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Sommaire :
1. Editorial : Le silence se meurt...
2. Informations
générales
3. Varia
4. Manifestations
et Concerts
5. Recensions de spectacles et concerts
6. La Péniche Opéra : l'engagement pédagogique
7. Echos de Liszt et du passé antérieur
8. Première mondiale de Madame Curie, opéra d'Elzbieta Sikora
9. Frédéric Chopin, Racines
10. Baguettes finlandaises
11. Nouveautés dans l'édition musicale
12. Bibliographie
13. CDs et DVDs
14. La vie de L’éducation musicale
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Novembre - Décembre 2011 - n° 573
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SUPPLEMENT BACCALAUREAT 2012
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Abonnez-vous à L'éducation musicale
et recevez 3 dossiers gratuits
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L'éducation musicale n'a rien contre les étudiants...
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Le silence se meurt...
Notre époque ne fait plus de musique ; elle
camoufle par du bruit la solitude des hommes.
(Jacques Attali)
« Haïssables musiques » écrivions-nous naguère à propos de ces
sucreries sonores qui tapissent désormais tous nos restaurants, supermarchés, parkings
souterrains et autres cabinets (médicaux ou d’aéroports).
Mais plus inquiétant est le commun
slogan de toute une jeunesse : « Tant
que le son est à fond, on n’entend pas le monde s’écrouler ! » Génération confrontée à un présent proprement
invivable, sans guère d’espoir d’en réchapper… Le « No future ! »
d’antan se confirmant chaque jour davantage, au cœur d’une société où il n’est
plus d’ascenseur social (non plus d’ailleurs que d’escalier…), sinon pour quelques
« héritiers » jouissant ingénument de leur statut d’initié.
Seule échappatoire possible :
s’immerger dans le bruit ! Lequel ne
nous dissimule que trop assurément la réalité - non moins que l’inéluctable issue
de notre séjour ici-bas... Compte à rebours
qu’égrénait jadis « l’horloge du salon » chère à Jacques Brel – inaudible
aujourd’hui sous le vacarme universel de nos radios, platines et écrans
continûment branchés…
Mais quel silence de mort quand
meurt le poisson rouge !…
Francis B. Cousté.
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BOEN n°41 du 10 novembre 2011. Évaluation de l’Histoire des arts au Brevet
des collèges (à compter de la session 2012).
Consulter : www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=58238
Bureau du ministre ©Caroline Lucas
Les 60 ans du 1% artistique. Dispositif organisé par un arrêté de juillet 1951 :
« 1% des sommes consacrées par
l’État pour chaque construction d’établissement scolaire ou universitaire devra
financer la réalisation d’une œuvre d’art contemporaine intégrée au projet
architectural ». Ce 60e anniversaire est
l’occasion de rappeler que les universités
ont été, dès l’origine, des acteurs essentiels de ce dispositif de soutien à la
création. Renseignements : www.culture.gouv.fr/culture/dap/dap/unpourcent
Les « 12es Rencontres européennes de
l’Adami » se tiendront
les 8 et 9 décembre 2011 à Cabourg. Où il sera notamment débattu de :
« Musique & audiovisuel : vers un flux absolu ? » De l’invention du phonogramme au cloud computing, en passant par le streaming sur Internet, la propriété
intellectuelle a dû s’adapter. On
assiste à la dématérialisation des œuvres avec, à la clef, leur démonétisation. Quelle peut être la réponse et comment
adapter la législation au regard de cette évolution de la production et de
l’accès aux œuvres ? Renseignements : 14, rue Ballu, Paris IXe. Tél. : 01 44 63 10 00. www.adami.fr
If / Then
Installed confie au spectateur – dans une proposition
ludique & interactive - le rôle du danseur. Où il est invité à imiter
des mouvements filmés selon une logique chorégraphique définie par
Richard Siegal. Le tout étant
capté et analysé, en temps réel, grâce à un logiciel mis au point par l’Ircam…
Concepteurs : Richard Siegal, Frédéric Bevilacqua,
Florent Béranger & Jean-Philippe Lambert. Jusqu’au 2 janvier
2012, niveau -1 du forum du Centre Pompidou. Entrée libre. Renseignements : www.ircam.fr
« La
Semaine du Son 2012 », 9e édition, se déroulera à Paris, du
lundi 16 au samedi 21 janvier - et, la semaine suivante, partout en France
et à l’étranger. Renseignements : www.lasemaineduson.org
« Musicora », le salon de la musique classique, se tiendra durant trois jours, du 11 au
13 mai 2012, au Palais Brongniart (28, place de la Bourse, Paris IIe).
Musicora est le seul lieu de rencontres & d’échanges entre tous les
professionnels de la filière musicale classique, française comme
internationale. Renseignements : www.musicora.com
L’Observatoire des politiques culturelles propose un cycle de formation continue :
« Direction de projet artistique & culturel et développement des
territoires » (5 modules de 3 jours, en France et en Europe). Renseignements : 04 76 44 33
26. www.observatoire-culture.net
La Gaîté lyrique, « Scène des révolutions numériques », proposera du
mercredi 1er février au dimanche 25 mars 2012 :
« 2062, une expérience du temps & de l’espace » – cette
date correspondant au bicentenaire de la fondation de la salle, en 1862. Théâtre, musique, films, conférences,
ateliers, jeux… Renseignements : 3bis, rue Papin, Paris IIIe. Tél. : 01 53 01 51 70. www.gaite-lyrique.net/2062
Horloge de David Guez ©DR
***
Danièle Pistone sur Canal
Académie. Ce qu’il
fallait (enfin !) dire :
www.canalacademie.com/ida7893-L-imaginaire-musical-de-Franz-Liszt-des-oeuvres-pour-la-posterite.html
« Petites mains symphoniques » organise la 5e édition de son Concours national bisannuel.
Ouvert à toutes les disciplines : Classique pour les 6-12 ans, Jazz
pour les 7-14 ans. Clôture des inscriptions : 12 janvier
2012. Renseignements : www.petitesmainssymphoniques.com
« Choralies », saison 2012. Innombrables sont les activités programmées. Renseignements : 24, avenue
Joannès-Masset, 69000 Lyon. Tél. :
04 72 19 83 40. www.choralies.org
The Enchanted Island, a Baroque Caprice, pasticcio du librettiste & compositeur
britannique Jeremy Sams (notre photo), sera créé le 31 décembre 2011,
au Metropolitan Opera de New York, sous la direction de
William Christie. Sur des airs de
Haendel, Vivaldi, Rameau, Leclair, etc. La 7e représentation de l’ouvrage, le 21
janvier 2012, devrait être diffusée - en direct & haute définition - dans
les cinémas du monde entier.
Renseignements : www.metoperafamily.org/metopera/broadcast/template.aspx?id=15418
Musique que me
veux-tu ? Correspondant de
l’Académie des Beaux-Arts, Gilles Cantagrel présente : « Dietrich Buxtehude
(ca 1637-1707) ».
À écouter sur : www.canalacademie.com/emissions/chr723.mp3
©DR
Pas seulement pour Yo-Yo
Ma… www.youtube.com/watch?v=C9jghLeYufQ
Lil Buck ©DR
Francis
Cousté.
***
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Le Voyage d’hiver de Franz Schubert sera interprété, le jeudi 8 décembre 2011, à
20h30, par Alain Buet (baryton) & Gregory Ballesteros (piano). Théâtre Adyar (4, square Rapp,
Paris VIIe). Renseignements : 01 47 41 99 91. www.concerts-cantabile.com
Création musicale & jardins #3. Parc de Bercy, Pavillon du Lac (1, rue
François-Truffaut, Paris XIIe), le samedi 10 décembre 2011
(de 9h30 à 18h00) : « Des fabriques historiques aux installations
ou objets contemporains sonores & paysagers ». Entrée libre. Réservations : 01 47 15 49 86. www.cdmc.asso.fr
Le festival « Jazz en scènes » (13e édition) ne présentera pas
moins de 176 artistes, sur 28 scènes de l’Hexagone, du jeudi 8 au
dimanche 11 décembre 2011. Renseignements : www.jazzenscenes.com
Chœur et Orchestre de Paris-Sorbonne, dir. Vincent Barthe, se produiront dans l’oratorio La Création de
Joseph Haydn, le mardi 13 décembre 2011, à 20h00. Amphi 1700 de l’Université
Panthéon-Assas (92, rue d’Assas, Paris VIe). Avec Aurélie Fargues (soprano), Stanislas
de Barbeyrac (ténor) & Jean-Manuel Candenot (baryton/basse). Renseignements : 01 53 09 56 45. www.culture.paris-sorbonne.fr/cops
Auditorium du musée Guimet. Le vendredi 16 décembre, à 20h30 : Musique du Khorassan (berceau de la
culture perse), avec Hamid Khezri, dotâr & chant. Renseignements : 6, place
d’Iéna, Paris XVIe. Tél. : 01 40 73 88 18. www.guimet.fr
L’Orchestre de Paris, dir. Pierre Boulez, donnera un concert gratuit, le mardi 20
décembre 2011, à 20h00, sous la Pyramide du Louvre. Programme : La nuit
transfigurée d’Arnold Schoenberg, Concerto
pour orchestre de Béla Bartók. Public assis par terre. Renseignements : 01 40 20 55
55. www.orchestredeparis.com
©DR
Orchestre philharmonique de Strasbourg. Outre une saison orchestrale remarquablement riche,
l’OPS propose un cycle de musique de chambre & de nombreux concerts pour la
jeunesse. Renseignements : Palais de la Musique et des Congrès, place de Bordeaux, 67000 Strasbourg. Tél. : 03 69 06 37 00. www.philharmonique-strasbourg.eu
Sol Gabetta ©Sony Classical
Selected Songs Recital,
by Lewis Furey. Du 28 décembre 2011 au 7 janvier 2012, 20h30, Théâtre du Rond-Point (2bis, avenue Franklin D. Roosevelt, Paris VIIIe). Avec Clara Furey, Gael Lane-Lepine
& Pierre-Philippe Côté. Renseignements : 01 44 95 98
21. www.theatredurondpoint.fr
Francis Cousté.
Exposition « Paul Klee/Polyphonies »
au Musée de la musique.
Le Musée de la musique, dont on
connaît la qualité des expositions, ouvre ses cimaises à Paul Klee. Sous le titre « Polyphonies »,
l'exposition met en parallèle le peintre mais aussi le musicien. C'est qu'avant
de prendre les pinceaux, Klee fut musicien, un violoniste plus qu'amateur. Même lorsqu'il décidera d'opter pour la
carrière picturale, il n'abandonnera jamais sa « bien-aimée
ensorcelée ». L'exposition traite
du rapport entre les arts. Dans une
approche chronologique et non thématique (comme ce fut le cas de celle
organisée au Centre Pompidou en 1986), elle montre l'évolution du travail
de Klee pour qui la musique sera une source fécondante, et les rapports noués
avec ses partenaires artistiques, qu'ils soient peintres (Kandinsky, Delaunay)
ou musiciens (Schoenberg, Hindemith). Il
y a chez lui toujours une certaine distance dans le dessin, voire de l'humour. Des musiciens, figures fantomatiques, peuplent mêmes les dernières
années créatrices alors qu'il ne joue plus lui-même. Il sera taxé de « dégénéré » lorsqu'il touchera à
l'abstraction, en participant au Bauhaus, considéré comme subversif.
L'exposition est complétée par
un atelier pédagogique à destination des plus jeunes, voire des tout
petits. « Atelier
Klee en mains » permet d'apprendre à manier les esthétiques
picturale et musicale, à regarder avec les mains et les pieds, au fil de
galeries tactiles et autres tapis picturaux, de modules ludiques telles que
marelle et manière de compléter un dessin, etc. sans oublier le « petit
théâtre de Félix », réplique des marionnettes de Klee dont les silhouettes
étranges peuplent une des salles de l'exposition.
Musée de la musique : Cité de la musique - 221, avenue Jean-Jaurès, Paris XIXe. Jusqu'au 18 janvier 2012. Du mardi au samedi de 12h à 18h. Le dimanche de 10h à 18h. Tarifs : 8 € ; 5 € (de 6
à 26 ans). Catalogue : 45 €. Renseignements : 01 44 84 44 84. www.citedelamusique.fr
Rénovation technique au Théâtre des
Champs-Élysées :
©DR
Pour fêter dignement son
centenaire en 2013, le Théâtre des Champs-Élysées s'offre une cure
d'embellissement. Après la rénovation de la salle en 1986, puis de certains
équipements scéniques ces dernières années, c'est au tour de la cage de scène
et des dessous de se refaire une beauté. Il était temps car le maniement de la machinerie commençait à
devenir obsolète. Les travaux ont
permis d'augmenter la surface et les volumes de plateau, ce qui autorisera
l'ouverture de la programmation à des œuvres symphoniques et chorales
d'envergure comme à un répertoire opératique plus tourné vers le XIXe siècle,
voire au-delà. La dernière phase,
réalisée entre juillet et octobre 2011, a porté sur l'aménagement de la scène
(plancher nouveau, agrandissement de la conque de scène entourant la formation
orchestrale, installation de deux gradins mobiles, l'un pour les chœurs,
l'autre pour l'orchestre) et des dessous (création de trois élévateurs
permettant des changements de décors plus rapides). S'agissant de la fosse, les plans de la construction en 1912-1913,
exhumés des archives, ont retrouvé leur jeunesse tout en étant mis au goût du
jour des avancées technologiques : un dispositif presque
« à la Bayreuth », eu égard à une répartition en gradins
inversés. Aussi retrouve-t-on la capacité
d'origine, soit 90 à 100 musiciens. On pourra ainsi redonner le Sacre du printemps comme à la
création, en version scénique. Ce sera
chose faite l'année 2013, avec Valery Gergiev et ses forces du
Mariinsky ! On a pris soin de
respecter les exigences en matière d'acoustique, et même d'améliorer celle-ci,
notamment par la pose d'éléments spécifiques dans la fosse et grâce à une
augmentation de l'épaisseur du plancher de scène. Reste à tester le résultat.
Saison de La Fenice à Venise :
Petit théâtre sicilien, ambassade d'Italie ©DR
Sous les lambris de l'ambassade
d'Italie, étaient présentées les saisons 2012 et 2013 du théâtre La Fenice
de Venise. Quel meilleur endroit que le
petit théâtre rococo sicilien du prestigieux hôtel de La Rochefoucault-Doudeauville
(XVIIIe siècle), pour dévoiler la programmation d'un théâtre
dont le public français constitue, après l'italien, le plus fort contingent ! En présence de l'ambassadeur d'Italie
et du maire de la Cité des Doges, les responsables de La Fenice ont
présenté ce qu'ils appellent un concept original, tourné vers le futur, savoir
un programme construit sur deux saisons, à l'intention d'un large public, dont les jeunes. À partir du postulat d'un juste
équilibre entre qualité et quantité, cette impérissable équation à laquelle est
confronté tout directeur d'opéra, le programme de ces deux millésimes mêle
nouvelles productions et reprises de spectacles déjà éprouvés (La Traviata vue par Robert Carsen, par exemple). Cela va des grands et sûrs classiques italiens, Rigoletto et
cette Traviata, tous deux créés pour Venise, mais aussi Carmen (dans
la régie de Calixto Bieixto, provenant du Liceu de Barcelone) aux pièces
moins connues, I Masniadieri de
Verdi, L'occasione fa il ladro de Rossini, aux « modernes »
enfin : L’opéra de quat'sous de Weill, Powder Her Face de
Thomas Adès, ou L'Affaire Makropoulos (régie de Carsen, vue à
l'Opéra du Rhin). On fêtera le double
bicentenaire des naissances de Verdi et de Wagner : le maestro Myung Whun
Chung dirigera simultanément Otello et Tristan und Isolde en septembre
2013. Pour le Carnaval 2012 sera donnée la trilogie Da Ponte de
Mozart et un Rossini peu joué, L'inganno felice, ce dernier opéra
au théâtre Malibran, qui sera aussi un lieu d'innovation en direction du
jeune public. On a aussi le projet de
donner la production d'Otello dans la cour du Palais des Doges, en
juillet 2013, renouant avec une tradition interrompue au début des
années 70. Cette même production devrait également être exportée lors
d'une tournée internationale, à Paris on l'espère ! Un autre projet est de coopérer avec la
Biennale et de permettre à des artistes en vue de mettre en scène ou de décorer
des opéras à La Fenice ; ce qui est prévu d'ores et déjà pour une
nouvelle Butterfly en juin 2013.
Renseignements et réservations : Teatro
La Fenice, Campo San Fantin, San Marco 1965. Tél. : 00 39
041 24 24. www.teatrolafenice.it
Jean-Pierre Robert.
***
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Un opéra bien
divertissant : L'Egisto à l'Athénée
Marco
MARAZZOLI & Virgilio MAZZOCCHI : L'Egisto. Opéra en
un prologue et trois actes. Livret de
Giulio Rospigliosi. Les Paladins, dir. Jerôme Corréas. Mise en scène : Jean-Denis Monory.
©DR
Que voilà
une pièce bien singulière ! On découvre chaque jour que les origines de
l'opéra remontent bien en amont de Monteverdi. Hier on se pâmait devant La Didone de Cavalli. Voilà qu'une autre pièce revoit le jour, de
Marazzoli et Mazzocchi. L'Egisto est un imbroglio musico-dramatique des plus fous, conçu par des gens qui
voulaient avant tout divertir le public. C'est à Mazarin, fin lettré, qu'on doit son introduction à la cour de France en 1645. Le choix est alors autant artistique que
politique car le cardinal peut, avec ce livret haut en couleurs, se livrer à
quelques allusions contemporaines bien choisies. Mais aussi, grâce à l'allégorie du sacrifice qui seul permet
d'accéder à la Vertu, asseoir une morale à toute épreuve pour tout un chacun. La pièce ne porte-t-elle pas le sous-titre
« Que celui qui souffre espère ». Elle s'inspire du Décaméron de Boccace. Un marivaudage sans prétention dramatique,
mais qui offre un divertissement relevé, mêlant commedia dell'arte et
prose lyrique, théâtre et intermèdes dansés. Mais aussi un parlé-chanté très sophistiqué et le stile concitato dans lequel vont bientôt s'illustrer Cavalli et Monteverdi. Ici le parler en musique domine dans le souci
de coller à l'idiome italien, en dialecte napolitain et en bergamasque. Ce qui vaut de savoureux échanges entre des
personnages qui ne demandent pas d'épaisseur pour exister mais de la faconde. Le spectacle donné à l'Athénée est d'une
fantaisie débridée, sans cesse renouvelée, qui ne verse jamais dans la
facilité. On y dénombre des morceaux
d'anthologie, tel ce dialogue rageur entre une mégère et sa fille, rêveuse invétérée. On pense aux échanges, d'un comique
désarmant à force d'être appuyé, des femmes dans Il Campiello de
Goldoni, jadis croquée par Strehler. De
même la Foire de Farfa fait figure de morceau de bravoure des plus endiablés,
figurant le marché des Barberini à Rome. Le mélange du théâtre de tréteaux et de la plus pure commedia dell'arte
fait le plaisir des yeux autant que des oreilles. Car la mise en scène de Jean-Denis Monory est habile et
percutante. Le Piccolo Teatro
milanais n'est pas loin, c'est le meilleur des compliments qu'on puisse lui
faire. Tout cela est servi par une
troupe d'acteurs-chanteurs-danseurs qui s'en donnent à cœur joie. Et par une exécution musicale inspirée. Jérôme Correas, qui se fait une
spécialité de ce répertoire, et sa dizaine de musiciens empoignent cette
musique un peu échevelée mais diablement séduisante. Le style comme improvisé, le passage du parler au chanter, le
souci de fleurir le texte soit d'intonations hyperboliques, soit de belles
envolées lyriques, offrent dans leur absolue emphase quelque chose de vrai. Et d'irrésistible malgré l'exagération.
Comment bien
interpréter Beethoven
On croit
aisé d'exécuter les symphonies de Beethoven, parangon du répertoire. Que nenni ! Les plus grands ont pu s'y casser les dents.
Et l'évolution du style d'interprétation, sous l'emprise des baroqueux, a
modifié la donne. Mais il y a encore de la place pour l'interprétation sur
instruments modernes ! Riccardo Chailly à la tête de son fastueux
orchestre du Gewandhaus de Leipzig vient d'en donner une parfaite illustration,
l'espace d'une intégrale des 9 Symphonies donnée Salle Pleyel ; en
particulier lors de la séance réunissant les Première et Septième. Il faut dire
que cet orchestre a pour lui la patine de la tradition, forgée dans Beethoven
depuis quelque 200 ans, comme la plasticité, déjà remarquée dans d'autres
répertoires, romantique notamment, sans parler de l'homogénéité et de la
résonance qui marque une formation symphonique, tout comme le timbre de son
hautbois solo. Mais ce qui frappe
encore plus, d'emblée, c'est la transparence qu'obtient Chailly. Ses origines italiennes y sont pour quelque
chose. Son habileté à décaper le son
aussi, sans doute affinée par la fréquentation des compositeurs modernes. Son exigence de fini est bien connue, qui lui
valut quelques frictions avec son précédent orchestre, le Concertgebouw
d'Amsterdam. Mais la lune de miel avec
les musiciens est-allemands est toujours bien réelle. De fait, le résultat est tout simplement, et
encore une fois, enthousiasmant.
Gewandhaus
de Leipzig ©DR
En guise
de mise en bouche, osée mais passionnante, il livre une pièce d'un jeune compositeur
de Leipzig, Steffen Schleiermacher, commande destinée à accompagner la
Première symphonie de Beethoven jouée après : « Ban. Bewegung. mit
Beethovens erster » (Envoûtement. Mouvement. Avec la Première de
Beethoven) propulse ce couple de contraires en une dialectique serrée. Si la
formation instrumentale est identique à celle requise pour la pièce de
Beethoven, les cordes jouent dans l'œuvre moderne un rôle prépondérant, en
particulier pour ce qui est des accords assénés et de l'ostinato qui la
caractérisent. Son aspect motoriste
sait laisser place à une section médiane lyrique avec solo de violon suraigu. La Première symphonie du maître de Bonn
prend des allures pimpantes, offrant un bagout tout italien, d'une élasticité
de tempo qui renouvelle l'intérêt à chaque mouvement. Ainsi du menuetto, d'une fluidité à la
Haydn, truffé de quelques accents relevés, ou de la ritournelle joyeuse du
finale, d'une frénésie incroyable. La
Septième offre, bien sûr, un son plus fourni. On est passé de 7 à 9
contrebasses. Mais là encore rien de
pesant car Chailly contraste la dynamique avec doigté. La rythmique, certes volontariste, n'est
jamais heurtée. Rien d'une battue à la
prussienne. Toute la dramaturgie du
mouvement initial en ressort magnifiée. La pseudo marche funèbre de l'allegretto est prise à un tempo
allant où se rejoignent grandeur et résignation. Le presto est un vrai presto et le trio médian ne ralentira pas le
débit, comme souvent, pour s'achever sur un fff. C'est assurément, pour reprendre le mot
célèbre de Wagner, « l'apothéose de la danse », déjà amorcée dès les
premières pages du vivace initial. Le
finale est grandiose et jubilatoire et les ultimes accords déchaîneront
l'enthousiasme général. Au-delà de
l'effet immanquablement communicatif de telles pages, c'est bien un formidable
travail qu'il faut saluer. Une
conjonction de talents rare.
Un parcours d'ascèse :
le concert de Sir John Eliot Gardiner à Pleyel
©DR
Pour son
récent concert parisien Sir John Eliot Gardiner n'a pas donné dans la facilité. En témoigne un programme quelque peu
ascétique. La soirée, assez courte,
s'ouvrait par le Begräbnisgesang (« Le chant de la tombe ») de
Brahms, pour chœur mixte à cinq voix et une formation particulière puisque
réunissant : hautbois, clarinette, basson, cor par deux, trois trombones, un
tuba et les timbales. Point de cordes
donc pour ce chant funèbre qui annonce souvent le Requiem allemand. À la
différence de l'exécution donnée par Bernard Haitink au Festival de Pâques
de Lucerne, celle sur instruments d'époquen privilégiée par John Eliot Gardiner,
laisse une impression de plus intense recueillement. La couleur des timbres y est pour beaucoup. La Messe
n°2 d'Anton Bruckner, pour une formation instrumentale à peu près
identique, sauf le tuba, et donc toujours sans cordes, est pure ascèse. Ce qui
est notable chez un compositeur par ailleurs si prolixe des grands éclats. Mais celui-ci était aussi à l'aise dans le
domaine religieux que dans l'univers riche de la symphonie. Contemporaine (1866) de la Première
symphonie, cette deuxième Messe, en fait la sixième du genre livrée par le
Maître de Saint Florian, renvoie au style Renaissance. L'architecture d'ensemble la divise en
plusieurs parties d'esthétique différente. Si le Kyrie, comme plus tard le Sanctus, offrent des sonorités
archaïsantes, privilégiant souvent le chant a cappella, Gloria et Credo se
placent dans la lignée de Haydn et de Beethoven, plus mélodiques à
l'accompagnement d'orchestre. Au
Benedictus, hautbois et flûtes tricotent une belle mélodie et l'Agnus Dei
laisse entrevoir de riches harmonies préfigurant Liszt. Les mots « Dona nobis pacem »
dédient la sérénité d'une piété profonde. La lecture de Gardiner et de ses forces, Orchestre romantique et révolutionnaire
et Monteverdi Choir, est profondément habitée. En seconde partie, un brin déséquilibrée puisque ne dépassant pas
les 22 minutes d'horloge, la Symphonie des psaumes de Stravinsky
ouvre de toutes autres perspectives. Écrite à la demande de Serge Koussevitski pour le 50e anniversaire
de l'Orchestre de Boston, mais créée à Bruxelles en 1930, par le fidèle
Ansermet, la pièce appartient à la période néo-classique de l'auteur du Sacre. Son effectif instrumental, important,
est là encore étonnamment composé puisqu'il laisse de côté violons et altos, au
profit de 10 violoncelles et de 8 contrebasses. Il prévoit par contre 5 flûtes, 3 hautbois
et 3 bassons, 1 cor anglais, 1 contrebasson, 4 cors,
1 petite trompette et 4 trompettes, 3 trombones, un tuba, mais
aussi une harpe et deux pianos ! Gardiner accentue autant les contrastes que l'aspect percussif
d'un morceau qu'il semble placer dans l'orbite d'Oedipus Rex. La scansion des cordes graves à la première
séquence ne laisse pas suffisamment émerger celle des pianos. Le dialogue flûtes-hautbois à la partie
médiane est évocatrice et l'explosion qui en orne le centre a belle allure. La dernière séquence, la plus développée,
présente chez lui une rythmique implacable, presque sèche. L'alternance du climat d'action de grâce et
de la franche allégresse est, certes, bien ménagée, mais là encore trop
appuyée. Pour faire bonne mesure, le
chef bissera cet ultime mouvement. Avant
de se livrer à une cérémonie des saluts un brin compassée, même à l'aune d'une
obséquiosité toute britannique.
La patine de l’un des
« Big Five » : The Cleveland Orchestra
©Mignot
L'Orchestre
de Cleveland figure au nombre des grandes formations nord-américaines, et parmi
les plus demandées, là-bas comme ailleurs, en Europe notamment. Une résidence a même été inaugurée à Vienne. Un comble dans la cité des Wiener Philharmoniker. La chose n'est pas finalement si
étonnante lorsqu'on sait que Franz Welser-Möst, son directeur musical depuis 2002, est aussi General Musik
Direktor du Staatsoper de Vienne. Cette
patine, il la doit au petit nombre de ses directeurs musicaux parmi lesquels on
compte George Szell (1946-1970) ou Christoph von Dohnanyi
(1994-2002), comme Pierre Boulez en tant que conseiller musical de 1970 à
1972. C'est dire le beau passé de cette
formation, l'une des plus cultivées qui soit. La matière sonore est chaude et chatoyante, la discipline
d'ensemble à faire pâlir nos éminentes formations européennes. Le programme du second concert de leur courte
visite parisienne le mettait en évidence. D'abord dans la Symphonie écossaise de Mendelssohn. Car la manière de Welser-Möst est celle d'un kapellmeister. Il prend son temps pour explorer chaque
recoin de cette pièce délicate. Les
vastes phrases lyriques en diable de l'allegro un poco agitato initial n'ont
rien de sentimental. Le vivace non
troppo suivant montre une souple articulation avec d'exceptionnelles nuances ppp. Toute la légèreté vivace de
Mendelssohn est là. Dans l'adagio, aux
grandes vagues successives et à la courbe hymnique, on éprouve un sentiment
d'équanimité. Et tout se conclut en
apothéose en un finale empli de joie maîtrisée. Pas trace ici de fougue incontrôlée, mais une musicalité sûre. Et une sonorité des plus somptueuses. En même temps qu'elle montre que l'orchestre
sait aussi s'ouvrir au répertoire contemporain, la Doctor Atomic Symphony de John Adams (°1947) en dévoile l'autre facette, celle d'une
fabuleuse technique. Émanation de
l'opéra du même nom (2005), cette suite d'orchestre (2007) requiert une
formation gigantesque avec les bois par trois, des cuivres nombreux, quatre
percussionnistes et un timbalier, harpe et célesta, et bien sûr une phalange
substantielle de cordes. Doctor Atomic c'est John Oppenheimer, sorte de Faust de
l'ère atomique, et la trame celle des préparatifs du premier essai nucléaire en
juillet 1945 dans le désert du Nouveau-Mexique. Le drame humain aussi d'un scientifique de haut vol confronté à un
challenge aussi intéressant qu'effrayant. La symphonie décrit des climats terrifiants, dialectique entre
fuite en avant et course à l'abîme, et espoir sans doute vain de réussir à
pouvoir contrôler quelque chose. La
dissonance panique qui ouvre le morceau, interprété d'une seule traite, laisse
place à une formidable scansion. On y
croisera des traits de cordes comme percussifs, voire des sonorités
artificielles, en rapport avec le sujet. Au milieu, un solo de hautbois prélude à un passage presque
extatique des cordes. Une lueur
d'espoir s'élève aussi dans un soliloque du cor. La pièce s'achève sur le même ostinato des cordes par lequel elle
avait débuté. Une musique souvent
envoûtante qui semble arrêter le temps. Pour conclure dans le même registre de
la performance, Welser-Möst avait choisi le Boléro. Belle exécution, prise dans un tempo assez
rapide, ce qui n'évite pas une certaine dureté lors de l'embrasement final et
ne permet pas cet effet hypnotique indispensable, tant voulu par Ravel. Un bis en forme de valse, sans pour autant
céder à la facilité, nous ramène dans des contrées plus amènes.
Œdipe, le grand œuvre de
George Enesco à La Monnaie
George Enesco : Œdipe. Tragédie lyrique en quatre actes et six tableaux. Livret d’Edmond Fleg. Dietrich Henschel, Jan-Hendrik Rootering,
Robert Bork, John Graham-Hall, Frédéric Caton, Jean Teitgen, Yves Saelens,
Marie-Nicole Lemieux, Natascha Petrinsky, Ilse Eerens, Catherine Keen. Orchestre symponique, chœurs et chœurs de
jeunes de la Monnaie, dir. Léo Hussain. Mise en scène : Alex Ollé /
La Fura dels Baus.
©Berndt Uhlig
Les
productions d’Œdipe ne sont pas légion. La dernière remonte à quelques
années, au Capitole. Voici que La Monnaie, qui le donna dès 1956,
s'attaque de nouveau à cet authentique chef-d'œuvre de l'opéra du XXe siècle.
Car George Enesco a écrit là son grand œuvre, clé de voûte de toute
sa production. La gestation en fut
longue, quelque 20 ans, de 1912 à 1931, et il faudra attendre 1936 pour le
voir représenter. Ce sera à Paris, au
Palais Garnier. Enesco, violoniste
virtuose, menait en effet, outre une carrière soliste brillante, de multiples
activités de voyages à travers le monde, en tant que chef d'orchestre, qui
l'accaparaient tant en Roumanie qu'en France, sa seconde patrie. Il en vint à s'intéresser au mythe d'Œdipe après avoir vu la pièce de Sophocle Œdipe roi, en 1909, au Théâtre Français. Ce mythe fondateur, il le fait sien
avec une rare empathie. Même si le
livret d’Edmond Fleg peut paraître un peu daté, la musique d’Enesco le
transcende. Il mêle les deux trames d’Œdipe Roi et d’Œdipe à Colone, pour embrasser l'entière destinée du héros,
de sa naissance (acte I) à sa mort (acte IV), en passant par
l'accomplissement de la terrible prophétie de Tirésias (il tuera son père et
épousera sa mère), objet de l'acte II, et la révélation pour Œdipe de sa
propre faute (acte III). Il brosse
une fresque immense et concise à la fois, entre innovation et tradition,
modernité et classicisme, dont les deux parties centrales, les plus
développées, concentrent l'essentiel de l'action, le premier faisant figure de
prologue et le dernier d'épilogue, « une sublime et indispensable
catharsis, absente d’Œdipe roi, conclusion combien plus élevée car
plus harmonieuse » selon Harry Halbreich. L'orchestre est somptueux, considérable dans son effectif, mais le
plus souvent discret. Présente,
l'influence de la musique populaire, la doïna roumaine, n'est pas
envahissante. Et, en tant que disciple
de Fauré, Enesco se nourrit de chromatisme, de rythmique complexe, de la
technique du quart de ton qui confère sa sinuosité au discours mélodique, de
refus de l'effet, même si le recours aux motifs récurrents sert de point de
repère. Elle est exigeante pour
l'auditeur dont elle requiert une concentration de tous les instants. Enesco fait voisiner contrepoint classique et
hétérophonie, héritée de la liturgie byzantine. Le traitement de la voix est des plus variés : du sprechgesang au chant large, des cris
aux plaintes et autres chuchotements. C'est
aussi difficile pour les chœurs que pour les solistes, en particulier s'agissant
du rôle écrasant d’Œdipe qui ne quitte pratiquement pas la scène. « Mon Œdipe, je n'ai pas voulu en faire
un dieu, mais un être de chair, comme vous et moi » proclamera le
compositeur.
©Berndt
Uhlig
Comment
traduire à la scène un tel univers ? Alex Ollé, de La Fura
dels Baus, connu pour prendre à bras le corps les grandes fresques (La
Damnation de Faust à Salzbourg), dit avoir voulu « mettre en relation
le temps mythique et le temps historique », pour privilégier « un
temps linéaire et biographique ». On
trouvera le mélange des époques, le destin familial perturbé ayant à voir avec
la psychanalyse du Dr Freud (le dialogue d’Œdipe et de Mérope au début
du II), l'illustration des catastrophes naturelles (la coulée de boue
envahissant un village en Hongrie, d'où la tonalité ocre de la décoration). L'hyperbole du discours (la rencontre avec la
Sphinge, être hystérique) voisine avec quelque citation de La Machine
infernale de Cocteau. Un formidable
mouvement d'horlogerie préside à la régie, car les personnages qui gravitent
autour du héros sont pris dans un engrenage, comme privés de leur volonté
propre. La dimension du mythe, déjà
subjective chez les auteurs, est humanisée dans la mise en scène qui se
concentre sur la quête d'identité et cette question première : l'homme
est-il maître de son destin ? Certes, les visions sont pour certaines curieuses, telles
l'apparition de la Sphinge débarquant d'un avion à hélices de la Seconde Guerre
mondiale, ou la vision de champ dévasté d'après combats qui ouvre l'acte III. Mais la plupart offrent une vraie
cohérence comme ce décor en forme de bas-relief peuplé de personnages figés,
sorte d'arrêt sur image (acte I), que l'on retrouve à l'épilogue, le bois
sacré, avec son environnement de cariatides. La gestuelle mise sur une expression volontairement sobre. Le rôle-titre offre un challenge peu commun. Dietrich Henschel n'a pas le charisme
non plus que la franche diction qui permettent d'illustrer le texte avec une
conviction de tous les instants - cette aura, cette évidente simplicité tant
remarquée chez José van Dam. Il
atteint cependant une grandeur tragique certaine aux deux derniers actes. À part la Sphinge de Marie-Nicole Lemieux qui
décidément transforme en or tout ce qu'elle touche, la distribution se signale
par une trop grande sobriété. Le bât
blesse surtout quant à l'intonation, voire au placement des voix. L'idiome français si subtil d’Enesco n'est
que peu souvent en phase. C'est aussi
le cas des chœurs. Peut-être également,
dans un autre ordre d'idée, de l'orchestre, pas toujours très raffiné. Certes, là encore, le challenge est des plus
ardus, tout comme dans Les Huguenots, la saison dernière. Léo Hussain fait montre d'un engagement
réel et souligne la fluidité du flot musical, l'influence debussyste dans la
palette sonore souvent sombre, les interventions instrumentales archaïques, de
la flûte par exemple, ou d'instruments plus rares, telle la scie musicale qui
clôt le râle de mort de la Sphinge. Sa
direction ménage un équilibre délicat entre effluves de lyrisme et flamboyance
dramatique.
« Ô temps !
suspends ton vol » : La Belle
Meunière à Pleyel
Matthias Goerne ©Borggreve
Il est,
de temps à autre, des concerts d'exception où s'établit comme un état de grâce
parmi les interprètes et le public. Celui réunissant Matthias Goerne et Christoph Eschenbach
dans Die schöne Müllerin, devant une salle comble retenant son
souffle, est de ceux-là assurément. Rarement
a-t-on perçu telle symbiose entre chanteur et pianiste. Le mot accompagnateur étant dépourvu de sens
ici, car Schubert se montre aussi inspiré dans le texte pianistique que dans la
partie chantée. Délaissant la baguette,
Christoph Eschenbach revient à son cher piano et est visiblement sous le
charme de son chanteur. Celui-ci va chercher
loin, imprimant le mouvement au discours. Schubert pour la première fois se lance dans un cycle (1824), sur
les poèmes d'un poète très cultivé qui lui est cher, Wilhelm Müller. Le jeu de mot est étonnant car ce Müller est
aussi le meunier qui va au fil de poèmes strophiques, narrer ses désirs et
conter ses peines à propos d'une belle meunière qui n'en saura rien, car
sortie de l'imagination fiévreuse du jeune homme. Ce chant populaire se nourrit de la Nature, arcane du romantisme. Le ruisseau d'abord, dont l'ondoiement teinte
toutes les pièces, ce « ruisseau de mon cœur » dont « Le Curieux » (lied n°6) fait l'apologie. Les
couleurs de la nature ensuite : le vert, couleur chérie entre toutes
(lied n°16) « Ma bien-aimée aime tant le vert » susurre
le meunier ; mais aussi son contraire, la couleur mauvaise (lied n°17). La meunière enfin, qui n'apparaît qu'à
la huitième mélodie, dans « Salut matinal », si frais, si
touchant. Toutes les étapes de ce
parcours en forme de voyage, cet univers mouvant cher à l'âme allemande, aussi
intérieur que réel, sont purs joyaux de poésie, d'intensité musicale. De bonheur éphémère aussi car vite coloré de
drame, toujours adjacent chez Schubert, même dans la description de situations
en apparence anodines. On retrouvera
ces caractéristiques dans l'autre cycle, le Winterreise. Matthias Goerne, au zénith de sa
carrière, possède ce talent rare d'habiter tout ce qu'il touche, aussi bien à
l'opéra qu'au concert. Le domaine si
délicat du lied le montre divinateur dans la manière de galber la ligne, de
balancer la courbe de la phrase, d'habiter les silences même. D'aller au-delà des mots, dans une vraie
intuition poétique, toujours dans une extrême simplicité. L'ultime lied, « La berceuse du
ruisseau » atteint un dépouillement bouleversant. Les couleurs ténorisantes du timbre sont
idéales pour interpréter ce cycle qui est souvent, à juste, titre confié à une
voix de ténor. Le jeu des comparaisons
est dès lors vain. Ce qui est sûr,
c'est qu'on n'a pas assisté à pareil miracle depuis longtemps. On le doit tout autant à Eschenbach dont le
pianisme est visionnaire, encore plus épuré peut-être, et plus confirmé dans
des tempos lents, que lors de leur exécution salzbourgeoise de l'été 2010
(cf. NL d'octobre 2010). Lorsqu'ils reviennent saluer, main dans la
main, embarrassés devant l'ovation, émus, à peine remis de cette immersion
poignante, ils nous empoignent encore une fois pour nous avoir transportés si
haut. Merci !
L'effet grisant du
concert littéraire…
©DR
« Les
Rencontres musicales et littéraires en bords de Marne », au
Perreux-sur-Marne, se sont fait une spécialité d'un genre peu répandu : le
concert littéraire. Pour leur troisième
édition, ces « Notes d'automne » étaient l'occasion de
rapprocher deux arts intimement liés. Le concert du 9 novembre à l'Hôtel de ville
réunissait Anne et Yann Queffélec, frère et sœur à la ville, complices
désormais à la scène. Car, aussi
étonnant que cela puisse paraître, ils n'avaient pas encore « joué »
ensemble sur une estrade. Le thème
était « la musique nous prend comme une mer » car, dit Anne Queffélec,
« dans notre mémoire partagée, circule la mer mêlée à la musique ». Ces deux-là ont été « marqués à vie par
ce double éblouissement, à travers les plages bretonnes de nos vacances
d'enfants et la révélation de la musique ». En introduction, Yann dira que Anne a toujours été bercée par la
musique des mots et que lui-même est transporté par la coulée des notes. Ces affinités artistiques les rapprochent en
une sorte de connivence secrète et sereine pour « un vagabondage libre
entre textes, poèmes et pièces musicales habitées par la mer ». Unis dans une précieuse complicité, sous le
buste impassible de Marianne, ils vont ainsi disserter sur des pièces de
Debussy, Ravel, Chopin et Liszt. Yann
explicite les liens apparents ou cachés avec Baudelaire ou tel qu'il les
ressent. Anne les révèle au piano. Ainsi à propos de Reflets dans l'eau de Debussy, de ce qu'il nomme
« un jardin énigmatique, initiatique ». « N'écoute que les conseils du vent » décrypte Ondine de Ravel. Et cette Cathédrale engloutie debussyste, si bizarre au fond, car pourquoi une cathédrale serait-elle enfouie
dans les flots, alors qu'au même moment Claude Monet peint en lumière
celle de Rouen, en plein midi, dans une série fameuse ? Il lui semble que le morceau de Debussy fait
une référence cachée à quelque chose de fluorescent. Et pourquoi pas à cette immense coque du Titanic qui sombra corps
et biens, une nuit de 1912, en pleine lumière. La Barcarolle de Chopin a peut-être aussi à voir avec le
milieu marin. Mais plus sûrement avec
la liaison qu'il entretint avec George Sand, « un amour teinté
d'amour pélicane » comme le dira la dame à ce propos. Musset a aussi écrit Le Pélican... Pourquoi ne pas se risquer à cet
improbable rapprochement ? L'extrapolation participe aussi du questionnement texte-musique. Un bond en avant, de quelque 55 ans, et
nous voilà embarqués sur Une barque sur l'océan. Ravel s'y révèle « orfèvre mallarméen »,
alors que Debussy est le génie délicieux, le maître de la chanson grise. Il est aussi « l'homme de bien »
dont parle Molière. Le mystère de l'art
ravélien ne sera peut-être pas percé. Qu'importe. Yann pense encore à Audiberti et son texte La barque et l'océan. Étonnant raccourci. Un autre saut nous conduit vers Liszt,
immanquable cette année. La Légende
de Saint François de Paule marchant sur les flots et sa curieuse origine
littéraire du moine franchissant le détroit de Messine, amène à ce
constat : ce que Liszt décrit comme « le plus divin et le plus
satanique des arts », la Musique, est bien faite pour émouvoir, tout comme
la poésie pour enrichir l'esprit. Yann Queffélec finira en un hommage aussi tendre que profond
à leur père, Henri, grand poète lui aussi, qui eut ce mot « l'océan de
Liszt n'est pas désespéré ». Tout
au long de cette heure et demie, tous deux nous auront tenus en haleine, Anne
par son jeu délicat et affirmé, Yann par son élégance d'esprit et sa finesse. Un exemple à méditer et une expérience à renouveler.
Chopin comme on l'aime…
Rafal Blechacz ©Salle Pleyel
Grosse
affluence pour le concert de l'orchestre Sinfonia Varsovia : pour cause
politique, la soirée étant donnée dans le cadre de la présidence polonaise de
l'UE, avec le soutien du ministère de la Culture et du Patrimoine polonais qui,
via son ambassade parisienne, devait rafler les derniers billets, et sans doute
aussi, du moins on l'espère, pour la prestation du jeune prodige
Rafal Blechacz, 26 ans, lauréat du prestigieux Concours de piano Frédéric Chopin
de Varsovie, en 2005. De fait, on
entendait beaucoup parler parmi le public la langue de Chopin et battre le cœur
de celui-ci sur l'estrade. Car de
l'exécution du Deuxième Concerto pour
piano on se souviendra longtemps. Ce
morceau, Rafal Blechacz l'aborde avec une vraie simplicité et son climat
élégiaque en ressort magnifié. Tel le
maestoso, pourtant pris à vive allure dans son introduction orchestrale ;
sans doute pour mieux faire ressortir le passage central, plus dramatique. La mélodie du larghetto, l’une des plus
poétiques imaginées par Chopin, s'élève avec aisance. Comme d'évidence, Blechacz en tisse
l'atmosphère nocturne, le calme d'un sentiment profond. La deuxième séquence qu'effleure une pensée
plus tragique, culmine sur un dialogue coquet du piano avec le basson, puis
s'achève dans le recueillement. L'allant
de l'allegro vivace final autorise une extrême transparence. Partout, on est séduit par l'absolue clarté
du jeu, la sincérité de l'approche, l'absence de recherche d'effet. Une interprétation qui se mesure
favorablement aux plus grandes. En bis,
Blechacz joue la grande Polonaise héroïque et attaque les amples accords du haut du bras, comme naguère Arthur Rubinstein. Le discours est là encore tout sauf
apprêté, dramatique lorsqu'il le faut, au-delà de la virtuosité même. Cortot ne parle-t-il pas de « cette
féconde illusion qui porte l'artiste à s'identifier au créateur ». Ovationné, il donnera encore, généreux, la Berceuse, mélancolique mais non triste,
exhalant comme nul autre le zal, le spleen polonais. Un sentiment si profondément musical aussi. L'orchestre l'entoure avec affection. Celui-ci jouait en début de soirée, sous la
conduite énergique de Grzegorz Nowak. l'Ouverture de concert op.12
de Karol Szymanovski, au geste straussien démonstratif. Cette première pièce orchestrale de celui qui
se révélera pionnier du renouveau de la musique polonaise, déborde d'élan et ne
requiert pas moins de six cors, trois trompettes et trois trombones, outre un
brelan de percussions. Il y a là
quelque chose de programmatique, rappelant irrésistiblement, aux premières
mesures, des pages du Don Juan ou de Ainsi parlait
Zarathustra de l'auteur de Salomé. On pense aussi à le flamboyance de Scriabine. Quelques passages plus calmes interrompront
le déluge sonore, tel un pénétrant solo d'alto avant une péroraison grandiose. En seconde partie, la Symphonie italienne de
Mendelssohn libère une fièvre péninsulaire fort attractive, en particulier dans
le saltarello final, d'une exubérance obstinée dans le tempo d'enfer
décidé par le chef. La lecture n'en est
pas moins équilibrée et lumineuse, eu égard à la finesse instrumentale du
Sinfonia Varsovia.
Une soirée frustrante à la Cité de la musique
Nathalie Stutzmann ©DR
On annonçait une soirée
thématique originale titrée « Castrats Divas », dans le cadre
d'un cycle Masculin/Féminin puisqu'aussi bien « la musique
aussi participe à la construction de l'identité sexuée ». Las ! La défection à la dernière minute de l’un des deux participants,
pour cause de divergences artistiques, nous aura privés du chapitre castrat. Restait la diva. Il faut d'abord saluer la décision
courageuse de Nathalie Stutzmann de maintenir le concert en en assurant
l'entière responsabilité. Il n'était
pas aisé de revenir sur ce programme alléchant de confrontation des voix du
contre-ténor et de la contralto, et d'assumer seule toute la soirée, à la fois
à la direction d'orchestre et pour la partie de chant. Car ce qui caractérise la manière de cette
artiste, c'est qu'après avoir, des années durant, chanté auprès des plus
grands, elle a souhaité posséder et diriger sa propre formation orchestrale,
afin de mener des projets spécifiques. En
somme, de réaliser ce dont elle avait envie depuis des lustres. Le programme du concert, remanié, convoquait
Vivaldi et Haendel, alternant pièces instrumentales et chantées. Peut-être contrariée par l'épisode malheureux
des répétitions et le changement imposé à la onzième heure, la forme
vocale n'était pas parfaitement au rendez-vous chez Nathalie Stutzmann en
première partie, malgré une aria de Il Giustino intéressante
« Je sens une pluie de larmes » où Vivaldi conçoit un soutien de la
voix uniquement par les pizzicatos des cordes, et ppp ; comme il le
fait encore dans celle d'Atenaïde. Le Triple Concerto RV 578, pour deux violons &
violoncelle, montre chez la chanteuse une sûre maîtrise de la baguette et ce
plaisir évident de pouvoir se livrer à l'expérimentation en matière de tempo,
de jeu et de phrasé, dont bien des interprètes de Vivaldi raffolent. Les pages de Haendel la trouveront sans doute
mieux inspirée. L'Ouverture de Giulio Cesare a belle allure et le largo du Concerto grosso
op. 3 n°2 est justement émouvant. Le lamento de Dardano, tiré de l'opéra Amadigi di Gaula, dévoile une vraie force de conviction. Mais
le fameux air de Rinaldo « Lascia ch'io pianga » en devient
presque soporifique à force d'être plus que lent ; ce qui n'a que peu à
voir avec son aspect proprement hypnotique. La seconde partie est d'une autre trempe et le récitatif et l'air
de Jules César sont superbes de tenue et de vocalité. Plusieurs arias de Vivaldi montrent que
celui-ci aimait particulièrement ce type de voix grave : ce qui au demeurant
lui offrait l'avantage, en tant qu'impresario et directeur de théâtre, de moins
lui coûter. Les voix de femmes
s'engageaient, en effet, à moindre frais, en comparaison des castrats, fort
chers au cachet ! La Sinfonia de L'Olimpiade est, elle aussi, avec sa partie de violon concertant, pur bonheur.
Et dans l'aria langoureuse de Perseo extraite d’Andromeda liberata,
chant et violon solo s'enlacent à l'envi.
Jean-Pierre
Robert.
***
Franz WELSER-MÖST décevant, Salle Pleyel. The
Cleveland Orchestra, dir. Franz Welser-Möst.
Les phalanges américaines se
suivent mais ne se ressemblent pas sur la scène de la Salle Pleyel. Pour l’ouverture de la saison, Riccardo Muti
à la tête du Chicago Symphony Orchestra nous avait séduit, Franz Welser-Möst
dirigeant le Cleveland Orchestra, dont il est le chef titulaire depuis 2002,
nous a bien déçus. Un programme éclectique et peut être trop ambitieux, Agon de Stravinski, Métamorphoses de Richard Strauss et la Symphonie n°4 de Tchaïkovski. Agon, ballet pour
douze danseurs, crée le 1er décembre 1957 par le New York
City Ballet, construit en partenariat avec George Balanchine, est un
exemple d’écriture sérielle adaptée à la danse, cela expliquant probablement la
difficulté de faire passer cette musique, ici pourtant bien en place, en
ouverture de soirée, sans le secours des images chorégraphiques. Les Métamorphoses, œuvre pourtant sublime, nous ont paru plus
proches du divertissement de salon que d’un véritable témoignage angoissé,
abattu et chargé de honte après la destruction de Munich en 1945, tant
l’interprétation en semblait apollinienne, belle mais superficielle, mettant
l’accent sur la somptuosité des cordes de l’orchestre, mais oubliant totalement
la gravité du message, celui d’une amère lamentation devant les ruines de la
civilisation allemande, les atrocités nazies et l’échec de la raison. Une musique de deuil « in memoriam » pour 23 cordes
solistes, bien isolées dans la grande nef de Pleyel, incapables de faire passer
une quelconque émotion. En seconde partie, la Symphonie n°4 de Tchaïkovski, monument du répertoire, composée en
1877 par un compositeur blessé, psychologiquement instable, hanté par le
Destin, est une œuvre ambiguë faisant
alterner espoir et accablement, comme en témoigne la lettre adressée par le
compositeur à Nadejda von Meck. On
fut, hélas, bien loin de ce « programme » tant l’interprétation
parut superficielle, terne et sans tension, faisant se succéder un premier et
un quatrième mouvement « hollywoodiens », encadrant un deuxième et un troisième mouvement plus réussis,
avec des cordes superbes. En revanche,
les vents parurent, le plus souvent,
lourds et approximatifs ! La
salle, peu rancunière, demanda un « bis » qui nous donna, enfin,
l’occasion d’entendre un très beau passage des Maîtres Chanteurs de Wagner, mais cela est, en définitive,
bien peu !
Franz Welser-Möst ©EMI Classics
Jukka-Pekka SARASTE, lumineux, Salle Pleyel. Orchestre
philharmonique de Radio France, dir. Jukka-Pekka Saraste. Christine Schäfer, soprano.
Encore une belle soirée proposée
par le « Phihar » qui confirme, de concert en concert, sa place de
première phalange parisienne. Il faut
avouer que le choix du programme semblait particulièrement judicieux associant,
en première partie, les Illuminations de Britten, chantées par Christine Schäfer, puis en seconde partie, la
terrible Symphonie n°8 de Chostakovitch. Deux occasions de
mettre en avant la somptuosité des cordes ainsi que la qualité et la cohésion
de l’orchestre, tous pupitres confondus. Les Illuminations de
Britten, sur des textes de Rimbaud, créées en 1940 à Londres, permirent de
juger de l’étonnante alchimie réussie
entre la voix puissante de Christine Schäfer et les sonorités douces et
limpides des cordes. On regrettera,
toutefois, une diction pour le moins approximative, rendant le texte
rimbaldien, déjà difficile, totalement incompréhensible. La Symphonie n°8 de Chostakovitch, symphonie de guerre, créée en 1943 à Moscou, sous la
direction de Mvravinski, symphonie préférée du compositeur, est une œuvre
ambiguë, grinçante, terrifiante, dressant un portrait psychologique du
compositeur confronté aux horreurs de la guerre et à la répression politique. Elle fut l’occasion, pour l’orchestre et son
chef d’un soir, d’une véritable leçon
de musique, claire, parfaitement en place, rendant compte du dramatisme et de
la complexité de l’œuvre - qu’on aurait, toutefois, préférée plus grinçante,
notamment au 3e mouvement. Ajoutons à cela, une entente et une
communion évidente entre l’orchestre et le chef finlandais, justifiant les
applaudissements fournis et mérités de la salle et des musiciens.
©Bo
Mathisen
Une Belle Meunière d’anthologie, Salle Pleyel. Matthias Goerne
(baryton), Christoph Eschenbach (piano).
Die schöne Müllerin constituait le premier volet de
la trilogie schubertienne proposée par le baryton Matthias Goerne (notre
photo), accompagné par Christoph Eschenbach, Salle Pleyel. Un programme qui se poursuivra tout au long
de la saison, avec Le Voyage d’hiver (Winterreise) et Le Chant du cygne (Schwanengesang)
en février et mai prochains. La Belle
Meunière est un cycle de 20 lieder, composé en 1823 par Franz Schubert,
sur des textes de Wilhem Müller. Jamais
symbiose, entre texte et musique, ne
parut plus réussie, portée au plus haut par l’interprétation qu’en donna
Matthias Goerne. Un timbre magnifique
de rondeur, des aigus filés et lumineux, des graves profonds, des
« forte » jamais forcés et des « piano » d’une sublime
beauté. Ajoutons à cela une présence
scénique où Matthias Goerne semble comme habité par le personnage du
meunier, vivant, mimant et chantant tous ses états d’âme pendant tout ce cycle,
éminemment romantique, de près d’une heure. Christoph Eschenbach qui avait délaissé, pour un soir, la
baguette pour le piano sut trouver un ton naturel de simplicité soutenant
parfaitement la voix, respirant avec elle, entretenant le climat, tour à tour
douloureux, enchanteur ou bouillonnant, en résonance avec les sentiments du héros. Une soirée d’exception, deux prochains
rendez-vous à ne pas manquer.
©Borggrave
Une leçon de « bel canto » au Théâtre des Champs-Élysées. Vincenzo
BELLINI : Les Capulet
et les Montaigu. Opéra en
deux actes (1830) sur un livret de Felice Romani, d’après Roméo et Juliette de Shakespeare. Orchestre et chœurs de l’Opéra de Lyon, dir. Evelino Pido. Anna Caterina Antonacci (Roméo),
Olga Peretyatko (Juliette), Juan Francisco Gatell (Thibault),
Carlo Cigni (Frère Laurent), Giovanni Battista Parodi (Capello). Version de concert.
L’opéra Les Capulet et les Montaigu, de Vincenzo Bellini, assurait la
réouverture de la saison lyrique au TCE, après plusieurs mois de travaux pour
restauration. Une véritable leçon de
« bel canto » remarquablement interprétée, tant vocalement qu’instrumentalement. Evelino Pido, spécialiste de l’opéra
italien et du « bel canto » en particulier, qui dirigeait avec brio
cette même œuvre à l’Opéra Bastille en 2008 (avec Anna Netrebko et
Joyce DiDonato dans les rôles principaux), mena ses troupes avec entrain,
faisant preuve d’un réel plaisir à diriger, toujours au service des chanteurs,
chantant et respirant avec eux. Les chœurs,
l’Orchestre de Lyon et la distribution vocale furent, également, sans faille. Juan Francisco Gatell (Thibault) nous
séduisit, dès son premier air, par son timbre rond, lumineux, son aisance
vocale, jamais forcée malgré de périlleux aigus. Anna Caterina Antonacci (Roméo) fit preuve d’une présence
scénique chargée d’émotion, compensant largement certaines faiblesses de la voix, parfois légèrement
forcée. Olga Peretyako, issue du
Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg fut, sans nul doute, la grande
triomphatrice de cette mémorable soirée avec son timbre limpide, sans vibrato,
sa technique vocale irréprochable, interprétant ici une magnifique Juliette,
totalement crédible. On n’oubliera pas,
dans ce concert de louanges, Carlo Cigni et Giovanni Battista Parodi,
tous deux excellents. Une réussite
totale, une salle bien remplie et une ovation prolongée, bien méritée, voilà
qui augure bien des prochains rendez-vous lyriques.
Olga Peretyatko et Anna Caterina Antonacci
©DR
Théâtre des Champs-Élysées. Un Verdi… plein de promesses
Oberto. Opéra de Giuseppe Verdi en
deux actes (1839), sur un livret d’Antonio Piazza & Temistocle Solera. Orchestre national de France, Chœur de
Radio France, dir. Carlo Rizzi. Michele
Pertusi (Oberto), Maria Guleghina (Leonora), Ekaterina Gubanova (Cuniza),
Valter Borin (Riccardo), Sophie Pondjiclis (Imelda).
Premier opéra véritable de Giuseppe Verdi, créé au Théâtre de
La Scala, à Milan, le 17 novembre 1839, établi à partir de plusieurs
ébauches (Rocester et Lord Hamilton), Oberto,
conte di San Bonifacio est un opéra intéressant car contenant en germe tout
le génie verdien. Une musique en
devenir qui s’éloigne des
ornementations du « Bel Canto » sans parvenir, encore, à
atteindre le dramatisme de la maturité.
Un opéra se présentant surtout comme une succession d’airs. Compte tenu de l’indigence du livret,
l’accent est mis sur le caractère transitionnel de la musique et la primauté
des voix.
Maria Guleghina ©DR
Au plan musical, le
« National » plein d’allant,
dirigé par Carlo Rizzi, grand chef d’opéra, donna entière satisfaction,
tout comme la distribution vocale, à l’exception de Valter Borin,
remplaçant au pied levé Fabio Sartori souffrant. S’il faut lui reconnaître le mérite de ce
remplacement inopiné, force est de constater que son Riccardo constituait le
maillon faible d’une distribution vocale de haut vol, timbre nasal dans le
« médium », aigus forcés, souvent décalé par rapport à l’orchestre,
parfois à la limite de la justesse. En
revanche Maria Guleghina, avec son timbre rond et son superbe legato,
campa une très honorable Leonora malgré quelques suraigus hasardeux et une
faiblesse dans le grave. Ekaterina Gubanova, puissante, donna au personnage de Cuniza,
une stature assez réservée, voire distante, par son timbre sombre, profond, un
peu voilé. Michel Pertusi, dans le
rôle-titre, fut le seul à associer, dans un même élan, qualité du chant et
présence scénique. Enfin, une mention
particulière pour Sophie Podjiclis qui, en quelques répliques, sut nous
séduire par la beauté et la maturité de sa voix. Restent de cet opéra de jeunesse quelques beaux moments qui
laissent présager du Verdi futur comme le duo (Oberto/Leonora) et le trio du Ier acte, le quatuor du IIe.
Ekaterina Gubanova ©DR
Ovation assez limitée de la
salle, s’expliquant par la faiblesse certaine de l’œuvre, mais aussi par
l’absence de mise en situation et d’engagement de la majorité des acteurs, ce
qu’on peut regretter. Un soupir bien
malheureux de Guleghina, en fin de représentation, résumait assez bien
l’ambiance de la salle…
Patrice Imbaud.
***
Haut
Plus
petite salle d’opéra en Europe, la Péniche Opéra (Compagnie
nationale de théâtre lyrique et musical - 46, quai de la Loire, Paris XIXe.
Tél : 01 53 35 07 76) propose
depuis 1982 opéras-comiques, opérettes, opéras contemporains,
comédies musicales. Compagnie lyrique nationale en
1998, en résidence à l’Opéra Comique de 1998 à 2007, « artiste
associé » à l’Opéra de Toulon de 2003 à 2007, la Péniche Opéra reste,
dans le paysage culturel, une sorte de terrain d’aventures. Espace propice à la dérive, lieu d’errance,
agile à passer d’un siècle à l’autre, d’une avant-garde à la prochaine, d’un
lieu à l’autre, hors les murs mais au cœur du réel, toujours en terre foraine,
magnifique jouet où des chanteurs, des comédiens, des musiciens, des metteurs
en scène peuvent ancrer leurs rêves de théâtre et de musique.
©DR
Tout au long de la saison, « l’opéra
s’invite », dans les écoles, les collèges, les lycées pour des actions de sensibilisation et de présentation autour des
spectacles avec des extraits chantés des œuvres présentées par les
artistes, des ateliers de présentation
et de pratique d’art lyrique, des actions
d’initiation à l’opéra et de sensibilisation autour des métiers de l’opéra. Dans tous les cas, la démarche se
fonde sur la rencontre et l’échange comme base de transmission de connaissance,
mais aussi de plaisir ! Cette saison,
la Péniche Opéra présente deux créations au Théâtre de
Fontainebleau : « Les cris du Cri » avec l’ensemble
Clément Janequin et « Café Allais », opéra fumiste autour
d’Alphonse Allais. Et en tournée
dans le sud de la Seine-et-Marne, Rita ou
le mari battu, opéra-comique de Donizetti ; Les Shadocks et compagnie… en musique ! : un spectacle réunissant « Le vilain petit canard » de Prokofiev,
« La Boîte à joujoux » de
Debussy et « Les Shadocks et
l’aéronautique » d’Albert Marcœur, « L’histoire de Babar » de Poulenc, « Sports et divertissements » de Satie. Trois axes artistiques ont été
déterminés pour les actions culturelles de la résidence autour des spectacles
de la compagnie :
- Le répertoire d’opéra-comique français.
- La
musique baroque.
- La création musicale du XXe siècle et d’aujourd’hui.
Actuellement, la Péniche
Opéra est en résidence à Fontainebleau et dans le sud de la Seine-et-Marne. Dans ce cadre, c’est un
projet inscrit sur trois ans qui s’ouvre à l’École municipale. Inscrit dans la dynamique des années
précédentes, il vise à approfondir le travail entrepris et à créer des outils
culturels pérennes, dont une classe de scène et d’art dramatique. Ouvrir le théâtre, la musique et l’opéra à
tous, faire de chaque représentation une fête dans laquelle peut se retrouver
l’ensemble de la population bellifontaine et du pays bellifontain, voilà quel
est l’objectif poursuivi par Mireille Larroche, professeur principal de
scène et d’art dramatique, avec Laure de Bressy, directrice de l’école
municipale de musique. Cet atelier se
présentera sous le visage d’une classe ouverte à tous les passionnés de théâtre
et d’art dramatique, à tous les comédiens, chanteurs, musiciens, danseurs qui
veulent s’initier à l’art de la scène. Il
a pour vocation de faire se croiser les différentes disciplines du spectacle
vivant, de fédérer, à travers un projet scénique, les différentes pratiques
enseignées à l’école de musique.
(Durée de l’enseignement
1h30. Nombre de participants : 15 personnes (de 10 ans à 110 ans). Avec Mireille Larroche assistée
d’Alain Patiès, accompagnée d’un pianiste (1 cours sur 2) et d’une
chorégraphe (1 cours sur 3). Le travail
de la classe se déroule en deux temps égaux : théâtre pur et
interprétation).
Au-delà de l’exercice
musico-théâtral, artistes
amateurs et professionnels échangeront tout au long de la saison 2011-2012
autour du thème des plaisirs de la bouche avec des créateurs issus de
différentes disciplines artistiques et avec des scientifiques qui interrogent
le corps, la table, le plaisir. La
table, la convivialité n’ont-elles pas inspiré de nombreux compositeurs ? Aussi, à chaque halte de la Péniche Opéra,
amarrée dans une commune de Seine-et-Marne, d’avril à juin 2012, et dans le cadre convivial de cette salle de
spectacle atypique, une école de musique, en compagnie des artistes de la
Péniche Opéra, créeront un épisode de ce feuilleton « de bouche à
oreille ». La
réalisation d’un spectacle musical rassemblera enfin toutes les écoles de
musique et les participants de cette aventure dans une présentation finale au
château de Fontainebleau, le 3 juin, à l’occasion de la Fête des Jardins autour
d’un pique-nique musical. Pour le final
de ce pique-nique, en dessert, l’ensemble des participants participera à un
chœur extrait de « La cuisine de Léonie » de Joubert. Pour la préparation de ce finale, une
répétition encadrée par un chef de chœur sera organisée tous les quinze jours,
à partir de janvier 2012 et 3 répétitions tutti seront organisées fin mai,
début juin.
Gérard Denizeau.
***
Le disque Lectures (Hortus 088) consacré à Liszt par Nicolas Stavy a représenté l’un des temps forts de l’Année Liszt et laissera une trace durable dans la
discographie, ce qui ne saurait être le cas d’autres sillons livrés à la
brouettée au cours de cette commémoration ! Tout au long de l’année,
Nicolas Stavy aura promené dans ses concerts les œuvres qu’il venait
d’enregistrer, les mettant intelligemment en situation par des accostements
divers, ce qui ouvrait les fenêtres à des éclairages sans cesse renouvelés :
ainsi offrit-il à ses auditeurs, et à lui-même, un parcours d’investigation de
chefs-d’œuvre aux mille richesses. Comme l’exploration d’une cathédrale révèle
chaque jour un nouveau chapiteau, un nouveau détail de vitrail qui nous avait
échappé, ainsi son cheminement lisztien lui permit-il de mettre l’accent un
soir sur telle intention, un autre sur telle courbe d’architecture, et de
révéler la multitude d’états d’esprit qui se côtoient, se superposent, se déchirent,
chez Liszt dès lors que l’on aborde des œuvres ayant trait à ses préoccupations
métaphysiques fondamentales. Pour avoir suivi Nicolas Stavy en diverses
étapes de ce parcours, nous n’avons jamais entendu deux fois la même chose, non
que la cohérence de sa conception changeât (fort heureusement !), mais une
conjonction différente dans l’ordre enchaînant les pièces, un climat résultant
du contact avec tel ou tel public, suffisaient à faire jaillir une dominante de
couleur dans le tableau général ou à infléchir l’appariement psychologique de
certaines pages soudain rapprochées. Rappelons les œuvres dudit programme, qu’il donnait intégralement
au Musée d’Orsay le 3 novembre 2011 : Bénédiction de Dieu dans la solitude, Sonnet de Pétrarque n° 104, Six Consolations, Après une
lecture du Dante, Du Berceau jusqu’à
la tombe (ordre du disque, mais ordre à chaque fois différent lors des
concerts, l’interprétation de ce soir-là sonnant comme un autre regard par
rapport à celle du disque). Toutes livrent l’âme de Liszt à son plus profond
et, combinées, dessinent un impressionnant portrait d’un Liszt s’interrogeant
sur les fins dernières, sur le dialogue de la créature et de son Créateur, sur
la poétisation de la destinée, sur les épreuves et conflits qui renvoient l’être
à sa solitude. Nicolas Stavy n’a failli en aucun de ces aspects, montrant
une imprégnation profonde de son très pluriel sujet et un regard projeté avec
homogénéité sur la vaste échelle d’architectures à la hauteur de la méditation lisztienne.
L’évolution de ce pianiste de 36
ans le place maintenant parmi les musiciens à la pensée puissamment et mûrement étoffée. À l’heure où
Paris accueille des pianistes étrangers bien « publicisés » qui ne le
valent pas (ou qui nous infligent des catastrophes dont, par délicatesse, nous
préférons ne pas parler en ce site), on s’étonne que la carrière internationale
de Nicolas Stavy tarde à prendre l’envol vers les grands circuits que son
talent appellerait. Entrent malheureusement en ligne de compte des critères de
« communication », de « management » (comme ces affreux
mots nous éloignent hélas de la pensée mystique de Liszt, lequel eut à vaincre
les écueils inverses, ceux d’une « sur-médiatisation » en son
temps !), à une époque où on lance les artistes comme des barils de
lessive (mais les artistes ainsi lancés sont aussi les plus éphémères,
parfois !).
À la Bibliothèque nationale de
France, le 17 novembre, nous retrouvions Nicolas Stavy dans un répertoire
qu’il enregistra (chez Hortus également) au début de sa carrière
discographique : Hélène de Montgeroult, cette
pianiste-pédagogue-compositrice qui fut nommée par Sarrette professeur de piano
en 1795 dans le naissant Conservatoire de Paris. En présence de Jérôme Dorival, auquel on doit l’exhumation de
cette femme hors du commun qu’il surnomme « la mère du piano
romantique » (il lui a consacré une biographie : La Marquise et la Marseillaise, Éd. Symétrie, ainsi
que des travaux d’édition musicale), Nicolas Stavy jouait et commentait un
florilège d’études, nous prouvant qu’à travers une pédagogie, non seulement de
la technique pianistique mais aussi de l’esprit à infuser dans
l’interprétation, la Marquise – promue par la République après avoir été
arrêtée sous la Terreur – créa, bien avant Chopin, l’étude de concert à visée
musicale. Trait d’union entre les
générations (élève de J.L. Dussek et de Muzio Clementi, elle fut l’un
des professeurs de Johann Baptist Cramer),
sa musique réalise le passage, selon les mots de Nicolas Stavy, d’une
esthétique « postclassique » à l’émergence d’un « préromantisme ».
Ainsi pouvons-nous entendre d’expressives préfigurations de Beethoven ou Chopin
traverser certaines de ses pages (notamment lorsqu’elle crée – avant John Field
– une atmosphère de Nocturne qui ne dit pas son nom) tandis
que d’autres (telle sa 8e Sonate) mêlent le sens des équilibres
classiques à des flambées Sturm und Drang. Là encore, on ne pouvait que constater
le phénomène de maturation s’étant accompli en peu d’années chez le jeune
pianiste dans l’approfondissement de cette musicienne par rapport aux gravures
de son disque.
Jérôme Dorival dédicaçant son livre à la BnF ©S.
Falcinelli
En bis, Nicolas Stavy nous
révélait un inédit fort surprenant qui lui a été communiqué par
Bruno Messina, le directeur du Festival de la Côte-Saint-André : une
miniature de deux feuillets pour piano (ou plutôt pour un demi-pianiste... vous
allez comprendre !) d’Hector Berlioz, intitulée Valse chantée par le vent dans la cheminée d'un de mes châteaux en Espagne,
pour main droite seule (février 1855). En bas de la première page, Berlioz
a inscrit cette mention humoristique : « Liszt est prié d'écrire la
basse ! ». Eh bien – on ne se refait pas – cette bagatelle propage un
son très orchestral pour suggérer le mugissement du vent !
Le piano choisi pour ce récital
d’érudition était le grand queue de Stephen Paulello, ce qui pouvait
paraître judicieux puisque le facteur de Villethierry tente, par ses recherches
techniques, de ressusciter un certain
type d’émission d’harmoniques que préservait l’ancien pianoforte, ainsi qu’une
légèreté cristalline dans les aigus. Néanmoins, pour qui a connu de précédentes expériences de
Paulello, le piano présenté ce soir-là s’avéra une déception, avec un son
plutôt sec (sous les doigts d’un pianiste dont le jeu est l’ennemi de la
sécheresse !) et des bruits mécaniques, des vibrations parasites dans
l’octave médiane.
Nicolas Stavy à l’issue de son récital à la BnF ©S.
Falcinelli
Sylviane Falcinelli.
***
Le 15 novembre 2011, en l’immense
vaisseau de la Grande salle de conférences de la Maison de l’Unesco à Paris –
plus le moindre fauteuil vacant -, était créé Madame Curie. Rien
moins qu’« ouvrage de dames », cependant que la compositrice Elżbieta Sikora
et sa librettiste Agata Miklaszewska avaient conjugué leurs talents pour
rendre hommage à la chimiste Maria Skłodowska-Curie (1867-1934). Deux fois Prix Nobel, celle-ci repose
aujourd’hui au Panthéon, auprès de son mari Pierre Curie et de son amant
Paul Langevin.
Eu égard à l’absence de profondeur du plateau,
remarquablement efficace fut la régie signée Marek Weiss : (énorme)
orchestre en surplomb & chœurs de part et d’autre de la scène, sur praticables.
L’action étant commentée sur grand écran – textes et images – au-dessus de
l’orchestre…
Elżbieta Sikora ©DR
Une partition qui assurément
fera date : souvent paroxystique dans l’expression des sentiments, elle
sait aussi se nuancer d’exquises diaprures (ô longs tournoiements de
clarinette autour des voiles de la Loïe Fuller…). Foncièrement atonal, mais aussi d’une rare
expressivité est l’idiome d’une artiste qui ne saurait renier l’héritage d’un
Berg, d’un Varèse, non plus que celui d’un Pierre Schaeffer - auprès de qui elle travailla, naguère.
Sous la sobre et efficace
direction de leur chef, Wojciech Michniewski, orchestre & chœur de l’« Opera Bałticka
de Gdańsk » (Opera Gedanensis)
firent merveille - splendeur sonore et homogénéité ! Quant au casting, on n’aurait pu rêver mieux :
voix exceptionnelles et idéale incarnation des personnages – puissance et
fragilité mêlées. Notamment dans le rôle
du personnage-titre incarné par la prodigieuse Anna Mikolajczyk… Mais personne ne démérita dans cette
magnifique distribution : Pawel Skaluba (Pierre Curie),
Tomasz Rak (Paul Langevin), Leszek Skrla (Albert Einstein)… Il faudrait citer tous ces merveilleux
artistes – adultes aussi bien que talentueux enfants. Juste enthousiasme du public !
Liens utiles : www.elzbietasikora.com www.operabaltycka.pl
Francis Cousté.
***
Cent soixante ans se sont
écoulés depuis la publication de la première bibliographie de Frédéric Chopin
(Franz Liszt, Fr. Chopin,
Paris 1852). Durant cette période,
un nombre incalculable de monographies a vu le jour sur la vie et les divers
aspects de l’œuvre du compositeur polonais. Les auteurs de la plupart de ces ouvrages sont des musicologues et des
écrivains sur la musique. Plus d’une
fois, leur ambition était d’englober l’ensemble de la vie et de l’oeuvre, c’est
pourquoi ils n’ont pas abordé les détails de la biographie avec le soin requis.
Les auteurs de livres tant populaires que scientifiques n’ont pas vérifié les
informations provenant de la litérature sur Chopin, perpétuant ainsi les
erreurs, les inexactitudes, et même un contenu totalement faux, nullement étayé
par des sources.
C’est seulement au début du XXIe siècle qu’un
tournant s’est produit concernant la biographie du compositeur et ses ancêtres,
tant du côté de sa mère – Tekla Justyna Krzyzanowska – que de son père
Nicolas Chopin. Les chercheurs en généalogie
et biographie, Piotr Mysłakowski et Andrzej Sikorski, ont mené
pendant plusieurs années des études approfondies d’archives,
historico-généalogistes, qui portent sur plus de cent mille documents
manuscrits de tribunaux, sur toutes les sources imprimées accessibles, sur des
documents de cartographie et de la littérature. Grâce à ces recherches, ils ont vérifié, classé et actualisé les
connaissances connues à ce jour. Ils
ont levé les hypothèses et les suppositions et ont surtout découvert de
nouveaux documents jusque là inconnus. Il
en résulte que la connaissance sur Chopin et surtout les connaissances
marginales sur ses origines et son entourage familial et social ont été
enrichies de façon impressionnante.
Le résultat de ces recherches a donné lieu à la
publication de trois livres : La
famille de la mère de Chopin. Mythes et
réalités (Varsovie 2000) ; La
famille du père de Chopin. Migration et
promotion (Varsovie 2002) ; Les Chopin. Cercle familial et social (Varsovie 2005), ainsi que des articles notamment dans L’éducation musicale n°523-524 (P. Myslakowski, Les
circonstances de l’arrivée de Nicolas Chopin en Pologne).
Le recueil des résultats les plus importants des
recherches réalisées à ce jour est le livre : Fréderic Chopin. Racines (Varsovie, 2009), également publié en anglais sous le titre Fryderyk Chopin. The
origins (Warsaw, 2010). L’ouvrage, qui compte 350 pages,
comprend les chapitres suivants : les origines maternelles polonaises de Frédéric Chopin ;
Nicolas Chopin en Pologne ; les proches de Jakub et Antonina
Krzyzanowski (grand parents de Frédéric), le cercle social des Chopin et des
Krzyzanowski ; Varsovie – ville de la jeunesse de Frédéric Chopin et
berceau de son talent ; annexe (description de Varsovie au XVIIIe siècle
et durant la première moitié du XIXe siècle).
Concernant l’ascendance du père
de Frédéric Chopin, les auteurs se sont appuyés sur les recherches de
Gabriel Ladaique – un chercheur de Nancy qui est l’auteur d’une étude des
sources sur les généalogies des ancêtres du compositeur au XVIIIe siècle. Ces recherches ont été
significativement élargies et complétées par les auteurs de Racines. Ils ont présenté, en détail,
les activités d’Adam Weydlich (tuteur du jeune Nicolas) et de sa famille,
découvrant leur influence dans l’histoire de la famille Chopin. Ils ont consacré de nombreux passages à la
motivation et aux conditions qui ont présidé à la décision de Nicolas Chopin
de se rendre de Lorraine en Pologne, à 17 ans. La période antérieure, dans les Alpes (XVIe et XVIIe siècles), de l’histoire des ancêtres de Chopin a
été décrite grâce à une coopération avec un autre chercheur, Jean Combe,
qui a fait une recherche sur l’histoire de la municipalité de Saint-Crépin dans
le Dauphiné.
Outre la problématique
strictement biographique, les auteurs de Racines ont admirablement exposé le contexte historique, politique et culturel,
saisi l’atmosphère de la vie quotidienne. Cela concerne également la
description de Varsovie. Le panorama de
la vie culturelle, musicale, littéraire, scientifique, mais aussi de
l’enseignement à cette époque permet de reconstituer la réalité dans laquelle
s’est développé et structuré le talent de Frédéric Chopin jusqu’au moment où il
a quitté son pays natal (2 novembre 1830). Le sentiment d’identité nationale du compositeur était sans
équivoque – il était polonais. La roue
de l’histoire ayant tournée, la France – patrie des ancêtres de Frédéric –
redevint sa patrie d’adoption, dans laquelle il passa la seconde moitié de sa
vie. C’est à Paris qu’il développa son œuvre
et sa carrière de pianiste, bien qu’il fut un homme, pianiste et compositeur
entièrement éduqué lorsqu’il quitta Varsovie.
Le livre présenté mérite sans
hésitation d’être largement diffusé, et de ce fait serait le moyen d’extirper
de la littérature sur Chopin les imprécisions et les légendes qui courent
encore, pour intégrer, enfin, le cours des connaissances internationales. Les deux versions, en polonais & en
anglais ont été publiées par l’Institut national Frédéric Chopin de Varsovie et
sont accessibles sur Internet à l’adresse : http://sklep.nifc.pl
Ce livre se distingue par le
soin dans l’édition et le graphisme. Le contenu est complété par une
bibliographie détaillée des sources de manuscrits et de littérature, un index
des personnages, une liste de 152 illustrations parmi lesquelles des
documents, des portraits, des monuments architecturaux. Les gravures intégrées dans le texte constituent
un excellent complément, qui plongent dans l’atmosphère, attisent
l’imagination, rapprochent des personnes et des lieux décrits.
Frédéric
Chopin. Racines de Piotr Mysłakowski et d’Andrzej Sikorski
est un ouvrage très prisé des musicologues et spécialistes de Chopin en
Pologne. Sa valeur a été appréciée par
les meilleurs critiques des revues polonaises (Muzyka ; Ruch
Muzyczny ; Nowe Ksiazki). Le célèbre musicologue anglais, Jim Samson,
fait une chaleureuse recommandation du livre. Dans la préface il affirme : « Je ne connais pas d’autre
ouvrage qui nous rende aussi bien compte de la réalité du monde de Chopin. [...]. La reconstitution détaillée du contexte,
quasi policière, nous oblige à constamment réviser ce que nous savons déjà
(ou croyons savoir) sur ce sujet. Une
présentation de Chopin de façon si radicalement révisée est un grand succès des
auteurs ».
Une qualité supplémentaire de l’ouvrage est sa narration
synthétique, colorée et accessible qui rend la lecture agréable et donne
l’impression que ce livre est une œuvre exceptionnellement utile et
intéressante, tant pour les spécialistes que pour toute personne à la recherche
de connaissances vérifiées et pour qui ne sont pas étrangères les œuvres d’un
des compositeurs les plus célèbres de l’époque romantique aux racines
franco-polonaises.
Ewa Sławińska-Dahlig.
***
Autrefois, il n’était chef qui
vaille hors de l’enseignement de Hans Swarowsky à Vienne (citons quelques célébrités qu’il a formées :
Claudio Abbado, Zubin Mehta, Jesús López-Cobos, Iván Fischer, Giuseppe
Sinopoli, Gianluigi Gelmetti) et de Franco Ferrara (il compta, notamment à
Rome et à Sienne, plus de 600 élèves parmi lesquels Riccardo Muti, Claudio
Scimone, Gianluigi Gelmetti, Riccardo Chailly, Roberto Abbado, Gabriele Ferro,
Aldo Ceccato, Carlo Rizzi, Zoltán Peskó, Myung-Whun Chung, Andrew Davis, Edo
De Waart, Daniel Oren, Gabriel Chmura, Emil Tchakarov, Jorma Panula). Le dernier nom de cette liste nous interpelle : on assiste, parmi les
générations actuelles et montantes, à une formidable déferlante de talents
finlandais, tous dotés d’une sagacité rare dans l’art de modeler un orchestre et
de le faire évoluer ; un fil relie toutes ces baguettes, l’enseignement de
Jorma Panula. Issus de sa classe à
l’Académie Sibelius d’Helsinki, les Esa-Pekka Salonen, Jukka-Pekka
Saraste, Ari Rasilainen, John Storgårds, Osmo Vänskä, Sakari Oramo, Hannu
Lintu, Susanna Mälkki, Mikko Franck, Olari Elts (la liste n’est pas
close) ! Une observation avisée de
la pédagogie de Ferrara, de certaines méthodes pratiques en usage dans les
conservatoires soviétiques, alliée à une exigence sciemment analysée dans la
lisibilité de l’art gestuel, voilà qui conflua dans l’enseignement de Panula,
et le conduisit à exiger la création d’un orchestre destiné à entraîner les
étudiants à l’Académie Sibelius, un chef d’orchestre ayant besoin, comme
tout le monde, de s’exercer sur son « instrument » mais en ayant
rarement l’occasion durant son cursus scolaire. La stimulation de la vie musicale finlandaise et la richesse de son
répertoire symphonique faisant le reste, il n’est pas un seul des chefs cités
que l’on pourrait taxer de technique ou d’oreille de second rang.
En quelques semaines, les scènes
parisiennes virent passer plusieurs de ces baguettes, pour le plus grand
bonheur des auditeurs. Attardons-nous
sur trois concerts marquants.
Il y a peu, nous vantions le
travail de John Storgårds,
violoniste devenu chef d’orchestre, sur la Symphonie de Korngold (disque Ondine) ; le 14 octobre dernier, l’Orchestre
philharmonique de Radio France l’accueillait dans le cadre du cycle
consacré à la période américaine de Stravinsky, et les découvertes ne
manquaient pas au programme. L’auteur
du Sacre du printemps écrivant pour
une revue de Broadway : on croit avoir la berlue... et pourtant ! Peu d’écart entre l’esprit des Scènes de ballet (1944), lesquelles
connurent 183 représentations au Ziegfeld Theater, et d’autres créations
de la même période. L’esprit
investigateur de John Storgårds (pourquoi nos contrées le méconnaissent-elles
injustement ?) fait merveille quand il fouille l’intensité expressive de
telles partitions : il débusqua autant de climats dramatiques et poétiques
dans cette suite (qui ne tient en rien des Ziegfeld Follies !)
que dans la Symphonie en ut,
dont l’impact se gouverne plus aisément grâce à ses contours abrupts et ses
mordantes saillies. On sait le travail
persévérant accompli par Myung-Whun Chung avec l’Orchestre philharmonique de
Radio France en matière de splendeur coloristique et de textures sonores
(en témoignait récemment une 6e de Bruckner d’un beau bronze) ;
les fruits en rejaillissent lorsque la phalange renoue avec sa vocation dédiée à
la musique contemporaine : la création française du Concerto pour violon de Jörg Widman, ce 14 octobre, offrait à
un musicien aussi attentif que John Storgårds le potentiel pour ciseler
les alliages concoctés par le compositeur dans son orchestration. Christian Tetzlaff, auquel sa partie
impose de jouer sans relâche une demi-heure durant, s’y montra souverain, avec
des aigus translucides et une maîtrise homogène des quatre cordes à travers le
chant tortueux surmontant le flot d’embûches techniques. Car ce concerto chante avec un profond lyrisme tout en traçant sa voie dans les
acquis esthétiques contemporains, et on lui prédit de conquérir une digne place
dans la succession des grands concertos dévolus au violon.
John Storgårds ©DR
Le même Orchestre philharmonique
renouait le 4 novembre avec Jukka-Pekka
Saraste. Rappelons que ce chef
avait été pressenti pour prendre la direction de l’Orchestre en 2000, mais
qu’un jeu de dominos – Myung-Whun Chung n’ayant pas obtenu le National – avait
abouti à la présente situation, donc écarté le Finlandais de l’organigramme. Compte tenu du travail accompli par le
Coréen à la tête du Philharmonique, on aurait mauvaise grâce à récriminer, mais
on peut rêver au tableau idéal (et autrement plus équilibré pour le rayonnement
musical de Radio France) qu’aurait constitué la configuration initialement
prévue : Chung au National et Saraste au Philharmonique ! Quoi qu’il en soit, les musiciens du
Philharmonique (menés par Hélène Collerette, violon solo) manifestèrent
chaudement leur adhésion au style de direction de Saraste et lui firent un
triomphe à la fin du programme.
Il faut dire que celui-ci les
mit en valeur par tous les angles d’approche imaginables. Les Illuminations
op. 18 de Benjamin Britten (1939) accompagnent d’un orchestre à
cordes la voix (un soprano, ce soir-là comme lors de la création, même si la
tradition anglaise, depuis Peter Pears en 1941, nous les donne souvent à
entendre par un ténor). Saraste tira
cette écriture raffinée vers des effets de texture soyeuse (par les
harmoniques, par une magie de timbres évoquant presque les ondes Martenot),
vers une transparence d’éclairages sonores où les pupitres de cordes du
Philharmonique le suivirent avec zèle, mais du coup, cette musique prenait un
tour très policé qui allait aux éclats sous hallucinogènes de Rimbaud comme un
tablier à une vache. Écoutez
l’enregistrement dirigé par Britten lui-même (Decca) : son incisivité, son
mordant cisèlent au plus près les intentions du poète dont les phrases se détachent grâce à la netteté de l’élocution
de Peter Pears ; de ce fait, une meilleure homogénéité recouvre la
brièveté des incursions dans une mosaïque de climats. Salle Pleyel, on ne s’attardait guère
sur des mots que l’on ne comprenait d’ailleurs pas, la projection de
Christine Schäfer s’avérant insuffisante pour le lieu (même depuis les
meilleures places au milieu du parterre).
Jukka-Pekka Saraste ©DR
Les musiciens de l’orchestre demeuraient
en vedette dans la monumentale 8e Symphonie de Chostakovitch (1943) : les solistes du quatuor s’y distinguèrent, et
les altistes menèrent le troisième mouvement avec une pugnacité accrocheuse. À dire vrai, cette symphonie de guerre – qui,
par moments, tient du Barnum le plus bruyant – offre aussi matière à un
véritable concerto pour orchestre où tous les pupitres s’attirent leur moment
de gloire. Le timbalier se déchaîna,
les solistes de la petite harmonie surent imposer leurs réparties, et
l’ensemble remporta la bataille en apothéose. L’extrême lisibilité de la direction de Saraste leur garantissait
de pouvoir s’exprimer en tant qu’individus et en tant que groupes, sans être
emportés dans la masse, et c’est cette clarté du discours symphonique
(rappelons que l’étymologie grecque de symphonie se rapporte à l’accord d’un ensemble de sons) que l’on retiendra prioritairement
de la lecture du chef finlandais.
Le 15 novembre 2011, on
reprenait le chemin du Théâtre des Champs-Élysées, après les mois de fermeture
nécessités par le réaménagement de sa cage de scène, et le plaisir orchestral ressortait
décuplé par l’acoustique exceptionnellement claire – intelligible serait le mot
approprié – que produisent les nouveaux
panneaux et plafond de bois. Jamais
peut-être le Théâtre n’avait sonné avec un tel équilibre dans la netteté de la
projection sonore. Esa-Pekka Salonen y commençait son cycle Bartók avec le
Philharmonia Orchestra (prochains concerts les 27 janvier et 25 juin)
et, une fois de plus, on se laissait éblouir par sa virtuosité et le travail
orchestral fouillé qu’il accomplit. L’éternelle question dont débattent les pro- et les anti-Salonen (lequel
débat résonnait dans les couloirs à la sortie du concert) réside dans la prééminence
de cette virtuosité sur l’étoffe interprétative. Inclinons à saluer l’immatérialité des attaques de l’Andante tranquillo ouvrant la Musique pour cordes, célesta et percussions,
qui prouve la complicité du chef finlandais avec l’orchestre londonien qu’il
fréquente depuis 1985. Inclinons aussi
à souligner le tranchant résolument homogène des attaques rythmiques, et la
réponse « comme un seul homme » de l’orchestre au contrôle acéré de
son chef. On avait entendu le 4 juin
2010 Le Château de Barbe-Bleue par l’Orchestre philharmonique de Radio France et Philippe Jordan qui
le réinscrivait chaleureusement dans un héritage lyrique postromantique. C’est une tout autre interprétation que l’on
entendait ce 15 novembre : Salonen se montrait manifestement plus
attiré par la modernité d’une orchestration colorée – voire même en technicolor
dans sa manière de gérer les climaxes de la partition -, et brossait un tableau inondant d’éclats de lumière l’obscur
château. Surmontant les contraintes de la
version de concert, Michelle DeYoung et John Tomlinson
« jouaient » leur dialogue en scène. Barbe-Bleue en barbe blanche,
l’ex-Wotan de Bayreuth conserve une richesse de grave qui, par-delà les effets
de l’âge, communique un sentiment dramatique très prenant. Quant à la mezzo-soprano américaine, son
tempérament la destine fort opportunément aux palettes incendiaires telles que
voulues par Salonen.
Esa-Pekka Salonen ©DR
***
Quelques nouveautés
discographiques viennent enrichir ce panorama nordique, et d’autres témoignages
de ces « baguettes finlandaises » sont annoncés, dont nous nous
ferons l’écho.
Anders HILLBORG (°1954) : King Tide (a) ; Exquisite
Corpse (b) ; Dreaming River (c) ; Eleven Gate (c). Royal Stockholm Philharmonic
Orchestra, dir. Sakari
Oramo (a), Alan Gilbert (b), Esa-Pekka Salonen (c). BIS-SACD : 1406.
Nous retrouvons Esa-Pekka
Salonen, au sommet de sa virtuosité, dans une monographie orchestrale consacrée
au compositeur suédois Anders Hillborg, lequel, par ses brillantissimes
qualités d’orchestrateur, est en train de percer comme le chéri des orchestres
nordiques et américains. Dreaming River et Eleven Gates, deux pièces d’une
étourdissante habileté, offrent à Salonen l’occasion de brosser un festival de
couleurs. On pourrait y puiser matière
à un cours d’orchestration, mais les mélomanes qui demandent à la musique
une profondeur expressive nourrissant leur quête intérieure estimeront
peut-être pouvoir vivre sans la musique d’Anders Hillborg. L’auteur de ces lignes avoue considérer la
faculté de réussir une époustouflante orchestration comme une vertu cardinale
en musique... mais n’est pas ennemie d’un peu plus de consistance spirituelle. Le programme débute par une pièce – King Tide – reproduisant avec les
seuls moyens « humains » un effet de granulation électronique, mais
une fois la performance comprise et reconnue, la permanence de cet effet sur
13 minutes et demie traîne un peu en longueur. Sakari Oramo maintient l’illusion – non d’optique mais
auditive – avec beaucoup d’homogénéité. Cadavre exquis est
une fête orchestrale, et l’on ne s’étonne guère qu’elle séduise un chef américain
de la trempe d’un Alan Gilbert, qui l’a dirigée avec les orchestres de
San Francisco, Chicago et Philadelphie. Cela dit, même quand les jeux de couleurs virevoltent avec
virtuosité, les effets « planants » précédemment constatés dans King Tide, les trames sonores à la
Ligeti ne sont jamais loin et se superposent ou alternent avec les éclats
fusant de toutes parts. Les pièces
s’additionnant, on en vient à penser que la démonstration de griserie
orchestrale apparaît comme une fin en
soi, et que le contenu cède le pas à l’étalage de la palette la plus brillante,
d’autant que le goût de certains procédés enivrants – peut-être même soûlants –
se répète.
Quoi qu’il en soit, sous trois
baguettes différentes mais chacune d’un savoir-faire incontestable en son genre,
l’Orchestre philharmonique royal de Stockholm montre à quel niveau de
perfection, dans le jeu de chacun de ses groupes comme dans sa cohésion
d’ensemble, il est parvenu.
Jean SIBELIUS : La Tempête op. 109 (Ouverture et les deux Suites de
concert), Le Barde op. 64, Tapiola op. 112. Orchestre symphonique de Lahti, dir. Okko Kamu. BIS-SACD : 1945.
Souvenez-vous : en 1969, le
jeune Okko Kamu remportait le premier Prix Herbert von Karajan de
direction d’orchestre, et le maître l’invitait à partager avec lui l’affiche
d’un gros coffret DGG consacré à Sibelius. Violoniste, il avait observé l’art de la direction depuis son
siège de musicien d’orchestre. Après
cet éclatant début, Okko Kamu privilégia les engagements dans l’aire
nordique (une santé fragile en serait la cause, dit-on) et il vient cet automne
de prendre la direction de l’orchestre de Lahti qu’Osmo Vänskä, en vingt
ans de travail, avait porté vers des sommets, et vers une haute spécialisation
sibélienne. C’est dire que tous les
facteurs se conjuguent pour donner à ce disque l’accent le plus idiomatique
possible. Le programme aborde le
Sibelius crépusculaire des derniers ouvrages (1925-26) avant le silence
définitif que lui-même s’imposa. Seul Le Barde est antérieur (1913), mais dans l’esprit, il préfigure cette phase ultime qui
concentra l’expression autour d’un matériau thématique volontairement resserré. S’ensuit une forme d’immobilité
psychique par-delà le mouvement des éléments (or le vent affirme sa présence,
tant dans La Tempête, que dans
la forêt de Tapiola !). Une certaine tristesse étend son voile sur
ces pages tardives, comme si, Jean Sibelius s’éloignant du monde, il nous
laissait pressentir le silence à venir. Okko Kamu donne une lecture très intériorisée de ces climats. Malheureusement, la prise de son déçoit par
un manque de définition et de relief.
Uljas PULKKIS (°1975) : On the Crest of
Waves ; Tales of Joy, Passion and Love* ; Vernal Bloom. Kari Krikku (clarinette)
& Gabriel Suovanen (baryton)*, Tampere Philharmonic Orchestra, dir.
Hannu Lintu. Ondine : ODE1176-2.
Issu de « l’école Panula »,
Hannu Lintu a déjà livré de nombreuses contributions à la musique
contemporaine. Il se met aujourd’hui au
service d’un tout jeune compositeur finlandais, lequel commença par se rallier
à l’école spectrale (il en reste une manie un peu puérile d’arpéger la
succession des premiers sons harmoniques), avant d’enclencher la marche
arrière, comme tant de musiciens de notre curieuse époque. Uljas Pulkkis se complaît désormais dans
les références postromantiques et impressionnistes, mais on lui reconnaîtra de
le faire avec autrement plus de talent que bien d’autres. Sur la
crête des vagues (2003) peint sept tableaux (enchaînés) de marine ;
Pulkkis revendique l’influence de Richard Strauss : elle est tout de
même un peu trop audible dans les premier et sixième tableaux, mais on en passe
bien par celle de Gustav Holst (Les Planètes)
au cinquième, alors... Les cordes
chatoyantes caressent l’oreille, la maîtrise de l’orchestration à des fins
d’art pictural est incontestable, et on se laisse emporter par les vagues. La Floraison printanière (2008) fait allusion à l’âge des exécutants auxquels elle était destinée :
Pulkkis dit avoir eu à cœur d’écrire des parties intéressantes pour tous les groupes
de l’orchestre de jeunes chargé de créer sa partition. Mais la palette de l’orchestrateur semble
tenir lieu d’argument. Une plus grande
originalité ressort de la pièce maîtresse du disque : les Contes de Joie, de Passion et d’Amour (2005/2010) ; dans ce vaste concerto pour clarinette, la souplesse
d’instrumentation que l’on avait remarquée au fil des pages « marines » progresse encore : des
rubans musicaux serpentent élégamment du soliste aux divers pupitres de
l’orchestre, mus par le même tracé fluide, les mêmes agiles entrelacements que
des vols d’hirondelles se croisant dans le ciel. Kari Krikku, interprète lui aussi réputé de musique
contemporaine, parcourt allègrement le vaste spectre de la clarinette. Deux collègues de l’orchestre viennent se
joindre à lui pour le mouvement central qui se transforme en concerto pour...
trois clarinettes ; mais ce n’est pas fini : le dernier mouvement
devient un concerto pour baryton, chantant (en anglais) un poème de
Thomas Moore, tandis que le clarinettiste l’enlace de ses flexibles
évolutions. On déplore quelques
longueurs dans le volet central, mais l’oreille demeure captivée par les
incessantes trouvailles d’instrumentation. L’orchestre de Tampere virevolte
avec aisance dans ces pages qui le mettent en valeur. La Finlande est décidément le paradis des
compositeurs, qui s’y voient offrir des conditions de vie et de création
stimulantes, mais aussi des interprètes de rêve.
Sylviane Falcinelli.
***
VIOLON
Nikolaï MIASKOVSKY : Sonate op.70 pour violon & piano. « 20e siècle », Le Chant du Monde (pianco@chantdumonde.com) : VP
4786. 48 p. (+ fascicule violon :
17 p.).
Le Chant du Monde poursuit son édition des œuvres de Nikolai Miaskovsky
(1881-1950) avec son unique Sonate pour
violon & piano en fa majeur, op. 70, composée en 1946,
soit 4 ans avant sa mort. Élève en
composition de A. Liadov et en orchestration de N. Rimski-Korsakov,
cet « artiste du peuple de l’URSS » a enseigné la composition au
Conservatoire de Moscou, de 1921 à sa mort. L’Allegro animato,
après une introduction de 9 mesures au piano, confère au violon une
mélodie chantante. Le Tema, Andante con
moto e molto cantabile, très rythmé, repose sur une structure d’accord
parfait, donnant lieu à 12 variations, la dernière servant de finale avec brio, se terminant ff. De difficulté progressive, spéculant sur les oppositions de
nuances et sur la virtuosité (nombreux traits de triples croches), cette Sonate requiert une technique
violonistique et un accompagnateur chevronnés.
GUITARE
Charles EWANJÉ ÉPÉE : African Strings. Berceuse à Morgane pour guitare. « 20e siècle »,
Le Chant du Monde (pianco@chantdumonde.com) :
FG 4785. VP 4786. 6 p.
De longue date, Charles Ewanjé Épée, d’origine camerounaise,
professeur de guitare et de solfège, féru de musique classique et de jazz,
affirmant son « afritude artistique », vise à léguer à la
postérité une œuvre écrite (et non de simple tradition orale ou enregistrée). Ce fascicule comprend African Strings, bien gravé, avec toutes les indications
concernant l’interprétation à la guitare, page évoluant essentiellement en doubles croches
et occasionnellement avec des traits de triples croches. Il en est de même de la courte Berceuse à Morgane, légèrement syncopée.
PIANO
Oscar STRASNOY : Bloc-notes
d’Ephemera (2). Sept petites pièces
pour deux pianos. « 21e siècle »,
Le Chant du Monde (pianco@chantdumonde.com) : PO 4564. 65 p.
Oscar Strasnoy, invité d’honneur — du 13 au 22 janvier 2012 — au
Festival de Création musicale de Radio-France (Théâtre du Châtelet), à la fois
compositeur, chef d’orchestre et pianiste, est né le 12 novembre 1970 à
Buenos-Aires. Depuis ses études aux Conservatoires de Paris et Francfort,
titulaire de nombreuses distinctions, il assume une carrière internationale.
Auteur de nombreuses œuvres scéniques, il a aussi écrit pour son instrument,
entre autres, deux volumes intitulés : Bloc-notes
d’Ephemera. Le second propose Sept
petites pièces pour deux pianos : Valse, Peri, Rock, Mélodie, Épisode, Pinball, Twist. À cause
de sa lecture difficile et des débauches de jeux rythmiques complexes, chaque
pianiste doit faire preuve paradoxalement à la fois d’une indépendance totale
pour sa partie et d’une sujétion à l’autre. Sans sens inné du rythme :
s’abstenir. « Petites pièces »
certes, mais de grande exigence technique, permettant toutefois d’enrichir le
répertoire pour 2 pianos.
CHŒUR
Pierre CHOLLEY : Alouette. Il était un petit navire. Gentil coquelicot. Il court le furet. Chœur mixte a cappella. Le Chant du Monde (31-33, rue Vandrezanne, 75013 Paris), 2011. VO4805 (10 p.), 9,50 €. VO4806 (9 p.), 9,50 €. VO4807 (5 p.), 7 €. VO4808
(6 p.), 7 €.
Ces 4 nouveautés pour chœur a cappella font partie de la
collection « Musique au Val-de-Grâce », groupant des œuvres commandées et
créées par l’ensemble vocal professionnel La Chapelle-Musique du Val-de-Grâce
dirigé par Étienne Ferchaud. Les
4 partitions très élaborées reprennent des chansons françaises
traditionnelles sur des mélodies chantées par tant de générations. Toutefois, Pierre Cholley les exploite
non pas dans une harmonisation note contre note, mais dans le langage musical
de notre temps, avec des interjections répétées, des répétitions de mots, des
entrées successives, des changements de tonalité, de mesure et de tempo que,
seul, un chœur chevronné, rompu à la volubilité, pourra interpréter fidèlement
aux intentions du compositeur. Excellente initiative à l’honneur du Val-de-Grâce et du Chant du
Monde.
Édith Weber.
FORMATION MUSICALE
Alain A. ABBOTT : 53 textes d’harmonie. Delatour : DLT1080.
Écrire
des textes d’harmonie sous la forme traditionnelle des quatre clés tout en en
faisant des petites pièces musicales, tel est le défi que s’est lancé l’auteur
en nous présentant ces textes répartis en trois cahiers : un premier de 12
textes assez faciles, un deuxième et un troisième plus difficiles qui
comportent des clins d’œil à différents auteurs du répertoire, de Bach à
Poulenc, et à quelques autres… L’humour n’est donc pas absent de ces textes
qu’on pourra utiliser de bien des manières selon l’humeur.
PIANO
SCHUBERT : Impromptus op. 90 – D 899, op. post. 142 – D
935. Bärenreiter Urtext : BA 9648.
Cette
édition, réalisée par Walther Dürr comporte de précieuses indications
d’interprétation ainsi que des doigtés de Mario Aschauer. Comment ne pas se réjouir
de posséder dans une édition critique aussi soignée les chefs-d’œuvre que sont
ces deux recueils d’impromptus. Comme à l’habitude, une copieuse préface donne
toutes les indications sur les circonstances de la composition des œuvres ainsi
que sur les sources qui ont servi à cette édition. Les précisions sur la
manière d’interpréter l’ornementation de Schubert sont particulièrement
précieuses et pertinentes.
SCHUBERT : Moments
musicaux op. 94 – D 780. Bärenreiter Urtext : BA 9647.
Les
mêmes contributeurs ont également réalisé cette édition de ces célèbres moments
musicaux toujours aussi précieux à entendre. Comme pour les Impromptus, les
éditeurs nous donnent les clés d’une interprétation de ces pièces et
spécialement de l’ornementation toujours très présente et dont l’exécution est
parfois, hélas, si fantaisiste. Cette nouvelle édition, n’en doutons pas,
deviendra l’édition de référence pour tout interprète.
André RIOTTE : Broutilles. 12
petites pièces pour piano. Delatour : DLT1704.
De
niveau assez facile à moyen, selon les pièces, ces Broutilles ne sont
pas d’abord des pièces pédagogiques mais de petits tableaux qui ont d’ailleurs
été donnés en concert. On aimera particulièrement la variété et le charme qui
se dégage de cette partition.
Joseph CONCONE (1801-1861) : 20 Études pp.
30 pour piano revues et doigtées par Alain A. Abbott. Delatour : DLT1089.
Bien
sûr, ce ne sont pas les Études de Chopin. Et A. Abbott ne nous le cache pas. Mais elles sont fort estimables
et pourront rendre service aux pianistes de différents niveaux (facile à moyen)
désireux de perfectionner leur technique tout en changeant un peu leur
répertoire d’études.
David REYES : Promenades pour
piano. Delatour : DLT1363.
Le
compositeur nous propose ici trois petites promenades musicales qui nous
invitent à flâner sur un rythme de valse lente, de sicilienne ou de romance.
Invitations au voyage imaginaire, elles n’offrent pas de difficulté majeure et
s’adressent donc à un niveau assez facile à moyen.
ORGUE
Bruno de SAINT-MAURICE : 5 Bagatelles pour
orgue. Avec CD. Delatour : DLT1436.
Ces
cinq courtes pièces portent bien leur nom. Techniquement de moyenne difficulté,
elles demandent un instrument riche en timbres tel que celui de Saint-Antoine
des Quinze-Vingts sur lequel a été enregistré par Éric Lebrun le CD joint à la
partition. Pas d’indication de registration sur la partition : il suffira
d’écouter le CD pour pouvoir adapter à son propre instrument ces Bagatelles si riches en couleurs diverses.
VIOLONCELLE
Nicolas VIEL : Galop burlesque pour violoncelle & piano. Delatour : DLT1899.
Voilà
une joyeuse et fantasque évocation du cirque dans un langage à la fois
traditionnel et un peu « décalé » : écriture modale et rythmes
syncopés. Cette œuvre pleine d’humour sans grande difficulté fera le bonheur
des violoncellistes.
HAUTBOIS
Bernard de VIENNE : Sillage pour
hautbois seul. Dhalmann : FD0337.
Laissons parler
l’auteur : « Un titre qui est une invitation au voyage, pour une
musique riche, foisonnante expressive. Celle-ci, animée de l’esprit des
musiques improvisées (européennes ou non-européennes), est à interpréter avec
fantaisie, simplicité et fraicheur et doit donner du plaisir à jouer et à
entendre ». Ce beau programme s’effectue dans un langage faisant appel à
toutes les techniques contemporaines de l’instrument qui mène l’instrumentiste
à la limite de ses possibilités : la pièce est classée « Très difficile »…
CLARINETTE
Francis COITEUX : En canoë pour
clarinette sib & piano.
Delatour : DLT1878.
Construite comme une petite
sonate en trois mouvements, cette œuvre assez facile nous promène au fil de
l’eau, passant d’un allegretto à un Andante charmeur pour se terminer par un
allegro où l’on imagine les rameurs pris d’une soudaine envie de gagner une course…
On confiera cette partition à un élève de fin de premier cycle.
SAXOPHONE
Bernard de VIENNE : Blog. Saxophone
alto. Dhalmann : FD0297.
Ce Blog constitue une sorte de rhapsodie que l’interprète devra
s’approprier pour en faire un véritable discours personnel. De style très
lyrique, il fait appel aux techniques modernes de l’instrument mais reste
néanmoins abordable pour des élèves de niveau moyen à difficile.
TROMPETTE
Francis COITEUX : La Belle Andalousepour trompette sib & piano. Delatour : DLT1877.
Paso-doble, habanera,
séguedille, tous les rythmes typiques de l’Andalousie sont présents pour cette
évocation fort réussie de l’Espagne telle que nous l’imaginons. Cette Belle Andalouse pourra séduire tant les
élèves que leurs auditeurs par exemple dans une audition ou un examen de fin de
premier cycle.
Marcel CHAPUIS : Artaban pour
trompette sib ou ut (ou cornet) & piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.2200.
Fier comme Artaban… Le dicton
correspond bien au caractère martial de cette pièce, même si elle comporte
aussi des passages plus lyriques. Une musique sans histoire mais bien plaisante
et pleine de vie. Saluons au passage le fait que la partie de trompette en sib est transcrite en ut au dessus de la partie de piano.
Merci pour le pianiste !
TROMBONE
Alexandre RYDIN : Suite américaine pour trombone & piano. Delatour : DLT1397.
Composée de trois pièces,
explorant les rythmes caractéristiques du pays, cette œuvre n’engendre pas la
mélancolie ! De moyenne difficulté, aussi bien pour le trombone que pour
le piano, cette Suite peut figurer
avec bonheur dans une audition ou un concert d’élèves.
Francis COITEUX : En croisière pour trombone & piano. Delatour : DLT0924.
De niveau moyen, cette très
agréable croisière se termine par un charmant slow-rock un rien
dépaysant : peut-être l’évocation d’une soirée dansante. La croisière
s’amuse !
COR
Thierry DELERUYELLE : Cristal pour cor en fa (ou mib) & piano.
Élémentaire. Lafitan : P.L.2045.
C’est au pianiste que revient le
« cristal » des doubles croches dans l’aigu. À lui de ne pas écraser
son accompagnement mais de savoir le rendre transparent… Cette pièce fort jolie
comporte une partie centrale plus rythmée mais non moins cristalline à travers,
cette fois-ci des accords lumineux. Pas vraiment facile, cette pièce demandera
aux deux interprètes beaucoup de goût et de recherche de timbre.
BASSES
Marcel CHAPUIS : Gospel Spirit pour saxhorn basse (ou euphonium) & piano. Préparatoire.
Lafitan : P.L.2261.
D’une durée relativement
importante (4’20), cette œuvre, dans l’esprit du « gospel », comporte
des aspects variés, alliant les rythmes caractéristiques de ce genre à des
parties plus lyriques qui mettent en valeur toutes les facettes de
l’instrument.
Rémi MAUPETIT : Leçon… le son pour saxhorn basse/euphonium/tuba & piano. Préparatoire.
Lafitan : P.L.1997.
Comme son titre l’indique, cette
œuvre est destinée à mettre en valeur le « son », c'est-à-dire la
musicalité et les qualités expressives de l’interprète à travers un discours
plein de charme et de finesse. Les nombreuses indications expressives figurant
sur la partition devraient aider l’élève à saisir toutes les nuances de timbre
qu’il est appelé à mettre en œuvre.
Rémi MAUPETIT : Pile ou face pour saxhorn basse/euphonium/tuba & piano. Élémentaire.
Lafitan : P.L.2074.
Cette courte pièce syncopée
mettra à l’épreuve toutes les qualités musicales de l’interprète, aidé en cela
par les nombreuses indications figurant sur la partition. Les rythmes divers
donnent beaucoup de variété et de fantaisie au discours instrumental mais ne
seront pas forcément faciles à mettre en place. Le piano, qui marque les temps
sera une aide précieuse…
Max MÉREAUX : Intermède pour
saxhorn basse/euphonium/tuba & piano. Préparatoire. Lafitan :
P.L.2273.
Cet Intermède déroule une jolie phrase musicale très lyrique traitée
comme un choral qui se termine, avant la reprise du thème, par une cadence
expressive : l’auteur utilise des moyens simples qui demanderont d’autant
plus de qualités musicales aux interprètes. La partie de piano, très facile
techniquement, demande une grande connivence entre eux.
PERCUSSIONS
Bernard de VIENNE : Checkpoint II. Marimba solo. Dhalmann : FD0344.
Véritable œuvre, et non pas
« œuvre pédagogique », cette pièce volontairement simple
techniquement ne cède à aucune facilité d’écriture. L’auteur demande un respect scrupuleux de la partition écrite,
« sans ajouter ou retrancher quoi que ce soit ». Une œuvre exigeante,
donc, mais destinée à un niveau débutant/moyen.
Arletta ELSAYARY & Bernard ZIELINSKI : Danse avec le vent. Caisse claire & piano, pour le
premier cycle. Dhalmann : FD0343.
Voici une jolie pièce où deux
parties à la fois vivantes et un peu mélancoliques dans leur tonalité de do
mineur enchâssent un do majeur lumineux. On y sent comme un souvenir d’Europe
Centrale. La partie de piano pourra être confiée sans problème à un élève.
Lin Chin CHENG : Noriyoune. Marimba
solo. Dhalmann : FD0276.
Cette œuvre tonale est dédiée à
deux amis du compositeur. Classée dans un niveau moyen-difficile, elle est
pleine de charme et de légèreté dans un tempo très rapide et des mesures très
diverses, notées à la croche, ce qui n’empêche pas un lyrisme certain.
Bernard ZIELINSKI & Michel NIERENBURGER : Cœur de batteur. Pièce pour batterie & piano.
Préparatoire. Lafitan : P.L.2152.
Préparatoire ? Pour le
batteur, sans doute, mais pas pour le pianiste qui a un rôle très important
dans cette pièce écrite dans un langage certes tout à fait tonal, mais très
joliment modulant. Il y a un vrai dialogue
entre piano & batterie qui demande une grande entente entre les
interprètes. Il s’agit donc d’une musique tout à fait intéressante à laquelle
on souhaite beaucoup de succès.
MUSIQUE D’ENSEMBLE
Thérèse BRENET : Petite suite pour monsieur Ré# et mademoiselle Mib. Pour 8 saxophones &
harpe facultative. Delatour : DLT0767.
Quoique facultative, la harpe
manquerait à l’ensemble si elle n’était pas là. Inspirée par une charmante nouvelle de Jules Verne parue en
1893, qui met en scène un musicien fou apportant la perturbation dans la
maîtrise d’un paisible village suisse, cette œuvre en cinq « actes »
divers, à la fois inquiétante et mystérieuse demande, de la part des
interprètes, un niveau technique assez solide (moyen/avancé). Intéressante par elle-même, elle peut servir
de base à une réflexion sur la musique sous tous ces aspects.
Thomas RAVENSCROFT (Éditeur) : Rounds or catches. Canons de la Renaissance anglaise, pour 3
à 11 instruments en clé de sol. Choix & transcription : Daniel Massard,
Véronique Lafargue. Combre : C06735. Mêmes pièces pour instruments en clés de fa et d’ut : C06736.
Voilà deux recueils qui couvrent
tous les besoins des professeurs désireux de faire débuter leurs élèves
instrumentistes en musique de chambre. Thomas Ravenscroft n’est pas l’auteur
mais l’éditeur de ces pièces. La préface explique à la fois le but recherché
par cette publication et donne les conseils de mise en œuvre. Ajoutons que ces pièces,
à l’origine vocales, nous sont données avec leurs paroles originales, car elles
peuvent, bien entendu, être aussi chantées !
David REYES : Valses maritimespour violon solo & orchestre
à cordes. Delatour : DLT1366.
Voici trois valses aux titres
évocateurs : « Vague valse », «Valse pour mille eaux » et
« Valse des piranhas ». Non, l’orchestre ne mange pas le soliste à la
fin de la dernière pièce ! De
niveau moyen à avancé, ces trois valses pleines de charme offrent des
caractères variés : la première est un peu mélancolique, la deuxième plus
agitée et la dernière carrément tumultueuse… L’orchestre est composé du simple quatuor, sans contrebasse. Ajoutons qu’est fourni, avec le conducteur,
un très abondant matériel d’orchestre.
David REYES : 3 Quatuor(s) à cordes. Delatour : DLT1365.
Ces trois pièces n’ont pour
point commun que de faire partager diverses émotions. Pleines de sensibilité et de lyrisme, elles
s’adressent à des interprètes de niveau moyen.
Joseph-Ermend BONNAL : Petit poème pour alto, violon & piano. Delatour : DLT0974.
Écrit en 1909, ce Petit poème nous propose une structure
en trois parties. On appréciera le langage original d’une œuvre à la fois
lyrique et passionnée, abordable par des instrumentistes de niveau moyen à
avancé. Ce pourra être l’occasion de faire jouer à des élèves la pièce d’un
compositeur méconnu.
OPÉRA
Jean-Philippe RAMEAU : Zaïs, ballet
héroïque en un prologue & quatre actes, livret de Louis de Cahuzac. Édition de Graham Sadler. Société Jean-Philippe Rameau : SJPR-OOR
IV-XV. Distr. Bärenreiter. Conducteur :
BA 8856. Réduction piano &
chant par François Saint-Yves : BA 8856a.
On reste confondu devant le
travail éditorial qui a été ici accompli avec le concours de
« Musica Gallica » et du ministère de la Culture. Et
réjouissons-nous que Bärenreiter ait pris en charge la diffusion et la
distribution mondiale de ce monument. La
partition intégrale contient également les variantes intervenues au cours des
révisions faites par Rameau au fur et à mesure de la représentation de l’œuvre. Mais elle contient également une
préface ainsi qu’une introduction quasi exhaustive (si cela est possible)
sur la composition, le livret, les représentations… bref sur tout ce qui
concerne cette œuvre si importante d’un compositeur français très révéré mais point
encore assez connu. La réduction piano
& chant contient une préface intéressante, mais succincte. On privilégiera
donc, pour une connaissance approfondie de cette œuvre, la magistrale édition
intégrale.
Daniel Blackstone.
PIANO
Alexander ROSENBLATT : Swan Lake. Suite-fantaisie sur des thèmes de la Suite op. 20 de
Tchaïkovski. Schott (www.schott-music.com) :
ED 21174. 23,1 x
30,3 cm, 72 p. 19,99 €.
Au sommaire de cette heureuse « Fantaisie » : Naples Dance / Adagio /
Dance of the Little Swans / The Main Theme /
Black Swan (Pas de deux). Niveau : Avancé.
Julia SUSLIN (Sélection & édition par) : Œuvres pour piano à quatre mains. Trois volumes. Belaieff (www.belaieff-music.com). Distr. Schott (www.schott-music.com). 25,95 € (le volume).
Il s’agit là d’œuvres originellement
composées pour le quatre-mains, plus quelques arrangements de mélodies
populaires. Le 1er volume
(81 pièces, 134 pages : BEL 752.10) est de niveau
« facile à avancé ». Le 2e volume
(19 pièces, 106 pages : BEL 752.20), de niveau
« intermédiaire à avancé ». Le
3e volume (11 pièces, 104 pages :
BEL 752.30), de niveau « avancé à difficile ». Extrême diversité des compositeurs, de la
période classique au XXe siècle (allemands, français, russes,
tchèques…).
Kenneth HESKETH (°1968) : Through Magic
Casements.Schott (www.schott-music.com) :
ED 13393. 23,1 x
30,3 cm, 10 p.
Le titre de cette œuvre fait
référence à un poème de John Keats, Ode
to a nightingale, qui peut être lu en regard de l’exécution musicale.
Niveau : Avancé (de par, notamment, son agogique extrêmement
différenciée).
Eduard PÜTZ (1911-2000) : Let’s swing Mr.
Bach ! 6 pièces pour piano dans le style
« Play-Bach ». Schott (www.schott-music.com) :
ED 8003. 23,1 x
30,3 cm, 20 p.
Manière d’hommage au Play Bach de Jacques Loussier,
mais à visée pédagogique cette fois, cet album rebaptise quelques thèmes
célèbres du Kantor : When
Mr. B. goes marching in / Invention in C / Invention
in blue / Interlude / Siciliano / Invention in F. Remarquablement écrit. Niveau : Facile à moyen.
Carsten GERLITZ (Arrangements par) : Movie Classics 2. Seize thèmes à succès du cinéma. Schott (www.schott-music.com) :
ED 21124. 23,1 x 30,3 cm,
76 p. CD inclus. 17,99 €.
Après le succès de Movie Classics 1, il n’est pas improbable que ce 2e volume
connaisse le même retentissement. Outre la partition de piano, chaque
titre comporte chiffrages d’accords, plus éventuelles paroles. Thèmes des films : Dirty dancing / Flashdance / Pretty woman /
Top gun / Mad Max III / Singin’ in the rain /
Fantasia (P. Dukas) / The
pink panther / Lady in red / Deep blue / 9 ½ weeks / As it is in heaven / The
man who knew too much / Robin Hood / Twilight (Cl. Debussy). Niveau : Facile à moyen.
FLÛTE
Gabriel FAURÉ : Fantaisie pour flûte & piano op. 79. Schott (www.schott-music.com) :
FTR 221. 23,1 x 30,3 cm,
16 p. 9,99 €.
Il s’agit là de l’édition Urtext
de cette célèbre pièce (dédiée au grand flûtiste Paul Taffanel). Deux parties : ample andantino,
allegro ludique.
Dirko JUCHEM : 16 Wonderful
Christmas Melodies. Pour flûte & piano. Schott (www.schott-music.com) :
ED 21180. 23,1 x
30,3 cm, 100 p. CD inclus. 19,99 €.
Un « must » pour tous
les flûtistes, fussent-ils mécréants ! Difficulté : « Facile à intermédiaire ». Avec paroles originelles et chiffrages d’accords.
Louis DROUET (1792-1873) : Trois petites sonates, pour deux flûtes. Schott (www.schott-music.com) : FTR 213. 23,1 x 30,3 cm, 34 p. 11,99 €.
Prolifique compositeur pour la
flûte (quelque 445 numéros d’opus), le Néerlandais Louis Drouet a également
laissé une méthode pour l’instrument, à laquelle appartiennent ces Trois petites sonates - de facile ou
moyenne difficulté. Harmonisées par
Gottfried Bach, elles existent aussi en version flûte & piano
(FTR 212. 13,99 €).
CLARINETTE
Rudolf MAUZ : École de la vélocité. Clarinette seule. Schott (www.schott-music.com) : ED 20953. 23,1 x 30,3 cm, 84 p. 14,99 €.
Conçu pour améliorer la
technique des doigts & de la langue (Honni soit qui mal y pense !), ce
volume contient une série d’exercices de base et d’études ad hoc. Difficulté : Facile à intermédiaire.
Willy SCHNEIDER : Die schönsten
Weihnachtslieder. Pour une ou deux clarinettes. Schott (www.schott-music.com) :
ED 21156. 23,1 x
30,3 cm, 32 p. CD inclus.
Vingt-deux célèbres noëls
composent cette anthologie pour clarinettistes encore peu chevronnés (textes
allemands ou anglais inclus). Niveau : Facile à moyen.
FLÛTE À BEC
Danses baroques pour flûte
à bec soprano (avec 2nde partie supplémentaire). Schott (www.schott-music.com) :
ED 20652 (en allemand), ED 20652-01 (en anglais). 19,1 x 27,4 cm, 32 p., ill.
n&b, CD inclus. 13,95 €.
Danses de la Renaissance (ca 1420-1600) et du Baroque (ca 1600-1750) ont été ici réunies
en florilège - pour notre plus grand plaisir ! Branles, Basses danses, Pavanes, Gaillardes, Sicilienne,
Allemandes, Courantes, Sarabandes, Marches, Gigues, Menuets, Chaconne,
Passepied, Hornpipe…
SAXOPHONE
Raaf HEKKEMA (1968) : Suite pour
saxophone alto (ou autres saxophones) seul. Schott (www.schott-music.com) :
ED 20972. 23,1 x
30,3 cm, 12 p. 12,99 €.
Originellement écrite pour le
basson (1992), cette suite a été ici transcrite par le compositeur lui-même
(2009). S’inspirant des Suites à la française de Bach, l’œuvre
se divise en Prélude, Allemande, Courante, Sarabande, Menuet et Gigue. Pour instrumentistes aguerris.
TROMBONE
Richard AYRES : N°24 (NONcerto
pour trombone alto & petit ensemble), 1995. « Musique de notre temps », Schott (www.schott-music.com) :
ED 13466. 21 x 29,5 cm,
28 p. 17,99 €.
Il s’agit là de la partition
d’étude de ce « NONcerto » (?) qui, outre le soliste (et ses
6 sourdines), fait intervenir flûte & piccolo, clarinette basse,
piano, deux violons et contrebasse. En quelques lieux choisis de la
partition, pianiste et instrumentistes à cordes sont, en outre, invités à
chanter - aussi fort & rudement que
possible sur : « da, da,
da », « di, di, di »
voire « doo, doo, doo »…
VIOLON ALTO
Krzysztof PENDERECKI
(°1933) : Tanz pour alto solo. Schott (www.schott-music.com) :
VAB 75. 21 x 29,5 cm,
1 p. 4,50 €.
Transcription de la partition
originelle pour violon, cette pièce enrichit assurément le répertoire par trop limité
de l’alto.
VIOLONCELLE
Max REGER (1873-1916) : Romanze pour violoncelle & piano. Schott (www.schott-music.com) :
ED 21221. 21 x 29,5 cm,
4 p. 5,99 €.
Écrite originellement pour le
violon, cette charmante Romance en sol majeur fera la joie de bien des violoncellistes. De moyenne difficulté.
Eduard PÜTZ (1911-2000) : Adagietto pour violoncelle & piano. Schott (www.schott-music.com) :
CB 233. 21 x 29,5 cm,
12 p. 9,99 €.
Enseignant et compositeur
fécond, Eduard Pütz a ici écrit une superbe mélodie, d’accès aisé (sauf pour le
pianiste…).
GUITARE
Joaquín TURINA (1882-1949) : Fandanguillo op. 36
(GA 548) / Homenaje a Tárrega op. 69
(GA 549) / Ráfaga op. 53
(GA 550) / Sonata op. 61 (GA 551). Schott (www.schott-music.com). 21 x 29,5 cm.
Il s’agit là de l’édition Urtext
de quatre célèbres pièces pour guitare du grand compositeur espagnol. De référence.
MUSIQUE RELIGIEUSE
Vytautas MIŠKINIS (°1954) : Missa brevis Sancti Martini pour chœur 4 parties, à voix égales
(SSAA), & orgue. Schott (www.schott-music.com) :
ED 9914. 23,1 x
30,3 cm, 44 p. 10,99 €.
Nino ROTA (1911-1979) : Tota pulchra es. Motet pour soprano, ténor & orgue (1961). Schott (www.schott-music.com) :
ED 20970. 23,1 x
30,3 cm, 8 p. 7,99 €.
De la plume du célèbre
compositeur de quelque 170 musiques de film (notamment pour Fellini), mais aussi
de 5 opéras, voici un bref motet - fort mélodique, certes - mais qui n’en
nécessitera pas moins un chœur expérimenté.
MUSIQUE DE CHAMBRE
Robert SCHUMANN (1810-1856) : Rêverie pour quatuor à cordes (contrebasse ad lib.),
op. 15/7. Schott (www.schott-music.com) :
ED 21044. 23,1 x 30,3 cm, 3 p.
(+ parties séparées). 4,95 €.
Habilement arrangée par
Wolfgang Birtel, cette célèbre pièce (extraite des Scènes d’enfants op. 15) permettra à bien des jeunes
instrumentistes de s’initier à la musique d’ensemble. Difficulté : Intermédiaire.
Johanna SENFTER (1879-1961) : Petit trio facile. Trio avec piano, op. 134. Schott (www.schott-music.com) :
ED 21159. 23,1 x 30,3 cm,
16 p. (+ parties séparées). 14,99 €.
Élève de Max Reger, la
compositrice Johanna Senfter fut une éminente représentante du postromantisme.
On redécouvre aujourd’hui son œuvre – considérable… Le présent trio, pour violon, violoncelle & piano, comporte
3 mouvements : Menuet, Sarabande et Gavotte.
Sir Peter MAXWELL DAVIES (°1934) : Deux nocturnes. Quatuor avec piano (2010). Schott (www.schott-music.com) :
ED 13420. 23,1 x 30,3 cm,
7 p. (+ parties séparées). 11,99 €.
Composés comme un hommage à
Chopin et… à J. S. Bach, ces
deux Nocturnes (Adagio molto,
l’un et l’autre) s’adressent à des instrumentistes de très bon niveau.
ORCHESTRE
Jean-Sébastien BACH : L’Offrande musicale. Partition d’orchestre. Schott (www.schott-music.com) :
ED 20525. 23,1 x
30,3 cm, 128 p. 39,99 €.
Ce conducteur présente la
version originale de la 1re édition de l’œuvre (BWV 1079,
1747). L’édition en revient au violoncelliste Hans-Eberhard Dentler : pour
2 violons, alto, 2 violoncelles, violone (contrebasse), orgue,
flûte traversière & basson. Après l’examen théorique du problème de
l’enchaînement des différents mouvements (in Johann Sebastian Bachs « Musicalisches Opfer » Mainz, 2008), l’auteur présente ses conclusions sous forme de partition. Sous
trois volets : Musica Humana /
Musica Instrumentalis / Musica Mundana. Difficulté : « intermédiaire à
avancé ». Parties séparées
également disponibles (ED 20525.10).
Sir Peter MAXWELL DAVIES (°1934) : The Seas of Kirk Swarf pour clarinette basse & cordes. Schott (www.schott-music.com) :
ED 13470. 21 x 29,7 cm, 28 p. 17,99 €.
Cette manière de petit concerto
pour clarinette basse (en trois brefs mouvements enchaînés) se veut dépeindre
le sauvage détroit qui sépare deux îles inhabitées des Holms of Ire – près
desquelles réside le compositeur.
Joe HISAISHI : Minima Rhythm. Partition d’orchestre. Schott (www.schott-music.com) :
SJH 001. 22,5 x 30,1 cm, 304 p. 39,99 €.
Bien connu pour ses musiques de
films, Joe Hisaishi s’est également intéressé à la musique
minimaliste. Bien qu’écrites pour grand orchestre, les cinq œuvres ici réunies
appartiennent à ce genre : Links /
Sinfonia (Pulsation, Fugue, Divertimento) / MKWAJU 1981-2009 / The end of the world (Collapse, Grace of
the St. Paul, Beyond the world) / DA.MA.SHI.E.
Francis Cousté.
***
Frédéric PLATZER : Abrégé de musique. 2e édition revue & augmentée. Ellipses
(www.edition-ellipses.fr), 2011. 397 p. 20,43 €.
Cette réédition, « revue, corrigée et
augmentée », s’adresse aussi bien « à l’honnête homme mélomane qu’à
l’étudiant » et, en particulier, aux candidats à l’option facultative du
baccalauréat qui bénéficieront de la vaste expérience pédagogique de l’auteur.
Le compendium (manuel) va droit au
but et présente des éléments du langage musical : les structures (procédés
d’écriture, formes et genres, à l’appui de nombreux exemples musicaux et d’illustrations, un rapide
survol historique allant du Moyen Âge à nos jours (y compris le jazz et le
rock). L’utilité d’un tel Abrégé pour la compréhension de la
musique n’est pas à démontrer.
Édith Weber.
Christian
ACCAOUI (et alii) : Éléments d’esthétique musicale. Notions,
formes et styles en musique. Actes Sud/Cité de la musique. Substantielle bibliographie, index.
792 p. 39 €.
Les 101
entrées de ce dictionnaire rédigé par 18 spécialistes réunis autour de
l’excellent Chr. Accaoui, principal contributeur, dessinent un vaste
panorama de l’esthétique musicale comprise comme histoire des liens que le
musical, dans toute sa technicité, tisse avec l’extra-musical. L’ouvrage
travaille pour l’essentiel sur la musique savante occidentale, de Monteverdi au
premier XXe siècle, même si certaines définitions (« Ethnomusicologie »,
« Moyen Âge » ou « Postmodernité ») ouvrent des
perspectives plus larges. Les notices
traitent tour à tour des styles (précieuse synthèse d’H. Charbagi sur le
surréalisme), des formes et genres, d’éléments techniques (rythme, timbre…), de
questions de méthode (analyse, sociologie…) ou d’esthétique pure (le grotesque,
le sublime…). L’hétérogène de toute
entreprise collective est évitée au mieux par le renvoi systématique à la
séquence historique qui définit l’essence de la musique successivement comme nombre
(Moyen Âge), imitation (âge classique) et formalisme (musique pure du
romantisme et de l’époque moderne). La
cohérence se renforce encore de la place primordiale accordée à la rhétorique,
de l’appel réitéré à certaines œuvres emblématiques (Ve Symphonie de Beethoven, Faust-Symphonie de Liszt…) ou de références
bibliographiques privilégiées (Rousseau, philosophes et romantiques allemands,
Schoenberg, Boulez, Goodman…). Malgré
quelques lacunes dans les renvois bibliographiques, ce volume, de lecture
aisée, devrait rendre les plus grands services.
Paul Gontcharoff.
Jérôme DORIVAL : Une musicienne complète, Paule de Lestang
(1875-1968). Tempus Perfectum n°7. Symétrie (www.symetrie.com). 21 x 29,7 cm,
28 pages illustrées, 6 €. Quel musicologue n’a pas dans sa
bibliothèque l’un ou l’autre des livres de Léon Vallas sur Debussy,
D’Indy, Franck ? Mais on avait un
peu oublié que cet infatigable organisateur de découvertes musicales eut pour
compagne d’armes, puis pour épouse, une artiste plurielle, Paule de Lestang. Jérôme Dorival, qui s’est illustré
par son exhumation d’Hélène de Montgeroult, a exploré les archives
lyonnaises sur ce couple hors du commun ; il fait revivre une interprète
qui chantait, jouait du piano et agit comme l’une des promotrices de la
redécouverte du clavecin, parallèlement à la (plus) célèbre Wanda Landowska
(1879-1959). Paule de Lestang se
mit inlassablement au service des compositeurs de son temps, ne se limitant pas
aux nombreux Français et Espagnols dont elle créa des œuvres vocales ou
instrumentales (il n’était pas rare qu’elle chantât et jouât au cours d’un même
programme, et on l’entendit même s’accompagner au clavecin dans quelque
ariette !), mais diffusant aussi des pièces de Schoenberg, de maints
compositeurs tchèques et russes, de quelques Américains, de Bartók et Kodály,
etc. ; parallèlement, elle joua un grand rôle dans la remise au jour du
répertoire des clavecinistes français du XVIIIe siècle. On pénètre aussi la spontanéité de deux
caractères bien trempés grâce à des correspondances inédites et à quelques
extraits du journal manuscrit de Léon Vallas, dont on nous annonce une
parution prochaine. À y lire une
formule aussi enlevée que celle-ci, sur le Liszt des Rhapsodies hongroises : « fâcheuse musique où l’on
reconnaît pourtant la griffe du meilleur des beaux-pères », on peut
s’attendre à une révélation épicée ! Jérôme Dorival a raison de méditer sur l’orientation plus
tournée vers la création contemporaine qu’aurait prise l’enseignement de
l’histoire de la musique au Conservatoire de Paris, si Léon Vallas
(professeur d’histoire de la musique au Conservatoire de Lyon) avait obtenu la
succession de Maurice Emmanuel comme le souhaitait ce dernier.
Jacques BONNAURE : Massenet. 10 x 19 cm., 186 p. Actes Sud/Classica. 18 €.
Dans son
récent Saint-Saëns pour la même
collection, Jacques Bonnaure avait montré un réel talent pour faire revivre une
époque autour de son sujet. On retrouve
ce charme de fin conteur dans son Massenet qui fait pièce aux détracteurs des récentes générations ayant snobé le
compositeur pour de mauvaises raisons (ou pas de raisons du tout,
d’ailleurs !). On rendra grâce à
l’auteur d’avoir consacré une place quasiment égale à tous les opéras de Massenet, soulevant ainsi le voile d’oubli qui a
injustement recouvert de magnifiques partitions, et ne versant pas dans la
facile glorification des quatre ou cinq ouvrages qui n’ont besoin de nulle
plume pour leur réputation. Par
moments, un manque d’investigation musicale semble l’empêcher de compenser des
impressions contestables probablement laissées par de médiocres
interprétations : ainsi de son jugement difficilement compréhensible sur Sapho, chef-d’œuvre du naturalisme à la
française, ou de son commentaire – certes sympathique – sur Cléopâtre, qui n’en passe pas moins à
côté des traits les plus saillants de cet ultime ouvrage aux saisissants
tréfonds psychologiques. Car c’est là
où le bât blesse : Jacques Bonnaure réhabilite élégamment des opéras
que le public accueillerait fort bien si on les proposait plus souvent à son
écoute, mais il est à court de mots et de descriptions proprement musicales
pour définir ce qui distingue le génie massenétien et le place sur une pente
plus moderniste qu’on ne le croirait après un siècle de stériles préjugés. On eût aimé, en effet, lire quelques
remarques pertinentes sur l’art de la prosodie qui inspira tant de successeurs,
sur la richesse du tissu harmonique qui pare d’une identifiable signature la
plupart des partitions, sur l’admirable « patte » d’orchestrateur du musicien,
toujours à l’affût d’innovations organologiques. En somme, le « pourquoi » et le « comment »
de ce qui est proposé à notre admiration. De surcroît, l’immense (et fondamental) corpus des mélodies n’est
que survolé par quelques allusions à deux ou trois cycles. L’autre manque de cette biographie, qui a par
ailleurs puisé aux bonnes sources, touche à la psychologie du créateur. En refermant le livre, on croit avoir
parcouru une vie qui est presque « un long fleuve tranquille »
d’auteur à succès enchaînant les opéras. Rien qui nous introduise dans les états d’âme souvent bien sombres
de l’homme (car il ne s’agit pas « d’épisode dépressif », comme
sommairement évoqué p. 133) : pourtant la correspondance intime – si
souvent révélatrice – est aujourd’hui accessible grâce au livre d’Anne Massenet
(Jules Massenet en toutes lettres,
Éd. de Fallois) ; quelques citations, sans excéder le format réduit du
volume, en eussent projeté un éclairage autrement plus complexe. Mais seuls les chercheurs ayant eu accès aux
manuscrits de Massenet connaissent les bouleversantes plongées dans lesquelles
nous entraînent les surprenantes exhalaisons – comme d’un journal intime –
jetées en marge de ses portées musicales.
Sylviane Falcinelli.
Jean LACOUTURE : Carmen. La révoltée. Éditions du Seuil. 225 p. 18 €.
Un livre
qui revient sur le personnage de Carmen et détaille son évolution depuis la
Carmen de Prosper Mérimée, prisonnière résignée du destin, jusqu’à la
Carmen de Bizet, libre et révoltée. Un
apprentissage de la liberté qui fournira au personnage sa dimension
mythique. L’accent est mis sur la
transformation du contexte socio-politique et les relations franco-espagnoles,
parallèles à cette évolution (contexte hispanisant du Paris de l’époque,
dégradation des monarchies et avènement chaotique des libertés). La publication par Mérimée en 1845 de la
nouvelle, dans la Revue des Deux Mondes, aurait pour origine deux voyages
du romancier remontant à 1830 et 1840, dates de la rencontre avec deux
personnages féminins, la future princesse Eugénie et la sorcière Carmencita
qui donneront corps au personnage. En
1875, Georges Bizet, qui a lu Mérimée, entreprend une refonte de la gitane
andalouse en insistant sur la teneur sociale et spirituelle de l’héroïne. La résignation face au destin deviendra
aspiration à la liberté. Carmen de Bizet, sur un livret de
Meilhac et Halévy est créé Salle Favart, avec un succés assez mitigé, tant
cette image scandaleuse de la liberté en marche peut choquer les petits marquis
poudrés, fidèles spectateurs de l’Opéra-Comique. Un livre en partie résumé par ce jugement émis par
Teresa Berganza, grande interprète du rôle : « Carmen est la
femme émancipée, souveraine et maîtresse de toutes les décisions ». Voilà
qui est court mais juste.
Raphaële VANÇON : Enseigner la musique : Un défi. « Logiques sociales », L’Harmattan, 2011. 172 p. 17,50 €.
En cette
époque de postmodernité triomphante, Raphaële Vançon, riche de son
expérience de musicienne-enseignante,
interroge les rapports entre pouvoirs publics et art, et plus particulièrement,
la politique culturelle menée par l’Etat, pour savoir si enseigner la musique
constitue, aujourd’hui, un défi. Pourquoi et comment enseigner la musique aujourd’hui ? Telle est la question, replacée dans une
perspective historique et non esthétique, tenant compte des conditions
économiques et sociales, du rôle de vecteur identitaire et de cohésion sociale
imparti à la musique, et de la nécessité de pratiques pédagogiques innovantes
et adaptées. Un livre un peu confus, et
une vision un peu réductrice, profondément ancrée dans l’immanence, mais revendiquée par l’auteur. Un livre qui intéressera tous les enseignants.
Julia LU & Alexandre DRATWICKI (Ouvrage
coordonné par) : Le Concours du Prix de Rome de musique (1803-1968). Symétrie,
2011. 904 p. 140 €.
Le Prix
de Rome, décerné chaque année par l’Académie des Beaux-Arts, permettant le
séjour du lauréat dans la mythique Villa Médicis, est une opportunité sans
égal offerte à l’esprit créateur. Reflet
du versant « académique » de l’art français, il récompensa les
plus illustres musiciens français. Le
but de cet ouvrage est de rendre, à ce Prix de Rome, sa place dans le panorama
institutionnel français, de faire la lumière sur son fonctionnement et ses
objectifs, participant ainsi de la définition d’un « académisme »
dans la musique romantique française. Toutes
les réponses à vos questions se trouvent dans ce volumineux livre, regroupant
les contributions particulières de 32 chercheurs. Dans une première partie, sont évoquées
l’histoire de ses 165 années d’existence (1803-1968) l’évolution de la
« Cantate de Rome », dont on compte plus d’un millier d’exemplaires
entreposés à la BnF, et celle de l’ « Ouverture du Maître » qui
lui fut secondairement attachée. La deuxième
partie traite de la liberté de créativité et d’innovation au sein du concours, de
son retentissement politique, de son rôle dans la définition d’un art français
et de l’influence du wagnérisme. Une
troisième partie est consacrée à Berlioz, ses infortunes, ses succès, ses
contradictions. La quatrième partie
évoque l’après-concours, sous forme de rupture ou de prolongement,
l’établissement dans la carrière, le soutien de l’État aux artistes
récompensés, les difficultés de l’accès à la scène lyrique. Enfin, sont envisagées les critiques
adressées au Prix de Rome, leur pertinence, les convergences entre les arts et
les modèles de substitution d’un concours de plus en plus décrié, conduisant à
sa suppression en 1968. La liste des
lauréats et une bibliographie fournie complètent ce livre-référence,
indispensable à quiconque s’intéresse à la musique et à son histoire.
Patrice Imbaud.
Lionel STOLÉRU
: Une écoute du
romantisme. L'Harmattan,
2011. 15,5 x 24 cm, 311 p. 25 €.
Le
siècle romantique est un courant qui a embrassé tous les arts, la littérature,
la peinture et bien sûr la musique. Il a irrigué toute l'Europe, préfigurant celle des citoyens que
tant appellent de leurs vœux. Victor Hugo n'en appelait-il pas déjà aux États-Unis
d'Europe ? C'est cette
correspondance entre les arts, dont les manifestations sont souvent inattendues,
que l'ouvrage de Lionel Stoléru nous fait toucher du doigt. Car, au-delà de sa carrière politique, il en
a assumé une autre, musicale celle-là, de chef d'orchestre de l'Orchestre
romantique européen. Au fil de douze
thèmes majeurs du romantisme, tels que l'amour romantique, le héros, la nature
romantique, mais aussi le spleen, la patrie romantique, ou encore le
mondialisme romantique, l'auteur nous mène de consécrations en découvertes. À partir de textes littéraires, il
analyse quelques œuvres musicales inspirées soit par la littérature, soit par
la peinture, en focalisant sur des pièces emblématiques, qu'il s'agisse de
concertos, de symphonies ou encore d'ouvertures de drames lyriques. Et de poser quelques questions
essentielles : pourquoi les concertos sur le thème de l'amour ont-ils été
écrits pour le piano ? Ceux sur le
thème du spleen pour le violon ? Pourquoi le récit épique de Mazeppa enflamme-t-il aussi bien Byron
que Géricault, Horace Vernet que Liszt ? La correspondance peut se révéler subtile. Elle n'en est que plus enrichissante. Qui d'autre que l'orchestre dans son entier
peut chanter la douleur ? Quant à
l'imagination, ou plutôt les imaginations, tant le terme recèle de contenus,
fantaisie, fiction, rêve, évasion même, c'est peut-être bien à l'époque romantique
qu'elle a pris le pouvoir. À chaque
étape de ce périple, un message se dessine, voire une morale. Le livre « décrit une écoute du
romantisme ». De ce langage qui a
à voir avec l'émotionnel, l'irrationnel peut-être aussi, un état d'âme sans
doute, Lionel Stoléru ouvre grandes les portes, de sa plume intuitive et
sensible, jamais absconse. L'analyse
musicale ne se veut ni érudition assénée ni musicologie ardue, et le propos est
à la portée de tout un chacun. Il est
aussi limpide que convaincant.
Gabriel
DUSSURGET : Le
magicien d'Aix. Mémoires
intimes. Actes Sud, 2011. 11,5 x 21,5 cm, 252 p. 21 €.
Qu'on y
prenne garde, ces « Mémoires intimes » du fondateur du festival
d'Aix-en-Provence égrènent des souvenirs fort personnels de l'homme. Elles tracent aussi les contours d'une
société dont on imagine à peine la liberté des mœurs, du moins avouée, et
singulièrement d'un milieu artistique qui n'avait pas de tabou, loin s'en faut. C'est que l'homme aimait la vie et ses
plaisirs. Dans sa préface,
Renaud Machard avertit le lecteur : « Des nuits de Paris aux
étoiles d'Aix est un récit d'une crudité sans détour ». Ce livre est d'abord, selon le préfacier, un
« pasticcio », mélange de propos relevés à diverses sources et dans
diverses interventions de l'auteur. La
première partie, la plus substantielle, est ainsi consacrée à la vie de
Dussurget depuis l'enfance en Algérie aux premiers émois, puis à la vie
passionnée de celui qui lâchera cet aveu en forme de devise : « Je
remercie chaque jour le ciel de m'avoir donné le privilège de ne faire que ce
que j'aimais ». Le Paris des
années 30 et ses chaudes nuits sont décrits sans ambages avec ses music-halls
et autres lieux de rendez-vous des fêtards, l'Empire, le Bataclan, le
cabaret-revue, Magic City, haut lieu des homosexuels de la capitale. Une galerie de portraits émerge au fil des
pages : Max Jacob, Cocteau, Sauguet, mais aussi Britten, Buffet,
Mauriac, les acteurs de théâtre, Marquet, Fresnay ou la jeune Madeleine Renaud,
les peintres Derain, Balthus et, bien sûr, Cassandre qui jouera un rôle
essentiel à la création du festival d'Aix. Des descriptions aussi osées que cocasses émaillent le récit, tel
le destin d'un travesti célèbre et de ses folles équipées, dont ses obsèques au
Père Lachaise ne sont pas des moindres. Peu à peu se découvre une passion, le chant ou plutôt le travail
avec les chanteurs, pour qui la voix est un don naturel, le travail servant
« à contrôler, à apprendre le phrasé, les respirations, mais jamais à
chanter » ! Dussurget
fréquente Venise, Milan, Salzbourg et Garnier bien sûr, où se produisent alors
Lubin et Thill. Il devient directeur du
Théâtre des Champs-Élysées où il rencontre Roland Petit et tant d'autres. Ce sera le laboratoire pour Aix. Ce festival qu'il a créé de toutes pièces,
est l'objet de la seconde partie de l'ouvrage : la fièvre des débuts, la
première édition de 1947, la rencontre avec Rosbaud qui, un temps, voudra lui
disputer la direction, avec les chanteurs aussi, qui forgèrent la réputation du
festival, Stich-Randall, Streich, Berganza, Bacquier, les chefs Gielen,
Désormières, les solistes encore, telle Haskil, les metteurs en scène et
plasticiens comme Wakhévitch. Son
souhait le plus cher : jouer jeune avec « des chanteurs dont l'âge
correspond autant que possible à celui des personnages ». On croise aussi des figures centrales comme
Edmonde Charles-Roux, « public relation », qui réunira les
mécènes et amassera les fonds. Une
volonté inébranlable s'impose : imprimer une physionomie spécifique au
festival, avec Mozart d'abord, la musique française, puis la musique
contemporaine. L'ouvrage est complété
par des aphorismes, car l'homme avait de l'esprit à revendre. Ainsi : « J'aime donner au vice les
plaisirs de la vertu » ou encore « La médiocrité est un art mais n'y
excelle pas qui veut ». Liste complète aussi des productions montées par
Dussurget entre 1948 et 1972.
Jean-Pierre Robert.
Riccardo VIEL (Édition critique bilingue, avec
introduction, notes & glossaire, établie par) : Troubadours mineurs gascons du XIIe siècle. « Classiques
français du Moyen Âge, n°167 », Honoré Champion (www.honorechampion.com). 11 x 17,5 cm, 250 p.,
schémas. 35,15 €.
Chargé
de cours en philologie romane à l’Université de Calabre (laboratoire de
philologie informatique), Riccardo Viel nous livre ici une fort savante étude
sur : Alegret, Marcoat, Amanieu de la Broqueira, Bernart-Arnaut
d’Armagnac, Peire de Valeria, Giraut de Calanson, Arnaut
de Comminges et Gausbert Amiel - tous troubadours gascons, réputés
mineurs. Cinq parties : Informations biographiques &
littéraires / Critères d’édition / La tradition (le corpus,
les témoins) / La langue (lexique, phénomènes phonétiques à la rime, autres phénomènes significatifs,
morphologie, syntaxe) / La métrique.
Bibliographie. Index nominum. Très
important glossaire.
Daniel-François-Esprit AUBER (1782-1871) : La Muette de Portici, opéra en
5 actes. L’Avant-Scène Opéra n°265 (www.asopera.com).
116 p., ex. mus., ill. n&b et couleurs. 25 €.
Coup
d’envoi du « grand opéra romantique français », La Muette de Portici – ouvrage composé par Auber sur un livret de
son ordinaire collaborateur Eugène Scribe – remporta, à sa création en
1827, un immense succès. Wagner,
lui-même, ne le considérait-il pas comme un modèle du genre ! Quasiment
oublié au XXe siècle, cet opéra fera son grand retour,
Salle Favart, en 2012. Au sommaire de la présente publication : L’œuvre (Points de repère / Argument, introduction & guide
d’écoute par Gérard Condé / Livret original en français), Regards
sur l’œuvre (Herbert Schneider, Jean-Claude Yon, Isabelle Moindrot, Louis Bilodeau,
Richard Wagner, Cécile Vanderpelen-Diagre), Entretien avec
Emma Dante (« Bouche bée »), Écouter, voir, lire (Discographie
par Didier van Moere, L’œuvre à l’affiche & bibliographie par
Elisabetta Soldini). Hors
dossier : sélection de CDs, DVDs, livres.
Gérard DENIZEAU : Les Véristes. « Horizons », Bleu Nuit éditeur (www.bne.fr). 14 x 20 cm, 176 p., ex. mus., ill. n&b. 20 €.
À
l’instar de Georges Bizet (Carmen, 1875),
quatre compositeurs italiens choisirent des livrets s’inspirant de la vie
quotidienne : Pietro Mascagni (Cavaleria rusticana,
1890), Ruggero Leoncavallo (I Pagliacci,
1892), Umberto Giordano (Andrea Chenier,
1896) et Francesco Cilea (Adriana Lecouvreur,
1902). Mais il est d’autres
compositeurs italiens - bien oubliés aujourd’hui - à s’être inspirés des
principes du verismo :
Franco Alfano (dont R. Alagna vient toutefois de reprendre le Cyrano de Bergerac),
Gaetano Coronaro, Pietro Floridia, Spiro Samara,
Nicola Spinelli… C’est cependant à Giacomo Puccini qu’il
revint, dès La Bohème (1896), d’assurer
la postérité du genre. Merci à l’infatigable
Gérard Denizeau d’avoir remis en lumière un aussi riche patrimoine - qui
ne fut d’ailleurs pas sans influencer notre école naturaliste (Bruneau,
Massenet, Charpentier, Dupont, Erlanger…).
Agnès CALLU : Gaëtan Picon (1915-1976). Esthétique et
Culture. Préface de
Jean-François Sirinelli. Postface
d’Yves Bonnefoy. « Poétiques
& esthétiques XXe-XXIe siècle, n°4 »,
Honoré Champion (www.honorechampion.com). Relié toile, 16 x 24 cm,
720 p. 110 €.
Digne
hommage est ici rendu à l’immense critique que fut Gaëtan Picon. Qui, à son poste de directeur général des
Arts et Lettres auprès d’André Malraux (1959-1966), sut privilégier l’élan
créateur de toute une génération d’artistes - se passionnant notamment pour la
genèse des œuvres. Agnès Callu
(chartiste, chercheur au CNRS, chargée de cours à Paris IV,
Sciences Po et l’École pratique des hautes études) a construit son
essai, admirablement documenté, en trois grandes parties : Prolégomènes (Essai de portrait) / Un intellectuel dans l’administration /
Ruptures et continuités (1966-1976). Dans sa postface, « Gaëtan Picon et la poésie », Yves Bonnefoy
rend un vibrant hommage à l’homme de lettres. Bibliographie méthodique.
État critique des sources. Index nominum.
Johan RICHARD : Répétitions. L’esthétique musicale de Terry Riley, Steve Reich &
Philip Glass. Presses
Sorbonne nouvelle (http://psn.univ-paris3.fr). 16 x 24 cm, 244 p.,
18 €.
Quid des
boucles infinies des musiques minimalo-répétitives ? Quelle écoute appellent-elles ? Quel rapport au temps et à la
mémoire ? Tels sont les principaux
thèmes ici abordés. Au fil de cinq chapitres : De la machine
vers l’instrument (La Monte Young, Terry Riley,
Steve Reich, Philip Glass/ La machine comme modèle/ L’outil et
l’instrument), Une question d’ontologie : le transfert (Duplication
et itération), La structure transparente (Face à la tyrannie sérielle et
au renoncement cagien, une attention aux fines différences), La répétition
nue (Sans renvoi/ Hors de toute orientation téléologique/ Une tonalité
d’indifférence), Le temps de la répétition (Temps fléché & temps
vertical/ Reflets d’une société médiatique répétitive). Postlude,
discographie, bibliographie, index nominum, index rerum.
Alfred BRENDEL : Réflexions faites. Traduit de l’allemand par Dominique Miermont
& Brigitte Vergne. « Musique », Buchet/Chastel (www.buchetchastel.fr). 14 x 20, 5 cm, 240 p.,
ex. mus., ill. n&b. 17 €.
De
l’illustre pianiste, voici la réédition d’un ouvrage initialement paru en 1982,
mais enrichi de considérations sur son maître Edwin Fischer, d’un essai
quelque peu iconoclaste : « Aux prises avec les pianos » et d’un
entretien avec l’écrivain & compositeur Jeremy Siepmann. Outre les chapitres sur Beethoven, Schubert,
Liszt ou Busoni…
Margery ARENT SAFIR (Sous la direction de) : Robert Wilson. Flammarion/The Arts Arena (www.editions.flammarion.com). Fort album relié, 25 x 29 cm, 340 p., ill. n&b
et couleurs. 60 €.
Retour sur la vie & la carrière
du célèbre metteur en scène de théâtre, à
travers des photographies de ses plus grandes créations, des anecdotes et témoignages
de ceux qui travaillèrent avec lui : artistes, designers, compositeurs, acteurs
& actrices, critiques, etc. Parmi
les vingt-sept contributeurs à cet extraordinaire hommage, citons : Jessye Norman,
Philip Glass, Jonathan Harvey, Rufus Wainwright,
John Rockwell, Joseph V. Melillo, Laurie Anderson,
Pierre Bergé, Gao Xingjian, Isabelle Huppert…
Baudime JAM : George Onslow & l’Auvergne… un compositeur en province. Les Éditions du Mélophile
(240 B, rue du docteur Lamaze, 30900 Nîmes. Tél. : 09 51 15 41 55. melophile@free.fr). 14,5 x 20,5 cm, 472 p.
À la
gloire d’un musicien qui « aimait tellement
l’Auvergne qu’il naquit à Clermont-Ferrand » (selon Baudime Jam,
déjà auteur d’une biographie de celui que ses contemporains surnommèrent hardiment
« le Beethoven français »), voilà le résultat de longues et fructueuses recherches dans les
archives locales (publiques et privées). Où est retracé le parcours d’un compositeur par trop oublié
aujourd’hui, tout en brossant un tableau sans concession de la vie artistique
clermontoise au XIXe siècle et du traitement dont l’héritage
onslowien fit l'objet au XXe siècle. Cahier de 72 pages de photos n&b et couleurs. Riches annexes (parmi lesquelles un fort
plaisant « Bêtisier auvergnat », recensant les nombreuses
légendes colportées sur le châtelain-musicien).
Jack LANG : Pourquoi ce vandalisme d’État contre l’École ? Lettre au Président
de la République. « Les
marches du temps », Le Félin (www.editionsdufelin.com). 15 x 23 cm, 144 p. 14 €.
Où
l’ancien ministre, chiffres et solide argumentaire à l’appui, fait un tableau
consternant des méthodes cyniques et des conséquences dramatiques de la politique
scolaire menée sous l’actuelle présidence. Delenda schola est déplore-t-il dans la première partie de
cette « Lettre ouverte » – laquelle s’articule ensuite en 9
parties : Faire pire avec moins / L’anti-formation des maîtres /
Des programmes en peau de chagrin / Ruses, illusions & effets
d’optique / Du laisser-aller au laisser-faire / Le règne de
l’opacité / Explosion & euphémisation de la violence scolaire / Une
baisse inquiétante des résultats / Gouverner sans prévoir. Mais
l’ouvrage n’est pas que critique : y sont, en effet, tracées les
perspectives d’un « Projet pour l’École de l’avenir » (cf. www.jacklang.free.fr).
Boris Vian / Post-scriptum. Dessins, manuscrits, inédits. Avant-propos de Jacques Prévert. Prologue de Siné. Le
Cherche-Midi (www.cherche-midi.com).
21 30 cm, 200 p., ill. n&b et couleurs.
29,90 €.
Manière
de voyage dans l’atelier du cher Boris, dit « Bison ravi », ce
bel album rassemble mille inédits, non prémédités pour la plupart (textes
manuscrits, collages, dessins, graffiti, peintures…) - tout un corpus qui rend
compte de l’impertinent génie du grand « trompinettiste ».
Christophe PIRENNE : Une histoire musicale du rock. Fayard (www.fayard.fr). 15 x 23,5 cm, 800 p. 29,90 €.
Ce qui
fait l’intérêt de ce « pavé », c’est qu’il ne s’agit pas - comme à
l’ordinaire – d’un recueil d’anecdotes autour de groupes ou de solistes. Partant de la matière sonore elle-même
(rythmes, accords, instruments…), mais aussi des postures des rockers,
Christophe Pirenne s’efforce d’expliquer comment naissent les nouvelles
formes. Des dizaines de chansons sont
ainsi analysées et resituées dans leur contexte. Au sommaire : L’invention du rock and roll (des origines
à 1954) / La vogue du rock and roll (1954-1960) / Du rock and roll à
la pop (début années 60) / Naissance des utopies (1964-1967) /
Danser sur un volcan, le psychédélisme (1966-1970) / La longue traîne du
psychédélisme (1969-1976) / La rage et la danse (1976-1981) / De la
seconde « British Invasion » au grunge (1981-1987) / Chocs de
contraires : acoustique-électronique, multinationales-indépendants, quiet-loud (1986-1994) / Localisation
et mondialisation (1993-2000) / Rock sur toile (1999-2010). Riches bibliographie & index.
Jon
SAVAGE : The
England’s Dreaming Tapes. Traduit de l’anglais par Alizé Meurisse. Allia (www.editions-allia.com). 17 x 22 cm, 736 p.,
photos n&b. 30 €.
Cette considérable
somme inclut tous les
matériaux bruts - en particulier les interviews - qui auront permis à l’auteur
de composer sa grande histoire du punk britannique. Où est restituée la parole des protagonistes-phares du
mouvement : Malcolm McLaren (1946-2010), Johnny Rotten (°1956)
& Joe Strummer (1952-2002), mais aussi de moins connus qui contribuèrent
à l’effervescence du punk, tel le mystérieux Warwick « Wally »
Nightingale (1956-1996). Mise en
lumière des différences entre punk britannique & punk américain, mais aussi
de l’envers du décor (fascisme, grossièreté, violence gratuite) trop souvent
passé sous silence - Sid Vicious (1957-1979) apparaissant comme le plus violent
de tous, dès lors qu'il devint un Sex Pistol.
Académie Alphonse Allais : Dictionnaire ouvert
jusqu’à 22 heures. Le
Cherche-Midi (www.cherche-midi.com). 13,5 x 19 cm, 256 p., dessins
humoristiques. 17 €.
En ces
moroses temps d’Avent, est-il plus judicieux cadeau à (se) faire ? Présenté par les inénarrables Pierre Arnaud
de Chassy-Poulay (Haut-Parleur), Xavier Jaillard (Rédacteur en chef),
Philippe Davis (Président, www.boiteallais.com),
Alain Casabona (Grand Chancelier) & Jean-Pierre Delaune
(Secrétaire général), ce thésaurus de quelque 1 000 définitions,
auquel auront contribué – outre Alphie soi-même - une quarantaine de joyeux lexicographes,
illuminera vos instants les plus dépressifs. Le tout émaillé de « Pages absinthe » (de la
couleur de la boisson préférée d’A.A.) regroupant noms (« plus ou moins »)
propres & formules aphoristiques.
Marie-Claude TREMBLAY : Loco Locass,
la parole en gage. « Chanson/Musique », Triptyque (www.triptyque.qc.ca). Distr. : www.librairieduquebec.fr 13,5 x 21 cm, 96 p., photos n&b. 20,20 €.
Loco
Locass, trio de rap québécois (Batlam, Biz, Chafiik), se veut politiquement
engagé & « engageant » : ainsi plaide-t-il, dans ses rapoèmes, pour la souveraineté de la
Belle Province et la défense de la langue française – visant à provoquer,
en retour, l’action de ses publics… Trois sections : Lieux de l’engagement / Actualisation
de l’engagement / Communication artistes-public (de spectateurs à
« spect-acteurs »). Cf. www.locolocass.net
Jason SIDWELL & Jamie DICKSON : Apprendre la guitare
(tout seul) ! Larousse
(www.editions-larousse.fr).
Relié, 19,5 x 23,5 cm, 352 p., ex. mus., 1 000 ill.
couleurs. 22,90 €.
S’affirmant
« Cours complet, progressif et entièrement visuel », cette publication
(surprenante chez un tel éditeur) fournira, en effet, à tout impétrant motivé, l’outil
ad hoc pour s’initier aux styles rock, pop, metal, blues, country, folk,
jazz... Outre d’utiles conseils pour choisir instrument & accessoires
indispensables, sont proposées 10 sessions pour acquérir bases théoriques
& pratiques – le tout assorti de morceaux s’inspirant de Jimi Hendrix,
Keith Richards, Chuck Berry, Pete Townshend, Kurt Cobain…
Quant au DVD inclus, il propose ces mêmes sessions en live (filmées main droite & main gauche séparément, puis
ensemble). Avec vision dynamique des
partitions utilisées (sur curseur mobile).
Agenda de l’Unesco 2012. Spiralé 22 cm x 23,5 cm, 162 p., ill. couleurs. À commander sur : www.unesco.org/publishing 15 €.
Ce
superbe Desk Diary trilingue
(français, anglais, espagnol) dédie une page à chaque semaine, avec - en regard
- une photographie couleurs (légendée) de l’un des plus beaux sites inscrits au
Patrimoine mondial. Agenda incluant, en
outre, une liste des 936 biens qui constituent ce patrimoine :
735 biens culturels, 183 naturels & 28 mixtes (situés dans
153 pays).
Francis Cousté.
POUR LES PLUS JEUNES
Anne BOUTIN-PIED (Textes & chansons) : Roule-toujours ou la lune dans la tête. Illustrations Bernadette Desprès. Couleurs : Virginie
Péchard. Livre/CD Éponymes/Jeunesse (www.editions-eponymes.fr). Distr. Harmonia Mundi. Couverture rigide, 21,5 x 21,5 cm,
48 p. couleurs. 16 €.
Très
poétiquement, ce livre-disque mêle 4 contes (découverte de soi et du
monde), 9 comptines avec jeux de doigts, le tout fort joliment illustré. Dès 18 mois. En fin d’album, se trouvent les partitions des comptines –
traditionnelles (Petit escargot,
Dodo Mamour, Dansons la capucine) ou imaginées par l’auteur.
Francis Gérimont.
***
Roula SAFAR (mezzo-soprano, guitare &
percussions) : Vergers d’exil, échos méditerranéens. Hortus (www.editionshortus.com) :
HOR 089.
Poèmes
et mélodies puisés aux sources méditerranéennes les plus pures tissent ici un
dialogue à travers le temps et l’espace. Les textes du grand poète libanais d’expression
française Georges Schéhadé (1905-1989) - auquel est emprunté le titre
évocateur de ce magnifique disque, « Vergers d’exil » -, ceux de
ses compatriotes Venus Khoury-Gatha (née en 1937), Nadia Tueni (1935-1983)
ou du mystique du soufisme, d’origine persane, Mansour Al Hallaj (ca 857-922),
font écho aux mots d’Eluard et aux poésies populaires. À quelques-unes des plus belles pages
(réécrites à l’occasion de cet enregistrement) de Haendel (« Lascia ch’io
pianga », de l’opéra Rinaldo),
Monteverdi (« Lamento della ninfa ») et Frescobaldi (« Se l’aura
spira »), répondent des mélodies traditionnelles de France
(« Rossignolet ») ou de Grèce (« Spasta », figurant
aussi dans le cycle ravélien des Cinq
mélodies populaires grecques). Ces
partitions entrent en résonance avec les musiques inspirées composées par
Roula Safar, fidèle à ses racines tout en traduisant avec un égal bonheur
des styles divers, interprète sensible et chaleureuse de ces poèmes
sonores : élégies d’amour, cantilènes de nostalgie, mélopées de douleur et
chansons d’espoir, complaintes d’Orient et d’Occident, venues du tréfonds des
âges ou jaillies des drames qui déchirent le monde d’aujourd’hui. Leurs affinités secrètes nous sollicitent et
nous émeuvent, poignantes expressions
poético-musicales de la souffrance et de la joie, « chant par-delà les
voix ».
Anne Penesco.
Marie, Fleur du Carmel. Jade (jade@milanmusic.fr) : 699 742-2. TT : 50’45.
Depuis un certain temps, grâce aux éditions Jade,
les discophiles peuvent apprécier des chœurs d’Europe de l’Est, avec leur
paysage vocal si spécifique et leurs voix si prenantes. Au service de la liturgie, les moniales de
Pécs (sud de la Hongrie), d’obédience carmélite, la célèbrent en latin et en
hongrois. Au Carmel fondé en 1936,
dispersé sous le régime communiste et, depuis 1991, 24 sœurs ont repris
leurs activités (actuellement 18 sur place et 6 autres en Roumanie) et vivent
de l’hôtellerie, de publications (traduites du français ou de l’anglais). Elles chantent intégralement la liturgie,
bénéficient du concours pédagogique de deux sœurs spécialistes de grégorien et
élaborent une liturgie propre. Ce CD
regroupe 24 pièces d’origines diverses : Manuscrit de Montpellier,
Graduel de Bakócz, Graduel romain, Antiphonaire d’Istanbul… mais aussi de
source anglaise médiévale (Cambridge), entre autres. Belle plongée dans l’univers monastique.
Salve
Regina de Silos. Jade (jade@milanmusic.fr) :
699 741-2. TT : 60’53.
Contrastant par sa virilité avec les voix des
moniales de Pécs, le célèbre Chœur des moines bénédictins de l’Abbaye Santo
Domingo de Silos (Espagne), sous la direction du Père chantre
Dom José Luis Angulo, propose 27 pièces mariales - dont 6 inédites. Les mélodies reposent sur les différents
modes d’église et véhiculent des textes devenus traditionnels. Ce monastère, dont la fondation remonte au VIe siècle,
après quelques périodes de décadence puis de renouveau à partir de 1835, a pu
reprendre sa vocation de culture et de spiritualité. Il se rapproche des Bénédictins de Solesmes ; dans le respect
des traditions, il aspire à susciter un nouvel éveil religieux dans le contexte
de la culture postmoderne. Les amateurs
de chant grégorien seront ravis de retrouver, entre autres, l’introït Gaudens gaudebo (3e mode),
l’antienne Salve Regina (5e mode),
l’hymne Virgo Dei genitrix (2e mode),
la prose Ave plena gratiae (6e mode),
le cantique Tota pulchra es (5e mode)
et de découvrir des inédits, comme l’hymne Ave
maris Stella (1er mode).
Europäische
Musik Basel zur Zeit des Konzils. Musiques suisses (mirko.vaiz@mgb.ch) :
MGB 6269. TT : 62’32.
Ce disque représente une excellente
illustration de la musique « européenne » vraisemblablement entendue
à Bâle, à l’époque du XVIIe concile de l’Église catholique, qui
y débuta en 1431, se prolongera à Ferrare en 1437, puis à Florence en 1439,
pour se terminer à Rome en 1441. Ce projet
de la Migros (coopérative suisse) propose une reconstitution hypothétique,
avec 19 pièces extraites notamment du célèbre manuscrit Trente 87-I
(qui, selon P. Wright, aurait été en partie composé à Bâle), offrant un
aperçu des principales formes en usage : chant grégorien, cantiques, hymnes, mais aussi chansons
d’amour, associant des musiciens des écoles dite franco-flamande
(G. Du Fay, G. Binchois…), de Bourgogne (J. Brassart, qui a
séjourné à Bâle), anglaise (J. Dunstable) et italienne (Domenico
da Piacenza), ainsi que des extraits (anonymes) du célèbre Buxheimer Orgelbuch. L’hymne grégorienne pour Pentecôte : Veni Creator spiritus sert
d’introduction et Gratulemur cristicole de conclusion, conférant une connotation
religieuse et liturgique encore appuyée par des pièces de l’ordinaire de la messe : Kyrie, Gloria, Sanctus, Agnus Dei chantés pendant les
réunions et lors des fêtes publiques. La
musique profane n’était pas écartée pour autant (airs de danse, chansons
d’amour). Selon les interprètes, la
prononciation du latin est diversifiée. Corina Marti et Michal Gondko, avec leur ensemble
La Morra (chant, flûtes à bec, clavecin, luths…) restituent avec
conviction ces atmosphères si variées de la « Bâle conciliaire »
et illustrent musicalement cet événement historique de façon tout à fait
plausible.
Heinrich ISAAC : Ich muss dich lassen. Ricercar (stephanie@outhere-music.com) : RIC 318. TT : 65’33.
Le titre n’est autre qu’une allusion à Innsbruck, ich muss dich lassen, célèbre chanson d’amour de Heinrich Isaac (ca 1450-1517), devenue - avec une
connotation religieuse - : O Welt,
ich muss dich lassen (Ô monde,
je dois te quitter), puis O Welt,
sieh hier dein Leben / Am Stamm des Kreuzes schweben (Ô monde, vois ici ta vie /
suspendue à la croix), choral luthérien bien connu pour le temps de la
Passion, reposant sur la même mélodie. À la tête de la Capilla Flamenca et l’Ensemble
Oltremontano, Dirk Snellins propose un programme en trois parties d’après
l’origine des œuvres : Flandres, Florence, Vienne-Innsbruck-Augsbourg,
correspondant aux lieux d’activité du musicien itinérant qui a composé pour la
cour impériale en tant que Hofkomponist au service des Habsbourg, mais aussi pour les Médicis. Ce triptyque de 19 pièces (qu’il est
impossible de détailler ici) comprend des pages en latin : Sanctus, Agnus Dei, O Maria
mater Christi… ; des Lieder allemands (Las rauschen…), des
chansons françaises (En l’ombre d’un
buissonnet…), italiennes (Hora e di
maggio…), latine (Quis dabit capiti
meo aquam ?...), très prenantes. À noter, pour quelques pièces : la confrontation de la
version de H. Isaac avec son modèle. D’entrée de jeu, l’auditeur est frappé par le paysage vocal
exceptionnel de la Capilla Flamenca avec ses sonorités chaudes, son
expressivité, sa volubilité, sa mise en valeur de chaque intention figuraliste
du compositeur, son fondu des voix et ses entrées successives en douceur. L’Ensemble Oltremontano s’impose, lui aussi,
par la qualité des sonorités et la profondeur de l’expression. Les puristes ne seront donc pas
déçus par les œuvres de ce compositeur cosmopolite, à la charnière entre
le XVe et le XVIe siècles. Cette réalisation, évoquant la production de
« Heinrich Isaac : une vie en musique », se doit donc
de figurer dans toute discothèque.
Johann ROSENMÜLLER : Venezianische Abendmusik. Christophorus
(www.christophorus-records.de) :
CHR 77 333. TT : 70’00.
Depuis un certain temps, les œuvres de J.
Rosenmüller connaissent un regain d’intérêt. Ce musicien allemand (1617-1684), organiste de Saint-Nicolas à
Leipzig, a largement contribué à l’évolution de la musique religieuse polychorale
et instrumentale. Le titre : Musique du soir vénitienne (inspiré des Abendmusiken de Lübeck) regroupe une
sélection de Psaumes latins pour
diverses formations : avec, entre autres, les psaumes 70 (71) In te Domine speravi et 133 (134) : Ecce nun benedicite (pour solo,
instruments & basse continue) ; 90 (91) : Qui habitat in adjutorio (pour très
grand effectif : 2 chœurs, 10 instruments & basse continue)...
Le Canticum Simeonis : Nunc dimittis requiert 4 voix,
5 instruments & basse continue. Ce programme de Psalmkonzerte de J. Rosenmüller, sortant des sentiers battus, est interprété par
l’Ensemble éponyme dirigé par Arno Paduch, avec 8 solistes vocaux
triés sur le volet et des instruments à cordes auxquels sont associés cornets,
trombones & dulciane, ainsi que l’orgue ; par leurs diverses
sonorités, ils rehaussent encore le sens des paroles latines. Belle « défense et illustration »
de J. Rosenmüller marqué par la double influence italienne du style
polychoral vénitien à la manière de Legrenzi et Corelli ainsi que par l’intériorité
luthérienne de H. Schütz.
Johann Sebastian BACH : Kantaten BWV 19, 50, 79, 80. « Das Kirchenjahr mit J. S. Bach » n°10/10, Rondeau (mail@rondeau.de) : ROP 4031. TT : 70’51.
Lancée par le Thomanerchor de Leipzig pour
marquer ses 800 ans d’existence, la collection « L’année ecclésiastique avec Jean Sébastien Bach » regroupe une sélection de cantates dans
la plus pure tradition musicale hebdomadaire, sur les lieux historiques de l’activité
du célèbre Cantor. Ce CD est destiné à la célébration de la St-Michel et de la
Réforme. Selon son habitude,
l’excellent Cantor Georg Christoph Biller fait précéder les cantates par
une hymne d’Erhard Bodenschatz et également un choral de Johann Walter. La Cantate 19 : Es erhub sich ein Streit, relatant le
combat de l’archange Saint Michel — avec son chœur d’introduction
volubile, si bien enlevé et ponctué avec précision — pour la St-Michel (le 29
septembre) a été composée par Bach en 1726 pour ce même dimanche. La Cantate 80 : Ein feste Burg ist unser Gott —
symbole par excellence de la Réforme, avec son cantus firmus exposé en valeurs
longues par les voix de garçons si lumineuses — date du 31 octobre 1724. La Cantate 79 : Gott der Herr ist Sonn und Schild - se
terminant par le choral Erhalt uns in der
Warheit affirmé note contre note par le Thomanerchor — a été interprétée le
31 octobre 1725 à Leipzig. Tout le
mérite de ce disque si authentique en revient au Thomanerchor et à ses jeunes
solistes Friedrich Praetorius, Conrad Zuber, Stefan Kahle ; à
Martin Petzold (ancien « Thomaner »), à Gotthold Schwarz,
à l’Orchestre du Gewandhaus et à Georg Christoph Biller qui,
incontestablement, poursuit et maintient la grande tradition leipzigoise.
Johann Sebastian BACH : Kantaten BWV 63, 110, 190. Rondeau Production (mail@rondeau.de) :
ROP 4043. TT : 74’18.
Les éditions Rondeau Production poursuivent
leur série d’œuvres du Cantor de Leipzig classées selon l’année liturgique,
conformément au sous-titre : Das
Kirchenjahr mit Johann Sebastian Bach : Weihnachten (Noël). Les Cantates sont interprétées sur le
lieu-même où Bach les dirigeait, et par le Chœur de Saint-Thomas, des solistes
(Thomaner) issus de ce chœur et
l’Orchestre du Gewandhaus, tous dirigés par le Thomascantor si apprécié,
Georg Christoph Biller. L’hymne A solis ortus cardine (De nativitate Christi), dans la version
d’Erhard Bodenschatz, incite au recueillement. La cantate Unser Mund sei
voll Lachens (Que notre bouche soit
emplie de rires…) (BWV 110), créée le 25 décembre 1725, est prévue
pour le 1er jour de Noël. Placée sous
le signe de la reconnaissance, de la gloire et de la louange (Alleluja !), Bach y associe ses
instruments de prédilection tels que le hautbois d’amour aux sonorités si
chaleureuses. Les chanteurs du
Thomanerchor, trompettes & percussions font partager la joie et
l’enthousiasme de Noël aux accents festifs et solennels, sans vouloir
rechercher l’effet à tout prix. Également
prévue pour le 1er jour de Noël, la cantate Christen, ätzet diesen Tag (Chrétiens, gravez ce jour… rendez-vous avec
moi à la crèche) (BWV 63) a retenti à Leipzig, le 25 décembre 1723. Elle s’ouvre sur un chœur très allant,
irrésistible et bien scandé, puis fait alterner récitatifs et airs, avec les
voix si pures des garçons. Pour
conclure, à la place du choral traditionnel, Bach préconise le style du
concerto grosso et des répliques précises, puis une section fuguée et la
reprise du début, conférant un caractère très solennel à l’ensemble. La cantate Singet dem Herrn ein neues Lied (Chantez au Seigneur un chant nouveau) (BWV 190) est prévue
pour le Nouvel An. Elle a retenti
à Leipzig, le 1er janvier 1724 (Bach venait d’arriver dans cette ville) et
repose essentiellement sur des citations des Psaumes et est placée sous l’injonction : Que tout ce qui respire loue le Seigneur ! Elle a pour idée générale la grâce et la
recherche de la bénédiction offerte pour la Nouvelle Année, et se termine
traditionnellement sur un choral sollicitant notamment la paix pour l’année à
venir. Jubilation communicative, ces
cantates valent bien une prédication (et même plus)…
Antonín DVOŘÁK : Violin Concerto-Romance-Four Romantic
Pieces. Fuga Libera (stephanie@outhere-music.com) : FUG 588. TT : 62’15.
Le violoniste arménien Hrachya Avanesyan, né
en 1986, réside depuis l’âge de 16 ans en Belgique. Il a fait ses études notamment au Conservatoire royal de Bruxelles
auprès d’Igor Oïstrakh, puis à la Chapelle musicale Reine Élisabeth,
avec Augustin Dumay. H. Avanesyan joue le Piatti (1717) d’Antonio Stradivarius. Augustin Dumay
est non seulement violoniste, mais aussi chef et directeur musical de
l’Orchestre de chambre de Wallonie. Pour
ce CD, il dirige le Sinfonia Varsovia : autant de garanties de la
qualité hors pair de cette réalisation qui comprend le Concerto de violon d’A. Dvořák (1841-1904), tripartite, qui frappe par le caractère
décidé et énergique de l’Allegro ma non
troppo, la justesse et la brillance du violon jusque dans les traits perlés
de l’extrême aigu ; par l’expressivité et l’intériorité de l’Adagio ; enfin, par le caractère
joyeux et exubérant du Finale. Les mêmes interprètes réservent un sort royal
à la Romance pour violon & orchestre. H. Avanesyan et Marianna Shirinyan
(piano) forment une merveilleuse équipe très soudée, où chacun sait écouter
l’autre, s’effacer ou s’affirmer ; pour conclure, ils proposent 4 Pièces romantiques, op. 75, avec une excellente
diversification dans les mouvements et les caractères de chacune. Remarquable initiative de Fuga Libera et
remarquable hommage à l’admirable compositeur tchèque qui ne saurait être mieux
servi.
Georges MIGOT : Œuvres pour piano
& pour chœurs. Intégral Distribution (integralclassic@wanadoo.fr) :
INT 221 239. TT : 73’47.
L’ « Association des amis de l’œuvre
et de la pensée de Georges Migot » (www.georgesmigot.info) vient de publier
un florilège à découvrir. Le
remarquable texte joint au CD contient l’analyse de ses Trois Nocturnes dantesques vus par lui-même (1933-34), grâce à une
copie effectuée par le regretté Marc Honegger : « Le mot dantesque semble être à la fois utilisé
pour indiquer le pathétique et les proportions amplifiées de l’œuvre. » Concernant chaque Nocturne, le compositeur précise ses intentions en des termes très
suggestifs. Pour le premier : « la dernière
rencontre… le dernier revoir » et « le destin qui ordonnait à deux
êtres de ne plus parcourir la même route… devant la mer immensément
bleue » ; pour le deuxième :
les étapes de la soumission au destin ; et, pour le troisième : la séparation et la résignation : « Tout est accompli », résumant
« l’histoire d’une rupture amoureuse entre une pianiste et son
compositeur ». Avec une
remarquable intelligence musicale, Christine Marchais (piano) a assimilé
les moindres intentions compositionnelles de G. Migot (1891-1976). Elle interprète également Le Tombeau de Du Fault, joueur de luth,
avec une grande transparence. Les
œuvres chorales sont représentées par 3 Chœurs (a cappella) : Des
ailes, Encore imprégnée du mystère de
la nuit, Pour dire mon amour, le compositeur est aussi l’auteur du texte
si poétique. Cette musique subtile et
délicate est interprétée par le Chœur de chambre de Rouen qui, sous la
direction avisée de Daniel Bargier, se joue des nombreux traquenards
d’intonation. Les mêmes interprètes
révèlent encore la Suite pour piano &
chœurs en vocalises, « œuvre hors normes, composée en 1947-48, à la
demande du pianiste hollandais Iskar Haribo ». Dans son commentaire percutant, Jacques Feuillie
en relève les principales caractéristiques successives : débordement
d’énergie vocale et pianistique puis, tour à tour, tendresse, caractère
brillant, berceuse…, « irréel comme un rêve » ou encore « les
voix comme une fanfare » (selon les termes du compositeur) et, pour
conclure : « l’effervescence pianistique et l’exaltation du
chant ». Voici d’autres facettes -
encore à découvrir - de l’apport de Georges Migot à la musique française.
Alpentöne. Musiques suisses
(mirko.vaiz@mgb.ch) : MGB-NV20. TT : 74’.
Les éditions Migros, dans la collection « Musiques
suisses », proposent un aperçu du festival intitulé : Alpentöne. Le présent disque correspond à la 7e édition et
met à nouveau l’accent sur les Alpes en tant que sites de rencontres et de
transit. Il projette un éclairage sur
divers modes de vie et tempéraments régnant sur les lieux de passage des
marchands, sur les langues et les cultures. Tous les deux ans, des musiciens se retrouvent à Altdorf autour de
traditions et d’identités nationales. La musique ne se rattache à aucune esthétique particulière. Les participants peuvent entendre des œuvres
classiques, folkloriques et populaires, ou encore du jazz, d’où des programmes
très variés, réalisés par des instrumentistes de différentes régions de Suisse,
par des orchestres d’instruments à vent. Les œuvres en dialectes suisses comprennent aussi bien des
évocations du pays et de la montagne que des danses (Scottish, Polonaise,
Tarentelle). Au total :
13 pièces très représentatives et pleines de verve, dont le dénominateur
commun est la Suisse avec ses divers cantons.
Johann Sebastian BACH : Concerts avec
plusieurs instruments. Intégrale. Café Zimmermann, vol. I-VI. 6 CDs Alpha (stephanie@outhere-music.com) :
811. TT : 6h28’.
L’Ensemble Café Zimmermann — par allusion au
célèbre Café, où étaient organisées de nombreuses soirées musicales au cours
desquelles le Collegium Musicum se
produisait et où a retenti la célèbre Cantate
du Café et de nombreuses œuvres instrumentales — propose cette réalisation exceptionnelle. La compilation
discographique regroupe, en 6 disques, les Ouvertures (Suites) ; Concerts brandebourgeois ; Concerti
pour clavecin ; Concerto pour deux clavecins ; Concerti pour 3
clavecins, 4 clavecins ; Concerto pour hautbois d’amour ; Concerti
pour 2 violons ; Concerto pour violon et hautbois ; Concerto pour
flûte, violon, hautbois, clavecin et cordes. Les livrets trilingues situent ces pages dans le contexte du rationalisme
et de l’Europe des Lumières et commentent ce vaste programme, avec une allusion
à la « mode » de l’époque, aux circonstances et à la genèse des
œuvres marquées par l’esthétique baroque. À noter également la richesse de l’iconographie (autour du thème
du café). Ces Concerts permettent d’apprécier à leur juste valeur les qualités de
l’ensemble Café Zimmermann — en
résidence au Grand Théâtre de Provence & soutenu par le ministère de la
Culture — et des solistes Céline Frisch (clavecin) et Pablo Valetti
(violon & Konzertmeister), entre autres. Sans pouvoir entrer dans le détail de chaque œuvre, soulignons que
les interprétations restent fidèles à l’esprit du temps, aux intentions et à la
tradition de J. S. Bach. Les
mouvements rapides sont bien enlevés comme dans le premier du Concerto pour 2 violons en ré mineur (BWV 1043), avec son
introduction pétillante et ses répliques précises. Les adagios sont un modèle
d’expressivité et d’intériorité. Tant
par l’apport iconographique, historique et musical, cette magnifique Intégrale
se doit de figurer dans toute discothèque : elle ravira les mélomanes les
plus exigeants.
Édith Weber.
Johannes BRAHMS : Concerto pour piano n°1. Variations sur un thème original op. 21 n°1. Thème
et Variations en ré mineur (transcrits du Sextuor à cordes). Kun-Woo Paik, piano. Orchestre philharmonique tchèque, dir. Eliahu Inbal. DG : 7701/4763899.
Cette
production coréenne, enregistrée en 2009 au Rudolfinum de Prague (siège de la
Philharmonie tchèque) et en Allemagne, nous parvient sous étiquette DGG (ne
remercions pas l’éditeur pour la taille minuscule des caractères latins – sur
fond marron ! – qui rend
impossible la lecture de la traduction anglaise des textes
coréens !). Étrangetés d’un marché
qui n’apporte plus de garanties à un éminent artiste asiatique pourtant installé en France depuis tant
d’années ! D’emblée, la puissante
âpreté de l’attaque orchestrale du Concerto nous empoigne, donnant le ton d’un Brahms superlatif du côté
d’Eliahu Inbal et de la phalange tchèque dont il a récemment pris les
commandes. Du coup, le pianisme souple
et nuancé de Kun-Woo Paik manque un peu des profondeurs cathédralesques que le
compositeur et de tels partenaires requéreraient. Le mouvement central
bénéficie au contraire de la sensibilité si délicatement raffinée de l’artiste
coréen, tandis que le chef lui tisse un tapis de sonorités diaphanes. Quant au finale, il est emporté par un
rythme cravachant. À dire vrai,
Eliahu Inbal investit si énergiquement le terrain brahmsien qu’il se pose
en vedette du concerto. Venant après ce
symphonisme brossé al fresco,
les Variations sur un thème original pour piano seul apparaissent un tantinet arides : une telle programmation
défavorise une œuvre qui peine à faire s’élever une voix bien typée. En revanche, Kun-Woo Paik nous donne un Thème et Variations en ré mineur admirablement timbré et au
cheminement noble : il réussit à créer une illusion d’identité pianistique
à cette page adaptée par Brahms d’une polyphonie de cordes. On regrettera, dans le Concerto, une prise de son trop « globale », manquant de
définition sur les divers groupes orchestraux.
Thierry
LANCINO (°1954) : Requiem. Heidi Grant-Murphy (soprano), Nora Gubisch (mezzo-soprano),
Stuart Skelton (ténor), Nicolas Courjal (basse), Chœur de Radio France,
Orchestre philharmonique de Radio France, dir. Eliahu Inbal. Naxos : 8.572771.
Un
Requiem de plus ? Non, plutôt une
transfiguration métaphysico-symboliste qui trouverait sa juste place dans la
catégorie des oratorios. En effet, le déroulement, conçu par
Thierry Lancino et mis en forme littéraire par Pascal Quignard,
interpole dans le plan liturgique du texte latin les incantations de la Sibylle
de Cumes (en grec et en français) ainsi que les tirades d’un David divisé en
deux chanteurs reflétant les versants contrastés de sa psychologie : idée
originale tirant sa source d’un verset du Dies Irae que l’on survolait jusqu’à présent sans y prêter attention. Ces survivances
païennes, ainsi que des émanations de l’humaine condition, prennent ici une vie
propre, en marge du canon catholique qui les celait en ses replis. Plutôt
que de marge, on devrait parler de contrepoint et de mouvement contraire, sous
l’angle allégorique, l’aspiration à la vie éternelle chrétienne se voyant
opposer les appels (« Je veux mourir ») de la Sibylle punie d’un
vieillissement perpétuel par Apollon. Le compositeur, après avoir consacré de
nombreuses années de sa vie à l’électroacoustique et à l’Ircam, a trouvé son
équilibre dans une écriture assumant les beautés mélodiques et l’expressivité
dramatique au sein d’un langage qui ne renie rien de la modernité, mais l’ouvre
à des résonances humaines et spirituelles vectrices de profondes émotions. Il s’est agi pour lui de recréer une
intemporalité autour du thème de l’éternel par des moyens musicaux
contemporains ; sa manière d’évoquer l’antique par une stylisation et des
sonorités d’aujourd’hui n’est pas sans rappeler la démarche d’un Stravinsky
dans Oedipus Rex (avec un tout
autre idiome individuel, comprenons-nous bien). L’emploi des percussions et
d’instruments exotiques concourt à cette transposition spirituelle. L’émotion emprunte des chemins multiples :
la mise à nu d’une pure cantilène (le solo de soprano amenant l’Ingemisco), ou de poignantes grappes
harmoniques dans le tréfonds du chœur (Lacrimosa),
ailleurs la malléabilité des nappes et sculptures de timbres orchestraux sur
lesquelles se détachent les voix (Sanctus),
enfin la résolution de tous les conflits antérieurs par la subtile infiltration
d’un contrepoint de facture « classique » dans le Dona eis requiem.
La création
de cette œuvre, Salle Pleyel, s’étant déroulée devant les micros de
Radio France les 7 et 8 janvier 2010, l’édition discographique reprend le
matériel des concerts. Félicitons à ce
titre l’ensemble des interprètes pour avoir si magistralement dominé « sur
le vif » un ouvrage vaste (72 minutes de musique) et complexe. La distribution vocale est mieux partagée
côté féminin que masculin : le rôle de la Sibylle échoit à
Nora Gubisch dont le flamboyant tempérament d’actrice et la chaude voix excellent dans ces personnages
hors normes (elle campa une inoubliable Pythonisse dans Le Roi David d’Honegger au Palais Garnier le 25 mars
dernier) ; une vibrante innocence rayonne de la voix d’Heidi Grant Murphy
transfigurant la souffrance d’une simple mortelle. Les choristes de Radio France (préparés par
Matthias Brauer et Sébastien Boin) imposent leur engagement
dramatique comme un personnage à part entière. L’Orchestre philharmonique se meut à l’aise dans la musique
contemporaine, et le Maestro Inbal affectionne les fresques
ambitieuses. Prophétisons – que la
Sibylle nous pardonne ! – à une œuvre si riche, et si sincèrement pensée,
l’accès à la vie éternelle de l’entrée au répertoire, car elle agira toujours
sur la corde sympathique des questionnements inapaisables de l’âme humaine
grâce à des traits d’inspiration qui ont su dépasser les clivages d’un
esthétisme « daté » pour figurer l’élan créatif d’un présent teinté
d’universel.
Allan PETTERSSON : Sonates n°
2, 3 et 7 pour 2 violons. Deux élégies, Romance, Andante espressivo,
pour violon et piano. Concerto pour violon et quatuor à cordes. Yamei Yu (violon 1), Andreas Seidel
(violon 2), Chia Chou (piano). Leipziger Streichquartett. MDG : 307 1528-2.
Le
compositeur suédois Allan Pettersson (1911-1980) compte parmi les plus grands
symphonistes du XXe siècle ; son centenaire, cette année,
fut occulté par d’autres commémorations ! On peut écouter ses 15 symphonies achevées grâce à de
remarquables disques parus chez CPO et chez Bis. Son noir destin rejaillit sur son caractère et sur les tensions
tragiques de sa musique : fils d’un forgeron alcoolique, il passa une
grande partie de son existence immobilisé chez lui ou dans les hôpitaux en
raison d’une pénible polyarthrite chronique inflammatoire. Ce disque de pièces chambristes, antérieures
à la grande floraison orchestrale, reflète sa formation de violoniste et
d’altiste ; il ne saurait être abordé que comme complément documentaire à
la connaissance du corpus essentiel. Les
miniatures pour violon et piano remontent à une époque où le jeune Allan Pettersson
apprenait à écrire, et l’on tressaute à quelques fautes d’harmonie. Beaucoup plus intéressantes, les Sonates de 1951, extraites du recueil à
2 violons, cultivent une polyphonie âpre et précèdent immédiatement
le séjour que le musicien suédois (peu
précoce, de par le contexte dans lequel il grandit) fit à Paris pour recueillir
l’enseignement de René Leibowitz et d’Arthur Honegger. À peine antérieur, le Concerto pour violon et quatuor à cordes (1949) s’avère déjà
représentatif du compositeur, en ce sens qu’il évolue en permanence sur les
franges de l’extrême, exacerbant les tensions de ses dissonances et ouvrant sur
des recherches sonores. On y ressent ce
que révélait en 1952 Allan Pettersson dans un écrit publié à Paris :
« Dans le milieu au sein duquel j’ai passé mon enfance, j’ai absorbé la
douleur des hommes. C’étaient des
hommes pauvres, brisés, malades et – le pire de tout – définitivement
opprimés. » Peu de temps allait
s’écouler avant qu’il ne devienne lui-même « brisé, malade ». Les interprètes (une Chinoise de Pékin, un
Chinois de Taiwan, et des Allemands issus du Gewandhaus de Leipzig) endossent
parfaitement cette trajectoire qui tint du Voyage
au bout de la nuit mais féconda une œuvre impressionnante.
Nino ROTA : Concertos pour violoncelle n° 1 et 2. Silvia Chiesa, violoncelle. Orchestre symphonique nationale de la RAI, dir. Corrado Rovaris.
Sony : 88697924102.
Prolifique
compositeur de musique de film (et irremplaçable partenaire de Fellini),
Nino Rota est victime de son succès dans un genre mineur. Son œuvre « abstraite » – si l’on
peut dire – s’en trouve donc négligée, malgré quelques offensives de talentueux
interprètes. Ces concertos de 1972 et
1973 s’assument résolument comme rétrogrades (ils le seraient, même s’ils
portaient la date de 1922, c’est dire !), mais les interprètes italiens
mettent tellement de flamme à le défendre que l’on se prend à écouter le disque
avec plaisir. Silvia Chiesa joue
constamment dans la tension (au prix de quelques problèmes de justesse) ou dans
le registre d’une tristesse chantante, et Corrado Rovaris se souvient de
son expérience de chef d’opéra pour projeter des flambées lyriques qui
réveillent notre sensibilité : l’addition de ces pertinentes idées
d’interprètes réussit à soutenir l’intérêt par une expression dramatique
inattendue, surtout dans le 1er Concerto (le 2e, avec son hommage à
Mozart, chemine plus superficiellement). Preuve supplémentaire qu’une musique fragile dépend beaucoup de la
capacité de ses « médiateurs » à y déceler des pistes susceptibles de
la régénérer.
Robert
SCHUMANN : Fantasiestücke op. 12, Arabesque op. 18, Kreisleriana op. 16. Vittorio Forte. Lyrinx : LYR 275.
Les
sujets d’irritation ne manquent pas à l’approche de ce disque. Tout d’abord des
négligences éditoriales : cafouillages dans les numéros d’opus au dos du
disque, fautes de français dans la notice écrite par l’interprète calabrais
(mais non relue). Puis des maniérismes
hors de propos nous empêchent de nous concentrer sur les qualités, pourtant
réelles, du pianisme de Vittorio Forte (beau son, agilité digitale) :
dès la première pièce de l’op. 12, les intentions sonnent faux. Et périodiquement, notre écoute se trouve
ainsi déviée de ce que l’on aimerait goûter dans son jeu purement
instrumental : ici on minaude, là on traîne quand il faudrait du muscle,
soudain on éperonne par à-coups, et on entre dans les Kreisleriana au pas d’un percheron (ce qui est rédhibitoire). Vittorio Forte semble être demeuré
étranger à l’empathie avec le génie schumannien qui, seule, ouvre des portes
insoupçonnées. À ceux qui s’en vont
quérir le bouillonnement de la jeunesse dans l’interprétation des fantasques
rêveries schumanniennes, recommandons les quatre disques (chez Claves) de
l’Irlandais Finghin Collins, pianiste difficile à détrôner dans les deux
recueils de Fantasiestücke (l’op. 12 et l’op. 111).
Carl-Maria von WEBER : Dix Ouvertures. Tapiola
Sinfonietta, dir. Jean-Jacques Kantorow. Bis-SACD : 1760.
Le
réalisme historique impose de noter que l’Orchestre philharmonique de Berlin
n’existait pas à l’époque de Weber, et que les 41 membres de l’orchestre
de chambre finlandais devraient suffire. L’hédonisme impose de noter que, depuis Weber, nous avons eu
Karajan et sa somptueuse phalange (DGG), et que notre oreille moderne trouve
rikiki toute version « restreinte ». Certes, Jean-Jacques Kantorow dirige avec fougue, volubilité, et
accomplit un brillant travail sur les articulations, mais il ne peut empêcher
que nous restions fidèles à notre bonne vieille référence pour les six
ouvertures gravées par le chef salzbourgeois (Le Maître des esprits, Peter Schmoll, Abu Hassan, Der Freischütz, Euryanthe, Oberon). L’intérêt du disque se concentre donc sur les quatre ouvertures
restantes : celle de Silvana,
opéra de jeunesse, porte encore la marque de l’héritage mozartien, la Jubel-Ouvertüre (écrite en 1818 pour
fêter le long règne du roi de Saxe, Friedrich August) véhicule une énergie à
mettre en parallèle de grandes pages beethoveniennes. Deux ouvertures de musiques de scène ont en
commun le souci d’intégrer des thèmes authentiques correspondant à l’ethnie de
leurs sujets respectifs : Preciosa (1820, pour une adaptation de Cervantès) est une élégante espagnolade, même si
on y chercherait en vain un ton d’assimilation précurseur de Carmen ! L’ouverture de Turandot,
Princesse de Chine (1809) fera dresser l’oreille à ceux qui ont en mémoire
les Métamorphoses symphoniques sur un
thème de Weber (1943), puisque Paul Hindemith a recouru précisément au
thème chinois que Weber avait déniché dans le Dictionnaire de musique de Jean-Jacques Rousseau. On s’amusera de suivre comment Weber, entravé
par l’harmonie classique, se détortille du pentatonisme, tandis que Hindemith,
avec un humour virtuose, a « promené » l’harmonisation et
l’orchestration de son thème au gré d’une fantaisie débridée, jusque dans les
terres swinguantes d’un brio très américain (il avait émigré outre-Atlantique
en 1940). Il y a plus de vingt ans,
Neeme Järvi avait eu l’intelligence de coupler les Métamorphoses d’Hindemith à son programme Weber comportant l’Ouverture et la Marche de cette musique de scène pour Turandot (Chandos : CHAN 8766).
Gustav
MAHLER : 3e Symphonie (a) ; Alban BERG : Lulu-Suite (b). Hildegarde Ruetgers (mezzo-soprano, a), Mary Lindzey
(soprano, b), Chœurs et Maîtrise de l’ORTF (a),
Orchestre national de l’ORTF, dir. Jean Martinon. 2 CDs Cascavelle : VEL 3160.
Jean
Martinon (1910-1976) fut un immense musicien dont la France (fidèle à ses
bonnes vieilles habitudes) a tendance à laisser dépérir le souvenir ;
d’ailleurs le présent double disque, s’il nous restitue des concerts de l’ORTF,
vient d’une firme suisse, c’est tout dire ! Dès les premières mesures du Kräftig de la 3e Symphonie de
Mahler, captée le 3 octobre 1973, on reçoit un choc : Martinon se sert de
l’éminente qualité des cuivres français pour creuser à la gouge, au burin, les
reliefs expressifs d’un dramatisme intensément tendu. Il se sert aussi de la couleur incisive des bois français qui, à
l’époque, se distinguaient encore par leur verdeur acidulée, pour aviver les
traits, tantôt insinuants, tantôt sarcastiques, si typiques de la musique de
Mahler. Ainsi, chaque partie de la
fascinante orchestration ressort-elle avec ses ombres, ses éclairages
individualisés, et agit-elle comme dans un théâtre des sons. Si les cordes ne sont pas viennoises, on se
doit de saluer le travail du chef qui réussit à en tirer le maximum (ah, les
caressantes effusions du finale !). Manifestement, Jean Martinon se livra à une analyse
particulièrement pertinente de la structure et de la polyphonie de l’œuvre,
pour en donner une lecture admirablement vivante, chaque incise, chaque thème
ayant quelque chose à dire, avec son élocution, son phrasé, sa couleur propres. Les intentions musicales nous tiennent sans cesse en éveil, nous
empoignent, nous lacèrent, interpellent notre empathie ou mettent en vibration
notre fibre émotionnelle. La chaude
voix d’Hildegarde Ruetgers nous enveloppe, accompagnée là encore de couleurs
orchestrales très travaillées. Et la
symphonie se termine dans une apothéose wagnérienne qui exalte le noble idéal
du compositeur. On n’hésitera pas à
classer cette interprétation parmi les plus saisissantes d’une discographie
mahlérienne qui, pourtant, ne manque pas d’illustres baguettes, et l’on repense
à la médaille Mahler ayant consacré, en 1967, le travail du musicien lyonnais.
La
présence sonore de l’enregistrement est optimale et respecte tous les reliefs
recherchés par le chef. L’exhumation des archives martinonesques de l’ORTF se
poursuivra-t-elle avec d’autres trésors de cet acabit ?
Par la
prise de son comme par le rendu orchestral (sans parler d’une soprano parfois à
la peine), la Lulu-Suite (concert du
3 novembre 1971) apparaît comme un peu moins nécessaire, mais il demeure néanmoins bon de se souvenir des
efforts qu’entreprit Jean Martinon pour un répertoire alors moins couru
qu’aujourd’hui : rien d’aride dans son approche de cette partition qui se
construit selon une progression dramatique faisant monter la tension
émotionnelle.
Gustav
MAHLER : 8e Symphonie. Ricarda Merbeth (sopr.), Elza van den Heever (sopr.), Elisabeta
Marin (sopr.), Stella Grigorian (alt.), Jane Henschel (alt.), Johan Botha
(tén.), Boaz Daniel (bar.), Kwangchul Youn (basse). Wiener Singakademie, Slovak Philharmonic Choir, Wiener
Sängerknaben, ORF Radio Symphony Orchestra, dir. Bertrand de Billy. Oehms : OC 768.
À deux
générations de distance, il s’avère intéressant d’écouter ce que produisent les
chefs français dans Mahler. Bertrand
de Billy (né en 1965), installé à Vienne depuis 1996, clôturait par ce
concert du 27 mars 2010 un cycle mahlérien, et en quelque sorte son règne
(2002-septembre 2010) à la tête de l’orchestre de l’ORF. On le sait grand chef wagnérien, et la
similitude d’un des thèmes de la première partie de la 8e Symphonie avec un motif des Meistersinger résonne comme le signe d’une passerelle entre les
activités lyriques et symphoniques du Maestro. Pourtant, la dominante de sa lecture de la Symphonie dite « des
Mille » n’est pas à chercher de ce côté : nulle grandiloquence, nul
effet rhétorique chez lui ; on a plutôt l’impression d’entendre un grand
oratorio – après tout, cette symphonie ne l’est-elle pas ? – ce que la prévalence
d’un admirable travail des chœurs renforce. Le sentiment de clarté qu’on en retire ne concerne pas seulement la
limpidité du cheminement polyphonique mais l’image mentale d’une couleur claire
qui rayonnerait sur tout le tableau ; l’on peut alors juger que d’autres
chefs nous ont entraînés vers des horizons plus contrastés dramatiquement. Cela dit, la dernière partie s’élève vers
une paix qui nous envahit d’une spiritualité bienfaisante (Chœur Dir, der Unberührbaren, ist es nicht
benommen), d’une lumière diaphane : la clé du message de Mahler ne
s’en trouve-t-elle pas ainsi respectée ?
« Une soirée chez Brahms ». Robert SCHUMANN : Adagio et Allegro op. 70. Theodor KIRCHNER : 8 Pièces op. 79. Johannes BRAHMS : 4 Lieder
transcrits par N. Salter. Robert FUCHS : 2e Sonate op. 83. Franz Ortner (violoncelle),
Caroline Boirot (piano). Lyrinx : LYR 261.
Que
voilà une belle soirée, grâce à deux musiciens qui ne pouvaient manquer de se
rencontrer malgré leur carrière très cosmopolite ! Ils respirent d’un même souffle musical, et
nous convainquent de la valeur des pièces choisies parmi cette
« jeune » génération de compositeurs qui se fédéra autour du modèle
schumannien. Ils n’hésitent pas à tirer
le moindre ferment d’expressivité des textes : écoutez par exemple la
lenteur de l’Adagio de Schumann,
certes excessive mais que l’on pardonne aisément avec une telle beauté de
son. Franz Ortner a de ces portamenti qui donnent une délicieuse
saveur « d’époque » ; ce Viennois cultive le son onctueux
considéré comme une caractéristique de sa tradition native, mais qu’il est
agréable de se laisser ainsi enjôler ! Nos duettistes mettent une vive imagination à faire ressortir maintes
séductions des Huit pièces (organisées selon une stricte ordonnance lent-vif) de Kirchner, un auteur fidèle
à une écriture d’obédience brahmsienne et jamais suspect de penchants vers
quelque « musique nouvelle » ! Pourtant, guidés par de tels
interprètes, on éprouve un franc plaisir. La transcription pour violoncelle des lieder de Brahms fut publiée du
vivant de Brahms qui n’émit aucune objection : sous un archet aussi
chantant que celui de Franz Ortner, on les trouve encore plus beaux que
par bien des interprètes vocaux ; et avec quelle délicatesse
Caroline Boirot embrasse-t-elle la partie soliste par un judicieux dosage
des différentes tessitures du piano ! Plus tardive, mais tout aussi ignorante des révolutions artistiques en
marche, la Sonate de Fuchs s’épanche
en un éloquent lyrisme, animé de romantiques emportements. Prise de son très
gratifiante, ronde et chaleureuse, à l’image de la musicalité de ces artistes
admirables que l’on souhaite retrouver très vite au disque.
Sylviane Falcinelli.
Padre Antonio SOLER (1729-1783) : Fandango &
Sonates. Marcela Roggeri, piano. Transart Live : TR 153. TT : 75’04.
Un très
bel enregistrement live, capté lors
d’un concert au Grand Théâtre de Reims, dans le cadre des Flâneries musicales
(2006). Un joli programme qui associe
le Fandango, découvert en 1960, et
treize sonates choisies parmi les deux cents sonates composées par le
moine de la communauté hiéronymite de San Lorenzo de l’Escurial. Une musique ensorcelante, sensuelle et
effrénée, mais également virtuose et mélancolique. Une belle interprétation, pleine d’allant qui incite à la danse.
BACH,
MOZART, CHOPIN. Tribute
to Dinu Lipatti. Paul Badura-Skoda, piano. Transart Live :
TR 170. TT : 70’07.
Un
disque en forme d’hommage à l’immense pianiste que fut Dinu Lipatti, pour
l’anniversaire des 60 ans de son dernier concert à Besançon, mais aussi,
la marque de l’admiration portée à ce maître par le non moins talentueux Paul
Badura-Skoda. Un programme associant
Bach (Partita n°1) Mozart (Sonate pour piano K. 310) Chopin (Valses, Mazurkas, Ballade). Un enregistrement live datant de 2010, capté au Festival international de Besançon,
sur piano Steinway. Un disque
magnifique qui nous entraîne bien au-delà des notes.
Henri TOMASI (1901-1971) : Mélodies corses.
Cyrnos. Johanne Cassar (soprano). Laurent Wagschal & Sodi Braide (pianos). Indesens : INDE 037. TT : 54’49.
Un
disque original, remarquablement interprété, qui nous donne à entendre les
compositions vocales peu connues d’Henri Tomasi, compositeur et chef
d’orchestre, Grand Prix de Rome 1927, dont certaines encore inédites au
disque, ainsi qu’une composition, Cyrnos (1929) enregistrée ici, pour la première fois, dans sa version pour deux
pianos. Une musique inspirée des
couleurs de la Méditerranée, loin de tout folklorisme, mais parfaitement
inscrite dans la musique de son temps. Une
interprétation où alternent joie et
douleur, une vocalité facile au timbre chaud, un piano aux accents ravéliens.
George
ENESCU (1881-1955) : Chamber Music 1895 -1906. Tatiana Samouil (violon), Gérard Caussé
(alto), Justus Grimm (violoncelle), Frédéric Mellardi (trompette),
Claudia Bara (piano). Indesens :
INDE 036. TT : 76’02.
Un
florilège de compositions chambristes de George Enescu, toutes compositions de
jeunesse, mêlant tradition, modernité et mélodies populaires roumaines. Des œuvres peu connues, des associations
d’instruments classiques comme dans la Ballade
pour piano & violon de 1895, l’Aubade pour trio à cordes de 1899 ou la Sérénade lointaine pour piano, violon &
violoncelle de 1903, parfois plus inhabituelles, comme dans la Légende pour trompette & piano de
1906 ou le Cantabile et Presto pour flute
& piano de 1904, sans oublier la Pavane
de la Suite n°2 pour piano, le Konzerstück
pour alto & piano, le Nocturne
pour violoncelle & piano, la magnifique Pastorale, Menuet triste et Nocturne pour violon & piano à quatre mains et l’ardente Tarentelle pour violon & piano. Un beau programme qu’il suffit d’écouter pour
être convaincu. Original, parfaitement
joué par des musiciens talentueux.
Bertrand de BACILLY ou l’art d’orner le « beau
chant » : Airs inédits. Première mondiale. Ensemble « A Deux Violes Esgales ». Saphir (www.saphirproductions.net) : LVC 1126. TT : 64’30.
Un
disque d’airs profanes français inédits, en première mondiale, appartenant au
genre musical de la politesse mondaine du XVIIe siècle, établi
à partir d’un manuscrit récemment découvert, rapporté à Bertrand de Bacilly
(1621-1690) qui fut l’un des principaux chanteurs-compositeurs-pédagogues du
règne de Louis XIV. Héritier direct
de l’air de cour, l’« air sérieux » fut le symbole d’une société
raffinée et domina toute la musique profane de cette époque. Cet art exigeant du chant consistait à
agrémenter la mélodie d’ornements, de cadences, destinés à mettre en avant la
virtuosité, la diction et la finesse du chanteur. Bertrand de Bacilly en fut un des maîtres et en publia
plusieurs recueils. Un disque-document
qui associe des airs de Bertrand de Bacilly et des pièces instrumentales de quelques-uns de ses fameux
contemporains, parmi lesquels Couperin, Dufaut, Hotman et Sainte-Colombe. Un témoignage du « beau chant »
qui ne laissera pas indifférents les amateurs de musique baroque et les
historiens du Grand Siècle.
Quatuor IXI : Cixircle. Abalone Productions : AB008. TT : 56’15.
Une
musique pour quatuor à cordes, hybride entre classique, jazz et improvisation. Une musique étonnante, avec de très beaux
moments. Ne pas l’écouter serait une
erreur.
Richard
WAGNER : Tristan
& Yseult. Ensemble
Carpe Diem, dir. Jean-Pierre Arnaud. Christine Schweitzer (soprano), Lambert
Wilson (récitant). Vincent Figuri
(adaptation du livret). Indésens :
INDE 035. TT : 53’15.
Entreprise
honorable mais périlleuse, que de revisiter Tristan
& Yseult, façon troubadour, dans le style du « dit »
médiéval, mais envisager Tristan &
Yseult sans Tristan, voilà qui relève de la gageure, et du pari inutile,
surtout lorsque le minutage, réduit à 53’, vous contraint à des coupes
drastiques, amputant d’autant la cohérence de l’œuvre et la rendant, de ce
fait, parfaitement incompréhensible ! Curieuse idée de réduire un tel opéra à quelques bribes
vocales ! Une faillite patente où
interviennent aussi le mélange de deux langues (allemand et français) et la
multiplicité des rôles dévolus au récitant qui interprétera Tristan, mais
également, au gré des circonstances, Brangaine, Kurvenal et accessoirement
Yseult, voilà qui ne favorise pas la lisibilité du livret. Si la transcription musicale de Jean-Pierre
Arnaud pour 10 musiciens peut trouver grâce à nos yeux, la piètre
prestation vocale de Christine Schweitzer et l’absence de duos vocaux achèvent de dénaturer l’œuvre de Wagner,
totalement déshabitée, lui retirant toute magie et toute émotion. Un disque qu’il conviendra d’oublier
rapidement, en retenant, toutefois, qu’on ne s’attaque pas impunément à la
prosodie wagnérienne, ni à une œuvre aussi emblématique que Tristan & Yseult, personne ne
sortant grandi de cette aventure, et surtout pas Wagner.
Camille SAINT-SAËNS : Elan. Ballet music from operas by Saint-Saëns. Orchestra Victoria, dir. Guillaume Tourniaire. World
Premiere Recording. Melba Recording (www.melbarecordings.com) :
MR301130. TT : 73’04.
Force
est de reconnaître qu’en dehors de Samson
et Dalila, la production opératique de Saint-Saëns reste assez mal connue
du grand public. Voilà une occasion de
combler cette lacune grâce à ce disque original qui présente la musique
orchestrale et de ballet de quelques-uns des treize opéras que Camille Saint-Saëns
(1835-1921) composa tout au long de sa carrière. Magistralement interprétée par
Guillaume Tourniaire à la tête de l’orchestre Victoria, voilà une musique
élégante, témoignant du grand opéra français, très variée, un peu passéiste,
qui mérite beaucoup mieux que le mépris ou l’oubli. En dehors de celle d’Henry VIII (1883) les musiques instrumentales extraites d’Ascanio (1890), d’Étienne Marcel (1879), des Barbares (1900) sont
encore inédites au disque. Un enregistrement de grande qualité, une superbe
musique, à découvrir absolument.
Franz SCHUBERT : Impromptus & Écossaises. Michel
Dalberto (piano). Dal Segno : DSPRCD062. TT : 69’20.
Une très
belle interprétation de Michel Dalberto des 4
Impromptus op. 90 & op. 142 datant tous deux de 1827, mais
témoignant de climats bien différents et des Écossaises D.781 & 782, musiques de danse composées en 1823.
Johannes
BRAHMS : Werke
für Chor und Orchester. Collegium Vocale Gent & Orchestre des Champs-Élysées, dir. Philippe Herreweghe. Ann Hallenberg (mezzo-soprano). PHI (
) :
LPH003. TT : 56’48.
Une interprétation de la
musique pour chœur et orchestre de Brahms (1833-1897) qui atteint, ici, des
sommets rarement égalés, tant vocalement qu’instrumentalement. Ce qui peut être considéré comme « la
plus haute expression de la musique », comme l’affirmait Schumann, associe
dans cet enregistrement Schicksalslied (1871),
la Rhapsodie pour alto (1869),
« Warum ist das Licht gegeben »
(1878), Begräbnisgesang (1858) et Gesang der Parzen (1882). Les timbres, le phrasé, tout participe ici
d’une spiritualité et d’une ferveur certaines ; plus qu’une musique, une prière, un regard pénétrant sur les
mystères du monde spirituel. Un très
beau disque du nouveau label PHI, absolument indispensable aux admirateurs
de Brahms, aux amateurs de musique chorale et autres…
BRAHMS : Piano works. Peter Katin
(piano). Diversions : ddv 24157. TT : 78’48.
Un
enregistrement datant de 1990 qui permet de retrouver le pianiste britannique
Peter Katin dans un de ses répertoires de prédilection. Un programme qui
associe les Fantasias op. 116, Trois Intermezzi op. 117, Deux
Rhapsodies op. 79 et les Variations
et Fugue sur un thème de Haendel op. 24. Une magistrale interprétation
d’œuvres composées entre 1861 pour les Variations et 1891 pour les Intermezzi,
alternant lyrisme, passion, tendresse, tristesse et sérénité.
Patrice Imbaud.
« Les Héroïnes romantiques : Tragédiennes 3 ». Étienne-Nicolas MÉHUL : Ariodant. Rodolphe KREUTZER : Astyanax. Antonio SALIERI : Les
Danaïdes. Christoph Willibald GLUCK : Iphigénie en Tauride. François-Joseph GOSSEC : Thésée. Giacomo MEYERBEER : Le Prophète. Auguste MERMET : Roland à Roncevaux. Hector BERLIOZ : Les Troyens. Camille SAINT-SAËNS : Henry VIII. Jules MASSENET : Hérodiade. Giuseppe VERDI : Don Carlos. Véronique Gens,
soprano. Les Talens Lyriques,
dir. Christophe Rousset. Virgin Classics : 50999 07 0927 2 5. TT : 67'49.
Poursuivant
leur exploration des grandes pages confiées aux tragédiennes de l'opéra français,
Véronique Gens et Christophe Rousset en viennent aux héroïnes romantiques. Conclusion logique d'un voyage qui les avait,
l'espace de deux précédents volumes, menés de Lully à Gluck, puis à Berlioz, en
passant par un florilège de compositeurs tirés des limbes. Cette fois encore, ils mêlent le connu et le
rare, ressuscitant un théâtre de passions. Un sérieux travail éditorial a été effectué en amont avec l'aide
de la Fondation Bru Zane, pour nous entraîner parmi une cohorte d'héroïnes
au destin implacable, à la fureur inassouvie, à la déploration grandiose. Gluck (Iphigénie en Tauride) et
Berlioz (Les Troyens) en sont bien sûr les piliers,
annonciateurs l'un et l'autre de ce romantisme qui ne demandait qu'à éclore. Mais aussi les « vrais » romantiques
que sont Massenet, Saint-Saëns, et même un certain Giuseppe Verdi. Un premier groupe illustre la transition
entre classicisme et élargissement de la forme. Ainsi de Gossec dont la Médée (Thésée) évoque un récit
haletant, de Méhul qui, avec le récit et l'air d'Ina tiré d'Ariodant,
offre un étonnant mélange de mélodrame parlé et d'air véhément, de Kreutzer
encore dont l'Andromaque d'Astyanax livre un de ces « airs
agités » exhalant des torrents de fureur. Un autre groupe réunit Meyerbeer (air de Fides du Prophète,
aux curieux mélismes), Saint-Saëns et son Henry VIII, si peu
joué : l'air de Catherine d'Aragon évoquant dans une cavatine à la
française, sa chère terre natale espagnole en une plainte désolée, est un
joyau. Mais aussi l'aria d'Hérodiade de
Massenet, sans doute plus prosaïque, mais pas grandiloquente. Un autre bijou est l'air d'Élisabeth de Valois
du Don Carlos de Verdi, version française de ce grand œuvre
historique, qui ouvre le Ve acte, « Toi qui sus le néant
des grandeurs de ce monde ». Véronique Gens livre, de ces femmes immenses,
des interprétations engagées, empreintes de cette simplicité de la diction qui
est la marque de la vraie tragédie. Il
n'est que d'écouter la sérénité poignante qui s'empare de Didon dans son récit
« Je vais mourir », des accents délicatement archaïsants des
mots « adieu, fière cité »,
d'une noblesse digne de Crespin, pour se convaincre de la rectitude de ton. La voix s'est aussi étoffée dans le médium,
qui fait vite oublier le léger effort consenti dans le registre aigu de
certains traits vaillants. Elle confie
que la fréquentation de la musique baroque a orienté sa façon de chanter des
œuvres plus tardives, eu égard à la rigueur et au souci du détail qui sont
l'apanage de ce type de répertoire. Christophe Rousset et ses musiciens des Talens Lyriques
ont, eux aussi, migré vers des contrées auxquelles ils n'étaient pas habitués. Avec bonheur, car ces exécutions, énergiques
mais souples, sont frappées là encore au coin de la rigueur et de la juste
intonation, voire mêmes décapées des habitudes ailleurs bien ancrées.
Robert SCHUMANN : « Geistervariationen ». Papillons op. 2. Sonate pour piano op. 11. Scènes d'enfants op. 15. Fantaisie op. 17. Scènes de la forêt op. 82. Thème
et Variations (« Geistervariationen ») 1854. András Schiff,
piano. 2 CDs EMC New Series : 2122/23. TT : 64'25 + 74'11.
Admiré
dans les pays germaniques, adulé au Royaume-Uni, András Schiff n'est pas
reconnu à sa juste valeur ici. Ses
Schubert, naguère, ne remplirent pas les salles parisiennes. Pourtant, voilà un excellent musicien qui
joue avec bonheur aussi bien les classiques viennois que les romantiques. Après Schubert, Mozart (son interprétation
des concertos pour piano avec Sandor Vegh est passionnante), Beethoven, le
voici se confrontant à Schumann. L'espace de deux disques, il livre les pièces essentielles du
compositeur. Les douze courtes pièces
titrées Papillons, au style discursif, se succèdent sans ordre apparent
autre que celui de la fantaisie. On y
décèle une abondance de mouvements de valse et autres danses, aux contrastes
abrupts, et déjà cette manière d'opposer deux personnages, Vult et Walt, qui courtisent la même jeune personne et qui vont, lors d'un bal masqué,
échanger leurs masques. La Sonate op. 11, dédiée à Clara en
1836, est comme une déclaration d'amour, ces amours alors contrariés par
Wieck père. L'affirmation de la
richesse de la manière du jeune Schumann se livre à chaque pas des quatre
mouvements qui alternent grandeur épique et lyrisme enflammé. Des Scènes d'enfants op. 15,
série de courtes pièces mettant l'enfance au centre de l'inspiration, il n'est
pas aisé d'extraire la substance, les contrastes, le pianisme achevé. Schiff y parvient de main de maître. « Rêverie », point
névralgique de l'ensemble, n'a rien de sentimental. Schumann a dédié sa Fantaisie op. 17 à
Liszt (1836). Est-ce une sonate ? Schiff estime que, tout comme Beethoven dans
sa Sonate op. 27, il s'agit
d'une « fantaisie quasi una sonata ». Là aussi les climats sont contrastés. Le monde fantastique de la première séquence enthousiasme. « La chose la plus passionnée que j'ai
jamais écrite » dira l'auteur. Quel élan passionné en effet ! La marche triomphale de la deuxième requiert une énergie à toute
épreuve et « Constellation » termine en apothéose cet ultime
mouvement lent placé en troisième position. Schiff joue un finale découvert dans la bibliothèque de Budapest,
de même que le finale habituel. Les
neuf parties qui constituent les Scènes de la forêt op. 82 nous plongent
au cœur même de cet univers, lieu choisi de l'imagination romantique. Au-delà de l'aspect narratif, c'est l'émotion
du voyageur qui est mise en exergue. Le
déclamatoire y alterne avec le poétique raffiné. Schiff termine ce récital compréhensif par Thème et Variations. Cette pièce (1854) est la dernière que
Schumann ait confiée au piano. L'écriture
en a été interrompue par sa tentative de suicide dans les eaux du Rhin. Il est alors traversé de pensées étranges. Pourtant, le thème est simple et doux et les
cinq variations le développent et l'amplifient tout aussi gentiment. La manière du pianiste hongrois, pas si
éloignée de celle d'un Pollini dans le geste déclamatoire, fait la part belle à
l'improvisation. Il ne cherche pas à
accentuer la différence entre lyrisme et drame, ce couple Florestan &
Eusebius. L'énergie est
intériorisée. On admire l'art de la
fantaisie romantique qui dépasse le classicisme parce qu'il lui intègre un
grain de folie. Belle prise de son d'un
instrument qui semble ne pas être un Steinway mais plutôt un Bechstein.
Franz
LISZT : Concertos
pour piano & orchestre n°1 en mib majeur et n°2 en la majeur. Consolation n°3. Valse
oubliée n°1. Daniel Barenboim, piano. Staatskapelle Berlin,
dir. Pierre Boulez. Universal/DG : 477 9521. TT : 49'52.
Voilà un
CD improbable il y a seulement quelques années ! La réunion du pianiste chef d'orchestre et du chef d'orchestre
compositeur dans Liszt tient presque de la gageure. Et pourtant cela fonctionne bien. La sobriété de la direction de Boulez et l'expressivité du
pianisme de Barenboim font bon ménage. Alors
même que ce dernier joue avec son propre orchestre berlinois dont il aime
confier les rennes à son ami Boulez le temps d'événements particuliers. Celui-ci en est assurément un. Ce qui est ardu dans ces deux pièces
rabâchées, c'est d'en donner une lecture renouvelée, du moins qui ne soit pas
purement démonstrative. Leur éclat
souvent grisant, leur usage immodéré du chromatisme, leur singularité qui les
rapprochent plus de la rhapsodie pour piano & orchestre que du formel
concerto de clavier, plaident paradoxalement en faveur d'une approche faite
d'humilité. Le Deuxième Concerto, qui ouvre le feu, mène, à l'intérieur de
ses six séquences enchaînées, de la panique au lyrisme effréné, de moments de
vitalité extrême à un calme presque olympien. Ainsi de l'allegro moderato, paré du solo de violoncelle où tout
chante de manière indicible. Non que
les contrastes ne soient pas abrupts, du deciso au marziale, de l'animato au stretto final, sorte de danse d'une nuit de sabbat, en passant
par une fière cadence. Barenboim le
joue avec l'aplomb qui sied, mais aussi la poésie qui y est inscrite au cœur
même. De la virtuosité, il dit
qu'« il ne s'agit pas seulement du contrôle du tempo et de la dynamique,
mais de millions de couleurs dont on peut créer l'illusion au piano ». Cela est tout aussi vrai du Premier Concerto fort imbibé de
strates innovantes, bien que là encore éloigné des modèles classiques, de
Chopin en particulier. Le déclamatoire
quasi opératique du maestoso laisse place au cantabile du quasi adagio. Barenboim évite tout épanchement vain. Et la direction objective, mais pas sèche, de
Boulez aide beaucoup à instaurer cet équilibre frôlant l'idéal. L'allegretto vivace, sorte de scherzo,
a été raillé par les contemporains de Liszt comme un « concerto pour
triangle », eu égard à la partie avantageuse confiée à cet instrument. Avec la complicité de Boulez, Barenboim y
gambade gaiement à la main droite dans le registre aigu du clavier. Le Marziale, qui allie lyrisme
farouche et rythmique implacable, conduit au thème libérateur couronnant une
pièce bien attachante. En bis,
puisqu'il s'agit d'une captation live au festival de la Ruhr Triennale, Barenboim joue la troisième Consolation, marquée par un lyrisme extatique, ppp, sur un ondoiement de la main
gauche, tout à fait dans le prolongement de l'adagio du Premier Concerto, et la Valse oubliée n°1, un fantôme
de valse qui s'en va comme un souffle.
Piotr
Ilitch TCHAIKOVSKY : Intégrale des œuvres pour
violon & piano : Sérénade mélancolique op. 26. Valse-scherzo op. 34. Souvenir d'un lieu cher op. 42. Humoresque op. 10, n°2. Andante funebre e doloroso ma con moto op. 30. Oh ! Chante
encore ! op. 16. Sasha Rozhdestvensky (violon),
Josiane Marfurt (piano). Delos :
DE 3413. TT : 53’30.
Le grand
maître de l'orchestre romantique qu'est Tchaïkovski, ou la quintessence de
l'âme russe, souvent proche de l'émotionnel, s'est peu livré dans le répertoire
chambriste. Mais les quelques œuvres
qu'il dédie au genre restent représentatives de son art. Il manie, là aussi, cette harmonie
particulière et la faconde mélodique qui le caractérisent. Ce disque les rassemble toutes. La Sérénade mélancolique (1875),
plus connue dans sa version pour orchestre, déroule une ample et douce mélodie,
nimbée de tragique avec des traits insistants. La Valse-scherzo (1877), au rythme sautillant avec ses
coups d'archets rageurs, offre une section centrale plus mélancolique là aussi,
débouchant sur une belle cadence. Une
brillante conclusion couronne le retour au joyeux premier thème. Humoresque (1876) est une danse
populaire où l’on entend presque un orchestre complet. Andante funebre e doloroso, de la même
année, tiré du 3e Quatuor,
offre ce thème tragique insistant suggérant une procession funèbre, évocation
d'un chant orthodoxe aussi. Et « Oh !
Chante encore ! », courte pièce découverte par
Sasha Rozhdestvensky à la BnF, est écrite dans le ton d'une mélodie
rêverie. La pièce la plus importante
demeure sans doute Souvenir d'un lieu cher (1878), écrit dans la belle
propriété ukrainienne de la baronne von Meck, bienfaitrice du musicien. Ses trois mouvements livrent tour à tour une
douce plainte méditative évoluant vers un climat passionné (« Méditation »),
un Scherzo délicatement rythmé avec son trio expansif dans une belle coulée
violonistique, et une dernière séquence, célèbre pour constituer un fameux
morceau de concert, d'un mélodieux foncièrement tchaïkovskien
(« Mélodie »). C'est là la musique
russe dans ce qu'elle a de directement conquérant. Sasha Rozhdestvensky,
fils du grand chef d'orchestre Guennady Rozhdestvensky, montre une sure technique,
jadis louée par Yehudi Menuhin, une sonorité pleine mais aussi épurée, à
l'aise dans cet idiome qui est le sien. Il est magnifiquement soutenu par la pianiste suisse Josiane Marfurt.
Manuel
de FALLA : Cuatro piezas españolas. Fantasia bætica. Homenaje « Le Tombeau de
Claude Debussy ». Pour le
Tombeau de Paul Dukas. Nuits
dans les jardins d'Espagne. Canción. Nocturno. Mazurka. Sereneda andaluza. Javier Perianes, piano. BBC Symphony Orchestra, dir. Josep Pons. Harmonia Mundi : HMC 902099. TT : 79'77.
À partir
de la fameuse trilogie « Nuits dans les jardins d'Espagne » le
pianiste Javier Perianes construit un CD fort complet du piano de Manuel
de Falla. Ainsi de toutes ces
petites pièces composées les années 1888 à 1899, telle Canción, qui fait
irrésistiblement penser, dans ses premières mesures, au Satie des Gymnopédies,
fantaisie ibérique en plus, Nocturno aux belles arabesques à la main
droite avec une pointe de mélancolie élégiaque, ou Mazurka livrant une
fine articulation sans emphase. La Sérénade andalouse est une amusante stylisation d'un folklore où le mystérieux va s'animant avec
de belles transparences arpégées. Les Quatre
pièces espagnoles, des années 1906/1908, dédiées à Ricardo Viñes,
font figure de synthèse de la danse populaire espagnole et de la technique
impressionniste acquise à Paris auprès de Debussy et de Dukas. Cette dernière influence illumine en
particulier la troisième pièce. L'hommage,
posthume (1935), à l'auteur d’Ariane et Barbe-Bleue on le trouve dans Le
Tombeau de Dukas. Et « Le
Tombeau de Debussy » (1920) reprend de fugaces citations du musicien
français, comme idéalisées à travers le prisme de l'admiration. Celle qui fit dire à de Falla lors d'un
discours à Madrid, peu après la disparition du musicien français, «
Pensons avec une légitime fierté qu'il fut un Latin, l'un des nôtres, de cette
grande lignée immortelle et invincible ! ». La Fantaisie bétique, commande d’Arthur
Rubinstein qui la créera en 1920, évoque la guitare flamenca en une danse
enflammée. C'est une œuvre charnière
entre la période des Nuits et l'étape suivante des Tréteaux de Maître
Pierre. Il y a là tension et âpreté
requérant une technique exigeante : glissandi, accords heurtés, fréquents changements de
tempos. La trilogie Nuits dans les
jardins d'Espagne connut une longue gestation : bien que créée en
1916, les premières esquisses remontent à 1909. Ces « impressions symphoniques pour piano et orchestre »
sont une succession de vignettes évocatrices, construisant une vraie dramaturgie
sonore : de l'atmosphère mystérieuse, modulant de « En el
generalife » avec ses grands crescendos romantiques qui font penser à
Rachmaninov, au pseudo scherzo de « Danza lejana »,
aux vapeurs enivrantes, à ces « Jardines de la sierra de Cordoba »
enfin, où sourdent quelques accents plus sombres privilégiant le registre grave
du piano. On y découvre une certaine
parenté avec l'univers de Dukas. Javier Perianes, qui dit être retourné aux sources du
manuscrit, en livre une exécution parfumée et classique dans son
ordonnancement. Ailleurs, il est tout
simplement captivant.
« Reflets ». Maurice RAVEL : Concerto
en sol pour piano & orchestre. La Valse,
poème chorégraphique. À la manière de... Borodine. À la manière de... Chabrier. George GERSHWIN : Trois préludes. Igor STRAVINSKY : 2 Études op. 7. Gabriel FAURÉ : Premier Nocturne op. 33 n°1 en mib. Quatrième Nocturne op. 36 en mib. Roger Muraro,
piano. Orchestre
philharmonique de Radio France, dir. Myung Whun Chung. Universal/DG : 476 4669. TT : 58'51.
Excellente
idée de mettre en perspective le Concerto
en sol de Ravel avec les compositeurs dont il s'inspira plus ou moins
consciemment. Ce qui permet en outre de
porter sur celui-ci un regard neuf. La
façon de décliner le rythme, on la trouve chez Gershwin et ses Préludes, fort jazzy, comme dans les
deux Études de Stravinsky, quoique à
un moindre degré de sophistication, une manière somme toute plus classique. Le côté hyper virtuose des premier et troisième mouvements, il faut le
rechercher chez Ravel lui-même et sa Valse, réinventée, idéalisée
d'abord, puis désarticulée en forme de machine infernale qui semble au fil de
ses métamorphoses ne pas connaître de limites. On pense aussi au Boléro. Le lyrisme qui s'épanche dans le
deuxième mouvement en particulier, on
peut le déceler chez Fauré peut-être et ses Nocturnes op. 33 et 36, quoique la parenté soit plus ténue ici. Mais la juxtaposition est intéressante et
heureuse. Quant aux autres pièces de
Ravel, les deux « À la manière de... » sont piquants. De ces pièces, Roger Muraro donne des
lectures dépourvues d'emphase. Sa
longue fréquentation de Messiaen lui fait insister sur la modernité de Ravel et
cette virtuosité objective. Il en va
aussi du Concerto en sol :
rythmique incisive à l'allegramente initial, pris très rapide,
quasi presto à la récapitulation. La phrase élégiaque solo qui ouvre l'adagio assai est finement
pensée, long prélude à l'entrée de l'orchestre par cette arabesque inouïe de la
flûte que relaient le hautbois puis la clarinette ; moment magique s'il en
est. Le presto conclusif est là encore
dans un prestissime élan, sorte de marche des petits soldats de plomb, mais
aussi combien aérienne jusqu'à l'ultime trait endiablé. On admire encore une fois la mirifique
orchestration ravélienne, magnifiée par Myung Whun Chung et son Philhar en
belle forme, et l'art de mettre en
valeur le discours soliste. Le pianisme
de Muraro est habité, les arêtes vives, les couleurs franches, onirique mais
lucide, rigoureux sans être rigide. Une
joie irrésistible nimbe cette interprétation mesurée à l'aune des contemporains du maître de Montfort-l'Amaury.
« Anna Netrebko live at the MET ». Vincenzo BELLINI : I Puritani. Serge PROKOFIEV : Guerre et
Paix. Wolfgang Amadeus MOZART : Don Giovanni. Gaetano
DONIZETTI : Don Pasquale, Lucia di Lammermoor. Giuseppe VERDI : Rigoletto. Charles GOUNOD : Roméo et Juliette. Jacques OFFENBACH : Les Contes
d'Hoffmann. Giacomo PUCCINI : La Bohème. Anna Netrebko (soprano). Avec Juan Diego Flórez, Roberto Alagna,
Piotr Beczala, Joseph Calleja (ténors). Dmitri Hvorostovsky, Gerald Finley, Mariusz Kwiecien,
Simone Alaimo (barytons). Eric Halfvarson,
Ildar Abrazakov (basses). Ekaterina Semenchuk
(mezzo). The Met Opera Orchestra and
Chorus, dir. James Levine, Plácido Domingo, Valery Gergiev,
Sylvain Cambreling, Patrick Summers, Maurizio Benini,
Marco Armiliato. Universal/DG :
477 9903. TT : 65'59.
Signe
des temps : faute d'intégrales d'opéra, désormais de plus en plus
réservées au DVD, les éditeurs se rabattent sur les CD compilations. Heureusement, les airs y voisinent avec les
scènes données dans leur quasi-intégralité, ce qui laisse une impression de
vécu scénique. Autre signe du moment,
le culte de la vedette. Bien que pas
nouveau, le phénomène se développe. Anna Netrebko est l'une de ces stars assoluta dont le succès commercial est assuré au disque. Mais ne boudons pas le plaisir de l'entendre
au mieux d'elle même dans des incarnations saisies sur le vif sur une scène
dont elle est désormais l'une des têtes d'affiche, le MET de
New York ! Depuis ses débuts
en 2002, elle y déjà incarné neuf rôles. Il n'y manque que sa Traviata. Et on attend ses futures Anne de Boleyn et Manon de
Massenet. Elle est entourée de casts
étudiés, version stars là aussi, même si les ténors ne sont pas toujours au
mieux de leur forme (un Alagna trop étudié en Roméo, un Calleja piètre
Hoffmann). À part ces menues réserves,
que de beautés vocales ! Le bel canto d'abord, avec Les Puritains (2007) où l’on admire la pureté de la ligne de chant et une déchirante Lucia (2009) dont l'air de la folie dépasse de loin le tour de force. Elle y usera même d'une voix détimbrée pour
renforcer l'effet poignant. Et lorsque
la colorature se mesure à la tendre flûte, s'allégeant comme immatérielle, on
est bien près du bonheur total. Dans
ces pages de pure vocalité, elle distille la phrase avec cette infinie douceur
qui fait éclore l'émotion. Le cœur
russe ensuite avec cette douce Natacha de Guerre et Paix dont Gergiev
livre l’une des pages essentielles. Le
répertoire central encore : une Adina de Don Pasquale légèrement plus large que nature (avec Flórez !), une Gilda de Rigoletto, saisie lors de la scène de l'orage du dernier acte, d'un dramatisme
certain, une Mimi comme on en rêve, prise là encore dans une scène cruciale, le
finale de l'acte III, comme lors du duo extatique concluant l'acte I,
enflammé s'il en est. La voix puccinienne
par excellence. L'opéra français enfin,
dont elle tend à se faire une spécialité, à juste raison. Sa Juliette (avec Alagna, et dirigée par
Plácido Domingo !) montre un sens du drame peu commun, d'abord dans le duo
« Nuit d'hyménée », paré d'un registre grave qui confère à ce
moment une charge émotionnelle intense. Elle s'y montre même plus à l'aise que son illustre partenaire
français. L'air du poison « Amour,
ranime mon courage » est tout aussi incandescent, se mouvant idéalement
dans le lyrisme échevelé de Berlioz. Elle fait sien l'idiome gallique comme une seconde nature et s'y
montre glorieuse. L'air d'Antonia des Contes d'Hoffmann,
« C'est une chanson d'amour », est tout autant le fruit d'une
empathie réelle avec un personnage pourtant moins avantagé. Netrebko s'engage à fond dans chaque rôle
abordé. Son grand soprano adorné de
couleurs sombres y est souverain. Le
travail sur la diction et les intonations, dans la langue de Molière notamment,
est une leçon de style. À déguster pour
ceux qui aiment être emportés par le très beau chant.
Jean
Sébastien BACH : « Préludes et autres fantaisies ». Pièces extraites des Suites. Violaine Cochard, clavecin. AgOgique : AGO 002. TT : 62'22.
Un
nouveau label voit le jour qui se proclame principalement tourné vers la
musique baroque et ancienne. Il faut
saluer cette initiative en ces temps de vaches maigres. La claveciniste Violaine Cochard a
voulu, à l'image du concert, mélanger pièces célèbres et plus confidentielles,
et faire ressortir ainsi divers affects et atmosphères. Elle a surtout voulu décrire sa passion
d'interprète, un vrai coup de foudre, pour un instrument particulier, un
clavecin de Johannes Daniel Dulcken, construit autour de 1740 à Anvers, et
restauré avec amour par le facteur et restaurateur de clavecins Laurent Soumagnac. Les pages qu'elle égrène ont été
choisies « avec le cœur », privilégiant les contrastes. À partir
de quatre Préludes, vont alterner divers types de compositions, Toccata,
Sinfonia, Fantaisie, mais aussi gigue, fugue et sarabande, extraites de leurs Suites d'origine. Et donc des climats
sonores différents illustrant les nombreuses possibilités expressives imaginées
par Bach. De même que seront mises en
valeur les qualités de l'instrument, révélant la génialité de son écriture. Ainsi de la Fantaisie BWV 922, éblouissante dans son foisonnement
sonore, ses divers jeux très contrastés, de la courte Fughetta BWV 902,
quasi déclamatoire, ou de la Gigue BWV 825
et son contre-chant. Mais aussi le Capriccio BWV 826, d'humeur
avenante dans son rythme régulièrement balancé. Ou encore la Sarabande BWV 826, évoluant
telle une élégie. L'instrument
« alliant brillance et raffinement, puissance et intériorité » selon
l'interprète, offre une sonorité pleine, aux riches harmoniques dans le grave,
pas rocailleux ni métallique. On en
admire la clarté cristalline, alors que saisi dans une acoustique flatteuse. L'interprétation de Violaine Cochard est
toute de plénitude sonore. La riche
iconographie du livret, qui donne un bel aperçu de la belle décoration du
clavecin de Dulcken, fait de ce produit plus qu'un disque.
Jean-Sébastien BACH : Variations Goldberg BWV 988. Blandine Rannou, clavecin. 2 CDs Zig-Zag Territoires :
111001. TT : 44'42 + 45'01.
Les
pièces de clavecin de Jean-Sébastien Bach fascinent les interprètes, mais
aussi ceux qui les écoutent. Après les Suites françaises,
les Suites anglaises et autres Toccatas, Blandine Rannou s'attèle
aux Variations Goldberg. Dernier volet du Klavierübung,
elles furent écrites durant les années passées à Coethen, si riches
d'exubérantes compositions, et dédiées à son épouse Anna-Magdalena, dans ses
fameux « Cahiers ». Avec
cette aria et ses 32 variations, Bach explore toutes les possibilités du
clavecin. Car le thème, une sorte de sarabande
dans le style français au demeurant, va subir des métamorphoses à l'infini, au
point qu'il est souvent ardu d'y retrouver, ne serait-ce qu'une ombre de
sa physionomie d'origine. Et pourtant, tout répond ici à une
architecture rigoureuse. Varier, c'est
inventer pour renouveler sans cesse. Bach le fait avec une imagination inouïe, dans une technique
proche de la chaconne et de la passacaille. Pour cela il diversifie les mouvements, le dessin mélodique, la
registration (un ou deux claviers), les combinaisons. Le contrepoint lui permet de travailler le
poids du son. Les couleurs aussi. Les divers cycles de variations, par trois,
s'achèvent par un canon, lui-même de diverses natures. Ce n'est cependant pas un cahier d'exercices. Si démonstration technique et
stylistique il y a, elle est transcendée, offrant l'apparence de l'évidence
mélodique et harmonique. Car est
manifeste ici « le mélange de la plus stricte logique avec une souveraine
liberté d'expression » dira Edmond Buchet. Quelques traces d'humour se font jour, cette sorte de plaisanterie musicale appelée à
l'époque « quolibet » (variations 14 et 30). La rectitude de ton dont fait montre
Blandine Rannou n'a d'égale que la clarté de son jeu, même dans les
passages prestes (variations 26 ou 29 par exemple). La régularité de chaque tempo, l'équilibre
des phrases, souvent simultanées, le façonnement des ornements, l'opposition
des timbres sont ménagés avec goût. Cette
exécution dépasse tout fastidieux. Encore
qu'il ne faille sans doute pas l'appréhender d'une seule traite si l'on en veut
savourer les trésors cachés. L'instrument
joué est bien sonore, doté d'un beau registre grave et d'une résonance
non métallique. Il s'agit d'une
copie, réalisée en 1988, d'un clavecin de Hemsch, célèbre facteur français du
XVIIIe, lui-même « ravalement » d'un instrument flamand de
Ruckers.
Jean-Sébastien
BACH : Concertos
pour clavier BWV 1052, 1054, 1056, 1058. Concertos pour
quatre claviers BWV 1065. Concerto BWV 974, d'après le
Concerto pour hautbois d’Alessandro Marcello. Alexandre Tharaud, piano. Les Violons du Roy, dir. Bernard Labadie. Virgin Classics : 50999 087109 2. TT : 74'46.
Les Concertos
pour clavier de Bach sont, pour la plupart, des adaptations d'œuvres
antérieures écrites pour d'autres instruments. Ainsi en est-il des Concertos
BWV 1054 et 1058, transcriptions des Concertos de violon BWV 1042 et
BWV 1041. Satisfaisant en cela à
une coutume répandue à l'époque, le Cantor devait les produire pour le
Collegium Musicum de Coethen dont il était le directeur, le chef d'orchestre
et l'interprète au clavecin. Les concerts
se donnaient au célèbre Café Zimmermann. Alexandre Tharaud aime prendre des risques et mixer modernité
et tradition, en l'occurrence jouer la partie de clavier sur un piano, un Yamaha
des années 1980, associé à un ensemble de cordes d'instruments modernes
utilisant l'archet baroque. Le résultat
est saisissant, comme il en fut naguère des pièces de Rameau qu'il livra au
piano. Le Concerto BWV 1052 débute
très vif et offre un déroulé d'une exceptionnelle fluidité, notes piquées,
traits en rafales, en une sorte de mouvement perpétuel qu'embellit un étonnant
diminuendo en fin de séquence. De même,
la rythmique sera implacable au finale. Au milieu, tout en contraste, l'adagio offre une aria recueillie,
douloureuse presque. Le Concerto
BWV 1054 se pare pareillement de traits vigoureux et de savoureuses
fioritures. Tharaud en vient, dans une
optique résolument chambriste, à intégrer le piano dans le discours des cordes
lorsqu'il ne joue pas sa partie en parallèle. L'influence italienne du Concerto BWV 1056 se signale à son
adagio, à la suave mélodie, qu'entourent deux mouvements enjoués. La pièce BWV 1058, sur la coupe d'un
concerto à l'italienne, est d'une souple énergie (premier mouvement),
pathétique (andante), et volubile au finale dans son schéma de gigue. Tharaud s'offre le luxe de jouer les parties
des quatre claviers du Concerto BWV 1065, grâce à la technique du re-recording. C'est là une transcription du
Concerto n°10 de l'Estro Armonico de Vivaldi. Une rareté encore que le morceau BWV 974,
d'après l'adagio d'un Concerto pour hautbois d'Alessandro Marcello, dans
l'arrangement réalisé par le pianiste et le chef : une réflexion sereine. De l'expérimental à l'inspiré, jouant moderne
tout en assimilant les recherches sur les interprétations historiques,
Alexandre Tharaud déploie un jeu bariolé, non exempt d'une dose
d'humour dans les roulades qui surgissent au milieu d'un texte réputé pour sa
rigueur métronomique. Faut-il s'en
offusquer ? Non, bien sûr, dès
lors qu'est respecté l'esprit. On
admire la belle complicité entre le pianiste, l'orchestre d'une quinzaine de
cordes, et le chef canadien Bernard Labadie, à l'écoute des idées
interprétatives originales de son confrère français.
Georg Friedrich HAENDEL : Agrippina. Opéra en trois actes.
Alexandrina Pendatchanska, Jennifer Riveira, Sunhae Im, Bejun Metha, Marcos
Fink, Neal Davies, Dominique Visse, Daniel Schmutzhard. Akademie
für Alte Musik Berlin, dir. René Jacobs. 3 CDs + 1 DVD Harmonia Mundi :
902088.90. TT : 61'13 + 74'38 +
67'15.
On
n'avait pas connu d'enregistrement majeur de l'Agrippina de Haendel
depuis celui remarqué de John Eliot Gardiner (Philips). René Jacobs opte pour la version
d'origine, sans les remaniements et coupures opérés par Haendel lui-même pour
la création vénitienne de l'ouvrage au théâtre Malibran. C'est une œuvre de jeunesse qui concilie
« extrême actualité politique et pertinence dramatique » dit le chef,
qui loue encore un des meilleurs livrets que le Saxon ait eu à disposition. Quoique l'auteur en soit plus ou moins connu. Le plus plausible étant le cardinal
Benedetto Pamphili. L'originalité
de la composition se retrouve aussi bien dans l'accompagnement et le traitement
des instruments solistes que dans la structure même de l'œuvre. Les récitatifs y sont développés et les arias
relativement courtes. On y trouve aussi
des scènes à plusieurs personnages, dont un trio et même un petit chœur. Haendel a recours à la « parodie »
ou recyclage d'airs empruntés à des compositions préexistantes. Ce qui laisse aux exégètes le plaisir de se
livrer à des hypothèses et autres déductions quant au choix de tel texte ou au
pourquoi de son utilisation. Dans cet
« opéra métaphorique », les personnages sont des
« allégories théâtrales » (ibid.)
qui vont mettre en scène un psychodrame : Poppée recherche la vérité,
Othon, pour la séduire, traverse des épreuves, Néron, chantre de la volupté,
étale sa perversité, Agrippine est la détermination machiavélique même, Claude
entrevoit sa propre décadence, et le duo comique Narcisse-Pallante a pour
fonction de décrisper l'atmosphère. Le lieto fine est péniblement atteint après quelques explications confuses. L'interprétation vaut d'abord pour la
direction de René Jacobs, d'une extrême fluidité, aux sonorités
somptueuses. Le discours dramatique est
vivant, en particulier lors des passages de transition du récitatif à l'air ou
à l'ensemble vocal. Se signalent aussi
le souci de l'instrumentation et la vivacité du continuo. Les tempos sont incisifs, jamais pondéreux,
et la rythmique marquée sans être heurtée, avec des changements brusques de
tempo à la fin de l'air, à la ritournelle. On éprouve le frisson lors des airs, qu'il s'agisse des grandes
interventions du rôle-titre, chefs-d'œuvre d'hypocrisie selon Jacobs, ou des
arias « di furore » de Néron, par exemple, au IIIe acte,
de schéma tripartite, avec son introduction et son finale agités que sépare une
section élégiaque. Les voix réunies
sont de jeunes représentants de l'interprétation haendélienne du moment. Si l'Agrippina d’Alexandrina Pendatchanska
n'est pas toujours immaculée dans les vocalises, au demeurant très acrobatiques
à mesure que progresse l'action, la Poppea de Sunhae Im est séduisante,
toute de jeunesse frémissante. Un
personnage finalement bien différent de celui imaginé par Monteverdi. Les messieurs sont un cran au-dessus :
Bejun Metha, grandiose Ottone, offre une voix de contre-ténor accomplie et
un moelleux remarquable. Marcos Fink,
Claudio, livre des descentes impressionnantes dans le grave et le vétéran
Dominique Visse, peut-être moins histrion que d'habitude, montre encore
qu'il sait être sarcastique et remarquablement expressif. Intéressante mise en scène sonore, avec une
fine atmosphère théâtrale et une chaleur sonore indéniable.
« Duetti ». Duos da camera & cantates. Giovanni BONONCINI : « Pietoso nume arcier » & « Chi d'amor tra le catene ». Francesco MANCINI :
« Quanto mai saria piú bello ». Francesco Bartolomeo CONTI :
« Quando veggo un'usignolo ». Nicola PORPORA : « Ecco che il primo albore ». Benedetto MARCELLO : « Chiaro e limpido fonte » & « Tirsi e Filene ». Alessandro SCARLATTI : « Amore e Virtú ». Philippe Jaroussky, Max Emanuel Cenčić, contre-ténors. Les Arts
Florissants, dir. William Christie. Virgin Classics : 509990 7094323. TT. : 74'21.
On se
souvient de la rencontre providentielle dans Il Sant' Alessio, parmi une
cohorte de huit contre-ténors, des deux phénomènes que sont
Philippe Jaroussky et Max Emanuel Cenčić. Les voici de
nouveau réunis dans un florilège de « duetti »
baroques. Une anthologie de voluptés
vocales. Plus, de musique pure, grâce à
la contribution essentielle de William Christie. Le « duetto da camera », composé de
deux duos dont le second est plus rapide pour contraster, enserrant un
récitatif et des passages solistes, a fait florès au siècle de Vivaldi et
consorts. Proche de l'aria da capo, avec accompagnement de type continuo. C'est Bononcini qui en fut le chantre,
maniant une écriture fort sophistiquée épousant la poétique de textes simples
mais évocateurs, et ce style syncopé dans le duo conclusif qui faisait se pâmer
les foules dans les salons. Les cantates
en duos de soprani ne sont pas différentes, si ce n'est qu'elles prévoient
toujours un accompagnement d'instruments variés, ici deux violons, là un
hautbois. Ses représentants sont Conti
qui, dans le chant du rossignol, contraste élévation et désespoir, enjoué et
mélancolique, et Marcello, le plus prolifique des compositeurs de duos de son
époque (pas moins de 82 !). Sa
manière est de développer plus. Ainsi,
outre le récitatif et l'air attribués à chacun des deux protagonistes, il
ménage deux duos les réunissant. Dans
la cantate « Chiaro e limpido
fonte », on remarque une extrême variété de climats. Surtout, les entrelacs des deux violons et
des voix porte la symbiose à un haut degré de perfection. Il y a là un mélange de simplicité apparente
et de sophistication sous-jacente dans le chant élégiaque évoquant la souffrance partagée. Le disque contient encore deux cantates pour
voix seule, de Mancini, avec coupe en deux airs qu'interrompt un récitatif
bucolique ; de Porpora aussi, qui offre une vaste pièce introduite par une
sinfonia : la manière y est virtuose, car l'écriture est difficile,
portant d'audacieux traits, rapides notamment. Le programme s'achève par une joyeuse cantate a due de
Scarlatti « Amor e virtú »
où l'alternance des deux voix de même tessiture, tantôt en parallèle, tantôt se
complétant l'une et l'autre, est pur bonheur. C'est que nos deux contreténors rivalisent de somptuosité vocale,
proprement miraculeuse :
Jaroussky, le sopraniste à la voix d'ange, Cenčić, au timbre
légèrement plus grave et moiré. La complémentarité
est fascinante : le chant en contrepoint, les unissons magiques de
douceur, les vocalises délicatement souples, où chacun des chanteurs fait
preuve d'imagination pour renouveler l'intérêt. William Christie et une poignée de musiciens de ses
Arts Florissants, proposent le plus ciselé des soutiens et cette
authenticité qui confèrent une étrange séduction à ces pages qu'il qualifie de
« subtiles, méconnues et disons-le, prodigieusement baroques ! » Indispensable !
Franz
LISZT : Années
de Pèlerinage. Première
année : Suisse. Deuxième
année : Italie. Troisième année. Bertrand Chamayou, piano. 3 CDs Naïve : V 5260. TT : 44'52 + 60'58 + 44'28.
Voilà l’occasion
idéale d'écouter les Années de Pèlerinage de Liszt dans leur
intégralité, en particulier la troisième, si peu jouée, « Les Jeux d'eau
de la Villa d'Este » exceptés. La genèse de ce cycle a été longue. L'idée de Liszt était le
« renouvellement de la musique par son alliance plus intime avec la
poésie », l'union proche des harmonies à la Weltlitteratur (littérature universelle). Liszt convoque aussi bien Schiller que Dante,
Goethe que Byron, Pétrarque que Hugo. Il
s'attache aussi aux correspondances avec les Beaux-Arts : toutes les
impressions ressenties à la contemplation des toiles de Raphaël, Doré,
Delacroix ou Ingres, sont là. Aussi les Années de Pèlerinage sont-elles plus que de la musique de piano, mais
bien une œuvre d'art total, magnifiant une pensée universelle. Bertrand Chamayou d'ajouter :
« Au-delà de l'image réductrice du virtuose démoniaque, Liszt est avant
tout pour moi le personnage aux multiples visages, infatigable chercheur,
voyageur, lecteur, curieux de tout et généreux ». Autant la première fournée, Suisse
(1835-1838), évoque la nature et ses multiples paysages, telle la grandiose
« Chapelle de Guillaume Tell » ou l'ondoiement de « Au lac
de Wallenstadt », mais aussi de délicieuses miniatures
(« Pastorale », « Églogue », le cycle Italie (1838-1861)
marque le triomphe de la culture et des évocations poétiques. « Le beau m'apparaissait sous ses formes
les plus pures et les plus sublimes » (lettre à Berlioz). De la Troisième Année, qui prolonge les
impressions italiennes, Chamayou dit qu'elle « nous emmène dans les
contrées retranchées de la dernière manière de Liszt » marquée par
d' « étranges recherches harmoniques », et un « mélange de
noirceur désespérée et de pureté céleste ». Non que le compositeur renonce aux torrents sonores. Ainsi « Angelus ! » est certes, une prière céleste, mais avant
que ne sonne à toute volée lesdites cloches, derniers feux des arpèges
tonitruants dont Liszt a le secret. « Sunt lachrymæ », pièce écrite sur le mode hongrois,
fait figure d'hommage appuyé, et d'une poigne affirmée, aux indépendantistes
tombés face à l'armée russe en 1849. Les deux « Thrénodies » d’« Aux cyprès de la Villa d'Este » préludent aux miroitements
aquatiques des jeux d'eau de la même propriété romaine, eux-mêmes précurseurs
des impressionnistes français avec sa sollicitation des notes extrêmement
aiguës du clavier.
L'art de
Bertrand Chamayou, qui se hisse sur la marche réservée aux plus grands, est
fait de transparence (« Gondoliera »/Italie),
de vigueur (« Orage »/Suisse),
d'ampleur (les vagues de « Le mal du
pays »/Suisse), de fluidité (« Sposalizio »/Italie, « Les jeux d'eau de la Villa d'Este »/3e année).
D'esprit aussi (« Canzonetta del
Salvador Rosa »/Italie, « Tarantella »/Italie,
aux sonorités de chanson napolitaine). On est frappé par le sens de l'architecture (« Après une lecture de Dante »/Italie,
qui libère une vraie dramaturgie avec ses séquences confinant tour à tour au
déluge sonore ou à l'épure lyrique). Il
fait montre d'une musicalité sensible, se refusant à l'effet, même dans les
traits les plus ébouriffants de la main droite, ou lors des grands climats
impérieux marqués fff, qui restent d'une clarté exemplaire. Car le discours est toujours nimbé de poésie. La prise de son est claire et le
Steinway, proche, bien restitué.
« Melancolia » : Spanish Arias & Songs. Enrique GRANADOS : La
maja dolorosa & El mirar de la maja. Xavier MONTSALVATGE : Canción de
cuna & Canto negro. Joaquin NÍN Y CASTELLANOS : El vito. Heitor VILLA-LOBOS : Aria (Cantilena). Joaquín TURINA : Cantares. Gerónimo GIMÉNEZ : La tarántula. Rafael CALLEJA GÓMEZ : Adiós Granada. Manuel de FALLA : « Vivan
los que rien » (extrait de La Vida breve). Federico MORENO TORROBA : Petenera. José SERRANO SIMEÓN : Marinela,
Marinela. Traditional : Ogundé uareré. Nicolas BACRI : Melodías
de la Melancolía. Patricia Petibon,
soprano. Orquesta nacional de España,
dir. Josep Pons. Universal/DG : 477 9447. TT. : 57'27.
« Je
n'ai pas voulu imiter une identité espagnole, mais la ressentir sans travestir
ce que je suis » annonce Patricia Petibon à propos de son nouveau CD. Donc acte. Mais il ne suffit pas d'aimer passionnément la musique de
l'Espagne pour la faire sienne et la défendre. Le thème en est un « voyage à travers les styles » et le
fil rouge la mélancolie. Un programme
patchwork va réunir Montsalvatge, Granados, Villa-Lobos, Falla et des morceaux
de zarzuélas. De ces dernières, si
attachantes de par leur veine mélodique simple, Petibon offre le passionné
(« Cantares » de Turina),
le mélisme flamenco (« Adiós Granada »
de Rafael Calleja Gómez), le tube qu'est « Marinela, Marinela » de Simeón. Mais « La tarántula »
de Giménez la montre presque à contre-emploi. Où est la souveraine distinction de Teresa Berganza ? Comme dans les deux petites pièces de
Montsalvatge, où elle se fait trop insistante sur les mots « grano de
café » de Canción de cuna. L'humour
de la cantatrice madrilène est loin. L'autre
pièce Canto negro est presque parodique, plus espagnole que vraie. Dans la scène de genre « El vito », de Nín, elle
s'encanaille. Et l'aria tirée des Bachianas Brasileiras favorise une mélancolie excessive dans l'introduction nuancée, et un style
opératique déplacé à l'heure de la séquence centrale. Où est ici la couleur diaphane d'une Victoria
de los Angeles ? L'air de Salud, extrait de La Vida breve, lui convient mieux, même s'il y a encore de l'excès dans l'expression de la
tristesse, de la perte d'espoir. Par
contre, les deux extraits des Tonadillas de Granados lui permettent de
tracer deux visages attachants de la maja ibérique. Les « Melodías de la Melancolía »,
écrites spécialement pour elle par Nicolas Bacri (°1961), en langue
espagnole, sur des poèmes du colombien Álvaro Escobar-Molina, proposent quatre
chants d'une écriture serrée, concentré là encore d'abattement. Le deuxième est une berceuse envoûtante, dans
la pure tradition espagnole. La
troisième, un ostinato, sollicite le registre suraigu, un tic cher aux
compositeurs contemporains ! Au
final, un disque qui laisse sur une curieuse impression. Non que la voix ne soit pas séduisante. Elle l'est en soi. Et la facilité d'expression est confondante, la musicalité aussi,
comme les nuances. Mais est-ce
suffisant ? La couleur locale
exacte, on la trouve pourtant dans l'accompagnement orchestral de Josep Pons
et les sonorités attirantes de la guitare ou des castagnettes.
Jean-Pierre Robert.
Madrigali : Fire & Roses. Chœur de chambre « Con Anima », dir. Paul Mealor. Divine Art (www.divineartrecords.com) :
dda25094. TT : 65’24.
Le célèbre
chœur étasunien « Con Anima » a, cette fois, enregistré - outre
de grands madrigaux de la Renaissance (signés Monteverdi, Gesualdo,
Vincenzo Ruffo, Girolamo Scotto, Yvo Barry,
Henricus Schaffen, John Ward, John Wilbye…) - des partitions
plus contemporaines : Now sleeps the
crimson petal de Gustav Holst (1874-1934) et Paul Mealor (°1975), Chanson éloignée & Six « Fire songs » on
Italian Renaissance poems de Morten Lauridsen (°1943), So deep de James MacMillan
(°1959). Une mine d’idées pour tout chef de chœur…
Jean-Sébastien BACH : La chair et l’esprit. Double coffret Alpha, incluant 6 CDs + livret
relié de 200 pages, ill. couleurs (www.alpha-prod.com) :
889. TT : 7h31’.
« Expérience
hédoniste » - spiritualité & sensualité -, ce somptueux double coffret
nous propose un portrait du compositeur mêlant musique, images et textes de
musicologues (Gilles Cantagrel, François Lazarevitch) &
d’interprètes (Céline Frisch, Pablo Valetti, Lucille Boulanger,
Arnaud de Pasquale, Benjamin Alard, Bruno Cocset) – en français,
anglais et allemand. Sans viser à
l’exhaustivité, cette publication n’en comporte pas moins plusieurs œuvres sous
différentes formes (interprétatives ou instrumentales). Coffret de six CDs : Cordes
frottées / Cordes pincées & cordes frappées / Du clavecin à
l’orgue / Grands effectifs profanes / Musique sacrée /
« Open Bach » (instrumentarium revisité). Incontournable !
Johann Sebastian BACH : Partitas n°1, 2, 3, BWV 825, 826, 827. Racha Arodaky, piano. Air Note (www.rachaarodaky.fr) : AIR003-2011. Distr. Codaex
(www.codaex.com). TT : 70’25.
Une
révélation que cette jeune pianiste d’origine syrienne, disciple de
Dominique Merlet puis de Murray Perahia ! Infinie délicatesse
& ductilité des phrasés, équilibre des voix admirablement perlées (comme s’il
s’agissait de pièces de Scarlatti, l’un de ses autres compositeurs de prédilection),
sans trace de maniérisme cependant… Outre
ces Partitas, Racha Arodaky joue
– en introduction, intermèdes & conclusion – les Largo BWV 973, Sarabande BWV 812, Arioso BWV 1056 et Suscepit Israel BWV 243.
Franz SCHUBERT : Le Voyage d’hiver. Stephan Genz (baryton),
Michel Dalberto (piano). Livre/disque
La Dogana (www.ladogana.ch) :
L2N 007. Distr. Les Belles
Lettres. Ouvrage relié (14,5 x 20,5 cm,
110 p.). CD : 67’51.
Admirable
publication réunissant, dans l’interprétation du grand baryton allemand Stephan Genz
– digne héritier de D. Fischer-Dieskau – et du pianiste & chef
d’orchestre français Michel Dalberto, l’un des ultimes chefs-d’œuvre de
Schubert (D. 911), assorti d’un brillant essai de Jean Bollack, avec
des notes de Paul-André Demierre. Signalons que, dans cette même collection, sont déjà parus : Le Tombeau d’Anacréon (27 lieder d’Hugo Wolf), L’amour
et la vie d’une femme (29 lieder de Robert Schumann), À tout jamais (15 lieder de
Gustav Mahler).
Ludwig van
BEETHOVEN : Sonates, vol. 1. François-Frédéric Guy, piano. « Printemps des Arts de
Monte-Carlo », 3 CDs Zig-Zag Territoires (www.outhere-music.com) : 111101.
Enregistré
en public à l’Arsenal de Metz, ce premier corpus de 11 Sonates de Beethoven (op. 10, 13,
14, 22, 26, 27) met l’accent sur la notable évolution des perceptions
temporelles chez le maître de Bonn. Bien que certains mouvements lents ne soient guère
ici « habités ».
Antonín DVOŘÁK
(1841-1904) : Danses slaves op. 46
n°1 & op. 72 n°2. 9e Symphonie op. 95 « du Nouveau
Monde ». Suite tchèque op. 39. Bournemouth
Symphony Orchestra, dir. José Serebrier.
Warner Classics (www.warnerclassics.com) :
2564 66656.3.
Né en
1938 à Montevideo, l’Uruguayen José Serebrier travailla longtemps auprès d’Aaron Copland. Mais il est plus connu comme chef
d’orchestre que comme compositeur. Il
dirige Dvořák sans clinquant, privilégiant une certaine… rusticité. Rafraîchissant !
Danse macabre et autres diableries. Jean-Philippe Biojout (baryton), Brigitte Antonelli (soprano). Chœur Darius Milhaud & Orchestre
symphonique du Campus d’Orsay, dir. Martin Barral. Saphir (www.saphirproductions.net) :
LVC 1172. TT : 63’42.
Mais que
ridicule est cette concrétisation d’un amusant propos ! Un baryton qui en fait des tonnes et un
orchestre non moins pesant… Au programme : Danse macabre – parolée ! - et Pas d’armes du roi Jean (Saint-Saëns), extraits de Faust (Gounod)
et de sa Damnation (Berlioz), d’Hérodiade et de Manon (Massenet), des Contes
d’Hoffmann (Offenbach). Las(t) but
not least : Les berceaux et Les roses d’Ispahan (Fauré)…
A French Songbook. Dix titres. Alzy Trio &
friends. Alzy (www.alzy.info)
Fort
sympathiquement swinguant est cet album, réunissant – jazz & bossa-nova - un
trio de guitares acoustiques (Pascal Kober, Thierry Rampillon,
Christian Sanchez) et quelques talentueux invités (les chanteuses
Tamanga Bévis, Elsy Fleriag
et le batteur Jean-Pierre Jackson). Superbes chansons françaises : Chanson de Maxence (M. Legrand), Cécile, ma fille (Cl. Nougaro), Les pas (Cl. Nougaro), Un été (Cl. Nougaro) La javanaise (S. Gainsbourg), Chanson des
jumelles (M. Legrand), Que
reste-t-il de nos amours ? (Ch. Trenet), Les feuilles mortes (J. Kosma), Rimes (Cl. Nougaro), Tu
verras (Cl. Nougaro). En bonus track : Billie Jean (Michael Jackson).
Antonio PLACER (voix) & Jean-Marie MACHADO (piano) : Republicalma. S’ard Music : SARDCD 00018. L’Autre Distribution (tél. : 02 47 50 79 79. autredistribution@wanadoo.fr).
Quel
bonheur de découvrir des artistes de cette formidable trempe dans un domaine aussi
déliquescent aujourd’hui ! Musicien,
poète, auteur, compositeur, Antonio Placer, chanteur galicien exilé en
France, a trouvé en le pianiste & compositeur Jean-Marie Machado le
partenaire idéal, sachant créer une admirable symbiose entre jazz & chansons
de tradition latine. Titres originaux
mais aussi grandes reprises (de Brassens, Aragon/Ferrat, Gardel,
Castro/Capón…). Paroles en français,
espagnol ou anglais. Écouter : www.antonioplacer.com
Francis Gérimont.
POUR LES PLUS JEUNES
Jacques HAUROGNÉ : Doudou perdu. Les fabulettes
d’Anne Sylvestre.Victorie Music (www.club-tralalere.com) :
277 352-4.
Fort
spirituelles interprétations de 14 Fabulettes d’Anne Sylvestre (paroles & musique), dans des arrangements de
Thierry Garcia (guitares, basse, ukulélé, mandoline), entouré de
Didier Guazzo (percussions) et d’Aldo Gilbert (flûte, sax).
Les 50 chansons préférées des enfants. 3 CDs « Éponymes /
Jeunesse » (www.editions-eponymes.fr) :
EPO 64.
Il est
fort à craindre que les destinataires de ce précieux coffret (« chansons sélectionnées
par des maîtresses de Maternelle ») ne s’en voient cruellement dessaisis
par parents ou grands-parents. N’y
retrouve-t-on pas, en effet, les plus célèbres « tubes » des années
1934-1960, signés Salvador, Brassens, Bourvil, Trenet, Lapointe, Gainsbourg,
Ouvrard, Béart, Douai, Montand, Mouloudji, Vian et autres joyeux compagnons…
Maman, les p’tits bateaux, 13 chansons de toujours avec un orchestre symphonique, interprétées
par Jean René. Éponymes (www.editions-eponymes.fr) :
EPO 85. Distr. Harmonia Mundi.
Soutenu
par d’imaginatifs arrangements (pour orchestre & chœur d’enfants) signés du
violoncelliste japonais Naoki Tsurusaki, Jean René reprend avec
bonheur quelques « incontournables » : Il était un petit navire, Au clair de la lune, Lundi matin, Il était un
petit homme, Gentil coquelicot, À la volette, À la claire fontaine, Le bon roi
Dagobert, Dans la forêt lointaine, Maman les p’tits bateaux, Polichinelle,
Bonjour ma cousine, Fais dodo Colas…
Christiane ORIOL (Paroles & musique) : À l’école de madame
Nicole et autres fariboles. Illustrations :
Bernadette Desprès. Éponymes (www.editions-eponymes.fr) : EPO 846. Distr. Harmonia Mundi.
Dix-neuf
chansons originales composent ce charmant bouquet, auquel l’Académie
Charles-Cros attribua son Grand Prix. À
partir de 2 ans. Arrangements pour
ensemble instrumental & chorale d’enfants par Gérard Authelain (1 à
10), Jean-Luc Michel (11 à 16) & Patrick Leroux (17 à 19).
DVD
Swing ! Swing ! Swing par le
Chœur d’enfants Sotto Voce. Direction musicale : Scott
Alan Prouty. Piano :
Richard Davis. Spectacle sur une idée originale d’Emmanuel Touchard.
Chorégraphie : Evandra Martins. Chef de chœur adjoint : Mathieu Septier. Production Sotto Voce (www.sottovoce.fr). TT :
68’00.
Un régal
de chaque instant ! Fantaisie, imagination, humour… Même si les mouvements
scéniques mériteraient parfois quelque réglage, la bonne humeur de cette magnifique
troupe balaye tout ! Tournés live Salle Gaveau, pas moins de 16 titres composent ce joyeux salmigondis signé :
Misraki, Frank E. Churchill, Maurice Vandair, Albert Willemetz, Darry Cowl,
Bourvil, Gershwin…
Francis Gérimont.
An evening with Renée Fleming. Berliner Philharmoniker, dir. Ion Marin. Blu-ray Disc EuroArts : 2058074. TT : 125’.
Le
traditionnel concert estival donné, en plein air, par l’Orchestre
philharmonique de Berlin, dans le cadre magnifique de la Waldbühne, était dirigé,
en 2010, par le chef roumain Ion Marin. Un florilège d’extraits
orchestraux et d’airs d’opéra (Moussorgski, Dvořák, Khatchatourian,
Strauss, Wagner, Korngold, Elgar, Puccini, Leoncavallo, Tchaïkovski) mettait en
valeur la voix de la grande soprano américaine Renée Fleming. Un spectacle naturel, une atmosphère
détendue, une ambiance de pique-nique, une façon inhabituelle et sympathique
d’aborder la musique classique, avec
de plus une technologie « Blue-ray » irréprochable.
Patrice Imbaud.
***
Haut
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Novembre - Décembre 2011 - n° 573
|
Septembre-Octobre 2011 - n° 572 |
Le grand ouvrage de James Lyon :
Leoš Janácek, Jean Sibelius et Ralph Vaughan Williams. Un cheminement commun
vers les sources
VIENT DE SORTIR AUX EDITIONS BEAUCHESNE.
James Lyon est l'auteur de JOHANN SEBASTIAN BACH : CHORALS.
Arnaud DELALANDE : Philomène et les ogres. Illustrations : Charles Dutertre. « Albums, contes & mythologies », Gallimard Jeunesse/Giboulées. 25,4 x
29,5 cm, 48 p. CD inclus (TT : 26’00).
« Il ne faut jamais s'aventurer dans la forêt, il y a
des ogres » avait pourtant prévenu sa maman. Mais Philomène n'en fait qu'à
sa tête. Perdue au milieu des bois,
elle découvre une bien étrange chaumière. Elle entre s'y réfugier où elle se
retrouve nez à nez avec un ogre. De
peur, elle s'évanouit. À son réveil,
elle se retrouve dans la peau d'une ogresse. Attachée à de lourdes chaînes, des enfants dansent autour
d'elle... Philomène redeviendra-t-elle
une petite fille ? Parviendra-t-elle à se délivrer du sortilège de la forêt noire ? Et qui sont réellement ces ogres qui
peuplent la forêt ?
Laëtitia Girard.
***
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Liste des dépositaires Baccalauréat 2012 :
Paris
EUROPA MUSIC
27, Boulevard Beaumarchais
75004 Paris
Tel.: 01 44 54 36 15
LIBRAIRIE GIBERT JEUNE
27, Quai Saint-Michel
75005 Paris
Tel.: 01 56 81 22 22
LIBRAIRIE GIBERT JOSEPH
26, Boulevard Saint-Michel
75005 Paris
Tel.: 01 44 41 88 88
LIBRAIRIE LA FLUTE DE PAN
49, Rue de Rome
75008 Paris
Tel.: 01 42 93 81 70
LIBRAIRIE MONNIER
55, Rue de Rome
75008 Paris
Tel.: 01 45 22 14 28
LIBRIS MUSICAE
38, Rue Dunois
75647 Paris Cedex 13
Tel.: 06 62 06 73 24
LIBRAIRIE MUSICALE FALADO
6, Rue Léopold Robert
75014 Paris
Tel.: 01 43 20 56 78
FORUM HARMONIA MUNDI
Cité de la Musique
221, Avenue Jean Jaurès
75019 Paris
Tel.: 01 53 19 90 23
En Région Parisienne
LIBRAIRIE MUSIC STUDIO
13, Rue Saint Rémy
77100 Meaux
Tel.: 01 64 35 02 58
LIBRAIRIE LA GAITÉ MUSICALE
34, Avenue de Saint Cloud
78000 Versailles
Tel.: 01 39 50 75 44
LIBRAIRIE LA BOUTIQUE DU CONSERVATOIRE
38, Rue du vieux Versailles
78000 Versailles
Tel.: 01 39 51 91 97
LIBRAIRIE AU PONT DES ARTS
6, Rue Leroux
94100 Saint Maur
Tel.: 01 48 83 54 94
CONSORTIUM MUSICAL DISTRIBUTION
18 bis, Rue Rechteiner
95100 Argenteuil
Tel.: 01 39 61 55 74
LIBRAIRIE MUSICALIA
14, Rue de Puisaye
95880 Enghien-les-Bains
Tel.: 01 39 64 65 86 |
En région
LIBRAIRIE JULIEN PIANO
100, cours Julien
13006 Marseille
Tel.: 04 91 47 20 20
Librairie LMI
2, rue des Trois Mages
13006 Marseille
Tel : 04 95 08 20 82
Fax : 04 88 56 85 55
LIBRAIRIE MILONGA
Les espaces de la Sainte-Baume
30, Avenue du château de Jouques
Bât. A8
13420 Gemenos
Tel.: 04 42 32 52 20
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14000 CAEN
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34000 Montpellier
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3bis Quai Adolphe Merle
34200 Sète
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34967 Montpellier cedex
Tel.: 04 67 06 78 78
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Tel.: 02 99 38 71 49
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35007 Rennes Cedex
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9, Rue Porte Chartraine
41000 Blois
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44000 Nantes
Tel.: 02 40 69 59 31
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59200 Tourcoing
Tel. : 03 20 70 29 71
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12, Rue d’Etigny
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67000 Strasbourg
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69001 Lyon
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69002 Lyon
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