Tout au long de la saison 2014-2015, l’Opéra Comique célèbrera son tricentenaire. Cet anniversaire important est inscrit au calendrier des Commémorations Nationales pour l’année 2015. Il donnera lieu à plusieurs événements majeurs dont certains concernent les archives de l’institution, un axe que son directeur Jérôme Deschamps a souhaité valoriser au cours de son mandat.
La programmation artistique qu’il conduit depuis 2007 s’efforce en effet de renouer avec la mémoire de l’institution, en particulier en remettant au goût du jour les ouvrages anciens du répertoire historique de l’Opéra Comique, parfois simplement oubliés après d’immenses succès populaires, parfois déconsidérés par des décennies de mauvaises pratiques.
Cette démarche, pour être conduite avec rigueur, s’est appuyée sur les travaux produits par le monde de la recherche, raison qui a motivé la programmation de colloques scientifiques réguliers et l’édition de programmes de salle exigeants.
Elle nécessitait également de pouvoir utiliser régulièrement les archives de l’institution, ambition plus difficile à mettre en œuvre, on va le voir. À l’occasion de son tricentenaire, l’Opéra Comique a donc conçu différentes manifestations qui favoriseront l’accès de tous, spectateurs, chercheurs et artistes, à l’ensemble de ses archives, c’est-à-dire à sa mémoire et à un pan important de notre histoire culturelle.
L'Opéra Comique en 2013 © Sabine Hartl & Olaf-Daniel Meyer
Rappel historique
Créé le 26 décembre 1714 par l’association de deux petites troupes parisiennes, l’Opéra Comique est l’une des plus anciennes institutions théâtrales de France. Ses premières saisons se déroulent dans les foires de la capitale, hauts lieux de commerces et de divertissements où le public est particulièrement large en termes de générations et de classes sociales.
L'Opéra Comique doit s’imposer entre deux scènes royales, l’Opéra (Académie royale de musique, et avant Académie d’Opéra, créée en 1669) et la Comédie-Française (créée en 1680) qui détiennent chacune le monopole de leur genre, chanté et dansé pour la première, déclamé pour la seconde. L'Opéra Comique crée donc un spectacle mi-chanté, mi-parlé, d’où le nom double de l’institution. Il verse une lourde redevance à l’Opéra, recourt parfois à la pantomime et fait aussi chanter le public lorsqu’il ne subit pas des périodes de fermeture, principalement imposées par la Comédie-Française. Mais ses spectacles légers et parodiques, qui visent particulièrement les deux répertoires officiels, séduisent un public croissant ainsi que des artistes de premier plan, souvent en début de carrière.
Au milieu du XVIIIe siècle, l’Opéra Comique compte une vingtaine de musiciens, autant de chanteurs et de danseurs, et rallie des personnalités comme le dramaturge Charles-Simon Favart, le chorégraphe Noverre, les compositeurs Duni et Dauvergne, le décorateur François Boucher. C’est sur cette scène que, conformément à l’esthétique du naturel prônée par les philosophes, s’élabore l’art de l’interprétation qui repose sur le réalisme du jeu et la vérité du costume. Marie-Justine Favart, épouse du dramaturge, est l’une de ces artistes capables de tout interpréter, d’incarner véritablement ses rôles, de chanter aussi bien que de jouer. L’esprit parodique des débuts s’efface alors, laissant place à des intrigues touchantes, à la représentation des conditions, à une nouvelle expressivité musicale.
Installé à l’Hôtel de Bourgogne en 1762, l’Opéra Comique reçoit le statut de théâtre royal et devient ainsi la troisième scène officielle du royaume, après l’Opéra et la Comédie-Française. La troupe présente souvent ses premières à la Cour. Ses compositeurs – Philidor, Monsigny, Grétry, Dalayrac – développent un genre léger d’effectifs et en phase avec les thèmes des Lumières. Les ouvrages sont exportés, traduits ou adaptés sur de nombreuses scènes d’Europe. Mozart les connaît bien et leur influence sera décisive sur le développement de l’opéra allemand.
À partir de 1783, l’Opéra Comique occupe son propre théâtre, la Salle Favart. Il a alors absorbé sa rivale, la Comédie Italienne, et en fait autant au lendemain de la Révolution avec un autre rival, le Théâtre Feydeau. Au XIXe siècle, très précisément de 1807 à 1864, en vertu d’un décret, l’Opéra Comique détient le monopole du genre opéra-comique qui se définit comme un théâtre parlé entrecoupé de morceaux chantés ou dansés : airs, ensembles, chœurs et ouvertures. Ses spécificités sont enseignées au Conservatoire jusqu’en 1991.
Les compositeurs Boieldieu, Auber, Hérold et Adam développent pour la troupe une vocalité brillante. La période romantique voit l’Opéra Comique résister à la concurrence des salles parisiennes. Sa troupe, forte d’une cinquantaine de musiciens et d’autant de chanteurs, entretient un esprit et un style qui s’exportent dans toute l’Europe et qui attirent Donizetti, Meyerbeer, Offenbach…
Sous la Troisième République, l’institution domine la création musicale et produit les principaux chefs-d’œuvre du répertoire français : Carmen, Les Contes d’Hoffmann, Lakmé, Manon, Pelléas et Mélisande, L’Heure espagnole parmi d’autres. Ce sont encore aujourd’hui les ouvrages français les plus joués au monde. Ils témoignent à titres divers de l’évolution du genre opéra-comique, l’élément parlé n’étant plus obligatoire depuis 1864 et l’Opéra Comique accueillant au tournant du siècle tous les courants de la modernité.
La première Salle Favart avait brûlé en 1838, la deuxième brûle à son tour en 1887. Après un long débat sur la pertinence de le maintenir sur son emplacement historique, la troisième Salle Favart est reconstruite par Louis Bernier, sur la parcelle délimitée sous l’Ancien Régime par le duc de Choiseul, alors propriétaire du terrain. Elle hérite de l’orientation et des dimensions modestes du théâtre inauguré en 1783 par Marie-Antoinette. Mais sa décoration éclectique se veut représentative de la culture française en période d’exposition universelle. À son inauguration en 1898, il s’agit du théâtre européen le plus moderne en matière d’équipement électrique et de sécurité.
Malgré le succès de ses saisons et les nombreuses créations qui émaillent le début du XXe siècle, l’Opéra Comique est fragilisé par une subvention insuffisante. La grande dépression oblige l’État à en faire en 1939 une succursale de l’Opéra de Paris, au sein de la Réunion des théâtres lyriques nationaux. Dès lors, il perd progressivement son identité. En 1971, sa troupe est dissoute et la mission de la salle transformée : elle accueillera un Opéra Studio puis des productions de l’Opéra dont, en 1987, la recréation d’Atys de Lully. Le renouveau baroque est heureusement dès lors associé à la charmante Salle Favart, classée dix ans plus tôt. L'Opéra Comique retrouve son autonomie en 1990 et devient une association, successivement dirigée par Thierry Fouquet, Pierre Médecin et Jérôme Savary.
Avec le nouveau millénaire, l’État décide de rendre à l’Opéra Comique sa juste place parmi les institutions culturelles françaises. Sous l’impulsion de Maryvonne de Saint Pulgent, présidente du conseil d’administration, l’Opéra Comique redevient en 2005 un théâtre national, avec statut d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Placé sous la direction de Jérôme Deschamps depuis 2007, sa mission est triple : faire revivre le répertoire français des XVIIIe et XIXe siècles, promouvoir les œuvres baroques, favoriser la création lyrique contemporaine.
© Sabine Harl & Olaf-Daniel Meyer
Le tricentenaire
Depuis 2007, la programmation conduite par Jérôme Deschamps s’appuie sur le patrimoine musical et architectural de l’institution, avec la volonté de convier le public à se réapproprier l’Opéra Comique dans une perspective historique : production et diffusion de spectacles remettant le riche répertoire maison au goût du jour, restauration de l’ensemble des équipements et des espaces publics, dont le magnifique Foyer rouvert en 2013 après six mois de travaux. Jérôme Deschamps et ses équipes ont aussi mis à l’honneur l’accessibilité tarifaire, le développement de la pédagogie et la mise en place de toutes sortes de médiations autour des spectacles.
Cette démarche a permis, saison après saison, de fidéliser spectateurs, mécènes et partenaires, et d’assurer un rayonnement croissant de l’Opéra Comique dans les médias : tous soulignent l’originalité de son action dans le paysage culturel français. Depuis 2007, les artistes et le public redécouvrent son répertoire avec un intérêt croissant car l’Opéra Comique multiplie les éclairages historiques et esthétiques : reconstitution des versions originales, interprétations historiquement informées, conférences d’introduction, programmation faisant revivre le contexte des œuvres, spectacles jeune public / public familial. L’excellent taux de remplissage des représentations lyriques témoigne de la curiosité des spectateurs. L'Opéra Comique est devenu une référence pour l’authenticité de sa démarche.
Pour la dernière saison de son mandat, qui coïncide avec le tricentenaire de l’institution, Jérôme Deschamps pilote des événements exceptionnels qui viendront enrichir la saison lyrique, aussi bien dans le théâtre que hors les murs, car à ces manifestations patrimoniales s’associent des partenaires prestigieux. Parmi elles, plusieurs marqueront l’aboutissement de chantiers portant sur un aspect crucial de la vie d’une institution : ses archives.
L’Opéra Comique et ses archives
Contrairement à ses deux aînés, l’Opéra et la Comédie-Française, l’Opéra Comique n’a jamais pu assurer la gestion de ses archives en interne. Aujourd’hui encore, en tant qu’EPIC de moins de 300 salariés, l’Opéra Comique ne peut engager d’archiviste. L’étroitesse du lieu lui interdit de toute façon d’ouvrir ses portes en dehors des horaires de spectacle pour permettre la consultation dans un centre de documentation.
La première Carmen, Célestine Galli-Marié © Bnf
Les archives du théâtre sont dispersées entre différentes parties de fonds des Archives Nationales, de la Bibliothèque nationale de France, de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris ou encore du Centre national du costume de scène et de la scénographie. Cette dispersion, résultant de versements ou de prélèvements (y compris par des artistes du théâtre, dans une proportion évidemment difficile à évaluer) est un état de fait qui a pu garantir la conservation de pans d’archives mais elle rend leur consultation difficile. En outre, l’inventaire est bien souvent incomplet dans chaque institution concernée. D’ailleurs, bien peu de fonds portent encore explicitement le nom de l’Opéra Comique et la plupart de ses collections sont diluées dans d’autres fonds, en particulier ceux de l’Opéra. Par conséquent, la numérisation des archives est peu ou pas réalisée. Certaines archives des périodes les plus récentes sont restées dans les murs du théâtre. Autrement dit et pour prendre un exemple concret, seul un chercheur chevronné peut appréhender l’histoire de Carmen – l’opéra le plus joué au monde – au sein de l’institution même qui l’a produit en 1875…
De quelles archives s’agit-il ? Nous parlons d’archives administratives (papiers officiels, contrats, etc.), d’archives littéraires (livrets manuscrits, procès-verbaux de censure et avis du comité de lecture jusqu’en 1906, livrets et partitions imprimés, affiches et programmes de salle), d’archives artistiques (cahiers de régie, matériels d’orchestre, maquettes de costumes et de décors, livrets de mise en scène, costumes et accessoires) et enfin d’archives audiovisuelles (enregistrements, captations, etc.).
En vertu de son statut d’établissement public, toute archive produite par l’Opéra Comique depuis 2005 a vocation à être versée aux Archives Nationales. L'Opéra Comique a procédé aux versements réglementaires à la mission des Archives – ministère de la Culture, qui réalise l’inventaire puis verse le tout aux Archives Nationales. Le dernier versement en date, portant sur la période dirigée par Jérôme Savary, est arrivé en 2012 aux Archives Nationales. Depuis quelques saisons, l’Opéra Comique travaille avec la mission des Archives au ministère de la Culture afin de sensibiliser ses différents services à la question des archives courantes et intermédiaires.
Depuis sept saisons, l’Opéra Comique est sollicité par des spectateurs en quête de leur mémoire musicale ou familiale, par des musiciens ou des institutions recherchant des sources de première main, par des enseignants désireux de préparer leurs classes, par des étudiants souhaitant orienter leurs recherches vers ce répertoire. Rien d’étonnant à cela : l’Opéra Comique est la principale scène de création lyrique de France depuis le XVIIIe siècle, en termes de nouveautés créées chaque année.
Des ressources en ligne, accessibles à tous
Dans le cadre de son tricentenaire, l’Opéra Comique prépare donc la création d’un site-ressources dédié, gratuit et accessible depuis la page d’accueil de son site et celle consacrée à l’Opéra Comique sur le site de la Réunion des Opéras de France. Baptisé archives.opera-comique.com, il est créé en partenariat avec l’université de Rouen et la base de données Dezède, un outil numérique développé depuis 2011 par les chercheurs au service de la chronologie des spectacles en France. Il ouvrira en novembre 2014 et sera enrichi tout au long des saisons suivantes par les apports conjoints de l’Opéra Comique et de ses partenaires. Le public y trouvera une base de données interrogeable par titre, nom, date, lieu et type de document, ainsi que des liens vers les documents numérisés. Par exemple pour Mignon d’Ambroise Thomas, on disposera du livret d’origine, du dossier de censure, de l’affiche et des maquettes de la création, des programmes de salle des productions successives jusqu’à tous les éléments relatifs au spectacle de 2010.
La numérisation des archives est conduite en partenariat avec les Archives Nationales, grâce au financement du ministère de la Culture et de la Communication (DREST). Sont concernées les archives littéraires et artistiques conservées aux Archives Nationales ainsi que celles retrouvées dans les placards du théâtre, additionnées à des legs récents : livrets, procès-verbaux de censure, affiches, programmes de salle, brochures de saison, gravures, photographies, billets, soit environ 2500 documents pour près de 25 000 vues.
L’art du costume à l’Opéra Comique
Le Centre national du costume de scène et de la scénographie (CNCS) a ouvert ses portes en 2006 à Moulins, grâce au regroupement des collections de l’Opéra de Paris, de la Bibliothèque nationale de France et de la Comédie-Française. Il a investi lors d’une très belle réhabilitation le Quartier Villars, un ancien quartier de cavalerie datant de la fin du XVIIIe siècle et classé Monument historique. Le CNCS est la première institution au monde consacrée à la conservation et à la valorisation des costumes et des décors de scène. Deux expositions thématiques y sont organisées chaque année, chacune agrémentée d’une série de manifestations pédagogiques. Leur rayonnement est national.
La première Mélisande, Marie Garden © Bnf
Il se trouve que les costumes les plus anciens des vastes collections du CNCS sont ceux de l’Opéra Comique. Ils sont arrivés dans le fonds de l’Opéra, qui les avait prélevés dans l’Atelier costumes de la Salle Favart au cours de la période de fusion entre les deux institutions. Beaucoup de ces pièces extraordinaires n’ont encore jamais été dévoilées au public. Le tricentenaire de l’Opéra Comique offre donc l’opportunité de concevoir au CNCS une exposition exceptionnelle. Intitulée « L'Opéra Comique et ses trésors », elle se déroulera de février à mai 2015.
Cette manifestation en région permettra aussi de rappeler que le répertoire de l’Opéra Comique fut longtemps le plus joué dans les provinces, le plus perméable aux cultures régionales, le plus accueillant pour des artistes formés dans toute la France.
Ce projet d’exposition, la première consacrée à l’art du costume très original de l’Opéra Comique, permet également à l’institution de recenser les costumes déclassés encore présents dans ses réserves. Celles-ci sont situées au-dessus du Foyer public du théâtre, sur les trois étages qui entourent l’Atelier toujours en activités aujourd’hui. Dans de vieux placards en bois ou dans des armoires montées sur rails dorment des centaines de pièces, dont les plus anciennes portent des tampons d’inventaire du XIXe siècle ou encore, inscrits à l’encre par les habilleuses dans les doublures, les noms d’artistes prestigieux de la troupe comme Taskin, créateurs des trois personnages diaboliques dans Les Contes d’Hoffmann en 1881, ou Félix Vieuille, créateur du rôle d’Arkel dans Pelléas et Mélisande en 1902. Les productions dont il reste le plus grand nombre de costumes livrent des enseignements intéressants. On découvre que les choristes portaient des costumes distincts aux différences fortement accusées, afin de faire vivre tout un peuple ou toute une cour sur scène. Ou encore que les solistes bénéficiaient du droit de traiter avec un couturier de leur choix et conservaient bien souvent leurs costumes, autant pour assurer des tournées qu’en souvenir de leurs succès. Autrement dit, les archives recèlent beaucoup d’Espagnols mais peu de Carmen, beaucoup d’Indiens mais peu de Lakmé, etc. Pour identifier ces costumes, il est indispensable de consulter les inscriptions dans les doublures et les tampons d’inventaires afin de les confronter aux listes et inventaires conservés dans les placards ou récupérés dans les fonds d’archives. Ce vaste recensement en interne doit permettre à l’Atelier de développer sa banque de données techniques, et au théâtre de constituer un fonds destiné à la conservation au CNCS.
L’exposition du CNCS invitera le public à déambuler dans le répertoire, à la rencontre des personnages et des artistes qui firent son histoire. Une partie interactive de l’exposition sera dévolue aux métiers et aux techniques propres à l’Atelier costumes de l’Opéra Comique : il est aujourd’hui à la pointe de la recherche en ce qui concerne la teinture végétale, un procédé qui permet aux créateurs de développer leur palette de couleurs et de matières, et au théâtre de ne plus polluer l’environnement par les matériaux utilisés et par le rejet des eaux usées.
Seront exposés environ 100 costumes ; de nombreux chapeaux, perruques et accessoires ; des éléments de décor conservés au CNCS ; des reproductions d’affiches, de gravures, de maquettes mais aussi des peintures ornementales du théâtre ; des extraits de spectacles ; des reportages et des interviews filmés dans l’Atelier costumes ; des maquettes de la Salle Favart…
Enfin l’exposition donnera lieu à la publication d’un catalogue qui fera un état des lieux des connaissances sur le sujet, sujet crucial si l’on considère que le costume est l’élément visuel qui permet au chanteur de s’identifier avec le personnage et au public d’adhérer aux codes de la représentation.
Les grandes heures de l’Opéra Comique
Affiche de la création de Lakmé © Bnf
En 2012-2013, les recherches conduites sur la décoration de la Salle Favart, dont le Foyer a été restauré cette année-là avec l’aide du World Monuments Fund, ont mis en lumière l’importance et la variété des liens entre l’institution et les arts durant la Belle Époque. Architecture, patrimoine décoratif, techniques des métiers d’art mais aussi nouvelles pratiques théâtrales, écoles littéraires, courants musicaux : l’Opéra Comique apparaît sous la Troisième République comme un véritable carrefour des arts, des disciplines, des techniques et des esthétiques.
Ce constat a abouti à l’idée d’une exposition parisienne axée sur les arts scéniques en lien avec les arts plastiques, et concentrée sur la période la plus faste de l’institution, la Belle Époque, qui débute avec la création de Carmen, atteint son apogée avec la création de Pelléas et Mélisande et s’achève avec la création de Mârouf, savetier du Caire.
Il est apparu que cette période se trouve au cœur des collections du Petit Palais – qui monte en ce printemps 2014 une grande rétrospective « Paris 1900. La ville-spectacle ». C’est dans ce musée que se tiendra donc, de mars à juin 2015, une exposition intitulée « Carmen et Mélisande, drames à l’Opéra Comique », à laquelle la Bibliothèque nationale de France apportera son concours. Les œuvres exposées proviendront principalement des musées de la Ville de Paris et de la Bibliothèque nationale de France. Elles seront de natures très diverses : peintures, sculptures, costumes, éléments de décors, objets, accessoires, maquettes, plans, manuscrits, affiches, photographies, documents audiovisuels.
Le propos se veut pédagogique et grand public. Il s’appuiera sur ce qui est le plus connu du public pour dresser le tableau d’une époque. Ainsi, l’échec de Carmen est révélateur des usages de la bonne société parisienne. Les peintres impressionnistes sont indissociables de leur ami collectionneur, le compositeur Emmanuel Chabrier. L’épouvantable incendie de la Salle Favart en 1887, en pleine représentation, donne lieu à la mise en place de normes de sécurité pour les lieux publics. Les provinces et les colonies se donnent en spectacle sur la scène de l’Opéra Comique alors que Paris accueille les expositions coloniales ou universelles. C’est à la Salle Favart qu’Émile Zola introduit le vérisme sur la scène lyrique. Le succès de Massenet fait écho à la condition féminine dans la société française. Puccini fait de l’Opéra Comique le point de départ de son rayonnement international. C’est dans la Salle Favart que l’usage de l’électricité et du téléphone se généralise dans le spectacle. C’est là que la direction d’orchestre moderne se met en place. C’est là que le jeu d’acteur et la scénographie moderne se développent...
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Ces trois projets figurent parmi la série d’événements qui rythmeront une saison entière de commémoration du tricentenaire de l’Opéra Comique. Ils illustrent plus spécifiquement l’importance que revêtent les archives dans la vie d’une institution publique : ce sont des données qui lui permettent d’ancrer son action, d’inspirer ses partenaires et de mobiliser le public – toujours passionné de mise en contexte. Pour l’Opéra Comique dont la programmation artistique est indissociable de l’idée de patrimoine, la question des archives était cruciale. Les rassembler et les valoriser constituaient certains des enjeux du tricentenaire. Il apparaît plus largement que le document d’archive, lorsqu’il est bien présenté et contextualisé, est un excellent support pour aider le public à comprendre le sens d’une œuvre et le fidéliser dans ses pratiques culturelles.
Agnès Terrier*.
* Agnès Terrier est dramaturge de l’Opéra Comique.