Cette dernière année le western est de retour sur les écrans, avec « The Homesman » de Tommy Lee Jones, « Albert à L'Ouest » de Seth MacFarlane, « The Salvation » de Kristian Levring, et d'une certaine manière « The Rover » de David Michod ou « Young Ones » de Jake Paltrow.
Comme pour son précédent film, « Trois Enterrements », Tommy Lee Jones a fait appel à Marco Beltrami pour « The Homesman ». C'est le troisième western de ce compositeur. C'était avec la musique de « 3h10 pour Yuma » de James Mangold qu'il avait été nommé pour la première fois aux oscars. Sa seconde nomination sera pour la solide musique de « Démineurs » de Kathtyn Bigelow. Marco Beltrami a beaucoup de talent et a eu comme mentor le plus grand compositeur de musique de film : Jerry Goldsmith. C'est peut-être dans ce genre de film qu'il arrive à mieux s'exprimer. Pour ce western, la musique est très simple, minimaliste : un piano préparé souvent, un violon ou un banjo parfois, et des bruits musicaux tout le temps. Hilary Swank chante ainsi que Tommy Lee Jones. La musique est à l'image du film, très dépouillée avec des recherches de sonorités très originales. C'est une musique assez sombre, d'une tristesse infinie mais magnifique. Une des plus belles qu'a écrite ce compositeur, un des plus inspirés actuellement. Un disque est sorti chez Varese Sarabande.
https://www.youtube.com/watch?v=lGhmIfuXu4M
« Albert à L'Ouest » (One Million Ways to Die in the West) de Seth MacFarlane est un western comédie. Ce réalisateur a demandé au compositeur McNeely de se replonger dans quelques westerns pour s'imprégner des codes et de l'esthétique de cette musique. On est dans le style de « Bonanza » avec une chanson de générique interprétée par Alan Jackson, célèbre chanteur de country. Violons entraînants, banjo joué à vive allure, la partition de Joel McNeely est sympathique à l'image du film. Ici on est chez Elmer Bernstein. Joel McNeely est un bon faiseur mais n'a pas encore composé pour des films qui ont laissé de grands souvenirs. La BO est trouvable chez Back Lot Music ou téléchargeable sur internet. On peut l'entendre intégralement sur You tube !
https://www.youtube.com/watch?v=VWLZFWZVQWc
« The Salvation », est un superbe western crépusculaire où les références aux westerns classiques mais aussi à Sam Peckinpah et Sergio Leone sont flagrantes. Il est accompagné par une musique du Danois Kasper Winding compatriote du réalisateur Kristian Levring. Là aussi, pas de doute : Morricone est l'exemple à suivre, mais il y a des trouvailles propres au compositeur qui font merveilles.
https://www.youtube.com/watch?v=FL5suwvz1m4&spfreload=10
« The Rover » de David Michod et « Young Ones » de Jake Paltrow sont des westerns modernes, apocalyptiques qui flirtent avec un futur proche. On y retrouve les codes du genre. La musique est très présente et de grande qualité dans les deux films. Elle ajoute le petit plus qui fait que les séquences qu'elle sous-tend prennent tout leur sens. C'est Antony Partos - présent dans le premier film de David Michod, « Animal Kingdom » - qui a composé la musique de « The Rover »: ambiance à la Sergio Leone avec un Pattinson qui est excellent en demeuré congénital. Les morceaux de Colin Stetson Tortoise, Sam Petty, William Basinski, ajoutent un univers encore plus étrange et décalé à ce film sur une vengeance.
https://www.youtube.com/watch?v=zlCXIuyQX9U&spfreload=10
Comme dans tout bon western, on trouve dans « Young Ones » des grands espaces – en cinémascope -, des méchants, de la violence, de la vengeance et ici, en bonus, une folle histoire d'amour. Dans la thématique on est plus prés des westerns des années 70 que des grands classiques des années 50. Natham Johnson a composé la musique. Il a participé à un groupe, The Cinematic Underground, avec lequel il a écrit la musique d'un film plusieurs fois nommés et primés, assez étrange, « The Brick », réalisé par son cousin Rian Johnson. Ici, une musique orchestrale apporte un second discours pas banal, avec en ouverture une petite boite à musique qui nous rappelle la montre de Morricone chez Sergio Leone. Le CD est sorti chez Cut Narrative Records.
A l'occasion de la réédition de plusieurs BO de western chez Milan Music dans leur collection passionnante « Hollywood Trax », faisons un bref survol de ces musiques classiques de westerns et de certains de ses compositeurs.
Le western, littéralement « film de l'ouest », trouve ses origines au plus profond de l'histoire des États-Unis. La conquête de l'Ouest, la guerre de Sécession, la lutte contre les indiens, la construction du chemin de fer, des frontières, la ruée vers l'or, les voleurs de bétail, les attaques de trains, de banques… sont les thèmes abordés et cela depuis la naissance du cinéma. Il retrace un épisode symbolique de la naissance de cette nation avec la violence (toujours actuelle), la douleur des « émigrés » qui fut nécessaire à la construction du pays. Ces films ont des codes, une esthétique qui ont été pas mal bousculés à la fin des années 60 par l'arrivée de réalisateurs comme Sam Peckinpah et des Italiens. De très grands réalisateurs s'y sont frottés : John Ford, Henry Hathaway, Howard Hawks, Raoul Walsh, Robert Altman, Nicolas Ray et même Fritz Lang !
John Ford ne s'est pas particulièrement préoccupé de la musique de ses films, mais il a eu des compositeurs de talent, de studios, qui l'ont fait pour lui. Ils se sont inspirés du folklore américain, d'airs traditionnels, et ont fait leur ces musiques très célèbres. « Stagecoach » a fait travailler pas moins de six auteurs ! Pour le remake quelconque réalisé par Gordon Douglas c'est le grand Jerry Goldsmith qui a composé une superbe musique qui s'inspire elle aussi de la tradition de l'ouest avec la guimbarde, le banjo (La La La Records n°LLLCD 1215 ). John Ford, comme tous les réalisateurs de studio, a eu Victor Young (« Rio Grande »), Richard Hageman avec qui il travailla sur sept films, et Alfred Newman (« How The West Was Won »). David Buttolph, vieux routier des studios, sans grande originalité, mais d'un grand professionnalisme, a fait un travail intéressant sur « Les Cavaliers » en reprenant des thèmes traditionnels. Stan Jones, un habitué des chansons country, a écrit une chanson I left Ly Love (Milan Music n° 399 649-2) . C'est peut–être avec Max Steiner, le prototype du musicien fleuve, pour son chef d'œuvre qu'est « The Searchers », que John Ford a eu une composition plus personnelle : elle suit le destin et les émotions de Ethan Edwards, personnage énigmatique, qu'interprète John Wayne. : The Westerns of John Ford (Milan Music n° 399 658-2 ; cf. NL de 3/2015).
https://www.youtube.com/watch?v=Rk_4cx_kXOk
https://www.youtube.com/watch?v=ccPBMI9Lixo
https://www.youtube.com/watch?v=H7ZPy-7BzSw
Avec Dimitri Tiomkin, un des plus célèbres compositeurs de musique de western des années cinquante, c'est le thème et variations qui dominent ses partitions : « High Noon » – Grace Kelly et la Musique (Milan Musique n° 399 531 2) ou « Gunfight at O.K. Coral » (La La land Records n°LLCD1280), « Alamo » (Rdm Edition), « Friendly Persuasion » (Varese Sarabande), « Red River » (Naxos n°8557699), « Rio Bravo » (Intrada ISC 300), « The Unforgiven » (Tsunami), « Last Train from Gun Hill », ont tous un thème qui dans la plupart des cas, a été popularisé par Frankie Laine (Not Music n° NOT2CD534 ).
https://www.youtube.com/watch?v=-QLuyXofoYY
https://www.youtube.com/watch?v=ESx0WnJcTN0
A la même époque un western a fait fureur et sa musique a fait fumer une génération entière, c'était l'adaptation des « Sept Samouraïs » de Akira Kurosawa (musique superbe de Fumio Hayasaka) pour « les Sept Mercenaires » de John Sturges. Le musicien était le très grand Elmer Bernstein qui a composé six films pour ce réalisateur. Un thème majestueux, un rythme syncopé – Bernstein était très influencé par le jazz – dès le générique, l'épopée de ces hommes allait se transformer en tragédie. C'est une des très grandes musiques de western (Milan Music 399 717-2). On lui doit aussi « True Grit » (Drg), de Henry Hathaway, avec la chanson interprétée par le célèbre chanteur country Glen Campbel. La musique du remake des frères Coen a été composée par Carter Burwell (Nonesuch ) et n'a pas à rougir de la comparaison.
https://www.youtube.com/watch?v=8XDB7GMnbUQ
https://www.youtube.com/watch?v=c26hIle6lKY&list=PLEuSA9MZx6csHZOGxUlJcs3ZQqGbGpbSk
Jerome Moross, plus connu comme arrangeur que comme compositeur, s'est lui aussi illustré dans les années soixante en composant la musique d'un autre célèbre western, devenu un classique « The Big Country » réalisé par William Wyler (Milan Music 3997112). Le thème principal avec une orchestration rutilante exprime les grands espaces et la dimension épique de cette histoire où Gregory Peck et Charlton Heston vont se disputer le cœur de la belle Jean Simmons. Une musique qui sera la seule vraiment remarquable de ce compositeur.
https://www.youtube.com/watch?v=bNr7_JU-UxY
Puis vint à la fin des années 60, Morricone, Bacalov, Nicolai, De Masi, Cipriani, Pregadio, Giombini, les compositeurs de ce qu'on appela le western spaghetti, et le genre changera de tout au tout. La guerre du Vietnam aidant, le western se fit plus crépusculaire et Peckinpah réalisa un film ultra violent, « The Wild Bunch », avec l'aide de son compositeur Jerry Fielding (Warner Bross). Clint Eastwood suivit dans la même voix avec le même compositeur. Il terminera en beauté avec « Impitoyable » et la magnifique musique de Lennie Niehaus (Varese Sarabande ).
https://www.youtube.com/watch?v=Fa8Q4cJGMKg&spfreload=10
https://www.youtube.com/watch?v=ctaCXCvd4ao
Puis le western allait perdre de sa vivacité et les productions devinrent épisodiques.