ils renforcent la partie de la Fée, la bonne marraine de Lucette-Cucendron.  Fin dramaturge, à l'égal d'un Verdi, Massenet peint ses caractères avec lucidité, leurs émotions, leurs passions pudiques, la douceur de l'amour naissant entre Lucette, la belle inconnue, et le Prince, triste à force de déceptions.  Un trait comme « Vous êtes mon prince charmant », dans sa naïveté, n'est pourtant pas anodin.  Massenet va entremêler mondes réel et merveilleux, grâce à la variété du discours orchestral et des situations pittoresques.  Laurent Pelly, à La Monnaie, aborde la pièce avec cette imagination féconde, qui le rapproche sans doute de Jean-Pierre Ponnelle.  Pour lui, cette histoire de conte s'illustre à travers un livre : le grand livre à la couverture rouge des Contes de Perrault de notre enfance, illustré par Gustave Doré. La scénographie procédera de cette idée première. Le décor figure une sorte de livre ouvert avec ses phrases accrochées aux murs d'une pièce qui se compose et se recompose au fil de l'action, percée de six portes à doubles vantaux, découvrant des mondes insoupçonnés. « C'est dans le regard de l'enfant que s'enracine notre narration » dit-il.  La régie d'acteurs colle à la partition, elle-même « d'une grande théâtralité qui suggère le moindre mouvement, le moindre regard ».  Les costumes, s'inspirant de la couleur du livre, seront rouge sang pour les robes de ces innombrables princesses prêtes à se jeter dans les bras du Prince, toutes plus excentriques les unes que les autres, qui ne suscitent hélas qu'indifférence de la part d'un être désespérément ailleurs.  La scène du songe de Lucette-Cendrillon est l'occasion d'un intriguant phénomène de démultiplication : l'apparition autour de la belle endormie, d'une poignée d'autres cendrillons, les esprits de la Fée, munies de petites lampes jaunes, pour un ballet féerique.  Ce tableau de la préparation du bal avec l'intervention de la Fée, alors que mille étoiles s'incrustent dans les murs et que s'agitent moult lucioles dans les airs, est d'une rare poésie.  Le bal sera prétexte à une débauche d'agitation de ces dames vêtues du rouge de la passion.  Le premier duo d'amour a cette simplicité qui fait mouche, jusqu'à ce que l'horloge, en forme de porte, s'illumine de douze points lumineux tandis que s'égrènent les douze coups de minuit.  La belle s'évanouira dans l'espace ouvert, avant que ladite porte ne s'obstrue devant le Prince, prisonnier d'un amour malmené par le sort.  Pelly libère naturellement l'onirisme du conte, et malice rime avec poésie, sans causticité.  Ainsi encore de la scène de la lande où se réfugie, désespérée, Cendrillon : une forêt de cheminées fumant, où les protagonistes se retrouvent, allusion au réalisme populaire.

 

©Johan Jacobs

 

 

Le bonheur des yeux rime avec celui de l'ouïe.  Alain Altinoglu est en empathie avec la partition de Massenet. Ces phrases qui s'entortillent à l'envi, ces plages de lyrisme qui sourdent lentement et s'enflent, il les manie avec dextérité.  Il accentuera le contraste entre les inflexions délicates et évanescentes, et les déchaînements orchestraux bien sonores, ce qui met en exergue la générosité et la variété de cette musique qui ne néglige pas non plus le pastiche baroque.  L'Orchestre symphonique de La Monnaie a rarement sonné aussi fin et inspiré.  On sait, pour l'avoir entendu à l'Opéra-Comique, que la Cendrillon d’Anne-Catherine Gillet est une perle.  Avec Pelly, elle décuple ses potentialités.  Lors de l'aria « Reste au foyer, petit grillon », elle s'enivre peu à peu de bonheur, virevolte comme un papillon.  Ce qui en fait le prix, c'est le naturel de la déclamation, la sincérité de l'approche. Ainsi de la tirade « Vous êtes mon prince charmant », pur leitmotiv dont on sait gré à Massenet d'avoir eu l'idée, ou dans le récit du bal dont, pour la pauvrette, « il ne reste que cendres ».  La métamorphose de celle-ci, fataliste plus que terne, en superbe reine du bal, presque intimidée par embarras de richesse, est un vrai bonheur !  Frédéric Antoun est le Prince, puisqu'à cette représentation, on a rendu au ténor le rôle, normalement dévolu à une soprano falcon.  Ce qu'on perd en originalité (le mariage de deux voix féminines), on le gagne en vraisemblance. Avec lui, ledit Prince est pur et sobre, et d'une vocalité sûre.  Lionel Lhote est un Pandolfe à la voix de basse claire, idéalement articulée, conjuguant bonté (ses échanges avec Lucette) et autoritarisme vain (ses vraies-fausses résistances vis-à-vis de son horrible femme, la bien nommée Mme de la Haltière).  Celle-ci, Nora Gubisch lui prête une belle santé vocale et une fatuité scénique, que Pelly, malicieusement là encore, accentue en lui dessinant des hanches de matrone.  Les deux sœurs, plus écervelées que méchantes, rivalisent de coquetterie insipide dans leurs costumes en forme de ballon rond, et s'acquittent avec grâce de leur partie.  Le reste de la distribution est de la même eau, la meilleure.

Jean-Pierre Robert.

 

 



Un concertiste de mes amis s’alarmait récemment de voir des vagues d’interprètes, issus de peuples avides d’une culture européenne qui leur est étrangère, privilégier le culte de la quantité sur la qualité de la réflexion.  Je pensais très fort à lui en écoutant, lors de la soirée du distributeur Intégral le 18 novembre 2011, la jeune Chinoise née en Suisse, Mélodie Zhao.  À 17 ans, elle promène et grave les 12 Études d’exécution transcendante de Liszt, après avoir enregistré à 13 ans les 24 Études de Chopin, et annonce son prochain souhait : enregistrer et jouer en concert les 32 Sonates de Beethoven.  Ah bon ?!  Ou plutôt : à quoi bon ?  On s’affole même franchement en lisant que l’Université Shengli (en Chine) l’a engagée pour donner des master-classes !  Pour y délivrer quelle expérience ?  Car si la petite mécanique tourne à plein régime, à l’entendre taper comme une sourde sur le piano du Foyer du Châtelet – lequel n’a jamais que les proportions d’un grand salon –,  on note immédiatement qu’il lui faut apprendre tout ce qui forge l’expérience d’un concertiste.  Proposons-lui l’exemple fameux de Maurizio Pollini qui, à 18 ans, craignant de se voir dévoré par des succès prématurés, se retira plusieurs années pour se construire ; quand il revint au disque, ce fut à 29 ans, avec les Trois mouvements de Petrouchka (DGG), et l’on connaît la suite...

Le disque de Mélodie Zhao renforce l’effarante impression de digitodrome : jouer tout plus vite et plus fort que les autres, ou du piano envisagé comme discipline olympique, le tout agrémenté (!) d’une prise de son "dans un bocal" !  Mais de musique, point. Lorsque Jean-Frédéric Neuburger perçait à 16 ans avec une intégrale des Études de Chopin, nous demeurions pantois face à la maturité de pensée du jeune prodige, laissant présager le génie en devenir.  Mais qu’attendre d’une adolescente qui traite la musique en numéro de cirque ?

 

 

 

À l’exact opposé, l’expérience humaine rayonne de toutes les initiatives de Pascal Amoyel.  Nous avions déjà évoqué son émouvant spectacle, Le Block 15 ou la musique en résistance (sur les musiciens déportés) ; le goût du théâtre le poursuivant, il a imaginé de rendre un hommage scénique à son maître György Cziffra : Le pianiste aux 50 doigts (au Théâtre du Ranelagh, mise en scène de Christian Fromont).  Mais ce n’est pas l’image du virtuose musclé qu’il fait revivre, il s’intéresse essentiellement à la destinée jonchée d’adversité que traversa le pianiste hongrois avant de percer tardivement, une fois surmontées les épreuves de la pauvreté, de la guerre, de l’emprisonnement, des absurdités du régime communiste.  Comédien atypique mais touchant par son art de donner en partage la compassion, répandant autour de lui la sincérité de ses généreuses émotions, sachant distiller l’humour aussi, Pascal Amoyel raconte et joue (sur un demi-queue un peu limité, malheureusement, la petite scène du Ranelagh dictant ses impératifs), environné de beaux éclairages animés par Attilio Cossu.  Son programme musical, s’il tangente brièvement les chevaux de bataille de Cziffra, s’attache surtout à créer des climats, que les allusions bruitées (par le jeu sur les cordes du piano), l’intermède (très spectral, finalement) sur la scie musicale, ou les digressions improvisées par Pascal Amoyel, pimentent de touches suggestives.  Mais l’émotion nous saisit à la gorge lorsque, à l’évocation d’un dramatique épisode de guerre, éclate un extrait de la Sonate n°22 d’Olivier Greif, ou lorsque la Czardas obstinée de Liszt résume toute l’obstination – précisément – d’un homme surmontant le destin.

En raison du succès (mérité !), le spectacle est prolongé jusqu’au 15 janvier.  Vous n’aurez donc aucune excuse pour ne point aller vivre cette tranche d’humanité mue par une vibrante conviction.

 

 

 

À qui aime le piano, le "réseau" René Martin offre de quoi étancher sa soif.  Un épisode des Fêtes musicales en Touraine permettait de mesurer deux soirs de suite (22 et 23 novembre 2011) combien les sœurs Lidija et Sanja Bizjak, quoique jeunes encore, sont déjà imprégnées des replis dramatiques celés dans les partitions si denses de Schubert.  Le Grand Duo D. 823 ou la Fantaisie en fa mineur D. 940, sous leurs vingt doigts, ne pâlissaient pas d’être comparés à de prestigieux devanciers, et le sourire du Rondo en  majeur D. 608 ou du Divertissement à la Hongroise D. 818 ne se cantonnait point à quelque récréation futile.  Mais ces deux sœurs si différentes, la brune Lidija et la blonde Sanja, se montrent également en solo, et l’on retiendra les éclairages pleins de clairs-obscurs, la luminosité teintée d’ambiguïtés ombrées, de la Sonate en la mineur D. 784 par Sanja, la cadette.  Quel dommage que l’acoustique du grand foyer, à l’Hôtel de Ville de Tours, soit si antagoniste à une bonne réception du piano : on n’entend décemment que sous un angle calculé à partir de la queue du piano ; le "côté clavier", si prisé des aficionados de piano, condamne à ne recevoir qu’une vague dispersion sonore !

  

 Après un premier essai pleinement réussi, François-René Martin récidivait (les 26 et 27 novembre) dans son initiative de présenter à Paris les pianistes du label Mirare selon un concept dérivé de La Folle Journée de Nantes.  La Folle Nuit à Gaveau (titre impropre, mais Le Fou week-end sonnerait mal !) devient donc un rendez-vous incontournable avec les pianistes de "l’écurie Martin" (on nous annonce le prochain épisode dès les 31 mars et 1er avril 2012).  Ne cachons point nos préférences et allons droit aux sommets du parcours.  Honneur au nouveau venu : on ne peut que remercier chaleureusement les Martin père et fils d’avoir sauvé Abdel Rahman El Bacha du vide discographique auquel le condamnait la fermeture de Forlane.  On connaissait le fin musicien, à l’intelligence susceptible de débusquer le fil conducteur de subtiles trouvailles en reparcourant le grand répertoire à sa manière fluide, exempte de dureté dans le traitement de l’instrument ; on retrouve tout ce qu’on aimait chez lui, augmenté d’une autorité conférée par l’expérience et la maturité.  Autrement dit, il eût été cruel d’être privés des fruits de cette nouvelle floraison d’un esprit en perpétuelle évolution.  Il réussit même l’exploit de faire croire aux auditeurs venus à son seul concert qu’il jouait un piano en bon ordre de réglage.  Car le Steinway mis à disposition des concertistes fut une épreuve pour beaucoup d’entre eux : mal équilibré, avec des graves et un bas médium plutôt opulent, mais un aigu qu’il fallait "surjouer" pour lui faire passer la rampe.  On eut tout loisir de constater  la récurrence de ces défauts sous les doigts de la majorité des artistes, lesquels se voyaient dangereusement entraînés sur la pente involontaire de concerts pour la main gauche, mais – ô miracle – l’articulation d’Abdel Rahman El Bacha, gouvernée avec une sûreté d’attaque judicieusement dosée de chaque doigt, réussit à rééquilibrer le piano comme par enchantement. La nature – renforcée par le travail – l’a doté de doigts à la  constitution puissante, certes, mais le contrôle du rôle imparti à chacun atteint chez le maître maintenant quinquagénaire une infaillibilité qui appelle un mot d’un emploi rare en toute chose humaine : la perfection.  L’esprit qui pilote l’interprétation suivant le même chemin, on entendit une Sonate "Waldstein" (Beethoven) impériale, d’une architecture formelle et sonore superbement épanouie, puis le pianiste revenait à ses premières amours en remettant à l’honneur les œuvres de jeunesse de Prokofiev, trop rarement entendues : Sarcasmes op. 17 et la 2e Sonate op. 14 fournirent une démonstration exemplaire de la richesse de caractères et d’émotions que l’on peut extraire de ces pièces étincelantes de virtuosité, avec un jeu d’une puissante projection mais sans inutile agressivité.  Une prochaine parution de ces Prokofiev chez Mirare permettra de prolonger cette jubilation : « rejoice, rejoice ! ».   Ajoutons que l’on se sentait soulagé d’entendre enfin un peu d’expression moderne dans cette noria de récitalistes, car on touche là un point faible de la programmation générale : elle se cantonne trop aux "classiques favoris".  Mais enfin, on annonce Florent Boffard dans Schoenberg pour le week-end printanier, alors tous les espoirs sont permis...

 

Abdel Rahman El Bacha ©DR

 

 

Autre heure privilégiée, Claire Désert dans Schumann : son osmose psychologique et musicale avec les recueils de ce compositeur tient du mystère intime.  Les Davidsbündlertänze op. 6, d’humeur changeante et toujours tendrement embrassées, poursuivaient un cheminement qui nous transporte dans l’ordre de l’empathie.  Elle ouvrait son récital par le Nocturne en ut# mineur op. 27 n°1 de Chopin, et, à la lecture du programme, l’on se disait : "Pfft ! il va falloir en passer par cette page tant rebattue avant d’atteindre le cœur du sujet".  Et puis... elle posa les mains sur le clavier... et le miracle se produisit encore !  De ces portées dix mille fois jouées par dix mille pianistes, elle extirpa, avec une sensibilité bouleversante, des confidences que l’on crut n’avoir jamais entendues.  Nous faire redécouvrir le Nocturne en ut# mineur : oui, un miracle, assurément !

 

Jean-Claude Pennetier ©DR

 

 

Ces Folles nuits ou journées ne seraient pas ce qu’elles sont sans le moment de grâce qu’y ajoute immanquablement Jean-Claude Pennetier.  Son attention se portait cette fois sur l’ut mineur chez Mozart : aux si dramatiques Fantaisie K. 475 et Sonate K. 457, il traça des rehauts ombrés d’interrogations fondamentales, mais sans encombrer la pureté mozartienne de rhétorique appuyée, simplement en dialoguant d’une âme à l’autre avec le compositeur.  Après quoi il passait au relatif (mib majeur) pour le Concerto n°22, plus souriant mais non moins purement dessiné, qu’il prolongea par un bis de même tonalité emprunté à une Sonate de Haydn.  On se désole simplement qu’à un tel pianiste on n’ait offert que médiocre accompagnement.  L’effectif réduit concédé à l’Ensemble orchestral de Paris par la place un peu chiche sur le plateau de Gaveau ne faisait que mieux ressortir d’inexcusables défauts de jeu ; on les avait déjà constatés la veille lors de l’heure, elle aussi mozartienne, dévolue au jeune Adam Laloum qui parcourait les mêmes tonalités, mais en sens inverse (Sonate K. 282 en mib majeur et Concerto n°24 en ut mineur).  Dans ces Concertos de Mozart, on entendit d’imprécises émissions sonores venir des pupitres de bois : y aurait-il des clusters de vents chez le divin Wolfgang ?  On l’ignorait jusqu’à cette date.  Ceci dit, si l’on pouvait reprocher l’année dernière à Adam Laloum de chuchoter les détails dans Brahms, au détriment des fondations terriennes de l’édifice, son attention aux ciselures portait sens dans Mozart, exploré aux deux extrêmes de la chronologie.

La musicalité des duettistes complices que sont Claire Désert et Emmanuel Strosser s’accordait sur les Danses slaves (op. 46 et op. 72) de Dvořák, mais une heure de ce répertoire s’avérait une fausse bonne idée.  Leur approche sensible fuyait tout pittoresque à bon marché, or c’était justement user l’effet judicieux de cette finesse de trait que de la prolonger sans ouvrir le panorama à d’autres compositeurs.

Par ailleurs, la responsabilité matutinale d’inaugurer les festivités n’avait point réussi à Emmanuel Strosser dont les Schubert (Sonate en la mineur D. 537 et Klavierstücke D. 946) glissaient en surface, sans la touche poétique qu’on lui connut en d’autres occurrences.

Passons sur Shani Diluka qui en fait des tonnes dans la posture : "Regardez comme je joue bien !"...  au point d’oublier les compositeurs qu’on lui confie la responsabilité d’interpréter.  Entendre l’Arabesque de Schumann boursouflée par un pathos artificiel donnait la nausée, et l’on reconnut à peine la Fantaisie en fa# mineur op. 28 de Mendelssohn, pourtant fertile en savoureux détails quand l’interprète se donne la peine d’en analyser les contours.

L’hommage à Liszt revenait à Etsuko Hirose, qui ne reculait devant aucun risque, mais sans vaincre tout à fait les déséquilibres du piano.  Néanmoins, sa fougue produisait une impression chaleureuse, et elle faisait jaillir des entrailles de l’instrument les chevauchées de l’Ouverture de Guillaume Tell, les flots charriant les remous visionnaires de la Ballade n°2, et les traits ensoleillés de Venezia e Napoli ; ne s’arrêtant pas en si bon chemin, elle attaquait en bis un Roi des Aulnes un peu aventureux puis redressait la barre avec une scintillante Campanella.

 

Nous reviendrons le mois prochain sur les nouveautés discographiques qui jalonnent la collaboration des divers artistes avec le label Mirare, mais nous ne les quittions pas en prenant le chemin d’autres salles.

À la Salle Pleyel, nous retrouvions Jean-Claude Pennetier dans la saison de l’Orchestre Colonne sous la direction de Laurent Petitgirard (6 décembre 2011) ; l’entendre renouer avec la fibre contemporaine est source de joies nous remémorant le temps où il s’engageait dans ce répertoire en tant que pianiste, chef d’orchestre... et compositeur.  Il y apporte le même raffinement poétique qu’à Schubert ou Mozart, ce qui s’avère un atout incomparable pour les auteurs bénéficiant de son concours.  Ce soir-là, il reprenait le Concerto pour piano de Graciane Finzi, qu’il avait créé le 4 avril 1997 avec l’Orchestre philharmonique de Montpellier sous la direction de Yoram David.  Une belle œuvre, évoluant par trames orchestrales où le pianiste, dans les deux premiers mouvements, doit se montrer à l’écoute des groupes au sein desquels il s’insère : le jeu délicatement nuancé de Jean-Claude Pennetier trouvait les qualités de timbre au clavier pour s’immiscer entre les strates collectives en mouvement.  Ce n’est que dans le dernier mouvement que la virtuosité la plus débridée se donne libre cours, mais alors, elle caracole sans laisser le pianiste reprendre souffle.  Admirative d’un brio aussi intact une quinzaine d’années après la première, la compositrice devait dire à son précieux interprète qu’elle le trouvait rajeuni !  Comme pour lui donner raison, Jean-Claude Pennetier revenait après l’entracte pour les Nuits dans les jardins d’Espagne de Manuel de Falla, où il envoûta le public par des atmosphères d’une sensualité vaporeuse, de chaudes fragrances, des timbres d’une belle imagination impressionniste (le compositeur décrivait son œuvre comme des « impressions symphoniques pour piano et orchestre »).  Stimulés par un tel partenaire, l’orchestre et Laurent Petitgirard se montraient sous leur meilleur jour.

 

Graciane Finzi ©DR

 

 

Autre pianiste de "l’écurie" Mirare, autres atmosphères hispanisantes, Luis Fernando Pérez se produisait à l’Auditorium du Louvre (30 novembre) : une débauche de couleurs orchestrales dans un programme s’ouvrant par des transcriptions lisztiennes de Schumann et de Wagner (La mort d’Isolde, déclamée plus pianistiquement que théâtralement).  On entendait enfin la Rhapsodie espagnole de Liszt traitée autrement que comme une fantaisie pittoresque : la profondeur d’accents qu’y mettait Pérez faisait surgir de cette pièce de 1863 des préfigurations du Liszt des pièces ultimes, par le relief d’angles saillants reposant sur des intervalles-clés.  On sent le pianiste espagnol, si préoccupé par l’émission de timbres charnus, au tournant de nouvelles recherches attentives au poids relatif des éléments se partageant le clavier : son récital au Louvre n’était guère marqué du sceau de l’infaillibilité, mais il s’emparait de notre attention par l’étoffe damassée d’un travail des timbres richement résonnant.  La seconde partie, sélectionnant six morceaux d’Iberia (Albéniz), le confirmait.  À l’heure des bis, après un détour par Chopin et Guastavino, Luis Fernando Pérez électrisait son auditoire par Asturias du même Albéniz.

 

Luis Fernando Pérez ©Leslie Verdet

 

 

Depuis le récital de Jean-Frédéric Neuburger du 28 septembre dernier, mettant en parallèle les fulgurations du Liszt prophétique et la minéralité de pages d’aujourd’hui, le cycle pianistique de l’Auditorium du Louvre n’avait guère retrouvé un tel niveau, il avait même souvent déçu.  Le choix des pièces contemporaines présentées par de jeunes invités sombrait régulièrement dans l’indigence la plus ridicule, et l’on ne sauvait du naufrage que la Chaconne (1962) de Sofia Gubaidulina – un somptueux classique du XXe siècle ! – maîtrisée avec une énergie de haut vol par le pianiste sino-américain Steven Lin (13 octobre) ; mais celui-ci avait montré une telle méconnaissance "culturelle" de l’élocution propre à Beethoven (Sonate op. 31 n°3 en mib majeur), des phrasés viennois, il avait traité les si difficiles Réminiscences de Don Juan de Liszt avec un tel penchant à la performance sportive, que l’on préférait oublier aussi cet épisode imparfait.  On éprouvait donc un sentiment plein d’espérance en écoutant le jeune Russe Vladislav Kozhukhin (né en 1990) ressusciter les immortelles vertus de la grande tradition russe : sûreté technique, envergure dans l’art d’embrasser le champ des possibles au clavier, intelligence des styles.  On pouvait en juger grâce à un programme très varié  (17 décembre) : la Sonate en sol majeur de Haydn ne péchait pas contre la culture, elle, et témoignait d’une saine assimilation au piano moderne de cette musique du XVIIIe siècle ;  de César Franck, le Prélude, choral et fugue, écriture d’organiste (ne l’oublions pas !), manquait encore un peu de 32 et 16 pieds, mais tout de même moins que la lecture trop "jolie" par laquelle Bertrand Chamayou avait échoué à rendre la profondeur de cet espace sonore.  De Liszt, le Scherzo et marche mettait en valeur l’aisance virtuose du jeune pianiste, probablement incapable de rater un trait !  Née la même année que la Chaconne de Gubaidulina ci-dessus évoquée, la Première Sonate de Rodion Chtchedrine – qui avait été créée par Dimitri Bashkirov – laisse l’impression d’une œuvre puissamment taillée, représentative du langage de synthèse auquel le compositeur aboutit après avoir assimilé diverses tendances et influences.  Elle tenait parfaitement sa place dans ce panorama international, pour ouvrir aux évolutions bien comprises de la modernité des oreilles sans doute peu réceptives à l’avant-garde, pour lesquelles des paliers d’assimilation progressive s’avèrent utiles !  Mais la débilité de certaines compositions plus récentes qui leur furent proposées au cours de la saison relève de l’imposture, et l’on se demande s’il y a, à la programmation du Louvre, un pilote dans le cockpit.  Songeons, par exemple, à l’exceptionnellement constante qualité des insertions de musique contemporaine dans les programmes des Serres d’Auteuil, sous la responsabilité d’Anne-Marie Réby.

 

Pour conclure cette chronique, pourquoi ne pas sauter des touches du piano aux frettes d’une guitare ?  Ne cachons pas notre étonnement devant le déclin d’un spectacle qui, autrefois, réjouissait les mélomanes : le récital de guitare.  On y entend pourtant des musiques attrayantes, accessibles à tous, souvent ensoleillées (le fonds espagnol du répertoire !).  Il y a quelques décennies, les soirées de guitare étaient très courues.  Aujourd’hui, où en trouverait-on, par exemple dans les festivals d’été ?   Organiser de tels concerts s’avère pourtant plus économique que la location d’un piano : voilà qui, en période de crise financière, devrait faire réfléchir les programmateurs !  D’autant que la France dispose d’un atout (certes de lointaine origine ibérique) pour reprendre le flambeau en la matière : la nouvelle révélation de la guitare s’appelle Sébastien Llinares.  On s’est exprimée en d’autres lieux sur ce jeune artiste (lire : http://www.falcinelli.org/Europe/docu/Llinares.html) à l’occasion de la sortie de son premier disque ; il se produisait le 16 décembre dans le coquet auditorium de l’Espace Georges Bernanos à Paris, malheureusement devant un parterre de "happy few".  Il redonnait quelques pièces de son programme Turina, mais aussi deux Préludes très écrits de Villa-Lobos, le Caprice arabe de Tárrega, la Sérénade espagnole de Malats et la 3e Valse de Barrios Mangore.  C’était l’occasion d’admirer de visu les doigtés très élaborés par lesquels il "registre" les timbres de son instrument avec audace, élargissant au maximum la palette dynamique et coloristique dans un souci constant de faire vibrer tout le spectre harmonique de la guitare.  Son répertoire s’étendant de J.S. Bach à Tristan Murail, il nous promet de riches heures musicales dont on attend que les directeurs de salles et de festivals les fassent fructifier, pour le plus grand plaisir de leurs auditeurs.

 

Sébastien Llinares ©Jean-Baptiste Millot

 

Sylviane Falcinelli.

 

 

 

 

 



Le festival de piano automnal sur les bords du lac des Quatre-Cantons se devait d'honorer Liszt en cette année anniversaire.  Il le célébra, bien sûr, à travers les interprétations des divers pianistes réunis pour cette grande fête du piano.  Mais aussi, de manière intellectuelle, en faisant appel à un des grands de tout juste hier, pour une courte conférence en ouverture du premier concert.  Alfred Brendel, dont on sait les qualités d'essayiste et de fin analyste, traitait le thème « Liszt 2011 ».  Il connaît son sujet pour s'être accompagné du maître durant les diverses étapes de sa carrière.  Ce seront quelques réflexions, à l'occasion en forme de saillies.  Naguère, et Brendel se souvient alors de ses jeunes années, Liszt était persona non grata du public de concert.  Il fut peut-être « celui qui dans l'histoire de la musique, a le plus suscité d'envie ».  Ses qualités de pianiste virtuose et d'improvisateur ont été vantées, par Schumann notamment.  Ferruccio Busoni, l’un de ses fameux interprètes, écrivait en 1920, « je connais les faiblesses de Liszt, mais je ne méconnais pas sa force ».  De quelles faiblesses peut-il s'agir ?  Brendel les voit dans « la qualité vacillante de la thématique », dans l'inclination vers le grandiose et l'idéalisé.  Pour bien des pianistes, Liszt est une pierre de touche.  Car sa musique ne réveille pas seulement toutes les possibilités qui sommeillent dans son instrument, mais démontre de manière drastique le bien fondé de la soumission à la technique musicale pianistique.  L'épithète de transcendant ne concerne pas seulement ses Études, mais toute son exigence musicale.  À la différence de Chopin, Liszt pousse dans le sacré, dans les éléments, dans les sphères.  Intériorité et passion sont au cœur de l'interprétation lisztienne, comme la noblesse et la hardiesse.  La noblesse non académique, la passion surtout pas vulgaire.  La musique de Liszt reflète l'Homme de manière inhabituelle et directe.  Elle reflète aussi, avec une grande acuité, « la moralité musicale » de ses exécutants.  Il faut, selon le conseil donné par Hans von Bülow aux jeunes pianistes, « faire la différence entre le sentiment et le vertige, et assortir le véritable pathos à l'emphase ».  Et de citer encore Busoni pour qui le goût et le style sont les partenaires nécessaires du sentiment. 

 

Alfred Brendel ©Georg Anderhub

 

 

Un mot de la dernière manière de Liszt.  Brendel, qui voit là une des découvertes de notre époque, pense que le « méphistophélique abbé » est peut-être un des pères de la musique du XXe siècle.  Dans leur majorité, les pièces pour clavier tardives sont les marques de deux abandons, de la tonalité, de la personne humaine âgée.  Quant à la première, la cadence traditionnelle est esquivée, et il n'est pas rare de rencontrer une dissonance et une première césure obsessionnelle, à laquelle il est répondu par une seconde, la plupart du temps d'une consonance tonale religieuse.  Le Liszt franciscain devient alors presque trappiste.  À la place des symétries, développements et reprises, Liszt met en face l'un de l'autre des extrêmes ou juxtapose deux schémas de tonalités complexes.  D'autres pièces ne s'appréhendent pas, agissent par hasard, deviennent fragmentaires à l'écoute.  N'est-ce pas là le reflet du symptôme de la vieillesse ?  Il est intéressant de constater que le Liszt âgé revient vers Schubert et sa forme dépressive, dans ses transcriptions de lieder, tels Der Doppelgänger ou Der Leiermann.   Brendel discerne dans les pièces tardives quelque chose de l'art pictural européen au tournant du siècle (le primitivisme d'un Gauguin, la « barbarie » des Fauves).  Mais tout aussi bien des masques africains ou océaniques.  Le dédain vis-à-vis de Liszt a depuis longtemps outrepassé son apogée.  Il faut maintenant le défendre contre tel admirateur qui au XIXe siècle, aimait voir tel cirque pianistique avec Liszt au trapèze, contre les exégètes religieux, fiers de découvrir dans le motif de la croix des moments frivoles, ou aussi les sociologues, qui l'ont taxé de « continuité discontinue ».  Et passer sur l'homme à l'allure méphistophélique, à l'élégance jésuite, qui se compose un visage tragique, rêveur, puis en un clin d'œil se fait bon vivant, ironique et sardonique.  Il y a chez lui, comme le remarque dans ses souvenirs Borodine, hôte de Liszt à Weimar, en 1877, « chaleur, délicatesse, humanité, simplicité et bonne action. Il est ennemi des conventions, de l'habitude, de la routine, et dégagé des préjugés, des traditions, qu'elles soient nationales, conservatrices ou d'autrefois ».  Brendel de conclure que Liszt est notre modèle !

 

 

Les grands effluves russes…

 

Yefim Bronfman ©Georg Anderhub

 

 

Après cette austère entrée en matière, il revenait à Yefim Bronfman d'ouvrir les festivités musicales.  Mais avant d'aborder Liszt, celui-ci donnait la Sonate n°3 op. 5 de Brahms, créée en 1854 par Hermann Richter.  On se souvient que Jean-Yves Thibaudet l'avait jouée, ici même, à l'automne 2008, alors qu’Alfred Brendel y faisait par ailleurs ses adieux.  Ses proportions gigantesques placent cette pièce à part dans le répertoire.  Cinq mouvements la composent dont un vaste andante espressivo, lui-même divisé en trois sous-parties suivant un programme : « Le soir se couche, la lune luit, deux cœurs amoureux s'unissent et se tiennent bienheureux enlacés ».  Bronfman la gorge de contrastes, du ppp à la force souveraine.  Le scherzo, marqué « allegro energico », offre une danse obstinée que tempère le trio.  L'intermezzo, une des trouvailles de Brahms, est proprement immatériel alors que frappent les coups du destin.  Et c'est une fête de l'ouïe que libère le finale, en ses diverses séquences.  Le géant Bronfman mêle la force maîtrisée et une vraie subtilité du jeu.  Il est de cette race de pianistes russes qui, dotés d'une plus que solide technique, sont capables des nuances les plus extrêmes.  Hier Richter ou Guilels, aujourd'hui Kissin et Bronfman. Le pianiste propose un florilège d'Études d'exécution transcendante : « Mazeppa », d'abord, une chevauchée forcenée avec ses accords plaqués. Le 2e thème réinvente l'épique du destin du héros cosaque, qui sera page à la cour du roi de Pologne Johan Casimir, tandis que la péroraison d'une frénétique coda laisse revenir le calme de l'horizon des grandes steppes.  « Harmonies du soir » forge une grande évocation poétique de la nature qui mène à la transcendance par d'autres chemins : le climat irisé, l'extase religieuse.  « Chasse-neige », enfin, l'ultime étude de ce cycle, livre d'intéressants solos successivement à la dextre puis à la main gauche, comme des trémolos assurant au cycle une conclusion dramatique.  Là encore Bronfman est le maître de la couleur et de la pâte sonore.  La dernière partie du récital est consacrée à la Sonate n°8, op. 84, de Prokofiev.  Dédiée à son épouse Mira Mendelson, elle sera créée par Guilels en décembre 1844, puis immortalisée par Richter.  Avec les sixième et septième, elle appartient aux sonates dites de guerre.  Bronfman en livre une exécution absolue.  La rythmique obstinée, qui soudain se meut en quasi-chuchotement, les changements extrêmes, à l'intérieur même d'un mouvement, la prédominance d'effets de danse et d'effluves lyriques (qui ne sont pas sans rappeler le climat des grands ballets, tel que Roméo et Juliette), ne sont que quelques traits saillants de ce monument pianistique du XXe siècle.  La forme est presque symphonique, ne serait-ce que par sa durée, 28 minutes.  Bronfman la dote d'une formidable intériorité : des chimères de rêve.  La virtuosité est comme transcendée.  Prokofiev, formidable pianiste, a comblé l'exécutant de traits d'une redoutable difficulté, d'ordre quasi physique, qu'il s'agisse du développement du premier mouvement, sorte de danse primitive, des dissonances étonnantes de l'andante sognando, ou du finale vivace, fougueux. 

 

 

Yuja Wang : un phénomène qui vient de la Chine.

 

Yuja Wang ©Georg Anderhub

 

 

La jeune Yuja Wang, native de Pékin en 1997, est un phénomène, un « wunderkind » comme on aime à le dire en pays germanique.  Le plus étonnant réside, sans nul doute, dans ce mélange d'apparente timidité et de volonté solidement ancrée. Elle est ambitieuse - qui ne le serait pas à la tête de tels dons - et son parcours est éloquent.  Des débuts en 2004, à Zurich, et la consécration, ici même, à l'été 2009.  Claudio Abbado lui offrait le 3e Concerto de Prokofiev.  Un contrat luxueux avec un major du disque suivait, déjà  honoré de plusieurs CDs, forts réussis.  Lucerne se devait de lui proposer un récital.  « Am Piano » était l'écrin indispensable.  Ce qui frappe dans le jeu, c'est l'extrême contraste entre l'énergie quasi tellurique et une palette de nuances étonnante.  Elle mixe volontiers ppp et jeu aéré, donnant une impression de confidence, qui ramène soudain le rapport podium/salle à la dimension presque d'une conversation.  Virtuosité ?  Le mot est presque vain ou dépassé, en tout cas transcendé.  L'empathie avec l'instrument est totale, dont elle extirpe des graves somptueux, des aigus cristallins, ces notes extrêmes de la partie droite du clavier tant utilisées par Scriabine ou Prokofiev.  Son programme, largement russe, incrustera une sonate de Beethoven.  Une audace incroyable.  Avec un choix de pièces de Rachmaninov, Wang nous entraîne d'emblée dans un univers luxuriant et virtuose.  On sait que Rachmaninov était un pianiste hors du commun.  Les Études-Tableaux livrent une symbiose d'étude de concert et de peinture musicale d'une suffisance avérée.  L'Élégie op. 3 est enchantée sous les doigts de la pianiste chinoise.  Le contraste est osé avec la Sonata quasi una fantasia de Beethoven.  L'exécution qu'en donne Wang est peu ordinaire, se rangeant du côté de la force.  Mais Beethoven, qui fut en son temps un moderniste, invente, dans ce qui s'assimile parfois à un déluge sonore, comme une improvisation.  L'interprète nous étonne et convainc par l'absolue cohérence du propos.  Elle passe ensuite à Scriabine.  La Sonate Nr. 5 op. 53, de 1907, si peu jouée, débute comme une fusée.  Elle alternera passages vigoureux, où le piano sonne comme un orchestre, et spectre immatériel, sorte de musique extraterrestre.  On pense aux compositions orchestrales, comme Le Poème de l'extase.  Cela se clôt comme un feu d'artifice, quoique sur une seule note piquée, interrompant ainsi le discours « con stravaganza », là où on se s'y attendait pas.

 

La seconde partie du récital est résolument russe.  De Scriabine, Wang joue un bouquet de Préludes où se mêlent, là encore, le virtuose et l'élégiaque.  Le Poème op. 32, andante cantabile, assemble ce jeu tout en confidence, qui est sa marque.  Enfin, vient la Sonate n°6 de Prokofiev.  Créée en 1939 par le compositeur, Richter s'en emparera vite, qui se dira « frappé par l'extraordinaire clarté du style et la perfection de la construction ».  Et de louer encore sa « hardiesse barbare ».  Il y a là des pages de musique pure, quasi abstraites, d'une audace rythmique ahurissante.  Le premier mouvement est impétueux, haletant et péremptoire, à l'occasion motorique sous les doigts de Wang.  Il se transforme, au fil des séquences, agitées puis lento, dans un développement orageux et tourmenté, violent et âpre, marqué par des ostinatos saisissants.  L'allegretto qui suit, est une danse mécanique emplie de fantaisie.  Le « tempo di walzer lentissimo » a un charme persuasif.  L'atmosphère s'assombrit soudain et cède la place au tumulte, avant que le calme ne revienne.  Le finale, vivace, va au-delà de la pure pyrotechnie pianistique, comme un engrenage, qui voit aussi le discours se disloquer et s'achever dans la fureur, aux deux extrêmes du clavier.  Prokofiev a multiplié à l'envi les traits difficiles.  Yuja Wang s'en fait presque un délice.  Comment cet être frêle comme un esquif peut-il dispenser une telle énergie ?  Comment ce bout de femme apparemment impassible, mais si concentrée, peut-elle posséder un tel feu intérieur ?  C'est là le miracle de l'art.

 

 

Les « débuts » de pianistes non débutants.

 

Francesco Piemontesi ©Priska Ketterer

 

 

Le festival donne l'occasion à de jeunes interprètes de faire une première apparition, non pas dans la grande salle du KKL, mais dans le lieu plus feutré, à l'acoustique agréable, d'une église moderne, la Lukaskirche.  Le choix des nominés est mystérieux et on se perd en conjecture sur le statut de concert « Début ».  Car débutants, ils ne le  sont pas.  Tel est le cas de Francesco Piemontesi, un Suisse natif de Locarno, ayant bénéficié des conseils de Brendel, Perahia ou Uchida, et au nombre des finalistes du concours Reine Elisabeth de 2007.  Son programme, assemblé sous le thème « Quand triomphe la liberté », réunissait Mozart, Chopin, Lachenmann et Schubert.  La Fantaisie KV 397 mêle le triste et le joyeux. La Barcarolle de Chopin est un peu appliquée avec force pédale.  Mais les deux Préludes de Debussy, qu'il joue ensuite, le montrent en empathie avec ce langage si délicat à restituer.  On admire le doux balancement de La Fille aux cheveux de lin, et le côté immatériel de La danse de Puck, conçue comme une farandole d'elfe.  Les cinq Variations sur un thème de Schubert de Helmut Lachenmann n'ont qu'un lointain rapport avec l'univers du compositeur romantique, sauf peut-être la deuxième séquence, marquée « calme ».  Une autre livrera des glissandos et des notes arrachées.  La manière de Lachenmann, dans cette pièce de 1956, est malgré tout encore acceptable, comparée à ses essais ultérieurs.  Pour conclure, Piemontesi joue l'immense Sonate D 959 de Schubert.  Il l'aborde avec sérénité, ce qui lui permet d'en assumer les contradictions et l'instabilité tonale comme les nombreuses digressions et les couleurs changeantes.  Il y montre un vrai talent dans l'expressivité mélodique.  Le scherzo est capricieux et le rondo final fluide, qui flirte avec cette douleur schubertienne insaisissable.  Son collègue français Bertrand Chamayou n'est pas non plus, à ce stade de sa carrière, ce qu'on peut appeler un débutant.  Il avait convoqué Franck et Liszt, deux musiciens qu'il habite ces dernières années.  De Prélude, Choral et Fugue, il organise les trois sections dans la plus belle clarté, en en soulignant presque la fantaisie, laissant apparaître ces fugaces traces des deux fameux thèmes cycliques de la Symphonie, dont le compositeur ne peut se défaire semble-t-il.  On aime le jeu élégant du pianiste toulousain, et cet art d'arrêter le son en en prolongeant savamment l'effet, juste ce qu'il faut.  Les grands climats qui rappellent Franck l'organiste sont là aussi, glorieux.  Des Années de pèlerinage, Chamayou fait un choix intéressant, eu égard aux contingences de durée de ce type de concert (une heure un quart), italien dans la palette.  Sposalizio et Il Penseroso, tirés du 2e cahier, sont comme des tableaux inspirés qui de Raphaël, qui de Michel-Ange.  L'élan de Sonetto 104 del Petrarca, il le restitue sans pour autant dissimuler le caractère élégiaque de ce morceau fameux.  Le thème de l'eau est cher au « méphistophélique abbé ».  Dans Les jeux d'eau de la villa d'Este, tirés de la 3e année, tout est fraîcheur et geste gracile.  Une dramaturgie grandiose s'empare de la trilogie Venezia e Napoli, dont d'ébouriffants arpèges, ou cette note lancinante au rythme grave du « lento doloroso », intense, ou encore la courte et fougueuse tarentelle, enfin le presto final déchaîné sans perdre la ligne de chant.  Comme chez Yuja Wang, mais dans une toute autre manière, la possession de Liszt est emphatique.  La simplicité, la générosité chez cet interprète sont pure joie.  L'absence de recherche d'effet tout autant.  C'est en souriant qu'il salue, ravi de la standing ovation qui ponctue le récital.

 

Bertrand Chamayou ©Georg Anderhub

Jean-Pierre Robert.



La Folle Journée 2012 sera 100% russe.

Pour sa 18e édition, la Folle Journée se propose de célébrer « Le Sacre Russe ». La méga-manifestation nantaise convoquera aussi bien le Groupe des Cinq et le maître qu'est Tchaïkovski, que leurs successeurs immédiats, Liadov, Arensky et Glazounov, trois figures dominantes de la scène nationale russe du début du XXe siècle, comme le pianiste virtuose Rachmaninov, dernier maître de la grande tradition romantique.  Seront aussi célébrés Scriabine, le pionnier d'un nouveau langage, et les avant-gardistes que sont Nicolaï Roslavetz,  Arthur Lourié ou Alexandre Mossolov, des noms peu connus du public français, pas moins essentiels du courant musical constructiviste.  Igor Stravinsky sera évidemment à l'honneur. Comme Prokofiev et Chostakovitch, mais aussi Mieczyslaw Weinberg, tous trois emblématiques de la volonté de renouvellement qui, dans les années 1930-40, cherche à s'imposer profondément malgré la résistance acharnée des autorités, et que les plus grands interprètes se feront un devoir de défendre.  Bien d'autres seront de la fête, illustrant les courants nationalistes : Aram Khatchatourian, pour l'Arménie, ou Reinhold Glière et Dimitri Kabalevski.  Plus près de nous, ce seront Sofia Goubaïdoulina, Rodion Chtchedrine, Alfred Schnittke ou Arvo Pärt.  Autant dire, un panorama compréhensif qui vaudra aux auditeurs de vivre l'évolution de la musique russe de Glinka à l'époque actuelle.  Comme toujours, les plus talentueux interprètes prêteront leur concours, souvent dans des conditions de stress peu ordinaires, vu le planning plus que serré.  Mais passion, plaisir d'apporter et bonne humeur participent de la recette miracle qui vaut à l'entreprise conçue par René Martin de si bien prospérer et de ne pas connaître la crise.  Orchestres, ensembles de chambre (nombreux et valeureux quatuors) et solistes se partageront encore les faveurs d'un public avide de connaître, plus avisé qu'il n'y paraît.  On croisera un impressionnant bataillon de pianistes : les habitués (Engerer, Queffélec, Neuburger ou Pérez), ou effectuant un come back remarqué à Nantes, tels Jean-Philippe Collard, Kun Woo Paik ou Abdel Raman El Bacha, voire de nouveaux venus, la phénoménale Khatia Buniatishvili par exemple.  Une belle brochette de violonistes aussi, comme de cellistes et autres instrumentistes choisis.  Compte-tenu de l'ampleur de la programmation, on a prévu d'élargir le nombre des salles : outre celles de la Cité des Congrès, on jouera aussi, non loin de là, au Lieu Unique, une institution sur la place nantaise, qui offrira deux salles nouvelles et complètera ainsi l'offre faramineuse de billets.

 

Description : Macintosh HD:Users:fbcouste:Desktop:visuel2012.pdf

 

 

Outre les conférences, fort appréciées, par d'éminents musicologues, au nombre desquels on remarquera deux spécialistes de musique russe, Frans Lemaire et André Lischke, de nombreuses activités à profil pédagogique seront proposées, en direction des plus jeunes en particulier.  Cette diversité d'animation a pour dessein de favoriser l'accès à la musique classique, un des atouts de la Folle Journée. Des actions de préparation seront organisées en amont, tels les ateliers d'éveil musical, menés par deux professionnels des arts du spectacle, une danseuse et une musicienne percussionniste, pour sensibiliser les jeunes enfants, par l'écoute, le jeu, l'expérimentation sonore et corporelle.  C'est le cas encore de la découverte de la musique par le théâtre, sous forme de représentations données dans les établissements scolaires de la ville et du département, mais aussi dans des établissements spécialisés pour des personnes souffrant de handicap.  Le conte proposé est titré « Dans la Russie des tsars avec Tchaïkovski ».  D'autres actions sont prévues pour venir à la rencontre des publics « empêchés » : le CREA, direction artistique de la Folle Journée, et le Service pénitentiaire d'insertion et de probation de Loire-Atlantique s'associent afin de proposer des animations pour les détenus.  Est par ailleurs prévue une collaboration avec le Conservatoire de Nantes dont les élèves peuvent se produire sur le kiosque de la grande halle durant les cinq jours du festival.  Enfin des partenariats sont établis avec trois Écoles d'enseignement supérieur de Nantes, l'Institut supérieur des arts appliqués, l'Institut universitaire de technologie et l'Institut supérieur européen de gestion.

Renseignements et modalités de location : La Folle Journée de Nantes, du 1er au 5 février 2012.  Billetterie à partir du samedi 7 janvier 2012.  Aux guichets de la Cité, Centre des Congrès, le samedi 7/01 à partir de 8h, le dimanche 8/01 à partir de 13h, à compter du 9/01 de 13h à 18h, sauf samedi et dimanche.    Par tél. : 0892 705 205, à partir du 9.I à 10h. www.follejournee.fr (à compter du 8/01 à 10h).  Pour les scolaires accompagnés : réservation uniquement par tél. à partir du 10/01 au : 02 51 88 21 38 (de 10h à 18h, du lundi au samedi).

 

 

Une ère nouvelle au Festival de Salzbourg

Le programme du festival de Salzbourg 2012 a été présenté lors d'une conférence de presse à l'ambassade d'Autriche - introduite par l'ambassadrice, fraîchement nommée à Paris, elle a permis aux nouveaux responsables du Festival de dévoiler leurs projets : le nouvel intendant Alexander Pereira, qui est loin d'être un inconnu puisque jusqu'alors directeur de l'Opernhaus de Zurich, et pour ce qui est du festival de Pentecôte, émanation du festival d'été, la grande diva Cecilia Bartoli.

 

Description : hires-alexander_pereira_cecilia_bartoli_dr_rabl-stadle_6_6_2011_Muc_Kirchbach_0

Trio de direction ©Anne Kirchbach

 

 

Alexander Pereira affiche sereinement son ambition de redonner au festival le lustre d'antan. La brochure contenant le détail de la programmation, aux couleurs blanche et rouge de l'Autriche, se veut un copier-coller de celle en vigueur du temps d’Herbert von Karajan.  Tout un symbole ! Il souhaite surtout que chaque édition soit unique dans le domaine de l'opéra, et se propose de ne donner, chaque saison, que de nouvelles productions.  Pari audacieux en ces périodes de crise.  Mais, ajoute-t-il, le fait de devoir à nouveau remettre sur le métier une production coûte presque aussi cher que d'en fabriquer une nouvelle.  Les coproductions avec d'autres maisons ne le seront qu'au compte-goutte : avec le Festival de Pâques salzbourgeois, uniquement pour Carmen en 2012, avec la Scala di Milano, pour l'opéra de Zimmermann cet été.  Peut-être quelque chose avec la Semaine Mozart en 2013.  Pereira s'entourera de ceux avec lesquels il a déjà travaillé et d'artistes qui gravitent dans la constellation de son vaste carnet d'adresses.  Sa devise le proclame : « Mieux vaut en faire beaucoup avec quelques-uns que peu avec beaucoup ».  À bon entendeur...  On donnera 232 représentations, durant 45 jours (la durée a été augmentée d'une semaine), dans 15 lieux différents.  Telle est la magie de la manifestation imaginée par Max Reinhardt, Richard Strauss et Hugo von Hofmannsthal : un théâtre du monde, au « cœur du cœur de l'Europe » selon la présidente du festival.   

    

Côté opéra, pas moins de six nouvelles productions émailleront le festival 2012.  Et tout de suite un « coup de maître » : faire revenir dans la fosse d'orchestre Nikolaus Harnoncourt, le complice de tant de succès zurichois.  Le maestro donnera La Flûte enchantée, avec son ensemble jouant sur instruments d'époque, le Concentus Musicus Wien, une première à Salzbourg.  La mise en scène, de Jean-Daniel Herzog, se promet d'être modernisée.  Car il ne faut pas s'attendre, sous le règne Pereira, à de l'académisme scénique !  Suivra une rareté, sinon une découverte, Das Labyrinth « ou le combat avec les Éléments, 2e partie de La Flûte enchantée ».  Le libretto est de Schikaneder, qui en bon gestionnaire, et devant le succès de la collaboration avec Mozart, commit l'idée de donner une suite à sa pièce, dans le goût populaire.  Aussi verra-t-on de nouvelles aventures de Papageno et de sa nombreuse famille.  La musique, du compositeur bavarois Peter von Winter, est, dit-on, fort bien léchée, dans la veine préromantique.  Autre rareté, la version originale de Ariadne auf Naxos, c'est-à-dire avec le texte du Bourgeois Gentilhomme de Molière (quoique raccourci) et ses divertissements dansés.  Une occasion d'entendre cette première mouture, mâtinée de théâtre et d'opéra, qui sera dirigée par Riccardo Chailly.  On donnera aussi Carmen dans la production du Festival de Pâques, dirigée par Rattle, avec Kaufmann et Kožená dans les deux amants malheureux.  Et La Bohème (avec Netrebko et Beczala, direction de Gatti), histoire de tordre le cou à ce quasi dogme qui laissait Puccini persona non grata sur les bords de la Salzach !   Nul doute aussi que les gains assurés permettront de combler certains déficits.  Puis Giulio Cesare in Egitto de Haendel, dans la production du festival de Pentecôte, dirigé par Giovanni Antonini, avec un cast de rêve : Bartoli, Scholl, Jaroussky, von Otter, Dumaux.  Enfin, Die Soldaten de Zimmermann, une des pièces phare du XXe siècle, sera dirigée par Ingo Metzmacher, dans la Felsenreitschule.  Ce sera le prélude à une campagne de créations, qui verra sa vraie première étape en 2013 avec une création de György Kurtag (sur Fin de partie de Beckett).  Deux opéras en version de concert complèteront l'offre : Tamerlano de Haendel, avec Domingo, conduit par Minkowski, et Il Re Pastore de Mozart, avec Villazón, dirigé par Christie.  Façon de réunir à peu près tous les ténors vedettes de la planète, et les chefs qui comptent.  

 

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Hofstallgasse, Salzburg ©Andras Schaad

 

 

Pour ce qui est du domaine du concert, Pereira installe une nouveauté : un festival de musique sacrée, en forme d'envoi.  Cette « ouverture spirituelle », sorte de festival dans le festival, proposera de grandes œuvres sacrées, par les plus grands, Abbado, Harnoncourt, Gardiner, Gergiev, Laurence Equilbey.  Elle est voulue en forme de dialogue entre les religions, l'une étant mise à l'honneur chaque saison : en 2012, ce sera la religion juive.  On aura, bien sûr, les fastueux concerts des Wiener Phil qui donneront cinq programmes différents (Gergiev, Jansons, Muti, Holliger et Haitink), et une pléiade de formations invitées dont les Berliner Phil (Rattle), LSO (Gergiev encore), The Cleveland Orchestra (Welser-Möst), Gewandhaus Leipzig (Chailly), Concertgebouw (Jansons), enfin l'Orchestra e Coro del Teatro alla Scala (Barenboim, qui le dirigera dans le Requiem de Verdi).  Celui-ci conduira par ailleurs son West Eastern Divan Orchestra, et donnera une série de récitals Schubert !  De quoi rivaliser avec l'autre festival d'été, celui de Lucerne.  La programmation, immense, offrira encore des œuvres contemporaines, et quelques joyaux tels que deux concerts de la Camerata Salzburg, en hommage à Sándor Végh, des soirées à thème, autour de Dvořák ou de Zimmermann, en conjonction avec son opéra, des récitals de solistes prestigieux, Pollini, Schiff, mais aussi Perahia et le si rare Zimerman, pour un concert de piano Debussy, le jour anniversaire de sa naissance, un 22 août !  On n'aura garde d'oublier le volet théâtre, essentiel à Salzbourg.  Parmi les nouvelles productions, en langue allemande, on trouve Le Prince de Hombourg de Kleist, Der Bauer als millionär de Raimund.  Mais on jouera aussi en anglais, Peer Gynt d’Ibsen, et en français, La Tempête de Shakespeare, mise en scène par Irina Brook, à la tête de sa compagnie et Maison de la culture de Nevers et de la Nièvre.  « Chacun à son goût » dirait le prince Orlovsky de Johann Strauss !  Le festival renoue en tout cas avec le prestige.

 

Ce sera déjà fête lors du long week-end de Pentecôte.  Cecilia Bartoli a concocté un programme séduisant, pour ne pas dire irrésistible, sur le thème de la femme.  De Cléopâtre donc : « Dans le labyrinthe d'Éros et du pouvoir ».  La belle Cleopatra se déclinera de diverses manières : « raffinata », pour l'opéra de Haendel Giulio Cesare in Egitto, déjà nommé ; « amorosa », à travers la pièce de Shakespeare Antoine et Cléopâtre ; « virtuosa », lors d'un concert lyrique réunissant Haendel, Hasse et Graun, avec la participation de Bartoli, et dirigé par Antonini ; « sensuale », avec l'opéra de Massenet, Cléopâtre (Sophie Koch, Véronique Gens et Ludovic Tézier) ; « tragica » encore, l'heur d'un concert conduit par Gardiner, réunissant Schumann, La mort de  Cléopâtre de Berlioz et Rinaldo de Brahms.  Enfin, Cleopatra sera « orientale » via Valery Gergiev et Anna Netrebko, pour célébrer Rubinstein, Chtchedrin, Prokofiev, aussi bien que Gounod et Massenet.  C'est peu dire que Cecilia Bartoli a vu grand et original.

 

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Grosses Festspielhaus ©Clemens Kois

 

 

Renseignements & location : Salzburger Festspiele, du 20 juillet et 2 septembre 2012, et à Pentecôte, du 25 au 28 mai 2012. Kartenbüro der Salzburger Festspiele, Postfach 140, 5010 Salzburg, Austria.   Par écrit, jusqu'au 9 janvier 2012.  Fax : 00 43 662 8045 555.  Tél. : 00 43 662 8045 500. En ligne : www.salzburgfestival.at  (à partir du 30 mars 2012 ; dès maintenant pour Pentecôte).

Jean-Pierre Robert.

 



FORMATION MUSICALE
Anthony GIRARD : Le langage musical de Mozart dans les six premières sonates pour piano.  Billaudot : G 9033 B.

Ce travail d’Anthony Girard s’adresse aussi bien aux étudiants en musique et aux professionnels qu’aux amateurs éclairés : il est tout à fait passionnant dans la mesure où il met en relief l’originalité de ces œuvres souvent un peu dédaignées comme étant ce qu’on appelle souvent avec condescendance des « œuvres de jeunesse ». L’auteur nous permet de découvrir ainsi combien, derrière leur apparente facilité, se révèle tout le génie du compositeur. La rigueur de la démarche se joint à une limpidité du discours qui rend cette analyse accessible à tous.

 

Description : FM Girard

 

 

Jean-Clément JOLLET : Tour de chants.  Livre de mélodies recueillies par Jean-Clément Jollet. Volume 6.  1 vol. 1 CD.  Billaudot : G 8631 B.

Nous avons rendu compte dans les lettres 45 et 53 des volumes 4 et 5 de cette collection.  Ce volume 6 comporte les mêmes qualités : destiné à la deuxième année du deuxième cycle, il parcourt les siècles et les genres tout en offrant toujours des œuvres aussi agréables à chanter qu’indispensables à la culture des élèves, de Haëndel à Trenet, en passant par Benjamin Godard et Darius Milhaud… Le CD est une merveille de pédagogie où se trouvent non seulement le play-back de l’ensemble mais aussi celui des exercices de « mise en voix » qui préparent à l’interprétation de ces mélodies. Il s’agit donc d’un remarquable outil au service des professeurs et des élèves.

 

Description : FM Jollet

 

 

ONDES MARTENOT

Jean-Marc MORIN : 3 regards en cristallisation pour ondes Martenot & synthétiseur ad libitum.  Delatour : DLT1976.

C’est toujours un plaisir de voir que les compositeurs s’intéressent plus que jamais à ce merveilleux instrument. Pour présenter cette pièce, laissons parler l’auteur : « Comme le titre l'indique, ces 3 parties (pouvant être séparées) opposent 2 instruments : les ondes Martenot et un synthétiseur. Musique de chambre ? Non.  Les ondes dominent et le synthétiseur est comme un décor les entourant (l'idéal serait que ce fond sonore, fait de timbres purement synthétiques, en "vagues", non de percussions, ni d'instruments courants, soit diffusé par la sono d'une salle). »  Ajoutons simplement que cette pièce est évidemment assez difficile.

 

Description : Ondes Morin 3 regards

 

 

Jean-Marc MORIN : Jeux polyphoniques en Son Relief  pour ondes Martenot. Delatour : DLT1978.

Écrite dans un style contemporain (atonal), met en valeur de façon particulière toutes les possibilités des ondes Martenot. Recherche de timbres, de contrastes, expressivité, effets percussifs, effets polyphoniques de cet instrument, monodique par la volonté de son inventeur.

 

Description : Ondes Morin Jeux polyphoniques

 

 

Jean-Marc MORIN : Incrustations  pour 2 ondes Martenot, percussion & piano. Delatour : DLT1977.

Instrument idéal pour l’expression des micro-intervalles, les ondes sont ici alliées au piano et à la batterie pour exprimer une musique de chambre contemporaine. La partition joue sur tous les contrastes de timbres et d’expression possibles entre ces trois instruments. Les ondes elles-mêmes sont tantôt en osmose, tantôt en opposition. Il s’agit d’une œuvre exigeante mais passionnante.

 

Description : Ondes Morin incrustations

 

 

ORGUE

Henri-Jean SCHUBNEL : Livre d’orgue.  Delatour : DLT1969.

Ce Livre d’orgue est composé de sept pièces aux titres très classiques pour une musique très contrastée et surtout fort belle, dans la grande tradition des organistes français. L’instrument devra comporter deux claviers et pédalier, et surtout de beaux jeux de détail…

 

Description : Orgue Schubnel

 

 

Takuya NEMOTO : Thème et variations  pour orgue à 4 mains et 4 pieds. Delatour : DLT1941.

Un thème, cinq variations et une coda déploient leur charme lyrique dans un langage atonal qui va du style le plus dépouillé aux flamboyances extrêmes. Une part est également laissée à l’improvisation. Bref, il s’agit d’une œuvre foisonnante mettant en valeur les qualités musicales de l’instrument comme des interprètes.

 

Description : Orgue Nemoto

 

 

PIANO

Johannes BRAHMS : Walzer op. 39.  Édité et doigté par Christian Köhn. Bärenreiter Urtext : BA 9602.  Version facile arrangée par le compositeur : BA 9603.

Cette édition des célèbres valses jouit non seulement d’une remarquable gravure mais d’une passionnante préface de Christian Köhn, qui commence par en donner le sens dans l’œuvre de Brahms, explique l’histoire des différentes versions, et communique de précieuses indications d’interprétation ainsi, bien sûr, que les principes qui ont présidé à l’établissement du texte de la présente édition.

 

Description : Piano Brahms

 

 

Célino BRATTI : Image sépia  pour piano.  Élémentaire.  Lafitan : P.L.2196.

Quelle charmante valse un peu mélancolique qui rappelle des airs connus… mais lesquels ? Beaucoup de poésie et de nostalgie dans cette Image sépia qui évoque pour les photographes les tirages au citrate de nos grand-mères ou les films muets… On y trouve comme un écho des musiques de Georges van Parys dans Belles de nuit par exemple. Ce pourra être l’occasion pour le professeur de faire découvrir ces musiques.

 

Description : Piano Bratti

 

 

Christian DAGUET : Petite valse étude en la mineur  pour piano.  Préparatoire.  Lafitan : P.L.2326.

Le titre indique bien le propos de l’auteur : à l’occasion d’une petite valse un peu mélancolique, faire travailler les déplacements et croisements de main pratiquement sur toute l’étendue du clavier. Ce double but est tout à fait atteint.

 

Description : Piano Daguet

 

 

Monique LALOS : Leitmotiv  pour piano.  Débutant.  Lafitan : P.L.2181.

Plutôt que de leitmotiv, on pourrait parler de rythme obstiné : les croches persistantes peuvent évoquer un petit train d’autrefois ou la machine à coudre : cette petite pièce amusante et pleine d’humour devrait charmer les jeunes pianistes.

 

Description : Piano Lalos

 

 

Christine MARTY-LEJON : En rêvant  pour piano.  Débutant.  P.L.2202.

« Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve ». Cette citation de Saint-Exupéry mise en exergue de l’œuvre en montre bien l’esprit. L’auteur nous prouve une fois de plus que la simplicité des moyens mis en œuvre ne nuit en rien à la profondeur du propos. Il y a donc beaucoup de bonne musique dans cette pièce simple et de qualité.

 

Description : Piano Marty-Lejon

 

 

Jérôme NAULAIS : À l’aube du 1er jour   pour piano.  Préparatoire.  Lafitan : P.L.2168.

Décidément, la valse inspire beaucoup nos compositeurs. Pleine d’allant et de bonne humeur, celle-ci ne peut que séduire. On pourra rêver sur ce « premier jour ».  Naissance du monde ? Dans ce cas, un monde plein de fleurs et de jolie musique.

 

Description : Piano Naulais

 

 

Dominique PATTEYN : Bouquet de parfums  pour piano.  Élémentaire.  Lafitan : P.L.2349.

Les parfums s’épanouissent tout au long d’une œuvre pleine de grâce et de fraicheur. Commençant sagement avec une basse très mozartienne, les parfums se diversifient, passant d’une main à l’autre. Voici un très agréable bouquet qui charmera, espérons-le, les élèves.

 

Description : Piano Patteyn

 

 

Hervé POULIQUEN : Le bal des souris  pour piano.  Élémentaire.  Lafitan : P.L.2156.

Non, les souris ne dansent pas la valse mais plutôt un galop endiablé et bien réjouissant. Sauts, croisements de main, rien n’est épargné à notre pianiste souriceau. Espièglerie, jeu léger : tels sont les conseils du compositeur qui a bâti sa pièce sur un accord de quinte augmentée, qui crée, par sa tenue, un effet de résonance. Il y a donc beaucoup à tirer de cette pièce très contrastée.

 

Description : Piano Pouliquen

 

 

GUITARE

Claude WORMS : Guitares flamenca de Jerez. Parilla de Jerez & Paco Cepero.  Volumes I et II.  2 vol. 2 CDs.  Delatour : DLT0921 & 0922.

Malgré l’uniformisation due notamment au disque, certaines écoles de flamenco ont gardé, grâce à une tradition orale ininterrompue sur plus d’un siècle, leur originalité. Celle de Jerez en est le meilleur exemple. L’auteur nous propose ici un florilège des meilleures falsetas (Alegrías, Bulerías, Fandangos, Soleá, Soleá por Bulería, Tientos, Tangos) de quatre guitaristes particulièrement représentatifs de cette tradition : Perico el del Lunar, Manuel Morao, Paco Cepero et Parrilla de Jerez. Les CDs nous font partager leurs interprétations originales. C’est dire tout l’intérêt de ces recueils pour les amoureux du flamenco et de sa tradition originale.

 

Description : Guitare Worms

 

 

Jean-Jacques FIMBEL : Hommage aux King Crimson et à Robert Fripp.  Guitare solo. Difficile.  Dhalmann : FD0109.

Dédiée à Robert Dyens, cette pièce en hommage au groupe de rock progressif fondé en 1969 par Robert Fripp fait appel à toutes les ressources sonores de l’instrument. On en aimera la poésie qui s’en dégage et le chatoiement des rythmes et sonorités.

 

Description : Guitare Fimbel

 

 

VIOLON

Thierry BLONDEAU : Last Week-End on Mars.  Deux violons ou plus et CD.  Collection « Carnets du 21e siècle » dirigée par Bruno Giner.  1 vol. 1 CD.  Dhalmann : FD0230.

Faut-il parler de musique contemporaine, puisque l’auteur nous propulse – c’est le cas de le dire – sur Mars en 3001 ?  Qualifiée de difficulté technique facile à moyenne, cette pièce met avant tout en œuvre l’imagination et la créativité des interprètes puisqu’il s’agit de raconter par tous les moyens possibles un week-end sur Mars, soutenu par une « bande », c'est-à-dire ici un CD.  Des « figures » d’interventions sont proposées mais ne sont pas obligatoires… Bref, il s’agit de sortir des sentiers battus pour vivre une expérience de ce qu’il faut bien appeler « musique contemporaine ».

 

Description : Violon Blondeau

 

 

Jean-Jacques WERNER : Pour le plaisir  pour 3 violons ou plus.  Delatour : DLT1943.

Cette pièce ludique de moyenne difficulté a été écrite pour une association de violoniste et est destinée, par exemple, à une classe dans le cadre d’un concert ou d’une audition d’élèves. Longue de seulement 35 mesures, elle permet cependant aux jeunes violonistes de déployer tous les charmes de leur instrument dans une alternance de séquences mesurées et de séquences libres.

 

Description : Violon Werner

 

 

VIOLONCELLE

Antonín DVOŘÁK : Concerto pour violoncelle en si mineur op. 104.   Bärenreiter Urtext. Conducteur : BA 9045. Arrangement pour violoncelle & piano par le compositeur : BA 9045 90. Commentaire critique : BA 9045-40.

Voilà une édition passionnante de ce Concerto, car elle nous en livre les secrets de composition. Si l’écriture d’un concerto est souvent l’objet d’une collaboration entre le compositeur et le virtuose auquel il destine son œuvre, c’est ici le cas de façon toute particulière. Ce n’est donc pas un hasard si le commentaire critique occupe à lui tout seul un fascicule de 58 pages consacré à tous les aspects de l’œuvre, à sa facture et aux problèmes éditoriaux que cela pose.  On appréciera en particulier les nombreux fac-similés du manuscrit qui permettent de mieux comprendre l’ensemble. Ce travail remarquable a été effectué par Jonathan Del Mar.

 

Description : Violoncelle Dvorak_0001

 

 

FLÛTE À BEC

Michel KEUSTERMANS : Floppy Blue  pour 2 flûtes & 4 flûtes à bec. Delatour : DLT1907.

Cette pièce est une commande de deux flûtistes à bec pour le Concours international d’Utrecht. Il s’agit d’une sorte de thème et variations exploitant toutes les ressources de l’instrument et des instrumentistes qui jouent assez souvent de deux flûtes à la fois.  La « Note pour l’interprétation » permettra aux interprètes de résoudre les problèmes techniques posés par cette partition. La virtuosité technique n’empêche pas la musique : elle est seulement à son service. Le thème jazzy qui sert de support est bien reconnaissable malgré ses constantes mutations.

 

Description : Flûte à bec Kleustermans

 

 

PERCUSSIONS

Chin-Cheng LIN : Marimba Concerto n°1. One World-One Dream-One Love.   Réduction de piano.  Dhalmann : FD0348PR.

Écrit primitivement pour orchestre symphonique, ce concerto, dont la composition a été commencée en 2009, a été réécrit pour marimba & orchestre à cordes. Un premier mouvement à la fois rythmique et lyrique est suivi d’un deuxième mouvement, One Dream, dont le nom suggère bien le caractère. Un troisième mouvement, à la fois rythmique et passionné termine cette œuvre inspirée par les jeux olympiques de Pékin de 2008.  Elle en a le souffle, la grandeur et la poésie.

 

Description : Percussions Lin

 

 

Thomas HOLZINGER : Esquisses.  13 courtes pièces pour caisse claire solo.  Premier cycle.  Dhalmann : FD0226.

Ces petites pièces constituent des sortes d’images mettant en valeur toute la palette sonore de l’instrument à travers ses différents modes de jeux. La créativité n’est pas oubliée par la place donnée à l’interprète dans la construction même de la pièce.

 

Description : Percussions Holzinger

 

 

MUSIQUE D’ENSEMBLE

Bertrand CÔTE & Régis FAMELART : Trois Danses grecques.  Ensembles pour claviers (ou instruments en ut) & percussions.  Dhalmann : FD0264.

Voilà une œuvre qui devrait rendre service à bien des écoles de musiques étant donné la souplesse de la mise en œuvre. De niveau assez facile, ces trois danses peuvent en effet être interprétées par toutes sortes d’instruments, les trois parties de « clavier » étant entièrement monophoniques.  Les auteurs donnent eux-mêmes différents exemples (violons, violoncelle et percussion, entre autres) mais précisent que bien d’autres combinaisons sont possibles. Elles possèdent beaucoup de charme et devraient rencontrer un grand succès auprès des élèves.

 

Description : Ensemble Côte

 

 

CHANT

Franz SCHUBERT : Lieder  Volume 5.  Bärenreiter Urtext : BA 9125.

Les éditions Bärenreiter poursuivent la publication intégrale des lieder de Schubert.  Ce volume 5 contient l’ensemble des lieder écrits entre 1811 et 1814.  En plus de la préface présentant l’ensemble des pièces et de copieuses notes éditoriales, cette édition contient le texte de chaque lied et sa traduction en anglais (non destinée à être chantée).  On appréciera la lisibilité de cette édition ainsi que le soin apporté par Walter Dürr à sa réalisation.  

 

Description : Chant Schubert

 

 

CHANT CHORAL

Jean-Marie RENS : Chatakopéranvalnotsu !  Deux « chansons » pour chœur mixte & soprano solo sur des textes d’Arnould Massart.   Delatour : DLT1924.

Voilà deux pièces savoureuses écrites dans un langage plus ou moins tonal et un texte écrit dans une langue faite de mots inventés et d’onomatopées.  Il s’agit bien de « chansons » par le lyrisme qui s’en dégage, mais aussi de jeux de rythmes et de timbres tout à fait passionnants. Il y faudra un chœur exercé ; les parties sont souvent divisées et l’intonation n’est pas toujours facile, loin s’en faut.  Mais le plaisir sera au rendez-vous.

 

Description : Chant choral RENS

 

 

CONTE MUSICAL

Raoul LAY d’après J. et W. GRIMM : La mort marraine.  CD.  Conducteur disponible à la vente, matériel en location.  Billaudot : G 9027 B.

Ce conte musical pour récitant et ensemble instrumental (timbales, accordéon, contrebasse, trompette, violon, clarinette, glockenspiel) se déroule dans une atmosphère envoûtante et tragique qui nous rappelle que les contes ne sont pas seulement des histoires de bonnes fées et de prince charmant. La musique en est à la fois poétique et inquiétante.  C’est une belle partition et une bonne réalisation, mais qui demandera à être présentée aux enfants pour éviter des anxiétés bien légitimes.

 

Description : Conte musical Lay

 

 

OPÉRA

Emmanuel CHABRIER : L’Étoile.  Opéra bouffe en trois actes. Partition chant & piano. Bärenreiter : BA8708-90.

Le conducteur est en vente sous le n° 8708, le matériel d’orchestre est en location.

C’est toujours un plaisir de découvrir les œuvres présentées dans la collection « L’Opéra français » de Karl-Heinz Müller.  La réduction de piano a été refaite par l’éditeur sur la base de la partition orchestrale.  Elle diffère beaucoup de celle imprimée jadis chez Enoch.  La partition piano-chant contient l’intégralité du livret ainsi qu’une préface rappelant l’histoire de l’œuvre et un résumé de l’argument acte par acte.  Cette édition comporte également une adaptation allemande (chant et livret) qui pourra contribuer à une meilleure connaissance de cette œuvre outre-Rhin. En tout cas, félicitons Bärenreiter Urtext pour cette remarquable réalisation.

 

Description : Opéra Chabrier

 

 

Bedrich SMETANA : Prodaná nevesta - Die verkaufte Braut.  Chant & piano dans l’arrangement du compositeur.  Bärenreiter Urtext : BA9534-90.

Conducteur et matériel d’orchestre en location.

C’est à l’âge de trente-huit ans que Smetana se consacra à cette œuvre sur un livret du poète et journaliste Karel Sabina.  Écrit entre 1863 et 1865, joué pour la première fois le 30 mai 1866, l’opéra fut remanié jusqu’en 1870, et c’est à ce moment que Smetana réalisa lui-même la version chant & piano ici reproduite.  L’œuvre est publiée en tchèque et en allemand.  On lira avec beaucoup d’intérêt la préface très documentée de Maria Ottlová.

 

Description : Opéra Smétana

 

 

MUSIQUE SACRÉE

Antonio VIVALDI : Kyrie RV 587  édité par Malcolm Bruno & Caroline Richte.  Bärenreiter Urtext : BA 8950.  Réduction voix/piano par Malcolm Bruno : BA 8950a.

Si le Gloria, que nous trouverons ci-dessous, est universellement connu, ce Kyrie l’est beaucoup moins et cependant mériterait de l’être. Il ne faut pas se laisser impressionner par la présence d’un double chœur et d’un double orchestre : il s’agit plutôt d’une division d’un chœur et d’un orchestre pas forcément très étoffés.  Mais l’effet produit est tout à fait intéressant.  Souhaitons que cette édition permette de diffuser largement cette œuvre qui pourra, d’ailleurs, être couplée avec le célèbre Gloria.

 

Description : Musique religieuse vivaldi kyrie_0001

 

 

Antonio VIVALDI : Gloria RV 589  édité par Malcolm Bruno & Caroline Richte.  Bärenreiter Urtext : BA 7674.  Réduction voix/piano par Malcolm Bruno : BA 6774a.

On ne présente pas ce célèbre Gloria !  Cette nouvelle édition comporte toutes les qualités de la collection : clarté de la réalisation, sérieux de la recherche critique, très copieuse préface. Historique de l’œuvre, indications d’interprétation numéro par numéro, bibliographie : ce remarquable travail permettra de préparer avec succès une interprétation renouvelée de cette œuvre.

 

Description : Music religieuse vivaldi Gloria_0001

Daniel Blackstone.

 

 

CHŒUR

Klaus-Martin BRESGOTT (éd.) :  Chorbuch Reformation.  Baerenreiter (www.baerenreiter.com) : BA 6918.  396 p.  24,95 €.

Ces deux noms désignent, en fait, une excellente anthologie de chorals luthériens bien connus ou à découvrir, en usage depuis la Réforme jusqu’à nos jours.  Ce recueil, fonctionnel totalisant 5 siècles de chant en langue allemande, s’adresse aux organistes, prédicateurs, chefs de chœur, choristes, fidèles.  Ils y trouveront, associé aux sources (date, poète, mélodiste, compositeur, arrangeur), un remarquable choix de 77 chorals traditionnels et plus récents, présentés avec des harmonisations d’époque ou modernes et contemporaines : c’est le cas, par exemple, du chant de Noël sur le texte et la mélodie de Philipp Nicolai : Wie schön leuchtet der Morgenstern (1599) (Brillante étoile du matin) présenté dans les versions de M. Praetorius (également avec quelques variantes textuelles), de J. H. Schein, J. S. Bach, puis dans le langage du XXe siècle, comme celle de S. Bruce McCallum Reid (1968).  Dans ce Recueil officiel de l’église évangélique d’Allemagne (EKD), pour être facilement chantables, les œuvres sont transposées (par rapport à leur tonalité d’origine) et comportent de nombreuse strophes. La gravure est excellente, le phrasé et les nuances sont précis. Klaus-Martin Bresgott s’est peut-être inspiré du volume de Richard Gölz : Choralgesangbuch. Geistliche Gesänge für 1 bis 5 Stimmen (Baerenreiter, Kassel, Basel, BA 680, 1964), classé, lui, par temps liturgiques, ayant connu une large diffusion. Il en sera de même de cette publication qui a le mérite d’inclure aussi de nouveaux chorals dans l’esprit de notre temps et de paraître au seuil de l’année 2012 placée, en Allemagne, sous le thème : « Reformation und Musik », donc très en avance par rapport à 2017 qui marquera le cinquième centenaire de la Réforme.

 

Édith Weber.

 

 

PARTITIONS

Giovanni Pierluigi da PALESTRINA : Missa pro defuctis.  Pour 4 voix d’hommes, d’après le manuscrit de Ferrare (Ariostea CL II 476). « Inédits », série « Jacques Moderne ».  Université Lumière-Lyon 2, Musique & musicologie (http://lesla.univ-lyon2.fr).  21 x 29,5 cm, 48 p.  10,50 €.

Restituée & transcrite par Jean Duchamp, cette Messe de Requiem comporte Introït, Kyrie, Dies irae, Offertorium, Sanctus, Agnus Dei et Communio - polyphonie paraphrasant la messe grégorienne dont la mélodie est confiée au Ténor (dans l’Introït & le Kyrie) et au Superius (dans un Dies Irae exceptionnellement développé).  Il est remarquable que l’ambitus des voix soit ici fort resserré (le Superius n’excède pas le sib3).  Clés judicieusement ramenées aux seules clés de sol, de sol octaviée et de fa (hauteurs d’origine conservées).

 

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Emanuele d’ASTORGA (1680-ca 1757) : Stabat Mater  pour soli, chœur mixte, orchestre à cordes et B. C.  Partition chant & piano.  Cantate Domino (www.schola-editions.com) : CD 1195.  21 x 29,5 cm,  48 p.

Cette partition de la seule œuvre religieuse du compositeur sicilien s’inspire aussi bien de la réduction pour piano & chant naguère réalisée par Robert Franz que du manuscrit « Egerton » (Ms 2458) de la British Library, à Londres. L’œuvre comporte 9 numéros : chœurs, arias (SATB), duos (soprano-alto & alto-ténor).

 

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Theodor FRÖHLICH (1803-1836) : Passions-Cantate  pour chœur mixte, solistes & orchestre. Partition chant & piano. Révision : Didier Godel. Cantate Domino (www.schola-editions.com) : CD 1193.  21 x 29,5 cm,  90 p.

De Theodor Fröhlich, compositeur argovien, voici la première édition, pour chant & piano, d’un manuscrit autographe conservé à la bibliothèque de l’Université de Bâle.  L’ouvrage fut créé, sous cette forme, le Vendredi-Saint 1er avril 1831, puis orchestré par le compositeur, en juin de la même année.  Il comporte 21 numéros : Ouverture / Chœurs d’hommes, de femmes ou mixtes / Arias de soprano, ténor & basse /  Duo (alto-ténor) / Récitatifs / Chorals. 

 

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À l’orgue avec Mozart.  Six transcriptions + un pastiche (signé François Delor). Cantate Domino (www.schola-editions.com) : CD 3097.  21 x 29,5 cm,  64 p.

Bien que n’ayant jamais écrit pour « grand-orgue », Mozart est ici mis en transcription pour un instrument qu’il ne semblait guère priser : Adagio fûr Glasharmonika K. 617a (François Delor), Ouverture K. 399 (François Delor), Adagio et rondo K. 617 (François Delor), Choral de La Flûte enchantée (Didier Godel), Ein Stück für Orgelwerk K. 594 (Guy Bovet), Ein Orgel Stück K. 608 (Lionel Rogg) et Andante dans le style de Mozart (pastiche de François Delor).

 

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Alban BERG (1885-1935) : Concerto pour violon & orchestre  « À la mémoire d’un ange ».  Partition d’étude.  Breitkopf Urtext (www.breitkopf.de) : PB 15122.  16,5 x 22,5 cm, 90 p.  Préface & édition : Michael Kube. 14 €.

Dédié à la mémoire de Manon Gropius, fille d’Alma Mahler décédée prématurément, ce concerto a été composé en collaboration - pour la partie technique des solos - avec le commanditaire de l’œuvre, le violoniste Louis Krasner.  La présente édition est la seule à se référer à la partition autographe ; elle est ainsi débarrassée des nombreuses erreurs que comportaient les précédentes éditions, que Berg – mort lui-même peu après la création de l’œuvre - n’avait pu corriger.

 

 

 

PIANO

Christopher NORTON : Microjazz Christmas Collection.  Deux albums Boosey & Hawkes (www.boosey.com) chacun d’eux comportant 20 interprétations jazzy de noëls traditionnels. Niveau débutant à intermédiaire : BH 12384. Niveau intermédiaire à avancé : BH 12428. 44 p. 10,49 €.

Il s’agit là – nouvel apport à la fameuse série « Microjazz » de Christopher Norton - d’arrangements innovants de noëls traditionnels (en styles jazz, blues, swing, rock & reggae).  Pour… « tous les temps » !

 

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Hans-Günther HEUMANN : Le Grand livre d’études,  « 100 études merveilleuses pour le piano ».  Schott (www.schott-music.com) : ED 21122.  168 p.  16,00 €.

Ce recueil cible tous les aspects de la technique pianistique (niveau « facile à intermédiaire »), grâce à des pièces signées Bertini, Burgmüller, Czerny, Duvernoy, Gurlitt, Heller, Lemoine, Schumann, Turk, etc.  Études retenues pour leur efficacité technique tout autant que leur séduction musicale.

 

 

 

Anton RUBINSTEIN  (1829-1894) : Œuvres choisies pour piano.  « Piano Collection », Schott (www.schott-music.com) : ED 21008.  112 p. 19,99 €.

Sélectionnés par Wilhelm Ohmen, voici un ensemble de « tubes » du célèbre pianiste : Deux mélodies op. 3/1 & 3/2, Romance op. 10/5, Impromptu op. 10/16, Rêve angélique op. 10/22, Caprice op. 21/1, Romance op. 26/1, Deux Barcarolles op. 30/1 & op 50/3, Suite op. 38 et Valse-caprice, morceau de bravoure (hors catalogue).  Niveau : avancé.

 

 

 

Hans-Günther HEUMANN : Pianotainment  « 100 hits pour le piano ». Schott (www.schott-music.com) : ED 20850.  260 p.  18,99 €.

« De Bach à Robbie Williams » sont ici réunies 100 mélodies, sous les rubriques : Klassiker & Evergreens / Film & Musical / Jazz & Blues / Spiritual & Folk / Pop & Rock / Populäre Klassik / Oper & Operette.  Avec chiffrages ad hoc.  Niveau : facile.

 

 

 

Cornelius GURLITT (1820-1901) : Heures de détente  op. 102, pour piano à quatre-mains.  Schott (www.schott-music.com) : ED 9053.  48 p.  9,95 €.

Vingt-six miniatures (dans tous les tons majeurs & mineurs, sur mélodie pentatonique) composent ce plaisant recueil - éléments cantabile, de danse, choral.  Niveau : de très facile à facile.

 

 

 

Musique romantique  pour piano à quatre-mains, volume 2. Schott (www.schott-music.com) : ED 9052.  60 p.  12,99 €.

Vingt-trois pièces méconnues (signées Fr. Gernsheim, A. Dvořák, H. Hofmann, G. Fauré, Ph. Scharwenka, M. Moszkowski, J. Röntgen, E. MacDowell & M. Reger) composent cette seconde anthologie de Musique romantique.  Difficulté : intermédiaire.

 

 

 

FLÛTE TRAVERSIÈRE

Dirko JUCHEM : Jazz Ballads.  Schott (www.schott-music.com) : ED 21179.  100 p.  CD inclus.  19,99 €.

Ces 16 fameuses ballades de jazz se prêtent parfaitement à l’ardente et mélancolique sensualité de la flûte.  Arrangements ne présentant que peu de difficultés techniques. Avec partie de piano + chiffrages.  Le CD comporte enregistrement (par l’auteur & trio de jazz) et play back.

 

 

 

MUSIQUE D’ENSEMBLES

Les Duos avec instruments à cordes frottées.  Catalogue.  Les éditions de la Cité de la musique (www.citedelamusique.fr).  Diff. : Europa Music.   21 x 29,5 cm, 88 p.   20 €.

Cet ouvrage ne vise qu’à fournir des pistes aux enseignants & pratiquants amateurs en quête de musiques à jouer en petites formations.  Il a été conçu par Brigitte Barat (violoniste), Claire Merlet (altiste), Didier Meu (contrebassiste & Raphaëlle Semezis (violoncelliste).  Sous cinq rubriques : Instrumentation variable / Duos d’instruments à cordes frottées / Duos d’instruments à cordes frottées & instrument monodique / Duos d’instruments à cordes frottées & instrument polyphonique / Duos d’instruments à cordes frottées & percussion.  Sous chaque rubrique, les œuvres sont classées suivant le niveau d’études : 1er, 2e ou 3e cycle.  Non sans index par instruments et par compositeurs.  Un précieux outil.

 

Francis Gérimont.

 

 

 

 



Michèle LHOPITEAU-DORFEUILLE : Wolfgang Amadeo Mozart « Rêver avec les sons ».  Le Bord de l'eau, 2011.  15 x 23 cm, 240 p.  32 €.

On a, certes, beaucoup, voire trop, écrit sur le génie de Salzbourg.  Or, voici un ouvrage qui sort du lot.  Pour plusieurs raisons. Il est écrit dans un langage clair et direct, sans verser dans le travers de la musicologie rébarbative ou du propos ardu pour « connaisseurs » et, qui plus est, dans la langue d'aujourd'hui, décomplexée.  Il tord le cou à des interprétations solidement ancrées, souvent hasardeuses.  Ainsi, de la mort de Mozart, réputé empoisonné par le rival Salieri.  Rien de plus faux : le pauvre musicien, à bout de force, s'est peu à peu lui-même empoisonné en absorbant force médecines. Ce « goût de fer dans la bouche » dont il se plaindra, n'est autre, à n'en pas douter, qu'une intoxication au chlorure de mercure, contenu dans les potions administrées.  Le reste n'est pas scientifique.  De même, l'image, véhiculée entre autres dans le film Amadeus, d'éternel enfant, presque niais, déforme-t-elle la réalité d'un être, aimant certes la plaisanterie, voire la facétie, mais drôle et hypersensible. Plus mûr qu'on ne le décrit souvent.  Insaisissable aussi, qui « faisait volontiers de la rétention d'états d'âme ».  Il le dira lui-même : « Je ne suis pas insouciant. Je suis seulement prêt à accepter tout événement, et je peux par conséquent tout entendre et tout supporter avec patience » (lettre du 27 novembre 1777 à Léopold).  Michèle Lhopiteau puise dans la nombreuse correspondance échangée entre Mozart et son père et sa sœur Nannerl.  Elle nous fait entrer dans l'intimité de ces personnages, en s'efforçant qu'il y ait le moins possible d'écran entre eux et l'interprétation que ces échanges peuvent susciter.  Le livre est divisé en quinze chapitres, articulés autour de questions essentielles, telles celle de l'enfant prodige, de la relation avec les femmes, de l'attitude face à la mort, de cette année 1791 en forme de feu d'artifice, avec la Flûte enchantée et le Requiem, « son propre Requiem », à propos duquel on a affirmé tant de contre-vérités. Ou encore, le point de savoir pourquoi Mozart ne pouvait réussir sous l'Ancien Régime, et si sa musique a été, à son époque, comprise, interprétée et servie comme elle le méritait.  Des extraits de lettres, souvent mordants, émaillent le propos.  Tout comme des exemples musicaux, regroupés dans deux CDs, illustrent la pertinence de certains traits. Cet ouvrage est essentiel pour qui veut se faire une idée claire de cet être hors du commun, qui a tant suscité d'écrits que « d'une biographie à l'autre, nous n'avons pas l'impression d'entendre parler du même homme ».     

 

 

 

Yannick SIMON : Jules Pasdeloup et les origines du concert populaire.  Symétrie, 2011, 17 x 24 cm, 274 p.  45 €.

On sait peu que l'Orchestre Pasdeloup a pour origine une institution appelée « Concerts Pasdeloup » qui elle-même procède du « Concert populaire de musique classique », fondé par Jules Pasdeloup (1819-1887). En effet, en 1861, le compositeur et chef d'orchestre décide de créer une société de concerts afin de diffuser la musique classique auprès des « masses ».  La démarche s'inscrivant dans celle, plus générale, de démocratisation de la culture que connaît le Second Empire.  Ce sera une réussite.  Et même si elle n'a pas toujours pu toucher l'ensemble de la population, elle aura, du moins, permis d'élargir le public sur le long terme, en lui offrant une programmation accessible.  À travers ses concerts dominicaux, en matinée, dans le vaste Cirque Napoléon, futur Cirque d'hiver, Pasdeloup aura, peut-être, plus que tout autre, contribué à éduquer le public.  « La musique instrumentale savante s'éloigne définitivement du mécénat aristocratique et entre dans un processus d'institutionnalisation ».  L'ouvrage s'inscrit dans une vaste recherche sur le concert en France, menée sous l'égide de plusieurs institutions, Agence nationale de la recherche, Université de Rouen, Palazzetto Bru Zane, centre de musique romantique française.  Il s'attache d'abord aux prolégomènes de cette initiative qui prit la suite du Concert Spirituel, puis de la Société des jeunes artistes qui en sera le creuset.  Le cœur de livre est consacré au fonctionnement et aux activités des Concerts populaires durant leurs 26 ans d'existence et leurs diverses phases, comme à une analyse de leurs programmes.  Cette histoire se confond avec celle de son fondateur et mentor.  L'homme, proche du pouvoir, sera loué par la plupart, pour ses talents d'organisateur.  Même si le chef d'orchestre est quelque peu malmené pour des exécutions qui, selon Dukas, « n'étaient guère propres à en éclaircir les obscurités ».  Entre 1861 et 1887, 593 concerts, donnés dans une salle dont la jauge avoisinerait les 3 500 places, à l'acoustique improbable vu la disposition des lieux, seront offerts à un public diversifié.  « L'attitude respectueuse, attentive et silencieuse » de celui-ci n'est pas sa moindre qualité, attiré par une politique tarifaire faisant la part belle aux petits prix.  La concurrence avec les Concerts Colonne et Lamoureux va cependant précipiter la désaffection, et l'entreprise s'arrêtera en mai 1884, pour survivre, sous une forme nouvelle, encore trois années.  Les programmes sont passés au crible, par genres, solistes, auteurs.  Le « quintette germanique » (Beethoven, Mendelssohn, Haydn, Mozart, Weber) en est le pilier, mais aussi Berlioz et Schumamn.  Le « patrimoine », c'est-à-dire les compositeurs vivants, les modernes, tient une place significative. En particulier Wagner, dont on doit à Pasdeloup d'avoir introduit la musique en France. De nombreuses annexes complètent un ouvrage aussi enrichissant qu'inédit.

Jean-Pierre Robert.

 

 

Jean-Georges Noverre (1727-1810).  Un artiste européen au siècle des Lumières. Musicorum, n°10 (www.revuemusicorum.com), Tours, 2011.  394 p.  45 €.

Une prouesse éditoriale universitaire : Jean-Georges Noverre, « un inconnu célèbre » et « prestigieuse autorité symbolique » dans l’histoire du ballet, fait l’objet d’un numéro de 385 pages (format A4) de la revue Musicorum dirigée avec dynamisme par Laurine Quetin.  Cette publication honore l’équipe d’accueil « Histoire des représentations » (Université de Tours) et repose sur une perspective pluridisciplinaire.  Le « père du ballet moderne » a suscité la société Noverre (Noverre Gesellschaft) en 1958, ayant pour objectif de faciliter des rencontres de jeunes chorégraphes.  L’année 2010 marque le bicentenaire de la mort de ce « danseur, chorégraphe, théoricien de la danse et du ballet, artiste qui avait triomphé durant plusieurs décennies sur les scènes françaises et européennes », comme le rappelle Marie-Thérèse Mourey dans sa remarquable préface.  Lors de la Révolution, sa carrière a été considérablement freinée par les circonstances politiques et à cause de l’évolution des mentalités.  Après avoir connu un passé glorieux, il « symbolisait, en tant que chorégraphe, une époque et une culture définitivement révolue » (p. 8).  La conclusion a le grand mérite de présenter une synthèse signalant les modèles, les influences, l’animosité comme l’admiration dont il a fait l’objet, de définir son art de la scène et de proposer un bilan de la diffusion de ses ballets.  Noverre s’est largement imposé comme théoricien, penseur et philosophe, et finalement comme « un artiste européen au siècle des Lumières ». Ce nouvel éclairage à découvrir, grâce à 21 articles étayés de documents, correspondances, sources d’archives et de tableaux synoptiques, représente un incontournable apport à l’historiographie de la danse.

 

Édith Weber.

 

 

Françoise FERRAND (Sous la direction de) :  Guide de la musique de la Renaissance.  « Les indispensables de la musique », Fayard.  13,5 x 20 cm, 1 240 p., ex. mus.  39 €.

Dans le droit fil du Guide de la musique au Moyen Âge (Fayard, 1999), ce fort volume comporte deux parties : Caractères généraux (l’humanisme, le langage, la théorie, les formes, les instruments…) / Différents acteurs de la vie musicale (compositeurs, interprètes, souverains et autres mécènes), cadres & formes propres à chaque entité géopolitique.  Riche des communications de vingt-sept de nos meilleurs spécialistes européens, voilà, pour tout étudiant ou chercheur, un irremplaçable outil de travail, non moins que, pour tout mélomane, une référence.

 

 

 

Françoise REGNARD & Lucie MOTTIER LOPEZ (Sous la direction de) : Former à l’enseignement musical.  Pratiques & problématiques évaluatives.  Hommage à Henri Pousseur. « Sciences de l’éducation musicale », L’Harmattan (www.librairieharmattan.com).  15,5 x 24 cm, 284 p., ex. mus.  25 €.

Issu des Journées francophones de recherche en Éducation musicale (JFREM) qui se tenaient en février 2010, cet ouvrage réunit – en hommage au grand pédagogue Henri Pousseur (1929-2009) - des contributions de spécialistes belges, canadiens, suisses et français.  Trois sections : La formation / Hommage à Henri Pousseur / Les valeurs.  Communications de : Pierre Bartholomée, Thomas Bolliger, Gilles Boudinet, Jacqueline Bruckert, Francis Danvers, Claude Dauphin, Pascal Decroupet, Jean-Marie de Ketele, Claude-Henri Joubert, Dany Laveault, Jacques Moreau, Lucie Mottier-Lopez, Anne Perreard Vite, Marie-Hélène Popelard, Françoise Regnard, Jean-Marie Rens, Bernard Rey, Éric Sprogis, Jean-Claire Vançon.

 

 

 

Jean-Nicolas de SURMONT (Sous la direction de) : « M’amie, faites-moi un bouquet… »  Mélanges posthumes autour de l’œuvre de Conrad Laforte, publiés avec la collaboration de Serge Gauthier. « Les archives de folklore 30 », Presses de l’Université Laval (www.pulaval.com) / éditions Charlevoix.  15 x 23 cm, 334 p., tableaux, ill. n&b, ex. mus.

Évoquant la prédilection de l’archiviste Conrad Laforte (1921-2008) pour le symbolisme des fleurs dans la chanson médiévale, le titre du présent ouvrage recouvre un ensemble de témoignages & d’études.  Sous la plume d’une vingtaine d’auteurs européens et nord-américains, sont notamment passés au crible ses deux grands ouvrages : Catalogue de la chanson folklorique française en 6 volumes (1977-1987) et Poétiques de la chanson traditionnelle française (1993, 2e édition).  En huit parties : Conrad Laforte, propos personnels & témoignages de collègues / Quand la transmission orale voisine avec l’histoire / Analyse de corpus / Portraits d’influents folkloristes québécois / Autour du conte, en France et au Québec / L’informatisation de la tradition orale d’expression française / Le contact avec les informateurs, le terrain de l’enquête / Le travail d’analyse interne d’une chanson, un exemple wallon.  Très riche bibliographie.  Sur le folklore francophone, une somme sans précédent.

 

 

 

Donald Flanell FRIEDMAN : Ida Rubinstein (1883-1960).  Le roman d’une vie d’artiste. Traduit de l’américain par Monique Briend-Walker. Salvator (www.editions-salvator.com).  15 x 22,5 cm, 318 p., cahier de photos couleurs.  22 €.

Où l’on voit la célèbre danseuse et mécène de la Belle Époque & des Années folles incarner tour à tour : Salomé, Cléopâtre, Shéhérazade, saint Sébastien, Hélène de Sparte, Jeanne d’Arc…  De mœurs extravagantes, la belle Ida croisa notamment : Diaghilev, Montesquiou, Sarah Bernhardt, D’Annunzio, Debussy, Claudel, Honegger, Ravel…  Parcours scandaleux s’achevant – comme de juste - sur une retraite mystique… Biographie littérairement exaltée – au risque assumé du ridicule.

 

 

 

Jérôme ORSINI : Au début et autour, Steve Reich.  Une pure fiction/ « Cadratins », Les éditions Chemin de ronde (www.cheminderonde.net).  Distr. Vrin.  11 x 18 cm, 64 p.  8 €.

Bref essai en 20 paragraphes.  Ou comment Reich parvient à sortir de la tradition savante européenne en créant  de nouveaux canons musicaux - répétant, décalant, cherchant au cœur du son lui-même, inventant la « musique de phase »…

 

 

 

Mathieu TOUZOT : Eh bien maintenant, parlons Musique !  « Arabesque »,  The Book Edition (www.thebookedition.com).  11 x 20 cm, 68 p. 9,50 €.

 En 13 brévissimes chapitres, le guitariste & enseignant Mathieu Touzot nous livre ses « réflexions philosophiques, pédagogiques et sociétales sur les rapports de la musique, des musiciens et du public » - le tout assorti de chroniques diffusées sur la radio associative D4B.

 

 

 

Revue Circuit volume 21, n°3 (2011) : Musique automatiste ? Pierre Mercure et le Refus global.   Les Presses de l’Université de Montréal (www.revuecircuit.ca).  21,5 x 23 cm, ill. n&b, ex. mus.

Figure de proue de l’avant-garde musicale dans le Québec d’après-guerre, Pierre Mercure (1927-1966) méritait certes que la prestigieuse revue Circuit lui consacre une nouvelle livraison.  Sommaire : Cinquante ans et une Semaine (Claudine Caron & Jonathan Goldman) / Pierre Mercure à l’affiche de spectacles de danse (Claudine Caron) / Débat entre Claude Gauvreau & Pierre Mercure autour du Vampire et la nymphomane (Gilles Lapointe) / Relationship beetween Dance and Music in the works of Jeanne Renaud and Françoise Sullivan, 1848-1950 (Allana C. Lindgren) / Pierre Mercure, Gilles Tremblay et quelques autres compositeurs canadiens  aux Ferienkurse à Darmstadt, 1950-1960 (Jean Boivin) / Construction du champ identitaire de la musique actuelle en Amérique du Nord (Sophie Stévance).  Document : Table ronde de 1961 autour d’Incandescence de P. Mercure.  Cahier d’analyse : Triptyque et Lignes et points de Pierre Mercure.

 

 

 

Jean-Louis CUPERS (Sous la direction de) : Synesthésie & rencontre des arts.  Hommage au professeur Jean Heiderscheidt.  « Lettres », Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles (www.fusl.ac.be). 15,5 x 23 cm, 192 p., cahier d’ill. couleurs.  40 €.

Trois parties : Hommages à Jean Heiderscheidt, par les universitaires Jean-Pierre Nandrin & Sonja Vanerlinden / La synesthésie, par le peintre Jean Goris, le sculpteur Corinne D’Anastasi & le musicien Paul Baudoin Michel (La synopsie chez Messiaen) / L’approche musico-littéraire, par Paul Hadermann (Essai de définition de la synesthésie) & Daniel Paquette (Le piano à couleurs - hommage au clavecin oculaire du père Castel).  Pour déjà fervents adeptes…

 

 

 

Les Cahiers du jazz n°8.  2011, nouvelle série. Dossier « Marciac ».  Outre mesure (www.outre-mesure.net).  14,5 x 21 cm, 176 p., ill.n&b, ex. mus.  15 €. 

Outre le dossier consacré au prestigieux festival « Jazz in Marciac » (JIM) - auquel ont participé d’aussi éminents spécialistes que Lucien Malson, Jean-Louis Chautemps, Jacques Aboucaya, Roger Lajus, Marianne Pradem, Rosemonde Cathala, André Clergeat, Évelyne Monnet, Jacques Muyal, Alain Gerber, Bernadette Faget, Michel Laplace, Ludovic Florin, Pierre Boussaguet et Riccardo Del Fra -, cette livraison comporte les rubriques : textes, relations d’événements, bibliographie, témoignages et « Anachroniques » (Le piano d’après-guerre par Henri Renaud / Portrait d’Erroll Garner par Mimi Clar).

 

 

 

Pierre SÉRISIER, Marjolaine BOUTET & Joël BASSAGET : Sériescopie. Guide thématique des séries télé.  « Culture pop », Ellipses (www.editions-ellipses.fr).  16,5 x 24 cm, 690 p.  23 €.

Pierre Sérisier (journaliste), Marjolaine Boutet (historienne) & Joël Bassaget (scénariste) ont conjugué leurs talents pour établir cette somme - quasi exhaustive - des séries qui auront fait notre télévision.  À la fois symptomatiques et pionnières, les fictions télé ne rendent-elles pas compte de la réalité, tout en anticipant ses évolutions ?  Une centaine de thèmes sont ici explorés, plus de 800 séries citées, dont 300 détaillées.  Têtes de chapitre : Hommes, femmes, mode d’emploi / À la maison / La vie de tous les jours / L’argent / La médecine / La religion / Les institutions / L’Histoire / Les mondes imaginaires.  En annexes : bibliographie, fiches techniques des séries citées, index nominum.  Pour « téléphages » certes, mais aussi tout curieux de l’évolution de nos sociétés.

 

 

 

Thomas ROUSSOT : Bertrand Cantat.  Entre éthique du dégagement & immanence du contrôle.  L’Harmattan (www.librairieharmattan.com).  12,5 x 21,5 cm, 106 p., discographie. 13 €.

Hagiographie d’un artiste ayant « traversé les océans du vide & le chaos de la tragédie pure » (sic).  En 6 chapitres : Pyromane à temps complet / Ils s’aimaient à l’arrière des taxis / En route pour la joie / Soyons désinvoltes, n’ayons l’air de rien / À chacun sa prière, sa nouvelle aube mystique / Le secret de Vilnius, élégie pour une possession.

 

 

 

POUR LES PLUS JEUNES

David RIVIÈRE (Un conte musical de) : Victor et les voix du musée.  Illustrations : Denis Deprez.  « Musicomusée », éditions de Radio France (www.kiosque.radiofrance.fr) : FRF 010.  CD inclus (TT : 33’18).  Distr. Harmonia Mundi.

Dans ce superbe coffret, composé d’un livret de 46 pages (illustrations inspirées des collections permanentes du Petit Palais) & d’un CD (extraits d’œuvres de Rimski-Korsakov, Chostakovitch, Haydn, Beethoven, Ravel, Janáček, Debussy et Dvořák), nous est conté l’aventure du jeune Victor qui, la nuit suivant une ennuyeuse visite du Petit Palais, fait en rêve un merveilleux voyage, où il découvre les voix et la musique des tableaux de ce musée.  Avec le concours de Pauline Lorillard, récitante, et d’un quatuor de musiciens de l’Orchestre national de France : David Rivière & Nicolas Vasnier (violons), Emmanuel Blanc (alto), Alexandre Giordan (violoncelle).

 

 

 

Julie et les sortilèges.  Livre/CD. Un conte d’Isabelle Lecerf-Dutilloy, sur les Visions fugitives de Sergueï Prokofiev.  Anacrouse (www.anacrouse.net).  Album cartonné, 21,5 x 21,5 cm, 42 p. ill. couleurs.  24,50 €.

Il se passe d’étranges choses dans le château que les parents de Julie viennent d’acquérir - mystères qu’elle éclaircira avec le concours de son ami Hans le lutin.  Le tout illustré de 15 Visions fugitives de Prokofiev, orchestrées ou jouées au piano par Isabelle Lecerf-Dutilloy soi-même.  Sur des musiques propices au rêve, un conte fantastique…  Pages à dessiner & colorier.

 

Francis Cousté.

 

Olivier BALAZUC : L’enfant et la nuit.  Illustrations : Emmanuel Polanco.  « Giboulées », Gallimard/Jeunesse.  Livre-CD (TT : 52’29).  64 p. À partir de 7 ans.  22 €.

La nuit tombe dans la chambre de Virgile et de sa sœur : c’est le moment d’aller dormir.  Mais la petite fille a peur du noir et leur mère, malade, repose à l’autre bout du couloir. Virgile promet de la guérir en ramenant la lumière du jour.  Pour tenir sa promesse, il traverse alors une nuit peuplée de créatures féeriques et inquiétantes : la reine Noctilia, qui recueille les larmes des enfants pour son élixir de beauté éternelle, Évariste, un scientifique véreux, Mister W, un chasseur de rêves et Yorick, un clown désespéré.  Incarné par des enfants, avec des enfants et pour les enfants, ce voyage au bout de la nuit est un hymne à l’imaginaire et à la vie.

Créé en Suisse, en octobre 2010, L’enfant et la nuit sera repris en France, à Angers-Nantes Opéra, fin janvier 2012, puis tournera : Draguignan, Valence, Marseille, Divonne… (Programmation encore sous réserve.)

C’est un conte lyrique, avec le CD du spectacle - voyage à travers les genres et les influences… Mis en musique par Franck Villard, avec 4 musiciens (pianistes & percussionnistes), des acteurs et des chanteurs - dont les enfants de la Maîtrise de la Perverie de Nantes.

La place des œuvres lyriques pour enfants reste restreinte, en dehors des classiques (Pierre et le loup…).  Il est rare, en effet, que des créateurs s’adressent au jeune public, pourtant singulièrement ouvert et sensible…

 

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Laëtitia Girard.



L’harmonicorde de Lefébure-Wely.  « Référence Harmonium », vol. 2.  VDE Gallo (info@vdegallo.ch) : CD1327.  TT : 69’47.

Le volume 2 de la collection « Référence Harmonium » permet de découvrir l’harmonicorde, instrument conçu en 1851, présenté à Londres à l’Exposition de 1862.  Comme le rappelle Michel Dichterlen - le grand spécialiste de l’harmonium - « quelques œuvres furent composées pour cet instrument, entre autres par Lefébure-Wely et même par Rossini dans sa Messe solennelle accompagnée par 2 pianos et un harmonicorde, instrument typique du Second Empire.  Joris Verdin, à l’instrument Debain, interprète Trois Suites de Louis-James-Alfred Lefébure-Wely (1817-1869), organiste de La Madeleine et de Saint-Sulpice, bien connu par son ouvrage L’Organiste moderne, ses talents d’improvisateur et ses compositions quelque peu légères.  Curiosité organologique et discographique.

 

 

Trio Éléonore.  VDE-Gallo (info@vdegallo.ch) : CD-1233.  TT : 66’52.

Le Trio Éléonore, établi à Genève, comprend la Sud-coréenne Mi-Kyung Kim (violoncelle), la Brésilienne Ivani Venturieri (piano) et l’Israélienne Anat Kolodny (clarinette) qui forment une équipe très soudée et bien équilibrée. Des discophiles parisiens ont eu le privilège de les admirer et de les entendre récemment au Foyer du Châtelet, à l’initiative d’Integral Distribution et d’Olivier Buttex, directeur des éditions VDE-Gallo, dont le vaste catalogue si varié force l’admiration.  Ces trois grandes dames, dignes de la reine Éléonore (d’Aquitaine), leur « patronyme », raviront les amateurs de musique sortant des sentiers battus par les 8 Pièces, op. 83 (1908) de Max Bruch (1838-1920), dont la Mélodie roumaine complète l’aspect cosmopolite ; avec le Trio-Miniaturen op. 18 (1901-1904/1920) de Paul Juon (1872-1940) et, en premier enregistrement mondial, la Hassidic Fantasy (1954) de Joachim Stutschewsky (1891-1982).  Quelle merveilleuse connivence entre les interprètes : disque original, neuf, irrésistible.

 

 

 

Patrimoine.  Triton (www.disques-triton.com) : TRI 331166.  Intégral Distribution. TT : 63’48.

Les disques Triton, toujours à l’affût d’un répertoire hors des sentiers battus, propose sous le titre Patrimoine des arrangements pour accordéon de la Toccata en do mineur BWV 911 de J. S. Bach : curieusement, les sonorités de l’accordéon se rapprochent quelque peu de celles de l’orgue, avec une certaine surcharge ; de la Sonate en sib majeur K.333, de W. A. Mozart, avec un effet plus chantant qu’au piano. La Phantasie 84 de Jürgen Ganzer, né en 1950, compositeur et accordéoniste très ouvert sur le folklore,  la musique électroacoustique, le jazz…, nécessite une grande virtuosité de la part de l’accordéoniste.  La Sequenza XIII « Chanson » de Luciano Berio (1925-2003) et le De Profundis de Sofia Gubaidulina (née en 1931) sont composés pour accordéon de concert.  Philippe Bourlois a adapté les deux œuvres avec musicalité, met en valeur l’écriture contrapuntique comme les lignes mélodiques et la palette expressive insoupçonnée. Il réserve un sort royal aux deux pièces pour accordéon, auxquelles il confère ses lettres de noblesse.

 

 

 

Padre Antonio SOLER : Los Villancicos.  Jade (www.jade-music.net) : 699 743-2.  TT : 56’39.

Le talentueux chef Jean-Michel Hasler a été séduit par «  le cas du Padre Antonio Soler [qui] n’est pas unique : il résume ce merveilleux foisonnement de la pensée musicale espagnole où le modernisme est vite tempéré par les références omniprésentes au passé… »  Cette citation peut s’appliquer aux œuvres du programme de ces Villancicos, genre traditionnel espagnol, poétique et musical, lyrique, apparenté au virelai français médiéval.  Ces chants de Noël remontent au XVIe siècle, et sont proches du théâtre populaire et d’une histoire racontée.  Les Villancicos du Père Antonio Soler (1729-1783), élève de Domenico Scarlatti, destinés aux enfants, sont chantés par l’Escolania des Petits Chanteurs de l’Abbaye de Santa Cruz, avec le concours de Luis Alvarez (baryton) et Pierre Catala (ténor), soutenus par l’Ensemble baroque Pygmalion.  Ils rendent à merveille, avec une excellente diction, l’élan, la légèreté, le caractère pastoral et la joie de Noël.  Irrésistible.

 

 

 

Musiques juives baroques. Venise, Mantoue, Amsterdam (1623-1774).  Buda Musique (www.budamusique.com) : 860212.  Distr. Socadisc.  TT : 79’45.

Ce 10e disque de la collection « Patrimoines musicaux des Juifs de France » (Fondation du Judaïsme français) se veut un émouvant hommage au musicologue Israel Adler (décédé en 2009), spécialiste incontesté des musiques juives.  Dans sa thèse (Sorbonne), à partir de solides sources d’archives (sources écrites, correspondances, documents musicaux), il a fait revivre, entre autres, le répertoire du Comtat Venaissin ; il le situe dans ses divers contextes historiques, par rapport aux sensibilités religieuses et à la musique savante du monde chrétien. À l’origine de cet enregistrement, Hervé Roten rappelle que les 13 pièces musicales « forment un témoignage unique de la richesse de cette pratique musicale juive, de l’époque baroque jusqu’au début du style galant ».  Ce CD l’illustre telle qu’elle était entendue, non seulement à Venise et Mantoue (où les musiciens juifs comme Salamone Rossi étaient accueillis), mais encore à Amsterdam (où de nombreuses familles juives portugaises encourageaient les concerts d’opéras et de cantates), entre 1623 et 1774.  Le répertoire comportait alors des œuvres de circonstance (pour le Chabbat, la Fête de Soukkot…) ou encore la prière en araméen et en hébreu : le Qadisch, chœur à 5 voix de S. Rossi et des oratorios bibliques. C’est le cas d’Ester-Oratorio, « sorte d’opéra basé sur une histoire biblique » dont le manuscrit de Cristiano Giuseppe Lidarti sur le livret du rabbin Saraval, datant de 1774, a été identifié par I. Adler et, après reconstitution, créé à Jérusalem en mai 2000, puis en France en 2003 et enregistré au Festival de Radio France et Montpellier.  La parenté esthétique entre baroque tardif et début du classicisme est évidente, comme il ressort de ces diverses œuvres de Salamone Rossi (Mantoue, Venise, 1623) et d’Abraham Caceres (Amsterdam, 1738).  Le texte de présentation bilingue, comportant de nombreuses références bibliographiques et témoignages du regretté Israel Adler, ainsi que l’interprétation de l’Ensemble Texto, sous la direction de David Klein, sont un modèle du genre.  Cette réalisation a sa place indispensable dans toute discothèque de musique religieuse.

 

 

 

 

Jean-Sébastien BACH : La chair et l’esprit.  Alpha (stephanie@outhere-music.com) : Alpha 889.  Coffret (livret, 6 CDs).  TT : 73’10 ; 77’43 ; 64’ 5 ; 79’53 ; 79’34 ; 65’12.

Ce somptueux coffret, aussi défini par le titre : Musik für Himmel und Erde (Musique pour le Ciel et la Terre), est structuré en 6 catégories : Cordes frottées ; Cordes pincées et cordes frappées ; Du clavecin à l’orgue ; Grands effectifs profanes ; Musique sacrée ; Open Bach faisant chacune l’objet d’un CD, accompagné d’un livret très explicite (193 p. et de nombreuses illustrations hors texte).  Pour justifier le titre, J. Dubois place en exergue l’affirmation de R. Descartes : « Tous les sens sont capables de quelque plaisir » (Compendium Musicae, ca 1618), et précise son objectif en ces termes : « Nous proposons ici une expérience hédoniste sur J. S. Bach, où l’amateur de musique pourra voyager librement à travers textes, musiques et illustrations.  Notre but est non pas d’instruire, mais d’inviter l’amateur à redécouvrir Bach, l’homme et le musicien.  Peut-être aussi de tenter de rompre avec l’image austère et néo-romantique du compositeur, qui est encore présente ».  Il s’agit donc d’une mise au point qui, pour l’illustration musicale, fera appel à une foultitude d’interprètes bien connus et privilégiés par le catalogue Alpha, par exemple B. Foccroulle (orgue), C. Frisch (clavecin) et, pour la musique sacrée, Gustav Leonhardt, le Ricercar Consort, parmi tant d’autres…  Plus énigmatique, le 6e disque comprend des extraits du Notenbüchlein, mais aussi (et de façon inattendue), sous le titre :  « Bach/Coltrane », les sonorités des saxophones, clarinettes, percussions, contrebasses, violons et violoncelles pour une illustration de deux contrepoints de L’Art de la fugue, avec même une Improvisation de Raphaël Imbert, ou encore la Partita n°2 à l’accordéon...  Quelque peu insolites pour certains, ces transcriptions et arrangements n’enlèvent rien à la valeur de cette ouverture sur Jean-Sébastien Bach grâce à cette judicieuse compilation d’œuvres.  L’intérêt n’en échappera pas aux discophiles, également heureux de retrouver, sous la plume de Gilles Cantagrel, des flashs percutants sur la vie, le métier, les fonctions diverses débouchant sur la « fortune posthume » du prolifique Cantor de Leipzig et de sa « musique pour le Ciel et la Terre », pour toutes les circonstances de la vie et pour tous les temps.

 

 

 

Wolfgang Amadeus MOZART : Requiem KV626.  Daniel HESS : Tageszeitlosen.   2 CDs VDE-Gallo (info@vdegallo.ch) : CD1344-1345.  TT : 48’51 + 34’31.

Le Requiem de Mozart, encore et toujours, souvent galvaudé... mais voici une version de référence : épurée, posée, expressive, qui, dès les premières mesures, s’impose par son calme, son intériorité, ses tempi  judicieusement contrastés, grâce à la concentration des interprètes : K. Benz-Wicki (soprano), S. Mathys (mezzosoprano), M. L. Müller (ténor), R. Mayr (basse), l’ensemble Coro Cantarina, tous placés sous la direction si avisée d’Albert Benz. Cette version brille par son élégance, sa minutie dans le choix des nuances, son intériorité comme son élan lorsque la partition l’exige.

Le second disque, œuvre de commande de l’ensemble Coro Cantarina à Daniel Hess, sur le texte de Hugo Bollschweiler, intitulé : Tageszeitlosen (ou : Le grand calendrier-Der grosse Kalender), fait appel à un récitant et à une bande magnétique, en plus du chœur à 5 voix et de 3 solistes (soprano, alto, ténor), des hautbois, cor anglais, orgue et orchestre.  Le texte met en valeur les sonorités de la langue allemande avec des allitérations et un vocabulaire poétique particulièrement recherché.  Il s’agit d’une œuvre concertante, dans le langage contemporain, avec des éléments de musique tonale, sérielle, dodécaphonique, aléatoire créant une atmosphère quelque peu intemporelle, traduisant l’absurdité et les contradictions de ce monde, avec des figures allégoriques et de très fortes oppositions : bonheur/deuil, tristesse/consolation, ascension/dégringolade, kiosque de gare/arrêt du tram, mort/naissance, goût à la vie/précipice.  Le duo d’amour est suivi de la complainte de la veuve près de la tombe de son époux, où fusionnent deuil, consolation, souvenirs (grâce aux extraits rendus par la bande magnétique).  Effets parfois étranges, mais réussite du genre de « musique avec scène dramatique ».  Les éditions VDE-Gallo ont eu fort raison de graver pour la postérité, en premier enregistrement mondial, cette œuvre (2009), vraie synthèse des moyens compositionnels des XXe et XXIe siècles et qui attirera l’attention des discophiles curieux.

 

 

 

African Gospel.  Jade (www.jade-music.net) : 699 745-2.   TT : 54’55.

Le chœur congolais « La Grâce », créé en 1985, a largement contribué au réveil du chant choral et à la promotion de la musique chorale en Afrique, et notamment au Congo où environ 212 langues sont pratiquées et où la tradition orale très vivante permet de conserver des mélodies…  Parmi ces 8 chants, certains sont d’essence religieuse, d’autres profane ; ils sont enlevés avec volubilité, rythme et entrain, sous la direction énergique d’Ambroise Kua-Nzambi Toko, en faisant alterner les voix d’hommes et de femmes qui se répondent, sans oublier les bruitages suggestifs et les instruments de synthèse.  Si Losaka efula (Merci beaucoup), Luwa ndinga (Écoutez la voix), Biso e biso e (Nous, nous…) présentent une connotation nettement plus africaine, d’autres chants sont plus proches du gospel.

 

 

 

Je m’appelle Bernadette.  Jade (www.jade-music.net) : 699 746-2.   TT : 52’52.

Ce titre concerne la bande originale du film de Jean Sagols avec la musique de Gérard Salesses ; il évoque d’une part, le caractère de Bernadette, ses apparitions (à Lourdes), sa marche vers la Grotte, la Prison, le Procès ; d’autre part, les grands moments de sa vie : Adoration, Offrande, Plénitude, Bonheur.  Le n°16,  La Robe, est interprété au piano par le compositeur, et la conclusion Je m’appelle Bernadette faisant le pont avec l’introduction, par la voix de l’actrice Katia Miran dans le rôle-titre.  L’Orchestre de Toulouse et de Bertrand Laud-Bach fait revivre en musique ce miracle avec sensibilité et émotion, conformément à l’affirmation de G. Salesses : « la musique a toujours été très importante dans un film, elle donne son « humeur » à l’histoire, elle en accentue le sens (…) si vous retirez la musique, vous retirez l’émotion ».

 

 

 

Bertrand de BACILLY ou l’art d’orner le « beau chant ». Airs inédits. Première mondiale. Saphir Productions (maxence@saphirproductions.net) : LVC 1126.  TT : 64’30.

Ce disque a valeur de démonstration car, pour respecter l’esprit du temps, les interprètes se réfèrent aux principes et conseils concernant la science du beau chant prodigués par Bertrand de Bacilly, né en 1621 et mort à Paris, le 27 septembre 1690, chanteur, compositeur, théoricien et pédagogue.  Le programme comporte des airs profanes et fait état d’un manuscrit d’Airs sérieux et à boire (1660-1680), découvert récemment.  Au siècle de Louis XIV, l’esthétique musicale met l’accent sur le caractère aimable, mondain et raffiné, et ce CD a le mérite de présenter, en première mondiale, certains Airs français inédits notamment de B. de Bacilly, avec leur second couplet en diminution.  Pour l’ornementation, ils ne comportent que de rares précisions écrites, toutefois ils sont interprétés en connaissance de cause par la soprano Monique Zanetti et la basse Paul Willenbrock, accompagnés par l’ensemble « A deux Violes Esgales » comprenant quelques instruments historiques : luth baroque, archiluth et théorbe. Quelques œuvres instrumentales de Nicolas Hotman, François Dufaut et du sieur de Sainte-Colombe, issues de la danse : Courantes, Allemandes, Chaconne et une Fantaisie de violes de Louis Couperin complètent cet enregistrement d’œuvres typiques du Grand Siècle.  Apport incontournable à la tradition lyrique française, grâce à cette réalisation originale des éditions Saphir Productions.

 

 

 

« A due organi ».   VDE-Gallo (info@vdegallo.ch) : 1356. TT : 72’55.

La cathédrale d’Asti, avec une remarquable acoustique, possède deux orgues historiques face à face, construits par Liborio Grisanti et les frères Serassi. Le premier (1768) est typique de la facture de l’école napolitaine, avec des sonorités brillantes et raffinées et des « registres de concerts ».  Il a été restauré par les frères Serassi de Bergame en 1865, puis, en 2009, par la Manufacture d’orgue Dell’Orto & Lanzini de Dormelletto (Arona).  Le second (1844) se rattache à la facture lombarde ; son plein jeu est imposant et il comprend aussi des registres de concerts.  En 1865, un écho lui a été ajouté.  Il a subi des transformations et des restaurations et, en 2002, la Manufacture d’orgue Dell’Orto & Lanzini de Dormelletto a rapproché l’instrument de son état d’origine.  Rodolfo Bellatti, organiste titulaire du temple réformé de Neuchâtel, et Nicola Cittadin, organiste titulaire de l’église réformée de Hinwil, proposent un programme  tout à fait adapté aux nombreuses possibilités de timbres et de registres de ces deux orgues historiques complémentaires, représentant les formes traditionnelles de la musique d’orgue : Concertos, Canzone, Sonates et Variations.  Ce programme comprend des transcriptions de Guy Bovet, R. Bellatti et N. Cittadin, des pages de G. Gabrieli et Viadana. À noter une curiosité : la Sinfonia de L’Italienne à Alger de G. Rossini et, plus proches de nous, un anachronisme par rapport à la facture des instruments : les Variations sur un thème pascal « O filii et filiae » de John Rutter (né en 1945).  La transcription la plus classique effectuée par les deux organistes concerne le Concerto n°16 en Fa de G. Fr. Haendel, avec l’Ouverture et la Marche majestueuses et bien enlevées et l’Adagio et l’Andante particulièrement méditatifs.  Un réussite des disques Gallo, grâce à la parfaite adéquation entre factures et œuvres interprétées.

 

 

 

La Messe de la Sorbonne.  PUPS (http://pups.paris-sorbonne.fr) - Libreria Editrice Vaticana, 2011, 65 p. (+ CD encarté).  20 €.

Ce « Livre-CD » comptera dans les annales de la collection « Musique Écritures » des PUPS.  Il s’impose d’emblée par sa présentation impeccable, son aspect codicologique, ses illustrations du plus haut intérêt (notation musicale d’époque) et un enregistrement.  Le manuscrit de cette Messe est conservé à la Bibliothèque d’Art et de Musicologie de l’Université Paris-Sorbonne : il s’agit d’un double feuillet de parchemin ayant, selon l’usage du temps, servi de couverture pour un registre de la Paroisse de Dambelin (Doubs) et redécouvert au XIXe siècle par l’abbé Richard.  Les lecteurs seront intéressés par l’histoire de ce manuscrit (d’abord conservé à l’Institut de Musicologie) et intitulé : Messe de Besançon par Jacques Chailley qui l’a retrouvée en octobre 1952.  L’historique de Frédéric Billiet présente ce fragment dans le cadre du séjour des Papes en Avignon ; Isabelle Ragnard, dans celui des Messes polyphoniques du XIVe siècle, elle en propose une description codicologique très précise (structure, contenu, illustrations…).  Raphaël Picazos a le mérite d’en avoir transcrit, restauré et recomposé les parties perdues.  Il met l’accent sur le matériel existant, son hypothèse de reconstitution et ses critères méthodologiques particulièrement solides.  Enfin, les remarquables clichés de plusieurs folios par Olivier Jacquet sont encore complétés par des conseils de R. Picazos relatifs à la lecture de la transcription diplomatique suivie de la version restaurée. L’indéniable valeur historique et codicologique de cette publication est encore rehaussée par l’enregistrement (Kyrie-Gloria-Sanctus-Agnus Dei-Benedicamus) réalisé par les étudiants et enseignants du Master professionnel « Pratique de la musique médiévale » (Université Paris-Sorbonne), dirigés en connaissance de cause par Benjamin Bagby et Katarina Livljanic.  Ils ont bravé toutes les difficultés (interprétation, effectif, prononciation du latin médiéval, couleur vocale…). Les PUPS ont signé un chef-d’œuvre éditorial : rare exemple de pluridisciplinarité et de complémentarité entre musicologues, médiévistes, spécialistes du contrepoint médiéval, codicologues et chanteurs, permettant de suivre cette Messe depuis ses sources manuscrites et lieux de conservation, à travers la réalisation et la transcription, jusqu’à sa restitution sonore.

 

Édith Weber.

 

 

François-André PHILIDOR : Sancho Pança.  Opéra bouffe en un acte.  Livret d’Antoine-Alexandre-Henri Poinsinet.  Darren Perry, Elisabeth Calleo, Karim Sulayman, Meghan McCall, Tony Boutté, Eric Christopher Black, Andrew Savageau.  Opera Lafayette Orchestra, dir. Ryan Brown.  Naxos : 8.660274.  TT : 57'.

Il est heureux de pouvoir découvrir les mérites de ces compositeurs qui, au XVIIIe siècle, ont tant apporté au répertoire français, de l'opéra-comique en particulier.  François-André Philidor (1726-1795), brillant exemple d'une famille de musiciens, est, aux côtés de Monsigny ou de Grétry, assurément de ceux qui ont assuré au genre naissant ses premiers titres de gloire.  Il sera beaucoup apprécié, Diderot n'hésitant pas à l'appeler « Philidor le subtil ».  Le court opéra-bouffe, Sancho Pança, gouverneur dans l'île de Barataria (1762) est le quatrième de sa dizaine d'opus scéniques.  Il bénéficie du livret d’Antoine Poinsinet, lequel a puisé dans la saga du Don Quichotte de Cervantes, les aventures de Sancho en tant que gouverneur d'une île imaginaire.  S'il est, certes, sans conséquence pour l'histoire de la dramaturgie, il est prétexte à des airs bien troussés, le musicien étant vraiment inspiré par cette histoire d'amours contrariés et une poignée de caractères finement comiques.  Ainsi de l'air d'entrée du personnage titre, « Je veux que Sancho Pança brille » ou plus avant, les pages où celui-ci conte fleurette à une certaine Juliette et lui assure, sans vergogne, « vous serez ma dulcinée », laissant pour compte son actuelle épouse.  Ladite Juliette se voit dotée, entre autres, d'une aria originale sur accompagnement de hautbois, munie de force trilles.  L'épouse, Thérèse, est plus acariâtre. Après moult péripéties domestiques, tout finira dans un vaudeville enlevé, avec couplets et refrain : «  il faut quoiqu'il arrive, que chacun vive dans son état » dont, pour ne citer que ceux-là, «  le magistrat pour rendre la justice, le médecin pour soulager les gens ».  La musique est brillante, et s'il n'y a pas d'ouverture, le flux en progresse fort habilement, ponctué de duos, souvent l'heure de savoureux quiproquos.  L'exécution de l'Opéra Lafayette de Washington DC est agréable, grâce à la direction de son chef et mentor, Ryan Brown qui fait montre d'une sûre maîtrise de cet idiome et inculque à ses chanteurs le vrai goût de la prose française.  La diction est, au demeurant, impeccable et sans le moindre accent.  Parmi un brelan de ténors jamais mièvres ni fats, et de sopranos graciles et amusantes, le Sancho de Darren Perry, un rôle finement pensé dans le registre de baryton, est drôle et parfaitement vocalisé.

 

 

 

Antonio VIVALDI : « Concertos pour violoncelle ».  Sinfonia en ut majeur, RV 709.  Concertos pour violoncelle en sol mineur, RV 416, en fa majeur, RV 412, en si mineur, RV 424, en la mineur, RV 419.  Concerto en ut majeur, RV 114.  Concertos pour deux violons, violoncelle obligé & clavecin en sol mineur, KV 416, et pour deux violons, violoncelle cordes & continuo en  mineur, KV 565.   Antonio CALDARA : Sinfonias en la mineur et sol mineur.  Jean-Guihen Queyras, violoncelle.  Akademie für Alte Musik Berlin, dir. Georg Kallweit.  Harmonia Mundi : HMC 902095.  TT : 68'32.

Vivaldi n’a composé pas moins de 27 concertos de violoncelle.  À cet égard,  il a largement contribué au mouvement d'émancipation de l'instrument, le sortant de son rôle d'accompagnateur pour lui donner ses lettres de noblesse comme soliste.  Il lui assigne aussi un élan virtuose, souvent d'une incroyable fertilité.  Le programme concocté par Jean-Guihen Queyras et le premier violon de l'ensemble Akademie für Alte Musik Berlin est original, en ce sens qu'au lieu d'égrener un chapelet de concertos pour ledit instrument, il en livre une sélection.  Les pièces choisies sont en effet placées au milieu de sinfonias et de pièces concertantes unissant le cello à d'autres solistes.  Autant dire un programme fait de ces contrastes qu'on apprécie au concert, et dont on aimerait plus souvent se régaler au disque.  Une magistrale ritournelle introduit le soliste dans le Concerto RV 412 qui tricote aisément sur un accompagnement gambadant des cordes.  On remarque aussi la suavité du violoncelle au larghetto, et un engageant finale. Le RV 424 se signale par son largo d'une profondeur abyssale dans le traitement de la sonorité de l'instrument soliste, tandis que les deux mouvements extrêmes sont parés de brillantes ritournelles.  Le RV 419 apporte encore d'autres éclairages, d'autres félicités de la part du soliste, un andante solaire en particulier. Dans certains morceaux, le violoncelle peut être associé à d'autres instruments : deux violons (RV 416 et RV 565).  Dans ce dernier cas, le cello se glisse finement dans le babillage préexistant des deux violons.  Le soliste n'intervient pas au deuxième mouvement.  Le violoncelle peut faire équipe encore avec le basson : au Concerto RV 409, le dialogue des deux débute dès les premières mesures adagio, avant que le basson ne s'efface petit à petit pour laisser à l'autre soliste le soin de soliloquer, décontracté.  On trouve encore des concertos dits ripieno, c'est-à-dire sans partie soliste.  Au Concerto RV 114, en deux parties, la seconde, ciacone, vive dans sa ritournelle, est introduite par une succession de trois accords.  Deux sinfonias font office de morceau d'ouverture ou d'intermède dans ce sympathique programme.  Ainsi de celle de l'opéra Dorilla in tempe (RV 709).  Deux autres, empruntées à Antonio Caldara, sont plus sombres.  Ce musicien a connu une production de musique instrumentale moins prolifique que celle du Prete rosso.  Plus que des ouvertures, ces pages sont d'amples compositions.  Conçues sur le modèle de la sonate d'église, savoir en quatre mouvements, suivant une coupe lent-rapide-lent-rapide, elles offrent de saisissantes harmonies.  Les interprétations dues à Jean-Guihen Queyras sont inscrites dans d'agréables accents orchestraux, et extrêmement vivantes.  Son violoncelle est aérien, clair, ne se voulant en rien vedette.  Il dit tenir de son collègue et aîné Anner Bylsma, de précieux conseils d'interprétation.  De fait, l'empathie avec le dire vivaldien est certaine.

 

 

 

Antonio VIVALDI : Concertos pour basson II.  Concertos en la mineur, RV 499, en do majeur, RV 472, en fa majeur, RV 90, en sol mineur, RV 496, en sib majeur, RV 504, en mib majeur, RV 483 et en do majeur, RV 470.  Sergio Azzolini, basson.  L'Aura Soava Cremona, dir. Diego Cantalupi.  Naïve : OP  30518.  TT : 76'40.

Vivaldi a écrit pour le basson quelque 39 concertos, tous dans sa dernière période créatrice (1720-1741).  Là encore, il venait au secours d'un instrument qui connaissait un relatif déclin depuis la fin du XVIIe siècle.  L'affinité de Vivaldi avec des instruments à la sonorité grave, comme aussi le violoncelle, est manifeste.  Ces pièces ont été composées, selon ce qu'en dit le Président de Brosse, pour les Ospedale vénitiens, même peut-être pour celui des demoiselles de la Pietà, dépositaires de tant de morceaux concertants en tous genres.  Ils ont une forme tripartite vif-lent-vif et se signalent par la richesse de leur accompagnement orchestral.  Le présent CD, le second de la série, présente un choix de pièces variées.  Une mine de traits audacieux : le RV 472 avec son introduction presque appuyée, le soliste doublé par le continuo.  Le RV 496 se signalant par une belle cadence à la fin du largo et par de vifs échanges entre soliste et cordes au finale, dont la vive ritournelle trouve encore à nous étonner.  Le travail sur les écarts, mettant en valeur la faconde de l'instrument, est saisissant.  Ainsi du concerto RV 504 qui livre un larghetto presque douloureux dans son accompagnement réduit au seul continuo, qu'enrichit l'orgue positif.  On y remarque le mètre mesuré cultivé par Vivaldi, d'une suprême efficacité dramatique.  L'art de débuter par un presto (RV 483), a quelque chose d'opératique dans sa ligne élégiaque.  Vivaldi emprunte là à son opéra Semiramide, et déploie un monde de richesse lyrique et de traits dynamiques aussi variés qu'inattendus.  Il peut recycler des pièces antérieures.  Ainsi un concerto pour hautbois renaît-il sous les traits du RV 470 : le musicien expérimente des combinaisons nouvelles.  Certes, la sonorité particulière du basson n'est pas toujours des plus amènes.  Il n'a pas le « sex appeal » du violon ou de la flûte.  Le legato est réduit, et la succession des notes peut confiner au caquètement.  Il peut même s'y produire des écarts frôlant le grotesque.  Mais il est difficile de résister au plaisir de l'écoute de ces exécutions si bien dosées, enrichies d'un ensemble instrumental de choix.  Tout au plus, faut-il ici consommer avec modération.  Le soliste Sergio Azzolini, formé à l'école du bassoniste Klaus Thunemann, allie la perfection sonore (des ppp évanescents, un débit ébouriffant) à une expression finement jugée, débarrassant ces pièces de toute monotonie.

 

 

 

Antonio VIVALDI : Teuzzone.  Dramma per musica en trois actes.  Livret de Apostolo Zeno. Paolo Lopez, Raffaella Milanesi, Delphine Galou, Roberta Mameli, Furio Zanasi, Antonio Giovanini, Makoto Sakurada.  Le Concert des Nations, dir. Jordi Savall.  3CDs Naïve : OP 30513.  TT : 64'58 + 48'36 + 46’.

Il Teuzonne est  ce qu'on appelle « l'opéra chinois » de Vivaldi.  Créé à Mantoue, lors du carnaval de 1719, alors que Vivaldi occupait le poste de compositeur-impresario du théâtre archiducal, à la cour du prince Philippe de Hesse-Darmstadt.  Donc, durant sa première période créatrice, féconde dans ce cas, car loin des turbulences de Venise.  C'est une épopée politico-amoureuse sur fond d'intrigues et rebondissements divers.  L'œuvre est bigarrée, par moment truculente même, baignée d'exotisme : la Chine, si lointaine, mais si présente dans l'imaginaire des Italiens du nord, eu égard aux voyages de Marco Polo.  Le livret de Zeno, déjà plusieurs fois mis en musique, est bien ficelé, n'étaient quelques tribulations un peu longuettes.  Vivaldi a conçu une succession d'airs entrecoupés de courts récitatifs.  Les airs sont de diverses factures, de bravoure ou élégiaque.  Il y aussi des duettos contrastant les voix (réunissant par exemple, sopraniste et contralto), et même deux petits chœurs, en fait, réunion de l'ensemble des protagonistes.  Des morceaux d'une virtuosité délirante cultivent le tempo preste, enjolivés de traits quasi colorature.  La faconde instrumentale est fascinante de par sa diversité et cette culture de l'expérimentation de mélodies nouvelles où excelle le Prete rosso, comme en témoigne aussi sa musique instrumentale.  L'orchestre est relevé de cuivres. Le présent disque a été enregistré lors des concerts donnés à l'Opéra royal de Versailles, durant le festival Vivaldi-Versailles, en juin dernier (cf. NL de 10/2011).  La vingtaine de musiciens du Concert des Nations se font une fête des couleurs baroques.  Jordi Savall adopte des tempos vivants, sans brusquerie. Le travail sur l'instrumentation est raffiné, attaques et ponctuations ménagées avec infiniment de goût, notamment pour ce qui est de l'interprète du théorbe et de la guitare baroque.  Les rythmes de ritournelle offrent une agréable élasticité.  Quelques accents volontaristes dans les fins de phrases apportent un sentiment d'urgence dramatique.  L'interprétation vocale est contrastée, la fatigue semblant gagner en dernière partie de concert, même si les voix, alors bien « chauffées », sont capables de briller.  Il faut dire que Vivaldi a créé ses personnages pour des interprètes bien précis.  Si l'atmosphère reste chambriste, les voix sont très présentes, car saisies de près, trop pour certaines.  C'est le cas du rôle-titre, Paolo Lopez, sopraniste agile, mais au timbre ingrat lorsque sous pression, et dont les harmoniques ne sont pas flattées par la prise de son.  Raffaella Milanesi, l'épouse Zidiana, et Delphine Galou, Zelinda, offrent deux beaux timbres sombres. Le vétéran Furio Zanasi montre qu'il a du métier.

 

 

Christoph Willibald GLUCK : Ezio.  Dramma per musica en trois actes.  Livret de Pietro Metastasio.  Max Emmanuel Cencic, Sonia Prina, Ann Hallenberg, Topi Lehtipuu, Julian Prégardien, Mayuko Karasava.  Il Complesso Barocco, dir. Alan Curtis.  2CDs Virgin Classics : 50999 0709292.  TT : 69'17 + 77'24.

L'opéra Ezio, créé en 1750 à Prague, appartient à ces années d'errance qui ballotèrent Gluck d'Italie à Vienne, d'Angleterre à Copenhague.  Il l'écrivit alors qu'il était engagé dans la troupe d'opéra italien de Locatelli, très prisée à l'époque.  On est encore loin des chefs-d'œuvre qui vont révolutionner l'opéra, la tragédie française en particulier.  Le sujet, de Métastase, avait déjà été mis en musique par d'autres, Porpora notamment, et devait l'être aussi par Haendel.  L'action se situe au Ve siècle après Jésus-Christ, et la trame s'inspire d'un événement historique, les faits d'armes du général romain Flavius Aetius, qui fut accusé à tort de déloyauté envers l'empereur Valentien III.  Métastase et Gluck y ont ajouté une intrigue amoureuse.  Le texte musical découvre une succession d'airs reliés entre eux par des récitatifs développés, voire mouvementés, jusqu'au lieto finale qui n'intervient, comme souvent, qu'à la toute fin.  Il dépeint des caractères bien trempés, à travers des airs fort variés, « parlante » ou colorature, souvent longs, sur le mode da capo, mais pas nécessairement.  La réforme préconisée par le compositeur n'est, en effet, pas encore à l'ordre du jour.  On y trouve même un morceau avec hautbois di cacia solo, que Gluck réutilisera dans la scène des Champs-Élysées de Orfeo ed Euridice.  Il le fera d'ailleurs pour d'autres pages.  Le récit musical progresse résolument, et certaines tournures semblent « annoncer » Mozart.  La présente interprétation est dominée par Sonia Prina, Ezio, superbe timbre de contralto, vocalisant aisément dans le grave, et par Max Emanuel Cencic, contre-ténor, dont le timbre ressemble à s'y méprendre à une voix de femme mezzo.  Cet artiste excelle dans la déclamation, mais aussi dans l'expression de la passion.  Les récitatifs qui les réunissent sont une des joies de cette interprétation.  Le ténor Topi Lehtipuu délivre une telle leçon de style et de sincérité qu'on soupçonne à peine la vilénie du personnage de Massimo, maître ès manigances.  Enfin, Ann Hallenberg prête un soprano clair mais pas fade à Fluvia, objet des désirs de ces messieurs.  L'ensemble Il Complesso Barocco, peu nombreux puisqu'outre les cordes, on n'y rencontre que deux hautbois, deux cors, un basson et le clavecin, sonne chambriste, et énergique dans l'accompagnement des airs.  Délaissant son cher Vivaldi, Alan Curtis fait ses délices de cet opéra qu'il estime être le plus beau qu'ait composé son auteur avant Orfeo.  On découvre des pages attachantes misant sur une caractérisation vivante des protagonistes, et quelques originalités, tel le long terzetto qui clôt le IIe acte où, par un effet saisissant, deux des voix se trouvent plusieurs fois à découvert.

 

 

 

Wolfgang Amadé MOZART : « Dissonances ».  Quatuors à cordes KV 421 en ré mineur & KV 465 « Les dissonances » en ut majeur.  Divertimento KV 138 en fa majeur.  Quatuor Ébène.  Virgin Classics : 50999 070922 2 0.  TT : 71'05.

Les quatuors KV 421 et 465 font partie de la série des « Six quatuors dédiés à Haydn », respectivement, le 2 e et le 6e. Ils sont contemporains de l'opus 33 du maître d'Esteraza.  Du premier, le Quatuor Ébène livre une exécution dépouillée dans son classicisme, empreinte d'une intériorité qu'on n'attendait pas forcément de ces quatre jeunes gens.  Mais ne s'en expliquent-ils pas : Mozart exige « une réelle capacité de mise à nu, de lâcher-prise ».  Ce KV 421, qui date de 1783, est écrit en  mineur, la tonalité de la confession, celle du Requiem.  À l'allegro moderato initial, les inflexions seront sombres, d'une émotion presque désespérée.  L'andante est plus préoccupé de douceur.  Quoique là encore, sous ces archets, il soit empli de gravité et de nostalgie dans sa section centrale.  Le menuetto, de belle vigueur, est comme l'affirmation de quelque bonheur fugace, le trio, mené par le 1er violon, apportant une fine différence.  Le thème de sicilienne du finale, allegretto ma non troppo, se diversifie en variations suprêmement contrastées.  Le quatuor KV 465, en ut majeur (1785) est a priori plus détendu que le précédent. Voire.  Les Ébène apportent la preuve presque du contraire. L'adagio avait de quoi faire grincer les dents des contemporains de Mozart tant il paraît dissonant.  Mais cela se résout bientôt, car « la tension accumulée finit par fondre (à très haute température) » estiment nos quatre musiciens.  Et vient si vite un joyeux allegro qu'on en a déjà oublié qu'il s'agissait, nul doute, d'un coup de théâtre.  Le développement de ce premier mouvement s'ordonne en une savante combinaison thématique. L'andante cantabile se livre comme une confidence. Les Ébène en attestent comme peu.  Tout comme de l'infinie réflexion que cèlent ces pages, évocation d'une douleur bouleversante.  Le menuetto apporte son lot de détente, énergique sans être trop robuste, charmeur sans mièvrerie.  Le trio est d'une adorable volubilité.  Le finale chante comme un air d'opéra, bouillonne d'inventions, que clôt un feu d'artifice comme aux ultimes traits de l'aria de quelque Figaro.  En guise d'intermède, les Ébène ont glissé le Divertimento KV 138. On est frappé par l'approche tout aussi équilibrée, combien musicale.  L'allegro initial bondit sans hâte, à la différence de bien d'autres interprétations.  L'andante est d'une intensité insoupçonnée, conjuguant nostalgie et faux apaisement.  Le rondo final presto conclut gaiement dans un rythme dansé engageant, dont les phrases répétées soulignent la grâce.  L'enchaînement, de plus en plus rapide, rend l'affaire presque facétieuse.  Les Ébène nous offrent un fini instrumental éblouissant et une totale sûreté des intonations, une clarté de structure frappée au coin de la simplicité, une réflexion étonnamment perspicace, loin de la facilité d'un charme qui ne serait qu'apparent.  Une perle.

 

 

 

Anton BRUCKNER : Symphonie n°4, « romantique ».  Édition Nowak (1877-78), avec le finale de 1880.  London Symphony Orchestra, dir. Bernard Haitink. LSOLive : LSO0716.  TT : 69'08.

Le sous-titre de « romantique » accolé à sa Quatrième symphonie est de Bruckner lui-même.  Il traduit ce sentiment de la nature qui est ici d'évidence.  Bernard Haitink  livre une interprétation qu'on peut qualifier de « centrale », où rien n'est appuyé, les transitions amenées sans retenue excessive, la progression du discours naturelle, et le dire plutôt contemplatif.  Une vision tout sauf pondéreuse, qui ne renie pas la vaste amplitude sonore.  Le premier mouvement, « Bewegt, nicht zu schnell » (animé mais pas trop vite), se déploie avec naturel, nanti d'une certaine gentillesse au deuxième thème, et de grands climats imposants couronnant des crescendos qui progressent avec force.  L'évocation de la nature et cette manière de danse ne forcent pas sur le sombre, mais évoluent dans le lumineux.  L'andante, un rondo mélancolique, est très contenu, là encore, jamais pressé.  La mélodie douloureuse aux altos, sur des pizzicatos à la fin du mouvement, là où affleure un relent de marche, renchérit en lenteur.  Le tableau de chasse qu'est le scherzo, avec ses appels de cors, de trombones et de trompettes, est haut en couleur sans être excessif.  Et le contraste est grand avec le trio, langoureux, bucolique, d'un classicisme presque rhétorique sous la baguette de Haitink.  Le vaste finale, qui se révèle plein de rebondissements, reste de proportions parfaites.  Bruckner fait de cette dernière phase une récapitulation des trois précédentes.  Les contrastes seront peut-être plus vifs à ce stade entre traits impérieux et longues phrases étirées, voire disloquées.  L'amplitude reste très large.  Et le crescendo conclusif, de quelque 66 mesures, en forme de choral de cuivres, soutenu par l'ensemble des cordes, est proprement irrésistible.  Haitink a à sa disposition un orchestre d'élite.  Le LSO apporte une réelle finesse à la texture brucknérienne.  Les cordes lustrées, le raffinement de la flûte solo ou la pureté du cor, comme plus généralement la rondeur des cuivres, illuminent cette exécution.  La captation live  allie clarté et justes proportions.

 

 

 

Serge RACHMANINOV : Variations sur un thème de Chopin, op. 22. Sonate pour piano n°1, en mineur, op. 28.  Vladimir Ashkenazy, piano.  Universal/Decca : 478 2938. TT : 60'27.

Les prestations, au piano du moins, de Vladimir Ashkenazy se font rares.  Aussi ce CD consacré à Rachmaninov est-il le bienvenu.  Les Variations sur un thème de Chopin op. 22 (1903) sont basées sur le sombre Prélude op. 28 n°20.  Rachmaninov  n'est pas le premier à s'en être emparé.  Busoni l'avait déjà fait en 1884, dans ses Variations et Fugue.  La pièce est agencée de telle manière qu'on peut y déceler diverses parties : l'introduction avec le thème et les dix premières variations, puis une sorte de mouvement lent, regroupant les variations XI à XIV, un scherzo débutant avec la XVe, marquée « scherzando » et se poursuivant jusqu'à la XVIIe, enfin un finale rassemblant les variations XIX à XXII, le tout s'achevant sur un maestoso. Ashkenazy insiste sur l'opulence sonore.  Le grave du piano est très sollicité, au risque d'un effet de masse redondant.  La prise de son y est sans doute pour quelque chose, l'instrument étant saisi de près, dans une acoustique mate.  La Sonate pour piano n°1 (1907), moins célébrée que la seconde, est tout aussi intéressante.  Elle est d'ampleur, puisque durant à peu près 35 minutes.  La texture en est complexe, entre grandeur et intimisme, surtout intense et passionnée.  Un substrat littéraire a été relevé par Rachmaninov lui-même : « On y trouve trois personnages contrastés d'une grande œuvre littéraire ».  Sans doute le Faust de Goethe.  Si c'est le personnage de Faust lui-même, il y a dans le premier mouvement, allegro moderato, de l'interrogatif, de la passion, à travers ces progressions obstinées, par grappes, ce balancement de la main gauche, ce cheminement véhément.  La virtuosité est incandescente, vastes traits arpégés, rythmique extrêmement changeante.  En admettant que Rachmaninov ait pensé à Marguerite pour le deuxième mouvement, il la décrit dans le lento, de manière élégiaque et douce.  S'agissant d'un possible portrait du diabolique Méphisto, le dernier mouvement, le plus développé, montre quelques traits appuyés et en même temps une volonté de lyrisme, curieuse ici.  Encore qu'on reconnaisse une manière typique du pianiste compositeur.  Mais, là encore  les ruptures sont bien présentes,  traduisant quelque univers épique, un mouvement de chevauchée fantastique.  Ce que souligne Ashkenazy dans un pianisme souverain alliant bravoure et réflexion.

 

 

 

Zoltán KODÁLY : Sonate pour violoncelle seul op. 8. Sonate pour violoncelle et piano, op. 4.  Ernö DOHNÁNYI : Sonate pour violoncelle et piano en sib majeur, op. 8.  Raphaël Pidoux, violoncelle.  Emmanuel Strosser, piano.  Intégral Classic : INT 221.181.  TT : 78'55.

Moins connu en France que Bartók, Zoltán Kodály fait figure, tout comme celui-ci, de musicien national en Hongrie.  Ses œuvres de musique de chambre sont frappées au coin de l'intelligence.  Ainsi de la Sonate pour violoncelle seul, op. 8, créée en 1918.  De par son envergure (près de 32 minutes), on peut la considérer comme la plus vaste pièce conçue pour l'instrument joué seul, depuis les Suites de Bach.  En trois mouvements, Kodály en a fait un grand monologue interrogeant souvent le registre grave du violoncelle.  Quoiqu’on y trouve des accents inattendus dans la région aiguë, comme à l'allegro maestoso ma appassionato.  À l'adagio con grandespressione, le cello cherche loin l'expression.  Il y a quelque chose d'étrange dans l'effet d'amplification du son, du ppp pour s'enfler en larges volutes, comme un climat fantastique dans la progression plus appuyée dans la partie centrale.  La danse populaire marque le finale molto vivace, un folklore réimaginé cependant, sublimé.  La pièce offre un défi à l'interprète : traits arrachés, pizzicatos et arpèges rageurs, ruptures saccadées et incessants changements de rythme.  Kodály se montre novateur et renouvelle le jeu sur l'instrument.  La Sonate pour violoncelle et piano op. 4, de 1909-910, a connu une destinée curieuse : des trois mouvements envisagés, seuls les deux derniers verront le jour.  La pièce sera créée par le celliste Jenö Kerpely, comme il l'avait fait de la sonate pour violoncelle seul, et Bartók au piano.  Le mouvement initial, fantasia, introduit le cello seul qui, à partir de l'entrée du piano, développe un récitatif profond, sur un accompagnement plus capricieux de celui-ci.  Si le violoncelle mène le jeu, le piano se montre plus actif ensuite au point de faire bientôt part égale.  L'allegro con spirito proposera une suite de danses, là encore reflets d'un folklore imaginé.  Une bouffée de lyrisme en baigne les dernières pages où l'on retrouve des tonalités empruntées aux œuvres orchestrales.  La Sonate pour violon et piano de Ernö Dohnányi (1877-1960) date de 1899. La production de musique de chambre de ce compositeur, qui fut l'ami de Kodály et de Bartók, est vaste : deux quintettes pour piano et cordes, trois quatuors à cordes, un sextuor pour piano, cordes et vents, et cette sonate à deux.  L'auteur se souvient de Brahms, mais aussi de Mendelssohn.  Le premier mouvement est lyrique et décidé.  Le scherzo a à voir avec la légèreté de Mendelsssohn, dans ses accents incisifs et engageants.  Le trio apportera l'apaisement de par le chant intense du cello.  Un court adagio, en forme d'intermède, introduit un finale sous forme de thème et variations, rappelant le procédé utilisé par Brahms dans ses Variations sur un thème de Haendel.  Raphaël Pidoux, celliste du Trio Wanderer, qui, en tant que disciple de Janos Straker, dit combien il est heureux d'aborder ces pièces puissantes et inspirées, offre un jeu nimbé de couleurs et d'une sûre musicalité.  Emmanuel Strosser est un vrai complice, apportant au discours du clavier élégance et finesse.

 

 

 

Benjamin BRITTEN : The Turn of the Screw.  Opéra en un prologue et deux actes.  Livret de Myfanwy Piper, d'après la nouvelle de Henry James.  William Burden, Camilla Timing, Anne-Marie Owens, Emma Bell, Christopher Sladdin, Joanna Songi.  LPO, dir. Edward Gardner.  2CDs Glyndebourne : 011-07.  TT : 52'29 + 51'58.

Peu de pièces dramatiques de Britten ont autant d'impact que Le Tour d'Écrou.  Sa forme d'opéra de chambre y est pour beaucoup.  Comme sa construction sous forme de courtes scènes que relient les unes aux autres des intermèdes sous forme de variations : 16 scènes, réparties sur les deux actes, et quinze variations.  Ces dernières sont construites sur les 12 notes de la gamme chromatique, quoique non utilisées dans le traitement de la série comme le conçoit Schoenberg.  Britten ajoutera, en dernier lieu, le prologue où le ténor annonce les prolégomènes de ce qui va assurément être « une curieuse histoire ».  La composition musicale n'est pas moins originale : un orchestre de seulement 13 membres, dont certains jouent plusieurs instruments, à la percussion notamment, une écriture virtuose et tout à fait personnelle, un débit d'une prégnance magistrale, et malgré tout transparent, s'enrichissant à mesure que l'on augmente la pression d'un cran, d'un tour d'écrou, supplémentaire.  Six personnages seulement, joués par cinq chanteurs, donnent vie à des dialogues d'une précision chirurgicale et d'une intensité phénoménale.  Un thriller ramassé en un peu plus de 100 minutes.  La pièce a connu des productions passionnantes.  Celle du festival de Glyndebourne émarge à cette galaxie, due à l'imaginatif Jonathan Kent.  Cela se sent dans cette captation live, d'août 2007.  Elle se compare favorablement aux versions existantes, d'origine (Decca) ou plus près de nous, de Daniel Harding (Virgin).  Le mérite en revient au chef Edward Gardner.  Sa direction a cette tension de tous les instants, qui construit un arc sonore atteignant peu à peu l'incandescence.  Tous les solistes du LPO sont émérites.  Le mouvement sait être vif et engageant (scène de la leçon), d'un climat nocturne effrayant (scène de la tour) ou encore presque railleuse (thématique de « l'innocence perdue », de la scène de cloches).  L'atmosphère est justement oppressante (quatuor agité du finale de la deuxième scène du II).  Le cast est de classe.  Camilla Timing, la Gouvernante, a cette radiance dans la voix, qui pourtant ne masque pas la frayeur qu'éprouve le personnage.  Il n'est, certes, pas sans  ambiguïté : son attitude vis-à-vis du jeune Miles est-elle seulement protectrice ?  Car celui-ci est pervers.  La lutte est non pas entre Bien et Mal, mais de pouvoir sur l'enfant, entre elle et Peter Quint, le fantôme du valet qui cherche à envoûter le garçon.  Et de cette lutte personne ne triomphe, puisque celui-ci se meurt.  Anne-Marie Owens, Mrs Grove, et Emma Bell, Mrs Jessel, offrent des portraits contrastés.  William Burden, s'il ne fait pas oublier Philip Langridge dans le prologue, campe ensuite un Peter Quint justement effrayant dans sa manière mielleuse.  Les deux enfants sont criants de vérité.

Ce CD est l'un des titres figurant au catalogue de ceux produits par Glyndebourne.  On citera encore Le Nozze di Figaro de 1962, dirigées par Vittorio Gui, Pelléas et Mélisande (1963), L'Elisir d'amore (1962) avec une piquante Mirella Freni, Idomeneo (1964), distingué par le jeune Pavarotti, ou encore I Puritani (1960), enluminés par une éblouissante Sutherland, et Der Rosenkavalier (1965), honoré de la Maréchale de Monserrat Caballé, alors au début de sa carrière.  Plus près de nous : Peter Grimes (2000) ou Rusalka (2009).  Viennent de paraître : Falstaff (1960), avec le légendaire Geraint Evans, et The Midsummer Night's Dream de Britten (2006).

 

 

 

Wolfgang RIHM : Lichtes Spiel Ein Sommerstück (2009) pour violon et orchestre.  Dyade (2010-2011) pour violon et contrebasse.  Krzysztof PENDERECKI : Duo concertante (2010) pour violon et contrebasse.  Sebastian CURRIER : Time Machines (2007) pour violon et orchestre.  Anne-Sophie Mutter, violon.  Roman Patkoló, contrebasse.  New York Philharmonic Orchestra, dir. Michael Francis (Rihm) et Alan Gilbert (Currier).  Universal/DG : 477 9359.  TT : 64'10.

Peu d'artistes suscitent autant de créations qu’Anne-Sophie Mutter.  Pour ses 35 ans de carrière, elle retrouve plusieurs de ceux dont elle a déjà révélé les compositions, Rihm,  Penderecki ou Currier.  Son dessein : montrer qu'il existe encore de nouvelles possibilités pour le violon, sans pour autant abandonner le beau son ou défigurer le  style.  De Wofgang Rihm (°1952), elle crée (novembre 2010) Lichtes Spiel (Jeux lumineux) : un orchestre de proportions mozartiennes, sans cuivres ni percussions, une architecture classique pour « se concentrer sur la caractéristique la plus intime de l'instrument principal, c'est-à-dire la nature chantante du violon » dit-elle.  La pièce est un soliloque interrompu du violon, dans une approche chambriste.  Et de poursuivre : « les lumières vacillantes viennent constamment éclairer un état d'apesanteur presque romantique ».  Rihm a magnifiquement illustré le jeu de Mutter qu'il qualifie de « sonorité remplie d'âme ».  La péroraison est tout en douceur.  Dyades, créé en avril 2011, réunit violon et contrebasse, « une relation à deux avec tout ce qui s'ensuit » souligne l'auteur.  Une conversation intense, non pas un dialogue, mais une voix unique structurée à deux.  Le ton est rhapsodique presque, et ne connaît pas de répit.  On relève l'opposition des extrêmes et un beau lyrisme.  Le Duo concertante de Penderecki (°1933) est conçu pour la même formation, à la demande de la soliste.  Cette alliance improbable explore l'interaction de deux cordes, si différentes dans leur expression.  Le morceau est, là encore, classique dans sa manière.  Anne-Sophie Mutter se plaît à souligner la renaissance de la contrebasse eu égard à ses possibilités insoupçonnées, notamment pour ce qui est des attaques.  Time Machines (2007) de Sebastian Currier (°1959), créé par sa dédicataire le 2 juin 2011, illustre une des idées récurrentes chez le compositeur, le temps et sa traduction en musique.  La pièce se compose de sept séquences enchaînées, alternant vif et lent, avec des fins de mouvement s'arrêtant de manière abrupte ou au contraire évanescente.  Les traits rapides le sont souvent à outrance.  C'est le cas de la troisième pièce, « Compressed Time ».  La quatrième, « Overlapping Time », déroge à l'ordonnancement général, livrant les éclats d'un orchestre hyper brillant, dans lequel s'inscrit le violon, tour à tour péremptoire et quasi miaulant.  Currier investigue les diverses facettes du jeu de Mutter, la sonorité souveraine, la sûreté technique, et cette manière de se mouvoir avec aisance dans une formidable amplitude.  Le dernier morceau, « Harmonic Time », le plus développé, explore encore plus avant le registre expressif du violon, sur un accompagnement emporté de l'orchestre, ponctué d'accords massifs, à la Messiaen.  Ce qui est un vaste arc sonore se clôt morendo, dans un souffle.  Ces quatre pièces écrites à la gloire de l'interprète, celle-ci les joue avec le feu glacé et la maestria qui la caractérisent.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Franz LISZT : 12 études d’exécution transcendante. Mélodie Zhao, piano. Claves Records : LC 3369.  TT : 64’59”.

En cette sainte année Liszt, marquée par de beaux, de vrais hommages, mais aussi par quelques catastrophiques et acrobatiques “performances”, le disque de la toute jeune pianiste sino-suisse Mélodie Zhao (°1994) est une plaisante révélation.  Élève au Conservatoire de Pékin dès l’âge de trois ans, disciple de Pascal Devoyon à la Haute École de Musique de Genève, Mélodie Zhao avait enchanté ses premiers auditeurs avec un disque consacré aux 24 Études de Chopin. Ici, elle franchit un nouveau palier, donnant de ces redoutables pages lisztiennes une interprétation intensément poétique, nimbée de teintes féeriques, au panel à peu près infini de nuances et de modes d’attaque, où l’on ne sait ce qu’il faut le plus admirer, de la déconcertante facilité de la virtuose ou de l’envoûtante inspiration de la musicienne.  N’est-il pas symbolique qu’il revienne à cette fille du Ciel de placer les plus vertigineuses combinaisons instrumentales du grand franciscain sous le signe de la nostalgie mystique ?

 

 

 

Camille Saint-Saëns : Danse macabre et autres diableries.  Jean-Philippe Biojout, baryton. Orchestre symphonique du Campus d’Orsay, dir. Martin Barral. Saphir Productions : LVC 1172.   TT : 63’41”.

« Diabolus in musica » ; si l’expression renvoie à l’intervalle satanique du triton, elle rappelle aussi qu’au XIXe siècle, la figure du diable fut omniprésente dans la musique française.  Le grand Berlioz lui-même en fit la figure la plus marquante de sa Damnation de Faust, prolongée en quelque sorte par les contributions de Gounod dans Faust, de Massenet dans Manon, voire d’Offenbach dans Les Contes d’Hoffmann.  On trouve tout cela dans ce disque à la singulière séduction, mais aussi trois “premières mondiales”, Les Berceaux de Fauré, Le Pas d’arme du roi Jean de Saint-Saëns et surtout, de ce dernier, la version chantée de son populaire chef-d’œuvre, La Danse macabre.  Occasion de rappeler que le compositeur avait initialement écrit une mélodie, élargie ensuite au poème symphonique avec le solo du violon en lieu et place de la voix.  L’effet de ce récit sur une trame fantastique si connue est à proprement parler saisissant.  L’entreprise est due au baryton-basse Jean-Philippe Biojout (lauréat notamment du Prix Opéra Thomasi au Concours international de chant de Canari, en septembre 2011) dont la voix magnifique fait découvrir ce répertoire français sous toutes les latitudes, de la France à l’Italie, du Japon au Liban.

 

Gérard Denizeau.

 

 

Frédéric CHOPIN : Chopin récital.  Jean Muller, piano.  Fondamenta (www.fondamenta.fr) : FON 1005008.  TT : 62’55.

Un disque témoignant d’une rare présence, comme habité par Chopin lui-même, où Jean Muller nous livre une interprétation éminemment romantique, chargée d’émotion, alternant la retenue la plus sombre et l’exaltation la plus virtuose.  Un jeu pianistique remarquable, une prise de son en rapport, et le « CD Mobility » en prime.  Un programme varié associant Ballades, Mazurkas, Valses, Polonaise et Largo permettant d’apprécier tour à tour, le lyrisme, le souffle épique, le caractère dansant, les états d’âme, les audaces harmoniques, la modernité et le patriotisme du compositeur.  En un mot, tout le génie de Chopin, parfaitement rendu ici, par Jean Muller.  Un disque à ne pas manquer.

 

 

 

Johann Sebastian BACH :  Partitas 1, 2 & 3.  Racha Arodaky, piano.  Air Note : AIR003-2011. TT : 70’30.

Après Scarlatti, Scriabine, Mendelssohn, Haendel, voici le dernier disque de la pianiste Racha Arodaky, publié sous son propre label, distribué par Codaex, consacré aux Partitas 1, 2 & 3 de Johann Sebastian Bach.  Une interprétation lumineuse et intime d’œuvres profanes empreintes d’une humanité bien éloignée des grandioses compositions religieuses du Cantor, mais témoignant cependant de son immense génie musical.  Des œuvres dépassant toutes les frontières de la musique baroque, classique ou romantique, chargées des influences françaises et italiennes où se retrouvent Scarlatti, Rameau ou Haendel.  Une remarquable interprétation, chargée de vie, de couleurs et de nuances, d’une grande expressivité, tantôt retenue, tantôt fougueuse, alternant allégresse et mélancolie, mais toujours riche d’émotions.  Un jeu pianistique irréprochable, à la fois dans ses choix comme dans sa réalisation, une sonorité chaude et ronde, un piano - ici orchestral, ailleurs confident - qui sait retenir l’auditeur sous le charme.  Un très beau disque et un concert (le 4 février 2012 à Paris, Salle Wagram) pour les dédicaces.

 

 

 

Rivages.  Françoise Atlan (soprano) & Nathalie Négro (piano).  Cristal Records Classique (www.cristalrecords.com) : 0909.  TT : 53’11.

Un disque comme un voyage au cœur de la Méditerranée, au delà du temps et de l’espace. Une Méditerranée du soleil, des chansons et des danses, mais également une Méditerranée de l’exil, de la souffrance, de la guerre et des lamentations.  Des compositeurs variés, Maurice Ohana, Ulvi Cemal Erkin, Zad Moultaka, Alberto Hemsi, Joaquín Rodrigo, Manuel de Falla, Luciano Berio, comme autant de regards portés sur cette « mer entre les terres » entre tradition et modernité, musique multiple dans ses formes, mais unique dans son essence.  Une interprétation de qualité, tant vocale qu’instrumentale, symbiose de la voix & du piano, à la hauteur de ce syncrétisme musical.  Un très beau disque.

 

 

 

Thierry LANCINO : Requiem.  Orchestre philharmonique de Radio France, Chœur de Radio France, dir. Eliahu Inbal.  Heidi Grant Murphy, Nora Gubisch, Stuart Skelton, Nicolas Courjal.  Naxos : 8.572771.  TT : 72’09.

Une commande de Radio France, des Fondations Koussevitzky et du ministère de la Culture, au compositeur Thierry Lancino (°1954).  Un enregistrement capté lors de la création mondiale, Salle Pleyel, les 7 et 8 janvier 2010.  Œuvre originale que ce Requiem de Thierry Lancino, sur un livret de Pascal Quignard (°1948) puisqu’elle repose, en totalité, sur la dualité entre profane & sacré, ciel & terre, homme & dieu, entre puissances célestes & chtoniennes - impossible synthèse, refus de choisir entre les mondes du Haut & du Bas, diérèse persistante maintenant la tension dramatique et laissant à chacun la possibilité du choix entre éternité et anéantissement.  Plus qu’un Requiem (Office des morts aspirant au repos éternel), il s’agit là d’un oratorio, d’une fresque épique où l’on respire l’encens et le soufre, où se trouvent mêlés éléments liturgiques traditionnels et interrogations formulées en grec, latin ou français.  Dualité  entre David (Stuart Skelton) aspirant à l’éternité et la Sibylle de Cumes (Nora Gubisch) aspirant au néant.  L’œuvre reste calquée sur cette dualité alternant des moments musicaux effrayants et furieux, reflets des puissances infernales et  des mélodies éthérées, simulant la voix des anges.  Il s’agit là d’une œuvre énigmatique, singulière et complexe, témoignant des différentes influences du compositeur - réflexion spirituelle, questionnement d’ordre universel, alliant une extrême profondeur à une subtile beauté. Elle convoque un grand chœur, un grand orchestre et quatre solistes, tous remarquables avec une mention particulière pour la performance de Nora Gubisch, entre parole, cri et chant. Ajoutons à cela une direction précise et inspirée d’Eliahu Inbal. Un disque original s’il en est, d’une modernité certaine dans le fond et la forme.  À écouter, assurément !

 

 

 

Georg Philipp TELEMANN (1681-1767) : Les Esprits Animaux.  Ambronay : AMY302. TT : 69’20.

Un disque de la collection « Jeunes Ensembles » du Centre culturel de rencontre d’Ambronay qui a pour objectif de jeter un pont entre la fin des études musicales et le début d’une carrière professionnelle.  Un instant de découverte du répertoire, du son, d’une atmosphère, et surtout d’une jeunesse musicale pleine de talent, comme en témoigne cet enregistrement.  Les Esprits Animaux, nom qui désignait à l’époque baroque une substance ayant la faculté de « faire vibrer les passions » est un septuor né de rencontres fortuites autour de Georg Philipp Telemann.  Ce disque nous propose un voyage évoquant Don Quichotte, Gulliver, Lucrèce ou Didon (Ouverture de Don Quixote, Suit  Gulliver, Introduction à trois flûtes extraite de Der Getreue Music-Meister, Concerti pour deux flûtes & Conclusion de la Musique de table) permettant d’apprécier toute la diversité de ce compositeur, sa sensibilité,  son langage unique allant de l’espièglerie au sublime.  Une remarquable interprétation. 

 

Patrice Imbaud.

 

 

In medio ecclesiae,  répertoire du chantre médiéval.  Geoffroy Dudouit, soliste.  Bourdon assuré par six chanteurs.  Art & musique (www.artetmusique.org) : AM 107/31102.  TT : 67’31.

Aux racines profondes de la modalité grégorienne, le répertoire pour chantre soliste est relativement méconnu.  Douze chants sur la thématique de Jérusalem composent ce bel et précieux enregistrement.   Regrettons cependant qu’hormis les incipits, ne soit donnée que la traduction française des textes.

 

 

 

Josquin DESPREZ : Messes La, sol, fa, ré, mi et Gaudeamus.  Ensembles vocaux Métamorphoses & Biscantor !, dir. Maurice Bourbon.  Ligia : Lidi 0202238.12.  Distr. Harmonia Mundi. TT : 64’34.

Ce 4e volume de la collection « Josquin l’Européen » inclut deux messes de référence, l’une et l’autre utilisant le principe de l’ostinato, la première se basant sur un sujet original, la seconde sur l’incipit de l’introït Gaudeamus omnes in Domino.  Dans l’interprétation de deux ensembles, le déjà chevronné « Métamorphoses » et le tout jeune « Biscantor ! », placés sous la direction éclairée de Maurice Bourbon.

 

 

Maurice Bourbon ©DR

 

 

Joseph GRAU & Étienne ROLIN (Compositeurs et interprètes) : Chemins croisés.  Erol Records (http://erolrecords.free.fr)  : 7042. TT : 55’43.

À tout le moins surprenant est d’entendre de tels instruments (flûtes à bec, flûte en sol, cor de basset, traverso) dans un répertoire aussi résolument contemporain !  Passionnante découverte, au demeurant… Sept pièces : Voix lissées (E. Rolin) pour flûte à bec ténor & traverso / Comprovisation (J. Grau, E. Rolin) pour flûte à bec basse & cor de basset / Flashback Bird (E. Rolin) pour flûte à bec basse / « Dream-Elle » III (J. Grau), forme ouverte pour cor de basset & sons fixés / Tall Order (E.Rolin) pour flûte à  bec basse / « Dream-Elle » II (J. Grau), forme ouverte pour flûte en sol & sons fixés /  Chemins croisés (J. Grau, E. Rolin) pour Atelier collectif d’improvisation contemporaine, classe de Joseph Grau.  Remarquable !

 

 

 

Créations.  Œuvres de Bacri, Connesson, Escaich, Hersant, Lauba, Pécou, Zavaro.  Trio Saxiana : Anne Lecapelain & Nicolas Prost (saxophones), Laurent Wagschal (piano).  Saphir (www.saphirproductions.net) : LVC 1123.  TT : 65’24.

Voilà qui va enrichir le répertoire d’une formation chambriste assurément peu banale !  Fondé en 2000 par de brillants lauréats du CNSM de Paris, le trio Saxiana s’est peu à peu forgé - grâce à des commandes - un répertoire original. Dont voici, en premier enregistrement mondial, quelques éléments remarquables.  Signalons que Saxiana se produira le 30 janvier 2012, à 20h30, au Théâtre Le Ranelagh (5, rue des Vignes, Paris XVIe.  Tél. : 01 42 88 64 44.  www.theatre-ranelagh.com).

 

 

 

Jean ABSIL (1893-1974), Michel LYSIGHT (°1958) : Belgian Chamber Music.  Harp & Co (www.harpandco.be) : 5050-28.

Un CD qui fait la part belle à la harpe, mais pas seulement… Où nous sont révélées de récentes partitions de Michel Lysight.  D’une rare séduction : Chronographie X (2011) pour flûte, violon, alto, violoncelle & harpe / Trois instantanés (2002) pour flûte & harpe / An awakening  (2002) pour violon, violoncelle & harpe / Ripple Marks (1999) pour flûte, alto, violoncelle & harpe / Labyrinthes (1997) pour flûte seule.  Et du charmant Jean Absil : Sicilienne pour violon & harpe / Concert à cinq op. 38, pour flûte, violon, alto, violoncelle & harpe.  Avec Rachel Talitman (harpe), Marcos Fregnani-Marins (flûte), Erez Ofer (violon), Igal Braslavsky (alto) & Karolina Maziarz (violoncelle).

 

 

 

Kasper T. TOEPLITZ : Inoculate ?  Pour trio à vent, live-electronics & data-noise. Trio Journal intime (Sylvain Bardiau, trompette /  Frédéric Gastard (saxophones basse & soprano / Matthias Mahler, trombone).  Alamuse (www.alamuse.com) : ALM 003.  Distr. : Distrart.

Ayant développé son travail dans le « no man’s land » entre composition académique & noise music, Kasper T. Toeplitz (°1960) « développe des compositions basées sur des structures de matières sonores à évolutions lentes, habitées d’un scintillement interne, foncièrement organiques… ».   Qu’ajouter ?

 

Kasper T. Toeplitz ©DR

 

 

La Grande Guerre (1914-1918).  Coffret de 3 CDs Frémeaux & Associés (www.fremeaux.com) : FA 171.  Livret de 60 pages illustrées.

Monument d’histoire, ces 3 CDs témoignent de la fin d’un monde, la Belle Époque, mais aussi de la survie d’une certaine innocence : « Des guerres, il n’y en aura plus [Merci, vaillant Poilu ! », slogan des Années folles…  Les deux premiers CDs sont consacrés au Temps de la guerre - phonographies d’époque : 40 chansons guerrières ou sentimentales (Déroulède, Bruant, Botrel, Scotto…) & mélodies (Noël des enfants qui n’ont plus de maison de Claude Debussy, chanté par Charles Panzera / Soleil de France d’Henri Büsser / Patrie de Dominique Paladilhe…).  Le troisième CD est composé de récits de témoins, à leurs petits-enfants ou amis mais aussi à des enseignants, journalistes, historiens.  Ainsi, par exemple, du témoignage de ce garçon du Café du Croissant qui servait Jean Jaurès lorsqu’il fut assassiné…

 

 

 

Maria Laura BACCARINI (Voix) :  Furrow.  A Cole Porter Tribute.  Arrangements : Régis Huby.  Abalone (www.abaloneproductions.com) : AB007.  Distr. Muséa.

Voix droite, sans vibrato, mais d’autant plus présente ! Sertie dans des arrangements du génial Régis Huby (violons acoustique & électrique, électronique).  Avec le concours de Roland Pinsard (clarinette & clarinette basse), Olivier Benoit (guitare électrique), Guillaume Séguron (guitare basse & contrebasse), Éric Thévenard (percussions).  Où il est parfois difficile de retrouver, sous d’aussi époustouflantes vêtures, les mélodies – cependant inaltérées – du grand Cole Porter…

 

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Pink Turtle : Pop in swing.  Frémeaux & Associés (www.fremeaux.com) : FA 503.  TT : 53’16.

Sept musiciens français (instruments & voix) reprennent ici 13 thèmes célèbres d’artistes de la pop (Lou Reed, Roger Waters, Freddie Mercury, Sting…), mais dans une perspective délibérément swinguante.  La « French Touch » du swing !

 

 

 

Troc 2011…  André Ceccarelli (percussions), Alex Ligertwood (voix), Éric Legnini (claviers), Claude Engel (guitare), Jannick Top (contrebasse).  Invités : Olivier Ker Ourio (harmonica) & David El Malek (saxophone).  Universal Music (www.universalmusic.fr) : 00602527769301.

Un jazz-rock qui n’a pas pris une ride !  Avec une équipe renouvelée autour des grands anciens André Ceccarelli & Jannick Top.  Où chacun a contribué à la composition de ce nouvel album (10 titres originaux).  Superbe !

 

Francis Cousté.

 

DVD

Jean-Baptiste LULLY : Atys.  Tragédie en musique en un prologue et cinq actes.  Poème de Philippe Quinault.  Bernard Richter, Stéphanie d'Oustrac, Emmanuelle de Negri, Nicolas Rivenq, Marc Mouillon, Sophie Daneman, Jaël Azzaretti, Paul Agnew, Cyril Auvity, Bernard Deletré.  Compagnie Les Fêtes galantes, Les Arts Florissants, dir. William Christie.  Mise en scène : Jean-Marie Villégier.  2DVDs Fra Musica : FRA 006.  TT : 195'.

Voici, enfin capté pour la postérité, cet Atys mythique de l'Opéra Comique. À défaut  de l'avoir été lors de la création du spectacle en 1987, il a été saisi lors de sa reprise la saison dernière, et avec les moyens techniques d'aujourd'hui.  Le résultat est magnifique : images somptueuses, prise de vue intelligente restituant le mouvement du spectacle.  La régie de Jean-Marie Villégier, qui use à l'envi des effets de symétrie, de rigueur cartésienne, se prête volontiers à la restitution sur la petite lucarne.  Un douloureux huis clos, où quelques caractères finement tracés écrivent une histoire à l'irrémédiable issue, évolue tel un marivaudage amoureux tragique.  Le spectacle unifie ses divers composantes dans un souci d'esthétisme.  Les couleurs, volontairement peu nombreuses, un camaïeux de bleu, côté décor, un assortiment de blanc et noir dans les costumes, soudain s'illuminent en une débauche d'or.  La magnificence des étoffes des vêtements, dont on peut appréhender de près les détails mirifiques, est une joie en soi. Et que dire de ces perruques bouclées, blanc de neige ou poudrées d'or.  La prise de vue permet en effet de saisir des détails qu'on ne peut pas toujours pleinement goûter à la représentation, du fait de l'éloignement. Le choix des images est judicieux et conforme à l'idée de Villégier, de recréer « un rituel du souvenir, rituel expiatoire, indéfiniment répété ».  On apprécie ainsi cette légère animation qui fait que tel personnage ne reste pas planté dans une immobilité artificielle.  La subtilité de l'expression des visages, la délicatesse des gestes, pas factices, mais combien expressifs, traduisent une volonté de privilégier une déclamation quasi racinienne dans sa haute tenue.  Il y a là des tableaux d'anthologie : le prologue, la scène du sommeil et des songes, le final enchâssant un défilé au ralenti lors que la déesse Cybèle transforme en pin, arbre sacré, l'être cher, mortellement atteint.  La mise en scène est conçue pour être au plus proche du flux musical.  De fait, la symbiose texte-musique est totale.  L'exécution musicale, de tout premier ordre, on la doit à la direction alerte de William Christie et à la prestation de merveilleux chanteurs qu'on sent émus de participer à un tel événement.  Une version indispensable.   

 

Jean-Pierre Robert.

 

Antônio Carlos Jobim et la Bossa Nova, « La Leçon de Jazz d’Antoine Hervé ».  Concert commenté (filmé par Thomas Chatelet, en live, à la Maison de la musique de Nanterre). 1 CD (59’36) + 1 DVD (99’).  Coffret RV Productions  (www.antoineherve.com) : RVD 111.  Distr. Harmonia Mundi..

S’inscrivant dans un cycle de rencontres destiné à nous familiariser avec l’univers musical de quelques géants du jazz, voici la première « Leçon de jazz » dispensée par le compositeur & pianiste Antoine Hervé, avec la complicité du chanteur carioca Rolando Faria. Où l’on retrouve - présentés avec l’érudition et l’humour coutumiers au musicien français - une quinzaine de standards signés Antônio Carlos Jobim (1927-1994).  Rolando Faria, quant à lui,  s’il ne fait pas oublier l’incomparable velouté de la voix du compositeur brésilien, ne démérite nullement. Mais quel bonheur, surtout ! d’assister à pareille « leçon » de naturel, d’intelligence et de musicalité – ô admirable phrasé du 4e Prélude de Chopin enchaîné à Insensatez Heureuse idée d’avoir parfois incrusté le clavier en haut de l’écran, permettant de mieux appréhender le pianisme de l’improvisateur-interprète.  En bonus : Rencontre avec le Brésil / Debussy Bossa / Entretien avec Rolando / La bosse du rythme.  English subtitles.

 

Wayne Shorter, jazzman extraterrestre, « La Leçon de Jazz d’Antoine Hervé ». Concert commenté (filmé par Thomas Chatelet, en live, à l’Arsenal de Metz).  1 CD (46’29) + 1 DVD (98’00).  Coffret RV Productions (www.antoineherve.com) : RVD 112.  Distr. Harmonia Mundi.

En duo avec le saxophoniste soprano Jean-Charles Richard, formidable improvisateur, Antoine Hervé nous entretient ici du grand Wayne Shorter (°1933) - qu’il nous dit être, avec Thelonious Monk, son jazzman préféré.  Nous dispensant, en outre, de précieux éclairages sur modalité, harmonie & rythmique dans le jazz moderne…  Quel merveilleux pédagogue !  English subtitles. 

Prochains volumes de la collection : Oscar Peterson, maître du swing / Le blues & le boogie / Louis Armstrong / Duke Ellington / Thelonious Monk / Keith Jarrett, pianiste sans frontières 

 

    

 

Francis Cousté.

 

 



Un label d’explorations : Crystal Classics

On se souvient de belles productions germaniques éditées sous label Capriccio. D’une scission au sommet de la société vient de naître, à l’initiative du Français Philippe Sautot et de son associé Johannes Kernmayer, un label dédié à l’exploration des répertoires injustement  délaissés : Crystal Classics, branche de la société Delta Music qui produit aussi de riches collections jazzistiques (distribution en France par Codaex).

Parmi les titres sortis, nous remarquons une série remettant à l’honneur Manfred Gurlitt (1890-1972 ; à noter que Wikipedia est seule à le faire mourir en 1973, contre l’avis de tous les dictionnaires et autres notices !), le compositeur de "l’autre" Wozzeck.  Des zones d’ombre émaillent sa biographie, qui donne lieu aux commentaires les plus contradictoires.  À dire vrai, ses rapports ambigus avec le régime nazi ont nui à sa réputation : d’abord exclu des programmations en raison de ses opinions gauchistes (il encourut l’anathème pour "bolchévisme culturel"), Gurlitt tenta de se racheter une conduite en adhérant au parti nazi et en se soumettant aux diktats de la censure, puis, une enquête dévoilant ses origines juives, il se retrouva éjecté du parti et choisit alors d’émigrer au Japon en 1939 (il est d’ailleurs mort à Tokyo), en d’autres termes – et incompréhensiblement –... chez un allié du Reich à la veille de la signature du Pacte de l’Axe (27 septembre 1940) entre Berlin, Rome et Tokyo !   Étranges sinuosités, si on les compare au sort tragiquement assumé de tant d’autres artistes de la entartete Musik ["musique dégénérée"], ou à la franche émigration (souvent vers la France puis les États-Unis) d’honorables personnalités refusant de plier devant le régime, tel Paul Hindemith.

À l’époque où il perçait comme un des talents les plus prometteurs de l’avant-garde allemande, Gurlitt composa un Wozzeck d’après Georg Büchner de 1920 à 1925... alors qu’un certain Alban Berg travaillait au sien depuis 1914 et jusqu’en avril 1922.  Grand succès de scandale lors de la création à Berlin de l’ouvrage de Berg le 14 décembre 1925 (les reprises se succédèrent dès les années subséquentes), grand succès également à Brême pour celui de Gurlitt le 22 avril 1926 ! Mais on sait lequel retiendra la postérité...  Poursuivi par la malchance, Gurlitt mit en musique Soldaten d’après la pièce de Jakob Lenz (1930)... avant Bernd Alois Zimmermann (1965) qui l’éclipsa tout autant.  Et que dire de Nana, sur un livret adapté de Zola par Max Brod (un juif, ami de Kafka, en 1931-32, d’où l’interdiction de la création projetée en 1933 !) ?  Si d’aucuns la mettent en parallèle de Lulu (1935) dans la galerie des femmes fatales, un évident réflexe culturel, s’agissant du naturalisme, oriente la pensée vers d’antérieures mises en musique du romancier par Alfred Bruneau, ou vers les véristes italiens : souvenons-nous de Ruggero Leoncavallo, fin connaisseur de la France de la fin du XIXe siècle, qui enrichit d’une expérience vécue ses tableaux du genre (La Bohème, Zaza).

Alors, cette situation d’éternel second, de Poulidor de l’opéra, doit-elle irrémédiablement ravaler Manfred Gurlitt au rang des curiosités ? Non !  Réécoutons son Wozzeck et osons dire que cet ouvrage très personnel mériterait de revenir au répertoire en parallèle de son célèbre concurrent.  Le "bolcheviste" s’attache à la condition des défavorisés et se concentre sur le drame humain entraînant vers le gouffre le soldat et la mère de son enfant illégitime.  "Wir arme Leut" ("Nous, pauvres gens"), ces mots du poète reviennent chez Gurlitt comme le refrain de quelque chœur antique pour encadrer les péchés individuels d’un sentiment de compassion collective.  18 scènes de Büchner traitées par Gurlitt (contre 15 par Berg), suivies d’une déploration orchestrale polytonale (Epilog – Klage um Wozzeck) que conclut le retour des voix anonymes ("Wir, arme Leut", au chœur puis au soprano solo) autour de l’étang.  Par le lyrisme infiltré dans la modernité du langage, l’opéra de Gurlitt joue sur un registre plus émouvant que celui de Berg, dénonciateur implacable de la déshumanisation en marche dans les rouages de la société.  En contrepartie disparaît l’incisivité grinçante d’une scène génialement traitée par Berg, celle – effrayante préfiguration de l’Histoire nazie – du Docteur féru d’expériences médicales in vivo.  L’opéra de Gurlitt est concis (il tient en un disque) car il respecte la rugosité abrupte et fragmentaire du texte laissé par Büchner, sans accomplir le vaste travail de structuration réalisé par Berg : les scènes sont simplement juxtaposées, sans autre "liant".  Le traitement chambriste de l’orchestration, très habile, constitue l’un des atouts d’une écriture tantôt atonale, tantôt polytonale (écoutez les superpositions tonales de l’orchestre et du chœur d’enfants à la scène 15, celui-là exprimant tout autre chose que celui-ci).  L’autre atout tient à la déclamation non conventionnelle, extrêmement intéressante par son adéquation au texte et au caractère de chaque personnage ; pas de sprechgesang ici, mais une élocution acérée, souvent tendue vers les extrêmes des registres (aussi bien le rôle-titre, un baryton atteignant le grave d’une basse, que la vieille femme chantant la fable de l’enfant privé de parents, un alto entraîné vers des aigus à haut risque), avec de fugitives survivances wagnériennes dans le chant de Wozzeck à la scène 3, et deux rôles parlés (les passants traversant la scène du crime à la fin).

Reparaît aujourd’hui le premier enregistrement mondial de l’opéra, réalisé en 1993 au RIAS-Berlin sous la direction dramatiquement juste de Gerd Albrecht (N 67 081).  La distribution satisfait pleinement, depuis les barytons Roland Hermann (émouvant Wozzeck), Anton Scharinger (le Capitaine) et Jörg Gottschick (le Tambour-Major) jusqu’aux ténors de composition Robert Wörle (fugace Docteur), Reinhart Ginzel (le Juif qui vend le couteau à Wozzeck : une scène supprimée par Berg), Endrik Wottrich (Andres), en passant par Celina Lindsley (Marie) et Gabriele Schreckenbach (très expressive vieille femme).

On regrettera juste que la prise de son place un peu artificiellement les voix solistes au premier plan, gênant l’écoute détaillée du discours orchestral, si vivant.  Ne négligez pas l’opportunité de réévaluer le cours de l’histoire de la musique en acquérant ce disque.

 

 

 

Découvrons ensuite Nana (premier enregistrement mondial, N 67 054, coffret de 3 CDs, dont un très court), saisie sur le vif lors d’une reprise de l’ouvrage au théâtre d’Erfurt en avril 2010.  On l’a dit, l’œuvre fut écrite au début des années 30, mais les péripéties de l’Histoire (avec un grand H) lui valurent de n’être présentée au public qu’en 1958 (à Dortmund), alors qu’il n’en était plus temps, les chantres de l’avant-garde proclamant : « l’opéra est mort » (depuis, il a ressuscité au-delà de toute espérance) !  En somme, un rendez-vous manqué pour juger sereinement d’un opéra fort représentatif de ses années de composition.  À noter qu’une seule reprise eut lieu, en 1967 à Bordeaux.  Peut-être l’heure sonne-t-elle enfin, plus favorable qu’en 1958, puisqu’aujourd’hui, les courants de pensée, revenus de l’idée unidirectionnelle de "progrès" en art, se montrent plus à même d’accueillir un modernisme de synthèse, tel celui de Gurlitt.  Comme dans Wozzeck, la justesse de  la vie dramatique convainc, et le discours musical, d’une incontestable modernité tout en ne reniant pas les canons du lyrisme, évolue avec fluidité ; les interludes orchestraux apportent une preuve supplémentaire de la maîtrise d’écriture du compositeur, et quelques réminiscences de wagnérisme traversent le 6e tableau (mais seulement celui-ci), par la conduite harmonique comme par la découpe des motifs vocaux.  Autre point commun entre Wozzeck et Nana, les apparitions brèves mais poignantes de vieilles femmes instillant dans le cœur des héroïnes respectives la préfiguration de leur sort à venir.  Max Brod a réussi une admirable adaptation, à partir du roman foisonnant de Zola, élaborant ses dialogues selon une exigence de qualité littéraire que la mise en musique de Gurlitt respecte... mais que la distribution très internationale du spectacle d’Erfurt respecte moins : l’oreille bute souvent sur une prononciation très... exotique de l’allemand.  Il faut dire que, là encore, le compositeur entraîne sa soprano vers les tensions d’aigus assez peu confortables pour la voix, alors Ilia Papandreou (Nana) arrange les syllabes qui la dérangent !  On doit également subir un ténor (Richard Carlucci, dans le rôle du Lieutenant Philippe Hugon) encore plus polytonal que la musique, si vous voyez ce que je veux dire !  La distribution ne requiert pas moins de 21 chanteurs, parmi lesquels on relèvera les excellents Máté Sólyom-Nagy (Bordenave) et Peter Schöne (Muffat).  Enrico Calesso, un natif de Trévise qui vivait là sa dernière saison à Erfurt avant de prendre ses fonctions au Théâtre de Würzburg, dirige avec aisance cette partition dont on s’apercevra peut-être qu’elle évolue à un meilleur niveau musical que bien d’autres opéras demeurés au répertoire !

 

 

 

Le troisième disque (N 67 082) fournit un effarant exemple de la mise en conformité induite par le pouvoir totalitaire : la Goya-Sinfonie naquit consécutivement à une visite de Gurlitt au Musée du Prado en 1933, mais plus rien ne survit, ni de l’inventif novateur de Wozzeck, ni du révolutionnaire peintre espagnol, dans cette écriture contrainte, au plan tonal et aux progressions harmoniques semblant sortis du plus bienséant traité.  Le complément de programme ressuscite heureusement un langage musical plus authentique : les Quatre chants dramatiques firent office de cadeau de noce offert par Manfred Gurlitt (62 ans) à sa quatrième épouse, une soprano japonaise de 25 ans !  Isolde singt (sur le poème Tantris der Narr d’Ernst Hardt) renoue avec un expressionnisme début de siècle de la meilleure eau, et avec une déclamation tendue dans l’aigu, qui met la voix à rude épreuve.  Les strophes de la Marguerite de Goethe (Ballade du Roi de Thulé) visent à recréer une ingénuité par la ligne de chant tandis que l’orchestre tisse des entrelacs complexes, d’une force dramatique laissant pressentir le drame sous-jacent, puis une imploration du même personnage émeut par la vérité humaine de sa détresse : on retrouve là l’inspiration théâtrale du compositeur de Wozzeck.  Enfin, Der arme Heinrich, légende revisitée par le poète Gerhart Hauptmann, est traité comme une narration d’opéra, avec effets suggestifs à l’orchestre et envolées lyriques du monologue vocal.  Le musicologue et chef d’orchestre anglais Antony Beaumont (spécialiste de Busoni et de Zemlinsky : on lui doit un achèvement du Doktor Faustus de Busoni, alternative à celle proposée par Philipp Jarnach, et de Der König Kandaules de Zemlinsky) dirige efficacement ces restitutions, à la tête de l’Orchestre symphonique de la Radio de Berlin.  Cristiane Oelze surmonte vaillamment les difficultés des deux chants extrêmes et la caractérisation des différentes protagonistes.

 

 

 

Autre collection du label Crystal Classics : « Piano Rarities ».  On y parcourt les recueils pour clavier négligés d’auteurs tenant pourtant une place dans le répertoire, mais pour d’autres raisons.  Ainsi des Italiens Martucci et Zandonai, défendus par le pianiste milanais Pietro Massa (fixé en Allemagne).  Giuseppe Martucci (1856-1909) est principalement connu pour avoir dirigé la première italienne de Tristan et Isolde au Teatro Comunale de Bologne en 1888.  Un apôtre de Wagner en Italie, voilà qui ne passait pas inaperçu en ce temps-là !  Mais il était aussi un pianiste virtuose que Liszt entendit et apprécia.  Le fluvial 2e Concerto (44 minutes !) que l’on entend sur ce disque eut des interprètes prestigieux : Anton Rubinstein au piano, Gustav Mahler ou Arturo Toscanini à la baguette.  Il n’a malheureusement ni le matériau thématique ni l’ingéniosité de développement aptes à  soutenir une telle durée.  Un grand pianisme post-lisztien s’y déploie, tandis que l’orchestre du premier mouvement trahit l’empreinte laissée chez ce musicien pro-allemand par les partitions de Beethoven et de Brahms qu’il dirigeait fréquemment.  Malheureusement, la prise de son en concert de la Deutschlandradio réussit à rendre le piano (qui ne doit guère être de bonne facture, au demeurant) à la fois dur et mat, autrement dit à le priver de toute résonance.  Le Notturno op. 70 n°1 est proposé dans sa version pianistique, et dans son orchestration qui produit une suavité plus langoureuse que l’original.  Stefan Malzew dirige la  NeuBrandenburger Philharmonie.  Mais pourquoi avoir complété le disque par le Thème et Variations op. 58 dont le compositeur ne cessa d’être insatisfait... à juste titre ?!  La pauvreté dans la pratique de la variation étonne de la part d’un lecteur assidu de Beethoven et Brahms, mais elle révèle des failles compositionnelles qu’il eût mieux valu occulter pour la réputation de Martucci (N 67 052).  Le producteur français de Crystal Classics serait bien inspiré de relire les traductions dans sa langue des notices de livrets : il y découvrirait comme ici un galimatias incompréhensible et des raccourcis erronés par rapport aux explications historiques données par l’auteur allemand !

 

 

 

L’écriture pour piano ne saurait être qu’un à-côté pour des créateurs investis dans le genre "noble" du melodramma ; il n’est que de compter combien d’années séparent deux pièces de la maigre production instrumentale de Riccardo Zandonai (1883-1944).  Et encore, trois de ces pages n’eurent d’autre finalité que d’être insérées comme supplément musical dans des revues.  Si Zandonai évolua en esprit "avancé" (tout est relatif !) dans l’opéra italien postérieur au vérisme, sa musique pianistique, d’un langage tonal rudimentaire, semblait ignorer les révolutions musicales l’environnant dans toute l’Europe !  Mais au détour d’une plage, on est saisi par la modalité hypnotique de Fiori sotto la neve (Fleurs sous la neige, 1931), représentation très suggestive des atmosphères contemplées dans la nature.  Le titre Telefunken surprend : il s’agit en effet d’une musique – à la "motorique" taillée à la serpe –  destinée à promouvoir un nouveau modèle de gramophone de la marque allemande (1929) !  Ce panorama complet inclut la réduction pour piano, par le compositeur, de l’Intermezzo placé à l’Acte III de son opéra Giulietta e Romeo : Chevauchée de Roméo, mais le jeu de Pietro Massa manque de l’élan visionnaire souhaitable pour restituer l’orchestre dramatique. Autre réduction par l’auteur, la version pour piano à quatre mains de sa suite d’orchestre Primavera in Val di Sole : Pietro Massa y est rejoint par Philip Mayers ; pour nous intéresser à ces pages mineures, évocations assez sommaires de la région natale du compositeur (le Trentin Haut-Adige), il faudrait autrement plus de finesse coloriste dans le jeu pianistique (N 67 058).  Par conséquent, on décroche vite.  La réalisation technique altère les harmoniques du piano dans la zone de fréquences médianes.

 

 

 

D’un intérêt plus égal et d’une meilleure qualité d’interprétation, une anthologie de petites pièces de Reinhold Moritzevitch Glière (1875-1956), défendue avec grâce par la pianiste berlinoise Corinna Simon (N 67 057).  Ce Russe connu pour ses œuvres symphoniques passe pour avoir été un stalinien heureux (!) : il est vrai que son penchant allait dans un sens si rétrograde que les consignes du régime ne le dérangeaient pas beaucoup, et puis on lui offrit la possibilité d’aller à la rencontre des folklores qui l’attiraient dans les territoires excentrés de l’immense URSS.  Plusieurs des recueils ici enregistrés datent d’avant la Révolution russe, période où Glière vivait à Berlin (entre 1905 et 1908) et l’on retiendra les atmosphères sombres des Préludes de l’op. 26, tandis que les peintures d’états d’âme de l’op. 21 passent de l’étonnant wagnérisme de Tristesse à une Joie assez "quelconque" et à un Chagrin très chromatique.  Les Préludes op. 30 perpétuent le grand pianisme postromantique (le dixième fait penser à Rachmaninov) ; entre nombre de Mazurkas délicieusement superficielles (aux antipodes des audaces chopiniennes !), on relève une Prière (op. 43) au dépouillement fort éloquent, et dans le plus tardif recueil des Esquisses op. 47, une résurgence de climats tourmentés (la septième, par exemple).

 

 

 

Mais le meilleur nous vient du Grand Nord : 59 miniatures et une Sonate... op. 111 (cela ne s’invente pas !) composent l’œuvre pour piano d’Erkki Melartin (1875-1937), un contemporain et ami de Sibelius qui dirigea durant un quart de siècle l’institution aujourd’hui rebaptisée Académie Sibelius à Helsinki (N 67 048, 2 CDs).  On pense évidemment aux Pièces lyriques du Norvégien Grieg devant ces poétiques tableaux ou impressions, inspirés par quelques strophes finnoises ou suédoises et par des visions de la nature.  Les cœurs nordiques recèlent des trésors de sensibilité nostalgique : écoutez le recueil op. 52 intitulé Le jardin mélancolique ; mélancolique, il l’est en effet, mais plus profondément, il reflète une période où Melartin se sentait déprimé et solitaire ; il dédia le recueil à Sibelius qui le félicita d’avoir trouvé une expression juste pour traduire la solitude, ajoutant que lui-même le comprenait très bien.  Plus tardive, L’Heure de la mort (dans l’op. 87) affiche une sérénité triste, puis une montée de tension qui retombe en points de suspension : peut-on aller plus droit à l’essentiel ?...  Quant à La Mystérieuse Forêt (op. 118), elle recèle bien des ombres propices au secret, mais aussi une sorcière et des trolls dansant avec malice.  Maria Lettberg, Suédoise née à Riga, entre avec une merveilleuse délicatesse dans les états d’âme et les touches suggestives de ce compositeur, qui s’épanchent sur le clavier par le truchement d’une écriture  pianistique très fine, parfois virtuose (les 24 Préludes, par exemple) afin de colorer subtilement tout le spectre offert par l’instrument.  Le langage instille une originalité harmonique ou modale (un Prélude peint même les cerisiers en fleurs au Japon, sur un thème idiomatique) qui ne se veut en rien fracassante, mais qui porte une indéniable signature.  Quant à la fameuse Sonate op. 111 (un quart d’heure d’un seul tenant), sous-titrée Fantasia apocaliptica, elle resta inédite tant son modernisme heurta, même dans le cercle proche de Melartin, et ne fut réexhumée que dans les années 70 ; on peut à bon droit s’étonner qu’elle ait offusqué à un tel degré des oreilles de 1920, lesquelles ne s’aperçurent point qu’il s’agissait tout simplement de grand pianisme postromantique, habilement dévié par des harmonies âpres, décalées, entrelardé d’ostinati rageurs, le tout lui conférant une puissante originalité.

Un double album à posséder absolument pour qui veut s’imprégner des séductions de la culture nordique, d’autant que la restitution sonore (en partenariat avec la Deutschlandradio) respecte parfaitement le jeu nuancé de l’artiste.

 

 

 

Crystal Classics jette aussi ses filets au-delà de ces collections thématiques par le biais d’autres co-productions radiophoniques en Allemagne, ce qui nous vaut le plaisir de sauvegarder trois interprétations exceptionnelles.  Ainsi du programme français capté par la Bayerischer Rundfunk, grâce auquel nous retrouvons au disque le pianiste américain (fixé à Paris) David Lively, trop rare ces derniers temps.  Sa version des œuvres pour piano de Copland (chez le label hollandais Et’cetera : KTC 1062) reste un jalon marquant de la discographie, et l’on souhaiterait lui voir offrir de plus fréquentes opportunités d’exprimer devant les micros son puissant talent et ses recherches de répertoires originaux.  Ici, il se joint au Streichtrio de Berlin pour interpréter les quatuors avec piano de Chausson et de Fauré (N 67 066).  Un amusant thème pentatonique ouvre le premier mouvement de l’op. 30 d’Ernest Chausson, mais bientôt, l’opulent postromantisme du musicien reprend le dessus, porté avec dynamisme par ces interprètes d’élite.  L’étoffe symphonique du jeu de David Lively apporte un ample souffle aux élans franckistes de l’admirable deuxième mouvement.  Les angoisses de Chausson se frayent un exutoire halluciné dans le finale, où les valeureux interprètes ne reculent devant aucun risque.  Le juvénile romantisme du premier Fauré (Quatuor op. 15) reçoit ensuite une interprétation magistrale, souple, ondoyante et généreuse en même temps.  La verve bondissante du Scherzo est un enchantement, et les colorations funèbres de l’Adagio n’éclatent que mieux par l’intense contraste.  Le finale chevauche avec une virtuosité et une beauté expressive sans faille. Un disque que l’on réécoutera avec un inaltérable appétit.

Cette fois-ci, parmi les perles de la même traductrice, on relèvera "viole" au lieu d’alto ("viola" !), et les "Variations de Goldberg" (ledit Goldberg aurait été très flatté de se voir attribuer un tel monument !).

 

 

 

Autre programme d’excellence, les Quintettes à vent bohémiens présentés par le Quintette Aquilon, une formation féminine issue du Conservatoire de Paris et primée au prestigieux concours international de l’ARD à Munich (N 67 021).  Les œuvres choisies couvrent 60 ans d’histoire mittel-européenne, depuis l’op. 95 de Josef Bohuslav Foerster (1909) –  où l’on se divertit des fraîches envolées de l’Allegro scherzando et dresse l’oreille aux quelques wagnérismes, peu surprenants chez cet ami de Mahler –  jusqu’à Jindřich Feld, un professeur de composition à la carrière internationale, de l’Australie jusqu’aux États-Unis.  Le 2e Quintette de Feld (1968) se signale par l’élaboration contrapuntique de son écriture.  Entre les deux, nous retrouvons la entartete Musik, avec Pavel Haas, mort à Auschwitz en 1944 : son op. 10 (1929) manifeste une originalité qui mêle émotion nostalgique et verve d’aimable caricaturiste, où subsistent quelques traces d’influence de son maître Janáček.  À l’opposé, un personnage officiel du régime communiste, au rôle peu avenant de censeur, Jiří Pauer, nous donne un pétillant Quintette en 1961. Co-production, encore, avec la Deutschlandradio, mais prise de son irréprochable, cette fois. Et de notice en notice, l’inénarrable traductrice s’obstine à confondre un choral et "une chorale" !

 

 

 

La délectation rebondit à l’écoute d’un récital du grand baryton danois Bo Skovhus avec l’orchestre de la WDR de Cologne, dirigé par le Generalmusikdirektor de Bonn, Stefan Blunier (N 67 062).  La voix claire, lumineuse et chaude à la fois, du chanteur épouse à ravir l’expressivité des caractères au fil des sujets les plus divers ; sa technique parfaitement dominée se joue des styles et des langues.  Le propos consiste à juxtaposer diverses orchestrations appliquées à des mélodies de compositeurs célèbres.  De Ludwig Spohr, on entend les 6 Lieder op. 154 pour voix, violon et piano (composés en 1856, trois ans avant la mort du compositeur, ils témoignent d’un style encore enraciné dans les premières années du XIXe siècle), orchestrés  par Jürgen Hinz (né en 1955) dans le respect du rôle concertant de la partie de violon.  Un Erlkönig sur les vers de Goethe sonnerait comme une réussite, n’était celui, génial, de Schubert !  Le caractère  majestueux de Abendstille appelle également l’orchestre.  Dommage que le premier violon, malgré les origines attestées par son nom, ne représente en rien l’honneur des écoles d’Europe centrale !

De Beethoven inspiré par Goethe, Aus Faust : Flohlied des Mephisto op. 75 n°3 [Chanson de la puce] se vit orchestré par un  Stravinsky de 20 ans, poursuivant sur la lancée des exercices d’orchestration de grands classiques que lui avait fait réaliser son maître Rimski-Korsakov. Même s’il s’agit d’un exercice de jeunesse, cette instrumentation est (déjà !) étincelante.  Interprétation tout aussi éblouissante du chanteur.

Plus connues, les orchestrations par Max Reger de 3 lieder de Schubert, magnifient le  profond romantisme des originaux : Gruppe aus dem Tartarus, sur des vers de Schiller, semble ainsi très wagnérien, révélant une dimension sous-jacente de la musique schubertienne, à laquelle Bo Skovhus apporte une magnifique tension dramatique.  Nacht und Träume, également sur un poème de Schiller, incline plutôt vers Beethoven, tandis que Greisengesang, sur un poème de Rückert, affiche une dignité toute brahmsienne dans son penchant  néo-classique.

Hugo Wolf a été orchestré, pour un numéro du Italienisches Liederbuch, par Max Reger, puis par Günter Raphael (1903-1963) pour deux Möricke-Lieder ; mais l’originalité vient du Lied Herr, was trägt der Boden hier, issu du Spanisches Liederbuch, traité par Stravinsky, cette fois en 1968, où l’on reconnaît bien le goût pour les bois acidulés du maître russe, l’écriture pour un groupe instrumental réduit cernant les intentions dramatiques du texte en une véritable recréation.

Trois lieder en allemand de l’op. 50 de Sibelius nous sont présentés selon des options orchestrales bien diversifiées : le n°3, par Simon Parmet, s’inscrit dans le style orchestral du maître, mais Leif Segerstam se laisse aller à son propre style d’orchestrateur (n°4 et 5), allant jusqu’à  une sorte de folie dévastatrice dans le premier enregistré.  Puis vient le tour de quatre mélodies en suédois des op. 36 et 37 : l’une voit soulignés ses relents post-wagnériens par  Jussi Jalas, gendre de Sibelius, avec une totale fidélité à l’univers sonore du  beau-père, deux autres passent par les mains d’Ivar Hellmann (la première laisse perplexe, la deuxième fait ressortir la dimension opératique de Svarta rosor), et la dernière sonne somptueusement grâce au compositeur pétersbourgeois Ernest Pingoud, comme par hasard élève de Rimski-Korsakov, lui aussi !  En revanche, on se passerait des orchestrations de 3 lieder de Richard Strauss – si personnel et génial orchestrateur de lui-même –, pâlement imité ici par le chef d’orchestre (et compositeur) Robert Heger qui fréquenta pourtant le maître, ce qui aurait dû l’inciter à la modestie.

Au final, cette vaste palette d’exercices de style, portée par une radieuse qualité d’interprétation, procure un plaisir d’écoute sans cesse revivifié.

 

 

 

 

Souhaitons longue vie à la nouvelle structure de production, ainsi portée à exalter les découvertes les plus variées.

 

 

Le duo Niall Brown-Isabelle Trüb chez Doron (www.doronmusic.ch)

La soirée organisée au Châtelet par le distributeur Intégral, le 18 novembre 2011, permettait de faire connaissance avec un chaleureux couple formé de la pianiste suisse Isabelle Trüb et du violoncelliste écossais Niall Brown, animateur par ailleurs du festival de musique de chambre "Automne musical d’Ollon" dans le canton de Vaud (http://www.automne-musical.ch).  Ils présentaient leur discographie et offraient un concert (Debussy, Schumann, Brahms) qui respirait d’une spontanéité communicative ; on y observait le jeu particulièrement affûté, éloquemment présent, d’Isabelle Trüb, dont on se dit qu’elle fut à bonne école puisqu’elle n’est autre que la fille de la grande Edith Fischer (disciple de Claudio Arrau), illustre beethovenienne et partenaire recherchée par les plus fameux chefs dès la fin des années 50.

 

Robert SCHUMANN : Stücke im Volkston op. 102, Drei Romanzen op. 94, Phantasiestücke op. 73, Adagio und Allegro op. 70, Träumerei (transcription Carl Davidoff).  DRC 3059.

Leur plus récent enregistrement, au programme un peu court (54’), réunit le seul recueil originellement écrit par Schumann pour violoncelle (l’op. 102), et les pièces concédées à cet instrument par lui-même mais en principe conçues pour hautbois, clarinette, cor...   Les interprètes jouent la carte d’une franchise paysanne dans l’op. 102 qui se revendique d’un "ton populaire".  Puis, dès la première des Trois Romances, s’infiltre une émotion que nous qualifierons de compassionnelle puisqu’elle semble appeler une main tendue vers la détresse intérieure du compositeur ; le chant pas tout à fait insouciant de la deuxième laisse présager les flambées soudaines de passion puis les larges élans de la troisième.  Cette teinte d’affliction intériorisée se poursuit avec les Fantasiestücke dont la première adopte un tempo assez retenu afin de privilégier l’intention psychologique sur la passion – finalement assez factice – que l’on y entend généralement.  Ainsi entre-t-on plus fidèlement en communion, au fil des interprétations de Niall Brown et Isabelle Trüb, avec le vécu du compositeur.  La fraîcheur de la 2e pièce évite tout expansion débridée afin de ne pas rompre avec le climat antérieur.  On passera sur les élans fébriles ouvrant la troisième, négociés de manière incertaine par le violoncelliste.  Le choix d’épancher l’émotion en modérant le tempo dicte  à nouveau le ton de l’Adagio op. 70, d’où un contraste d’autant plus violent avec l’Allegro.  On a beaucoup entendu cet opus au cours de l’année écoulée, ce qui nous conduit à distinguer cette interprétation comme plus intensément touchante.  Le même esprit imprègne la célèbre Rêverie, elle aussi chantée dans un tempo retenu qui laisse entrevoir les déchirements du cœur.

 

 

 

Johannes BRAHMS : Sonates pour piano et violoncelle op. 38 et op. 99.   DRC 3027.

Programme encore plus court (52’ !) pour ce disque enregistré en 1997, mais l’émotion prenante s’y manifestait déjà.  Écoutez comme le chant grave dispensé par l’archet de Niall Brown vous pénètre jusqu’au cœur dans le 1er mouvement de l’op. 38.  La fluidité du "quasi minuetto", l’autorité sans rigidité de la fugue nous comblent également.  Dans la 2e Sonate, le noble romantisme du 1er mouvement passe par d’insolites interrogations qui saisissent notre attention, ainsi mises en valeur.  L’Adagio affettuoso déploie de chaleureuses effusions, et les deux derniers mouvements serpentent avec naturel à travers leurs oppositions de climats.

 

 

 

Gabriel FAURÉ : Intégrale de l’œuvre pour violoncelle et piano.  DRC 3045.

À peine plus long (58’), le programme Fauré, enregistré en 2002 alors que le couple exerçait en Australie, se hisse au sommet de la discographie par sa profondeur expressive très sentie, par une communion d’esprit avec le compositeur qui nous enveloppe de ses sortilèges.  En bon Britannique, Niall Brown vibre-t-il en osmose avec la musique française (lors du concert, la Sonate de Debussy appelait la même impression) ?  Toujours est-il que sa sonorité ressort magnifiée de cette intégrale.  L’émotion funèbre de l’Élégie, la mélancolie romantique de la Romance, la virtuosité virevoltante de la Pièce baptisée Papillon par son éditeur contre le gré de Fauré (il faut convenir que le titre Pièce pour violoncelle et piano n’était pas très vendeur !), le tendre balancement de la Sicilienne, le pittoresque charmeur de la Sérénade, trouvent nos duettistes au meilleur de leur musicalité.  Isabelle Trüb mène avec acuité les sinuosités, circonvolutions et autres angles déroutants du dernier Fauré, celui des Sonates.  Son jeu plein de relief rebondit sous le chant généreux de son partenaire.  Saluons particulièrement la haute tenue du dramatisme dépouillé dans les mouvements lents.  Un disque injustement méconnu, à recommander aussi chaudement qu’il est joué.

 

 

 

 

Paul HINDEMITH : Drei leichte Stücke (1938) ; Kleine Sonate (1942) ;  Drei Stücke op. 8 (1917) ; Variationen über "A Frog He went A-courting" (1941).  DRC 3024.

Le tout premier disque de Niall Brown et Isabelle Trüb pour Doron réunissait de brèves pièces pour violoncelle et piano de Paul Hindemith (encore un programme ultra-court, 44’ : c’est le seul reproche, d’ordre économique, que l’on pourrait faire à leurs disques !).  Enregistré en 1995 à Vevey, pour le centenaire de la naissance du compositeur, ce programme commence par des pages pour violoncelliste amateur, destinées à Gertrud, l’épouse de l’auteur ; la Petite Sonate devait même rester inédite puisque non destinée à quitter la sphère privée.  Mais on sait l’habileté de Paul Hindemith dans l’art de fournir de la Gebrauchmusik (musique pour un usage courant) : il a ciselé ces petites pièces avec soin et délicatesse, et n’a point omis d’inclure du contrepoint en fugato (2e mouvement de la Petite Sonate).  On oublie la simplicité d’exécution, et l’illusion d’entendre de la "grande" musique fonctionne parfaitement, d’autant que l’archet de Niall Brown chantant avec son expressivité coutumière, accompagné des finesses de toucher d’Isabelle Trüb, nulle aridité n’est à craindre !  Le triptyque op. 8 provient d’une période où le jeune Hindemith (22 ans !) se cherchait encore, entre veine primesautière (Capriccio), survivances straussiennes (Phantasiestücke) et saveurs harmoniques insolites (la fin de ladite Phantasiestücke et le Scherzo).  Les pittoresques Variations suivent de façon imagée chaque péripétie de la noce entre Monsieur Grenouille et Demoiselle Souris, telle que racontée par une ancienne chanson enfantine anglaise, noce qui sera interrompue... on ne vous dit pas comment (le texte figure dans le livret) !  Un programme attrayant et varié, défendu avec une irrésistible sensibilité.

Mais un disque compact permettant d’aller jusqu’à 79’, on eût aimé l’une des grandes Sonates pour violoncelle et piano du même compositeur en complément.

 

 

 

Voix suisses : Sonates pour violoncelle et piano de Bernard Schulé, Roger Vuataz, Rudolf Kelterborn,  Suite concertante de Jost Meier, Chaconne de Frank Martin, toutes œuvres précédées de propos des compositeurs.  DR 9305.

Avant d’enregistrer sous label Doron, Niall Brown et Isabelle Trüb avaient produit un disque fort original (1993), rendant hommage à cinq compositeurs suisses.  Chacun d’entre eux lit quelques phrases introduisant à son œuvre (pour Frank Martin, il s’agit de deux extraits d’archives où il fait part d’intéressantes réflexions sur son processus créateur), et l’ensemble vise à  proposer un panorama des plus diverses esthétiques de la musique helvétique.  Il est dommage que le disque s’ouvre par le seul maillon faible du programme, la Sonate op. 159 (oh, la la ! quelle fécondité suspecte !) de Bernard Schulé (1909-1996) sous-titrée "Un hommage à Nadia Boulanger" (il vint recueillir son enseignement à Paris), une œuvre à la limite de l’indigence, entachée d’hétérogénéité lorsque, au milieu de ce langage lourdement tonal, interviennent quelques traits insolites qui semblent provenir d’un autre compositeur.  À l’opposé, Rudolf Kelterborn (né en 1931), résolument contemporain, gronde et rugit en un grand geste de colère : sa Sonate en un mouvement déploie une réelle force intérieure, notamment dans le vaste Adagio central qui procure un contrechamp introverti à la rage des volets extrêmes ; une œuvre forte, qui offre une belle écriture aux deux instrumentistes.  Chez Jost Meier (né en 1939), le Prologue de la Suite concertante (1975) désaccorde (au propre comme au figuré) ce qui devrait aller de concert, en des figurations qui ne se rencontrent pas, chaque instrument semblant voué à une incommunicabilité autarcique qui produit un résultat musical puissamment personnel ; y succède la désolation d’une Aria s’élevant sur ces solitudes dévastées ; l’âpreté macabre de la Danse s’achemine vers un inachèvement.  La Chaconne (1931) de Frank Martin (1890-1974) propose une transfiguration noblement austère du modèle contrapuntique baroque.  Sans révolutionner le langage, la Sonate op. 29 de Roger Vuataz (1898-1988) impose une fermeté de ton et une gravité expressive qui retiennent l’écoute.  Au total, un panorama instructif (de 68’, cette fois !), amoureusement brossé par les deux interprètes pour faire mieux connaître des musiques franchissant peu leurs frontières (Frank Martin mis à part).

Afin de se procurer ce disque, on conseille d’écrire au festival d’Ollon qui transmettra les demandes (voir le site susmentionné).

 

 

 

Baguettes finlandaises (postlude)

Complétant notre revue des troupes finlandaises esquissée le mois dernier, deux nouveautés nous parviennent.  Dans la série des captations de concerts du Philharmonia Orchestra (où l’on disposait déjà de la 9e Symphonie de Mahler et des Gurre-Lieder de Schoenberg sous la même baguette), le label anglais Signum nous délivre la 6e Symphonie de Mahler par Esa-Pekka Salonen (concert du 28 mai 2009 au Royal Festival Hall de Londres... où l’on n’entend pas un bruit, pas un toussotement de l’auditoire ! SIGCD275).  Rappelons que l’on accole souvent le sous-titre "Tragique" à cette symphonie : on l’oublierait à entendre une lecture aussi objectivée, qui jamais ne creuse les défis de la destinée ni les enfouissements du subconscient.  L’aspect le plus intéressant à l’écoute porte sur tous les passages P : en effet, les dosages raffinés des constituants du son nous révèlent alors l’attrait pour certaines couleurs de timbres chez Salonen le compositeur.  Le chef finlandais a choisi de revenir à la première édition de la symphonie en plaçant le Scherzo en deuxième position, ce que, à l’expérience du concert, Mahler infirma en intercalant l’Andante entre les deux mouvements vifs (décision pérennisée par sa seconde édition) ; lequel choix s’avère une erreur, compte tenu du pas de "marche militaire" trop univocément maintenu sans contrepartie, puisque, chez Salonen, la tension opiniâtre d’une empoignade avec le destin fait défaut ; ainsi juxtaposé, le début du Scherzo sonne comme une redite après l’Allegro initial.  L’Andante dégage une tendre sérénité, mais sans les couleurs sensuelles du "son viennois", et les portamenti que tente Salonen sonnent appliqués, à l’image des efforts d’un élève "pour faire comme..." !  Le finale apporte des détails ciselés, mais quel manque de lyrisme, notamment dans les évidents wagnérismes, et quelle indifférence !  La prise de son rend trop globalement la palette, et rate certains détails : les cloches à vache se tiennent vraiment sur l’autre versant !  Pour le sens du "tragique", revenons à Klaus Tennstedt qui, il est vrai, vivait le tragique dans sa propre chair...

 

 

 

Beaucoup plus plaisant, le disque inaugurant le nouveau règne de Jukka-Pekka Saraste à la tête de l’Orchestre symphonique de la WDR de Cologne (collection Profil de Hänssler : PH11041) : il nous semble voir se dérouler le ballet de L’Oiseau de feu devant nos... oreilles, tant le chef conduit la partition intégrale de Stravinsky avec un sens imagé du spectacle.  La musique chante, volète, bondit, tourbillonne, se contorsionne au gré des gestes chorégraphiques des personnages que l’imagination animée du chef visualise par le son.  L’interprète sait vraiment nous raconter une histoire, et nous l’écoutons comme des enfants émerveillés.  La précision imparable de sa direction cisèle aisément le joyau d’orchestration du maître russe.  Le choix du juvénile Scherzo fantastique comme complément de programme est historiquement et musicalement judicieux tant il prépare la voie à l’éclosion chorégraphique qui va suivre en quelques années.  Jukka-Pekka Saraste s’y montre aussi vivant et virevoltant.  Que les mélomanes ayant le goût de se tracer leur chorégraphie intime se précipitent vers cet irrésistible disque, il les transportera sur une scène virtuelle à la mesure de leurs rêves !

 

 

 

Enfin le label Mirare annonce les Concertos pour piano de Chostakovitch par l’Orchestre de Lahti et Okko Kamu, avec Andreï Korobeinikov en soliste.  À suivre...

Sylviane Falcinelli.

 

 

 


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