Lettre d'information - n°109 décembre 2016
« L’espace public, comme chacun l’imagine, est à tout le monde. Chacun l’investit à sa manière tout en observant les règles de civilité, tout en se conformant à des interdits. L’espace public est le territoire de la mise en scène des normes de la société, et plus particulièrement de leur transgression possible. »
Henri-Pierre Jeudy, Street Art , Châtelet-Voltaire, 2015
Alors que l’exposition « Hip-Hop, du Bronx aux rues arabes », à l’Institut du Monde Arabe (avril - juillet 2015) a fermé ses portes l’an dernier après avoir remporté un grand succès, et que vient d’ouvrir à Paris (septembre 2016) le plus grand centre culturel européen consacré au hip-hop (« La Place », 1500 m2 aux Halles, dont une salle de concert de 400 places debout, un studio de diffusion de 100 places assises, huit espaces de pratiques avec un studio d’enregistrement, un home studio, un studio video et un atelier d’artiste graffiti/street art, un incubateur pour 30 postes de travail, un espace bar/accueil – l’inauguration de la « Canopée » aux Halles a permis le lancement des activités de « La Place »), il paraît approprié de proposer un parcours historique des cultures urbaines. Les définir relève d’un premier défi.
Notion inventée par l’institution, elle rassemble les pratiques d’une génération dans une conception anthropologique et sociologique.
« Les cultures » ne font en ce sens pas seulement référence à l’artistique mais aussi aux comportements, aux modes de vie, aux usages d’une société.
Ainsi ce que l’on a coutume d’appeler « cultures urbaines » aujourd’hui, pour prendre en compte l’émergence d’une culture née dans les « quartiers », dans la rue, rassemble la culture hip hop (elle-même articulée selon trois axes d’expression artistique : la danse, la musique – rap, slam, mais aussi DJ’ing – et l’expression graphique, que ce soit le graff ou le tag, par extension le VID’ing) et la culture liée au mode de vie urbain de cette « génération » hip hop (les quinze / vingt-cinq ans pour la majorité, mais on peut aller jusqu’aux « quinquas » qui ont vu naître cette culture).
Cette culture regroupe la philosophie générale d’un mouvement désormais ancien (35 ans pour la France), les valeurs, l’engagement – volontiers contestataire -, le langage (le verlan entre autres), la façon de parler, une manière de scander les mots (le « flow »), la gestuelle, l’habillement (streetswear), les pratiques sportives (skate, street, foot de rue, BMX, sports de glisse, etc,…), les codes de reconnaissance et pourquoi pas les habitudes alimentaires, les rythmes, modes et horaires de déplacement dans la ville et entre les villes, la banlieue.
On peut ainsi parler d’un véritable « mouvement » voire d’une « révolution » hip hop, au même titre que celle du « dadaïsme » puis du « surréalisme » dans l’entre-deux-guerres et bien au-delà, du mouvement « zazou » des années quarante, de l’ « existentialisme » de l’après-guerre, du mouvement « yé-yé » des années soixante et de la révolution « rock’n roll » en France.
Le pluriel de l’expression « cultures urbaines » marque l’extension d’une notion non encore définie et mal cernée. Cette notion permet d’atteindre un public et de rassembler tous les éléments de cette culture qui est celle des « jeunes ».
La culture hip hop, au singulier cette fois-ci, est le signe d’une culture globalisante, protéiforme, et en même temps cohérente autour de valeurs et de trois axes de création et de développement majeurs (la danse, la musique, l’expression graphique), aux ressources créatrices considérables.
Longtemps considérée comme un objet d’étude sociale, sociologique, anthropologique, voire politique, la culture hip hop mérite une attention particulière dans le champ artistique et esthétique. Les pratiques sportives quant à elles relèvent davantage des experts du Ministère de la Jeunesse et des Sports ; même si, en périphérie, elles participent du mouvement. Elles n’en sont pas exclusives : on trouve des compétitions de BMX en marge des concerts hard core.
Pour autant, l’institution a tardé à reconnaître le mouvement artistique et accompagne timidement ces pratiques amateurs et professionnelles alors qu’aux « Victoires de la Musique », si un artiste sur vingt remporte un prix dans la série « rap, R’n B, reggae », ce sont plus de 35 % des ventes de disques qui sont concernées par ces esthétiques.
La globalisation que l’on observe aussi à l’échelle d’un territoire, pose la question de l’ « urbain » en Ile-de-France et dans les autres régions à fortes densités urbaines (les métropoles au sens de la récente loi les définissant). Région urbaine (Paris et petite couronne des 92, 93 et 94, ou « Grand Paris ») et rurale à la fois (grande couronne et notamment Nord du Val-d’Oise, Ouest des Yvelines, Est de la Seine-et-Marne et Sud de l’Essonne), elle est gagnée par la « rurbanisation » et l’uniformisation de l’information, la contraction de l’espace-temps, l’accélération des transports.
La qualification « urbaine » est-elle encore valable dans ce contexte, alors qu’une bonne partie de cette génération des 15-25 ans, plus ou moins, se reconnaît aujourd’hui dans cette culture hip hop, y compris en zone rurale ?
Quelques titres et clips comme celui de Kamini à Marly-Gomont, montrent avec humour que la revendication hip hop « rurale » émerge aujourd’hui également.
D’autres rappeurs venant de milieux aisés se veulent représentants de la banlieue, comme Nekfeu (« fennec » en verlan).
Les « Scènes Rurales » en Seine-et-Marne témoignent de cette évolution : plus qu’un territoire, elles définissent un public considéré comme une communauté d’habitants globalisée, avec les mêmes attentes, les mêmes mentalités, les mêmes codes (en milieu « rural » comme en milieu « urbain »). Il est vrai que l’on s’adresse là encore à un public jeune, la communauté des adolescents, pour la plupart.
Cette tendance se généralise dans le monde du rap et du slam dont la communication passe au moins pour moitié par ce « bouche-à-oreille » technologique et par le téléchargement. Les moyens rapides de communication et d’information, l’internet, la contraction de l’espace-temps avec les progrès du temps de déplacement par le RER permettent à toute une génération d’accéder aux langages, aux expressions et aux valeurs de cette culture véhiculée largement par les medias. La culture hip hop passe par le « buzz », la « rumeur » de l’internet, du téléchargement, du portable, des réseaux sociaux, et de moins en moins par le disque (ex. : Woop, Kev Adam, Benzema...).
Quelle spécificité pour l’Ile-de-France ? Région d’émergence de cette culture, elle rassemble un pourcentage important des artistes, des compagnies, des bassins de population d’amateurs, des lieux, des sièges de maisons de disques, de journaux, des radios, des studios...
Dans le même temps, la situation particulière de l’Ile-de-France place cette région dans une situation paradoxale : avec son histoire, sa géographie, sa physionomie, elle est un des centres de l’économie-monde, au-delà de son caractère particulier.
C’est pourquoi on a choisi d’aborder la question en insistant sur la subsidiarité de l’Ile-de-France, au-delà de son rôle national et international. Ainsi les questions de pratique sportive ou d’industrie culturelle (l’industrie du disque) qui se retrouveraient traitées sous le même angle dans d’autres régions, ont été ici volontairement omises.
De même, les questions professionnelles et d’intermittence, qui mériteraient là aussi un regard national, n’ont été abordées que dans le contexte francilien. La distinction entre amateurs et professionnels est dans ce contexte très difficile à établir, dans un mouvement en évolution permanente.
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Issue des minorités noires aux États-Unis au début des années soixante-dix (naissance de la « Zulu Nation » avec des influences de la Jamaïque pour la musique ou du Brésil pour la danse, la capoeira entre autres), les cultures urbaines et notamment la culture hip hop sont arrivées en France à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt.***
Pour reprendre la chronologie, de ce côté-ci de l’Atlantique, du tag et du graff dans le métro parisien, les premiers repérages d’inscriptions datent de 1984. Le terrain vague entre le métro Stalingrad et La Chapelle est le lieu de naissance du graff parisien dans la même période (actuel bureau de poste). Il est aussi celui du rap et des premiers « battles », des « contests » des premiers terrains de danse hip hop à Paris. Les diverses disciplines vont de pair, sans que l’on puisse isoler les phénomènes. De plus, toute l’histoire de la culture hip hop va être marquée par le passage du cercle (le spectacle dans la rue où le public entoure les acteurs du battle, ou du contest, sans qu’il y ait séparation entre acteurs et spectateurs, à « l’élisabéthaine » puisque par définition le spectateur passe d’un rôle à l’autre) à la représentation frontale, scène face au public, ou à l’entrée dans le marché de l’art, dans les salles et les galeries. Cette disposition rappelle aussi le cercle de la « alka » des conteurs africains.***
Le slam apparaît aux États-Unis au début des années soixante-dix. On peut repérer son émergence à Paris, en 1995, dans un bar de Pigalle, le « Club Club ». Jusqu’aux années 2000, la visibilité du mouvement slam est réduite à celle de Slam Productions qui assure un quasi monopole institutionnel et médiatique. Plusieurs individualités préservent toutefois leur indépendance.***
Ainsi la « révolution » initiée en 1968 aux États-Unis et exportée la même année en Europe, n’aura pas eu seulement une traduction politique et sociale, mais aura aussi donné lieu à une conception artistique et culturelle de la revendication et de la révolte.Références bibliographiques (liste non exhaustive) :
Filmographie :
L’épisode du Congrès des rois permet de placer Méhul dans le contexte de la Révolution et de la Terreur et de s’approcher du mode de vie et de création des compositeurs à la fin du XVIIIe siècle. L’affirmation de l’opéra-comique et d’un style français, l’intrusion en masse des vents dans l’orchestre en lien avec la propagande révolutionnaire, toute militaire, et l’irruption quotidienne de la guerre aux frontières à partir de 1792, contribuent à faire de la période un moment crucial dans l’histoire de la musique en France. La plupart des compositeurs présentés ici feront surtout carrière au XIXe siècle. Certains influenceront durablement leurs successeurs.
I. Le contexte et l’idée
L’épisode du Congrès des rois s’inscrit dans une période troublée par le conflit intérieur, quelques mois après l’exécution des Girondins. Fin 1793 ont lieu le siège de Granville puis les noyades de Nantes, le siège d’Angers, la Bataille du Mans, la reprise de Toulon, la bataille de Savenay. Sur le front extérieur on assiste à la retraite des Alliés au-delà du Rhin.
Début 1794, les événements hostiles se conjuguent (colonnes infernales de Turreau en Vendée, arrivée des Britanniques en Corse...) et font de ce moment précis de la Révolution un tournant, rendant les esprits perméables à toutes les idées de complot contre la République. C’est dans ce contexte que le Comité de salut public passe commande aux compositeurs les plus en vue, pour créer un opéra de propagande révolutionnaire sous forme de « marathon » ou de « performance » dirait-on aujourd’hui. Il s’agit en effet de réunir douze compositeurs aptes à écrire cet opéra en deux jours. David, Saint-Just et Robespierre prennent très au sérieux cet important enjeu de propagande.
Grétry dans ses Mémoires, ou Essais sur la musique (1797) fait allusion à cet épisode : « Le redoutable Comité de salut public en donna l’ordre aux comédiens ; on numérota tous les morceaux destinés au chant ; ils furent mis dans le bonnet rouge ; alors le scrutin décida du morceau que chacun devait faire dans la journée ». On assiste là à une sorte d’intervention du mode aléatoire dans la composition. Ces aspects assez modernes, sans être nouveaux, aboutissent cependant à l’un des échecs les plus cuisants de la propagande révolutionnaire et de la création d’opéra au XVIIIe siècle. C’est peut-être la raison pour laquelle on n’a que très peu de traces de la partition ou du livret plus de deux siècles après.
A l’époque, malgré les soupçons et les dénonciations – eu égard à l’ambiguïté de certains passages et des réactions amusées ou contestataires du public – aucun des douze compositeurs du Congrès des rois ne sera inquiété, ni même interné ou guillotiné, même après la loi de Prairial (juin 1794), non plus que les autres musiciens d’ailleurs. Même si Pleyel est convoqué pas moins de huit fois devant le Comité de salut public, il ne souffrira pas outre mesure de ce soupçon permanent. Seuls les frères Edelmann sont sommairement jugés et guillotinés huit jours avant la chute de Robespierre. Ce sont les malheureuses exceptions qui confirment une constante sur la durée de la Révolution.
Les solidarités musiciennes ont certainement joué : par leur communion au sein des loges maçonniques qui rassemblent alors tous les musiciens ; par l’union de ces derniers dès avant la Révolution dans les concerts spirituels (nés en 1725 et qui continuent sous la Révolution, du moins jusqu’en 1791) ; par leur présence aussi, pour certains, au sein de l’Institut national de musique (futur conservatoire) créé par Sarrette en 1793, et enfin par la prudence des uns et des autres les conduisant à travailler pour la Révolution (chants patriotiques, hymnes, marches, odes...) et à privilégier les « colonnes d’harmonie ». Après avoir débuté sous la Monarchie, ils se mettent pour la plupart au service de la République et du Comité de salut public. Ils sont grosso modo de la génération de Mozart. De la douzaine de musiciens sollicités, le plus âgé d’entre eux est Grétry, le plus jeune Trial.
Le Congrès des rois coalisés, ou les Tyrans découronnés
Estampe de Barnabé-Augustin de Mailly, 1794
La République assiégée à l’intérieur comme à l’extérieur a mis en place un système de surveillance depuis mai 1793. Le Comité de salut public dispose ainsi de 170 agents secrets. Le 2 août 1793 un fonds secret est créé par décret pour influencer l’opinion. La presse et l’expression artistique sont directement financés pour rallier le peuple aux idéaux révolutionnaires. La censure est parallèlement rétablie par la Convention nationale (décret du 2 août 1793), alors que le décret du 13 janvier 1791 pris par l’Assemblée constituante avait supprimé toute interdiction de représentation théâtrale. Ainsi les salles parisiennes se multiplient, et passent à cette époque d’une dizaine à trente-six.
En janvier 1794, le Comité commande à Barnabé Augustin de Mailly une estampe montrant le Congrès des rois coalisés, ou les Tyrans découronnés. C’est dans ce contexte que le mois suivant le Comité passe commande à douze musiciens et un librettiste pour l’écriture rapide - en deux jours ! - et la mise en scène du Congrès des rois, opéra en trois actes et en prose mêlée d’ariettes représenté à l’Opéra Comique, rue Favart, le 26 février 1794.
II. Les auteurs / compositeurs :
Ces rappels biographiques sont volontairement indiqués jusqu’à la date du Congrès des rois (1794) afin d’éclairer le contexte.
Le librettiste et comédien Antoine-François Eve, dit Demaillot, est choisi par le Comité de salut public en raison de sa présence au Club des Jacobins. La police le décrit à la Commune de Paris comme un « patriote dont le civisme est connu ».
Henri-Montan Berton (1767-1844) a été surintendant de la musique du roi. Il débute à l’Opéra comme violoniste et joue au Concert spirituel. Il signe son premier opéra-comique en 1787 et fait représenter plusieurs pièces à l’Opéra et à l’Opéra comique. Avant 1794, il a composé Cora et les brouilleries (1789), Les Deux Sentinelles (1790), Les Rigueurs du cloître (1790), Les Deux Sous-lieutenants ou le Concert impromptu (1792), Eugène ou la Piété filiale (1793). Il est l’auteur de quarante-sept opéras au total.
Mathieu-Frédéric Blasius (1758-1829) est violoniste, clarinettiste, flûtiste et bassoniste. Second violon dans l’orchestre du Concert de la Société olympique, il rejoint l’orchestre de l’Opéra comique dont il devient le premier violon et chef d’orchestre en 1790. Il fait aussi partie du corps de musique de la Garde nationale. Il donne sous la Révolution, et jusqu’au Congrès des rois dont il écrit l’ouverture par tirage au sort : L’Amour hermite (1789), Les Trois Sultanes ou Soliman second (1792), Le Peletier de Saint-Fargeau ou le Premier Martyr de la République française (1793).
Né à Florence, Luigi Cherubini (1760-1842) fait ses études en Italie mais passe la plus grande partie de sa vie en France. Il séjourne pour la première fois à Paris en 1785, après un passage à Londres. Il est présenté à Marie-Antoinette à Versailles par le musicien de cour Viotti et s’installe à Paris en 1786. Son Ifigenia in Aulide est créé à Turin en 1788. L’année suivante, le premier opéra français de Cherubini, Demofoonte, est un échec lié au livret de Marmontel qui s’adapte mal à la fluidité mélodique du compositeur italien. Cherubini est nommé en 1789 directeur musical du Théâtre de Monsieur au Palais Royal, avec une troupe lyrique italienne. Jusqu’en 1792 et la chute de la royauté il fait partie de l’orchestre de la Garde nationale, compose des hymnes pour la Révolution et dirige les œuvres d’Anfossi, Paisiello et Cimarosa qu’il fait ainsi connaître au public parisien. Lorsqu’en 1791 la troupe s’installe dans le nouveau théâtre de la rue Feydeau, il fait représenter son opéra Lodoiska. C’est un succès qui se renouvellera avec Elisa (1794). Le nouveau style de Cherubini (force croissante des ensembles, combinaisons orchestrales nouvelles, effet dramatique accru) est imité par les compositeurs français : Méhul, Berton, Lesueur, Grétry. En 1792, l’opéra italien est dissout. Cherubini quitte Paris et part en Normandie. Il revient en 1793 pour devenir inspecteur au nouvel Institut national de musique (futur Conservatoire).
Nicolas Dalayrac (1753-1809) est garde du corps du comte d’Artois à Versailles avant la Révolution. Il est l’élève de Langlé, professeur à l'École royale de chant et jouit de la faveur de Marie-Antoinette. Quelques années plus tard, il est l’artisan entre autres de la Fête de l'Être suprême au « Champ de la Fédération », devenu « Champ de la Réunion » (actuel Champs de Mars). En effet, il écrit la musique du texte de l’Hymne à l'Être suprême rédigé par Théodore Desorgues. De son véritable nom d’Alayrac, il abandonne la particule à la Révolution. Il écrit des chants patriotiques de circonstance et plus de cinquante-six opéras. Ceux qu’il compose durant la Révolution sont Les Deux Petits Savoyards (1789), Raoul, sire de Créqui (1789), La Soirée orageuse (1790), Camille (1791), Philippe et Georgette (1791), Ambroise (1793).
Prosper-Didier Deshayes (v. 1750-1815) est chorégraphe et danseur à la Comédie française. Comme compositeur, il écrit Le Faux serment et Zélia, ou le Mari à deux femmes (1791), La suite de Zélia (1792), Mélite ou le Pouvoir de la nature (1793), Le Petit Orphée (1793), La Fin du jour (1793) et Le Mariage patriotique (1793).
Virtuose de la flûte et du basson, François Devienne (1759-1803) est surnommé le « Mozart français ». Il entre dans la musique des Gardes suisses puis arrive à Paris en 1778. Bassoniste à l’opéra, il compose et ses œuvres sont jouées au Concert spirituel où il se produit comme flûtiste puis comme bassoniste dès 1780. Il entre au service du cardinal de Rohan (1780-1785) et devient bassoniste à partir de 1789 au Théâtre de Monsieur, puis au Théâtre Feydeau puis à l’Opéra. Il fut aussi sergent-musicien de la Garde nationale. Lors de son second séjour à Paris en 1778, Mozart entend Devienne jouer ses œuvres à la flûte et l’encourage. Les Concerts spirituels donnaient des œuvres de Haydn et Mozart à Paris avant la Révolution, au palais Rohan-Soubise ainsi qu’aux Tuileries. Il a déjà écrit de nombreux opéras avant le Congrès des rois : Le Mariage Clandestin (1790), Les Précieuses ridicules (1791), Encore des Savoyards ou l'École des parvenus (1792), Les Visitandines (1792), L’Enlèvement des Sabines (1792), Les Quiproquos espagnols (1792).
André-Ernest-Modeste Grétry (1741-1813) voit le jour en Belgique. Il termine ses études en Italie où il apprend alors à connaître Piccinni et Pergolèse. Il crée son premier opéra à Rome en 1765 (Les Visitandines) avec un immense succès. Il quitte l’Italie pour la France en 1766 et rencontre en route Voltaire à Ferney. Il arrive à Paris en 1767. Il écrit Le Huron représenté, en 1768, puis Lucile (1769), deux œuvres très appréciées à l’Opéra Comique. Suivent Zémire et Azore, L’Amant jaloux, Colinette à la cour, La Caravane du Caire, Panurge dans l’île des lanternes et Richard Cœur de Lion. Il est reconnu comme le fondateur de l’école de l’opéra-comique français. « Le Molière de la musique » a été successivement directeur de la musique de Marie-Antoinette puis auteur d’œuvres de circonstance pour la Révolution durant laquelle il fait jouer Raoul Barbe-Bleue (1789), Pierre le Grand (1790), Guillaume Tell (1791), Cécile et Ermance ou les deux Couvents (1792), Basil ou A. Trompeur (1792).
Louis Emmanuel Jadin (1768-1853) est le frère de Hyacinthe Jadin. Il est d’abord page de Louis XVI, second instrumentiste à clavier au Théâtre de Monsieur en 1789, puis premier accompagnateur en 1791. Il entre dans la musique de la Garde nationale en 1792. Pendant la Révolution, et jusqu’au Congrès des rois, il a écrit : Constance et Gernand (1790), Joconde (1790), La Religieuse danoise ou la Communauté de Copenhague (1790), La Vengeance du bailli ou la Suite d’Annette et Lubin (1791), L’Heureux Stratagème (1791), Amélie de Montfort (1792), Il Signor di Pursognac (1792), L’Avare puni (1792), Les Talismans (1792-1793), Le Coin de feu (1793), Le Siège de Thionville (1793).
Rodolphe Kreutzer (1766-1853) est nommé par Marie-Antoinette premier violon de l’Orchestre royal de Versailles à l’âge de 16 ans. Il joue très jeune au Concert spirituel et devient premier violon au Théâtre italien. Membre de la Chapelle royale de 1783 à 1792, il entre à la Garde nationale et s’installe à Paris en 1789. Il compose Jeanne d’Arc à Orléans (1790) puis connaît son premier succès avec Paul et Virginie (1791). Lodoïska ou les Tartares remporte également un triomphe la même année. En 1793 il est nommé professeur de violon à l’Institut national de musique. Il laisse quarante opéras, entre autres œuvres diverses.
Etienne-Nicolas Méhul, par Gros, Musée Carnavalet, Paris
Etienne-Nicolas Méhul (1763-1817) est le plus important compositeur d’opéras pendant la Révolution. Il arrive à Paris en 1778 et travaille avec Edelmann et Gluck qui l’encouragent. Il écrit pour l’Opéra Alonzo et Cora qui ne sera créé qu’en 1791, après le triomphe d’Euphrosine ou le Tyran corrigé à l’Opéra Comique en 1790. Il remporte un grand succès au Concert spirituel en donnant une Ode sacrée d’après Jean-Jacques Rousseau. Adrien (1791) est interdit par la Commune de Paris en mars 1792 mais Stratonice (mai 1792) remporte un immense succès. Le jeune Sage et le vieux Fou est créé en mars 1793 et précède la reconnaissance de Méhul qui devient membre de l’Institut national de musique créé la même année. Avant le Chant du départ (juillet 1794), il compose en décembre 1793 un Hymne à la raison ou Hymne patriotique pour trois voix d’hommes a capella, chœur et orchestre, sur un poème de Marie-Joseph Chénier, frère d’André Chénier.
Enfant de cœur à la cathédrale de Nîmes, Jean-Pierre Solié (1755-1812) étudie la musique avec son père qui lui enseigne le violoncelle. Il commence à chanter en Avignon puis débute au Concert spirituel. Il est engagé à la Comédie italienne en 1787 comme ténor. En 1790 il passe à l’Opéra Comique. Il a composé une quarantaine d’opéras-comiques dont L'École de village (1793), La Moisson ou le Plaisir et la gloire (1794).
Fils du chanteur Antoine Trial, claveciniste, pianiste et compositeur, Armand-Emmanuel Trial (1771-1803) commence à composer pour la Comédie italienne à 17 ans (Julien et Colette). Il a écrit plusieurs opéras, même s’il est surtout connu alors comme pianiste. Avant de participer au Congrès des rois, il écrit pendant la Révolution : Adélaïde, ou la Vengeance paternelle (1791), Les deux petits Aveugles (1792), Cécile et Julien, ou le Siège de Lille (1792), La Cause et les effets, ou le Réveil du peuple (1793).
III. L’accueil et l’échec
La mise en scène du Congrès des rois mêlait des personnages comme Cagliostro, le Pape, Catherine de Russie, l’empereur Léopold, le roi d’Angleterre, ou encore Frédéric de Prusse. Les aristocrates finissaient par inspirer pitié dans la pièce et quelques répliques furent jugées contre-révolutionnaires et anti-républicaines. Certains nobles rirent et applaudirent dans la salle. Le rapport de police des policiers et mouchards présents dans la salle confirma ces faits.
Le citoyen Barrucaud – membre du comité révolutionnaire de l’Arsenal – dénonce alors l’opéra comme contre-révolutionnaire au Conseil général de la Commune de Paris. La figuration de l’aristocrate Cagliostro comme républicain vertueux, représentant du Pape, est jugée scandaleuse et Marat, présent dans la Procession des fantômes, irrespectueuse.
L’enquête de police valide les faits mais autorise une seconde représentation dans laquelle Cagliostro est remplacé par Laurenzo, un médecin du Pape. Le second acte de l’opéra présente alors Marat comme « fondateur, défenseur et martyr de la République ». Il n’y aura donc pas d’interdiction de l’œuvre. Le rapport juge également que les rois sont représentés « bas, petits, crapuleux et poltrons », ce qui permet d’autoriser la poursuite des productions. Après la seconde représentation cependant, et en dépit de légers remaniements, l’opéra est interdit le 17 mars 1794 (24 Ventôse II) sur décision du Conseil général de la Commune de Paris : au vu des réactions du public, il est en effet jugé « propre à satisfaire le parti des aristocrates contre les patriotes » et présente de ce fait une menace pour l’ordre public. Malgré l’annonce d’une troisième représentation dans certains journaux, cette seconde fois sera la dernière.
Le Journal parisien note le 3 mars 1794 : « En présentant sur la scène La Coalition des rois contre la France, on ne peut offrir aux spectateurs que des crimes, et non des ridicules ; et ce sujet fait pour causer l’indignation, peut difficilement exciter le rire. Si l’auteur du Congrès des rois est parvenu à remplir ce dernier objet, c’est en sacrifiant dans la comédie toutes les convenances de la scène. Cette pièce n’est qu’une suite de caricatures sans liaison et sans motif, quelques-unes piquantes ; d’autres, et c’est le plus grand nombre, froides et trop prolongées. Dans le 1er acte, les maîtresses des rois prennent, l’auteur ne dit pas pourquoi, le parti de la République française ; et complotent la perte des têtes couronnées, avec Cagliostro arrivé de Rome pour représenter le pape au Congrès. Le complot s’exécute pendant le Congrès même, et au moment où chacun est convenu du morceau de la France qu’il prendra pour prix de la guerre, les Français arrivent vainqueurs. Les rois abandonnés, fuient et reparaissent l’instant d’après sur la scène, affublés de bonnets rouges, et chantant la Carmagnole pour n’être pas reconnus […]. La musique de cette pièce composée en deux jours et en commun par plusieurs auteurs célèbres, Méhul, Grétry, Devienne, Kreutzer, Solié, Dalayrac, Berton, Jadin, Trial fils, Cherubini, Deshayes et Blasius a été fort applaudie, mais vers le milieu du troisième acte, le public a commencé à témoigner son impatience, et la mauvaise exécution du dernier ballet a excité un mécontentement général qui a empêché de finir la pièce.»
Ni le livret ni la partition n’ont été retrouvés. Seul le duo entre Frédéric de Prusse et Pitt a été conservé (Bibliothèque Nationale de France, N° FRBNF39623825), « Le roi défunt s’offre à mes yeux », d’Henri-Montan Berton, sous forme de manuscrit. A un autre moment de l’opéra, on sait, grâce aux souvenirs d’Antoine-Vincent Arnault (Souvenirs d’un sexagénaire, Paris, Dufay, 1833), que le roi d’Angleterre chante en pêchant à la grenouille, un coup de basson interrompant le vers incomplet indiqué en points de suspension. On sent bien ici que le texte a été écrit à la hâte, et sans grande inspiration :
Je suis roi d’Angleterre,
J’m’en...
On dit qu’mon peuple meurt de faim,
Pour moi, quand j’ai le ventre plein,
Je m’en ris...
Nous n’faisons rien qui vaille,
J’m’en...
D’main nous livrons bataille,
J’m’en...
J’ai dit de vaincre à mes soldats.
Tant pis pour eux s’il ne l’font pas,
J’men ris.
Un congrès d’rois
s’assemble,
J’m’en...
L’un a peur, l’autre tremble,
J’m’en...
On prétend que tout est perdu :
L’ami Pitt sera donc pendu !
J’m’en ris.
©Vincent Pontet
Cette production de Norma créée au Festival de Salzbourg 2013 connaît un nouveau souffle au fil d'une mini tournée européenne qui l'aura vue présenter à Zürich puis à Édimbourg, Paris et Baden-Baden. Deux particularités la distingue : sa conception scénique, son édition musicale. Peut-être inspirés par sa lointaine origine française - la pièce « Norma ou l'infanticide » d'Alexandre Soumet - les régisseurs Moshe Leiser et Patrice Caurier transposent l'histoire de la druidesse des Gaules en rébellion contre l'envahisseur romain à l'époque de l'occupation allemande. Pari osé qui met à mal les habituelles façons de la concevoir. Mais qui indéniablement lui apporte un poids insoupçonné, un souffle dramatique qu'on n'imaginait pas : après tout, le peuple gaulois et son chef Ovoreso sont en résistance contre l'ennemi occupant romain et les thèmes véhiculés sont l'amour, le sacrifice et la trahison. Norma est loin d'être une héroïne : elle est une femme trahie qui a elle-même trahi son peuple et se sacrifiera pour lui. Pour Cecilia Bartoli, ce qui est fascinant c'est avant tout la densité profondément humaine du personnage, à la fois sa force vitale et sa faiblesse, partagé entre amour et devoir. Un destin de femme comme on en trouve aussi dans le cinéma italien néoréaliste. Le sort de ses deux enfants qu'elle a eus du proconsul romain Pollione, est entre ses mains : doit-elle les sacrifier sur l'autel de l'honneur ou les protéger de la vindicte populaire ? C'est peu dire que l'aspect religieux est relégué au second plan, pour ne pas dire évacué radicalement. sont mise en lumière finalement la forfaiture que Norma a commise envers son peuple et une mort d'amour enchaînée aux côtés de celui pour lequel elle a rompu son serment de chasteté. La dramaturgie prend dès lors une toute autre signification. Et la vision qui en est donnée, dans un espace unique, clos, ce qui ressemble à une salle d'école, ajoute à sa prégnance. Le spectacle n'a rien perdu de son acuité et en particulier le partage entre scènes d'ensembles et séquences plus intimistes : le camp des opposants retranchés en un lieu secret où suinte la suspicion, dans la lueur nocturne, et un autre endroit, bien séparé du premier par une cloison étanche, où se déroulent les confrontations, en particulier entre Norma et sa novice, moments les plus forts de cette mise en scène, où Norma spectrale écoute la jeune femme, se souvient de ce qu'elle a elle-même éprouvé, la puissance de l'amour interdit, et prend conscience que l'homme aimé par elles deux est le même. La survenance de celui-ci fait monter d'un cran l'adrénaline et le terzetto final du Ier acte atteint la vraie grandeur tragique. Est transcendé le schéma opératique convenu de la rivalité entre femmes amoureuses pour libérer ce que la vie des sentiments intimes emporte de terribles meurtrissures.
Cecilia Bartoli ©Vincent Pontet
L'autre particularité de ce spectacle réside dans l'édition musicale utilisée. Une nouvelle édition critique due à Maurizio Biondi et Riccardo Minasi, fruit des recherches les plus récentes sur les sources. Bartoli expliquait à propos du CD (Decca) paru peu avant les représentations salzbourgeoises, son souci de restituer les voix des créatrices des deux rôles féminins : Giuditta Pasta pour le rôle titre, Giulia Grisi pour Adalgisa, et comment rompre avec une certaine ''tradition'' introduite ensuite, afin d'ouvrir de nouveaux horizons. Et on découvre un schéma bien différent de celui auquel on était jusqu'alors habitué par les interprétations cultes de Callas/Stignani, Montserrat Caballé/Verrett ou Sutherland/Horne : savoir, par une inversion des deux tessitures assignées, une Norma mezzo-soprano et une Adalgisa soprano, contrairement à ce qui était communément pratiqué ou admis depuis des lustres. Le volet dramatique en acquiert un plus grand impact, sans doute plus proche de la réalité : la voix de soprano convient mieux à la jeune et fragile novice et les sombres teintes de mezzo-soprano permettent plus justement d'asseoir la résolution de la prêtresse, sans pour autant la priver d'une vulnérabilité sous-jacente. La partie orchestrale est elle-même assez différente, plus allégée avec de nets contrastes de tempos.
Christian Gerhaher & Gerold Huber ©Michael Gregonowits
Christian Gerhaher est de ceux dont les apparitions au concert s'inscrivent d'emblée dans la mémoire. Comme son aîné Dietrich Fischer Dieskau, dont le timbre et la manière apparaissent à plus d'un titre en filigrane. Le baryton allemand avait inscrit au programme de son récital, dans le cadre du Festival d'automne de Baden-Baden, le Winterreise D 911 de Schubert. « Le plus beau cycle de lieder du monde », selon Thomas Mann, a été écrit par le musicien sur des poèmes de Wilhelm Müller avec qui il avait déjà collaboré pour La belle Meunière. Et on peut avancer que jamais poète et compositeur ne se sont si bien compris : la fusion du chant et de l'accompagnement de piano atteint une sorte de génial aboutissement et crée une rare unité de climat. Vingt quatre mélodies la composent, selon deux parties de 12 chacune pour un monologue pessimiste de l'amoureux délaissé qui au cœur d'un profond hiver réfléchit sur sa situation et ne voit aucune autre issue que la mort. L'hiver et surtout la nature comme miroir de l'âme occupent dans ce cycle un rôle essentiel. Le thème de l'errance du voyageur sans espérance rejoint celui de l'inéluctable solitude. Le ton est plus sombre que celui qui enveloppe le cycle de La belle Meunière, car le regard du héros n'est plus celui du présent mais ici évocation du souvenir. Christian Gerhaher apporte à son chant un ton moiré et sa voix de baryton clair avec de belles échappées dans le registre ténor, tout comme Fischer Dieskau, sa diction claire, le soin de bien détacher les mots, enveloppent d'un ton intimiste et automnal ces sombres soliloques. Peu d'éclats dans cette interprétation, juste ceux qu'imposent les ruptures de rythmes et de discours. Et lorsque le registre forte est abordé, il est alors l'expression du déchirement, comme le cri du désespoir. C'est que les contrastes dramatiques sont moins burinés que dans la vision de Matthias Goerne et Markus Hinterhäuser, naguère à Aix, il est vrai dans une mise en images due à William Kentridge. La vision est avec Gerhaher on ne peut plus intériorisée et l'attitude relativement immobile du chanteur, qui se refuse au geste emphatique, traduit non pas une approche sous dimensionnée mais un état d'esprit où se conjuguent pudeur et volonté de l'épure. Qui n'élude nullement la véhémence d'un morceau comme « Die Krähe » (La corneille ; N° 15), le lyrisme épanoui de Lieder tels « Der Wegweiser » (le poteau indicateur ; n° 20) et « Das Wirtshaus » (l'auberge ; n°21 ), sommets d'intensité, ou encore la béante désespérance de « Der Leiermann » (le joueur de vielle ; n° 24), conclusion hypnotique du cycle, à la résonance funèbre dans son effrayant statisme. Il émane au final de cette interprétation une indicible mélancolie, tempérée d'une infinie douceur, sans amertume cependant. Le pianisme de Gerold Huber, le compagnon de toujours, se fait lui aussi dépouillé et le cheminement vers la simplification qu'on décèle chez Schubert au fil de cet ultime cycle, est un bonheur de tous les instants.
Jean Pierre Robert
Pour ce concert au Théâtre des Champs-Elysées, accompagnée par la réputée phalange londonienne fondée par Thomas Beecham et dirigée ce soir par le jeune chef Robin Ticciati, la grande dame du violon, Anne-Sophie Mutter, avait choisi un programme sans risque dont le seul mérite fut de remplir copieusement la salle de l’avenue Montaigne grâce à un public, heureusement, conquis d’avance par la renommée mondiale de la dame. L’Ouverture de Manfred (1852) de Robert Schumann nous contant la fatalité accablant le héros byronien, archétype d’un romantisme pourtant exacerbé, nous parut bien trop pâle, totalement exempte de la noirceur et des syncopes tourmentées qui font habituellement la chair de l’orchestre schumanien. Le Concerto pour violon et orchestre n° 2 (1845) de Felix Mendelssohn, œuvre célèbre s’il en est, un des cinq concertos majeurs du répertoire violonistique, fut de la même veine, parfaitement joué par la violoniste allemande, mais sans âme, de façon superficielle et maniérée avec force rubato, sans parvenir jamais à nous émouvoir le moins du monde. Après la pause, c’est sur la Symphonie n° 9 dite « Du Nouveau monde » (1893) d’Anton Dvorak que reposaient tous nos espoirs, hélas encore une fois déçus… Une symphonie du Nouveau Monde, pièce fétiche du répertoire symphonique qui ne réussit pas plus à nous convaincre, par son phrasé haché, sans ligne directrice, par sa dynamique poussive à mille lieux de cette évocation des grands espaces si caractéristique de l’œuvre. Point de souffle épique, mais une amère déception malgré la qualité indiscutable du LPO arguant de cordes superbes et de vents rutilants. Un concert sans prise de risque pour une soirée sans attrait…
Patrice Imbaud
La Symphonie n° 2 de Sibelius et la Symphonie n° 6 dite « Pathétique » de Tchaïkovski seront deux pièces maitresses de la tournée européenne qui conduira, dans les tous prochains jours, l’Orchestre Philharmonique de Radio France et son directeur musical, Mikko Franck, à Berlin, Munich, Cologne et Vienne. Superbe programme pour une exécution qui ne le fut pas moins ! La Symphonie n° 2 de Sibelius (1902) est considérée comme la dernière de la période nationaliste et romantique du compositeur. Elle fut composée lors d’un voyage à travers l’Europe et notamment en Italie. Plus que de s’attacher à un quelconque programme forcément réducteur ou à des influences souvent relevées comme celles de Tchaïkovski, force est de reconnaitre qu’elle porte en elle quelque chose de bien plus profond, « touchant aux profondeurs ultimes de l’inconscient et de l’ineffable » relevant plus de la musique pure que de la musique à programme. Analyse particulièrement pertinente de Wilhelm Stenhammar que le compositeur ne démentit pas tant il tenait à ce que sa musique revête, au-delà de toute considération nationaliste, un caractère essentiellement humain et universel, comme la suite de son œuvre le prouvera. Inutile de dire que le chef finlandais se trouvait, ici, dans son jardin…La deuxième symphonie est la plus longue des symphonies sibeliennes, voyant se succéder quatre mouvements, le premier constamment menacé de rupture par le caractère fragmentaire de courts thèmes sans développement, le second désolé et chaotique, un troisième en forme de scherzo incisif et impétueux conduisant sans interruption au final héroïque où se mêlent ivresse et angoisse sur un crescendo reprenant un motif obstinément répété. Mikko Franck nous en donna une interprétation lyrique, tendue, compacte, dynamique allant inexorablement de l’avant, claire respectant parfaitement les différents plans sonores, constamment animée d’un souci d’unité. Une lecture très convaincante à laquelle l’ensemble de l’orchestre adhéra avec brio. Après la pause, la Symphonie n° 6 dire « Pathétique » de Tchaïkovski (1893) une symphonie à la genèse un peu mystérieuse, composée quelques jours avant la mort du compositeur, une œuvre dont il ne proposa jamais aucun programme contrairement aux autres symphonies (n° 4 & 5) de la trilogie du fatum…Malgré la clarté de l’interprétation et la qualité de l’exécution Mikko Franck en donna, nous semble t il une vision moins convaincante avec un premier mouvement qui nous parut un peu trop lent et haché, un second un peu superficiel, avant de retrouver toute sa verve dans la direction et son allant orchestral dans le troisième à la manière d’un scherzo dionysiaque sans un instant de répit conduisant à une intensification du volume sonore et de la scansion rythmique avant le final empreint d’une désolation poignante se concluant sur un murmure de mort…Premier final lent concluant une symphonie depuis celui de la Symphonie des « Adieux » de Haydn….
Une magnifique soirée et un splendide « Philhar » qui augure d’un succès mérité lors de la tournée prochaine. Tous nos vœux vous accompagnent !
P.I
Pendant le court interrègne séparant le départ de Daniele Gatti et l’arrivée prochaine d’Emmanuel Krivine comme directeur musical, le « National » voit se succéder sur l’estrade, pour notre plus grand bonheur, les plus grands chefs invités dont Neeme Järvi n’est pas le moindre, expliquant sans doute l’affluence du public dans le grand Auditorium de la maison ronde, pour un magnifique programme taillé sur mesures pour le célèbre chef estonien, associant la Suite n° 4 « Mozartiana » de Tchaïkovski et la Symphonie n° 7 dite « Leningrad » de Chostakovitch. Sans s’étendre sur la Suite n° 4 de Tchaïkovski conçue comme un vibrant hommage rendu par le compositeur russe au maitre de Salzbourg, il convient de rappeler que cette œuvre rarement donnée fut composée en 1887, année coïncidant avec le centenaire de la création de Don Giovanni, opéra qui semble avoir produit sur le compositeur russe une impression saisissante au point de décider de son engagement dans la carrière musicale : « C’est à Mozart que je dois d’avoir consacré ma vie à la musique… ». Une œuvre bâtie sur des orchestrations de compositions mozartiennes pour clavier, dans le style « A la manière de… » sorte de réincarnation du passé dans une œuvre moderne d’une grande fidélité à l’esprit mozartien, cantabile et galante, où l’on regrettera la sècheresse relative des cordes compensée par un très beau solo de violon de Luc Héry. Beaucoup plus intéressante fut l’interprétation magnifique de la Symphonie Leningrad. Composée en 1941, en partie sous les bombes lors du siège de la ville par les troupes allemandes, première symphonie de guerre, symphonie mythique, véritable moment d’histoire emblématique de la lutte contre le nazisme. Photographiée, microfilmée, cachée dans une boite de conserve, la partition fut envoyée à New York où elle fut dirigée dès 1942 par Toscanini, par Mvravinski à Novossibirsk, par Samosoud à Kouïbychef, et par Karl Eliasberg à Leningrad où trois instrumentistes moururent de faim avant la fin des répétitions, puis diffusée dans le monde entier. Une œuvre à part dont l’auteur donna plus tard une autre clé de lecture dans ses Mémoires, rappelant les réminiscences et analogies pouvant exister dans son esprit entre la cruauté de ses années de guerre et celle des années de purges staliniennes antérieures…. Constituée de quatre mouvements, il s’agit de la plus longue des symphonie de Chostakovitch dont Neeme Järvi donna une lecture tout à fait passionnante, plutôt dans la lignée d’une vision européenne, plus lente, plus lyrique, moins abrupte que des interprétations russes de référence comme celles de Kondrachine notamment. Un premier mouvement saisissant d’effroi avec un grand crescendo sur un rythme de marche scandé par les roulements obstinés de la caisse claire se terminant sur un murmure préludant à un silence résigné, un second mouvement très ambigu, caractéristique des compositions de Chostakovitch, à la fois lyrique (cantilène du hautbois et du cor anglais) grinçant et burlesque, où les associations de timbres peuvent paraitre surprenantes, comme la clarinette basse associée à la harpe, un troisième mouvement comme une sorte de vaste déploration mêlant flutes, cordes et harpe, espèce de lamento avec contrechant d’altos rapidement interrompu par une marche guerrière avec martèlements et dissonances retombant dans une fausse sérénité avec une longue tenue du dernier accord précédant sans interruption le final apocalyptique. Une interprétation, répétons le, époustouflante, sollicitant tour à tour tous les pupitres d’un National au mieux de sa forme, avec des cuivres divisés, renforçant la clarté du discours. Une dynamique tendue, riche en nuances et contrastes, une parfaite organisation des plans sonores, une direction précise s’appuyant sur une gestique sobre et pertinente. Du grand art pour une interprétation qui restera, à n’en point douter, dans les mémoires.
P.I
Le « National » vit actuellement une période bien singulière, particulièrement riche et brillante, voyant se succéder au pupitre les plus grands chefs du moment. Les semaines se suivent mais l’excellence reste. Après la formidable interprétation de Neeme Järvi la semaine passée dans la musique russe, c’était au tour de Bernard Haitink de faire montre de son immense talent de chef d’orchestre dans un programme tout entier dévolu à la musique française, avec deux œuvres magnifiques, rarement données dans leur intégralité, le Gloria pour soprano, chœur mixte et orchestre de Francis Poulenc et le ballet intégral de Daphnis et Chloé de Maurice Ravel. Deux compositions considérées à juste titre comme de véritables chefs d’œuvre dont le « National », associé à la soprano Patricia Petibon et au Chœur de Radio France, tous transcendés par la direction sobre mais pertinente du chef batave, donnèrent deux interprétations d’une ferveur et d’un brio exceptionnels. Le Gloria de Poulenc fut composé en 1960, dédié à son commanditaire Serge Koussevitzky, et créé en 1961 par le Boston Symphony Orchestra, dirigé par le grand Charles Munch. Sa création française fut donnée justement par le « National » la même année sous la direction de Georges Prêtre. A l’image de son compositeur, il s’agit d’une composition décalée, atypique, extravertie marquant le retour à la foi du compositeur après le décès tragique du compositeur Pierre-Octave Ferroud. « Songeant au peu de poids de notre enveloppe humaine, la vie spirituelle m’attirait à nouveau… ». De ce renouveau naquit le Gloria dans un savant mélange de gouaille populaire, de religiosité et de théâtralité. Une œuvre toute en contrastes où la soprano Patricia Petibon se montra bouleversante par sa voix au timbre céleste, sa facilité vocale, par la délicatesse et la souplesse de son phrasé, par la pureté de sa diction, apportant aux « Domine Deus » et « Domine Deus, Agnus Dei » toute la ferveur et la foi d’une prière. La musique du ballet Daphnis et Chloé est « LE » chef d’œuvre ravélien….Symphonie chorégraphique en trois parties sur une chorégraphie de Fokine d’après les Pastorales de Longus, écrivain grec du IIIe siècle, elle fut créée dans le cadre des Ballets russes de Diaghilev, sous la direction de Pierre Monteux, en 1912 au Théâtre du Chatelet. Du ballet intégral donné ce soir, évènement rare, furent tirées deux Suites orchestrales à ne pas confondre car bien plus souvent données au concert. Exceptionnelle partition, véritable feu d’artifice orchestral s’appuyant sur une orchestration d’une redoutable complexité utilisant tous les timbres de l’orchestre avec force percussions, elle évolue sur plusieurs crescendos fulgurants évoluant par vagues successives tout au long des trois tableaux donnant, tour à tour, la part prédominante aux associations timbriques, aux rythmes, au chœur sans paroles utilisé come une famille d’instruments à l’instar de Sirènes de Debussy, ou au tutti. Une partition luxuriante, audacieuse et raffinée dont Bernard Haitink sut tirer la quintessence, aidé en cela par un « National » au mieux de sa forme (flute, clarinette, cor anglais, cuivres) et à un Chœur de Radio France particulièrement réactif et impliqué. Un programme rare, une interprétation superlative pour une soirée inoubliable et triomphale.
P.I
Comme chaque année l’Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg dirigé par son immuable directeur musical, Yuri Temirkanov, était de passage pour deux soirées au Théâtre des Champs-Elysées, avenue Montaigne, en compagnie du célèbre pianiste Boris Berezovsky, dans un programme totalement dédié à a musique russe associant Rachmaninoff (1873-1943) et Stravinsky (1882-1971). Le Concerto pour piano et orchestre n° 3 de Rachmaninoff ouvrait les réjouissances devant un public venu nombreux. Une œuvre éternelle, composée en Russie et créée par son auteur en 1909 à New York. Une œuvre virtuose, reconnue comme l’une des plus périlleuses de tout le répertoire pianistique. Le pianiste russe, au jeu constamment juste, tantôt orchestral, tantôt confident, sans pathos excessif, sans vaine virtuosité et effets de manche, nous en donna une lecture particulièrement enthousiasmante, mêlant douleur intense et lyrisme exacerbé dans une savante symbiose avec l’orchestre (le piano étant d’ailleurs placé au milieu des cordes que Berezovski semblait diriger du regard…). Une interprétation magnifique, poignante, sous tendue par un équilibre parfait se terminant par une cavalcade effrénée où la composante rythmique semble l’élément prédominant. Une lecture très convaincante qui fit à juste titre lever la salle pour un triomphe mérité. En seconde partie, le Sacre du printemps de Stravinski, une œuvre demeurée célèbre depuis sa création dans ce même théâtre le 29 mai 1913, sur une chorégraphie de Nijinski pour les Ballets russes, où elle fit scandale…Les choses ont bien changé depuis puisque c’est dans le silence absolu que le public écouta cette partition enivrante empreinte de couleur et de rythmes, véritable exercice d’orchestre et de direction. Yuri Temirkanov nous en proposa une vision somme toute assez policée, parfaitement mise en place, plus apollinienne que dionysiaque, que d’aucuns auraient préférée plus barbare, plus primitive et plus abrupte...Reste à souligner surtout la qualité superlative de l’Orchestre de Saint-Pétersbourg, tous pupitres confondus et l’efficacité de la direction de Yuri Temirkanov pour cette soirée totalement réussie nous donnant à entendre deux visages bien différents de la virtuosité.
Patrice Imbaud
Publié en vue du Cinquième Centenaire de la Réforme (en 2017), lancée le 31 octobre 1517 par Martin Luther avec l’affichage présumé de ses Thèses, et sous-titré : Œuvres originales et Arrangements, ce volume est destiné au culte et au concert.
Dans sa collection bien connue, portant sur les temps liturgiques et les circonstances de la vie chrétienne, Carsten Klomp regroupe des chorals reposant sur un cantus firmus traditionnel, quelques Préludes de chorals et des harmonisations à l’orgue destinées à l’accompagnement du chant des fidèles. De plus, pour rehausser l’éclat d’une cérémonie, des instruments (vents, cordes), transpositeurs ou non, peuvent être associés (cahiers joints : en do, si b, mi b et fa). Ce recueil présente 14 Chorals pour lesquels le Réformateur allemand a écrit les paroles dans la langue du peuple (selon l’optique de la Réforme) et composé ou arrangé la mélodie. Ces Lutherlieder ont été traités par de nombreux compositeurs du XVIe siècle à nos jours, depuis Johann Gottfried Walther (1684-1748) et Johann Sebastian Bach (1685-1750), Johann Ludwig Krebs (1713-1780) et Gottfried August Homilius (1714-1785) jusqu’à Sigfrid Karg-Elert (1877-1933), Carsten Klomp (né en 1965)... Ils sont encore chantés au XXIe siècle (les références aux recueils en usage sont précisées) : c’est le cas de l’emblématique : Ein’ feste Burg ist unser Gott bénéficiant notamment des versions de Max Reger (1873-1916) avec cantus firmus à la pédale et de Robert Frenzel (1850-1928) avec thème planant à la partie supérieure en valeurs longues, arrangées par Carsten Klomp. Le Cantique de Siméon : Mit Fried und Freud ich fahr dahin est reproduit d’après Dietrich Buxtehude (1637-1707) adapté par C. Klomp qui a placé le chant d’assemblée en valeurs longues au-dessus de la partie d’orgue et propose également une version d’accompagnement. Les organistes trouveront ainsi des versions fonctionnelles destinées au culte dominical en liaison avec les chorals de Martin Luther. Ils apprécieront d’autres versions (sans lien avec un choral) très utiles pour des concerts, par exemple, en introduction : l’arrangement de la Sinfonia en Fa majeur (BWV 704) de J. S. Bach, ou encore, dans la version de C. Klomp, le Prélude de Théodore Dubois (1837-1924) — qui n’est pas seulement l’auteur du Traité d’harmonie...
Au total : 29 (cf. p. 3) œuvres ciblées et dotées d’un solide pouvoir d’association d’idées. Organistes : à vos claviers pour, aux cultes et aux concerts, célébrer dignement et de manière originale le Cinquième Centenaire de la Réforme.
Édith Weber
Cette très belle œuvre n’aura pas forcément besoin d’un très grand orgue pour s’exprimer : deux claviers pédalier peuvent suffire. La mélodie du cantique, qui remonte au XVII° siècle, est énoncée sur une nappe d’arpèges tandis que la pédale soutient en valeurs longues l’ensemble du discours. Ce cantique, dont les paroles sont inspirées librement du Veni, Sancte Spiritus mais qui emprunte aussi à celles du Veni Creator, est en même temps un très beau texte littéraire dont on pourra s’imprégner pour interpréter cette Méditation.
Daniel Blackstone
Nous avons rendu compte du premier volume de cette collection dans notre lettre de septembre 2016. Nous ne pouvons que redire ce que nous écrivions alors : la postface de Yannick Stéphant, Première danseuse de l'Opéra de Paris, Danseuse Étoile aux Ballets de Monte Carlo., est un gage de la qualité de ce travail. La présentation qu'en fait l'auteur explicite le propos de cet ouvrage qui aidera les nombreux pianistes accompagnateurs de cours de danse à enrichir leur répertoire. Ceux qui ont pratiqué ce métier savent bien qu'il leur faut improviser sans répit et qu'il est bon parfois, de pouvoir se nourrir de l'invention des autres… Cette fois, ce sont quarante et une pièces qui nous sont proposées, et la qualité est toujours au rendez-vous. Comme dans le précédent volume, le sommaire en donne à la fois l'esprit, par des titres suggestifs, et l'utilisation technique par des indications précises. C'est un excellent travail qui devrait rendre service à beaucoup !
D.B
Faut-il voir dans les trois pièces brèves trois aspects du fameux combat entre le petit David et le géant Goliath ? Quoi qu’il en soit, ce pourra être l’occasion de faire découvrir ou redécouvrir aux élèves un épisode sans doute bien oublié aujourd’hui. Sic transit… La première pièce est un « Assez allant » martial, la seconde, un « Lent » méditatif et lyrique et la troisième une sorte de danse de victoire. L’accompagnement, fort bien écrit, pourrait-être aussi joué, pourquoi pas, par un jeune pianiste.
D.B
Il s’agit de la version pour alto de la pièce pour violon recensée plus haut.
D.B
Ecrite au cours de l’année 2016, cette œuvre poursuit un double but : d’abord de proposer une pièce de concert. La pièce a donc été créée le 25 juin 2016 pour le Festival du Vexin. D’autre part, elle a été proposée pour le concours des Jeunes Violoncellistes de Violoncellenseine en décembre 2016. Hommage à Claude Debussy, mais avec le langage musical de l’auteur, cet « envol » évoque à la fois l’histoire d’un petit oiseau, mais aussi l’envol des propres enfants de l’auteur ainsi que celui des jeunes violoncellistes du concours…
D.B
Ecrite pour le concours Violoncellenseine 2016, cette pièce se rattache à la précédente par la reprise des thèmes de celle-ci. Ces morceaux « aux couleurs orientales et chatoyantes, nostalgiques et rythmées » font partie d’un ensemble. Celui-ci a la particularité de permettre à l’élève de se présenter à la fois en paroles et en musique.
D.B
Nous avons rendu compte dans notre lettre n° 55 de janvier 2012 de cette remarquable publication. A l’ensemble des partitions déjà recensée s’ajoute aujourd’hui cette partition de poche éditée également par Jonathan Del Mar avec une copieuse préface. Voici donc complète cette édition d’une page centrale de l’œuvre du compositeur. Inutile de préciser qu’on y retrouve toutes les qualités graphiques des autres partitions.
D.B
La joyeuse fable à laquelle nous invite l’auteur met en scène, comme tout bon récit selon le schéma narratif cher à notre Education Nationale, un état initial, un élément perturbateur, des péripéties, un dénouement et une situation finale… Trêve de pédanterie, tout cela est fort bien mené, fort amusant et… fort musical. On pourra sans doute noter au passage quelques réminiscences. Bref, contrebassiste et pianiste pourront montrer dans cette pièce toute leur musicalité et tout leur sens de l’humour.
D.B
À la fois amusante, originale et didactique, cette Valse rengaine se démarque des œuvres de la Renaissance. En fait, les flûtes à bec rendent à merveille les sonorités de l’orgue de Barbarie. La visée pédagogique est indéniable : les élèves seront familiarisés avec le tempo de la Valse et devront respecter les contretemps, toutefois sans masquer la mélodie répétitive et lancinante de la rengaine. Cette œuvre est écrite pour 5 flûtes à bec alto et une flûte à bec basse (ou 6 flûtes à bec alto). Elle transmet aux interprètes et auditeurs la naïveté et le charme rustique de l’orgue de Barbarie, comme on en trouve sur les manèges d’enfants. Après la maîtrise des difficultés rythmiques : divertissement assuré en parfaite adéquation entre titre et résultat sonore.
Édith Weber
Cette Poucette-là n’a rien à voir avec Michel Serres mais nous replonge au contraire dans les contes de notre enfance. Des péripéties nous conduiront, à travers cinq épisodes, de la naissance au mariage. Le tout est écrit avec beaucoup de grâce et de fraîcheur dans un langage qui fait penser au meilleur de l’école française. Les techniques « contemporaines » ne sont là que pour illustrer le récit. Bref, c’est à un fort agréable bain de jouvence que nous invitent l’auteur et ses interprètes. On pourrait même imaginer, pour une audition, une discrète mise en scène. C’est en tout cas vraiment délicieux.
Daniel Blackstone
Ecrite dans une tonalité qui réjouira le saxophoniste mais désespèrera le pianiste, cette jolie pièce comporte deux parties et une sorte de coda qui reprend la première. Cette première partie, « allant et bien rythmé », évoque une promenade tonique le long de la rivière. La deuxième partie, à 6/8, avec ses allures de barcarolle et à jouer « avec nonchalance » permet aux deux instrumentistes de s’épancher à loisir, au moins pour le saxophone, car le piano se lance dans des arabesques qui, sans être difficiles, demandent une certaine dextérité. Le retour au tempo primo clôt cette agréable promenade.
D.B
Le pluriel du titre est tout à fait justifié. Après une première partie bien rythmée en sol mineur, un Calmo nous entraine dans une sorte de deuxième mouvement de concerto dans le style de Mozart, en sol majeur. Suit une ample cadence qui nous ramène au thème et à la tonalité initiaux. L’ensemble est tantôt brillant tantôt lyrique et forme un ensemble très plaisant. Piano et saxophone dialoguent avec bonheur. C’est une jolie pièce de concert autant que d’étude.
D.B
Cette peinture japonaise est construite essentiellement sur la gamme pentatonique japonaise, ce qui lui confère un caractère exotique bien typique. Ce pourra être l’occasion, d’ailleurs, d’initier l’élève à ces modes qui nous sortent de nos modes occidentaux. Au centre de la pièce se trouve une jolie cadence. Le dépaysement est garanti, mais le plaisir musical aussi !
D.B
Ces épisodes qui portent bien leur qualificatif se succèdent joyeusement même si l’on va du Maestoso à l’allegro moderato, qui l’est de moins en moins en passant par un « Andante espressivo » sans oublier une cadence pleine de surprises. Bref, on ne s’ennuie pas tout au long de cette œuvre qui offre aux deux interprètes la possibilité de montrer toute la palette de leurs talents.
D.B
Faut-il déduire de ce titre que les trombonistes ont l’humeur badine ? En fait, cette œuvre fort allègre n’a rien de terrifiant. Au contraire, tantôt « cantabile » tantôt folâtre, notamment dans sa dernière partie, elle n’engendre pas la mélancolie. Le piano, tout à fait jouable par un élève, possède un rôle non négligeable dans l’aventure. Souhaitons donc beaucoup de plaisir aux jeunes interprètes.
D.B
Le timonier n’est pas seul pour nous chanter sa chanson : le pianiste joue un rôle non négligeable dans l’aventure. A un andante qui ne manque pas de lyrisme succède un « allegro giocoso » à 6/8 rebondissant à souhait et qui n’engendre pas la mélancolie. Avec un tel chant, notre timonier ne peut conduire son navire que vers des horizons enchanteurs.
D.B
Le titre est difficile à porter… mais l’œuvre est très dense et d’une poésie réelle. Le trombone assure dans la première partie un chant à la fois sombre et poétique ponctué par les accords charnus du piano. La deuxième partie « più mosso e molto espressivo » fait dialoguer les deux instruments. Le « tempo primo » revient enfin pour s’enfoncer, pianissimo, dans une nuit profonde. L’intérêt musical est certain et ce songe ne devrait pas laisser ses interprètes indifférents.
D.B
Ce chant possède un caractère robuste et fait penser du moins dans sa première et sa troisième partie à un chant de marche. L’andante rustico à 6/8 du milieu est, quant à lui, nettement plus bucolique. L’ensemble est aussi varié qu’agréable et la partie de piano, qui joue son rôle à part entière, n’est pas très difficile et sera avantageusement jouée par un élève.
D.B
C’est sans doute à cause de sa taille que l’auteur a intitulé son œuvre « Sonatine ». Mais elle mérite, par son intérêt d’être prise au sérieux : en trois mouvements, comme il se doit, elle déploie intérêt musical et charme réel. Le premier mouvement est un moderato qui a des allures de barcarolle. Piano et cor dialoguent dans un discours lyrique bien agréable. Le deuxième mouvement, adagio à 4/8, est un long récit lyrique ornementé, tandis que le troisième, qui s’ouvre sur un joyeux solo du cor, se continue par un allegro très rythmé qui débouche lui-même sur un « subito più vivo » avant le retour au tempo primo qui se clôt triomphalement fortissimo. Corniste et pianiste devrait y trouver de quoi montrer toutes leurs qualités musicales et techniques.
D.B
Construite sur un rythme récurrent dans un la mineur énergique et martial, cette pièce, tantôt rebelle tantôt plus lyrique comporte deux parties : un moderato à 3/4 puis un allegro à 4/4. Le thème du début revient dans les six dernières mesures. L’ensemble est très bien écrit tant pour l’instrument à vent que pour le piano. Les deux interprètes devraient y trouver beaucoup de plaisir.
D.B
Certes, la tessiture du tuba basse nous entraine aux enfers, mais ce séjour des morts fait plutôt penser à Offenbach. Ne nous en plaignons pas : l’ensemble est fort plaisant et le tuba bien caressant dans ses arabesques poétiques. Un certain « allegretto scherzando » à 5/8 est notamment bien réjouissant. L’ensemble est varié, à la fois léger et poétique et se termine triomphalement par un fortissimo.
D.B
Cette pièce demande un jeu complet de percussions puisqu’on y trouve caisse claire, tom basse, cymbale suspendue, deux wood-blocks, trois timbales, un xylophone et un tambourin. C’est en dire aussi la variété. Trois ambiances différentes nous sont proposées : Désert de Takla-Makan, moderato exotique, Au rythme du Yak, grande espèce de ruminant à longue toison, allegro, où les timbales font merveille, et enfin une Promenade en pousse-pousse ponctuée par le xylophone et le tambourin. L’ensemble est séduisant et pittoresque à souhait. Le dépaysement de bon aloi est garanti !
D.B
Il y a là de quoi permettre au jeune pianiste (la partie de piano est pour un élève) d’acquérir in bon sens de la pulsation. Encore faudra-t-il qu’ils aient la même. Nous sommes invités à un joyeux défilé dans un tempo raisonnable (ni la légion ni les chasseurs alpins…). Bref l’ensemble est bien réjouissant et bien tonique.
D.B
Le titre nous laisse-t-il entendre que le pianiste va se promener dans un magasin de porcelaine ? A priori non, car ces deux animaux (selon Saint-Saëns) ont l’air ici de bien s’entendre. D’abord à l’unisson, ils dialoguent ensuite sagement sur des rythmes joyeux. La partie de piano est facilement abordable par un élève. C’est, une fois de plus, une excellente initiation à la musique d’ensemble.
D.B
L’auteur, « amoureux de l’opéra, particulièrement italien, » a voulu en découvrir les sources. C’est donc à la recherche des mélodies et danses traditionnelles italiennes qu’il s’est lancé et a été frappé, en particulier, par la beauté de leur ligne de chant. Il a donc décidé de nous faire partager ses découvertes en en transcrivant huit pour quintette à vent, formation qui lui a paru la plus apte à en exprimer les richesses mélodiques et rythmiques. L’ensemble est très réussi et respecte pleinement le caractère des mélodies et danses originales. Cela pourra constituer en audition de grands élèves ou en concert, un répertoire aussi riche qu’agréable pour les auditeurs.
D.B
Nous ne pouvons que reproduire ici le commentaire de l’auteur : « J'ai écrit "Instants pour ne plus dire" en hommage à Pierre Wismer et Daniel Lesur qui furent mes professeurs vigilants et bienveillants. L'œuvre est construite en cinq courtes parties enchaînées pour un orchestre de chambre et mettre en valeur une grande ligne de chant. Le poème était incitatif, car la mémoire pour mes maîtres est toujours vivante. Ces instants de silence et de poésie sont plus vivaces que jamais. » C’est donc dans cet esprit, et avec son langage contemporain connu de tous que l’auteur nous livre cette œuvre attachante. Le conducteur est publié en fac-similé. D.B
Voici donc la deuxième partie du 9ème volume de ce cours complet de Formation Musicale dont nous avons recensé la première partie en septembre 2015. Ce volume est consacré au commentaire d’écoute, à l’audition et à la théorie/analyse. Que dire sinon qu'on retrouve dans ce cahier la même densité et la même qualité que dans les précédents. Le répertoire est excellemment choisi. Nous ne saurions trop conseiller de regarder de près ce volume.
D.B
Ce copieux volume a dû représenter un immense travail. Que l’auteur en soit remercié : c’est un vrai monument qu’il nous offre, à la fois théorique et éminemment pratique. Bien sûr, l’auteur est parfaitement conscient des limites obligées de son travail : il a recensé pas moins de 2048 modes et a dû, de ce fait se limiter… Il y a cinq parties dans cet ouvrage, outre la préface et un mode d’emploi préliminaire du livre, du CD-ROM et de l’Abécédaire : 1 – le Mode d’emploi, 2 – les modes de référence, 3 – les systèmes modaux, – 4 – L’abécédaire des modes, qui permet de trouver à partir de ses notes, le mode qu’on recherche, 5 – les annexes qui ne comptent pas moins de trente pages. L’ensemble rend extrêmement clair un monde pour le moins compliqué et touffu. C’est un outil de travail indispensable, très pratique, et en plus passionnant…
D.B
Diplômé de Sciences Po, sociologue, musicologue et… chef de chœur, l’auteur, plein d’humour, semble connaitre parfaitement l’angoisse existentielle du chef de chœur arrivant à sa répétition en se demandant comment il va pouvoir mettre en voix ses choristes sans tomber dans une routine qui rend cet exercice peu productif… Ces 179 formulettes sont non seulement un antidote à cette angoisse mais surtout un moyen de faire progresser le chœur notamment dans ce qui fait l’une des caractéristiques d’un grand chœur : la prononciation exacte des voyelles. Ce sera aussi l’occasion pour les chefs non seulement de renouveler leur répertoire de mise en voix mais de se lancer à leur tour dans la création de nouvelles formules. On ne peut que recommander chaudement cet ouvrage.
D.B
Litanies de la Sainte-Vierge.
En septembre 1887, l’abbé Grivet, ancien maître de chapelle et professeur à Notre Dame des minimes à Lyon sollicite un grand nombre de compositeurs français afin de fêter le jubilé pontifical de Léon XIII, dans un contexte où le souverain pontife prône le ralliement à la République Française. Le cahier des charges est strict. Il s’agit de composer une pièce pour chœur mixte et orgue ou harmonium sur les Litanies de la Sainte Vierge. De nombreux compositeurs connus ou aujourd’hui moins connus répondent favorablement. Ce sont six de ces œuvres écrites par des compositeurs connus que nous offrent aujourd’hui les éditions Symétrie.
On lira sur le site de l’éditeur l’intégralité du texte de présentation de cette œuvre. L’ensemble est joli, chantant, facile tant pour le chœur que pour l’accompagnement
D.B
Comme pour la précédente, on se rapportera pour la présentation au site de l’éditeur. Sans difficulté et de style choral, cette litanie porte le texte sans effets théâtraux.
D.B
Attention, l’œuvre d’Ambroise Thomas est écrite pour trois voix égales, de préférence hommes. Très courte, elle est plus lyrique que les précédentes, plus dramatique aussi. Les voix se répondent dans des implorations expressives.
D.B
A quatre voix mixtes, l’œuvre de Delibes rappelle le style de sa Petite messe bien connue. Le tout ne dure qu’environ deux minutes, mais ces minutes sont variées et chantantes à souhait.
D.B
Même si la pièce reste extrêmement simple, on y reconnait la patte du Frank de la maturité. L’aspect litanique est scrupuleusement gardé.
D.B
Des six litanies publiées ici, c’est la moins courte et sans doute la plus lyrique, bien qu’elle respecte la structure liturgique du texte. Mais Gounod était un expert en la matière. Ce sont donc ici trois minutes de musique bien dans le style de leur auteur. D.B
Précisons que l’ensemble de la partition d’orchestre est également disponible (BA 4538) ainsi que la partition de poche (TP 152). Il n’est pas si fréquent que la réduction de piano soit vraiment… pianistique. C’est le cas ici, et cela mérite d’être souligné. D.B
C’est dans une grande tradition française que s’inscrit cette œuvre. De Joseph Canteloube à Francis Poulenc en passant par Vincent d’Indy et bien d’autres (nous pensons en particulier au trop oublié Marc de Ranse dont seul le Furet est encore chanté, mais dont les Symphonies vocales sur des chants populaires sont totalement oubliées, et aussi à César Geoffray…), toute une tradition de réappropriation du folklore français existe, malheureusement combattue par l’Education Nationale. Nous saluons donc tout particulièrement cette œuvre. Si elle est cataloguée comme « facile », il y faudra cependant un chœur capable de se diviser en huit voix elles-mêmes parfois divisées… Précisons bien que l’auteur, s’il respecte parfaitement l’esprit de la chanson, la réinterprète dans son propre langage, comme l’ont su faire ses prédécesseurs, le tout avec respect et avec un goût parfait. Daniel Blackstone
Avec une pénétration psychologique très poussée et grâce à l’exploitation de documents authentiques (correspondances, interviews, critiques, commémorations, programmes…), Mélisande Chauveau a le don de s’identifier, pour ainsi dire, à ses personnages : compositeurs (allant de Hildegard de Bingen (XIIe siècle) à George Gershwin), danseurs, interprètes (de Pablo Casals à Edith Piaf) ; elle les situe judicieusement dans leurs divers contextes (historique, artistique, sociologique, économique) et dans l’esprit du temps.
Voici une réussite de plus : Maria Callas (alias Maria Kalogeropoulos, née à New York le 2 décembre 1923 et morte à Paris le 16 septembre 1977), se raconte, sous la plume alerte de l’auteur particulièrement sensible aux tribulations et émotions qui ont jalonné la carrière de l’incomparable artiste. L’existence passionnante de cette chanteuse passionnée est présentée par tranches de vie jusqu’au 11 novembre 1974 où sa « voix s’est tue à jamais ». Pas de fiction, mais des évocations suggestives de la réalité parfois assorties de quelques anecdotes authentiques, mais surtout le reflet d’un destin tragique.
Au fil des années, elle deviendra progressivement la prima donna assoluta. Dès 1937, elle est, à Athènes, une « machine à audition ». En 1940, elle se perfectionne en Grèce avec d’éminents professeurs ; l’année d’après, c’est le triomphe avec La Tosca. Ses nombreuses tournées internationales l’amènent, entre autres, en Allemagne, Italie, Argentine, Amérique... Le remplacement de Renata Tebaldi à la Scala de Milan dans le rôle d’Aida en 1950 est marqué par un fiasco, alors qu’avec la même œuvre, elle triomphera à Naples et au Mexique. Elle sera adulée par les uns, haïe par les autres et n’échappera pas aux aléas de la carrière d’une « prima donna de roman » (p. 137), ni à un « tsunami émotionnel » (p. 171).
Son enregistrement de Carmen (label EMI) sous la direction de Georges Prêtre et sa prestation à l’Opéra de Paris marquent l’apogée et le miracle de sa carrière (cf. Partie 16). Elle s’est donc produite sur les plus grandes scènes du monde : Scala de Milan, Festival de Vérone, Metropolitan Opera de New York, Opéra de Paris... Malgré sa santé précaire, elle a connu aussi bien le succès avec standing ovation que les sifflets ; le triomphe que le doute et le désespoir ; la sérénité que la brutalité ; la joie que la frustration. À l’occasion du 30e anniversaire de la disparition de Maria Callas, Mélisande Chauveau offre à ses lecteurs « une relecture passionnante et passionnée de la vie de cette interprète inoubliable ».
Édith Weber
Sous la responsabilité d’Alain Cartayrade, toujours soucieux de cultiver l’héritage de Maurice et Marie-Madeleine Duruflé, ce Bulletin reprend le plan habituel de la revue et signale quelques manifestations et commémorations récentes. Plusieurs contributions situent Maurice Duruflé par rapport à la musique française, à l’École diocésaine de Caen, à la Maîtrise de Notre-Dame de Rouen, et présentent les différents instruments : Orgue d’accompagnement Ducroquet-Merklin (avec historique : 1845-1945), nouvel Orgue Ducroquet (d’après le devis de 1846) ; enfin Grand Orgue Merklin à 4 claviers et pédale — dont une Bombarde 16 pieds (selon le relevé de Louis Godefroy (1885) endommagé lors des bombardements en 1940). En 1956, lors de la réouverture de la Cathédrale, c’est Maurice Duruflé qui a inauguré le nouvel instrument de la Manufacture Jacquot Lavergne. Ces descriptions sont complétées par d’utiles annexes et documents d’archives : articles dans la presse locale rouennaise, entre autres d’Amédée Méreaux (1860-1866) et plus récents. Maurice Duruflé rappelle ses souvenirs d’une part de la vie quotidienne de pensionnaire à la Maîtrise Saint-Évode et d’autre part de nombreux concerts.
Les musicologues et organistes seront très intéressés par la mise à jour à partir du manuscrit d’André Fleury (1928) du Scherzo (op. 2) ayant permis d’établir la version définitive destinée à la publication. Les interprètes apprécieront à juste titre quelques données relatives à sa Suite pour orgue (op. 5) : date, critiques, programmes d’époque, interprètes. Cette œuvre a donné lieu à une analyse du manuscrit et des éditions successives et révisions par Maurice Duruflé (dépôt du Fonds Duruflé par les Éditions Durand à la BNF) permettant d’utiles comparaisons. L’analyse détaillée avec indications précises pour la registration, le jeu, les nuances et même des indications métronomiques permettront aux organistes de rester fidèles à l’interprétation voulue par le compositeur. Des tableaux synoptiques avec le plan de la Suite : Prélude, Sicilienne et Toccata (p. 144-145) sont très instructifs. À noter également la transcription récente avec orchestration de cette Suite précisant les critères retenus, ainsi que, inversement, la transcription pour orgue des Trois Danses (op. 6), en tenant compte des particularités de l’instrument et de l’acoustique des lieux. De plus, ce Bulletin comprend un CD du plus grand intérêt, avec des enregistrements historiques de Maurice et Marie-Madeleine Duruflé ou par d’autres organistes, comprenant également des Préludes de choral de J. S. Bach et des œuvres de Marcel Dupré, Gaston Litaize et d’Olivier Messiaen.
Cette Revue marque le 30e anniversaire de la mort de Maurice Duruflé (1902-1986) et le 15e anniversaire du décès d’Éliane Chevalier (1925-2001), sœur de Marie-Madeleine et belle-sœur de Maurice. Comme le rappelle Alain Cartayrade : « Par fidélité aux souhaits de sa sœur, Éliane Chevalier consacre ses dernières forces à la création de l’Association dédiée à son cher Maurice et à sa chère Marie-Madeleine. Elle se donne trois ans pour mettre l’Association sur de bonnes bases, souhaitant ensuite se retirer. Elle n’en a pas le temps puisqu’elle disparaît brutalement le 13 août 2001. » (p. 6). Ce 15e Bulletin, d’une très grande richesse, revêt un triple intérêt : hommages, apports historiques et organologiques, éditions. Devoir de mémoire fidèlement accompli.
É.W
L’auteur : Paul-André Demierre, né à Fribourg en 1951, a été formé aux Conservatoires de sa ville natale et de Genève, puis au Conservatoire GiuseppeVerdi de Milan, notamment en direction d’orchestre. Musicologue et Docteur ès-Lettres, il a aussi été producteur à la Radio Suisse. Ce livre est, en fait, une monographie concernant un couple d’artistes extraordinaires, en réponse à des questions posées par l’auteur. Sa genèse remonte à 1980, où il a assisté à la représentation de Lucrezia Borgia avec Joan Sutherland, sous la direction de Richard Bonynge. Il devait alors réaliser une interview du maestro pour la Radio Suisse Italienne, et il en fut si impressionné que, trente ans plus tard, il a voulu retracer leurs carrières.
L’éminent chef : Richard Bonynge (né en 1930) a, très jeune, été attiré par la musique : premières leçons de piano à 4 ans, formation au Conservatoire de Sidney, puis au Royal College de Londres où il se passionne pour la musique romantique et l’Opéra en particulier. À 14 ans, il interprète le Concerto en la mineur d’Edvard Grieg avec l’Orchestre Symphonique de Sydney. À Londres, il fait répéter de nombreux chanteurs et chanteuses. Il rappelle à cet égard : « J’ai épousé la plus grande et j’ai essayé de l’aider de mon mieux. Elle m’a indiscutablement soutenu tout autant et, ensemble, nous formions une équipe soudée, unis dans une longue et inoubliable relation qui a duré cinquante-sept ans » (p. 6).
Joan Sutherland (alias Dame Joan), « l’une des étoiles majeures au firmament de l’art lyrique du XXe siècle » (p. 7), est née en 1926 à Sydney. Elle raconte qu’elle a été initiée la musique par sa mère, puis par des professeurs du Conservatoire de Melbourne. En 1946, elle apparaît à Sydney comme choriste, puis soliste. En 1950, grâce à une bourse, elle étudie le piano et l’accompagnement des chanteurs au Royal College of Music de Londres. Herbert Freyer lui fait apprécier la musique romantique. Elle donne alors des concerts (Londres, Belgique) et s’intéresse beaucoup au théâtre. Les chapitres suivants — résultant d’interviews de Richard Bonynge — retracent sa carrière, évoquent ses souvenirs, ses tournées à l’étranger où elle s’affirme de plus en plus, leur mariage en 1954, ses rôles dans des opéras de Mozart, Haendel, Wagner et, en 1955, sa création de l’œuvre de Michael Tippett : The Midsummer Marriage. En 1959, Joan triomphe avec Lucia di Lammermoor et avec les disques DECCA (Donizetti, Verdi), EMI (Don Giovanni, entre autres). En 1960 : grand succès à Venise, avec Alcina (Haendel) et le disque The Art of the Prima Donna, puis à Dallas, Barcelone…
En 1962, Richard Bonynge remplace le chef d’orchestre au Théâtre Eliseo à Rome, où, pour leur première réalisation commune, elle interprète Alcina et I Puritani. Leurs carrières mouvementées se poursuivent en Amérique du Nord et au Canada. En 1964, elle se produit aux côtés de Luciano Pavarotti (Elvino) dans la Somnambula. Ils enregistrent un album de Noël : Joy to the World. Entre 1965 et 1973, le chef doit sélectionner des chanteurs et créer une future compagnie australienne. Ils entreprendront une longue tournée avec La Bohême, Lucia, La Somnambule, Faust, puis retourneront en Europe (Vienne, Milan). Ensuite : nouveaux triomphes et actes de bravoure à Seattle, avec Lakmé ; puis à Covent Garden, avec La fille du régiment. Elle y chante sa première Norma, « le rôle des rôles » (qu’elle avait abordé à Vancouver). En 1968, en concert au Royal Albert Hall de Londres, ils interprètent l’édition française originale des Huguenots de Meyerbeer. Puis, leurs deux carrières se déroulent « parallèlement, en laissant à chacun les opportunités d’engagements différents » (p. 82). Leurs prestations à Buenos Aires, au Teatro Colon, sont évoquées ; ils voyagent constamment (Madrid, Chicago, Florence, Philadelphie…). Au fil des pages : les opéras s’enchaînent : Lucrezia Borgia (1972) dans le rôle titre ; Die Fledermaus (La Chauve-souris) ; Esclarmonde (1974) à l’Opéra de San Francisco en « première exhumation moderne » ; Il Trovatore… Ils ont aussi donné en anglais The Merry Widow (La Veuve joyeuse) de Franz Lehar.
Depuis 1977, leur vie si animée se poursuit de par le monde, avec de très nombreux concerts et récitals. En 1982, ils figurent à l’affiche du Met et, en 1984 — à l’occasion des 10 ans de collaboration avec l’Australian Opera —, la Télévision australienne produit en hommage le documentaire : Sutherland, a Celebration. Les chapitres suivants font état d’un nouveau rôle donizettien : Anna Bolena et de son dernier rôle scénique : Ophélie, sans oublier les 25 ans de carrière de Joan au Met. Le chapitre XXXV, particulièrement émouvant, concerne « les derniers éclats d’une grande voix ». Richard Bonynge continuera sa carrière sans Joan. À partir de 2000, son activité se partage entre l’Australie et les États-Unis. Le chapitre XXXIX évoque le décès de Joan, le 10 octobre 2010, mais Richard précise : « C’est elle qui m’a donné le courage de poursuivre… ». En guise de conclusion, Pierre-André Demierre demande au chef de préciser le regard qu’il porte sur la carrière de sa femme et la sienne. Voici sa réponse : « Je suis heureux de la longue carrière que Joan et moi avons pu mener et du nombre d’ouvrages rares que nous avons pu exhumer… Mais la direction des théâtres l’a sollicitée, cela va sans dire, surtout pour des partitions brillantes mettant en valeur ses aigus et suraigus… Ce qui importe, c’est de pouvoir révéler des partitions de valeur qui ont été reléguées aux oubliettes » (p. 207). Ce livre bénéficie de nombreuses et remarquables photographies émanant de Collections particulières se déroulant comme le film de leur jeunesse à leur vieillesse, illustrant leurs divers cadres d’activités, les rôles et costumes, leur environnement autour des plus grandes personnalités. Il comprend également leur imposante discographie (avec DVD) respective par compositeurs et catégories et, surtout, l’Index de tant de célébrités avec Biographie sommaire : compositeurs, chefs, metteurs en scène, chanteurs, interprètes… (p. 228-270).
Grâce à Pierre-André Demierre qui a exploité des sources authentiques et de première main (entretiens avec Richard Bonynge ; documents d’archives), ce livre, remarquablement mis en page par Marie-Christine Papillon, projette un éclairage significatif sur la vie d’artiste et sur un exceptionnel couple passionné par l’opéra. Pour la postérité : bel exemple de fructueuse et intense collaboration « à la scène comme à la ville ».
É.W
Cette publication collective paraît dans la Collection « Musique-Sciences » de l’IRCAM (Centre Pompidou). Elle concerne globalement les liens entre la musicologie analytique et l’informatique, « OM » n’étant autre que l’abréviation désignant l’ordinateur ; Open-Music Computer impliquant environnement et exploitation compositionnelle. Les résultats et expériences de longues recherches sont exposés par 24 chercheurs européens ou extra-européens. Ce volume se décline autour d’un dénominateur commun : la création musicale contemporaine et ses matériaux. Il gravite autour de la composition assistée par ordinateur « CAS » (computer assisted composition), la transcription des timbres, de nouveaux rapports entre architecture et compositions musicales, y compris la résonance.
Les premiers programmes informatiques ont été lancés par Lejaren Arthur Hiller (1924-1994) et Michael Isaacson (né en 1946) ; ils ont ouvert la voie aux œuvres musicales assistées par l’ordinateur qui peut générer les matériaux et dont le programme assiste les compositeurs. L’« OM » peut restituer la musique à la fois auditivement et visuellement, comme le rappelle Roger Dannenberg dans sa Préface. Avant la lecture de ce livre si dense, les lecteurs — ne maîtrisant pas le langage informatique et la terminologie anglo-américaine relative à la Computer Music et à sa technologie — auront intérêt à consulter le relevé de ses « Outils » (p. 373-375), il leur permettra de s’orienter dans ce labyrinthe et les programmes informatiques, en particulier les systèmes de notation, les protocoles et, d’une manière générale, les objets musicaux.
Issus de très célèbres Universités et Centres de recherche internationaux et, pour certains, disciples du regretté Pierre Boulez (IRCAM), les auteurs bénéficient d’une formation pluridisciplinaire très diversifiée : théorie, composition musicale et organologie, acoustique, électronique et électro-acoustique, mais aussi pédagogie de l’interprétation et de l’improvisation, sans oublier l’intelligence artificielle, les phénomènes vocaux et l’énergie spectrale. L’interaction entre le compositeur et l’ordinateur est fort judicieusement appuyée par de solides commentaires et illustrée par des diagrammes et maquettes utiles et éclairantes. Ces 24 auteurs témoignent du chemin parcouru depuis Hiller et Isaacson. L’informatique musicale et la composition assistée par ordinateur sont en pleine effervescence.
Édith Weber
On n’est jamais si bien servi que par soi même, Cyprien Katsaris a crée son propre label, Piano 21, sous lequel il enregistre toutes ses musiques.
Avec “Les Affinités Electives“ célèbre roman de Goethe, Cyprien Katsaris donne le la, il va marier les époques, les styles, les genres et les compositeurs.
Cyprien Katsaris est un grand transcripteur et un grand improvisateur, aussi la moitié des morceaux sont des arrangements ou des compositions improvisées par Katsaris lui même “d’après“ tel ou tel compositeur.
Exceptés les deux premiers morceaux composés par Beethoven et Mendelssohn sur des poèmes de Goethe et qui donnent donc au CD son titre, Cyprien Katsaris use de ses propres affinités pour composer un programme qui court du XVII ème siècle à nos jours.
Chaque élément et son pendant évoquent des images, soit par leur titre soit par leur contenu, comme des bandes annonces de films de cinéma faites pour glorifier l’œuvre d’un créateur. Ce sont des morceaux courts, brillants, choisis par goût mais aussi pour mieux mettre en valeur le jeu et l’inspiration du pianiste qui n’en manque pas. Un jeu qui rappelle la fougue de Cziffra, les froides envolées d’Horowitz mais aussi la rigueur sensuelle de Kempf lorsqu’il interprète Beethoven.
Quand Cyprien Katsaris exhume John Loeillet of London des brumes de la musique britannique, c’est pour l’associer à Godowski en jouant sa transcription de la même courante. Le rapprochement des deux donne à chacune des versions l’occasion d’enrichir l’autre.
Avec Chopin, Katsaris se fait à la fois romantique et rigoureux sans tomber dans les excès liquoreux de beaucoup de ses confrères, avec raison il classe dans la même famille le Schumann du Carnaval avant de conclure par un “Merci Monsieur Chopin“ de sa composition, fruit probable de ces improvisations où il excelle, dont on ne sait si elle est un hommage ou une boutade. En littérature, on aurait qualifié ce genre de pastiche, en musique on dira qu’il s’agit d’un hommage bien tourné.
De Johann Strauss, il ne joue pas une valse mais une paraphrase de valse, écrite par Eduard Schütt qui compagnonne avec Une Rapsodie Hongroise de Liszt, les styles se mélangent, l’empire austro-hongrois est sauf et parfaitement ressuscité.
Cyprien Katsaris va aussi chercher des compositeurs plus rares comme le Bulgare Vladigerov et ses Impressions. Couplé avec un classique de Georges Gershwin The man I love, Katsaris oublie le côté jazzy habituel de ce standard et à entendre cette longue succession d’accords de septième et de neuvième, on pourrait croire ces deux morceaux issus d’une même famille.
Terminons par deux préludes d’Abram Chasins et Sergei Rachmaninoff, deux préludes ébouriffants comme des grands galops post romantiques. Le pianiste achève son programme par un Goodbye Mr Rachmaninoff de sa composition qui, tout en nuances et en sensualité, nous ramène curieusement vers le Tchaïkovski des Saisons.
La boucle est bouclée, grâce à Goethte, à ses affinités, à son phrasé chaleureux (et à son piano Bechstein dont il fait une belle promotion ! ), Cyprien Katsaris nous fait faire un somptueux tour d’Europe.
Jean François Robin
« La mémoire des concours »
Les éditions Muso ressuscitent les concours de la Reine Élisabeth de Belgique donnés en 1978 et en 1991 et gagnés respectivement par Abdel Rahman El Bacha et Franck Braley. Treize années entre les deux et le temps ne s’entend pas. Même perfectionnisme et même respect des partitions. Dans les deux CD, une sonate de Mozart, la n°17 en si bémol K 570 par Rahman El Bacha, et la n° 12 en fa majeur K 332 par Franck Braley. Ce dernier nous donne à entendre une sonate aérienne, jouée à la française, sans fioritures, les accords sont nets, tranchés et le tempo juste pour laisser une place aux nuances, même si parfois dans l’adagio, la pédale cherche à prolonger la mesure.
Chez Rahman El Bacha, Mozart redevient plus autrichien, plus musicien de salon et cette sonate qui cherche son numéro (16 ou 17) et ne figure pas dans toutes les éditions, retrouve grâce à l’interprète et ses ruptures subtiles, presque subliminales, les accents qui font la force et le charme des ces sonates qui ont traversé le temps et gardé leur authenticité. Avec Islamay de Balakirev, Abdel Rahman El Bacha nous ramène à ses racines orientales, il est libanais. Musique lascive, dansante et toute en dédales, il intègre dans son jeu à la fois la puissance slave et le raffinement de son pays. L’épreuve du concours s’achève toujours par un concerto. Abdel Rahman El Bacha interprète le Concerto n°2 en sol mineur de Prokofiev. La partition en fut perdue lors de la révolution de 1917. Alors, Prokofiev l’a réécrite en 1923 d’après une réduction pour piano. Musique composée en des temps troubles, la sauvagerie et les diableries n’en sont pas absentes et mêlent les effets d’orchestre tonitruants à la virtuosité subtile du pianiste comme s’il allait piquer les notes au hasard. Rahman El Bacha se sort grandement de ce mariage énorme de violences et d’onctuosités qui mettent en valeur la sensibilité du pianiste face à la lourdeur de l’appareil orchestral. Il a gagné le concours, il le méritait et sa carrière montre trente ans plus tard (nous gardons un grand souvenir d’une soirée donnée il y a peu à la Roque d’Anthéron) que ce n’était que justice.
Le Concerto n°4 de Beethoven, devenu presque galvaudé tellement il est joué, constituait le final du programme de Frank Braley. Le soliste était parfait, tout en nuances et en émotions, qu’en dire de plus. Le CD de Frank Braley s’ouvre sur Les Années de Pèlerinage de Liszt, sonetto 123, reflets d’un voyage en Italie. Il fut inspiré au compositeur par un sonnet de Pétrarque comme la plupart des chapitres de cette composition le sont d’œuvres littéraires. Le morceau déroule “ les hauts et les bas “ de la passion de Liszt pour Marie d’Agout qui avait tout quitté pour lui. Frank Braley joue la partition avec un lyrisme et une précision feutrée qui combinent les premières affinités mathématiques du pianiste et la poésie de ce nocturne, qu’il enchaîne avec les Variations sur un thème de Corelli de Rachmaninoff. Sur le même mode sensible, comme s’il s’agissait du même morceau. Belle performance qui met en lumière le catalogue de ses qualités d’interprète et de bon lecteur de l’œuvre. Frank Braley poursuit une belle carrière de soliste, de professeur (au conservatoire de Paris), de chambriste avec les frères Capuçon et de directeur musical de l’orchestre royal de Wallonie.
JF.R
Avec ce CD intitulé Reflets et symétries, Jean Muller nous emmène de Brahms à Ivan Boumans en passant par Ligeti et en concluant par Prokoviev. La sonate n°1 de Brahms est l’une des ses premières œuvres. Bien que certains trouvent qu’il tâtonne encore un peu, il affirme déjà ses préoccupations futures, grandeur symphonique, incursions dans la chanson populaire et dès le premier mouvement, influence de l’Hammerklavier de Beethoven, le Maître. Jean Muller en parfait analyste de la partition, restitue les intentions du compositeur et donne chair et matière à cette sonate qui pourrait sembler un peu immature si elle était jouée sans la fougue et le lyrisme que lui insufflent le pianiste. Le grand Brahms est déjà là. La symétrie du titre du CD est aussi clairvoyance de Jean Muller qui fait se refléter dans le Brahms, la sonate n°6 op 82 de Prokofiev. Une sonate qui démarre en trombe. C’est une sonate de guerre. Prokofiev ne voulait pas être romantique, il visait le gigantisme et atteint la démesure en faisant de la sonate une espèce de drame imagé et percutant. Jean Muller ne craint pas la virtuosité, il l‘assume avec une parfaite assurance dans un final brillant qui reprend le thème du premier mouvement. Après une première création radiophonique en 1939 par le compositeur, Sviatoslav Richter créait la sonate en concert. Ce cheminement de l’enregistrement radiophonique jusqu’au concert justifie pleinement le choix de Jean Muller de faire figurer cette sonate dans ce CD. Comme des cercles concentriques, les reflets et la symétrie se referment sur les deux générations suivantes avec Ligeti et Yvan Boumans. Avec György Ligeti et le côté percussif de son piano, le même que Brahms, c’est la fête des aigus qui dansent sur le clavier dans l’étude Arc en Ciel tandis que l'Étude l’Escalier du Diable, la plus connue, conduit l’auditeur dans ce vertigineux escalier dont il n’atteindra jamais le haut, semblable à un labyrinthe dont on ne verra pas le bout. Pour preuve cet écho de plus de vingt secondes qui clôt le morceau, à la gloire du piano et de l’interprète qui le laisser filer, comme le contre sujet d’une fugue qui resterait à inventer. Jean Muller se joue de ces rythmes complexes et superposés avec une détermination qui font de cette œuvre bien plus qu’un exercice à la difficulté redoutable.
Jean Muller, né en 1979, a le grand mérite de nous faire découvrir une œuvre d’un compositeur de sa génération, Ivan Boumans (*1983): une Barcarolle, dans la tradition de Chopin bien sûr, mais aussi de Debussy et de Dutilleux. Après un exergue de Platon : “La pensée, c’est l’art de la conversation de l’âme avec soi même“, le morceau se nourrit de cette méditation toute intérieure qui n’a pas peur du silence. L’occasion pour Jean Muller d’élever son jeu jusqu’aux sphères fragiles d’une sensibilité et d’un lyrisme très feutré qui nous réconcilie avec certains échos un peu grinçants “d’une musique contemporaine “ trop ardue. Jean Muller est un pianiste inspiré. Grâce à ce répertoire et au timbre splendide de son jeu et de son instrument, il nous ouvre toutes grandes les portes de la jubilation.
JF.R
Avec ce CD enregistré récemment à Paris, Ilya Rashkovskiy nous fait voyager dans sa Russie natale de Moussorgski à Tchaïkovski, jusqu’à Rachmaninov.
Avec cette musique à programme, il faut compter sur l’imagination fertile de l’auditeur pour découvrir les images des Tableaux d’une Exposition, courtes pièces suffisamment évocatrices pour que l’on puisse se passer de leur titre et qui nous emmènent de Kiev à Limoges.
C’est le lot de cette musique de ne pas laisser voir mais de suggérer et il faut au pianiste un double talent : celui de transcrire fidèlement les visions du compositeur et celui d’interpréter (comme Freud le faisait des rêves) l’imaginaire du même compositeur.
Ilya Rashkoskiy se lance à corps perdu dans cette tâche avec un rare brio et la virtuosité époustouflante propre à la tradition de l’école russe.
Dès l’introduction, le thème de La promenade, en revenant périodiquement, soit en majeur soit en mineur selon les lieux, nous guide tout au long de l’exposition et permet au pianiste de ciseler d’emblée le sentiment de l’épisode qu’il annonce.
Les effets sonores et surréels des Gnomes qui passaient jadis pour des maladresses (alors que Moussorgsky était un fantastique improvisateur) se cristallisent en une espèce de performance acrobatique qui sied à merveille à Ilya Rashkovskyi, il se nourrit avec gourmandise et une précision limpide de cette puissance expressive du morceau.
La promenade continue son chemin, on déambule en Italie, dans Le Vieux Château suintant d’émotion, en Pologne avec Bydlo et en France pour s’arrêter dans les catacombes de Paris où le thème, jusque là simple liaison, s’intègre soudain à l’œuvre dans une suite d’accords tenus. Le jeu du pianiste tout en nuances et en force ne faiblit pas devant la puissance de la musique et la complexité de la partition.
Cette suite musicale fut inspirée à Moussorgsky par l’exposition de son ami Hartmann, une exposition d’aquarelles et de dessins, et fut écrite mi-1874 en moins de deux mois. L’aquarelle, c’est un toucher ouaté, délavé comme la couleur et la légèreté de certains thèmes ; le dessin, c’est la rudesse du trait, le déchaînement des graves et des accords, où la sensibilité slave d’Ilya Rashkovkiy se marie fort bien avec l’exubérance non moins slave de Moussorgski.
Avec La Porte de Kiev, l’apothéose des tableaux se complexifie en une suite d’accords audacieux. Les cloches sonnent (Andrei Roublev n’est pas loin) et s’entremêlent aux thèmes de la Russie traditionnelle comme un leitmotiv. Grâce à une formidable technique, le pianiste conclut dans une splendide démonstration de virtuosité où s’épanouit une fulgurante suite d’accords majeurs. Avec cette musique toute en images, le morceau se construit pas à pas comme un tableau de l’impressionnisme naissant dont Ilya Rashkoskiy serait le parfait artisan.
La passerelle qui mène à Tchaïkovski n’est pas bien large et pourtant le style change, nous voilà dans le salon d’un grand mélodiste où la douceur succède au foisonnement, l’influence de Liszt n’est pas loin, et le pianiste à l’aise dans les deux registres nous régale du contraste entre l’un et l’autre.
Avec Rachmaninov, on saute le cap du vingtième siècle. La deuxième sonate n’est pas sans rappeler Les Cloches, œuvre grandiose pour orchestre et chœur, écrite simultanément avec la même fougue. Le pianiste, loin de se noyer dans ce flot de gammes et de doubles croches s’y complaît. Grâce à un legato exemplaire, son jeu reste d’une clarté et d’une rare clairvoyance et son lyrisme se joue à la fois des difficultés du tempo et des pièges harmoniques de la partition.
La voie est ouverte à Prokofiev et Stravinsky..
Ce CD du jeune Ilya Rashkovskiy sonne comme un catalogue magnifique de la musique russe, il sait éviter les clichés d’une virtuosité ostentatoire et cette belle éloquence est la marque d’une grande sincérité.
Jean François Robin
Barbara Kusa (soprano) s’impose d’emblée par sa voix limpide et lumineuse. Née en Argentine, elle a fait ses études à Buenos Aires, et s’est perfectionnée en musique ancienne auprès d’Alex de Valera, puis à Wurzbourg avec Renata Parussel. Elle a aussi participé à de nombreux stages et enseigne le chant au Conservatoire d’Arcueil. Elle est accompagnée par le guitariste et vihueliste argentin, Eduardo Egüez, qui enseigne en Amérique latine, en Europe et au Japon.
Leur programme comporte 29 pièces vocales et instrumentales de musiciens espagnols, tels que Luis de Narvaez (1500-1555), Luis de Milan (v.1500-v.1561), Alonso Mudarra (v. 1510-1580), Esteban Daça (v. 1537-v. 1596), José Martinez de Arce (v. 1660-v.1721), Tomas de Torrejon y Velasco (1644-1728). Certaines sont conservées dans les archives de Bibliothèques, Monastères et Abbayes, par exemple, la pièce introductive : Vaya de fiesta (Allez festoyer) de Juan Manuel De la Puente (1692-1753), transcrite par le musicologue Javier Marin Lopez spécialement pour cet enregistrement.
Les formes représentées sont des chansons profanes pour voix et vihuela (XVIe s.) et des villancicos, chants de Noël pour soliste avec accompagnement, en usage aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les thèmes abordés sont à connotation historique, avec Paseabase el rey moro de Narvaez : Le roi maure se promenait dans la ville de Grenade ou il apprend la défaite d’Alhama. Esteban Daça (Ay fortuna cruel) évoque, entre autres, la « fortune cruelle et l’amour aveugle », la malchance et l’aspiration à la mort. Romerico tu que vienes (J. del Encina) s’adresse au pèlerin venant du pays pour prendre des nouvelles d’elle. D’autres sont d’essence lyrique et descriptive : Étoiles, volez, courez (Velasco) ; Claires et fraîches rivières (Mudarra). Certaines traduisent la solitude, d’autres les colères, les soupirs, l’amour, avec des accents très justes…
La voix très expressive de Barbara Kusa frappe par sa remarquable justesse dans tous les registres et par son irrésistible pouvoir de suggestion. Le jeu précis et d’Eduardo Egüez s’impose, par exemple, dans les Fantaisies du 1er et du 8e tons de Luis de Narvaez ; il est aussi un accompagnateur scrupuleux. Tous les deux ont le grand mérite de restituer des trésors de la musique espagnole parfois oubliés ainsi que de redonner vie à un patrimoine de très grande valeur.
Édith Weber
Cette version est enregistrée par un plateau international : un chef et un orchestre de chambre français ; des choristes polonais appartenant au Chœur de l’Opéra de Stetin ; des solistes français : Sandrine Carpentier, Anne Maugard, Christophe Einhorn et Christophe Gautier, tous dirigés par Pascal Vigneron (né en 1963), trompettiste, organiste, chef d’orchestre, directeur artistique du Festival Bach de Toul, à la tête de son Orchestre de Chambre du Marais, ayant de nombreux enregistrements à son actif.
La Messe en si mineur (BWV 232) du luthérien Jean-Sébastien Bach comprend les parties traditionnelles de l’ordinaire : Kyrie, Gloria, Credo (Symbole de Nicée), Sanctus, Osanna, Benedictus, Agnus Dei et se termine par l’invocation : Dona nobis pacem. Elle fait l’objet d’interventions du Chœur, de soli et de duos ; elle est soutenue par les cordes, bassons, flûtes, hautbois, cor, trompettes et timbales, avec continuo à l’orgue pour soit créer l’atmosphère requise, soit augmenter l’éclat de certaines parties. Les phrasés sont précis grâce à la direction avisée de Pascal Vigneron.
Les timbres des hautbois — instrument privilégié par J. S. Bach —, cor, trompettes ponctuées par les timbales, contribuent au paysage sonore. Le tempo est un peu plus allant que dans certaines versions baroques. À signaler entre autres : dans la 3e invocation du Kyrie, le chœur, très appuyé et bien construit, avec des entrées successives bien marquées ; le Gloria est introduit par les sonorités éclatantes et martelées des trompettes et, notamment dans le Cum Sancto Spiritu, le chœur s’impose par sa remarquable diction. Le Credo (Symbole de Nicée) se veut affirmatif et traduit avec émotion les divers articles de foi. Le chœur s’impose dans l’Hosanna in excelsis et Dona nobis pacem conclusif, entrecoupé par le solo de ténor dans le Benedictus et d’alto dans l’Agnus Dei. Bel exemple de collaboration artistique internationale.
É.W
Les œuvres d’orgue de Felix Mendelssohn (1809-1847) et ses Oratorios sont bien connus du grand public, et le Label TRITON a raison d’attirer l’attention sur son œuvre de musique de chambre, dont le premier Trio non publié remonte à 1820. Son deuxième Trio (op. 49), en ré mineur, a été composé en 1839, et celui en do mineur (op. 66) est, comme le rappelle Delphine Bardin, « la dernière grande œuvre de musique de chambre avec piano », elle date de 1845. Ces œuvres sont interprétées par le Trio Pilgrim bien connu, avec au piano : Delphine Bardin, au violon : Arno Madoni, et au violoncelle : Maryse Castello.
Le Trio en ré mineur (op. 49) est structuré en 4 mouvements : Molto allegro agitato, Andante con moto tranquillo, Scherzo. Leggiero e vivace. Les interprètes respectent scrupuleusement les mouvements et les contrastes d’atmosphères voulus par Mendelssohn : énergique, expressive, passionnée. La pianiste s’impose par son jeu perlé et précis ; le violon, par sa belle ligne mélodique, et le violoncelle, par sa sonorité chantante. Le Trio en do mineur (op. 66), également en 4 mouvements : Allegro energico e con fuoco, Andante espressivo, Scherzo. Molto allegro quasi presto, Finale. Allegro appassionato, bénéficie des mêmes qualités d’interprétation et de musicalité par des interprètes mettant toujours clairement en valeur les oppositions de tempi et de nuances.
Fondé en 2007, le Trio Pilgrim, ensemble très homogène et très équilibré, faisant preuve de virtuosité et d’esprit d’équipe, défend noblement la cause mendelssohnienne avec autant de compétence que de ferveur. Il convie les mélomanes à un authentique pèlerinage aux sources de la musique de chambre romantique.
É.W
Ce duo propose un panorama d’œuvres de musiques russes (fin XIXe s.-début XXI s.) originales ou transcrites pour violoncelle et piano. Il est composé d’Ivan Karizna, biélorusse (violoncelle) et d’Eliane Reyes, belge (au Piano Fazioli F 272). Le Prix André Boisseaux 2015 leur a été décerné pour faciliter l’édition de ce premier disque enregistré en 2016, qui est une réussite du genre. Ce répertoire romantique est notamment illustré par la redoutable Sonate en sol mineur (op. 19) de Sergei Rachmaninov (1873-1943) dans laquelle la pianiste, élève notamment du Conservatoire Royal de Bruxelles, du Mozarteum de Salzbourg et du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, se distingue par son jeu très souple ou percutant, sa virtuosité et son énergie, ses recherches approfondies de timbres, et le violoncelliste, par sa brillante technique et ses sonorités chantantes et expressives. Leurs répliques sont précises et bien structurées : un modèle de collaboration artistique.
Les auditeurs apprécieront les transcriptions pour violoncelle et piano, par exemple de l’irrésistible Vol du bourdon de Nikolai Rimski-Korsakov (1844-1908), de la Valse sentimentale (op. 51, n°6) de Piotr Tchaikovski (1840-1893) ou encore de l’incisive Marche de l’Opéra L’amour des trois oranges (op. 33A) de Sergei Prokoviev (1891-1953) et, plus proche de nous : le si prenant Quadrille (1961), depuis l’Opéra « Pas seulement l’Amour » de Rodion Schchedrin (né en 1932)… Remarquable Anthologie de musique russe à découvrir ou retrouver ; elle ravira les fins connaisseurs.
É.W
Ce Conte musical tchèque, ayant donné lieu au poème symphonique La Sorcière de Midi, est d’abord introduit par Vincent Figuri (Récitant) qui en souligne la genèse : « Lorsque l’Opéra de Paris me proposa de présenter La Sorcière de Midi à un jeune public, j’eus envie de raconter l’histoire en prise directe avec la musique. Je n’avais aucunement l’intention de forcer l’œuvre : il n’y a rien de pire que de vouloir faire rentrer à tout prix un texte sur une musique qui ne l’accepte pas » et il ajoute : « je suis agréablement surpris de constater que Dvořák suivait pas à pas l’histoire, à tel point que certains passages semblaient faits pour accueillir le récit. »
Le conte de Karel-Jaromir Erben (1811-1870) — adapté en français par Vincent Figuri — et mis en musique par Antonin Dvořák (1841-1904), présente un enfant excité que, pour le calmer, sa mère menace de faire venir la sorcière qui, en fait, apparaîtra. « Morte de frayeur, la mère s’évanouit en serrant le petit contre elle. Le père rentre des champs, ranime son épouse et trouve l’enfant mort. » Cet argument éveille l’imagination ; il est renforcé par une orchestration particulièrement brillante qui — remarquable outil pédagogique comme, par exemple, Pierre et le loup — fait découvrir un orchestre symphonique aux enfants. Le Récitant les prépare d’abord à distinguer musicalement les protagonistes : la mère (motif orchestral), l’enfant (hautbois) et la sorcière (clarinettes basses et bassons).
La traduction française, le texte tchèque (Polednice) et la traduction anglaise (The Noon Witch) permettent de suivre l’action, précédée de la présentation et suivie du conte proprement dit aboutissant à la Danse de la Sorcière et au Final, dans les 3 versions interprétées successivement (Eva Cendors est la Récitante dans Polednice). L’Orchestre Philharmonique Tchèque, haut en couleurs et riche de subtiles nuances, dirigé par Jiri Belohlavek, restitue merveilleusement cette situation particulièrement dramatique.
É.W
Leopold Godowsky (1870-1938), polonais naturalisé américain, « l’un des plus grands pianistes doté de moyens techniques stupéfiants », a dans les années 1920 fait l’objet d’un rayonnement international. Dans le sillage de Liszt, il a transcrit, paraphrasé ou adapté de nombreuses œuvres instrumentales ou vocales. Ce disque propose ses arrangements allant de pages célèbres de Bach, Schubert, Schumann, Chopin à Isaac Albeniz, en passant par Johann Strauss II ou Camille Saint-Saëns.
Le pianiste Laurent Wagschal — titulaire de plusieurs Prix internationaux, soliste de très nombreux orchestres — propose 19 arrangements parmi lesquels figurent la Sonate pour violon (BWV 1001) de J. S. Bach ayant tenté de nombreux transcripteurs, la Symphonie Metamorphosis de Johann Strauss II, ou encore le Cygne de Camille Saint-Saëns. Le programme comporte aussi des mélodies bien connues, par exemple Heidenröslein, Wiegenlied (Berceuse), Gute Nacht de Fr. Schubert ou encore le Lied Du bist wie eine Blume de R. Schumann, transcription très proche de l’original.
Le disque s’ouvre aux accents de plusieurs Études de Fr. Chopin et se termine par l’hymne national américain : Star-Spangled Banner emprunté à John Stafford Smith (1750-1836), organiste anglais, musicien d’Église et compositeur. On ne pouvait imaginer meilleur Art de la transcription parfois radicale (harmonies, rythmes, tempi) mais toujours en conformité avec l’original.
Laurent Wagschal, qui surmonte tous les traquenards techniques, a le sens de la variation. Il interprète toutes ces pièces avec un jeu très précis et un remarquable souci de clarté. Il a le mérite de défendre la cause de Godowsky (dépassant Liszt et Busoni qui s’étaient surtout consacrés au répertoire d’orgue) qui, de son temps, avait été critiqué pour avoir retravaillé souvent l’original. Sous les doigts de Laurent Wagschal : le voilà réhabilité.
É.W
Jacques Lenot (né en 1945), compositeur autodidacte et indépendant, dans le sillage du sérialisme, a créé sa SARL « L’Oiseau Prophète » pour la diffusion de ses œuvres. Jean-Christophe Revel (orgue), concertiste enseignant, responsable du département de musique ancienne du CRR de Paris, a enregistré — à l’Orgue Waltrin-Callinet-Schwenkedel (entretenu par la Manufacture Peter Meier) de la Cathédrale Saint-Christophe de Belfort — XXV pièces de Jacques Lenot pour ses amis. Certaines se veulent un hommage à ses compositeurs favoris: Bach, Schumann ; plusieurs sont jouées avec et en la mémoire d’Anton Webern qui l’a stylistiquement beaucoup influencé. Il décrit la genèse du Livre et les circonstances, ainsi que ses motivations : « imiter la voix humaine », « jouer un grand jeu (sous forme de dialogue) à la manière de Nicolas de Grigny » et du Grand Siècle, ou encore « faire sonner la virtuosité ». Sa Pièce XXIII, pour la Communion, évoque la mélancolie, les solitudes ; elle résulte de la transcription d’une pièce pour alto solo : De la mélancolie, exploitant l’écho et la réverbération de l’édifice. Finalement, selon Jacques Lenot, son « Livre des dédicaces agit comme un révélateur de souvenirs tout autant involontaires qu’inévitables ».
Jean-Christophe Revel réussit à recréer ces souvenirs, à traduire les moindres intentions du compositeur grâce à des registrations appropriées et une solide technique. Il a parfaitement assimilé le sens de ces XXV Pièces brèves et hors du commun et mis judicieusement à profit les possibilités de l’orgue et l’acoustique du lieu.
Les compositions de Jacques Lenot sont, tour à tour, de caractère mélancolique, énigmatique, tendu, obsessionnel. La Pièce V fait appel à la virtuosité et à la force. Le registre aigu et la mélodie à découvert sont privilégiés dans la Pièce VI. Trois pièces sont plus développées : XI (en force, avec des accords dissonants tenus, puis une mélodie distendue), XIII (massive) et XV (s’élevant des profondeurs, particulièrement intériorisée). Ces pages riches en « trouvailles organistiques » intéresseront à la fois les interprètes et les discophiles curieux.
É.W
Voici une sélection de méditations en famille, à la maison pour différentes circonstances et dimanches de l’Année liturgique, faisant alterner des mots d’ordre (Dictum), chorals et airs, au sujet de Jésus, Dieu et Marie. Le présent disque est conforme à la finalité de Georg Philipp Telemann (1681-1767) qui, en l’année 1727, a lancé une stratégie consistant à transférer à la musique d’Église quelques succès du monde de l’Opéra. En 2016, Thomas Fritzsch, spécialiste du compositeur, a constitué neuf dévotions à pratiquer chez soi et destinées au plaisir de l’écoute. Elles concernent le 4e dimanche après l’Épiphanie, l’Épiphanie, le 2e dimanche après l’Épiphanie, puis la fête de la Visitation de Marie, le Nouvel An, mais également les 7e, 20e dimanches après la Trinité ainsi que le dimanche Invocavit et, pour conclure, le 11e dimanche après la Trinité. L’ensemble se termine par le Choral Herr, es steht in deinen Händen (Seigneur, tout repose dans tes mains). Les paroles bibliques sont intercalées et dites par la voix si profonde de Klaus Mertens, également récitant.
Ces œuvres sont interprétées avec le concours de Klaus Mertens (baryton-basse), Thomas Fritzsch (viole de gambe), Stefan Paass (luth baroque) et Michael Schönheit (orgue), utilisant des instruments historiques. Ce disque (premier enregistrement mondial) est prévu pour 2017, en rappel du 5e centenaire de la Réforme (31 octobre 1517). C’est le mérite de Thomas Fritzsch d’en avoir assuré la conception et l’instrumentation : réalisation originale, moralisante et édifiante, à l’actif de RONDEAU PRODUCTION.
É.W
L’excellent Chœur de chambre de la Frauenkirche à Dresde, des solistes renommés : Ina Siedlaczek (Soprano), Bettina Ranch (Alto), Tobias Hunger (Ténor), Tobias Berndt (Basse), avec le Reussisches Kammerchorchester, tous placés sous la direction de Matthias Grünert, Kantor de la Frauenkirche, proposent d’une part la Harmoniemesse, dernière composition achevée et, d’autre part, la Symphonie N° 101-Die Uhr (L’Horloge) de Joseph Haydn (1732-1809).
La Harmoniemesse, en Si b majeur, composée en 1802, dédiée à la Princesse Esterhazy, a été créée à Eisenstadt la même année. Le Kyrie se présente comme une insistante prière. Le Gloria plus développé, de caractère énergique, est suivi du Credo très affirmatif contrastant avec le Sanctus expressif et insistant, avec une facture mélodique typiquement classique, suivi du Benedictus très allant et scandé par les cordes. Enfin, l’Agnus Dei, sur les paroles Dona nobis pacem, pose un point d’orgue éclatant sur cette Messe entraînante et pleine de vie.
Le second volet concerne sa Symphonie N°101-Die Uhr (L’Horloge), en Ré majeur, terminée en 1795 à Londres où elle a été créée. Elle comprend quatre mouvements : Adagio-Presto ; Andante ; Menuetto. Allegretto ; Finale. Vivace. Haydn confère aux cuivres un rôle indépendant, et non simplement de soutien. Matthias Grünert et le Reussiches Kammerorchester qu’il a fondé en donnent une version impressionnante, soulignent le caractère descriptif, c’est ainsi que, dans le deuxième mouvement, on perçoit pour ainsi dire le tic-tac d’une horloge. Bénéficiant d’une remarquable prise de son, ils ont signé deux versions de référence.
É.W
Virgil Boutellis-Taft (violon) et Guillaume Vincent (piano) ont, à juste titre, intitulé ce disque Entre Orient & Occident. Il s’agit d’une Anthologie regroupant diverses identités orientales : arménienne, américaine d’origine iranienne, française d’origine perse, et occidentales : hongroise, tchèque et française. Certaines pages respirent ou réinventent le folklore. La couleur orientale émane notamment de Gdung (La Grue) de Vartabed Komitas (1869-1935) symbolisant l’exil et l’arrachement des Arméniens.
La musique française est représentée par le Poème d’Ernest Chausson (1855-1899), la Sonate pour violon et piano en sol mineur de Claude Debussy (1862-1918) — qui, lors de l’Exposition universelle de 1889, a découvert l’Extrême-Orient dont son langage musical s’est inspiré. Plus proches de nous, les Chants du Sud de Philippe Hersant (né en 1948) pour violon solo exploitent des chants du Bassin méditerranéen. À noter également l’œuvre de Tara Kamangar (américaine d’origine iranienne, née en 1982) : Once there was and once there wasn’t, précisément dédiée au violoniste ; elle a également arrangé Caravane d’André Hossein (1905-1983). La musique tchèque est illustrée par la Sonate pour violon et piano en la b mineur de Leos Janacek (1854-1928) et la musique hongroise, par les incontournables Danses roumaines de Bela Bartok (1881-1945).
Le duo La Rose et le Réséda : Virgil Boutellis-Taft (violon) et Guillaume Vincent (piano), a acquis une réputation internationale. Le violoniste, Premier Prix du CNSM de Paris et Lauréat de la Fondation Bleuchstein-Blanchet, s’est perfectionné à l’Académie Franz Liszt de Budapest et au Royal College of Music de Londres. Le pianiste, qui a donné ses premiers concerts à l’âge de dix ans, est titulaire d’un Master de piano décerné par le CNSM de Paris ; sa carrière internationale force l’admiration.
D’entrée de jeu, ils s’imposent par leur écoute réciproque et la fulgurance de leurs traits dans The Crane dont ils ressentent parfaitement l’âpreté et recréent l’indicible émotion. Ils interprètent avec infiniment de sensibilité, de virtuosité, de justesse de tempo et de sonorités remarquables ce programme hors du commun qui représente un magnifique parcours totalisant un siècle « entre Orient et Occident ».
É.W
Le Label leipzicois RONDEAU PRODUCTION vient de publier, sous le titre de l’incipit du Psaume 98 : Cantate Domino canticum novum/Singet dem Herrn ein neues Lied (Chantez au Seigneur un cantique nouveau) une remarquable Anthologie de musique chorale moderne et d’œuvres de commande réalisée en premier enregistrement mondial par le Chœur de chambre I Vocalisti, et avec le concours d’Anna-Maria Hefele (soprano aiguë). Dirigés par Hans Joachim Lustig, ils exploitent de nouveaux mondes sonores et excellent dans des tessitures aiguës extrêmes comme, par exemple, le motet à 8 voix, sous le titre : Cantate Domino… d’Ugis Praulins (né en 1957), composé pour A.-M. Hefele ou encore le motet Singet dem Herrn… pour chœur de 4 à 6 voix et soprano solo datant de 2002 et dédié par Vic Nees (1936-2013) au Chœur de chambre, de même que celui à 12 voix de Thomas Hofmann (né en 1958) pour deux chœurs à 4 voix ; le motet Cantate Domino… pour chœur à 8 voix avec soprano et basse solos, composé en 2016 par Hans Schanderl (né en 1960) ; l’hommage à Jean Sébastien Bach de 8 à 16 voix (Psaume 149), composé en 2000 et révisé en 2016 par Alexander S. Vujic (né en 1945). Ils sont, en outre, dédicataires du motet pour chœur à 6 voix Cantate Domino d’Alwin Michael Schronen (né en 1965), ainsi que du motet Canticum novum (… ab extremis terrae) composé à leur attention par Michael Ostrzyga (né en 1975). Les excellents chanteurs et Anna-Maria Hefele interprètent avec un enthousiasme communicatif ces œuvres se réclamant de nouveaux mondes sonores et particulièrement exigeantes. Ils transmettent leur passion pour ces musiques à l’avant-garde du chant choral et réservent un sort royal à l’impressionnant motet pour chœur à 4 voix sur le Psaume 98 composé en 1934 par Hugo Distler (né en 1908, tragiquement disparu en 1942), chanté avec élan et une remarquable diction, avec des entrées volubiles et énergiques, quelques passages à découvert et une facture mélodique moderne. Cette Anthologie a sa place dans toute discothèque de musique chorale contemporaine.
É.W
Sous le titre : Un bout de chemin…, l’A cappella Band (groupe vocal russe) VivaVoce, fondé en 1998, propose un itinéraire à travers les genres musicaux et les époques où se côtoient aussi bien des pièces de Johann Pachelbel, Robert Schumann, d’Anton Bruckner, que des œuvres contemporaines ou des Spirituals afro-américains et des chansons allant des Beatles aux tubes du hit-parade, sans oublier leurs propres compositions. Il s’agit surtout de « grandioses musiques de divertissement » revisitées par Viva Voce, comme par exemple : Ain’t no mountain high enough (N. Ashford, V. Simpson) ou encore Stein des Anstosses (Pierre d’achoppement) ; Wohin (Où) ; Komm gut heim (Rentre bien à la maison)… Selon leur affinité, les auditeurs apprécieront Du bist da (Tu es là) de J. Pachelbel (arrangé par David Lugert à partir de son célèbre Canon) et le Psaume Os Justi d’Anton Bruckner. Il y en a pour tous les goûts. Quoi qu’il en soit, l’Ensemble russe Viva Voce, créant a cappella le son d’un orchestre (Band) et renouvelant l’émotion autour d’un répertoire savamment revisité, se distingue par son impeccable prononciation aussi bien latine, allemande et anglo-américaine que par sa grande musicalité : de quoi (selon le texte destiné à la presse) vous « donner la chair de poule », mais surtout être attentif à leur intonation subtile et aux paysages vocaux successifs.
É.W
Marie, qui occupe une très large place dans la vie religieuse, a tenté à la fois des peintres, et des sculpteurs, des auteurs et des compositeurs. Ce disque, du Label leipzicois RONDEAU, regroupe autour du thème « Salve Regina » 14 pièces d’Antonio Caldara en son honneur. Né vraisemblablement à Venise en 1670 et mort à Vienne en 1736, il est considéré comme l’un des plus grands compositeurs italiens de son temps. Après une carrière notamment en Italie (Mantoue), en 1716, il occupe le poste de vice-maître de chapelle à la Cour de Vienne, puis, en 1723, succédant à Johann Joseph Fux, de maître de chapelle. Son œuvre comportant des Opéras, 38 Oratorios, 20 Messes, de nombreux Motets… dans la tradition polychorale vénitienne, annonce le baroque tardif.
Comme il se doit, le disque commence par le Magnificat (Luc, 1, 46-55) se terminant par la Doxologie. D’autres titres traditionnels sont abordés : Ave maris stella (en première création mondiale), Salve Regina… ou encore Haec est Regina virginum (pour soprano solo, violons, basse continue) et Regina coeli (pour chœur, cornet, sacqueboutes et basse continue), sans oublier, pour le temps de la Passion : Crucifixus (pour chœur à 16 voix et basse continue), Stabat Mater (pour chœur à 4 voix et solo, avec violons, alto, sacqueboutes et basse continue), œuvre très développée. Ce programme de musiques mariales est interprété par la Vokalakademie Berlin, le Bassano Ensemble Berlin, un groupe d’instrumentistes (y compris orgue et clavecin) placés sous la direction de Frank Markowitsch, fondateur entre autres de cette Académie. Cet enregistrement berlinois datant de février 2016, avec la coordination de Teres Feiertag, s’impose par le programme typiquement « marial » avec, en outre, la Sonate en trio (op. 1, n°5). À noter : l’attaque, la diction précises et l’énergie (Magnificat) ; l’émotion et l’intériorité (Tenebrae factae sunt) ; la richesse expressive (Stabat Mater).
É.W
Le titre : Ultimum se réfère à la transition de la vie vers la mort, de la terre vers le paradis, avec 3 œuvres sur des paroles significatives : Sept textes pour la Passion, Responsoria Tenebrae, Le Paradis, mis en musique respectivement par Wolfgang Rihm (né en 1952), Pawell Lukaszewski (né en 1968) et Theo Brandmüller (1948-2012). Il s’agit de musiques a cappella selon l’esthétique contemporaine. Le Chœur de Chambre de Saarbrücken est dirigé par Georg Grün, remarquable pédagogue, théologien et chef au rayonnement international, ayant fait ses études au Conservatoire et à l’Université de Sarre et, en improvisation, auprès de l’organiste Jean-Pierre Leguay. Il maîtrise parfaitement tous les traquenards de la musique a cappella.
Cet enregistrement s’impose par la qualité et la beauté de la polyphonie vocale, la plénitude de l’expression. Les Sept Textes pour la Passion sont destinés aux Jeudi et Vendredi Saints. Il s’agit d’une œuvre de commande : Deus passus de l’Académie Bach de Stuttgart à l’occasion du 250e anniversaire de la mort de Jean Sébastien Bach. Elle commence par la parole du Christ : Tristis est anima mea usque ad mortem… et se termine par Aestimatus sum cum descendentibus marquant l’obscurité et l’ombre de la mort, aboutissant à la prière Miserere (Aie pitié). Elle se réclame à la fois de l’esthétique contemporaine et de la polyphonie vocale classique.
Plus développés, contrastant avec l’œuvre précédente par leurs « caractéristiques néo-orthodoxes et minimalistes » (selon Daniel Ernst), les Responsoria Tenebrae reposant sur des citations bibliques et prévus pour la Semaine Sainte, traduisent paradoxalement les ténèbres avec luminosité et transparence. À noter, entre autres, le poignant O vos omnes qui transitis per viam… (plage 11) évoquant l’intensité de la douleur, ou encore le dernier répons concernant la mort du Juste « dont la demeure sera éternelle et la mémoire en paix » (pl. 12).
Enfin, Le Paradis (créé en 2015 par le Kammerchor Saarbrücken) correspondant à l’objectif de cette réalisation discographique, affirme la réconciliation face à la mort et ce avec des procédés techniques très originaux (syllabes triturées, nombreuses enharmonies, vocalises variées, voix dans l’ombre (Schattenstimmen), tessitures très aiguës…) pour rendre de façon si dramatique l’attente lancinante. Selon Daniel Ernst, auteur du texte de présentation : « Les interprètes ont réalisé la transition insaisissable entre deux conditions de l’existence conformément aux instructions vocales souhaitées par Brandmüller pour son Opus ultimum » : le chant doit être rendu notamment « avec de beaux sons surnaturels » (in überirdisch schönen Tönen). Exceptionnel.
É.W
Faisant suite au disque Exhibition 1 (cf. Lettre d’information, juillet 2016), le présent CD est interprété par Ewa Murawska (flûte), Marcin Murawski (alto) et Hanna Holeksa (piano). En fait, le titre correspond au mot anglais : Exhibition, c’est-à-dire, en français : Exposition, comme, par exemple, les « Tableaux d’une Exposition ». Grâce à de minutieuses recherches d’archives, le directeur et producteur du Label polonais ACTE PRÉALABLE, Jan A. Jarnicki, contribue aussi à la diffusion du patrimoine français et notamment d’Émile Pierre Ratez, né le 5. 11. 1851 à Besançon et mort le 19. 05. 1939 à Lille. Cet élève de Jules Massenet a été, à la fois, compositeur, artiste à l’Opéra Comique, mais aussi pédagogue et directeur du Conservatoire de Lille.
Ce deuxième disque présente des formes classiques : Sonate, Sonatine, Intermezzo, Fantaisie et des titres plus ciblés : L’Aegipan pour piano (op. 72), Fantaisie ibérique pour alto et piano (op. 51), Japonerie ou encore Pièce romantique pour alto et piano (op. 57 et 70)… C’est le mérite des 3 interprètes polonais d’avoir recréé ces 9 œuvres françaises, et tout d’abord, pour piano et alto : sa Sonate (op. 18), plus développée, en trois mouvements : Allegro moderato, Andante, Fuga-risoluto ; le piano s’impose par sa chaude sonorité, de même que le violon, et les deux interprètes — comme le souligne Marcin Murawski — restituent le caractère assez populaire et romantique de cette œuvre. Dans les Deux Pièces (op. 42), l’Intermezzo (op. 50) et la Sonatine (op. 61) en 3 mouvements, pour flûte et piano, les deux instrumentistes interviennent en parfait symbiose, traduisant à merveille tout le charme français. Les trois instruments, toujours en mouvement, s’unissent dans l’interprétation du Caprice-Valse-Duo pour flûte, alto et piano (op. 13) qu’ils interprètent avec bonhommie, allant et entrain. Le disque se termine aux accents de la Pièce romantique pour alto et piano (op. 70) qui, dans la production de Ratez, occupe une place marquante. Ils en restituent le lyrisme, mais aussi le caractère dansant pour aboutir à un genre de valse, ce qui — comme le rappelle M. Murawski —, « pour Ratez, augmente le tempo pour pouvoir exploser au final et se reposer sur le dernier accord ». Point d’orgue très convaincant et (re)découverte de ce compositeur français si attachant, grâce à un éditeur et des interprètes polonais.
É.W
Le label varsovien ACTE PRÉALABLE, que dirige avec tant d’autorité Jan A. Jarnicki, a pour objectif de faire redécouvrir la musique polonaise. C’est le cas, entre autres du franco-polonais Auguste Frédéric Durand /August Fryderyk Duranowski, né à Varsovie vers 1770 et mort à Strasbourg en 1834, et d’apprécier des interprètes polonais : P. Wajrak (violon), A. Kieronska (violon), K. Stasiowska (alto), A. Podkoscielna-Cyz (violoncelle), E. Panocha (piano), ainsi que le Tarnowska Orkiestra Kameralna (fondé en 1991) et leur chef Piotr Wajrak.
En 1810, selon une revue de Varsovie, August Fryderyk Duranowski suscitait, « avec son talent, l’étonnement de son audience ». En effet, ce violoniste hors pair était très apprécié dans toute l’Europe. Sa musique faisait largement appel à la virtuosité, ce qui, en 1835, le rendit célèbre dans le Lexikon der Tonkünstler d’Ernst Ludwig Gerber ou encore dans la Biographie universelle… de François-Joseph Fétis, entre autres. Il a étudié le violon à Paris avec Giovanni Battista Viotti, a dirigé l’Orchestre de l’Opéra de Bruxelles. Il s’est ensuite installé à Strasbourg. Sa carrière s’est déroulée en France, en Allemagne, mais aussi à Varsovie et à Prague.
Le disque s’ouvre sur la Fantaisie suivie de deux airs variés pour le violon avec accompagnement d’un second violon, alto et violoncelle (op. 11), œuvre brillante se réclamant de l’esthétique en cours à la fin du XVIIIe siècle. Elle comporte quatre mouvements ; à l’Andante introductif, succèdent trois mouvements s’inspirant de chants populaires ou issus de danses : Polonaise, Cracovienne, Mazurka, avec les thèmes principaux exposés au violon et bénéficiant de transformations mettant en valeur la virtuosité de l’instrument. Sa Fantaisie avec deux airs variés pour le fortepiano (op. 9, fin XVIIIe s.), de caractère plus sombre, comporte 3 mouvements : Poco adagio, Allegretto, Polonaise. Dans son Concerto de violon avec accompagnement de 2 violons, flûte, 2 clarinettes, 2 cors, 2 bassons, alto et basse (op. 8, publié à Leipzig en 1810), également en 3 mouvements : Allegro spirituoso, Adagio (avec cadence de Pawel Wajrak) et Rondo (assez proche de l’esthétique viennoise), le violon (soliste) est accompagné par des instruments hauts en couleurs. Enfin, pour ses Trois thèmes variés pour violon et violoncelle (op. 4, 1805), chaque Allegretto introduit un des thèmes. August Fryderyk Duranowski spécule sur le principe de la variation avec des thèmes provenant du répertoire d’opéras bien connus, garants infaillibles du succès de cette œuvre auprès du grand public au début du XIXe siècle. À coup sûr : une découverte.
É.W
Le même Label s’attache à faire découvrir l’oratorio profane historique : Lella, texte : Christiane Schapira ; musique : Joanna Bruzdowicz, née à Varsovie en 1943, polonaise naturalisée française. Compositrice très originale, elle a réalisé de nombreuses productions audiovisuelles et cinématographiques, par exemple : ses 16 Tableaux d’une exposition Salvador Dali (cf. Lettre d’information, mars 2016). Cet oratorio a fait l’objet d’une création mondiale à Bastia, en 2011 et d’un enregistrement live au XVe Festival International de Musique en Catalogne, à Céret, sous la direction de la compositrice. Il est dédié à la mémoire de Danielle Casanova, héroïne corse (née en 1909) tragiquement disparue à Birkenau en 1943.
Comme la librettiste Christiane Schapira le précise, le « livret a été écrit à partir de ma pièce éponyme Lella, Danielle Casanova, une vie, ce qui a demandé une mise à plat totale de la pièce pour une reconstruction destinée aux voix chantées… J’ai choisi d’alterner les parties chantées et récitatives pour introduire la Récitante que j’ai choisie d’identifier. » Il n’y a donc aucune fiction ; elle a collaboré avec J. Bruzdowicz « dont la sensibilité musicale et humaine s’approchait le plus de la gravité de mon texte ».
L’oratorio se présente comme une page d’histoire relatant des faits dramatiques : arrestation par la police française (15 février 1942), remise aux forces d’occupation allemandes (23 mars), transfert au Fort de Romainville (24 août), enregistrement à la Gare d’Auschwitz sous le matricule 31655 (26 janvier 1943). À Birkenau, étant dentiste, elle fait preuve d’une solidarité indéfectible vis-à-vis de ses compagnes en les sauvant de la mort mais, en avril, l’épidémie de typhus est particulièrement mortelle, elle meurt le 9 mai 1943. C’est cette trame si dramatique que traduit Joanna Bruzdowicz dans son langage d’avant-garde révélant — avec une intensité peu commune — la triste réalité, le drame et toute l’horreur des camps de concentration.
La compositrice considère sa partition presque comme un opéra, et l’importance du texte conditionna un chœur de voix de femmes et deux solistes, à l’instar des voix dans les tragédies grecques. Les instruments à cordes, le hautbois et la percussion accompagnent la souffrance de femmes exprimée en paroles par des accords profonds, tenus, simples. Les « voix off » en allemand, préenregistrées, accompagnent l’ensemble en accentuant l’atmosphère d’effroi et d’oppression. L’oratorio commence par la narration de l’histoire ponctuée énergiquement à la percussion, soutenue par le quatuor à cordes, évoquant l’atrocité de la situation irréversible, encore renforcée par les accents implacables du chœur. Il est interprété par le NeoQuartet (quatuor à cordes) et, dans le rôle titre, la mezzo-soprano Liliana Gorska ainsi que la chorale française Osmose (3 sopranos et 3 mezzo-sopranos).
En son temps, le critique Antoine Goléa avait — à propos de Johanna Bruzdowicz — déjà relevé « …un extraordinaire talent musical et dramatique. Une musique naturelle et en même temps extraordinairement sophistiquée. Un langage musical inhabituellement intéressant. » Les discophiles seront très impressionnés par les effets sonores : à écouter absolument par devoir de mémoire et avec émotion.
É.W
Aldo Orvieto (piano), Saori Furukawa (violon) et Alvise Vidolin (musique électronique en direct) ont signé, en premier enregistrement mondial, cette découverte de Stefano Gervasoni (né en 1962). Le titre énigmatique, phonétique et significatif, nécessite quelques précisions. Il désigne tout d’abord le PRÉ (prairie), ensuite le PRÉ (préfixe) et le PRÉ-lude : soit un pré ou une prairie où jouent les enfants. En d’autres termes, selon le texte d’accompagnement, il s’agit de « l’état particulier dans lequel une chose n’existe pas tout à fait sous sa forme accomplie et adulte, l’enfance étant une prémonition d’une vie d’adulte avec ses aspects négatifs (ayant perdu la magie du rapport non rationnel avec les mots, l’innocence et la capacité à s’émerveiller face à la beauté) » et positifs (acquisition d’un rapport logique, rationnel, pragmatique avec la réalité) ». Ces longues considérations justifient la composition du programme avec des pièces pour enfants interprétées par des adultes.
Le Pré est structuré en 3 Livres pour piano (exceptionnellement violon et musique électronique) composés entre 2008 et 2015. Tous les morceaux comportent les trois lettres Pré : Pré ludique (notes égrenées très lentement), Pré lubrique, Pré public, Prémisse (littéraire), Précipice, Prémices (agricoles), Sonatinexpressive (très développée)… Stefano Gervasoni spécule sur la traduction figuraliste musicale des images et idées des titres. Les deux autres Livres fourmillent aussi de jeux de mots : Précieux, Prétencieux, Pernicieux…, Précieux, Pré carré, Préparé ou encore Prétérit, Pressenti, Prédicatif, et même Pré de près…
Le pianiste Aldo Orvieto, bien préparé à jouer le jeu, fait preuve à la fois de sensibilité et de virtuosité technique. Saori Furukawa (violon) confère l’expressivité souhaitable à la Sonatine pour violon et piano. Enfin, Alvise Vidolin (musique électronique en direct) et Aldo Orvieto (piano) interprètent un arrangement d’après Robert Schumann de Luce ignota della sera (op. 85, n°12), et un arrangement pour violon et piano préparé (2012) de l’Adagio ghiacciato d’après W. A. Mozart) pose un point d’orgue sur ce programme préétabli et pour le moins insolite. Curiosité à déguster sans préjugés.
Édith Weber
Ce programme se veut l'illustration de la sonate vénitienne, un phénomène quasi culturel qui, à l'orée du XVIII ème siècle, émerge dans la Sérénissime en proie à un débordement de fêtes, donc de musiques. C'est une sonate en trio constituée d'un ou deux violonistes et d'une basse continue pour un discours virtuose, spectaculaire parfois. Un autre aspect essentiel réside dans les influences réciproques entre musiciens : héritage des maîtres du siècle précédent comme Corelli et Tartini, imitation, voire hommage de l'un envers l'autre, emprunts des uns chez les autres - Vivaldi est le champion de cette manière de faire quoiqu'il en aura aussi été la victime. En fait, on assiste à un mélange des styles. Thibault Noally, qui mène désormais une carrière de soliste, à côté de ses fonctions de premier violon des Musiciens du Louvre de Marc Minkowski, et a fondé son propre ensemble, ''les Accents'', en 2014, nous fait découvrir bien des trésors et quelques « premières » au disque. Ainsi de la Sonate en mi mineur pour violon et basse continue de Torelli (1658-1709) qui étale une belle virtuosité au fil de ses deux mouvements alternant lent et vif. La Sonate en sol mineur op. 4 n° 12 d'Evaristo Felice Dall'Abaco (1675-1742), qui date de 1716, illustre le mélange des styles : le largo qui l'entame est ''à la française''. Suivent divers morceaux dont un ''passagaglio'' haut en couleurs et des gigues dont une appartenant au genre français. Antonio Caldara (1670-1736), dans sa sonate pour deux violons op. 2 n° 7 de 1699, pratique lui aussi le mélange des genres, avec entre autres une ''allemanda'' au contrepoint séduisant et une ''corrente'' de style populaire. Avec son Invenzione en do mineur pour violon et basse continue op. 10 n°6 ( 1712), le padre Antonio Bonporti (1672-1749) offre une pièce très originale en quatre parties dont un ''Lamentevole'' en forme de récitatif, et un ''Balletto'' d'une subtile dynamique pour le soliste. Tomaso Abinoni (1671-1751) propose dans sa sonate op. 4 n°5 une écriture claire au fil de deux mouvements lents épurés et de deux sections rapides aptes à mettre à l'épreuve les talents de l'interprète, en particulier dans un presto final étourdissant, sorte de ruban ininterrompu mené ici à tombeau ouvert par Noally. Bien sûr, il faut compter avec Antonio Vivaldi, représenté par deux sonates. Celle RV 759 (1720) comporte les mêmes danses que chez Caldara (''allemanda'', ''sarabanda'' et ''corrente'', pour un final impétueux). La sonate pour deux violons « La Follia », RV 63 de 1705, est la dernière d'une série de douze formant l'opus 1er du Prete rosso. Elle aligne une série impressionnante de variations dont certaines sont vraiment endiablées. Thibault Noally et ses quatre collègues, Claire Sottovia, violon, Elisa Joglar, cello baroque, Mathieu Dupouy, clavecin et Romain Falik, théorbe et guitare baroque, se font une fête de l'interprétation de ces œuvres attachantes.
Jean-Pierre Robert
Avec ce CD, Philippe Jaroussky se risque pour la première fois en territoire allemand. Pari réussi, grâce au grand soin apporté pour la langue et le souci des intonations dans le récitatif. Le medium de la voix est beau avec des notes graves intéressantes et surtout une tenue de notes superbe, en particulier dans le bas medium. Comme on peut le constater dans les deux cantates de JS. Bach. Les cantates à une seule voix sont rares dans le répertoire du Cantor. « Ich habe genug » (Je suis comblé) BWV 82 est sans doute parmi les plus célèbres. Elle a connu de multiples versions dont la plus chantée est celle pour basse. La première aria introduit une atmosphère intimiste d'une grande tristesse de par le solo de hautbois obligato. La deuxième progresse sur un rythme de berceuse sur une ligne de chant d'une fascinante beauté, ce que Jaroussky traduit à la perfection. La troisième qui proclame « je me réjouis de ma mort », est d'une joie libératrice, anticipant les bienfaits de la vie céleste après le passage sur cette terre. La cantate BWV 170, de 1726, « Vergnügte Ruh, beliebte Seelenlust » (Bienheureuse Paix, bien aimée béatitude), avec orgue obligé, n'est pas moins séduisante : ainsi du doux balancement de la première aria, « Agréable repos », de la belle lamentation avec vocalises, de la deuxième où les cordes à l'unisson (violons et altos) tressent un contrepoint de plus en plus dépouillé, du rythme paradoxalement enjoué de la troisième sur le verset « le dégout me prend de vivre encore ». On admire l'introspection dont fait montre Jaroussky et son souci de l'épure à laquelle prédispose sa voix d'ange. Il en va de même pour les deux cantates de Telemann. « Die stille Nacht » (la nuit tranquille), de 1741, rapporte une des séquences de l'agonie de Jésus au Mont des Oliviers. L'« accompagnato » qui l'ouvre introduit une sourde pulsation, sorte de préambule à l'aria N° 1 décrivant l'angoisse, alors que l'aria suivante, sur un texte de Saint Matthieu, délivre un message dont l'affliction ressortit à quelque second degré. La dernière aria sur une chaconne se veut rassurante. Enfin la cantate « Jesus liegt in letzten Zügen » (Voici que Jésus est à l'agonie), qui forme comme un pendant à la précédente, déploie un lyrisme intense non sans rappeler Bach (aria introductive), qu'on retrouve dans la seconde aria avec violon et hautbois obligés. Une pièce plus animée avec vocalises assurées, proches de l'opéra, conclut cette œuvre originale. Philippe Jaroussky est à l'aise dans cet idiome et le Freiburger Barockorchester que dirige la violoniste Petra Müllejans prodigue un écrin d'une rare finesse.
JP.R
Le programme de ces disques reprend celui du concert donné par Mozart à Vienne le 23 mars 1783. Ce qu'on appelait alors une « Académie ». C'est la première que le compositeur organise lui-même, et il a lieu en présence de l'Empereur, comme il l'indique dans une lettre à son père Leopold. Il se composait d'œuvres diverses comme la Symphonie Haffner – jouée au demeurant non dans sa continuité - un concerto pour clavier, diverses arias pour soprano notamment tirées de ses opéras Lucio Silla et Idomeneo, d'une fugue, etc... L'initiative de le reconstituer presque en intégralité est originale et son indéniable aspect historique et didactique sort des sentiers rebattus des versions discographiques monothématiques visant à présenter pour la énième fois des concertos ou des symphonies. Le chef argentin y démontre sa manière dans Mozart, nouveau territoire pour lui : musclée, architecturée et avec une énergie qui procède du sens du théâtre qu'on lui connait dans ses interprétations dans le domaine opératique baroque, comme récemment pour Eliogabalo de Cavalli. Cela est illustré par la symphonie KV 385 « Haffner » dont l'allegro con spirito déploie d'emblée une force presque tellurique dans ses premiers accords avec feu roulant des timbales bien détachées et très sonores. On retrouvera cette façon à maintes reprises par ailleurs. L'andante, joliment conduit, est imaginatif dans le phrasé, tout comme attractive la sonorité de l'Orchestre Millenium. Le menuetto offre des accents soulignés, presque secs, et le trio se refuse au charme. Le finale s'enflamme avec de nouveau des timbales proéminentes et un festin d'énergie. Le Concerto pour piano KV 415 en ut majeur, l'un des favoris de Mozart, comprend, ce qui est nouveau, deux trompettes et une partie importante de timbales. Ce qu'Alarcón ne se fait pas faute de mettre en avant, comme déjà remarqué. La sonorité un peu frêle du pianoforte tranche ici, habitués que nous sommes d'exécutions sur un piano moderne et à un équilibre piano-orchestre souvent artificiellement préservé au disque. On n'a pas cherché ici à avantager le clavier en ce sens. Mais on savoure de superbes passages en particulier à l'andante et au rondo final allègre, curieusement entrecoupé de deux sections adagio, grâce à la fine interprétation de Sebastian Wienand. Dans le registre purement instrumental, on trouve encore la petite Gigue KV 574, puis l'Andante gracioso de la Posthorn Serenade (Sérénade dite « Cor du postillon ») qui offre un magique concertino des bois avec cadence, où Alarcón là non plus ne verse pas dans le style galant, et enfin les Variations KV 455, où le thème « solide » est magistralement brodé grâce ici à la magistrale technique du pianofortiste.
Côté vocal, l'« Académie » présentait l'air « Se il padre perdei » d'Ilia à l'acte II d'Idomeneo où la voix dialogue « avec quatre instruments », dans lequel la voix très jeune de Jodie Devos est un peu en deçà des exigences du rôle. Rien de tel dans l'aria de Giunia « Patro, m'affretto » de Lucio Silla (acte II), où la fraicheur des colorature est bienvenue. De même le récitatif et rondo « Mia speranza adorata » KV 416 la trouvent à l'aise, en particulier dans les colorature avantageuses ornant l'aria, très haut perchées, fort bien négociées legato. On a ajouté au « concert », un peu arbitrairement, deux ouvertures d'opéra. Celle de Don Giovanni, extrêmement dramatique qui projette l'auditeur déjà à l'ultime scène, alors que l'enchainement giocoso déborde d'une énergie irrépressible. Celle de La Flûte enchantée, fort bien jugée avec un deuxième thème mené bon train et ce sens du drive qu'on trouvait chez Harnoncourt, ce qui n'est pas mince compliment. Là comme partout ailleurs la qualité instrumentale du Millenium Orchestra force l'admiration.
JP.R
Mozart était un violoniste, qui selon Leopold, n'était pas suffisamment conscient de sa valeur. En tant que Konzertmeister de l'orchestre de la résidence de Salzbourg, il se devait de jouer et de composer pour le service de l'archevêque d'alors, Hieronymus von Colloredo, surnommé par la famille Mozart ''le grand Muphti''. Ses œuvres concertantes pour l'instrument datent toutes du milieu des années 1770 et appartiennent au style dit galant. A part quelques pièces isolées, écrites pour le virtuose Brunetti qui lui succèdera comme Konzertmeister, il ne composera plus pour l'instrument, alors que la forme du concerto pour clavier se développera de manière significative. Le premier concerto KV 207, qui selon les dernières recherches, a été composé avant les quatre autres, date de 1773. Il se signale en particulier par son brillant finale presto. Dans le deuxième KV 211, on note une influence française, très perceptible dans l'andante conçu sur un thème d'ariette française. A partir du troisième KV 216 les choses changent et on mesure l'évolution du musicien sur une période relativement courte, en particulier dans le rôle dévolu à l'orchestre. L'allegro initial entrainant introduit ce côté théâtral dans le soutien orchestral qui distinguera bien des pièces futures. Comme au rondo final enjoué et fluide, le passage andante en forme de refrain contrastant agréablement. Avec le quatrième concerto KV 218, Mozart rend hommage à Luigi Boccherini et à sa manière vivace pour les deux mouvements extrêmes, et à son mélodisme puissant dans l'andante cantabile central. Le cinquième concerto KV 219 est bien sûr encore plus développé et ses trésors ne se réduisent pas au finale, à ses ''turqueries'' et autre musique des janissaires comme bientôt dans L'Enlèvement au sérail. L'épanchement intime de l'adagio se charge de mélancolie puis de tragique. L'entrée piano du soliste à l'allegro aperto, après une introduction orchestrale plus que brillante, est proprement magique. Tout comme la cadence de la fin de ce mouvement en forme d'improvisation débridée. Il est amusant de constater que ces pièces concertantes auront une résonance dans le futur : l'opéra Così fan tutte se souvient du deuxième concerto KV 211 pour ce qui est du personnage d'Alfonso lorsque celui-ci proclame « Tutti accusan le donne » ; et le trio fameux « Soave sia il vento » s'inspire de l'adagio médian du cinquième KV 219.
La présente intégrale se signale par un élément important : le choix des cadences écrites par le pianofortiste Andreas Staier. Celui-ci indique, dans le livret du disque, qu'aucune information n'a été laissée par Mozart sur les cadences, qu'il devait vraisemblablement improviser à chaque exécution. Un certain nombre de paramètres ont guidé Staier dans ce travail : la dette vis à vis de l'opéra - Lucio Silla venait de connaître un vif succès à Milan -, le souci de la thématique, à l'aune de la manière dont Mozart puise dans la réserve motivique de chaque mouvement concerné dans les concertos de piano, et enfin la nécessité de concevoir des morceaux plutôt longs, ce qui est le cas dans bien des concertos pour clavier. Elles sont fort imaginatives, avec l'usage originale du jeu en pizzicatos, et permettent au soliste de mettre en valeur une large palette. Elles ont été conçues pour Isabelle Faut. La violoniste allemande dont on connait la raffinement de l'archet, offre des exécutions non seulement immaculées, mais empreintes d'une rare introspection et d'un goût certain dans le choix des tempos, enfin du sens de l'équilibre soliste-orchestre. L'écrin orchestral prodigué par Giovanni Antonini à la tête de son ensemble Il Giardino Armonico, qu'on sent justement pas trop nombreux, est toujours plaisant : souci du soutien à sa soliste, rigueur dans les tempos, qui pour les prestes ne sont pas boulés comme souvent chez ce chef. L'enregistrement offre une balance satisfaisante, ne plaçant pas la soliste dans une proéminence factice, plutôt tel un primus inter pares.
JP.R
Poursuite de l'intégrale des symphonies de Mendelssohn par le maître Gardiner. La Première symphonie op.11, de 1824, qui vient immédiatement après la série des symphonies pour cordes, a été remaniée par le compositeur en 1829, peu satisfait du troisième mouvement Menuetto, qualifié « d'un ennui terrible » et de « monotone », et remplacé pour l'exécution de l'œuvre à Londres, cette même année, par un scherzo emprunté à son Octuor à cordes. La présente exécution propose les deux versions de ce troisième mouvement à la suite, ce qui est un peu trompeur. Il eût mieux valu mettre l'alternative en annexe. Quoi qu'il en soit, la vision de Gardiner est dans le droit fil de sa manière révélée dans ses deux disques Mendelssohn précédents : un allegro di molto jaillissant, « infectuous » comme l'on dit outre Manche, dont le traitement thématique est habilement ouvragé au fil d'un développement qui, s'il s'avère un peu redondant, maintient en haleine ; un calme andante paré d'une couleur suave aux cordes, caractéristique du son mendelssohnien ; ce qui se poursuit dans le scherzo (de 1929) mené prestissime et d'une extrême fluidité, les « trompettes anciennes » apportant un zest de fantaisie. Cela en tout cas paraît allégé comparé au menuetto de la version originale (de 1824) dont il faut bien le reconnaître, l'inspiration est un peu courte, avec un trio certes bien contrastant, mais un brin austère et énigmatique dans sa résolution avant le retour au primo tempo. L'allegro con fuoco final apporte une conclusion en apothéose, mené à train très soutenu par le chef. On remarque un passage des cordes pizzicatos, par deux fois, avec un joli trait de clarinettes fort original, comme le traitement fugué du développement, tournure anticipant sur Le Songe d'une nuit d'été. La Symphonie N°4 « italienne », op. 90 (1830-1833) se voit réserver une exécution on ne peut plus brillante. La pulsation de l'allegro vivace est hyper rapide, presque boulée ; mais l'élan est certain et le jeu du LSO si superlatif que cela est irrésistible. Le développement surenchérit en rapidité quoique on ne perde rien du subtil travail des bois. Morceau le plus délicat de l'œuvre, l'andante, sorte de marche-procession avec une pointe d'archaïsme, est envoûtant, presque mélancolique. Le menuetto poursuit dans cette vision nostalgique. La section en trio, introduite par les cors, est magistrale d'atmosphère avec le contrepoint des flûtes. Comme le laissait présager le traitement du premier mouvement, le presto final, saltarello, est pris à train d'enfer, poussé jusqu'à ses limites expressives, s'emballant par paliers. Là encore, les musiciens londoniens montrent une maestria enthousiasmante. Les climax sont glorieux comme le mouvement de décrue précédant les pages ultimes.
Jean-Pierre Robert
Ce disque extrêmement riche – une véritable mosaïque – emprunte à l'un de ses morceaux son titre général : Dreamtime, le Temps du rêve, qui fait référence à la mythologie aborigène. De fait, les cinq ouvrages réunis, bien que tous originaux, ont plusieurs points communs : quasiment le même instrumentarium (clarinette, violon, piano et parfois violoncelle) et donc une couleur homogène, mais surtout un certain climat envoûtant, que leur propos soit mélancolique, festif ou rêveur. Car Dreamtime, c'est finalement le temps d'avant l'Histoire et peut-être aussi l'espoir d'une humanité réconciliée avec elle-même… Unité de programmation également, puisqu’il s’agit d’un recueil cent pour cent américain : le Zodiac Trio, créé en 2006 à la Manhattan School of Music de New York, interprète des pièces de compositeurs états-uniens (et toutes enregistrées ici pour la première fois).
Le premier opus, de Richard Danielpour, s'intitule Lamentations et date de 2013. Il est dédié « aux femmes d'Iran, afin que leurs voix soient entendues ». Cette œuvre très écrite, peut-être la plus belle du disque, est un long thrène, un chant de deuil qui sollicite la voix grave et timbrée du violoncelle (Ariel Barnes). D'emblée, on est frappé par l'immense tristesse, la sobriété et la dignité qui caractérisent cette composition. Après une sorte de cluster au piano répété une fois et qui résonne comme un glas, s’avance très lentement un thème dépouillé. Chacune de ses trois phrases est répétée en écho, comme un chœur (violon et violoncelle) qui reprend la voix soliste (la clarinette, délicatement soutenue par les sons cristallins des cordes du piano pincées à l’unisson). La première phrase : une note jouée trois fois et suivie de quatre autres descendantes. Aucune accentuation. Les deux autres prennent appui sur une première note grave et s’envolent vers l’aigu, la seconde plus haut encore, avant de retomber. À chaque fois, l’avant dernière note est tenue dans une longue chute vers la dernière. L’effet est saisissant, et l’auditeur n’a aucune peine à visualiser un cortège innombrable de pleureuses outragées, qui marchent lourdement… et inexorablement. Le thème – et ses variations – structure toute la pièce et devient obsessionnel, traduisant à la fois une fatalité et un questionnement infini. L'atmosphère générale ainsi que le jeu en réponse du piano peuvent rappeler de loin en loin la sonate pour alto et piano de Chostakovitch, mais sans le pathos emblématique du Russe.
Changement de climat avec la Klezmer Fantazye d'Andrew List (2014), qui porte bien son nom. Après une entrée en fanfare pourrait-on dire, et qui ressemble à une improvisation aussi belle qu'enlevée, la clarinette (Kliment Krylovskiy) et le violon (Vanessa Mollard) se mettent à converser, soutenus par un piano (Riko Higuma) discret et lancinant. On est passé à un climat élégiaque, d'une tendresse infinie, où se font entendre les voix d'une Europe orientale dont le tragique destin est présent à chaque inflexion. Une fois entendues ces voix douloureuses, débute lentement à la clarinette et s'accélérant rapidement, un irrésistible thème yiddish, connu sous le titre d'« Odessa Bulgar », et propre à entraîner tous les convives d'une noce. Ce morceau forcément nostalgique donne une leçon : si l'Histoire ne peut être oubliée, la vie et le vivre ensemble doivent finir par l'emporter. Comme pour Lamentations, l'interprétation du trio est d'une grande probité.
Dans les Visions from the Aboriginal Dreamtime (2011) d'Andrew List, on assiste en premier à la création du monde, au départ informe ou amorphe, plat et indifférencié, jusqu'au Dreamtime, quand se réveillent les Géants qui dormaient sur les plaines grises depuis des âges immémoriaux. De cette époque naît l'Amour, cadeau des Géants à l'univers. Dans le quatrième et dernier mouvement, ces esprits du Temps du rêve montrent à l'humanité comment vivre. La musique commence donc lentement au piano, en accords serrés, puis s'élèvent les voix du violon et de la clarinette, d'abord par bribes, puis en longues phrases saccadées. Cette énergie du Dreamtime cède la place à la douceur de l'offrande de l'Amour universel du troisième mouvement, où domine le couple violon-clarinette, qui tournoie enlacé, semblant flotter dans l'air comme des mariés de Chagall. Dans le dernier mouvement, le piano revient en force dans un ostinato servant de soutien aux longues phrases aiguës du violon (magnifique Vanessa Mollard !) reprises à la clarinette.
L'énergie est aussi à la base du tango et de la pièce de John Mackey, Breakdown Tango (2000), qui invite une nouvelle fois le violoncelle. Énergie, mais aussi caractère ! Le jeu des quatre interprètes est virtuose, plus encore celui de la violoniste. Les ostinati de chacun se répondent et s'imbriquent dans un jeu qui ne nuit pas à la cohérence de l'ensemble, lequel avance inéluctablement, avec un peu plus de douceur dans la partie médiane et pour conclure avec fougue.
Enfin, Zodiac : Across the Universe (2013) est composée de douze morceaux d'autant de compositeurs. Douze comme les signes du zodiaque bien sûr, ce qui donne lieu à une suite de brèves séquences. Ces instantanés – ils durent tous une minute environ – se caractérisent par leur narrativité et un certain pittoresque, ce qui donne à ce portrait du ciel une certaine unité de ton. Cela dit, cette dernière œuvre est assez pâle comparée à celles qui la précèdent. Même si, dans tout ce disque, le violon et le piano sont très présents et expressifs, l'instrument roi est bien la clarinette, dont le jeu coloré – bravissimo à Kliment Krylovskiy ! – en est l'unité profonde, la voix.
Patrick Jézéquel
Tout commence par la découverte de la jolie pochette : une photo pleine page montrant, assis sur une banquette autour d'une petite table de diner chargée de jus de fruits et de pancakes, une jeune et belle femme en robe noire à pois blancs, léger sourire aux lèvres (l'une des chanteuses), et Léo Warynski, sérieux et bien peigné, tenant la carte et levant le doigt pour passer commande. Par son sujet, ses tons chauds et son traitement vintage, cette image nous transporte à la fois dans les univers so Frenchy de Claude Sautet ou de François Truffaut – La Nuit américaine, forcément ! – et so American d'Edward Hopper. L'originalité ne s'arrête pas là mais sous-tend toute la démarche du deuxième disque des Métaboles, ensemble créé en 2010. Ce recueil de dix œuvres pour chœur a cappella écrites par six compositeurs états-uniens a été conçu comme un nocturne, dans la mesure où l'écoute de cette musique contemplative est propice à l'état d'abandon confiant et heureux qui précède le sommeil.
De fait, les premières mesures de Whispers (2002) de Steven Stucky installent l'auditeur dans une rêverie. Rêverie attentive et curieuse, car ces « murmures » de crépuscule, ni apaisés ni révoltés, qui s'étalent en longues plages de notes tenues, n'ont rien de mièvre et fourmillent de détails. L'originalité de la pièce tient en effet à ceci qu'un ensemble important chante au premier plan la musique de Steven Stucky, sur un poème de Walt Whitman – « J'entends des chuchotements d'une mort céleste murmurés, / Bavardage labial de la nuit... » –, tandis que, derrière, comme en écho, un petit chœur entonne l'Ave Verum de William Byrd. Le dispositif fonctionne parfaitement, produisant un saisissant climat d'étrangeté. Ce chant de deuil résonne étrangement si l'on songe que le compositeur, né en 1949, est décédé en février 2016 et que le CD lui est dédié.
Eric Whitacre, né en 1970, est représenté par deux morceaux écrits en 2000 : le magnifique Lux Aurumque et Sleep. Lumière et or : on est effectivement loin de la lumière diffuse et crépusculaire que projette le Lux aeterna de Ligeti, où des voix asynchrones entrent très souplement, créant un tissu sonore aux contours indécis, et dans lequel il est difficile de percevoir pulsations et changements de timbre. Ici, au contraire, une grande dignité et une construction très nette sont au service d'un climat franchement religieux. Et même si des voix féminines flottent dans les aigus, on est finalement beaucoup plus sur terre, c'est-à-dire dans une tension vers le Ciel, et l'on comprend, à la lecture du poème traduit et chanté en latin d'Edward Esche (né lui aussi en 1970), que la mort précède la vie, ouvrant ainsi la porte à l'éternité, et que la lumière dont il est question ici est la pluie d'or qui nimbe l'innocent nouveau-né. Quant à Sleep, il décrit à la première personne, sur un poème de Charles Anthony Silvestri (né en 1965), les différentes phases de l'endormissement. Cette pièce assez conventionnelle, par moments un peu trop solennelle pour son sujet, peut s'écouter pour la simple beauté des voix, qui montent graduellement vers une acmé avant de redescendre très paisiblement.
Même facture classique pour le chant O Magnum Mysterium (1994) de Morten Lauridsen, dont la simplicité est au service du texte : c'est là sa force.
On quitte le terrain proprement religieux avec Christian Wolff in Cambridge (1963) de Morton Feldman, une invitation à traverser le cœur de la nuit, à goûter au trouble induit par son mystère. Voilà pourquoi cette pièce, qui rend hommage à un compositeur ami, se trouve au milieu du programme. Pas de mots rassurants, aucune supplique, nul pathos, mais profondeur et statisme des voix planantes, des voix de fantômes, qui se contentent de saisir l'instant.
Aaron Copland, formé à la composition en France par Nadia Boulanger, est l'un des premiers musiciens d'outre Atlantique, sinon le premier, à avoir donné une véritable tonalité américaine à ses œuvres, comme le montrent ici ses Four Motets (1921), où percent déjà les accents du negro spiritual et du folklore. D'emblée, ces voix merveilleusement fondues et qui avancent avec une belle assurance manifestent la longue tradition anglo-saxonne du chant. Particulièrement vigoureux, le deuxième motet nous transporte ainsi en imagination sous les lambris d'une chapelle du Bronx. Une œuvre de jeunesse réussie, dont l'allégresse et l'énergie rythmique emportent l'auditeur.
Le très (trop ?) fameux Adagio pour cordes (1938) de Samuel Barber revient ici arrangé pour voix, ce qui donne lieu, donc, à un très (trop ?) lyrique Agnus Dei (1967). Cela étant dit, l'un des mérites de ce disque est de faire découvrir ces pièces inconnues en Europe que sont Reincarnations (1942), Let Down the Bars, O Death (1936) et To be Sung on Water (1969). S'y montre le musicien hypersensible que l'on connaît, mais complet, plus subtil en étant plus sobre, et toujours attaché à la mélodie, à la tonalité ainsi qu'aux sonorités. Le vibrant To be Sung on Water, sur un poème de Louise Bogan (« Magnifique, ma joie / Glisse, comme glisse l'onde pure / Glisse, comme la nuit chamarrée / Éclaire ce qu'elle ne peut sauver / Disperse le clair et l'obscur »...) ne peut laisser de marbre. Là encore est magistrale l'interprétation des Métaboles, dont le « son très homogène, plein et chaleureux » cher à son créateur et chef, est l'une des marques distinctives.
Patrick Jézéquel
Voici un bel album de mélodies italiennes dues au compositeur italien Francesco Paolo Tosti, considéré comme l’un des plus grands maitres de la musique de salon du XIXe siècle, auteur de plus de 500 mélodies. Un magnifique enregistrement célébrant, avec à propos, le centenaire de la disparition de ce musicien, pianiste, musicologue et pédagogue, un peu méconnu de grand public. Une interprétation superbe du ténor Marc Filograsso accompagné de la pianiste Isabelle Poulain, tous deux spécialistes de ce type de répertoire, ardents défenseurs de la musique de Tosti depuis de nombreuses années. Voici donc leur troisième disque, vingt romances de Francesco Paolo Tosti sur des textes de poètes célèbres, notamment Pagliara, Cimmino et Gabriele D’Annunzio dont le cycle Consolazione constitue la dernière œuvre, publiée à titre posthume. Un disque présentant de nombreux inédits, des mélodies typiquement italiennes, bien différentes du lied allemand ou de la mélodie française. Un florilège de romances laissant la primeur à la ligne mélodique, de vocalité relativement aisée, à la prosodie fluide, pleines de charme. Un disque particulièrement séduisant, à écouter absolument !
Patrice Imbaud
Un disque « de folie » dont le titre se veut un clin d’œil, à l’œuvre éponyme de François Couperin, mais également un premier disque en duo pour ces deux interprètes célébrant leurs 35 ans de mariage. Un disque original un peu iconoclaste qui mélange allègrement les genres puisqu’il nous donne à entendre un florilège de compositions variées, reflet de la musique du Grand Siècle. Un enregistrement qui s’ouvre par le majestueux, et peut être un peu grandiloquent, Prélude du Te Deum de Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), suivi de plusieurs compositions de François Couperin (1668-1733) pour clavecins dont la fameuse Allemande du 9e Ordre et les célèbres Folies françoises ou Dominos reflétant le génie de Couperin dans l’expression musicale du portrait ou du caractère, ou encore les Musètes témoignant d’un retour à une inspiration plus rustique. Plus sérieuses, à priori, les œuvres pour orgue, essentiellement liturgiques, comme le Bénédictus de Nivers (1632-1714) ou le Gloria de Grigny (1671-1703) peuvent prendre parfois des aspects plus profanes comme les Trois préludes en trio de Du Mont (1610-1684) ou les Noëls de Daquin (1694-1722). Une interprétation remarquable, complice à l’évidence, sous tendue par un immense plaisir de jouer ensemble que ce soit sur l’orgue J. F. Lépine (1752), celui du facteur Gehrard Grenzing ou les clavecins de P. Humeau. Un disque évènement, qui fête également les dix ans de l’Académie d’orgue et de clavecin de Sarlat, qui ravira tous les amateurs de cette somptueuse musique.
P.I
Pour célébrer, à la fois, les quarante années passées à la tête de l’Orchestre National de Lille et le passage de témoin au jeune chef Alexandre Bloch, Jean-Claude Casadesus a choisi d’enregistrer pour le label Evidence Classics une de ses œuvres fétiches, la Symphonie n° 2 dite « Résurrection » de Gustav Mahler. Une œuvre monumentale, ô combien emblématique de cette passation de pouvoir qui se veut un changement dans la continuité, ce dont témoignait, à l’époque, le compositeur en disant « Je mourrai pour vivre… ». Une partition que le chef lillois connait sur le bout des doigts pour l’avoir donnée à de nombreuses reprises. Un choix judicieux et heureux tant la qualité de l’interprétation qui nous est, ici, donnée semble à la hauteur de l’évènement. On sait que le corpus des symphonies de Mahler forme un tout cohérent. Cette deuxième symphonie s’inscrit dans la continuité de la première symphonie puisqu’il s’agit du héros de Titan qu’on enterre pour assister ensuite à sa résurrection mais elle s’en distingue par une recherche du monumental marquée par l’introduction d’un chœur et de voix solistes. Composée très rapidement sous l’emprise d’une force « venue d’ailleurs » qui le soulève, Mahler se compare à un instrument de musique dont joueraient « l’esprit du monde, la source de toute existence ». Elle se compose de cinq mouvements, une « cérémonie funèbre » (Totenfeier), un andante moderato, un scherzo tiré du lied « Des Antonias von Padua Fischpredigt » appartenant au « Wunderhorn », puis « Urlicht » (la lumière originelle) pour voix d’alto, lied tiré également du « Wunderhorn » et enfin d’un final pour voix solistes, chœur et orchestre inspiré d’un texte de Klopstock et dont Mahler eut la révélation lors des funérailles de Hans von Büllow. Pour Mahler composer une symphonie c’est « créer un univers avec tous les moyens à sa disposition ». Dans le premier mouvement le héros est porté en terre après un combat contre la vie et le destin, alternant épisodes austères et sereines éclaircies dans cette épopée chaotique. Le deuxième mouvement correspond à un intermezzo d’une grande fraicheur traduisant un moment de bonheur avant le tourbillon burlesque et chaotique du scherzo, ronde infernale, synthèse de grotesque, de sentimental, ponctuée de sursauts inquiétants, reflets de l’angoisse du héros et du « dégout de toute existence qui le saisit comme un poing d’acier et le torture jusqu’à lui faire pousser un grand cri de désespoir ». La fanfare est ici explosion dissonante, vision de jugement dernier. Dans le quatrième mouvement, « la voix touchante de la foi naïve résonne à son oreille ». Le Final est caractérisé par le « Grand Appel » des cuivres en coulisses auquel se joint le chant du rossignol qui gazouille sur les tombes comme « un dernier écho de la vie terrestre » puis c’est l’entrée pianissimo et retardée au maximum ( ce qui le démarque de façon catégorique du Final de la neuvième symphonie de Beethoven) du chœur sur l’ « Auferstehen » de Klopstock, complété par Mahler qui exprime, ici, sa confiance dans la capacité de l’homme à modeler son propre destin. Unies dans une même ferveur les voix clament le mot « Auferstehen » (tu ressusciteras) avant de laisser la parole à l’orchestre dans un éclat inoubliable. La deuxième symphonie est probablement celle qui porte la spiritualité mahlérienne à son niveau le plus élevé. La lecture que nous en donne dans cet enregistrement le chef lillois est particulièrement convaincante, tant dans sa conception de l’œuvre que dans sa réalisation musicale proprement dite. Il s’agit, ici, d’un Mahler très véhément, narratif, presqu’expressionniste, au phrasé volontiers abrupte et acéré, riche en contrastes et nuances, une vision très orchestrale, bien éloignée de certaines versions plus chambristes, une interprétation qui respecte parfaitement la clarté et l’architecture des différents plans sonores, sous tendue par une dynamique tendue tout au long de ce chemin initiatique qui conduira le héros de l’ombre vers la lumière, de la violence à la paix. La direction de Jean-Claude Casadesus parvient malgré la monumentalité de la masse orchestrale à magnifier les timbres et la richesse de l’orchestration mahlérienne superbement servie par un orchestre d’une qualité superlative tous pupitres confondus. Les solistes et le Chœur tchèque apportent également leur note d’excellence dans cette réussite totale, qui plus qu’un testament, fait œuvre de témoignage attestant de l’immensité du travail accompli depuis la fondation de cette phalange lilloise par Jean-Claude Casadesus, en 1976. Merci et bravo Maestro !
P.I
Le label Indésens et le trompettiste français Eric Aubier poursuivent leur inlassable quête en vue de faire connaitre au plus grand nombre le répertoire très étendu de la trompette. Voici donc, une réédition compilant le fameux Concerto n° 1 pour piano, trompette et cordes de Dimitri Shostakovitch (1906-1975) et des œuvres quasiment inconnues du compositeur franco-serbe contemporain Ivan Jetvic (°1947) dont les Concertos n° 1 et 2 pour trompette et orchestre, Thème & trois variations pour trompette et deux quintettes de cuivres et la Suite concertante pour trompette, piccolo et cordes « Que le jour est beau ». Admirateur fervent de son ainé russe et amoureux de la trompette, son œuvre, importante, est largement dédiée à cet instrument, symbolisant pour lui vision de la lumière et force tellurique. Le Concerto n° 1 est de fruit d’une intense recherche sur le son de la trompette, le Concerto n° 2 est une pièce de concours ayant connu un succès considérable partout dans le monde. Thème et Trois variations s’appuie sur un instrumentarium original, d’allure hymnique et solennelle, tandis que la Suite concertante tend un pont entre tradition et modernité. Le célèbre concerto de Shostakovitch concluant cet intéressant enregistrement se veut un hommage au grand maitre russe. L’influence de Shostakovitch est particulièrement évidente majorée encore par cette mise en miroir. L’interprétation d’Eric Aubier est, comme à son habitude, brillante, claire dans le phrasé, virtuose et engagée sachant toujours tirer le meilleur de sa trompette au son, tour à tour, solaire ou abyssal. Une découverte originale à ne pas manquer !
P.I
La sortie d’un nouvel opus discographique de Jean-Pierre Armengaud est toujours un gage de qualité pianistique et une assurance d’originalité dans le choix du programme. Ce dernier enregistrement, faisant suite au Four-Hand Piano Music (1) paru en 2013, ne fait pas exception à la règle. Si le premier opus présentait des œuvres parfois peu connues de Debussy (Petite Suite, Marche écossaise, Epigraphes antiques, et Première Suite d’orchestre) celui là, en revanche, présente des œuvres célèbres pour orchestre. Cette fois encore, associé à son comparse Olivier Chauzu, il nous propose des transcriptions pour piano à quatre mains. Transcriptions d’œuvres orchestrales, à la fois l’Autre et le Même, le plaisir et l’originalité de l’écoute sont toujours au rendez vous. La transcription du Prélude à l’Après-midi d’un faune (1894) fut réalisée par Maurice Ravel en 1910 à la demande de l’éditeur Fromont. L’arrangement pour piano à quatre mains de La Mer fut entrepris par Debussy lui même immédiatement après l’achèvement de la partition d’orchestre en 1905, celle du tryptique d’Images fut effectuée par André Caplet, comprenant Gigues (1912) Ibéria (1908) et Rondes de printemps (1909). L’interprétation des deux pianistes, empreinte de véhémence, d’éloquence et d’ardeur, s’appuie sur un piano orchestral, un sens aigu de la narration et de l’écoute mutuelle, une complémentarité parfaite et une virtuosité remarquable au service d’œuvres bien connues, qui prennent sous les doigts de Jean-Pierre Armengaud et Olivier Chauzu des couleurs originales et inattendues, leur donnant un nouveau visage qui ne manquera pas d’en surprendre d’aucuns et d’en séduire de nombreux autres. Un très bel album.
P.I
Pour son dernier opus discographique le pianiste français Vincent Larderet a choisi de mettre en miroir, avec une certaine pertinence, Brahms (1833-1897) et Berg (1885-1935). Confrontation un peu surprenante au premier abord et pourtant…Comme pour ses précédents disques, souvent salués par la critique et le public, voilà un programme qui fait sens puisqu’il nous donne à entendre trois œuvres (Klaviersonate n° 3, op. 5. & Intermezzi, op. 117 de Johannes Brahms associés à la Klaviersonate, op. 1 d’Alban Berg) dans le souhait évident de donner corps à une certaine forme de tradition et de transition. Tradition et transition car les deux compositeurs s’inscrivent, à l’évidence, dans une filiation austro-germanique où Brahms représente l’accomplissement de l’époque romantique, tandis que Berg nous montre une porte qui s’ouvrira bientôt sur un autre monde, celui de la Musique Nouvelle de la Seconde Ecole de Vienne, dont témoigneront ses compositions ultérieures. La Sonate n° 3 de Brahms est une œuvre de jeunesse, composée en 1853 tout à fait emblématique de la grande sonate romantique par sa monumentalité, sa puissance, sa véhémence, son caractère extraverti, voire parfois théâtral, encore toute imprégnée de l’héritage beethovénien. Les Trois Intermezzi de l’opus 117 datent de 1892, ils marquent assurément une évolution dans l’écriture brahmsienne, plus intériorisée, plus intime, plus méditative, moins virtuose, témoins d’une sagesse faite sans doute de douleur et de renoncement. La Sonate n° 1 de Berg composée probablement en 1909 semble se rapprocher de ces courtes compositions pour clavier de Brahms par son caractère de confidence intime, mais s’en éloigne par sa structure en un seul et unique mouvement ainsi que par son instabilité tonale. L’interprétation de Vincent Larderet est ici remarquable, semblant s’accommoder parfaitement de ces différents climats, orchestral ou intimiste, usant d’un jeu qui parvient, sans aucune réserve, à soutenir notre attention et notre intérêt, que ce soit dans les débordements romantiques de l’opus 5, dans les « berceuses tardives de ma douleur » de l’opus 117, ou encore dans les errances tonales de la sonate de Berg. Un très bel enregistrement, original et parfaitement mené qu’il serait dommage de négliger. Indispensable !
P.I
Pour un coup d’essai, voici un coup de maitre ! Pour son premier album (7e de la Collection Jeunes Ensembles du label Ambronay) le jeune ensemble Seconda Prat!ca nous donne à entendre ce remarquable enregistrement d’un monde en mutation. Sachant que la foi se transmet plus facilement et de façon plus durable par la musique et l’art que par les armes, portées par les jésuites chargés d’évangéliser les colonies d’Amérique du Sud, voici un recueil de musiques métissées mêlant, dans un savant syncrétisme, polyphonies sacrées et musiques amérindiennes. Ainsi naquit un baroque musical colonial permettant l’éclosion de chefs d’œuvres émergeant, paradoxalement, au milieu des massacres et destructions. Un disque qui fait sens, au-delà de sa réussite musicale étincelante. Une mise en miroir de deux cultures différentes, de part et d’autre de l’Atlantique, qui pose la question des rapports complexes et essentiels entre morale, politique et création artistique. Une interprétation digne d’éloges, tant au plan vocal qu’instrumental, magnifiée par une belle prise de son et un livret très didactique qui intéressera tous les passionnés d’ethnomusicologie. Une découverte originale qui, au-delà du plaisir de l’écoute, nous amène à réfléchir et, qui sait, pourrait nous aider à devenir plus intelligents…Ce qui n’est pas rien !
P.I
Voici un bel album où la musique avoue immédiatement ses intentions hédonistes, tout y est clair, cantabile, pimpant voire galant, enlevé et dynamique pour un plaisir immédiat facilement accessible. Ces œuvres furent toutes composées entre Mannheim et Paris, répondant à des commandes d’amateurs éclairés, entrant dans le cadre de la musique de salon. Le Concerto pour flûte et harpe date de 1778, habile, brillant, virtuose, son originalité tient à son instrumentarium associant les timbres de la flute et de la harpe dans un constant dialogue avec l’orchestre. Le Concerto pour flûte n° 1 date de la même époque, permettant au soliste de faire montre d’une virtuosité étourdissante et au compositeur de son exceptionnel savoir faire, si l’on en doutait encore… L’Andante K. 315, contemporain des deux œuvres précédentes procède de la même veine, associant quant à lui, poésie et mélancolie du plus bel effet. L’interprétation de Philippe Bernold est sans aucun doute éblouissante, rejointe dans l’excellence par le jeu brillant d’Emmanuel Ceysson. Sa direction semble parfois un peu raide et les tempi choisis un peu rapides. Malgré ces quelques réserves, voici répétons le un bel album qui possède les défauts de ses qualités, à savoir peut être un peu trop de clarté et pas assez de mystère…
Patrice Imbaud
Musicienne, superviseur, agent de compositeurs de grande qualité, c’est une vraie artiste qui nous a reçu cordialement dans la cuisine de son bureau, où autour d’un café, elle nous a parlé de son expérience autour de la musique à l’image et des compositeurs qu’elle défend.
Comment s’intéresse-t-on à la musique de film ?
D'abord on s’intéresse à la musique.
Vous avez été professeur de musique ?
Je l'ai été mais très peu de temps. J’ai une formation classique et jazz ; j’ai fait le conservatoire de Dijon, puis à Paris j'ai fait un deug de musicologie ; être professeur de musique était en fait pour me payer mes études.
Jouiez-vous d'un instrument ?
Je faisais du piano, dans ma famille tout le monde fait de la musique, cela fait partie de notre culture ; je viens d'une famille juive marocaine, on était des amateurs, mes frères avaient monté un groupe de Rythm & Blues dans les années 70, à l'époque j'avais 14 ans ! Par la suite j'ai joué dans des groupes de tous les styles, ensuite à Paris j’ai fait ma licence, mais je n'ai pas terminé mon Master, puis un mémoire sur l’improvisation en jazz (que je n’ai pas tout à fait terminé), parallèlement j’étudiais au Cim pour le jazz, le piano jazz avec Michel Précastelli, et avec Ivan Julien, Lagrène, le guitariste, j’étais dans la classe d'orchestration pour big band; puis à l’Institut Catholique de Paris, j’ai suivi une formation pour laquelle j’ai obtenu le diplôme de « pédagogie musicale active » une formation musicale active ; c'est Carl Off qui avait mis au point cette méthode, qui, quelque soit l'âge, permet d'apprendre la musique, non pas avec le solfège, mais à travers le corps, une gestuelle extrêmement complexe, c'est une méthode d'apprentissage assez efficace qui peut aller jusqu’à un niveau très pointu d’interprétation de la musique pour un ensemble instrumental et vocal assez important .
Et la musique de film ?
Dans la partie musicologie, j'avais choisi l'option cinéma ; les circonstances de la vie ont fait que je devais travailler pour payer mes études, donc le soir j'étais ouvreuse dans un cinéma; un multiplex à Dijon. J'avais accès à six ou sept salles gratuitement et je me régalais chaque semaine à voir des films de tous les genres.
Ecoutiez-vous la musique ou juste l'entendiez-vous ?
En tant que musicienne, au début je faisais attention à la musique ! Mais plus tard j’ai beaucoup appris à analyser les liens et le rapport de la musique à l’image.
Et quelles musiques vous interpellaient ?
J'ai découvert à la fac tout le cinéma expressionniste, Murnau, Lang, etc.. par rapport à la musique de film à la fin de ma deuxième année j'ai présenté un mémoire sur le « Don Giovanni » de Mozart mis en scène par Losey; c'est à partir de ce film que je me suis plongée dans la musique de film même si c'était à partir de celle de Mozart. Depuis cette expérience j’ai toujours été attirée par le lien étroit entre la musique et l’image. Plus tard j'ai découvert un métier par hasard, vraiment par hasard, le métier de musicien-copiste ; il a pratiquement disparu aujourd’hui à cause des ordinateurs ou parce que les copistes sont beaucoup moins chers dans les pays de l'Est. Pour les groupes semi-professionnels avec lesquels je jouais, je devais souvent transcrire sur partitions les morceaux à l'oreille parce qu'on ne trouvait pas dans le commerce les partitions récentes, les tubes. Je copiais transcrivais donc toutes les parties. Un jour mon frère m'a dit que c'était un métier et qu’il avait rencontré quelqu'un dont le métier était, en autres, de retranscrire d’oreille des partitions de musiques ou de chansons de tous styles, et qu’il en vivait. J’ai rencontré cette personne, elle m'a testée en m’envoyant des relevés qui étaient d'une grande simplicité à faire, des morceaux de Chantale Goya ou de rock par exemple ; petit à petit ce monsieur m'a formée et m'a envoyée des choses de plus en plus compliquées et même du jazz, du Petruciani, des grandes musiques d’orchestre ou de piano concertant de Pierre Porte, parce qu'il fallait à l’époque, pour protéger une musique, déposer les partitions à la Sacem. Puis cette personne m’a formée à la copie pure, c’est-à-dire recopier à partir d’un score, chaque partie instrumentale pour chaque musicien. Grâce à ce métier j’ai pu travailler et me former à tous les genres de musique (y compris contemporaine, ethnique etc…) La première musique de film que j'ai relevée était pour Gabriel Yared, celle d' «Hanna K ». Les partitions avaient disparu, été perdues je crois et il fallait refaire le dépôt Sacem; Puis j’ai rencontré Gabriel Yared et je suis devenue sa copiste jusqu'au « Patient Anglais » ! J'avais relevé aussi pour lui tout un album (le 1er volume) sur les voix Bulgares. J’ai aussi été la copiste de Philippe Sarde, Georges Delerue, Ennio Morricone etc…j’adorais ce travail car il était en même temps une formation personnelle permanente tellement enrichissante !
La musique de film est donc arrivée par hasard dans votre vie !
Oui à 28 ans, grâce à la copie et aux relevés !
Comment est arrivé le fait que des gens vous ont appelée pour les aider à choisir un compositeur ?
C’est arrivé dans les années 90 ; en fait j’ai arrêté d’être copiste parce que passer à l’ordinateur cela ne m’intéressait pas du tout ; auparavant j’avais aussi effectué une incursion dans le domaine de l’orchestration ; la copie et les relevés d’oreille m’avaient appris beaucoup de choses dans ce domaine et j’ai eu envie de pousser plus loin cette attirance. Alors Gabriel par exemple, et son orchestrateur Maurice Coignard m’ont beaucoup poussée à orchestrer ; mes premières orchestrations ont été une commande de l’Orchestre National d’île de France, sur des negro spirituals interprétées par Wilhelminia Fernandez (la chanteuse du film DIVA); mais ma vie de famille a repris le dessus. J’ai fait un break pendant quelques mois, et puis un compositeur pour qui je faisais de la copie, Pierre Adenot, m’a demandé d’être son agent, à l’époque il était arrangeur pour Cosma, Yared et l’Affaire Luis Trio, mais il avait aussi des commandes de composition pour ses propres films..
Ce métier existait-il en France ?
Non ! J’ai découvert ce métier d’agent de compositeurs de films, et il n’existait pas non plus de superviseur ; je l’ai donc fait pour lui et puis pour d’autres. A l’époque on disait au compositeur voilà 50 000 francs et démerdez-vous ! Pierre n’avait pas besoin qu’on lui trouve des films, il lui fallait quelqu’un qui gère toute la partie contractuelle et logistique de son travail, on était dans les années 90.
Comment cela a évolué ?
Progressivement le bouche à oreille aidant j’ai pris de plus en plus d’artistes.
On vous appelait seulement pour vos artistes ?
On début oui, mais petit à petit des sociétés de production m’ont contactée pour m’occuper d’autres compositeurs pour faire de la supervision musicale.
Est-ce facile de proposer un compositeur à un réalisateur ?
En général le réalisateur arrive avec un compositeur, on ne va pas aller contre son choix, puis il reste toute la partie contractuelle, les négociations et la production, la logistique à s’occuper ; il y a vingt ans les réalisateurs entendaient quelques notes sur un piano et lui faisaient confiance aujourd’hui ils exigent d’avoir toute la musique avant le mixage et que cela sonne bien.
Il vous arrive quand même de proposer un compositeur et qu’il ne soit pas de votre agence !
En général ce sont des réalisateurs ou des producteurs qui viennent sur mon site et qui désirent quelqu’un de chez moi, mais s’ils hésitent entre les compositeurs, on les aide à choisir.
Sur votre site il y a des affiches de films dont les compositeurs ne sont pas de chez vous !
Ce sont des films où j’ai fait de la supervision musicale !
Il y en a beaucoup !
Oui j’en ai fait pas mal.
Je vois que vous avez fait quatre films avec Philippe Rombi
Oui, il n’est pas dans mon agence mais j’aime beaucoup ce compositeur et je suis contente de travailler avec lui. Aujourd’hui je fais moins de supervision musicale, c’est trop prenant d’avoir sur le dos et le producteur et le réalisateur avec des discussions interminables, ces métiers sont très prenants et j’ai gardé une préférence pour le métier d’agent que je continue de développer, mais par contre un couple comme Rombi / Ozon, et avec des producteurs comme Mandarin Cinéma, j’adore.
Alors qu’est-ce qu’être agent ? On vous appelle ou vous vous bougez pour faire travailler vos compositeurs ?
95% du temps c’est le réalisateur qui amène son compositeur ; quand ce n’est pas le cas, il y a un superviseur musical qui est engagé pour l’aider à choisir ; il y en a une, Varda Kakon, qui apprécie bien le talent de mes compositeurs elle est très professionnelle et choisit toujours le compositeur qui est le mieux pour le film et ne place pas ses amis. Et il y en a d’autres qui sont aussi très compétents. Mais bien sûr il nous arrive, dans l’agence, de faire de la prospection, soit parce que les compositeurs souhaitent travailler sur certains films ou avec certains réalisateurs et nous allons chercher à les mettre en contact, soit parce que de nous-même nous faisons des recherches sur les projets et nous essayons de placer des compositeurs.
Alors comment avez vous choisi vos compositeurs. Le premier était Adenot, il n’avait pas composé grand chose à l’époque…
Si, les films longs métrages de Jean Pierre Amèris ; il m’avait demandé de m’occuper de lui, parce qu’il faisait des téléfilms et il n’arrivait pas gérer tous ses projets (films, Tv films et chansons)., Cyrille Aufort est arrivé ensuite, un peu par hasard, parce que c’est un ami de Pierre, Christophe Lapinta je l’ai choisi (parmi toutes les demandes que je recevais) parce que ce que son écriture était différente de celles des autres compositeurs tout en étant de qualité égale et de bonne production, je voulais avoir des personnalités différentes et intéressantes et pas seulement pour de l’orchestre, la partie programmation commençait à prendre de l’ampleur, puis beaucoup de gens nous ont appelé et on a fait des choix.
Ils ne sont pas nombreux dans votre agence ?
Ils sont 14 !
Vous avez une compositrice, il n’y en a pas beaucoup dans le métier,
Oui, Selma Mutal fait de très belles musiques.
Le statut de compositeur est très spécial.
Oui et il est très fragilisé, pour la musique en général, avec les problèmes de droits remis en question régulièrement par l’union européenne. Le président de la SACEM travaille beaucoup pour les auteurs et tente de les aider.
Aujourd’hui vous n’êtes plus que dans les papiers, plus dans les partitions ?
J’ai quand même encore un rôle artistique de temps en temps ; il arrive qu’un réalisateur ne sait pas qui prendre, donc il y a des compétitions où participent mes compositeurs ; par exemple pour « Les Aventuriers de l’Art Moderne » qu’a écrit Pierre Adenot j’avais appelé Silex et par hasard, leur compositeur venait juste de les lâcher, j’ai eu le brief et je leur ai proposé plusieurs compositeurs en leur envoyant des sélections ; mais la prospection ne représente qu’1% de notre travail ; cela n’a pas été simple, cela a pris beaucoup de temps avant que les réalisatrices et les productrices du projet se décident. Elles ont essayé de nombreux compositeurs (et pas seulement les miens) avant de choisir Pierre.
Faites-vous des bandes démo de tous vos compositeurs.
Bien sûr, mais pour un film il faut être plus précis dans ce que l’on envoie, et nous avons des dizaines d’heures de musique de chaque compositeur. Il faut faire des choix dans les sélections. Il m’arrive d’aller voir des agents d’autres compositeurs qui correspondent à ce que cherche des réalisateurs ou leur demander de mettre en relation des compositeurs de notre agence avec leurs artistes. Pour revenir sur les compétitions, on vérifie ce qu’envoient nos compositeurs. Ils me font entendre leurs maquettes avant de les envoyer et me demandent mon avis ; par exemple pour « Un Homme Idéal », il y avait un temp tracks référence pour la compétition ; il y avait quatre compositeurs, dont Cyrille Aufort ; c’était Varda Kakon qui s’en occupait, j’ai écouté la référence et ensuite la maquette de Cyrille, j’ai dit à Cyrille que c’était bien ce qu’il avait fait mais en lui suggérant de pousser un peu plus les graves pour aller dans le sens de la référence, sans faire du copier-coller, il a modifié un tout petit peu sa maquette et il a été choisi…….
Et lorsque la BO du film est sortie, j’ai écrit : c’est grâce à Cyrille Aufort que les scènes du film fonctionnent !
Merci pour lui, je n’impose pas du tout ce côté « conseil » avec les compositeurs mais lorsqu’ils sont demandeurs bien sûr je réponds et ça me fait bien plaisir….
Il faut donc que vous ayez en plus d’une bonne oreille, des qualités musicales !
Il faut être musicien avant tout et même sans plus pratiquer on ne perd jamais complètement les bases.
Et en face des jeunes compositeurs comment êtes-vous musicalement et professionnellement ?
Beaucoup de gens nous contactent ; avec Guillaume Clément mon associé on écoute beaucoup de bandes musiques, il est lui-même musicien et en même temps juriste donc très carré, donc il sait recadrer les compositeurs qui souvent font n’importe quoi partent dans tous les sens, et il a une très bonne oreille pour faire des sélections.
Etes-vous souvent sollicitée ?
Tous les jours, souvent on ne peut pas tout écouter ; sur le site nous disons que nous sommes complet mais les gens continuent à nous envoyer des choses. Quelques fois on reçoit des compositeurs qui ont une vraie personnalité et beaucoup de talent, et même si on est complet, on leur dit que dans le cadre de projet ponctuel nous pourrions les représenter, et nous occuper d’eux ; en ce moment nous en avons quatre comme cela ! Cela fait donc quatorze compositeurs plus ces quatre.
Disons plutôt treize !
On en a effectivement treize vivants, car François-Eudes Chanfrault est décédé récemment. Ses musiques étaient assez expérimentales, depuis quelques temps il était beaucoup contacté, sollicité, pour des films d’auteurs, dont le film prémonitoire de Fabienne Berthaud, « Sky ». A l’agence nous continuons à gérer ses droits et nous plaçons même ses musiques sur d’autres projets. Il y a une synchro par exemple dans un film documentaire d’un journaliste « Vous n’aurez pas ma haine » (qui va bientôt sortir) avec extrait du score de « Qui a Tué Bambi ». Nous essayons d’exploiter ses musiques et donc François-Eudes Chanfrault est toujours là !
Et donc ils sont 14 ! Alors bonne chance pour que la musique à l’image soit de mieux en mieux considérées!
Réalisateur : Derek Cianfrance
Compositeur : Alexandre Desplat
Sony n°88985312522
« The Light Between Oceans » est l’histoire d’un gardien de phare en Australie qui adopte avec sa femme un enfant, rejeté vivant par la mer.
Derek Cianfrance est le réalisateur de ce film choral « The Place Beyond the Pines » ; la musique étrange et magnifique était de Mike Patton musicien touche à tout étonnant. Pour ce drame le réalisateur a fait appel à Alexandre Desplat qui contrairement à ce qu’il fait pour les films américains a réalisé une bande originale avec des thèmes magnifiques.
- Isabel, A Wonderful father, To Forgive – il a même écrit un petit morceau au piano pour que l’actrice puisse le jouer en direct. On est dans un univers à la David Lean et Alexandre Desplat est le « Maurice Jarre » sans pour autant le plagier. Une musique qui fonctionne parfaitement dans le film et qui s’écoute avec un égal bonheur. Il y avait longtemps que Desplat ne nous avez autant régalé, depuis peut –être les films de Stephen Frears.
https://www.youtube.com/watch?v=agWzgSW13_U
Stéphane Loison
Réalisateur : Mamoru Hosoda
Compositeur : Akihiko Matsumoto
Milanmusic 399870-2
Bienvenue dans le monde de OZ : la plateforme communautaire d'internet. En se connectant depuis un ordinateur, une télévision ou un téléphone, des millions d'avatars alimentent le plus grand réseau social en ligne pour une nouvelle vie, hors des limites de la réalité. Kenji, un lycéen timide et surdoué en mathématiques, effectue un job d'été au service de la maintenance d'OZ. A sa grande surprise, la jolie Natuski, la fille de ses rêves, lui propose de l'accompagner à Nagano, sa ville natale. Il se retrouve alors embarqué pour la fête traditionnelle du clan Jinnouchi. Il comprend bientôt que Natsuki ne l'a invité que pour jouer le rôle du " futur fiancé " et faire bonne figure vis-à-vis de sa vénérable grand-mère. Au même moment, un virus attaque OZ, déclenchant catastrophe sur catastrophe au niveau planétaire. Avec l'aide de Kenji, tout le clan Jinnouchi se lance alors dans une véritable croisade familiale pour sauver le monde virtuel et ses habitants. Ce film est sorti en 2010. L'une des réussites rares de « Summer Wars » réside dans cette faculté de confronter virtuel et réel, le numérique au physique. Akihiko Matsumoto est un compositeur prolixe de mini séries télévisées et de jeux vidéo. Ici il passe par tous les styles de musiques, du symphonique à l’électronique, de la musique européenne pop à des ambiances plus japonaises. Un beau travail de composition et surtout d’orchestration. Mamoru Hosoda est le réalisateur du superbe dessin animé « Les Enfants Loups » dont la musique de Takagi Masakatsu avait été éditée chez Milanmusic.
Stéphane Loison
Réalisateur : Remo Forlani
Compositeur : Paul Misraki
MusicBox MBR-102
Pour la première fois en CD MusicBox offre l'intégralité de la bande originale du film de Remo Forlani « Juliette et Juliette » (1974) composée par Paul Misraki (Les Volets clos), grand amoureux de mélodies imparables et d’orchestrations raffinées.
Juliette et Juliette est le second et dernier film réalisé par Remo Forlani, plus connu en tant que scénariste-dialoguiste, parolier, et surtout critique de cinéma sur RTL. Il met en scène Annie Girardot et Marlène Jobert, dans les rôles de deux fondatrices d’un magazine féministe. Fortement inspirée de Jean Yanne ou Bertrand Blier, la comédie acerbe de Forlani s’en prend au monde des médias et fait preuve d’un certain progressisme concernant les droits des femmes. Le film balance entre un romantisme un peu suranné et une joyeuse subversion dont la partition de Paul Misraki se fait l’écho, puisqu’elle oscille entre la tradition classique et une modernité pop assez surprenante de la part du compositeur de Tout va très bien, Madame la Marquise. Ainsi, avec sa guitare électrique et ses cordes, le thème principal synthétise littéralement ces deux tendances. Au milieu de cette folie assumée se trouvent des plages douces amères, tel que le sublime Invitation au voyage, dans lequel l’accordéon joue une douce mélodie au contrepoint délicatement oriental. Ces thèmes plus mélancoliques reflètent le pan plus introspectif de l’écriture de Misraki, celui d’ « Alphaville » de Jean-Luc Godard ou « Montparnasse 19 » de Jacques Becker.
Stéphane Loison
Réalisateur : Andrew Bergman
Compositeur : Ennio Morricone
Music Box MBR-101
Pour la première fois en CD on peut entendre la bande originale du film « So Fine » composée et dirigée par Ennio Morricone. Le film, réalisé en 1981 par Andrew Bergman (Premiers pas dans la mafia, Lune de miel à Las Vegas, Striptease) met en scène Ryan O'Neal, Jack Warden, Mariangela Melato et Richard Kiel. Bobby Fine, un jeune professeur de littérature, est obligé de venir à la rescousse dans la maison de couture de son père au bord de la faillite. Sans le vouloir vraiment, il invente alors une nouvelle mode de jeans. Ennio Morricone a composé une partition très « italienne » pour une comédie très « américaine ». La partition n'est pas sans évoquer ses compositions pour les comédies (françaises et italiennes) avec un clin d'œil aux westerns spaghetti. Le compositeur s'amuse même à détourner l'hymne Union Label, jingle utilisé à la gloire du patriotisme consumériste aux États-Unis dans les années 80.
https://www.youtube.com/watch?v=9O2ZTdctgVc
Stéphane Loison
Réalisateur : Richard Donner
Compositeur : Jerry Goldsmith
Varese VSD-VCL10161175
Pour les 40 ans de ce thriller fantastique Varese propose une réédition de cette magnifique musique écrite par le grand Jerry Goldsmith. Le Cd remasterisé propose six morceaux inédits avec un bonus spécial avec Diego Navarro conduisant “The Omen Suite” tiré d’un tribute to Jerry Goldsmith de 2009.
https://www.youtube.com/watch?v=7toNqgapsOw
Stéphane Loison
Réalisateur : Ron Howard
Compositeur : Hans Zimmer
Sony n° SONY-88985301922
Dans "Inferno", le célèbre expert en symbologie suit la piste d’indices liés au grand Dante lui-même. Robert Langdon se réveille dans un hôpital italien, frappé d’amnésie, et va devoir collaborer avec le docteur Sienna Brooks pour retrouver la mémoire. Tous deux vont sillonner l’Europe dans une course contre la montre pour déjouer un complot à l’échelle mondiale et empêcher le déchaînement de l’Enfer… Adapté du roman du même nom de l'Américain Dan Brown, il compose le troisième volet de la franchise cinématographique de Robert Langdon. Comme les deux premiers cela n’a pas grand intérêt et la musique de Zimmer souligne la bêtise de cette histoire, Pauvre Dante !
Stéphane Loison
Réalisateur : Luigi Comencini
Compositeur : Fiorenzo Carpi
MusicBox Records : MBR – 104
Un énorme embouteillage paralyse une bretelle d'autoroute à Rome. Immobilisés pendant deux jours dans leurs voitures, les automobilistes font face chacun à leur manière à la situation. Le film est un portrait cruel et noir sur l'absurdité du comportement humain et réunit un casting de vedettes internationales: Annie Girardot, Fernando Rey, Miou-Miou, Gérard Depardieu, Ugo Tognazzi, Marcello Mastroianni, Stefania Sandrelli, Alberto Sordi, Patrick Dewaere et Harry Baer.
La musique inquiétante de Fiorenzo Carpi – “Zazie dans le Metro”, “Les Aventures de Pinochio” - retranscrit parfaitement le climat claustrophopique de ces automobilistes coincés dans cet embouteillage. Le reste de la partition est composé de musiques variées tel un juke-box illustrant les différentes séquences entre les personnages principaux. Un film à revoir (il a été réédité dernièrement) et une musique à découvrir.
https://www.youtube.com/watch?v=J0qfoOJje4g
Stéphane Loison
Réalisatrice : Rebecca Zlotowski
Compositeur : ROB
Planetarium réunit Nathalie Portman et Lily-Rose Depp dans le Paris des années 30. Kate et Laura Barlow, deux jeunes mediums américaines, finissent leur tournée mondiale. Fasciné par leur don, un célèbre producteur de cinéma, André Korben, les engage pour tourner dans un film follement ambitieux. Prise dans le tourbillon du cinéma, des expérimentations et des sentiments, cette nouvelle famille ne voit pas ce que l'Europe s'apprête à vivre.
Rob (Made in France, Maniac) signe ici une partition orchestrale habitée et envoutante avec un son irrationnel, brutal, charnel et presque magique. L'orchestre et les chœurs ont été enregistrés aux studios Abbey Road.
En complément de la B.O. de « Planetarium », le 2e CD de l'album propose les musiques inédites en CD, des deux premiers films de Rebecca Zlotowski : « Belle Épine » (2010) et Grand Central (2013). Si on aime la musique électronique un peu passe partout on appréciera, sinon c’est une musique easy listening.
https://www.youtube.com/watch?v=-U49KT4bbcU&list=PLfwDgcTF0-rjAURl0mtpMgm2Lec2iW1Os
Stéphane Loison
Réalisateur : Yves Boisset
Compositeur : François de Roubaix
Quartet Records QR-254
La violence fait rage à Marseille. En pleine campagne électorale, deux clans s'affrontent : d'un côté, les Corses, dirigés par la famille Orsini; de l'autre, le jeune génération de gangsters, soutenant la candidature de Forestier. Ce dernier, afin de s'assurer la victoire, ne recule devant rien et fait assassiner les frères Orsini. Leur père, Louis Orsini, expatrié en Asie, apprend la nouvelle et décide de rentrer au pays afin d'obtenir sa vengeance... Dirigé par Yves Boisset, ce film policier est interprété par Jean Yanne, Senta Berger et Sterling Hayden. François de Roubaix (Le samourai, Dernier domicile connu, Le scoumoune) a écrit comme à son habitude une musique originale à base de piano, synthétiseurs, sitar, accordéon et cordes. C’est la première fois que cette musique est mise sur CD. De Roubaix est très écouté ces temps-ci, toute une nouvelle génération de compositeur est très influencée par son style pourtant inimitable. A écouter.
https://www.youtube.com/watch?v=meyx4se512w
Stéphane Loison
Si vous souhaitez promouvoir votre activité, votre programme éditorial ou votre saison musicale dans L’éducation musicale, dans notre Lettre d’information ou sur notre site Internet, n’hésitez pas à me contacter au 01 53 10 08 18 pour connaître les tarifs publicitaires. maite.poma@leducation-musicale.com
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Les livres et les CDs sont à envoyer à la rédaction de l’Education musicale : 7 cité du Cardinal Lemoine 75005 Paris
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Baccalauréat 2017. Épreuve de musique
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COLLECTION VOIR ET ENTENDRE
Jean-Marc Déhan et Jacques Grindel ont réalisé, dans les années 1980, collection « voir & entendre », qui s'adressait autant aux collèges et lycées qu'aux conservatoires et écoles de musique. Il nous est apparu que cet outil remarquable pouvait, avec quelques compléments, redevenir un outil pédagogique de tout premier plan. Le parti pris a été de réimprimer à l'identique les fascicules, enrichis d'un court dossier pédagogique. Pour chaque titre, des pistes d'utilisation s'ajoutent à celles déjà mises en lumière dans les partitions elles-mêmes.
Il est possible d'utiliser ces partitions :
- pour la lecture de notes
- pour la lecture de rythmes
- pour la dictée musicale ;
- pour le chant, en faisant chanter et mémoriser les principaux thèmes
- pour la formation de la pensée musicale : les thèmes mémorisés, transposés à l'oreille, donneront lieu, le cas échéant, à des autodictées ;
- pour l'analyse musicale et l'harmonie, avec les analyses fines de J.-M. Déhan et J. Grindel reportées sur la partition
- pour l'histoire de la musique grâce aux textes de présentation ;
- enfin, pour l'écoute raisonnée des œuvres en suivant simplement la partition, quitte à faire porter l'audition sur des éléments précédemment indiqués par le professeur qui pourra adapter ces exercices au niveau de ses élèves.
Mais ces partitions sont également destinées aux amateurs éclairés pour qui la lecture des clés d'ut dans les partitions d'orchestre habituelles, ainsi que le casse-tête des instruments transpositeurs sont souvent des obstacles insurmontables.
Souhaitons que cette réédition permette une meilleure connaissance par tous, jeunes et moins jeunes, futurs professionnels ou amateurs éclairés, de quelques œuvres fondamentales du répertoire.
W.A. Mozart. Symphonie n° 40 (K550)1. Allegro Molto – 3. Menuetto
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A. Borodine. Dans les steppes de l’Asie centrale
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H. Berlioz. Symphonie fantastique 5e mouvement
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J.-S. Bach. Cantate BWV 140« Wachetauf, ruft uns die Stimme »
10,50 €
Ce livre, que le compositeur souhaitait publier dans sa maison d’édition à Kürten, se propose de présenter les orientations principales de la recherche de Karlheinz Stockhausen (1928-2007) à travers ses œuvres, couvrant sa vie et ouvrant un accès direct à ses écrits. Divers domaines investis par le plus grand inventeur de musique de la seconde moitié du xxe siècle sont abordés : composition de soi à travers les matériaux nouveaux ; découvertes formelles et structures du temps ; musique spatiale ; métaphore lumineuse ; musique scénique ; l’hommage au féminin de l’opéra Montag aus Licht ; Wagner, Stockhausen et le Gesamtkunstwerk, œuvre d’art total. Les témoignages des femmes qui l’ont accompagné dressent un portrait vif et saisissant de l’homme, artiste génial qui aimait plus que tout la musique et la recherche compositionnelle au nom du progrès de l’être humain...(suite)
L’imbroglio baroque de Gérard Denizeau
BACH
Cantate BWV 104 Actus tragicus : Gérard Denizeau - Toccata ré mineur : Jean Maillard -
Cantate BWV 4: Isabelle Rouard -
Passacaille et fugue : Jean-Jacques Prévost -
Passion saint Matthieu : Janine Delahaye -
Phœbus et Pan : Marianne Massin -
Concerto 4 clavecins : Jean-Marie Thil -
La Grand Messe : Philippe A. Autexier -
Les Magnificat : Jean Sichler -
Variations Goldberg : Laetitia Trouvé -
Plan Offrande Musicale : Jacques Chailley
COUPERIN
Les barricades mystérieuses : Gérard Denizeau -
Apothéose Corelli : Francine Maillard -
Apothéose de Lully : Francine Maillard
HAENDEL
Dixit Dominus : Sabine Bérard -
Water Music : Pierrette Mari -
Israël en Egypte : Alice Gabeaud -
Ode à Sainte Cécile : Jacques Michon -
L’alleluia du Messie : René Kopff -
Musique feu d’artifice : Jean-Marie Thill -
Publié l'année même de son ouverture, cet ouvrage raconte avec beaucoup de précisions la conception et la construction du célèbre bâtiment. Le texte est remis en pages et les gravures mises en valeur grâce aux nouvelles technologies d'impression.
Pour la première fois, le Tchèque Leoš Janácek (1854-1928), le Finlandais Jean Sibelius (1865-1957) et l'Anglais Ralph Vaughan Williams (1872-1958) sont mis en perspective dans le même ouvrage. En effet, ces trois compositeurs - chacun avec sa personnalité bien affirmée - ont tissé des liens avec les sources orales du chant entonné par le peuple. L'étude commune et conjointe de leurs itinéraires s'est avérée stimulante tant les répertoires mélodiques de leurs mondes sonores est d'une richesse émouvante. Les trois hommes ont vécu pratiquement à la même époque. Ils ont été confrontés aux tragédies de leur temps et y ont répondu en s'engageant personnellement dans la recherche de trésors dont ils pressentaient la proche disparition. (suite).
En plein essor à l'étranger, particulièrement en Allemagne, l'hymnologie n'a pourtant pas encore acquis ses titres de noblesse en France. Dans l'esprit de la collection « Guides musicologiques », cet ouvrage se veut une initiation méthodologique. Il comprend une approche de l'hymnologie se rattachant à la musicologie historique et à la théologie pratique, et résume l'historique de la discipline. Pratique et documentaire, il offre aussi de précieuses indications : un large panorama des institutions et centres de recherche, un glossaire conséquent ou les mots clés. et les entrées sont accompagnés de leur traduction en plusieurs langues, et une bibliographie très complète (431 titres) tenant compte du tout dernier état de la question. Outil de travail indispensable, ce livre s'adresse aussi bien aux musicologues, aux théologiens, traducteurs et chercheurs, qu'aux organistes, maîtres de chapelle, chanteurs, et bien entendu, aux hymnologues.
Ce guide s’adresse aux musicologues, hymnologues, organistes, chefs de chœur, discophiles, mélomanes ainsi qu’aux théologiens et aux prédicateurs, soucieux de retourner aux sources des textes poétiques et des mélodies de chorals, si largement exploités par Jean-Sébastien Bach, afin de les situer dans leurs divers contextes historique, psychologique, religieux, sociologique et surtout théologique. Il prend la suite de La Recherche hymnologique (Guides Musicologiques N°5), approche méthodologique de l’hymnologie se rattachant à la musicologie historique et à la théologie pratique dans une perspective pluridisciplinaire. Nul n’était mieux qualifié que James Lyon : sa vaste expérience lui a permis de réaliser cet ambitieux projet. Selon l’auteur : « Ce livre est un USUEL. Il n’a pas été conçu pour être lu d’un bout à l’autre, de façon systématique, mais pour être utilisé au gré des écoutes, des exécutions, des travaux exégétiques ou des cours d’histoire de la musique et d’hymnologie. » (suite)
Cet ouvrage regroupe pour la première fois les 43 chorals de Martin Luther accompagnés de leurs paraphrases françaises strophiques, vérifiées. Ces textes, enfin en accord avec les intentions de Luther, sont chantables sur les mélodies traditionnelles bien connues. Aux hymnologues, musicologues, musiciens d'Eglise, chefs, chanteurs et organistes, ainsi qu'aux historiens de la musique, des mentalités, des sensibilités et des idées religieuses, il offrira, pour chaque choral ou cantique de Martin Luther, de solides commentaires et des renseignements précis sur les sources des textes et des mélodies : origine, poète, mélodiste, datation, ainsi que les emprunts, réemplois et créations au XVIè siècle... (suite)
Mozart aurait-il été heureux de disposer d'un Steinway de 2010 ? L'aurait-il préféré à ses pianofortes ? Et Chopin, entre un piano ro- mantique et un piano moderne, qu'aurait-il choisi ? Entre la puissance du piano d'aujourd'hui et les nuances perdues des pianos d'hier, où irait le cœur des uns et des autres ? Personne ne le saura jamais. Mais une chose est sûre : ni Mozart, ni les autres compositeurs du passé n'auraient composé leurs œuvres de la même façon si leur instrument avait été différent, s'il avait été celui d'aujourd'hui. Mais en quoi était-il si différent ? En quoi influence-t-il l'écriture du compositeur ? Le piano moderne standardisé, comporte-t-il les qualités de tous les pianos anciens ? Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Qui a raison, des tenants des uns et des tenants des autres ? Et est-ce que ces questions ont un sens ? Un voyage à travers les âges du piano, à travers ses qualités gagnées et perdues, à travers ses métamorphoses, voilà à quoi convie ce livre polémique conçu par un des fervents amoureux de cet instrument magique.
Au travers du récit que James Lyon nous fait de l’existence de Dickens, il apparaît bien vite que l’écrivain se doublait d’un précieux défenseur des arts et de la musique. Rares sont pourtant ses écrits musicographiques ; c’est au travers des références musicales qui entrent dans ses livres que l’on constate la grande culture musicale de l’écrivain. Il se profilera d’ailleurs de plus en plus comme le défenseur d’une musique authentiquement anglaise, forte de cette tradition évoquée plus haut. Et s’il ne fallait qu’un seul témoignage enthousiaste pour décrire la grandeur musicale de l’Angleterre, il suffit de lire le témoignage de Berlioz (suite)