Jean DURON, Florence GÉTREAU (dir.) : L'orchestre à cordes sous Louis XIV. Instruments, répertoires, singularités. Paris, Éditions VRIN (www.vrin.fr ), Collection MusicologieS, 2015, 468 p. – 29 €.
La musique a largement contribué au grand prestige de la Cour de Louis XIV (1638-1715) qui disposait des « Vingt quatre Violons du Roi », des « Petits violons de la Chambre » et de la présence de compositeurs célèbres : Henry Du Mont (1610-1684), Jean-Baptiste Lully (1632-1687), Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), Michel-Richard De Lalande (1657-1726), entre autres.
Jean Duron (Centre de Musique Baroque de Versailles) et Florence Gétreau (CNRS) ont fait appel à une vingtaine de spécialistes français et étrangers : historiens, organologues, historiens d'art, musicologues et interprètes. Très bien présenté, ce livre comprend également de nombreux exemples musicaux, des représentations (en couleurs) de divers instruments à cordes, des tableaux synoptiques. L'Index, particulièrement copieux, comporte les noms (antérieurs à 1800) et les titres des œuvres musicales citées (p. 451-468), par exemple de M.-A. Charpentier et H. Du Mont… L'ouvrage est structuré en cinq parties : 1. Archives/Théorie (avec des sources de première main) ; 2. Organologie/Iconographie (avec divers aspects spécifiques : ensemble, basse de violon, archet, voix médianes) ; 3. Interprétation (particularismes concernant les divers compositeurs) ; 4. Destinées (évolution ultérieure et esthétique) ; 5. Autres modèles (en dehors de la Cour de Versailles). Les historiens avides de sources judicieusement sélectionnées trouveront aussi des renseignements relatifs aux œuvres interprétées lors de circonstances particulières : Te Deum (Pierre Robert, M.-A. Charpentier, H. Desmarets) ; Canticum pro pace ; In obitum augustissimae nec non piissimae Gallorum Reginae lamentum, lamentation chantée pour les obsèques de la Reine Marie-Thérèse (p. 242). Les interprètes et chefs disposeront d'extraits de partitions annotées par les compositeurs et sauront que la tragédie : David et Jonathas (recopiée par Philidor l'Aîné) a été restituée par Jean Duron ; des indications sur la tenue du manche et de l'archet, sur le jeu da braccio en style déambulatoire… Les théoriciens seront informés des tessitures, des problèmes d'écriture (fausse relation, fa bécarre/ fa dièse), des pratiques orchestrales, de la disparition de la quinte de violon vers 1718 dans le Motet à grand chœur à l'Académie royale de Versailles, de l'évolution des effectifs. Les facteurs et luthiers seront intéressés par les détails concernant la fabrication des archets baroques. Les amateurs de musique religieuse connaîtront mieux le répertoire chanté à la Cour (lors des dévotions quotidiennes de Louis XIV) : Messes, Psaumes, Leçons de Ténèbres, Motets, Cantiques, Hymnes (Pange lingua), Magnificat, la pièce à 8 voix : Coecilia Virgo et martyr (p. 244) de M.-A. Charpentier… ou pendant ses Dîners et Soupers. Les amateurs de divertissement lyrique bénéficieront de précisions sur les nombreux opéras et ballets (par exemple de Villeneuve Saint Georges) représentés à l'Opéra et également à l'Académie du Théâtre des Petits appartements de la Marquise de Pompadour (p. 383). Les mélomanes et historiens d'art seront sensibles aux nombreuses illustrations de circonstance : eaux-fortes, dessins à l'encre de Chine, gouaches ; instruments (conservés notamment au Musée instrumental de Bruxelles)… À noter l'eau-forte de Pierre Landry : Bal à la Françoise, avec l'Almanach royal (1682) représentant Louis XIV dansant en 1682 le Menuet de Strasbourg, peu après son retour d'Alsace rendue à la France en 1681 (p. 75) ; la liste des opéras de Lully (de 1677 à 1719)
À travers les activités des « Vingt Quatre Violons du Roi » et des « Petits violons de la Chambre », ce maître-livre illustre à merveille l'histoire institutionnelle et musicale, le prestige de Louis XIV et le rayonnement de sa Cour tant enviés dans les Provinces de son Royaume et à l'étranger.