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Sommaire :

1. Editorial : Le silence se meurt...

2. Informations générales

3. Varia

4. Manifestations et Concerts

5. Recensions de spectacles et concerts

6. La Péniche Opéra : l'engagement pédagogique

7. Echos de Liszt et du passé antérieur

8. Première mondiale de Madame Curie, opéra d'Elzbieta Sikora

9. Frédéric Chopin, Racines

10. Baguettes finlandaises

11. Nouveautés dans l'édition musicale

12. Bibliographie

13. CDs et DVDs

14. La vie de L’éducation musicale

 

Novembre - Décembre 2011 - n° 573

 

SUPPLEMENT BACCALAUREAT 2012

 



Sept - Oct 2011
n° 572



Mai - Juin 2011
n° 571



Mars-Avril 2011
n° 570


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Le silence se meurt...

 

Notre époque ne fait plus de musique ; elle

camoufle par du bruit la solitude des hommes.

(Jacques Attali)

 

« Haïssables musiques » écrivions-nous naguère à propos de ces sucreries sonores qui tapissent désormais tous nos restaurants, supermarchés, parkings souterrains et autres cabinets (médicaux ou d’aéroports).

 

Mais plus inquiétant est le commun slogan de toute une jeunesse : « Tant que le son est à fond, on n’entend pas le monde s’écrouler ! »  Génération confrontée à un présent proprement invivable, sans guère d’espoir d’en réchapper…  Le « No future ! » d’antan se confirmant chaque jour davantage, au cœur d’une société où il n’est plus d’ascenseur social (non plus d’ailleurs que d’escalier…), sinon pour quelques « héritiers » jouissant ingénument de leur statut d’initié.

 

Seule échappatoire possible : s’immerger dans le bruit !  Lequel ne nous dissimule que trop assurément la réalité - non moins que l’inéluctable issue de notre séjour ici-bas...  Compte à rebours qu’égrénait jadis « l’horloge du salon » chère à Jacques Brel – inaudible aujourd’hui sous le vacarme universel de nos radios, platines et écrans continûment branchés…

 

Mais quel silence de mort quand meurt le poisson rouge !…

 

Francis B. Cousté.

 

 

 


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BOEN n°41 du 10 novembre 2011.  Évaluation de l’Histoire des arts au Brevet des collèges (à compter de la session 2012). 

Consulter : www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=58238

 

Bureau du ministre ©Caroline Lucas

 

 

Les 60 ans du 1% artistique.  Dispositif organisé par un arrêté de juillet 1951 : « 1% des sommes consacrées par l’État pour chaque construction d’établissement scolaire ou universitaire devra financer la réalisation d’une œuvre d’art contemporaine intégrée au projet architectural ».  Ce 60e anniversaire est l’occasion de rappeler que les universités ont été, dès l’origine, des acteurs essentiels de ce dispositif de soutien à la création.  Renseignements : www.culture.gouv.fr/culture/dap/dap/unpourcent

 

 

 

Les « 12es Rencontres européennes de l’Adami »  se tiendront les 8 et 9 décembre 2011 à Cabourg. Où il sera notamment débattu de : « Musique & audiovisuel : vers un flux absolu ? »   De l’invention du phonogramme au cloud computing, en passant par le streaming sur Internet, la propriété intellectuelle a dû s’adapter.  On assiste à la dématérialisation des œuvres avec, à la clef, leur démonétisation.  Quelle peut être la réponse et comment adapter la législation au regard de cette évolution de la production et de l’accès aux œuvres ?  Renseignements : 14, rue Ballu, Paris IXe.  Tél. : 01 44 63 10 00.  www.adami.fr

 

 

 

If / Then Installed  confie au spectateur – dans une proposition ludique & interactive - le rôle du danseur.  Où il est invité à imiter des mouvements filmés selon une logique chorégraphique définie par Richard Siegal.  Le tout étant capté et analysé, en temps réel, grâce à un logiciel mis au point par l’Ircam… Concepteurs : Richard Siegal, Frédéric Bevilacqua, Florent Béranger & Jean-Philippe Lambert.  Jusqu’au 2 janvier 2012, niveau -1 du forum du Centre Pompidou.  Entrée libre.  Renseignements : www.ircam.fr

 

 

 

 

« La Semaine du Son 2012 »,  9e édition, se déroulera à Paris, du lundi 16 au samedi 21 janvier - et, la semaine suivante, partout en France et à l’étranger. Renseignements : www.lasemaineduson.org

 

 

 

« Musicora », le salon de la musique classique,  se tiendra durant trois jours, du 11 au 13 mai 2012, au Palais Brongniart (28, place de la Bourse, Paris IIe).  Musicora est le seul lieu de rencontres & d’échanges entre tous les professionnels de la filière musicale classique, française comme internationale.  Renseignements : www.musicora.com

 

 

 

 

L’Observatoire des politiques culturelles  propose un cycle de formation continue : « Direction de projet artistique & culturel et développement des territoires » (5 modules de 3 jours, en France et en Europe).  Renseignements : 04 76 44 33 26. www.observatoire-culture.net 

 

 

 

La Gaîté lyrique,  « Scène des révolutions numériques », proposera du mercredi 1er février au dimanche 25 mars 2012 : « 2062, une expérience du temps & de l’espace » – cette date correspondant au bicentenaire de la fondation de la salle, en 1862.  Théâtre, musique, films, conférences, ateliers, jeux…  Renseignements : 3bis, rue Papin, Paris IIIe.  Tél. : 01 53 01 51 70.  www.gaite-lyrique.net/2062

 

Horloge de David Guez ©DR

 

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Danièle Pistone sur Canal Académie.  Ce qu’il fallait (enfin !) dire :

www.canalacademie.com/ida7893-L-imaginaire-musical-de-Franz-Liszt-des-oeuvres-pour-la-posterite.html

 

 

 

« Petites mains symphoniques » organise la 5e édition de son Concours national bisannuel.  Ouvert à toutes les disciplines : Classique pour les 6-12 ans, Jazz pour les 7-14 ans.  Clôture des inscriptions : 12 janvier 2012.  Renseignements : www.petitesmainssymphoniques.com

 

 

 

« Choralies », saison 2012.  Innombrables sont les activités programmées.  Renseignements : 24, avenue Joannès-Masset, 69000 Lyon.  Tél. : 04 72 19 83 40.  www.choralies.org

 

     

 

 

The Enchanted Island, a Baroque Caprice,  pasticcio du librettiste & compositeur britannique Jeremy Sams (notre photo), sera créé le 31 décembre 2011, au Metropolitan Opera de New York, sous la direction de William Christie.  Sur des airs de Haendel, Vivaldi, Rameau, Leclair, etc.  La 7e représentation de l’ouvrage, le 21 janvier 2012, devrait être diffusée - en direct & haute définition - dans les cinémas du monde entier.

Renseignements : www.metoperafamily.org/metopera/broadcast/template.aspx?id=15418

 

   

 

 

Musique que me veux-tu ?  Correspondant de l’Académie des Beaux-Arts, Gilles Cantagrel présente : « Dietrich Buxtehude (ca 1637-1707) ».

À écouter sur : www.canalacademie.com/emissions/chr723.mp3

 

 

©DR

 

 

Pas seulement pour Yo-Yo Ma…  www.youtube.com/watch?v=C9jghLeYufQ

 

Lil Buck ©DR

Francis Cousté.

 

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Le Voyage d’hiver de Franz Schubert  sera interprété, le jeudi 8 décembre 2011, à 20h30, par Alain Buet (baryton) & Gregory Ballesteros (piano).  Théâtre Adyar (4, square Rapp, Paris VIIe).  Renseignements : 01 47 41 99 91.  www.concerts-cantabile.com

 

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Création musicale & jardins #3.  Parc de Bercy, Pavillon du Lac (1, rue François-Truffaut, Paris XIIe), le samedi 10 décembre 2011 (de 9h30 à 18h00) :  « Des fabriques historiques aux installations ou objets contemporains sonores & paysagers ».  Entrée libre.   Réservations : 01 47 15 49 86.  www.cdmc.asso.fr

 

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Le festival « Jazz en scènes » (13e édition)  ne présentera pas moins de 176 artistes, sur 28 scènes de l’Hexagone, du jeudi 8 au dimanche 11 décembre 2011.  Renseignements : www.jazzenscenes.com

 

 

 

 

Chœur et Orchestre de Paris-Sorbonne,  dir. Vincent Barthe, se produiront dans l’oratorio La Création de Joseph Haydn, le mardi 13 décembre 2011, à 20h00.  Amphi 1700 de l’Université Panthéon-Assas (92, rue d’Assas, Paris VIe).  Avec Aurélie Fargues (soprano), Stanislas de Barbeyrac (ténor) & Jean-Manuel Candenot (baryton/basse).   Renseignements : 01 53 09 56 45.  www.culture.paris-sorbonne.fr/cops

 

 

 

 

Auditorium du musée Guimet.  Le vendredi 16 décembre, à 20h30 : Musique du Khorassan (berceau de la culture perse), avec Hamid Khezri, dotâr & chant.  Renseignements : 6, place d’Iéna, Paris XVIe.  Tél. : 01 40 73 88 18.  www.guimet.fr

 

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L’Orchestre de Paris, dir. Pierre Boulez,  donnera un concert gratuit, le mardi 20 décembre 2011, à 20h00, sous la Pyramide du Louvre.  Programme : La nuit transfigurée d’Arnold Schoenberg, Concerto pour orchestre de Béla Bartók. Public assis par terre.  Renseignements : 01 40 20 55 55.  www.orchestredeparis.com

 

©DR

 

 

Orchestre philharmonique de Strasbourg.  Outre une saison orchestrale remarquablement riche, l’OPS propose un cycle de musique de chambre & de nombreux concerts pour la jeunesse.  Renseignements : Palais de la Musique et des Congrès, place de Bordeaux, 67000 Strasbourg.  Tél. : 03 69 06 37 00.  www.philharmonique-strasbourg.eu

 

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Sol Gabetta ©Sony Classical

 

 

Selected Songs Recital, by Lewis Furey.  Du 28 décembre 2011 au 7 janvier 2012, 20h30,  Théâtre du Rond-Point (2bis, avenue Franklin D. Roosevelt, Paris VIIIe).  Avec Clara Furey, Gael Lane-Lepine & Pierre-Philippe Côté. Renseignements : 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr

 

 

Francis Cousté.

 

 

Exposition «  Paul Klee/Polyphonies » au Musée de la musique.

Le Musée de la musique, dont on connaît la qualité des expositions, ouvre ses cimaises à Paul Klee.  Sous le titre « Polyphonies », l'exposition met en parallèle le peintre mais aussi le musicien. C'est qu'avant de prendre les pinceaux, Klee fut musicien, un violoniste plus qu'amateur.  Même lorsqu'il décidera d'opter pour la carrière picturale, il n'abandonnera jamais sa « bien-aimée ensorcelée ».  L'exposition traite du rapport entre les arts.  Dans une approche chronologique et non thématique (comme ce fut le cas de celle organisée au Centre Pompidou en 1986), elle montre l'évolution du travail de Klee pour qui la musique sera une source fécondante, et les rapports noués avec ses partenaires artistiques, qu'ils soient peintres (Kandinsky, Delaunay) ou musiciens (Schoenberg, Hindemith).  Il y a chez lui toujours une certaine distance dans le dessin, voire  de l'humour.  Des musiciens, figures fantomatiques, peuplent mêmes les dernières années créatrices alors qu'il ne joue plus lui-même.  Il sera taxé de « dégénéré » lorsqu'il touchera à l'abstraction, en participant au Bauhaus, considéré comme subversif.

 

 

 

 

L'exposition est complétée par un atelier pédagogique à destination des plus jeunes, voire des tout petits.  « Atelier Klee en mains » permet d'apprendre à manier les esthétiques picturale et musicale, à regarder avec les mains et les pieds, au fil de galeries tactiles et autres tapis picturaux, de modules ludiques telles que marelle et manière de compléter un dessin, etc. sans oublier le « petit théâtre de Félix », réplique des marionnettes de Klee dont les silhouettes étranges peuplent une des salles de l'exposition.

Musée de la musique : Cité de la musique - 221, avenue Jean-Jaurès, Paris XIXe.  Jusqu'au 18 janvier 2012.  Du mardi au samedi de 12h à 18h.  Le dimanche de 10h à 18h.  Tarifs : 8 € ; 5 € (de 6 à 26 ans). Catalogue : 45 €. Renseignements : 01 44 84 44 84. www.citedelamusique.fr

 

 

Rénovation technique au Théâtre des Champs-Élysées :

 

©DR

 

 

Pour fêter dignement son centenaire en 2013, le Théâtre des Champs-Élysées s'offre une cure d'embellissement. Après la rénovation de la salle en 1986, puis de certains équipements scéniques ces dernières années, c'est au tour de la cage de scène et des dessous de se refaire une beauté.  Il était temps car le maniement de la machinerie commençait à devenir obsolète.  Les travaux ont permis d'augmenter la surface et les volumes de plateau, ce qui autorisera l'ouverture de la programmation à des œuvres symphoniques et chorales d'envergure comme à un répertoire opératique plus tourné vers le XIXe siècle, voire au-delà.  La dernière phase, réalisée entre juillet et octobre 2011, a porté sur l'aménagement de la scène (plancher nouveau, agrandissement de la conque de scène entourant la formation orchestrale, installation de deux gradins mobiles, l'un pour les chœurs, l'autre pour l'orchestre) et des dessous (création de trois élévateurs permettant des changements de décors plus rapides).  S'agissant de la fosse, les plans de la construction en 1912-1913, exhumés des archives, ont retrouvé leur jeunesse tout en étant mis au goût du jour des avancées technologiques : un dispositif presque « à la Bayreuth », eu égard à une répartition en gradins inversés.  Aussi retrouve-t-on la capacité d'origine, soit 90 à 100 musiciens.  On pourra ainsi redonner le Sacre du printemps comme à la création, en version scénique.  Ce sera chose faite l'année 2013, avec Valery Gergiev et ses forces du Mariinsky !  On a pris soin de respecter les exigences en matière d'acoustique, et même d'améliorer celle-ci, notamment par la pose d'éléments spécifiques dans la fosse et grâce à une augmentation de l'épaisseur du plancher de scène.  Reste à tester le résultat.

 

 

Saison de La Fenice à Venise :

 

Description : Teatrosiciliano

Petit théâtre sicilien, ambassade d'Italie ©DR

 

 

Sous les lambris de l'ambassade d'Italie, étaient présentées les saisons 2012 et 2013 du théâtre La Fenice de Venise.  Quel meilleur endroit que le petit théâtre rococo sicilien du prestigieux hôtel de La Rochefoucault-Doudeauville (XVIIIe siècle), pour dévoiler la programmation d'un théâtre dont le public français constitue, après l'italien, le plus fort contingent !  En présence de l'ambassadeur d'Italie et du maire de la Cité des Doges, les responsables de La Fenice ont présenté ce qu'ils appellent un concept original, tourné vers le futur, savoir un programme construit sur deux saisons,  à l'intention d'un large public, dont les jeunes.  À partir du postulat d'un juste équilibre entre qualité et quantité, cette impérissable équation à laquelle est confronté tout directeur d'opéra, le programme de ces deux millésimes mêle nouvelles productions et reprises de spectacles déjà éprouvés (La Traviata vue par Robert Carsen, par exemple).  Cela va des grands et sûrs classiques italiens, Rigoletto et cette Traviata, tous deux créés pour Venise, mais aussi Carmen (dans la régie de Calixto Bieixto, provenant du Liceu de Barcelone) aux pièces moins connues, I Masniadieri de Verdi, L'occasione fa il ladro de Rossini, aux « modernes » enfin : L’opéra de quat'sous de Weill, Powder Her Face de Thomas Adès, ou L'Affaire Makropoulos (régie de Carsen, vue à l'Opéra du Rhin).  On fêtera le double bicentenaire des naissances de Verdi et de Wagner : le maestro Myung Whun Chung dirigera simultanément Otello et Tristan und Isolde en septembre 2013. Pour le Carnaval 2012 sera donnée la trilogie Da Ponte de Mozart et un Rossini peu joué, L'inganno felice, ce dernier opéra au théâtre Malibran, qui sera aussi un lieu d'innovation en direction du jeune public.  On a aussi le projet de donner la production d'Otello dans la cour du Palais des Doges, en juillet 2013, renouant avec une tradition interrompue au début des années 70. Cette même production devrait également être exportée lors d'une tournée internationale, à Paris on l'espère !  Un autre projet est de coopérer avec la Biennale et de permettre à des artistes en vue de mettre en scène ou de décorer des opéras à La Fenice ; ce qui est prévu d'ores et déjà pour une nouvelle Butterfly en juin 2013.    

Renseignements et réservations : Teatro La Fenice, Campo San Fantin, San Marco 1965. Tél. : 00 39 041 24 24. www.teatrolafenice.it

Jean-Pierre Robert.

 

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Un opéra bien divertissant : L'Egisto à l'Athénée

Marco MARAZZOLI & Virgilio MAZZOCCHI : L'Egisto.  Opéra en un prologue et trois actes.  Livret de Giulio Rospigliosi.  Les Paladins, dir. Jerôme Corréas.  Mise en scène : Jean-Denis Monory.

 

©DR

 

 

Que voilà une pièce bien singulière ! On découvre chaque jour que les origines de l'opéra remontent bien en amont de Monteverdi.  Hier on se pâmait devant La Didone de Cavalli.  Voilà qu'une autre pièce revoit le jour, de Marazzoli et Mazzocchi.  L'Egisto est un imbroglio musico-dramatique des plus fous, conçu par des gens qui voulaient avant tout divertir le public.  C'est à Mazarin, fin lettré, qu'on doit son  introduction à la cour de France en 1645.  Le choix est alors autant artistique que politique car le cardinal peut, avec ce livret haut en couleurs, se livrer à quelques allusions contemporaines bien choisies.  Mais aussi, grâce à l'allégorie du sacrifice qui seul permet d'accéder à la Vertu, asseoir une morale à toute épreuve pour tout un chacun.  La pièce ne porte-t-elle pas le sous-titre « Que celui qui souffre espère ».  Elle s'inspire du Décaméron de Boccace.  Un marivaudage sans prétention dramatique, mais qui offre un divertissement relevé, mêlant commedia dell'arte et prose lyrique, théâtre et intermèdes dansés.  Mais aussi un parlé-chanté très sophistiqué et le stile concitato dans lequel vont bientôt s'illustrer Cavalli et Monteverdi.  Ici le parler en musique domine dans le souci de coller à l'idiome italien, en dialecte napolitain et en bergamasque.  Ce qui vaut de savoureux échanges entre des personnages qui ne demandent pas d'épaisseur pour exister mais de la faconde.  Le spectacle donné à l'Athénée est d'une fantaisie débridée, sans cesse renouvelée, qui ne verse jamais dans la facilité.  On y dénombre des morceaux d'anthologie, tel ce dialogue rageur entre une mégère et sa fille, rêveuse invétérée.  On pense aux échanges, d'un comique désarmant à force d'être appuyé, des femmes dans Il Campiello de Goldoni, jadis croquée par Strehler.  De même la Foire de Farfa fait figure de morceau de bravoure des plus endiablés, figurant le marché des Barberini à Rome.  Le mélange du théâtre de tréteaux et de la plus pure commedia dell'arte fait le plaisir des yeux autant que des oreilles.  Car la mise en scène de Jean-Denis Monory est habile et percutante.  Le Piccolo Teatro milanais n'est pas loin, c'est le meilleur des compliments qu'on puisse lui faire.  Tout cela est servi par une troupe d'acteurs-chanteurs-danseurs qui s'en donnent à cœur joie.  Et par une exécution musicale inspirée.  Jérôme Correas, qui se fait une spécialité de ce répertoire, et sa dizaine de musiciens empoignent cette musique un peu échevelée mais diablement séduisante.  Le style comme improvisé, le passage du parler au chanter, le souci de fleurir le texte soit d'intonations hyperboliques, soit de belles envolées lyriques, offrent dans leur absolue emphase quelque chose de vrai.  Et d'irrésistible malgré l'exagération. 

 

 

Comment bien interpréter Beethoven

On croit aisé d'exécuter les symphonies de Beethoven, parangon du répertoire.  Que nenni !  Les plus grands ont pu s'y casser les dents. Et l'évolution du style d'interprétation, sous l'emprise des baroqueux, a modifié la donne. Mais il y a encore de la place pour l'interprétation sur instruments modernes ! Riccardo Chailly à la tête de son fastueux orchestre du Gewandhaus de Leipzig vient d'en donner une parfaite illustration, l'espace d'une intégrale des 9 Symphonies donnée Salle Pleyel ; en particulier lors de la séance réunissant les Première et Septième. Il faut dire que cet orchestre a pour lui la patine de la tradition, forgée dans Beethoven depuis quelque 200 ans, comme la plasticité, déjà remarquée dans d'autres répertoires, romantique notamment, sans parler de l'homogénéité et de la résonance qui marque une formation symphonique, tout comme le timbre de son hautbois solo.  Mais ce qui frappe encore plus, d'emblée, c'est la transparence qu'obtient Chailly.  Ses origines italiennes y sont pour quelque chose.  Son habileté à décaper le son aussi, sans doute affinée par la fréquentation des compositeurs modernes.  Son exigence de fini est bien connue, qui lui valut quelques frictions avec son précédent orchestre, le Concertgebouw d'Amsterdam.  Mais la lune de miel avec les musiciens est-allemands est toujours bien réelle.  De fait, le résultat est tout simplement, et encore une fois, enthousiasmant.

 

Gewandhaus de Leipzig ©DR

 

 

En guise de mise en bouche, osée mais passionnante, il livre une pièce d'un jeune compositeur de Leipzig, Steffen Schleiermacher, commande destinée à accompagner la Première symphonie de Beethoven jouée après : « Ban. Bewegung. mit Beethovens erster » (Envoûtement. Mouvement. Avec la Première de Beethoven) propulse ce couple de contraires en une dialectique serrée. Si la formation instrumentale est identique à celle requise pour la pièce de Beethoven, les cordes jouent dans l'œuvre moderne un rôle prépondérant, en particulier pour ce qui est des accords assénés et de l'ostinato qui la caractérisent.  Son aspect motoriste sait laisser place à une section médiane lyrique avec solo de violon suraigu.  La Première symphonie du maître de Bonn prend des allures pimpantes, offrant un bagout tout italien, d'une élasticité de tempo qui renouvelle l'intérêt à chaque mouvement.  Ainsi du menuetto, d'une fluidité à la Haydn, truffé de quelques accents relevés, ou de la ritournelle joyeuse du finale, d'une frénésie incroyable.  La Septième offre, bien sûr, un son plus fourni. On est passé de 7 à 9 contrebasses.  Mais là encore rien de pesant car Chailly contraste la dynamique avec doigté.  La rythmique, certes volontariste, n'est jamais heurtée.  Rien d'une battue à la prussienne.  Toute la dramaturgie du mouvement initial en ressort magnifiée.  La pseudo marche funèbre de l'allegretto est prise à un tempo allant où se rejoignent grandeur et résignation.  Le presto est un vrai presto et le trio médian ne ralentira pas le débit, comme souvent, pour s'achever sur un fff.  C'est assurément, pour reprendre le mot célèbre de Wagner, « l'apothéose de la danse », déjà amorcée dès les premières pages du vivace initial.  Le finale est grandiose et jubilatoire et les ultimes accords déchaîneront l'enthousiasme général.  Au-delà de l'effet immanquablement communicatif de telles pages, c'est bien un formidable travail qu'il faut saluer.  Une conjonction de talents rare.  

 

 

Un parcours d'ascèse : le concert de Sir John Eliot Gardiner à Pleyel

 

©DR

 

Pour son récent concert parisien Sir John Eliot Gardiner n'a pas donné dans la facilité.  En témoigne un programme quelque peu ascétique.  La soirée, assez courte, s'ouvrait par le Begräbnisgesang (« Le chant de la tombe ») de Brahms, pour chœur mixte à cinq voix et une formation particulière puisque réunissant : hautbois, clarinette, basson, cor par deux, trois trombones, un tuba et les timbales.  Point de cordes donc pour ce chant funèbre qui annonce souvent le Requiem allemand.  À la différence de l'exécution donnée par Bernard Haitink au Festival de Pâques de Lucerne, celle sur instruments d'époquen privilégiée par John Eliot Gardiner, laisse une impression de plus intense recueillement.  La couleur des timbres y est pour beaucoup.  La Messe n°2 d'Anton Bruckner, pour une formation instrumentale à peu près identique, sauf le tuba, et donc toujours sans cordes, est pure ascèse. Ce qui est notable chez un compositeur par ailleurs si prolixe des grands éclats.  Mais celui-ci était aussi à l'aise dans le domaine religieux que dans l'univers riche de la symphonie.  Contemporaine (1866) de la Première symphonie, cette deuxième Messe, en fait la sixième du genre livrée par le Maître de Saint Florian, renvoie au style Renaissance.  L'architecture d'ensemble la divise en plusieurs parties d'esthétique différente.  Si le Kyrie, comme plus tard le Sanctus, offrent des sonorités archaïsantes, privilégiant souvent le chant a cappella, Gloria et Credo se placent dans la lignée de Haydn et de Beethoven, plus mélodiques à l'accompagnement d'orchestre.  Au Benedictus, hautbois et flûtes tricotent une belle mélodie et l'Agnus Dei laisse entrevoir de riches harmonies préfigurant Liszt.  Les mots « Dona nobis pacem » dédient la sérénité d'une piété profonde.  La lecture de Gardiner et de ses forces, Orchestre romantique et révolutionnaire et Monteverdi Choir, est profondément habitée.  En seconde partie, un brin déséquilibrée puisque ne dépassant pas les 22 minutes d'horloge, la Symphonie des psaumes de Stravinsky ouvre de toutes autres perspectives.  Écrite à la demande de Serge Koussevitski pour le 50e anniversaire de l'Orchestre de Boston, mais créée à Bruxelles en 1930, par le fidèle Ansermet, la pièce appartient à la période néo-classique de l'auteur du Sacre.  Son effectif instrumental, important, est là encore étonnamment composé puisqu'il laisse de côté violons et altos, au profit de 10 violoncelles et de 8 contrebasses.  Il prévoit par contre 5 flûtes, 3 hautbois et 3 bassons, 1 cor anglais, 1 contrebasson, 4 cors, 1 petite trompette et 4 trompettes, 3 trombones, un tuba, mais aussi une harpe et deux pianos !  Gardiner accentue autant les contrastes que l'aspect percussif d'un morceau qu'il semble placer dans l'orbite d'Oedipus Rex.  La scansion des cordes graves à la première séquence ne laisse pas suffisamment émerger celle des pianos.  Le dialogue flûtes-hautbois à la partie médiane est évocatrice et l'explosion qui en orne le centre a belle allure.  La dernière séquence, la plus développée, présente chez lui une rythmique implacable, presque sèche.  L'alternance du climat d'action de grâce et de la franche allégresse est, certes, bien ménagée, mais là encore trop appuyée.  Pour faire bonne mesure, le chef bissera cet ultime mouvement.  Avant de se livrer à une cérémonie des saluts un brin compassée, même à l'aune d'une obséquiosité toute britannique.

 

 

La patine de l’un des « Big Five » : The Cleveland Orchestra

 

©Mignot

 

 

L'Orchestre de Cleveland figure au nombre des grandes formations nord-américaines, et parmi les plus demandées, là-bas comme ailleurs, en Europe notamment.  Une résidence a même été inaugurée à Vienne.  Un comble dans la cité des Wiener Philharmoniker.  La chose n'est pas finalement si étonnante lorsqu'on sait que Franz Welser-Möst, son directeur  musical depuis 2002, est aussi General Musik Direktor du Staatsoper de Vienne.  Cette patine, il la doit au petit nombre de ses directeurs musicaux parmi lesquels on compte George Szell (1946-1970) ou Christoph von Dohnanyi (1994-2002), comme Pierre Boulez en tant que conseiller musical de 1970 à 1972.  C'est dire le beau passé de cette formation, l'une des plus cultivées qui soit.  La matière sonore est chaude et chatoyante, la discipline d'ensemble à faire pâlir nos éminentes formations européennes.  Le programme du second concert de leur courte visite parisienne le mettait en évidence. D'abord dans la Symphonie écossaise de Mendelssohn.  Car la manière de Welser-Möst est celle d'un kapellmeister.  Il prend son temps pour explorer chaque recoin de cette pièce délicate.  Les vastes phrases lyriques en diable de l'allegro un poco agitato initial n'ont rien de sentimental.  Le vivace non troppo suivant montre une souple articulation avec d'exceptionnelles nuances ppp.  Toute la légèreté vivace de Mendelssohn est là.  Dans l'adagio, aux grandes vagues successives et à la courbe hymnique, on éprouve un sentiment d'équanimité.  Et tout se conclut en apothéose en un finale empli de joie maîtrisée.  Pas trace ici de fougue incontrôlée, mais une musicalité sûre.  Et une sonorité des plus somptueuses.  En même temps qu'elle montre que l'orchestre sait aussi s'ouvrir au répertoire contemporain, la Doctor Atomic Symphony de John Adams (°1947) en dévoile l'autre facette, celle d'une fabuleuse technique.  Émanation de l'opéra du même nom (2005), cette suite d'orchestre (2007) requiert une formation gigantesque avec les bois par trois, des cuivres nombreux, quatre percussionnistes et un timbalier, harpe et célesta, et bien sûr une phalange substantielle de cordes.  Doctor Atomic c'est John Oppenheimer, sorte de Faust de l'ère atomique, et la trame celle des préparatifs du premier essai nucléaire en juillet 1945 dans le désert du Nouveau-Mexique.  Le drame humain aussi d'un scientifique de haut vol confronté à un challenge aussi intéressant qu'effrayant.  La symphonie décrit des climats terrifiants, dialectique entre fuite en avant et course à l'abîme, et espoir sans doute vain de réussir à pouvoir contrôler quelque chose.  La dissonance panique qui ouvre le morceau, interprété d'une seule traite, laisse place à une formidable scansion.  On y croisera des traits de cordes comme percussifs, voire des sonorités artificielles, en rapport avec le sujet.  Au milieu, un solo de hautbois prélude à un passage presque extatique des cordes.  Une lueur d'espoir s'élève aussi dans un soliloque du cor.  La pièce s'achève sur le même ostinato des cordes par lequel elle avait débuté.  Une musique souvent envoûtante qui semble arrêter le temps. Pour conclure dans le même registre de la performance, Welser-Möst avait choisi le Boléro.  Belle exécution, prise dans un tempo assez rapide, ce qui n'évite pas une certaine dureté lors de l'embrasement final et ne permet pas cet effet hypnotique indispensable, tant voulu par Ravel.  Un bis en forme de valse, sans pour autant céder à la facilité, nous ramène dans des contrées plus amènes.

 

 

Œdipe, le grand œuvre de George Enesco à La Monnaie

George Enesco : Œdipe. Tragédie lyrique en quatre actes et six tableaux.  Livret d’Edmond Fleg.  Dietrich Henschel, Jan-Hendrik Rootering, Robert Bork, John Graham-Hall, Frédéric Caton, Jean Teitgen, Yves Saelens, Marie-Nicole Lemieux, Natascha Petrinsky, Ilse Eerens, Catherine Keen.  Orchestre symponique, chœurs et chœurs de jeunes de la Monnaie, dir.  Léo Hussain.  Mise en scène : Alex Ollé / La Fura dels Baus.

 

©Berndt Uhlig

 

 

Les productions d’Œdipe ne sont pas légion. La dernière remonte à quelques années, au Capitole. Voici que La Monnaie, qui le donna dès 1956, s'attaque de nouveau à cet authentique chef-d'œuvre de l'opéra du XXe siècle. Car George Enesco a écrit là son grand œuvre, clé de voûte de toute sa production.  La gestation en fut longue, quelque 20 ans, de 1912 à 1931, et il faudra attendre 1936 pour le voir représenter.  Ce sera à Paris, au Palais Garnier.  Enesco, violoniste virtuose, menait en effet, outre une carrière soliste brillante, de multiples activités de voyages à travers le monde, en tant que chef d'orchestre, qui l'accaparaient tant en Roumanie qu'en France, sa seconde patrie.  Il en vint à s'intéresser au mythe d'Œdipe après avoir vu la pièce de Sophocle Œdipe roi, en 1909, au Théâtre Français.  Ce mythe fondateur, il le fait sien avec une rare empathie.  Même si le livret d’Edmond Fleg peut paraître un peu daté, la musique d’Enesco le transcende.  Il mêle les deux trames d’Œdipe Roi et d’Œdipe à Colone, pour embrasser l'entière destinée du héros, de sa naissance (acte I) à sa mort (acte IV), en passant par l'accomplissement de la terrible prophétie de Tirésias (il tuera son père et épousera sa mère), objet de l'acte II, et la révélation pour Œdipe de sa propre faute (acte III).  Il brosse une fresque immense et concise à la fois, entre innovation et tradition, modernité et classicisme, dont les deux parties centrales, les plus développées, concentrent l'essentiel de l'action, le premier faisant figure de prologue et le dernier d'épilogue, « une sublime et indispensable catharsis, absente d’Œdipe roi, conclusion combien plus élevée car plus harmonieuse » selon Harry Halbreich.  L'orchestre est somptueux, considérable dans son effectif, mais le plus souvent discret.  Présente, l'influence de la musique populaire, la doïna roumaine, n'est pas envahissante.  Et, en tant que disciple de Fauré, Enesco se nourrit de chromatisme, de rythmique complexe, de la technique du quart de ton qui confère sa sinuosité au discours mélodique, de refus de l'effet, même si le recours aux motifs récurrents sert de point de repère.  Elle est exigeante pour l'auditeur dont elle requiert une concentration de tous les instants.  Enesco fait voisiner contrepoint classique et hétérophonie, héritée de la liturgie byzantine.  Le traitement de la voix est des plus variés : du sprechgesang au chant large, des cris aux plaintes et autres chuchotements.  C'est aussi difficile pour les chœurs que pour les solistes, en particulier s'agissant du rôle écrasant d’Œdipe qui ne quitte pratiquement pas la scène.  « Mon Œdipe, je n'ai pas voulu en faire un dieu, mais un être de chair, comme vous et moi » proclamera le compositeur.

 

©Berndt Uhlig

 

 

Comment traduire à la scène un tel univers ? Alex Ollé, de La Fura dels Baus, connu pour prendre à bras le corps les grandes fresques (La Damnation de Faust à Salzbourg), dit avoir voulu « mettre en relation le temps mythique et le temps historique », pour privilégier « un temps linéaire et biographique ».  On trouvera le mélange des époques, le destin familial perturbé ayant à voir avec la psychanalyse du Dr Freud (le dialogue d’Œdipe et de Mérope au début du II), l'illustration des catastrophes naturelles (la coulée de boue envahissant un village en Hongrie, d'où la tonalité ocre de la décoration).  L'hyperbole du discours (la rencontre avec la Sphinge, être hystérique) voisine avec quelque citation de La Machine infernale de Cocteau.  Un formidable mouvement d'horlogerie préside à la régie, car les personnages qui gravitent autour du héros sont pris dans un engrenage, comme privés de leur volonté propre.  La dimension du mythe, déjà subjective chez les auteurs, est humanisée dans la mise en scène qui se concentre sur la quête d'identité et cette question première : l'homme est-il maître de son destin ?  Certes, les visions sont pour certaines curieuses, telles l'apparition de la Sphinge débarquant d'un avion à hélices de la Seconde Guerre mondiale, ou la vision de champ dévasté d'après combats qui ouvre l'acte III.  Mais la plupart offrent une vraie cohérence comme ce décor en forme de bas-relief peuplé de personnages figés, sorte d'arrêt sur image (acte I), que l'on retrouve à l'épilogue, le bois sacré, avec son environnement de cariatides.  La gestuelle mise sur une expression volontairement sobre.  Le rôle-titre offre un challenge peu commun.  Dietrich Henschel n'a pas le charisme non plus que la franche diction qui permettent d'illustrer le texte avec une conviction de tous les instants - cette aura, cette évidente simplicité tant remarquée chez José van Dam.  Il atteint cependant une grandeur tragique certaine aux deux derniers actes.  À part la Sphinge de Marie-Nicole Lemieux qui décidément transforme en or tout ce qu'elle touche, la distribution se signale par une trop grande sobriété.  Le bât blesse surtout quant à l'intonation, voire au placement des voix.  L'idiome français si subtil d’Enesco n'est que peu souvent en phase.  C'est aussi le cas des chœurs.  Peut-être également, dans un autre ordre d'idée, de l'orchestre, pas toujours très raffiné.  Certes, là encore, le challenge est des plus ardus, tout comme dans Les Huguenots, la saison dernière.  Léo Hussain fait montre d'un engagement réel et souligne la fluidité du flot musical, l'influence debussyste dans la palette sonore souvent sombre, les interventions instrumentales archaïques, de la flûte par exemple, ou d'instruments plus rares, telle la scie musicale qui clôt le râle de mort de la Sphinge.  Sa direction ménage un équilibre délicat entre effluves de lyrisme et flamboyance dramatique.

 

 

« Ô temps ! suspends ton vol » : La Belle Meunière à Pleyel

 

Matthias Goerne ©Borggreve

 

 

Il est, de temps à autre, des concerts d'exception où s'établit comme un état de grâce parmi les interprètes et le public.  Celui réunissant Matthias Goerne et Christoph Eschenbach dans Die schöne Müllerin, devant une salle comble retenant son souffle, est de ceux-là assurément.  Rarement a-t-on perçu telle symbiose entre chanteur et pianiste.  Le mot accompagnateur étant dépourvu de sens ici, car Schubert se montre aussi inspiré dans le texte pianistique que dans la partie chantée.  Délaissant la baguette, Christoph Eschenbach revient à son cher piano et est visiblement sous le charme de son chanteur.  Celui-ci va chercher loin, imprimant le mouvement au discours.  Schubert pour la première fois se lance dans un cycle (1824), sur les poèmes d'un poète très cultivé qui lui est cher, Wilhelm Müller.  Le jeu de mot est étonnant car ce Müller est aussi le meunier qui va au fil de poèmes strophiques, narrer ses désirs et conter ses peines à propos d'une belle meunière qui n'en saura rien, car sortie de l'imagination fiévreuse du jeune homme.  Ce chant populaire se nourrit de la Nature, arcane du romantisme.  Le ruisseau d'abord, dont l'ondoiement teinte toutes les pièces, ce « ruisseau de mon cœur » dont « Le Curieux » (lied n°6) fait l'apologie.  Les couleurs de la nature ensuite : le vert, couleur chérie entre toutes (lied n°16) «  Ma bien-aimée aime tant le vert » susurre le meunier ; mais aussi son contraire, la couleur mauvaise (lied n°17).  La meunière enfin, qui n'apparaît qu'à la huitième mélodie, dans « Salut matinal », si frais, si touchant.  Toutes les étapes de ce parcours en forme de voyage, cet univers mouvant cher à l'âme allemande, aussi intérieur que réel, sont purs joyaux de poésie, d'intensité musicale.  De bonheur éphémère aussi car vite coloré de drame, toujours adjacent chez Schubert, même dans la description de situations en apparence anodines.  On retrouvera ces caractéristiques dans l'autre cycle, le Winterreise.  Matthias Goerne, au zénith de sa carrière, possède ce talent rare d'habiter tout ce qu'il touche, aussi bien à l'opéra qu'au concert.  Le domaine si délicat du lied le montre divinateur dans la manière de galber la ligne, de balancer la courbe de la phrase, d'habiter les silences même.  D'aller au-delà des mots, dans une vraie intuition poétique, toujours dans une extrême simplicité.  L'ultime lied, « La berceuse du ruisseau » atteint un dépouillement bouleversant.  Les couleurs ténorisantes du timbre sont idéales pour interpréter ce cycle qui est souvent, à juste, titre confié à une voix de ténor.  Le jeu des comparaisons est dès lors vain.  Ce qui est sûr, c'est qu'on n'a pas assisté à pareil miracle depuis longtemps.  On le doit tout autant à Eschenbach dont le pianisme est visionnaire, encore plus épuré peut-être, et plus confirmé dans des tempos lents, que lors de leur exécution salzbourgeoise de l'été 2010 (cf. NL d'octobre 2010).  Lorsqu'ils reviennent saluer, main dans la main, embarrassés devant l'ovation, émus, à peine remis de cette immersion poignante, ils nous empoignent encore une fois pour nous avoir transportés si haut.  Merci !

 

 

L'effet grisant du concert littéraire…

 

©DR

 

 

« Les Rencontres musicales et littéraires en bords de Marne », au Perreux-sur-Marne, se sont fait une spécialité d'un genre peu répandu : le concert littéraire.  Pour leur troisième édition, ces « Notes d'automne » étaient l'occasion de rapprocher deux arts intimement liés.  Le concert du 9 novembre à l'Hôtel de ville réunissait Anne et Yann Queffélec, frère et sœur à la ville, complices désormais à la scène.  Car, aussi étonnant que cela puisse paraître, ils n'avaient pas encore « joué » ensemble sur une estrade.  Le thème était « la musique nous prend comme une mer » car, dit Anne Queffélec, « dans notre mémoire partagée, circule la mer mêlée à la musique ».   Ces deux-là ont été « marqués à vie par ce double éblouissement, à travers les plages bretonnes de nos vacances d'enfants et la révélation de la musique ».  En introduction, Yann dira que Anne a toujours été bercée par la musique des mots et que lui-même est transporté par la coulée des notes.  Ces affinités artistiques les rapprochent en une sorte de connivence secrète et sereine pour « un vagabondage libre entre textes, poèmes et pièces musicales habitées par la mer ».  Unis dans une précieuse complicité, sous le buste impassible de Marianne, ils vont ainsi disserter sur des pièces de Debussy, Ravel, Chopin et Liszt.  Yann explicite les liens apparents ou cachés avec Baudelaire ou tel qu'il les ressent.  Anne les révèle au piano.  Ainsi à propos de Reflets dans l'eau de Debussy, de ce qu'il nomme « un jardin énigmatique, initiatique ».  « N'écoute que les conseils du vent » décrypte Ondine de Ravel.  Et cette Cathédrale engloutie debussyste, si bizarre au fond, car pourquoi une cathédrale serait-elle enfouie dans les flots, alors qu'au même moment Claude Monet peint en lumière celle de Rouen, en plein midi, dans une série fameuse ?  Il lui semble que le morceau de Debussy fait une référence cachée à quelque chose de fluorescent.  Et pourquoi pas à cette immense coque du Titanic qui sombra corps et biens, une nuit de 1912, en pleine lumière.  La Barcarolle de Chopin a peut-être aussi à voir avec le milieu marin.  Mais plus sûrement avec la liaison qu'il entretint avec George Sand, « un amour teinté d'amour pélicane » comme le dira la dame à ce propos.  Musset a aussi écrit Le Pélican...  Pourquoi ne pas se risquer à cet improbable rapprochement ?  L'extrapolation participe aussi du questionnement texte-musique.  Un bond en avant, de quelque 55 ans, et nous voilà embarqués sur Une barque sur l'océan.  Ravel s'y révèle « orfèvre mallarméen », alors que Debussy est le génie délicieux, le maître de la chanson grise.  Il est aussi « l'homme de bien » dont parle Molière.  Le mystère de l'art ravélien ne sera peut-être pas percé. Qu'importe.  Yann pense encore à Audiberti et son texte La barque et l'océan.  Étonnant raccourci.  Un autre saut nous conduit vers Liszt, immanquable cette année.  La Légende de Saint François de Paule marchant sur les flots et sa curieuse origine littéraire du moine franchissant le détroit de Messine, amène à ce constat : ce que Liszt décrit comme « le plus divin et le plus satanique des arts », la Musique, est bien faite pour émouvoir, tout comme la poésie pour enrichir l'esprit.  Yann Queffélec finira en un hommage aussi tendre que profond à leur père, Henri, grand poète lui aussi, qui eut ce mot « l'océan de Liszt n'est pas désespéré ».  Tout au long de cette heure et demie, tous deux nous auront tenus en haleine, Anne par son jeu délicat et affirmé, Yann par son élégance d'esprit et sa finesse.  Un exemple à méditer et une expérience à renouveler.

 

 

Chopin comme on l'aime…

 

Rafal Blechacz ©Salle Pleyel

 

 

Grosse affluence pour le concert de l'orchestre Sinfonia Varsovia : pour cause politique, la soirée étant donnée dans le cadre de la présidence polonaise de l'UE, avec le soutien du ministère de la Culture et du Patrimoine polonais qui, via son ambassade parisienne, devait rafler les derniers billets, et sans doute aussi, du moins on l'espère, pour la prestation du jeune prodige Rafal Blechacz, 26 ans, lauréat du prestigieux Concours de piano Frédéric Chopin de Varsovie, en 2005.   De fait, on entendait beaucoup parler parmi le public la langue de Chopin et battre le cœur de celui-ci sur l'estrade.  Car de l'exécution du Deuxième Concerto pour piano on se souviendra longtemps.  Ce morceau, Rafal Blechacz l'aborde avec une vraie simplicité et son climat élégiaque en ressort magnifié.  Tel le maestoso, pourtant pris à vive allure dans son introduction orchestrale ; sans doute pour mieux faire ressortir le passage central, plus dramatique.  La mélodie du larghetto, l’une des plus poétiques imaginées par Chopin, s'élève avec aisance.  Comme d'évidence, Blechacz en tisse l'atmosphère nocturne, le calme d'un sentiment profond.  La deuxième séquence qu'effleure une pensée plus tragique, culmine sur un dialogue coquet du piano avec le basson, puis s'achève dans le recueillement.  L'allant de l'allegro vivace final autorise une extrême transparence.  Partout, on est séduit par l'absolue clarté du jeu, la sincérité de l'approche, l'absence de recherche d'effet.  Une interprétation qui se mesure favorablement aux plus grandes.  En bis, Blechacz joue la grande Polonaise héroïque et attaque les amples accords du haut du bras, comme naguère Arthur Rubinstein.  Le discours est là encore tout sauf apprêté, dramatique lorsqu'il le faut, au-delà de la virtuosité même.  Cortot ne parle-t-il pas de « cette féconde illusion qui porte l'artiste à s'identifier au créateur ».  Ovationné, il donnera encore, généreux, la Berceuse, mélancolique mais non triste, exhalant comme nul autre le zal, le spleen polonais.  Un sentiment si profondément musical aussi.  L'orchestre l'entoure avec affection.  Celui-ci jouait en début de soirée, sous la conduite énergique de Grzegorz Nowak. l'Ouverture de concert op.12 de Karol Szymanovski, au geste straussien démonstratif.  Cette première pièce orchestrale de celui qui se révélera pionnier du renouveau de la musique polonaise, déborde d'élan et ne requiert pas moins de six cors, trois trompettes et trois trombones, outre un brelan de percussions.  Il y a là quelque chose de programmatique, rappelant irrésistiblement, aux premières mesures, des pages du Don Juan ou de Ainsi parlait Zarathustra de l'auteur de Salomé.  On pense aussi à le flamboyance de Scriabine.  Quelques passages plus calmes interrompront le déluge sonore, tel un pénétrant solo d'alto avant une péroraison grandiose.  En seconde partie, la Symphonie italienne de Mendelssohn libère une fièvre péninsulaire fort attractive, en particulier dans le saltarello final, d'une exubérance obstinée dans le tempo d'enfer décidé par le chef.  La lecture n'en est pas moins équilibrée et lumineuse, eu égard à la finesse instrumentale du Sinfonia Varsovia.

 

 

Une soirée frustrante à la Cité de la musique

 

Nathalie Stutzmann ©DR

 

 

On annonçait une soirée thématique originale titrée « Castrats Divas », dans le cadre d'un cycle Masculin/Féminin puisqu'aussi bien « la  musique aussi participe à la construction de l'identité sexuée ».  Las !  La défection à la dernière minute de l’un des deux participants, pour cause de divergences artistiques, nous aura privés du chapitre castrat.  Restait la diva. Il faut d'abord saluer la décision courageuse de Nathalie Stutzmann de maintenir le concert en en assurant l'entière responsabilité.  Il n'était pas aisé de revenir sur ce programme alléchant de confrontation des voix du contre-ténor et de la contralto, et d'assumer seule toute la soirée, à la fois à la direction d'orchestre et pour la partie de chant.  Car ce qui caractérise la manière de cette artiste, c'est qu'après avoir, des années durant, chanté auprès des plus grands, elle a souhaité posséder et diriger sa propre formation orchestrale, afin de mener des projets spécifiques.  En somme, de réaliser ce dont elle avait envie depuis des lustres.  Le programme du concert, remanié, convoquait Vivaldi et Haendel, alternant pièces instrumentales et chantées.  Peut-être contrariée par l'épisode malheureux des répétitions et le changement imposé à la onzième heure, la forme vocale n'était pas parfaitement au rendez-vous chez Nathalie Stutzmann en première partie, malgré une aria de Il Giustino intéressante « Je sens une pluie de larmes » où Vivaldi conçoit un soutien de la voix uniquement par les pizzicatos des cordes, et ppp ; comme il le fait encore dans celle d'Atenaïde.  Le Triple Concerto RV 578, pour deux violons & violoncelle, montre chez la chanteuse une sûre maîtrise de la baguette et ce plaisir évident de pouvoir se livrer à l'expérimentation en matière de tempo, de jeu et de phrasé, dont bien des interprètes de Vivaldi raffolent.  Les pages de Haendel la trouveront sans doute mieux inspirée.  L'Ouverture de Giulio Cesare a belle allure et le largo du Concerto grosso op. 3 n°2 est justement émouvant.  Le lamento de Dardano, tiré de l'opéra Amadigi di Gaula, dévoile une vraie force de conviction.  Mais le fameux air de Rinaldo « Lascia ch'io pianga » en devient presque soporifique à force d'être plus que lent ; ce qui n'a que peu à voir avec son aspect proprement hypnotique.  La seconde partie est d'une autre trempe et le récitatif et l'air de Jules César sont superbes de tenue et de vocalité.  Plusieurs arias de Vivaldi montrent que celui-ci aimait particulièrement ce type de voix grave : ce qui au demeurant lui offrait l'avantage, en tant qu'impresario et directeur de théâtre, de moins lui coûter.  Les voix de femmes s'engageaient, en effet, à moindre frais, en comparaison des castrats, fort chers au cachet !  La Sinfonia de L'Olimpiade est, elle aussi, avec sa partie de violon concertant, pur bonheur. Et dans l'aria langoureuse de Perseo extraite d’Andromeda liberata, chant et violon solo s'enlacent à l'envi. 

Jean-Pierre Robert.

 

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Franz WELSER-MÖST décevant, Salle Pleyel.  The Cleveland Orchestra, dir. Franz Welser-Möst.

Les phalanges américaines se suivent mais ne se ressemblent pas sur la scène de la Salle Pleyel.  Pour l’ouverture de la saison, Riccardo Muti à la tête du Chicago Symphony Orchestra nous avait séduit, Franz Welser-Möst dirigeant le Cleveland Orchestra, dont il est le chef titulaire depuis 2002, nous a bien déçus. Un programme éclectique et peut être trop ambitieux, Agon de Stravinski, Métamorphoses de Richard Strauss et la Symphonie n°4 de Tchaïkovski.  Agon, ballet pour douze danseurs, crée le 1er décembre 1957 par le New York City Ballet, construit en partenariat avec George Balanchine, est un exemple d’écriture sérielle adaptée à la danse, cela expliquant probablement la difficulté de faire passer cette musique, ici pourtant bien en place, en ouverture de soirée, sans le secours des images chorégraphiques.  Les Métamorphoses,  œuvre pourtant sublime, nous ont paru plus proches du divertissement de salon que d’un véritable témoignage angoissé, abattu et chargé de honte après la destruction de Munich en 1945, tant l’interprétation en semblait apollinienne, belle mais superficielle, mettant l’accent sur la somptuosité des cordes de l’orchestre, mais oubliant totalement la gravité du message, celui d’une amère lamentation devant les ruines de la civilisation allemande, les atrocités nazies et l’échec de la raison.  Une musique de deuil « in memoriam » pour 23 cordes solistes, bien isolées dans la grande nef de Pleyel, incapables de faire passer une quelconque émotion. En seconde partie, la Symphonie n°4 de Tchaïkovski, monument du répertoire, composée en 1877 par un compositeur blessé, psychologiquement instable, hanté par le Destin, est  une œuvre ambiguë faisant alterner espoir et accablement, comme en témoigne la lettre adressée par le compositeur à Nadejda von Meck.  On fut, hélas, bien loin de ce « programme » tant l’interprétation parut superficielle, terne et sans tension, faisant se succéder un premier et un quatrième mouvement « hollywoodiens »,  encadrant un deuxième et un troisième mouvement plus réussis, avec des cordes superbes.  En revanche, les vents  parurent, le plus souvent, lourds et approximatifs !  La salle, peu rancunière, demanda un « bis » qui nous donna, enfin, l’occasion d’entendre un très beau passage des Maîtres Chanteurs de Wagner, mais cela est, en définitive, bien peu !

 

Description : Macintosh HD:Users:fbcouste:Desktop:Welser-Möst © David Crookes licensed to EMI Classics.jpg

Franz Welser-Möst ©EMI Classics

 

 

Jukka-Pekka SARASTE, lumineux, Salle Pleyel.  Orchestre philharmonique de Radio France, dir. Jukka-Pekka Saraste.  Christine Schäfer, soprano.

Encore une belle soirée proposée par le « Phihar » qui confirme, de concert en concert, sa place de première phalange parisienne.  Il faut avouer que le choix du programme semblait particulièrement judicieux associant, en première partie, les Illuminations de Britten, chantées par Christine Schäfer, puis en seconde partie, la terrible Symphonie n°8  de Chostakovitch. Deux occasions de mettre en avant la somptuosité des cordes ainsi que la qualité et la cohésion de l’orchestre, tous pupitres confondus.  Les Illuminations de Britten, sur des textes de Rimbaud, créées en 1940 à Londres, permirent de juger de l’étonnante alchimie  réussie entre la voix puissante de Christine Schäfer et les sonorités douces et limpides des cordes.  On regrettera, toutefois, une diction pour le moins approximative, rendant le texte rimbaldien, déjà difficile, totalement incompréhensible.  La Symphonie n°8 de Chostakovitch, symphonie de guerre, créée en 1943 à Moscou, sous la direction de Mvravinski, symphonie préférée du compositeur, est une œuvre ambiguë, grinçante, terrifiante, dressant un portrait psychologique du compositeur confronté aux horreurs de la guerre et à la répression politique.  Elle fut l’occasion, pour l’orchestre et son chef  d’un soir, d’une véritable leçon de musique, claire, parfaitement en place, rendant compte du dramatisme et de la complexité de l’œuvre - qu’on aurait, toutefois, préférée plus grinçante, notamment au 3e mouvement. Ajoutons à cela, une entente et une communion évidente entre l’orchestre et le chef finlandais, justifiant les applaudissements fournis et mérités de la salle et des musiciens.

 

Description : Macintosh HD:Users:fbcouste:Desktop:SARASTE Jukka-Pekka 2011 (© Bo Mathisen) c.jpg

©Bo Mathisen

 

 

Une Belle Meunière d’anthologie, Salle Pleyel. Matthias Goerne (baryton), Christoph Eschenbach (piano).

Die schöne Müllerin constituait le premier volet de la trilogie schubertienne proposée par le baryton Matthias Goerne (notre photo), accompagné par Christoph Eschenbach, Salle Pleyel.  Un programme qui se poursuivra tout au long de la saison, avec Le Voyage d’hiver (Winterreise) et Le Chant du cygne (Schwanengesang) en février et mai prochains.  La Belle Meunière est un cycle de 20 lieder, composé en 1823 par Franz Schubert, sur des textes de Wilhem Müller.  Jamais symbiose,  entre texte et musique, ne parut plus réussie, portée au plus haut par l’interprétation qu’en donna Matthias Goerne.  Un timbre magnifique de rondeur, des aigus filés et lumineux, des graves profonds, des « forte » jamais forcés et des « piano » d’une sublime beauté.  Ajoutons à cela une présence scénique où Matthias Goerne semble comme habité par le personnage du meunier, vivant, mimant et chantant tous ses états d’âme pendant tout ce cycle, éminemment romantique, de près d’une heure.  Christoph Eschenbach qui avait délaissé, pour un soir, la baguette pour le piano sut trouver un ton naturel de simplicité soutenant parfaitement la voix, respirant avec elle, entretenant le climat, tour à tour douloureux, enchanteur ou bouillonnant, en résonance avec les  sentiments du héros.  Une soirée d’exception, deux prochains rendez-vous à ne pas manquer.

 

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©Borggrave

 

 

Une leçon de « bel canto » au Théâtre des Champs-Élysées.  Vincenzo BELLINI : Les Capulet et les Montaigu.  Opéra en deux actes (1830) sur un livret de Felice Romani, d’après Roméo et Juliette de Shakespeare.  Orchestre et chœurs de l’Opéra de Lyon, dir. Evelino Pido.  Anna Caterina Antonacci (Roméo), Olga Peretyatko (Juliette), Juan Francisco Gatell (Thibault), Carlo Cigni (Frère Laurent), Giovanni Battista Parodi (Capello).  Version de concert.

L’opéra Les Capulet et les Montaigu, de Vincenzo Bellini, assurait la réouverture de la saison lyrique au TCE, après plusieurs mois de travaux pour restauration.  Une véritable leçon de « bel canto » remarquablement  interprétée, tant vocalement qu’instrumentalement.  Evelino Pido, spécialiste de l’opéra italien et du « bel canto » en particulier, qui dirigeait avec brio cette même œuvre à l’Opéra Bastille en 2008 (avec Anna Netrebko et Joyce DiDonato dans les rôles principaux), mena ses troupes avec entrain, faisant preuve d’un réel plaisir à diriger, toujours au service des chanteurs, chantant et respirant avec eux.  Les chœurs, l’Orchestre de Lyon et la distribution vocale furent, également, sans faille.  Juan Francisco Gatell (Thibault) nous séduisit, dès son premier air, par son timbre rond, lumineux, son aisance vocale, jamais forcée malgré de périlleux aigus.  Anna Caterina Antonacci (Roméo) fit preuve d’une présence scénique chargée d’émotion, compensant largement certaines  faiblesses de la voix, parfois légèrement forcée.  Olga Peretyako, issue du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg fut, sans nul doute, la grande triomphatrice de cette mémorable soirée avec son timbre limpide, sans vibrato, sa technique vocale irréprochable, interprétant ici une magnifique Juliette, totalement crédible.  On n’oubliera pas, dans ce concert de louanges, Carlo Cigni et Giovanni Battista Parodi, tous deux excellents.  Une réussite totale, une salle bien remplie et une ovation prolongée, bien méritée, voilà qui augure bien des prochains rendez-vous lyriques.

 

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 Olga Peretyatko et Anna Caterina Antonacci ©DR

 

 

Théâtre des Champs-Élysées.  Un Verdi… plein de promesses

Oberto.  Opéra de Giuseppe Verdi en deux actes (1839), sur un livret d’Antonio Piazza & Temistocle Solera.  Orchestre national de France, Chœur de Radio France, dir. Carlo Rizzi.  Michele Pertusi (Oberto), Maria Guleghina (Leonora), Ekaterina Gubanova (Cuniza), Valter Borin (Riccardo), Sophie Pondjiclis (Imelda).

Premier opéra véritable  de Giuseppe Verdi, créé au Théâtre de La Scala, à Milan, le 17 novembre 1839, établi à partir de plusieurs ébauches (Rocester et Lord Hamilton), Oberto, conte di San Bonifacio est un opéra intéressant car contenant en germe tout le génie verdien.  Une musique en devenir  qui s’éloigne des ornementations du « Bel Canto » sans parvenir, encore, à atteindre le dramatisme  de la maturité. Un opéra se présentant surtout comme une succession d’airs.  Compte tenu de l’indigence du livret, l’accent est mis sur le caractère transitionnel de la musique et la primauté des voix.

 

Maria Guleghina ©DR

 

 

Au plan musical, le « National »  plein d’allant, dirigé par Carlo Rizzi, grand chef d’opéra, donna entière satisfaction, tout comme la distribution vocale, à l’exception de Valter Borin, remplaçant au pied levé Fabio Sartori souffrant.  S’il faut lui reconnaître le mérite de ce remplacement inopiné, force est de constater que son Riccardo constituait le maillon faible d’une distribution vocale de haut vol, timbre nasal dans le « médium », aigus forcés, souvent décalé par rapport à l’orchestre, parfois à la limite de la justesse.  En revanche Maria Guleghina, avec son timbre rond et son superbe legato, campa une très honorable Leonora malgré quelques suraigus hasardeux et une faiblesse dans le grave.  Ekaterina Gubanova, puissante, donna au personnage de Cuniza, une stature assez réservée, voire distante, par son timbre sombre, profond, un peu voilé.  Michel Pertusi, dans le rôle-titre, fut le seul à associer, dans un même élan, qualité du chant et présence scénique.  Enfin, une mention particulière pour Sophie Podjiclis qui, en quelques répliques, sut nous séduire par la beauté et la maturité de sa voix.  Restent de cet opéra de jeunesse quelques beaux moments qui laissent présager du Verdi futur comme le duo  (Oberto/Leonora) et le trio du Ier acte, le quatuor du IIe. 

 

Ekaterina Gubanova ©DR

 

 

Ovation assez limitée de la salle, s’expliquant par la faiblesse certaine de l’œuvre, mais aussi par l’absence de mise en situation et d’engagement de la majorité des acteurs, ce qu’on peut regretter.  Un soupir bien malheureux de Guleghina, en fin de représentation, résumait assez bien l’ambiance de la salle…

Patrice Imbaud.

 

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Plus petite salle d’opéra en Europe, la Péniche Opéra (Compagnie nationale de théâtre lyrique et musical - 46, quai de la Loire, Paris XIXe.  Tél : 01 53 35 07 76) propose depuis 1982 opéras-comiques, opérettes, opéras contemporains, comédies musicales.  Compagnie lyrique nationale en 1998, en résidence à l’Opéra Comique de 1998 à 2007, « artiste associé » à l’Opéra de Toulon de 2003 à 2007, la Péniche Opéra reste, dans le paysage culturel, une sorte de terrain d’aventures.  Espace propice à la dérive, lieu d’errance, agile à passer d’un siècle à l’autre, d’une avant-garde à la prochaine, d’un lieu à l’autre, hors les murs mais au cœur du réel, toujours en terre foraine, magnifique jouet où des chanteurs, des comédiens, des musiciens, des metteurs en scène peuvent ancrer leurs rêves de théâtre et de musique.

 

©DR

 

 

Tout au long de la saison, « l’opéra s’invite », dans les écoles, les collèges, les lycées pour des actions de sensibilisation et de présentation autour des spectacles avec des extraits chantés des œuvres présentées par les artistes, des ateliers de présentation et de pratique d’art lyrique, des actions d’initiation à l’opéra et de sensibilisation autour des métiers de l’opéra.  Dans tous les cas, la démarche se fonde sur la rencontre et l’échange comme base de transmission de connaissance, mais aussi de plaisir !  Cette saison, la Péniche Opéra présente deux créations au Théâtre de Fontainebleau : « Les cris du Cri » avec l’ensemble Clément Janequin et « Café Allais », opéra fumiste autour d’Alphonse Allais.  Et en tournée dans le sud de la Seine-et-Marne, Rita ou le mari battu, opéra-comique de Donizetti ; Les Shadocks et compagnie… en musique ! : un spectacle réunissant « Le vilain petit canard » de Prokofiev, « La Boîte à joujoux » de Debussy et « Les Shadocks et l’aéronautique » d’Albert Marcœur, « L’histoire de Babar » de Poulenc, « Sports et divertissements » de Satie.  Trois axes artistiques ont été déterminés pour les actions culturelles de la résidence autour des spectacles de la compagnie :

- Le répertoire d’opéra-comique français.

- La musique baroque.

- La création musicale du XXe siècle et d’aujourd’hui.

 

Actuellement, la Péniche Opéra est en résidence à Fontainebleau et dans le sud de la Seine-et-Marne.  Dans ce cadre, c’est un projet inscrit sur trois ans qui s’ouvre à l’École municipale.  Inscrit dans la dynamique des années précédentes, il vise à approfondir le travail entrepris et à créer des outils culturels pérennes, dont une classe de scène et d’art dramatique.  Ouvrir le théâtre, la musique et l’opéra à tous, faire de chaque représentation une fête dans laquelle peut se retrouver l’ensemble de la population bellifontaine et du pays bellifontain, voilà quel est l’objectif poursuivi par Mireille Larroche, professeur principal de scène et d’art dramatique, avec Laure de Bressy, directrice de l’école municipale de musique.  Cet atelier se présentera sous le visage d’une classe ouverte à tous les passionnés de théâtre et d’art dramatique, à tous les comédiens, chanteurs, musiciens, danseurs qui veulent s’initier à l’art de la scène.  Il a pour vocation de faire se croiser les différentes disciplines du spectacle vivant, de fédérer, à travers un projet scénique, les différentes pratiques enseignées à l’école de musique.

(Durée de l’enseignement 1h30.  Nombre de participants : 15 personnes (de 10 ans à 110 ans).  Avec Mireille Larroche assistée d’Alain Patiès, accompagnée d’un pianiste (1 cours sur 2) et d’une chorégraphe (1 cours sur 3).  Le travail de la classe se déroule en deux temps égaux : théâtre pur et interprétation).

 

Au-delà de l’exercice musico-théâtral, artistes amateurs et professionnels échangeront tout au long de la saison 2011-2012 autour du thème des plaisirs de la bouche avec des créateurs issus de différentes disciplines artistiques et avec des scientifiques qui interrogent le corps, la table, le plaisir.  La table, la convivialité n’ont-elles pas inspiré de nombreux compositeurs ?  Aussi, à chaque halte de la Péniche Opéra, amarrée dans une commune de Seine-et-Marne, d’avril à juin 2012, et dans le cadre convivial de cette salle de spectacle atypique, une école de musique, en compagnie des artistes de la Péniche Opéra, créeront un épisode de ce feuilleton « de bouche à oreille ».  La réalisation d’un spectacle musical rassemblera enfin toutes les écoles de musique et les participants de cette aventure dans une présentation finale au château de Fontainebleau, le 3 juin, à l’occasion de la Fête des Jardins autour d’un pique-nique musical.  Pour le final de ce pique-nique, en dessert, l’ensemble des participants participera à un chœur extrait de « La cuisine de Léonie » de Joubert.  Pour la préparation de ce finale, une répétition encadrée par un chef de chœur sera organisée tous les quinze jours, à partir de janvier 2012 et 3 répétitions tutti seront organisées fin mai, début juin.

Gérard Denizeau.

 

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Le disque Lectures (Hortus 088) consacré à Liszt par Nicolas Stavy a représenté l’un des temps forts de l’Année Liszt  et laissera une trace durable dans la discographie, ce qui ne saurait être le cas d’autres sillons livrés à la brouettée au cours de cette commémoration ! Tout au long de l’année, Nicolas Stavy aura promené dans ses concerts les œuvres qu’il venait d’enregistrer, les mettant intelligemment en situation par des accostements divers, ce qui ouvrait les fenêtres à des éclairages sans cesse renouvelés : ainsi offrit-il à ses auditeurs, et à lui-même, un parcours d’investigation de chefs-d’œuvre aux mille richesses. Comme l’exploration d’une cathédrale révèle chaque jour un nouveau chapiteau, un nouveau détail de vitrail qui nous avait échappé, ainsi son cheminement lisztien lui permit-il de mettre l’accent un soir sur telle intention, un autre sur telle courbe d’architecture, et de révéler la multitude d’états d’esprit qui se côtoient, se superposent, se déchirent, chez Liszt dès lors que l’on aborde des œuvres ayant trait à ses préoccupations métaphysiques fondamentales. Pour avoir suivi Nicolas Stavy en diverses étapes de ce parcours, nous n’avons jamais entendu deux fois la même chose, non que la cohérence de sa conception changeât (fort heureusement !), mais une conjonction différente dans l’ordre enchaînant les pièces, un climat résultant du contact avec tel ou tel public, suffisaient à faire jaillir une dominante de couleur dans le tableau général ou à infléchir l’appariement psychologique de certaines pages soudain rapprochées.  Rappelons les œuvres dudit programme, qu’il donnait intégralement au Musée d’Orsay le 3 novembre 2011 : Bénédiction de Dieu dans la solitude, Sonnet de Pétrarque n° 104, Six Consolations, Après une lecture du Dante, Du Berceau jusqu’à la tombe (ordre du disque, mais ordre à chaque fois différent lors des concerts, l’interprétation de ce soir-là sonnant comme un autre regard par rapport à celle du disque). Toutes livrent l’âme de Liszt à son plus profond et, combinées, dessinent un impressionnant portrait d’un Liszt s’interrogeant sur les fins dernières, sur le dialogue de la créature et de son Créateur, sur la poétisation de la destinée, sur les épreuves et conflits qui renvoient l’être à sa solitude. Nicolas Stavy n’a failli en aucun de ces aspects, montrant une imprégnation profonde de son très pluriel sujet et un regard projeté avec homogénéité sur la vaste échelle d’architectures à la hauteur de la méditation lisztienne.

 

 

 

L’évolution de ce pianiste de 36 ans le place maintenant parmi les musiciens à la pensée  puissamment et mûrement étoffée. À l’heure où Paris accueille des pianistes étrangers bien « publicisés » qui ne le valent pas (ou qui nous infligent des catastrophes dont, par délicatesse, nous préférons ne pas parler en ce site), on s’étonne que la carrière internationale de Nicolas Stavy tarde à prendre l’envol vers les grands circuits que son talent appellerait. Entrent malheureusement en ligne de compte des critères de « communication », de « management » (comme ces affreux mots nous éloignent hélas de la pensée mystique de Liszt, lequel eut à vaincre les écueils inverses, ceux d’une « sur-médiatisation » en son temps !), à une époque où on lance les artistes comme des barils de lessive (mais les artistes ainsi lancés sont aussi les plus éphémères, parfois !).

À la Bibliothèque nationale de France, le 17 novembre, nous retrouvions Nicolas Stavy dans un répertoire qu’il enregistra (chez Hortus également) au début de sa carrière discographique : Hélène de Montgeroult, cette pianiste-pédagogue-compositrice qui fut nommée par Sarrette professeur de piano en 1795 dans le naissant Conservatoire de Paris.  En présence de Jérôme Dorival, auquel on doit l’exhumation de cette femme hors du commun qu’il surnomme « la mère du piano romantique » (il lui a consacré une biographie : La Marquise et la Marseillaise, Éd. Symétrie, ainsi que des travaux d’édition musicale), Nicolas Stavy jouait et commentait un florilège d’études, nous prouvant qu’à travers une pédagogie, non seulement de la technique pianistique mais aussi de l’esprit à infuser dans l’interprétation, la Marquise – promue par la République après avoir été arrêtée sous la Terreur – créa, bien avant Chopin, l’étude de concert à visée musicale.  Trait d’union entre les générations (élève de J.L. Dussek et de Muzio Clementi, elle fut l’un des  professeurs de Johann Baptist Cramer), sa musique réalise le passage, selon les mots de Nicolas Stavy, d’une esthétique « postclassique » à l’émergence d’un « préromantisme ». Ainsi pouvons-nous entendre d’expressives préfigurations de Beethoven ou Chopin traverser certaines de ses pages (notamment lorsqu’elle crée – avant John Field –  une atmosphère de Nocturne qui ne dit pas son nom) tandis que d’autres (telle sa 8e Sonate)  mêlent le sens des équilibres classiques à des flambées Sturm und Drang.  Là encore, on ne pouvait que constater le phénomène de maturation s’étant accompli en peu d’années chez le jeune pianiste dans l’approfondissement de cette musicienne par rapport aux gravures de son disque.

 

Jérôme Dorival dédicaçant son livre à la BnF ©S. Falcinelli

 

 

En bis, Nicolas Stavy nous révélait un inédit fort surprenant qui lui a été communiqué par Bruno Messina, le directeur du Festival de la Côte-Saint-André : une miniature de deux feuillets pour piano (ou plutôt pour un demi-pianiste... vous allez comprendre !) d’Hector Berlioz, intitulée Valse chantée par le vent dans la cheminée d'un de mes châteaux en Espagne, pour main droite seule (février 1855). En bas de la première page, Berlioz a inscrit cette mention humoristique : « Liszt est prié d'écrire la basse ! ». Eh bien – on ne se refait pas – cette bagatelle propage un son très orchestral pour suggérer le mugissement du vent !

Le piano choisi pour ce récital d’érudition était le grand queue de Stephen Paulello, ce qui pouvait paraître judicieux puisque le facteur de Villethierry tente, par ses recherches techniques, de  ressusciter un certain type d’émission d’harmoniques que préservait l’ancien pianoforte, ainsi qu’une légèreté cristalline dans les aigus.  Néanmoins, pour qui a connu de précédentes expériences de Paulello, le piano présenté ce soir-là s’avéra une déception, avec un son plutôt sec (sous les doigts d’un pianiste dont le jeu est l’ennemi de la sécheresse !) et des bruits mécaniques, des vibrations parasites dans l’octave médiane.

 

Nicolas Stavy à l’issue de son récital à la BnF ©S. Falcinelli

 

Sylviane Falcinelli.

 

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Le 15 novembre 2011, en l’immense vaisseau de la Grande salle de conférences de la Maison de l’Unesco à Paris – plus le moindre fauteuil vacant -, était créé Madame Curie.  Rien moins qu’« ouvrage de dames », cependant que la compositrice Elżbieta Sikora et sa librettiste Agata Miklaszewska avaient conjugué leurs talents pour rendre hommage à la chimiste Maria Skłodowska-Curie (1867-1934).  Deux fois Prix Nobel, celle-ci repose aujourd’hui au Panthéon, auprès de son mari Pierre Curie et de son amant Paul Langevin.

 

Eu égard à l’absence de profondeur du plateau, remarquablement efficace fut la régie signée Marek Weiss : (énorme) orchestre en surplomb & chœurs de part et d’autre de la scène, sur praticables. L’action étant commentée sur grand écran – textes et images – au-dessus de l’orchestre…

 

Elżbieta Sikora ©DR

 

 

Une partition qui assurément fera date : souvent paroxystique dans l’expression des sentiments, elle sait aussi se nuancer d’exquises diaprures (ô longs tournoiements de clarinette autour des voiles de la Loïe Fuller…).  Foncièrement atonal, mais aussi d’une rare expressivité est l’idiome d’une artiste qui ne saurait renier l’héritage d’un Berg, d’un Varèse, non plus que celui d’un Pierre Schaeffer -  auprès de qui elle travailla, naguère.

 

Sous la sobre et efficace direction de leur chef, Wojciech Michniewski, orchestre & chœur de l’« Opera Bałticka de Gdańsk » (Opera Gedanensis) firent merveille - splendeur sonore et homogénéité !  Quant au casting, on n’aurait pu rêver mieux : voix exceptionnelles et idéale incarnation des personnages – puissance et fragilité mêlées.  Notamment dans le rôle du personnage-titre incarné par la prodigieuse Anna Mikolajczyk…  Mais personne ne démérita dans cette magnifique distribution : Pawel Skaluba (Pierre Curie), Tomasz Rak (Paul Langevin), Leszek Skrla (Albert Einstein)…  Il faudrait citer tous ces merveilleux artistes – adultes aussi bien que talentueux enfants.  Juste enthousiasme du public !

 

      

 

Liens utiles :  www.elzbietasikora.com  www.operabaltycka.pl

 

Francis Cousté.

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Cent soixante ans se sont écoulés depuis la publication de la première bibliographie de Frédéric Chopin (Franz Liszt, Fr. Chopin, Paris 1852).  Durant cette période, un nombre incalculable de monographies a vu le jour sur la vie et les divers aspects de l’œuvre du compositeur polonais.  Les auteurs de la plupart de ces ouvrages sont des musicologues et des écrivains sur la musique.  Plus d’une fois, leur ambition était d’englober l’ensemble de la vie et de l’oeuvre, c’est pourquoi ils n’ont pas abordé les détails de la biographie avec le soin requis. Les auteurs de livres tant populaires que scientifiques n’ont pas vérifié les informations provenant de la litérature sur Chopin, perpétuant ainsi les erreurs, les inexactitudes, et même un contenu totalement faux, nullement étayé par des sources.

C’est seulement au début du XXIe siècle qu’un tournant s’est produit concernant la biographie du compositeur et ses ancêtres, tant du côté de sa mère – Tekla Justyna Krzyzanowska – que de son père Nicolas Chopin.  Les chercheurs en généalogie et biographie, Piotr Mysłakowski et Andrzej Sikorski, ont mené pendant plusieurs années des études approfondies d’archives, historico-généalogistes, qui portent sur plus de cent mille documents manuscrits de tribunaux, sur toutes les sources imprimées accessibles, sur des documents de cartographie et de la littérature.  Grâce à ces recherches, ils ont vérifié, classé et actualisé les connaissances connues à ce jour.  Ils ont levé les hypothèses et les suppositions et ont surtout découvert de nouveaux documents jusque là inconnus.  Il en résulte que la connaissance sur Chopin et surtout les connaissances marginales sur ses origines et son entourage familial et social ont été enrichies de façon impressionnante.

Le résultat de ces recherches a donné lieu à la publication de trois livres : La famille de la mère de Chopin.  Mythes et réalités (Varsovie 2000) ; La famille du père de Chopin.  Migration et promotion (Varsovie 2002) ;  Les Chopin. Cercle familial et social (Varsovie 2005), ainsi que des articles notamment dans L’éducation musicale n°523-524 (P. Myslakowski, Les circonstances de l’arrivée de Nicolas Chopin en Pologne).

Le recueil des résultats les plus importants des recherches réalisées à ce jour est le livre : Fréderic Chopin. Racines (Varsovie, 2009), également publié en anglais sous le titre Fryderyk Chopin. The origins (Warsaw, 2010).  L’ouvrage, qui compte 350 pages, comprend les chapitres suivants : les origines maternelles polonaises de Frédéric Chopin ; Nicolas Chopin en Pologne ; les proches de Jakub et Antonina Krzyzanowski (grand parents de Frédéric), le cercle social des Chopin et des Krzyzanowski ; Varsovie – ville de la jeunesse de Frédéric Chopin et berceau de son talent ; annexe (description de Varsovie au XVIIIe siècle et durant la première moitié du XIXe siècle).

 

                

 

 

Concernant l’ascendance du père de Frédéric Chopin, les auteurs se sont appuyés sur les recherches de Gabriel Ladaique – un chercheur de Nancy qui est l’auteur d’une étude des sources sur les généalogies des ancêtres du compositeur au XVIIIe siècle.  Ces recherches ont été significativement élargies et complétées par les auteurs de Racines. Ils ont présenté, en détail, les activités d’Adam Weydlich (tuteur du jeune Nicolas) et de sa famille, découvrant leur influence dans l’histoire de la famille Chopin.  Ils ont consacré de nombreux passages à la motivation et aux conditions qui ont présidé à la décision de Nicolas Chopin de se rendre de Lorraine en Pologne, à 17 ans.  La période antérieure, dans les Alpes (XVIe  et  XVIIe siècles), de l’histoire des ancêtres de Chopin a été décrite grâce à une coopération avec un autre chercheur, Jean Combe, qui a fait une recherche sur l’histoire de la municipalité de Saint-Crépin dans le Dauphiné.

Outre la problématique strictement biographique, les auteurs de Racines ont admirablement exposé le contexte historique, politique et culturel, saisi l’atmosphère de la vie quotidienne. Cela concerne également la description de Varsovie.  Le panorama de la vie culturelle, musicale, littéraire, scientifique, mais aussi de l’enseignement à cette époque permet de reconstituer la réalité dans laquelle s’est développé et structuré le talent de Frédéric Chopin jusqu’au moment où il a quitté son pays natal (2 novembre 1830).  Le sentiment d’identité nationale du compositeur était sans équivoque – il était polonais.  La roue de l’histoire ayant tournée, la France – patrie des ancêtres de Frédéric – redevint sa patrie d’adoption, dans laquelle il passa la seconde moitié de sa vie.  C’est à Paris qu’il développa son œuvre et sa carrière de pianiste, bien qu’il fut un homme, pianiste et compositeur entièrement éduqué lorsqu’il quitta Varsovie.

Le livre présenté mérite sans hésitation d’être largement diffusé, et de ce fait serait le moyen d’extirper de la littérature sur Chopin les imprécisions et les légendes qui courent encore, pour intégrer, enfin, le cours des connaissances internationales.  Les deux versions, en polonais & en anglais ont été publiées par l’Institut national Frédéric Chopin de Varsovie et sont accessibles sur Internet à l’adresse : http://sklep.nifc.pl

Ce livre se distingue par le soin dans l’édition et le graphisme. Le contenu est complété par une bibliographie détaillée des sources de manuscrits et de littérature, un index des personnages, une liste de 152 illustrations parmi lesquelles des documents, des portraits, des monuments architecturaux.  Les gravures intégrées dans le texte constituent un excellent complément, qui plongent dans l’atmosphère, attisent l’imagination, rapprochent des personnes et des lieux décrits.

Frédéric Chopin. Racines de Piotr Mysłakowski et d’Andrzej Sikorski est un ouvrage très prisé des musicologues et spécialistes de Chopin en Pologne.  Sa valeur a été appréciée par les meilleurs critiques des revues polonaises (Muzyka ; Ruch Muzyczny ; Nowe Ksiazki).  Le célèbre musicologue anglais, Jim Samson, fait une chaleureuse recommandation du livre. Dans la préface il affirme : « Je ne connais pas d’autre ouvrage qui nous rende aussi bien compte de la réalité du monde de Chopin. [...]. La reconstitution détaillée du contexte, quasi policière, nous oblige à constamment réviser ce que nous savons déjà (ou croyons savoir) sur ce sujet.  Une présentation de Chopin de façon si radicalement révisée est un grand succès des auteurs ».

Une qualité supplémentaire de l’ouvrage est sa narration synthétique, colorée et accessible qui rend la lecture agréable et donne l’impression que ce livre est une œuvre exceptionnellement utile et intéressante, tant pour les spécialistes que pour toute personne à la recherche de connaissances vérifiées et pour qui ne sont pas étrangères les œuvres d’un des compositeurs les plus célèbres de l’époque romantique aux racines franco-polonaises.

 

Ewa Sławińska-Dahlig.

 

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Autrefois, il n’était chef qui vaille hors de l’enseignement de Hans Swarowsky à Vienne  (citons quelques célébrités qu’il a formées : Claudio Abbado, Zubin Mehta, Jesús López-Cobos, Iván Fischer, Giuseppe Sinopoli, Gianluigi Gelmetti) et de Franco Ferrara (il compta, notamment à Rome et à Sienne, plus de 600 élèves parmi lesquels Riccardo Muti, Claudio Scimone, Gianluigi Gelmetti, Riccardo Chailly, Roberto Abbado, Gabriele Ferro, Aldo Ceccato, Carlo Rizzi, Zoltán Peskó, Myung-Whun Chung, Andrew Davis, Edo De Waart, Daniel Oren, Gabriel Chmura, Emil Tchakarov, Jorma Panula).  Le dernier nom de cette  liste nous interpelle : on assiste, parmi les générations actuelles et montantes, à une formidable déferlante de talents finlandais, tous dotés d’une sagacité rare dans l’art de modeler un orchestre et de le faire évoluer ; un fil relie toutes ces baguettes, l’enseignement de Jorma Panula.  Issus de sa classe à l’Académie Sibelius d’Helsinki, les Esa-Pekka Salonen, Jukka-Pekka Saraste, Ari Rasilainen, John Storgårds, Osmo Vänskä, Sakari Oramo, Hannu Lintu, Susanna Mälkki, Mikko Franck, Olari Elts (la liste n’est pas close) !  Une observation avisée de la pédagogie de Ferrara, de certaines méthodes pratiques en usage dans les conservatoires soviétiques, alliée à une exigence sciemment analysée dans la lisibilité de l’art gestuel, voilà qui conflua dans l’enseignement de Panula, et le conduisit à exiger la création d’un orchestre destiné à entraîner les étudiants à l’Académie Sibelius, un chef d’orchestre ayant besoin, comme tout le monde, de s’exercer sur son « instrument » mais en ayant rarement l’occasion durant son cursus scolaire.  La stimulation de la vie musicale finlandaise et la richesse de son répertoire symphonique faisant le reste, il n’est pas un seul des chefs cités que l’on pourrait taxer de technique ou d’oreille de second rang.

En quelques semaines, les scènes parisiennes virent passer plusieurs de ces baguettes, pour le plus grand bonheur des auditeurs.  Attardons-nous sur trois concerts marquants.

 

Il y a peu, nous vantions le travail de John Storgårds, violoniste devenu chef d’orchestre, sur la Symphonie de Korngold (disque Ondine) ; le 14 octobre dernier, l’Orchestre philharmonique de Radio France l’accueillait dans le cadre du cycle consacré à la période américaine de Stravinsky, et les découvertes ne manquaient pas au programme.  L’auteur du Sacre du printemps écrivant pour une revue de Broadway : on croit avoir la berlue... et pourtant !  Peu d’écart entre l’esprit des Scènes de ballet (1944), lesquelles connurent 183 représentations au Ziegfeld Theater, et d’autres créations de la même période.  L’esprit investigateur de John Storgårds (pourquoi nos contrées le méconnaissent-elles injustement ?) fait merveille quand il fouille l’intensité expressive de telles partitions : il débusqua autant de climats dramatiques et poétiques dans cette suite (qui ne tient en rien des Ziegfeld Follies !) que dans la Symphonie en ut, dont l’impact se gouverne plus aisément grâce à ses contours abrupts et ses mordantes saillies.  On sait le travail persévérant accompli par Myung-Whun Chung avec l’Orchestre philharmonique de Radio France en matière de splendeur coloristique et de textures sonores (en témoignait récemment une 6e de Bruckner d’un beau bronze) ; les fruits en rejaillissent lorsque la phalange renoue avec sa vocation dédiée à la musique contemporaine : la création française du Concerto pour violon de Jörg Widman, ce 14 octobre, offrait à un musicien aussi attentif que John Storgårds le potentiel pour ciseler les alliages concoctés par le compositeur dans son orchestration.  Christian Tetzlaff, auquel sa partie impose de jouer sans relâche une demi-heure durant, s’y montra souverain, avec des aigus translucides et une maîtrise homogène des quatre cordes à travers le chant tortueux surmontant le flot d’embûches techniques.  Car ce concerto chante avec un profond lyrisme tout en traçant sa voie dans les acquis esthétiques contemporains, et on lui prédit de conquérir une digne place dans la succession des grands concertos dévolus au violon.

 

 

John Storgårds ©DR

 

 

Le même Orchestre philharmonique renouait le 4 novembre avec Jukka-Pekka Saraste.  Rappelons que ce chef avait été pressenti pour prendre la direction de l’Orchestre en 2000, mais qu’un jeu de dominos – Myung-Whun Chung n’ayant pas obtenu le National – avait abouti à la présente situation, donc écarté le Finlandais de l’organigramme.  Compte tenu du travail accompli par le Coréen à la tête du Philharmonique, on aurait mauvaise grâce à récriminer, mais on peut rêver au tableau idéal (et autrement plus équilibré pour le rayonnement musical de Radio France) qu’aurait constitué la configuration initialement prévue : Chung au National et Saraste au Philharmonique !  Quoi qu’il en soit, les musiciens du Philharmonique (menés par Hélène Collerette, violon solo) manifestèrent chaudement leur adhésion au style de direction de Saraste et lui firent un triomphe à la fin du programme.

Il faut dire que celui-ci les mit en valeur par tous les angles d’approche imaginables.  Les Illuminations op. 18 de Benjamin Britten (1939) accompagnent d’un orchestre à cordes la voix (un soprano, ce soir-là comme lors de la création, même si la tradition anglaise, depuis Peter Pears en 1941, nous les donne souvent à entendre par un ténor).  Saraste tira cette écriture raffinée vers des effets de texture soyeuse (par les harmoniques, par une magie de timbres évoquant presque les ondes Martenot), vers une transparence d’éclairages sonores où les pupitres de cordes du Philharmonique le suivirent avec zèle, mais du coup, cette musique prenait un tour très policé qui allait aux éclats sous hallucinogènes de Rimbaud comme un tablier à une vache.  Écoutez l’enregistrement dirigé par Britten lui-même (Decca) : son incisivité, son mordant cisèlent au plus près les intentions du poète dont les phrases se  détachent grâce à la netteté de l’élocution de Peter Pears ; de ce fait, une meilleure homogénéité recouvre la brièveté des incursions dans une mosaïque de climats.  Salle Pleyel, on ne s’attardait guère sur des mots que l’on ne comprenait d’ailleurs pas, la projection de Christine Schäfer s’avérant insuffisante pour le lieu (même depuis les meilleures places au milieu du parterre).

 

Jukka-Pekka Saraste ©DR

 

 

Les musiciens de l’orchestre demeuraient en vedette dans la monumentale 8e Symphonie de Chostakovitch (1943) : les solistes du quatuor s’y distinguèrent, et les altistes menèrent le troisième mouvement avec une pugnacité accrocheuse.  À dire vrai, cette symphonie de guerre – qui, par moments, tient du Barnum le plus bruyant – offre aussi matière à un véritable concerto pour orchestre où tous les pupitres s’attirent leur moment de gloire.  Le timbalier se déchaîna, les solistes de la petite harmonie surent imposer leurs réparties, et l’ensemble remporta la bataille en apothéose.  L’extrême lisibilité de la direction de Saraste leur garantissait de pouvoir s’exprimer en tant qu’individus et en tant que groupes, sans être emportés dans la masse, et c’est cette clarté du discours symphonique (rappelons que l’étymologie grecque de symphonie se rapporte à l’accord d’un ensemble de sons) que l’on retiendra prioritairement de la lecture du chef finlandais.

 

Le 15 novembre 2011, on reprenait le chemin du Théâtre des Champs-Élysées, après les mois de fermeture nécessités par le réaménagement de sa cage de scène, et le plaisir orchestral ressortait décuplé par l’acoustique exceptionnellement claire – intelligible serait le mot approprié –  que produisent les nouveaux panneaux et plafond de bois.  Jamais peut-être le Théâtre n’avait sonné avec un tel équilibre dans la netteté de la projection sonore.  Esa-Pekka Salonen y commençait son cycle Bartók avec le Philharmonia Orchestra (prochains concerts les 27 janvier et 25 juin) et, une fois de plus, on se laissait éblouir par sa virtuosité et le travail orchestral fouillé qu’il accomplit.  L’éternelle question dont débattent les pro- et les anti-Salonen (lequel débat résonnait dans les couloirs à la sortie du concert) réside dans la prééminence de cette virtuosité sur l’étoffe interprétative.  Inclinons à saluer l’immatérialité des attaques de l’Andante tranquillo ouvrant la Musique pour cordes, célesta et percussions, qui prouve la complicité du chef finlandais avec l’orchestre londonien qu’il fréquente depuis 1985.  Inclinons aussi à souligner le tranchant résolument homogène des attaques rythmiques, et la réponse « comme un seul homme » de l’orchestre au contrôle acéré de son chef.  On avait entendu le 4 juin 2010 Le Château de Barbe-Bleue par l’Orchestre philharmonique de Radio France et Philippe Jordan qui le réinscrivait chaleureusement dans un héritage lyrique postromantique.  C’est une tout autre interprétation que l’on entendait ce 15 novembre : Salonen se montrait manifestement plus attiré par la modernité d’une orchestration colorée – voire même en technicolor dans sa manière de gérer les climaxes de la partition -, et brossait un tableau inondant d’éclats de lumière l’obscur château.  Surmontant les contraintes de la version de concert, Michelle DeYoung et John Tomlinson « jouaient » leur dialogue en scène. Barbe-Bleue en barbe blanche, l’ex-Wotan de Bayreuth conserve une richesse de grave qui, par-delà les effets de l’âge, communique un sentiment dramatique très prenant.  Quant à la mezzo-soprano américaine, son tempérament la destine fort opportunément aux palettes incendiaires telles que voulues par Salonen.

 

Esa-Pekka Salonen ©DR

 

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Quelques nouveautés discographiques viennent enrichir ce panorama nordique, et d’autres témoignages de ces « baguettes finlandaises » sont annoncés, dont nous nous ferons l’écho.

 

Anders HILLBORG (°1954) : King Tide (a) ; Exquisite Corpse (b) ; Dreaming River (c) ; Eleven Gate (c).  Royal Stockholm Philharmonic Orchestra, dir. Sakari Oramo (a), Alan Gilbert (b), Esa-Pekka Salonen (c).  BIS-SACD : 1406.

Nous retrouvons Esa-Pekka Salonen, au sommet de sa virtuosité, dans une monographie orchestrale consacrée au compositeur suédois Anders Hillborg, lequel, par ses brillantissimes qualités d’orchestrateur, est en train de percer comme le chéri des orchestres nordiques et américains.  Dreaming River et Eleven Gates, deux pièces d’une étourdissante habileté, offrent à Salonen l’occasion de brosser un festival de couleurs.  On pourrait y puiser matière à  un cours d’orchestration, mais les mélomanes qui demandent à la musique une profondeur expressive nourrissant leur quête intérieure estimeront peut-être pouvoir vivre sans la musique d’Anders Hillborg.  L’auteur de ces lignes avoue considérer la faculté de réussir une époustouflante orchestration comme une vertu cardinale en musique... mais n’est pas ennemie d’un peu plus de consistance spirituelle.  Le programme débute par une pièce – King Tide – reproduisant avec les seuls moyens « humains » un effet de granulation électronique, mais une fois la performance comprise et reconnue, la permanence de cet effet sur 13 minutes et demie traîne un peu en longueur.  Sakari Oramo maintient l’illusion – non d’optique mais auditive – avec beaucoup d’homogénéité.  Cadavre exquis est une fête orchestrale, et l’on ne s’étonne guère qu’elle séduise un chef américain de la trempe d’un Alan Gilbert, qui l’a dirigée avec les orchestres de San Francisco, Chicago et Philadelphie.  Cela dit, même quand les jeux de couleurs virevoltent avec virtuosité, les effets « planants » précédemment constatés dans King Tide, les trames sonores à la Ligeti ne sont jamais loin et se superposent ou alternent avec les éclats fusant de toutes parts.  Les pièces s’additionnant, on en vient à penser que la démonstration de griserie orchestrale  apparaît comme une fin en soi, et que le contenu cède le pas à l’étalage de la palette la plus brillante, d’autant que le goût de certains procédés enivrants – peut-être même soûlants – se répète.

Quoi qu’il en soit, sous trois baguettes différentes mais chacune d’un savoir-faire incontestable en son genre, l’Orchestre philharmonique royal de Stockholm montre à quel niveau de perfection, dans le jeu de chacun de ses groupes comme dans sa cohésion d’ensemble, il est parvenu.

 

 

 

Jean SIBELIUS : La Tempête op. 109 (Ouverture et les deux Suites de concert), Le Barde op. 64, Tapiola op. 112.  Orchestre symphonique de Lahti, dir. Okko Kamu.  BIS-SACD : 1945.

Souvenez-vous : en 1969, le jeune Okko Kamu remportait le premier Prix Herbert von Karajan de direction d’orchestre, et le maître l’invitait à partager avec lui l’affiche d’un gros coffret DGG consacré à Sibelius.  Violoniste, il avait observé l’art de la direction depuis son siège de musicien d’orchestre.  Après cet éclatant début, Okko Kamu privilégia les engagements dans l’aire nordique (une santé fragile en serait la cause, dit-on) et il vient cet automne de prendre la direction de l’orchestre de Lahti qu’Osmo Vänskä, en vingt ans de travail, avait porté vers des sommets, et vers une haute spécialisation sibélienne.  C’est dire que tous les facteurs se conjuguent pour donner à ce disque l’accent le plus idiomatique possible.  Le programme aborde le Sibelius crépusculaire des derniers ouvrages (1925-26) avant le silence définitif que lui-même s’imposa. Seul Le Barde est antérieur (1913), mais dans l’esprit, il préfigure cette phase ultime qui concentra l’expression autour d’un matériau thématique volontairement resserré.  S’ensuit une forme d’immobilité psychique par-delà le mouvement des éléments (or le vent affirme sa présence, tant dans La Tempête, que dans la forêt de Tapiola !).  Une certaine tristesse étend son voile sur ces pages tardives, comme si, Jean Sibelius s’éloignant du monde, il nous laissait pressentir le silence à venir.  Okko Kamu donne une lecture très intériorisée de ces climats.  Malheureusement, la prise de son déçoit par un manque de définition et de relief.

 

 

 

 

Uljas PULKKIS (°1975) : On the Crest of Waves ; Tales of Joy, Passion and Love* ; Vernal Bloom.  Kari Krikku (clarinette) & Gabriel Suovanen (baryton)*, Tampere Philharmonic Orchestra, dir. Hannu Lintu.  Ondine : ODE1176-2.

Issu de « l’école Panula », Hannu Lintu a déjà livré de nombreuses contributions à la musique contemporaine.  Il se met aujourd’hui au service d’un tout jeune compositeur finlandais, lequel commença par se rallier à l’école spectrale (il en reste une manie un peu puérile d’arpéger la succession des premiers sons harmoniques), avant d’enclencher la marche arrière, comme tant de musiciens de notre curieuse époque.  Uljas Pulkkis se complaît désormais dans les références postromantiques et impressionnistes, mais on lui reconnaîtra de le faire avec autrement plus de talent que bien d’autres.  Sur la crête des vagues (2003) peint sept tableaux (enchaînés) de marine ; Pulkkis revendique l’influence de Richard Strauss : elle est tout de même un peu trop audible dans les premier et sixième tableaux, mais on en passe bien par celle de Gustav Holst (Les Planètes) au cinquième, alors...  Les cordes chatoyantes caressent l’oreille, la maîtrise de l’orchestration à des fins d’art pictural est incontestable, et on se laisse emporter par les vagues.  La Floraison printanière (2008) fait allusion à l’âge des exécutants auxquels elle était destinée : Pulkkis dit avoir eu à cœur d’écrire des parties intéressantes pour tous les groupes de l’orchestre de jeunes chargé de créer sa partition.  Mais la palette de l’orchestrateur semble tenir lieu d’argument.  Une plus grande originalité ressort de la pièce maîtresse du disque : les Contes de Joie, de Passion et d’Amour (2005/2010) ; dans ce vaste concerto pour clarinette,  la souplesse d’instrumentation que l’on avait remarquée au fil  des pages « marines » progresse encore : des rubans musicaux serpentent élégamment du soliste aux divers pupitres de l’orchestre, mus par le même tracé fluide, les mêmes agiles entrelacements que des vols d’hirondelles se croisant dans le ciel.  Kari Krikku, interprète lui aussi réputé de musique contemporaine, parcourt allègrement le vaste spectre de la clarinette.  Deux collègues de l’orchestre viennent se joindre à lui pour le mouvement central qui se transforme en concerto pour... trois clarinettes ; mais ce n’est pas fini : le dernier mouvement devient un concerto pour baryton, chantant (en anglais) un poème de Thomas Moore, tandis que le clarinettiste l’enlace de ses flexibles évolutions.  On déplore quelques longueurs dans le volet central, mais l’oreille demeure captivée par les incessantes trouvailles d’instrumentation. L’orchestre de Tampere virevolte avec aisance dans ces pages qui le mettent en valeur.  La Finlande est décidément le paradis des compositeurs, qui s’y voient offrir des conditions de vie et de création stimulantes, mais aussi des interprètes de rêve.

 

 

Sylviane Falcinelli.

 

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VIOLON

Nikolaï MIASKOVSKY : Sonate op.70 pour violon & piano.  « 20e siècle », Le Chant du Monde (pianco@chantdumonde.com) : VP 4786.  48 p. (+ fascicule violon : 17 p.).

Le Chant du Monde poursuit son édition des œuvres de Nikolai Miaskovsky (1881-1950) avec son unique Sonate pour violon & piano en fa majeur, op. 70, composée en 1946, soit 4 ans avant sa mort.  Élève en composition de A. Liadov et en orchestration de N. Rimski-Korsakov, cet « artiste du peuple de l’URSS » a enseigné la composition au Conservatoire de Moscou, de 1921 à sa mort.  L’Allegro animato, après une introduction de 9 mesures au piano, confère au violon une mélodie chantante. Le Tema, Andante con moto e molto cantabile, très rythmé, repose sur une structure d’accord parfait, donnant lieu à 12 variations, la dernière servant de finale avec brio, se terminant ff.  De difficulté progressive, spéculant sur les oppositions de nuances et sur la virtuosité (nombreux traits de triples croches), cette Sonate requiert une technique violonistique et un accompagnateur chevronnés.

 

 

 

GUITARE

Charles EWANJÉ ÉPÉE : African Strings. Berceuse à Morgane  pour guitare. « 20e siècle », Le Chant du Monde (pianco@chantdumonde.com) : FG 4785. VP 4786.  6 p. 

De longue date, Charles Ewanjé Épée, d’origine camerounaise, professeur de guitare et de solfège, féru de musique classique et de jazz, affirmant son « afritude artistique », vise à léguer à la postérité une œuvre écrite (et non de simple tradition orale ou enregistrée).  Ce fascicule comprend African Strings, bien gravé, avec toutes les indications concernant l’interprétation à la guitare, page évoluant essentiellement en doubles croches et occasionnellement avec des traits de triples croches.  Il en est de même de la courte Berceuse à Morgane, légèrement syncopée.

 

 

 

PIANO

Oscar STRASNOY : Bloc-notes d’Ephemera (2).  Sept petites pièces pour deux pianos.  « 21siècle », Le Chant du Monde (pianco@chantdumonde.com) : PO 4564.  65 p.

Oscar Strasnoy, invité d’honneur — du 13 au 22 janvier 2012 — au Festival de Création musicale de Radio-France (Théâtre du Châtelet), à la fois compositeur, chef d’orchestre et pianiste, est né le 12 novembre 1970 à Buenos-Aires. Depuis ses études aux Conservatoires de Paris et Francfort, titulaire de nombreuses distinctions, il assume une carrière internationale. Auteur de nombreuses œuvres scéniques, il a aussi écrit pour son instrument, entre autres, deux volumes intitulés : Bloc-notes d’Ephemera. Le second propose Sept petites pièces pour deux pianos : Valse, Peri, Rock, Mélodie, Épisode, Pinball, Twist. À cause de sa lecture difficile et des débauches de jeux rythmiques complexes, chaque pianiste doit faire preuve paradoxalement à la fois d’une indépendance totale pour sa partie et d’une sujétion à l’autre. Sans sens inné du rythme : s’abstenir. « Petites pièces » certes, mais de grande exigence technique, permettant toutefois d’enrichir le répertoire pour 2 pianos.

 

 

 

CHŒUR

Pierre CHOLLEY :  Alouette.  Il était un petit navire.  Gentil coquelicot.  Il court le furet.  Chœur mixte a cappella.  Le Chant du Monde (31-33, rue Vandrezanne, 75013 Paris), 2011.  VO4805 (10 p.), 9,50 €.  VO4806 (9 p.), 9,50 €.  VO4807 (5 p.), 7 €.  VO4808 (6 p.), 7 €.

Ces 4 nouveautés pour chœur a cappella font partie de la collection « Musique au Val-de-Grâce », groupant des œuvres commandées et créées par l’ensemble vocal professionnel La Chapelle-Musique du Val-de-Grâce dirigé par Étienne Ferchaud.  Les 4 partitions très élaborées reprennent des chansons françaises traditionnelles sur des mélodies chantées par tant de générations.  Toutefois, Pierre Cholley les exploite non pas dans une harmonisation note contre note, mais dans le langage musical de notre temps, avec des interjections répétées, des répétitions de mots, des entrées successives, des changements de tonalité, de mesure et de tempo que, seul, un chœur chevronné, rompu à la volubilité, pourra interpréter fidèlement aux intentions du compositeur.  Excellente initiative à l’honneur du Val-de-Grâce et du Chant du Monde.

 

                 

 

Édith Weber.

 

 

FORMATION MUSICALE

Alain A. ABBOTT : 53 textes d’harmonie.  Delatour : DLT1080.

Écrire des textes d’harmonie sous la forme traditionnelle des quatre clés tout en en faisant des petites pièces musicales, tel est le défi que s’est lancé l’auteur en nous présentant ces textes répartis en trois cahiers : un premier de 12 textes assez faciles, un deuxième et un troisième plus difficiles qui comportent des clins d’œil à différents auteurs du répertoire, de Bach à Poulenc, et à quelques autres… L’humour n’est donc pas absent de ces textes qu’on pourra utiliser de bien des manières selon l’humeur.

 

 

 

PIANO

SCHUBERT : Impromptus  op. 90 – D 899, op. post. 142 – D 935. Bärenreiter Urtext : BA 9648.

Cette édition, réalisée par Walther Dürr comporte de précieuses indications d’interprétation ainsi que des doigtés de Mario Aschauer. Comment ne pas se réjouir de posséder dans une édition critique aussi soignée les chefs-d’œuvre que sont ces deux recueils d’impromptus. Comme à l’habitude, une copieuse préface donne toutes les indications sur les circonstances de la composition des œuvres ainsi que sur les sources qui ont servi à cette édition. Les précisions sur la manière d’interpréter l’ornementation de Schubert sont particulièrement précieuses et pertinentes.

 

 

 

SCHUBERT : Moments musicaux op. 94 – D 780. Bärenreiter Urtext : BA 9647.

Les mêmes contributeurs ont également réalisé cette édition de ces célèbres moments musicaux toujours aussi précieux à entendre. Comme pour les Impromptus, les éditeurs nous donnent les clés d’une interprétation de ces pièces et spécialement de l’ornementation toujours très présente et dont l’exécution est parfois, hélas, si fantaisiste. Cette nouvelle édition, n’en doutons pas, deviendra l’édition de référence pour tout interprète.

 

 

 

André RIOTTE : Broutilles.  12 petites pièces pour piano. Delatour : DLT1704.

De niveau assez facile à moyen, selon les pièces, ces Broutilles ne sont pas d’abord des pièces pédagogiques mais de petits tableaux qui ont d’ailleurs été donnés en concert. On aimera particulièrement la variété et le charme qui se dégage de cette partition.

 

 

 

Joseph CONCONE (1801-1861) : 20 Études pp. 30 pour piano revues et doigtées par Alain A. Abbott. Delatour : DLT1089.

Bien sûr, ce ne sont pas les Études de Chopin.  Et A. Abbott ne nous le cache pas. Mais elles sont fort estimables et pourront rendre service aux pianistes de différents niveaux (facile à moyen) désireux de perfectionner leur technique tout en changeant un peu leur répertoire d’études.

 

 

 

David REYES : Promenades  pour piano. Delatour : DLT1363.

Le compositeur nous propose ici trois petites promenades musicales qui nous invitent à flâner sur un rythme de valse lente, de sicilienne ou de romance. Invitations au voyage imaginaire, elles n’offrent pas de difficulté majeure et s’adressent donc à un niveau assez facile à moyen.

 

 

 

ORGUE

Bruno de SAINT-MAURICE : 5 Bagatelles  pour orgue. Avec CD. Delatour : DLT1436.

Ces cinq courtes pièces portent bien leur nom. Techniquement de moyenne difficulté, elles demandent un instrument riche en timbres tel que celui de Saint-Antoine des Quinze-Vingts sur lequel a été enregistré par Éric Lebrun le CD joint à la partition. Pas d’indication de registration sur la partition : il suffira d’écouter le CD pour pouvoir adapter à son propre instrument ces Bagatelles si riches en couleurs diverses.

 

 

 

VIOLONCELLE

Nicolas VIEL : Galop burlesque pour violoncelle & piano. Delatour : DLT1899.

Voilà une joyeuse et fantasque évocation du cirque dans un langage à la fois traditionnel et un peu « décalé » : écriture modale et rythmes syncopés. Cette œuvre pleine d’humour sans grande difficulté fera le bonheur des violoncellistes.

 

 

 

HAUTBOIS

Bernard de VIENNE : Sillage  pour hautbois seul. Dhalmann : FD0337.

Laissons parler l’auteur : « Un titre qui est une invitation au voyage, pour une musique riche, foisonnante expressive. Celle-ci, animée de l’esprit des musiques improvisées (européennes ou non-européennes), est à interpréter avec fantaisie, simplicité et fraicheur et doit donner du plaisir à jouer et à entendre ». Ce beau programme s’effectue dans un langage faisant appel à toutes les techniques contemporaines de l’instrument qui mène l’instrumentiste à la limite de ses possibilités : la pièce est classée « Très difficile »…

 

 

 

CLARINETTE

Francis COITEUX : En canoë  pour clarinette sib & piano. Delatour : DLT1878.

Construite comme une petite sonate en trois mouvements, cette œuvre assez facile nous promène au fil de l’eau, passant d’un allegretto à un Andante charmeur pour se terminer par un allegro où l’on imagine les rameurs pris d’une soudaine envie de gagner une course… On confiera cette partition à un élève de fin de premier cycle.

 

 

 

SAXOPHONE

Bernard de VIENNE : Blog.  Saxophone alto. Dhalmann : FD0297.

Ce Blog constitue une sorte de rhapsodie que l’interprète devra s’approprier pour en faire un véritable discours personnel. De style très lyrique, il fait appel aux techniques modernes de l’instrument mais reste néanmoins abordable pour des élèves de niveau moyen à difficile.

 

 

 

TROMPETTE

Francis COITEUX : La Belle Andalousepour trompette sib & piano. Delatour : DLT1877.

Paso-doble, habanera, séguedille, tous les rythmes typiques de l’Andalousie sont présents pour cette évocation fort réussie de l’Espagne telle que nous l’imaginons. Cette Belle Andalouse pourra séduire tant les élèves que leurs auditeurs par exemple dans une audition ou un examen de fin de premier cycle.

 

 

 

Marcel CHAPUIS : Artaban  pour trompette sib ou ut (ou cornet) & piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.2200.

Fier comme Artaban… Le dicton correspond bien au caractère martial de cette pièce, même si elle comporte aussi des passages plus lyriques. Une musique sans histoire mais bien plaisante et pleine de vie. Saluons au passage le fait que la partie de trompette en sib est transcrite en ut au dessus de la partie de piano. Merci pour le pianiste !

 

 

 

TROMBONE

Alexandre RYDIN : Suite américaine pour trombone & piano. Delatour : DLT1397.

Composée de trois pièces, explorant les rythmes caractéristiques du pays, cette œuvre n’engendre pas la mélancolie ! De moyenne difficulté, aussi bien pour le trombone que pour le piano, cette Suite peut figurer avec bonheur dans une audition ou un concert d’élèves.

 

 

 

Francis COITEUX : En croisière  pour trombone & piano. Delatour : DLT0924.

De niveau moyen, cette très agréable croisière se termine par un charmant slow-rock un rien dépaysant : peut-être l’évocation d’une soirée dansante. La croisière s’amuse !

 

 

 

COR

Thierry DELERUYELLE : Cristal pour cor en fa (ou mib) & piano. Élémentaire. Lafitan : P.L.2045.

C’est au pianiste que revient le « cristal » des doubles croches dans l’aigu. À lui de ne pas écraser son accompagnement mais de savoir le rendre transparent… Cette pièce fort jolie comporte une partie centrale plus rythmée mais non moins cristalline à travers, cette fois-ci des accords lumineux. Pas vraiment facile, cette pièce demandera aux deux interprètes beaucoup de goût et de recherche de timbre.

 

 

 

BASSES

Marcel CHAPUIS : Gospel Spirit pour saxhorn basse (ou euphonium) & piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.2261.

D’une durée relativement importante (4’20), cette œuvre, dans l’esprit du « gospel », comporte des aspects variés, alliant les rythmes caractéristiques de ce genre à des parties plus lyriques qui mettent en valeur toutes les facettes de l’instrument.

 

 

 

Rémi MAUPETIT : Leçon… le son pour saxhorn basse/euphonium/tuba & piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.1997.

Comme son titre l’indique, cette œuvre est destinée à mettre en valeur le « son », c'est-à-dire la musicalité et les qualités expressives de l’interprète à travers un discours plein de charme et de finesse. Les nombreuses indications expressives figurant sur la partition devraient aider l’élève à saisir toutes les nuances de timbre qu’il est appelé à mettre en œuvre.

 

 

 

Rémi MAUPETIT : Pile ou face pour saxhorn basse/euphonium/tuba & piano. Élémentaire. Lafitan : P.L.2074.

Cette courte pièce syncopée mettra à l’épreuve toutes les qualités musicales de l’interprète, aidé en cela par les nombreuses indications figurant sur la partition. Les rythmes divers donnent beaucoup de variété et de fantaisie au discours instrumental mais ne seront pas forcément faciles à mettre en place. Le piano, qui marque les temps sera une aide précieuse…

 

 

 

Max MÉREAUX : Intermède  pour saxhorn basse/euphonium/tuba & piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.2273.

Cet Intermède déroule une jolie phrase musicale très lyrique traitée comme un choral qui se termine, avant la reprise du thème, par une cadence expressive : l’auteur utilise des moyens simples qui demanderont d’autant plus de qualités musicales aux interprètes. La partie de piano, très facile techniquement, demande une grande connivence entre eux.

 

 

 

PERCUSSIONS

Bernard de VIENNE : Checkpoint II.  Marimba solo. Dhalmann : FD0344.

Véritable œuvre, et non pas « œuvre pédagogique », cette pièce volontairement simple techniquement ne cède à aucune facilité d’écriture.  L’auteur demande un respect scrupuleux de la partition écrite, « sans ajouter ou retrancher quoi que ce soit ». Une œuvre exigeante, donc, mais destinée à un niveau débutant/moyen.

 

 

 

Arletta ELSAYARY & Bernard ZIELINSKI : Danse avec le vent.  Caisse claire & piano, pour le premier cycle.  Dhalmann : FD0343.

Voici une jolie pièce où deux parties à la fois vivantes et un peu mélancoliques dans leur tonalité de do mineur enchâssent un do majeur lumineux. On y sent comme un souvenir d’Europe Centrale. La partie de piano pourra être confiée sans problème à un élève.

 

 

 

Lin Chin CHENG : Noriyoune.  Marimba solo. Dhalmann : FD0276.

Cette œuvre tonale est dédiée à deux amis du compositeur. Classée dans un niveau moyen-difficile, elle est pleine de charme et de légèreté dans un tempo très rapide et des mesures très diverses, notées à la croche, ce qui n’empêche pas un lyrisme certain.

 

 

 

Bernard ZIELINSKI & Michel NIERENBURGER : Cœur de batteur.  Pièce pour batterie & piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.2152.

Préparatoire ? Pour le batteur, sans doute, mais pas pour le pianiste qui a un rôle très important dans cette pièce écrite dans un langage certes tout à fait tonal, mais très joliment modulant.  Il y a un vrai dialogue entre piano & batterie qui demande une grande entente entre les interprètes. Il s’agit donc d’une musique tout à fait intéressante à laquelle on souhaite beaucoup de succès.

 

 

 

MUSIQUE D’ENSEMBLE

Thérèse BRENET : Petite suite pour monsieur Ré# et mademoiselle Mib.  Pour 8 saxophones & harpe facultative. Delatour : DLT0767.

Quoique facultative, la harpe manquerait à l’ensemble si elle n’était pas là.  Inspirée par une charmante nouvelle de Jules Verne parue en 1893, qui met en scène un musicien fou apportant la perturbation dans la maîtrise d’un paisible village suisse, cette œuvre en cinq « actes » divers, à la fois inquiétante et mystérieuse demande, de la part des interprètes, un niveau technique assez solide (moyen/avancé).  Intéressante par elle-même, elle peut servir de base à une réflexion sur la musique sous tous ces aspects.

 

 

 

Thomas RAVENSCROFT (Éditeur) : Rounds or catches.  Canons de la Renaissance anglaise, pour 3 à 11 instruments en clé de sol.  Choix & transcription : Daniel Massard, Véronique Lafargue. Combre : C06735.  Mêmes pièces pour instruments en clés de fa et d’ut : C06736.

Voilà deux recueils qui couvrent tous les besoins des professeurs désireux de faire débuter leurs élèves instrumentistes en musique de chambre. Thomas Ravenscroft n’est pas l’auteur mais l’éditeur de ces pièces. La préface explique à la fois le but recherché par cette publication et donne les conseils de mise en œuvre. Ajoutons que ces pièces, à l’origine vocales, nous sont données avec leurs paroles originales, car elles peuvent, bien entendu, être aussi chantées !

 

  

 

 

David REYES : Valses maritimespour violon solo & orchestre à cordes. Delatour : DLT1366.

Voici trois valses aux titres évocateurs : « Vague valse », «Valse pour mille eaux » et « Valse des piranhas ». Non, l’orchestre ne mange pas le soliste à la fin de la dernière pièce !  De niveau moyen à avancé, ces trois valses pleines de charme offrent des caractères variés : la première est un peu mélancolique, la deuxième plus agitée et la dernière carrément tumultueuse…  L’orchestre est composé du simple quatuor, sans contrebasse.  Ajoutons qu’est fourni, avec le conducteur, un très abondant matériel d’orchestre.

 

 

 

David REYES : 3 Quatuor(s) à cordes.  Delatour : DLT1365.

Ces trois pièces n’ont pour point commun que de faire partager diverses émotions.  Pleines de sensibilité et de lyrisme, elles s’adressent à des interprètes de niveau moyen.

 

 

 

Joseph-Ermend BONNAL : Petit poème pour alto, violon & piano. Delatour : DLT0974.

Écrit en 1909, ce Petit poème nous propose une structure en trois parties. On appréciera le langage original d’une œuvre à la fois lyrique et passionnée, abordable par des instrumentistes de niveau moyen à avancé. Ce pourra être l’occasion de faire jouer à des élèves la pièce d’un compositeur méconnu.

 

 

 

OPÉRA

Jean-Philippe RAMEAU : Zaïs, ballet héroïque en un prologue & quatre actes, livret de Louis de Cahuzac.  Édition de Graham Sadler.  Société Jean-Philippe Rameau : SJPR-OOR IV-XV. Distr. Bärenreiter.  Conducteur : BA 8856.  Réduction piano & chant par François Saint-Yves : BA 8856a.

On reste confondu devant le travail éditorial qui a été ici accompli avec le concours de « Musica Gallica » et du ministère de la Culture. Et réjouissons-nous que Bärenreiter ait pris en charge la diffusion et la distribution mondiale de ce monument.  La partition intégrale contient également les variantes intervenues au cours des révisions faites par Rameau au fur et à mesure de la représentation de l’œuvre.  Mais elle contient également une préface ainsi qu’une introduction quasi exhaustive (si cela est possible) sur la composition, le livret, les représentations… bref sur tout ce qui concerne cette œuvre si importante d’un compositeur français très révéré mais point encore assez connu.  La réduction piano & chant contient une préface intéressante, mais succincte. On privilégiera donc, pour une connaissance approfondie de cette œuvre, la magistrale édition intégrale.

 

 

Daniel Blackstone.

 

 

PIANO

Alexander ROSENBLATT : Swan Lake.  Suite-fantaisie sur des thèmes de la Suite op. 20 de Tchaïkovski.  Schott (www.schott-music.com) : ED 21174.  23,1 x 30,3 cm, 72 p. 19,99 €.

Au sommaire de cette heureuse « Fantaisie » : Naples Dance / Adagio / Dance of the Little Swans / The Main Theme / Black Swan (Pas de deux).  Niveau : Avancé.

 

 

 

Julia SUSLIN (Sélection & édition par) : Œuvres pour piano à quatre mains.  Trois volumes.  Belaieff (www.belaieff-music.com).  Distr. Schott (www.schott-music.com).  25,95 € (le volume).

Il s’agit là d’œuvres originellement composées pour le quatre-mains, plus quelques arrangements de mélodies populaires.  Le 1er volume (81 pièces, 134 pages : BEL 752.10) est de niveau « facile à avancé ».  Le 2e volume (19 pièces, 106 pages : BEL 752.20), de niveau « intermédiaire à avancé ».  Le 3e volume (11 pièces, 104 pages : BEL 752.30), de niveau « avancé à difficile ».  Extrême diversité des compositeurs, de la période classique au XXe siècle (allemands, français, russes, tchèques…).

 

          

 

 

Kenneth HESKETH (°1968) : Through Magic Casements.Schott (www.schott-music.com) : ED 13393.   23,1 x 30,3 cm, 10 p.

Le titre de cette œuvre fait référence à un poème de John Keats, Ode to a nightingale, qui peut être lu en regard de l’exécution musicale.  Niveau : Avancé (de par, notamment, son agogique extrêmement différenciée).

 

 

 

Eduard PÜTZ (1911-2000) : Let’s swing Mr. Bach !  6 pièces pour piano dans le style « Play-Bach ».   Schott (www.schott-music.com) : ED 8003.   23,1 x 30,3 cm, 20 p.

Manière d’hommage au Play Bach de Jacques Loussier, mais à visée pédagogique cette fois, cet album rebaptise quelques thèmes célèbres du Kantor : When Mr. B. goes marching in / Invention in C / Invention in blue / Interlude / Siciliano / Invention in F.  Remarquablement écrit.  Niveau : Facile à moyen.

 

 

 

Carsten GERLITZ (Arrangements par) : Movie Classics 2.  Seize thèmes à succès du cinéma.  Schott (www.schott-music.com) : ED 21124.   23,1 x 30,3 cm, 76 p.  CD inclus. 17,99 €.

Après le succès de Movie Classics 1, il n’est pas improbable que ce 2e volume connaisse le même retentissement.  Outre la partition de piano, chaque titre comporte chiffrages d’accords, plus éventuelles paroles. Thèmes des films : Dirty dancing / Flashdance / Pretty woman / Top gun / Mad Max III / Singin’ in the rain / Fantasia (P. Dukas) / The pink panther / Lady in red / Deep blue / 9 ½  weeks / As it is in heaven / The man who knew too much / Robin Hood / Twilight (Cl. Debussy).  Niveau : Facile à moyen.

 

 

 

FLÛTE

Gabriel FAURÉ : Fantaisie pour flûte & piano  op. 79. Schott (www.schott-music.com) : FTR 221.   23,1 x 30,3 cm, 16 p.  9,99 €.

Il s’agit là de l’édition Urtext de cette célèbre pièce (dédiée au grand flûtiste Paul Taffanel).  Deux parties : ample andantino, allegro ludique.

 

 

 

Dirko JUCHEM : 16 Wonderful Christmas Melodies.  Pour flûte & piano. Schott (www.schott-music.com) : ED 21180.   23,1 x 30,3 cm, 100 p.  CD inclus. 19,99 €.

Un « must » pour tous les flûtistes, fussent-ils mécréants !  Difficulté : « Facile à intermédiaire ».  Avec paroles originelles et chiffrages d’accords.

 

 

 

Louis DROUET (1792-1873) : Trois petites sonates, pour deux flûtes. Schott (www.schott-music.com) : FTR 213.   23,1 x 30,3 cm, 34 p.  11,99 €.

Prolifique compositeur pour la flûte (quelque 445 numéros d’opus), le Néerlandais Louis Drouet a également laissé une méthode pour l’instrument, à laquelle appartiennent ces Trois petites sonates - de facile ou moyenne difficulté.  Harmonisées par Gottfried Bach, elles existent aussi en version flûte & piano (FTR 212. 13,99 €).

 

 

 

CLARINETTE

Rudolf MAUZ : École de la vélocité.  Clarinette seule.  Schott (www.schott-music.com) : ED 20953.   23,1 x 30,3 cm, 84 p. 14,99 €.

Conçu pour améliorer la technique des doigts & de la langue (Honni soit qui mal y pense !), ce volume contient une série d’exercices de base et d’études ad hoc.  Difficulté : Facile à intermédiaire.

 

 

 

Willy SCHNEIDER : Die schönsten Weihnachtslieder.  Pour une ou deux clarinettes. Schott (www.schott-music.com) : ED 21156.   23,1 x 30,3 cm, 32 p.  CD inclus.

Vingt-deux célèbres noëls composent cette anthologie pour clarinettistes encore peu chevronnés (textes allemands ou anglais inclus).  Niveau : Facile à moyen.

 

 

 

FLÛTE À BEC

Danses baroques  pour flûte à bec soprano (avec 2nde partie supplémentaire).  Schott (www.schott-music.com) : ED 20652 (en allemand), ED 20652-01 (en anglais).   19,1 x 27,4 cm, 32 p., ill. n&b, CD inclus.  13,95 €.

Danses de la Renaissance (ca 1420-1600) et du Baroque (ca 1600-1750) ont été ici réunies en florilège - pour notre plus grand plaisir !  Branles, Basses danses, Pavanes, Gaillardes, Sicilienne, Allemandes, Courantes, Sarabandes, Marches, Gigues, Menuets, Chaconne, Passepied, Hornpipe…

 

   

 

 

SAXOPHONE

Raaf HEKKEMA (1968) : Suite  pour saxophone alto (ou autres saxophones) seul.  Schott (www.schott-music.com) : ED 20972.   23,1 x 30,3 cm, 12 p.  12,99 €.

Originellement écrite pour le basson (1992), cette suite a été ici transcrite par le compositeur lui-même (2009).  S’inspirant des Suites à la française de Bach, l’œuvre se divise en Prélude, Allemande, Courante, Sarabande, Menuet et Gigue.  Pour instrumentistes aguerris.

 

 

 

TROMBONE

Richard AYRES : N°24  (NONcerto pour trombone alto & petit ensemble), 1995.  « Musique de notre temps »,  Schott (www.schott-music.com) : ED 13466.   21 x 29,5 cm, 28 p.  17,99 €.

Il s’agit là de la partition d’étude de ce « NONcerto » (?) qui, outre le soliste (et ses 6 sourdines), fait intervenir flûte & piccolo, clarinette basse, piano, deux violons et contrebasse.  En quelques lieux choisis de la partition, pianiste et instrumentistes à cordes sont, en outre, invités à chanter  - aussi fort & rudement que possible sur : « da, da, da », « di, di, di » voire « doo, doo, doo »…

 

 

 

VIOLON ALTO

Krzysztof  PENDERECKI (°1933) : Tanz  pour alto solo.  Schott (www.schott-music.com) : VAB 75.   21 x 29,5 cm, 1 p.  4,50 €.

Transcription de la partition originelle pour violon, cette pièce enrichit assurément le répertoire par trop limité de l’alto.

 

 

 

VIOLONCELLE

Max REGER (1873-1916) : Romanze  pour violoncelle & piano.  Schott (www.schott-music.com) : ED 21221.   21 x 29,5 cm, 4 p.  5,99 €.

Écrite originellement pour le violon, cette  charmante Romance en sol majeur fera la joie de bien des violoncellistes.  De moyenne difficulté.

 

 

 

Eduard PÜTZ (1911-2000) : Adagietto  pour violoncelle & piano.  Schott (www.schott-music.com) : CB 233.   21 x 29,5 cm, 12 p.  9,99 €.

Enseignant et compositeur fécond, Eduard Pütz a ici écrit une superbe mélodie, d’accès aisé (sauf pour le pianiste…).

 

 

 

GUITARE

Joaquín TURINA (1882-1949) : Fandanguillo op. 36 (GA 548) / Homenaje a Tárrega op. 69 (GA 549) / Ráfaga op. 53 (GA 550) / Sonata op. 61 (GA 551).  Schott (www.schott-music.com).  21 x 29,5 cm.

Il s’agit là de l’édition Urtext de quatre célèbres pièces pour guitare du grand compositeur espagnol.  De référence.

 

          

 

 

MUSIQUE RELIGIEUSE

Vytautas MIŠKINIS (°1954) : Missa brevis Sancti Martini  pour chœur 4 parties, à voix égales (SSAA), & orgue.  Schott (www.schott-music.com) : ED 9914.   23,1 x 30,3 cm, 44 p.  10,99 €.

 

 

 

 

Nino ROTA (1911-1979) : Tota pulchra es.  Motet pour soprano, ténor & orgue (1961). Schott (www.schott-music.com) : ED 20970.   23,1 x 30,3 cm, 8 p.  7,99 €.

De la plume du célèbre compositeur de quelque 170 musiques de film (notamment pour Fellini), mais aussi de 5 opéras, voici un bref motet - fort mélodique, certes - mais qui n’en nécessitera pas moins un chœur expérimenté.

 

 

 

MUSIQUE DE CHAMBRE

Robert SCHUMANN (1810-1856) : Rêverie  pour quatuor à cordes (contrebasse ad lib.), op. 15/7.   Schott (www.schott-music.com) : ED 21044.   23,1 x 30,3 cm, 3 p. (+ parties séparées).  4,95 €.

Habilement arrangée par Wolfgang Birtel, cette célèbre pièce (extraite des Scènes d’enfants op. 15) permettra à bien des jeunes instrumentistes de s’initier à la musique d’ensemble.  Difficulté : Intermédiaire.

 

 

 

Johanna SENFTER (1879-1961) : Petit trio facile.  Trio avec piano, op. 134.  Schott (www.schott-music.com) : ED 21159.   23,1 x 30,3 cm, 16 p. (+ parties séparées).  14,99 €.

Élève de Max Reger, la compositrice Johanna Senfter fut une éminente représentante du postromantisme. On redécouvre aujourd’hui son œuvre – considérable…  Le présent trio, pour violon, violoncelle & piano, comporte 3 mouvements : Menuet, Sarabande et Gavotte.

 

 

 

Sir Peter MAXWELL DAVIES (°1934) : Deux nocturnes.  Quatuor avec piano (2010).   Schott (www.schott-music.com) : ED 13420.   23,1 x 30,3 cm, 7 p. (+ parties séparées).  11,99 €.

Composés comme un hommage à Chopin et… à  J. S. Bach, ces deux Nocturnes (Adagio molto, l’un et l’autre) s’adressent à des instrumentistes de très bon niveau.

 

 

 

ORCHESTRE

Jean-Sébastien BACH : L’Offrande musicale.  Partition d’orchestre. Schott (www.schott-music.com) : ED 20525.   23,1 x 30,3 cm, 128 p.  39,99 €.

Ce conducteur présente la version originale de la 1re édition de l’œuvre (BWV 1079, 1747). L’édition en revient au violoncelliste Hans-Eberhard Dentler : pour 2 violons, alto, 2 violoncelles, violone (contrebasse), orgue, flûte traversière & basson. Après l’examen théorique du problème de l’enchaînement des différents mouvements (in Johann Sebastian Bachs « Musicalisches Opfer » Mainz, 2008), l’auteur présente ses conclusions sous forme de partition. Sous trois volets : Musica Humana / Musica Instrumentalis / Musica Mundana.  Difficulté : « intermédiaire à avancé ».  Parties séparées également disponibles (ED 20525.10).

 

 

 

Sir Peter MAXWELL DAVIES (°1934) :  The Seas of Kirk Swarf  pour clarinette basse & cordes.  Schott (www.schott-music.com) : ED 13470.  21 x 29,7 cm, 28 p.  17,99 €.

Cette manière de petit concerto pour clarinette basse (en trois brefs mouvements enchaînés) se veut dépeindre le sauvage détroit qui sépare deux îles inhabitées des Holms of Ire – près desquelles réside le compositeur.

 

 

 

Joe HISAISHI : Minima Rhythm.  Partition d’orchestre.  Schott (www.schott-music.com) : SJH 001.  22,5 x 30,1 cm, 304 p.  39,99 €.

Bien connu pour ses musiques de films, Joe Hisaishi s’est également intéressé à la musique minimaliste.  Bien qu’écrites pour grand orchestre, les cinq œuvres ici réunies appartiennent à ce genre : Links / Sinfonia (Pulsation, Fugue, Divertimento) / MKWAJU 1981-2009 / The end of the world (Collapse, Grace of the St. Paul, Beyond the world) / DA.MA.SHI.E.  

 

Francis Cousté.

 

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Frédéric PLATZER : Abrégé de musique.  2e édition revue & augmentée.  Ellipses (www.edition-ellipses.fr), 2011.  397 p.   20,43 €.

Cette réédition, « revue, corrigée et augmentée », s’adresse aussi bien « à l’honnête homme mélomane qu’à l’étudiant » et, en particulier, aux candidats à l’option facultative du baccalauréat qui bénéficieront de la vaste expérience pédagogique de l’auteur. Le compendium (manuel) va droit au but et présente des éléments du langage musical : les structures (procédés d’écriture, formes et genres, à l’appui de nombreux exemples  musicaux et d’illustrations, un rapide survol historique allant du Moyen Âge à nos jours (y compris le jazz et le rock).  L’utilité d’un tel Abrégé pour la compréhension de la musique n’est pas à démontrer.

 

Édith Weber.

 

 

Christian ACCAOUI (et alii) :  Éléments d’esthétique musicale.  Notions, formes et styles en musique.  Actes Sud/Cité de la musique.  Substantielle bibliographie, index. 792 p. 39 €.

Les 101 entrées de ce dictionnaire rédigé par 18 spécialistes réunis autour de l’excellent Chr. Accaoui, principal contributeur, dessinent un vaste panorama de l’esthétique musicale comprise comme histoire des liens que le musical, dans toute sa technicité, tisse avec l’extra-musical. L’ouvrage travaille pour l’essentiel sur la musique savante occidentale, de Monteverdi au premier XXsiècle, même si certaines définitions (« Ethnomusicologie », « Moyen Âge » ou « Postmodernité ») ouvrent des perspectives plus larges.  Les notices traitent tour à tour des styles (précieuse synthèse d’H. Charbagi sur le surréalisme), des formes et genres, d’éléments techniques (rythme, timbre…), de questions de méthode (analyse, sociologie…) ou d’esthétique pure (le grotesque, le sublime…).  L’hétérogène de toute entreprise collective est évitée au mieux par le renvoi systématique à la séquence historique qui définit l’essence de la musique successivement comme nombre (Moyen Âge), imitation (âge classique) et formalisme (musique pure du romantisme et de l’époque moderne).  La cohérence se renforce encore de la place primordiale accordée à la rhétorique, de l’appel réitéré à certaines œuvres emblématiques (Ve Symphonie de Beethoven, Faust-Symphonie de Liszt…) ou de références bibliographiques privilégiées (Rousseau, philosophes et romantiques allemands, Schoenberg, Boulez, Goodman…).  Malgré quelques lacunes dans les renvois bibliographiques, ce volume, de lecture aisée, devrait rendre les plus grands services.

 

Paul Gontcharoff.

 

 

Jérôme DORIVAL : Une musicienne complète, Paule de Lestang (1875-1968).  Tempus Perfectum n°7.  Symétrie (www.symetrie.com). 21 x 29,7 cm, 28 pages illustrées, 6 €. Quel musicologue n’a pas dans sa bibliothèque l’un ou l’autre des livres de Léon Vallas sur Debussy, D’Indy, Franck ?  Mais on avait un peu oublié que cet infatigable organisateur de découvertes musicales eut pour compagne d’armes, puis pour épouse, une artiste plurielle, Paule de Lestang.  Jérôme Dorival, qui s’est illustré par son exhumation d’Hélène de Montgeroult, a exploré les archives lyonnaises sur ce couple hors du commun ; il fait revivre une interprète qui chantait, jouait du piano et agit comme l’une des promotrices de la redécouverte du clavecin, parallèlement à la (plus) célèbre Wanda Landowska (1879-1959).  Paule de Lestang se mit inlassablement au service des compositeurs de son temps, ne se limitant pas aux nombreux Français et Espagnols dont elle créa des œuvres vocales ou instrumentales (il n’était pas rare qu’elle chantât et jouât au cours d’un même programme, et on l’entendit même s’accompagner au clavecin dans quelque ariette !), mais diffusant aussi des pièces de Schoenberg, de maints compositeurs tchèques et russes, de quelques Américains, de Bartók et Kodály, etc. ; parallèlement, elle joua un grand rôle dans la remise au jour du répertoire des clavecinistes français du XVIIIe siècle.  On pénètre aussi la spontanéité de deux caractères bien trempés grâce à des correspondances inédites et à quelques extraits du journal manuscrit de Léon Vallas, dont on nous annonce une parution prochaine.  À y lire une formule aussi enlevée que celle-ci, sur le Liszt des Rhapsodies hongroises : « fâcheuse musique où l’on reconnaît pourtant la griffe du meilleur des beaux-pères », on peut s’attendre à une révélation épicée !  Jérôme Dorival a raison de méditer sur l’orientation plus tournée vers la création contemporaine qu’aurait prise l’enseignement de l’histoire de la musique au Conservatoire de Paris, si Léon Vallas (professeur d’histoire de la musique au Conservatoire de Lyon) avait obtenu la succession de Maurice Emmanuel comme le souhaitait ce dernier.

 

 

 

Jacques BONNAURE : Massenet.  10 x 19 cm., 186 p.  Actes Sud/Classica.  18 €.

Dans son récent Saint-Saëns pour la même collection, Jacques Bonnaure avait montré un réel talent pour faire revivre une époque autour de son sujet.  On retrouve ce charme de fin conteur dans son Massenet qui fait pièce aux détracteurs des récentes générations ayant snobé le compositeur pour de mauvaises raisons (ou pas de raisons du tout, d’ailleurs !).  On rendra grâce à l’auteur d’avoir consacré une place quasiment égale à tous les opéras de Massenet, soulevant ainsi le voile d’oubli qui a injustement recouvert de magnifiques partitions, et ne versant pas dans la facile glorification des quatre ou cinq ouvrages qui n’ont besoin de nulle plume pour leur réputation.  Par moments, un manque d’investigation musicale semble l’empêcher de compenser des impressions contestables probablement laissées par de médiocres interprétations : ainsi de son jugement difficilement compréhensible sur Sapho, chef-d’œuvre du naturalisme à la française, ou de son commentaire – certes sympathique – sur Cléopâtre, qui n’en passe pas moins à côté des traits les plus saillants de cet ultime ouvrage aux saisissants tréfonds psychologiques.  Car c’est là où le bât blesse : Jacques Bonnaure réhabilite élégamment des opéras que le public accueillerait fort bien si on les proposait plus souvent à son écoute, mais il est à court de mots et de descriptions proprement musicales pour définir ce qui distingue le génie massenétien et le place sur une pente plus moderniste qu’on ne le croirait après un siècle de stériles préjugés.   On eût aimé, en effet, lire quelques remarques pertinentes sur l’art de la prosodie qui inspira tant de successeurs, sur la richesse du tissu harmonique qui pare d’une identifiable signature la plupart des partitions, sur l’admirable « patte » d’orchestrateur du musicien, toujours à l’affût d’innovations organologiques.  En somme, le « pourquoi » et le « comment » de ce qui est proposé à notre admiration.  De surcroît, l’immense (et fondamental) corpus des mélodies n’est que survolé par quelques allusions à deux ou trois cycles.  L’autre manque de cette biographie, qui a par ailleurs puisé aux bonnes sources, touche à la psychologie du créateur.  En refermant le livre, on croit avoir parcouru une vie qui est presque « un long fleuve tranquille » d’auteur à succès enchaînant les opéras.  Rien qui nous introduise dans les états d’âme souvent bien sombres de l’homme (car il ne s’agit pas « d’épisode dépressif », comme sommairement évoqué p. 133) : pourtant la correspondance intime – si souvent révélatrice – est aujourd’hui accessible grâce au livre d’Anne Massenet (Jules Massenet en toutes lettres, Éd. de Fallois) ; quelques citations, sans excéder le format réduit du volume, en eussent projeté un éclairage autrement plus complexe.  Mais seuls les chercheurs ayant eu accès aux manuscrits de Massenet connaissent les bouleversantes plongées dans lesquelles nous entraînent les surprenantes exhalaisons – comme d’un journal intime – jetées en marge de ses portées musicales.

 

Sylviane Falcinelli.

 

 

Jean LACOUTURE : Carmen.  La révoltée.  Éditions du Seuil. 225 p. 18 €.

Un livre qui revient sur le personnage de Carmen et détaille son évolution depuis la Carmen de Prosper Mérimée, prisonnière résignée du destin, jusqu’à la Carmen de Bizet, libre et révoltée.  Un apprentissage de la liberté qui fournira au personnage sa dimension mythique.  L’accent est mis sur la transformation du contexte socio-politique et les relations franco-espagnoles, parallèles à cette évolution (contexte hispanisant du Paris de l’époque, dégradation des monarchies et avènement chaotique des libertés).  La publication par Mérimée en 1845 de la nouvelle, dans la Revue des Deux Mondes, aurait pour origine deux voyages du romancier remontant à 1830 et 1840, dates de la rencontre avec deux personnages féminins, la future princesse Eugénie et la sorcière Carmencita qui donneront corps au personnage.  En 1875, Georges Bizet, qui a lu Mérimée, entreprend une refonte de la gitane andalouse en insistant sur la teneur sociale et spirituelle de l’héroïne.  La résignation face au destin deviendra aspiration à la liberté.  Carmen de Bizet, sur un livret de Meilhac et Halévy est créé Salle Favart, avec un succés assez mitigé, tant cette image scandaleuse de la liberté en marche peut choquer les petits marquis poudrés, fidèles spectateurs de l’Opéra-Comique.  Un livre en partie résumé par ce jugement émis par Teresa Berganza, grande interprète du rôle : « Carmen est la femme émancipée, souveraine et maîtresse de toutes les décisions ». Voilà qui est court mais juste.

 

 

 

Raphaële VANÇON : Enseigner la musique : Un défi.  « Logiques sociales », L’Harmattan, 2011.  172 p. 17,50 €.

En cette époque de postmodernité triomphante, Raphaële Vançon, riche de son expérience  de musicienne-enseignante, interroge les rapports entre pouvoirs publics et art, et plus particulièrement, la politique culturelle menée par l’Etat, pour savoir si enseigner la musique constitue, aujourd’hui, un défi.  Pourquoi et comment enseigner la musique aujourd’hui ?  Telle est la question, replacée dans une perspective historique et non esthétique, tenant compte des conditions économiques et sociales, du rôle de vecteur identitaire et de cohésion sociale imparti à la musique, et de la nécessité de pratiques pédagogiques innovantes et adaptées.  Un livre un peu confus, et une vision un peu réductrice,  profondément ancrée dans l’immanence, mais  revendiquée par l’auteur.  Un livre qui intéressera tous les enseignants.

 

 

 

Julia LU & Alexandre DRATWICKI (Ouvrage coordonné par) : Le Concours du Prix de Rome de musique (1803-1968).  Symétrie, 2011.  904 p.  140 €.

Le Prix de Rome, décerné chaque année par l’Académie des Beaux-Arts, permettant le séjour du lauréat dans la mythique Villa Médicis, est une opportunité sans égal offerte à l’esprit créateur.  Reflet du versant « académique »  de l’art français, il récompensa les plus illustres musiciens français.  Le but de cet ouvrage est de rendre, à ce Prix de Rome, sa place dans le panorama institutionnel français, de faire la lumière sur son fonctionnement et ses objectifs, participant ainsi de la définition d’un « académisme » dans la musique romantique française.  Toutes les réponses à vos questions se trouvent dans ce volumineux livre, regroupant les contributions particulières de 32 chercheurs.  Dans une première partie, sont évoquées l’histoire de ses 165 années d’existence (1803-1968) l’évolution de la « Cantate de Rome », dont on compte plus d’un millier d’exemplaires entreposés à la BnF, et celle de l’ « Ouverture du Maître » qui lui fut secondairement attachée.  La deuxième partie traite de la liberté de créativité et d’innovation au sein du concours, de son retentissement politique, de son rôle dans la définition d’un art français et de l’influence du wagnérisme.  Une troisième partie est consacrée à Berlioz, ses infortunes, ses succès, ses contradictions.  La quatrième partie évoque l’après-concours, sous forme de rupture ou de prolongement, l’établissement dans la carrière, le soutien de l’État aux artistes récompensés, les difficultés de l’accès à la scène lyrique.  Enfin, sont envisagées les critiques adressées au Prix de Rome, leur pertinence, les convergences entre les arts et les modèles de substitution d’un concours de plus en plus décrié, conduisant à sa suppression en 1968.  La liste des lauréats et une bibliographie fournie complètent ce livre-référence, indispensable à quiconque s’intéresse à la musique et à son histoire.

 

Patrice Imbaud.

 

 

Lionel STOLÉRU : Une écoute du romantisme.  L'Harmattan, 2011.  15,5 x 24 cm, 311 p.  25 €.

Le siècle romantique est un courant qui a embrassé tous les arts, la littérature, la peinture et bien sûr la musique.  Il a irrigué toute l'Europe, préfigurant celle des citoyens que tant appellent de leurs vœux.  Victor Hugo n'en appelait-il pas déjà aux États-Unis d'Europe ?  C'est cette correspondance entre les arts, dont les manifestations sont souvent inattendues, que l'ouvrage de Lionel Stoléru nous fait toucher du doigt.  Car, au-delà de sa carrière politique, il en a assumé une autre, musicale celle-là, de chef d'orchestre de l'Orchestre romantique européen.  Au fil de douze thèmes majeurs du romantisme, tels que l'amour romantique, le héros, la nature romantique, mais aussi le spleen, la patrie romantique, ou encore le mondialisme romantique, l'auteur nous mène de consécrations en découvertes.  À  partir de textes littéraires, il analyse quelques œuvres musicales inspirées soit par la littérature, soit par la peinture, en focalisant sur des pièces emblématiques, qu'il s'agisse de concertos, de symphonies ou encore d'ouvertures de drames lyriques.  Et de poser quelques questions essentielles : pourquoi les concertos sur le thème de l'amour ont-ils été écrits pour le piano ?  Ceux sur le thème du spleen pour le violon ?  Pourquoi le récit épique de Mazeppa enflamme-t-il aussi bien Byron que Géricault, Horace Vernet que Liszt ?  La correspondance peut se révéler subtile.  Elle n'en est que plus enrichissante.  Qui d'autre que l'orchestre dans son entier peut chanter la douleur ?  Quant à l'imagination, ou plutôt les imaginations, tant le terme recèle de contenus, fantaisie, fiction, rêve, évasion même, c'est peut-être bien à l'époque romantique qu'elle a pris le pouvoir.  À chaque étape de ce périple, un message se dessine, voire une morale.  Le livre « décrit une écoute du romantisme ».  De ce langage qui a à voir avec l'émotionnel, l'irrationnel peut-être aussi, un état d'âme sans doute, Lionel Stoléru ouvre grandes les portes, de sa plume intuitive et sensible, jamais absconse.  L'analyse musicale ne se veut ni érudition assénée ni musicologie ardue, et le propos est à la portée de tout un chacun.  Il est aussi limpide que convaincant.

 

 

 

Gabriel DUSSURGET : Le magicien d'Aix.  Mémoires intimes.  Actes Sud, 2011.  11,5 x 21,5 cm, 252 p.  21 €.

Qu'on y prenne garde, ces « Mémoires intimes » du fondateur du festival d'Aix-en-Provence égrènent des souvenirs fort personnels de l'homme.  Elles tracent aussi les contours d'une société dont on imagine à peine la liberté des mœurs, du moins avouée, et singulièrement d'un milieu artistique qui n'avait pas de tabou, loin s'en faut.  C'est que l'homme aimait la vie et ses plaisirs.  Dans sa préface, Renaud Machard avertit le lecteur : « Des nuits de Paris aux étoiles d'Aix est un récit d'une crudité sans détour ».  Ce livre est d'abord, selon le préfacier, un « pasticcio », mélange de propos relevés à diverses sources et dans diverses interventions de l'auteur.  La première partie, la plus substantielle, est ainsi consacrée à la vie de Dussurget depuis l'enfance en Algérie aux premiers émois, puis à la vie passionnée de celui qui lâchera cet aveu en forme de devise : « Je remercie chaque jour le ciel de m'avoir donné le privilège de ne faire que ce que j'aimais ».  Le Paris des années 30 et ses chaudes nuits sont décrits sans ambages avec ses music-halls et autres lieux de rendez-vous des fêtards, l'Empire, le Bataclan, le cabaret-revue, Magic City, haut lieu des homosexuels de la capitale.  Une galerie de portraits émerge au fil des pages : Max Jacob, Cocteau, Sauguet, mais aussi Britten, Buffet, Mauriac, les acteurs de théâtre, Marquet, Fresnay ou la jeune Madeleine Renaud, les peintres Derain, Balthus et, bien sûr, Cassandre qui jouera un rôle essentiel à la création du festival d'Aix.  Des descriptions aussi osées que cocasses émaillent le récit, tel le destin d'un travesti célèbre et de ses folles équipées, dont ses obsèques au Père Lachaise ne sont pas des moindres.  Peu à peu se découvre une passion, le chant ou plutôt le travail avec les chanteurs, pour qui la voix est un don naturel, le travail servant « à contrôler, à apprendre le phrasé, les respirations, mais jamais à chanter » !  Dussurget fréquente Venise, Milan, Salzbourg et Garnier bien sûr, où se produisent alors Lubin et Thill.  Il devient directeur du Théâtre des Champs-Élysées où il rencontre Roland Petit et tant d'autres.  Ce sera le laboratoire pour Aix.  Ce festival qu'il a créé de toutes pièces, est l'objet de la seconde partie de l'ouvrage : la fièvre des débuts, la première édition de 1947, la rencontre avec Rosbaud qui, un temps, voudra lui disputer la direction, avec les chanteurs aussi, qui forgèrent la réputation du festival, Stich-Randall, Streich, Berganza, Bacquier, les chefs Gielen, Désormières, les solistes encore, telle Haskil, les metteurs en scène et plasticiens comme Wakhévitch.  Son souhait le plus cher : jouer jeune avec « des chanteurs dont l'âge correspond autant que possible à celui des personnages ».  On croise aussi des figures centrales comme Edmonde Charles-Roux, « public relation », qui réunira les mécènes et amassera les fonds.  Une volonté inébranlable s'impose : imprimer une physionomie spécifique au festival, avec Mozart d'abord, la musique française, puis la musique contemporaine.  L'ouvrage est complété par des aphorismes, car l'homme avait de l'esprit à revendre.  Ainsi : « J'aime donner au vice les plaisirs de la vertu » ou encore « La médiocrité est un art mais n'y excelle pas qui veut ». Liste complète aussi des productions montées par Dussurget entre 1948 et 1972.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Riccardo VIEL (Édition critique bilingue, avec introduction, notes & glossaire, établie par) : Troubadours mineurs gascons du XIIe siècle.  « Classiques français du Moyen Âge, n°167 », Honoré Champion (www.honorechampion.com).  11 x 17,5 cm, 250 p., schémas.  35,15 €.

Chargé de cours en philologie romane à l’Université de Calabre (laboratoire de philologie informatique), Riccardo Viel nous livre ici une fort savante étude sur : Alegret, Marcoat, Amanieu de la Broqueira, Bernart-Arnaut d’Armagnac, Peire de Valeria, Giraut de Calanson, Arnaut de Comminges et Gausbert Amiel - tous troubadours gascons, réputés mineurs.  Cinq parties : Informations biographiques & littéraires / Critères d’édition / La tradition (le corpus, les témoins) / La langue (lexique, phénomènes phonétiques à la rime, autres phénomènes significatifs, morphologie, syntaxe) / La métrique. Bibliographie. Index nominum.  Très important glossaire.

 

 

 

Daniel-François-Esprit AUBER (1782-1871) : La Muette de Portici,  opéra en 5 actes. L’Avant-Scène Opéra n°265 (www.asopera.com).  116 p., ex. mus., ill. n&b et couleurs.   25 €.

Coup d’envoi du « grand opéra romantique français », La Muette de Portici – ouvrage composé par Auber sur un livret de son ordinaire collaborateur Eugène Scribe – remporta, à sa création en 1827, un immense succès.  Wagner, lui-même, ne le considérait-il pas comme un modèle du genre !  Quasiment oublié au XXe siècle, cet opéra fera son grand retour, Salle Favart, en 2012.  Au sommaire de la présente publication : L’œuvre (Points de repère / Argument, introduction & guide d’écoute par Gérard Condé / Livret original en français),  Regards sur l’œuvre (Herbert Schneider, Jean-Claude Yon, Isabelle Moindrot, Louis Bilodeau, Richard Wagner, Cécile Vanderpelen-Diagre),  Entretien avec Emma Dante (« Bouche bée »),  Écouter, voir, lire (Discographie par Didier van Moere, L’œuvre à l’affiche & bibliographie par Elisabetta Soldini).  Hors dossier : sélection de CDs, DVDs, livres.

 

 

 

Gérard DENIZEAU : Les Véristes.  « Horizons », Bleu Nuit éditeur (www.bne.fr).  14 x 20 cm, 176 p., ex. mus., ill. n&b.  20 €.

À l’instar de Georges Bizet (Carmen, 1875), quatre compositeurs italiens choisirent des livrets s’inspirant de la vie quotidienne : Pietro Mascagni (Cavaleria rusticana, 1890), Ruggero Leoncavallo (I Pagliacci, 1892), Umberto Giordano (Andrea Chenier, 1896) et Francesco Cilea (Adriana Lecouvreur, 1902).  Mais il est d’autres compositeurs italiens - bien oubliés aujourd’hui - à s’être inspirés des principes du verismo : Franco Alfano (dont R. Alagna vient toutefois de reprendre le Cyrano de Bergerac), Gaetano Coronaro, Pietro Floridia, Spiro Samara, Nicola Spinelli…   C’est cependant à Giacomo Puccini qu’il revint, dès La Bohème (1896), d’assurer la postérité du genre.  Merci à l’infatigable Gérard Denizeau d’avoir remis en lumière un aussi riche patrimoine - qui ne fut d’ailleurs pas sans influencer notre école naturaliste (Bruneau, Massenet, Charpentier, Dupont, Erlanger…).

 

 

 

Agnès CALLU : Gaëtan Picon (1915-1976).  Esthétique et Culture.  Préface de Jean-François Sirinelli.  Postface d’Yves Bonnefoy.  « Poétiques & esthétiques XXe-XXIe siècle, n°4 », Honoré Champion (www.honorechampion.com).  Relié toile, 16 x 24 cm, 720 p.  110 €.

Digne hommage est ici rendu à l’immense critique que fut Gaëtan Picon.  Qui, à son poste de directeur général des Arts et Lettres auprès d’André Malraux (1959-1966), sut privilégier l’élan créateur de toute une génération d’artistes - se passionnant notamment pour la genèse des œuvres.  Agnès Callu (chartiste, chercheur au CNRS, chargée de cours à Paris IV, Sciences Po et l’École pratique des hautes études) a construit son essai, admirablement documenté, en trois grandes parties : Prolégomènes (Essai de portrait) / Un intellectuel dans l’administration / Ruptures et continuités (1966-1976).  Dans sa postface, « Gaëtan Picon et la poésie », Yves Bonnefoy rend un vibrant hommage à l’homme de lettres.  Bibliographie méthodique. État critique des sources. Index nominum.

 

 

 

Johan RICHARD : Répétitions.  L’esthétique musicale de Terry Riley, Steve Reich & Philip Glass.  Presses Sorbonne nouvelle (http://psn.univ-paris3.fr).  16 x 24 cm, 244 p., 18 €.

Quid des boucles infinies des musiques minimalo-répétitives ?  Quelle écoute appellent-elles ?  Quel rapport au temps et à la mémoire ?  Tels sont les principaux thèmes ici abordés.  Au fil de cinq chapitres : De la machine vers l’instrument (La Monte Young, Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass/ La machine comme modèle/ L’outil et l’instrument), Une question d’ontologie : le transfert (Duplication et itération), La structure transparente (Face à la tyrannie sérielle et au renoncement cagien, une attention aux fines différences), La répétition nue (Sans renvoi/ Hors de toute orientation téléologique/ Une tonalité d’indifférence), Le temps de la répétition (Temps fléché & temps vertical/ Reflets d’une société médiatique répétitive).  Postlude, discographie, bibliographie, index nominum, index rerum.

 

 

 

 

Alfred BRENDEL : Réflexions faites.  Traduit de l’allemand par Dominique Miermont & Brigitte Vergne.  « Musique », Buchet/Chastel (www.buchetchastel.fr).  14 x 20, 5 cm, 240 p., ex. mus., ill. n&b.  17 €.

De l’illustre pianiste, voici la réédition d’un ouvrage initialement paru en 1982, mais enrichi de considérations sur son maître Edwin Fischer, d’un essai quelque peu iconoclaste : « Aux prises avec les pianos » et d’un entretien avec l’écrivain & compositeur Jeremy Siepmann.  Outre les chapitres sur Beethoven, Schubert, Liszt ou Busoni…

 

 

 

Margery ARENT SAFIR (Sous la direction de) : Robert Wilson.  Flammarion/The Arts Arena (www.editions.flammarion.com).  Fort album relié, 25 x 29 cm, 340 p., ill. n&b et couleurs.  60 €.

Retour sur la vie & la carrière du célèbre metteur en scène de théâtre, à travers des photographies de ses plus grandes créations, des anecdotes et témoignages de ceux qui travaillèrent avec lui : artistes, designers, compositeurs, acteurs & actrices, critiques, etc.  Parmi les vingt-sept contributeurs à cet extraordinaire hommage, citons : Jessye Norman, Philip Glass, Jonathan Harvey, Rufus Wainwright, John Rockwell, Joseph V. Melillo, Laurie Anderson, Pierre Bergé, Gao Xingjian, Isabelle Huppert…

 

 

 

Baudime JAM : George Onslow & l’Auvergne… un compositeur en province.  Les Éditions du Mélophile (240 B, rue du docteur Lamaze, 30900 Nîmes.  Tél. : 09 51 15 41 55.  melophile@free.fr).  14,5 x 20,5 cm, 472 p.

À la gloire d’un musicien qui « aimait tellement l’Auvergne qu’il naquit à Clermont-Ferrand » (selon Baudime Jam, déjà auteur d’une biographie de celui que ses contemporains surnommèrent hardiment « le Beethoven français »), voilà le résultat de longues et fructueuses recherches dans les archives locales (publiques et privées).  Où est retracé le parcours d’un compositeur par trop oublié aujourd’hui, tout en brossant un tableau sans concession de la vie artistique clermontoise au XIXe siècle et du traitement dont l’héritage onslowien fit l'objet au XXe siècle.  Cahier de 72 pages de photos n&b et couleurs.  Riches annexes (parmi lesquelles un fort plaisant « Bêtisier auvergnat », recensant les nombreuses légendes colportées sur le châtelain-musicien).

 

 

 

Jack LANG : Pourquoi ce vandalisme d’État contre l’École ?  Lettre au Président de la République.  « Les marches du temps », Le Félin (www.editionsdufelin.com).  15 x 23 cm, 144 p.  14 €.

Où l’ancien ministre, chiffres et solide argumentaire à l’appui, fait un tableau consternant des méthodes cyniques et des conséquences dramatiques de la politique scolaire menée sous l’actuelle présidence.  Delenda schola est  déplore-t-il dans la première partie de cette « Lettre ouverte » – laquelle s’articule ensuite en 9 parties : Faire pire avec moins / L’anti-formation des maîtres / Des programmes en peau de chagrin / Ruses, illusions & effets d’optique / Du laisser-aller au laisser-faire / Le règne de l’opacité / Explosion & euphémisation de la violence scolaire / Une baisse inquiétante des résultats / Gouverner sans prévoir.  Mais l’ouvrage n’est pas que critique : y sont, en effet, tracées les perspectives d’un « Projet pour l’École de l’avenir » (cf.  www.jacklang.free.fr).

 

 

 

Boris Vian / Post-scriptum. Dessins, manuscrits, inédits.  Avant-propos de Jacques Prévert.  Prologue de Siné.  Le Cherche-Midi (www.cherche-midi.com). 21 30 cm, 200 p., ill. n&b et couleurs.  29,90 €.

Manière de voyage dans l’atelier du cher Boris, dit « Bison ravi », ce bel album rassemble mille inédits, non prémédités pour la plupart (textes manuscrits, collages, dessins, graffiti, peintures…) - tout un corpus qui rend compte de l’impertinent génie du grand « trompinettiste ».

 

 

 

Christophe PIRENNE : Une histoire musicale du rock.  Fayard (www.fayard.fr).  15 x 23,5 cm, 800 p.  29,90 €.

Ce qui fait l’intérêt de ce « pavé », c’est qu’il ne s’agit pas - comme à l’ordinaire – d’un recueil d’anecdotes autour de groupes ou de solistes.  Partant de la matière sonore elle-même (rythmes, accords, instruments…), mais aussi des postures des rockers, Christophe Pirenne s’efforce d’expliquer comment naissent les nouvelles formes.  Des dizaines de chansons sont ainsi analysées et resituées dans leur contexte.  Au sommaire : L’invention du rock and roll (des origines à 1954) / La vogue du rock and roll (1954-1960) / Du rock and roll à la pop (début années 60) / Naissance des utopies (1964-1967) / Danser sur un volcan, le psychédélisme (1966-1970) / La longue traîne du psychédélisme (1969-1976) / La rage et la danse (1976-1981) / De la seconde « British Invasion » au grunge (1981-1987) / Chocs de contraires : acoustique-électronique, multinationales-indépendants, quiet-loud (1986-1994) / Localisation et mondialisation (1993-2000) / Rock sur toile (1999-2010).  Riches bibliographie & index.

 

 

 

Jon SAVAGE : The England’s Dreaming Tapes.  Traduit de l’anglais par Alizé Meurisse.  Allia (www.editions-allia.com).  17 x 22 cm, 736 p., photos n&b.  30 €. 

Cette considérable somme inclut tous les matériaux bruts - en particulier les interviews - qui auront permis à l’auteur de composer sa grande histoire du punk britannique.  Où est restituée la parole des protagonistes-phares du mouvement : Malcolm McLaren (1946-2010), Johnny Rotten (°1956) & Joe Strummer (1952-2002), mais aussi de moins connus qui contribuèrent à l’effervescence du punk, tel le mystérieux Warwick « Wally » Nightingale (1956-1996).  Mise en lumière des différences entre punk britannique & punk américain, mais aussi de l’envers du décor (fascisme, grossièreté, violence gratuite) trop souvent passé sous silence - Sid Vicious (1957-1979) apparaissant comme le plus violent de tous, dès lors qu'il devint un Sex Pistol.  

 

 

 

Académie Alphonse Allais : Dictionnaire ouvert jusqu’à 22 heures.  Le Cherche-Midi (www.cherche-midi.com).  13,5 x 19 cm, 256 p., dessins humoristiques.  17 €.

En ces moroses temps d’Avent, est-il plus judicieux cadeau à (se) faire ?  Présenté par les inénarrables Pierre Arnaud de Chassy-Poulay (Haut-Parleur), Xavier Jaillard (Rédacteur en chef), Philippe Davis (Président, www.boiteallais.com), Alain Casabona (Grand Chancelier) & Jean-Pierre Delaune (Secrétaire général), ce thésaurus de quelque 1 000 définitions, auquel auront contribué – outre Alphie soi-même - une quarantaine de joyeux lexicographes, illuminera vos instants les plus dépressifs.  Le tout émaillé de « Pages absinthe » (de la couleur de la boisson préférée d’A.A.) regroupant noms (« plus ou moins ») propres & formules aphoristiques.

 

 

 

Marie-Claude TREMBLAY : Loco Locass, la parole en gage.  « Chanson/Musique », Triptyque (www.triptyque.qc.ca). Distr. : www.librairieduquebec.fr  13,5 x 21 cm, 96 p., photos n&b.  20,20 €.

Loco Locass, trio de rap québécois (Batlam, Biz, Chafiik), se veut politiquement engagé & « engageant » : ainsi plaide-t-il, dans ses rapoèmes, pour la souveraineté de la Belle Province et la défense de la langue française – visant à provoquer, en retour, l’action de ses publics…   Trois sections : Lieux de l’engagement / Actualisation de l’engagement / Communication artistes-public (de spectateurs à « spect-acteurs »).  Cf. www.locolocass.net 

 

 

 

Jason SIDWELL & Jamie DICKSON : Apprendre la guitare (tout seul) !  Larousse (www.editions-larousse.fr).  Relié, 19,5 x 23,5 cm, 352 p., ex. mus., 1 000 ill. couleurs. 22,90 €.

S’affirmant « Cours complet, progressif et entièrement visuel », cette publication (surprenante chez un tel éditeur) fournira, en effet, à tout impétrant motivé, l’outil ad hoc pour s’initier aux styles rock, pop, metal, blues, country, folk, jazz...  Outre d’utiles conseils pour choisir instrument & accessoires indispensables, sont proposées 10 sessions pour acquérir bases théoriques & pratiques – le tout assorti de morceaux s’inspirant de Jimi Hendrix, Keith Richards, Chuck Berry, Pete Townshend, Kurt Cobain… Quant au DVD inclus, il propose ces mêmes sessions en live (filmées main droite & main gauche séparément, puis ensemble).  Avec vision dynamique des partitions utilisées (sur curseur mobile). 

 

 

 

Agenda de l’Unesco 2012.  Spiralé 22 cm x 23,5 cm,  162 p., ill. couleurs.  À commander sur : www.unesco.org/publishing  15 €.

Ce superbe Desk Diary trilingue (français, anglais, espagnol) dédie une page à chaque semaine, avec - en regard - une photographie couleurs (légendée) de l’un des plus beaux sites inscrits au Patrimoine mondial.  Agenda incluant, en outre, une liste des 936 biens qui constituent ce patrimoine : 735 biens culturels, 183 naturels & 28 mixtes (situés dans 153 pays).

 

Francis Cousté.

 

 

POUR LES PLUS JEUNES

Anne BOUTIN-PIED (Textes & chansons) : Roule-toujours ou la lune dans la tête.  Illustrations Bernadette Desprès. Couleurs : Virginie Péchard. Livre/CD Éponymes/Jeunesse (www.editions-eponymes.fr).  Distr. Harmonia Mundi.  Couverture rigide, 21,5 x 21,5 cm, 48 p. couleurs.  16 €.

Très poétiquement, ce livre-disque mêle 4 contes (découverte de soi et du monde), 9 comptines avec jeux de doigts, le tout fort joliment illustré.  Dès 18 mois.  En fin d’album, se trouvent les partitions des comptines – traditionnelles (Petit escargot, Dodo Mamour, Dansons la capucine) ou imaginées par l’auteur.

 

Francis Gérimont.

 

***

 

 

Roula SAFAR (mezzo-soprano, guitare & percussions) : Vergers d’exil, échos méditerranéens.   Hortus (www.editionshortus.com) : HOR 089.

Poèmes et mélodies puisés aux sources méditerranéennes les plus pures tissent ici un dialogue à travers le temps et l’espace. Les textes du grand poète libanais d’expression française Georges Schéhadé (1905-1989) - auquel est emprunté le titre évocateur de ce magnifique disque, « Vergers d’exil » -, ceux de ses compatriotes Venus Khoury-Gatha (née en 1937), Nadia Tueni (1935-1983) ou du mystique du soufisme, d’origine persane,  Mansour Al Hallaj (ca 857-922), font écho aux mots d’Eluard et aux poésies populaires.  À quelques-unes des plus belles pages (réécrites à l’occasion de cet enregistrement) de Haendel (« Lascia ch’io pianga », de l’opéra Rinaldo), Monteverdi (« Lamento della ninfa ») et Frescobaldi (« Se l’aura spira »), répondent des mélodies traditionnelles de France («  Rossignolet ») ou de Grèce (« Spasta », figurant aussi dans le cycle ravélien des Cinq mélodies populaires grecques).  Ces partitions entrent en résonance avec les musiques inspirées composées par Roula Safar, fidèle à ses racines tout en traduisant avec un égal bonheur des styles divers, interprète sensible et chaleureuse de ces poèmes sonores : élégies d’amour, cantilènes de nostalgie, mélopées de douleur et chansons d’espoir, complaintes d’Orient et d’Occident, venues du tréfonds des âges ou jaillies des drames qui déchirent le monde d’aujourd’hui.  Leurs affinités secrètes nous sollicitent et nous émeuvent, poignantes  expressions poético-musicales de la souffrance et de la joie, « chant par-delà les voix ».

 

Anne Penesco.

 

 

Marie, Fleur du Carmel.  Jade (jade@milanmusic.fr) : 699 742-2.  TT : 50’45.

Depuis un certain temps, grâce aux éditions Jade, les discophiles peuvent apprécier des chœurs d’Europe de l’Est, avec leur paysage vocal si spécifique et leurs voix si prenantes.  Au service de la liturgie, les moniales de Pécs (sud de la Hongrie), d’obédience carmélite, la célèbrent en latin et en hongrois.  Au Carmel fondé en 1936, dispersé sous le régime communiste et, depuis 1991, 24 sœurs ont repris leurs activités (actuellement 18 sur place et 6 autres en Roumanie) et vivent de l’hôtellerie, de publications (traduites du français ou de l’anglais).  Elles chantent intégralement la liturgie, bénéficient du concours pédagogique de deux sœurs spécialistes de grégorien et élaborent une liturgie propre.  Ce CD regroupe 24 pièces d’origines diverses : Manuscrit de Montpellier, Graduel de Bakócz, Graduel romain, Antiphonaire d’Istanbul… mais aussi de source anglaise médiévale (Cambridge), entre autres.  Belle plongée dans l’univers monastique.

 

 

 

Salve Regina de Silos.  Jade (jade@milanmusic.fr) : 699 741-2.  TT : 60’53.

Contrastant par sa virilité avec les voix des moniales de Pécs, le célèbre Chœur des moines bénédictins de l’Abbaye Santo Domingo de Silos (Espagne), sous la direction du Père chantre Dom José Luis Angulo, propose 27 pièces mariales - dont 6 inédites.  Les mélodies reposent sur les différents modes d’église et véhiculent des textes devenus traditionnels.  Ce monastère, dont la fondation remonte au VIe siècle, après quelques périodes de décadence puis de renouveau à partir de 1835, a pu reprendre sa vocation de culture et de spiritualité.  Il se rapproche des Bénédictins de Solesmes ; dans le respect des traditions, il aspire à susciter un nouvel éveil religieux dans le contexte de la culture postmoderne.  Les amateurs de chant grégorien seront ravis de retrouver, entre autres, l’introït Gaudens gaudebo (3e mode), l’antienne Salve Regina (5e mode), l’hymne Virgo Dei genitrix (2e mode), la prose Ave plena gratiae (6e mode), le cantique Tota pulchra es (5e mode) et de découvrir des inédits, comme l’hymne Ave maris Stella (1er mode).

 

 

 

Europäische Musik Basel zur Zeit des Konzils.  Musiques suisses (mirko.vaiz@mgb.ch) : MGB 6269.  TT : 62’32.

Ce disque représente une excellente illustration de la musique « européenne » vraisemblablement entendue à Bâle, à l’époque du XVIIe concile de l’Église catholique, qui y débuta en 1431, se prolongera à Ferrare en 1437, puis à Florence en 1439, pour se terminer à Rome en 1441.  Ce projet de la Migros (coopérative suisse) propose une reconstitution hypothétique, avec 19 pièces extraites notamment du célèbre manuscrit Trente 87-I (qui, selon P. Wright, aurait été en partie composé à Bâle), offrant un aperçu des principales formes en usage : chant grégorien,  cantiques, hymnes, mais aussi chansons d’amour, associant des musiciens des écoles dite franco-flamande (G. Du Fay, G. Binchois…), de Bourgogne (J. Brassart, qui a séjourné à Bâle), anglaise (J. Dunstable) et italienne (Domenico da Piacenza), ainsi que des extraits (anonymes) du célèbre Buxheimer Orgelbuch.  L’hymne grégorienne pour Pentecôte : Veni Creator spiritus sert d’introduction et Gratulemur cristicole  de conclusion, conférant une connotation religieuse et liturgique encore appuyée par des pièces de l’ordinaire de la messe : Kyrie, Gloria, Sanctus, Agnus Dei chantés pendant les réunions et lors des fêtes publiques.  La musique profane n’était pas écartée pour autant (airs de danse, chansons d’amour).  Selon les interprètes, la prononciation du latin est diversifiée.  Corina Marti et Michal Gondko, avec leur ensemble La Morra (chant, flûtes à bec, clavecin, luths…) restituent avec conviction ces atmosphères si variées de la « Bâle conciliaire » et illustrent musicalement cet événement historique de façon tout à fait plausible.

 

 

 

Heinrich ISAAC : Ich muss dich lassen.  Ricercar (stephanie@outhere-music.com) : RIC 318.  TT : 65’33.

Le titre n’est autre qu’une allusion à Innsbruck, ich muss dich lassen, célèbre chanson d’amour de Heinrich Isaac (ca 1450-1517), devenue - avec une connotation religieuse - : O Welt, ich muss dich lassen (Ô monde, je dois te quitter), puis O Welt, sieh hier dein Leben / Am Stamm des Kreuzes schweben (Ô monde, vois ici ta vie / suspendue à la croix), choral luthérien bien connu pour le temps de la Passion, reposant sur la même mélodie.  À la tête de la Capilla Flamenca et l’Ensemble Oltremontano, Dirk Snellins propose un programme en trois parties d’après l’origine des œuvres : Flandres, Florence, Vienne-Innsbruck-Augsbourg, correspondant aux lieux d’activité du musicien itinérant qui a composé pour la cour impériale en tant que Hofkomponist au service des Habsbourg, mais aussi pour les Médicis.  Ce triptyque de 19 pièces (qu’il est impossible de détailler ici) comprend des pages en latin : Sanctus, Agnus Dei, O Maria mater Christi… ; des Lieder allemands (Las rauschen…), des chansons françaises (En l’ombre d’un buissonnet…), italiennes (Hora e di maggio…), latine (Quis dabit capiti meo aquam ?...), très prenantes.  À noter, pour quelques pièces : la confrontation de la version de H. Isaac avec son modèle.  D’entrée de jeu, l’auditeur est frappé par le paysage vocal exceptionnel de la Capilla Flamenca avec ses sonorités chaudes, son expressivité, sa volubilité, sa mise en valeur de chaque intention figuraliste du compositeur, son fondu des voix et ses entrées successives en douceur.  L’Ensemble Oltremontano s’impose, lui aussi, par la qualité des sonorités et la profondeur de l’expression.  Les puristes ne seront donc pas déçus par les œuvres de ce compositeur cosmopolite, à la charnière entre le XVe et le XVIe siècles.  Cette réalisation, évoquant la production de « Heinrich Isaac : une vie en musique », se doit donc de figurer dans toute discothèque.

 

 

 

Johann ROSENMÜLLER : Venezianische Abendmusik. Christophorus (www.christophorus-records.de) : CHR 77 333.  TT : 70’00.

Depuis un certain temps, les œuvres de J. Rosenmüller connaissent un regain d’intérêt.  Ce musicien allemand (1617-1684), organiste de Saint-Nicolas à Leipzig, a largement contribué à l’évolution de la musique religieuse polychorale et instrumentale.  Le titre : Musique du soir vénitienne (inspiré des Abendmusiken de Lübeck) regroupe une sélection de Psaumes latins pour diverses formations : avec, entre autres, les psaumes 70 (71) In te Domine speravi et 133 (134) : Ecce nun benedicite (pour solo, instruments & basse continue) ; 90 (91) : Qui habitat in adjutorio (pour très grand effectif : 2 chœurs, 10 instruments & basse continue)... Le Canticum Simeonis : Nunc dimittis requiert 4 voix, 5 instruments & basse continue.  Ce programme de Psalmkonzerte de J. Rosenmüller, sortant des sentiers battus, est interprété par l’Ensemble éponyme dirigé par Arno Paduch, avec 8 solistes vocaux triés sur le volet et des instruments à cordes auxquels sont associés cornets, trombones & dulciane, ainsi que l’orgue ; par leurs diverses sonorités, ils rehaussent encore le sens des paroles latines.  Belle « défense et illustration » de J. Rosenmüller marqué par la double influence italienne du style polychoral vénitien à la manière de Legrenzi et Corelli ainsi que par l’intériorité luthérienne de H. Schütz.

 

 

 

Johann Sebastian BACH : Kantaten BWV 19, 50, 79, 80.  « Das Kirchenjahr mit J. S. Bach » n°10/10,  Rondeau (mail@rondeau.de) : ROP 4031.  TT : 70’51.

Lancée par le Thomanerchor de Leipzig pour marquer ses 800 ans d’existence, la collection « L’année ecclésiastique avec Jean Sébastien Bach » regroupe une sélection de cantates dans la plus pure tradition musicale hebdomadaire, sur les lieux historiques de l’activité du célèbre Cantor. Ce CD est destiné à la célébration de la St-Michel et de la Réforme.  Selon son habitude, l’excellent Cantor Georg Christoph Biller fait précéder les cantates par une hymne d’Erhard Bodenschatz et également un choral de Johann Walter.  La Cantate 19 : Es erhub sich ein Streit, relatant le combat de l’archange Saint Michel — avec son chœur d’introduction volubile, si bien enlevé et ponctué avec précision — pour la St-Michel (le 29 septembre) a été composée par Bach en 1726 pour ce même dimanche.  La Cantate 80 : Ein feste Burg ist unser Gott — symbole par excellence de la Réforme, avec son cantus firmus exposé en valeurs longues par les voix de garçons si lumineuses  — date du 31 octobre 1724.  La Cantate 79 : Gott der Herr ist Sonn und Schild - se terminant par le choral Erhalt uns in der Warheit affirmé note contre note par le Thomanerchor — a été interprétée le 31 octobre 1725 à Leipzig.  Tout le mérite de ce disque si authentique en revient au Thomanerchor et à ses jeunes solistes Friedrich Praetorius, Conrad Zuber, Stefan Kahle ; à Martin Petzold (ancien « Thomaner »), à Gotthold Schwarz, à l’Orchestre du Gewandhaus et à Georg Christoph Biller qui, incontestablement, poursuit et maintient la grande tradition leipzigoise. 

 

 

 

Johann Sebastian BACH : Kantaten BWV 63, 110, 190.  Rondeau Production (mail@rondeau.de) : ROP 4043.  TT : 74’18.

Les éditions Rondeau Production poursuivent leur série d’œuvres du Cantor de Leipzig classées selon l’année liturgique, conformément au sous-titre : Das Kirchenjahr mit Johann Sebastian Bach : Weihnachten (Noël).  Les Cantates sont interprétées sur le lieu-même où Bach les dirigeait, et par le Chœur de Saint-Thomas, des solistes (Thomaner) issus de ce chœur et l’Orchestre du Gewandhaus, tous dirigés par le Thomascantor si apprécié, Georg Christoph Biller.  L’hymne A solis ortus cardine (De nativitate Christi), dans la version d’Erhard Bodenschatz, incite au recueillement.  La cantate Unser Mund sei voll Lachens (Que notre bouche soit emplie de rires…) (BWV 110), créée le 25 décembre 1725, est prévue pour le 1er jour de Noël.  Placée sous le signe de la reconnaissance, de la gloire et de la louange (Alleluja !), Bach y associe ses instruments de prédilection tels que le hautbois d’amour aux sonorités si chaleureuses.  Les chanteurs du Thomanerchor, trompettes & percussions font partager la joie et l’enthousiasme de Noël aux accents festifs et solennels, sans vouloir rechercher l’effet à tout prix.  Également prévue pour le 1er jour de Noël, la cantate Christen, ätzet diesen Tag (Chrétiens, gravez ce jour… rendez-vous avec moi à la crèche) (BWV 63) a retenti à Leipzig, le 25 décembre 1723.  Elle s’ouvre sur un chœur très allant, irrésistible et bien scandé, puis fait alterner récitatifs et airs, avec les voix si pures des garçons.  Pour conclure, à la place du choral traditionnel, Bach préconise le style du concerto grosso et des répliques précises, puis une section fuguée et la reprise du début, conférant un caractère très solennel à l’ensemble.  La cantate Singet dem Herrn ein neues Lied (Chantez au Seigneur un chant nouveau) (BWV 190) est prévue pour le Nouvel An.  Elle a retenti à Leipzig, le 1er janvier 1724 (Bach venait d’arriver dans cette ville) et repose essentiellement sur des citations des Psaumes et est placée sous l’injonction : Que tout ce qui respire loue le Seigneur !  Elle a pour idée générale la grâce et la recherche de la bénédiction offerte pour la Nouvelle Année, et se termine traditionnellement sur un choral sollicitant notamment la paix pour l’année à venir.  Jubilation communicative, ces cantates valent bien une prédication (et même plus)…

 

 

 

Antonín DVOŘÁK : Violin Concerto-Romance-Four Romantic Pieces.  Fuga Libera (stephanie@outhere-music.com) : FUG 588.  TT : 62’15.

Le violoniste arménien Hrachya Avanesyan, né en 1986, réside depuis l’âge de 16 ans en Belgique.  Il a fait ses études notamment au Conservatoire royal de Bruxelles auprès d’Igor Oïstrakh, puis à la Chapelle musicale Reine Élisabeth, avec Augustin Dumay.  H. Avanesyan  joue le Piatti (1717) d’Antonio Stradivarius.  Augustin Dumay est non seulement violoniste, mais aussi chef et directeur musical de l’Orchestre de chambre de Wallonie.  Pour ce CD, il dirige le Sinfonia Varsovia : autant de garanties de la qualité hors pair de cette réalisation qui comprend  le Concerto de violon d’A. Dvořák (1841-1904), tripartite, qui frappe par le caractère décidé et énergique de l’Allegro ma non troppo, la justesse et la brillance du violon jusque dans les traits perlés de l’extrême aigu ; par l’expressivité et l’intériorité de l’Adagio ; enfin, par le caractère joyeux et exubérant du Finale.  Les mêmes interprètes réservent un sort royal à la Romance pour violon & orchestre.  H. Avanesyan et Marianna Shirinyan (piano) forment une merveilleuse équipe très soudée, où chacun sait écouter l’autre, s’effacer ou s’affirmer ; pour conclure, ils proposent 4 Pièces romantiques, op. 75, avec une excellente diversification dans les mouvements et les caractères de chacune.  Remarquable initiative de Fuga Libera et remarquable hommage à l’admirable compositeur tchèque qui ne saurait être mieux servi. 

 

 

 

Georges MIGOT : Œuvres pour piano & pour chœurs. Intégral Distribution (integralclassic@wanadoo.fr) : INT 221 239.  TT : 73’47.

L’ « Association des amis de l’œuvre et de la pensée de Georges Migot » (www.georgesmigot.info) vient de publier un florilège à découvrir.  Le remarquable texte joint au CD contient l’analyse de ses Trois Nocturnes dantesques vus par lui-même (1933-34), grâce à une copie effectuée par le regretté Marc Honegger : « Le mot dantesque semble être à la fois utilisé pour indiquer le pathétique et les proportions amplifiées de l’œuvre. »  Concernant chaque Nocturne, le compositeur précise ses intentions en des termes très suggestifs.  Pour le premier : « la dernière rencontre… le dernier revoir » et « le destin qui ordonnait à deux êtres de ne plus parcourir la même route… devant la mer immensément bleue » ; pour le deuxième : les étapes de la soumission au destin ; et, pour le troisième : la séparation et la résignation : « Tout est accompli », résumant « l’histoire d’une rupture amoureuse entre une pianiste et son compositeur ».  Avec une remarquable intelligence musicale, Christine Marchais (piano) a assimilé les moindres intentions compositionnelles de G. Migot (1891-1976).  Elle interprète également Le Tombeau de Du Fault, joueur de luth, avec une grande transparence.  Les œuvres chorales sont représentées par 3 Chœurs (a cappella) : Des ailes, Encore imprégnée du mystère de la nuit, Pour dire mon amour,  le compositeur est aussi l’auteur du texte si poétique.  Cette musique subtile et délicate est interprétée par le Chœur de chambre de Rouen qui, sous la direction avisée de Daniel Bargier, se joue des nombreux traquenards d’intonation.  Les mêmes interprètes révèlent encore la Suite pour piano & chœurs en vocalises, « œuvre hors normes, composée en 1947-48, à la demande du pianiste hollandais Iskar Haribo ».  Dans son commentaire percutant, Jacques Feuillie en relève les principales caractéristiques successives : débordement d’énergie vocale et pianistique puis, tour à tour, tendresse, caractère brillant, berceuse…, « irréel comme un rêve » ou encore « les voix comme une fanfare » (selon les termes du compositeur) et, pour conclure : « l’effervescence pianistique et l’exaltation du chant ».  Voici d’autres facettes - encore à découvrir - de l’apport de Georges Migot à la musique française.

 

 

 

Alpentöne.   Musiques suisses (mirko.vaiz@mgb.ch) : MGB-NV20.  TT : 74’.

Les éditions Migros, dans la collection « Musiques suisses », proposent un aperçu du festival intitulé : Alpentöne.  Le présent disque correspond à la 7e édition et met à nouveau l’accent sur les Alpes en tant que sites de rencontres et de transit.  Il projette un éclairage sur divers modes de vie et tempéraments régnant sur les lieux de passage des marchands, sur les langues et les cultures.  Tous les deux ans, des musiciens se retrouvent à Altdorf autour de traditions et d’identités nationales.  La musique ne se rattache à aucune esthétique particulière.  Les participants peuvent entendre des œuvres classiques, folkloriques et populaires, ou encore du jazz, d’où des programmes très variés, réalisés par des instrumentistes de différentes régions de Suisse, par des orchestres d’instruments à vent.  Les œuvres en dialectes suisses comprennent aussi bien des évocations du pays et de la montagne que des danses (Scottish, Polonaise, Tarentelle).  Au total : 13 pièces très représentatives et pleines de verve, dont le dénominateur commun est la Suisse avec ses divers cantons.

 

 

 

Johann Sebastian BACH : Concerts avec plusieurs instruments. Intégrale. Café Zimmermann, vol. I-VI.  6 CDs Alpha (stephanie@outhere-music.com) : 811.  TT : 6h28’.

L’Ensemble Café Zimmermann — par allusion au célèbre Café, où étaient organisées de nombreuses soirées musicales au cours desquelles le Collegium Musicum  se produisait et où a retenti la célèbre Cantate du Café et de nombreuses œuvres instrumentales  — propose cette réalisation exceptionnelle. La compilation discographique regroupe, en 6 disques, les Ouvertures (Suites) ; Concerts brandebourgeois ; Concerti pour clavecin ; Concerto pour deux clavecins ; Concerti pour 3 clavecins, 4 clavecins ; Concerto pour hautbois d’amour ; Concerti pour 2 violons ; Concerto pour violon et hautbois ; Concerto pour flûte, violon, hautbois, clavecin et cordes.  Les livrets trilingues situent ces pages dans le contexte du rationalisme et de l’Europe des Lumières et commentent ce vaste programme, avec une allusion à la « mode » de l’époque, aux circonstances et à la genèse des œuvres marquées par l’esthétique baroque.  À noter également la richesse de l’iconographie (autour du thème du café).  Ces Concerts permettent d’apprécier à leur juste valeur les qualités de l’ensemble  Café Zimmermann — en résidence au Grand Théâtre de Provence & soutenu par le ministère de la Culture — et des solistes Céline Frisch (clavecin) et Pablo Valetti (violon & Konzertmeister), entre autres.  Sans pouvoir entrer dans le détail de chaque œuvre, soulignons que les interprétations restent fidèles à l’esprit du temps, aux intentions et à la tradition de J. S. Bach.  Les mouvements rapides sont bien enlevés comme dans le premier du Concerto pour 2 violons en ré mineur (BWV 1043), avec son introduction pétillante et ses répliques précises. Les adagios sont un modèle d’expressivité et d’intériorité.  Tant par l’apport iconographique, historique et musical, cette magnifique Intégrale se doit de figurer dans toute discothèque : elle ravira les mélomanes les plus exigeants.

 

Édith Weber.

 

 

Johannes BRAHMS : Concerto pour piano n°1.  Variations sur un thème original op. 21 n°1.  Thème et Variations en mineur (transcrits du Sextuor à cordes).  Kun-Woo Paik, piano.  Orchestre philharmonique tchèque, dir. Eliahu Inbal.  DG : 7701/4763899.

Cette production coréenne, enregistrée en 2009 au Rudolfinum de Prague (siège de la Philharmonie tchèque) et en Allemagne, nous parvient sous étiquette DGG (ne remercions pas l’éditeur pour la taille minuscule des caractères latins – sur fond marron ! –  qui rend impossible la lecture de la traduction anglaise des textes coréens !).  Étrangetés d’un marché qui n’apporte plus de garanties à un éminent  artiste asiatique pourtant installé en France depuis tant d’années !  D’emblée, la puissante âpreté de l’attaque orchestrale du Concerto nous empoigne, donnant le ton d’un Brahms superlatif du côté d’Eliahu Inbal et de la phalange tchèque dont il a récemment pris les commandes.  Du coup, le pianisme souple et nuancé de Kun-Woo Paik manque un peu des profondeurs cathédralesques que le compositeur et de tels partenaires requéreraient. Le mouvement central bénéficie au contraire de la sensibilité si délicatement raffinée de l’artiste coréen, tandis que le chef lui tisse un tapis de sonorités diaphanes.  Quant au finale, il est emporté par un rythme cravachant.  À dire vrai, Eliahu Inbal investit si énergiquement le terrain brahmsien qu’il se pose en vedette du concerto.  Venant après ce symphonisme brossé al fresco, les Variations sur un thème original pour piano seul apparaissent un tantinet arides : une telle programmation défavorise une œuvre qui peine à faire s’élever une voix bien typée.  En revanche, Kun-Woo Paik nous donne un Thème et Variations en  mineur admirablement timbré et au cheminement noble : il réussit à créer une illusion d’identité pianistique à cette page adaptée par Brahms d’une polyphonie de cordes.  On regrettera, dans le Concerto, une prise de son trop « globale », manquant de définition sur les divers groupes orchestraux.

 

 

 

Thierry LANCINO (°1954) : Requiem.  Heidi Grant-Murphy (soprano), Nora Gubisch (mezzo-soprano), Stuart Skelton (ténor), Nicolas Courjal (basse), Chœur de Radio France, Orchestre philharmonique de Radio France, dir. Eliahu Inbal.  Naxos : 8.572771.

Un Requiem de plus ?  Non, plutôt une transfiguration métaphysico-symboliste qui trouverait sa juste place dans la catégorie des oratorios. En effet, le déroulement, conçu par Thierry Lancino et mis en forme littéraire par Pascal Quignard, interpole dans le plan liturgique du texte latin les incantations de la Sibylle de Cumes (en grec et en français) ainsi que les tirades d’un David divisé en deux chanteurs reflétant les versants contrastés de sa psychologie : idée originale tirant sa source d’un verset du Dies Irae que l’on survolait jusqu’à présent sans y prêter attention. Ces survivances païennes, ainsi que des émanations de l’humaine condition, prennent ici une vie propre, en marge du canon catholique qui les celait en ses replis.  Plutôt que de marge, on devrait parler de contrepoint et de mouvement contraire, sous l’angle allégorique, l’aspiration à la vie éternelle chrétienne se voyant opposer les appels (« Je veux mourir ») de la Sibylle punie d’un vieillissement perpétuel par Apollon. Le compositeur, après avoir consacré de nombreuses années de sa vie à l’électroacoustique et à l’Ircam, a trouvé son équilibre dans une écriture assumant les beautés mélodiques et l’expressivité dramatique au sein d’un langage qui ne renie rien de la modernité, mais l’ouvre à des résonances humaines et spirituelles vectrices de profondes émotions.  Il s’est agi pour lui de recréer une intemporalité autour du thème de l’éternel par des moyens musicaux contemporains ; sa manière d’évoquer l’antique par une stylisation et des sonorités d’aujourd’hui n’est pas sans rappeler la démarche d’un Stravinsky dans Oedipus Rex (avec un tout autre idiome individuel, comprenons-nous bien). L’emploi des percussions et d’instruments exotiques concourt à cette transposition spirituelle.  L’émotion emprunte des chemins multiples : la mise à nu d’une pure cantilène (le solo de soprano amenant l’Ingemisco), ou de poignantes grappes harmoniques dans le tréfonds du chœur (Lacrimosa), ailleurs la malléabilité des nappes et sculptures de timbres orchestraux sur lesquelles se détachent les voix (Sanctus), enfin la résolution de tous les conflits antérieurs par la subtile infiltration d’un contrepoint de facture « classique » dans le Dona eis requiem.

La création de cette œuvre, Salle Pleyel, s’étant déroulée devant les micros de Radio France les 7 et 8 janvier 2010, l’édition discographique reprend le matériel des concerts.  Félicitons à ce titre l’ensemble des interprètes pour avoir si magistralement dominé « sur le vif » un ouvrage vaste (72 minutes de musique) et complexe.  La distribution vocale est mieux partagée côté féminin que masculin : le rôle de la Sibylle échoit à Nora Gubisch dont le flamboyant  tempérament d’actrice et la chaude voix excellent dans ces personnages hors normes (elle campa une inoubliable Pythonisse dans Le Roi David d’Honegger au Palais Garnier le 25 mars dernier) ; une vibrante innocence rayonne de la voix d’Heidi Grant Murphy transfigurant la souffrance d’une simple mortelle.  Les choristes de Radio France (préparés par Matthias Brauer et Sébastien Boin) imposent leur engagement dramatique comme un personnage à part entière.  L’Orchestre philharmonique se meut à l’aise dans la musique contemporaine, et le Maestro Inbal affectionne les fresques ambitieuses.  Prophétisons – que la Sibylle nous pardonne ! – à une œuvre si riche, et si sincèrement pensée, l’accès à la vie éternelle de l’entrée au répertoire, car elle agira toujours sur la corde sympathique des questionnements inapaisables de l’âme humaine grâce à des traits d’inspiration qui ont su dépasser les clivages d’un esthétisme « daté » pour figurer l’élan créatif d’un présent teinté d’universel.

 

 

 

Allan PETTERSSON : Sonates n° 2, 3 et 7 pour 2 violons.  Deux élégies, Romance, Andante espressivo, pour violon et piano.  Concerto pour violon et quatuor à cordes.  Yamei Yu (violon 1), Andreas Seidel (violon 2), Chia Chou (piano). Leipziger Streichquartett.  MDG : 307 1528-2.

Le compositeur suédois Allan Pettersson (1911-1980) compte parmi les plus grands symphonistes du XXe siècle ; son centenaire, cette année, fut occulté par d’autres commémorations !  On peut écouter ses 15 symphonies achevées grâce à de remarquables disques parus chez CPO et chez Bis.  Son noir destin rejaillit sur son caractère et sur les tensions tragiques de sa musique : fils d’un forgeron alcoolique, il passa une grande partie de son existence immobilisé chez lui ou dans les hôpitaux en raison d’une pénible polyarthrite chronique inflammatoire.  Ce disque de pièces chambristes, antérieures à la grande floraison orchestrale, reflète sa formation de violoniste et d’altiste ; il ne saurait être abordé que comme complément documentaire à la connaissance du corpus essentiel.  Les miniatures pour violon et piano remontent à une époque où le jeune Allan Pettersson apprenait à écrire, et l’on tressaute à quelques fautes d’harmonie.  Beaucoup plus intéressantes, les Sonates de 1951, extraites du recueil à 2 violons, cultivent une polyphonie âpre et précèdent immédiatement le  séjour que le musicien suédois (peu précoce, de par le contexte dans lequel il grandit) fit à Paris pour recueillir l’enseignement de René Leibowitz et d’Arthur Honegger.  À peine antérieur, le Concerto pour violon et quatuor à cordes (1949) s’avère déjà représentatif du compositeur, en ce sens qu’il évolue en permanence sur les franges de l’extrême, exacerbant les tensions de ses dissonances et ouvrant sur des recherches sonores.  On y ressent ce que révélait en 1952 Allan Pettersson dans un écrit publié à Paris : « Dans le milieu au sein duquel j’ai passé mon enfance, j’ai absorbé la douleur des hommes.  C’étaient des hommes pauvres, brisés, malades et – le pire de tout – définitivement opprimés. »  Peu de temps allait s’écouler avant qu’il ne devienne lui-même « brisé, malade ».  Les interprètes (une Chinoise de Pékin, un Chinois de Taiwan, et des Allemands issus du Gewandhaus de Leipzig) endossent parfaitement cette trajectoire qui tint du Voyage au bout de la nuit mais féconda une œuvre impressionnante.

 

 

 

Nino ROTA : Concertos pour violoncelle n° 1 et 2.   Silvia Chiesa, violoncelle.  Orchestre symphonique nationale de la RAI, dir. Corrado Rovaris. Sony : 88697924102.

Prolifique compositeur de musique de film (et irremplaçable partenaire de Fellini), Nino Rota est victime de son succès dans un genre mineur.  Son œuvre « abstraite » – si l’on peut dire – s’en trouve donc négligée, malgré quelques offensives de talentueux interprètes.  Ces concertos de 1972 et 1973 s’assument résolument comme rétrogrades (ils le seraient, même s’ils portaient la date de 1922, c’est dire !), mais les interprètes italiens mettent tellement de flamme à le défendre que l’on se prend à écouter le disque avec plaisir.  Silvia Chiesa joue constamment dans la tension (au prix de quelques problèmes de justesse) ou dans le registre d’une tristesse chantante, et Corrado Rovaris se souvient de son expérience de chef d’opéra pour projeter des flambées lyriques qui réveillent notre sensibilité : l’addition de ces pertinentes idées d’interprètes réussit à soutenir l’intérêt par une expression dramatique inattendue, surtout dans le 1er Concerto (le 2e, avec son hommage à Mozart, chemine plus superficiellement).  Preuve supplémentaire qu’une musique fragile dépend beaucoup de la capacité de ses « médiateurs » à y déceler des pistes susceptibles de la régénérer.

 

 

 

Robert SCHUMANN : Fantasiestücke op. 12, Arabesque op. 18, Kreisleriana op. 16.  Vittorio Forte.  Lyrinx : LYR 275.

Les sujets d’irritation ne manquent pas à l’approche de ce disque. Tout d’abord des négligences éditoriales : cafouillages dans les numéros d’opus au dos du disque, fautes de français dans la notice écrite par l’interprète calabrais (mais non relue).  Puis des maniérismes hors de propos nous empêchent de nous concentrer sur les qualités, pourtant réelles, du pianisme de Vittorio Forte (beau son, agilité digitale) : dès la première pièce de l’op. 12, les intentions sonnent faux.  Et périodiquement, notre écoute se trouve ainsi déviée de ce que l’on aimerait goûter dans son jeu purement instrumental : ici on minaude, là on traîne quand il faudrait du muscle, soudain on éperonne par à-coups, et on entre dans les Kreisleriana au pas d’un percheron (ce qui est rédhibitoire).  Vittorio Forte semble être demeuré étranger à l’empathie avec le génie schumannien qui, seule, ouvre des portes insoupçonnées.  À ceux qui s’en vont quérir le bouillonnement de la jeunesse dans l’interprétation des fantasques rêveries schumanniennes, recommandons les quatre disques (chez Claves) de l’Irlandais Finghin Collins, pianiste difficile à détrôner dans les deux recueils de Fantasiestücke (l’op. 12 et l’op. 111).

 

 

 

Carl-Maria von WEBER : Dix Ouvertures.  Tapiola Sinfonietta, dir. Jean-Jacques Kantorow.  Bis-SACD : 1760.

Le réalisme historique impose de noter que l’Orchestre philharmonique de Berlin n’existait pas à l’époque de Weber, et que les 41 membres de l’orchestre de chambre finlandais devraient suffire.  L’hédonisme impose de noter que, depuis Weber, nous avons eu Karajan et sa somptueuse phalange (DGG), et que notre oreille moderne trouve rikiki toute version « restreinte ».  Certes, Jean-Jacques Kantorow dirige avec fougue, volubilité, et accomplit un brillant travail sur les articulations, mais il ne peut empêcher que nous restions fidèles à notre bonne vieille référence pour les six ouvertures gravées par le chef salzbourgeois (Le Maître des esprits, Peter Schmoll, Abu Hassan, Der Freischütz, Euryanthe, Oberon).  L’intérêt du disque se concentre donc sur les quatre ouvertures restantes : celle de Silvana, opéra de jeunesse, porte encore la marque de l’héritage mozartien, la Jubel-Ouvertüre (écrite en 1818 pour fêter le long règne du roi de Saxe, Friedrich August) véhicule une énergie à mettre en parallèle de grandes pages beethoveniennes.  Deux ouvertures de musiques de scène ont en commun le souci d’intégrer des thèmes authentiques correspondant à l’ethnie de leurs sujets respectifs : Preciosa (1820, pour une adaptation de Cervantès) est une élégante espagnolade, même si on y chercherait en vain un ton d’assimilation précurseur de Carmen !  L’ouverture de Turandot, Princesse de Chine (1809) fera dresser l’oreille à ceux qui ont en mémoire les Métamorphoses symphoniques sur un thème de Weber (1943), puisque Paul Hindemith a recouru précisément au thème chinois que Weber avait déniché dans le Dictionnaire de musique de Jean-Jacques Rousseau.  On s’amusera de suivre comment Weber, entravé par l’harmonie classique, se détortille du pentatonisme, tandis que Hindemith, avec un humour virtuose, a « promené » l’harmonisation et l’orchestration de son thème au gré d’une fantaisie débridée, jusque dans les terres swinguantes d’un brio très américain (il avait émigré outre-Atlantique en 1940).  Il y a plus de vingt ans, Neeme Järvi avait eu l’intelligence de coupler les Métamorphoses d’Hindemith à son programme Weber comportant l’Ouverture et la Marche de cette musique de scène pour Turandot (Chandos : CHAN 8766).

 

 

 

Gustav MAHLER : 3e Symphonie (a) ; Alban BERG : Lulu-Suite (b).  Hildegarde Ruetgers (mezzo-soprano, a), Mary Lindzey (soprano, b), Chœurs et Maîtrise de l’ORTF (a), Orchestre national de l’ORTF, dir. Jean Martinon.  2 CDs Cascavelle : VEL 3160.

Jean Martinon (1910-1976) fut un immense musicien dont la France (fidèle à ses bonnes vieilles habitudes) a tendance à laisser dépérir le souvenir ; d’ailleurs le présent double disque, s’il nous restitue des concerts de l’ORTF, vient d’une firme suisse, c’est tout dire !  Dès les premières mesures du Kräftig de la 3e Symphonie de Mahler, captée le 3 octobre 1973, on reçoit un choc : Martinon se sert de l’éminente qualité des cuivres français pour creuser à la gouge, au burin, les reliefs expressifs d’un dramatisme intensément tendu.  Il se sert aussi de la couleur incisive des bois français qui, à l’époque, se distinguaient encore par leur verdeur acidulée, pour aviver les traits, tantôt insinuants, tantôt sarcastiques, si typiques de la musique de Mahler.  Ainsi, chaque partie de la fascinante orchestration ressort-elle avec ses ombres, ses éclairages individualisés, et agit-elle comme dans un théâtre des sons.  Si les cordes ne sont pas viennoises, on se doit de saluer le travail du chef qui réussit à en tirer le maximum (ah, les caressantes effusions du finale !).  Manifestement, Jean Martinon se livra à une analyse particulièrement pertinente de la structure et de la polyphonie de l’œuvre, pour en donner une lecture admirablement vivante, chaque incise, chaque thème ayant quelque chose à dire, avec son élocution, son phrasé, sa couleur propres.  Les intentions musicales  nous tiennent sans cesse en éveil, nous empoignent, nous lacèrent, interpellent notre empathie ou mettent en vibration notre fibre émotionnelle.  La chaude voix d’Hildegarde Ruetgers nous enveloppe, accompagnée là encore de couleurs orchestrales très travaillées.  Et la symphonie se termine dans une apothéose wagnérienne qui exalte le noble idéal du compositeur.  On n’hésitera pas à classer cette interprétation parmi les plus saisissantes d’une discographie mahlérienne qui, pourtant, ne manque pas d’illustres baguettes, et l’on repense à la médaille Mahler ayant consacré, en 1967, le travail du musicien lyonnais.

La présence sonore de l’enregistrement est optimale et respecte tous les reliefs recherchés par le chef. L’exhumation des archives martinonesques de l’ORTF se poursuivra-t-elle avec d’autres trésors de cet acabit ?

Par la prise de son comme par le rendu orchestral (sans parler d’une soprano parfois à la peine), la Lulu-Suite (concert du 3 novembre 1971) apparaît comme un peu moins nécessaire, mais il demeure néanmoins bon de se souvenir des efforts qu’entreprit Jean Martinon pour un répertoire alors moins couru qu’aujourd’hui : rien d’aride dans son approche de cette partition qui se construit selon une progression dramatique faisant monter la tension émotionnelle.

 

 

 

Gustav MAHLER : 8e Symphonie.  Ricarda Merbeth (sopr.), Elza van den Heever (sopr.), Elisabeta Marin (sopr.), Stella Grigorian (alt.), Jane Henschel (alt.), Johan Botha (tén.), Boaz Daniel (bar.), Kwangchul Youn (basse).  Wiener Singakademie, Slovak Philharmonic Choir, Wiener Sängerknaben, ORF Radio Symphony Orchestra, dir. Bertrand de Billy.  Oehms : OC 768.

À deux générations de distance, il s’avère intéressant d’écouter ce que produisent les chefs français dans Mahler.  Bertrand de Billy (né en 1965), installé à Vienne depuis 1996, clôturait par ce concert du 27 mars 2010 un cycle mahlérien, et en quelque sorte son règne (2002-septembre 2010) à la tête de l’orchestre de l’ORF.  On le sait grand chef wagnérien, et la similitude d’un des thèmes de la première partie de la 8e Symphonie avec un motif des Meistersinger résonne comme le signe d’une passerelle entre les activités lyriques et symphoniques du Maestro.  Pourtant, la dominante de sa lecture de la Symphonie dite « des Mille » n’est pas à chercher de ce côté : nulle grandiloquence, nul effet rhétorique chez lui ; on a plutôt l’impression d’entendre un grand oratorio – après tout, cette symphonie ne l’est-elle pas ? – ce que la prévalence d’un admirable travail des chœurs renforce.  Le sentiment de clarté qu’on en retire ne concerne pas seulement la limpidité du cheminement polyphonique mais l’image mentale d’une couleur claire qui rayonnerait sur tout le tableau ; l’on peut alors juger que d’autres chefs nous ont entraînés vers des horizons plus contrastés dramatiquement.  Cela dit, la dernière partie s’élève vers une paix qui nous envahit d’une spiritualité bienfaisante (Chœur Dir, der Unberührbaren, ist es nicht benommen), d’une lumière diaphane : la clé du message de Mahler ne s’en trouve-t-elle pas ainsi respectée ?

 

 

 

« Une soirée chez Brahms ».  Robert SCHUMANN : Adagio et Allegro op. 70.  Theodor KIRCHNER : 8 Pièces op. 79.  Johannes BRAHMS : 4 Lieder transcrits par N. Salter.  Robert FUCHS : 2e Sonate op. 83.  Franz Ortner (violoncelle), Caroline Boirot (piano).  Lyrinx : LYR 261.

Que voilà une belle soirée, grâce à deux musiciens qui ne pouvaient manquer de se rencontrer malgré leur carrière très cosmopolite !  Ils respirent d’un même souffle musical, et nous convainquent de la valeur des pièces choisies parmi cette « jeune » génération de compositeurs qui se fédéra autour du modèle schumannien.  Ils n’hésitent pas à tirer le moindre ferment d’expressivité des textes : écoutez par exemple la lenteur de l’Adagio de Schumann, certes excessive mais que l’on pardonne aisément avec une telle beauté de son.  Franz Ortner a de ces portamenti qui donnent une délicieuse saveur « d’époque » ; ce Viennois cultive le son onctueux considéré comme une caractéristique de sa tradition native, mais qu’il est agréable de se laisser ainsi enjôler !  Nos duettistes mettent une vive imagination à faire ressortir maintes séductions des Huit pièces (organisées selon une stricte ordonnance lent-vif) de Kirchner, un auteur fidèle à une écriture d’obédience brahmsienne et jamais suspect de penchants vers quelque « musique nouvelle » ! Pourtant, guidés par de tels interprètes, on éprouve un franc plaisir.  La transcription pour violoncelle des lieder de Brahms fut publiée du vivant de Brahms qui n’émit aucune objection : sous un archet aussi chantant que celui de Franz Ortner, on les trouve encore plus beaux que par bien des interprètes vocaux ; et avec quelle délicatesse Caroline Boirot embrasse-t-elle la partie soliste par un judicieux dosage des différentes tessitures du piano !  Plus tardive, mais tout aussi ignorante des révolutions artistiques en marche, la Sonate de Fuchs s’épanche en un éloquent lyrisme, animé de romantiques emportements. Prise de son très gratifiante, ronde et chaleureuse, à l’image de la musicalité de ces artistes admirables que l’on souhaite retrouver très vite au disque.

 

Sylviane Falcinelli.

 

 

Padre Antonio SOLER (1729-1783) : Fandango & Sonates.  Marcela Roggeri, piano.  Transart Live : TR 153.  TT : 75’04.

Un très bel enregistrement live, capté lors d’un concert au Grand Théâtre de Reims, dans le cadre des Flâneries musicales (2006).  Un joli programme qui associe le Fandango, découvert en 1960, et treize sonates choisies parmi les deux cents sonates composées par le moine de la communauté hiéronymite de San Lorenzo de l’Escurial.  Une musique ensorcelante, sensuelle et effrénée, mais également virtuose et mélancolique.  Une belle interprétation, pleine d’allant qui incite à la danse.

 

 

 

BACH, MOZART, CHOPIN. Tribute to Dinu Lipatti.  Paul Badura-Skoda, piano. Transart Live : TR 170.  TT : 70’07.

Un disque en forme d’hommage à l’immense pianiste que fut Dinu Lipatti, pour l’anniversaire des 60 ans de son dernier concert à Besançon, mais aussi, la marque de l’admiration portée à ce maître par le non moins talentueux Paul Badura-Skoda.  Un programme associant Bach (Partita n°1) Mozart (Sonate pour piano K. 310) Chopin (Valses, Mazurkas, Ballade).  Un enregistrement live datant de 2010, capté au Festival international de Besançon, sur piano Steinway.  Un disque magnifique qui nous entraîne bien au-delà des notes.

 

 

 

Henri TOMASI (1901-1971) : Mélodies corses. Cyrnos.  Johanne Cassar (soprano).  Laurent Wagschal & Sodi Braide (pianos).  Indesens : INDE 037.  TT : 54’49.

Un disque original, remarquablement interprété, qui nous donne à entendre les compositions vocales peu connues d’Henri Tomasi, compositeur et chef d’orchestre, Grand Prix de Rome 1927, dont certaines encore inédites au disque, ainsi qu’une composition, Cyrnos (1929) enregistrée ici, pour la première fois, dans sa version pour deux pianos.  Une musique inspirée des couleurs de la Méditerranée, loin de tout folklorisme, mais parfaitement inscrite dans la musique de son temps.  Une interprétation  où alternent joie et douleur, une vocalité facile au timbre chaud, un piano aux accents ravéliens.  

 

 

 

George ENESCU (1881-1955) : Chamber Music  1895 -1906.  Tatiana Samouil (violon), Gérard Caussé (alto), Justus Grimm (violoncelle), Frédéric Mellardi (trompette), Claudia Bara (piano).   Indesens : INDE 036.  TT : 76’02.

Un florilège de compositions chambristes de George Enescu, toutes compositions de jeunesse, mêlant tradition, modernité et mélodies populaires roumaines.  Des œuvres peu connues, des associations d’instruments classiques comme dans la Ballade pour piano & violon de 1895, l’Aubade pour trio à cordes de 1899 ou la Sérénade lointaine pour piano, violon & violoncelle de 1903, parfois plus inhabituelles, comme dans la Légende pour trompette & piano de 1906 ou le Cantabile et Presto pour flute & piano de 1904, sans oublier la Pavane de la Suite n°2 pour piano, le Konzerstück pour alto & piano, le Nocturne pour violoncelle & piano, la magnifique Pastorale, Menuet triste et Nocturne  pour violon & piano à quatre mains et l’ardente Tarentelle pour violon & piano.  Un beau programme qu’il suffit d’écouter pour être convaincu.  Original, parfaitement joué par des musiciens talentueux.

 

 

 

Bertrand de BACILLY ou l’art d’orner le « beau chant » : Airs inédits.  Première mondiale. Ensemble « A Deux Violes Esgales ».  Saphir (www.saphirproductions.net) : LVC 1126.  TT : 64’30.

Un disque d’airs profanes français inédits, en première mondiale, appartenant au genre musical de la politesse mondaine du XVIIe siècle, établi à partir d’un manuscrit récemment découvert, rapporté à Bertrand de Bacilly (1621-1690) qui fut l’un des principaux chanteurs-compositeurs-pédagogues du règne de Louis XIV.  Héritier direct de l’air de cour, l’« air sérieux » fut le symbole d’une société raffinée et domina toute la musique profane de cette époque.  Cet art exigeant du chant consistait à agrémenter la mélodie d’ornements, de cadences, destinés à mettre en avant la virtuosité, la diction et la finesse du chanteur.  Bertrand de Bacilly en fut un des maîtres et en publia plusieurs recueils.  Un disque-document qui associe des airs de Bertrand de Bacilly  et des pièces instrumentales de quelques-uns de ses fameux contemporains, parmi lesquels Couperin, Dufaut, Hotman et Sainte-Colombe.  Un témoignage du « beau chant » qui ne laissera pas indifférents les amateurs de musique baroque et les historiens du Grand Siècle.

 

 

 

Quatuor IXI : Cixircle.  Abalone Productions : AB008.  TT : 56’15.

Une musique pour quatuor à cordes, hybride entre classique, jazz et improvisation.  Une musique étonnante, avec de très beaux moments.  Ne pas l’écouter serait une erreur.

 

 

 

Richard WAGNER : Tristan & Yseult.  Ensemble Carpe Diem, dir. Jean-Pierre Arnaud. Christine Schweitzer (soprano), Lambert Wilson (récitant).  Vincent Figuri (adaptation du livret).  Indésens : INDE 035.   TT : 53’15.

Entreprise honorable mais périlleuse, que de revisiter Tristan & Yseult, façon troubadour, dans le style du « dit » médiéval, mais envisager Tristan & Yseult sans Tristan, voilà qui relève de la gageure, et du pari inutile, surtout lorsque le minutage, réduit à 53’, vous contraint à des coupes drastiques, amputant d’autant la cohérence de l’œuvre et la rendant, de ce fait, parfaitement incompréhensible !   Curieuse idée de réduire un tel opéra à quelques bribes vocales ! Une faillite  patente où interviennent aussi le mélange de deux langues (allemand et français) et la multiplicité des rôles dévolus au récitant qui interprétera Tristan, mais également, au gré des circonstances, Brangaine, Kurvenal et accessoirement Yseult, voilà qui ne favorise pas la lisibilité du livret.  Si la transcription musicale de Jean-Pierre Arnaud pour 10 musiciens peut trouver grâce à nos yeux, la piètre prestation vocale de Christine Schweitzer et  l’absence de duos vocaux achèvent de dénaturer l’œuvre de Wagner, totalement déshabitée, lui retirant toute magie et toute émotion.  Un disque qu’il conviendra d’oublier rapidement, en retenant, toutefois, qu’on ne s’attaque pas impunément à la prosodie wagnérienne, ni à une œuvre aussi emblématique que Tristan & Yseult, personne ne sortant grandi de cette aventure, et surtout pas Wagner.

 

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Camille SAINT-SAËNS : Elan.  Ballet music from operas by Saint-Saëns.  Orchestra Victoria, dir. Guillaume Tourniaire. World Premiere Recording.  Melba Recording  (www.melbarecordings.com) : MR301130.  TT : 73’04.

Force est de reconnaître qu’en dehors de Samson et Dalila, la production opératique de Saint-Saëns reste assez mal connue du grand public.  Voilà une occasion de combler cette lacune grâce à ce disque original qui présente la musique orchestrale et de ballet de quelques-uns des treize opéras que Camille Saint-Saëns (1835-1921) composa tout au long de sa carrière. Magistralement interprétée par Guillaume Tourniaire à la tête de l’orchestre Victoria, voilà une musique élégante, témoignant du grand opéra français, très variée, un peu passéiste, qui mérite beaucoup mieux que le mépris ou l’oubli.  En dehors de celle d’Henry VIII (1883) les musiques instrumentales extraites d’Ascanio (1890), d’Étienne Marcel (1879), des Barbares (1900) sont encore inédites au disque. Un enregistrement de grande qualité, une superbe musique, à découvrir absolument.

 

 

 

Franz SCHUBERT : Impromptus & Écossaises.  Michel Dalberto (piano). Dal Segno : DSPRCD062.  TT : 69’20.

Une très belle interprétation de Michel Dalberto des 4 Impromptus op. 90 &  op. 142 datant  tous deux de 1827, mais témoignant de climats bien différents et des Écossaises D.781 & 782,  musiques de danse composées en 1823.

 

 

 

Johannes BRAHMS : Werke für Chor und Orchester.  Collegium Vocale Gent & Orchestre des Champs-Élysées, dir. Philippe Herreweghe.  Ann Hallenberg (mezzo-soprano).  PHI ( ) : LPH003.   TT : 56’48.

Une interprétation de la musique pour chœur et orchestre de Brahms (1833-1897) qui atteint, ici, des sommets rarement égalés, tant vocalement qu’instrumentalement.  Ce qui peut être considéré comme « la plus haute expression de la musique », comme l’affirmait Schumann, associe dans cet enregistrement Schicksalslied (1871), la Rhapsodie pour alto (1869), « Warum ist das Licht gegeben » (1878), Begräbnisgesang (1858) et Gesang der Parzen (1882).  Les timbres, le phrasé, tout participe ici d’une spiritualité et d’une ferveur certaines ;  plus qu’une musique, une prière, un regard pénétrant sur les mystères du monde spirituel.  Un très beau disque du nouveau label PHI, absolument indispensable aux admirateurs de Brahms, aux amateurs de musique chorale et autres…

 

 

 

BRAHMS : Piano works.  Peter Katin (piano).  Diversions : ddv 24157.  TT : 78’48.

Un enregistrement datant de 1990 qui permet de retrouver le pianiste britannique Peter Katin dans un de ses répertoires de prédilection. Un programme qui associe les Fantasias op. 116, Trois Intermezzi op. 117, Deux Rhapsodies op. 79 et les Variations et Fugue sur un thème de Haendel op. 24. Une magistrale interprétation d’œuvres composées entre 1861 pour les Variations et 1891 pour les Intermezzi, alternant lyrisme, passion, tendresse, tristesse et sérénité.

 

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Patrice Imbaud.

 

 

« Les Héroïnes romantiques : Tragédiennes 3 ».  Étienne-Nicolas MÉHUL : Ariodant.  Rodolphe KREUTZER : Astyanax.  Antonio SALIERI : Les Danaïdes.  Christoph Willibald GLUCK : Iphigénie en Tauride.  François-Joseph GOSSEC : Thésée.  Giacomo MEYERBEER : Le Prophète.  Auguste MERMET : Roland à Roncevaux.  Hector BERLIOZ : Les Troyens.  Camille SAINT-SAËNS : Henry VIII.  Jules MASSENET : Hérodiade.  Giuseppe VERDI : Don Carlos.  Véronique Gens, soprano.  Les Talens Lyriques, dir. Christophe Rousset.  Virgin Classics : 50999 07 0927 2 5.  TT : 67'49.

Poursuivant leur exploration des grandes pages confiées aux tragédiennes de l'opéra français, Véronique Gens et Christophe Rousset en viennent aux héroïnes romantiques.  Conclusion logique d'un voyage qui les avait, l'espace de deux précédents volumes, menés de Lully à Gluck, puis à Berlioz, en passant par un florilège de compositeurs tirés des limbes.  Cette fois encore, ils mêlent le connu et le rare, ressuscitant un théâtre de passions.  Un sérieux travail éditorial a été effectué en amont avec l'aide de la Fondation Bru Zane, pour nous entraîner parmi une cohorte d'héroïnes au destin implacable, à la fureur inassouvie, à la déploration grandiose.  Gluck (Iphigénie en Tauride) et Berlioz (Les Troyens) en sont bien sûr les piliers, annonciateurs l'un et l'autre de ce romantisme qui ne demandait qu'à éclore.  Mais aussi les « vrais » romantiques que sont Massenet, Saint-Saëns, et même un certain Giuseppe Verdi.  Un premier groupe illustre la transition entre classicisme et élargissement de la forme.  Ainsi de Gossec dont la Médée (Thésée) évoque un récit haletant, de Méhul qui, avec le récit et l'air d'Ina tiré d'Ariodant, offre un étonnant mélange de mélodrame parlé et d'air véhément, de Kreutzer encore dont l'Andromaque d'Astyanax livre un de ces « airs agités » exhalant des torrents de fureur.  Un autre groupe réunit Meyerbeer (air de Fides du Prophète, aux curieux mélismes), Saint-Saëns et son Henry VIII, si peu joué : l'air de Catherine d'Aragon évoquant dans une cavatine à la française, sa chère terre natale espagnole en une plainte désolée, est un joyau.  Mais aussi l'aria d'Hérodiade de Massenet, sans doute plus prosaïque, mais pas grandiloquente.  Un autre bijou est l'air d'Élisabeth de Valois du Don Carlos de Verdi, version française de ce grand œuvre historique, qui ouvre le Ve acte, « Toi qui sus le néant des grandeurs de ce monde ». Véronique Gens livre, de ces femmes immenses, des interprétations engagées, empreintes de cette simplicité de la diction qui est la marque de la vraie tragédie.  Il n'est que d'écouter la sérénité poignante qui s'empare de Didon dans son récit « Je vais mourir », des accents délicatement archaïsants des mots  « adieu, fière cité », d'une noblesse digne de Crespin, pour se convaincre de la rectitude de ton.  La voix s'est aussi étoffée dans le médium, qui fait vite oublier le léger effort consenti dans le registre aigu de certains traits vaillants.  Elle confie que la fréquentation de la musique baroque a orienté sa façon de chanter des œuvres plus tardives, eu égard à la rigueur et au souci du détail qui sont l'apanage de ce type de répertoire.  Christophe Rousset et ses musiciens des Talens Lyriques ont, eux aussi, migré vers des contrées auxquelles ils n'étaient pas habitués.  Avec bonheur, car ces exécutions, énergiques mais souples, sont frappées là encore au coin de la rigueur et de la juste intonation, voire mêmes décapées des habitudes ailleurs bien ancrées.

 

 

 

Robert SCHUMANN : « Geistervariationen ».  Papillons op. 2.  Sonate pour piano op. 11.  Scènes d'enfants op. 15.  Fantaisie op. 17.  Scènes de la forêt op. 82.  Thème et Variations (« Geistervariationen ») 1854.  András Schiff, piano.  2 CDs EMC New Series : 2122/23.  TT : 64'25 + 74'11.      

Admiré dans les pays germaniques, adulé au Royaume-Uni, András Schiff n'est pas reconnu à sa juste valeur ici.  Ses Schubert, naguère, ne remplirent pas les salles parisiennes.  Pourtant, voilà un excellent musicien qui joue avec bonheur aussi bien les classiques viennois que les romantiques.  Après Schubert, Mozart (son interprétation des concertos pour piano avec Sandor Vegh est passionnante), Beethoven, le voici se confrontant à Schumann.  L'espace de deux disques, il livre les pièces essentielles du compositeur.  Les douze courtes pièces titrées Papillons, au style discursif, se succèdent sans ordre apparent autre que celui de la fantaisie.  On y décèle une abondance de mouvements de valse et autres danses, aux contrastes abrupts, et déjà cette manière d'opposer deux personnages, Vult et Walt, qui courtisent la même jeune personne et qui vont, lors d'un bal masqué, échanger leurs masques.  La Sonate op. 11, dédiée à Clara en 1836, est comme une déclaration d'amour, ces amours alors contrariés par Wieck père.  L'affirmation de la richesse de la manière du jeune Schumann se livre à chaque pas des quatre mouvements qui alternent grandeur épique et lyrisme enflammé.  Des Scènes d'enfants op. 15, série de courtes pièces mettant l'enfance au centre de l'inspiration, il n'est pas aisé d'extraire la substance, les contrastes, le pianisme achevé.  Schiff y parvient de main de maître.  « Rêverie », point névralgique de l'ensemble, n'a rien de sentimental.  Schumann a dédié sa Fantaisie op. 17 à Liszt (1836).  Est-ce une sonate ?  Schiff estime que, tout comme Beethoven dans sa Sonate op. 27, il s'agit d'une « fantaisie quasi una sonata ».  Là aussi les climats sont contrastés.  Le monde fantastique de la première séquence enthousiasme.  « La chose la plus passionnée que j'ai jamais écrite » dira l'auteur.  Quel élan passionné en effet !  La marche triomphale de la deuxième requiert une énergie à toute épreuve et « Constellation » termine en apothéose cet ultime mouvement lent placé en troisième position.  Schiff joue un finale découvert dans la bibliothèque de Budapest, de même que le finale habituel.  Les neuf parties qui constituent les Scènes de la forêt op. 82 nous plongent au cœur même de cet univers, lieu choisi de l'imagination romantique.  Au-delà de l'aspect narratif, c'est l'émotion du voyageur qui est mise en exergue.  Le déclamatoire y alterne avec le poétique raffiné.  Schiff termine ce récital compréhensif par Thème et Variations.  Cette pièce (1854) est la dernière que Schumann ait confiée au piano.  L'écriture en a été interrompue par sa tentative de suicide dans les eaux du Rhin.  Il est alors traversé de pensées étranges.  Pourtant, le thème est simple et doux et les cinq variations le développent et l'amplifient tout aussi gentiment.  La manière du pianiste hongrois, pas si éloignée de celle d'un Pollini dans le geste déclamatoire, fait la part belle à l'improvisation.  Il ne cherche pas à accentuer la différence entre lyrisme et drame, ce couple Florestan & Eusebius.  L'énergie est intériorisée.  On admire l'art de la fantaisie romantique qui dépasse le classicisme parce qu'il lui intègre un grain de folie.  Belle prise de son d'un instrument qui semble ne pas être un Steinway mais plutôt un Bechstein.

 

 

 

Franz LISZT : Concertos pour piano & orchestre n°1 en mib majeur et n°2 en la majeur.  Consolation n°3.  Valse oubliée n°1.  Daniel Barenboim, piano.  Staatskapelle Berlin, dir. Pierre Boulez.  Universal/DG : 477 9521. TT : 49'52.

Voilà un CD improbable il y a seulement quelques années !  La réunion du pianiste chef d'orchestre et du chef d'orchestre compositeur dans Liszt tient presque de la gageure.  Et pourtant cela fonctionne bien.  La sobriété de la direction de Boulez et l'expressivité du pianisme de Barenboim font bon ménage.  Alors même que ce dernier joue avec son propre orchestre berlinois dont il aime confier les rennes à son ami Boulez le temps d'événements particuliers.  Celui-ci en est assurément un.  Ce qui est ardu dans ces deux pièces rabâchées, c'est d'en donner une lecture renouvelée, du moins qui ne soit pas purement démonstrative.  Leur éclat souvent grisant, leur usage immodéré du chromatisme, leur singularité qui les rapprochent plus de la rhapsodie pour piano & orchestre que du formel concerto de clavier, plaident paradoxalement en faveur d'une approche faite d'humilité.  Le Deuxième Concerto, qui ouvre le feu, mène, à l'intérieur de ses six séquences enchaînées, de la panique au lyrisme effréné, de moments de vitalité extrême à un calme presque olympien.  Ainsi de l'allegro moderato, paré du solo de violoncelle où tout chante de manière indicible.  Non que les contrastes ne soient pas abrupts, du deciso au marziale, de l'animato au stretto final, sorte de danse d'une nuit de sabbat, en passant par une fière cadence.  Barenboim le joue avec l'aplomb qui sied, mais aussi la poésie qui y est inscrite au cœur même.  De la virtuosité, il dit qu'« il ne s'agit pas seulement du contrôle du tempo et de la dynamique, mais de millions de couleurs dont on peut créer l'illusion au piano ».  Cela est tout aussi vrai du Premier Concerto fort imbibé de strates innovantes, bien que là encore éloigné des modèles classiques, de Chopin en particulier.  Le déclamatoire quasi opératique du maestoso laisse place au cantabile du quasi adagio.  Barenboim évite tout épanchement vain.  Et la direction objective, mais pas sèche, de Boulez aide beaucoup à instaurer cet équilibre frôlant l'idéal.  L'allegretto vivace, sorte de scherzo, a été raillé par les contemporains de Liszt comme un « concerto pour triangle », eu égard à la partie avantageuse confiée à cet instrument.  Avec la complicité de Boulez, Barenboim y gambade gaiement à la main droite dans le registre aigu du clavier.  Le Marziale, qui allie lyrisme farouche et rythmique implacable, conduit au thème libérateur couronnant une pièce bien attachante.  En bis, puisqu'il s'agit d'une captation live au festival de la Ruhr Triennale, Barenboim joue la troisième Consolation, marquée par un lyrisme extatique, ppp, sur un ondoiement de la main gauche, tout à fait dans le prolongement de l'adagio du Premier Concerto, et la Valse oubliée n°1, un fantôme de valse qui s'en va comme un souffle.

 

 

 

Piotr Ilitch TCHAIKOVSKY : Intégrale des œuvres pour violon & piano : Sérénade mélancolique op. 26. Valse-scherzo op. 34. Souvenir d'un lieu cher op. 42.  Humoresque op. 10, n°2.  Andante funebre e doloroso ma con moto op. 30.  Oh ! Chante encore ! op. 16.  Sasha Rozhdestvensky (violon), Josiane Marfurt (piano).  Delos : DE 3413.  TT : 53’30.

Le grand maître de l'orchestre romantique qu'est Tchaïkovski, ou la quintessence de l'âme russe, souvent proche de l'émotionnel, s'est peu livré dans le répertoire chambriste.  Mais les quelques œuvres qu'il dédie au genre restent représentatives de son art.  Il manie, là aussi, cette harmonie particulière et la faconde mélodique qui le caractérisent.  Ce disque les rassemble toutes.  La Sérénade mélancolique (1875), plus connue dans sa version pour orchestre, déroule une ample et douce mélodie, nimbée de tragique avec des traits insistants.  La Valse-scherzo (1877), au rythme sautillant avec ses coups d'archets rageurs, offre une section centrale plus mélancolique là aussi, débouchant sur une belle cadence.  Une brillante conclusion couronne le retour au joyeux premier thème.  Humoresque (1876) est une danse populaire où l’on entend presque un orchestre complet.  Andante funebre e doloroso, de la même année, tiré du 3e Quatuor, offre ce thème tragique insistant suggérant une procession funèbre, évocation d'un chant orthodoxe aussi.  Et « Oh ! Chante encore ! », courte pièce découverte par Sasha Rozhdestvensky à la BnF, est écrite dans le ton d'une mélodie rêverie.  La pièce la plus importante demeure sans doute Souvenir d'un lieu cher (1878), écrit dans la belle propriété ukrainienne de la baronne von Meck, bienfaitrice du musicien.  Ses trois mouvements livrent tour à tour une douce plainte méditative évoluant vers un climat passionné (« Méditation »), un Scherzo délicatement rythmé avec son trio expansif dans une belle coulée violonistique, et une dernière séquence, célèbre pour constituer un fameux morceau de concert, d'un mélodieux foncièrement tchaïkovskien (« Mélodie »).  C'est là la musique russe dans ce qu'elle a de directement conquérant. Sasha Rozhdestvensky, fils du grand chef d'orchestre Guennady Rozhdestvensky, montre une sure technique, jadis louée par Yehudi Menuhin, une sonorité pleine mais aussi épurée, à l'aise dans cet idiome qui est le sien.  Il est magnifiquement soutenu par la pianiste suisse Josiane Marfurt.

 

 

 

Manuel de FALLA : Cuatro piezas españolas.  Fantasia bætica.  Homenaje « Le Tombeau de Claude Debussy ».  Pour le Tombeau de Paul Dukas.  Nuits dans les jardins d'Espagne.  Canción.  Nocturno.  Mazurka.  Sereneda andaluza.  Javier Perianes, piano.  BBC Symphony Orchestra, dir. Josep Pons.  Harmonia Mundi : HMC 902099.  TT : 79'77.

À partir de la fameuse trilogie « Nuits dans les jardins d'Espagne » le pianiste Javier Perianes construit un CD fort complet du piano de Manuel de Falla.  Ainsi de toutes ces petites pièces composées les années 1888 à 1899, telle Canción, qui fait irrésistiblement penser, dans ses premières mesures, au Satie des Gymnopédies, fantaisie ibérique en plus, Nocturno aux belles arabesques à la main droite avec une pointe de mélancolie élégiaque, ou Mazurka livrant une fine articulation sans emphase.  La Sérénade andalouse est une amusante stylisation d'un folklore où le mystérieux va s'animant avec de belles transparences arpégées.  Les Quatre pièces espagnoles, des années 1906/1908, dédiées à Ricardo Viñes, font figure de synthèse de la danse populaire espagnole et de la technique impressionniste acquise à Paris auprès de Debussy et de Dukas.  Cette dernière influence illumine en particulier la troisième pièce.  L'hommage, posthume (1935), à l'auteur d’Ariane et Barbe-Bleue on le trouve dans Le Tombeau de Dukas.  Et « Le Tombeau de Debussy » (1920) reprend de fugaces citations du musicien français, comme idéalisées à travers le prisme de l'admiration.  Celle qui fit dire à de Falla lors d'un discours à Madrid, peu après la disparition du musicien français, «  Pensons avec une légitime fierté qu'il fut un Latin, l'un des nôtres, de cette grande lignée immortelle et invincible ! ».  La Fantaisie bétique, commande d’Arthur Rubinstein qui la créera en 1920, évoque la guitare flamenca en une danse enflammée.  C'est une œuvre charnière entre la période des Nuits et l'étape suivante des Tréteaux de Maître Pierre.  Il y a là tension et âpreté requérant une technique  exigeante : glissandi, accords heurtés, fréquents changements de tempos.  La trilogie Nuits dans les jardins d'Espagne connut une longue gestation : bien que créée en 1916, les premières esquisses remontent à 1909.  Ces « impressions symphoniques pour piano et orchestre » sont une succession de vignettes évocatrices, construisant une vraie dramaturgie sonore : de l'atmosphère mystérieuse, modulant de « En el generalife » avec ses grands crescendos romantiques qui font penser à Rachmaninov, au pseudo scherzo de « Danza lejana », aux vapeurs enivrantes, à ces « Jardines de la sierra de Cordoba » enfin, où sourdent quelques accents plus sombres privilégiant le registre grave du piano.  On y découvre une certaine parenté avec l'univers de Dukas.  Javier Perianes, qui dit être retourné aux sources du manuscrit, en livre une exécution parfumée et classique dans son ordonnancement.  Ailleurs, il est tout simplement captivant.

 

 

 

« Reflets ».  Maurice RAVEL : Concerto en sol pour piano & orchestre.  La Valse, poème chorégraphique.  À la manière de... Borodine.  À la manière de... Chabrier.  George GERSHWIN : Trois préludes.  Igor STRAVINSKY : 2 Études op. 7.  Gabriel FAURÉ : Premier Nocturne op. 33 n°1 en mib.  Quatrième Nocturne op. 36 en mib.  Roger Muraro, piano.  Orchestre philharmonique de Radio France, dir. Myung Whun Chung.  Universal/DG : 476 4669.  TT : 58'51.

Excellente idée de mettre en perspective le Concerto en sol de Ravel avec les compositeurs dont il s'inspira plus ou moins consciemment.  Ce qui permet en outre de porter sur celui-ci un regard neuf.  La façon de décliner le rythme, on la trouve chez Gershwin et ses Préludes, fort jazzy, comme dans les deux Études de Stravinsky, quoique à un moindre degré de sophistication, une manière somme toute plus classique.  Le côté  hyper virtuose des premier et troisième mouvements, il faut le rechercher chez Ravel lui-même et sa Valse, réinventée, idéalisée d'abord, puis désarticulée en forme de machine infernale qui semble au fil de ses métamorphoses ne pas connaître de  limites.  On pense aussi au Boléro.  Le lyrisme qui s'épanche dans le deuxième  mouvement en particulier, on peut le déceler chez Fauré peut-être et ses Nocturnes op. 33 et 36, quoique la parenté soit plus ténue ici.  Mais la juxtaposition est intéressante et heureuse.  Quant aux autres pièces de Ravel, les deux « À la manière de... » sont piquants.  De ces pièces, Roger Muraro donne des lectures dépourvues d'emphase.  Sa longue fréquentation de Messiaen lui fait insister sur la modernité de Ravel et cette virtuosité objective.  Il en va aussi du Concerto en sol : rythmique incisive à l'allegramente initial, pris très rapide, quasi presto à la récapitulation.  La phrase élégiaque solo qui ouvre l'adagio assai est finement pensée, long prélude à l'entrée de l'orchestre par cette arabesque inouïe de la flûte que relaient le hautbois puis la clarinette ; moment magique s'il en est.  Le presto conclusif est là encore dans un prestissime élan, sorte de marche des petits soldats de plomb, mais aussi combien aérienne jusqu'à l'ultime trait endiablé.  On admire encore une fois la mirifique orchestration ravélienne, magnifiée par Myung Whun Chung et son Philhar en belle forme,  et l'art de mettre en valeur le discours soliste.  Le pianisme de Muraro est habité, les arêtes vives, les couleurs franches, onirique mais lucide, rigoureux sans être rigide.  Une joie irrésistible nimbe cette interprétation  mesurée à l'aune des contemporains du maître de Montfort-l'Amaury. 

 

 

 

« Anna Netrebko live at the MET ».  Vincenzo BELLINI : I Puritani.  Serge PROKOFIEV : Guerre et Paix.  Wolfgang Amadeus MOZART : Don Giovanni.  Gaetano DONIZETTI : Don Pasquale, Lucia di Lammermoor.  Giuseppe VERDI : Rigoletto.  Charles GOUNOD : Roméo et Juliette.  Jacques OFFENBACH : Les Contes d'Hoffmann.  Giacomo PUCCINI : La Bohème.  Anna Netrebko (soprano).  Avec Juan Diego Flórez, Roberto Alagna, Piotr Beczala, Joseph Calleja (ténors).  Dmitri Hvorostovsky, Gerald Finley, Mariusz Kwiecien, Simone Alaimo (barytons).  Eric Halfvarson, Ildar Abrazakov (basses).  Ekaterina Semenchuk (mezzo).  The Met Opera Orchestra and Chorus, dir. James Levine, Plácido Domingo, Valery Gergiev, Sylvain Cambreling, Patrick Summers, Maurizio Benini, Marco Armiliato.  Universal/DG : 477 9903.  TT : 65'59.

Signe des temps : faute d'intégrales d'opéra, désormais de plus en plus réservées au DVD, les éditeurs se rabattent sur les CD compilations.  Heureusement, les airs y voisinent avec les scènes données dans leur quasi-intégralité, ce qui laisse une impression de vécu scénique.  Autre signe du moment, le culte de la vedette.  Bien que pas nouveau, le phénomène se développe.  Anna Netrebko est l'une de ces stars assoluta dont le succès commercial est assuré au disque.  Mais ne boudons pas le plaisir de l'entendre au mieux d'elle même dans des incarnations saisies sur le vif sur une scène dont elle est désormais l'une des têtes d'affiche, le MET de New York !  Depuis ses débuts en 2002, elle y déjà incarné neuf rôles.  Il n'y manque que sa Traviata.  Et on attend ses futures Anne de Boleyn et Manon de Massenet.  Elle est entourée de casts étudiés, version stars là aussi, même si les ténors ne sont pas toujours au mieux de leur forme (un Alagna trop étudié en Roméo, un Calleja piètre Hoffmann).  À part ces menues réserves, que de beautés vocales ! Le bel canto d'abord, avec Les Puritains (2007) où l’on admire la pureté de la ligne de chant et une déchirante Lucia (2009) dont l'air de la folie dépasse de loin le tour de force.  Elle y usera même d'une voix détimbrée pour renforcer l'effet poignant.  Et lorsque la colorature se mesure à la tendre flûte, s'allégeant comme immatérielle, on est bien près du bonheur total.  Dans ces pages de pure vocalité, elle distille la phrase avec cette infinie douceur qui fait éclore l'émotion.  Le cœur russe ensuite avec cette douce Natacha de Guerre et Paix dont Gergiev livre l’une des pages essentielles.  Le répertoire central encore : une Adina de Don Pasquale légèrement plus large que nature (avec Flórez !), une Gilda de Rigoletto, saisie lors de la scène de l'orage du dernier acte, d'un dramatisme certain, une Mimi comme on en rêve, prise là encore dans une scène cruciale, le finale de l'acte III, comme lors du duo extatique concluant l'acte I, enflammé s'il en est.  La voix puccinienne par excellence.  L'opéra français enfin, dont elle tend à se faire une spécialité, à juste raison.  Sa Juliette (avec Alagna, et dirigée par Plácido Domingo !) montre un sens du drame peu commun, d'abord dans le duo « Nuit d'hyménée », paré d'un registre grave qui confère à ce moment une charge émotionnelle intense.  Elle s'y montre même plus à l'aise que son illustre partenaire français.  L'air du poison « Amour, ranime mon courage » est tout aussi incandescent, se mouvant idéalement dans le lyrisme échevelé de Berlioz.  Elle fait sien l'idiome gallique comme une seconde nature et s'y montre glorieuse.  L'air d'Antonia des Contes d'Hoffmann, « C'est une chanson d'amour », est tout autant le fruit d'une empathie réelle avec un personnage pourtant moins avantagé.  Netrebko s'engage à fond dans chaque rôle abordé.  Son grand soprano adorné de couleurs sombres y est souverain.  Le travail sur la diction et les intonations, dans la langue de Molière notamment, est une leçon de style.  À déguster pour ceux qui aiment être emportés par le très beau chant.

 

 

 

Jean Sébastien BACH : « Préludes et autres fantaisies ».  Pièces extraites des Suites. Violaine Cochard, clavecin.  AgOgique : AGO 002.  TT : 62'22.

Un nouveau label voit le jour qui se proclame principalement tourné vers la musique baroque et ancienne.  Il faut saluer cette initiative en ces temps de vaches maigres.  La claveciniste Violaine Cochard a voulu, à l'image du concert, mélanger pièces célèbres et plus confidentielles, et faire ressortir ainsi divers affects et atmosphères.  Elle a surtout voulu décrire sa passion d'interprète, un vrai coup de foudre, pour un instrument particulier, un clavecin de Johannes Daniel Dulcken, construit autour de 1740 à Anvers, et restauré avec amour par le facteur et restaurateur de clavecins Laurent Soumagnac.  Les pages qu'elle égrène ont été choisies « avec le cœur », privilégiant les contrastes. À partir de quatre Préludes, vont alterner divers types de compositions, Toccata, Sinfonia, Fantaisie, mais aussi gigue, fugue et sarabande, extraites de leurs Suites d'origine. Et donc des climats sonores différents illustrant les nombreuses possibilités expressives imaginées par Bach.  De même que seront mises en valeur les qualités de l'instrument, révélant la génialité de son écriture.  Ainsi de la Fantaisie BWV 922, éblouissante dans son foisonnement sonore, ses divers jeux très contrastés, de la courte Fughetta BWV 902, quasi déclamatoire, ou de la Gigue BWV 825 et son contre-chant.  Mais aussi le Capriccio BWV 826, d'humeur avenante dans son rythme régulièrement balancé. Ou encore la Sarabande BWV 826, évoluant telle une élégie.  L'instrument « alliant brillance et raffinement, puissance et intériorité » selon l'interprète, offre une sonorité pleine, aux riches harmoniques dans le grave, pas rocailleux ni métallique.  On en admire la clarté cristalline, alors que saisi dans une acoustique flatteuse.  L'interprétation de Violaine Cochard est toute de plénitude sonore.  La riche iconographie du livret, qui donne un bel aperçu de la belle décoration du clavecin de Dulcken, fait de ce produit plus qu'un disque.

 

 

 

Jean-Sébastien BACH : Variations Goldberg BWV 988.  Blandine Rannou, clavecin. 2 CDs Zig-Zag Territoires : 111001.  TT : 44'42 + 45'01.

Les pièces de clavecin de Jean-Sébastien Bach fascinent les interprètes, mais aussi  ceux qui les écoutent.  Après les Suites françaises, les Suites anglaises et autres Toccatas, Blandine Rannou s'attèle aux Variations Goldberg. Dernier volet du Klavierübung, elles furent écrites durant les années passées à Coethen, si riches d'exubérantes compositions, et dédiées à son épouse Anna-Magdalena, dans ses fameux « Cahiers ».  Avec cette aria et ses 32 variations, Bach explore toutes les possibilités du clavecin.  Car le thème, une sorte de sarabande dans le style français au demeurant, va subir des métamorphoses à l'infini, au point qu'il est souvent ardu d'y retrouver, ne serait-ce qu'une ombre de sa  physionomie d'origine.  Et pourtant, tout répond ici à une architecture rigoureuse.  Varier, c'est inventer pour renouveler sans cesse.  Bach le fait avec une imagination inouïe, dans une technique proche de la chaconne et de la passacaille.  Pour cela il diversifie les mouvements, le dessin mélodique, la registration (un ou deux claviers), les combinaisons.  Le contrepoint lui permet de travailler le poids du son.  Les couleurs aussi.  Les divers cycles de variations, par trois, s'achèvent par un canon, lui-même de diverses natures.  Ce n'est cependant pas un cahier d'exercices.  Si démonstration technique et stylistique il y a, elle est transcendée, offrant l'apparence de l'évidence mélodique et harmonique.  Car est manifeste ici « le mélange de la plus stricte logique avec une souveraine liberté d'expression » dira Edmond Buchet.  Quelques traces d'humour se font jour, cette  sorte de plaisanterie musicale appelée à l'époque « quolibet » (variations 14 et 30).  La rectitude de ton dont fait montre Blandine Rannou n'a d'égale que la clarté de son jeu, même dans les passages prestes (variations 26 ou 29 par exemple).  La régularité de chaque tempo, l'équilibre des phrases, souvent simultanées, le façonnement des ornements, l'opposition des timbres sont ménagés avec goût.  Cette exécution dépasse tout fastidieux.  Encore qu'il ne faille sans doute pas l'appréhender d'une seule traite si l'on en veut savourer les trésors cachés.  L'instrument joué est bien sonore, doté d'un beau registre grave et d'une résonance non métallique.  Il s'agit d'une copie, réalisée en 1988, d'un clavecin de Hemsch, célèbre facteur français du XVIIIe, lui-même « ravalement » d'un instrument flamand de Ruckers.

 

 

 

Jean-Sébastien BACH : Concertos pour clavier BWV 1052, 1054, 1056, 1058.  Concertos pour quatre claviers BWV 1065.  Concerto BWV 974, d'après le Concerto pour hautbois d’Alessandro Marcello.  Alexandre Tharaud, piano.  Les Violons du Roy, dir. Bernard Labadie.  Virgin Classics : 50999 087109 2.  TT : 74'46.

Les Concertos pour clavier de Bach sont, pour la plupart, des adaptations d'œuvres antérieures écrites pour d'autres instruments. Ainsi en est-il des Concertos BWV 1054 et 1058, transcriptions des Concertos de violon BWV 1042 et BWV 1041.  Satisfaisant en cela à une coutume répandue à l'époque, le Cantor devait les produire pour le Collegium Musicum de Coethen dont il était le directeur, le chef d'orchestre et l'interprète au clavecin.  Les concerts se donnaient au célèbre Café Zimmermann.  Alexandre Tharaud aime prendre des risques et mixer modernité et tradition, en l'occurrence jouer la partie de clavier sur un piano, un Yamaha des années 1980, associé à un ensemble de cordes d'instruments modernes utilisant l'archet baroque.  Le résultat est saisissant, comme il en fut naguère des pièces de Rameau qu'il livra au piano.  Le Concerto BWV 1052 débute très vif et offre un déroulé d'une exceptionnelle fluidité, notes piquées, traits en rafales, en une sorte de mouvement perpétuel qu'embellit un étonnant diminuendo en fin de séquence.  De même, la rythmique sera implacable au finale.  Au milieu, tout en contraste, l'adagio offre une aria recueillie, douloureuse presque.  Le Concerto BWV 1054 se pare pareillement de traits vigoureux et de savoureuses fioritures.  Tharaud en vient, dans une optique résolument chambriste, à intégrer le piano dans le discours des cordes lorsqu'il ne joue pas sa partie en parallèle.  L'influence italienne du Concerto BWV 1056 se signale à son adagio, à la suave mélodie, qu'entourent deux mouvements enjoués.  La pièce BWV 1058, sur la coupe d'un concerto à l'italienne, est d'une souple énergie (premier mouvement), pathétique (andante), et volubile au finale dans son schéma de gigue.  Tharaud s'offre le luxe de jouer les parties des quatre claviers du Concerto BWV 1065, grâce à la technique du re-recording.  C'est là une transcription du Concerto n°10 de l'Estro Armonico de Vivaldi.  Une rareté encore que le morceau BWV 974, d'après l'adagio d'un Concerto pour hautbois d'Alessandro Marcello, dans l'arrangement réalisé par le pianiste et le chef : une réflexion sereine.  De l'expérimental à l'inspiré, jouant moderne tout en assimilant les recherches sur les interprétations historiques, Alexandre Tharaud déploie un jeu bariolé, non exempt d'une dose d'humour dans les roulades qui surgissent au milieu d'un texte réputé pour sa rigueur métronomique.  Faut-il s'en offusquer ?  Non, bien sûr, dès lors qu'est respecté l'esprit.  On admire la belle complicité entre le pianiste, l'orchestre d'une quinzaine de cordes, et le chef canadien Bernard Labadie, à l'écoute des idées interprétatives originales de son confrère français. 

 

 

 

Georg Friedrich HAENDEL : Agrippina.  Opéra en trois actes. Alexandrina Pendatchanska, Jennifer Riveira, Sunhae Im, Bejun Metha, Marcos Fink, Neal Davies, Dominique Visse, Daniel Schmutzhard.  Akademie für Alte Musik Berlin, dir. René Jacobs.  3 CDs + 1 DVD Harmonia Mundi : 902088.90.  TT : 61'13 + 74'38 + 67'15.

On n'avait pas connu d'enregistrement majeur de l'Agrippina de Haendel depuis celui remarqué de John Eliot Gardiner (Philips).  René Jacobs opte pour la version d'origine, sans les remaniements et coupures opérés par Haendel lui-même pour la création vénitienne de l'ouvrage au théâtre Malibran.  C'est une œuvre de jeunesse qui concilie « extrême actualité politique et pertinence dramatique » dit le chef, qui loue encore un des meilleurs livrets que le Saxon ait eu à disposition.  Quoique l'auteur en soit plus ou moins connu.  Le plus plausible étant le cardinal Benedetto Pamphili.  L'originalité de la composition se retrouve aussi bien dans l'accompagnement et le traitement des instruments solistes que dans la structure même de l'œuvre.  Les récitatifs y sont développés et les arias relativement courtes.  On y trouve aussi des scènes à plusieurs personnages, dont un trio et même un petit chœur.  Haendel a recours à la « parodie » ou recyclage d'airs empruntés à des compositions préexistantes.  Ce qui laisse aux exégètes le plaisir de se livrer à des hypothèses et autres déductions quant au choix de tel texte ou au pourquoi de son utilisation.  Dans cet « opéra métaphorique », les personnages sont des « allégories théâtrales » (ibid.) qui vont mettre en scène un psychodrame : Poppée recherche la vérité, Othon, pour la séduire, traverse des épreuves, Néron, chantre de la volupté, étale sa perversité, Agrippine est la détermination machiavélique même, Claude entrevoit sa propre décadence, et le duo comique Narcisse-Pallante a pour fonction de décrisper l'atmosphère.  Le lieto fine est péniblement atteint après quelques explications confuses.  L'interprétation vaut d'abord pour la direction de René Jacobs, d'une extrême fluidité, aux sonorités somptueuses.  Le discours dramatique est vivant, en particulier lors des passages de transition du récitatif à l'air ou à l'ensemble vocal.  Se signalent aussi le souci de l'instrumentation et la vivacité du continuo.  Les tempos sont incisifs, jamais pondéreux, et la rythmique marquée sans être heurtée, avec des changements brusques de tempo à la fin de l'air, à la ritournelle.  On éprouve le frisson lors des airs, qu'il s'agisse des grandes interventions du rôle-titre, chefs-d'œuvre d'hypocrisie selon Jacobs, ou des arias « di furore » de Néron, par exemple, au IIIe acte, de schéma tripartite, avec son introduction et son finale agités que sépare une section élégiaque.  Les voix réunies sont de jeunes représentants de l'interprétation haendélienne du moment.  Si l'Agrippina d’Alexandrina Pendatchanska n'est pas toujours immaculée dans les vocalises, au demeurant très acrobatiques à mesure que progresse l'action, la Poppea de Sunhae Im est séduisante, toute de jeunesse frémissante.  Un personnage finalement bien différent de celui imaginé par Monteverdi.  Les messieurs sont un cran au-dessus : Bejun Metha, grandiose Ottone, offre une voix de contre-ténor accomplie et un moelleux remarquable.  Marcos Fink, Claudio, livre des descentes impressionnantes dans le grave et le vétéran Dominique Visse, peut-être moins histrion que d'habitude, montre encore qu'il sait être sarcastique et remarquablement expressif.  Intéressante mise en scène sonore, avec une fine atmosphère théâtrale et une chaleur sonore indéniable.

 

 

 

« Duetti ».  Duos da camera & cantates.  Giovanni BONONCINI : « Pietoso nume arcier » & « Chi d'amor tra le catene ». Francesco MANCINI : « Quanto mai saria piú bello ». Francesco Bartolomeo CONTI : « Quando veggo un'usignolo ».  Nicola PORPORA : « Ecco che il primo albore ».  Benedetto MARCELLO : « Chiaro e limpido fonte » & « Tirsi e Filene ».  Alessandro SCARLATTI : « Amore e Virtú ».  Philippe Jaroussky, Max Emanuel Cenčić, contre-ténors.  Les Arts Florissants, dir. William Christie.  Virgin Classics : 509990 7094323.  TT. : 74'21.

On se souvient de la rencontre providentielle dans Il Sant' Alessio, parmi une cohorte de huit contre-ténors, des deux phénomènes que sont Philippe Jaroussky et Max Emanuel Cenčić. Les voici de nouveau réunis dans un florilège de « duetti » baroques.  Une anthologie de voluptés vocales.  Plus, de musique pure, grâce à la contribution essentielle de William Christie.  Le « duetto da camera », composé de deux duos dont le second est plus rapide pour contraster, enserrant un récitatif et des passages solistes, a fait florès au siècle de Vivaldi et consorts. Proche de l'aria da capo, avec accompagnement de type continuo.  C'est Bononcini qui en fut le chantre, maniant une écriture fort sophistiquée épousant la poétique de textes simples mais évocateurs, et ce style syncopé dans le duo conclusif qui faisait se pâmer les foules dans les salons.  Les cantates en duos de soprani ne sont pas différentes, si ce n'est qu'elles prévoient toujours un accompagnement d'instruments variés, ici deux violons, là un hautbois.  Ses représentants sont Conti qui, dans le chant du rossignol, contraste élévation et désespoir, enjoué et mélancolique, et Marcello, le plus prolifique des compositeurs de duos de son époque (pas moins de 82 !).  Sa manière est de développer plus.  Ainsi, outre le récitatif et l'air attribués à chacun des deux protagonistes, il ménage deux duos les réunissant.  Dans la cantate « Chiaro e limpido fonte », on remarque une extrême variété de climats.  Surtout, les entrelacs des deux violons et des voix porte la symbiose à un haut degré de perfection.  Il y a là un mélange de simplicité apparente et de sophistication sous-jacente dans le chant  élégiaque évoquant la souffrance partagée.  Le disque contient encore deux cantates pour voix seule, de Mancini, avec coupe en deux airs qu'interrompt un récitatif bucolique ; de Porpora aussi, qui offre une vaste pièce introduite par une sinfonia : la manière y est virtuose, car l'écriture est difficile, portant d'audacieux traits, rapides notamment.  Le programme s'achève par une joyeuse cantate a due de Scarlatti « Amor e virtú » où l'alternance des deux voix de même tessiture, tantôt en parallèle, tantôt se complétant l'une et l'autre, est pur bonheur.  C'est que nos deux contreténors rivalisent de somptuosité vocale, proprement  miraculeuse : Jaroussky, le sopraniste à la voix d'ange, Cenčić, au timbre légèrement plus grave et moiré.  La complémentarité est fascinante : le chant en contrepoint, les unissons magiques de douceur, les vocalises délicatement souples, où chacun des chanteurs fait preuve d'imagination pour renouveler l'intérêt.  William Christie et une poignée de musiciens de ses Arts Florissants, proposent le plus ciselé des soutiens et cette authenticité qui confèrent une étrange séduction à ces pages qu'il qualifie de « subtiles, méconnues et disons-le, prodigieusement baroques ! »  Indispensable !

 

 

 

Franz LISZT : Années de Pèlerinage.  Première année : Suisse.  Deuxième année : Italie. Troisième année.  Bertrand Chamayou, piano.  3 CDs Naïve : V 5260.  TT : 44'52 + 60'58 + 44'28.

Voilà l’occasion idéale d'écouter les Années de Pèlerinage de Liszt dans leur intégralité, en particulier la troisième, si peu jouée, « Les Jeux d'eau de la Villa d'Este » exceptés.   La genèse de ce cycle a été longue.  L'idée de Liszt était le « renouvellement de la musique par son alliance plus intime avec la poésie », l'union proche des harmonies à la Weltlitteratur (littérature universelle).  Liszt convoque aussi bien Schiller que Dante, Goethe que Byron, Pétrarque que Hugo.  Il s'attache aussi aux correspondances avec les Beaux-Arts : toutes les impressions ressenties à la contemplation des toiles de Raphaël, Doré, Delacroix ou Ingres, sont là.  Aussi les Années de Pèlerinage sont-elles plus que de la musique de piano, mais bien une œuvre d'art total, magnifiant une pensée universelle.  Bertrand Chamayou d'ajouter : « Au-delà de l'image réductrice du virtuose démoniaque, Liszt est avant tout pour moi le personnage aux multiples visages, infatigable chercheur, voyageur, lecteur, curieux de tout et généreux ».  Autant la première fournée, Suisse (1835-1838), évoque la nature et ses multiples paysages, telle la grandiose « Chapelle de Guillaume Tell » ou l'ondoiement de « Au lac de Wallenstadt », mais aussi de délicieuses miniatures (« Pastorale », « Églogue », le cycle Italie (1838-1861) marque le triomphe de la culture et des évocations poétiques.  « Le beau m'apparaissait sous ses formes les plus pures et les plus sublimes » (lettre à Berlioz).  De la Troisième Année, qui prolonge les impressions italiennes, Chamayou dit qu'elle « nous emmène dans les contrées retranchées de la dernière manière de Liszt » marquée par d' « étranges recherches harmoniques », et un « mélange de noirceur désespérée et de pureté céleste ».  Non que le compositeur renonce aux torrents sonores.  Ainsi  « Angelus ! » est certes, une prière céleste, mais avant que ne sonne à toute volée lesdites cloches, derniers feux des arpèges tonitruants dont Liszt a le secret.  « Sunt lachrymæ », pièce écrite sur le mode hongrois, fait figure d'hommage appuyé, et d'une poigne affirmée, aux indépendantistes tombés face à l'armée russe en 1849.  Les deux « Thrénodies »  d’« Aux cyprès de la Villa d'Este » préludent aux miroitements aquatiques des jeux d'eau de la même propriété romaine, eux-mêmes précurseurs des impressionnistes français avec sa sollicitation des notes extrêmement aiguës du clavier.

L'art de Bertrand Chamayou, qui se hisse sur la marche réservée aux plus grands, est fait de transparence (« Gondoliera »/Italie), de vigueur (« Orage »/Suisse), d'ampleur (les vagues de « Le mal du pays »/Suisse), de fluidité (« Sposalizio »/Italie, « Les jeux d'eau de la Villa d'Este »/3e année). D'esprit aussi (« Canzonetta del Salvador Rosa »/Italie, « Tarantella »/Italie, aux sonorités de chanson napolitaine).  On est frappé par le sens de l'architecture (« Après une lecture de Dante »/Italie, qui libère une vraie dramaturgie avec ses séquences confinant tour à tour au déluge sonore ou à l'épure lyrique).  Il fait montre d'une musicalité sensible, se refusant à l'effet, même dans les traits les plus ébouriffants de la main droite, ou lors des grands climats impérieux marqués fff, qui restent d'une clarté exemplaire.  Car le discours est toujours nimbé de poésie.  La prise de son est claire et le Steinway, proche, bien restitué.

 

 

 

« Melancolia » : Spanish Arias & Songs.  Enrique GRANADOS : La maja dolorosa & El mirar de la maja.  Xavier MONTSALVATGE : Canción de cuna & Canto negro.  Joaquin NÍN Y  CASTELLANOS : El vito.  Heitor VILLA-LOBOS : Aria (Cantilena).  Joaquín TURINA : Cantares.  Gerónimo GIMÉNEZ : La tarántula.  Rafael CALLEJA GÓMEZ : Adiós Granada.  Manuel de FALLA : « Vivan los que rien » (extrait de La Vida breve).  Federico MORENO TORROBA : Petenera.  José SERRANO SIMEÓN : Marinela, Marinela.  Traditional : Ogundé uareré.  Nicolas BACRI : Melodías de la Melancolía.  Patricia Petibon, soprano.  Orquesta nacional de España, dir. Josep Pons.  Universal/DG : 477 9447.  TT. : 57'27.

« Je n'ai pas voulu imiter une identité espagnole, mais la ressentir sans travestir ce que je suis » annonce Patricia Petibon à propos de son nouveau CD.  Donc acte.  Mais il ne suffit pas d'aimer passionnément la musique de l'Espagne pour la faire sienne et la défendre.  Le thème en est un « voyage à travers les styles » et le fil rouge la mélancolie.  Un programme patchwork va réunir Montsalvatge, Granados, Villa-Lobos, Falla et des morceaux de zarzuélas.  De ces dernières, si attachantes de par leur veine mélodique simple, Petibon offre le passionné (« Cantares » de Turina), le mélisme flamenco (« Adiós Granada » de Rafael Calleja Gómez), le tube qu'est « Marinela, Marinela » de Simeón.  Mais « La tarántula » de Giménez la montre presque à contre-emploi.  Où est la souveraine distinction de Teresa Berganza ?  Comme dans les deux petites pièces de Montsalvatge, où elle se fait trop insistante sur les mots « grano de café » de Canción de cuna.  L'humour de la cantatrice madrilène est loin.  L'autre pièce Canto negro est presque parodique, plus espagnole que vraie.  Dans la scène de genre « El vito », de Nín, elle s'encanaille.  Et l'aria tirée des Bachianas Brasileiras favorise une mélancolie excessive dans l'introduction nuancée, et un style opératique déplacé à l'heure de la séquence centrale.  Où est ici la couleur diaphane d'une Victoria de los Angeles ?  L'air de Salud, extrait de La Vida breve, lui convient mieux, même s'il y a encore de l'excès dans l'expression de la tristesse, de la perte d'espoir.  Par contre, les deux extraits des Tonadillas de Granados lui permettent de tracer deux visages attachants de la maja ibérique.  Les « Melodías de la Melancolía », écrites spécialement pour elle par Nicolas Bacri (°1961), en langue espagnole, sur des poèmes du colombien Álvaro Escobar-Molina, proposent quatre chants d'une écriture serrée, concentré là encore d'abattement.  Le deuxième est une berceuse envoûtante, dans la pure tradition espagnole.  La troisième, un ostinato, sollicite le registre suraigu, un tic cher aux compositeurs contemporains !   Au final, un disque qui laisse sur une curieuse impression.  Non que la voix ne soit pas séduisante.  Elle l'est en soi.  Et la facilité d'expression est confondante, la musicalité aussi, comme les nuances.  Mais est-ce suffisant ?  La couleur locale exacte, on la trouve pourtant dans l'accompagnement orchestral de Josep Pons et les sonorités attirantes de la guitare ou des castagnettes.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Madrigali : Fire & Roses.  Chœur de chambre « Con Anima », dir. Paul Mealor.  Divine Art (www.divineartrecords.com) : dda25094.  TT : 65’24.

Le célèbre chœur étasunien « Con Anima » a, cette fois, enregistré - outre de grands madrigaux de la Renaissance (signés Monteverdi, Gesualdo, Vincenzo Ruffo, Girolamo Scotto, Yvo Barry, Henricus Schaffen, John Ward, John Wilbye…) - des partitions plus contemporaines : Now sleeps the crimson petal de Gustav Holst (1874-1934) et Paul Mealor (°1975), Chanson éloignée & Six « Fire songs » on Italian Renaissance poems de Morten Lauridsen (°1943), So deep de James MacMillan (°1959).  Une mine d’idées pour tout chef de chœur…

 

 

 

Jean-Sébastien BACH : La chair et l’esprit.  Double coffret Alpha, incluant 6 CDs + livret relié de 200 pages, ill. couleurs (www.alpha-prod.com) : 889.  TT : 7h31’.

« Expérience hédoniste » - spiritualité & sensualité -, ce somptueux double coffret nous propose un portrait du compositeur mêlant musique, images et textes de musicologues (Gilles Cantagrel, François Lazarevitch) & d’interprètes (Céline Frisch, Pablo Valetti, Lucille Boulanger, Arnaud de Pasquale, Benjamin Alard, Bruno Cocset) – en français, anglais et allemand.   Sans viser à l’exhaustivité, cette publication n’en comporte pas moins plusieurs œuvres sous différentes formes (interprétatives ou instrumentales).  Coffret de six CDs : Cordes frottées / Cordes pincées & cordes frappées / Du clavecin à l’orgue / Grands effectifs profanes / Musique sacrée / « Open Bach » (instrumentarium revisité).  Incontournable !

 

 

 

Johann Sebastian BACH : Partitas n°1, 2, 3,  BWV 825, 826, 827.  Racha Arodaky, piano. Air Note (www.rachaarodaky.fr) : AIR003-2011. Distr. Codaex (www.codaex.com).  TT : 70’25.

Une révélation que cette jeune pianiste d’origine syrienne, disciple de Dominique Merlet puis de Murray Perahia ! Infinie délicatesse & ductilité des phrasés, équilibre des voix admirablement perlées (comme s’il s’agissait de pièces de Scarlatti, l’un de ses autres compositeurs de prédilection), sans trace de maniérisme cependant…  Outre ces Partitas, Racha Arodaky joue – en introduction, intermèdes & conclusion – les Largo BWV 973, Sarabande BWV 812, Arioso BWV 1056 et Suscepit Israel BWV 243.  

 

 

 

Franz SCHUBERT : Le Voyage d’hiver.  Stephan Genz (baryton), Michel Dalberto (piano). Livre/disque La Dogana (www.ladogana.ch) : L2N 007.  Distr. Les Belles Lettres.  Ouvrage relié (14,5 x 20,5 cm, 110 p.).   CD : 67’51.

Admirable publication réunissant, dans l’interprétation du grand baryton allemand Stephan Genz – digne héritier de D. Fischer-Dieskau – et du pianiste & chef d’orchestre français Michel Dalberto, l’un des ultimes chefs-d’œuvre de Schubert (D. 911), assorti d’un brillant essai de Jean Bollack, avec des notes de Paul-André Demierre.  Signalons que, dans cette même collection, sont déjà parus : Le Tombeau d’Anacréon (27 lieder d’Hugo Wolf), L’amour et la vie d’une femme (29 lieder de Robert Schumann), À tout jamais (15 lieder de Gustav Mahler).

 

 

 

Ludwig van BEETHOVEN : Sonates,  vol. 1. François-Frédéric Guy, piano.  « Printemps des Arts de Monte-Carlo », 3 CDs Zig-Zag Territoires (www.outhere-music.com) : 111101.

Enregistré en public à l’Arsenal de Metz, ce premier corpus de 11 Sonates de Beethoven (op. 10, 13, 14, 22, 26, 27) met l’accent sur la notable évolution des perceptions temporelles chez le maître de Bonn.   Bien que certains mouvements lents ne soient guère ici « habités ».

 

 

 

Antonín DVOŘÁK (1841-1904) : Danses slaves op. 46 n°1 & op. 72 n°2. 9e Symphonie op. 95 « du Nouveau Monde ». Suite tchèque op. 39.  Bournemouth Symphony Orchestra, dir. José Serebrier. Warner Classics (www.warnerclassics.com) : 2564 66656.3. 

Né en 1938 à Montevideo, l’Uruguayen José Serebrier travailla longtemps auprès d’Aaron Copland.  Mais il est plus connu comme chef d’orchestre que comme compositeur.  Il dirige Dvořák sans clinquant, privilégiant une certaine… rusticité.  Rafraîchissant !

 

 

 

Danse macabre et autres diableries.  Jean-Philippe Biojout (baryton), Brigitte Antonelli (soprano).  Chœur Darius Milhaud & Orchestre symphonique du Campus d’Orsay, dir. Martin Barral.  Saphir (www.saphirproductions.net) : LVC 1172.  TT : 63’42.

Mais que ridicule est cette concrétisation d’un amusant propos !  Un baryton qui en fait des tonnes et un orchestre non moins pesant… Au programme : Danse macabre – parolée ! -  et Pas d’armes du roi Jean (Saint-Saëns), extraits de Faust (Gounod) et de sa Damnation (Berlioz), d’Hérodiade et de Manon (Massenet), des Contes d’Hoffmann (Offenbach).  Las(t) but not least : Les berceaux et Les roses d’Ispahan (Fauré)…

 

 

 

A French Songbook.   Dix titres.  Alzy Trio & friends.  Alzy (www.alzy.info) 

Fort sympathiquement swinguant est cet album, réunissant – jazz & bossa-nova - un trio de guitares acoustiques (Pascal Kober, Thierry Rampillon, Christian Sanchez) et quelques talentueux invités (les chanteuses Tamanga Bévis,  Elsy Fleriag et le batteur Jean-Pierre Jackson).  Superbes chansons françaises : Chanson de Maxence (M. Legrand), Cécile, ma fille (Cl. Nougaro), Les pas (Cl. Nougaro), Un été (Cl. Nougaro)  La javanaise (S. Gainsbourg), Chanson des jumelles (M. Legrand), Que reste-t-il de nos amours ? (Ch. Trenet), Les feuilles mortes (J. Kosma), Rimes (Cl. Nougaro), Tu verras (Cl. Nougaro).  En bonus track : Billie Jean (Michael Jackson).

 

 

 

Antonio PLACER (voix)  & Jean-Marie MACHADO (piano) : Republicalma.  S’ard Music : SARDCD 00018.  L’Autre Distribution (tél. : 02 47 50 79 79. autredistribution@wanadoo.fr).

Quel bonheur de découvrir des artistes de cette formidable trempe dans un domaine aussi déliquescent aujourd’hui !  Musicien, poète, auteur, compositeur, Antonio Placer, chanteur galicien exilé en France, a trouvé en le pianiste & compositeur Jean-Marie Machado le partenaire idéal, sachant créer une admirable symbiose entre jazz & chansons de tradition latine.  Titres originaux mais aussi grandes reprises (de Brassens, Aragon/Ferrat, Gardel, Castro/Capón…).  Paroles en français, espagnol ou anglais. Écouter : www.antonioplacer.com

 

 

Francis Gérimont.

 

 

POUR LES PLUS JEUNES

Jacques HAUROGNÉ : Doudou perdu.  Les fabulettes d’Anne Sylvestre.Victorie Music (www.club-tralalere.com) : 277 352-4.

Fort spirituelles interprétations de 14  Fabulettes d’Anne Sylvestre (paroles & musique), dans des arrangements de Thierry Garcia (guitares, basse, ukulélé, mandoline), entouré de Didier Guazzo (percussions) et d’Aldo Gilbert (flûte, sax).

 

 

 

Les 50 chansons préférées des enfants.  3 CDs « Éponymes / Jeunesse » (www.editions-eponymes.fr) : EPO 64. 

Il est fort à craindre que les destinataires de ce précieux coffret (« chansons sélectionnées par des maîtresses de Maternelle ») ne s’en voient cruellement dessaisis par parents ou grands-parents.   N’y retrouve-t-on pas, en effet, les plus célèbres « tubes » des années 1934-1960, signés Salvador, Brassens, Bourvil, Trenet, Lapointe, Gainsbourg, Ouvrard, Béart, Douai, Montand, Mouloudji, Vian et autres joyeux compagnons…

 

 

 

Maman, les p’tits bateaux, 13 chansons de toujours avec un orchestre symphonique, interprétées par Jean René. Éponymes (www.editions-eponymes.fr) : EPO 85.   Distr. Harmonia Mundi.

Soutenu par d’imaginatifs arrangements (pour orchestre & chœur d’enfants) signés du violoncelliste japonais Naoki Tsurusaki, Jean René reprend avec bonheur quelques « incontournables » : Il était un petit navire, Au clair de la lune, Lundi matin, Il était un petit homme, Gentil coquelicot, À la volette, À la claire fontaine, Le bon roi Dagobert, Dans la forêt lointaine, Maman les p’tits bateaux, Polichinelle, Bonjour ma cousine, Fais dodo Colas

 

 

 

Christiane ORIOL (Paroles & musique) : À l’école de madame Nicole et autres fariboles.  Illustrations : Bernadette Desprès.  Éponymes (www.editions-eponymes.fr) : EPO 846.   Distr. Harmonia Mundi.

Dix-neuf chansons originales composent ce charmant bouquet, auquel l’Académie Charles-Cros attribua son Grand Prix.  À partir de 2 ans.  Arrangements pour ensemble instrumental & chorale d’enfants par Gérard Authelain (1 à 10), Jean-Luc Michel (11 à 16) & Patrick Leroux (17 à 19).

 

 

 

DVD

Swing ! Swing ! Swing par le Chœur d’enfants Sotto Voce.  Direction musicale : Scott Alan Prouty. Piano : Richard Davis. Spectacle sur une idée originale d’Emmanuel Touchard. Chorégraphie : Evandra Martins.  Chef de chœur adjoint : Mathieu Septier.  Production Sotto Voce (www.sottovoce.fr).  TT : 68’00. 

Un régal de chaque instant ! Fantaisie, imagination, humour… Même si les mouvements scéniques mériteraient parfois quelque réglage, la bonne humeur de cette magnifique troupe balaye tout ! Tournés live Salle Gaveau, pas moins de 16 titres composent ce joyeux salmigondis signé : Misraki, Frank E. Churchill, Maurice Vandair, Albert Willemetz, Darry Cowl, Bourvil, Gershwin…

 

Francis Gérimont.

 

 

An evening with Renée Fleming.  Berliner Philharmoniker, dir. Ion Marin.  Blu-ray Disc EuroArts : 2058074.  TT : 125’.

Le traditionnel concert estival donné, en plein air, par l’Orchestre philharmonique de Berlin, dans le cadre magnifique de la Waldbühne, était dirigé, en 2010, par le chef roumain Ion Marin. Un florilège d’extraits orchestraux et d’airs d’opéra (Moussorgski, Dvořák, Khatchatourian, Strauss, Wagner, Korngold, Elgar, Puccini, Leoncavallo, Tchaïkovski) mettait en valeur la voix de la grande soprano américaine Renée Fleming.  Un spectacle naturel, une atmosphère détendue, une ambiance de pique-nique, une façon inhabituelle et sympathique d’aborder la musique classique, avec de plus une technologie « Blue-ray » irréprochable.

 

Patrice Imbaud.

 

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Novembre - Décembre 2011 - n° 573

Septembre-Octobre 2011 - n° 572

 

 


Le grand ouvrage de James Lyon :
Leoš Janácek, Jean Sibelius et Ralph Vaughan Williams. Un cheminement commun vers les sources

VIENT DE SORTIR AUX EDITIONS BEAUCHESNE.


James Lyon est l'auteur de JOHANN SEBASTIAN BACH : CHORALS.


 

Arnaud DELALANDE : Philomène et les ogres. Illustrations : Charles Dutertre.  « Albums, contes & mythologies », Gallimard Jeunesse/Giboulées.  25,4 x 29,5 cm, 48 p. CD inclus (TT : 26’00).

« Il ne faut jamais s'aventurer dans la forêt, il y a des ogres » avait pourtant prévenu sa maman. Mais Philomène n'en fait qu'à sa tête.  Perdue au milieu des bois, elle découvre une bien étrange chaumière. Elle entre s'y réfugier où elle se retrouve nez à nez avec un ogre.  De peur, elle s'évanouit.  À son réveil, elle se retrouve dans la peau d'une ogresse.  Attachée à de lourdes chaînes, des enfants dansent autour d'elle...  Philomène redeviendra-t-elle une petite fille ?  Parviendra-t-elle à se délivrer du sortilège de la forêt noire ?  Et qui sont réellement ces ogres qui peuplent la forêt ?

 

Laëtitia Girard.

 

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