Lettre d'information - no 123 novembre décembre 2018
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LA RÉDACTION - NOUS ÉCRIRE - SOUMETTRE UN ARTICLE
En Juin dernier, Samuel Andreyev nous présentait une analyse de “Clarinet and Percussion”
(1981) de Morton Feldman . Ce mois-ci, il s’intéresse ici au Kammerkonzert de Ligeti , une
oeuvre incontournable du XXème siècle. Pour le jeune lecteur francophone, l’apport
pédagogique y est double: Andreyev, qui écrit de la poésie à ses heures perdues, est
extrêmement méticuleux dans les termes qu’il emploie, et incarne le “prof parfait” pour tout
étudiant désireux de se lancer dans des études musicales/musicologiques, en anglais. Mais
Andreyev est également compositeur, et il parvient donc à décortiquer le fameux
Kammerkonzert en praticien, cernant jusque dans leurs moindres détails les techniques et
autres stratégies élaborées par Ligeti.
L’apprentissage de la musique aujourd’hui ne peut plus ignorer les avancées technologiques
dans le domaine du son. Dans un contexte de “recherche en art sonore”, Peter Sinclair nous
présente donc le projet original locus sonus , dont la “ soundmap ” permet à l’internaute, à tout
moment, d’aller écouter l’un des microphone ouverts quelque part sur le globe.
Enfin, l’Éducation Musicale annoncera dorénavant à chaque numéro la programmation des
MONDAY EVENING CONCERTS , lieu prestigieux de la création contemporaine à Los Angeles, et
s'apercevra que, dans ce cas précis, l’esthétique californienne n’est pas si éloignées de
celles de Berlin, Londres ou Paris.
Le prochain numéro fera paraître la suite de l’analyse de Carlos de Castellarnau sur La
Passion selon Marc Auschwitz de Michaël Lévinas.
Promouvoir les bonnes pratiques dans tous les domaines du son, telle est la mission que s’est fixée l’association La Semaine du Son. Depuis 2004, elle organise chaque année, en janvier, une semaine de manifestations sur des problématiques liées au son selon une approche transversale : culturelle, médicale, industrielle, pédagogique et économique.
Son action reconnue est reconnue mondialement avec l’adoption, en octobre 2017, de la Résolution 39C/49 de l’UNESCO « L’importance du son dans le monde actuel : promouvoir les bonnes pratiques »
http://www.lasemaineduson.org/la-charte-de-la-semaine-du-son-931
Au programme de la Semaine du Son 2019 :
Santé auditive
Les thérapies par le son
Les apports des thérapies fondées sur la musique et le sonore dans l’atténuation des douleurs et dans l’amélioration du bien-être des patients, notamment en psychiatrie, en audiologie, en gérontologie, illustrés par des exemples de réalisations significatives d’éminents spécialistes.
Lundi 21 janvier de 19h à 21h
Amphithéâtre Laroque - Ministère de la Santé - Paris
Acoustique et environnement sonore
Le son, élément structurant de l’urbanisme
Conférence / débat en présence de Roland Castro, architecte et urbaniste
Lancement du Concours National d’Architecture et de Design Urbain
Mardi 22 janvier de 14h à 17h
Salle XI – UNESCO – Paris 7e
Pédagogie
6e Forum des formations supérieures aux métiers du son
Mercredi 23 janvier de 13h30 à 17h30.
Le Tipi sur le campus Jussieu de Sorbonne-Université – Paris 5e
Concert de gala
30e anniversaire du Concert des Nations sous la direction de Jordi Savall, parrain de la Semaine du Son 2019, ambassadeur de la paix auprès de l’Unesco
Mercredi 23 janvier en soirée de 20h00 à 22h00
UNESCO - Grande Salle – Paris 7e
Relation image et son
Remise des prix de la 2e édition du Concours Quand le son crée l’image
Suivie d’une table ronde sur la relation image et son dans deux œuvres cinématographiques conservées à la BnF
Jeudi 24 janvier de 18h30 à 20h
Petit auditorium de la Bibliothèque nationale de France – Site François-Mitterrand
Expression musicale
Séance d’improvisation en hommage à Didier Lockwood
Lieu confirmé prochainement
Dimanche 27 janvier après-midi
Proposée par le compositeur Greco CASADESUS.
En présence de Andy EMLER, Jean-Claude CASADESUS…
Techniques d’enregistrement et de diffusion
Conférence débat sur la Radio Numérique Terrestre
Les nouveaux usages des utilisateurs, les possibilités offertes et les évolutions
Samedi 26 janvier de 15h à 17h
Grande Halle de la Villette en clôture du Salon de la Radio
En partenariat avec le CSA et le Salon de la Radio.
Programme et inscription aux différents événements : http://www.lasemaineduson.org/-le-programme-379-
L’Éducation Musicale et La Semaine du Son vous invitent à la soirée exceptionnelle célébrant le 30e anniversaire du Concert des Nations dirigé par Jordi Savall, mercredi 23 janvier 2019 à 20h, à l’Unesco.
Cliquez ici pour réserver votre place (dans la limite des disponibilités.)
La Semaine du Son - 52, rue René Boulanger 75010 PARIS – Tel. 01 42 78 10 15 – Fax 01 48 03 43 13
http://www.lasemaineduson.org - contact@lasemaineduson.org
Un mélange de sons, de musiques et de mots sur le mode de la conversation. Une émission conçue et préparée par Christine Esclapez & Jean-Marc Montera.
Chaque mois, depuis octobre 2018, la chercheuse-musicologue & l’artiste-musicien
reçoivent un ou une invité.e et dialoguent avec lui ou elle autour de son rapport à la musique
et au son. De façon sensible mais aussi réflexive, « Sur le bout de la langue » est une
occasion pour parler d’esthétique de la musique, de musicologie, de pratiques et d’écoutes
musiciennes, mais aussi artistiques et quotidiennes. Sans se prendre la tête, avec légèreté
et curiosité, « Sur le bout de la langue » est une émission qui accueille les « goûts des
autres ».
N° ISBN 978-2-37804-011-6
Après la publication en 2017 de La mémoire en acte, quarante ans de
création musicale, les Éditions MF et le Centre de documentation de la musique
contemporaine renouvellent leur collaboration avec un ouvrage consacré à la
situation des compositrices en activité en France, dressant un paysage musical
d’une grande diversité.
Au XXIe siècle, nous avons encore du mal à citer des noms de compositrices
de notre époque.
« Où sont les femmes ? Toujours pas là ! » affirme régulièrement la Société
des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Cette inégalité entre les
hommes et les femmes dans le spectacle vivant est aujourd’hui injustifiable.
Les professions musicales comptent parmi les premières à avoir offert aux
femmes un accès à des activités qualifiées. Au fil du temps, nombreuses ont
été les compositrices qui ont laissé une oeuvre importante, alors que les
histoires de la musique successives ont procédé à leur effacement. À la
Renaissance, on pouvait compter sur les doigts d’une main le nombre de
compositrices. Aujourd’hui, certes, elles sont plus nombreuses, mais elles
restent encore très minoritaires ; ainsi en France, elles ne représentent que
10% des compositeurs de musique.
L’égalité entre les hommes et les femmes a été consacrée Grande cause
nationale pour le quinquennat 2017-2022. Le Cdmc a souhaité apporter une
contribution à cette mobilisation. Ce livre rassemble les portraits de cinquantetrois
compositrices issues de vingt nationalités différentes, avec les points de
vue d’une trentaine d’auteurs, musicologues, historiens, philosophes,
chercheurs, journalistes.
C’est un parcours dans le paysage musical des compositrices en France au
vingt et unième siècle qui est ici proposé.
sortie en librairie
12 février 2019
Direction éditoriale : Laure Marcel-Berlioz
Omer Corlaix, Bastien Gallet
Nous avons déjà publié une traduction d’une très belle analyse de Clarinet and Percussion de Morton Feldman par Samuel Andreyev. Le compositeur Canadien propose ici un travail méticuleux d’explication d’une oeuvre incontournable du 20ème siècle: le Kammerkonzert de Ligeti, un outil incontournable pour l’étudiant désireux d’améliorer son anglais musicologique en analysant jusque dans les moindres détail les techniques compositionnelles de Gyorgy Ligeti, que Stanley Kubrick a rendu célèbre en utilisant Lux Aeterna dans “2001 Odyssée de l’espace”, libérant alors la musique atonale de son carcan académique.
1. Hi, I’m Samuel Andreyev. I’m a composer, and today I’m going to look closely at one of the most significant pieces of music of the late 20th century, the Kammerkonzert of György Ligeti
1. Bonjour, je suis Samuel Andreyev. Je suis un compositeur et je vais aujourd’hui regarder de près l’un des morceaux de musique les plus importants de la fin du 20ème siècle, le Kammerkonzert de György Ligeti.
2. The music of György Ligeti is especially fascinating because it combines a desire to explore new sonic territory — rethinking the art of composition from the ground up — with an almost childlike directness of perception and expression. This combination of qualities was unusual in the context of postwar European music, which can sometimes be difficult to appreciate upon a first hearing. Ligeti had a great power of seduction, and no matter how strange his music, he always draws you into his world immediately.
2. La musique de György Ligeti est particulièrement fascinante car elle combine un désir d’explorer de nouveaux territoires sonores - en repensant l’art de la composition à partir de zéro - avec une immédiateté impression de perception et d’expression presque enfantine. Cette combinaison de qualités était inhabituelle dans le contexte de la musique européenne d'après-guerre, ce qui peut parfois être difficile à apprécier lors d'une première audience écoute. Ligeti avait un grand pouvoir de séduction et, aussi étrange que soit sa musique, il vous attire immédiatement dans son monde.
3. The Kammerkonzert, written in 1969-70, is one of these rare works that satisfies on every level. Besides being extremely original, it had, and it is continuing to have, a massive influence on other composers. Yet at the same time, it is a perfectly constructed work in which every detail, every note has been carefully considered. It is a riveting experience to listen to the piece in concert. The more times I hear it, the more I am impressed with its fundamental strangeness, allied with its expression of a powerful musical vision.
3. Le Kammerkonzert, écrit en 1969-70, est l'une de ces œuvres rares qui satisfont à tous les niveaux. En plus d'être extrêmement originale, elle a eu et continue d'avoir une influence considérable sur les autres compositeurs. En même temps, c'est un travail parfaitement construit dans lequel chaque détail, chaque note a été soigneusement considérée. Écouter cette pièce en concert est une expérience fascinante. Plus je l'entends, plus je suis impressionné par son étrangeté fondamentale, alliée à l'expression d'une vision musicale puissante.
4. So how exactly did Ligeti achieve this? What makes a piece like this tick? Before I attempt an answer, I’d like to put this composer into historical context and say a few things about his life. Next I’ll walk you through the first movement, section by section, and finally, I’ll reveal some of the inner workings of this very intricate piece.
4. Alors, comment exactement Ligeti a-t-il réussi cela? Qu'est-ce qui fait que cette pièce sonne? Avant de tenter une réponse, je voudrais replacer ce compositeur dans un contexte historique et dire quelques mots sur sa vie. Ensuite, je vous présenterai le premier mouvement, section par section, et enfin, je mettrai en édence quelques-uns des rouages de cette pièce très complexe.
BIOGRAPHICAL SKETCH
5. György Ligeti was born in Transylvania, Romania in 1923, making him somewhat older than Boulez (born in 1925) and Stockhausen (born in 1928). He lived in repressive, communist Hungary before escaping, facing considerable danger, to western Europe in 1956, later becoming an Austrian citizen.
NOTICE BIOGRAPHIQUES.
5. György Ligeti est né en Transylvanie (Roumanie) en 1923, ce qui le rend un peu plus âgé que Boulez (né en 1925) et Stockhausen (né en 1928). Il a vécu dans la Hongrie communiste répressive avant de s’échapper, se sentant en danger, en Europe occidentale en 1956 pour enfin devenir un citoyen autrichien.
HISTORICAL CONTEXT
6. Unlike most of his western colleagues of the same generation, Ligeti worked in a relatively traditional style until he was well into his 30s. His compatriot Bela Bartók was, unsurprisingly, an important early influence. When Ligeti was a young composer, he was largely cut off from contemporary developments in Western music due to the highly insular culture of Hungary at the time, although he was able to hear illicit radio broadcasts of avant garde music in the 1950s, and gradually became aware of the strange and exciting music that was being written elsewhere.
When he finally made it to Austria in the late 1950s, he was welcomed by Stockhausen, who helped him with practical matters and even allowed him to stay at his house in Cologne for a period. There he was finally able to exchange with a colleague about the concerns of the younger generation of composers. Finally free to explore, his music evolved quickly. He was encouraged and emboldened by the community of composers he met in the west, yet his music diverged from theirs in many important respect
CONTEXTE HISTORIQUE 6. Contrairement à la plupart de ses collègues occidentaux de la même génération, Ligeti a travaillé dans un style relativement traditionnel jusqu'à la trentaine. Son compatriote Bela Bartók a eu incontestablement sur lui une influence importante. Quand Ligeti était un jeune compositeur, il fut en grande partie coupé des développements contemporains de la musique occidentale en raison de la culture hautement insulaire de la Hongrie à l’époque, bien qu’il ait pu entendre des émissions radio illicites de l’avant-garde musicale des années 50 et devienne conscient de l'excitante étrangeté des musiques qui étaient entrain de s”’écrire. Quand il arriva en Autriche à la fin des années 50, il y fût accueilli accueilli par Stockhausen, qui l'aida dans ses démarches pratiques, ce qui lui permît de rester chez lui à Cologne pendant un certain temps. Il pût enfin échanger avec un collègue sur les préoccupations de la jeune génération de compositeurs. Enfin libre d'explorer, sa musique évolua rapidement. Il fût encouragé par la communauté de compositeurs qu'il rencontrait dans le bloc Ouest bien que sa musique en diverge sur sur plusieurs points importants.
7. The first is that unlike many of his colleagues, he was never interested in serialism — a technique that had far-reaching consequences for European music for decades. Ligeti remained strongly tied to the classical tradition in the sense that his music is nearly always both directional and dialectical — qualities that made his music all but incompatible with the serial approach. Works such as Boulez’ Third Piano Sonata, or Nono’s Il Canto Sospeso, are universes in perpetual expansion, with neither center nor periphery. In this style, audible repetition is unlikely or even impossible, patterns are buried or difficult to detect, and there is often no sense of linear progression.
7. Le premier est que, contrairement à beaucoup de ses collègues, il ne s'est jamais intéressé au sérialisme - une technique qui eut des conséquences considérables sur la musique européenne pendant des décennies. Ligeti restait fortement attaché à la tradition classique au sens où sa musique est presque toujours à la fois directionnelle et dialectique - qualités qui rendaient sa musique incompatible avec l'approche sérielle. Des œuvres comme la Troisième sonate pour piano de Boulez ou Il Canto Sospeso de Nono sont des univers en perpétuelle expansion, sans centre ni périphérie. Dans ce style, la répétition n’est pas audible et même impossible, les motifs sont enterrés ou difficiles à détecter, et il n'y a souvent aucun sens de progression linéaire.
. Ligeti was fascinated by this music, but also unable to subscribe to its methodology. In virtually everything he wrote, there is an undercurrent of directional force guiding the music and also, by extension, the listener. And it’s charged with conflicting opposites: high against low, light against dark, rapid movement against stasis. Any quality present in a particular moment of a Ligeti composition also has its opposite somewhere in the work. Ligeti was intensely preoccupied with restoring this directional sense to music while retaining the desire to explore common to all avant gardists. So what about this piece — what was Ligeti setting out to do with it?
8. Ligeti était fasciné par cette musique, mais en même temps incapable de souscrire à sa méthodologie. Dans pratiquement tout ce qu'il a écrit, il y a un courant sous-jacent, une force directionnelle guidant la musique et, par extension, l'auditeur. Et elle est chargée d’oppositions contradictoires: haut contre bas, léger contre sombre, mouvement rapide contre la stase. Toute qualité présente dans un moment particulier d'une composition de Ligeti a également son contraire quelque part dans l'œuvre. Il était intensément préoccupé par l’idée de restaurer ce sens directionnel de la musique tout en conservant le désir d'exp lorer commun à tous les avant-gardistes. Alors cette pièce là - qu'est-ce que Ligeti voulait en faire?
THE KAMMERKONZERT 9. The Kammerkonzert, or Chamber Concerto, was written between 1969 and 1970, at a time when Ligeti was enjoying an extraordinary degree of success and popularity. His music had recently been featured in Stanley Kubricks’s 1968 film 2001 : A Space Odyssey, catapulting him to international prominence, much to his surprise. He had recently composed some of his strongest mature works, including the Second String Quartet. And while the Kammerkonzert does relatively little to advance the style that he had perfected by that point, it does show it in a particularly colourful light.
LE KAMMERKONZERT 9. Le Kammerkonzert, ou Concerto de chambre, a été écrit entre 1969 et 1970, à une époque où Ligeti jouissait d'un succès et d'une popularité extraordinaires. Sa musique avait récemment figuré dans le film de Stanley Kubricks, “2001: A Space Odyssey”, qui le propulse au premier plan international à sa grande surprise. Il avait récemment composé certaines de ses œuvres les plus fortes, dont le Second Quatuor à cordes. Si le Kammerkonzert ne fait pas grand chose pour faire avancer le style qu'il a perfectionné jusque là, il le montre dans une lumière particulièrement colorée.
10. Ligeti’s Kammerkonzert is related to the baroque Concerto Grosso form, in which each of the various subgroupings of an instrumental ensemble is called upon in turn to perform at a high level of virtuosity. But it also brings to mind its most famous precedent, the Kammerkonzert by Alban Berg. In his work of this period Ligeti had a certain reticence with regards to the concerto form, not wishing to base his music on an overly obvious confrontation between a soloist and an ensemble, instead tending to attenuate this opposition. This work is a good example of that, as is the Cello Concerto of 1966, in which the soloist is barely distingushable from the main group of performers.
10. Kammerkonzert de Ligeti est lié à la forme baroque du Concerto Grosso, dans laquelle chacun des différents sous-groupes d’un ensemble instrumental est appelé à jouer à son tour à un niveau élevé de virtuosité. Mais cela rappelle aussi son précédent fameux, le plus célèbre, le Kammerkonzert d'Alban Berg. Dans son travail à cette époque Ligeti avait une certaine réticence pour la forme concerto, ne souhaitant pas fonder sa musique sur une confrontation trop évidente entre un soliste et un ensemble, et voulant plutôt atténuer cette opposition. Ce travail en est un bon exemple, tout comme le concerto pour violoncelle de 1966, dans lequel le soliste se distingue à peine du groupe principal des interprètes.
11. The work is written, as is often the case with Ligeti’s major works, in several contrasting movements, and it is unusually scored for 13 soloists: 4 wind instruments, two brass, two keyboards and a string quintet. Because it would take many hours to present the whole piece in detail, I will focus on some specific features of the first movement.
12. Ligeti is at his best when he is dealing with a severe compositional constraint of some sort. For instance, the opening section of the Cello Concerto features nothing but a single note – a unison E, spreading through the entire orchestra with various colourations and changes of intensity. In his early cycle of piano pieces, the Musica Ricercata, he limits himself to only a limited number of pitches in each piece, with the first containing only two notes, the second containing three, and so on, until the total chromatic is reached in the 11th.
12. Ligeti est à son meilleur lorsqu'il écrit sous une contrainte compositionelle importante. Par exemple, la section d'ouverture du concerto pour violoncelle ne présente qu'une seule note - un mi en unison, diffusée dans tout l'orchestre avec différentes couleurs et différents changements d'intensité. Dans son premier cycle de morceaux de piano, le Musica Ricercata, il se limite à un nombre limité de hauteurs dans chaque pièce, la première ne contenant que deux notes, la seconde contenant trois notes, et ainsi de suite jusqu'à ce que le chromatique total soit atteint. le 11
ANALYSIS 13. The Kammerkonzert also focuses on a highly specific process. The entire opening of the work uses only a narrow, gradually-expanding major 3rd cluster, spanning Gb to Bb, that opens up semitone by semitone. This simple linear process is as far as one could possibly get from the frenetic harmonic rhythm favoured by most of the then-prominent European composers, and yet it’s neither simple nor boring — Ligeti turns it into complete sonic magic.
ANALYSE 13. Le Kammerkonzert se concentre également sur un processus très spécifique. L'ouverture de l'œuvre n'utilise qu'un cluster progressif de tierces majeures allant de Solb à Sib se déployant de demi-ton en demi-ton. Ce simple processus linéaire est aussi loin que possible du rythme harmonique frénétique privilégié par la plupart des principaux compositeurs européens de l’époque. Pourtant ce n’est ni simple ni ennuyeux — Ligeti transforme totalement cela en magie sonore.
14. The use of instrumental timbre in this piece is as important, and possibly even more important, than the pitches and rhythms. The first thing we see here is that Ligeti is exclusively using instruments that have a relatively pure and transparent overtone spectrum : the flute in the low register, the clarinet in its middle register, and the bass clarinet in its medium-high register, combined with the cello and bass playing only harmonics. This is a very deliberate choice, as it results in a liquid and transparent sound at a low dynamic.
14. L'utilisation du timbre dans cette pièce est aussi importante et peut-être même plus importante que les hauteurs et les rythmes. La première chose que nous voyons ici est que Ligeti utilise exclusivement des instruments ayant un spectre harmonique relativement pur et transparent: la flûte dans le registre basse, la clarinette dans son registre médian et la clarinette basse dans son registre moyen-haut, combinées au violoncelle et à la contrebasse qui ne jouent que des harmoniques. C'est un choix très délibéré car il en résulte un son liquide et transparen à faible dynamique.
15. We also notice that there is a generalized principle of pitch and rhythmic complementarity. That’s a way of saying that when the flute is playing one pitch, the clarinet will be playing a different pitch, and so on, so that the resulting vertical sonority always consists of different pitches within the narrow confines of a major 3rd cluster. When we look at the rhythms, we see the same principle in operation. Ligeti ensures that no two instruments ever duplicate the same rhythm, thereby avoiding any perception of pulse, or strong versus weak beats in the music. So for example, at the end of bar 1, we see a quintuplet in the flute, a sextuplet in the clarinet, a triplet in the bass clarinet, and a duplet in the cello. And yet, if you look at each individual part, you also see a continually changing array of rhythmic figures.
15. Nous remarquons également qu'il existe un principe généralisé de hauteur et de complémentarité rythmique. C’est une façon de dire que lorsque la flûte joue un son, la clarinette jouera un son différent et ainsi de suite de sorte à ce que la sonorité verticale résultante se compose toujours de hauteurs différentes dans les limites étroites d’un groupe de tierces majeures. Quand on regarde les rythmes, on voit le même principe en fonctionnement. Ligeti s’assure que deux instruments ne reproduisent jamais le même rythme, évitant ainsi toute perception de la pulsation, ou des temps forts ou faibles dans la musique. Ainsi, par exemple, à la fin de la barre 1 on voit un quintolet dans la flûte, un sextuoet dans la clarinette, un triolet à la clarinette basse et un duolet au violoncelle. Et pourtant, si vous regardez chaque partie, vous voyez également un ensemble de figures rythmiques en constante évolution.
16. Looking horizontally at the clarinet part, we see a dotted eighth, a quintuplet, a sextuplet, a quintuplet and so on. So each individual horizontal strand is a coherent voice written in a continually changing array of rhythmic figures — as are the vertical superpositions of all the voices together at any given moment. This coherence of the vertical and horizontal dimensions stems directly from the principles of traditional counterpoint. The composer writes in a footnote that the music is not to be thought of metrically – in other words, the barlines do not signify a division into weak and strong beats. Their only function is to allow the musicians to remain coordinated, the music itself being a flowing continuum of sounds.
16. En regardant horizontalement la partie de clarinette, on voit une croche pointée, un quintolet, un sextolet, un quintolet, etc. Ainsi, chaque brin horizontal est une voix cohérente écrite dans un ensemble de figures rythmiques en constante évolution, de même que les superpositions verticales de toutes les voix réunies à un moment donné. Cette cohérence des dimensions verticales et horizontales découle directement des principes du contrepoint traditionnel. Le compositeur écrit dans une note de bas de page que la musique ne doit pas être pensée métriquement - en d’autres termes, les barres de mesure ne signifient pas une division en temps faibles et forts. Leur seule fonction est de permettre aux musiciens de rester coordonnés, la musique étant elle-même un continuum de sons.
17. Much of the time, the Kammerkonzert proceeds with seamless transitions between one musical texture and the next. The music is always in a state of becoming. Let’s listen to the first 6 pages of the score. Pay special attention to the way in which the composer modulates between different groups within the instrumental ensemble: at first the winds predominate, then he fades in the strings, and finally the celesta (a keyboard instrument with a clear, bell-like sound). Notice how when the strings enter, they are playing gradually faster rhythms, which gives an internal movement and dynamism to this otherwise completely static music.
17. La plupart du temps, le Kammerkonzert procède à des transitions transparentes entre une texture musicale et la suivante. La musique est toujours en devenir. Écoutons les 6 premières pages de la partition. Portez une attention particulière à la manière dont le compositeur module entre différents groupes au sein de l’ensemble instrumental: au début, les vents prédominent, puis ils s’effacent dans les cordes, et finalement le célesta (un instrument à clavier avec un son clair). Remarquez que lorsque les cordes entrent, elles jouent des rythmes progressivement plus rapides, ce qui donne un mouvement interne et un dynamisme à cette musique par ailleurs complètement statique.
18. We are now one minute into the piece, and this entire time, the only harmonic material has been the major 3rd cluster. Also, up to this point, the music has proceeded by alternating groups of instruments: first the winds, then just the strings, and so on.
18. Nous sommes maintenant à une minute dans la pièce, à ce moment-là, le seul matériau harmonique est le cluster de tierces majeures. De plus, jusqu'à maintenant, la musique s'est déroulée en alternant des groupes d'instruments: d'abord les vents, puis juste les cordes, etc.
19. In bar 14, a very soft held note, played by the horn, is gradually introduced into the predominantely string-based texture. This pitch, a B natural, is in fact a significant structural marker as for the first time, we are hearing a new pitch. Moving forward, we will see that every time Ligeti introduces a new pitch or group of pitches, there is a corresponding change in texture or in gesture. The horn’s B natural is particularly significant in that it is the first time we have had a long held note in the piece.
19. Dans la mesure 14, une note très souple, jouée par le cor, est progressivement introduite dans une texture à base de cordes. Cette note, un si naturel, est en fait un marqueur structurel important car, pour la première fois, nous entendons une nouvelle hauteur. En allant de l'avant, nous verrons que chaque fois que Ligeti introduit une nouvelle hauteur ou groupe de hauteurs, il y a un changement correspondant de texture ou de geste. Le si naturel au cor est particulièrement important en ce sens que c’est la première fois que nous tenons une note longue dans la pièce.
20. At bar 20, we have an interesting notational feature in keeping with Ligeti’s style of this period: the harpsichord and celesta parts are written as a long continuum of grace notes, without any tempo or rhythmic figures; the notes simply are to be played prestissimo possibile, as fast as possible. This is a very effective compositional strategy as it allows Ligeti to remain in the same, constricted space while still creating a sudden, and very striking contrast in the musical texture. The compaction and stasis of the pitch space requires Ligeti to be as inventive as possible in the other sonic parameters, to keep the musical discourse flowing and dynamic.
20. A la mesure 20, nous avons une caractéristique de notation intéressante en accord avec le style de Ligeti de cette période: les parties de clavecin et de celesta sont écrites comme un long continuum d’ appoggiatures,( verif orth) sans aucun tempo ni figures rythmiques; les notes doivent simplement être jouées prestissimo possibile, aussi vite que possible. C'est une stratégie de composition très efficace car elle permet à Ligeti de rester dans le même espace restreint tout en créant un contraste soudain et très frappant dans la texture musicale. Le compactage et la stase de l’espacement des hauteurs exigent que Ligeti soit aussi inventif que possible dans les autres paramètres sonores pour que le discours musical reste fluide et dynamique.
21. Bar 25 presents yet another approach to the same material. Ligeti leaves out certain pitches, focusing only on G, A, B flat and C – in other words, a fragmentary diatonic scale in G minor. This results in a hollowing out of the pitch space, and a somewhat simpler, more transparent texture.
21. La mesure 25 présente encore une autre approche du même matériau. Ligeti laisse de côté certains emplacements, se concentrant uniquement sur sol, la, si et do - en d’autres termes, une échelle diatonique fragmentaire en sol mineur. Cela se traduit par un évidement de la hauteur et une texture un peu plus simple et plus transparente.
22. Up to this point, the music has been somewhat featureless, presenting nothing that could be described as a fixed object with definite contours; rather, the music has had a cloud-like, or water-like quality. The first time we hear something that has the quality of an object is at bar 31, with two short phrases played by the wind group. Here we have all four wind instruments playing in unison — almost. The first figure, which is only 4 beats long, starts out with everyone playing together, and as you can see, by the end they have become slightly desynchronized:
22. Jusque-là, la musique était quelque peu dépourvue de caractéristiques, ne présentant rien qui puisse être décrit comme un objet fixe aux contours définis; la musique a plutôt une qualité semblable à un nuage ou à l'eau. La première fois que nous entendons quelque chose qui a la qualité d'un objet c’est à la mesure 31 avec deux courtes phrases jouées par le groupe de svents. Ici, nous avons les quatre instruments à vent jouant à l'unisson - presque. Le premier chiffre, qui ne dure que 4 temps, commence par tout le monde jouant ensemble et, comme vous pouvez le voir, à la fin, ils sont légèrement désynchronisés:
23. The same thing happens in the 2nd phrase, which is one beat shorter, the better to put across the impression of increasing tension in the music:
23. La même chose se produit dans la deuxième phrase qui est plus courte pour mieux donner l’impression d’une tension croissante dans la musique:
24. At bar 35, there is a gradual rarefaction in the music, the harmony becoming progressively thinned out until only a single violin playing a C#/D trill remains:
24. À la mesure 35, il y a une raréfaction graduelle dans la musique, l'harmonie devenant progressivement moins dense jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un seul violon jouant un trille Do# / Ré:
25. At this point, Ligeti presents a startling gesture : a single note, E flat, played in widely-spaced octaves by the entire ensemble, at a dynamic level of pianissimo. This is a signal, indicating that we have arrived at the end point of the initial process of gradual expansion of the cluster:
25. À ce stade, Ligeti présente un geste surprenant: une seule note, Mi bémol, jouée à des octaves très espacées dans l'ensemble, à une dynamique pianissimo. Ceci est un signal, indiquant que nous sommes arrivés au point final du processus initial d'expansion progressive du cluster:
26. Of course, the listener doesn’t areally hear the music this way. Instead, your attention is likely to be more focused on the sudden changes of gesture and texture upon which so much of Ligeti’s music depends. However, these changes are made more subtle, and more musically satisfying, by the underlying harmonic processes that give them a function and a direction.
26. Bien entendu, l’auditeur n’entend pas la musique de cette manière. Au lieu de cela, votre attention sera probablement plus concentrée sur les changements soudains de gestes et de textures dont dépend en grande partie la musique de Ligeti. Cependant, ces processus sont rendus plus subtils et plus satisfaisants musicalement par les processus harmoniques sous-jacents qui leurs donnent une fonction et une direction.
27. At bar 39, Ligeti starts over with an entirely new texture. While the Eb octaves are still dying out, he brings in a Hammond organ — a timbre that he has not used up to this point — which plays a slow chorale, buttressed by unison colorations coming from the brass. The chorale, which sounds vaguely diatonic, has a simple fan-like shape. But instead of the rising chromatic cluster we heard at the outset of the piece, this chorale expands downwards, with its top note – E natural – serving as a sort of ‘ceiling’ beyond which the sound cannot go. The chorale uses the entire chromatic scale, with one notable exception — the note E flat, which signaled the end of the preceding section, is missing. Overall, the texture of this chorale sounds almost like a parody of liturgical music, with wind instruments doubling an organ — but here, with quite lugubrious results.
27. À la mesure 39, Ligeti recommence avec une texture entièrement nouvelle. Alors que les octaves de mi bémol sont toujours en train de disparaître, il introduit un orgue Hammond - un timbre qu'il n'a pas utilisé jusqu'à présent - qui joue un choral lent, renforcé par des coloris à l'unisson provenant des cuivres. Le choral, qui semble vaguement diatonique, a une forme simple en éventail. Mais au lieu du groupe chromatique ascendant que nous avons entendu au début de la pièce, ce choral s’agrandit vers le bas, avec sa note supérieure - mi naturel - servant de «plafond» au-delà duquel le son ne peut pas aller. Le choral utilise toute la gamme chromatique, à une exception notable près: il manque la note mi bémol qui signale la fin de la section précédente. Globalement, la texture de ce choral ressemble presque à une parodie de la musique liturgique, les instruments à vent doublant un orgue - mais ici, avec des résultats assez lugubres.
28. Now we are starting to see the logic of Ligeti’s compositional method in this piece. He sets a linear process in motion, and once it’s reached its logical end, he introduces a sudden rupture in the musical fabric, and begins a complementary process. The music is always, in some manner, suspended between two opposing poles — an idea familiar from the classical sonata principle.
28. Nous commençons maintenant à voir la logique de la méthode de composition de Ligeti dans cette pièce. Il met en branle un processus linéaire et, une fois qu’il a atteint sa fin logique, il introduit une rupture soudaine dans le tissu musical et entame un processus complémentaire. La musique est toujours en quelque sorte suspendue entre deux pôles opposés - une idée familière du principe de la sonate classique.
29. Following the harmonium chorale, the more animated, prestissimo material we heard previously begins to return. Here too, Ligeti is exploring a dialectic between stasis and sudden, rapid movement.
29. Après le choral harmonium, le matériel le plus animé et le plus prestigieux que nous avons entendu précédemment commence à revenir. Ici aussi, Ligeti explore une dialectique entre stase et mouvement soudain et rapide.
30. At letter P, Ligeti introduces a short, 6-note ‘theme’ of sorts. The appearance of this melody, heard in widely-spaced octaves, is of course deliberately incongruous in the context of this decidedly a-thematic music. The composer himself once remarked that he wanted the Kammerkonzert to create an effect similar to looking through a body of water covered by a sheet of ice, and observing various blurry and half-distinct objects through it. This theme is an example of his way of showing you a striking, unusual idea, only to yank it away practically practically before it’s begun. A closer look at this theme reveals it to be constructed, along with practically everything in this piece, out of a simple chromatic fragment: a 6-note scale covering all the chromatic pitches between D and G.
30. À la lettre P, Ligeti introduit un court thème de six notes. L’apparence de cette mélodie, entendue dans des octaves largement espacées, est bien entendu délibérément incongrue dans le contexte de cette musique résolument thématique. Le compositeur a lui-même fait remarquer un jour qu'il souhaitait que le Kammerkonzert produise un effet similaire à celui d'un plan d'eau recouvert d'une couche de glace et qu'il observe divers objets flous et semi-distincts. Ce thème est un exemple de sa façon de vous montrer une idée frappante et inhabituelle, tout en la retirant pratiquement avant qu’elle ne commence. En regardant de plus près ce thème, on découvre qu’il a été construit, avec pratiquement tout dans cette pièce, à partir d’un simple fragment chromatique: une échelle de 6 notes couvrant toutes les hauteurs chromatiques entre ré et sol.
31. Much of this piece is written with a technique that Ligeti described as ‘micro-polyphony’. This is a way of creating an overall texture through the combination of many individual lines that are perhaps best understood as individual grains of sand on a beach. The individual notes themselves are not important, as the music is too dense and complicated for the listener to follow individual lines in the polyphony. Instead, one follows the overall envelope of the music, its shape, and the way it transforms over time. Yet this is still true polyphony — and it’s written in a very sophisticated way.
31. Une grande partie de cette pièce est écrite avec une technique que Ligeti a qualifiée de «micro-polyphonie». C'est une façon de créer une texture globale en combinant de nombreuses lignes individuelles que l'on peut mieux comprendre comme des grains de sable individuels sur une plage. Les notes individuelles elles-mêmes ne sont pas importantes, car la musique est trop dense et compliquée pour que l'auditeur suive les lignes individuelles de la polyphonie. Au lieu de cela, on suit l'enveloppe globale de la musique, sa forme et la manière dont elle se transforme avec le temps. Pourtant, cette polyphonie est toujours vraie - et elle a été écrite de manière très sophistiquée.
POLYPHONIC STRUCTURE 32. Now I’d like to look at the ingenious way that Ligeti structures his polyphonic voices in the first section of the piece. Remember, he has only a very restricted space within which to work for the first several minutes of the piece – just a major 3rd. Nevertheless, he manages to use this space in the most flexible and varied way imaginable. How does he achieve this? Let’s take a look.
STRUCTURE POLYPHONIQUE 32. Maintenant, je voudrais regarder la manière ingénieuse dont Ligeti structure ses voix polyphoniques dans la première partie de la pièce. Rappelez-vous qu'il ne dispose que d'un espace très restreint pour travailler pendant les premières minutes de la pièce - juste une tierce majeure. Néanmoins, il parvient à utiliser cet espace de la manière la plus flexible et la plus variée possible. Comment y parvient-il? Nous allons jeter un coup d'oeil.
33. To start with, let’s look at the first four bars of the flute part. It contains 39 individual pitches — in other words, a bunch of notes. But if we look closely at these pitches, we notice that they contain every possible combination of two tones within the space of a major 3rd – both rising and falling minor and minor 2nds and 3rds. So already, we can see that Ligeti is seeking to exhaust the possibilities contained within his material. Now, let’s look at the clarinet part. It consists of 38 pitches. These pitches are in exactly the same order as the ones in the flute part – with one exception: the first is cut off. You’ll notice that both the bass clarinet and the cello sequences are preceded by the pitch A-flat – which is simply the final note of the 39-note sequence, wrapped around upon itself. I suspect that Ligeti has done this to help ensure that the canon is not directly perceptible as such.
33. Pour commencer, regardons les quatre premières mesures de la partie de flûte. Elles contiennent 39 emplacements individuels, en d'autres termes, un tas de notes. Mais si nous regardons de près ces hauteurs, nous remarquons qu'elles contiennent toutes les combinaisons possibles de deux tonalités dans l'espace d'une 3ème majeure, qu'il s'agisse de mineures et de mineures et de mineures ou de montantes. Ainsi déjà, nous pouvons voir que Ligeti cherche à épuiser les possibilités contenues dans son matériel. Maintenant, regardons la partie clarinette. Il se compose de 38 emplacements. Ces emplacements sont exactement dans le même ordre que ceux de la partie de flûte - à une exception près: le premier est coupé. Vous remarquerez que la clarinette basse et les séquences de violoncelle sont précédées par le pitch A-flat - qui est simplement la note finale de la séquence de 39 notes, enveloppée sur elle-même. Je soupçonne que Ligeti l'a fait pour s'assurer que le canon n'est pas directement perceptible en tant que tel.
34. Next, here’s the bass clarinet part. Again, the same sequence of pitches begins partway through the 2nd bar. Finally, let’s look at the cello and bass parts, which dovetail. We’re starting to see what’s happening here: it’s actually a canon, in other words the various voices are staggered imitations of each other. It’s not a strict rhythmic canon – Ligeti observes only the order of the pitches, and the rhythms themselves are free — but it’s a canon nonetheless.
34. Ensuite, voici la partie clarinette basse. Encore une fois, la même séquence de hauteurs commence à mi-chemin à travers la 2ème mesure. Enfin, regardons les parties de violoncelle et basse qui s’harmonisent. Nous commençons à voir ce qui se passe ici: c’est en fait un canon, c’est-à-dire que les différentes voix sont des imitations décalées les unes des autres. Ce n’est pas un canon rythmique strict - Ligeti n’observe que l’ordre des hauteurs, et les rythmes eux-mêmes sont libres - mais c’est néanmoins un canon.
35. On page 4 a string group enters, playing very similar material. Looking at the pitches, they don’t seem at first glance to be in the same order as the beginning of the piece. Look closer, and you’ll see that it’s a retrograde: the very same sequence, played backwards. Again, Ligeti refrains from starting each voice of the canon on the same pitch. The violin begins on the 1st note of the sequence, whereas the 2nd violin starts on pitch number 14, the viola on pitch number 3 and the cello on number 7. None of this is directly perceptible of course. The voices are crossing over each other constantly, making it all but impossible to distinguish them, and no listener is going to notice the inner construction of each line — which raises an interesting question. Why use such complicated polyphonic devices to structure a music in which the individuality of the voices is deliberately erased in favour of an overall texture? Why use a technique that cannot be perceived? I’ll get back to that question shortly. First, let’s look at how this texture develops.
35. À la page 4, un groupe de cordes entre, jouant un matériel très similaire. En regardant les emplacements, ils ne semblent pas, à première vue, être dans le même ordre que le début de la pièce. Regardez de plus près et vous verrez qu’il s’agit d’un processus rétrograde: la même séquence, jouée à rebours. Encore une fois, Ligeti s'abstient de lancer chaque voix du canon sur le même terrain. Le violon commence à la 1ère note de la séquence, tandis que le 2ème violon commence au numéro 14, l'alto au numéro 3 et le violoncelle au numéro 7. Bien sûr, rien de tout cela n'est perceptible. Les voix se croisent constamment, ce qui rend impossible de les distinguer et aucun auditeur ne remarquera la construction interne de chaque ligne - ce qui soulève une question intéressante. Pourquoi utiliser des dispositifs polyphoniques si compliqués pour structurer une musique dans laquelle l'individualité des voix est délibérément effacée au profit d'une texture globale? Pourquoi utiliser une technique qui ne peut être perçue? Je reviendrai sur cette question sous peu. Tout d'abord, regardons comment cette texture se développe.
36. By the time we get to page 5 something very interesting is happening. If we examine the first violin part, we notice that note 7, instead of being a G flat or an F sharp, is missing, and we skip forward to note 8, which is a B flat. In the same manner, note 15, which should be an F sharp, is also missing. A look at the other parts reveals that every time an F sharp is supposed to appear, it is missing – they have all been filtered out.
36. Au moment où nous arrivons à la page 5, quelque chose de très intéressant se produit. Si nous examinons la première partie du violon, nous remarquons qu'il manque la note 7, au lieu d'être un sol bémol ou un fa dièse elle est supprimée, et nous passons directement à la note 8, qui est un si bémol. De la même manière, la note 15, qui devrait être un fa dièse, est également manquante. Un coup d'œil sur les autres parties révèle que chaque fois qu'un fa dièse est censé apparaître il est manquant - tous ont été filtrés.
37. At bar 14, we find that the pitch sequence runs its course once we’ve arrived at note 38. As expected, the 39th note, which should be a Gb, has been filtered out. In its place, there is a C flat – and then we keep going : Bb, G natural, B flat, A flat and so on – this is the retrograde of the previous sequence. So once we arrive at the end, Ligeti flips the sequence aroound and proceeds backwards towards the begininning. This time, however, all the F sharps, rather than being omitted, have been replaced by B naturals, and if you look a bit farther, you’ll see that all the A flats have been replaced by Cs. So here’s what the sequence looks like in its new, altered and filtered form:
37. À la mesure 14, nous constatons que la séquence de lancement se déroule une fois que nous sommes arrivés à la note 38. Comme prévu, la 39e note, qui devrait être un sol bémol, a été filtrée. A sa place, il y a un do bémol - et ensuite nous continuons: si bémol, sol naturel,si bémol, la bémol et ainsi de suite - c'est la rétrograde de la séquence précédente. Donc, une fois que nous arrivons à la fin, Ligeti retourne la séquence et revient en arrière vers le début. Cette fois, cependant, tous les fa dièse, au lieu d’être omis, ont été remplacés par des si bécarres, et si vous regardez un peu plus loin, vous verrez que tous les la bémols ont été remplacés par des do. Voici à quoi ressemble la séquence dans sa nouvelle forme modifiée et filtrée:
38. This gradual filtering process allows Ligeti to progressively slide in new elements, make certain pitches disappear gradually, alter the character of his harmony, and otherwise slowly transform his materials in a linear fashion. In this particular case, it is a way of subtly opening up the confined space, semitone by semitone, until the full chromatic scale is brought into play. Again, this is all very subtle, but the attentive listener will notice the harmony gradually starting to change.
38. Ce processus de filtrage progressif permet à Ligeti de glisser progressivement de nouveaux éléments, de faire disparaître progressivement certaines hauteurs, de modifier le caractère de son harmonie et de transformer lentement ses matériaux de manière linéaire. Dans ce cas particulier, c'est un moyen d'ouvrir subtilement l'espace confiné demi-ton par demi-ton, jusqu'à ce que la gamme chromatique complète soit mise en jeu. Encore une fois, tout cela est très subtil, mais l'auditeur attentif remarquera que l'harmonie commence à changer progressivement.
39. The reason Ligeti uses contrapuntal devices like the canon in such a complex manner in this piece, only to set them up so that they escape our perception, is that they simply aren’t meant to be heard. Instead, the point is to generate, and to control, a particular kind of surface with an inner life and an overall movement that are carefully directed. If he had invented each line freely, it would have been much more difficult to project an even, liquid surface in which no particular element or combination of tones predominates. The canon is also, more prosaically, a way of doing more with less. So these canons are means to an end, and not an end in themselves. Another composer who is fond of using, and subverting, these kinds of techniques is Heinz Holliger – who goes even further in his distortions in works such as the Scardanelli Zyklus, which I plan to look at soon on this channel.
39. La raison pour laquelle Ligeti utilise des dispositifs contrapuntiques tels que le canon de manière si complexe dans cette pièce, pour les mettre en place afin qu’ils échappent à notre perception, est qu’ils ne sont tout simplement pas destinés à être entendus. Au lieu de cela, le but est de générer et de contrôler un type particulier de surface avec une vie intérieure et un mouvement global soigneusement dirigés. S'il avait inventé chaque ligne librement, il aurait été beaucoup plus difficile de projeter une surface plane et liquide dans laquelle aucun élément particulier ou combinaison de tons ne prédomineraient. Le canon est aussi, plus prosaïquement, un moyen de faire plus avec moins. Donc, ces canons sont des moyens pour parvenir à une fin et non une fin en soi. Heinz Holliger est un autre compositeur qui aime utiliser et subvertir ce genre de techniques. Il va encore plus loin dans ses distorsions dans des œuvres telles que le Scardanelli Zyklus, que je compte examiner prochainement sur cette chaîne.
CONCLUSION 40. There are many, many more things to say about this piece, but I hope this video has given you an idea at least of the intricacy and subtlety of Ligeti’s compositional art. This is music that demands, and rewards, close listening, but that is also deeply affecting upon a first encounter.
CONCLUSION 40. Il y aurait beaucoup, beaucoup d’autres choses à dire sur cette pièce, mais j’espère que cette vidéo vous a au moins donné une idée de la complexité et de la subtilité de l’art de la composition de Ligeti. C’est de la musique qui exige, et qui récompense une écoute attentive, mais qui vous touche aussi profondément dès la première écoute ???à la première rencontre.
C’est à ICMC, en Corée, que Peter Sinclair présentait cette année le projet Locustream,
initiée en 2005 par le groupe de recherche Locus Sonus, dont il a la responsabilité. ICMC
(International Computer Music Conference) est historiquement la première conférence
dédiée à la musique sur ordinateur, et reste aujourd’hui la plus importante, malgré
l'émergence d’autres symposiums spécialisés dans des domaines similaires (NIME, SMC,
CMMR, TENOR...).
La “Soundmap” de Locus Sonus est probablement l’incarnation la plus évidente du projet :
en cliquant sur l’un des microphones ouverts, quelque part sur la planète, l’internaute peut
écouter, en direct l’environnement sonore, d’un bord de mer, d’une forêt tropicale, d’un
paysage urbain, à Hawaï, Calcutta, Berlin, Londres ou Paris… Par ce dispositif, Locus
Sonus plonge l’auditeur dans un espace sonore étendu qui rappelle par certains aspects le
global village McLuhanien. Le 11 novembre dernier, Dr Sinclair a validé son Habilitation à
Diriger des Recherches (HDR).
http://locusonus.org/soundmap/051/
Résumé
Cet article retrace l’histoire du projet Locustream Open Microphone, un réseau de microphones ouverts qui diffuse depuis 2005 des paysages sonores en direct de partout dans le monde. L’auteur décrit les aspects humain, collectif, aspects techniques et technologiques de ce projet ainsi que de la recherche créative qu’il a engendrée.
Abstract
This article traces the history of the Locustream Open Microphone Project, a network of open microphones that
has streamed live soundscapes from locations around the globe since 2005. The author describes the human, collective,
and technological aspects of this project as well as the creative research it has engendered.
1. INTRODUCTION
Locus Sonus est un groupe de recherche spécialisé dans l'art audio soutenu par l'Académie des Arts d'Aix-en-Provence (ESAAix) et le ministère français de la Culture, et intégré avec le PRISM unité du CNRS.
1. INTRODUCTION
Locus Sonus is a research group specialized in audio art supported by the Aix En Provence art academy (ESAAix)
and the French Ministry for Culture, and integrated with the CNRS unity PRISM.
Notre domaine de recherche principal est l’étude des «nouveaux auditoriums» ou des moyens de partage des audio espaces grâce aux technologies émergentes dans le but d’enquêter et de développer le potentiel artistique qu’elles offrent.
Our main research area is the study of “New auditoriums” or ways of sharing audio spaces through emerging technologies with the aim of investigating and developing the artistic potential they offer.
Le projet de microphone ouvert Locustream est l’une des plus anciennes initiatives de recherche créative du groupe. Il consiste en un réseau mondial de microphones ouverts, installés et entretenus par des bénévoles qui capturent et diffusent en permanence des paysages sonores locaux via un serveur. L'objectif initial était de fournir au groupe de recherche une ressource pour la recherche sur l'écoute à distance et les espaces sonores interconnectés.
Locustream open microphone project is one of the group’s longest running creative research initiatives. It consists of a worldwide network of open microphones, installed and maintained by volunteers that permanently capture and stream local soundscapes via a dedicated server. The initial aim was to provide the research group with a resource for research into remote listening and interconnected sound spaces.
Cependant, au cours des douze dernières années ce projet s’est développé à partir d’un seul micro distant, pour devenir une ressource mutualisée dans le monde entier. Lorsqu'il a été ouvert à d'autres utilisateurs, il a rapidement évolué pour devenir un projet open source, partagé et international utilisé par de nombreux musiciens, artistes et chercheurs pour toutes sortes de projets. Il s’agit aujourd’hui d’installations, de concerts, de performances, de web radios mais aussi d’études écologiques et de bioacoustique.
However, Over the last twelve years this project has developed from a single remote microphone, to become a worldwide-pooled resource. When it was opened to other users it evolved rapidly into an open-source, shared and international project used by many musicians, artists and researchers for a variety of projects. Today, these include installations, concerts, performances, web radios but also ecological studies and bioacoustics.
2. ECOUTE A DISTANCE (LE CONTEXTE HISTORIQU)
Le “Manifesto Della Radio” publié par les futurologues Marinetti et Pino Masnata décrit la première conception (à ma connaissance) de l'art de la transmission en temps réel. Elle cherchait à émanciper la radio de ses références historiques et à créer: "un art sans temps ni espace sans hier ou demain »[1]. Le 8 octobre 1966, Max Neuhaus créait l'événement de radio et de téléphone Public supply [2]. Pour ce faire, il reprenait l’émetteur de la radio WBAI à New York, ouvrait 10 lignes téléphoniques et invitait le public à appeler et à émettre le son de son choix, qu’il mixait et jouait ensuite à la radio. Nehaus demandait aux participants de garder leurs postes de radio près de leurs téléphones, faisant ainsi”résonner” tout le système électroacoustique par le feed-back. Quelques jours plus tard - les 15 et 16 octobre 1966 - John Cage présentait Variations VII [3] qui, entre autres sources éthérées, utilisait des lignes téléphoniques ouvertes pour transmettre le son de divers paysages sonores emblématiques de New York. Au cours des années 1970, la compositrice Maryanne Amacher poursuivait le développement d'un art des microphones live à distance, établissant ainsi l'art de la transmission comme un genre. Aux débuts d'Internet (1999), l'artiste sonore australien Bill Fontana établissait des connexions audio et conceptuelles entre les sons distants et les sites historiques pour créer des installations in situ telles que Wave Memories [4], qui reproduisaient les sons des vagues de Trafalgar (sur la côte espagnole) à Trafalgar Square, à Londres.
2. REMOTE LISTENING (HISTORICAL CONTEXT)
Manifesto Della Radio published by the futurists Marinetti and Pino Masnata describes the first conception (to my knowledge) of real time transmission art. It sought to emancipate radio from its historical references and to create, to quote: “an art without time or space without yesterday or tomorrow” [1]. On October 8, 1966 Max Neuhaus created the radio and telephone event Public supply [2]. To do so, he took over the transmitter of WBAI radio in New York, opened 10 dedicated phone lines and invited the public to call in and contribute any sound of their choosing which he then mixed and played over the radio. Neuhaus asked the participants to keep their radio sets close to their telephones thereby making the whole electro acoustic system “resonate” through feedback. A few days later – the 15 & 16 of October 1966 – John Cage presented Variations VII [3] that, among other ethereal sources, used open telephone lines to transmit the sound of various iconic NY soundscapes. Throughout the 1970s composer Maryanne Amacher pursued the development of an art of remote live microphones establishing transmission art as a genre. In the early days of the internet (1999), Australian sound artist Bill Fontana established conceptual and audio connections between remote sounds and historical sites to create
in situ installations such as Wave Memories [4] that played the sounds of the waves from Trafalgar (on the coast of Spain) in Trafalgar Square in London.
3. ORIGINES DE LOCUSTREAM
Le projet Locustream remonte à 2005; le début de Locus Sonus et le recrutement de notre premier groupe d’artistes / chercheurs. Les caractéristiques principales qui le distinguent des exemples cités dans la section précédente sont sa permanence et son caractère évolutif. Basé sur notre thème de recherche: «Le son dans son rapport à l’espace, au lieu et à l’utilisation», le projet a été lancé pour mener des recherches sur les formes émergentes d’espaces sonores. Plus précisément, nous avons mis en place un microphone qui diffusait en continu un paysage sonore sur Internet: posant la question suivante: quels sont les changements dans l'état du son - comment l'écouter, le jouer, le partager... Si nous recevons ce son, de manière continue et permanente, transmise depuis une localité éloignée. L'idée était que cela deviendrait à la fois un objet d'investigation commun et une matière première audio pour des projets artistiques individuels.
3. LOCUSTREAM ORIGINS
Locustream Project dates back to 2005; the beginning of Locus Sonus and the recruitment of our first group of artists/researchers. The main characteristics that distinguishes it from the examples cited in the previous section are its permanence and its evolutionary nature. Based on our research theme: “Sound in its relation to space, place and usage” – the project was initiated to conduct research into emergent forms of sound spaces. More specifically, we set up a microphone that permanently streamed a soundscape to the internet: asking the question: What are the changes in the status of sound - how we listen to it, play it, share it ... if we receive this sound, continuously and permanently, transmitted from a remote locality. The idea was that this would become both a communal object of investigation and at the same time audio raw material for individual artistic projects.
Nos premières expériences artistiques ont été basées sur la performance, dans le sens où nous avons essayé d’utiliser le flux audio comme base pour des concerts. Le problème auquel nous avons immédiatement été confrontés était qu’aucun événement audio notable n’était transmis par le flux. Alors que l'idée de "jouer" sur un paysage sonore distant était séduisant sur le plan conceptuel, il était difficile de considérer qu'il valait la peine de lui consacrer le temps spécifique d'une performance. Cela donna lieu à divers développements dans le projet. La première est que nous ayons décidé de multiplier le nombre de microphones ouverts.
Our first artistic experiments were performance-based, in the sense that we attempted to use the audio flux as the basis for concerts. The problem that immediately faced us, was that more often than not there were no notable audio events transmitted by the stream. So while the idea of “playing” a remote soundscape was conceptually enticing, it was difficult to consider that it was worth consecrating the specific time of a performance to it. This gave rise to various developments in the project. The first was that we decided to multiply the number of open microphones.
Cela a changé le paradigme spatial, puisque nous ne traitions plus d'un «spot» audio, mais plutôt d'une étendue qui permettait une réinterprétation de l'espace géographique ou l'instauration d'une cartographie audio. Deuxièmement et surtout le plus important, notre objectif est passé du jeu à l’écoute. Diverses pratiques ont été développés au sein du groupe dont l’une attribuée à Esther Salmona [5] consiste à écrire tout en écoutant et en naviguant parmi les audio streams. Le résultat est une sorte de flux de conscience (stream of consciousness, un terme attribué à William James en 1890, également été utilisée comme technique littéraire par des écrivains comme Proust et James Joyce). où l’inspiration trouve sa source dans un voyage parmi les flux oubliés (lointains) à l’opposé de la seule intériorité des auteurs
This changed the spatial paradigm, since we were no longer dealing with an audio “spot” but rather with an expanse that enabled a possible reinterpretation of geographical space or the instauration of an audio cartography. Secondly and arguably most importantly, our focus shifted from playing to listening. Various practices were developed within the group one of which, attributed to Esther Salmona [5], consists of writing while listening, navigating the audio streams. The result is a sort of “stream of consciousness”1 where the “inspiration” finds its source in a journey through the remote streams as opposed to the within authors sole imagination.
4. UN DISPOSITIF GLOBAL PARTAGÉ Autre conséquence à multiplier les captations audios. Puisque pour ce faire nous avons fait appel à d’autres pour participer, nous avons créé un réseau global de musiciens, artistes et chercheurs partageant les mêmes centres d’intérêt que nous. Cela a renforcé l’identité collective du projet, et l’a conduit à devenir ce que l’on appelle « dispositif ouvert », que nous proposons comme modèle utile pour les projets de recherche interdisciplinaires.
4. A GLOBAL SHARED DISPOSITIF There was another consequence of the decision to multiply the audio captures. Since in order to do this we called on other people to participate, we created a global network of musicians, artists and researchers with similar interests to our own. This strongly reinforced the collective identity of the project and beyond that pushed it to become what we refer to as an open dispositif or device and which we propose is a useful model for interdisciplinary research projects.
J’utilise le terme français “dispositif” dans le sens philosophique qu’il a acquis au XXème siècle, d’abord dans les écrits de Foucault qui utilise ce terme pour désigner l’élément emergeant d’une organisation collective (architecturale, sociale, géographique, etc…) et qui fait système (par exemple le terme de “prison”, se référer aux écrits de Foucault « Les mots et les choses » et « Surveiller et punir: naissance de la prison »). Gilles Deleuze plus tard a étendu le concept à un modèle philosophique plus général dans son essai « qu’est-ce qu’un dispositif »[8]. Jean Cristofol, épistémologue, membre de locus Sonus et PRISM, a appliqué cette approche à la pratique artistique [9].
I use the French word here in reference to the philosophical sense that it has acquired during the 20th century firstly through the writings of Foucault who uses the term to designate collectively the (architectural, social, geographical, etc.) elements that culminate to create a system (a prison for example) see The Order of Things [6] and Discipline and Punish: The Birth of the Prison [7]. Gilles Deleuze later extended the concept as a more general philosophical model in his essay qu’est-ce qu’un dispositif [8]. Jean Cristofol, epistemologist, member of Locus Sonus and PRISM has applied this approach to artistic practice [9].
Le modèle du dispositif est utile ici car il permet à n’importe quel nombre de participants de prendre possession d’un projet commun utilisant différentes méthodologies tout en contribuant au même projet. Cela permet la coexistence de multiples objectifs qui, plutôt que d’entrer en compétition, contribuent au tout.
he dispositif model is useful here since it allows any number of participants to take possession of a common project using different methodologies while contributing to a common object. It enables the co-existence of multiple objectives which, rather than being in competition, contribute to the whole.
La connaissance par l’émergence (plutôt que par un programme prédéfini) facilite la naissance de nouveaux paradigmes esthétiques. Ainsi Locustream est lui-même un projet artistique, mais peut également être conçu du point de vue d’une communauté, comme affirmation écologique, comme outil bio-acoustique ou programme de développement technologique.
It implies the creation of knowledge through emergence (rather than through a set program) and facilitates the engendering of new aesthetic paradigms. Thus Locustream is arguably an art project in itself but can also be considered from the point of view of community, as an ecological statement, as a bio acoustical resource or as a program of technological developments.
Figure 1: Locus stream dispositif
Locustream peut être décomposé selon les éléments suivants:
Locustream can be broken down into the following ele- ments:
- Une communauté qui installe et entretient les micros;
- Un équipement de streaming, sous forme d’applications mobiles;
- Un serveur streaming robuste Icecast (un sponsor qui nous offre une bande passante illimitée);
- Une interface permanente pour accéder au strep par internet (soundmap);
- Des projets expérimentaux développés par Locus Sonus, et des outils pour créer des formes variées d’installation et de performances;
- Des groupes de recherche, et projets artistiques travaillant en collaboration avec nous;
- L’audience/public
- A community of people who set up and maintain the microphones;
- Dedicated streaming hardware and software - stream boxes mobile “apps” for steaming;
- A robust Icecast streaming server (sponsor who offers us unlimited bandwidth);
- A permanent interface to access the streams via the web (soundmap);
- Experimental projects developed by Locus Sonus and tools to create various forms of installation and performance;
- Other people, research groups and art projects outside our research unit, working in collaboration with us;
- The listening public.
4.1 Streamers Lorsque nous avons lancé un appel à participer la première fois, c’était adressé en priorité à notre réseau collégial - musiciens et artistes sonores intéressés par l’environnement acoustique et la transmission audio. Nous avons également profité de cette opportunité, pour installer voyageant, des streams en collaboration avec nos hôtes.
4.1 Streamers When we first put out a call for participation it was mainly addressed to our network of colleagues – sound artists and musicians interested in environmental sound and audio transmission art. We also took the opportunity, when travelling to set up streams in collaboration with our hosts.
Certains parmi ce réseau originel continuent à y participer 12 ans plus tard, et pourtant au fil des années et des présentations publiques - conférences, démonstrations, expositions et concerts - le nombre de participants a augmenté . La dernière fois que j’ai compté, 600 personnes avaient établi un compte stream, et ont donc ouvert un micro à un moment ou à un autre, avec 30 streams simultanément sur le serveur. C’est la moyenne pour une journée normale mais ce nombre peut doubler quand nous envoyons un appel indiquant un événement particulier. L’installation d’un microphone permanent n’est pas aussi simple qu’il pourrait paraître, et c’était même bien plus complexe au démarrage en 2006.
Some people from this original network continue to participate 12 years later, however, over the years through public presentations – conferences, demos, exhibitions and concerts – the number of participants has steadily grown. Last time I counted, over 600 people had set up a stream account and therefore opened a microphone at one time or another, and there were 30 streams running on the server. This is roughly average for a normal day but the number can double when we put out a call indicating that there is some kind of event taking place.
L’installation d’un microphone permanent n’est pas aussi simple qu’il pourrait paraître, et c’était même bien plus complexe au démarrage en 2006.
Setting up a permanent open microphone is not as simple as it might at first appear and it was even more complex when we first started the project with 2006 technology.
L’environnement audio est choisi avec soin pour les qualités subjectives de son paysage sonore mais le choix de l’emplacement implique aussi d’autres contraintes: le microphone devait être placé dans un endroit où il ne devrait « espionner » personne, bien que la plupart des streams soit maintenus par des particuliers dans leur propriété privée;
The audio environment is carefully chosen for the subjective qualities of the soundscape to be captured by the microphone(s) but the choice of the em- placement is also subject to other constraints: the microphone has to be placed somewhere where it will not be considered to “spy” on people – although most streams are maintained by individuals on their private property this often becomes an issue;
il faut également avoir accès à internet et au courant électrique. Bien que nous ayons réussi à installer des streamboxes solaires utilisant des réseaux de téléphones mobiles, ceux-ci me sont assez chers, et nous préférons les éviter quand cela est possible.
it is also necessary to access the internet and power networks. Although we have successfully installed solar powered streamboxes that use mobile phone networks, these are costly to build and to run and our aim is to avoid such constraints where possible.
4.2 Streamboxes
En effet l’un des buts est de fournir des solutions simples pour installer des microphones ouverts, sans coût excessif pour les utilisateurs quotidiens.
Pour cela nous avons expérimenté des solutions diverses au cours des ans.
La toute première solution utilisait un patch PureData [10] que l’utilisateur pouvait utiliser sur un pc. Bien que cela fût opérationnel comme solution temporaire, ceci est vite apparu insatisfaisant pour les micros permanents - le streamer devait bouger ou relancer son ordinateur, ou se sentait mal à l’aise avec le micro à côté. Ces patchs cependant, sont toujours utilisés, et certains continuent à les utiliser.
4.2 Streamboxes
Effectively one of the aims of our development is to provide simple solutions to set up open microphones that are not prohibitively expensive for everyday users. To do this we have experimented with various solutions over the years:
The first solutions we offered used a PureData [10] patch that the user could run on a personal computer. Although this worked as a temporary solution, it rapidly appeared unsatisfactory for permanent microphones – the streamer would need to move or reboot their computer or felt uncomfortable with the microphone running permanently nearby. However these patches are still available and some people continue to use them.
Nos premières streamboxes utilisaient des anciens PC récupérés sur lesquels on installait un OS Linux Debian. Les machines étaient programmées pour fonctionner sans maître, et se relançaient et déconnectaient automatiquement à nos serveurs si le stream OggVorbis s’interrompait pour une raison ou pour une autre. Si cela paraît peut élégant, c’est apparu la solution la plus efficace pour parer à la diversité des pannes qui peuvent surgir. Ces ordinateur cependant étaient grands, bruyants et consommaient de l’énergie: lus cherchions donc des solutions moins lourdes. Cette recherche nous a conduit à l’utilisation d’Alic mini ordinateurs, reprogrammés plus tard âge routeur Asus Wi-Fi avec un degré raisonnable de stabilité.
Cependant depuis que le RaspberryPi [11] mini ordinateur est apparu sur le marché (2012), c’est devenu le focus de notre developppement Streambox.
L’avantage du RaspberryPi est qu’il est petit, silencieux, peu coûteux, et qu’il y a plusieurs solutions pour y incorporer une carte son de qualité raisonnable. Nous avons développé un OS dédié à Locustream, donc les streamers potentiels doivent simplement acheter un Raspberry Pi; et copier notre OS sur une carte SD, après quoi ils peuvent configurer leur stream en utilisant un navigateur web.
The first Streamboxes we developed used old (recuperated) PCs for which we customized a Linux Debian OS. The machines were programmed to run “headless” and would reboot and reconnect to our server automatically if the OggVorbis stream stopped for any reason. If this might seem like an inelegant solution, over the years it has proven to be the most effective way of dealing with the wide variety of breakdowns that can occur. These PCs however were big, noisy and power consuming and so we continued to look for lightweight solutions. This research led us to use Alix mini computers and later reprogrammed Asus Wi-Fi routers with a reasonable degree of stability.
However since the RaspberryPi [11] mini computer appeared on the market (2012), it has become the focus of our Streambox development.
The advantages of the RaspberryPi are that it is small, silent and inexpensive and that there are various solutions for incorporating soundcards of acceptable quality. We have developed an operating system dedicated to Locustream, so would-be streamers simply need to buy a Raspberry Pi and copy our OS to an SD card after which they can configure their stream using a web browser.
4.3 Locustream Soundmap
La manifestation la plus connue du dispositif Locustream est la locustream soundmap (voir fig.2). Elle est en ligne depuis 2006, et, à notre connaissance, c’est la première initiative du genre, offrant une carte sonore dédiée au live streaming. Elle utilise une interface simple (Google map) pour accéder au divers micros, et offre la possibilité pour l’utilisateur d’inventer son propre parcours d’écoute.
4.3 Locustream Soundmap
Perhaps the best-known manifestation of the Locustream dispositif is the Locustream Soundmap (see Figure 2.) It has been online since 2006 and, to our knowledge, is the first initiative of its kind to offer a soundmap dedicated to live streams. It uses a simple interface (Google map) to access the available open microphones and offers the possibility for users to invent their own listening/navigational practices.
La “soundmap” montre les streams actifs, et en cliquant sur l’une des icônes, l’utilisateur accède au soundscape correspondant en temps réel. Le streamer peut également fournir des informations complémentaires à propos de l’environnement - photos et paratexte. La carte son est également l'interface de configuration d'un microphone. C'est donc en créant un compte sur la carte son que les utilisateurs identifient leur flux audio et ont accès à notre serveur.
The soundmap shows active streams and, by clicking on a microphone icon, the user is able to access the corresponding soundscape in real-time. The streamer can also offer additional information about the microphone’s environment – photos and a short text. The soundmap is also the interface for setting up a microphone so it is by creating an account on the soundmap that users identify their audio stream and get access to our server.
4.4 App LocusCast
Plus récemment (depuis 2014), en complément des microphones ouverts permanents utilisant des Streambox, nous avons développé des applications pour appareils mobiles (iOS et Android) qui peuvent être utilisées pour créer un flux temporaire. Ils sont automatiquement localisés sur le Soundmap Locustream à l’aide de leurs coordonnées GPS. En effet, en ajustant la fréquence de rafraîchissement de la carte, il est désormais possible de voir un microphone mobile se déplacer en temps réel (ou presque). Ce sont des exemples de fonctionnalités que nous avons incluses dans les réponses aux projets proposés par des artistes résidents.
4.4 LocusCast App
More recently (since 2014), as a complement to the permanent open microphones using Streamboxes, we have developed applications for mobile devices (iOS and Android) that can be used to create a temporary stream. The- se are automatically located on the Locustream Soundmap using their GPS coordinates, in fact by, adjusting the refresh rate of the map, it is now possible to see a mobile microphone moving in (close to) real time. These are examples of features that we have included in response to projects proposed by resident artists.
5. INSTALLATIONS, CONCERTS ET AUTRES FORMES D'ÉCOUTE
Il est impossible dans cet article d'entrer dans les détails concernant tous les projets développés sur la base du projet Lombard au cours des 12 dernières années. Voici quelques descriptions parmi les plus notables.
5. INSTALLATIONS, CONCERTS AND OTHER FORMS OF LISTENING
It is impossible in this article to go into details concerning all the projects that have developed based on the Locustream project over the last 12 years. The following are some descriptions some of the more notable ones.
Figure 3. Locustream promenade presented at Brussels international train station during the festival Today Art in 2010. Photo Grégoire Lauvin.
5.1 Par Locus Sonus
Plusieurs des formes développées par Locus Sonus expérimentent les médias hybrides et les espaces physiques. Locustream Tuner (2007), à l'origine un projet de Lydwine Van der Hulst, offre une interface interactive pour sélectionner des flux. Elle consiste en un curseur sphérique fileté sur des câbles qui couvrent l’ensemble de l’espace d’exposition. Le périphérique agit en tant que contrôleur qui analyse les flux en direct. L'installation s'adapte aux dimensions de l'espace d'exposition. Ainsi, pour jouer ou naviguer dans les flux, il est nécessaire de tirer le curseur en traversant physiquement l'espace.
5.1 By Locus Sonus
Several of the forms developed by Locus Sonus experiment with hybrid media and physical spaces. Initially a project by Lydwine Van der Hulst, Locustream Tuner (2007) offers an interactive interface to select streams. It consists of a spherical slider threaded on wires that span the entire exhibition space. The device acts as controller that scans the live streams. The installation adapts to the dimensions of the exhibition space, so to play, or navigate the streams, it is necessary to pull the cursor while physically crossing the space.
Le visiteur est donc impliqué physiquement dans la modification de l'espace sonore. La promenade du locus stream (Figure 3) intègre l’espace local selon une approche différente. Le paysage sonore des flux est diffusé à l’aide de haut-parleurs équipés de réflecteurs paraboliques, de sorte que l’auditeur n’entende le son à distance que lorsqu’il se trouve directement sous l’appareil. La figure 3 montre l'installation présentée à la gare internationale de Bruxelles. Les passagers en transit ont constaté que la topologie audio de leur trajet était pratiquement étendue au fur et à mesure de leur passage d'une partie de la gare à une autre et que, simultanément, le paysage sonore distant se mêlait subtilement à l'espace acoustique «normal».
The visitor is thus bodily involved in modifying the sound space. Locus stream promenade (Figure 3.) integrates the local space using a different approach. The soundscape of the streams is played using loudspeakers fitted with parabolic reflectors in such a way that the auditor only hears the remote sound when directly beneath the device. Figure 3. shows the installation presented in Brussels international train station. Passengers in transit found the audio topology of their journey virtually extended as they traversed from one part of the station to another and at the same time the remote soundscape mixes subtly with the “normal” acoustic space.
D'autres formes restent ancrées dans l'espace virtuel, telles que Marconi Radio dans Second Life de Brett Balogue qui offrait l'accès aux microphones ouverts via un modèle 3D d'une radio vintage placée dans Second Life (2007) et, plus récemment (2017), nous avons inclus l'accès aux flux à travers notre propre monde virtuel, dédié à l'expérimentation audio New Atlantis [12]. En 2014, Amandine Provost a créé Mubli, une application pour téléphones mobiles. Inspiré de jeux de voile en ligne tels que Virtual Regatta où un bateau virtuel est influencé par de «vraies» données météorologiques, Mubli permet à l'utilisateur de tracer un chemin global à travers les microphones ouverts, mais le mélange des sons est influencé par les vents “actuels.” (?)
Grégoire Lauvin termine actuellement sa thèse de doctorat avec Locus Sonus et PRISM. Son projet de recherche intitulé Split Soundscape se concentre sur les relations conceptuelles et acoustiques entre la situation de la capture audio et la forme de sa reconstitution dans un espace d'exposition. La recherche de Lauvin a appelé au développement d’outils pour le streaming et le jeu. Il a largement contribué au développement de différentes versions de boîtes de streaming ainsi qu'à la conception de microphones et de préamplificateurs personnalisés.
Other forms remain anchored in virtual space such as Brett Balogue’s Marconi Radio in Second Life which offered access to the open microphones via a 3d model of a vintage radio placed in Second Life (2007) and, more recently (2017) we have included access to the streams through our own virtual world, dedicated to audio experimentation New Atlantis [12]. In 2014, Amandine Provost created Mubli, an application for mobile phones. Inspired by online sailing games such as Virtual Regatta where a virtual boat is influenced by “real” meteorological data, Mubli allows the user to trace a global path through the open microphones but the mix of the sounds is influenced by current winds.
Pour la lecture, Lauvin avec le développeur Stéphane Cousot ont compilé un objet pour Pure Data [Locusamp] qui, tout en étant plus stable que l'objet [oggamp] existant auparavant, est capable de lire pratiquement n'importe quel format de fichier ou flux audio.
Grégoire Lauvin is currently completing his doctoral thesis with Locus Sonus and PRISM. His research project entitled Split Soundscape focuses on levering conceptual and acoustic relationships between the situation of the audio capture and the form of its reconstitution in an exhibition space. Lauvin’s research has called for the development of tools both for streaming and for playing. He has largely contributed to the development of different versions of streamboxes as well as designing custom microphones and preamplifiers.
Pour la lecture, Lauvin avec le développeur Stéphane Cousot ont compilé un objet pour Pure Data [Locusamp] qui, tout en étant plus stable que l'objet [oggamp] existant auparavant, est capable de lire pratiquement n'importe quel format de fichier ou flux audio.
For playback purposes Lauvin along with developer Stephane Cousot have com- piled an object for Pure Data [Locusamp] which, as well being more stable than the previously existing [oggamp] object, is capable of reading practically any audio stream or file format.
5.2 Au-delà du locus sonus
De nombreux autres artistes sonores, musiciens et compositeurs ont utilisé les flux de Locus Sonus. Ce qui suit est une sélection d’artistes que nous avons aidés avec des projets basés sur Locustream. Comme Locustream est gratuit et ouvert et qu'il n'y a aucune obligation de nous contacter afin de l'utiliser comme source de contenu audio, il y a également de fortes chances pour qu'il y ait de nombreux projets dont nous ne sommes pas au courant.
Udo Noll (Allemagne), Radio Aporee (1995-2018)
Cédric Maridet (France), La Mouvance des flux, pièce sonore en streaming, 2007.
Cécile Beau (France), C = 1 / √ρχ Installation, 2008 Pauline Oliveros (USA), Droniphonia, 2009.
Ragnar Helgi Olafsson (Islande), Daybreak [forever], installation, 2010.
Robin Renwick (Irlande du Nord), Sourced Cities, Performance en réseau, 2014.
Lech Kalita (Australie), DRONe, (radio web automatique) 2017.
Eric Leonardson (États-Unis), Projet d’écoute mondial, divers événements d’écoute, en cours.
EricM (France), Mémoire vierge et Live Akousma, Conférences 2015-2018.
Grant Smith, Maria Papadomanolaki et Dawn Scarfe (Royaume-Uni), Sound Camp / Reveil, 2014-18.
5.2 Beyond Locus Sonus
Many other sound artists, musicians and composers have made use of Locus Sonus streams. The following is a selection of artists who we have helped with projects based on Locustream. Since Locustream is free and open and there is no obligation to contact us in order to use it as a source of audio material, there are also very likely to be many projects we are not aware of.
Udo Noll (Germany), Radio Aporee (1995 2018)
Cédric Maridet (France), La Mouvance des flux, streamed sound work, 2007.
Cécile Beau (France), C=1/√ρχ Installation, 2008 Pauline Oliveros (USA), Droniphonia, 2009.
Ragnar Helgi Olafsson (Iceland), Daybreak [forever], installation, 2010.
Robin Renwick (N.Ireland), Sourced Cities, networked performance, 2014.
Lech Kalita (Australia), DRONe, (automatic web radio) 2017.
Eric Leonardson (USA), World listening project various listening events, ongoing.
EricM (France), Blank Memory and Live Akousma, Concerts 2015-2018.
Grant Smith, Maria Papadomanolaki & Dawn Scarfe (UK), Sound Camp/Reveil, 2014-18.
Ce dernier projet est d'un intérêt particulier. Le principe de fonctionnement de Reveil est de faire le tour du monde en sélectionnant et en mélangeant les flux audio les plus proches du lever du jour qui se déplace d'est en ouest. La combinaison qui en résulte est retransmise sur notre serveur et relayée par un nombre croissant de stations de radio alternatives. Les artistes ont choisi cet événement de 24 heures le jour de la journée internationale du chant des oiseaux (début mai). Du mixage audio ressort un “choeur de l’aube” quasiment continu. Les Soundcamps sont organisés dans différents lieux sur le globe où les gens peuvent dormir en écoutant le mix Reveil et créer un micro ouvert lorsque l’aube se présente à leur fuseau horaire [13].
This last project is of particular interest. The functioning principal of Reveil is to circumnavigate the globe by selecting and mixing the audio streams that are closest to the advancing daybreak as it shifts from East to West. The resulting mix is re-streamed to our server and also relayed by an increasing number of alternative radio stations. The moment the artists have chosen for this 24-hour event is international birdsong day (early may), thus the audio mix is dominated by an almost continuous dawn chorus. Soundcamps are organized in different locations around the world where people can sleep out while listening to the Reveil mix and contribute an open microphone when dawn comes to their time zone [13].
6. COLLABORATIONS SCIENTIFIQUES
Comme nous l'avons mentionné, Locus Stream est à la fois ouvert et interdisciplinaire. Aujourd'hui, plusieurs autres groupes de recherche participent au projet. Cyberforest, un programme transdisciplinaire de recherche et développement rattaché à l’Université de Tokyo, est une de ces initiatives qui capture, diffuse, analyse et archive des sons et des images provenant de diverses zones rurales du Japon. La Cyberforest utilise les ressources de Locustream pour présenter son travail (et contribue de la même façon à leurs microphones ouverts).
6. SCIENTIFIC COLLABORATIONS
As we mentioned, Locus Stream is both open and interdisciplinary and today several other research groups participate in the project. One such initiative is Cyberforest, a transdisciplinary research and development program attached to the University of Tokyo that captures, streams analyses and archives sounds and images from a variety of rural areas in Japan. Cyberforest use the Locustream resources to showcase their work (and by the same token contribute their open microphones).
Une autre initiative Les paysages sonores de la biosphère de Leah Barclay utilise notre conception de boîtier de transmission pour mettre en place des projets sonores socialement engagés basés sur les réserves de biosphère de l’UNESCO. Le professeur Hervé Glotin, bioacousticien, utilise les Locus Streams existants pour développer l'indexation automatique en vue d'une analyse bioacoustique. Enfin, comme extension de nos applications de locuscast, nous avons collaboré avec Dr Franziska Schroeder et le professeur Pedro Rebelo de l’École des arts créatifs de la Queen's University à Belfast, en Irlande du Nord, dans l’application en streaming LiveShout [14] destinée à être utilisée pour la performance collaborative en direct.
Another initiative Leah Barclay’s Biosphere soundscapes uses our stream- box design to setup socially engaged sound projects based on the UNESCO biosphere reserves. Prof Hervé Glotin a bioacousticien uses the existing Locus Streams to develop Automatic indexing for bioacoustic analysis. And finally as an extension to our locuscast applications, we have collaborated with Dr Franziska Schroeder and Prof Pedro Rebelo from the School of Creative Arts, Queen’s University, Belfast in Northern Ireland on streaming app LiveShout [14] destined to be used for live collaborative performance.
7. CONCLUSIONS
Locustream est né d'un projet expérimental et confidentiel pour devenir une ressource permanente pour les artistes sonores et les musiciens, ainsi qu'une invitation ouverte à tous à adopter de nouvelles formes d'écoute.
7. CONCLUSIONS
Locustream has evolved from an experimental and confidential project to become a permanent resource for sound artists and musicians as well as an open invitation to all to adopt new forms of listening.
Pour participer au projet Locustream en ouvrant un microphone ou en utilisant des paysages sonores comme matériel audio, nous devons remettre en question nos habitudes d'écoute et nos pratiques de composition et d'improvisation avec un contenu généralement prédéterminé.
Participating in the Locustream project by opening a microphone or using streamed soundscapes as audio materiel requires that we question our listening habits and compositional and improvisational practices, in which the contents are generally predetermined.
Cela soulève à son tour des questions relatives aux notions de "temps réel" et d '"espace réel", et par là même à celles qui sont reliées à notre perception de la continuité et de la mobilité ( du déplacement ).
This in turn raises questions relating to notions of "real time" and "real space", as well as those relating to our perception of continuity and mobility.
Cet ensemble de questions interdépendantes constitue la base d'un ensemble de travaux artistiques et scientifiques en évolution constante, à l'intérieur et au-delà de Locus Sonus et de PRISM. Après douze ans de développement, j’estime que l’initiative ou le dispositif de Locustream participe à un nouveau paradigme de l’art sonore qui trouve des résonances dans les pratiques participatives et les différentes formes d’engagement écologique.
This array of interconnected questions is the basis for a permanently evolving body of artistic and scientific work within and beyond Locus Sonus and PRISM. After twelve years of development I feel that it is safe to say that the Locustream initiative or dispositive participates in a new paradigm in audio art that finds resonance in participative practices and different forms of ecological engagement.
Remerciements
Je voudrais remercier les membres de Locus Sonus présents et passés qui ont participé au projet Locustream au cours des 10 dernières années: Jérôme Joy, Anne Roquingny, Elena Biserna, Nicolas Bralet, Renaud Courvoisier, Laurent Di Biase, Julien. Clauss, Alejo Duque, Scott Fitzgerald, Sabrina Issa, Nicolas Maigret, Fabrice Métais, Esther Salmona, Lydwine van Der Hulst, et en particulier: Stéphane Cousot (programmation), Grégoire Lauvin (développement hardware). Un merci spécial à CreaCast qui fournit notre bande passante en streaming.
Acknowledgments
I would like to thank the members of Locus Sonus present and past who have participated in the Locustream project over the past 10 years: Jerome Joy, Anne Roqui- gny, Elena Biserna, Nicolas Bralet, Renaud Courvoisier, Laurent Di Biase, Julien Clauss, Alejo Duque, Scott Fitz- gerald, Sabrina Issa, Nicolas Maigret, Fabrice Métais, Esther Salmona, Lydwine van Der Hulst.
And in particular: Stéphane Cousot (programming), Grégoire Lauvin (hardware development). Special thanks to CreaCast who provide our streaming bandwidth.
Copyright: © 2018 Peter Sinclair. Ceci est un article libre d’accès sous licence Creative Commons Attribution License 3.0 Unported, qui permet une utilisation non restreinte, distribution et reproduction sur tout support, si l’auteur et les sources originales sont citées
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8. REFERENCES
[1] MARINETTI Filippo Tommaso and MASNATA Pino, “Manifesto Futurista Della Radio,” La Gazetta Del Popolo, September 22, 1933.
[2] “Public Supply I, WBAI, New York, 1965,” http://www.theartgalleryofknoxville.com.
[3] “John Cage : Variations VII (Performance),” http://www.fondationlanglois.org.
[4] “Bill Fontana, Resoundings Essay,” http://resoundings.org.
[5] Esther Salmona, “MAINTENIR LE CAP - Levés audio-topiques” in Jérôme Joy and Peter Sinclair, Locus Sonus: 10 Ans d’expérimentations En Art Sonore (Marseille: Mot et le reste, 2015).
[6] Michel Foucault, The Order of Things: An Archaeology of the Human Sciences, Vintage books edition (New York NY: Vintage Books, 1994).
[7] Michel Foucault, Discipline and Punish: The Birth of the Prison, trans. Alan Sheridan, Second Vintage Books edition (New York, NY: Vintage Books, 1995).
[8] Gilles Deleuze, Différence et répétition, 12. éd, Épiméthée (Paris: Presses Univ. de France, 2011).
[9] Jean Cristofol et al., eds., Nouveaux Médias, Nouveaux Langages, Nouvelles Écritures: Ouvrage Collectif Issu Du Séminaire Alphabetville and ZINC-ECM, Collection “L’électron Musagète” (Vic la Gardiole: Entretemps, 2005).
[10] “Pure Data — Pd Community Site,”, https://puredata.info/.
[11] “Raspberry Pi - Teach, Learn, and Make with Raspberry Pi,” Raspberry Pi, https://www.raspberrypi.org/.
[12] Peter Sinclair et al., “New Atlantis: Audio Experimentation in a Shared Online World,” in , ed. Mitsuko Aramaki, Richard Kronland-Martinet, and Sølvi Ystad, vol. 10525 (Cham: Springer International Publishing, Bridging People and Sound), 229–46, https://doi.org/10.1007/978-3-319-67738-5_14.
[13] “Soundcamp Index,”, http://soundtent.org/.
[14] “LiveSHOUT App,” Distributed Listening - Socially Engaged Art (blog), February 15, 2016, http://www.socasites.qub.ac.uk/distributedlistening/index.php/liveshout/.
Le compositeur Slavko Zagorac, doctorant au Goldsmith College de Londres (University of London), met son expertise technologique au service de la notation musicale. Il met au point un dispositif de partitions en réseau, permettant à la notation affichée à l’écran de s’adapter en temps réel à l’évolution du discours musical, et s’interroge sur les possibilités de concerts dans lequel l’orchestre, le choeur et les solistes seraient tous reliés par un tel outil.
A recent study by the University of Exeter and Tokyo University confirmed the long-held belief that music is a powerful social glue that brings people together and bonds social groups in every known culture, past and present. In the past few hundred years, people’s desires to participate in music making has been diminished by delineating music makers from music listeners who are often treated as passive consumers.
Une étude récente de l'Université d'Exeter et de l'Université de Tokyo a confirmé la conviction de longue date selon laquelle la musique est un puissant liEN social qui relie les gens et lie des groupes sociaux de toutes les cultures connues, passées et présentes. Au cours des siècles derniers, un fossé s’est creusé petit à petit entre les musiciens praticiens - les “créateurs” de musique - et ceux qui l’écoutent, souvent traités comme des consommateurs passifs.
This trend, as suggested by evolutionary researchers, seems to go against natural human tendencies to actively participate in processes of music making. This article explores the proposition that computer networking technology can be used to reverse this trend and provide an environment for new forms of communal music making.
Cette tendance, suggérée par les chercheurs en théories de l’évolution, semble aller à l’encontre des tendances naturelles de l’homme à participer activement aux processus de création musicale. Cet article explore la proposition selon laquelle la technologie des réseaux informatiques peut être utilisée pour inverser cette tendance et créer un environnement propice à de nouvelles formes de production de musique partagée.
In a networked system, a number of components communicate and coordinate actions by passing messages over a computer network.
Modern high-performance networks are capable of processing thousands of messages per second within humanly imperceptible time periods.
Dans un système en réseau, un certain nombre de composants communiquent et coordonnent des actions en transmettant des messages sur un réseau informatique.
Les réseaux modernes à haute performance sont capables de traiter des milliers de messages par seconde dans des intervalles de temps imperceptibles à l’échelle humaine
Music notation can be encoded in digital format suitable for network transport. Digital notation formats tend to be either rule based semantic representations, such as MusicXML and GUIDO, or purely graphical representation formats like SVG (Scalable Vector Graphic). Software developers have created music composition and performance tools capable of music notation authoring and distribution over a network in real-time.
La notation musicale peut être encodée au format numérique et ainsi s’adapter au transport réseau. Les formats de notation numérique tendent à être des représentations sémantiques basées sur des règles, telles que MusicXML et GUIDO, ou des formats de représentation purement graphiques tels que SVG (Scalable Vector Graphic). Les développeurs de logiciels ont créé des outils de composition musicale et de performance capables de créer et de distribuer des partitions sur un réseau en temps réel.
Some of the more widely used networked notation software packages are INScore, MAXScore and Decibel ScorePlayer. Most of the music software tools use OSC (Open Sound Control) protocol to exchange music data and messages over a network.
INScore, MAXScore et Decibel ScorePlayer sont parmi les progiciels de notation en réseau les plus largement utilisés. La plupart des outils logiciels de musique utilisent le protocole OSC (Open Sound Control) pour échanger des données musicales et des messages sur un réseau.
Networked notation systems aim to enable all participants in the music making process to connect, send and receive music notation and other related events. The composer, conductor, performers and audience can all interact and control composition flow in real-time over a network, thereby blurring the boundaries between traditional music making roles.
Les systèmes de notation en réseau visent à permettre à tous les participants du processus de création musicale de se connecter, d’envoyer et de recevoir des partitions et d’autres événements connexes. Le compositeur, le chef d'orchestre, les interprètes et le public peuvent tous interagir et contrôler le flux de la composition en temps réel sur un réseau, brouillant ainsi les frontières entre les rôles de producteur de musique traditionnelle.
Figure 1: Networked Music Making Environement
The most apparent change for composers and performers used to traditional static notation views, such as paper scores or pdf files, is that the notation in real-time networked systems can be dynamically generated, distributed and rendered on musicians’ screens.
Le changement le plus apparent pour les compositeurs et les interprètes habitués aux représentations statiques des notations traditionnelles, telles que les partitions papier ou les fichiers pdf, est que la notation dans les systèmes en réseau temps réel peut être générée, distribuée et restituée de manière dynamique sur les écrans de musiciens.
Several dynamic notation update strategies have emerged so far, including the full page or stave update as in Richard Hoadley’s Calder’s Violin where the entire view is replaced with new notation at once and the continuous scroll as in Cat Hope’s Longing and Luciano Azzigotti’s Spam where the notation moves continually from left to right. Alternating pane layout strategy, as implemented in Slavko Zagorac’s Ukodus, offers familiar left-to-right and top-to-bottom notation view and avoids moving notation.
Plusieurs stratégies de mise à jour dynamique de la notation sont apparues jusqu'à présent, y compris la mise à jour complète d'une page comme dans le violon Calder de Richard Hoadley, où la vue entière est remplacée par une nouvelle notation à la fois (en même temps que ?) et le défilement continu comme dans Cat Hope's Longing et le Spam de Luciano Azzigotti où la notation se déplace continuellement de gauche à droite. La stratégie de présentation des volets alternés, telle qu’elle est implémentée dans l’Ukodus de Slavko Zagorac, offre une vue familière des notations de gauche à droite et de haut en bas et évite les déplacements de notation.
Figure 2: notation dynamique avec volets alternés
In alternating pane layout, at any point of time during a performance, there is always one active and one preparatory pane. While the active pane is played the preparatory pane is refreshed with the upcoming notation, giving ample preparation time to musicians. In the example screenshot (Figure 2), the top stave is active while the slightly dimmed bottom stave is preparatory. The animated current position indicator is also visible as the green line in the second bar of the top stave.
En alternant la disposition des volets, à tout moment de la performance, il y a toujours un volet actif et un volet préparatoire. Pendant que le volet actif est joué, le volet préparatoire est actualisé avec la notation à venir, ce qui laisse un temps de préparation suffisant aux musiciens. Dans l'exemple d'écran (Figure 2), la portée supérieure est active tandis que la portée inférieure légèrement grisée est préparatoire. L'indicateur de position actuelle animé est également visible sous forme de ligne verte dans la deuxième barre de la portée supérieure.
Networked compositions can be extended to include score representations for the audience’s mobile devices, as in Simon Katan’s Conditional Love. Simon’s piece uses the audience’s mobile devices as sound sources, thereby turning audience members into performers. Conditional Love is constructed to allow for two-way interaction between the audience and the composer resulting in real-time composition flow changes. This concept could be extended to include any other participant in a performance. For example, musicians or a conductor could send messages to one or more other musicians by triggering events from their devices.
Les compositions en réseau peuvent être étendues pour inclure des représentations de partition pour les appareils mobiles du public, comme dans Conditional Love de Simon Katan. La pièce de Simon utilise les appareils mobiles du public en tant que sources sonores, transformant ainsi les membres du public en interprètes. “L'amour conditionnel” est conçu pour permettre une interaction dans les deux sens entre le public et le compositeur, ce qui entraîne des modifications du flux de composition en temps réel. Ce concept pourrait être étendu pour inclure tout autre participant à une performance. Par exemple, des musiciens ou un chef d'orchestre peuvent envoyer des messages à un ou plusieurs autres musiciens en déclenchant des événements à partir de leurs appareils.
Apart from the integration of music composition and performance processes, networked notation systems also allow for integration of various data types. As the notation in networked systems is encoded in digital data format, the same system can be designed to handle any other digital data types such as audio or video streams, scripts or control events. Furthermore, it is possible to plug in various generative algorithmic engines programmed to produce notation, audio, video or any other digital data type on demand.
Outre l'intégration de la composition musicale et des processus d'exécution, les systèmes de notation en réseau permettent également l'intégration de divers types de données. Comme la notation dans les systèmes en réseau est codée au format de données numériques, le même système peut être conçu pour gérer tout autre type de données numériques tel que les flux audio ou vidéo, les scripts ou les événements de contrôle. En outre, il est possible de brancher divers moteurs algorithmiques génératifs programmés pour produire à la demande des fonctions de notation, audio, vidéo ou tout autre type de données numériques.
This approach challenges traditional preconceptions about the nature of a music composition score. Rather than being just a notation representation, the score in a networked system becomes a collection of data and algorithms designed to handle event processing in real-time.
Cette approche remet en question les idées préconçues traditionnelles sur la nature d'une partition de composition musicale. Plutôt que d'être simplement une représentation de notation, la partition d'un système en réseau devient un ensemble de données et d'algorithmes conçus pour gérer le traitement des événements en temps réel.
Networked notation systems can also be used to provide separation and precise control of notation steams. In compositions requiring independent execution of each part, such as Earle Brown’s mobiles or Lutoslawski’s string quartet, networked technology can be used to precisely control the timing of each individual part, regardless of its tempo and meter. If required, this technology can also enforce vertical alignment of parts at specific points in time. This opens up new composition possibilities which would be very hard to achieve without technology.
Les systèmes de notation en réseau peuvent également être utilisés pour fournir une séparation et un contrôle précis des phases de notation. Dans les compositions nécessitant une exécution indépendante de chaque partie, telles que les mobiles Earle Brown ou le quatuor à cordes de Lutoslawski, la technologie en réseau peut être utilisée pour contrôler avec précision le minutage de chaque partie, quels que soient son tempo et son mètre. Si nécessaire, cette technologie peut également imposer l’alignement vertical des pièces à des moments précis. Cela ouvre de nouvelles possibilités de composition qu'il serait très difficile de réaliser sans technologie.
Accurate synchronisation of events over a network can be challenging, especially if remote Internet connections are used during a performance. Local area network performances where all participants are placed in a single location can be accurately synchronised, particularly if all participants are connected over wired connections. Wireless (WiFi) connections are less reliable and require strategies to deal with data loss and high latency. Existing network notation solutions are mostly used for smaller ensemble performances. Further development is required to make network notation systems more scalable and robust enough for general use.
Une synchronisation précise des événements sur un réseau peut être difficile, en particulier si des connexions Internet distantes sont utilisées pendant une performance. Les performances de réseau local où tous les participants sont placés à un seul endroit peuvent être synchronisées avec précision, en particulier si tous les participants sont connectés via des connexions filaires. Les connexions sans fil (WiFi) sont moins fiables et nécessitent des stratégies pour faire face à la perte de données et à une latence élevée. Les solutions de notation réseau existantes sont principalement utilisées pour les performances d'ensemble plus petites. Des développements supplémentaires sont nécessaires pour rendre les systèmes de notation réseau plus évolutifs et suffisamment robustes pour une utilisation plus généralisée.
It is possible to imagine a large music performance venue in the near future where the orchestra, choir members, conductor, composer and audience, as well as various digital devices, are all connected over a computer network. Such an environment would enable all participants to communicate with each other in real-time and get actively engaged in a new form of music making. It could particularly be appealing to technology savvy millennials and be used to encourage their engagement in more challenging contemporary music styles. Ultimately, the networked music making environment has the potential to lead to new musical aesthetics.
Il est possible d'imaginer une grande salle de concert dans un avenir proche où l'orchestre, les membres de la chorale, le chef d'orchestre, le compositeur et le public, ainsi que divers appareils numériques, sont tous connectés via un réseau informatique. Un tel environnement permettrait à tous les participants de communiquer en temps réel et de s’engager activement dans une nouvelle forme musicale. Il pourrait être particulièrement attrayant pour les millénaires à la pointe de la technologie et être utilisé pour encourager leur engagement dans des styles de musique contemporaine plus stimulants. En fin de compte, l’environnement de création de musique en réseau est susceptible de déboucher sur une nouvelle esthétique musicale.
Slavko Zagorac, traduction Jonathan Bell
Dans la newsletter précédente, Alessandro Milia nous présentait la forme générale de la troisième sonate pour piano de Radulescu. Il nous livre ici une analyse plus détaillée du premier mouvement
Zoom sur le premier mouvement : If You Stay in the Center
If You Stay in the Center, premier mouvement de la troisième Sonate opus 86 de Radulescu, est caractérisé par une texture musicale très uniforme. Ce mouvement est constitué par deux types de matériaux principaux : (1) des modèles métro-rythmiques ostinatos et (2) des hymnes byzantins anciens. Les modèles métro-rythmiques, répétés de façon obsessive, sont organisés selon des sections formelles de huit mesures et les hymnes byzantins (IXe et XIIIe siècle) sont élaborés avec une technique d'hétérophonie particulière, c'est-à-dire le canon en diffraction. La forme globale du mouvement est déterminée par l'alternance de ces deux types de matériaux. Nous pouvons les observer dans les exemples 1a (des modèles métro-rythmiques) et 2 (hymne byzantin du XIIIe siècle) afin de saisir dès maintenant leur morphologie :
Exemple 1a : H. Radulescu, troisième Sonate pour piano opus 86, premier mouvement, mesures 1-8.
Exemple 2 : H. Radulescu, troisième Sonate pour piano opus 86, premier mouvement, mesures 40-42.
Le tableau suivant rend compte avec précision du schéma formel de ce mouvement. En analysant le schéma formel général, nous constatons que les cinq parties formelles (A–B–A1–B1–AB) possèdent des fonctions compositionnelles très précises et déterminées par le compositeur.
PARTIE FORMELLE | MESURES | MORPHOLOGIE DU MATÉRIAU |
---|---|---|
A | Mes. 1-40 | modèles métro-rythmiques |
B | Mes. 41-86 | hymne byzantin du XIIIe siècle |
A1 | Mes. 87-168 | modèles métro-rythmiques |
B1 | Mes. 169-214 | hymne byzantin du IXe siècle |
AB | mes 215-280 | fusion des deux matériaux |
PARTIE FORMELLE | FONCTION COMPOSITIONNELLE | CARACTERISTIQUE DU MATÉRIAU |
---|---|---|
A | Mes. 1-40 | exposition |
B | Mes. 41-86 | exposition 2ème matériau contrastante |
A1 | Mes. 87-168 | reprise développante instable |
B1 | Mes. 169-214 | reprise développante 2ème matériau contrastante et instable |
AB | mes 215-280 | coda développante hybride et instable |
Modèle 1 3 1 1 1 1 | Modèle 2 2 1 3 1 |
M1 | mes. 1 |
M2 | mes. 2 |
M1 | mes. 3 |
M2 | mes. 4 |
M1 | mes. 5 |
M2 | mes. 6 |
M1 | mes. 7 |
M2 | mes. 8 |
Dans son remarquable livre intitulé Les passions du chœur. La musique chorale et ses pratiques en France 1800-1950 », dont Edith Weber a fait un compte-rendu détaillé dans notre Lettre du mois dernier, Bernadette Lespinard consacre un chapitre entier aux Petits Chanteurs à la Croix de Bois. On peut s’étonner de cette place donnée à ce qui n’est plus, aujourd’hui, qu’un chœur d’enfants parmi d’autres. Mais je voudrais ici témoigner de l’impact qu’ont pu avoir sur les jeunes de la période 1930 – 1960 les Petits Chanteurs, spécialement lors des deux premiers grands rassemblements de Petits Chanteurs de 1946 et 1947... car j’y étais !
Ces congrès ne sont pas sortis de nulle part. L’article cité plus haut fait l’historique de cette « manécanterie » créée en 1907 par Paul Berthier et Pierre Martin, mais qui connait son heure de gloire avec la direction de l’abbé Millet (on me pardonnera de ne pas l’appeler « Monseigneur », titre honorifique qui lui fut conféré tardivement – 1951 par Pie XII). Les premières tournées datent de 1931. Pour la partie que je n’ai pas vécue moi-même (je ne suis né qu’en 1934...), je m’inspirerai des mémoires de Monseigneur Maillet1 et de témoignages recueillis au cours de mon cheminement avec une filiale des Petits Chanteurs. L’histoire commence, après l’arrivée de l’abbé Millet, par un mémorable « four » à la salle Gaveau, louée sous la pression de l’enthousiaste Amédée Gastoué. La salle est quasiment vide, mais il y a parmi les quelques « palmiers dans le désert » un certain Jacques Hébertot, qui, quelques semaines auparavant avait découvert les Petits Chanteurs et leur avait même demandé d’enregistrer des disques pour sa jeune maison d’édition. Hébertot a été enthousiasmé par le concert et, devant la mine déconfite de l’abbé Maillet lui donne le conseil de louer... la salle Pleyel et de la remplir ! Et c’est ce qui fut fait le 31 janvier 1931. De là s’ensuivirent les tournées à Alger, d’abord, puis au Canada et en Amérique et enfin dans toute l’Europe. Mais ce n’est pas l’histoire des Petits Chanteurs que je veux raconter ici mais l’expérience des grands rassemblements d’après-guerre qui donnèrent naissance à la Fédération Nationale (créée dès 1944) puis à la Fédération Internationale Pueri Cantores (1947), et surtout rendre compte de cet extraordinaire mouvement qui surgit dans l’immédiat après-guerre. GPKg2c_bRCs
Certes des chœurs d’enfants existaient à cette époque mais il y eut à ce moment, dans toute la France, l’éclosion de nombreuses manécanteries qui s’affilièrent aux Petits Chanteurs à la Croix de Bois. C’est ainsi que sur ma paroisse parisienne se créa, sous l’influence d’un vicaire de l’église Saint François d’Assise, dans le XIX° arrondissement, une petite manécanterie dont je fis immédiatement partie. Elle était dirigée par une « demoiselle » de la paroisse, excellente violoncelliste, qui se nommait Mademoiselle Descamps et devait devenir, après son mariage avec Monsieur Dumay, la maman du violoniste Augustin Dumay. Excusez du peu ! Bref, notre petite Manécanterie prit part au premier rassemblement de 1946, où étaient conviées en priorité les « manés » parisiennes.
La fin de mon année de sixième fut donc marquée par la participation de notre Manécanterie des Petits Chanteurs de Saint François d’Assise au grand rassemblement parisien organisé par les Petits Chanteurs à la Croix de Bois. Ce fut une expérience inoubliable. Il y eut deux concerts : le premier se déroula dans l’église Saint Roch, à l’époque pas très loin des Halles. Depuis, les Halles sont parties à Rungis...
Cette église, à peine moins grande que Notre-Dame, était tout indiquée pour recevoir les mille deux cents Petits Chanteurs qui devaient se réunir pour ce congrès. Ce rassemblement était un rêve de l’abbé Maillet. L’idée de regrouper les différents chœurs d’enfants existant en France avait germé avant la guerre.
Mais l’explosion de ces chœurs d’enfants immédiatement après la guerre et l’enthousiasme de cette période était une occasion rêvée de réaliser ce projet. La sortie du film La cage aux rossignols dans les premiers jours de septembre 1945 et l’immense succès que ce film avait rencontré avaient fait des Petits Chanteurs à la Croix de Bois un véritable modèle. Rappelons que ce film, tourné par Jean Dréville, mettait en scène, dans un pensionnat privé des années 30 en province, le célèbre chansonnier et acteur Noël-Noël et la manécanterie qui y jouait son propre rôle (contrairement au « remake » de Christophe Barratier intitulé Les choristes).
Pour préparer les deux concerts, celui de Saint Roch et celui du Palais de Chaillot, nous avions eu des répétitions. Je ne me souviens plus du détail de celle de Saint Roch. En revanche, je me souviens fort bien de celle de Chaillot. C’était dans la grande salle, qui n’existe plus aujourd’hui, et où se trouvait l’orgue. Rappelons que l’instrument était mobile, dans une immense cage montée sur roulettes et pouvait se déplacer du fond de scène, pour les concerts et les spectacles jusqu’à l’avant-scène pour les récitals. Pour la répétition, nous étions tous assis dans la salle lorsque la « Mané » entra. Et il y eut un silence puis un grand murmure lorsque, du fond de la salle, les Petits Chanteurs gagnèrent leur place avec, au milieu d’eux, le fameux « Laugier » du film, qui s’appelait en réalité Roger Krebs. Mais cela, personne ne l’a su pendant longtemps : l’abbé Maillet (il n’était pas encore « Monseigneur ») refusait absolument tout vedettariat pour ses petits chanteurs.
Voici le programme du dimanche à Saint Roch: la couverture et l’intérieur du programme du concert. A Saint Roch est donné le programme religieux. Détaillons-le un peu. Il faut faire un sort tout particulier à la « Prière Patriotique de J. Dalcroze ». Il s’agit bien entendu de l’éminent musicien, pédagogue et compositeur suisse Émile Jaques-Dalcroze. Cette Prière Patriotique a longtemps joué le rôle de Cantique National, sorte d’hymne national en second, spécialement en Suisse Romande. J’en cite le texte car il n’est pas anodin.
Seigneur accorde ton secours
Au beau pays que mon cœur aime
Celui que j’aimerai toujours
Celui que j’aimerai quand même.
Tu m’as dit d’aimer et j’obéis,
Mon Dieu protège mon pays.
Je l’aime pour ses frais vallons
Et j’aime d’un amour intime
La cime blanche de ses monts
Où plane l’aigle au vol sublime.
Il est ma force et mon appui
M’indique le chemin à suivre
Je l’aime et je dépends de lui
Ailleurs je ne pourrais pas vivre.
Auquel s’ajoute un dernier couplet :
Jadis, unissant leurs efforts,
Des gens d’ailleurs l’ont voulu prendre Je le chéris d’autant plus fort
Que mes aïeux l’ont su défendre.
Bien sûr, ce texte est de 1903... mais les occupants n’avaient pas un grand sens de l’humour ni de la « contextualisation ». Aussi, ce dernier couplet ne faisait pas partie de la version à quatre voix mixtes que les Petits Chanteurs – et leurs filiales – chantaient pendant l’occupation.
Pour des petits parisiens, la Suisse, de plus, ça voulait dire quelque chose. Là aussi, contextualisons : quand on pense l’occupation, on voit les parisiens écoutant avec ferveur « Les Français parlent aux Français » et Radio Londres. Mais foin des clichés ! Avec des récepteurs qui dataient tous d’avant 39, c’était hasardeux ! Il y avait d’abord le brouillage. Le hululement qui se superposait à la réception rendait la réception très aléatoire – en supposant qu’on ait pu accrocher Londres. Il valait mieux avoir une grande antenne. Mais c’était risquer de se faire repérer par l’occupant... Bref, il y avait une radio qu’on arrivait avec moins de mal à accrocher, c’était l’émetteur national suisse de Sottens et les chroniques de René Payot.
Dès octobre 1941, à la demande du directeur du studio de Genève de la Radio suisse romande, René Payot accepte de commenter, chaque vendredi, la situation internationale. Très rapidement ses chroniques passent les frontières. La Belgique occupée et le nord de la France écoutent avec passion ses chroniques considérées comme constituant un antidote à Radio Paris, seul émetteur radio reçu à Paris. Radio Vichy n’arrive pas jusqu’à nous... et d’ailleurs, en zone occupée, Vichy ne nous occupe guerre : une autre « occupation » nous préoccupe beaucoup. L’émetteur Suisse et ses studios de Lausanne étaient donc, pour les parisiens que nous étions, la seule ouverture possible vers l’extérieur et une information non allemande..
La Suisse, c’était aussi, pour le petit écolier parisien que j’avais été, le « goûter suisse ». A partir de 1942, j’avais vu arriver dans mon école communale du 19° arrondissement un commando de la Croix-Rouge suisse qui fournissait aux écoliers regroupés dans la cantine une grosse tranche de pain recouverte d’une épaisse couche de rillettes et un grand bol d’une sorte de bouillie (flocons d’avoine ?), le tout en grand uniforme de « dame de la Croix-Rouge » helvétique.
Bref, cette Prière Patriotique qui avait été pendant la guerre une sorte de pied de nez à l’occupant, revêtait en 1946 pour les petits chanteurs que nous étions un caractère de revanche tout à fait sensible. Je la rejoue aujourd’hui régulièrement aux messes du 11 novembre et du 8 mai. Peu de paroissiens comprennent encore l’allusion, mais j’ai la rancune tenace...
Revenons à notre programme.
L’O Jesu Christe de Van Berkheim et l’Ave vera virginitas de Josquin des Prés faisaient partie du programme commun des manés que tout le monde savait par cœur.
Quant à l’Alleluia « Loué soit Dieu » de Haendel, il s’agissait non pas de celui du Messie mais de celui de Judas Macchabée que nous savions tous par cœur : c’est celui que chantent les Petits Chanteurs au mariage de leur professeur dans La cage aux Rossignols. Inutile de dire que nous avions tous vu le film, et même plusieurs fois !
Le concert se terminait par un Salut du Saint Sacrement qui comportait les éléments habituels de cette cérémonie : la prière pour le pape et le Tantum Ergo. Si l’Ave Verum de Mozart était connu de tous, ce n’était pas le cas pour le Sicut lilium et le Tantum de Vittoria. En revanche, le Choral final de la Passion selon Saint Jean était un « tube » des manés de partout.
On voit qu’en 1946, les petits Chanteurs comptent déjà 85 filiales et que seules 25 ont pu faire le déplacement, ce qui n’est pas étonnant étant donné l’époque et le financement problématique du transport et de l’hébergement, même si les parents des enfants des manés parisiennes ont pu jouer pour l’hébergement un rôle très important. On notera aussi qu’on compte la présence de 17 manés parisiennes ou de proche banlieue et que les manés lointaines sont représentées par des délégations.
On remarquera aussi la qualité des organistes : Pierre Cochereau et Maurice Duruflé. Bernard Loth est moins connu mais c’est l’organiste attitré des Petits Chanteurs à la Croix de Bois. Il était également maitre de chapelle et organiste à Saint-Etienne-du-Mont et à Saint Ambroise.
Pour en revenir au concert de Saint Roch, la répétition et l’habillage avec les aubes eurent lieu à la bourse du commerce, monument rond situé à l’entrée des Halles. La grande salle intérieure était entourée de galeries. C’était très impressionnant. Dans les galeries se trouvaient de nombreuses personnalités musicales. Mon père, qui m’avait accompagné, me le fit remarquer.
Nous sommes donc le 7 juillet. Nous nous habillons, puis gagnons en procession l’église Saint Roch à travers les rues de Paris. Notre passage fait sensation. Le concert fut inoubliable.
A la sortie, comme nous nous regroupions sur le parvis pour retourner à la Bourse du commerce enlever notre aube, le Père Maillet eut envie de nous faire chanter quelque chose. Mais il y avait beaucoup de bruit : les commerçants étaient ouverts, et les gens rassemblés discutaient bruyamment et n’étaient pas forcément prêts à nous écouter. Alors, l’abbé Maillet fit passer le mot : « La Marseillaise ». C’était l’harmonisation de Marc de Ranse, fin musicien et compositeur, trop oublié.
Et nous entonnâmes : « Allons enfants... ». Aussitôt le silence se fit et les badauds se figèrent dans un garde-à-vous quasi religieux. N’oublions pas que la Marseillaise avait été interdite pendant l’occupation et que la chanter pouvait mener tout droit en prison ou pire encore. C’est dire si l’ensemble de la population était attaché à son hymne national ! Je ne sais plus ce que nous avons chanté après : sans doute le choral final de Saint Jean...
Le lendemain, c’était le concert au Palais de Chaillot. Il faisait une chaleur écrasante : la matinée se passa à répéter ainsi qu’à poser pour les photographes et le cinéma sur les marches du bas de l’esplanade de Chaillot. Un certain nombre d’entre nous se trouvèrent mal... Nous chantions pour le cinéma le Choral final de Saint Jean... et il fallait tout le temps recommencer ! Tous ces messieurs prenaient leur temps, les grosses caméras tournaient... Les photographes de presse n’en finissaient pas de trouver le bon angle. Bref, ce fut une aventure homérique. Nous allâmes au cinéma avec mes parents pour voir ces fameuses « Actualités » et fûmes bien déçus de voir que ce qui nous avait donné tant de peine durait juste quelques secondes sur l’écran !
Le concert fut une réussite totale. J’ai gardé de ce programme de grands souvenirs : nous n’intervenions qu’en seconde partie. Nous n’entendîmes donc la première partie que des coulisses, ce qui était un peu frustrant. Je faisais partie des chorales parisiennes qui chantaient dans la seconde partie. Nous n’avions pas tout appris, mais notre « mané » chantait La Nuit de Rameau, harmonisée par Noyon, le grand succès du film La Cage aux Rossignols, et surtout la Cantate de la Paix de Darius Milhaud, œuvre écrite pour les Petits Chanteurs et qui leur était dédiée. L’œuvre avait été écrite par Milhaud en 1937 et donnée par les Petits Chanteurs en première audition peu de temps après. Le texte, de Paul Claudel, était très frappant. Et chanter cela en 1946, c’était vraiment très émouvant...
Une autre pièce me frappa particulièrement, ce fut l’Exultate Deo de Francis Poulenc, plein de fougue et de dissonances qui me ravissaient... Enfin, nous chantâmes à 1200 le programme commun des rassemblements avec notamment l’Alléluia de Judas Macchabée de Haëndel qui accompagne le mariage de Noël Noël dans La Cage aux Rossignols, et, bien sûr, la Prière Patriotique de Jaques-Dalcroze qui dégageait toujours tant d’émotion et d’enthousiasme chez les auditeurs... et les chanteurs !
Voici d’abord le programme du Palais de Chaillot :
L’ensemble de ces deux journées a été décrit dans ce dépliant publié peu après (automne 1946) et en préparation de l’année suivante : en voici d’abord l’intérieur.
Il est très intéressant de lire dans l’intérieur de ce dépliant l’historique de la Fédération. La mention de Jacques de Noirmont nous rappelle le lien de la manécanterie primitive avec le scoutisme, et le lien du scoutisme avec l’épanouissement du chant choral : c’est de la chorale Alauda de Guillaume Daumas (auquel succéda Jacques Chailley...) puis de celle du scoutisme français que naîtra le mouvement A Cœur Joie impulsé par César Geoffray dès que la Libération l’aura rendu possible. Tout ce qui était déjà en germe dans les années d’avant-guerre et qui avait survécu plus ou moins clandestinement pendant l’occupation en rusant avec les autorités, peut s’épanouir maintenant au grand jour.
Voici ci-dessous la photographie de couverture du dépliant. Il s’agit du concert à Saint Roch. On voit au premier plan à gauche l’abbé Maillet, de dos, dirigeant les Petits Chanteurs. Les gestes de direction de l’abbé étaient souvent petits et il dirigeait les Petits Chanteurs autant avec les expressions de son visage qu’avec les mains. Ce qui était parfait pour les Petits Chanteurs était plus aléatoire pour les 1200 que nous étions. Pendant l’un des chants de Saint Roch, je crois que c’était la Prière patriotique, au deuxième couplet, seule la Mané démarra ! Le Père maillet, d’une main, nous fit signe de nous taire pendant que la Mané seule chantait le
deuxième couplet et nous reprîmes tous les 1200, sur un grand geste du Père Maillet, le troisième couplet. Tout le monde pensa que ça avait été fait exprès !
La photo ci-dessous est le témoignage de la présence des mille deux cents petits chanteurs, chantant le Choral Final de la Passion selon Saint Jean de Bach sur les marches de Chaillot dans les conditions décrites plus haut...
Déjà, cette année-là, le congrès était accompagné au Grand Orgue du Palais de Chaillot par l’ami de toujours des Petits Chanteurs, Maurice Duruflé.
Il est vraiment difficile de dépeindre l’émotion qui se dégageait de ces concerts, non seulement à cause de ce qu’ils étaient en eux-mêmes, mais en raison de la proximité de la Libération. Il en sortait une impression de renouveau, un souffle de liberté retrouvée indescriptibles. Cela se sentait non seulement parmi les participants mais aussi parmi les spectateurs, aussi bien ceux qui assistaient aux concerts que les foules, bien visibles sur la photographie du dépliant, qui nous accompagnaient dans les rues de Paris, entre la Bourse du Commerce et Saint Roch, dans les deux sens...
L’année suivit son cours... Différentes circonstances, dont la disparition de ma Mané de Saint François d’Assise, m’amenèrent à la Manécanterie de la Trinité, dans le 9° arrondissement. Et c’est avec elle que je participai au grand congrès de 1947.
L’année suivante, en effet, un nouveau congrès devait réunir 3000 petits chanteurs : cette fois-ci, aucune église parisienne ne pouvait accueillir un tel nombre d’exécutants. La grande salle du palais de Chaillot était seule susceptible de nous accueillir. Encore avait-il fallu recouvrir les premiers rangs de fauteuils d’orchestre d’un plancher et édifier sur l’immense scène une tribune. Et je dois dire que, malgré cela, nous étions serrés ! Voici l’intérieur des programmes
En ce qui concerne le programme lui-même, la troisième partie comportait une nouveauté par rapport aux années précédentes : le Psaume 150 de César Franck. Je dois dire que ce fut très impressionnant. Toutes ces pièces que j’ai chantées dans ces congrès, je les sais encore par cœur... Je fus encore frustré de ne pas entendre Les deux cités, la cantate de Darius Milhaud. Si j’avais pu participer, l’année précédente, à la Cantate de la Paix, cette fois, la deuxième partie était réservée exclusivement à la Mané... et donc, nous étions en coulisse, dans ces immenses coulisses de Chaillot d’où ce qui se passait sur scène était totalement inaudible. Comme l’Exultate Deo de Poulenc, comme la Cantate de la Paix, Les deux cités avait été composée spécialement pour les Petits Chanteurs à la Croix de Bois.
De ces trois concerts me restent quelques souvenirs plus marquants : l’immense salle du Palais de Chaillot qui semblait déjà pleine rien qu’avec nous, la tribune qui avait été construite sur la scène, la scène elle-même qui débordait sur la salle puisque les trois premiers rangs de fauteuils d’orchestre avaient été recouverts par une avancée.
Et puis, il y eut les concerts eux-mêmes : Maurice Paul Guillot dirigeant les Concerts Pasdeloup, Maurice Duruflé, derrière la console, qui était à ma droite quand je regardais la salle, la forêt de tuyaux qui se trouvait derrière nous tout au fond de la scène... J’espérais qu’un jour, moi aussi, je pourrais accompagner à l’orgue le Requiem de Fauré. Je dois dire que cela se réalisa... mais beaucoup plus tard et dans des conditions beaucoup plus modestes !
Voici une photographie d’amateur prise pendant l’un des concerts et qu’une personne, rencontrée par hasard me donna à la suite d’un échange sur ce congrès auquel il avait participé... trente ans plus tôt ! Il s’agit d’un titrage sur papier citrate, mais qui a survécu !
On voit ici l’abbé Maillet dirigeant avec de grands gestes (il avait appris, depuis l’année précédente !) les 3000 petits chanteurs et l’orchestre Pasdeloup au premier plan pendant la dernière partie du programme. La console de l’orgue, où se tient Maurice Duruflé, n’est pas visible sur cette photo : elle était tout à gauche (vue de la salle), hors champ.
Le premier concert fut bon, mais tout le monde était un peu tendu. Le deuxième eut quelques faiblesses : nous étions trop confiants après la première réussite, ce qui nous valut une joyeuse engueulade du Père Maillet. C’est ce jour-là également qu’il répondit à une critique de Claude Mauriac, dans le Figaro. Celui-ci, dans sa chronique, émettait des doutes sur la qualité musicale de tels rassemblements. Il disait en particulier que pendant le Requiem de Fauré, tous les enfants ne chantaient pas. C’était exact, car il était effectivement prévu que tous ne chantaient pas tout, et c’était explicitement dit dans la présentation. Mais, exprimé de cette manière, cela pouvait passer pour une accusation de malhonnêteté. Le père Maillet, faisant explicitement référence à cet article nous déclara : « Quand un sculpteur fait une statue, il peut y avoir des petits chiens qui viennent faire pipi sur le socle, cela n’empêche pas le sculpteur de faire sa statue... ».
Du coup, aiguillonnés que nous étions par les remarques du Père Maillet, et la critique de Claude Mauriac, la troisième soirée fut somptueuse !
Il n’y eut plus, me semble-t-il de congrès à Paris avec le Père Maillet. Je ne devais plus participer qu’à un seul congrès, sept ans plus tard, à Pâques 1954, à Rome, mais comme ténor, cette fois... Un extrait de ce congrès – extrait archi- court, bien entendu, puisqu’il s’agit des Actualités de l’époque – figure sur le site de l’INA : https://www.ina.fr/video/AFE85005602/a-rome-un-choeur- de-4000-petits-chanteurs-video.html Puisque j’ai abondamment parlé du père Maillet et de son œuvre, je terminerai par ces deux photographies inédites que j’ai prises sur la place Saint Pierre de Rome à l’issue de la messe de Pâques du congrès de 1954... Il n’a pas été le seul, mais sans lui rien de ce que j’ai raconté ne serait arrivé !
Daniel Blackstone
Phénomène complexe, mais aussi réalité du quotidien, la musique traditionnelle bulgare était présente dans des formes pures jusqu’à la Deuxième guerre mondiale et provoquait simultanément l’action créative des compositeurs et les approches vers l’éducation musicale. Dans les années 1930, les musiciens éclairés en Bulgarie comprirent qu’ils sont obligés d’établir définitivement un style musical et un système d’enseignement musical de caractère national, de les faire surgir des profondeurs de notre terre. Face au folklore, le compositeur bulgare transforme souvent les chants et danses ainsi que le mystère des rites en matériel sonore pour la construction d’une écriture individualiste. La connaissance et l’appropriation des éléments de la culture traditionnelle possèdent pourtant une puissance spécifique, et se révèle aussi bien outil du façonnement éducatif, que support archétypal à l'imaginaire...
Le folklore musical est le constituant fondamental de la culture pour société agraire en Bulgarie. Ses interdépendances continues avec les autres sphères de la culture sont spécifiques de tout complexe identifié de son syncrétisme. En même temps, la formation de la culture musicale moderne en Bulgarie se traduit comme un processus de transfert de certains procédés, genres et institutions de la musique occidentale. Le modèle d’une unité culturelle engendrée “avant” et “ailleurs” est extrapolé, déplacé, muté, renouvelé. Cette reproduction est attribuée au modèle issu de la musique de la société industrielle – le 19e siècle connaît le développement simultané des écoles nationales russe, polonaise, tchèque, hongroise... Certes, l’extrapolation du modèle en Bulgarie est un processus tardif. De 1396 jusqu’à 1878 le pays est dominé par l’Empire Ottomane. L’idée nationale resurgit aux 17 siècles pour s’épanouir au 18 et 19 siècles, mais la vie publique ne possède pas encore des institutions autonomes. Pourtant les changements affectent les champs d'interprétation et de création: un nouveau type de culture de la chanson émerge; des pièces musicales populaires sont jouées au piano, au violon, et l'on commence à composer des pièces similaires calquées sur ces exemples. Le goût nouvellement établi vise et conduit à faire de la musique dans le style européen conventionnel.
Pendant la première moitié du 20 siècle la culture musicale renouvelée déploie ses institutions modernes – orchestres, opéra, école de musique etc. Des compositeurs bulgares tels que Dobri Hristov (1875-1941), Petko Staynov (1896-1977), Pantcho Vladiguérov (1899-1978) et beaucoup d’autres complètent le système des genres et abordent le problème du style national, construit sur le fondement du folklore bulgare. Plusieurs œuvres sont alors écrites et constituent les classiques de la musique bulgare, faisant partie du cursus d’éducation musicale d’enseignement général jusqu’à nos jours.
Pour prendre un exemple, voici comment une oeuvre de cette période
– le ballet « Nestinarka »[1] de Marin Goléminov (1908-2000) – est présentée en collège. Définie par son auteur comme drame dansant, cette œuvre chorégraphique a eu sa première le 4 janvier 1942 à l’Opéra de Sofia. L’idée surgit définitivement en 1939 à la fête des Saints Konstantin et Hélène au village Bulgari, dans la région de la montagne Strandja, où le compositeur cherche à comprendre ce rite mystique de la danse sur le feu. Marin Goléminov la décrit lui-même:
« Le matin la procession s’organise devant l’église. Des jeunes hommes portent 3 icônes des Saints Konstantin et Hélène, suivies par les nestinarki, la cornemuse, la sainte grosse caisse et le peuple. La cornemuse joue, accompagnée de la sainte grosse caisse. On va près d’une source et une petite chapelle. Le prêtre bénit l’eau que les gens boivent « pour être en bonne santé ». La cornemuse joue des danses populaires. L’après-midi la procession rentre dans le village, on laisse les icônes dans le konak et l’on prépare le feu sur la place au milieu du village. Les nestinarki sont très émues, très agitées. Une d’elle sort devant le konak sous les sons de la cornemuse; elle fait des petits pas les mains levées vers le ciel et crie “vah”, “vah”. Le soir on allume le feu (...) Les coups de la sainte grosse caisse, pris par quelqu’un d’autre (on croit que jouer de cet instrument le jour de la fête peut guérir les malades) annonce le rythme caractéristique de la danse sur le feu: noire, croche, croche, croche, croche, noire; noire, croche, croche, croche, croche, noire... La voix de la cornemuse est comme un cri. Les nestinarki sont en transe, elles pressent les icônes contre la poitrine et marchent silencieusement sur les cendres ardentes... »
« Nestinarka », ce n’est seulement l’œuvre qui rendra célèbre son auteur, mais aussi celui où les particularités de son langage musical se sont annoncées avec la force mystique du rite représenté. Deux motifs sont des citations. Le premier est dans la mesure irrégulière de 11/8, il provient de la région de Bansko. Le deuxième est celui de la danse sur le feu écoutée à Bulgari. Mais les citations sont infiltrées dans la texture soudée par la personnalité de Marin Goléminov de telle manière qu’on n’arrive pas à les distinguer à l’ouïe. Ce type d’infiltration de l’esprit folklorique peut être observé dans plusieurs œuvres des années 30 et 40; pourtant les styles divergent en raison des différences des approches créatives.
A la fin du 19 et au début du 20 siècle surgit un phénomène nouveau, un mixte de la culture musicale en Bulgarie. « Le folklore des villes » est le résultat spécifique des interactions entre la musique traditionnelle de la société agraire et la musique populaire de la société moderne – la musique du loisir, de la réjouissance dans son sens banal. Au début ce n’est que la musique des villageois, venus travailler dans les grandes villes. Avec l’intensification de l’industrialisation le phénomène s’élargit et traduit les gouts d’un public plus large. Dans les années 60, 70 et 80 du 20e siècle s’élargit une de ses composantes instrumentales – la musique fonctionnelle des fêtes familiales, appelé musique de mariage.
C’est une pratique énorme et significative, répandue dans tous les pays balkaniques et popularisée par la musique de Goran Bregovic pour les films d’Emir Kusturica. Son CD “Ederlezi - songs for weddings & funerails” est l’abstraction même de ce « music-making » balkanique.
« Arisona dream »... Deux éléments « bulgares » perceptibles à l’ouïe: les mesures irrégulières de 7/8 & 11/8 et le chant, symbolisant la mort. « Underground »... « War » se sert de nouveau des « voix bulgares » pour créer l’image de la guerre et de la mort. Marcel Cellier a-t-il très bien compris cette tristesse innée du folklore bulgare pour nommer le disque qui le rendra célèbre « Le mystère des voix bulgares »?
Et un fait qui surprend même nos élèves – les « voix bulgares » chantent souvent de la musique savante écrite récemment. Un genre nouveau spécifique et rigide naît après la Deuxième guerre mondiale du mariage de la polyphonie occidentale et de la monodie archaïque – l’arrangement de chant folklorique. Les exemples classiques de ce genre, chantés primordialement par des chorales de femmes, sont marqués par la créativité et la personnalité des compositeurs comme Philippe Koutev (1903-1982), Krassimir Kurktchiysky (1936-2011) etc...
De nos jours les programmes d’éducation musicale pour les écoles bulgares d’enseignement général intègrent des connaissances sur le folklore authentique des différentes régions du pays. Les compétences d’interprétation de chants folkloriques sont centrales, ce qui n’exclut pas l'audition des arrangements de chant folklorique. Les élèves découvrent la spécificité du genre et contemplent la beauté de morceaux comme « Vétchéraĭ, Rado »[2] de Philippe Koutev… Dans le cursus lié à l’époque contemporaine, prennent place aussi des commentaires sur les interactions de certains éléments de la musique traditionnelle bulgare avec les pratiques de jazz, de rock, de la musique de film, etc.
Tendance générale, le cinéma et la musique de film attirent constamment l’intérêt des élèves, leur permettant de redécouvrir la richesse de la culture nationale dans un milieu globalisé. Un excellent exemple est le succès de « Pritouri se planinata »[3], chant traditionnel interprété par la chanteuse folklorique de la région de Thrace Stefka Sabotinova (1930-2010), inclus dans le disque édité par Marcel Cellier en 1975. La mélodie est utilisée plus tard dans la musique de films « Jésus de Montréal » et « Les lyonnais ». Ses différentes reprises pop dont celle de Jacky Hanouna et D-Emotion Project, réalisé en 1994, ont connu en Bulgarie un vrai succès qui dépasse de nos jours la popularité de l’original ainsi que la réussite des films mentionnés.
Bien sûr, la musique traditionnelle bulgare imprègne nos programmes et manuels scolaires sous formes diverses qui ne peuvent être décrites dans cet article dans leur intégralité, toutefois les exemples développés dans cet article témoignent de cette réalité.
The Hub, le premier laptop orchestra
Chaque année, le ZKM (Zentrum fur Kunste und Media) délivre un prix récompensant compositeurs, artistes sonores et visuels, pour lesquels la musique s’exprime le plus souvent au moyen les nouvelles technologies
Every year, the ZKM (Zentrum fur Kunste und Media) delivers an award for composers, sound and visual artists, for whom music is most often expressed through new technologies.
Cette année, le Grand Prix Giga-Hertz pour l'ensemble des réalisations, doté de 10 000 euros, est attribué à John Bischoff, Chris Brown, Tim Perkis, Mark Trayle, Phil Stone et Scot Gresham-Lancaster, plus connu sous le nom de « The Hub ».
This year's Giga-Hertz Grand Prize for Lifetime Achievement, endowed with 10,000 euros, goes to John Bischoff, Chris Brown, Tim Perkis, Mark Trayle, Phil Stone and Scot Gresham-Lancaster, better known as « The Hub ».
Fondé en 1986, l'ensemble de musique en réseau américain est issu de la «League of Automatic Music Composers», qui explorait le potentiel de l'ordinateur en tant qu'instrument de musique live à la fin des années 1970. »The Hub« fait partie des pionniers dans le domaine du net-art, du live coding et des laptop orchestras.
Founded in 1986, the US network music ensemble emerged from the »League of Automatic Music Composers«, which explored the potential of the computer as a live musical instrument in the late 1970s. »The Hub« are among the pioneers in the field of network art, live coding and laptop ensembles.
Prix Giga Hertz Production
Le jury a également sélectionné deux
oeuvres remarquables parmi environ 150
candidatures internationales: Le duo
d'artistes "GRAYCODE, jiiiin", composé de
Jinhee Jung et de Taebok Cho, a reçu le
prix Giga Hertz Production d'une valeur de
4 000 € pour leur oeuvre audiovisuelle "+
3x10 ^ 8m / s , au-delà de la vitesse de la
lumière «pour le support fixe. Dans leur
pièce, "GRAYCODE, jiiiin" permettent de
faire l'expérience de l'expansion de l'univers
à travers le son. Le deuxième prix de
production Giga Hertz, également associé à
un prix de 4 000 €, revient à Óscar
Escudero pour sa composition «POV«
(point de vue) pour saxophone et média
fixe. Le saxophoniste porte des lunettes de
réalité virtuelle: il est source et récepteur de
ses actions. À travers les lunettes de réalité
virtuelle, il explore ses actions sous
différents "Points de vue".
Giga Hertz Production Award
The jury also nominated two outstanding
works from around 150 international
submissions: The artist duo « GRAYCODE,
jiiiin», consisting of Jinhee Jung and
Taebok Cho, received the Giga Hertz
Production Prize worth €4,000 for their
audiovisual work »+3x10^8m/s, beyond the
light velocity «for Fixed Media. In their
piece,« GRAYCODE, jiiiin » make it possible
to experience the expansion of the universe
through sound. The second Giga Hertz
Production Prize, also combined with prize
money of 4,000 €, goes to Óscar Escudero
for his composition « POV» (Point of View)
for saxophone and fixed media. The
saxophonist wears VR glasses: he is
source and receiver of his actions, through
the VR glasses he explores his actions from
different «Points of View ».
Le compositeur britannique Lawrence Dunn (1991) affectionne particulièrement l'harmonie et la mélodie, l'innocence, la légèreté, même la naïveté. Se méfiant du dogmatisme dans la musique expérimentale, il déclare: «Bien que je m'inquiète beaucoup, j'essaie de ne pas m'inquiéter d'être au goût du jour. La mode est si fatigante, et je m’intéresse à d’autres choses. Il y a un enfant de huit ans en moi avec qui j’aimerais bien rester ami.
British composer Lawrence Dunn (1991) has an unabashed affection for harmony and melody, for innocence, lightness, even naiveté. Wary of dogmatism in experimental music or trends, he says “while I definitely worry a lot, I try not to worry about being current. Currency is so tiresome—besides I’m interested in other things. There’s an inner eight-year-old who I would like to please, to stay friends with.”
«Quand j'avais environ huit ans», se souvient Dunn, «mon professeur de piano - un gars formidable appelé Chris Fuller - m'a offert une mixtape à cassette. Je ne me souviens pas du titre exact - il s’agissait de «voyage musical à travers le monde». Les extraits audacieux de la fusion de Miles Davis au début des années 70 ont fait la part belle au gamelan balinais, aux rastas hindoustani, au free jazz d’Ornette. Cela m'a complètement soufflé et je pense que cela m'a fait comprendre que la musique pouvait être tout ce qu'elle voulait; astucieuse, agressive, simple, lyrique, étrange ou obtuse. "
“When I was about eight,” Dunn remembers, “my piano teacher—a wonderful guy called Chris Fuller—gave me a cassette mixtape. I can’t remember the exact title—it was something like ‘pan-global musical journeying.’ Unusual bits of Miles Davis’ fusion from the early seventies spliced into Balinese gamelan, Hindustani ragas, Ornette Coleman free jazz. It fairly comprehensively blew my mind. And I think it also baked into me a residual understanding that music could be anything it wanted; artful or aggressive or plain or lyrical or strange or obtuse.”
En tant que pianiste - pas assez patient pour pratiquer régulièrement ou me dévouer au perfectionnement technique -, Dunn passait surtout son temps à improviser: «J'enregistrais quelques improvisations sur bande. Mon professeur de piano m'avait parlé des modes grecs, des échelles autres que majeures ou mineures - Mixolydien, Dorien, Phrygien. J'avais un clavier, je choisissais des modes et des sons différents pour improviser. Quelque part dans la maison de mes parents, il y a une bande magnétique de ce garçon de huit ans qui improvise en mode Lydien avec des sons de cuivres ou de hautbois. Quand j’y pense, je réalise que c’est ce que je fais encore. »
As a pianist—never patient enough for regular practice or dedication to technique—Dunn mainly spent time improvising: “I recorded a fair few improvisations on tape. My piano teacher had told me about the Greek modes, scales other than major or minor—Mixolydian, Dorian, Phrygian. I had a keyboard, and would pick a mode and a different sound to improvise in. Somewhere in my parents’ house is a tape of the eight-year-old me improvising in the Lydian mode with synth brass or oboe sounds. The more I think about it, it’s essentially what I’m still doing.”
Une des premières pièces curieuses de Dunn est Oy (2009), une composition rebelle pour six clarinettes et cloche vache, dédiée à son oncle, le clarinettiste Antony Pay. «J'aimais la clarinette à cause de mon oncle et j'avais déjà écrit des petits morceaux. À cette époque, j'avais entendu Horatiu Radulescu et, lui avait volé l'idée de clarinettes multiples de son Inner Time II, en optant plutôt pour le rapide et le surchargé. Un peu distraitement, je l'ai soumis à un concours de la BBC; il a fini par être diffusé à la radio. En fin de compte, ils ont rassemblé quelques-uns des meilleurs jeunes clarinettistes du pays. L’un d’entre eux est venu me voir après et a déclaré: «Vous savez, c’est un peu difficile.»
A curious early piece in Dunn’s output is Oy (2009), a wayward composition for six clarinets and almglocken, dedicated to his uncle, clarinetist Antony Pay. “I was fond of the clarinet because of my uncle, and had written bits and pieces beforehand. Around this time I had heard Horatiu Radulescu, and brazenly pilfered the multiple-clarinets idea from his Inner Time II—opting instead for fast-and-busy over glacial. A little absentmindedly, I submitted it to a BBC competition; it wound up being broadcast on the radio. In the end they assembled some of the best young clarinet players in the country—one of them came up to me afterwards and said, ‘you do know, this is kind of tricky.’”
En quelques années, Dunn se rapprochait d'un langage musical personnel. Organ Piece (2013) est une composition construite à partir de lignes mélodiques simples et de combinaisons d'harmonies modales.
Within a few years Dunn was getting closer to obtaining a personal musical language. Organ Piece (2013) is a composition built from simple melodic lines and combinations of modal harmonies.
«Bien que cela puisse paraître un peu étrange, rétrospectivement, j’ai eu l’impression que l’harmonie n’était pas considérée comme intéressante chez les compositeurs provenant de milieux expérimentaux. Je me sentais vaguement gêné par l’harmonie à l’époque - en particulier par le genre d’harmonie qui a son origine dans les voix: en d’autres termes, l’harmonie tactile, palpable.
“While it can seem a little peculiar in retrospect, I had come to feel that harmony was not thought to be interesting among composers coming from an experimentalist background. I felt vaguely embarrassed about harmony at the time—in particular the sort of harmony that has its origin in voicings: in other words, the hands, ‘tactile’ harmony.
Si, en fait, j'avais un «sentiment» d’accords, de voix, de triades, de modes et d’autres choses, il serait insensé d’y aller à l’encontre. Ce faisant, on capte une certaine approche enfantine de la fabrication de la musique, où la composition est guidée par les mains sur le piano et le chant interne. »
If in fact I had a ‘feeling’ for chords, voicings, triads, modes and such things, it would be foolish or faithless to go against it. By so doing, one catches a certain childlike approach to music making, where the composition is pushed by one’s hands and one’s internal singing.”
Dans son harmonie, une grande partie de la musique de Dunn utilise la “Just Intonation” - une approche de l’accordage qui diffère du tempérament égal normalement utilisé dans la musique occidentale.
In its harmony, much of Dunn’s music utilizes Just Intonation—an approach to tuning that differs from the equal temperament normally used in Western music.
Dans le tempérament égal, sur un piano par exemple, chaque intervalle est cohérent, mais accordé «irrationnellement», divisant l’octave en douze étapes égales.
In the latter, each interval, on a piano for example, is consistent—but tuned ‘irrationally’, dividing up the octave in twelve equal steps.
En revanche, dans l’intonation juste (just intonation), les intervalles sont basés sur des rapports simples et sonnent un peu plus haut ou plus bas que d'habitude.
Justly intoned intervals are by contrast based on simple ratios and are a bit sharper or flatter than usual.
Mais ils ont aussi des couleurs uniques et inhabituelles - le tempérament égal peut paraître fade en comparaison. Des harmonies de ce type peuvent être entendues tout au long de l'œuvre de Dunn While we are Both (2017).
But they also have unique and unusual colors—equal temperament can sound colorless in comparison. Harmonies of this sort can be heard throughout Dunn’s piece While we are Both (2017).
Le quatuor à cordes Carrying (2017), écrit pour le Quatuor Bozzini, résulte d'une période douloureuse. La pièce a été écrite dans le cadre du group’s Composers’ Kitchen à Montréal, une sorte de laboratoire avec des ateliers et des workshops d’où ont émergés à de nouvelles compositions pour quatuor à cordes.
The string quartet Carrying (2017), written for Quatuor Bozzini, comes from a sorrowful period. The piece was written as part of the group’s Composers’ Kitchen in Montreal, a kind of laboratory with workshops and tryouts resulting in new compositions for string quartet.
«Franchement, j'étais mal - j'étais en deuil - et j'ai dû écrire quelque chose. On de devrait pas écrire de musique dans un tel état. En revenant de Montréal, je ne savais pas quoi faire avec cette musique. Finalement, j'ai tout supprimé. Certains éléments ont trouvé leur écho dans la pièce finale - c’est vraiment une image résiduelle.
“Frankly, I was a mess—I was grieving—and had to write something. You shouldn’t write music in such a state. Coming back from Montreal, I didn’t know what the hell to do with this music. Eventually I deleted it all. There are aspects that found their echoes in the final piece—it’s really an after-image.”
Ce n'est pas sans une certaine ironie, car la mémoire en musique intéresse beaucoup Dunn. Pas dans le sens de la musique qui tente de rappeler quelque chose, mais, comme on peut l'entendre dans Carrying et While, we are Both ou Organ Piece, la mémoire musicale en particulier:
This is not without a particular irony, as memory in music interests Dunn a lot. Not in the sense of music that attempts to remind one of something, but, as can be heard in Carrying as well as in While we are Both or Organ Piece, musical memory specifically:
«La façon dont la musique et les objets musicaux s’agrègent en souvenirs. Cela a probablement à voir avec l'improvisation. Quelle relation a-t-on avec quelque chose que l’on vient de jouer ou que l’on a joué il y a quinze minutes?
“The way music and musical items become encapsulated in recollection. It probably has to do with improvising. What relationship do you have with something you just played, or played fifteen minutes ago?
Pouvez-vous vous en souvenir? Comment se fait-il que les choses musicales deviennent des formes auxquelles nous pouvons nous accrocher? Parfois, une rencontre musicale est extrêmement présente;
quand vous la rencontrez, vous savez exactement ce que c'est.
Can you remember it? How is it that musical things become shapes that we can hold on to? Sometimes a musical encounter is extremely present; as you come across it, you know exactly what it is.
À l’inverse, parfois, la musique disparaît complètement. Et parfois, il y a de la musique qui se situe quelque part entre ces positions - certaines parties s’approchent et certaines parties reculent. On peut rappeler la musique avec certains aspects qui disparaissent en vous et d’autres qui restent. De même que la musique vacille dans sa capacité à se connaître et à se souvenir d'elle-même. Je pense que c'est ce que j'essaie de faire.
Conversely, sometimes there’s music that disappears completely. And sometimes there’s music that hovers somewhere between these positions—having parts that approach and parts that recede. Music with certain aspects that disappear on you, and others that remain, can be recalled. Or even that the music is vacillating in its capacity to know and remember itself. I think this is what I’m trying to make.”
https://gaudeamus.nl/en/pioniers/lawerence-dunn/Dans sa musique, le compositeur canadien William Kuo (1990) s'intéresse à l'intégrité acoustique des sons. Il les laisse évoluer lentement ou les place dans des contextes différents. Kuo s'efforce d'explorer la richesse infinie du son pour renouveler l'expérience de l'écoute:
In his music, the Canadian composer William Kuo (1990) is concerned with the sonic integrity of sounds. He lets them slowly evolve over time or puts them in different contexts. Kuo strives to open the infinite richness of sound to renew the experience of listening:
«La façon dont on expérimente la musique est profondément liée à notre perception du temps. Pour moi, en tant que passionné de musique, il est toujours très rafraîchissant de pouvoir expérimenter différentes manières d’écouter. C’est ce que j’espère pouvoir offrir à d’autres personnes. »
“The way you experience music is deeply related to how you perceive time. For myself as someone who loves music, it’s always really refreshing when you can experience different ways of listening. That’s what I hope to provide to other people as well.
L'un de ses plus récents projets, Regulation (2017), en est un exemple. «Dans ce morceau, j'ai utilisé le son d'un public qui applaudissait lors d'un concert dans un stade. La pièce porte sur l’importance du contexte. C'est vraiment mon objectif principal.
One of his newest pieces, Regulation (2017), is an example of that. “In the piece I used the sound of an audience cheering during a stadium concert. The piece is actually about the importance of context. That really is my main focus.
Avec Regulation, je me suis concentré sur le contexte au-delà des paramètres musicaux, pour les replacer dans leur environnement social: la musique en tant qu’expérience collective. Dans ce cas, c'est une expérience qui échappe à la tradition classique occidentale.
With Regulation I’ve taken that focus on context out of the music itself, out of the parameters of music, and into a social context: music as a collective experience. In this case it is an experience outside of the western classical tradition.
Je n’ai jamais assisté à un concert de pop dans un stade, mais cela me fascine. Une partie de moi trouve intéressant que ce soit une expérience que je n’aurai jamais en tant que compositeur. Je ne serai jamais dans un stade où il y a beaucoup de gens qui chantent avec ma musique, mais je peux contextualiser quelque chose que je n’expérimenterai jamais. Dans cette pièce, un public peut écouter un autre type de public. »
I have never been to a pop concert in a stadium, but it’s a fascination of mine. A part of me finds it interesting that it is an experience that I’ll never have as a composer. I’ll never be in a stadium where there’s a bunch of people singing along with my music, but I can contextualize something that I’ll never experience. In this piece an audience can listen back to another type of audience.”
Mais l'objectif de Kuo n'est pas d'utiliser le son comme référence explicite en soi:« Les interprètes pensaient que c'était le son des gens qui criaient de peur, de Godzilla ou de quelque chose. Je trouve intéressant que cela puisse être perçu de cette façon. Le son des gens qui applaudissent peut être entendu comme le contraire.
But Kuo’s goal is not to use the sound as an explicit reference per se: “The performers thought it was the sound of people screaming from fear, that they were running away from Godzilla or something. I find it interesting that it can be perceived that way. The sound of people cheering can be heard as the complete opposite.”
Regulation est l'aboutissement d'un nouveau langage que Kuo explore depuis 2014. Il a décidé de suivre cette voie après sa visite au cours d'été de Darmstadt: «Cela a profondément influencé mon approche et m'a fait écouter différemment. J'ai maintenant moins peur de maintenir des sons simples, de les laisser sur une longue période. Il peut prendre un certain temps pour apprécier les qualités intrinsèques d’un son, son intégrité sonore. Vous percevez des choses différentes à la dixième seconde et à la dixième minute.
Regulation is the outcome of a new language Kuo is exploring since 2014. He decided to follow that route after his visit to the summer course in Darmstadt: “It had a profound impact on how I approached form and it made me listen differently. I am now less afraid of sustaining single sounds, letting them be for an extended period of time. It can take a while to appreciate the intrinsic qualities of a sound, its sonic integrity. You realize different things at the ten-second or ten-minute mark.”
Le premier morceau que Kuo a écrit après son voyage à Darmstadt était Brim, veer (2014), une composition explorant différents modes de temps. «J'ai eu beaucoup de mal à créer une forme globale et je voulais trouver une solution qui me permettrait de créer des situations d’écoute que je ne pouvais pas prédire. Je suis arrivé avec un système qui m'a permis de construire le plan rythmique de la pièce, sur lequel je cartographierais plus tard différents sons. De cette façon, je pourrais remplacer les sons mais garder les mêmes relations temporelles. Je pourrais changer leurs contextes et expérimenter les manières dont ils sont liés les uns aux autres.
The first piece Kuo wrote after his trip to Darmstadt was brim, veer (2014), a composition exploring different modes of time. “I had a lot of trouble creating global form and wanted to find a solution that would allow me to create listening situations that I couldn’t predict. I came up with a system that allowed me to construct the rhythmic blueprint of the piece, on which I would later map different sounds. In that way I could replace sounds but keep the same temporal relationships. I could change their contexts and experiment with the ways they relate to one another.”
La recherche de Kuo pour ce nouveau langage s’étend aux articles complémentaires de gehe auf wie eine Blume (2016) et de flieht wie ein Schatten (2016). Les deux titres proviennent de la traduction de la Bible allemande de Martin Luther datant de 1534, visant à ce que les gens lisent le livre dans leur propre langue.
Kuo’s search for this new language extends into the companion pieces geht auf wie eine Blume (2016) and flieht wie ein Schatten (2016). Both titles come from Martin Luther’s German Bible translation from 1534, intended for people to read the book in their own language.
«De manière analogue», comme l'écrit Kuo, ces pièces «traduisent mes influences musicales dans un langage que je n'ai pas encore complètement compris». Il explore constamment les limites de son lexique compositionnel et tente de trouver de nouveaux mots pour son vocabulaire:
“Analogously,” as Kuo writes, these pieces are “a translation of my musical influences into a language I have yet to fully comprehend.” He is constantly exploring the boundaries of his compositional language and trying to find new words for his vocabulary:
“Je commence par le monde sonore que je recherche. La plupart du temps, je pose initialement ce que j’estime être un obstacle compositionnel que j’essaie de surmonter. Cela peut être quelque chose de rythmique, ou comment organiser le temps dans ma musique, utiliser des instruments ou incorporer des sons que je n’ai jamais utilisés auparavant.”
“I start with the sound world I’m looking for. Most of the time I begin with what I consider a compositional obstacle I’m trying to overcome. That can be something rhythmical, or how to organize time in my music, use instruments or incorporate sounds that I’ve never used before.”
https://gaudeamus.nl/en/pioniers/william-kuo/“Le concert est une histoire dans laquelle on embarque les gens avec nous.”
©Charlotte Abramow
Paul Clift est un compositeur australien depuis toujours passionné de musique française. Après des études à l’Ircam à Paris, il se perfectionne à Londres auprès de George Benjamin, puis à Columbia (New York) avec Tristan Murail et Fred Lerdahl, où il obtient son PhD en 2016. Il s’installe ensuite à Bâle, ou il fonde l’ensemble “NeuverBand” et se concentre sur sa composition.
Paul Clift is an Australian composer who has always been passionate about French music. After studying at Ircam in Paris, he perfected in London with George Benjamin, then in Columbia (New York) with Tristan Murail and Fred Lerdahl, where he obtained his PhD in 2016. He then moved to Basel, where he founded the ensemble "NeuverBand" and focuses on its composition.
Son site résume l’ensemble de ses activités.
His site summarizes all his activities.
The sea is not rising (2017), l’une de ses compositions récente, pour voix, saxophone, piano et percussion, plonge l’auditeur dans une atmosphère sombre d’une rare beauté. D’une façon presque obsessionnelle, des éruptions fortissimo viennent interrompre à distance dans le temps un matériau relativement statique.
The sea is not rising (2017), one of his recent compositions for voice, saxophone, piano and percussion, plunges the listener into a dark atmosphere of rare beauty. In an almost obsessive way, fortissimo eruptions interrupt a relatively static material at a distance.
Le texte, selon le compositeur évoque un univers tourmenté: L'oeuvre décrit une scène cauchemardesque dans laquelle le narrateur décrit à la première personne une maison dans laquelle il se trouve et qui commence à se démolir (on imagine un tremblement de terre), avant de se métamorphoser soudainement en extérieur, dans un cimetière dont le sol s'effondre, dévoilant les restes de ceux enterrés là."
The text, according to the composer evokes a tormented world: "The work describes a nightmarish scene in which the first person describes a collapse (one imagines an earthquake), before suddenly metamorphosing into an outdoor setting, a cemetery whose ground is collapsing, leaving exposed the remains of those interred there."
C’est avec une douzaine d’étudiants du “Musik Akademie Basel Contemporary Performance Masters Programme” que Paul Clift a fondé, il y a six ans, l’ensemble NeuverBand, qui se consacre exclusivement à la musique d’aujourd’hui.
With a dozen students from the "Musik Akademie Basel Contemporary Performance Masters Program", Paul Clift founded, six years ago, the NeuverBand ensemble, dedicated exclusively to the music of today.
C’est la musique française “spectrale”, qui a poussé Paul Clift, très jeune à quitter l’Australie pour s’installer à Paris. Ce goût prononcé, pour l’orchestration et la sensibilité harmonique se manifeste bien entendu dans sa musique, mais également dans la programmation de son ensemble: il programme par exemple Franck Bedrossian (aujourd’hui professeur de composition à UC Berkeley), Fabien Lévy (qui lui a enseigné la composition à l’université de Columbia, New-York), Georg Friedrich Haas (ancien professeur de composition à Bâle, aujourd’hui à l’université de Columbia), ou encore Jean-Luc Hervé, autant de compositeurs qui portent dans leur écriture l’héritage post-spectrale de la musique de Gérard Grisey, Tristan Murail...
The French so-called "spectral" music, pushed Paul Clift, very young to leave Australia to settle in Paris. This pronounced taste for French orchestration and harmonic sensitivity is evident in his music, but also in the programming of his ensemble: he curates, for example, Franck Bedrossian (now professor of composition at UC Berkeley), Fabien Lévy ( who taught him composition at Columbia University, New York), Georg Friedrich Haas (former professor of composition in Basel, currently teaching at Columbia University), or Jean-Luc Hervé, as many composers whose style carries the post-spectral heritage of Gérard Grisey's music, Tristan Murail ...
En 2016, Paul Clift et l’ensemble NeuverBand ont organisé un concours de composition, remporté par le jeune compositeur Italien Michele Sanna (cf. lien ci dessous).
In 2016, Paul Clift and the NeuverBand ensemble organized a composition competition, won by the young Italian composer Michele Sanna (see link below).
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018Le compositeur Julien Malaussena était mardi 4 décembre sur france Musique l’invité de Clément Lebrun dans l’émission le cri du patchwork . Il y donnait quelques clés de son esthétique et y faisait entendre ses compositions récentes.
The composer Julien Malaussena was Tuesday, December 4th on France Musique the guest of Clément Lebrun in the radio broadcast le cri du patchwork . He gave some keys to his aesthetics and played the recordings of his recent compositions.
Très au fait de la création d’avant-garde européenne et internationale (Darmstadt, Gaudeamus...), Malaussena est une figure étonnante de la création musicale française d’aujourd’hui.
Very familiar with the creation of avant-garde European and international (Darmstadt, Gaudeamus ...), Malaussena is an important figure of the French musical creation of today.
Malausséna est également l’auteur de mixtapes” dans lesquelles il nous donne à entendre ses morceaux favoris des musiques d’aujourd’hui.
Malausséna was also the author of mixtapes in which he gives us to hear his favorite pieces of music today.
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Alfred CORTOT, né à Noyon (Suisse) en 1872 de mère suisse et de père français, est mort à Lausanne en 1962. Il a fait ses études au Conservatoire de Paris, de 1886 à 1896 en piano auprès d’Émile Decombe et de Louis Diémer et en écriture avec Raoul Pugno et Xavier Leroux. Il a été chef de chant à Bayreuth et a dirigé en première audition à Paris, en 1902, Tristan et Isolde ainsi que Le Crépuscule des dieux (Wagner), la Missa Solemnis (Beethoven), La Légende de Sainte Élisabeth (Liszt) et le Requiem allemand (Brahms) : ce qui atteste son penchant pour la culture germanique. Après ces expériences de chef d’orchestre, il se tourne vers la carrière de pianiste (en solo, duo, trio) avec P. Casals et J. Thibaud, et de professeur au Conservatoire de Paris ; en 1913, il est co-fondateur de l’École Normale de Musique, puis sera son directeur. Parmi ses élèves, figurent Dinu Lipatti, Clara Haskil, Magda Tagliaferro, Yvonne Lefébure, Samson François… Son rayonnement pédagogique sera considérable.
C’est à partir de ces données que François Anselmini, Agrégé d’histoire et Rémi Jacobs, musicologue et diplômé du CNSMDP — ayant déjà collaboré à une Biographie du Trio Cortot-Thibaud-Casals (2014) — ont associé leurs compétences respectives et signé cet ouvrage monumental relatif à ce « génie protéiforme de l’un des plus illustres musiciens français de la première moitié du XXe siècle ». Cette véritable somme (464 pages, XXV chapitres) met l’accent sur sa première « vocation contrariée » de chef ; sur sa carrière exceptionnelle de pianiste, chambriste, accompagnateur et virtuose hors pair à partir de 1906. Après la Première Guerre mondiale, en 1918-19, il est en quelque sorte « ambassadeur musical de la France » aux Etats-Unis. Lors de la Seconde Guerre mondiale, il adhère à l’idéologie vichyste et les deux auteurs ne cachent pas ses convictions collaborationnistes et présentent cet épisode en toute probité intellectuelle. A. Cortot donnera alors de nombreux concerts (entre 100 et 150 par an) dans le monde entier.
Les mélomanes retiendront le grand rayonnement artistique du maître, son vaste répertoire, ses affinités (Chopin, Beethoven, Schumann, Liszt, Wagner) et ses critères d’interprétation, son art de la déclamation, sa sonorité exceptionnelle (cf. Postlude, p. 405sq. et Chapitre XV : Alfred Cortot et le disque). Enfin, les pédagogues, pianistes et musicologues mesureront l’importance de son impact éditorial : éditions de travail (Chopin, Schumann, Franck), récitals commentés dans les Annales et ses publications didactiques : Principes rationnels de la technique pianistique ayant formé plusieurs générations de pianistes ; La Musique française de piano (3 vol., Paris 1930-1932) ; Cours d’interprétation recueilli par Jeanne Tieffry (2 vol., Paris, 1934)… Une page d’histoire française musicale, artistique, didactique, politique sans concessions, étayée de documents authentiques et reposant sur des sources solides : bref, la biographie de référence.
Édith Weber
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L’intérêt pour Théodore DUBOIS (1837-1924), surtout connu par son célèbre Traité d’harmonie théorique et pratique (1921), a été relancé par Helga Schauerte avec son édition des œuvres d’orgue (Baerenreiter) et son disque Théodore Dubois : Œuvres d’orgue (SYRIUS). Quant à son œuvre pour piano, depuis si longtemps tombée dans l’oubli, elle a enfin en 2018 fait l’objet de 3 CD du label ACTE PRÉALABLE, à l’initiative d’Artur Cimirro (né en 1982), pianiste brésilien virtuose qui — après avoir fréquenté l’Académie de Budapest et enregistré de nombreux disques — s’est imposé notamment par sa vaste palette expressive, son jeu transparent, son toucher délicat et sa remarquable précision d’attaque. Il se joue de tous les traquenards et s’amuse de toutes les exigences pédagogiques.
Le disque 1, réunit Douze Études de concert (dans 11 tonalités) dédiées à des professeurs du Conservatoire de Paris. Chacune bénéficie d’une atmosphère spécifique. Le programme se termine avec des pièces brèves : Scherzo et choral (op. 18), Rêverie-prélude (op. 12) selon le rythme de la saltarelle et enfin : Scherzo (op. 10) dédié à son maître, Antoine-François Marmontel.
Le disque 2 comporte, entre autres, 6 Poèmes sylvestres, de caractère descriptif (allée, myrtilles, mousses, sources enchantées et danses rustiques…), mélange d’impressionnisme et de romantisme et ses Heures (c’est-à-dire le cycle allant de midi à minuit : midi, heures triste, héroïque, joyeuse, rêvée et minuit). Le Thème varié aux 9 variations, dédié à son disciple Édouard Risler (1873-1929), est en fait une pièce de concert exigeant une parfaite maîtrise du clavier.
Le disque 3 comprend la Sonate en la mineur, en 3 mouvements. Elle commence par un Allegro moderato con fuoco contrastant avec l’Andante quasi adagio, et se termine sur un Largo suivi d’un Allegro focoso comme dans l’introduction. Le pianiste réussit merveilleusement à opposer ces différentes atmosphères : exubérance et expressivité. Son interprétation des 6 Poèmes Virgiliens d’après les Bucoliques de Virgile retiendra aussi l’attention.
En premier enregistrement mondial, la musique pour piano de Théodore DUBOIS est donc enfin sortie de l’oubli : grâce à l’heureuse initiative de Jan A. Jarnicki, directeur d’un Label polonais et à Artur Cimirro, pianiste brésilien. « La patrie » sera-t-elle « reconnaissante » aux multiples facettes de l’auteur du traité d’harmonie ?
Édith Weber
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Né à San Pedro (Argentine) en 1969, Nelson Goerner commence le piano dès l’âge de 5 ans, puis poursuit ses études au Conservatoire National de Buenos Aires et donne son premier concert en 1980 dans sa ville natale. Grâce à une bourse, il se perfectionne dans la classe de virtuosité de Maria Tipa, au Conservatoire de Genève. Installé dans cette ville, il y est professeur à la Haute École de Musique, et également à l’Académie Barenboim-Said à Berlin. Il participe à de nombreux Festivals internationaux comme soliste et accompagnateur, et a obtenu de nombreuses distinctions internationales.
Nelson Goerner propose une version des 12 Études d’exécution transcendante de Fr. LISZT, dédiées à Carl Czerny, aux titres descriptifs, dans lesquelles il s’impose en authentique prestidigitateur des sons, tour à tour calme, héroïque ou très expressif (con moto). À retenir : Feux follets interprétée avec légèreté (CD 1). D’autres pièces audacieuses font l’objet du CD 2 : la redoutable Sonate n°2 en 3 mouvements : Lento assai, Andante sostenuto et Allegro energico dans lequel il déploie toute sa maîtrise technique au service d’une musicalité dans l’esprit voulu par Liszt. Il révèle la Ballade n°2 en si mineur, délicate, enjouée puis éclatante, la transcription par le maître de La mort d’Isolde (R. Wagner) et termine en éclat avec Mephisto-Valse (n°1) Allegro presto de facture très romantique, se déchaînant dans la conclusion avec les thèmes de Faust et Satan. Magnifique synthèse de l’univers pianistique lisztien.
Édith Weber
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Né à Belgrade en 1947, de nationalité américaine, ses parents étant installés aux États-Unis, dès l’âge de 9 ans, Eugen Indjic se produit en concerts avec orchestre ; il sera l’élève du pianiste américain d’origine russe, Alexandre Borowsky. En 1968, Arthur Rubinstein le qualifie de « pianiste de rang mondial, d’une rare perfection musicale et artistique ». Après ses études à l’Université de Harvard, il s’installe en France lors de son mariage avec Odile Rabaud et participe à de nombreux concerts avec des Orchestres prestigieux. Pour l’Année Chopin en 1999, il a enregistré intégralement son œuvre auquel, dès son enfance, il voue une grande admiration.
Ce disque reproduit la Sonate n°2 en Si b majeur (op. 35, 1839), appelée « Sonate funèbre » en raison de son caractère sombre et tragique ayant tenté de nombreux interprètes. Eugen Indjic restitue l’angoisse du premier mouvement et l’agitation, avec oppositions de nuances contrastant avec le Scherzo implacable. Il confère à la Marche son caractère lugubre, et le déchirant Finale (Presto non tanto) s’impose par son modernisme. Également en 4 mouvements, la 3e Sonate en si mineur (op. 58) brille par son expression enthousiaste ; l’Allegro maestoso est joyeux, le Scherzo bien enlevé, le Largo très chantant avec des rythmes pointés et le Finale triomphal, l’ensemble est vivement ressenti par cet interprète hors pair. Pour le Nocturne n°13, en do mineur (op. 48, 1841), en 3 volets : Tragique, Plaintif, Désespérant, il a aussi su trouver les accents justes.
Loin des versions galvaudées frisant parfois un goût douteux, celles d’Eugen Indjic suscitent l'admiration et resteront longtemps une référence justifiant l’assertion de Vladimir Jankélévitch : « On ne saurait concevoir une musicalité plus complète et une perfection plus exquise, jointe à cette simplicité qui frappe tout le monde. »
Édith Weber
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Antoni KATSKI (alias Chevalier Antoine de Kontski), né à Cracovie en 1817 dans une famille de musiciens (enfants prodiges) est mort à Ivanytchi (Ukraine) en 1899. Il a étudié le piano à Moscou avec John Field, à Vienne avec Sigismond Thalberg, puis a donné des concerts à Paris, en Espagne et au Portugal. Il a été pianiste à la Cour de l’Empereur de Prusse à Berlin. Après avoir beaucoup voyagé, il s’est installé à Londres, puis aux Etats-Unis où il est naturalisé. Véritable globe-trotteur, il sillonnera le monde entier, tout comme son remarquable interprète, le pianiste Slawomir Dobrzanski qui, d’entrée de jeu, avec la Polka nationale variée (op. 81), fait montre de toute sa dextérité et illustre à merveille le caractère cabotin du compositeur, personnage hors norme et haut en couleurs. Il montre une tout autre facette avec L’isolement–méditation (op. 47) sur une mélodie italianisante et mélodramatique, proche la Méditation Toujours seul (n°3, op. 57), en forme de rondo, avec une conclusion assez lisztienne. À remarquer : ses Variations brillantes sur La Cracovienne (op. 45) plutôt conventionnelles ou encore deux œuvres à 4 mains : Les violettes, quadrille brillant (op. 30), de caractère populaire et Le réveil du lion ! Caprice héroïque (op. 115), plein d’humour (arrangé à 4 mains par M. Decourcelle) où le second piano (Sl. Dobrzanski) accompagne le premier (Agustin Muriago). Musique de salon virtuose et typique du XIXe siècle.
Édith Weber
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Jozef WIENAWSKI, pianiste, pédagogue et compositeur polonais, est né en 1837 à Lublin où, après une première formation, il étudie le piano au Conservatoire de Paris auprès d’Antoine François Marmontel et de Charles-Valentin Alkan, et la composition auprès de Félix Le Couppey, puis la théorie musicale à Berlin. À Paris, il rencontre Rossini, Gounod, Berlioz et deviendra l’un des artistes favoris de Napoléon III. Après avoir enseigné au Conservatoire de Moscou, il s’installe à Bruxelles où il meurt en 1912. Bien que très apprécié de son temps, il est quand même tombé dans l’oubli, et c’est le mérite Jan A. Jarnicki, directeur du Label polonais ACTE PRÉALABLE, de l’avoir relancé.
Le CD 3 propose sa Sonate en si mineur (op. 22), très développée, en 4 mouvements contrastés : Allegro maestoso, avec un premier motif héroïque et majestueux et un second lyrique ; Andante, con gran espressione e sempre sostenuto, misant sur l’émotion et l’expressivité ; Scherzo. Lento de structure répétitive A B A’, dont la partie médiane n’est pas sans rappeler la facture mélodique de Schubert ; Finale. Molto agitato au riche paysage sonore, bien enlevé et nécessitant une belle virtuosité, comme le rappelle la pianiste Elzbieta Tyszecka qui interprète avec beaucoup de musicalité encore Deux Idylles (op. 1) : Épanchement et La barque, ainsi que Pensées fugitives (op. 8), de caractère romantique et le très brillant Rondeau (op. 15). Le disque se termine avec la Polonaise en Ut majeur (op. 13), romantique et nostalgique, assurant un point d’orgue typiquement polonais.
Le CD 4, consacré aux 24 Études en 4 Cahiers pour piano (op. 44) — chacune étant dédiée à des personnalités d’alors — est interprété par Artur Cimirro, pianiste virtuose et compositeur brésilien (né en 1982) qui s’impose par sa technique éblouissante, son remarquable toucher, sa précision d’attaque, ses traits perlés et qui maîtrise toutes les difficultés pianistiques. Ces deux disques sont parus à l’occasion du 180e anniversaire occulté de la naissance de Jozef WIENIAWSKI : autre mérite du Label.
Édith Weber
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Sortie en octobre 2018 comme le CD consacré à Franz LISZT (cf. supra), cette réalisation du pianiste argentin Nelson Goerner démontre combien il a assimilé l’âme slave enrobée de mélancolie et de tristesse exprimée par Sergei RACHMANINOV (1873-1943) qui « note sur le papier la musique intérieure qu’il entend aussi naturellement que possible ».
Le disque 1 propose le Concerto n°3 en ré mineur (op. 30) créé à New York en 1909, exigeant une maîtrise technique de très haut niveau. Accompagné par l’Orchestre Symphonique de la BBC, sous la baguette précise de Vassily Sinaiski, Nelson Goerner réserve un sort royal à cette œuvre monumentale. Suivent 3 Préludes dont le 12e en sol # mineur souvent interprété bénéficie d’une facture mélodique aux accents orientaux, évoluant comme une plainte et se terminant perdando. À retenir l’Étude pour la main gauche en Lab majeur de Felix BLUMENFELD (1863-1930), pianiste russe, chef d’orchestre, accompagnateur, professeur aux Conservatoires de Saint-Pétersbourg et de Moscou : véritable prouesse technique.
Le disque 2 propose la Sonate pour piano n°2 en si b mineur (op. 36) structurée en 3 mouvements, d’esthétique romantique, faisant alterner passion, désespoir, lyrisme aboutissant au calme et à la douceur. S. RACHMANINOV spécule sur les retards, les dissonances et accords martelés. Les 9 Études-Tableaux (op. 39), datant de 1916-17, ont été créées par le compositeur. La première, moins sentimentale, fait appel à un grand mécanisme digital alors que les autres forcent sur l’expression mais aussi la vélocité ou encore l’angoisse dans les 6e et 7e, avec un langage harmonique en avance sur son époque. La 9e, un tantinet orientalisante, est un morceau de bravoure dont Nelson Goerner se tire avec une incroyable aisance. Ce panorama est complété par deux transcriptions du Scherzo « Le songe d’une nuit d’été (lilas, marguerites) » de Felix MENDELSSOHN.
Excellente ouverture sur l’univers musical de Sergei RACHMANINOV sous toutes ses facettes.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Anna Zassimova, pianiste de concert, pur produit de l’école russe, a — dès l’âge de 6 ans — commencé le piano à l’École Gnessin, puis à cette Académie d’élite auprès du maître moscovite Vladimir Tropp, ensuite à l’École Supérieure de Musique de Karlsruhe avec Michael Uhde et Markus Stange. Tout en sillonnant la Russie, les Etats-Unis, la Chine et participant à de nombreux Festivals internationaux, elle enseigne à la Musikhochschule de Karlsruhe. Musicologue et musicienne dans l’âme, il lui tient à cœur de révéler les compositeurs russes de la fin du XIXe et de la première moitié du XXe siècle, dont les œuvres baignent dans le Romantisme tardif. À aucun moment, elle ne verse dans la sentimentalité débordante mais privilégie l’expressivité et l’émotion contenue.
Le programme — concernant la Sonate n°3 en fa # mineur d’Alexander SCRIABINE (1872-1915), de facture classique en 4 mouvements, la Valse de Vladimir REBIKOV (1866-1920) et Deux Préludes d’Anatoly LJADOW (1855-1914), compositeurs connus — permet de découvrir en premiers enregistrements mondiaux : Rêverie, Contraste et Paysage, extraits des Quatre morceaux (op. 6) de Georges CATOIRE (1861-1926) — proche du courant impressionniste — et 2 brèves Méditations de son fils, Peter CATOIRE (1895-1979), dont les ancêtres, Catoire de Bioncourt, ont quitté la France lors de la Révolution et sont devenus citoyens russes. Figurent également l’Élégie de Wassily KALINNIKOV (1866-1900) dont Anna Zassimova traduit à merveille avec une grande transparence, le calme, puis l’énergie ; l’Étude sur le Carré magique sonore (op. 40) d’Ivan WYSCHNEGRADSKI (1893-1979), russe installé à Paris après la Révolution dans son pays, compositeur d’avant-garde et pionnier de la musique microtonale, dans le prolongement du dernier SCRIABINE.
Le titre de cette réalisation discographique est emprunté à l’œuvre éponyme publiée en 2018 : la Sonata Reminiscenza (op. 38, n°1) de Nikolaj MEDTNER — né en 1880 à Moscou, pianiste et compositeur ayant quitté la Russie pour s’établir aux Etats-Unis, puis en France et finalement à Londres où il meurt en 1951. Dans ses magistrales interprétations, Anna Zassimova s’impose par son toucher délicat, sa finesse de jeu, son sens aigu du phrasé et des nuances. Exceptionnel..
Édith Weber
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René GERBER, né à Travers en 1908, a fait ses études à l’Université de Zurich, puis au Conservatoire de cette ville et ensuite à l’École Normale de Musique de Paris, avec Paul Dukas, tout en suivant des cours chez Nadia Boulanger et Robert Siohan. De 1947 à 1952, il a été directeur du Conservatoire de Neuchâtel. Il a composé des œuvres d’orchestre, de musique de chambre, vocales et pianistiques, ainsi que 2 Opéras.
La pianiste suisse Catherine Aubert-Tackett, diplômée du Conservatoire de Neuchâtel, titulaire de la Licence ès-Lettres classiques, d’un diplôme de pédagogie du piano, a aussi étudié à Washington. Elle donne de nombreux concerts aux Etats-Unis et en Europe. Elle est spécialiste de la Méthode Suzuki appliquée à l’enseignement du piano et de la musique de René GERBER. Commençant aux accents de la Fantaisie sur un air de Bach pour laquelle René GERBER a tiré son thème du Menuet de la Quatrième Partita que J. S. BACH considérait comme « exercice » de piano. Le programme se poursuit avec Douze Divertissements aux titres et sous-titres évocateurs (Le vielleur, Le moutier, La pastourelle, La belle Aude, Les commères…) représentant des « impressions du pays de France cher à l’auteur ». Les Quatre cahiers pour jeunes pianistes, de caractère pédagogique, comprennent entre autres une Pavane, une Musette, un Carillon, une Marche, un Divertissement… Et, pour conclure : Huit Marches françaises dans différentes tonalités, Allegro, Allegretto, Quasi moderato, Allegro molto, bien enlevées. Le disque, enregistré par Olivier Buttex, directeur du label VDE-GALLO, est réalisé en collaboration avec Iris Bur pour les pièces à 4 mains du Cahier II pour jeunes pianistes.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Autre preuve de l’intérêt de René GERBER pour la France : ses 6 Sonatines du Terroir parisien composées à Paris en 1934, alors qu’il suivait les cours de composition de Paul Dukas à l’École Normale de Musique. Comme le souligne le texte de présentation : « Ressortissant au cadre habituel (sauf la dernière, constituée de trois fugues), elles offrent une captivante synthèse entre le style linéaire et lumineux de l’auteur et les allusions à des thèmes de la tradition populaire ». La 5ecomprend notamment un thème avec variations et la 6e : Prélude-Fugue-Musette. D’une manière générale, les indications de tempi sont précisées, avec, en principe, un mouvement lent central. Catherine Aubert-Tackett fait preuve d’un toucher délicat, du respect des nuances.
Dans son ouvrage : Les exigences de l’art, paru aux Éditions Papillon (Genève/Drize, 2003), René GERBER résume sa démarche forte de 60 ans d’expérience et s’interroge sur l’essence même de l’art paradoxalement « indéfinissable dans son essence, sa source affective et imaginative et, en même temps, définissable dans sa réalisation, dans la chose faite. » Il pose la question : « qu’est-ce qui fait qu’une œuvre est un chef-d’œuvre ? » et précise à cet égard que quatre conditions doivent être remplies : style, forme, individualité et densité, ce qu’il réalise dans ses compositions. Son esthétique faisant appel à la modalité, à la tonalité et, occasionnellement, à la polytonalité, se situe dans la tendance post-ravélienne, accordant la priorité à la mélodie.
Ces disques déjà anciens retiendront l’attention par leur finalité pédagogique et grâce au talent de Catherine Aubert-Tackett.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Le célèbre pianiste Aldo CICCOLINI, né en 1925 à Naples, est mort en 2015 à Asnières-sur-Seine. Il a été l’élève notamment d’Achille Longo, de Marguerite Long et d’Alfred Cortot. En 1949, il s’installe à Paris et obtient le Premier Grand Prix du Concours Marguerite Long-Jacques Thibaud. Il a joué sous la direction des plus grands chefs internationaux. Naturalisé français en 1971, remarquable pédagogue, il a enseigné au CNSM jusqu’en 1987 et participé à de nombreuses master classes.
Ce précieux coffret comprend 8 disques enregistrés respectivement en 1956, 1961, 2002 et 2005 (CASCAVELLE). Joël Perrot a assuré la direction artistique et l’enregistrement de ceux effectués entre 1996 et 2014 et réédités en 2018 pour le Label GALLO. Cette réalisation représente en quelque sorte le testament pianistique du maître, une synthèse de ses conceptions interprétatives très personnelles résultant de sa connaissance si approfondie de nombreuses œuvres des sept compositeurs.
Dans son cas, le titre Art revêt aussi son sens latin de science (ars musicae) et la notion allemande d’Aufführungspraxis (pratique de l’interprétation). Comme le souligne Joël Perrot : « Chaque disque d’Aldo Ciccolini est unique et ne ressemble jamais à ce que l’on croit savoir d’une œuvre ». Il ne cherche pas à séduire les auditeurs, il souhaite avant tout rester fidèle aux intentions des compositeurs. Pour lui, les esthétiques baroque, romantique et impressionniste n’ont aucun secret.
Le Disque 1 s’impose par la précision digitale, la transparence et le sens de la syntaxe avec 5 Sonates de Domenico Scarlatti (1685-1757) ; par le coloris impressionniste et la fluidité dans les 12 Préludes du Livre 1 de Claude Debussy (1962-1918). Le Disque 2 se distingue par l’impeccable vélocité dans deux Impromptus de Franz Schubert (1797-1928), par les attaques précises et les nuances très diversifiées dans le Concerto n°2 de Franz Liszt (1811-1886) avec l’Orchestre de la Suisse Romande (dir. Ferenc Fricsay) et par la parfaite maîtrise et la sonorité chantante notamment dans le Largo de la Sonate en si mineur de Frédéric Chopin (1810-1849). Les Disques 3 et 4 concernent les 21 Nocturnes de Chopin : un modèle d’expressivité et de ciselé du phrasé. Le Disque 5 contient l’énergique Fachingsschwank aus Wien (Carnaval de Vienne) op. 26, de Robert Schumann (1810-1856), les Waldszenen (Scènes de la Forêt), pièces descriptives et poétiques évoquant le chasseur, les fleurs, l’auberge, l’oiseau prophète... et l’adieu, et se termine par la Grande Sonate en fa mineur, enregistrée en 2002 à Paris et bénéficiant de l’acoustique de l’Église Saint-Marcel. Les Disques 6, 7 et 8 sont consacrés aux 10 Volumes des Pièces lyriques d’Edvard Grieg (1843-1907) aux titres si évocateurs, dont Mélancolie (CD 6, pl. 27), profondément ressentie ; à noter également La marche des paysans norvégiens (CD 7, pl. 2), bien enlevée, ainsi que son évocation pleine de rêverie du Passé et ses Souvenirs (CD 8, pl. 18-19), composés en 1901 et enregistrés en 2004.
Ce coffret de plus de 150 pièces brèves, enregistrées plutôt au début et vers la fin de la carrière d’Aldo Ciccolini, témoigne d’une technique éblouissante, d’une haute leçon de styles alliant rigueur, authenticité, sincérité et émotion. Un sommet de la discographie pianistique devant figurer dans toute discothèque spécialisée.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
© Stefen Cummiskey
Lessons in Love and Violence, le deuxième opéra de George Benjamin a été créé au Royal Opera House de Londres le 10 mai 2018 : troisième collaboration entre le compositeur et l’auteur Martin Crimp, c’est aussi la deuxième avec la metteuse en scène Katie Mitchell. Comme la fable lyrique1 Into the Little Hill et l’opéra Written on Skin, cette dernière création s’inspire du monde médiéval tout en la reliant au monde contemporain. Elle illustre une page de la royauté anglaise du XIVᵉ siècle, portée à la scène par le dramaturge élisabéthain Chistopher Marlowe (1564-1593) dans Edward II (1592). Amoureux des arts et de son courtisan Gaviston qui est honni par le reste de la cour, le Roi délaisse sa famille et son pouvoir. Comme précédemment, Crimp resserre l’intrigue : bien que banni par le Roi, le chef des armées Mortimer fait tuer Gaviston et s’allie avec la femme du Roi, Isabel, pour que son mari soit détrôné en faveur du prince héritier. Le Roi accepte mais est assassiné peu après. Une fois arrivé au pouvoir, le fils venge la mort de son père.
Comme dans Written on Skin, Crimp et Benjamin ont été séduits – à la lecture de la pièce de Marlowe – par la complexité des relations psychologiques entre les personnages, écartelées entre le pouvoir et l’amour :
(...) si Written on Skin est une sorte de relation amoureuse triangulaire, cet opéra-ci est plus qu’un quatuor amoureux entre le Roi, sa femme Isabel – de qui il est vraiment amoureux et dont il a des enfants – un amant qui se trouve être un homme, Gaveston, et le quatrième personnage, Mortimer, qui est son chef des armées2.
Crimp s’attache plus particulièrement au « réseau complexe des relations familiales, et concentre notre attention sur leur impact sur les enfants du Roi3 ». Le tissu psychologique tendu entre les personnages était déjà au cœur de Into the Little Hill et de Written on Skin. Elle constitue l’action proprement dite, bien plus que les événements concrets qui se déroulent sous nos yeux, même si ce sont eux qui sont à l’origine du drame intérieur. La langue est directe, souvent âpre et parfois triviale et comporte des répétitions ou des phrases lapidaires. Nous avons entendu les personnages livrer leurs sensations et parler librement de leur corps, particulièrement Isabel. La reine est troublée par la relation qu’entretient son mari, qu’elle aime, avec un homme, et son penchant pour Mortimer n’est peut-être que dépit.
Ces qualités littéraires ont séduit le compositeur et lui ont ouvert les portes de l’écriture dramatique. Benjamin souligne à plusieurs reprises que la rencontre avec Crimp a été déterminante pour réaliser le rêve de son enfance : composer un opéra. Nous reviendrons sur le tissage exemplaire entre texte et musique au service de la psychologie dans le drame, en notant des constantes et des innovations. Parlons pour l’instant d’autres caractéristiques générales de l’opéra.
Le choix d’un sujet anglais a sans doute été justifié par la création de Lessons in Love and Violence à Londres, qui confirme, dans son pays d’origine, le talent du compositeur dans le domaine lyrique. Benjamin est devenu incontestablement l’un des maîtres de l’opéra contemporain.
L’action est resserrée en deux parties – de quatre scènes puis de trois – séparées par un court silence et sans entracte, pour une durée totale de l’œuvre de quatre-vingt dix minutes environ, analogue à celle du premier opéra de Benjamin. La mise en scène de Katie Mitchell, assistée de Vicki Mortimer pour la scénographie, situe l’action dans un riche appartement contemporain où les protagonistes évoluent en tenues de ville. Il n’existe pas d’aller-retour entre des cases appartenant à des époques distinctes – médiévale et actuelle – comme dans Written on Skin, ni d’ambiguïté temporelle comme dans la fable lyrique – où seul le texte jouait de certains anachronismes. Mais nous retrouvons des éléments caractéristiques de la metteuse en scène : l’habillage et le déshabillage, à la vue du public, du Roi et de Gaveston dans les tout premiers instants de l’opéra, font écho à la première scène de Written on Skin. Le lit est un véritable lieu scénique à part entière pour jouer l’amour, les divertissements – mises en abyme de l’histoire – et pour jouer aussi la violence et la mort. Le lit dans Lessons in Love and Violence rappelle celui d’Alcina (Aix 2013) et celui de Pelléas et Mélisande (Aix 2016) – autres opéras mis en scène par Mitchell. Le slow motion (mouvement ralenti), présent dans toutes les mises en scène de Mitchell, est attribué aux personnages secondaires, du moins par leur semi-présence – les enfants et les témoins. Ce sont des personnages en retrait dont la fragilité plus que l’inconsistance est ainsi soulignée, comme nous le faisait remarquer Crimp, une façon « d’attirer l’attention sur le corps humain, sur la vulnérabilité du corps humain. Celui-ci est vraiment beau à regarder mais il est très fragile4. » Alors que la fille est un rôle non chanté, le fils, témoin comme sa sœur des déchirements de la famille et des amours extravagantes du père, devient au fur et à mesure de l’action un personnage de plus en plus habité, appelé par le destin – destin tout d’abord dicté par Mortimer et Isabel, puis qu’il prend en mains quand il devient roi. Sa partie vocale devient d’ailleurs de plus en plus présente. Les enfants comme le Roi ne sont pas désignés par un nom ou un prénom, contrairement aux trois autres protagonistes. C’était le cas pour tous les personnages de Into the Little Hill, accentuant, à l’instar du conte Le Joueur de flûte de Hamelin, la portée universelle et intemporelle de la fable. Dans Written en Skin, la dénomination nous avait paru révéler l’humanité des personnages, évidente pour Agnès en quête d’affirmation de son identité, moins claire pour Marie et John – leurs prénoms somme toute assez courants traduirait-elle une banale humanité ? En restant anonyme, le Protecteur affirmait la froideur et l’insensibilité – apparentes du moins – propres à un maître abus de son pouvoir. Quant au Garçon, son existence réelle semblait ambiguë et l’apparentait davantage à un être surnaturel donc innommable.
Dans Lessons in Love and Violence, les quatre principaux protagonistes sont tous impliqués dans une complexité d’amour et de pouvoir. Mais dans ce quatuor amoureux, il semble étonnant que le Roi soit le seul sans identité, alors qu’il éprouve une grande sensibilité envers l’art et la beauté, ce qui le distingue fortement du Protecteur précédemment évoqué. Nous pensons que sa psychologie tourmentée et ultra sensible – sa folie avérée – le différencie des trois autres adultes impliqués dans la relation. Nous le relions à l’Étranger de Into the Little Hill et au Garçon du premier opéra : tous trois partagent une dimension marginale et irréelle. L’entière modernisation de l’action fait des clins d’œil à l’actualité – le peuple s’apparente aux réfugiés et aux migrants, le monarque et sa cour, aux hommes de pouvoir actuels et à leur entourage. Lessons in Love and Violence apparaît réellement comme un opéra politique.
Ce qui différencie le plus ce nouvel opéra des deux premiers ouvrages nés de la collaboration entre Benjamin et Crimp consiste en l’abandon de l’auto-narration et de la double temporalité, présentes dans Written on Skin : les personnages ne se décrivent plus, ne sont pas « ramenés à la vie [pour] rejouer, tout en les racontant, les moments les plus difficiles de leur existence5 ». Ce procédé, parfois relevé comme artificiel par la critique, nous avait séduite par son originalité et par la correspondance ainsi réalisée entre le contrepoint littéraire et le contrepoint musical. Pour les créateurs de Lessons in Love and Violence, cette expérimentation poussée au maximum dans Written on Skin, « a atteint un point culminant de non-retour6 ». Et Crimp précise : « – c’était comme une échelle que nous avons gravie jusqu’en haut et que nous pouvions maintenant rejeter7 ». Cette échelle aura permis à Benjamin de créer une forme d’opéra non conventionnelle, capable d’émouvoir sans se référer à la tradition romantique, ce qu’il craignait de faire en abordant ce genre, selon Bernard Foccroulle :
Au tout début du projet [de Written on Skin], George Benjamin avait exprimé une très forte crainte d’aborder la narration à l’opéra d’une manière trop directe, ça lui semblait être conventionnel, se rapporter à l’opéra d’hier et d’avant-hier. Moi je n’ai pas suivi le processus d’Into the Little Hill, mais dans Into the Little Hill, on est, puisqu’il n’y a pas de personnages, dans une narration très distanciée. Je l’ai vraiment encouragé, et Martin m’a soutenu en cela dans la discussion, à aborder la question de l’implication du spectateur dans les personnages de manière plus directe. Je pense que si on avait eu le même procédé que dans Into, avec des personnages qui sont vraiment distanciés et qui jouent plusieurs rôles, on n’aurait pas atteint la même émotion, on n’aurait pas tenu une heure quarante.
La proposition de Martin Crimp a permis à George Benjamin de faire un énorme pas en avant vers le monde de l’opéra, en écrivant un opéra beaucoup plus direct sur le plan émotionnel, en terme d’implication des caractères entre eux, des spectateurs vis-à-vis des personnages, tout en lui offrant à travers cette sorte d’auto-narration, de petites distances qui, à mon avis, arrangeaient très bien George Benjamin, et ils ont réussi ça de mains de maîtres8.
Il semble que les craintes du compositeur aient disparu dès le début du projet d’un troisième opéra. Si l’auto-narration nous semblait apporter une dimension signifiante intéressante à l’œuvre, considérons désormais qu’elle demeure sensible d’une autre manière.
C’est dans le rapport entre la musique et le texte – débarrassé ainsi de la mise à distance – que nous avons relevé des traits qui semblent ancrer la collaboration entre le compositeur et son librettiste dans une sorte de patte stylistique – n’en déplaise à Benjamin, qui a maintes fois affirmé son refus du maniérisme. Nous trouvons là au contraire une confirmation d’un style d’écriture dramatique très efficace d’un point de vue signifiant et musical qui corrobore la perception de ce que nous avons nommé « vie sensible » dans Written on Skin9. Dès les premières notes jouées par l’orchestre jusqu’à la retombée finale du rideau, nos sens sont littéralement envahis par la puissance et l’émotion qui émanent de l’œuvre.
Le premier de ces traits consiste en une entrée en matière directe dans le vif du sujet : dans un tempo très vif, l’orchestre accompagne la levée du rideau sur la première scène et la première intervention chantée de Mortimer. Benjamin n’écrit pas plus d’ouverture ici qu’il n’en avait écrite pour ses deux ouvrages lyriques précédents. Plusieurs scènes comme la première sont assez courtes et lapidaires : elles témoignent de l’impulsivité des sentiments des protagonistes ou d’une perte de contrôle de ceux-ci. Mortimer y est souvent présent car son caractère est rongé de colère et d’impatience. Il s’oppose en toutes parts au Roi, rêve sans doute de prendre sa place même si son dessein n’est que de le faire abdiquer en faveur du prince, non sans avoir “ éduqué ” ce dernier. Sa liaison avec Isabel est suspectée à la fin de la scène 2 et ne devient claire qu’en fin de première partie. La dernière scène conclut le drame de manière condensée elle-aussi, d’autant plus qu’elle suit la scène de la prison – et de la mort du Roi – qui est la plus longue. Le texte de Crimp contribue pour beaucoup à immerger le spectateur dans l’intrigue : sans être jamais totalement trivial, il livre l’essentiel des pensées et des ressentis des protagonistes. Ici, l’amour et la violence s’entremêlent sans cesse car, le rappelle Crimp, « l’amour dans le contexte politique » appelle de la transgression et la transgression entraîne souvent des comportements violents : « L’amour conduit les gens à prendre des décisions qui sont peut-être fausses, peut-être malavisées. C’est ainsi que la transgression est au cœur de la pièce10. »
Cette violence apparaît par exemple à la fin de la scène 2, montrant le peuple affamé, ou à la fin de la troisième quand Gaveston est assassiné pendant une représentation théâtrale, moments en total contraste avec les scènes dans lesquelles apparaît le Roi – le personnage de loin le plus complexe psychologiquement. Le partage de l’intimité avec son amant et l’impossibilité de communiquer avec Isabel, le montrent dans la fragilité la plus nue et dans un monde onirique. À ce personnage énigmatique et hors norme Benjamin semble réserver les passages musicaux les plus raffinés : des polymusiques composées de motifs récurrents ou nerveux, une sorte d’ADN de timbre qui propose une association insolite et inouïe entre harpes, cymbalum et tablas. La polymusique atteint parfois une complexité qui confine au raffinement tant l’écriture de Benjamin est précise, comme scène 6, quand avant de mourir, le Roi reçoit la visite du Fou qu’il confond avec Gaviston.
Nous avons relevé d’autres permanences : l’équilibre parfait entre les voix et l’orchestre, que Benjamin sait restreindre pour que le texte soit audible ; la trame orchestrale continue entre les scènes (au moyen de notes tenues, des Leitnoten, peu nombreuses et récurrentes) et malgré les cuts avec rideau entre chacune d’elles. Enfin, nous avons retrouvé comme dans les œuvres précédentes, des trames de sonorités graves (cordes, bassons) sur lesquelles se greffent d’autres motifs ainsi que des accords-éclats et l’utilisation des cuivres avec sourdine, un choix minutieux des matériaux sonores qui ne constitue jamais une surcharge. Nous avons en cela repensé à ce que le compositeur nous avait confié à propos de Written on Skin :
Les timbres doivent être mis aux bons endroits, verticalement et horizontalement, dans le temps et dans l’espace musical. Et puis il n’en faut pas trop, il faut qu’ils soient clairement préparés en avance. Il faut les oublier bien avant qu’ils ne reviennent. Et puis pour leur authenticité et leur clarté, il ne faut pas trop tout mélanger tout le temps, comme les Romantiques. Il faut un timbre comme les flûtes aiguës en haut ou les cors en bas, qui sont, dans un certain sens, isolés. Leur force vient de leur parfum, plus que le parfum, de leur goût, et pour cela il faut les isoler, comme les couleurs dans une peinture. Il ne faut pas qu’à chaque instant les couleurs soient en même temps11.
Quant aux voix, elles répondent à un schéma assez traditionnel : Isabel est soprano, Mortimer, ténor, Gaviston et le Roi sont des barytons ; le fils est un haute-contre. Le compositeur a sciemment évité la voix de contreténor qu’il venait de faire chanter dans ses deux précédentes créations vocales, Written on Skin et Dream of the Song, une œuvre écrite en 2015 pour contreténor, chœur de femmes et orchestre. Ce n’est pas tant le choix des registres correspondant à une norme qui importe pour Benjamin, mais bien ce qu’il advient de leur traitement sonore, en regard avec le texte :
Dans cet opéra on rencontre des superpositions, plus que ce que j’ai pu en faire avant, et donc quelques mots fonctionnent ainsi, mais leur signification devra heureusement être comprise malgré la durée que je leur applique, la tessiture que j’utilise et les modèles de la parole que je dessine. À de nombreuses reprises, les rythmes naturels et surtout les inflexions des dessins du discours influencent ce que je fais, énormément. Mais il y a l’émotion de la personne qui chante et l’intention de ce que cette personne essaye vraiment de communiquer aussi, qui peuvent bien ne pas être les mêmes que celles qui accompagnent ce qui est en train d’être dit réellement. Aussi il peut y avoir des distorsions, des bégaiements, des pauses et des explosions mélismatiques, selon ces influences12.
In fine, le sujet de l’opéra, comme celui des précédents, n’est-il pas le désir ? L’amour est le pendant ou l’opposé de la violence mais les deux sentiments sont aussi les ingrédients du désir, comme dans Written on Skin, entre les trois protagonistes, et comme dans Into the Little Hill où règne une confusion entre désir et pouvoir. Le désir invite à l’amour et à la violence à la fois, comme en témoigne l’échange entre Gaviston et le Roi devant Mortimer, scène 1 :
KING
Mortimer is our friend
and his loyal and in his own cold way – believe me –
Mortimer loves each one of us
GAVISTON
Then why in his own cold way when I take
my hand
and I place it here –
place it like this –
He takes the King by the throats perhaps – a gesture that suggests both violence and intimacy.
– does he feel
– look at his face –
disgust ?
Tell me I’m wrong – dead man Mortimer.
KING
Mortimer est notre ami
et est loyal et sous son apparente froideur – crois-moi – Mortimer aime chacun d’entre nous
GAVISTON
Alors pourquoi sous son apparente froideur quand j’avance ma main
et que je la place ici –
la place comme cela –
Il attrape le Roi par le cou – un geste qui suggère à la fois violence et intimité.
– ressent-il
– regardez son visage –
du dégoût ?
Dites-moi si j’ai tort – défunt Mortimer13.
"We live in a time I think not of mainstream, but of many streams, or even, if you insist upon a river of time, that we have come to a delta, maybe even beyond delta to an ocean which is going back to the skies."
John Cage
"Nous vivons une époque sans courant dominant, mais avec de nombreux ruisseaux -disons à la limite sur une rivière de temps- qui fait que nous soyons arrivés dans un delta, et peut-être même au-delà du delta, dans un océan qui remonte aux cieux".
John Cage
Los Angeles’ Monday Evening Concerts (MEC) is one of the world’s longest running concert series devoted to contemporary music. It presents the finest artists in repertoire that is adventurous – often new, sometimes old, and always thought-provoking. MEC, which has featured the American debut of Pierre Boulez and world premieres of
Igor Stravinsky, will celebrate its 80th anniversary in 2019. In honour of this approaching
event, L’Éducation Musicale will profile their work in the coming months.
Les Monday Evening Concerts (MEC) de Los Angeles sont l’une des plus anciennes séries de concerts consacrés à la musique contemporaine. Ils présentent les meilleurs artistes dans un répertoire aventureux - souvent nouveau, parfois ancien, mais toujours audacieux. MEC qui a connu les débuts américains de Pierre Boulez ainsi que les premières
mondiales d'Igor Stravinsky, célèbrera sa 80ème saison en 2018/2019. C’est donc en
prévision de cet événement important que L’éducation musicale présentera leur travail tout
au long de la saison
In the words of its artistic director, the percussionist Jonathan Hepfer:
Selon les mots de son directeur artistique, le percussionniste Jonathan Hepfer:
“This season, on April 23, 2019, we celebrate our 80th anniversary of bringing important new voices, works and thought-provoking programs to Los Angeles.
“Cette saison, le 23 avril 2019, nous célébrons notre 80e anniversaire par la présentation de jeunes talents, d’oeuvres nouvelles, et de programmes stimulants à Los Angeles.
We open our season by pairing an iconic work of the 1970s - Steve Reich's Music for 18 Musicians - with works of the Notre Dame school of polyphony in Paris from the 12th and 13th century. The historical scope of this pairing is meant to give new meaning to the phrase "music as a gradual process."
Nous ouvrons notre saison en associant une œuvre emblématique des années 1970: Music for 18 Musicians de Steve Reich à des polyphonies de l'école polyphonique de Notre Dame à Paris des XIIe et XIIIe siècles. La portée historique de cette association est censée donner un nouveau sens à l'expression "la musique en tant que processus graduel".
We then switch gears to present Sarah Hennies' Contralto, a work for video and live ensemble which features a cast of transgender women in a speech pathology class.
Nous présenterons ensuite Contralto, de Sarah Hennies, une œuvre pour vidéo et ensemble live qui présente un casting de femmes transgenres dans un discours d’ordre pathologique.
In February, we will host a weeklong residency of the Italian "keyboard phenom" Marino Formenti, which will feature two of his projects which investigate and reimagine the idea of the piano recital.
En février, nous organiserons une semaine de résidence de Marino Formenti, phénomène italien du clavier, qui présentera deux de ses projets qui interrogent et réinventent l’idée du récital de piano.
Following this residency, the JACK Quartet returns to MEC to present the West Coast premiere of Chaya Czernowin's HIDDEN for string quartet and live electronics. As a nod to the transcendental nature of Czernowin's work, we will pair it with Robert Schumann's Piano Quintet…
Après cette résidence, le quartet JACK revient à MEC pour présenter la première du film HIDDEN de Chaya Czernowin sur la côte ouest, pour quatuor à cordes et électronique en direct. Pour la relier à la nature transcendantale de l'œuvre de Czernowin, nous l'associerons au Quintette pour piano de Robert Schumann…
On April 23, 2019, MEC celebrates its 80th birthday with a gala event that will take place at the Rudolf Schindler home where the series was born in 1939. This event takes inventory of MEC's astonishing history, and puts forth a vision for the next eighty years (!)
Le 23 avril 2019, MEC célèbre son 80e anniversaire avec un gala qui se tiendra dans la maison de Rudolf Schindler, où la série est née en 1939. Cet événement dresse l'inventaire de l'histoire étonnante de MEC et propose une vision pour les quatre-vingt années à venir (!)
To close our season, we will pay homage to one of MEC's longest standing allies and collaborators, the late great Pierre Boulez (1925-2016). This program pairs the works of two of Japan's greatest composers, Toshio Hosokawa and Toru Takemitsu, with the work of Claude Debussy (a work completed by Boulez) and Boulez' own titanic masterwork Sur incises for three pianos, three harps and three percussionists.
Pour clore notre saison, nous rendrons hommage à l'un des plus anciens alliés et collaborateurs de MEC, le regretté grand Pierre Boulez (1925-2016). Ce programme associe les œuvres de deux des plus grands compositeurs japonais, Toshio Hosokawa et Toru Takemitsu, aux œuvres de Claude Debussy (une œuvre réalisée par Boulez) et au chef-d'œuvre titanesque “Sur incises” de Boulez pour trois pianos, trois harpes et trois percussionnistes.
Also on this season will be MEC's third appearance on the LA Philharmonic's annual "Noon to Midnight" event, to be held on June 1, 2019 at Disney Concert Hall.”
C’est aussi au cours de cette saison que MEC participera pour la troisième fois à l'événement annuel "De midi à minuit" du Philharmonique de Los Angeles, qui se tiendra le 1er juin 2019 au Disney Concert Hall.
17 décembre aux Monday Evening Concerts de Los Angeles
Steve Reich - COME OUT (1966)
Léonin - VIDERUNT OMNES (ca. 12th century)
Pérotin - VIDERUNT OMNES (ca. 12th/13th century)
Steve Reich - MUSIC FOR 18 MUSICIANS (1974-76)
MEC Early Music Ensemble
ECHOI Ensemble
Jonathan Hepfer, project director
In one of Reich's later works, Proverb, the composer sets to music Wittgenstein's dictum "how small a thought it takes to fill a whole life!" It is this obsession with transforming the simple into the complex that links these composers in spite of nearly eight centuries of historical distance.
Dans l'une des dernières oeuvres de Reich, Proverbe, le compositeur met en musique le dicton de Wittgenstein: "Une petite pensée suffit à remplir toute une vie!" C'est bien cette obsession de transformer le simple en complexe qui unit ces compositeurs malgré les huit siècles qui les séparent.
Despite the myriad surface differences in these respective works, we hope to show that there is something common deeply embedded in their DNA. Experiencing an art form across a span of several centuries demonstrates how it is both constantly evolving and timeless. This concert gives a new meaning to the phrase "music as a gradual process."
Malgré la myriade de différences de surface entre ces oeuvres respectives, nous espérons montrer qu’il existe quelque chose de commun profondément inscrit dans leur ADN. Expérimenter une forme artistique sur plusieurs siècles montre à la fois son évolution et son intemporalité. Ce concert donne un nouveau sens à l'expression "la musique en tant que processus graduel".
Stage layout for Reich's 'Music for 18 Musicians'
In his 1968 essay Music as a Gradual Process, Steve Reich compares listening to one of his pieces to "placing your feet in the sand by the ocean's edge and watching, feeling, and listening to the waves gradually bury them." In his Music for 18 Musicians, a simple pulse imperceptibly transforms into an almost impossibly vibrant polyphony.
Dans son essai de 1968 intitulé Music as Gradual Process , Steve Reich compare l'écoute de l'une de ses pièces à "placer ses pieds dans le sable au bord de l'océan et regarder, ressentir et écouter les vagues les enterrer progressivement". Dans Music for 18 Musicians, une simple pulsation se transforme imperceptiblement en une polyphonie presque incroyablement vibrante.
In a sense, it is this same process that distinguishes two composers of the 12th century Notre Dame school of polyphony, Léonin and Pérotin, who were two of the earliest composers to transform monophonic musical forms into polyphonic ones.
En un sens, c’est ce même processus qui distingue deux compositeurs de l’école polyphonique de Notre Dame du XIIe siècle, Léonin et Pérotin, deux des premiers compositeurs à avoir fait émerger la polyphonie des formes musicales monophoniques qui lui précédaient.
Frank Stella - [title not known]
For more information, visit / Pour plus d’informations, visiter:
http://www.mondayeveningconcerts.org/
http://www.mondayeveningconcerts.org/videos-performances-interviews.html
14 janvier aux Monday Evening Concerts de Los Angeles
Sarah Hennies
Contralto is a one-hour work for video, strings, and percussion that exists in between the spaces of experimental music and documentary. The piece features a cast of transgender women speaking, singing, and performing vocal exercises accompanied by a dense and varied musical score that includes a variety of conventional and "non-musical" approaches to sound-making.
Contralto est une oeuvre d'une heure pour vidéo, cordes et percussion qui se situe entre le domaine de musique expérimentale et du documentaire. La pièce présente un groupe de femmes transgenres parlant, chantant et exécutant des exercices vocaux, accompagnées d'une partition musicale dense et variée incluant une variété d'approches classiques et "non musicales" de la prise de son/production sonore.
When a transgender man begins taking testosterone it causes his vocal cords to thicken and his voice deepens and drops into the so-called "masculine range." It is not widely known, however, that trans women's voices are unaffected by higher levels of estrogen in the body. Being a woman with a "male voice" creates a variety of difficult situations for trans women including prolonged and intensified dysphoria and higher risk of harassment and violence due to possibly exposing someone as trans unintentionally.
Lorsqu'un homme transgenre commence à absorber de la testostérone, ses cordes vocales s'épaississent et sa voix s'intensifie et tombe dans ladite “tessiture masculine". Cependant, on ne sait pas vraiment si les voix des femmes trans ne sont pas affectées par des taux élevés d'oestrogènes dans le corps. Être une femme avec une "voix masculine" crée une variété de situations difficiles pour les femmes trans, y compris une dysphorie intensifiée et un risque accru de harcèlement et de violence due au fait d’exposer quelqu’un comme trans de manière intentionnelle.
"Contralto" - defined in musical terms as "the lowest female singing voice" - uses the sound of trans women's voices to explore transfeminine identity from the inside and examines the intimate and peculiar relationship between gender and sound.
"Contralto" - définie en termes musicaux comme "la voix chantée féminine la plus basse" - utilise le son des voix de femmes trans pour explorer l'identité trans féminine de l'intérieur et examiner la relation intime et particulière entre le genre et le son.
Contralto stars Julie Ashkin, Alexandra Brandon, Alyssa Green, Anna McCormick, Dreia Spies, Sarang Umarji, and Josie Zanfordino.
Les contralto les plus reconnues sont aujourd’hui Julie Ashkin, Alexandra Brandon, Alyssa Green, Anna McCormick, Dreia Spies, Sarang Umarji et Josie Zanfordino.
- Program note by Sarah Hennies
- Note de programme de Sarah Hennies
Colette Mourey (née en 1954), musicologue dynamique, enseignante passionnée, est aussi guitariste et compositrice. Avec les expériences acoustiques de son conjoint, Michel Mourey (né en 1951), ils ont rédigé 3 remarquables volumes didactiques résultant de leur vaste pratique pédagogique, comportant respectivement 6, 7 et 9 séquences ; ces outils seront très appréciés.
Comme elle l’affirme : « Toute séance de musique (chant, orchestre, écoute, expression corporelle…) se fonde sur la jubilation spontanée des enfants, qui trouveront instinctivement matière à s’émerveiller, et les conduit pas à pas vers une culture artistique, puisqu’ils seront amenés à expérimenter, s’approprier, re-créer, inventer… de projet en projet. » Pour obtenir le silence, elle propose le chant (refrain et couplets) : Un bourdon sur ma bouche évoluant dans les nuances p, ppp et pp très utile pour motiver les enfants. À exploiter à bon escient, ses commentaires (p. 8 sq.) vont du « bruitage événementiel » au « bruitage d’atmosphère » aboutissant au parlé-rythmé (la voix imitant le bruit du bourdon), le tout associé à la gestuelle de l’adulte en vue de la pratique de l’expression corporelle. Après avoir suscité l’écoute, elle préconise aussi l’échauffement vocal, puis la marche (Marche, marche, petit train…) et suggère de faire entendre Pacific 231 d’Arthur Honegger, pour approfondir les notions de pulsation et de tempo. Elle s’appuie également sur les milieux naturels (animaux de la ferme, animaux sauvages) ou encore sur les différents états de la musique de l’eau aboutissant à une création collective. Pour l’apprentissage de la polyrythmie, elle suggère le chant en canon Quand trois poules vont aux champs ou encore des expériences d’acoustique relatives à la propagation du son et à l’image de l’onde sonore émise par une source ponctuelle.
Agrémenté d’une signalétique explicite, émaillé de petits dessins amusants, de 120 figures appropriées, ce premier petit volume fourmille de renseignements d’une incontestable sagacité pour la pratique musicale scolaire.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
À propos du Cycle 2, Colette Mourey démontre que la chorale et l’orchestre de l’école créent « une joie et une fierté durable » et comme un « profond sentiment d’appartenance à une collectivité active et bienveillante, qui propose des projets ambitieux ». Elle fournit texte et musique, par exemple pour Ohé, C’est l’Écho qui résonne !, canon à 2 voix permettant d’expérimenter le phénomène naturel de l’écho. Ses commentaires concernent la qualité d’écoute, l’échauffement vocal et enfin le chant et sa mise en place. Elle préconise la direction gestuelle de l’enseignant. L’expression corporelle sous-entend un instrumentarium ad hoc traduit par de nombreux exemples d’écoute (canons, échos…) au bénéfice de l’oreille polyphonique. Pour approcher la phrase musicale, elle a arrangé pour 3 voix avec guitare, piano et violoncelle : Prom’nons-nous dans les bois (chant dialogué et théâtralisé). La 3e séquence concerne son texte et sa musique : Les Saisons pour chœur d’enfants à 2 voix, pour carillon, métallophone, flûte à bec, guitare, piano et violoncelle. Excellente initiation à l’invention de « polyphonies » : ostinato, bourdon, canon, 2 voix, accord, arpège ; au repérage d’une ligne de basse ; association de la création vocale à la création instrumentale par le biais d’un enregistrement pour affiner l’écoute polyphonique et favoriser la communication (échange interclasses, concerts, spectacles). La séquence 4 porte sur la pulsation, le rythme, la carrure, la mesure. La 5e, intitulée : Des chants de métier aux gestes professionnels : éveil à une culture patrimoniale et citoyenne est proche de la tradition populaire. La 6e est destinée à un chœur d’enfants. Dans la 7e — d’ordre scientifique —, Michel Mourey suggère des expériences d’acoustique relative à la propagation et à l’effet mécanique du son liés au tempo. Deuxième volume tout aussi indispensable que le premier…
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Ce troisième volume, particulièrement étoffé, s’adresse au niveau le plus élevé. Son apport méthodologique, didactique et scientifique, avec un indispensable résumé des pré-requis, est considérable. Selon la Préface : « nous travaillons sur la méthodologie de la Séquence… s’appuyant en premier lieu sur l’exemple d’une séquence à finalité purement musicale utilisant la thématique de La Guitare ; puis, en second lieu, sur l’exemple d’une séquence transdisciplinaire basée sur L’Hymne Européen » (L’Europe est unie désormais…, chœur d’enfants à 2 voix accompagné au piano) débouchant sur l’invention de l’Hymne de la classe. Les auteurs préconisent d’abord l’apprentissage participatif, le projet du professeur devient celui des élèves et aboutit à « une intense motivation » avec analyse et évaluation de la séquence qui permettra la progression vers le chant polyphonique. L’exploitation de l’instrumentarium favorise la « découverte active d’éléments du langage musical au sein de l’activité orchestrale ». Enfin, les pratiques instrumentale et chantée encourageront l’écoute et pourront introduire à la chronologie et à l’esthétique des œuvres. Les enseignants trouveront une excellente initiation à la perception du son à travers l’acoustique et des suggestions d’expérimentations (onde sonore, propagation et effet mécanique du son) pour mettre en évidence la « variation du niveau sonore » et les « interférences entre les ondes des deux branches du diapason »... À noter également les encadrés (p.152-154) concernant le vocabulaire (adjectifs, noms, verbes) pour verbaliser la perception musicale des élèves. Étayé de nombreux exemples musicaux, chants et arrangements, tableaux synoptiques, figures, conseils avisés relevant de la pédagogie et enrichi de propositions d’ordre plus spécifiquement acoustique et scientifique grâce à la vaste expérience de Michel Mourey, ce Cycle 3 déborde d’« intelligence musicale » et parachèvera la pratique de la musique scolaire. Une mine à exploiter avec profit en vue d’un enseignement participatif vivant et renouvelé.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Disons d’abord qu’avant d’être un régal pour les oreilles, ce recueil est un régal pour les yeux. Chacune des aquarelles qui illustrent ce volume est d’une grande beauté et mérite d’être regardée pour elle-même. Si le recueil contient les huit fables chantées, il contient également en tête de chacune le texte intégral de la fable prêt à réciter. On trouve également en fin de volume quatre compléments : « Au temps de Jean de La Fontaine », qui replace, sous forme de tableau, les fables dans leur contexte historique et littéraire, d’autres repères historiques concernant la littérature, la peinture, les jardins, l’architecture, la musique, la marine et la politique, un lexique général et un lexique pour mieux comprendre les fables, le tout dans une présentation pédagogique d’une grande clarté. Quant aux « fables » chantées elles-mêmes, elles sont d’abord au service du texte, intégralement respecté. Le style en est à la fois simple et plein de charme et de malice. La musique souligne le tableau sans jamais être redondante. L’ensemble est sans grande difficulté. Bref, c’est une belle réussite qui permet non seulement de chanter les fables mais qui permet aussi à qui voudra exploiter ce recueil tout un travail littéraire, historique et pictural tout à fait passionnant. On ne peut que recommander chaudement ce travail.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Hervé Lesnevan nous livre ici son rapport spécifique à la Bretagne et à la culture celtique à travers d’arrangements de mélodies populaires et de compositions originales. En plus de la Bretagne, Irlande et Écosse sont bien présentes également. Les textes, en anglais et en breton sont présentés au côté des mélodies avec une traduction qui s’essaie avec succès à en rendre toute la poésie. Une très intéressante postface intitulée « Note sur l’écriture de la langue Bretonne » est passionnante dans la mesure où le problème est replacé dans tout son contexte historique et culturelle. Est-il besoin de le dire, cet album tout à fait remarquable est le reflet de la vigueur de la vie culturelle celtique en général et bretonne en particulier. On ne peut que s’en réjouir !
Daniel Blackstone
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Le compositeur indique que ce cycle est destiné à une voix aiguë (soprano dramatique ou ténor). Le choix des registrations est laissé à la sensibilité de l’interprète, qui tiendra compte des nombreuses indications contenues dans la partition concernant les intensités, les couleurs et climats sonores, ainsi que des ressources offertes par l’instrument sur lequel l’œuvre sera jouée. « Ce cycle vocal est constitué de quatre chants tous inspirés par des extraits des « Feuilles d’herbe » de Walt Whitman. Dans le premier chant « O vast Rondure, swimming in space », Misterioso e tranquillo, à entrées en imitation, « la voix ample et lyrique, exprime « l’extase mystique face à la beauté de l’univers insondable ». Le deuxième chant « One hour to madness and joy ! » chant Guibiloso, sur différents rythmes répétitifs, exprime « la joie dionysiaque d’une âme libre ». Le Grave e sostenuto du troisième chant « Come lovely and soothing death », exprime l’acceptation paisible et sereine de la mort inévitable ». Enfin « la fusion dans l’infini de l’espace et de l’éternité » est décrite Con slancio dans « Tazo that which is endless as it was beginningless ».
« L’orgue est ici plus qu’un simple accompagnement, mais doit sonner comme un véritable orchestre aux multiples couleurs sonores ».
Sophie Jouve-Ganvert
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Cette œuvre a été inspirée par trois verset du prophète. Le premier, « Je regardai et voici : il vint du septentrion un vent impétueux, une grosse nuée et une gerbe de feu, qui répandait de tous côtés une lumière éclatante » (Ez. I, 4), s’exprime à l’instrument par des fulgurances, une énergie et un élan irrépressible qui se retrouveront dans le troisième : « Et l’Esprit m’enleva, et j’entendis derrière moi le bruit d’un grand tumulte… (Ez. III, 12). La section centrale, qui est inspirée par le verset « Tel l’aspect de l’arc qui est dans la nuée en un jour de pluie, ainsi était l’aspect de cette lumière éclatante… C’était une image de la Gloire de l’Éternel. » (Ez. I, 28), est beaucoup plus contemplative. L’auteur traduit en couleurs irisées issues de l’instrument l’arc en ciel évoqué par le texte. C’est dire qu’il faudra, pour rendre justice à cette œuvre, un instrument capable de rendre tumultes, contemplation et couleurs… Mais le résultat sera à la hauteur du travail que demandera une telle œuvre pour que son message spirituel soit pleinement rendu.
Daniel Blackstone
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S’il est une œuvre qui a été abondamment transcrite, c’est bien celle-là ! Bien sûr, pour orchestre, et l’on pense immédiatement à Ravel, même si beaucoup d’autres transcriptions ont été réalisées.
L’orgue semble être un instrument particulièrement adapté à cet exercice dans la mesure où il offre au transcripteur, qui part déjà d’une version pianistique très colorée, toutes les richesses de ses timbres, de sa dynamique, des effets de spatialisation plus ou moins réalisables selon l’instrument dont on dispose. D’autres s’y sont essayés : pensons à Jean Guillou sur l’orgue de Saint Eustache (écoutable sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=l-0WOoP4KL8 ) ou Pierre-Yves Asselin, aux célèbres grandes orgues Rudolf von Beckerath de l'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, Montréal… On ne peut les citer toutes. Il est bien difficile de juger de celle-ci en dehors de l’instrument sur lequel elle sera jouée. Ce qui est certain, c’est qu’un instrument à trois claviers, doté de 56 notes a minima et de jeux extrêmement variés s’avère certainement nécessaire !
Daniel Blackstone
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Nous avions rendu compte du premier volume lors de sa parution en 2008. Le deuxième volume, paru en 2013, nous a malheureusement échappé. C’est donc un grand plaisir de rendre compte de ce troisième volume dont l’intérêt est aussi grand que celui des deux premiers. Il regroupe en effet vingt-deux compositions originales de vingt-deux compositeurs contemporains parmi les plus connus. La préface d’Olivier Latry met en lumière un point très important : « Les jeunes et moins jeunes pourront, grâce à de petits exercices d’initiation, s’initier à l’improvisation, qui apparait ici pour la première fois. Composition spontanée, c’était tout naturel qu’elle figure dans ce contexte, métamorphosant en quelque sorte l’interprète de musique contemporaine en créateur de musique contemporaine… La boucle est bouclée ! » On ne saurait trop souligner l’intérêt de ce recueil tant sur le plan pédagogique que sur le plan musical, tout en restant d’un abord parfaitement accessible aux premières années d’étude.
Daniel Blackstone
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Ces deux volumes sont d’abord orientés vers l’accompagnement des danseurs. Et les pianistes accompagnateurs de danse se réjouiront de trouver ces adaptations toutes faites et bien calibrées pour les différents exercices des cours de danse. Mais ces pièces pourront aussi servir aux professeurs de piano pour enrichir le répertoire de leurs élèves et leur faire découvrir, par ces transcriptions, les grands airs du répertoire et, qui sait, l’intégralité des œuvres ! Le choix est large, qui va de Mozart à Tchaïkovski en passant, bien sûr, par tout le répertoire de l’opéra italien. La table des matières indique pour chaque pièce l’exercice de danse auquel il se rapporte. Quant aux arrangements, ils sont simples mais respectueux des harmonies de l’œuvre originale.
Daniel Blackstone
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Connue également sous le nom de « Macbeth et les sorcières », cette évocation de la tragédie de William Shakespeare, datée de 1859, est, semble-t-il, liée à la mort de sa femme Katharina le 19 avril 1859. La pièce est imprimée pour la première fois avec des œuvres posthumes en 1912 et entre très vite dans le répertoire pianistique. La pièce est virtuose, mais profondément sombre et tragique. Elle rend bien compte de l’atmosphère de la scène qui l’a inspirée. Cette édition a été établie d’après la seule source qui a survécu : un manuscrit de Smetana. Celui-ci a été reproduit aussi fidèlement que possible. Bien sûr, l’édition est précédée d’une préface et suivie d’un court commentaire critique.
Daniel Blackstone
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Publiée en 1800, cette sonate, à laquelle Beethoven attache une particulière importance, est liée à toute une très féconde période de création. Il est inutile d’en refaire ici l’analyse. Disons simplement qu’elle comporte quatre mouvements. L’édition de Jonathan Del Mar (et Misha Donal) est particulièrement remarquable non seulement pour l’établissement du texte, mais, après une introduction rédigée par Misha Donal, par une préface expliquant les présupposés de l’édition en fonction de la manière de noter de Beethoven, et par des explications détaillées, rédigées par les deux éditeurs, de la manière d’interpréter cette œuvre, en entrant dans tous les détails d’exécution. Ajoutons qu’en fin de volume, nous trouvons un commentaire critique, des fac-similés, une table des abréviations, l’indication des sources de la publication, et deux appendices complémentaires. Bref, outre sa qualité graphique, cette édition est tout à fait remarquable par la quantité d’indications qu’elle procure pour l’interprétation de cette Grande Sonate.
Daniel Blackstone
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Beethoven n’avait que douze ans lorsqu’il composa ses trois premières sonates, dédiées à l’électeur de Cologne, Maximilian Friedrich. Bossler, éditeur à Spire, en annonce la publication, comme « remarquable composition d’un jeune génie de onze ans ». A cette époque, en 1783, Beethoven est encore élève de C. G. Neefe qui lui aussi voit dans le jeune Ludwig un « garçon au talent prometteur ».
Aucun manuscrit ne reste de ces trois sonates. La seule source est la première édition. Cette édition aux multiples erreurs et contradictions porte quelques inscriptions de la main de Beethoven.
Chacune des sonates se divise en trois mouvements : deux rapides encadrant un mouvement lent. Dans la première, en Mi b Majeur, on trouve déjà l’idée du développement, de la variation et de la virtuosité. Le thème de l’Andante rappelle étonnement celui de la Symphonie concertante K364 de Mozart (1779). La deuxième, en fa mineur, très contrastée et fougueuse, annonce la sonate n° 8, opus 13 dite « Pathétique », que le compositeur écrira quinze ans plus tard, (particulièrement l’Allegro di molto e con brio précédé des quelques mesures de grave).
La troisième est plus légère en raison de sa tonalité (Ré M), de par son style, et de par le côté humoristique du Scherzando. Le Menuet et ses six variations (la quatrième étant assez redoutable) rappelle la Gavotte et ses six doubles de la suite en la m pour clavecin de Rameau.
Il est intéressant de remarquer la précision, l’abondance d’indications de dynamique et leur efficacité (comme f p sur deux notes en suivant). On peut y voir l’esprit visionnaire et moderne de Beethoven (prévoyant l’évolution de la facture instrumentale, alors que sa première sonate indique « cembalo solo » ainsi qu’une idée d’écriture orchestrale.
On pourra aussi s’interroger sur l’interprétation des trilles. Considérant les doigtés de Beethoven, il est clair que le point d’appui est la note réelle et non pas la note supérieure, comme pratiqué habituellement au 18ème siècle.
La lecture de la préface, des commentaires critiques renseignera les curieux sur cette belle édition Urtext.
Il est à regretter que ces sonates ne soient pas intégrées dans les numéros d’opus et ne figurent pas dans les « intégrales » enregistrées.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
On pourrait se demander l’intérêt qu’il y a à publier une nouvelle fois les Polonaises de Chopin. Mais on sait par ailleurs les problèmes posés par l’établissement du texte dans les œuvres de Chopin et la préface et les notes sur l’interprétation rédigées par Christian Ubber ainsi que les abondantes annotations, variantes et justifications figurant à la fin de la partition justifient amplement cette publication. Comme à l’accoutumée, l’ensemble est trilingue, ce qui permet d’apprécier pleinement commentaire et apparat critique. Cette nouvelle édition est donc en fait pleinement justifiée. On appréciera par ailleurs pleinement la qualité et la clarté de l’impression, bien agréables pour l’interprète.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Saluons la parution de ce troisième volume de l’édition complète des Sonates de Beethoven.
Editée d’après les sources par Peter Hauschild, révisée et munie de notes critiques par Jochen Reutter, doigtée par Pavel Gililov, Alexander Jenner, Hans Kann et Naoyuki Taneda, cette édition est en tous points remarquable. Bien sûr, de nombreuses éditions ont paru, depuis la vieille édition Peters qui a bercé notre jeunesse, mais il est toujours utile et même indispensable, pour interpréter de tels monuments, de se mettre au courant de la recherche contemporaine. Ce volume contient toutes les sonates à partir de l’opus 78 qui marque le retour de Beethoven à la sonate après une interruption de quatre ans marquée à la fois par des œuvres orchestrales majeures et par de nombreux drames. Mais la remarquable préface (trilingue) de Peter Hauschild et Jochen Reutter traduite par Pascal Huynh nous donne en détail la genèse et le contexte de l’écriture de ces œuvres. Quant à l’apparat critique qui figure en fin de volume, il est digne d’une édition scientifique et permettra de se rendre compte du travail accompli par les éditeurs. Cet ouvrage est autant destiné aux interprètes qu’aux musicologues…
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Ce court Nocturne est constitué d’une première partie bâtie sur un motif de croches répétées, à entrées en imitation, d’une deuxième construite sur arpèges et triolets et d’une troisième, reprise de la première, plus développée.
Si cette œuvre ne présente pas de difficultés majeures rythmiquement, elle n’est pas adaptée aux petites mains (suites d’octaves frappées, intervalles de dixièmes sans notation de pédale, intervalles frappés sur basses tenues).
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Dans la continuité des volumes 1 et 2, Gérard Pesson s’est entouré dans ce 3ème recueil des compositeurs Noriko Baba, Maël Bailly, Régis Campo, Denis Chouillet, Jérôme Combier, Frédéric Durieux, Carlos Fontcuberta, Julien Jamet, Frédéric Lagnau, Oscar Strasnoy pour produire des pièces progressives destinées aux jeunes interprètes.
En voici le contenu :
Pesson Gérard : Dans le genre éveillé – Combier Jérôme : In bocca al lupo – Fontcuberta Carlos : Borodine d’une autre manière – Pesson Gérard : Cinq Strophes et un salut – O Hands for Orlando ! – Baba Noriko : Harmonieux forgeron – Lagnau Frédéric : Je me souviens se do dièse.. – Pesson Gérard : Fabliau – Messiaen contemplant le Mississipi – Au drapeau angélinien – Jamet Julien : touché/coulé – Pesson Gérard : Buvard – Campo Régis : Les harmonies doucement changent – Pesson Gérard : Origami Chopin – Rimes polaires – Durieux Frédéric : Empreintes – Pesson Gérard : L’avant-bras de Grenade – Labyrinth in love – Carillon pour Jules – Loco et ses frères – Chouillet Denis : Between Bells – Pesson Gérard : Vision fugitive – Bailly Maël : Qu’est-ce qu’on attend ? – Pesson Gérard : Un tribut à Johann Jakob Froberger – Vinteuil, une page retrouvée.
Ce volume est inspiré entre autres de l’héritage de Ravel, Prokofiev et Ligeti quant à leurs recherches sur le piano, pour initier l’élève à une écriture contemporaine amenant des sonorités très imagées et inspirantes.
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Cette pièce écrite dans un style New-Orleans est fort agréable. Construite selon le schéma refrain-couplet-refrain, elle est pleine d’entrain, le couplet étant la partie rythmée de l’ensemble. L’ambiance est celle d’un bal musette. L’harmonie suit une grille traditionnelle qui permettra à l’interprète d’improviser sur cette même grille s’il en a envie. Bref, tout cela est bien réjouissant et devrait plaire autant à l’interprète qu’à son public.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Cette méthode en 3 volumes en ravira plus d’un. La progression est graduelle et inspirée à la fois de différents courants allant de la période baroque à nos jours. Il intègre notamment, un répertoire qui utilise un langage contemporain et avant-gardiste en passant par le flamenco et des airs traditionnels, le tout parfaitement valorisé sur la guitare. Cette méthode exploite très largement les possibilités de la guitare et est d’un grand intérêt musical. L’auteur un guitariste, pédagogue livre au professeur un support de travail remarquable. Il y a d’une part la fraîcheur et l’engouement pour cet ensemble de pièces. D’autre part la motivation qui stimulera grandement l’appétit d’apprendre la guitare en raison de l’originalité et de la beauté de ce recueil en 3 volumes. Celui-ci apportera un nouvel élan de fraîcheur au répertoire de la guitare.
Le 1er volume pourra être utilisé les 2 premières années du 1er cycle. Le 2ème volume pourra être abordé à partir de la 3ème année du 1er cycle jusqu’à la suivante. On peut considérer que ce 2ème volume terminé marque un niveau de fin de 1er cycle. Le 3ème et dernier volume permettra d’aborder le 2ème cycle et pourra être utilisé les 2 premières années de ce même Cycle.
En définitive cette méthode se caractérise par la beauté et l’ingéniosité puisées dans ses mélodies qui permettent de s’approprier l’instrument avec des références essentielles à la structuration et à l’épanouissement de l’élève. Voici un outil de travail que je recommande grandement.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Cet arrangement de Michel Démarez reprend un tube que l’on entend joué par les orchestres du monde entier. Il s’agit de la Valse nº2 issue de la Suite pour orchestre de variété de Dimitri Schostakovitch écrite en 1938, juste avant la seconde guerre mondiale. L’arrangement est parfaitement bien adapté pour 4 guitares. Le rendu est très bon et l’équilibre entre les différentes voix est idéal. Le thème ravira les élèves et permettra de leur faire connaître un thème connu d’une des figures les plus importante du 20ème siècle en Russie : Dimitri Schostakovitch.
Le niveau de difficulté des différentes parties s’échelonne de la 2ème à la dernière année du premier cycle.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Voici une magnifique transcription des Variations opus 27 d’Anton Webern pour guitare classique, par Tristan Manoukian. Il s’agit d’une pièce de concert que l’on pourra aborder avec les élèves en Cycle spécialisé. Cette transcription offre aux guitaristes la possibilité de pouvoir jouer une œuvre issue de la seconde école de Vienne et d’aborder ou d’approfondir toutes ses composantes : l’atonalité, le sérialisme et le dodécaphonisme. Une œuvre caractéristique empreinte d’un langage à l’aube de la musique contemporaine. Cette musique d’une puissance sans borne en raison de ses contrastes, du contrepoint et des différents principes que l’on retrouvera dans le traité d’harmonie d’Arnold Schoenberg, exploite la quasi-totalité de la tessiture de la guitare. Il sera nécessaire de prendre soin de la gestion des résonances !
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Dans ce petit recueil se trouve deux morceaux et une nouvelle de l’auteur Alain Vérité.
Les deux pièces d’influence Sud-Américaine se caractérisent par l’utilisation de beaucoup de syncopes à travers une mélodie accompagnée. Le 1er mouvement est un hommage au très célèbre et regretté Roland Dyens dont on ressent évidemment l'influence. Dans ces deux petites pièces règne une atmosphère de nostalgie.
On peut noter qu’il s’agit d’une musique écrite pour la guitare par un guitariste qui élargit encore le répertoire de l’instrument.
La nouvelle s’adresse à tous les acteurs et amoureux du monde de la guitare.
Ces deux pièces pourront être abordées à partir de de la 3ème année du 2ème cycle, car elle demande notamment d’avoir une solide assise rythmique.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Un arrangement pour guitare classique de l’Allegro barbaro de Béla Bartok pour piano. La transcription a été réalisée par Siegfried Steinkogler. La pièce écrite en 1911, en réponse au reproche d’un critique envers Bartok, prétendant que sa musique serait barbare.
Il s’agit d’une pièce dont le fil conducteur du discours repose sur le rythme et l’influence du folklore hongrois bien présent dans la mélodie.
L’effet souhaité sera obtenu à partir d’un certain tempo et d’une profonde stabilité rythmique. L’auteur de cette transcription préconise d’ailleurs de ne pas descendre en dessous de 76 à la blanche. Il faudra bien mettre en avant les différents accents de la mélodie qui se fondent dans la rythmique.
Cette pièce s’adresse à des élèves de 3ème cycle et pourra s’insérer dans un programme de récital ou encore simplement en vue de développer sa technique. Cette transcription permettra aussi aux guitaristes de s’imprégner d’une œuvre représentative du style d’un compositeur phare du 20ème siècle.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Voici un recueil d’Études que l’on pourrait tout à fait qualifier « d’Études de concert ».
Il s’agit d’une série de pièces dont la difficulté s’accroît au fur et à mesure que l’on avance. Certaine Études, notamment les premières de ce recueil pourront être abordées à partir de la 3ème année du second cycle, tandis que les dernières conviendront pour un bon niveau de 3ème cycle. Cette série d’études est influencée par les musiques d’Amérique du sud, le jazz, et le répertoire propre à la guitare classique. Les élèves pourront à travers cet ouvrage développer l’expression tout en utilisant la plupart des techniques spécifiques de la guitare. C’est une approche ludique qui permet de se forger une solide technique à travers une musique riche, variée et pleine de poésie !
C’est aussi un outil de travail qui ravira tous les professeurs en raison de l’originalité et du renouveau apporté par cette musique.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Cette collection comporte une série de pièces faites pour être jouées par des instrumentistes de même niveau et constituent donc une véritable initiation à la musique de chambre. Attention, chaque album de cette collection est différent des autres : les pièces pour violon recensées ici n’ont rien de commun avec celles écrites pour les autres instruments. Les difficultés vont croissant, tant pour le piano que pour le violon. Piavioline permet aux jeunes instrumentistes de s’initier très tôt à la musique de chambre. Vio-grognon ne manque évidemment pas d’humour. Le violoniste s’exerce aux doubles cordes avec l’appui d’une corde à vide. Piavioline dans le boléro est conforme à son titre. Quant à Choral et variations pour Amandine et Etienne, outre l’intérêt musical, cette pièce permet de faire découvrir aux jeunes interprètes deux formes musicales souvent utilisées. Amandine et Etienne sont les deux enfants de l’auteur. Terminons en le citant : « Je souhaite à tous les enfants ou adultes débutants qui auront l’opportunité de jouer ces pièces de bien s’amuser et de bien jouer… ». Quel beau programme !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Précisons tout de suite que les éditions Bärenreiter, outre cette version avec réduction de piano, publient également la version orchestrale originale et que cette publication constitue la première édition mondiale du texte authentique de ces deux œuvres. Il s’agit des premières œuvres virtuoses de Joachim pour violon et orchestre. Joachim connait parfaitement le folklore hongrois de sa jeunesse et a séjourné également en Angleterre. La fantaisie sur des thèmes hongrois contient une abondance d’airs hongrois qui circulaient dans les années 1830 -1940. La fantaisie irlandaise est en fait composée essentiellement à partir de deux thèmes écossais. Le mot « irlandais » est le résultat d’une erreur lors d’une copie manuscrite ultérieure. L’ensemble, destiné d’abord au propre usage de l’auteur, n’a jamais connu une véritable diffusion : il semble que Joachim ne le souhaitât pas. Ce sera donc l’occasion pour les violonistes de se réapproprier ces œuvres qui sont loin d’être sans intérêt. L’édition proposée ici est précédée d’une copieuse préface à la fois historique et technique avec de précieuses indications d’interprétation.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Comme à l’accoutumée ce n’est pas l’humour qui manque à M. Igudesman, ni l’imagination d’ailleurs. Ce volume qui traite de « jardin musical », oblige l’élève débutant à imaginer le son d’une patate (avec un col amidonné), du brocoli, de la myrtille, du citron, de l’orange, du radis, du petit pois, du raisin, de l’aubergine et de la courgette ! Chaque pièce est précédée d’un poème illustré en anglais, en allemand et en français sur l’aliment en question. Le légume ou fruit a son caractère propre : par exemple la myrtille, « meilleure cuisinée », est représentée par le rythme du blues. Le radis au contraire, est évoqué par des croches piquées en chromatisme, mais il est un peu paresseux… En tout cas « il devrait avoir plus de fans » ! Souhaitons beaucoup de joie aux nouveaux artistes !
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Cette courte promenade s’adresse à des élèves de fin de troisième année, début de quatrième. En effet, elle utilise la quatrième position du violoncelle et les rythmes « croche-deux doubles » et syncopette, dans la deuxième partie. Le passage Décidé, est une variation rythmique de la première partie.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Ce recueil regroupe huit pièces de musique celtique d’Irlande, d’Ecosse, du Pays de Galles, de Cornouaille et de Bretagne arrangées pour violoncelle et piano. Il couvre trois siècles de musique. L’auteur des arrangements (compositeur irlandais, accordéoniste et musicologue) incite les interprètes à se documenter sur la richesse du folklore, sur les différentes traditions, sur les styles particuliers à chaque région. Tout comme dans la musique « ancienne », il n’y a pas qu’une seule façon « correcte » d’interpréter une œuvre et il faut savoir « varier ». Le CD-MP3 joint à ce recueil en offre différentes versions (accompagnement piano seul, ensemble d’instruments variés, dont l’accordéon, la guitare, le violon, le bodhran…).
Les huit pièces sont de niveaux différents, mais non classées progressivement. Elles sont à travailler entre la troisième année du premier cycle et le début du deuxième cycle. La première, la cinquième et la huitième peuvent être abordées en premier cycle. Les autres, plus difficiles, (emploi de la clé d’ut et utilisation des quatrième et cinquième positions, tempo rapide et « petites notes ») intéresseront les élèves en deuxième cycle.
Les téléchargements gratuits annoncés par l’auteur, proposant des « remarques sur les pièces » et concernant « le style et l’ornementation » ne semblent pas accessibles pour l’instant. (www.universaledition.com/service-ue38033).
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Saluons d’abord la préface trilingue (allemand, anglais, français) : ce n’est pas si fréquent. Ces duos sont la transcription des Duos pour deux violons composés en 1931 par Bartók à la demande d’Erich Doflein, violoniste et spécialiste allemand de pédagogie musicale. Ces duos marient des airs populaires d’Europe centrale avec le langage musical du XX° siècle. Ce sont de véritables miniatures pleines de poésie, à la fois joyeux et parfois mélancoliques comme le sont souvent les musiques populaires de ces régions. Les quatre livres de duos sont rassemblés ici en un seul volume. Le transcripteur a pensé que grâce aux progrès récents de la facture de la flûte et des progrès de la technique de l’instrument, celle-ci était désormais capable de rivaliser avec les violons sur le plan de la richesse expressive. Acceptons-en l’augure : aux flûtistes de nous prouver qu’il a raison.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Ce doux regard a comme particularité d’être entièrement écrit en pentatonique strict (do, ré, mi, sol, la) tant pour la mélodie que pour l’accompagnement. L’auteur joue de cette contrainte avec beaucoup d’habileté mais surtout de charme. L’ensemble est varié, jouant sur les contrastes de rythme et de tessiture, de nuances. La mélodie est très expressive, un peu envoutante. La partie de hautbois est très abordable (1er cycle). La partie de piano est un peu moins facile mais pourra cependant être confiée à un élève de niveau moyen. C’est elle qui assure la variété rythmique et le dialogue avec la mélodie. Il y a donc beaucoup de poésie dans ce « doux regard ».
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Nous n’épiloguerons pas sur ce titre semble-t-il botanique. Mais les deux compositeurs nous gratifient ici d’une sorte de ballade fort bien écrite et fort agréable à entendre. Une première partie, après une introduction du piano, nous fait découvrir une jolie mélodie qui s’épanouit peu à peu pour nous conduire à une longue cadence qui débouche sur une nouvelle partie, plus mouvementée, où piano et hautbois dialoguent en modulant, pour revenir à une dernière partie qui reprend la première en allant vers une conclusion crescendo. Si la technique est sollicitée, c’est toujours en vue de l’expression musicale. C’est une pièce qui permettra à l’interprète de montrer toutes les facettes de ses qualités.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
L’œuvre est tout à fait conforme à son titre ! La clarinette sautille sur un rythme de doubles croches et croches accompagnée par un piano qui marque les temps par une basse et un accord alternés, (une « pompe »), le tout dans des carrures de quatre fois quatre mesures tout à fait classique. Suit une sorte de de développement ou le rythme croche deux doubles apparait. Une deuxième partie en mineure, tout aussi sautillante mais un peu nostalgique intervient alors dont la deuxième partie laisse libre cours à un quasi solo de clarinette, pour revenir, par un da capo, à la première partie. L’ensemble n’engendre pas la mélancolie et devrait beaucoup plaire aux deux interprètes qui pourront y montrer à la fois leur savoir-faire et leur complicité : il y a de l’humour dans tout cela !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Cette collection comporte une série de pièces faites pour être jouées par des instrumentistes de même niveau et constitue donc une véritable initiation à la musique de chambre. Attention, chaque album de cette collection est différent des autres : les pièces pour violon recensées ci-dessus n’ont rien de commun avec celles pour clarinette ou pour les autres instruments. Bien que pour petit niveau, ces pièces sont aussi variées qu’intéressantes. Marche à deux est fidèle à son titre. Chanson douce pour t’apaiser également. Intro & danse nous entraine dans un univers syncopé bien réjouissant, quant à Entrant à pas de loup au Brésil, cela se passe de commentaire… On ne peut qu’être séduit par la qualité de l’ensemble.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Cette courte pièce permettra au jeune débutant clarinettiste de travailler les différents modes d’attaque (détaché…) et d’affiner les nuances. L’accompagnement du piano aidera à tenir le tempo en soutenant le rythme par ses doublures.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
L’humour, comme toujours dans ces « enquêtes » est au rendez-vous. Outre la charmante Ginette, propriétaire de l’hôtel « Beau Rivage », nous trouvons sur place Alexandru Dracula, musicien de Transylvanie, Sir Walter Lochness, Lisbeth Dugévaudan… Le tout est, comme à l’accoutumée très évocateur. Professeur et élève essaient de résoudre l’énigme, et cette résolution se fait dans un dialogue improvisé mais soigneusement guidé par une page donnant quelques conseils – toujours aussi judicieux – pour la cadence. Car l’improvisation sera balisée et même écrite. On ne saurait assez insister sur l’aspect pédagogique d’autonomie que comportent ces enquêtes.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
L’on peut dire d’emblée qu’il s’agit d’un concerto « à programme » : une histoire parcourt toute la pièce, dont on aura à tenir compte. Ce concerto vaut aussi par la variété de ces styles : on passe d’un pseudo Mozart à la casquette du père Bugeaud en passant par le lever du soldat, et d’autres rappels musicaux que professeur et élève auront à cœur de découvrir. Ajoutons que le tout est écrit avec l’habileté d’un orfèvre… Souhaitons donc beaucoup de plaisir (et de sourires sous cape) à nos jeunes interprètes. Le fou-rire est quand même déconseillé !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Cette collection est née de l’expérience de l’auteur dont les enfants ont commencé la musique en même temps. Elle marque le souci de leur faire pratiquer la musique de chambre dès le début de leurs études. Sans être tout à fait pour débutants, ces pièces sont très vite abordables. Pleines d’humour et écrite dans un langage accessible mais faussement classique, elles constituent aussi une excellente initiation à des harmonies acidulées. Elles permettent aussi de nombreuses découvertes rythmiques pas forcément évidentes : la pièce Je veux aller au Brésil en est un bon exemple ! Bref, il y a beaucoup de bonne musique dans ce recueil qui plaira certainement à ses jeunes interprètes.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Cette jolie pièce est construite en trois parties. La première, en si bémol majeur, déroule andante une jolie mélodie où les deux instruments ont chacun leur part. Une deuxième partie, più mosso, intervient alors, un peu plus mouvementée mais toujours très mélodieuse. Est-ce le sommet attendu ? Toujours est-il que le final, qui reprend le thème du début, se déroule en do majeur (ré majeur pour le trompettiste…) toujours joliment accompagné par le piano. L’ensemble dégage un sentiment de paix et de tranquillité bien agréable.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Voici, dans un sol majeur tout à fait tonique une charmante pièce qui devrait effectivement porter chance à ses interprètes. L’ensemble possède une allure à la fois gracieuse et bonhomme qui ne peut que mettre de bonne humeur. Cor et piano dialoguent, soit en se répondant soit en intervenant chacun leur tour, le piano au cours des différentes parties, le cor dans une cadence qui lui permet d’exprimer son caractère. Le tout fournit aux deux interprètes de quoi exprimer leur sensibilité et leur musicalité.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Comme à l’accoutumée, nous sommes dans de la musique « à programme », le programme étant écrit au fur et à mesure sur la partition. Ce programme peut être annoncé par les instrumentistes, lu par un récitant… La pièce peut faire l’objet d’une mise en scène, bref, tout est possible. Comme à l’habitude, les différents thèmes sont très évocateurs des personnages. La plus grande originalité réside dans la cadence, que l’élève est invité à écrire lui-même avec l’aide de son professeur… et des nombreux et judicieux conseils donnés par l’auteur sur une page entière. On ne dira jamais assez combien peut être profitable ce travail de composition qui permet parallèlement de faire découvrir à l’élève l’analyse musicale en action. Dans cette énigme policière, le coupable reste au choix des exécutants qui le désignent musicalement comme il est indiqué sur la partition… Le tout est à la fois plein d’humour, mais aussi plein de musique.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Cette goutte de ciel porte bien son titre. La pièce est composée de deux parties. Le 4/4 fluctue et module à souhait comme un ciel changeant, qu’on pourrait dire un ciel d’automne. Les harmonies délicates modulent avec beaucoup de grâce et de distinction. La deuxième partie, en 6/8, déploie en fa Majeur un allegro qui reste malgré tout en demi-teintes fort élégantes mais toujours empreintes, malgré tout, d’un peu de mélancolie. On ne peut qu’être séduit par l’ambiance à la fois un peu mélancolique et subtilement distinguée qui émane de cette pièce.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Cette petite pièce en forme de valse swing est facile et agréable à jouer. La présence de chiffrages américains dans l’accompagnement permet une initiation à la notation anglo-saxonne. Pièce à étudier en 1er cycle.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Entre une ouverture et un épilogue, hérisson, grenouille, abeille, fourmis, l’inévitable cygne, l’écureuil, l’ours et les canards, sans oublier le paon et la tortue viennent s’ébattre chacun leur tour dans de courtes pièces pleines d’humour. Chaque animal est d’ailleurs précédé d’un qualificatif et, comme dans le « Totem » des scouts, c’est le qualificatif qui est le plus important et qui est spécialement illustré par la musique. Pour facile que soit la musique, elle n’est en rien simpliste. On est heureux de trouver dans ces pages humoristiques de nombreux rappels de formes musicales qu’on pourra faire découvrir aux jeunes instrumentistes. Le titre rappelle l’indication qui figure dans les zoos mais peut s’entendre de plusieurs manières : Ne pas donner à manger aux animaux…
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Ce duo piano-batterie d’une durée de deux minutes vingt, est intéressant par l’esprit tango, par l’harmonie, par la rythmique et par la répartition des instruments.
Une « convention d’écriture » explique les différentes notations instrumentales. Précisons que l’auteur utilise des notes « fantômes » à la place des demi-soupirs, ce qui alourdie l’écriture et peut peut-être freiner la dynamique de la respiration.
Cette pièce semble convenir à une fin de premier cycle, début deuxième.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
C’est au début de sa carrière que le compositeur, plus connu par ses opéras, a composé quatre opérettes : deux essais de jeunesse et plus tard L’adorable Belboul (1874) et Bérengère et Anatole (1876). Elles ne furent jamais publiées car Massenet voulait vraisemblablement préserver son image de compositeur « sérieux ». Destinée plutôt à être représentée en petit comité, L’adorable Belboul est qualifiée dans une lettre à son librettiste de « blague »… Il n’empêche que l’œuvre, « une turquerie pas bien méchante », tenant à la fois de l’opérette et de l’opéra-bouffe, est bien agréable à découvrir. Il s’agit, bien sûr, d’un Proche Orient fantasmé. Il s’agit plus d’une parodie de turquerie que d’une véritable. Une copieuse préface donne toutes les indications à la fois de l’histoire de l’œuvre, de ses exécutions et en analyse le style léger et facétieux. Ajoutons que la mention « deux pianos », à la lecture de la partition, ne se justifie pas vraiment : il s’agit plutôt de deux pianistes sur un seul piano, autrement dit de piano à quatre mains, et cela seulement pour l’ouverture. C’est en tout cas à découvrir ! Mais est-ce bien politiquement correct ?
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
La formule du Dialogue permet évidemment de dégager les multiples facettes d’un interlocuteur. Par ailleurs, l’Index (p. 157-160) — particulièrement diversifié, dans la longue durée, avec des noms pour le moins inattendus allant de Hildegard von Bingen à Bertrand Vach (né en 1967) — est très révélateur de l’univers artistique et intellectuel de Sophie Lacaze (née en 1963). Cette personnalité prolifique est à la fois musicologue (Université Paul Valéry, Montpellier), compositrice de réputation internationale et directrice de Festivals. Son portrait est judicieusement brossé par Geneviève Mathon, musicologue (Université Paris-Est, Marne-la-Vallée), spécialiste de la musique de notre temps.
Elle évoque la genèse de leurs échanges (électroniques). Un tri s’imposait pour éviter les hors-sujets, avec pour objectif de « cerner ce tournant du siècle insaisissable et frissonnant » : en fait une gageure sans l’indispensable recul. Au fil des pages, G. Mathon présente son vaste Catalogue. Dans le parcours de Sophie Lacaze — première femme à obtenir en 2010 le Grand Prix Lycéen des Compositeurs —, créativité et engagement sont indissociables. La démarche est articulée en 5 têtes de chapitre : Au départ, Instrumentalité, Vocalité, Le compositeur et la cité, Le sens de la musique. Elle est explicitée par 3 Annexes : Textes choisis ; Het Lam Gods (cf. Van Eyck), éléments d’analyse par S. Lacaze ; La musique des quatre éléments par G. Mathon. Démarche originale renforcée par la perspective comparative et soutenue par un indispensable Glossaire des termes techniques connus et spécifiques (par ex : acousmonium).
Les lecteurs sont aussi mis en situation par les remarquables photos (cahier central, entre les p. 84 et 85) et les Discographie, Webographie, Bibliographie sommaire ainsi que l’Index des noms (avec dates). Bref : une ouverture sur la musique de notre temps, sur l’attirance pour le monde sonore et le déclic de deux carrières au gré des rencontres.
Édith Weber
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Sylvie Douche, spécialiste de la musique française des XIXe et XXe siècles (cf. Le mélodrame français…, LI n°114) et des rapports entre musique, poésie et théâtre, est maître de conférences habilitée (Sorbonne Université). Elle a invité une douzaine d’auteurs à la « Petite Biennale de musique française » (2014) qui a eu lieu en Sorbonne autour du thème Musiques de scène sous la IIIe République (c’est-à-dire de 1870 à 1940).
Ces Actes gravitent autour de la littérature et la musicologie comparées, des arts du spectacle et des études théâtrales dans une perspective intradisciplinaire englobant la musique de scène (opéra, drame musical, mélodrame français), la musique de film et de radio, compte tenu du fait que la musique de film (comme un tableau ou une peinture) reste invariable, par opposition à la pièce de théâtre et à l’opéra qui doivent être re-créés à chaque représentation. La problématique relative à l’environnement sonore des pièces, au rapport musique et paroles est aussi du ressort de l’esthétique théâtrale. Les motivations sont à la fois d’ordre artistique, économique, politique et sociologique. Elles concernent les relations entre auteur, compositeur, chef, metteur en scène et directeur de théâtre. L’objectif consiste à réaliser et reconstituer l’environnement sonore des pièces (y compris avec la danse), en tenant compte du temps vécu et de la spatialisation. C’est à Paul Claudel (1868-1955) que revient le mérite d’avoir rénové le drame musical après la conception du Gesamtkunstwerk (œuvre d’art total) tant préconisé par Richard Wagner.
L’ouvrage comprend le Parodos (S. Douche), 4 Épisodes : L’Antiquité sur scène, Figures de l’entre-deux-guerres, Le temps des ruptures, Espace documentaire et l’Exodos (Catherine Treilhou-Balaudé). Dans le Parados introductif relatif à la spécificité du spectacle vivant, Sylvie Douche part à juste titre du constat d’Albéric Magnard (1865-1914) :
« Les transformations de la musique au contact de la littérature et de la littérature au contact de la musique s’accentuent encore à la scène, dont les ressources plastiques entraînent l’infinie variété des développements poétiques et symphoniques » (1894).
C’est autour de cette insertion qu’évoluent les démarches d’une douzaine d’auteurs universitaires. Dans l’Exodos, Catherine Treilhou-Balaudé pose entre autres la question : « Pourquoi écrit-on, joue-t-on de la musique de scène, pour la scène, en scène et, du côté de la réception, comment l’aperçoit-on et l’apprécie-t-on ? » (p. 245). Elle insiste aussi sur les « difficultés inhérentes à la reconstitution de l’environnement sonore des pièces ». L’approche pluridisciplinaire est facilitée par les divers fonds de Bibliothèques spécialisées. Les quatre Épisodes sont complétés par un Index très élaboré où voisinent Marie, Reine de Roumanie et Marie-Louise, Impératrice des Français ; Ernest Ansermet et Charles Munch ; Eschyle, Euripide et Jean Giraudoux ; René Morax et Jacques Rouché ; Ida Rubinstein et Serge Lifar ; chanteurs et danseurs… Des Tableaux synoptiques, des citations significatives et des Pistes bibliographiques ainsi que les notices concernant les auteurs rendront de grands services.
Cette démarche originale, transversale, éclairante et innovante, sous la direction autorisée de Sylvie Douche et avec la participation de chercheurs chevronnés fait honneur à l’UFR de Musicologie. Elle servira de modèle à des recherches ultérieures et ouvrira de nouvelles perspectives intradisciplinaires.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Ces six « nouvelles » baignant dans l’humour, voire le tragique ou le comique, représentent pour ainsi dire une satire du métier actuel de directeur d’un Conservatoire de musique. L’auteur — ayant exercé ces fonctions pendant 30 ans — en souligne les vicissitudes et aborde des thèmes d’une actualité brûlante : autorité, hiérarchie, déontologie, nécessité de réformes.
En un style bien enlevé, avec lucidité et bon sens, Antoine René-Renard fait aussi preuve d’une imagination débordante (noms : « le couple Blette », Monsieur Gulliver, « Madame Pinambour avec ses triplés » : localité : « Trou »…). Les 6 titres de ces nouvelles écrites « en catimini » sont particulièrement significatifs et teintés d’humour : Le cadeau, avec des élucubrations botaniques ; Le devoir de réserve à propos de ses démêlés avec le Maire et sa démission ; L’autorité, qualité indispensable, évoquant « sa bête noire » : les classes de violon, le répertoire, relations et discussions avec les professeurs ; Avantages en nature afférant à son nouveau poste : appartement luxueux, mais aussi stupéfaction, corruption et abus de biens publics ; Danger relatif au travail, à sa réduction du temps (RTT) — notion très en vogue dans la pratique actuelle décrite avec une imagination débordante, voire truculente —, faire du zèle et lutter contre le zèle. Enfin, Le visiteur n’ayant pas la tête d’un parent d’élève — alias l’inspecteur —, lui reprochant 4 « délits » (sic) : 1. Corruption de fonctionnaire ; 2. Gaspillage des biens publics, par exemple le quart d’heure de conversation matinale avec l’agent d’accueil, considéré comme du « temps perdu et volé, payé et même compté dans les congés payés » (p. 73) ; 3. Usurpation sans autorité (« l’autorité, c’est d’avoir de l’autorité » or il lui est reproché d’être toujours conciliant et de refuser de diriger…) ; 4. Point de vue personnel « sur les choses », sur l’enseignement, sur l’art en général »… En fait, cet inspecteur considère les directeurs de Conservatoire comme « une sale engeance » ou encore « objet de farce ».
En conclusion, être directeur de Conservatoire de musique n’est pas toujours une sinécure comme l’observe Antoine RENÉ-RENARD (alias Thomas Tomis), diplômé du CNSM (en contrepoint et improvisation) et de l’Université Paris VII en Lettres classiques. Ses mésaventures sont exposées avec ironie, lucidité, humour pouvant aller jusqu’au fou rire, sérieux avec une grande pénétration psychologique dans une vision pouvant friser le tragique. Aux lecteurs d’en juger et d’en déceler la part fantasmagorique. Aux responsables de remédier à cet état de fait et à la déontologie de retrouver ses repères. Désopilant.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Yves Pignot, compositeur français contemporain, a fait ses études au Brésil, enseigne au Conservatoire de Brest et accompagne des cours de danse et des examens instrumentaux. En pédagogue averti, il invite les débutants à la pratique de leur instrument avec un accompagnateur de même niveau, avec 4 pièces de difficulté croissante, intitulées : Mi un peu capricieux, Petits pas de danse, Polus et Rhuthmos, Quer chorar comigo (Veux-tu pleurer avec moi ?) Dans la première, la flûte a un rôle mélodique et le piano, un rôle rythmique. Dans la deuxième, le piano est plus percutant, et les oppositions de nuances sont nombreuses. Dans la troisième, la flûte s’anime et les interprètes se familiariseront avec le 3 contre 2. La dernière est plus complexe avec des accents brésiliens.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
En pédagogue averti, Yves Pignot invite les débutants à la pratique de la clarinette en Si b avec un accompagnateur de même niveau, avec 4 pièces de difficulté progressive : Marche à deux initiant à la pratique des contretemps après silence, à la main droite, puis à la main gauche ; Chanson douce pour t’apaiser évoluant dans des nuances p et pp, avec des traits de doubles croches au piano ; Intro & Danse, au rythme plus complexe et avec une certaine nervosité dans la Danse — contrastant avec l’Intro nonchalante ; et enfin, Entrant à pas de loup au Brésil d’après un thème classique brésilien : réminiscence des études du compositeur au Brésil…
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Yves Pignot précise qu’il a composé des pièces pour l’apprentissage de la musique de chambre par ses deux jeunes enfants. La première s’intitule Piavioline (fusion des termes piano et violon) débute au violon par les 4 cordes à vide, alors que l’accompagnement au piano, homorythmique, est minimaliste. Vio-grognon exploite au violon les doubles cordes, tandis que le piano, également dans le grave, fait alterner les mains. Piavioline danse le Boléro met en valeur la ligne mélodique disjointe et son caractère dansant au violon associé à une basse chaloupée au piano ; le violoniste prend ensuite de la hauteur avec des bribes de gammes descendantes pour finalement revenir au thème initial. Chorale & Variations pour Amandine & Étienne déploie majestueusement une mélodie proche d’un choral avec un accompagnement homorythmique en blanches qui s’anime peu à peu et gagne en virtuosité aux deux instruments. Après un passage multipliant les traits en tierces entre le violon et la main droite, la pièce retrouve la quiétude initiale sur des doubles cordes graves au violon imitées par la basse du piano.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Illustrées d’aquarelles significatives dues à Isabelle Garçon, ces Huit fables à une ou deux voix pour piano & voix d’enfants représentent d’abord une leçon d’histoire littéraire, avec des célèbres Fables de Jean de LA FONTAINE (1621-1695) mises en musique par Martine Montestrucq Nabert (petite-fille du philosophe Jean NABERT). Elles sont accompagnées d’utiles repères historiques et d’un judicieux Lexique pour mieux comprendre les 8 fables, parmi lesquelles : La cigale et la fourmi, Le Corbeau et le renard, La grenouille qui voulait devenir aussi grosse qu’un bœuf, Le rat des villes et le rat des champs…, chaque partition étant précédée de son texte. L’accompagnement au piano, très vivant, fait appel à des rythmes complexes ; les onomatopées émaillent le texte ; phrasés et nuances sont précisés à juste titre. La leçon de morale est toujours présente. Un grand soin est apporté à l’adéquation entre prosodie verbale et prosodie musicale. « Chaque texte devient une sorte de tableau musical où la multiplicité des actions se déroule avec une évidente joie de vivre propice à l’apprentissage comme à la réflexion » : objectif pleinement réalisé pour ces Chantefables.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Hervé Lesvenan, né en 1966 à Lannilis (Bretagne), a étudié la composition au CNSMP auprès de J.-P. Holstein et l’orgue au CNR de Lille avec Jean Boyer. Il est notamment professeur à l’ÉNM de Quimper, en formation musicale, écriture et improvisation. Compositeur prolifique, il connaît un rayonnement international. Il a collecté, arrangé et réécrit environ 200 mélodies bretonnes traditionnelles. Cette publication en contient 15 en breton, en irlandais (Irish Blessing) et en écossais (Cauld blaws the wind frae east to west… de Robert Burns, 1788). Les textes sont accompagnés de leur traduction française. La mer y occupe une place privilégiée : Je suis né au milieu de l’Océan, la pêche, les tempêtes, Iroise…, un cantique breton recueilli par le père Abjean (1986) : Ni Ho salud, Steredenn Vor (Nous vous saluons, étoile de la mer…) ; mais aussi un Noël vannetais : Péh trouz zou ar en doar (Quel est ce bruit sur la terre…), du père Henri Noury (1743), arrangé par H. Lesvenan... Le piano crée l’atmosphère, assure les introductions (plus ou moins longues) ; les accompagnements nécessitent une bonne technique pianistique, un solide sens du rythme et le respect des nuances. À noter également (p. 64-5) l’importante Note sur l’écriture de la langue bretonne depuis le VIIe siècle jusqu’à nos jours, ainsi que sa prononciation (format A4), soulignant « certaines ambiguïtés soulevées depuis plus de 4 siècles ». Conformément au sous-titre, ces mélodies illustrent une « déambulation poétique à travers des pays-âges changeants, aux lumières douces ». Ce Volume bretonnisant éclaire les multiples facettes de l’aire gaélique. Avis aux amateurs.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Michelino BISCEGLIA, musicien belge né en 1970, est à la fois compositeur spécialisé dans la musique de films, arrangeur, orchestrateur, chef d’orchestre, organisateur de cérémonies à l’échelon national (belge) et international, lauréat de récompenses et fondateur de la Guilde des Compositeurs Belges de Films.
Le Volume 1 de ses Œuvres orchestrales est consacré à son Concerto pour hautbois et cordes, de structure tripartite contrastante : Prélude (avec ligne mélodique du hautbois assez tourmentée planant dans l’aigu), Passaggio (plus élaboré et plus tendre), Scherzo Tornello (plus animé et espiègle), avec motif conducteur, tonalités et rythmes très variés spéculant sur le rapport tension/détente, avec le concours de Piet van Bookstal (hautbois), très expressif. Son Adagio pour cordes reprend les mêmes principes esthétiques, toujours avec l’Orchestre de chambre de Bruxelles, est dirigé par le compositeur qui travaille la pâte sonore en profondeur et joue des couleurs harmoniques.
Enfin, ses trois pièces chorales du film Blue Bird (réalisateur : Gust van den Berghe) bénéficient du concours de l’excellent Chœur mixte AMK — École Ang Mo Kio — comportent : Nunc dimittis, Waiting for the Birth et The Birth, les deux derniers chœurs étant plus développés. Le mystère de la Nativité y est traité avec la plus grande retenue et un caractère hautement contemplatif.
Première révélation des doubles qualités du compositeur Michelino BISCEGLIA dirigeant ses propres œuvres, ce qui représente une garantie de fidèle interprétation. Disque 2 attendu avec intérêt et curiosité.
Édith Weber
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Les Éditions JADE poursuivent leur série consacrée à l’univers musical des peintres. Après PICASSO, voici RENOIR, avec l’illustration emblématique : Yvonne et Christine Lerolle au piano (1897).
Pierre-Auguste Renoir (1841-1919) a, dès son enfance, chanté dans la chorale de l’Église Saint-Eustache à Paris, sous la direction de Charles GOUNOD (1818-1893) et, par la suite, deviendra un mélomane averti. Deux disques (au total : 30 plages) ont été nécessaires pour — en miroir avec sa peinture intime et sa quête du bonheur — démontrer ses affinités avec la musique et les compositeurs à la charnière entre le XIXe et le XXe siècle. Les discophiles nostalgiques retrouveront avec plaisir des chefs bien connus, par exemple : Ernest Ansermet, André Cluytens, Paul Paray, Roger Désormière, Herbert von Karajan ; des pianistes de premier plan : Walter Gieseking, Aldo Ciccolini, Robert et Gaby Casadesus, Pierre Barbizet ; des chanteurs inoubliables : Suzanne Danco, Leontine Price et, en outre, des Chœurs et Orchestres de réputation internationale. C’est là le premier mérite de cette réalisation discographique soignée. Le second réside dans l’extrême diversité des thèmes descriptifs : Les Patineurs (1882) d’Émile WALDTEUFEL (né Charles-Émile Lévy, 1837-1915) ; Jardins sous la pluie de Claude DEBUSSY (1862-1918), Baigneuses au soleil de Déodat de SÉVERAC (1872-1921) — faisant penser à La fille aux cheveux de lin de Cl. DEBUSSY —, auxquels s’ajoutent des extraits significatifs de Pelléas et Mélisande, La Belle Hélène des Contes d’Hoffmann de Jacques OFFENBACH (1819-1880), du Prélude à l’après-midi d’un faune… Autant de pages représentatives de l’environnement de Renoir, de ses goûts musicaux, de ses affinités avec Georges Bizet, Ernest Chausson, Gabriel Fauré, Jules Massenet, Maurice Ravel, Érik Satie…
Comme le constate le livret (français, anglais) : « La musique appréciée par Renoir en sa pleine dimension, lui sert de prétexte à de nombreuses mises en scène. À cette fin, il recourt souvent à des modèles. » (p. 6). Dans cette assertion réside le troisième mérite de cette vaste production discographique, vrai voyage musical et pictural, vivant portrait de Pierre-Auguste RENOIR et de son époque.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Dans la même veine que le CD Ladies sing Christmas (2017), les Éditions JADE poursuivent leur déclinaison du temps de Noël par les grandes voix du Music Hall. Y apparaissent — ici par ordre chronologique — : le roi des Crooners, Frank Sinatra (1915-1998), dans Jingle Bells, bien connu ; la diva du jazz, Ella Fitzgerald (1917-1996) dans Sleigh Ride et White Christmas ; l’alter ego de Sinatra, Dean Martin (1917-1995), avec Let It Snow !... ; le géant du jazz, le trompettiste et chanteur Louis Armstrong (1919-1971), notamment dans I’ve Got My Love To Keep Me Warm ; la chanteuse et auteur de chansons, Peggy Lee (1920-2002), avec Winter Wonderland… ; le chanteur de blues et de rhythm’n’blues, Charles Brown (1922-1999), avec, entre autres, Christmas Comes But Once Year. Le chanteur et acteur, Harry Belafonte (né en 1927) « se taille la part du lion » avec pas moins de 6 Christmas carols dont les incontournables : Silent Night, We Wish You a Merry Christmas, Joy to the World… Pour un Noël qui swingue…
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Le nouveau disque de l’ensemble belge “Graindelavoix” surprend une fois de plus par
l’audace de ses interprétations. Après des enregistrements novateurs et remarqués de la
messe de Machaut, Gilles Binchois, et Guillaume Dufay, c’est ici aux prémices de la
renaissance anglaise plutôt qu’au haut moyen âge, que se frottent Björn Schmelzer.
Ce disque présente pour Grains de la voix l’aboutissement d’une résidence de quatre ans à
l’abbaye de Royaumont, haut lieux de la redécouverte des musiques médiévales.
L’ensemble s’inscrit dans une tradition initiée par Marcel Pérès, qui, plutôt que d’observer le
répertoire médiéval depuis la tradition classique romantique, redécouvre la messe de
Machaut et d’autres chefs d’oeuvre du Moyen Âge en s’inspirant des traditions orales et de
l’ornementation hérité des polyphonies corses, avec des voix plus naturelle, des timbres
plus après, et, in fine, une interprétation probablement plus authentique que celle de ses
prédécesseurs.
The Liberation of the Gothic se concentre sur le Eton Choirbook , répertoire aux tessitures
remarquablement aiguë, et surtout d’une virtuosité rythmique et contrapuntique qui porte à
son paroxysme ce style si particulier qui envahit l’Europe et la perfide Albion à la fin du
15eme siècle. Cette Écriture aiguë indique peut-être que ce "livre de chant" était destiné aux
jeunes choristes du collège d'Eton. Il semblerait que ces tessitures célestes de ce manuscrit
oblige quelque peu l'ensemble et ménager les voix graves et rocailleuse qui lui sont chères.
Björn Schmelzer délaisse depuis quelques temps déjà les timbres corsés et très singuliers
qui caractérisaient ses 1ers opus (Machaut, Dufay, etc.) pour une fusion un peu plus
homogène : les voix se distinguent et la lisibilité de la polyphonie - ici extrêmement dense -
est particulièrement transparente mais toutefois le son général est plus homogène et « lissé
» comme c’était déjà le cas dans le disque précédent consacré à Vecchi.
Ce disque magnifique s’ouvre par le Stabat Mater de John Brown, pièce d’une rare beauté,
contemporaine du stabat mater de Jacob Obrecht. Il se poursuit par une messe de Thomas
Ashwell, compositeur peu connu mais non moins intéressant. Par ce disque tout à fait
remarquable, une fois de plus, les Flandres nous rappelle à quelle point la musique de la
renaissance (ici même pré-Renaissance) est leur répertoire de prédilection. Nous
recommandons sans hésiter.
Le programme de cette année est consacré aux leçons des ténèbres de Gesualdo et sera
enregistré cet été (2019).
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2018
Lauréate du premier prix du concours national de flûte jazz présidé par Magic Malik,
Ludivine Issambourg est à la tête du projet Antiloops qui mêle avec bonheur jazz, funk,
électro, hip-hop, et soul. Un jazz d’aujourd’hui, ancré dans le réel, ouvert aux musiques
urbaines et actuelles (avec son côté ludique, festif, et dansant), mais indissociable de
l’exigence, du savoir-faire, et la sophistication du jazz.
Avec Antiloops, on peut aimer en même temps le fun et la réflexion, danser, et goûter à
l’interaction d’un groupe de musiciens hors-norme qui savent improviser. Explorer la
transe électro et entendre un discours solennel d’Albert Camus, ou inclure des DJ’s ou des
chanteuses soul sur des métriques impaires audacieuses.
Trois ans après un premier album fort réussi, judicieusement intitulé « Electroshock »,
Antiloops enfonce le clou et progresse dans le travail de production, en réalisant une très
belle et innovante architecture sonore grâce à sa collaboration avec Mathieu Gibert (Mr Gib
– La Fine Equipe). Le noyau du groupe se compose de Ludivine Issambourg à la flûte et de
Timothée Robert à la basse électrique qui offrent chacun leur tour leurs talents de
compositeurs à « Lucid Dream », ainsi que de Nicolas Derand, le sorcier des claviers. Deux
batteurs viennent se greffer à ce trio : Maxime Zampieri et Julien Sérié, sans oublier DJ
Topic qui avec sa variété de samples amène beaucoup de richesse sonore. A partir de cette
base instrumentale déjà très dense (et danse !) viennent s’ajouter des invités vocalistes :
Milena Fattah (dans un registre soul), le rappeur Edash Quata et enfin la féline Nina Attal
(pour une fusion pop-soul réjouissante).
A l’occasion de la sortie en vinyle de « Lucid Dream », voici le détail des titres retenus : La
Face A de ce LP démarre par Flutadelik de Ludivine Issambourg qui résume parfaitement
bien l’équilibre entre groove et exigence musicale, avec un travail d’écriture orchestral
passionnant où se chevauchent cinq flûtes sur une rythmique de batterie et de beats
électroniques. Avec Sasse, Ludivine a voulu explorer des sensations d’enfermement et de
claustrophobie dans une ambiance à la fois sombre et lumineuse, inspiré du trip-hop. La
chanson Are We Gonna Make It, qui a fait l’objet d’un clip, a été écrite par Timothée Robert
spécialement pour la voix prégnante de Milena Fattah, elle a tout à fait le potentiel pour
devenir un tube en puissance. Avec Autumn One, la flûte joue le rôle d’une guitare
rythmique où Ludivine explore un format court où aucun instrument ne prend de solo, car
c’est le collectif qui s’impose. La Face A s’achève sur une note joyeuse avec Misty, un
instrumental festif composée par Thimothée, avec un beau thème mélodique joué à la flûte.
Encore un tube possible, mais de hip-hop cette fois-ci, avec l’ouverture de la Face B et son
entrainante Party, écrite par Thimothée sur un texte du rappeur Edash Quata. Avec Baobab,
Timothée met sa basse en avant afin d’imposer le groove pour un titre particulièrement
dansant et funky.
La chanson Fight de Ludivine met en lumière la très belle voix de Nina Attal pour un
message universel et humaniste. Eza de Thimothée Robert, propose une ambiance
répétitive basée sur une boucle où le collectif prime. Enfin avec Art, Ludivine Isambourg
boucle son album en proposant un message positif à tous les artistes, avec un passionnant
mix qui juxtapose son électro-jazz mélodique à la voix d’Albert Camus qui reçoit le prix
Nobel de littérature.
Adolescente, Ludivine Issambourg écoutait en boucle les précurseurs de la scène
electro-jazz française (Julien Lourau, Magic Malik, Erik Truffaz et Laurent de Wilde),
aujourd’hui, avec le collectif Antiloops, ce sont eux qui s’imposent comme les nouveaux
précurseurs de cette scène electro-jazz hexagonale qui n’a pas fini de s’enrichir et de nous
étonner pour le plaisir de tous.
@Julien Sérié