Lettre d’Information – n°86 – Novembre 2014



 

                               

À RESERVER SUR L'AGENDA

 

 

10 – 16 / 11

 

Notes d'automne au Perreux-sur-Marne

 

 

Le festival « Notes d'automne » offre la particularité d'organiser une stimulante rencontre entre musique et littérature, fructueux dialogue des mots et des sons. Et au-delà, de « recréer les conditions du plaisir de l'écoute de la musique, simple, désacralisé, ses associations inédites permettant de retourner à la source même de l'inspiration du créateur », souligne Pierre Amoyel, son directeur artistique. Cette 6 ème édition s'ouvrira par un hommage à Marguerite Duras avec des musiques de Carlos d'Alessio, qui lui fit dire « Lorsque j'ai entendu sa musique pour la première fois, j'ai vu qu'il venait du pays de partout » (10/11, 20H30). Elle offrira ensuite un spectacle bâti autour des chansons et poèmes de Bertold Brecht et de la musique de Kurt Weill, « Chants d'exil » (13/11, 20H30), puis un concert-théâtre intitulé « Le jour où j'ai rencontré Liszt » de et par Pierre Amoyel, qui livrera ce  qu' est pour lui une histoire d'amour avec un compositeur rencontré grâce à un interprète de génie, György Cziffra (14/11). Une journée russe, le 15/11, se déclinera en trois temps: « Un voyage en Russie » sur des musiques de Tchaïkovski, Prokofiev, mais aussi Bartók, et  des textes de Pouchkine, Lermontov, Maïakovski et Tsvetaïeva, à 15H, suivi d'un rapprochement de la nouvelle de Tolstoï « La Sonate à Kreutzer » et des musiques de Beethoven et de Janáček, à 17H, et enfin d'« Un rêve russe », proposant des airs d'opéra de Rachmaninov, Borodine et Rimski-Korsakov, ainsi que la Sérénade de Tchaïkovski, sur des textes de Dostoïevski, Gogol, Tolstoï et Pouchkine, à 21H. «  Beethoven immortel » sera le thème d'une soirée unissant des musiques et des textes du maître de Bonn (12/11). Pour les plus jeunes, le concert-bande dessinée « CHA(t)RIVARI », narrera les aventures du chat de Philippe Geluck au son des acrobaties musicales du quatuor de clarinettes Les Anches Hantées (20H). Le festival s'achèvera, le 16 novembre, à la fois sur une carte blanche à la chanteuse Barbara Hendricks (musiques de Bach, Monteverdi, Purcell, de Visée, Gounod, Ravel, Vierne et de Negro spirituals), à 11H, et une illustration sonore de contes de Perrault sur des musiques de Couperin, Lully ou Corrette, à 17H.

 

Grand théâtre, Centre des bords de Marne, 2, rue de la Prairie ; l'Auditorium, 62 avenue Georges Clémenceau ; Salons d'honneur de l'Hôtel de Ville, Place de la Libération, les 11, 12,13, 14, 15 et 16 novembre 2014.

Renseignements et réservations : Centre des bords de Marne, 2 rue de la Prairie, 94170 Le Perreux-Sur-Marne ; par tel.:  01 43 24 54 28  ; en ligne : www.festivalnotesdautomne.fr

   

 

11 & 13 / 11

 

Quatre opéras radiophoniques de Germaine Tailleferre à Limoges

 


DR

 

C'est à un spectacle tout à fait original que nous convie l'Opéra-Théâtre de Limoges : faire revivre les quatre opéras bouffes en un acte commandés en 1955 par la RTF à la compositrice Germaine Tailleferre (1892-1983). Cet « amusement radiophonique », sur un livret de Denise Centaure, y a été créé en 1955. Du style galant au style méchant, ils content quatre histoires saugrenues, pastichant quatre époques phares de l'opéra français : le classicisme (« Le bel Ambitieux »), le romantisme (« La Fille d'opéra »), le réalisme (« Monsieur Petitpois achète un château »), et l'opérette (« La pauvre Eugénie »). La mise en scène est confiée à Marie-Ève Signeyrole qui a déjà à son actif un beau palmarès en tant que collaboratrice des plus illustres metteurs en scène d'opéras, dont Patrice Chéreau sur le travail duquel elle a écrit son mémoire de fin d'études. Elle se propose d'aborder le foisonnement du second degré des historiettes de Tailleferre en les regroupant sous une même bannière, en l'occurrence l'enregistrement d'un feuilleton radiophonique, « L'Affaire Tailleferre », et en situant l'action en un seul et même lieu, une salle d'audience d'un Tribunal correctionnel. La direction d'orchestre sera dévolue à Christophe Rousset qui nous emmènera loin de son cher Gluck, mais sûrement avec pas moins de passion.

 

Opéra-Théâtre de Limoges, les 11 (15H ) et 13 (20H30) novembre 2014.  

Location : au théâtre, 48, rue Jean Jaurès, 87000 Limoges ; par tel.: 05 55 45 95 95 ; en ligne : www.operalimoges.fr

 

 

18, 22 / 11

 

Rameau encore fêté à l'Opéra de Versailles

 


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La saison Rameau se conclura fastueusement cet automne à Versailles. Après Les Boréades, récemment (cf. infra in Spectacles et concerts), on donnera ainsi Zaïs, pastorale héroïque, sur un livret de Louis de Cahusac (1748), dirigée en version de concert par Christophe Rousset et ses Talens Lyriques. La distribution prestigieuse réunira Julian Prégardien, Sandrine Piau, Konstantin Wolff et Amel Brahim-Djelloul. Malgré son appellation de ballet héroïque, impliquant un ballet à entrées successives plus ou moins indépendantes, il s'agit d'un opéra offrant une trame continue, sur le thème de la féérie, déjà expérimenté par leurs auteurs dans Les Fêtes de Polymnie : en l'occurrence une fantaisie sise dans un Moyen Orient de rêve. Les nombreux divertissements en font tout le prix, plus qu'une l'intrigue peu caractérisée (Opéra royal, le 18/11). Un gala Rameau clôturera les festivités. Il sera dirigé par Hervé Niquet avec l'orchestre et les chœurs du Concert Spirituel ainsi que les Chantres du CMBV. Ils joueront les trois Grands Motets de Rameau et des Suites extraites de La Princesse de Navarre et de Castor et Pollux (Galerie des Glaces, le 22/11, à 21H).

 

Château de Versailles, les 18 (20H) et 22 (21H) novembre 2014.

Location : par tel : 01 30 83 78 89 ; en ligne : www.chateauversailles-spectacles.fr

 

21, 22 / 11

 

Journées Charles Bordes à Tours

 


Charles Bordes/ DR

 

Créateur avec Vincent D'indy et Alexandres Guilmant, de la Schola Cantorum, Charles Bordes (1863-1909), disciple de César Franck, fut à la fin du XIX ème un pionnier du renouveau des musiques anciennes qu'il publiait, interprétait et enseignait sans relâche. Éditeur de revues musicologiques et infatigable organisateur de concerts, il restera un formidable catalyseur d'énergies et participera grandement au renouveau du goût français au tournant du siècle. Il fut aussi le plus ardent propagateur des musiques populaires, tout particulièrement du Pays Basque, dont il adorait l'expression musicale. Lors des prochaines « Journées Charles Bordes », leur sixième édition, à Tours, vont revivre les liens profonds entre Bordes et ce riche patrimoine musicale, en focalisant sur cet aspect méconnu de sa production. Sera jouée sa « Suite basque » op. 6 (de 1886, et créée en 1888 à Paris), pour flûte et quatuor à cordes, une pièce à l'écriture délicate. Elle sera mise en perspective avec des compositions de contemporains et proches du musicien,  Debussy (Transcription des Épigraphes Antiques ), et  Roussel (Trio op. 40 pour flûte, violon et violoncelle) ainsi qu'avec une pièce d'un compositeur actuel, Nicolas Bacri (Trois Nocturnes, op. 79). Barci travaille d'ailleurs à l'orchestration de l'opéra basque inachevé de Bordes, « Les Trois Vagues », qui devrait être exhumé grâce aux efforts des Journées Bordes. Les quatre œuvres seront interprétées par l'Ensemble Hélios, flûte et quatuor à cordes, dédicataire de la pièce de Bacri. Le concert sera précédé, la veille, d'une conférence introductive sur le thème « Un compositeur tourangeau s'est fait une âme basque ».

 

Les 21/11 à 19H, conférence au Musée des Beaux-Arts ; et 22/11, à 20H30, concert à l'Hôtel de ville.

Renseignements et réservations : Office du Tourisme de Tours, 78-82, rue Bernard Palissy, 37000 Tours ; par tel. : 02 47 05 02 13 ( renseignements) et 02 47 70 37 37 (location) ; en ligne : infos@journéescharlesbordes,com ou www.journéescharlesbordes.com

 

 

4 / 12

 

Les musiciens de la Grande Guerre aux Invalides

 

 

Dans le cadre du cycle "Vu du front. Représenter la Grande Guerre", de l'Hôtel National des Invalides, le pianiste Nicolas Stavy se produira en soliste avec l'Orchestre de la Garde Républicaine, sous la direction de Sébastien Billard, dans l'œuvre concertante pour piano de Benjamin Britten, Diversions for piano and orchestra op. 21, spécialement composée en 1940 pour le pianiste autrichien Paul Wittgenstein, amputé du bras droit lors de la Grande Guerre. Construite sous forme de variations, l'œuvre fait preuve à la fois de lyrisme et de poésie qui contrastent avec une écriture de piano et orchestre très rythmée. De toutes les pièces écrites spécialement à son intention, par Ravel, Prokofiev, Hindemith, Strauss ou Korngold, le pianiste autrichien dira que Britten s'était plus approché que ceux-ci de ce qu'il  souhaitait : ne pas chercher à imiter la technique du piano à deux mains, mais plutôt exploiter la ligne unique. Figureront également au programme La Cathédrale blessée, op. 107 pour piano seul, de la compositrice Mel Bonis (1915), de Gabriel Dupont, un extrait du cycle Les heures dolentes, pour piano seul, à l'occasion du centenaire de sa mort, et de De Taye, Croix de Bois : Veillée d'armes - Bataille - Morne Plaine (1926), pour orchestre. Enfin sera donné Polonia d'Edward Elgar, prélude pour orchestre, également écrit en 1915, sur des thèmes polonais, dont une citation de l'œuvre du même nom que Paderewski composa en 1908, et auquel l'anglais a dédié sa pièce.

 

Cathédrale St-Louis des Invalides, Hôtel National des Invalides Entrée Nord, 129, rue de Grenelle 75007 Paris, le 4 décembre 2014, à 20 H..

Réservations : par tel.: 01 44 42 54 66 ; en ligne : jean-francois.gaudin@musee-armée.fr ou  billetterie.musee-armee.fr

 

 

5, 7 / 12

 

Les Caprices de Marianne sortis de l'oubli

 


Henri Sauguet/ DR

 

Henri Sauguet (1901-1989) aimait la scène pour laquelle il a écrit pas moins de 27 ballets, dont l'illustrissime Les Forains, et quelques huit œuvres lyriques. Son opéra-comique Les Caprices de Marianne, sur un livet de Jean-Pierre Grédy, d'après la pièce d'Alfred de Musset, a été créée en 1954 à Aix-en-Provence. Dans cette œuvre poétique emplie des passions de son sujet romantique, mais aussi de traits de comédie, on apprécie l'écriture claire, la mélodie élégante et l'harmonie simple, mais aussi l'esprit mordant d'un musicien dont la devise « Rester fidèle à soi-même », lui venait de son maître Satie. La nouvelle production qu'on pourra voir à l'Opéra de Massy est exemplaire puisqu'outre le fait quelle tire enfin de l'oubli une œuvre rare, elle est le fruit d'une collaboration entre le Centre Français de Promotion Lyrique (CFPL), qui se donne pour mission l'insertion des jeunes artistes lyriques, et 15 maisons d'Opéra en France, durant deux ans, de l'automne 2014 à la fin 2016 : Avignon, Bordeaux, Limoges, Marseille, Massy, Metz, Nice, Reims, Rennes, Rouen, Saint-Étienne, Toulon, Toulouse, Tours et Vichy. La mise en scène sera assurée par le québécois Oriol Tomas et la direction d'orchestre par le jeune chef Gwennolé Rufet. Une occasion à ne pas manquer, ici ou là.

 

Opéra de Massy, le 5 décembre 2014, à 20H, et le 7/12 à 16H.

Location :  billetterie, 1, place de France, 91300 Massy ; par tel.: 01 60 13 13 13 ;  en ligne : www.opera-massy.com

 

 

15, 17, 19, 21, 23, 27, 29 / 12 et 1er / 1 

 

Rusalka à l'Opéra de Lyon

 


© La Monnaie Bruxelles

 

Décidément, l'opéra de Dvořák revient au goût jour. Et c'est tant mieux, car il renferme de bien belles inspirations. Ce conte lyrique (1901) sur un livret de
Jaroslav Kvapil, emprunte à un conte d'Erben qui n'est pas sans rappeler La petite sirène d'Andersen ou l'Ondine de Friedrich de la Motte-Fouqué. Mais derrière cette histoire de la fille des eaux qui aspire à devenir femme et s'éprend d'un prince, et est contrainte à demeurer muette une fois prise dans une enveloppe humaine, se cache un substrat autrement plus inquiétant : un impossible amour qui peut virer au cauchemar. La vision du metteur en scène Stefan Herheim, donnée à l'Opéra de Lyon, dans la production de la Monnaie de Bruxelles, se promet d'une audacieuse modernité, car elle replace le destin de l'héroïne dans la vie de tous les jours et le monde de la rue. Et bouscule l'univers de la féérie pour une approche tout sauf prosaïque. Mais l'élément aquatique omniprésent peut faire ressurgir le merveilleux, annonce-t-il. Une approche dramaturgique dérangeante, qui en tout cas ne devrait pas laisser indifférent, comme tout ce que touche ce régisseur iconoclaste qui peut tutoyer le génie, comme le montra son Parsifal à Bayreuh. Un distribution alléchante, conduite par Camilla Nylund dans le rôle titre, devrait satisfaire les plus exigeants. 

 

Opéra de Lyon, les 15, 17, 19, 23, 27, 29 Décembre 2014 à 20H et les 21/12 et 1er janvier 2015, à 16H.

Location: billetterie, 1 place de la Comédie, 69001 Lyon ; par tel.: 04 69 85 54 54  ; en ligne : www.opera-lyon.com

 

 

La saison 2015 de la Péniche Opéra

 

 

 

 


 

La nouvelle saison de la Péniche Opéra, la dernière sous la houlette de Mireille Larroche, sa dynamique directrice, sera resserrée sur les mois de février à mai 2015. Et comme toujours, animée et haute en couleurs, cette fois sur le thème « des chiffres et des hommes ». Elle proposera une création, 100 miniatures,  monodrame de Bruno Gillet sur un texte de Philippe Minyana. Autant de clins d'œil sur la vie de tous les jours dans une ville qui pourrait être celle que chacun de nous habite. Mireille Larroche signera la mise en scène et Pierre Roullier assurera la direction musicale (au XX e Théâtre, du 5 au 15 mars, et du 27 mars au 19 avril, puis les 9 et 10 mai au Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine). Autre création, Le Maître du Jardin, opéra de Suren Shahi-Djanyan, compositeur et chef d'orchestre, inspiré d'un conte arménien (les 4,5 et 6 avril, sur la Péniche). On donnera aussi L'Île de Tulipatan et « Offenbach et les militaires », ces immanquables pochades du roi de l'opérette, mises en scène par Yves Coudray ( XXe Théâtre, du 19 au 26 mars). Offenbach sera encore à l'honneur avec, en prélude à la saison et au cours de celle-ci, ses opérettes en un acte, données les deuxièmes dimanches du mois, de décembre à mai. On pourra y entendre des raretés comme Une Demoiselle en Loterie, Apothicaire et Perruquier, La Chatte métamorphosée, Monsieur Chou Fleuri, Les deux Aveugles, Le mariage aux lanternes. Cette suite à la série inaugurée la saison passée sera orchestrée par le spécialiste Jean-Christophe Keck.

 

Les rendez-vous incontournables de la péniche proposeront encore, au titre des « lundis de la contemporaine », trois soirées inédites : « Musique à compter », à la fois jeu de piste et cabinet de curiosité, spectacle conçu et mis en scène par Paul-Alexandre Dubois (2/2). Puis « Autour des carnets de Claude Helffer », concert permettant d'entendre, sous les doigts de la pianiste Maria Paz Santibanez, des pièces de Debussy, Webern, Stockhausen et des créations de Adrian Pertout et de Miguel Farias, cette dernière dédiée à Helffer (16/3). Enfin, « En cours d'initialisation » autour du compositeur de théâtre musical Richard Dubelski (18/5). Le thème de saison sera encore décliné de quatre autres manières :  une version ludique et féérique de La Flûte enchantée de Mozart, « 1,2,3 La Flûte Mozart, un petit dej'musical du dimanche matin » (15 et 22/3 à 11H) ; « Musiques à jouer : Dames de cœur », un spectacle conçu et dirigé par Jérôme Corréas, sur des jeux musicaux italiens des XVII ème et XVIII ème siècles ( 29/3) ; « Musique et chiffres symboliques : La Lyre maçonnique », sur des musiques écrites pour les Loges, de Naudot, Clerambault, Rameau ou Giroust (14/4) ; enfin « Math & Musique », méli mélo de pièces anciennes et modernes, assemblées et jouées par l'inénarrable et imprévisible Dominique Visse (5/5). Vogue encore une fois la belle galère !

 

Renseignements et réservations : Péniche Opéra, 46 Quai de la Loire, 75019 Paris ; par tel. : 01 53 35 07 77 ; fax : 01 53 26 91 93 ; en ligne : penicheopera@hotmail.com   ou www.penicheopera.com 

 

Jean-Pierre Robert.

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L'ARTICLE DU MOIS

 

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L'éducation musicale à l'école : un rendez-vous manqué

 

Dans les années d'après-guerre entrent en ligne de compte des données démographiques et économiques nouvelles qui font évoluer la société française et lui imposent d'adapter son système éducatif, de décloisonner les disciplines et de favoriser l'interdisciplinarité. Cette évolution vers la polyvalence et la transversalité est rendue possible par la réforme du système scolaire notamment la circulaire Fontanet de 1973 libérant 10% du temps pédagogique pour l'organisation d'activités originales mais c'est le colloque d'Amiens (1968) qui pose les fondamentaux d'une école nouvelle où les enseignements artistiques ont désormais un rôle primordial à jouer.

 

Avec l'émergence de l'action culturelle, 1968 marque aussi la fin d'un modèle dominant où la musique et les arts plastiques étaient les uniques disciplines artistiques dispensées en milieu scolaire. Musique et arts plastiques sont rejoints notamment par le théâtre et le cinéma mais au-delà de la diversification des matières proposées en milieu scolaire, c'est la façon dont les enseignements sont envisagés dans leur transversalité et pour leur ouverture sur le monde qui provoque la fin du modèle prégnant jusqu'alors.

 

 

Des finalités nouvelles pour l'école et un contexte favorable pour l'éducation musicale.

 

Il faut remonter à la fin des années soixante pour voir la notion d'éducation artistique s'introduire dans le débat sur l'éducation scolaire de manière décisive. Le colloque d'Amiens tenu en 1968 – « Pour une école nouvelle » - pose les bases d'une réflexion qui a nourri toutes les avancées sur l'éducation artistique depuis. Pour un certain nombre de militants, cette notion s'est forgée autour de l'idée qu'elle a vocation à participer à la formation globale des individus, à côté et avec l'éducation formelle, et qu'elle constitue un point d'appui pour construire des repères, une autre fenêtre sur le monde. En mettant en contact les jeunes avec les œuvres, avec les artistes, l'éducation artistique participe à l'éveil des sens, à la construction de l'intelligence sensible, en définitive à l'autonomie et à la construction personnelle des individus, tout en contribuant par d'autres voies à leur insertion dans la cité. Pour cela, bien entendu, il faut pouvoir s'appuyer sur des politiques concertées, des acteurs, des lieux. L'école est le lieu central de conciliation possible entre la formation de l'intelligence rationnelle et celle de l'intelligence sensible parce qu'elle est le lieu de sociabilité, d'éducation, de citoyenneté de tous par excellence.

 

On retrouve les grandes lignes du colloque d'Amiens dans les travaux de la Planification française. Les membres de la commission des affaires culturelles du VIe Plan (1971-1975) font un certain nombre de constats sur le système éducatif qui servent de base à leur réflexion. Dans un premier temps, une critique de l'enseignement légué par la bourgeoisie du XIXe siècle. Un système qui vise plus à transmettre des connaissances qu'à permettre l'intelligence du monde : « L'école de la IIIe République avait su communiquer à la fois un savoir et une culture, celui de la démocratie libérale. L'école d'aujourd'hui se demande si elle restera le moyen unique d'acquisition du savoir, et quelles mutations seront nécessaires pour réconcilier savoir et culture(1). » Dans un second temps, une revalorisation de l'imaginaire et du sensible : « Cette orientation entraînera un changement de mentalité, une modification considérable du rapport avec l'élève, une stimulation de ses dispositions naturelles dans une atmosphère de plus grande liberté. »

 

Les méthodes pédagogiques suivies au début des années soixante-dix sont pour le groupe enseignements artistiques du VIe Plan « fort peu adaptées à l'enfance(2) ». D'ores et déjà on parle d'enfants et non d'écoliers et ce changement de dénomination montre l'évolution générale souhaitée par le groupe. L'école ne doit plus seulement se contenter d'enseigner des disciplines intellectuelles à des écoliers mais elle doit aussi apprendre aux enfants à vivre dans le monde qui les entoure. Cette nouvelle pédagogie doit favoriser « l'épanouissement de la personnalité de l'enfant », éviter le conditionnement de l'individu par la technique et l'argent, « ouvrir à l'art vivant sous toutes ses formes », mais aussi « ouvrir l'école » (des visites de l'enfant à des organismes extérieurs, et l'école doit recevoir des visites de l'extérieur). Le point 21 du rapport préparatoire de la commission B du colloque d'Amiens stipule qu'« il faut aussi que l'école sache s'ouvrir à tous ceux qui sont susceptibles, par leur richesse personnelle, leur expérience, de venir se prêter au dialogue, à l'échange que l'enfant réclame et auquel il a droit(3). » Enfin, il semble primordial d'« habituer tous les maîtres à tirer parti du présent, de l'actualité, de l'événement d'où qu'il vienne. Certes, l'inventaire, la réflexion sur les œuvres du passé restent enrichissants. Mais ce qui compte surtout c'est se sentir capable de vivre avec son temps(4). » En bref, un nouveau profil de maître doit être établi, il doit dorénavant être capable de travailler en équipe, d'animer. Cet épanouissement de l'enfant est par ailleurs la recette du succès des éducateurs de l'école maternelle.

 

Ces finalités nouvelles sont « mal intégrées(5) » car elles sont « purement et simplement plaquées sur un système dont les finalités foncières n'ont pas été modifiées(6). » Toutefois, le colloque d'Amiens exprime la volonté de bouleverser les hiérarchies entre les disciplines. Bouleversement impulsé par le plan Langevin-Wallon qui repose notamment sur le principe de l'égale dignité de toutes les tâches, manuelles et pratiques autant qu'intellectuelles. « L'homme n'est plus considéré comme une intelligence pure(7). » Pour Louis Cros, inspecteur général de l'Instruction publique et auteur d'un livre intitulé « L'explosion scolaire»,  la conception méthodologique de l'enseignement est «  trop restée de caractère intellectualiste, livresque et formel(8). » Il parle de « discrimination et de hiérarchie implicite entre trois catégories de disciplines(9). » Il distingue en effet les anciennes disciplines formelles (latin, français, mathématiques), les disciplines scientifiques plus récemment constituées (histoire, géographie, sciences physiques et naturelles) et les disciplines concrètes (éducation physique, éducation artistique, travaux manuels).

 

« Les finalités scolaires doivent suivre l'évolution des besoins sociaux(10). » L'école doit être ouverte sur le monde qui l'entoure, voilà une finalité nouvelle. Cela ne signifie pas pour autant que l'école doive s'inscrire dans un rapport de dépendance. Et selon les finalités traditionnelles : « Le contenu des études est déterminé en fonction d'un modèle idéal qui échappe aux exigences de la professionnalisation (…) on vise à former l'homme(11). » Ce type de contradiction entre les finalités nouvelles et traditionnelles rend difficile la manœuvre politique.

 

Il faut permettre à l'individu de modeler la nature de sa vie dès l'école. Pour mieux vivre il est nécessaire que chaque enfant puisse connaître ce pour quoi il est fait. C'est une idée-force de la commission B du colloque d'Amiens : « L'épanouissement de chacun doit s'appuyer sur ce qui lui convient le mieux (…) On peut favoriser la formation d'un élève et son intégration sociale par la gymnastique ou les couleurs, et la compromettre à jamais par le latin ou les mathématiques(12) » ; «Toutes les matières concourant à l'épanouissement de l'individu sont nécessaires à un développement harmonieux, individuel et collectif(13). » Les tenants de l'école nouvelle proposent de « réhabiliter le corps, l'activité manuelle, l'affectivité ». La formation culturelle et artistique répond à ces nouveaux critères. Elle propose de « faire jouer les ressources de la sensibilité (14) ». « Se servir pour susciter la soif de savoir, de la curiosité de l'imagination de l'enfant, de son goût pour la création et l'action, est bien certainement la meilleure méthode(15). » Parler de formation culturelle, c'est « s'assigner comme but premier la formation d'un être : sachant s'informer, raisonner, communiquer ; responsable, libre et désaliéné mais en même temps communautaire ; équilibré, sachant découvrir son art de vivre par un ajustement sans cesse recréé à l'environnement changeant ; capable pour cela de prévoir(16). » Parmi les activités artistiques promues par le colloque d'Amiens on trouve les arts plastiques, l'architecture, la musique et les arts sonores, les activités manuelles, l'expression corporelle, les arts d'animation, les activités dramatiques, les activités de synthèse. Ce qui semblait être subalterne pour beaucoup devient dans l'esprit de quelques-uns primordial car « l'art fait du bien à tous(17). »

 

 

« Une nouvelle obligation politique : l'action culturelle (18) »

 

Le tiers temps pédagogique fait office d'« ébauche de solution » pour le groupe enseignements artistiques du VIe Plan. À la circulaire du 7 août 1969 qui met en place le tiers temps pédagogique pour les écoles maternelles et primaires, fait suite la circulaire signée le 27 mars 1973 par le ministre de l'Éducation, Joseph Fontanet. Elle permet « de mettre, à compter de la rentrée 1973, 10% de l'horaire annuel à la disposition des établissements d'enseignement secondaire » pour « consacrer intégralement ce contingent d'horaire à des activités originales en liaison avec l'enseignement(19). » et notamment artistique. Cela dans un contexte favorable puisque quelques mois plus tard, en juillet 1974, la commission René Haby fait vingt-quatre propositions pour l'éducation à la sensibilité et à la créativité en milieu scolaire et le 11 juillet 1975, le ministre de l'Éducation nationale René Haby fait adopter une loi sur la réforme du système éducatif qui préconise un équilibre entre les disciplines intellectuelles, artistiques, manuelles, physiques et sportives et insiste sur la place qui doit être faite à la sensibilité artistique.

 

Cette circulaire prévoit un assouplissement de l'organisation du cycle secondaire. Le temps scolaire contraint par un programme passe de trente à vingt-sept heures hebdomadaires ; les trois heures dégagées devant être utilisées plus librement et consacrées à des activités originales. La circulaire propose des types d'activités possibles. Les plus courantes sont les activités théâtrales, intéressantes pour les disciplines littéraires et artistiques. Mais les professeurs font aussi preuve d'un réel effort d'imagination et de recherche en envisageant d'autres sujets qui sont eux en revanche franchement inattendus et pas très artistiques : les boucaniers, le couscous, le cassoulet… Les réalisations sont également nombreuses en matière d'environnement et de cadre de vie. Le 10% n'est pas réservé aux activités d'éducation artistique. Néanmoins, un très grand nombre d'opérations relevant du 10% (environ la moitié) (20) s'orientent spontanément vers des activités culturelles. Cette tendance inscrit dans le temps scolaire les pratiques artistiques déjà existantes dans un cadre libre. Le 10% a demandé aux enseignants de rompre, en partie au moins, avec le comportement que l'institution exige d'eux le reste du temps en les mettant dans la situation d'intervenir sans programme ni sanction ultérieure dans des domaines où leur compétence n'est ni très assurée ni reconnue ; d'aborder des situations extérieures à la classe ; de se confronter à d'autres compétences et de coordonner une tâche d'enseignement avec des collègues dans le cadre de la pluridisciplinarité. On remarque que ces différents points s'opposent d'une façon très nette aux différentes caractéristiques qui définissent la relation pédagogique traditionnelle. Ce type d'action nécessite la spécialisation de certains enseignants comme conseillers techniques. Il peut être aussi fait appel à des animateurs d'associations ou à des personnalités qualifiées extérieures au système scolaire : professeurs de conservatoires, conservateurs de musées, archivistes, bibliothécaires, comédiens de centres dramatiques, artistes, spécialistes de tous ordres, responsables dans tous les secteurs de l'activité économique et social.  Le comportement des enseignants eux-mêmes en matière d'action culturelle est considéré comme élément prédominant de l'ensemble des innovations proposées.

 

Ce que le groupe enseignements artistiques du VIe Plan souhaite avant tout, c'est en finir avec « les méthodes stérilisantes » du cours de dessin traditionnel ou du cours de solfège. Les programmes et les directives sont « surannés ». Le maître est souvent sommé d'enseigner un dessin de reproduction  auxiliaire des sciences ou le solfège. Il faut modifier « radicalement (21) » les programmes. Il ne s'agit plus de « rendre accessibles les œuvres capitales […] au plus grand nombre » mais de fournir « à la totalité des citoyens le minimum vital en matière culturelle […] Les hommes ont même le droit de refuser la culture mais ils sont en droit d'exiger qu'on la leur propose et que l'égalité en droit, l'égalité des chances soit en ce domaine accomplie. »

 

C'est pour cela que « dès la sixième, l'éducation esthétique doit s'organiser autour de temps forts : événements culturels sur des thèmes choisis, [qui] mobiliseront les enseignants de plusieurs disciplines. » C'est ce que tente de mettre en œuvre le Fonds d'intervention culturelle (FIC) mis en route dès 1971 et pièce maîtresse de la nouvelle politique de développement culturel. Cet organisme permet de concrétiser la collaboration entre les ministères de la Culture et de l'Éducation nationale, aussi bien qu'entre l'État et les collectivités locales. Par son soutien financier (ce fonds est rattaché au budget du ministère des Affaires culturelles), le FIC aide à lancer des projets d'action culturelle de type nouveau, n'entrant pas dans les cadres des subventions accordées par les ministères en multipliant les expérimentations transversales.

 

Le concept d'une politique globale de la culture intégrée au développement de l'ensemble du pays s'est substitué à la notion d'affaires culturelles. Une culture vivante, une culture en actes conçue en termes de rapports humains et de vie quotidienne ; « il s'agit de favoriser l'accès de chacun à une plus effective citoyenneté(22). » Le ministre de la Culture Jacques Duhamel pose des conditions : un défi à toute tendance à l'égalitarisme culturel et un encouragement au culturalisme. « Qu'une fausse pudeur ne trouble pas nos esprits et que nos bons sentiments ne nous conduisent pas à un égalitarisme culturel qui tarirait la source. Sans cela le développement culturel serait le partage des pains sans le miracle de la multiplication(23). » Enfin, « que le public vienne nombreux à la maison de la culture, c'est bien, ce n'est pas suffisant. Il faut créer le contact avec celui qui ne se déplace pas, aller chercher les gens là où ils sont, dans leur milieu naturel, sur leurs lieux de travail. À ceux qui se sentiraient exclus par une sorte de timidité, il faut montrer que la culture est leur bien(24). » Cette notion culturaliste existait déjà chez le Malraux de 1936. « L'héritage culturel n'est pas l'ensemble des œuvres que les hommes doivent respecter mais de celles qui peuvent les aider à vivre (…) Tout le destin de l'art, tout le destin de ce que les hommes ont mis sous le mot culture, tient en une seule idée : transformer le destin en conscience(25). »

 

Il ne s'agit pas pour le développement culturel d'imposer la musique et le dessin dans son acception bourgeoise à tous. Pour le rapport du groupe long terme du VIe Plan (mars 1971), ce type de projet constituerait un autre danger de « massification » et « d'aliénation ». En réponse à ce danger le rapport propose que la politique d'action culturelle ne soit exclusive d'aucune discipline. Une politique pluraliste pour éviter la massification. « Le développement culturel n'est pas seulement la démocratisation de la  "  haute culture "(26).  »

 

« La notion de développement culturel implique le dépassement de l'ancienne culture réservée à une minorité de privilégiés et consiste en un enrichissement personnel d'ordre intellectuel ou artistique. Elle efface la distinction entre le « culturel pur » (lecture, théâtre, musique) et le domaine du « socioculturel » ou « socio-éducatif ». Les instruments traditionnels de la culture ne sont plus les moyens uniques d'un accès à cette autonomie de l'individu. Tout individu doit participer activement à la culture vivante en train de se faire(27). »

 

Le contexte de Mai 68 a favorisé cette tendance. Les directeurs des théâtres populaires et des maisons de la culture réunis à Villeurbanne le 25 mai 1968 expriment le refus d'une culture et d'un langage dont la diffusion serait réservée à la classe cultivée dominante, mais aussi du rejet de la culture traditionnelle et des modèles culturels : « À la conception traditionnelle [de la culture] dont nous avons été jusqu'ici plus ou moins victimes, il convient de substituer sans réserve et sans nuance une conception entièrement différente qui ne se réfère pas a priori à tel contenu préexistant mais qui attend de la seule rencontre des hommes la définition progressive d'un contenu qu'ils puissent reconnaître(28). »

Les enseignements artistiques proposés en milieu scolaire reflètent cet ordre des choses. En introduisant l'action culturelle en milieu scolaire, l'ambition est de subvertir l'autorité des enseignements de musique et d'arts plastiques au profit de l'enfant et de son potentiel créateur. Selon le rapport Puaux sur les établissements culturels (1982) qui tente une définition de l'action culturelle, il s'agit d'obtenir « que les hommes soient mis en demeure de prendre conscience de la part de richesse, de créativité qu'ils portent en eux, mais que le plus souvent, ils ignorent ». Permettre à une « immensité humaine composée de tous ceux qui n'ont encore aucun accès ni aucune chance d'accéder au phénomène culturel sous les formes qu'il persiste à revêtir(29) », c'est rejeter les modèles culturels et affirmer l'identité des exclus de la culture dominante. L'idée fondamentale soulignée par Francis Jeanson (auteur de L'action culturelle dans la cité) étant que « le rejet des valeurs de la classe dominante va de pair avec l'affirmation de l'identité culturelle des classes dominées(30) ».

 

 

L'éducation artistique en milieu scolaire profite de l'évolution du système éducatif et de l'essor des politiques culturelles notamment du nouvel enjeu que représente le développement culturel. La musique, ainsi que les arts plastiques auraient pu bénéficier du contexte faisant la part belle à l'éveil de la sensibilité aux côtés de l'éducation classique mais paradoxalement ces deux disciplines se sont vues dépassées par le courant de l'action culturelle qui a eu vite fait de les considérer péjorativement comme bourgeoises. On a préféré encourager des cultures plus proches des jeunes ou des populations minoritaires pour éviter toute discrimination culturelle. En dépit de grands succès comme la création des classes à horaires aménagés et des centres de formation de musicien intervenant, la musique peine donc toujours à trouver sa place à l'école.

 

Camille Grabowski*.

 

 

* Camille Grabowski est Docteur en Histoire.

 

 

1             Rapport du groupe long terme, commission des affaires culturelles pour le VIe Plan, mars 1971.

2             Rapport du groupe enseignements artistiques, VIe Plan, mars 1971.

3             Rapport préparatoire de la commission B du colloque d'Amiens, p.106.

4             Point 27, rapport préparatoire de la commission B du colloque d'Amiens, p.107.

5             Rapport préparatoire de la commission A du colloque d'Amiens, p.36.

6             Rapport préparatoire, commission A du colloque d'Amiens, p.38.

7             Rapport préparatoire de la commission A du colloque d'Amiens, p.37.

8             Louis Cros, annexe 1 à la commission A du colloque d'Amiens, p.46.

9             Louis Cros, annexe 1 à la commission A du colloque d'Amiens, p.49.

10           Louis Cros, annexe 1, commission A du colloque d'Amiens.

11           Rapport préparatoire, commission A du colloque d'Amiens, p.37.

12           Point 5 du rapport préparatoire de la commission B du colloque d'Amiens, p.102.

13           Point 4 du rapport préparatoire de la commission B du colloque d'Amiens, p.102.

14           Point 17 du rapport préparatoire de la commission B du colloque d'Amiens, p.104.

15           Louis Cros, « L'école nouvelle témoigne », Cahiers de pédagogie moderne, 1970.

16           Rapport final de la commission B du colloque d'Amiens, p.141-142.

17           Point 12 du rapport préparatoire de la commission B du colloque d'Amiens, p.103.

18           Rapport de la commission affaires culturelles du VIe Plan, mars 1971.

19           « L'aventure pédagogique du 10% », Education et développement, numéro spécial 108, mars 1976.

20           « 10% et apprentissages culturels », Education et développement, numéro 109, avril-mai 1976.

21           Ibid.

22           Francis Jeanson, L'Action culturelle dans la cité, Paris, Seuil, 1973.

23           Allocution prononcée par Duhamel devant le Conseil national du développement culturel, 1971.

24           « L'avenir des maisons de la culture », interview de Jacques Duhamel, Le Monde, 4 mai 1972.

25           Discours d'André Malraux au secrétariat général de l'Association des écrivains pour la défense de la culture à Londres, juin 1936, cité in Jean Caune, p.146.

26           du groupe long terme, commission des affaires culturelles pour le VIe Plan, mars 1971.

27           Ibid.

28           Les directeurs des théâtres populaires et des maisons de la culture réunis en comité permanent à Villeurbanne, le 25 mai 1968, in L'Action culturelle dans la cité de Francis Jeanson, Paris, Seuil, 1973, p.120.

29           D'après les directeurs des théâtres populaires et des maisons de la culture réunis en comité permanent à Villeurbanne, le 25 (ou 21) mai 1968, in L'Action culturelle dans la cité de Francis Jeanson, Paris, Seuil, 1973, p.120.

30           Francis Jeanson in Jean Caune, La Culture en action : de Vilar à Lang : le sens perdu, Grenoble, PUG, 1992, p.180.

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FOCUS SUR LA MUSIQUE MODERNE

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The Tempest, opéra de Thomas Adès(1)

 

« La Tempête », tragi-comédie ou romance (1611), ultime et différent chef-d’œuvre de William Shakespeare (1564-1616), a été la source d’inspiration pour de nombreuses partitions, symphoniques autant que lyriques. Parmi elles, citons plus essentiellement, outre les adaptations de Purcell (1659-1695) et de Matthew Locke (ca 1622-1677), l’opéra en deux actes assez superficiels, La Tempête, de  Jacques Fromental Halévy (1799-1862), représenté à Londres en 1850 – l’émouvante musique de scène (1862) de Sir Arthur Seymour Sullivan (1842-1900) – la vigoureuse ouverture Prospero (1885) du Londonien  Frederick Corder (1852-1932) – l’extraordinaire musique de scène de Jean Sibelius (1865-1957), Stormen, opus 109 (1925) – l’opéra en deux actes, Die Zauberinsel (1942) du Suisse Heinrich Sutermeister (1910-1995) – le métaphysique Der Sturm (1952/55), opéra en trois actes dans la traduction allemande d’August Wilhelm von Schlegel (1767-1845) et Johann Ludwig Tieck (1773-1853) du Genevois Frank Martin (1890-1974) – The Tempest, opéra en trois actes (1985) de l’Américain John Charles Eaton (1935-) – et enfin, le sujet de cet article consacré à la mise en musique shakespearienne, en 2003/2004, de l’Anglais Thomas Adès, fruit d’une commande de Covent Garden.

  Après tant de partitions consacrées à ce chef-d’œuvre du théâtre universel, il ne semble pas impertinent de se demander en quoi consistent les motivations d’un compositeur décidé à le traiter une fois de plus, notamment dans le domaine lyrique. Il s’agit bel et bien d’une gageure. Thomas Joseph Edmund Adès a entrepris cette aventure non sans succès.  


Thomas Adès © Brian Voce

  Compositeur, pianiste et chef d’orchestre, il est né à Londres le 1er mars 1971. Entre 1983 et 1988, il a travaillé le piano auprès du Canadien Paul Berkowitz puis la composition chez Robert Saxton (*1953), à la Guildhall School of Music and Drama de Londres. Il se perfectionnera ensuite, jusqu’en 1989, à Szombathély, en Hongrie, chez le compositeur György Kurtág (*1926). Peu après ses études à King’s College, Cambridge, de 1989 à 1992, dans la classe d’Alexander Goehr (*1932) et Robin Greville Holloway (*1943), il acquiert une solide réputation de compositeur. Entre 1993 et 1995, il est compositeur en résidence du fameux et historique Hallé Orchestra, à Manchester. Asyla (1997), l’une de ses premières partitions, est une commande du chef d’orchestre Sir Simon Rattle. Les compétences de Thomas Adès l’ont également amené à diriger le Birmingham Contemporary Music Group (1998/2000), à enseigner en tant que Britten Professor of Composition à la Royal Academy of Music (RAM) de Londres, et à assurer la direction artistique de l’Aldeburgh Festival de Britten, dans le Suffolk, de 1999 à 2008. En tant que chef d’orchestre, il dirige régulièrement des phalanges aussi prestigieuses telles que le Los Angeles Philharmonic, le Boston Symphony, le London Symphony Orchestra, le Royal Concertgebouw. Il a également conduit The Rake’s Progress (1947/51) de Stravinsky au Royal Opera de Londres ainsi qu’à l’Opéra de Zurich.

  Indépendant dans son langage, Adès a échappé à la rigidité constructiviste de certains maîtres à penser du XXe siècle de même qu’il a soigneusement évité l’esthétisme expressionniste. En cela, il hérite indéniablement de l’état d’esprit d’un Leoš Janáček (1854-1928) ou d’un Karol Szymanowski (1882-1937). D’aucuns l’ont parfois comparé à son compatriote Benjamin Britten (1913-1976).

  Pour le livret de son opéra The Tempest, Thomas Adès a sollicité l’aide de la dramaturge australienne Meredith Oakes (*1946) laquelle a préservé l’intégralité du projet shakespearien tout en le condensant en trois actes égaux et quatorze scènes au lieu des cinq actes et neuf scènes initiaux. Son livret, au vocabulaire contemporain, a parfois été critiqué pour sa pauvreté. En effet, et d’une certaine façon, elle a réécrit l’histoire en en modifiant ici et là la dimension psychologique que, d’ailleurs, la musique va singulièrement restaurer. De ce fait, est-elle vraiment restée fidèle au rêve shakespearien ? En réalité, l’opéra se concentre sur la difficulté et la nécessité de valoriser la compassion. Les éléments magiques, rituels et incantatoires, imprègnent l’ouvrage dans toute sa continuité presque hypnotique.

 
Simon Keenlyside/Prospero - Production du ROH 2004 © Clive Barda

  Le thème original met en scène Prospero(2) (baryton), ancien duc de Milan, détrôné par son frère le cynique et scélérat Antonio (ténor). Ce dernier, avec l’appui de son complice Alonso (ténor) (3), roi de Naples, contraint Prospero à l’exil avec sa fille, l’« admirable » Miranda (mezzo-soprano). Ils prennent la mer, symbole shakespearien par excellence. Grâce au loyal Gonzalo (baryton-basse), conseiller du roi, ils survivront avant d’échouer sur une île déserte(4) qui transcende l’autre monde, celui des traîtres. Sur cette île habite le vulgaire Caliban(5), personnage essentiel de la pièce, fils sauvage de la « hideuse sorcière Sycorax(6) » et du démon Setebos(7). Le grand spécialiste de Shakespeare, Sir John Frank Kermode (1919-2010), l’a même qualifié de « héros pastoral à rebours ». Thomas Adès en fait un ténor lyrique incarné avec subtilité, lors de la création au Royal Opera, par le Britannique Ian Bostridge, tout le contraire d’une brutalité bestiale.

  Dès le Prélude, composé en dernier, le chromatisme symbolise la « Tempête » elle-même symbole du châtiment suprême(8). D’ailleurs, Prospero ne s’est pas limité à provoquer une tempête en mer, il l’a dévastée tout en tirant les morts des tombeaux. À l’instar de la tragédie grecque antique, le chœur de la Cour apparaît. Il commentera l’action avec une relative discrétion. Tout au long de la dramaturgie, la musique oscillera entre une dissonance épineuse et la consonance la plus luxuriante. Miranda, très ébranlée, sent que son père Prospero est responsable du désastre maritime. En l’occurrence, le rôle fascinant et complexe du magicien, particulièrement marqué par l’esprit de vengeance, a été conçu et créé par le baryton britannique Simon Keenlyside, interprète par ailleurs d’un large et impressionnant répertoire. Prospero apprend à sa fille que les passagers du navire en détresse sont ses ennemis, les membres de la Cour de Naples singulièrement mis en valeur par le compositeur et sa librettiste. Puis, Miranda est endormie par sortilège tandis qu’Ariel(9) (soprano), « un esprit de l’air » ou un ange – que Sycorax avait emprisonné dans « un pin éclaté » – raconte à son maître Prospero les détails du naufrage. La vocalité vertigineuse et l’ambitus impressionnant d’Ariel conviennent parfaitement à la voix de l’Américaine Cyndia Sieden. Ce type de traitement – l’un des rôles de coloratura les plus saisissants jamais conçus pour l’opéra – ne laisse généralement pas d’étonner quant à la signification que le compositeur attribue à ce personnage surconscient comme s’il était encore sous le pouvoir de la sorcière Sycorax, mère démoniaque de Caliban. Ainsi, dans la scène 5 de l’Acte I, lorsqu’Ariel chante le fameux Five fathoms deep/Your father lies (« À cinq pieds de profondeur/Votre père repose ») légèrement modifié par la librettiste. La mise en musique attribuée jadis au luthiste Robert Johnson (ca 1583-1633) reste dans toutes les mémoires. Le maître de la magie blanche de l’île avait ordonné à Ariel de faire venir jusqu’à lui Ferdinand (ténor), le fils du roi de Naples. C’est ainsi que le jeune homme, confronté à la sublime Miranda, son exact pendant, s’éprendra d’elle à la déception voulue du magicien. La scène VI reprend quelque peu le ton d’Ariel jusqu’à l’intervention brusque et contrariée de Prospero (Sir, Naples unseated me). L’acte se termine dans une grande tension et agitation. La vengeance n’est pas encore complètement accomplie.


Ian Bostridge/Caliban - Production du ROH 2004 © Clive Barda  

Au deuxième acte apparaissent deux membres grotesques de la suite royale, le « sommelier ivre » Stephano (baryton-basse) et le bouffon vulgaire Trinculo (contre-ténor). Une querelle, provoquée mystérieusement par Ariel, va aussitôt éclater entre les ennemis de Prospero. Le La Majeur de Caliban, entonnant Friends don’t fear/The Island’s full of noises/Sounds and voices (« Amis, ne craignez rien/l’île est pleine de bruits/de sons et de voix »), à la scène 2, exprime clairement le ton anglais qui pourrait même faire penser, contre toute attente, à celui de Gerald Raphael Finzi (1901-1956). Gonzalo lui répond tout en le questionnant avec une gravité qui rappelle certains passages du Pilgrim’s Progress (1951) de Ralph Vaughan Williams (1872-1958). Mais, Caliban sera bientôt réduit au silence par Prospero. Il s’agit désormais de retrouver les traces de Ferdinand sur l’île tant l’inquiétude à son sujet croît au fur et à mesure du drame. Son père, le roi de Naples, entonne aussitôt un chant d’imploration assez remarquable (My son is dead/ « mon fils est mort »). C’est alors que, pour se venger, Caliban, s’adressant à Stephano et à Trinculo, initie un complot visant à détruire Prospero. Le Duo entre Ferdinand et Miranda à la fin de l’acte, scène 4, constitue une apothéose dont l’ardeur est empreinte de délicatesse. Le dernier chant de cette séquence est confié à un Prospero presque désespéré.

  Le troisième et dernier acte introduit les deux ladres, Stephano et Trinculo, mandatés par Caliban. Dans le même temps, Ariel – soucieux de retrouver son entière liberté – conduit les naufragés à travers le labyrinthe de l’île. Ils vont s’endormir tandis qu’Antonio et le mauvais Sebastian (baryton) fomentent le crime du roi et de Gonzalo. Ariel entretient toujours le trouble avec ses sortilèges jusqu’à faire fuir tous les courtisans vers une autre partie de l’île. Face à cette disharmonie, le couple formé par Ferdinand et Miranda se présente à Prospero, apaisé, et Ariel dont la vocation est de les bénir. Le chemin de la réconciliation entre le magicien-prophète et ses adversaires de Milan et de Naples est amorcé. Prospero se révèle enfin à eux. Ferdinand leur présente son épouse. Mais, Antonio – qui adopte généralement le ton de la désinvolture –, refusera le pardon de Prospero malgré le navire restauré et la paix conclue entre Milan et Naples. Il chantera de façon caricaturale, hachée et presque décousue dans la scène 4. La fin, profondément tragique, montre Prospero abandonnant ses pouvoirs, Ariel trouvant sa liberté et Caliban demeurant seul sur l’île. Pourtant, l’épilogue de Prospero dans la pièce a disparu de l’opéra qui conclut par un étrange duo entre Ariel et Caliban ce qui est psychologiquement intéressant. Dans ce dernier acte, Adès s’exprime avec une étonnante complexité contrapuntique.


Cyndia Sieden/Ariel - Production du ROH 2004 © Clive Barda  

À propos, justement, de sa conception du langage musical, le compositeur était interrogé jadis par un journaliste français soucieux de comprendre la raison pour laquelle il lui arrive de partir d’une échelle atonale pour conclure ensuite sur une accord parfait Majeur. Et le compositeur de répondre :

  « Oui, je sais, c’est théoriquement interdit, sauf si, comme moi, vous ne croyez pas au système tonal. […] On admet depuis des siècles que certaines notes s’attirent et se repoussent, mais personne ne sait pourquoi. L’auditeur d’une chanson populaire se fiche de savoir qu’il vient d’entendre une quarte parfaite, suivie d’une tierce et d’une quinte, il sent juste que l’enchaînement est harmonieux. Moi, je fais pareil, je lance des notes dans la composition et j’observe, avec mon microscope naturel, comment elles se comportent et vibrent. Mon travail, mon talent si j’en ai un, c’est de comprendre et sentir ces effets magnétiques. »

  Il ajoutait à propos du travail sur la forme :

  « Je crois qu’il n’y a pas de différence entre une forme académique et une forme organique. Une chaconne ou une passacaille sont des formes vivantes. Même une mazurka de Chopin passe de la dépression à la joie extrême, sans plan préétabli. […] Je laisse toujours une pièce me dire quelle sera sa forme, je ne crois pas que le matériau musical soit de l’argile morte à laquelle le souffle créateur de l’artiste donne vie. Je crois que tout matériau est magnétique et polarisé. »  

Pour son opéra, Adès a soigné la signification relative au lieu et aux personnages. Ainsi, pour l’île qu’il traite avec des sonorités éthérées, très évocatrices, coulantes, confiées aux bois et aux cordes. Le monde des courtisans milanais sonne en fanfare de manière déclamatoire et pédante. Cependant, le ton général adopté par le jeune compositeur britannique est à la fois doux et grave, tendant à la purification après l’ouragan punisseur. Il a probablement, à l’instar de Shakespeare, exprimé sa propre conception de la vie.

  The Tempest a été créé au Royal Opera House, Covent Garden, de Londres, le 10 février 2004, sous la direction du compositeur, dans une mise en scène de Tom Cairns. L’ouvrage a ensuite été représenté à l’Opéra de Strasbourg et à celui de Copenhague. La première américaine a eu lieu le 29 juillet 2006 au Santa Fe Opera avant une production à Francfort et un enregistrement pour EMI Classics, en 2009. Plus récemment, le Metropolitan Opera l’a incorporé dans sa saison de 2012/13. Cette dernière production, due à Robert Lepage, sera donnée à la Staatsoper de Vienne, en juin 2015, sous la direction du compositeur, avec l’Orchestre Philharmonique.  

James Lyon.

 

1             thomasades.com.

2             Issu de la tradition néo-platonicienne, ce nom signifie « favorable ». Il figure déjà dans Every Man in His Humour, comédie (1598) de Ben Jonson (1572-1637) dans laquelle Shakespeare a joué. Certains commentateurs ont forgé une analogie entre le dramaturge et son personnage.

3             Il est fait mention de ce nom dans l’History of Travaile (1577) de Robert Eden (?), probable source de la pièce de Shakespeare.

4             Cette île serait Lampedusa, entre Malte et la Tunisie.

5             Pour quelques critiques, lecteurs de Montaigne (1533-1592), ce nom serait l’anagramme de « cannibale ».

6             Sa description doit beaucoup au portrait de Médée qu’en a fait Ovide dans ses Métamorphoses (7).

7             Selon les récits de voyage de Magellan (1480-1521), dieu des Patagoniens.

8             Cet événement rappelle aussi le naufrage de l’amiral Sir George Somers (1554-1610), aux Bermudes, le 25 juin 1609.

9             Ce nom apparaît dans la littérature magique traditionnelle ainsi que chez Ésaïe 29 et Esdras 8,16. Il est parfois comparé au dieu grec messager Hermès.

 

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    SPECTACLES ET CONCERTS

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Un « all Brahms progamm » du Cleveland Orchestra

 


The Cleveland Orchestra, Severance Hall, Cleveland / DR

 

Avant dernière étape d'une longue tournée européenne débutée aux Proms de Londres, le Cleveland Orchestra s'est arrêté à la salle Pleyel pour deux concerts. Au nombre des fameux « big five », cette formation fondé en 1918, connut de grands directeurs musicaux, dont George Szell, Lorin Maazel et Christoph von Dohnanyi. Franz Welser-Möst a pris le relais en 2003. Leur premier concert parisien était entièrement consacré à Johannes Brahms. La façon de se présenter au public est originale : là où les orchestres européens de renom, Vienne, Berlin, Amsterdam, se doivent d'entrer à la dernière minute, salle remplie, sous les applaudissements, les musiciens américains font leur échauffement longtemps avant l'arrivée du chef, dans une ambiance studieuse, chacun peaufinant tel trait essentiel. Le concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 77 est l'un des plus emblématiques du répertoire. Comme toujours en pareille occurrence chez Brahms - on pense aux deux concertos pour piano - il s'agit d'une pièce de vastes dimensions dans laquelle l'orchestre occupe une place essentielle, au-delà du rôle de pur accompagnement. Au point qu'on a dit que le violon jouait contre lui, métaphore paradoxale pour expliquer combien il doit s'imposer. Nikolaj Znaider, Premier prix au Concours Reine Élisabeth à Bruxelles en 1997, l'aborde avec une tranquille assurance et une chaude sonorité. Il n'y aura pas d'épanchement excessif dans le vaste allegro initial, pris par Welser-Möst de manière énergique. Znaider choisit non pas la cadence de Joachim, le dédicataire, mais celle de son cru, pot-pourri brillant des divers thèmes exposés jusqu'alors, et jouée très virtuose, quelque peu en rupture avec la ligne plus romantique adoptée par ailleurs. Welser-Möst prend l'adagio de manière très objective, accentuant la difficulté pour le soliste d'établir le climat de romance sans parole introduite par le solo du hautbois et sa mélodie envoûtante. Des pianissimos insistants distendent un peu le discours. Le finale sera très énergique, un brin martial dans le geste orchestral, mais Znaider tire son épingle du jeu avec brio. Le succès nous vaut un bis, emprunté à JS Bach. La Première Symphonie op. 68 est, de par sa tonalité d'ut mineur, dans la veine héroïque de la Cinquième de Beethoven, sans parler, côté références, de la citation à peine voilée, au mouvement final, de l'« Ode à la joie » d'une certaine Neuvième. « C'est si évident qu'un âne s'en apercevrait » se serait écrié le compositeur. Comme dans l'œuvre précédente, la manière de Welser-Möst est robuste, accréditant tout à fait le mot de son lointain prédécesseur Hans de Bülow parlant de « Dixième Symphonie, alias la première symphonie de Brahms ». Le chef autrichien ne cherche pas à s'appesantir sur l'aspect massif de l'orchestration, fruit d'une grande complexité thématique. Son souci est plus le « drive », la progression, qui ne va pas sans quelques débordements d'énergie au fil du premier mouvement, passé une introduction sostenuto, elle-même non retenue. L'andante sostenuto introduit plus de calme, et l'allegretto suivant, sorte d'intermezzo, est d'une attrayante fluidité, avec un passage trio fort bien contrasté. Le finale se déploie majestueux et la dernière section mérite bien son indication « con brio », car elle renoue avec l'énergie résolue beethovénienne du premier mouvement et ce jusqu'aux accords finaux martelés sans vergogne. Du fort habile travail d'orchestre en tout cas, mettant en valeur une phalange superbe, assurément brillante, comme il en va à ce niveau outre-atlantique. A l'homogénéité des cordes répond la finesse déclamatoire des bois, hautbois et clarinette en particulier. En bis, un danse hongroise, déversant moult harmonie et rythme tziganes, fait monter la tension d'un cran. Car Welser-Möst se lâche avec des contrastes surprenants, pour conclure par un prestissimo enivrant.

 

Jean-Pierre Robert.

 

Pulcinella joue CPE Bach

 


Ophélie Gaillard / © Caroline Doutre

 

On ne pouvait rêver meilleur hommage à Carl Philipp Emmanuel Bach (1714-1788) que ce concert donné Salle Gaveau par le Pulcinella Orchestra et Ophélie Gaillard, sa fondatrice. Ce fils ainé du Cantor connut une longue et prestigieuse carrière, d'abord à Berlin auprès de Frédéric II, puis à Hambourg, à compter de 1768, où il prendra la succession de Telemann et occupera les fonctions de directeur musical des cinq principales églises de la cité hanséatique. Le programme proposait un échantillon significatif de sa production, qui par sa texture sonore novatrice, est annonciatrice du Sturm und Drang. Avec d'abord deux concertos pour violoncelles. Pas aussi célèbres que ses concertos pour clavier, ces pièces ne sont pas moins intéressantes. Elles illustrent le langage si personnel de CPE et en particulier une imprégnation du style vocal tant en vogue à l'époque du fait du développement de l'opera seria, et le choix de contrastes pour le moins théâtraux dans l'accompagnement d'orchestre, introduisant un zest d'inattendu. Le Concerto en la mineur, Wq. 170, de vastes proportions, déploie une virtuosité marquée tant dans le ripieno d'orchestre qu'avec le traitement réservé au soliste. Ophélie Gaillard en est l'interprète inspirée. L'orchestre ne comprend que des cordes et un pianoforte, signe de modernité chez celui qui fut le chantre de l'écriture pour le clavecin. Le concerto Wq. 172 est peut-être plus brillant encore, contrastant deux mouvements rapides, extrêmement brillants, et la profondeur inquiétante du largo médian, lui-même couronné d'une cadence envoûtante. La Sinfonia N° 5, Wq. 182, extraite d'une série de six écrites au début du séjour à Hambourg, pour le baron van Swieten, démontre pareil souci d'originalité chez CPE : dans le goût de la symphonie concertante pour les seules cordes, chaque groupe se voit allouer un rôle prééminent, et on est surpris par les accords brusques venant rompre le discours, quasiment à l'arraché, et, là encore, par des effets de surprise. Enfin, la Sonate pour deux violons et basse Wq. 161, en ut mineur, dite  « Sanguineus e melancholicus » est une perle d'esprit (1749) : organisée au fil de ses trois mouvements telle une conversation entre deux personnages au caractère bien tranché, le doux rêveur et le très passionné. Au premier mouvement, l'un des violons tente d'imposer sa douce et lente cantilène, interrompu sans ménagement par le second, tout ébouriffé. L'adagio inverse les rôles. Mais les deux protagonistes se retrouveront au finale pour parler de concert. La veine est des plus novatrices. Thibault Noally et Nicolas Mazzoleni font assaut de dextérité, accompagnés par Ophélie Gaillard et Francesco Corti au pianoforte. L'ensemble au complet, quelques 14 musiciens, aura donné le meilleur dans les œuvres concertantes et la symphonie. En bis, pour célébrer le neuvième anniversaire de leurs débuts dans cette même salle, ils joueront un mouvement vif d'un concerto pour cordes de Vivaldi, brillantisssime.

 

Jean-Pierre Robert.

 

William Christie illumine le Grand motet français

 


© Gueorgui Pinkhassov/ Magnum Photos

 

Le Grand motet français, illustré par les grands compositeurs des XVII ème et XVII ème, tels Du Mont, Delalande ou Charpentier, puis Desmarest, Gilles ou Campra se caractérise, en comparaison avec le (petit) motet, par son ampleur, faisant appel à un double chœur, à plusieurs solistes et un orchestre fourni. Essentiellement écrit à partir des textes des Psaumes de David, sa fonction religieuse perdra peu à peu de son importance, notamment avec la création en 1725 du Concert spirituel, pour devenir une pièce de concert. Jean-Joseph Cassanéa de Mondonvile (1711-1772) et Jean-Philippe Rameau s'y sont illustrés, quoique ce dernier n'ait laissé au genre que  trois partitions. William Christie avait choisi de les réunir lors de son concret à la Cité de la musique. Rameau a composé ses motets dans sa période dite lyonnaise, 1712-1715. Il ne reviendra plus au genre de la musique vocale religieuse et profane, qui avec le motet mais aussi la cantate, selon Sylvie Bouissou « représentent à l'évidence pour lui un champ d'expérimentation des moyens musicaux utilisés dans l'opéra » (« Jean-Philippe Rameau », Fayard). Le motet « Quam delicta tabernacula » est écrit sur le psaume 83, où David  aspire à trouver auprès du tabernacle le calme et la paix du Seigneur. Ses sept courtes parties décrivent un climat fervent qui conduit à une apothéose finale sur le chœur «  Seigneur des vertus, heureux l'homme qui espère en Toi ». Le motet « In convertendo Dominus », sur le psaume 125, est moins austère, sans doute parce que l'édition qu'on en connaît, fruit d'un remaniement en 1751 pour son exécution au Concert spirituel, développe une instrumentation plus riche dans les vents, hautbois, bassons et cors. Le chant est aussi plus fastueux, à l'aune des émotions ressenties par le peuple juif exprimant la joie de la délivrance. On le ressent dès le premier récit du haute-contre, aux accents presque théâtraux, et dans les chœurs emplis d'énergie. L'écriture de Rameau annonce les pages de la maturité. Des 17 motets écrits par Mondonville, neuf ont été préservés. Le style est immédiatement plus expressif, la manière plus animée, sans doute guidés par la perspective d'une exécution en concert. Le motet « Dominus regnavit » (1734), se signale par sa description des flots marins en furie décrivant l'impétuosité des eaux tant à l'orchestre que dans le chœur, la phrase chantée s'enroulant sur elle-même, tumultueuse. Il s'achève par un vaste chœur d'action de grâce. Le motet « In exitu Israel » (1753), sur le psaume 113, décrit la sortie d'Égypte des israéliens par des effets dramatiques puissamment évocateurs. L'épisode de la mer se retirant sur le passage de la foule,  l'est tout particulièrement : chant syllabique sur les mots «  la mer le vit et s'enfuit ». Le solo du contre ténor qui suit ne l'est pas moins. William Christie et ses Arts Florissants impriment à toutes ces pages le cachet de l'authenticité : rigueur et élégance du phrasé, couleurs orchestrales moirées, souple articulation des chœurs, ce qui n'exclut pas des contrastes saisissants en termes d'expressivité. Le panel de solistes est glorieux, dont on détachera le haute-contre Cyril Auvity, d'une pureté de ligne et d'une force déclamatoire exceptionnelles. En bis, et pour rendre hommage à plusieurs figures récemment disparues, chères à son cœur, Christie donnera un chœur de Castor et Pollux, tel qu'arrangé pour une exécution lors des funérailles de Rameau. Tout simplement superbe.

 

Jean-Pierre Robert.

 

Les Boréades enfin créées à Versailles !

 

Jean-Philippe RAMEAU : Les Boréades. Tragédie en musique en cinq actes. Livret de Louis de Cahusac. Julie Fuchs, Samuel Boden, Manuel Núnez-Camelino, Jean-Gabriel Saint-Martin, Chloé Briot, Damien Pass, André Morsch, Matthieu Gardon. Ensemble Aedes. Les Musiciens du Louvre Grenoble, dir. Marc Minkowski. Version de concert.

 


Les Musiciens du Louvre Grenoble & Marc Minkowski © Elisabeth Carecchio

 

Brandissant la partition des Boréades, aux saluts finaux, Marc Minkowski soulignait que l'exécution donnée à l'Opéra royal marquait la création de l'œuvre à Versailles. En version de concert. Mais s'en plaindra-t-on alors que dans le cadre de l'année Rameau, partout abondamment fêtée, l'Opéra de Paris n'a pas jugé bon de l'afficher en reprenant la production conçue naguère par Robert Carsen à Garnier. Singulier destin que celui de l'ultime tragédie en musique de Rameau qui ne la verra pas créée de son vivant. Elle ne connaîtra sa première scénique que deux siècles plus tard, en 1982, au festival d'Aix-en-Provence. La mort du compositeur en 1764, peu après l'achèvement de la partition, n'est sans doute pas la cause première de l'ajournement de sa publication et de sa représentation publique. Le livret, rédigé selon toute vraisemblance par Louis de Cahusac, avait de quoi agacer les censeurs de l'époque : un parfum libertaire assumé, « Le bien suprême, c'est la liberté », et une critique à peine voilée de l'absolutisme, déjà affirmée dans le fait d'avoir supprimé le traditionnel prologue à la gloire du monarque régnant, consubstantiel à toute tragédie lyrique du XVIII ème. Comment expliquer un si long oubli par les générations ultérieures ? Les caractéristiques intrinsèques de cet opéra peuvent être avancées, alors que, paradoxalement, son sujet avait de quoi séduire. L'aridité du sujet : deux personnages singuliers, l'un, Alphise, s'écarte de sa mission royale pour se fragiliser dans un amour qu'elle sait contraire à la raison d'État, l'autre, Abaris, type même de l'anti héros, d'ascendance inconnue, vit une évolution psychologique inverse puisqu'il se révèle peu à peu à travers un parcours initiatique. Un objet magique, une flèche enchantée - matérialisé ici par la baguette du chef d'orchestre !- signale le substrat maçonnique de la pièce. On trouve ici bien des symptômes du déclin de l'opéra baroque et les signes avant coureurs du renouveau tel que Gluck va bientôt l'affirmer.

 

La musique de Rameau offre beaucoup surtout lorsque portée par l'élan que lui confère Marc Minkowski. Son orchestre est resplendissant : Les Musiciens du Louvre Grenoble prouvent encore, s'il en était besoin, leur suprématie dans ce répertoire. Il est passionnant de constater, à quelques jours d'intervalle, combien cet orchestre, tout comme celui des Arts Florissants, tiennent le haut du pavé pour servir Rameau. La battue du chef fait corps avec la musique. On admire ici une ferme assise dans la basse, qui livre toute la modernité de l'orchestration du dernier Rameau. L'art de couler la phrase également, et soudain de rompre le rythme par des syncopes aussi inattendues que vertigineuses. La couleur évocatrice des bois, encore, les bassons en particulier. Enfin, la manière de nimber les divertissements d'une grâce délicate ou au contraire d'une mâle vigueur comme pour l'épisode fameux « Orage, tonnerre et tremblement de terre » et la « Suite des vents » déchaînant la colère boréenne. Ces divertissements qui, par leur importance au fil de l'action, marquent l'invasion de la symphonie dans le discours chanté. Les danses joyeuses ont une pointe humoristique, comme ces contredanses prestes qui concluent chacun des actes. Minkowski nurse ses chœurs, magnifique Ensemble Aedes, et chacun de ses solistes, veillant à la rigueur de l'intonation et à la sobriété de la diction. Encore qu'il n'hésite pas à les faire s'exprimer avec véhémence dans les passages forte, ce qui contraste d'autant mieux les moments élégiaques. Julie Fuchs aborde le rôle d'Alphise avec une confondante autorité, aussi à l'aise dans les passages syllabiques de l'air «  Mon cœur entraîné par ma flamme » (I,1) que dans la déploration de « Songe affreux, image cruelle » (III,1). La résidence de la chanteuse à l'Opernhaus de Zürich porte ses fruits et on assiste à l'épanouissement d'un sûr talent. La déclamation, d'une vraie justesse de ton, est au service d'une vocalité inextinguible. Samuel Boden offre un portrait tout aussi accompli d'Abaris : timbre idéal de haute-contre à la française, force d'expression, comme dans l'air d'entrée « Charmes trop dangereux, malheureuse tendresse » (II, 1). La voix, lorsqu'à pleine puissance, est tendue comme un arc. Une aura intérieure émane de son chant. Le ténor Manuel Núnez- Camelino, la soprano Chloé Briot et un brelan de voix graves complètent une distribution sans faille. Un concert mémorable !

 

Jean-Pierre Robert.

 

Owen Wingrave ou l'opéra télévisuel

 

Benjamin BRITTEN : Owen Wingrave. Opéra en deux actes. Livret de Myfanwy Piper, d'après la nouvelle de Henry James. Ashley Riches, Allen Boxer, Chad Shelton, Orla Boylan, Katherine Broderick, Judith Howarth, Kitty Whately, Mark Le Brocq, Jules Casies Renaud, Titouan Lachaux. Chœur d'enfants du Conservatoire régional du Grand Nancy. Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, dir. Ryan McAdams. Mise en scène : Marie-Ève Signeyrole.

 


© Opéra National de Lorraine

 

Le pénultième opéra de Benjamin Britten, Owen Wingrave, est sans doute l'un de ses plus secrets. Et des plus originaux aussi. Conçu pour la télévision, où il fut donné par la BBC, le 16 mai 1971, il s'inspire de la nouvelle éponyme de Henry James. C'est la seconde fois que le compositeur anglais traite d'un sujet imaginé par le poète, le premier étant The Turn of the Screw (1954). Apparue dès les années 50, l'idée ne se concrétisera que vers 1967 et l'opéra sera le fruit d'un travail intense. Finalement peu satisfait du résultat sur le petit écran, Britten accueillera avec plus d'enthousiasme la création scénique à Covent Garden, en 1973. Le thème est celui de l'isolement de l'individu face à la multitude, ici la famille et le cercle qui l'entoure. Cette thématique de l'homme exclu et rejeté de tous est au cœur de plusieurs de ses œuvres lyriques, dont Peter Grimes et Billy Budd. Elle croise celle de l'antimilitarisme, autre sujet essentiel chez Britten, déjà évoqué dans le War Requiem (1963), qui trouve ici une résonance particulière. Sans parler du goût tout britannique pour les histoires de revenants. Owen, le dernier rejeton d'une famille dédiée à la cause militaire, ne veut plus embrasser cette carrière où tout le prédispose, et s'oppose fermement à son entourage au prix d'une lutte acharnée. L'opéra décrit un parcours mental pathétique puisqu'il mènera le héros jusqu'au sacrifice, ici demandé par sa propre amie Kate. Comme toujours Britten construit une trame serrée où musique et texte s'allient intimement, au point d'user du procédé de la simultanéité de scènes, et dresse une galerie de portraits saisissants. De cette pièce plutôt avare de péripéties, Marie-Eve Signeyrole propose un maelström d'idées. De nature à visualiser une folie collective proche, selon elle, d'un passage à tabac du personnage titre. Loin du manoir british de Paramore, nous sommes plongés dans un univers plus imaginaire que réel, essentiellement mouvant, fondu enchaîné enveloppant scènes et interludes dans un même continuum cinématographique, ce à quoi contribue grandement le dispositif tournant en forme de lanterne magique découvrant des horizons oniriques ou menaçants. Cette animation constante n'est pas dénuée de traits mordants (la salle de musculation toute virile qui ouvre l'opéra) et de fines références au monde insouciant de l'enfance. Surtout, la régie imbrique finement les événements actuels et la légende qui tourmente la famille des Wingrave, celle d'un enfant accusé de lâcheté pour avoir refusé de répondre au défi lancé par un camarade d'école, et frappé à mort par son père dans l'une des chambres de la demeure familiale, depuis lors considérée comme hantée. C'est dans cette même chambre qu'Owen sera convoqué pour se voir déshériter, et là encore qu'il mourra. La mise en scène crée un sentiment claustrophobe mêlant peur enfantine irrépressible et formidable pression sur le héros, celle d'une guerre familiale ouverte jusqu'à l'affrontement. Mais l'entêtement de son entourage, à deux exceptions près, l'instructeur Coyle et sa femme, renforce la détermination de l'exclu : l'intolérance appelle le sacrifice. Marie-Eve Signeyrole signe là indéniablement une lecture forte et inspirée.

 


© Opéra National de Lorraine

 

Le jeune chef américain Ryan McAdams se meut avec aisance dans cette partition complexe à la rythmique étrange, à la thématique très étudiée, introduisant des  associations sonores inouïes (trombone et piccolo pour signer les caractères du vieux général et de l'enfant meurtri), aux sonorités chambristes envoûtantes, parfois à la limite de l'elliptique (partie de harpe, cuivres) ; ce que l'Orchestre symphonique de Nancy assimile avec un bel aplomb. Une musique qui aux pire moments tragiques, de la Ballade ouvrant l'acte II, et de la dernière intervention du chœur d'enfants, « Sonnez, trompettes, Paramore va accueillir le malheur ! », sonne étonnamment presque joyeuse. L'engagement de la distribution parachève la réussite. Ashley Riches offre de Owen une figure jeune et sympathique dans sa douce mais inébranlable résolution à combattre des idéaux qu'il ne partage pas, pathétique à l'heure du dernier dialogue avec la bien aimée. Du camarade de promotion Lechmere, tout l'opposé d'Owen, Stuart Shelton trace un portrait peu flatteur dans son inconséquence et le refus de se remettre en question. Tout le contraire de l'instructeur Coyles, personnage un peu artiste et surtout lucide, fasciné, sous une apparence de froideur, par la résolution de son protégé à braver l'interdit, et gagné par la compassion. Dans le double rôle du Général Sir Philip Wingrave et du Narrateur, tout comme il en est dans The Turn of the Screw, de Peter Quint et du Narrateur, tous  conçus pour le ténor Peter Pears,  Mark Le Brocq, au look curieusement lisse, paraît un peu placide, du moins pour incarner la vindicte butée du vieux général, Pater familias omnipotent. Les rôles féminins sont admirablement chantés et habilement différenciés : Miss Wingrave, Orla Boylan, aussi excentrique qu'intransigeante, Mrs Julian, superbe Judith Howarth, l'amie gagnée par l'hystérie ambiante, et Mrs Coyle, Katherine Broderick, la première à s'interroger sur la motivation d'Owen et à se sentir mal à l'aise dans cet enfer. Kitty Whately confère au personnage de Kate, aussi obstinée à servir la cause que réellement aimante, toute son ambiguïté. 

 

Jean-Pierre Robert.

    

Le vaisseau Fantôme vu par La Fura dels Baus

 

Richard WAGNER : Der Fliegende Holländer. Opéra romantique en trois actes. Livret du compositeur. Simon Neal, Falk Struckmann, Magdelena Anna Hofmann, Tomislav Muzek, Luc Robert, Ève-Maud Hubeaux. Orchestre et Chœurs de l'Opéra de Lyon, dir. Kazushi Ono. Mise en scène : Alex Ollé / La Fura dels Baus.

 


Acte II © Jean-Louis Fernandez

 

On attendait avec impatience la vision portée par l'équipe de La Fura dels Baus sur Le Vaisseau Fantôme. Force est de dire qu'à l'aune des précédentes productions de ces imaginatifs fous de théâtre, elle est somme toute assez sage. Elle se veut partagée « entre légende et réalisme » affirme Alex Ollé. Et de se demander si au-delà de l'absolu d'une passion, de l'amour impossible si ce n'est dans la mort, il n'y a pas là une histoire très humaine de marchandage de sa propre fille par un homme avide. Deux idées force la sous tendent : l'omniprésence de l'univers marin qui fait fantasmer les esprits et engloutit les destins, et le misérabilisme de ces endroits reculés de l'Orient où sont envoyées les épaves rouillées de navires promises à la démolition. Comme toujours, l'imagerie est forte, hautement évocatrice de la tempête qui sévit dès l'Ouverture, où l'on voit la gigantesque proue d'un navire combattre une violente houle. Celui-ci s'échouera sur un banc de sable. D'abord inspecté par les hommes de Daland, au début du Ier acte, le vaisseau sera méthodiquement découpé dans sa super structure durant le II ème, pour offrir sa carcasse béante au III ème tandis que les ouvriers rejoints par leurs femmes fêtent une pause dans leur labeur harassant. La coque désossée s'évanouira au finale pour laisser l'océan reprendre ses droits et envahir l'entier plateau, engloutissant le Hollandais. Senta surnagera aux flots s'apaisant peu à peu. Alex Ollé s'offre quelques entorses avec les didascalies. Ainsi renonce-t-il à faire apparaître les marins à la fin du premier acte, tout comme dans les dernières pages, il se refuse à visualiser les autres personnages et la foule. L'unité décorative devient vite un carcan et la régie prisonnière d'une idée. Le surgissement du navire maudit est symbolisé par son ancre lâchée des cintres, mais le Hollandais apparait dans la même structure que celle du navire de Daland, ce qui crée la confusion. Surtout, l'animation occasionnée par le démantèlement de l'épave, qui sévit en contrepoint de l'action, en particulier pendant les divers duos au II acte, n'est pas suffisamment vécue pour être crédible. N'est pas Chéreau qui veut pour donner l'impression de mouvement là où l'action se réduit au dialogue entre deux personnages. La direction d'acteurs d'Ollé reste d'une grande discrétion quant au positionnement des quatre personnages principaux. Le réalisme s'impose en fin de compte, l'anecdote n'en étant pas exclue, tel le parasol planté sur la plage où les dames viennent laver les objet familiers.

 


Acte III © Jean-Louis Fernandez

 

L'interprétation de Kazushi Ono flatte le romantisme de l'œuvre plus qu'elle n'évoque la musique de l'avenir. Jouant l'œuvre sans coupure, il choisit de donner l'Ouverture de la version originale de 1841, qui se conclut par trois accords, et de finir l'opéra sur le thème de la Rédemption, emprunté à la version remaniée en 1860. Des tempos plutôt lents ne permettent pas toujours de faire émerger la dynamique qui doit entraîner ces pages hautes en couleurs et fortes de signification. Dès l'ouverture on le sent sur la retenue, et l'urgence manque. L'impact dramatique semble s'affaisser à maint endroit, duo entre le Hollandais et Daland, au I, entre Erik et Senta au II, voire même, plus loin, entre celle-ci et le Hollandais, ce qui est plus problématique. N'étaient quelques petites imprécisions dans les attaques, l'Orchestre de l'Opéra de Lyon répond bien, mais le feu s'empare rarement de la fosse d'orchestre. Les Chœurs, eux, s'en tirent avec brio, que ce soit celui des femmes, affairées à leur opération de nettoyage domestique sur la plage, et non à filer quoi que ce soit, ou ceux du dernier, curieusement transformés en joyeux festival de rites du sous continent indien avec jeux de mains chorégraphiés. Falk Struckmann domine la distribution. Voix de bronze, rompue aux grands rôles wagnériens jusqu'à Wotan, la plupart chantés sous la direction de Daniel Barenboim, il offre du capitaine Daland un portrait puissant et s'impose au risque de faire de l'ombre à ceux qui l'entourent. Le personnage est-il conscient de la chance que lui propose le Hollandais ou ne fait-il que saisir une opportunité ? L'étonnement et l'apparente discrétion de son attitude vis à vis du marin étranger autorise à se poser la question, un des points intéressants de la régie. L'image que Simon Neal donne du Hollandais est contrastée, plus sur la réserve que véhiculant l'angoisse. On le sent à la limite de ses moyens dans le monologue d'entrée et lors du duo central du II ème acte, et peu de charisme émane du personnage. Magdalena Anna Hofmann, Senta, est taxée par un rôle finalement assez délicat eu égard à sa tessiture terriblement tendue dans l'aigu. Le portrait est cependant saisissant : jeune et néanmoins déterminée. Si le Pilote de Luc Robert frôle l'inexistant, à sa décharge peu mis en valeur par la régie, le Erik de Tomislav Muzek, mitraillette à l'épaule, nul doute gardien chargé de faire régner l'ordre dans l'entreprise de démolition, est dans la norme bel cantiste du rôle.

 

Jean-Pierre Robert.

 

Rencontre inspirée

 


Renaud Capuçon & Khatia Buniatishvili / DR

 

Réunir deux solistes stars de leur instrument n'est pas toujours gage de réussite ! Rien de tel avec Renaud Capuçon et Khatia Buniatishvili. Le violoniste, désormais au zénith de son art, semble communiquer à sa partenaire ce sens de l'équilibre et ce geste d'autorité naturelle qui domptent la volcanique pianiste. Leur duo, qui n'en est plus à sa première apparition, depuis leur rencontre au festival de Lugano en 2008, sous la houlette de Martha Argerich, est déjà une affaire de superlatifs. Le programme conçu autour de la Sonate de Franck, réunissait encore Dvořák et Grieg. Les Quatre Pièces romantiques pour violon et piano, qui doivent leur origine à des miniatures pour trio, deux violons et alto, sont écrites par Dvořák en 1887. Ce sont des pièces lyriques contrastées. Notre duo les aborde avec tendresse et un brin de passion, à l'aune des séquences mesurées, « Cavatine », « Romance » et « Elégie », qu'entrecoupe en seconde position, un « Capriccio » en forme de scherzo emporté. La Troisième Sonate pour violon et piano op. 45 d'Edvard Grieg est sa dernière pièce de musique de chambre (1886). Peu jouée, elle découvre pourtant un univers sonore étonnant, empruntant notamment au folklore norvégien. Le fourmillement motivique n'a d'égal que la densité de l'écriture pour les deux instruments. Ce qui avec Capuçon et Buniatishvili prend un relief particulier, formidablement passionné dans ses mouvements extrêmes, presque sauvages dans leur accumulation de tension. L'« allegretto espressivo alla Romanza » médian s'épanche comme un Lied et se conclut sur un note filée du violon. Joyaux de la musique de chambre française, la Sonate en la majeur de Franck allie sens de la mélodie d'une sensibilité toute gallique et ce schéma cyclique qui flatte tant l'intellect. L'interprétation de Renaud Capuçon et de Khatia Buniatishvili est un modèle d'élégance et de musicalité. On ne sait qu'admirer le plus de ces phrases sinueuses du violon que la sonorité solaire de Renaud Capuçon nimbe d'une aura de raffinement, ou de la partie veloutée de piano, à laquelle le pianisme limpide de Khatia Buniatishvili, vraie main de velours, apporte un supplément d'âme. Le sentiment du juste équilibre, qui appert dès les premières notes, est renforcé par l'entente évidente qui règne dans ce partenariat. Chacun des quatre mouvements de cette géniale pièce découvrira des trésors : fraîcheur de l'opposition des deux thèmes de l'allegro initial, le premier pris ici justement « ben moderato », rythmique passionnée mais aussi lyrisme diaphane de l'allegro suivant, intimité de la séquence lente, émouvante à force d'introspection, enfin élan véhément du finale aux rebondissements attendus. Une vraie complicité autorise ici l'audace d'une prise de risques assumée, comme dans les turbulences de la Sonate de Grieg. Une interprétation vraiment inspirée. Trois généreux bis poursuivront cette rencontre au sommet, dont le Clair de lune de Debussy, miracle de poésie.

 

Jean-Pierre Robert.

 

La grande tradition de l'école russe

 


Guennadi Rozhdestvensky et Dimitri Chostakovitch / DR

 

Le grand chef russe Guennadi Rozhdestvensky qui  commença sa carrière dans les années 1950, est l'un des derniers représentants de la grande tradition russe. Il connut Chostakovitch auprès duquel il recueillera de précieuses indications d'interprétation. Ce qui fait tout le prix de l'exécution qu'il vient de donner de la Quinzième symphonie, à la tête de l'Orchestre de Paris, salle Pleyel. Cet ultime opus symphonique, créé à Moscou en 1972 par Maxime Chostakovitch, est énigmatique à plus d'un titre : procédé du collage de citations, empruntées qui à Rossini (Ouverture de Guillaume Tell), qui à Wagner (Leitmotive du Götterdämmerung et de Tristan und Isolde), diversité du matériau sonore, la tonalité jouxtant le dodécaphonsisme, et surtout économie de moyens à laquelle l'auteur n'avait jusqu'alors pas toujours habitué ses auditeurs. Rozhdestvensky en donne une exécution d'une envoûtante beauté. Gestuelle minimale, sans podium, le chef sculpte cet univers sonore de l'intérieur. Sa vision peut paraître austère, comparée à celle de son collègue Gergiev, car elle refuse tout effet théâtral et asservit l'insolite de tel ou tel trait à une vision plus globale, chargée qu'elle est d'une tension qui ne se relâche pas. Le pessimisme qui habite plus d'une page est comme objectivé, le chef ne cherchant pas à solliciter un texte qui parle de lui-même. Dans l'allegretto, l'humour ne le sera qu'au second degré, la fameuse fanfare rossinienne presque apprivoisée. La dynamique reste contenue, dans des limites strictes, tout débordement paraissant superflu. Le long adagio est comme étranglé de douleur et lorsqu'elle apparait, la déflagration sonore n'en est que plus forte. Le solo de violoncelle n'est qu'un épisode de ce qui participe d'une vaste méditation. Passé un scherzo allant, si original dans sa brièveté, Rozhdestvensky semble entrer dans le finale avec sérénité. Les rebondissements de ce mouvement, lui-même partagé entre séquences lentes et vives, sont volontairement non accentués, seul un grand climax marquant le signal de la désintégration du matériau des dernières pages, où la matière perd peu à peu de sa consistance pour conclure sur les seules percussions. L'orchestre répond avec ferveur, comme enivré par cette leçon d'orchestre, les solistes, violoncelle, violon flûte, trombone donnant le meilleur. Le concert avait débuté par deux œuvres méconnues du répertoire russe. Le Fragment de l'Apocalypse, op. 66, d'Anatoly Liadov (1855-1914) est un exemple de la manière symboliste russe, par ailleurs si bien illustrée par Scriabine. Un orchestre pléthorique y distille une narration serrée aux combinaisons sonores étranges. Alexandre Glazounov (1865-1936) a laissé un corpus abondant, comptant quelques huit symphonies, des ballets, plusieurs concertos, outre des pièces de chambre. Son Premier concerto pour piano, op. 92, offre bien des curiosités : deux mouvements seulement pour une durée confortable d'une demi heure, une partie soliste éprouvante par sa complexité, même si moins brillante qu'elle ne l'est dans les concertos de Rachmaninov. Viktoria Postnikova, la complice de toujours (et épouse) de Rozhdestvensky, le joue avec cette évidente maîtrise qui procure le sentiment de facilité. L'allegro moderato mêle deux modes, l'un pathétique, à la manière de Tchaïkovski, l'autre plus rythmé, presque primesautier par instant. Le second mouvement est une suite de variations sur un thème qui sera métamorphosé en des traits extrêmement différents, aux indications évocatrices, telles que « Chromatique », « Héroïque », « Intermezzo », « Mazurka »... On admire l'inventivité de l'écriture et de nouveau ce mélange de lyrisme et de rythmique vive dont Viktoria Postnikova se joue allégrement. L'orchestre fait plus que bonne figure grâce à la sûreté de la conduite du chef. En bis, Postnikova donnera une pièce de Liadov, dite la Tabatière à musique, miniature écrite sur le seul registre aigu du clavier, empreinte de cette pointe d'humour et d'une préciosité surannée typiquement russes. 

 

Jean-Pierre Robert.

 

Castor et Pollux : entre tradition et modernité.

 

Jean-Philippe RAMEAU : Castor et Pollux. Tragédie lyrique en cinq actes. Livret de Pierre-Joseph Bernard, dit Gentil-Bernard. John Tessier, Edwin Crossley-Mercer, Omo Bello, Michèle Losier, Jean Teitgen, Reinoud van Mechelem, Hasnaa Bennani, Marc Labonnette. Chorégraphie : Andonis Foniadakis. Le Concert Spirituel & Chœur du Concert Spirituel, dir. Hervé Niquet. Mise en scène : Christian Schiaretti.

 


© Vincent Pontet-Wikispectacle

 

Objet de toutes les querelles entre « Lullystes » et « Rameauneurs » en 1737, puis participant à la « Querelle de Bouffons » en 1754, opposant les tenants de l'opéra  moulé à la française aux partisans de l'opéra tissé à l'italienne, Castor et Pollux voit aujourd'hui toute querelle apaisée, puisqu'universellement reconnu comme une œuvre phare du compositeur français. Pièce maîtresse de la tragédie lyrique, genre musical spécifiquement français assurant la fusion entre ballet de cour et tragédie ballet, elle est l'équivalent de la grande tragédie classique dans le domaine musical. S'opposant point par point à l'opéra italien, la tragédie lyrique laisse une large place à la mélodie, à la prosodie, au récitatif chantant, préfigurant la mélodie continue de l'opéra wagnérien. Il existe deux versions de Castor & Pollux, la version initiale de 1737 et celle de 1754, plus concise, choisie pour cette première au Théâtre des Champs-Elysées. Hasard du calendrier, cette production est, en effet, la première exécution en version scénique de cet opéra depuis l'inauguration de la salle de l'avenue Montaigne, en 1913, et c'est heureux que cet évènement survienne justement en cette année Rameau où l'on célèbre le 250 ème anniversaire de la mort du compositeur. « Qu'on le veuille ou non, Rameau est une des bases les plus certaines de la musique et l'on peut sans crainte marcher dans le beau chemin qu'il traça » nous dit Debussy alias « Monsieur Croche ». Une qualité musicale jamais démentie caractérisée par un sens aigu de l'Harmonie où orchestre et chœur prennent une importance et une virtuosité jusque là inégalées. Génie de l'abstraction, Rameau manie avec dextérité, dans cette histoire mythologique de frères jumeaux, tout le langage des symboles rappelant ainsi son appartenance à la franc-maçonnerie. Il suffit d'en juger par la gravité de la quête des dieux dans leur souhait d'échapper à l'immortalité pour ressembler aux humains, solennelle quête célébrant le devoir, la fidélité, l'amour et le don de soi. On notera  également les symboles attachés aux personnages, Télaïre-Soleil, Phoebé-Lune, dualité féminine et masculine, couples en miroir, l'agissement se situant dans le couple Pollux-Phoebé, la passivité dans celui de Castor-Télaïre. Une quête doublée d'une intrigue amoureuse dessinant un véritable parcours initiatique avec mort symbolique du héros, descente aux enfers, séjour parmi les morts, renaissance et élévation à l'immortalité, terme du voyage astral. Le livret de Castor et Pollux nous raconte donc l'élévation cosmique des jumeaux, c'est-à-dire leur parcours exemplaire  vers la place de gardiens de la lumière la plus pure, position stellaire escortant le soleil à son zénith. Les deux jumeaux et Télaïre forment la triade Sagesse, Force et Beauté constituant les trois colonnes fondatrices de l'édifice maçonnique. Comme on le voit Castor et Pollux est une œuvre complexe susceptible d'initier différentes explications éso ou exotériques

 


© Vincent Pontet-Wikispectacle

 

Christian Schiaretti semble pour l'occasion s'être départi de toute composante politique, privilégiant une position plus intemporelle, à la fois formelle et élégante. Le choix de situer l'action dans un atrium dépouillé évoquant, en miroir, la salle du théâtre des Champs-Elysées est une excellente idée car établissant un contrat implicite entre cérémonie scénique et spectateur, majorant l'implication, abolissant le quatrième mur, éloignant tout vraisemblable, favorisant la mise en abime du spectateur. Une prise de conscience, une implication constamment soutenue par la musique et le verbe. La musique parfaitement servie par Le Concert Spirituel dirigé par la battue énergique et enthousiaste d'Hervé Niquet qui parvient à masquer par son engagement quelques défauts de justesse de son orchestre baroque ! Le verbe soutenu par la belle prosodie ramiste et la bonne diction de la majorité des chanteurs. Quant à la danse, élément indispensable de la tragédie lyrique, confiée au chorégraphe grec Andonis Foniadakis, elle est résolument moderne, au grand dam de certains. Parfois lassante car assez monomorphe, elle illustre le plus souvent de façon assez claire le propos et la marche de l'action. Son effet est globalement assez réussi, aidé en cela par une scénographie et des éclairages superbes. Enfin il convient de signaler l'excellence du Chœur dont chaque intervention est un modèle du genre en matière d'équilibre, de diction, de précision et d'émotion.

 


© Vincent Pontet-Wikispectacle

 

En revanche, c'est peut-être par les chanteurs et leurs performances vocales que le spectacle présente quelques faiblesses. Non pas tant par Télaïre que la chanteuse franco nigérienne Omo Bello interprète d'une belle façon, facile dans l'émission, timbre lumineux, solaire, nous gratifiant d'un magnifique « Tristes apprêts, pâles tombeaux » plein de dignité et d'élégance, que par les jumeaux Castor (John Tessier) et Pollux (Edwin Crossley-Mercer) dont la ligne de chant manque de tenue et dont les vocalises sont souvent approximatives. Jean Tessier manque d'assurance et de projection. Edwin Crossley-Mercer, à l'inverse, force sa voix. Quant à Michèle Losier, si son engagement scénique parvient à donner à Phoebé toute la fureur nécessaire, sa diction reste le plus souvent absconse et son chant puissant entaché d'un gênant vibrato. Parmi les seconds rôles signalons les excellentes prestations de Jean Teitgen (Jupiter), Reinoud van Mechelem (Spartiate), Hasnaa Bennani (Cléone) et Marc Labonnette (Grand Prêtre). En bref, une production, qui sans être mémorable, affiche une belle tenue et tient correctement sa place parmi les nombreuses compositions de Rameau proposées cette année.

 

Patrice Imbaud.

 

 

Lio Kuokman remporte le Concours International de chefs d'orchestre Evgeny Svetlanov. Retour sur la naissance d'un grand chef…

 


DR

 

Encore une magnifique soirée de concert boudée par le public parisien ! C'est à désespérer de tout : Deux créations françaises, un jeune chef, encore inconnu en France, lauréat d'un grand concours international, un violoniste parmi les plus talentueux du moment comme soliste, et une œuvre symphonique majeure pour conclure… Et pourtant, malgré un tel programme, une salle Pleyel désespérément vide. Qu'importe, les absents ont eu assurément tort !! A la baguette, Lio Kuokman, 33 ans, originaire de Macao, formé à Hong Kong, diplômé de la Julliard School, du Curtis Institute de Philadelphie et du New England Conservatory of Music. Actuellement chef assistant du Philadelphia Orchestra et dernier vainqueur du concours Svetlanov. Une étoile montante de la direction qui nous a séduit ce soir et que ne renierait pas le grand chef russe. Lui qui souhaitait, dans ses mémoires, que d'autres reprennent le flambeau, voilà chose faite, et de belle manière ! Une battue d'une rare élégance, un engagement de tous les instants, une intelligence de direction rendant la narration  claire et passionnante, une précision qui ne fut jamais prise en défaut et une complicité avec les musiciens qui lui vaudra les applaudissements de l'orchestre ! Deux créations françaises, la Rhapsodie n° 2 « juive » d'Evgeny Svetlanov (1928-2002) écrite en 1978, à la mémoire de Pantcho Vladigerov, compositeur bulgare d'origine juive. Une œuvre de belle facture mélodique reprenant des thèmes orientalisants, des éléments de musique traditionnelle juive, des accents klezmer, exprimant toute cette âme yiddish, mêlant complainte et danse. Une pièce dont on regrettera toutefois une certaine pauvreté dans l'orchestration, construite essentiellement sur une succession de longs solos faisant intervenir, tour à tour, tous les instruments de la petite harmonie. Quand on connaît le talent des instrumentistes comme Nicolas Baldeyrou à la clarinette, Olivier Doise au hautbois (et tous les autres) c'est peu dire que ce fut une véritable fête orchestrale, menée tambour battant, avec une précision métronomique par le chef chinois.

 

Deuxième création de cette mémorable soirée, le Concerto pour violon « les voix du violon » de Benjamin Youssoupov (*1962). Force est de reconnaitre qu'on est contraint d'émettre quelques réserves vis-à-vis de cette œuvre, certes originale, mais de peu d'intérêt. Décousue, rassemblant six parties virtuoses de violon, chacune dans un style différent, à la façon ancienne, irlandaise, indienne, tzigane, jazz ou encore romantique, reliées entre elles par des vagues de dissonances. Une véritable « salade composée » bien indigeste dont le pauvre Vadim Repin, dédicataire de l'œuvre, fut la première victime. Prenons donc cette composition pour ce qu'elle est, une succession d'exercices violonistiques, particulièrement virtuoses et exigeants dont Repin, assez éprouvé, par la durée et les difficultés techniques, se tira avec mérite et application. En deuxième partie, la Symphonie n° 5 de Dimitri Chostakovitch. Une œuvre majeure du répertoire symphonique composée en 1937, lors des grandes purges staliniennes. Chostakovitch avait composé, à cette époque, sa Quatrième symphonie. Toutefois après le scandale de Lady Macbeth de Mzensk et l'avertissement de la Pravda, il choisit de ne pas exécuter sa dernière composition qui pouvait encore choquer les dirigeants du parti. Il décida donc de faire amende honorable en composant la Symphonie n° 5, « réponse concrète et créative d'un artiste soviétique à de justes critiques ». Point n'est besoin d'être grand clerc pour comprendre l'ironie, le faux semblant et la fausse allégeance que représente cette œuvre. Véritable « Janus » musical, elle est en permanence sous-tendue par une ambigüité alliant repentance, fausse joie et  terreur. Ce qui fera dire au compositeur quelques années plus tard : «  la Cinquième, c'est comme si l'on vous frappait avec un bâton et que votre rôle soit de vous réjouir… » Une dualité que le jeune chef chinois, dirigeant sans partition, sut rendre parfaitement, dans une lecture assez lente, tendue et contrastée, digne de ses plus grands aînés, comme Haitink ou Jansons. Une souveraine et majestueuse lenteur ouvrit le premier mouvement avant que la noirceur n'apparaisse sur un rythme inéluctable. Le deuxième mouvement grinçant, burlesque et ironique fut un modèle du genre. Hautbois, clarinette et flûte donnèrent un peu d'air au troisième, avant que ne s'installe une ambiance de désolation, de requiem, tendue à l'extrême, s'égrenant sur quelques notes de harpe. Enfin le finale fut mené comme une formidable chevauchée avant de conclure, une fois encore, sur le drame et le recueillement. En bref, une formidable interprétation d'une intelligence rare qui sut conduire le « Philar » sur des sommets. Une très belle soirée pour « happy few ». Dommage ! Bravo messieurs !

 

Patrice Imbaud.

 

Soirée russe au Théâtre des Champs-Elysées

 


Vassily Zinaisky / DR

 

Une soirée russe au Théâtre des Champs-Elysées qui malgré l'intérêt du programme n'a pas réussi à attirer les foules avenue Montaigne. Et pourtant ce n'est pas tous les jours que l'on donne, sur une scène parisienne,  le Concerto pour violon de Glazounov et la Symphonie n° 2 de Rachmaninov, conduits par le chef russe, Vassily Zinaisky, directeur musical du Bolchoï de Moscou, avec Vadim Gluzman en soliste. Des œuvres magnifiques capables de consoler le « National » du départ prochain de son directeur musical, Daniele Gatti, nommé tout récemment à la tête du Concertgebouw d'Amsterdam. En première partie, après La Vie parisienne d'Offenbach, en ouverture, le Concerto pour violon et orchestre de Glazounov (1865-1936) composé en 1905 et crée la même année par Leopold Auer, à Saint Pétersbourg sur le violon joué ce soir par Vadim Gluzman ! (Stradivarius 1690). Le violoniste russe en donna une lecture lumineuse, lyrique et virtuose, avec une facilité déconcertante, presque détaché, souriant et jetant régulièrement à Vassily Zinaisky des regards à la fois ironiques et complices qui n'éviteront pas quelques décalages de l'orchestre. En seconde partie, la sublime Symphonie n° 2 de Rachmaninov. Une composition d'une extrême richesse thématique, à elle seule capable de faire mentir tous ceux qui ne voient en Rachmaninov qu'un pianiste…Une œuvre composée à Dresde en 1907, créée à Saint Pétersbourg en 1908, dense, riche en thèmes et en couleurs. Bâtie sur un principe cyclique, elle correspond à une période d'épanouissement créateur du compositeur, contemporaine de l'Ile des Morts et du Troisième concerto pour piano. Vassily Zinaisky, une fois encore, en proposa une interprétation limpide, parfaitement cadrée où l'on regrettera parfois un manque d'équilibre dû à l'importance exagérée donnée aux cuivres, parfois un peu flottants…au détriment d'une petite harmonie qui fut, comme à son habitude, irréprochable! Belle soirée !

 

Patrice Imbaud.

 

 

Sage nuit américaine à Aix-les-bains

 


Johan Farjot / DR

 

Certes, Gershwin n'a eu de cesse, sa vie durant, de faire en sorte d'être considéré comme un grand compositeur classique… On se souvient de l'épisode lors duquel il demanda à Ravel des conseils, que celui-ci refusa de lui donner, sous le prétexte que George gagnait mieux sa vie que lui-même ! Cependant son originalité ne tient-elle pas précisément à ce mélange bien dosé de jazz et d'écriture « académique » ? Les œuvres du grand compositeur américain données le 4 octobre à la Salle des Congrès d'Aix-les-bains par l'orchestre Jan Talich de Prague, dans le cadre du festival des Nuits romantiques, avaient ce « léché », cette propreté qui aseptise légèrement, au détriment de la fantaisie. Bravo à Johan Farjot pour cette direction, pour la fluidité de ses gestes. L'orchestration extraordinaire de Gershwin pour Un américain à Paris ne pouvait qu'être mise en valeur grâce à ce travail de précision et de justesse de l'orchestre. Mais pardon, je préfèrerais un peu de gouaille, d'humour pour ces œuvres merveilleuses, plutôt qu'une réalisation « Karajanesque ».. Vous n'en manquez sûrement pas, comme vous l'avez prouvé par instants lorsque vous étiez au piano. Piano dont on a d'ailleurs profité surtout à ce moment-là, alors que les arrangements des deux standards (dont I got rythm) lui laissaient la part belle, sans le couvrir totalement. Par contre dans la Rhapsody in blue, le son du piano de David Bismuth ne faisait pas le poids… Acoustique de la salle ? Son trop important des cuivres, il m'a manqué très franchement le brillant du soliste, comme si, dans un enregistrement de CD, on avait raté la balance ! Je suis d'autant plus déçu que l'interprétation de David Bismuth paraissait sans faille. Un peu trop aussi sans doute ! Qu'on se souvienne des circonstances de la création de l'œuvre, le 12 février 1924, alors que la partition n'était pas écrite, et que Gershwin improvisait tous les soli. Comment, à l'heure de youtube, peut-on encore interpréter la gamme initiale ascendante et surtout descendante de la rhapsodie de cette manière ? Qu'on aille entendre le clarinettiste Ross Gorman dans le premier enregistrement original (du 10 juin 1924) http://www.youtube.com/watch?v=hAotqPCBRFs et l'on se rendra compte de la véritable verve de cette introduction, (un éclat de rire, pas un trait d'orchestre !), et de l'humour de toute la pièce ! En un mot, que ce soit dans ces pièces, comme dans la suite de Porgy and Bess, nous avons eu une belle interprétation, bien méritante. Mais, comment dire ? Pas assez américaine ! Oh Léonard, comme tu nous manques !

Philippe Morant.

 

Sébastien Llinares, ou le renouveau de la guitare classique

 

 


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A l'occasion de la sortie de son dernier album «Soliloque », le guitariste Sébastien Llinares a offert un superbe concert dans la mythique salle Cortot à l'École Normale Supérieure de Musique de Paris. En compagnie du guitariste Nicolas Lestoquoy, de la violoncelliste Maitane Sébastian, de la soprano Elise Chauvin, il a interprété des œuvres d'Henri Sauguet, Pierre Wissmer, Francis Poulenc, Éric Pénicaud, Dominique Preschez et une transcription subtile qu'il a écrite des trois fameuses « Gnossiennes » d'Éric Satie. Sébastien Llinares, d'origine espagnole, est né en 1978 à Toulouse. Après une formation classique, des études de musicologie et de jazz, il est remarqué à l'Académie Internationale de Musique de Cagliari (Sardaigne) où il obtient une bourse d'étude lui permettant d'intégrer la classe de Rafael Andia à l'École Normale Supérieure de Musique de Paris. En soliste, il se produit régulièrement en récital en France et à l'étranger. En compagnie du guitariste Nicolas Lestoquoy, il crée le Duo Mélisande avec lequel il joue notamment une adaptation pour deux guitares des célèbres Variations Goldberg de Bach. Passionné par l'écriture, il compose ou transcrit des pièces inédites pour son instrument, qu'il crée en France et en Europe à l'occasion de concerts, de performances ou d'installations sonores. Il intervient pour la Fondation Cartier pour l'art contemporain, La Cité de la Musique à Paris, le Théâtre Garonne, les festivals Printemps de septembre et Siestes électroniques à Toulouse, le Lieu Unique à Nantes et les festivals belges City Sonics et Empreintes Numériques. Outre ses concerts, il enseigne au Conservatoire Éric Satie du 7e arrondissement de Paris et tient également une classe au Conservatoire International de Musique de Paris. Avec une technique à toute épreuve et un son assez impressionnant, il se joua des difficultés des compositions interprétées. Tout paraissait facile à le regarder jouer. Le duo qu'il forme avec Nicolas Lestoquoy, pour  interpréter « Rittrato del Poeta » ou « Prestilagoyana » de Pierre Wissmer, compositeur contemporain, était un bel exemple de cette fluidité dans son jeu. Sébastien Llinares est à placer parmi les grands interprètes de cet instrument si difficile à maîtriser. Le renouveau de la guitare classique est en marche.

 

On peut trouver trois disques qu'il a enregistrés : « Soliloque » - consacré à la musique française du 20e siècle – « Variations Goldberg » de Jean Sébastien Bach - transcription pour deux guitares avec Nicolas Lestoquoy – « Œuvres pour Guitare Solo » de Joaquin Turina (disques Paraty distribué par Harmonia Mundi).

 

 

Stéphane Loison.

 

Muza Rubackyte, « Joie et lumière »

 

 


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La pianiste franco-lituanienne Muza Rubackyte a donné un concert sous forme d'un poème lyrique, dit le programme, une « ode à la joie » guidée par Bach, Beethoven et Liszt. Le public était conquis d'avance. Dans une  salle Gaveau comble, la plupart des personnes présentes parlaient une langue incompréhensible à nos oreilles. Il y aurait donc une belle colonie lituanienne à Paris !  L'État Lituanien a reconnu à plusieurs reprises le rôle important de cette pianiste dans la promotion de la culture lituanienne. Après avoir terminé ses études au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, Muza Rubackyte est lauréate du fameux concours All Union à Saint-Pétersbourg, qui élit les meilleurs musiciens d'Union Soviétique. Elle remporte en 1981 le Grand Prix du Concours international de piano de Budapest Liszt-Bartók. Elle entre alors dans la résistance lituanienne, ce qui lui vaut d'être privée de passeport jusqu'en 1989, date à laquelle elle peut quitter I'URSS. En 1989, elle remporte à Paris le Premier Prix de Piano au Concours international Les Grands Maîtres Français de l'association Triptyque, créée par Ravel, Dukas et Roussel. Depuis, elle connaît une très belle carrière internationale. En 2004 elle enregistre une superbe intégrale des « Années de Pèlerinage » de Franz Liszt. Ce compositeur l'inspire et son interprétation, en première partie du concert, d'un extrait des « Années de Pèlerinage - Italie », « Venetia e Napoli » : Gondoliera, Canzona, Tarantella, était époustouflant de maîtrise. Les deux sonates de Beethoven, n°18 et n° 31, par contre, posaient un petit problème. Tout semblait parfait en termes d'exécution pianistique mais dans la première, la main droite manquait d'énergie, surtout dans le presto et fuoco. La sonate s'appelle « La chasse » et demande une force et une bravoure peu communes. On ne peut lui en tenir rigueur, c'était le début du concert et il lui fallait se chauffer avant d'attaquer le Liszt. La technique solide ne suffit pas. Son interprétation des deux sonates était assez erratique. C'est avec les sonates de Beethoven qu'on reconnaît les très grands pianistes et les bons. Avec la chaconne de Bach / Busoni et les deux bis, Muza Rubackyte se sentait plus à l'aise : la transcription de la « Mort d'Isolde » par Liszt avait toute la poésie nécessaire. Qu'importe, le public lui fit une ovation. Que demander de plus.

 

Stéphane Loison.

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L'EDITION MUSICALE

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FORMATION MUSICALE

 

Marie-Alice CHARRITAT : La Théorie de la musique. Lemoine : 29142HL.

Récompensée par le prix SACEM de la partition pédagogique en 2013, M.-A. Charritat se livre à un exercice plutôt difficile : intéresser petits et grands avec ce qui est le plus souvent considéré comme l'épouvantail de la Formation Musicale. Cette « théorie » possède le grand mérite d'être claire, divisée en quatre parties : écriture, rythmes et mesures, mélodie – harmonie, genres et formes de la musique. Il faudra bien sûr faire découvrir ces quatre parties concurremment et non successivement ! Nous sommes à l'opposé du « catéchisme » par questions et réponses qu'ont été certaines Théories. On pourra toujours critiquer certaines simplifications, mais il était bien difficile de dire autant de choses en si peu de pages… Bref, l'ensemble est réussi et pourra constituer la base d'un enseignement vivant et nourri de musique de cette « théorie » si redoutée des élèves.

 

 

 

CHANT CHORAL

 

Gérard HILPIPRE : Magnificat pour soprano solo et chœur mixte (SSATB) a cappella. Delatour : DLT2365.

Cette œuvre demande qu'on respecte fidèlement la nomenclature. Les trois voix de femmes peuvent être chantées par des voix d'enfant. Classique dans sa structure, ce Magnificat est pleinement contemporain, au meilleur sens du terme, par son écriture qui mêle avec bonheur « nova et vetera ». Assez difficile, il est caractérisé par la rigueur du style en même temps que par une liberté harmonique au service de l'expression.

 

 

Dominique RITTER : Ubi Caritas pour chœur mixte SATB, flûte et orgue. Compositeurs Alsaciens Volume 34. Delatour : DLT2403.

De moyenne difficulté et ne demandant pas un orgue trop conséquent, cette œuvre est une sorte de paraphrase de la mélodie grégorienne entrecoupée de passages instrumentaux où la flûte joue quasiment le rôle d'un ange exaltant le message d'amour qui se dégage de toute l'œuvre : « Là où sont charité et amour, Dieu est là »…

 

 

 

Yves CASTAGNET : O salutaris pour chœur mixte (SATB) a cappella. Symetrie : ISMN 979-0-2318-0764-6.

On connait les talents d'organiste concertiste et accompagnateur d'Yves Castagnet. Le compositeur mérite, lui aussi, d'être connu. Se déroulant comme un choral dans des harmonies délicates, cette pièce peut être chantée à la messe pendant la communion mais trouvera plus légitimement encore sa place au Salut du Saint Sacrement. Et bien sûr, elle peut aussi être chantée en concert ! Elle demande plutôt un ensemble vocal qu'un grand chœur. Simple et belle, souhaitons-lui beaucoup de succès.

 

 

 

 

 

 

 

CHANT

 

Gérard HILPIPRE : Rilke-Lieder pour soprano et orchestre à cordes. Delatour : DLT2223.

Ce cycle de quatre lieder écrit en 1997 est composé à partir, dans les deux premiers lieder, de longs extraits de la première des Elégies de Duino (1922) et de deux Sonnets à Orphée, également de 1922, de Rainer-Maria Rilke. Toute la musicalité de la poésie de Rilke se trouve en parfaite harmonie avec le discours orchestral. L'ensemble est d'une grande beauté. On pourra facilement en juger par l'enregistrement disponible sur le site de l'éditeur.

 

 

ORGUE

 

Johannes BRAHMS – Paul STERNE : Symphony N° 4 in E minor pour orgue. Delatour : DLT2393.

Plus que d'une transcription, il s'agit d'une réinterprétation de cette œuvre dans le langage et avec les moyens propres de l'orgue. Le transcripteur précise bien qu'il ne faudra en aucun cas imiter l'orchestre « que ce soit par les phrasés, les tempi, ou par la registration. ». Quoi qu'il en soit, cette réinterprétation est vraiment passionnante.

 

 

Gérard HILPIPRE : Deuxième symphonie pour orgue. Delatour : DLT2412.

Ecrite en hommage à Albert Schweitzer, dont le nom apparaît à maints endroits selon le système de notation habituel, cette œuvre monumentale demande un instrument qui puisse soutenir cette écriture foisonnante et haute en couleurs. Fort sagement, l'auteur s'en remet à la sagacité de l'organiste pour adapter sa registration au matériel sonore dont il dispose. Les organistes apprécieront cette confiance qui vaut mieux qu'une registration ultra-précise, mais valable seulement pour l'instrument de l'auteur. Un auteur, d'ailleurs, n'est pas toujours fidèle à ses propres indications : il n'est que d'écouter Messiaen interpréter ses propres œuvres sur l'instrument pour lequel elles ont été écrites pour s'en rendre compte…

Deux grandes parties se succèdent, comportant chacune des facettes fort variées. C'est donc un monument à visiter de toute urgence !

 

 

Daniel ROTH : UT,RE, MI… Fantaisie sur l'hymne à Saint Jean le Baptiste pour Grand Orgue. Organistes Alsaciens Volume 30. Delatour : DLT2425.

Il s'agit certes d'une fantaisie, mais au sens où Bach pouvait en écrire. La théologie est présente à chaque note de cette œuvre et ce n'est pas un hasard si deux citations textuelles se trouvent dans le corps de l'œuvre, celle de la deuxième strophe de l'hymne, et celle de l'incipit du Cantique de Zacharie. Mais le propos est explicité par l'auteur lui-même sur une quatrième de couverture qu'il faudra bien se garder de négliger. Si la théologie est présente, la musique ne l'est pas moins et c'est une bien belle œuvre que nous offre Daniel Roth.

 

 

Jean-Jacques WERNER : Sur une rive du fleuve Ogooué  pour flûte piccolo et orgue ou piano. Compositeurs Alsaciens Volume 33. Delatour : DLT2402.

Ecrite en hommage à Albert Schweitzer pour le centenaire de son arrivée à Lambaréné en 1913, cette pièce marie les envolées lyriques de la flûte piccolo, allant parfois jusqu'à la stridence avec les sonorités profondes de l'orgue (ou du piano). « Ombre et lumière se disputent leur place au soleil tel que Schweitzer l'évoque dans la nombreuse correspondance relatant sa vie en terre africaine. »

 

 

 

PIANO

 

Antoine REICHA : Grande sonate en ut. Edition Michaël Bulley. Symétrie : ISMN 979-0-2318-0760-8

Après la Grande sonate en mib, voici cette Grande sonate en ut établie également à partir de la seule source existante, le manuscrit Ms 2498 de la Bibliothèque Nationale de France. Il est heureux qu'on redécouvre à travers ces parutions ce compositeur trop longtemps méconnu. L'édition proposée ici est claire et agréable à lire et par conséquent à travailler.

 

 

Christine MARTY-LEJON : 4 cartes postales. Volume 2 pour piano. 1er cycle-2ème année, 1er cycle-3ème année. Soldano : ES 1051. http://www.partition-soldano.fr/

L'Inde, la Dalmatie, la Californie, Prague, autant de courtes images aussi variées qu'intéressantes qui peuvent, en plus de leur charme intrinsèque, donner lieu à des « écoutes complémentaires » bien enrichissantes. On admirera l'habileté avec laquelle l'auteur a su saisir le style, l'ambiance de ces différents pays. On peut écouter l'intégrale sur le site de l'éditeur.

 

 

 

Alireza MASHAYEKHI : Avec Chopin  pour piano. Op. 130. Delatour : DLT2315.

Cette œuvre techniquement difficile est issue de la vision multiculturelle de ce compositeur iranien. Composée à partir de citations de Chopin souvent revisitées et de citations de sa propre musique, elle illustre ce métissage si prôné en notre temps. On pourra l'écouter intégralement sur le site de l'éditeur.

 

 

Alireza MASHAYEKHI : Moments  pour piano. Op. 119. Delatour : DLT2317.

Ces quinze courtes pièces peuvent aussi bien ponctuer le parcours d'un élève de premier cycle qu'être données en récital. C'est très volontairement que le compositeur a pris cette forme courte afin d'inciter les jeunes compositeurs à les pratiquer. Très variées, elles peuvent être interprétées soit séparément soit comme un tout.

 

 

 

GUITARE

 

Hervé BOULET : Romance pour une Orchidée, pièce pour guitare. Elémentaire. Lafitan : P.L.2725.

Cette charmante romance ne manque pas de caractère. Une première partie en mi mineur nous expose un thème dans un 2/4 caractérisé tandis qu'une seconde partie en sol mineur offre une grande souplesse rythmique, arpégeant des accords un peu nostalgiques.

 

 

Jean-Max FRÉZIGNAC : La danse de Séléné, pièce pour guitare. Fin du 1er cycle. Lafitan : P.L.2724.

Le mouvement est « Andante amoroso » : c'est tout un programme ! Il n'empêche que cette danse ne manque cependant ni de rythme ni de piquant. La partie médiane déroule sur un rythme obstiné une mélodie joliment décalée qui risque de donner un peu de mal à l'interprète… Mais cela fait partie du charme de cette pièce !

 

 

 

ACCORDEON

 

Fabrice TOUCHARD : Le sourire de Marine, pièce pour accordéon. Débutant. Lafitan : P.L.2711.

Une jolie mélodie et une basse chromatique forment un ensemble tout à fait séduisant. Le la mineur rend le tout un peu nostalgique. C'est un sourire, certes, quoiqu'un peu mélancolique mais si joli !

 

 

 

Jean-Michel TROTOUX : Comme une Java, pièce pour accordéon. Elémentaire. Lafitan : P.L.2780.

Mais c'est une java ! Et bien dans l'esprit et l'atmosphère… Nul doute que le jeune interprète ne prenne beaucoup de plaisir à interpréter cette jolie pièce. Mais on peut craindre que lors d'une audition, l'assistance ne se lève pour danser… la java !

 

 

 

Jean-Michel TROTOUX : Manouche I Vago. Pièce pour accordéon. Elémentaire. Lafitan : P.L.2781.

Si le jazz manouche est à l'honneur à la guitare, pourquoi le style manouche ne s'épanouirait-il pas aussi à l'accordéon ? On trouve dans cette pièce variée et fort agréable toute les caractéristiques de cette musique si attachante. Il faudra bien faire ressortir les différents plans sonores. A l'interprète de prouver qu'il sent cette musique à l'ambiance si particulière.

 

 

 

VIOLON

 

Alain QUERLEUX : Souvenirs d'Hendaye. Air varié pour violon solo (ou flûte ou hautbois solo). Sempre più : SP0119.

Varié, cet air l'est vraiment, et de bien agréable manière. Ternaire et binaire s'enchainent avec bonheur sur des airs plaisants et bien typés. Mais il faudra quand même le réserver au second cycle.

 

 

 

Marco PÜTZ : Lover's grief & happy end  pour violon et piano. Deuxième cycle. Sempre più : SP0142.

Chagrin d'amour… ne dure que le temps d'une pièce, puisque la deuxième nous propose un heureux dénouement. Ces deux jolies pièces sont évidemment contrastées : si la première est mélancolique à souhait, l'autre se déploie dans un tempo endiablé même si la partie médiane, beaucoup plus calme, exprime dans un rythme de sicilienne beaucoup de tendresse. Bref, on ne s'ennuie pas avec ces charmantes œuvrettes.

 

 

Christine MARTY-LEJON : Les lumières d'Acapulco  pour violon et piano. 1er cycle-4ème année, 2ème cycle-1ère année. Soldano : ES 624.  http://www.partition-soldano.fr/index.php

On ne s'ennuie pas non plus à écouter cette pièce « caractéristique » : le site de l'éditeur nous en propose une vidéo tout à fait convaincante par une artiste en herbe pleine de promesses. C'est de l'excellente musique remplie de charme et d'intérêt.

 

 

 

Bruno ROSSIGNOL : La meunière a neuf écus  pour violon et piano. Assez facile. Delatour : DLT2386.

Inspirée d'une chanson catalane La molièra qu'a nau escuts, cette pièce très entrainante en développe fort agréablement le thème qui passe du violon au piano, faisant de celui-ci un acteur à part entière. Les deux interprètes devraient y trouver beaucoup de plaisir.

 

 

 

 

VIOLONCELLE

 

Jean CRAS : Largo en fa # mineur pour violoncelle et piano. Symétrie : ISMN 979-0-2318-0389-1

D'abord, remercions les éditions Symétrie pour tout le travail de publication des œuvres de Jean Cras, tant pour les textes que pour les partitions. Ce Largo existe également en versions alto et piano et violon et piano, toutes certainement réalisées ou approuvées par l'auteur. Il s'agit d'un inédit, créé en 1934 et recréé lors de la Folle Journée de Nantes en 2013 par Raphaël Pidoux et Vincent Coq. Souhaitons qu'il fasse maintenant partie du répertoire de beaucoup. On peut en écouter un extrait sur le site de l'éditeur.

 

 

 

Frédéric BORSARELLO : Les cahiers du violoncelle  Volume 1.1 vol. 1 DVD. Sempre più : SP0069.

Voici une méthode de violoncelle bien sympathique ne serait-ce qu'à cause du DVD qui l'accompagne et qui constitue une véritable initiation à l'instrument. Après une présentation du violoncelle suivent les présentations des exercices et les secondes voix des petits duos proposés, le tout par un pédagogue passionné de musique et de son instrument. Il s'agit d'une très intéressante réalisation.

 

 

 

Frédéric BORSARELLO : De l'océan à la mare. Deux pièces pour violoncelle et piano. Harmonisation : Alain Bernaud. Sempre più : SP0083.

Alain le pingouin et Lucien le batracien feront certainement la joie des jeunes violoncellistes. L'accompagnement, plein d'humour et de délicatesse, contribue au charme de ces deux pièces destinées au premier cycle. On peut en écouter un extrait sur le site de l'éditeur.

 

 

 

FLÛTE

 

Gérard HILPIPRE : Trois incantations pour flûte seule. Delatour : DLT2222.

Précisons tout de suite que la première de ces incantations est écrite pour flûte alto en sol. Ces trois pièces, même si elles peuvent être données séparément forment un tout. Elles explorent avec bonheur le caractère poétique et quasi magique que peut revêtir l'instrument. Si le langage est contemporain, la poésie qui s'en dégage n'a pas d'âge. Ce côté « exploration » fait que ces pièces, même si ce n'est pas leur destination première, peuvent constituer de remarquables morceaux d'étude car, bien qu'assez difficiles, ce ne sont pas des pièces de virtuosité mais de recherche de son, de souffle, d'articulation et de phrasé.

 

 

 

Sophie Lacaze : L'espace et la flûte. Variations sur des textes de Jean Tardieu pour récitant et ensemble de flûtes. Delatour : DLT2440.

Composée à l'intention de Pierre-Yves Artaud, de l'Orchestre de Flûtes Français, et d'Alain Carré, cette œuvre a été créée en 2010 par les dédicataires sons la direction de Paul Méfano. Il s'agit d'une sorte de méditation sur les très beaux textes de Jean Tardieu. On pourra juger du résultat en écoutant l'œuvre dans son intégralité sur le site de l'éditeur (ou directement sur YouTube).

 

 

 

CLARINETTE

 

JANÁČEK : Sonate pour clarinette et piano d'après la sonate pour violon et piano. Arrangement de Shirley Brill. Bärenreiter : BA 9581.

Après avoir été longtemps considérés comme un péché capital, les transcriptions et arrangements ont retrouvé la faveur des instrumentistes et des mélomanes. Ne nous en plaignons pas. Cette œuvre profondément lyrique et belle est admirablement servie par cette adaptation réalisée par la clarinettiste israélienne Shirley Brill. S'il faut parler d'arrangement  et non de transcription, c'est qu'il a fallu parfois modifier la partie de piano. Mais il est des cas où la fidélité à l'esprit consiste à modifier la lettre…

 

 

 

TROMPETTE

 

André TELMAN : Au centre du cataclysme pour trompette ou trompette basse en mi bémol et piano. Lafitan : P.L.2786.

Attention, la partition est bien écrite pour trompette en mi bémol. De niveau supérieur, cette pièce est autant une pièce de concert qu'une pièce pédagogique. Elle fait appel à toutes les possibilités rythmiques et expressives de l'instrument. A un début assez calme mais tragique succède ce qu'on pourrait appeler un « presto furioso ». Un certain retour au calme s'opère dans les dernières mesures. L'ensemble est plein d'une passion qu'on peut dire, à juste titre, cataclysmique.

 

 

 

TROMBONE

 

Max MÉREAUX : Feuille d'automne pour trombone et piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.2735.

Le rythme berceur à 12/8 évoque bien une atmosphère d'automne. Promenade en forêt où en longeant un canal ? Qu'importe : les images jailliront facilement dans la tête des interprètes de cette très jolie pièce habilement construite. Il y a beaucoup de charme dans cette musique simple mais pas du tout simplette !

 

 

 

COR

 

Pascal SAINT-LEGER : Nostalgia pour cor en fa ou mib et piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.2761.

Voici une bien jolie nostalgie : les ambiances se succèdent : valse, swing… La nostalgie n'engendre pas la mélancolie et les deux partenaires, piano et cor, prendront certainement beaucoup de plaisir à ce dialogue plein de charme et d'humour.

 

 

 

SAXHORN/EUPHONIUM/TUBA

 

Rémi MAUPETIT : L'horloge magique pour saxhorn basse/euphonium/tuba et piano. Débutant. Lafitan : P.L.2768.

Pendant la plus grande partie de la pièce, sous le chant délicat du saxhorn, le piano égrène un tictac qui fait plus penser à une montre qu'à une horloge, mais qu'importe : l'ensemble est plein de charme, la mélodie fort agréable. Les deux partenaires devraient trouver beaucoup de charme à cette manière de passer le temps…

 

 

 

PERCUSSION

 

Max MÉREAUX : Chant d'ailleurs pour caisse claire et piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.2721.

Ce n'est pas vraiment la partie de caisse claire qui est « d'ailleurs » mais bien plutôt la partie de piano, construite sur des quartes et des gammes modales, le tout avec des rythmes syncopés un peu dépaysants. L'ensemble est intéressant mais donnera certainement du fil à retordre aux interprètes !

 

 

 

Sylvie REYNAERT : Marimbalès. 7 duos pour timbales et marimba. Dhalmann : FD0436.

Ces sept petits duos, dotés chacun d'un titre humoristique. La musique en est très agréable, très « carrée » et elle plaira beaucoup aux cycles 1 et début de cycle 2 à qui elle est destinée.

 

 

 

QUATUOR BEAT (Gabriel Benlolo, Aurélien Carsalade, Laurent Fraiche, Jérome Guicherd) : Kromo-Jungle. Quatuor de percussion. Dhalmann : FD0420.

Cette pièce assez difficile sort en quelque sorte du silence où chaque instrumentiste intervient séparément, puis elle s'épanouit peu à peu dans un rythme obstiné pour se terminer par un ffff paroxystique. Il y a dans cette œuvre jubilatoire un dynamisme fou.

 

 

ORATORIO

 

George Friedrich HÄNDEL : Solomon. Voix et piano. Urtext. Bärenreiter : BA 10 709-90.

Précisons immédiatement que le conducteur et le matériel d'orchestre sont publiés parallèlement. Comme toujours dans ces publications, la préface est particulièrement soignée et intéressante. Celle de Hans Dieter Clausen ne faillit pas à cette tradition. On appréciera également la pertinence et la clarté de la réduction au piano d'Andreas Köhs.

 

 

 

Daniel Blackstone.

 

BASSON ET PIANO

Ivan JEVTIC : Sonate pour basson et piano, LE CHANT DU MONDE (www.chantdumonde.com  ), BP4706,  Piano : 27 p. (non paginées à partir de la p. 3) (+ partie basson, 7 p.).

Ivan Jevtic, élève d'O. Messiaen à Paris et d'Alfred Uhl à Vienne, privilégie beaucoup la musique de chambre. Sa Sonate pour basson et piano (Paris, Belgrade, 2005) est, au début, de caractère enjoué. Structurée en 3 mouvements contrastants :  Allegro con spirito-Maestoso-Allegro strepitoso, elle exige du basson une bonne maîtrise du staccato, mais aussi du jeu lié (traits de triolets de croches et quintolets très chromatiques) mettant la mélodie en valeur, et, du piano, une indépendance des deux mains, la précision dans l'alternance et une grande virtuosité (batteries de triples-croches, notamment). Quant aux deux interprètes, ils doivent respecter impérativement les phrasés et faire preuve d'une belle connivence.

 

FLÜTES A BEC

Guy MIAILLE : Premières musiques d'ensemble. « Entrons dans la danse ». 19 canons pour flûtes à bec (autres instruments mélodiques). Flûtes seules. Livre d'accompagnement. Santilly, Éditions Les Escholiers (17 rue du Bois, 28310 SANTILLY) gmiv.esg@wanadoo.fr , 2014 (+ CD encarté). ESG EDLD. GM. Vol. 1 (24 p.) : 5 €, Vol. 2 (41 p.) : 18 €.

Grâce à son écriture en canon (même thème, entrées successives), ce recueil permettra aux débutants d'interpréter rapidement des morceaux polyphoniques, de caractères variés, avec titres de danses (Musette, Habanera, Farandole…) et accrocheurs : Pas chinois…, Sérénade mexicaine…, Menuet rustique…. L'accompagnement est assuré au clavecin ou au piano. Dans la première série, sont mises en jeu cinq notes : Sol La Si Do . La seconde prévoit un ajout de notes graves Do Ré Mi Fa#. Chaque pièce tient sur une page. Les mélodies chatoyantes sont agréables à entendre. La partie supérieure est interprétée par la flûte à bec soprano (pour les pièces suivantes : flûte à bec alto, puis ténor). Guy Miaille — avec un indéniable sens pédagogique et pratique — permet ainsi aux enfants, même très jeunes, de réaliser un programme de petits concerts pour la plus grande joie des flûtistes et de l'assistance.

 

PIANO

Arnaud PETIT : Douze Pièces faciles pour pianiste fatigué, LE CHANT DU MONDE (www.chantdumonde.com  ), Paris, PN4898,  15 p.

Les titres de ces Douze Pièces faciles d'Arnaud Petit (né à Metz en 1959), en fait de difficulté technique progressive, tendent à évoquer la fatigue et ses manifestations. Ce recueil propose une familiarisation avec les changements de mesures (7/8 - 5/4), le rythme syncopé, le jeu lié, le chromatisme et les tierces parallèles, sauts d'octaves, traits de doubles-croches (n°10 : Queue de chien), le mouvement contraire (L'ombre du chat) ainsi que les accords plaqués.

 

PIANO A QUATRE MAINS

Ivan JEVTIC : Radouïsya pour piano à quatre mains, Paris, LE CHANT DU MONDE (www.chantdumonde.com  ), 2013, PN4891, 28 p.

Composée par Ivan Jevtic (1947-) à Paris, en avril 2004, publiée en 2013 et dédiée « à son ami Dusan Jankov et à sa famille », l'interprétation de la pièce : Radouïsya exige des deux pianistes une grande rigueur, un bon esprit d'équipe et le sens de l'écoute réciproque. L'œuvre est structurée en 4 mouvements : Andante particulièrement expressif, évoluant dans la douceur et nécessitant la maîtrise de la pédale et le respect des nuances (de p dolce à ff) ; Allegro avec rythme précis 3 contre 2 (c'est-à-dire croches par 3 liées contre croches par 2 staccato) ; Andante espressivo e sostenuto imprégné de douceur, comportant des accords arpégés et des changements de mesures (4/4, 5/4, 9/8) ; enfin : Molto rustico, très énergique, page de virtuosité réservée aux bons solfègistes et pianistes chevronnés.

 

QUATUOR A CORDES

Ivan JEVTIC : Quatuor à cordes n°4, LE CHANT DU MONDE (www.chantdumonde.com  ), MC4836,  35 p.

Ce Quatuor composé à Paris en 2011 ne peut être interprété que par des violoncelliste, altiste et deux violonistes chevronnés, en raison des nombreuses difficultés techniques apparentes et cachées (sul pont., pizzicati, arco…) dans le premier mouvement Grave, contrastant avec l'Allegro molto assez dynamique, comportant de très fortes oppositions de nuances (ff au grave, ppp partie supérieure). Le troisième mouvement : Tranquillo fait appel aux harmoniques, mais aussi à des accords percutants. Le dernier : Quasi presto nécessite, selon le compositeur, une attaque feroce et se termine progressivement sur des accords parallèles avec des indications dynamiques très précises et contrastées.

 

VIOLON OU HAUTBOIS OU FLÛTE ET PIANO

Carlos D'ALESSIO : India Song. Version pour violon ou flûte ou hautbois et piano de Julien BRET, Paris, LE CHANT DU MONDE (www.chantdumonde.com  ), VP4900,  2014, 6 p.

Carlos d'Alessio est né en 1935 à Buenos Aires et mort à Paris en 1992. L'arrangement de Julien Bret (né en 1974) est réalisé pour un instrument mélodique accompagné au piano. D'entrée de jeu, la partie de clavier, pleine d'élan rythmique, introduit le thème de l'India Song, exposé en valeurs longues et entrecoupé par la même formule rythmique pointée. Ce « chant » évolue dans un tempo modéré. Son interprétation requiert une parfaite maîtrise du jeu marcato et de la dynamique avec des nuances très subtiles (mp, pp, ppp).

 

VIOLON, VIOLONCELLE ET PIANO

Aram KHATCHATOURIAN: Berceuse pour violon, violoncelle et piano, Paris, LE CHANT DU MONDE (www.chantdumonde.com), MC4903,  1993. (Piano : 6 p. – parties violon, violoncelle séparées : 2 p. chacune).

Aram Khatchatourian (né en Géorgie en 1903, mort à Moscou en 1978) a composé cette Berceuse pour violon, violoncelle et piano en 1926. Une introduction au piano comportant des accords arpégés prépare l'entrée du thème d'abord au violoncelle (pp), il sera ensuite repris comme en écho par le violon. Cette page avec des oppositions de nuances, baigne dans la douceur et le calme inhérents au genre, ainsi que dans la simplicité avec une pointe de caprice.

 

Édith Weber.

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LE COIN BIBLIOGRAPHIQUE

Haut

 

Stéphane GENDRON : Enseigner le piano aujourd'hui. Sampzon, Éditions DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com), 2014, 95 p. –19 €.

Dans le cadre de sa Collection « Musique/Pédagogie », Jean-Michel Bardez a fait appel à Stéphane Gendron, musicologue et littéraire de formation, pour — à la lumière de son expérience — évoquer les tendances de l'enseignement du piano depuis plus de trois décennies. Ce livre, qui n'est pas une « méthode » comme, entre autres, les écrits de Marie Jaël ou encore Les principes rationnels de la technique pianistique d'Alfred Cortot (Salabert, 1928)…, représente une vaste ouverture de l'approche de la musique en fonction des nouvelles technologies et en tenant compte des publications récentes. L'auteur propose d'abord une rétrospective organologique, allant du clavicorde (XIVe siècle, vraisemblablement en Angleterre) jusqu'aux claviers numériques, en passant par le gravicembalo col piano à pianoforte exigeant une technique différente, puis les instruments des Manufactures Érard et Pleyel (XIXe siècle…). Le piano ­— d'abord lié à l'appartenance sociologique, comme signe extérieur dans les salons — deviendra un instrument populaire jusqu'à gagner les salles de cinéma muet, les cabarets et les émissions de variétés. Ensuite, Stéphane Gendron passe en revue diverses motivations (découverte, contexte familial, dépassement de soi), puis il aborde le répertoire si vaste au XIXe siècle, ainsi que les possibilités d'écoute sur Internet et d'apprécier notamment les interprétations de célèbres  pianistes du passé : Edwin Fischer, Arthur Rubinstein… Il évoque succinctement les diverses méthodes actives (J. Dalcroze, Z. Kodaly, E. Willems…), l'évolution du langage, l'aspect pédagogique (leçons particulières à domicile ou pratique collective). En fait, l'enseignement artistique doit déboucher sur des auditions et concerts, mais aussi sur une évaluation de l'instrumentiste. Le cours de « solfège » d'antan est devenu cours de « formation musicale ». Tout en sélectionnant des morceaux, le professeur doit être attentif aux choix de ses élèves, rester à leur écoute, prendre leur âge et leur maturité en considération et, surtout, leur transmettre le désir de jouer. En guise de conclusion, Stéphane Gendron préconise des passerelles indispensables et « une formation très ouverte » en rapport avec d'autres arts. Cette démarche globale n'a pu être élaborée qu'à partir de sa grande expérience « pour enseigner le piano aujourd'hui », c'est-à-dire au début du XXIe siècle où la musique peut être pratiquée à tout âge. La musique n'est-elle pas un « plus » dans la vie ?

 

 

Édith Weber.

 

Antonia SOULEZ : Qualia. Sampzon, Éditions DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com), 2014, 1 vol 65 p. –12 €.

Une explication s'impose comme préalable : « Qualia désigne ici la qualité faite matière en l'absence de substrat ». Dans le Petit manifeste initial, Yves Bonnefoy s'interroge : « Écrit parlé, le poème est-t-il vocalité d'une trace ? ». Certains sont associés à six petits tableaux non figuratifs de Jackie Kiang. Ce petit volume pourrait intéresser les philologues et les lexicologues à la recherche de l'originalité. Dans ses textes en prose, de structure libre, non rimés, parfois strophiques, Antonia Soulez expose des idées et concepts philosophiques hors des sentiers battus. Selon la dernière page de couverture : « La poésie signe ici l'autonomie de la qualité quand elle devient le son marqué par ce que fait l'événement au mot ». Le texte Sous le ciel de la musique souligne les intentions de l'auteur : « Je cherche ce cœur, non l'œil pinéal, mais le pouls de mon ouïe, sensible au moindre froissement d'onde, à la fois précis et séismique, le microgramme de l'être en mouvement sous le ciel de la musique ». Questions : y a-t-il une « correspondance négative entre philosophie et poésie » ? Que pourrait y ajouter la musique à part, dans le cas présent, le vocabulaire qui lui est emprunté ?

 

Édith Weber.

 

Pascal TERRIEN (dir.) : Une histoire du saxophone par les méthodes parues en France : 1846-1942. Sampzon, Éditions DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com), 2014, DLT2428, 273 p. –25 €.

Le saxophone — au départ instrument privilégié par les musiques militaires, populaires, les harmonies municipales, les fanfares dans les villages et par l'Orchestre de la Garde Républicaine — s'est ensuite imposé grâce à l'évolution de sa facture entraînant des progrès dans la technique et l'élargissement du répertoire (d'abord lié à l'exotisme). Il est associé à l'orchestre classique vers le milieu du XIXe siècle. La venue du jazz en France vers 1920 fait aussi appel à la famille des saxophones lancée par le facteur Adolf Sax (1814-1894). Progressivement, les saxophonistes s'adapteront à tous les genres musicaux. Depuis 1942, à l'initiative de son directeur Claude Delvincourt, le saxophone est enseigné officiellement à Paris au Conservatoire National, et l'école française, très appréciée, jouit d'un grand prestige. En fait, son enseignement aux « élèves militaires », existait déjà au « Gymnase militaire » — considéré à l'époque comme une annexe du Conservatoire de Paris —, mais il avait été supprimé en 1856.

Pascal Terrien, universitaire, interprète et enseignant, a dirigé cette publication comprenant un Avant-Propos de Bruno Mantovani, directeur du CNSMDP et une Préface de Serge Cyferstein, responsable du Département de Pédagogie dans cette institution, qui affirme que : « La capacité des enseignants musiciens à interroger leur pratique dans son contexte historique, social, culturel et bien sûr éducatif et pédagogique sera une nécessité absolue pour leur permettre de peser sur cette nouvelle inflexion » (p. 8). Ce livre se situant dans ces perspectives relève d'une méthodologie originale. Il a pour point de départ l'examen et la comparaison des méthodes publiées en France pendant près d'un siècle. Dans le cadre des « Cours de science de l'éducation », six auteurs saxophonistes expérimentés et, pour conclure, Pascal Terrien livrent le résultat de leurs recherches pédagogiques et didactiques, après avoir constitué et examiné un imposant catalogue de méthodes.

Ce livre se démarque ainsi de celui de Jean-Marie Londeix : 125 ans de musique pour saxophone (Paris, A. Leduc, 1/1971) mettant davantage l'accent sur le répertoire. Il est complété par un classement typologique des Méthodes et une très imposante Bibliographie. Il souligne les partis-pris des auteurs de méthodes, la proximité de l'instrument avec la clarinette ainsi que la voix chantée, la carrière et le devenir officiel de l'instrument. À juste titre, Pascal Terrien affirme que « Les méthodes de saxophone entre 1846 et 1942 sont les témoins des conduites sociales des musiciens, des '' rendez-vous manqués '' avec l'instrument et l'histoire de la musique, des paradoxes qui déchirent l'enseignement musical. Ce travail ne vaut que pour ce qu'il révèle méthodologiquement et la réflexion qu'il peut susciter parmi les musiciens-enseignants de chaque discipline. » (p. 252).

Édith Weber.

 

Michèle LHOPITEAU-DORFEUILLE : Jean-Sébastien BACH : un sacré tempérament. Lormont, Éditions Le Bord de L'eau (www.editionsbdl.com ), 2014,  246 p. –32 €. (avec 2 CDs encartés : 2 h 40).

La « dynastie Bach » et Jean Sébastien en particulier ont suscité une multitude de publications en tous genres, depuis la Bachbiographie de Johann Nikolaus Forkel (1749-1818), celle (1873) de Ph. Spitta ou encore L'esthétique de Jean-Sébastien Bach (1907) d'André Pirro,  sans oublier l'intérêt que lui a témoigné L. Chr. Mizler (1711-1778)… jusqu'aux bandes dessinées ou même la « jazzification » de sa musique, en passant par tant de monographies, analyses, études, enregistrements… D'abord tombée dans l'oubli, puis « ressuscitée » par Felix Mendelssohn (Passion selon Saint Matthieu), son œuvre fait le tour du monde.

Michèle Lhopiteau-Dorfeuille propose une « autre » image. Elle a le chic pour extraire de sa vie des faits marquants et significatifs qu'elle traite en quelque sorte en contrepoint. Afin de justifier son titre, sa démarche originale consiste — en suivant la chronologie — à relever des constats : orphelin très jeune, recueilli par son frère, puis « pensionnaire très loin de sa Thuringe natale » ; veuf à 35 ans… Elle précise que, dans l'exercice de sa profession, il a subi « les humeurs de ses maîtres », les contingences familiales  — 20 enfants, dont les plus célèbres sont Carl Philipp Emanuel (1714-1788) et Johann Christian (1735-1782) — et a dû faire face aux obligations d'organiste, de cantor et de compositeur luthérien : une Cantate par dimanche et pour les fêtes, œuvres de circonstance… S'appuyant sur des sources : manuscrits, écrits, documents autographes (sans toutefois citer leur traduction française, Paris, Éditions Entente, 1976), l'auteur, à la recherche de « contradictions », a le mérite de situer le musicien au quotidien, en tenant compte des contextes historiques. Grâce à sa plume alerte et non exempte d'humour (« Bach dans sa perruque »), elle présente un « Bach dans tous ses états » : au clavier, à la baguette, au poste de Cantor, en « voyage immobile », et également un « Bach sonore » grâce aux deux CDs (2h 40' de musique) comportant un choix judicieux de 47 extraits (œuvres instrumentales, chorals, pages d'orgue, y compris le célèbre Caprice sur le départ de son frère bien-aimé, la Cantate des Paysans et des fragments de Cantates, Motets, Passions…) : un « sacré » digest.

Le chapitre 3 : « Jean-Sébastien Bach entre Luther, Calvin, les Piétistes et l'Église catholique » se présente comme une introduction théologique sommaire. En fait, la Cour de Coethen était bien calviniste ; la musique y étant très limitée aux cultes, Bach a eu tout le loisir de composer ses Concertos Brandebourgeois et d'autres œuvres instrumentales destinées aux concerts. En revanche, pour les services à Leipzig en l'Église Saint-Thomas, il a très largement contribué à la musique luthérienne. À propos des « 36 » Chorals de M. Luther (p. 40), rappelons l'ouvrage d'Yves Kéler : Les 43 chants de Martin Luther. Textes originaux et Paraphrases françaises strophiques rimées et chantables… (Beauchesne, 2013). Ce livre se termine sur un « rapide état des lieux de la musique baroque en général et de Jean-Sébastien Bach en particulier dans la France du XXIe siècle ». En fait, à propos de l'engouement de Bach, il eût été indispensable de mentionner la longue tradition strasbourgeoise lancée à la fin du XIXe siècle par Ernest Munch, reprise en 1928 par son fils Fritz Munch (1890-1970) avec l'exécution en alternance des Passions selon Saint Matthieu ou Saint Jean, chaque Vendredi Saint : véritable institution locale, en l'Église Saint-Guillaume, encore en usage au XXIe siècle (avec une seule interruption à la fin de la Seconde Guerre mondiale, suite à un bombardement : la Passion a été remplacée par le Requiem allemand de J. Brahms, au Palais des Fêtes). Pour le 28 juillet — date de la mort de J. S. Bach —, Albert Schweitzer a lancé un concert commémoratif à l'Église Saint-Thomas. À l'Église réformée, rue du Bouclier, pendant de longues années, en principe, une Cantate mensuelle est interprétée (dirigée par Charles Müller, Francis Muller et Daniel Schertzer…). À Paris, sa musique chorale a été cultivée par la Société Bach fondée en 1904 par Gustave Bret et qu'il a dirigée jusqu'à sa mort en 1940. Enfin, Freddy Eichelberger  a lancé, au Foyer de l'Âme, chaque premier dimanche du mois, un concert de cantates, et l'Église des Billettes a repris la tradition du Concert commémoratif du 28 juillet existant à Strasbourg depuis plus d'un siècle. L'Index (p. 233-240) soulignerait déjà, à lui seul, l'ampleur de la démarche encore associée à un remarquable contexte sonore. Ce livre « pas comme les autres » suggère donc une « autre » vision de ce Cantor « pas comme les autres », « sacré musicien », « musicien sacré » ou encore « Bach autrement »… Par son livre et ses deux CDs encartés, Michèle Lhopiteau-Dorfeuille a incontestablement le mérite de renouveler le regard porté sur cet homme « au sacré tempérament ».

Édith Weber.

 

Nikolaus HARNONCOURT : « La parole musicale. Propos sur la musique romantique ».Traduction de l'allemand et préface de Sylvain Fort (« Mozart Dialoge & ' Töne sind höhere Worte' », Residenz Verlag, 2005/2007). 1 vol. Actes Sud, 2014, 234 p., 22 €.

Troisième volume d'une trilogie qui comprend déjà « Le Discours musical », 1984, et « Le Dialogue musical », 1985, parus en français chez Gallimard, ce nouvel ouvrage est un florilège d'entretiens accordés par le grand chef d'orchestre autrichien dans les années 2004/2005. Avec Harnoncourt la parole est franche et le discours sans ambages. Il y a chez lui quelque chose de professoral, que l'on perçoit d'ailleurs lorsqu'il prend la parole en début de concert, devant un public germanique, pour résumer en quelques phrases bien senties les grandes lignes de l'œuvre jouée. Il est  homme de décision, car comme le fait remarquer Sylvain Fort dans sa préface, « une partition … est une suite presque illimitée de décisions ». Il ne se sent pas un homme de pouvoir, qui baserait son travail sur la peur, mais quelqu'un qui doit susciter chez ses musiciens le bonheur de jouer. Et prône que « la musique n'est pas là pour détendre ou divertir les gens, mais plutôt pour leur ouvrir les yeux, les secouer, les effrayer ». Dire qu'il fuit les phénomènes de mode est un euphémisme. L'a-t-on étiqueté garant de la tradition ? Elle est pour lui autre chose que celle issue d'une « sédimentation d'une pratique qui a échoué à transmettre l'Urtext... pour fonder sur des bases chancelantes une posture (le chef démiurge) et une manière (le concert comme grand-messe) » (préface, ibid.). Pour Harnoncourt, la tradition est plutôt affaire de racines, en l'occurrence celles de la culture autrichienne. Avec ce que cela comporte de référence à la musique populaire et à la pratique religieuse catholique. Mais ce pragmatique sait s'adapter à l'évolution des idées, car on joue pour le public d'aujourd'hui, et aux contingences de l'exécution instrumentale ou vocale. Le sens de la formule est chez lui comme une seconde nature (« La fidélité à l'œuvre est une notion catastrophique et destructrice » car « C'est ce qui reste derrière les notes, le sens, qui est l'œuvre »). S'il y a quelque intransigeance, par exemple en matière de respect de la dynamique, elle cache une absolue probité, une recherche de l'inatteignable vérité. Il n'est que d'assister à une de ses répétitions pour s'en convaincre. Harnoncourt concède des changements d'attitudes au fil des ans à l'endroit de tel ou tel compositeur. Sa vision de Bruckner, par exemple, a évolué, lequel est plus moderne qu'on croit et ne saurait être compris sans le repère qu'est la terre autrichienne et son folklore rural. Son enthousiasme pour Offenbach ou l'Aïda de Verdi (« de la grande musique de chambre »), et pour Carmen, peut surprendre. Le résultat en a pourtant détrompé plus d'un. L'ouvrage livre des pages pénétrantes dévouées à Mozart (dont le discours prononcé à Salzbourg, le 27 janvier 2006, pour le 250 ème anniversaire de la naissance), à Schubert aussi, à l'égard duquel sont véhiculées tant d'inexactitudes, en particulier la vision biaisée qu'on en a longtemps eue par l'approche du romantisme tardif et les « corrections » apportées par Brahms. Chez Beethoven, la rhétorique du discours sonore emprunte de nouvelles voies du langage et il y a quelque chose d'« agitatoire » dans sa musique. Les romantiques, il les aime tout autant, dont la Genoveva de Schumann, l'unique opéra, « un regard sur l'âme », et Brahms bien sûr - mais est-il vraiment un romantique ?- Bruckner encore, le précurseur (« sans Bruckner pas de Mahler »). La parole musicale de Nikolaus Harnoncourt est sans doute celle d'un sage. Et l'on n'en compte céans plus beaucoup.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Jean-Michel MOLKHOU. Les grands violonistes du XXe siècle. Tome II (1948-1985). 1 Vol.  Éditions Buchet Chastel, collection Musique, 1CD inclus, 2014, 475 p, 23 €.

Deuxième tome très attendu de cette très belle étude que Jean-Michel Molkhou consacre aux grands violonistes du XXe siècle. Après un premier tome traitant de la période 1875-1947, voici aujourd'hui le deuxième volet intéressant la période plus « contemporaine » de 1948 à 1985. Comme  le signale l'auteur, le recul peut paraitre parfois insuffisant pour juger du talent de tel ou tel interprète, alors que l'histoire avait eu le temps de faire son tri dans les générations précédentes, d'où un choix qui sans prétendre être exhaustif, tient compte des prestations marquantes, au concert et  au disque, réalisées lors des dernières années du XXe et des dix premières du XXIe siècle. Un choix particulièrement avisé et judicieux quand on sait l'affinité profonde et la connaissance encyclopédique de Jean-Michel Molkhou pour les cordes en général, et le violon en particulier. Une suite chronologique qui présente pas moins de 35 interprètes du plus haut niveau artistique. Chaque portrait comprenant pour chacun une courte biographie, un aperçu de son répertoire, les caractéristiques de son jeu, les principaux éléments de sa discographie, complété souvent par une interview, une anecdote qui nous permet de pénétrer plus avant dans l'intimité de chacun comme un gage d'authenticité. Un livre original, didactique, indispensable à tout amateur de musique, un merveilleux guide qui accompagnera chacun au concert. Un ouvrage complété par une courte bibliographie, un index alphabétique très pratique, de nombreuses photographies et une illustration sonore à l'appui du texte, particulièrement pertinente, sous forme d'un CD d'une durée de plus de quatre heures de musique ! A lire, à relire et à écouter sans modération !

 

 

Patrice Imbaud.

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CDs et DVDs

 

Haut

 

Aram KHATCHATURIAN : Concerto pour violon et orchestre. Pièces pour violon et piano de KREISLER, FAURE, RAVEL, WIENIAWSKI. Annie Jodry, violon. Thérèse Cochet, piano. Orchestre National de la Radiodiffusion française, dir. Charles Munch. 1CD FORGOTTEN RECORDS (www.forgottenrecords.com  ) : fr 963. TT : 49' 54 .

Comme il ressort de leur Label, les Éditions FORGOTTEN RECORDS s'attachent à faire revivre des talents d'exception et des interprétations hors pair enregistrées par le passé risquant d'être oubliés et qui, pourtant, avaient marqué la production discographique. C'est le cas de la violoniste française Annie Jodry, née en 1935, titulaire de tant de récompenses, dont le Premier Prix du Concours International de Genève et si digne représentante de l'école française de violon. Elle a collaboré avec les plus grands chefs tels que le regretté Charles Munch (1891-1968) qui n'est pas à présenter au grand public. Ensemble, avec l'Orchestre National de la Radiodiffusion Française, ils ont réalisé en 1954 « la » version de référence du si redoutable Concerto pour violon et orchestre en ré mineur d'Aram Khatchaturian (1903-1978). L'enregistrement du concert radiodiffusé le 19 juin 1954 à Strasbourg (Palais des Fêtes), bénéficiant des immenses progrès techniques, est de nouveau accessible, pour le plus grand bonheur des discophiles. Ce compositeur russe a précisément gagné sa notoriété internationale grâce à ce Concerto composé en 1940, structuré en 3 mouvements : Allegro con fermezza enlevé énergiquement, nécessitant une très haute virtuosité ; Andante sostenuto, plus expressif et contrasté, remarquablement rendu par le timbre du violon ; suivi de l'Allegro vivace, de haute voltige et d'une précision inouïe dans laquelle Annie Jodry, à l'âge de 19 ans, déploie toute sa technique éblouissante de justesse et de rigueur, inaugurant sa brillante carrière. Ce disque comprend également des pièces brèves pour violon et piano enregistrées la même année, avec le concours de Thérèse Cochet : Sicilienne et Rigaudon « dans le style de François Francoeur » de Fritz Kreisler (1875-1962) ; Andante particulièrement expressif de Gabriel Fauré (1845-1924) ; Pièce en forme de Habanera de Maurice Ravel (1875-1937) bénéficiant des sonorités chaleureuses du violon et Scherzo-Tarentelle de Henryk Wieniawski (1835-1880), page de pure virtuosité pour laquelle la précision de l'attaque et des entrées des deux instruments, réalisée en parfaite symbiose, force l'admiration.

 

Édith Weber.

 

Ernest CHAUSSON : Poème, op. 25. Camille SAINT-SAËNS : Havanaise, op. 83. Alban BERG : Concerto « À la mémoire d'un ange ». Annie Jodry, violon. Orchestre de la Suisse Romande, dir. Kurt Brass. Orchestre Philharmonique de l'ORTF, dir. Manuel Rosenthal. 1CD FORGOTTEN RECORDS (www.forgottenrecords.com ): fr 950. TT : 51' 11.

Le même éditeur a le mérite de remettre à la disposition des mélomanes deux œuvres interprétées par Annie Jodry en soliste et l'Orchestre de la Suisse Romande, placés sous la direction de Kurt Brass, lors du concert radiodiffusé le 13 janvier 1956, au Victoria Hall de Genève. Le Poème, op. 25 (1896) d'Ernest Chausson (1855-1899) — en fait un Concerto pour violon et orchestre, dédié au violoniste belge Eugène Ysaÿe — est structuré en 3 séquences : Lento e misterioso de caractère expressif, intériorisé et dépouillé, avec une exceptionnelle ligne mélodique au violon contrastant avec l'Animato très enlevé, aboutissant au Finale éblouissant. Dans la Havanaise en Mi Majeur, op. 83 de Camille Saint-Saëns (1835-1924), œuvre concertante incontournable pour les violonistes, Annie Jodry s'impose par sa remarquable justesse et sa technique à vous couper le souffle. La seconde partie de ce disque, provenant du concert radiodiffusé enregistré le 26 juin 1963 à Nancy, comporte le Concerto pour violon et orchestre « À la mémoire d'un ange » d'Alban Berg (1885-1935), créé en mars 1936, s'articulant en deux parties : Andante-Allegretto et Allegro-Adagio, avec des arpèges de cordes à vide au violon solo, suivis par des arpèges aux deux clarinettes et à la harpe. Le violon énonce ensuite la série de 12 notes déjà exposée par les pupitres. Dans cette œuvre symbolique, une longue courbe thématique ascendante représente la montée de l'ange vers le ciel et prépare l'entrée du Choral de J. S. Bach : Es ist genug ; so nimm, Herr, meinen Geist (C'en est assez ; ainsi, Seigneur, reprends mon esprit) emprunté par Alban Berg (il s'agit du Choral final de la Cantate 60, à propos de la mort de Hans Joachim Burmeister, sur la mélodie de Johann Rudolf Ahle). Elle est interprétée avec infiniment de lyrisme et de ferveur par Annie Jodry et l'Orchestre Philharmonique de l'Office de la Radiodiffusion-Télévision Française, placés sous la direction si avisée du regretté Manuel Rosenthal (mort en 2003). Versions fort attachantes à redécouvrir.

Édith Weber.

 

« Clair de lune. Meisterwerke für Harfe ». Émilie Jaulmes, harpe. 1CD KALEIDOS MUSIKEDITIONEN (www.musikeditionen.de ) : KAL6325-2. TT : 66' 52.

Sous le titre Clair de Lune — par allusion à la Suite bergamasque de Claude Debussy et au poème éponyme de Paul Verlaine —, les Éditions KALEIDOS présentent des chefs-d'œuvre allemands, français et américains enregistrés en 2014, interprétés par la jeune harpiste française Émilie Jaulmes, née à Grenoble où, après avoir débuté très jeune la harpe au Conservatoire, elle a été l'élève, entre autres, de Marielle Nordmann et de nombreux professeurs à l'étranger. Ayant obtenu plusieurs Prix au CNSM et la Licence de Musicologie en Sorbonne, lauréate de nombreux Concours, elle s'affirme comme soliste et chambriste de réputation internationale. Installée en Allemagne, elle est actuellement la prestigieuse harpe soliste de l'Orchestre « Stuttgarter Philharmoniker ». Ce disque révèle ses goûts éclectiques avec des œuvres allant de G. Fr. Haendel (1685-1759) à George Gershwin (1898-1937), en passant par Carl Philipp Emmanuel Bach (1714-1788), Louis Spohr (1784-1859), Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847), John Thomas (1826-1913) et, plus proches de nous : Gabriel Fauré (1845-1924), Wilhelm Posse (1855-1925) et Claude Debussy (1862-1918). En connaissance de cause, Émilie Jaulmes a retenu des formes traditionnelles pour harpe : Fantaisie, Impromptu, Concerto, Romance, Prélude et Variations et des pages aux titres évocateurs : Clair de lune ; The Man I Love, Summertime ; ou encore The Minstrel's Adieu to His Native Land et Variationen über Der Karneval von Venedig : c'est dire combien son répertoire est vaste et combien elle maîtrise tous les traquenards  techniques et les esthétiques classique, romantique et contemporaine (y compris l'influence du jazz). Les mélomanes et harpistes les plus exigeants seront comblés par ce CD, modèle du genre. D'entrée de jeu, avec la Fantaisie de Louis Spohr, Émilie Jaulmes fait preuve de sa sonorité exceptionnelle, lumineuse et chatoyante, de son sens des nuances, de son calme, de sa parfaite maîtrise de la pédale. Elle interprète l'Impromptu de Gabriel Fauré et Clair de lune de Claude Debussy en leur restituant leur caractère mystérieux et suggestif. D'une manière générale, elle brille par la clarté de la structure, la transparence, l'atmosphère variée des différents morceaux et sa musicalité exceptionnelle au service d'un instrument que, depuis l'âge de 5 ans, elle pratique avec un enthousiasme contagieux.

Édith Weber.

 

Georg Philipp TELEMANN : 12 Fantasias 12 Recorders. Simon Borutzki, flûtes à bec. 1CD KLANGLOGO (www.klanglogo.de ) : KL 1509. TT :  52' 31.

Les 12 Fantasie (per il violino senza basso) ont été écrites par Georg Philipp Telemann (1681-1767) pour le violon, ce qui n'exclut pas leur interprétation à la flûte à bec très en usage à l'époque. Selon sa fantaisie, Simon Borutzki a sélectionné 12 instruments différents accordés au diapason La 415 (exceptionnellement La 440) permettant de réaliser diverses impressions et couleurs sonores, émanant aussi bien des registres très aigu que grave. Sa démarche exploite d'ailleurs tout l'ambitus des instruments. La première Fantaisie en La Majeur en 2 mouvements : Vivace-Allegro annonce déjà les grandes qualités stylistiques du flûtiste. De structure classique, elles comportent 4 (ou 3) mouvements généralement contrastés (sauf la 7e en Majeur : Alla francese, Presto et la 12e, en sol mineur, plus enlevée). Elles reposent sur l'alternance de mouvements graves et méditatifs ; d'autres, plus enlevés (allant jusqu'au Presto), représentent un bel exemple des « goûts réunis ». D'ailleurs, en 1752, le grand flûtiste Johann Joachim Quantz — professeur de flûte de Frédéric II de Prusse — avait qualifié Georg Philipp Telemann de « plus grand maître »  maîtrisant les divers goûts de l'époque : il en est de même de Simon Borutzki qui, dans cet enregistrement de 2013 paru l'année suivante, s'impose par son phrasé précis, son beau coup de langue, ses traits de virtuosité, sa volubilité, sa brillance dans l'aigu dominés par un réel souci d'expressivité.

 

Édith Weber.

 

« Ornstein Bloch ». Ernest BLOCH: Schelomo, transcription pour violon et piano. Léo ORNSTEIN : trois Sonates, Poème pour flûte et autres pièces pour piano. 2CDs PRO MUSICA Association Artistique (www.christophe-boulier.com ): P 1411. TT : 68' 56+ 62' 47.

Ce disque a le mérite de révéler, en première mondiale, la transcription par le violoniste Christophe Boulier (qui fut déjà à 14 ans Premier Prix de Violon du CNSM) de la version inédite pour violon de Schelomo (à l'origine : Rhapsodie hébraïque pour violoncelle et orchestre) d'Ernest Bloch (né à Genève en 1880 et mort à Portland en 1959) interprétée avec fougue et ferveur au violon (Joseph Hell 1885) par Chr. Boulier et au piano : Sho Ogushi et Chisato Nishizono, deux jeunes artistes de l'Académie de Jeunes Solistes fondée à Mézin (en Aquitaine) en 2006. Ce premier CD est complété par 3 Sonates et le Poème pour flûte de Leo Ornstein (1893-2002) — pianiste ukrainien installé aux États-Unis, compositeur novateur pratiquant des procédés techniques audacieux (emploi notamment du cluster) —, autre musicien juif auquel le second CD (œuvres pour piano) est entièrement consacré. Ce coffret est réalisé, en outre, avec le concours déjà très prometteur des pianistes Célia Oneto-Bensaid, Héloïse Bertrand Oleari, Stephanie Maertens, Fiona Mato et Mai Yamada ; des violoncellistes Laurène Barbier-Combelles et Simon Dechambre ; de la flûtiste Floriane Gruson. À remarquer l'excellente contribution de Jean-Louis Caillard (depuis 2010 professeur de piano et de musique de chambre à l'Académie, et concertiste) pour les Intermezzi n°1 à 4. Bel encouragement et marque de confiance de l'éditeur PRO MUSICA vis-à-vis de ces jeunes interprètes.

 

Édith Weber.

 

Érik SATIE : Pièces pour piano (1912-1915) transcrites pour orchestre. Orchestre Régional de Basse-Normandie, dir. Jean-Pierre Wallez. 1CD SKARBO (www.skarbo.fr): DSK3135. TT : 66' 38.

Michel Decoust, né en 1936, flûtiste et compositeur français, a réalisé l'orchestration de 55 pièces d'Érik Satie (né à Honfleur le 17 mai 1866 et mort à Paris le 1er juillet 1925), écrites pour piano entre 1912 et 1915. Les titres des recueils sont particulièrement évocateurs, énigmatiques, fantaisistes, satiriques ou pleines d'humour, par exemple : Quatre préludes flasques (pour un chien) (1912), Embryons desséchés (1913), Trois Valses distinguées du précieux dégoûté (1914) : Sa taille, Son binocle, Ses jambes ; Sports et Divertissements (1914) avec Choral inappétissant… ; ou encore des pages descriptives : La balançoire, La Chasse, Le Feu d'artifice... La version orchestrale de ces pièces extrêmement brèves (petits clins d'œil souvent de moins d'une minute) rehausse les sonorités moins diversifiées du piano, en augmente le relief et la profondeur. Le programme se termine par Croquis et agaceries d'un gros bonhomme en bois : Tyrolienne turque, Danse maigre et Espanana : soit un total de plus d'une heure. Programme en tous genres et en tous sens, désopilant, magistralement interprété par l'Orchestre Régional de Basse-Normandie, sous la direction de Jean-Pierre Wallez, de réputation internationale.

Édith Weber.

 

« Modeste le petit pion ». 1CD TRITON (www.disques-triton.com ) : TRI331179. TT : 50' 31.

Ce Conte musical pour enfants, reposant sur le texte de Mathilde Maraninchi, est agrémenté par la musique d'Alexandre Gasparov (également passionné d'échecs). Lu avec un remarquable sens pédagogique et un grand pouvoir de suggestion, par Philippe Murgier qui dialogue avec les enfants, l'histoire met en scène Modeste, « le petit pion de bois Blanc » sur l'échiquier (comme il ressort également de l'illustration) et leur explique en détails les règles du jeu et le maniement des pions, tout en maintenant constamment leur attention. L' « aspirant-pion » s'est entraîné en vue d'être sélectionné pour participer à la partie royale. Une musique rythmée et assez solennelle scande les divers épisodes. L'ensemble relate l'aventure, le déroulement de la partie d'échecs, avec l'impatience, les émotions qu'elle suscite parmi les participants, un peu à la manière impressionniste de Prokofiev dans Pierre et le loup. Finalement, Modeste, courageux et déterminé, fera une percée décisive parmi les pions Noirs. La musique contribue largement à créer l'arrière-plan de la scène, et Modeste, modestement, reçoit les acclamations. Confirmé « cavalier » par le Roi, il est devenu désormais « Modeste le Glorieux »… Exemple à suivre par les enfants qui, incités à jouer aux échecs, seront captivés par ce conte musical.

Édith Weber.

 

Giulio SAN PIETRO DE' NEGRI :  Amorosa Fenice. Ensemble Faenza. 1CD AGOGIQUE (www.agogique.com ) : AGO018. TT : 69' 02 .

L'ensemble Faenza, fondé en 1996 par Marc Horvat, est actuellement (2014) en résidence à l'Université de Reims Champagne-Ardennes. Son chef s'est spécialisé dans l'interprétation de la musique du Moyen-Âge à la Schola Cantorum de Bâle, et la musique de la Renaissance auprès de Dominique Vellard. Il a le mérite de recréer historiquement des œuvres de compositeurs peu connus. Par ses arrangements et diminutions additionnelles, il tire ainsi de l'oubli Giulio San Pietro de'Negri (v.1570-v.1630). Dans son remarquable texte de présentation, Robert Kendrick rappelle que : « Parmi toutes les figures — fascinantes, mais aujourd'hui peu connues — qui peuplèrent le monde de la monodie italienne du début du XVIIe siècle, Giulio San Pietro de'Negri (ou San Piero di Negro, car il existe des variantes à son nom de famille) est probablement l'une des plus intéressantes. Il aurait publié au moins onze volumes de pièces vocales profanes ou de motets entre les années 1605 et 1620, ainsi qu'un certain nombre de pièces dans des anthologies ».  Le programme, typique du Primo seicento, repose essentiellement sur des extraits des deux Livres de caractère expérimental : Grazie ed affetti di musica moderna à una, due, e tre voci da cantare nel clavicordo chitarrone & arpa doppia & altri simili istromenti (Milan, 1613), op. 5 de G. San Pietro de'Negri, dans le sillage de Claudio Monteverdi, à la recherche de nouveautés sonores et misant sur le caractère émotionnel, et de son op. 11 : Canti Accademici concertati a due, tre, quatro, cinque, & sei voci publié à Venise en 1620, selon les perspectives concertantes en vogue. Le titre de ce disque n'est autre que celui de la première pièce enregistrée pour chant, flûte soprano, guitare, théorbe, lautenwerk — c'est-à-dire clavecin-luth avec cordes en boyau (et non métalliques), produisant une sonorité adoucie. Il comprend au total une vingtaine de pièces, dont, en outre, quelques unes de Giovanni Ghizzolo (né à Brescia en 1580-mort à Novare v. 1625), pratiquant à la fois la prima prattica et la secunda, les passaggi pour mettre en valeur les affects verbaux ; d'Ottavio Valera, chanteur milanais actif au début du XVIIe siècle, et de Francesco Rognoni (né à Milan dans la seconde moitié du XVIe siècle-mort avant 1626), maître de chapelle dans cette ville à l'Église Saint-Ambroise.

Parmi les thèmes évoqués musicalement, figurent l'amour, la souffrance, la douleur, la langueur, les plaintes et soupirs ; l'art du bien-aimer, la fidélité et la cruauté en amour ; ou encore des personnages célèbres : Cloris, Tyrsis, Aminte… Ces sources, jusqu'ici inexploitées, sont révélées par l'interprétation si minutieuse de l'ensemble Faenza (chant, luth, théorbe, guitare, flûte, dessus et basse de viole) qui s'est surpassé pour faire renaître « de leurs cendres » ces « curiosités musico-littéraires » et pour dévoiler notamment Giulio San Pietro de'Negri, compositeur particulièrement attachant à découvrir impérativement. L'ensemble Faenza s'impose d'emblée par sa diction précise, sa volubilité, la souplesse vocale, l'équilibre entre voix et accompagnement, son sens du dialogue entre chant et instruments ; également par  la virtuosité des instruments (flûte…) et, d'une manière générale, son souci de la traduction musicale figuraliste précise des images et des sentiments du texte.

Édith Weber.

 

« In memoriam Pavel HAAS ». Fabrice Ferez, hautbois, Marc Pantillon, piano. 1CD VDE GALLO (www.vdegallo-music.com) : GALLO CD 1426. TT : 61' 06.

Le hautboïste français Fabrice Ferez et le pianiste suisse Marc Pantillon rendent un émouvant hommage au compositeur tchèque juif, Pavel Haas (né à Brno en 1899 et mort à Auschwitz en 1944) qui — après avoir effectué ses études au Conservatoire de Brno et composé quelques œuvres symphoniques, de musique de chambre, de films et de scène, d'ailleurs interdites par les nazis — a connu un destin particulièrement cruel. Ces deux instrumentistes ont enregistré avec une grande émotion sa Suite pour hautbois et piano, op. 12, composée en 1939 et symbolisant la résistance tchèque, avec l'emprunt du Choral hussite de ralliement : Les guerriers de Dieu et le Choral historique de Saint Venceslas (Xe s.) : Toi, héritier de la Bohême, n'oublie pas ton peuple… ; paradoxalement, cette œuvre a été créée au camp de concentration de Terezin, où Pavel Haas se trouvait avant son départ pour Auschwitz. Hautement symbolique, très révélatrice de l'état d'esprit qui régnait alors en Pologne sous le joug nazi, elle débute dans la désespérance, le dépouillement et la résignation contrastant avec un élargissement conclusif certain.

Bruno Giner (*1960) a dédicacé à Fabrice Ferez son œuvre intitulée : Trois silences déchirés (In memoriam Pavel Haas pour hautbois seul). Comme le précise Élise Petit : « Le titre polysémique de la pièce fait référence à la déportation de Hass et, partant, au sort de ses compatriotes européens : le silence est celui, assourdissant, de la déshumanisation des camps à laquelle sont réduits tous les déportés : c'est aussi le mutisme dépressif du compositeur à Terezin. Le déchirement évoque la séparation de tout environnement social, familial et affectif, ainsi que la violence de l'internement » ; elle constate que l'œuvre évoquant une situation particulièrement violente, énonce un thème si-la-la-mib correspondant aux lettres H.A.A.S. ou si-la-lab (H. A. AS.), et fait aussi entendre le Choral hussite cité par Pavel Haas dans sa Suite. Avec une sensibilité à fleur de peau, l'excellent hautboïste s'investit pleinement dans cette partition si lourde de sens et d'une tension quasi insoutenable. Le programme comporte en outre la Sonate écrite entre 1913 et 1922 par le compositeur slovaque Leos Janacek (1854-1928), en 4 mouvements mettant en valeur, tour à tour, une mélodie chaude de caractère chantant planant au-dessus des interventions incisives du piano, puis, une mélodie à découvert un peu plus allante, sur un fond sonore au piano, débouchant sur une conclusion plus animée, faisant appel à la volubilité du hautbois. Cette réalisation s'achève sur Epitaph (1980) du chef d'orchestre et compositeur polonais d'avant-garde, Witold Lutoslawski (1913-1994), privilégiant la couleur harmonique et la forme ouverte, « écho saisissant au Final de la Suite de P. Haas » ; et le Duo concertant (1984) du compositeur et chef d'orchestre hongrois, Antal Dorati (1906-1988). Ce voyage dans le monde musical en Europe de l'Est et aux XIXe et XXe siècles révèle la riche palette expressive du hautbois, le rôle indispensable du piano soliste et accompagnateur, et traduit la mentalité psychologique et esthétique d'Europe de l'Est au fil de l'histoire. Par devoir de mémoire, ces interprètes français et suisse ont ainsi rendu un vibrant hommage à Pavel Haas.

Édith Weber.

 

Joanna BRUZDOWICZ. : Quatuor à cordes n°1, La Vita.  In The Fever World. World. Tomasz Jocz, piano. NeoQuart. Liliana Gorska, soprano. 1CD ACTE PRÉALABLE (www.acteprealable.com) : APO329. TT : 49' 48 .

Polonaise naturalisée française, issue d'une famille de musiciens, Joanna Bruzdowicz, née le 17 mai 1943 à Varsovie, a étudié la composition et le piano à l'Académie de musique Frédéric Chopin (Varsovie) puis, à Paris, avec Nadia Boulanger, Olivier Messiaen et Pierre Schaeffer. Tout en réalisant des productions audiovisuelles et des musiques de films, elle compose également des œuvres de forme classique (Quatuors à cordes, mélodies…). Son Quatuor à cordes n°1 La Vita a été composé en 1983 en hommage à Karol Szymanowski, « père de la musique polonaise contemporaine ». Comme elle le précise, son œuvre « incorpore différents rythmes et accords reposant sur la musique populaire polonaise » « gorale » (pratiquée notamment dans le Sud de la Pologne). Ce Quatuor, largement diffusé et enregistré depuis 1983, année de sa création à Bruxelles, est structuré en 3 mouvements : Prologue : Allegro molto agressif, énergique, avec des rythmes incisifs, captant immédiatement l'attention ; Épisode central : Tutti. Andante cantabile in modo d'una canzone triste, de caractère lyrique, privilégiant davantage la ligne mélodique, spéculant sur quelques dissonances ; Épilogue : Grave. Presto. Coda. Finale faisant appel à la virtuosité des instrumentistes du NeoQuartet : Karolina Piatkowska-Nowicka (Violon I), Pawel Kapica (Violon II), Michal Markiewicz (alto) et Kryzstof Pawlowski (violoncelle) rompus à tous les traquenards techniques. Ce disque comprend aussi douze mélodies In The Fever World sur les textes anglais de Jehanne Dubrow, d'inspiration variée faisant allusion à la « cité des machines », « l'enfant perdu », « la dernière nuit »…, avec accompagnements originaux et indépendants qui assurent les transitions et créent les diverses atmosphères. Elles sont interprétées par Tomasz Jocz (piano) et le NeoQuartet. Joanna Bruzdowicz y fait preuve d'une grande capacité d'imagination dont Liliana Gorska (mezzo-soprano) rend toutes les subtilités. De facture mélodique plus tourmentée, proche de l'esthétique du Lied et soutenu au piano renforçant l'atmosphère, le cycle de mélodies World (sur le texte de Czeslaw Milosz) évoque notamment la foi, l'espérance, l'amour (la charité), le soleil « à l'origine de toutes les couleurs » et la terre qui est « comme un poème ». La voix si prenante de Liliana Gorska traduit avec expressivité ces divers états d'âme. Les œuvres de Joanna Bruzdowicz, quasi inclassables, représentent une synthèse de postromantisme et de minimalisme. Sa musique, originale et personnelle, très éclectique et sophistiquée, a le mérite d'accrocher immédiatement les auditeurs.

 

Édith Weber.

 

Duo Harpian. VDE GALLO (www.vdegallo-music.com). GALLO CD 1426. TT : 57' 01.

Céline Gay des Combes (harpe) et Julia Froschhammer (piano), formant le « Duo Harpian », proposent un programme original. Elles restituent — dans l'arrangement de Fritz Froschhammer — des pages descriptives bien connues de Jean-Philippe Rameau (1683-1764) provenant de ses Pièces de clavecin qui, avec cette formation instrumentale, résonne différemment, mais dont les différents plans ressortent davantage (piano plus percutant et harpe plus mélodique) : une autre écoute. La Danse sacrée et la Danse profane de Claude Debussy (1862-1918) bénéficient du caractère impressionniste des sonorités de la harpe. La Sonatine en trois mouvements de Maurice Ravel (1875-1937), écrite pour piano en 1903-5, interprétée uniquement à cet instrument, est plus incisive et énigmatique, alors que son Introduction et Allegro (1905), effectivement pour harpe et piano, a un caractère d'authenticité. Céline Gay des Combes se produit encore, seule, dans deux œuvres pour harpe dont elle exploite toutes les possibilités de timbres et de coloris. Enfin, le Duo Harpian interprète deux danses espagnoles : n°5 Andaluza  d'Enrique Granados (1867-1916) (arrangement de Carlos Salzedo) et Danse rituelle du feu de Manuel de Falla (1876-1946) posant sur cette réalisation un point d'orgue bien rythmé et mettant en valeur la virtuosité et la musicalité des deux instrumentistes.

Édith Weber.

 

Jozef WIENIAWSKI : Ouverture Guillaume le Taciturne, op. 43 - Symphony in D major op. 49. 1CD ACTE PRÉALABLE (www.acteprealable.com ) : APO331. TT : 50' 25.

Le Label (polonais) ACTE PRÉALABLE qui s'attache à promouvoir la musique polonaise vient de démontrer que, contrairement à un faux adage, la forme de la symphonie est bien cultivée en Pologne, c'est le cas de l'opus 49 de Jozef Wieniawski qui est né en 1837 à Lublin (Pologne) et mort en 1912 à Bruxelles. Il a effectué ses études dans sa ville natale, ensuite au Conservatoire de Paris (piano avec P. Zimmermann, A. Fr. Marmontel et Ch.-V. Alkan ; composition avec F. Le Couppey), puis à Weimar avec Fr. Liszt. Il s'est alors imposé comme pianiste virtuose, pédagogue, concertiste international et compositeur. Après son séjour à Paris, il sera professeur de piano au Conservatoire de Moscou et, par la suite, occupera le même poste à celui de Bruxelles où il décède en 1902.

Sa Symphonie en Ré Majeur, d'esprit romantique et de structure classique (proche de J. Brahms) comprend 4 mouvements traditionnels : Allegro con spirito (selon la forme sonate), avec un premier motif exposé au cor et de nombreux figuralismes, puis un second aux bassons, altos et violoncelles : l'ensemble se déroule un poco pastorale ;  Andante molto cantabile (également de caractère pastoral, plus lyrique et plus lent) ; Scherzo presto (de forme répétitive A B A') comportant un important motif de tête et se terminant par une brève coda ; Finale, Allegro energico e resoluto (comme un Allegro de sonate) qui privilégie le rythme de marche. L'orchestration force sur les instruments à vent dans cette symphonie de caractère épique et lyrique, digne d'être découverte grâce à l'excellente prestation de l'Orchestre Symphonique Philharmonique des Carpates (Podkarpackiej), fondé en 1955, placé sous la  direction à la fois énergique et sensible de Piotr Wajrak. Le disque commence par l'Ouverture dramatique de « Guillaume le Taciturne » (op. 43) de Jozef Wieniawski, avec par moments des réminiscences wagnériennes. Voici une belle Défense et illustration de la musique symphonique polonaise.

 

Édith Weber.

 

« Orchestral Lollipops ». 1 CD KLANGLOGO (www.rondeau.de ). Diffusion : RONDEAU PRODUCTION (Leipzig) : KL1506. TT : 61'48.

Sous le titre intrigant : Sucettes — destiné aux grands amateurs de cette friandise à sucer longtemps (Dauerlutscher) —, Howard Griffiths, à la tête du Brandenburgisches Staatsorchester de Francfort et du Fine Arts Brass, s'amuse royalement. Au menu : 17 titres d'œuvres de la fin du XIXe et du XXe siècles composées, entre autres, par Johann Strauss (1825-1899), Carl Nielsen (1865-1931), Edward Elgar (1857-1934), George Gershwin (1898-1937), Henry Wood (1869-1944), Cole Porter (1891-1964), Irving Berlin (1888-1989). Ils sont morts entre 1899 et 1989, soit un siècle de musique de divertissement, de circonstance (marche) et de pompe ou descriptive (The typewriter la machine à écrire, Tik-Tak-Polka…) : autant de pièces envoûtantes, contagieuses, toujours en mouvement, irrésistibles… à déguster sans modération.

 

Édith Weber.

 

« Sancta Mater Teresia ». Chœur des Carmélites de Pécs. 1CD JADE (www.jade-music.net ) :699 834-2. TT : 63' 09.

Sainte Thérèse d'Avila (Teresa Sancta de Cepeda Davila y Ahumada), réformatrice monastique du XVIe siècle, est née en 1515 en Vieille Castille et morte en 1582 à Alba de Tormes. Selon la Vida de Santa Teresa de Jesus, dès sa prime enfance, elle a apprécié les histoires édifiantes de la vie des Saints. En 1531, elle est entrée au Couvent de Santa Maria de Gracia à Avila, où elle ne séjournera que jusqu'à l'automne de l'année suivante et, en 1633, elle s'est rendue au Couvent de l'Incarnation d'Avila où elle a prononcé ses vœux. Le Chœur des Carmélites de Pécs (Hongrie) célèbre le Cinquième Centenaire de sa naissance avec des pièces grégoriennes bien connues : la séquence Veni Sancte Spiritus, le texte Gaude Maria (en honneur à la Vierge), l'hymne Ave Maris Stella ; Benedicite Dominum et le trope Benedicamus Domino extraits du Manuscrit Las Huelgas (v. 1300, conservé à Burgos); un grand choix d'antiennes : Revertere, Sancta Mater Teresia, celles de l'« Office des Laudes à Sainte Thérèse », entre autres. Le célèbre Manuscrit de Montpellier ms. H 196 (XIIIe-XIVe s.) est représenté par le motet latin Alle psallite à 3 voix. Ces mélodies grégoriennes chantées à l'unisson sont entrecoupées par trois lectures cantillées (Livre de la Sagesse) et de pièces instrumentales contemporaines de Thérèse : de Tomas Luis da Victoria (v.1548-1611), d'Antonio de Cabezon (1510-1566) et de Luis de Narvaez (XVIe s.). Les Moniales qui, d'une voix souple, dépouillée et naturelle, chantent ces pages de chant grégorien avec profondeur et conviction, savent aussi se divertir, comme le prouve la dernière pièce : El Castillo de Cristal (XXIe s.) posant un point d'orgue non liturgique sur cette remarquable anthologie autour de Sainte Thérèse d'Avila.

 

Édith Weber.

 

«  Les Prières du Classique ». 1CD JADE (www.jade-music.net ): CD 699 838-2. TT : 53' 58.

Actuellement, les éditeurs confèrent volontiers à leurs productions un titre global et significatif : c'est le cas de ce disque. Il regroupe une sélection de 17 œuvres ayant marqué le répertoire, tout d'abord sous le signe de la Prière : le Kyrie de la Messe en si mineur (J. S. Bach), celui de la Petite Messe solennelle (G. Rossini), ou encore l'Ave verum corpus et le Lacrimosa du Requiem (W. A. Mozart), le Psaume : Wie lieblich sind deine Wohnungen du Requiem allemand (J. Brahms), d'autres extraits de Requiem : Pie Jesu (G. Fauré), In Paradisum  de M. Duruflé, sous sa direction ; Panis angelicus (C. Franck), entre autres. À remarquer tout particulièrement le choral conclusif si poignant de la Passion selon Saint Jean (J. S. Bach) : Ach, Herr, lass dein' lieb' Engelein… et l'Aria de son contemporain, Gottfried Heinrich Stölzel (1690-1749) : Bist du bei mir (attribuée à J. S. Bach) interprétée avec intériorité et retenue par Elisabeth Schwarzkopf accompagnée par Gerald Moore. À ces pièces particulièrement méditatives, s'ajoutent, d'une part des pages pleines d'élan, par exemple : l'Hallelujah du Messie de G. Fr. Haendel, le motet Exsultate Jubilate de W. A. Mozart et, d'autre part, des hymnes mariales : Ave Maria (Fr. Schubert), Ave Maria extrait d'Otello (G. Verdi), le chœur (italien) Ave Maria (G. Puccini) ; Salve Regina (Fr. Poulenc). Cette compilation internationale a le mérite de faire réentendre des voix célèbres du passé : les Sopranos Elisabeth Schwazkopf, Renata Tebaldi ; le Baryton Camille Maurane accompagné à l'orgue par la regrettée Marie-Claire Alain et d'anciennes versions, par exemple le Thomanerchor et l'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig dirigé par Cantor Günther Ramin, l'Orchestre Philharmonique de New York dirigé par Bruno Walter et d'autres formations à Londres, Vienne, Rome et Berlin. Les discophiles apprécieront à leur juste valeur ces interprétations du passé et écouteront avec émotion ces chefs-d'œuvre intemporels.

 

Édith Weber.

 

« Cremolino. Centenario dell'Organo Carlo Vegezzi-Bossi ».  Paolo Oreni, orgue. 1CD FUGATTO. Diffusion : CD DIFFUSION (www.cddiffusion.fr ) : FUG056. TT : 47' 42 .

L'Orgue de l'Église paroissiale à Cremolino (Piémont) a été construit en 1914 conformément aux directives de la réforme cécilienne (1903) initiée par Pie X dans son Motu Proprio « Inter sollicitudines » préconisant le retour de la musique liturgique aux traditions du chant grégorien et de la polyphonie classique et luttant contre les tendances théâtrales de la musique dite religieuse. Au service de la liturgie, l'instrument marque une période importante dans l'histoire de la facture italienne avec augmentation du nombre de claviers, combinant la tradition polyphonique et les caractéristiques de l'orgue symphonique européen. Avec ses transmissions pneumatique et électrique, il ouvre la voie à la musique du XXe siècle. Il a été restauré en 1994 par la Manufacture Fratelli-Marin qui, pour son 80e anniversaire, l'a doté d'une nouvelle console. Pour commémorer son Centenaire, Paolo Oreni — organiste italien de réputation internationale, formé à Bergame, puis au Conservatoire National de Luxembourg, également élève de Jean Guillou — a sélectionné un programme de musique française auquel il a ajouté trois de ses propres œuvres : Improvvisazione-Preludio ; Improvvisazione-Scherzo ; Improvvisazione-Adagio e Toccata. Des trois musiciens français, Felix-Alexandre Guilmant et Théodore Dubois sont nés la même année, en 1837, et Joseph Bonnet, en 1884. Paolo Oreni interprète le Prélude de la Sonate n°3 (op. 56/1) du premier (1837-1911), avec clarté, virtuosité et énergie et un jeu particulièrement précis, en respectant les contrastes de nuances et les oppositions de claviers. Il permet de découvrir deux pages de Théodore Dubois (1837-1924), extraites de ses Douze Pièces nouvelles (1893) : n°9 In Paradisum, de caractère plus dépouillé et discret, qui n'est pas sans rappeler l'œuvre éponyme de Gabriel Fauré, mettant en valeur les registres aigus de l'instrument ; n°8 : Fiat lux, contrastant avec la précédente, plus volubile et plus animée. Deux Pièces de Joseph Bonnet (1884-1944) — élève d'Alexandre Guilmant, grand amateur de musique grégorienne, fondateur et directeur de l'Institut Grégorien de Paris de 1923 à 1944 — proviennent de son opus 7 :  Douze Pièces nouvelles pour le Grand Orgue comprenant, entre autres : Elfes (n°11), page très rythmée avec un motif répétitif bien exposé ; Caprice héroïque (n°12), massif et majestueux, enlevé avec énergie, dans lequel la pédale assume un rôle important. Ces pages françaises sont entrecoupées par 3 improvisations dans lesquelles l'éminent organiste fait preuve de tout son talent. L'Improvvisazione-Preludio s'élève des profondeurs avec des tuilages et une mélodie évocatrice sur quelques notes ; cette page éblouissante nécessite une très grande maîtrise de la technique organistique et une grande faculté d'imagination. L'Improvvisazione-Scherzo, énigmatique, avec de larges de traits de virtuosité, est interprétée avec une clarté exceptionnelle. L'Improvvisazione-Adagio e Toccata privilégie les mélodies à découvert, très intériorisées et particulièrement souples (notamment dans l'Adagio), elle se termine en feu d'artifice incisif et implacable, nécessitant une virtuosité époustouflante. Ce disque commémoratif met en valeur le grand talent de Paolo Oreni, improvisateur et interprète hors pair. À ne pas manquer.

Édith Weber.

 

Claudio MONTEVERDI : Madrigali. Volume 2  : Mantova. Extraits des Quatrième, Cinquième et Sixième Livre. Les Arts Florissants, Paul Agnew, direction. 1 CD Arts Florissants : AF 003. TT. : 74'03.

Enregistrés lors de concerts donnés à la Cité de la musique, ces extraits du Volume 2 des Madrigaux de Monteverdi constituent le premier volet d'une série de trois qui couvriront les huit opus du crémonais. Du Livre IV (1603) de madrigaux à cinq voix sont proposées 5 pièces sur les 19 que comporte le recueil. Le genre madrigalesque connaît ici son apogée affirmant un souci de vérité dramatique auquel Monteverdi parvient par un savant dosage entre morceaux expressifs, où s'expriment les « affeti », et pièces de climat plus pastoral. Une certaine théâtralité se fait jour à travers des audaces harmoniques, dissonances, et l'usage du chromatisme. Le Cinquième Livre (1605) signe une nette évolution stylistique, portée sur les mots que prononcent des personnages qui cherchent à exprimer encore plus hautement leurs sentiments dans une récitation syllabique, là encore traversée de chromatisme. Ces pièces empruntent au Pastor fido et offrent un dialogue amoureux qui peut aller jusqu'au dolorisme. Le Sixième Livre (1614) contient 18 pièces qui, pour l'essentiel, sont renfermées dans deux cycles de « lamenti », le Lamento d'Arianna et la La Sestina, ici interprétés. Une nouvelle manière se fait jour, derniers feux du genre du madrigal a cappella. Aux côtés des œuvres sacrées de 1610, dont les Vespro, la théâtralité atteint son point culminant dans le récit où Arianna exprime sa languissante détresse. L'écriture polyphonique ouvre la voie au récitatif d'opéra. Le lamento La Sestina déploie une palette émotionnelle plus intimiste. La vision que donnent de ces pièces les solistes des Arts Florissants, sous la direction experte de Paul Agnew, combien familier de ce répertoire, est lumineuse : pureté des timbres, bel équilibre entre les voix. La liberté laissée aux interprètes est utilisée avec doigté au profit du réalisme de la narration, de l'acuité de la déclamation et de la mise en valeur des harmonies souvent audacieuses, sensuelles ou imitatives de la nature, de la musique de Monteverdi. 

 

Jean-Pierre Robert.

 

« Apothéoses ». François COUPERIN : Concert instrumental sous le titre d'apothéose de Monsieur de Lully. Le Parnasse, ou l'apothéose de Corelli. La Superbe, Sonade en trio. La Sultane, Sonade en quatuor. Amandine Beyer, violon.  Gli Incogniti. 1CD Harmonia Mundi : HMC 902193. TT.:  57'34.

L'apothéose, en musique, est un hommage rendu par un maître à un autre, et une composition dont les vastes dimensions dépassent celles du « Tombeau », et le contenu rhétorique celui plus anecdotique des « Portraits ». François Couperin, dit « Le grand » (1668-1733), en a écrit deux, dans cette optique des «  goûts réunis », prônée par le XVIII ème siècle, ou tentative de rapprochement des manières française et italienne. L'Apothéose de Corelli (1724) flatte le style italien au point de l'imiter, tout en gardant ses distances. La confrontation doit tourner à l'avantage de celui qui s'en fait le champion. Car comme le remarque Amandine Beyer, « en essayant de refaire une sonate dans le style italien, Couperin crée tout simplement le genre nouveau de la ' sonade ' française ». L'Apothéose «  composée à la mémoire de l'incomparable Monsieur de Lully » (1725) est encore plus explicite. Le grand musicien français se voit honoré de la visite d'Apollon qui le place au Parnasse auprès de Corelli, en les persuadant l'un et l'autre « que la réunion des Goûts Français et Italien doit faire la perfection de la Musique ». La composition est aussi plus conséquente, qui à travers ses trois parties, enchaîne une succession de morceaux lents et rapides, les premiers les plus développés d'ailleurs, aux intitulés évocateurs : « Gracieusement », « Dolemment », « Élégamment », « Vivement », « Rondement », « Gaÿment ». Cette belle anthologie comporte encore deux autres « sonades », l'une en trio, « La Superbe », dans le style italien, de Corelli bien sûr, l'autre, « La Sultane », en quatuor, avec l'ajout d'une seconde viole de gambe. Les «  recréations » que livrent Amandine Beyer et ses amis de Gli Incogniti fleurent le parfum des délicieuses aventures. Leur approche que la violoniste qualifie d'intuitive, est imaginative et d'un goût parfait dans l'art des contrastes : mouvements vifs empreints d'une joyeuse alacrité, pièces lentes d'une délicatesse de souffle certaine.

 

Jean-Pierre Robert.

 

« Porpora il maestro ». Arias et cantates de Nicola PORPORA. Franco Fagioli, contre ténor. Academia Montis Regalis, dir. Alessandro de Marchi. 1CD Naïve : V 5369. TT. : 80'.

L'attrait exercé par la voix de contre ténor nous vaut découverte sur découverte, d'interprètes, mais aussi de programmes. A cette aune, Franco Fagioli est en passe de se hisser aux toutes premières marches d'un Panthéon qu'on croyait réservé à Scholl, Jaroussky et autre Cencic. Après son CD « Arias pour Caffarelli » (cf. NL de 11/2013) il a concocté un généreux florilège de morceaux de celui qui pour lui, fait figure d'idole, Nicola Porpora. Ce napolitain (1686-1768) fut un compositeur pédagogue et on compta parmi ses élèves les fameux castrats Farinelli et Senesino. Il parcourut l'Europe, de Vienne à Londres, de Venise à Dresde. Son écriture vocale dénote une connaissance approfondie de la voix humaine et pas seulement dans la phénoménale maîtrise de la vocalise pyrotechnique dont il a inculqué la manière chez ses élèves. Avec lui, l'art vocal a atteint des sommets d'intensité et porté au plus haut l'école napolitaine. De ses nombreux opéras, Fagioli a choisi plusieurs exemples topiques d'arias aux arabesques infinies, aux ornementations les plus folles, souvent distillées sur un même mot. Les arias sont de coupe da capo avec le changement de rythme caractéristique sur la partie centrale et une reprise plus brillante encore du premier tempo. Si la forme demeure classique, l'usage qui en est fait est audacieux quant à la mise en scène des sentiments exprimés. Franco Fagioli se meut dans cet univers avec une aisance confondante. A la chaleur du timbre s'ajoute le legato parfait de naturel, notamment dans le registre piano, et bien sûr la sûreté des vocalises ahurissantes dont sont truffés les morceaux : enchaînement de trilles exécutés dans un même souffle, multiplication des ornementations, notes projetées dans le grave ou lancées en fusée dans l'extrême aigu. On est enivré de ces volutes à perdre haleine, par exemple en une sorte de cadence, déployées sur trois octaves, dans l'aria « Spesso di nubi cinto » tiré de Carlo il Calvo. On est subjugué aussi par un style qui ne sombre pas dans la pure sollicitation de l'effet, mais cultive une vraie chaleur expressive, qu'il s'agisse du registre de la douceur ou des traits emportés des arias di furore.

 

Jean-Pierre Robert.

 

« Stella di Napoli ». Airs de bel canto de Giovanni Pacini, Vincenzo Bellini, Michele Carafa, Gioachino Rossini, Saverio Mercadante, Gaetano Donizetti, carlo Valentini. Joyce DiDonato, mezzo soprano. Chœur et Orchestre de l'Opéra de Lyon, dir. Riccardo Minasi. 1 CD Erato : 08256 463656 2 3. TT. : 72'10.

La production napolitaine du début du XIX ème siècle compte parmi les trésors du bel canto. Parce que Naples est un centre musical essentiel alors, et que les courants les plus novateurs s'y font jour, voisinant avec les esthétiques les plus conservatrices. Cette confrontation assure aux compositions des musiciens qui s'y illustrent une étonnante originalité. Les arias assemblées dans ce CD en offrent une patente illustration. Où l'on constate que les voies du bel canto sont souvent imprévisibles, pour ne pas dire impénétrables dans les méandre de l'inspiration. La ligne de chant assume une surprenante autonomie par rapport à l'accompagnement, même si celui-ci fait appel à des instruments fétiches comme la harpe ou la clarinette. Ainsi de cette aria de Michele Carafa (1787-1872 ), emprunté à l'opéra Le nozze di Lammermoor, sur un sujet bien connu à l'époque et immortalisé par la Lucia di Lammermoor de Donizetti : préludé à la harpe, rejointe par la clarinette, la mélodie vocale installe un climat de douce mélancolie. Dans La Vestale, Saverio Mercadante (1795-1870) offre avec la cavatine « Se fino al cielo ascendere » un festin vocal défiant les lois de la mélodie prévisible, après qu'elle ait été introduite par un concertino des bois. Les ornementations peuvent être aussi originales qu'inattendues, comme le montre l'aria « Riedi al soglio » tirée de  la Zelmira de Rossini, créée pour la Colbran. Il en va de même de la scène finale de Saffo de Pacini (1796-1867) qui voit le suicide de l'héroïne dans une lugubre atmosphère. Au fil de ces morceaux délicats, voire de bravoure, on voit combien l'air romantique acquiert une nouvelle dimension sous la plume de ces musiciens : des touches personnelles dans les fioritures mènent la mélodie vocale dans des contrées peu prévisibles. Enfin, on est saisi par des changements d'harmonie, renforcés par le recours à une instrumentation inédite, comme l'harmonica de verre à clavier dialoguant avec le harpe pour cette autre aria tirée de l'Elisabetta al castello de Kenilworth de Donizetti (1829). Tous ces joyaux, Joyce DiDonato leur donne vie en les parant d'une coloration dramatique certaine et de cette vulnérabilité du trait qui la place plus dans le sillage d'une Marilyn Horne que dans la comparaison avec la manière de sa consœur italienne Cecilia Bartoli, car le vibrato se fait présent çà et là. Elle est idéalement soutenue par Riccardo Minasi qui sait trouver le ton et tirer de beaux accents du phonogénique Orchestre de l'Opéra de Lyon. Le chœurs maison sont moins à l'aise et ses solistes pas toujours à la hauteur des répliques épisodiques nécessitées par certaines scènes.

 

Jean-Pierre Robert.

 

JS. BACH : Double concerto pour violon, hautbois, cordes et continuo, BWV 1060R. Sinfonia de la cantate BWV 156. Concerto pour violon, cordes et continuo, BWV 1042. Sonate pour violon seul BWV 1003. « Erbarme dich, mein Gott », extrait de la Passion selon Saint-Matthieu, aria transcrite pour hautbois d'amour. CPE. BACH : Sonate en trio pour flûte, violon et continuo Wq 143. Lisa Batiashvili, violon, François Leleux, hautbois, Emmanuel Pahud, flûte. Kammerorchester des Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunk. 1CD Universal DG : 479 2479. TT. : 69'10.

Ce disque qui se veut construit sur un air de famille, et pas seulement entre JS. et CPE. Bach, mais entre la violoniste Lisa Batiashvili et son époux hautboïste François Leleux, réunit quelques pages emblématiques du Cantor et une sonate en trio du fils aîné. Du premier on peut ainsi entendre le double concerto BWV 1060R, dans sa version pour violon et hautbois, et le concerto pour violon BWV1042. Le problème est que sous de louables intentions, se cache une bien curieuse idée de l'interprétation de ces pages archi connues : tempos peu rigoureux, accents de métronome, accélérations arbitraires, fins de phrases banales. Sans prôner une interprétation sur instruments anciens, cette version « moderne » offre peu de saveur. L'absence de chef y est sans doute pour beaucoup, et on ne parvient pas à accrocher à une expérience  presque routinière. C'est d'autant plus regrettable que le violon de Lisa Batiashvili est stylé et déploie une belle sonorité. Ce qui se vérifie au fil de la Sonate pour violon seul BWV 1003, distinguée par une « fuga » presque véhémente et un andante profond. Côté concertant, les choses viennent mieux dans la Sonate en trio de CPE Bach grâce à l'élan que lui apporte la flûte solaire d'Emmanuel Pahud qui, à défaut de chef, est le garant du juste tempo. L'aria « Erbarme dich, mein Gott » extraite de la Matthaus Passion de Bach, sonne, dans cette transcription pour violon et hautbois d'amour, comme un bis racé montrant deux solistes à leur meilleur. Il n'empêche un bien curieux programme.

 

Jean-Pierre Robert.

 

Jean-Philippe RAMEAU : Hippolyte et Aricie.  Tragédie lyrique en cinq actes et un prologue. Livret de l'Abbé Simon-Joseph Pellegrin. Topi Lehtipuu, Anne-Catherine Gillet, Stéphane Degout, Sarah Connolly, Jaël Azzaretti, Salomé Haller, Andrea Hill, Marc Mauillon, Aurélie Legay, François Lis, Aimery Lefèvre, Nicholas Mulroy, Manuel Nunez Camelino, Jérôme Varnier, Sydney Fierro. Orchestre et Chœur Le Concert d'Astrée, dir. Emmanuelle Haim. Mise en scène : Ivan Alexandre. Production de l'ONP, 2012. 2 DVD Erato : 462291 7 8. TT. : 174'.

Captée lors de sa présentation en juin 2012 au Palais Garnier, cette version du premier opéra de Rameau se signale par son esthétisme raffiné. La mise en scène d'Ivan Alexandre regarde du côté de la Phèdre de Racine. Elle décline le formalisme d'une tragédie classique où se marient élégamment musique, théâtre et danse. Elle reste toujours lisible et ne sombre pas dans le compassé de la reconstitution. Elle invite à un voyage imaginaire. La décoration inspirée de l'antique, avec trompe-l'œil et effets de symétrie, sertit des costumes chatoyants dont l'inspiration a été puisée aux sources le plus sûres, et s'agrémente d'une machinerie sophistiquée avec apparitions du dessus ou des entrailles. Les mouvements offrent juste cette touche de préciosité dans les attitudes et d'hyperbole dans la gestique, avec de savants jeux de mains, qui rappellent que nous sommes là en territoire codé. Mais quelques clins d'œil modernes assouplissent le discours. Ainsi du personnage de l'Amour dont l'impertinence apporte une note de vivacité dans cet univers policé. La caméra saisit tel ou tel détail d'une expression, d'une attitude, d'un visage et des affects qui l'habitent : fureur de Phèdre, grandeur de Thésée, affliction d'Aricie, noirceur du personnage de Tisiphone, presque caricatural. Mais la régie qui va jusqu'aux limites, ne les franchit pas. Elle reste dans la suggestion et la finesse du trait. Le tableau des enfers est à cet égard un modèle de peinture de l'effrayant sous des apparences d'objectivité. La couleur rouge sang domine, les Parques ont la tête à l'envers, Pluton et sa cour infernale sont d'un immobilisme menaçant. La distribution fait honneur au chef d'œuvre de Rameau. La noblesse d'accents, le phrasé souverain de Stéphane Degout illuminent le personnage de Thésée, comme la déclamation grandiose de Sarah Connolly confère toute son aura de grandeur à celui de Phèdre, toute racinienne. Le couple titre est plus placide, sans doute volontairement, calé sur une direction d'acteurs qui le conçoit de manière peu passionnelle. Jaël Azzaretti est un parangon de délicieuse facétie dans le rôle de l'Amour qu'elle gratifie de vocalises aériennes. La pléiade des autres rôles est servie par des chanteurs de la jeune génération, rompue au baroque. La direction d'Emmanuelle Haim, vive et fluide, même si un brin placide, magnifie une musique généreuse et les interventions solistes sont immaculées.

 

Jean-Pierre Robert.

 

Wolfgang Amadé MOZART : Concerto pour piano K. 271, « Jeunehomme ». Rondo pour piano et orchestre K. 386. Air de concert « Ch'io mi scordi di te ?.. Non temer, amato bene », K. 505. Joseph HAYDN : Concerto pour piano en /Hob. XVIII : 11. Alexandre Tharaud, piano. Joyce DiDonato, mezzo-soprano. Les Violons du Roy, dir. Bernard Labadie. 1 CD Erato : 46224 0 3. TT.: 70'56.

Le nouveau projet discographique d'Alexandre Tharaud ose l'originalité, plutôt que   coupler deux concertos pour piano de Mozart, de mettre en miroir le concerto K. 271 avec un concerto de la maturité de Josef Haydn, et de l'agrémenter de deux autres courtes pièces de Mozart. L'association fonctionne plutôt bien. Écrit pour Mlle Jeunehomme, pianiste française et une de ses élèves, ce morceau annonce la veine des grands concertos de la maturité. Tharaud et Bernard Labadie l'abordent vif et engagé à l'allegro initial, avec un vrai jaillissement, à l'aune de l'entrée du piano dès les premières mesures. La cadence porte un bref trait de mélancolie. Le pianiste, qui dit voir là une de ses œuvres fétiches, prend l'andantino et sa façon de s'épancher comme un air d'opéra, de manière très retenue, quasi adagio, soliloque d'une voix intérieure, jusqu'à la confession. Le développement, sur le concertino des bois énonce quelque souffrance enfouie, que Tharaud renforce de solides contrastes dans les accords. Le rondo final s'ébroue tel un tourbillon au milieu duquel gambade un soliste enjoué. Un changement d'humeur et de rythme, lors de la cadence, est là encore le signal d'un autre court moment de mélancolie. Le pianisme de Tharaud est clair, énergique, inventif et plein d'esprit. Le concerto de Haydn ne dépare pas face à celui de Mozart. Ils semblent même se compléter. La gaieté simple et sans nuage marque le « vivace » qui débute l'œuvre d'une verve émoustillante, nantie des traits humoristiques. Le finale, rondo « all'Ungarese », d'une vigueur décapante, est d'une folle faconde, que Tharaud souligne à l'envi, au point d'inclure dans la cadence des bribes de la « Marche Turque » de Mozart. Car l'idée est d'établir des passerelles entre les deux œuvres et au-delà avec une autre pièce du programme, le rondo K. 386. Celui-ci alterne deux motifs, l'un serein, l'autre introspectif, et Tharaud conçoit une cadence qu'il relie à la thématique du dernier mouvement du concerto « Jeunehomme ». Il a aussi inclus l'air de concert K. 505 « Ch'io mi scordi di te... »,  sans doute l'un des plus fascinant de Mozart. Il insère en effet le piano dans le dialogue voix-orchestre, pour en faire presque un concerto à deux instruments. Joyce DiDonato le chante avec humilité tandis que le piano de Tharaud lui ravirait la vedette. Un CD surprenant et passionnant.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

« Mozart's Instrumental Oratorium ». Wolfgang Amadé Mozart : Symphonies N° 39, K. 443, en Mi bémol majeur, N° 40, K. 550, en Sol mineur, & N° 41, « Jupiter », K. 551, en Ut majeur. Concentus Musicus Wien, dir. Nikolaus Harnoncourt. 2CDs Sony Music : 88843026352. TT.: 65'01+39'23.

 

Avec cette interprétation, Nikolaus Harnoncourt affirme haut et fort ce que d'aucuns avançaient comme une hypothèse (en particulier Jean et Brigitte Massin, in 'Mozart', Fayard) : les trois dernières symphonies de Mozart forment un tout, non pas trois pièces indépendantes, mais une œuvre tripartite. Ce qu'il appelle un « oratorio instrumental ». « Elles figurent en apparence une sorte d'itinéraire choisi par un être humain pour atteindre sa destination » (in 'La parole musicale', Actes Sud, cf. supra Le Coin Bibliographique). On sait peu de choses de ces œuvres, si ce n'est qu'elles ont été écrites en 1788, en l'espace de deux mois, sans commande précise. Le besoin financier, auquel peuvent faire penser les lettres alors adressées par Mozart à Michael Puchberg, frère de Loge, est une explication, à laquelle le chef autrichien ne croit guère. Un lien de parenté unit ces trois œuvres : de l'ouverture tragique que constitue le premier mouvement de la 39 ème, jusqu'au finale grandiose de la 41 ème, il y a là un continuum que le choix des tonalités rend probable. Leur enchaînement aussi et le développement de motifs proches. Des singularités encore : le finale de la Symphonie K. 443, monothématique, finit par « se résoudre en un nuage de poussière » (ibid.), d'où émerge, si on les rapproche, « le début vague et confus » de la Symphonie K. 550, et sa curieuse « palpitation » des altos.

 

A l'automne d'une immense carrière, et pour la première fois avec son orchestre du Concentus Musicus Wien - d'un fini instrumental inouï - Harnoncourt livre sa vision de cette trilogie et développe une dramaturgie bien différente de ce qu'on a coutume d'entendre. Elle bannit toute brillance. Le « béat bonheur mozartien » (ibid.) cède résolument le pas à une manière austère, qui vous remue au plus profond. La Symphonie K. 443 en Mi bémol majeur, tonalité « du cérémoniel sérieux », empoigne dès les premiers accords massifs et tragiques, et au fil d'un allegro qui progresse avec grandeur. Dans l'andante con moto, tout aussi dramatique, il n'y aura pas de grâce superfétatoire. Le Menuetto est vivement rythmé avec un trio tout en rupture et une reprise peut-être plus vive encore. Le finale se vit en rafale, prestissime. L'enchaînement du 1er mouvement de la 40 ème symphonie, dans le disque, immédiatement après les dernières notes de la symphonie précédente, produit un effet saisissant. « Tout est ici remis en question » dit Harnoncourt à propos de la 40 ème, car la tonalité de Sol mineur est celle « de la mort et de la tristesse ». L'élan est implacable, tel un cauchemar au premier mouvement. L'andante souffle l'apaisement, en apparence, car un serrement de cœur se fait jour aux bois (hautbois et bassons) sur le soupir des violons. Le Menuetto, d'une belle liberté d'approche fermement rythmée, introduit une pause, vite abandonnée par un trio d'une insondable douleur, mise en exergue par le concertino des bois et des cors. L'allegro assai poursuit sur la même idée dramatique, sans s'emballer comme souvent chez certains chefs, et refusant le sourire que ceux-ci apportent à cet épisode. Les accords en cascade sont fermement détachés et la fugue conclusive affirme encore ce choix. La Symphonie « Jupiter » K. 551, là où Mozart « résout tout dans la joie », est grandiose de bout en bout : un Vivace aux attaques fières, dignes d'une Ouverture d'opéra, bardé de silences lourds de sens, à la rythmique solide avec des coups de boutoir formidables ; un Andante cantabile qui ne s'attarde pas sur quelque joliesse, car le tempo allant est traversé d'interjections brusques ; un Menuetto extrêmement fluide, dont l'énigmatique Trio avec ses trois notes lourées, livre un étonnant contraste ; et, dernière étape d'un voyage impressionnant, un finale portant la fièvre à son apogée, pas seulement eu égard à la battue fort énergique du chef, mais par l'élan qu'il communique, celui d'un musicien taraudé par « l'angoisse de la perfection » (ibid.) dans l'interprétation musicale. Un expérience rare.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Robert SCHUMANN : Intégrale des symphonies. N° 1, op. 38, « Frühlingsymphonie » (symphonie du printemps), N° 2, op. 61, N° 3, op. 97, « Rhénane », N° 4 (Première version de 1841). Berliner Phiharmoniker, dir. Sir Simon Rattle. 2 CDs + 1DVD Berliner Philharmoniker Recordings : BPHR 140011. TT. : CDs =56'18+60'56 ; DVD=140'.

Comme bien d'autres orchestres avant lui, le Berliner Philharmoniker a créé son propre label discographique et vidéographique. Plusieurs raisons à cela : le développement du Digital Concret Hall, opération de diffusion vidéo des concerts de l'orchestre, et le fait que le contrat du directeur musical Simon Rattle avec un des majors du disque (EMI, devenu Warner ) a pris fin sans être renouvelé. La question de savoir si l'orchestre continuera à enregistrer, avec d'autres chefs, pour les majors du disque, comme DG, est posée. Pour l'heure, et comme premier opus de ce nouveau projet, Rattle et l'Orchestre ont choisi d'offrir l'intégrale des symphonies de Schumann. Celle de Schubert suivra, dirigée par Nikolaus Harnoncourt. La présentation des disques est fort luxueuse, sous large coffret entoilé rehaussé, comme il en est de l'iconographie intérieure du livret, de reproductions de vases de la Manufacture Royale de porcelaine de Berlin, KPM. Le coût est aussi en rapport avec le produit. Mais le prince des orchestres ne saurait faire dans le banal ! Côté interprétation, voilà des versions qui assument leur différence dans un secteur où la concurrence est rude. Simon Rattle associe volonté d'offrir des interprétations historiquement documentées et souci d'une exécution moderne dans une large salle de concert ; en l'occurrence celle de la Phiharmonie de Berlin où ces enregistrements ont été effectués en direct. Ce qui frappe d'emblée c'est le parti d'allègement de la texture, lequel permet de s'approcher de la couleur d'origine, loin des exécutions plus épaisses souvent favorisées depuis lors avec des formations pléthoriques. On sait le vieux débat autour de l'orchestration schumannienne que d'aucuns ont fustigé de malhabile ou de monotone, ce qui paraît bien méconnaître le génie de Schumann pour la diversité et une manière alerte empruntée à Mendelssohn. Cette atténuation de la pâte sonore on la perçoit dans les cordes dont Rattle cherche à souligner  la finesse, mais aussi chez les cuivres qui sont astreints à une relative discrétion. Une autre caractéristique est la manière de contraster forte et piano, encore que le spectre sonore ne soit jamais disproportionné. Tout cela est restitué dans une perspective naturelle de concert par les ingénieurs du son qui achèvent un équilibre pleinement satisfaisant entre cordes et vents, et mettent en valeur les fameuses caractéristiques de l'orchestre, dont la sonorité enveloppante des contrebasses n'est pas la moins captivante.

 

La Symphonie N° 1, « du printemps », offre un bel exemple de l'allègement sonore privilégié par Rattle. Dès le premier mouvement la manière s'avère vive, dansante presque, s'emballant joliment à la coda. Le larghetto est chantant, pas seulement dans la majestueuse phrase des cellos, et le deuxième thème n'est pas appuyé. Bien balancé, le scherzo est calé dans une rythmique dansée et le trio fait contraste, sa deuxième réplique prise à une allure plus rapide introduisant un bel effet de surprise. La péroraison ouvre un espace de réflexion qui prend son temps. Quant au finale, grazioso, tout mendelssohnien, des accélérations çà et là maintiennent en haleine et la reprise finale conduit fièrement à un joyeux tumulte d'apothéose. Rattle joue la Quatrième symphonie dans sa version originale de 1841. Le matériau est plus fruste que dans la révision de 1851, qui utilise les doublures instrumentales. Ici, le discours n'est pas appuyé, révélant mieux la subtilité de l'harmonie schumannienne. La vision de Rattle est volubile, n'hésitant pas à bouler le tempo (coda du premier mouvement, finale très scandé). La mélancolique « Romanza » centrale s'épanche naturellement et l'entrée du violon solo lors de la péroraison n'est pas exagérée en termes de prééminence sonore. La Deuxième symphonie souffre d'un parti pris de ralentissement comme d'une recherche de contrastes exacerbés, à la différence de la fraîcheur du geste qu'apporte Claudio Abbado dans sa récente interprétation en CD (cf. NL de 9/2013). L'architecture du premier mouvement s'en ressent et connaît quelque baisse de tension dans le développement, alors que la coda est comme précipitée. Le scherzo « vivace » a du mordant mais le trio central s'appesantit. L'opposition « Forestan et Eusébius » sans doute, mais un peu poussée à l'extrême. Par contre, à l'andante espressivo, le chef prend son temps et l'on savoure la mélodie envoûtante du hautbois comme le merveilleux crescendo monté amplement aboutissant au bouquet des cordes suraiguës. Le développement associe lenteur et jeu pianissimo, au point de presque distendre le discours. Le molto vicace final renoue avec l'énergie et on savoure le contrepoint des cordes graves. La Troisième Symphonie, « Rhénane », est une indéniable réussite car la vision est plus « centrale ». Rattle fait sienne l'indication « Lebhaft » (animé), et le « drive » est certain, héroïque au premier mouvement et retrouvant au finale la légèreté bondissante de la Première symphonie. Les trois séquences médianes forment contraste : du scherzo « très modéré », ample comme une danse de Landler, tandis que les traits de cuivres ne sont pas funèbres, au « nicht schnell », intermezzo romantique expressif s'enfonçant dans une douce rêverie, ou encore au « Feierlich » (solennel), choral non pesant avec une progression dramatique savamment dosée. La volonté d'allègement coté cuivres est là encore patente. Partout, on est subjugué par la souveraine perfection sonore des Berliner.


Jean-Pierre Robert.

 

Dimitri CHOSTAKOVITCH : Symphonies N°4, op. 43, No 5, op. 47,  N° 6, op. 54. Mariinsky Orchestra, dir. Valery Gergiev. 2CDs Mariinsky : MAR0545. TT.: 59'40+75'26.

Pour ce nouveau volet de l'intégrale des symphonies de Chostakovitch, Valery Gergiev propose les opus 43, 47 et 54 et leurs univers contrastés quoique partageant un point commun, celui d'un message tragique assumé jusqu'à l'extrème. La Quatrième Symphonie op. 43, achevée en 1936, retirée par Chostakovitch juste avant la première exécution, et finalement créée en 196I par Kyrill Kondrashin, est un immense coup de poing.  A l'effectif orchestral gigantesque répond le foisonnement des idées, fruit des intenses recherches du musicien. A l'exemple du vaste premier mouvement, lui-même divisé en plusieurs sections au fil d'une mosaïque thématique étonnante. Valery Gergiev et ses musiciens du Mariinsly en livrent une exécution impressionnante, quoique moins engagée que de précédentes exécutions. Ponctuée de stridences dignes de l'opéra Lady Macbeth de Mzensk, de clusters grisants, de courses haletantes et éperdues, de sforzandos inouïs comme enroulés sur eux-même. Le moderato central, un scherzo qui ne dit pas son nom, quelque peu impénétrable, abonde de références à Mahler. Les changements brusques de cap qui émaillent le finale, d'une marche funèbre, elle-même envahissante, à une suite de danses variées, conduisent à des explosions sonores, points culminants d'accélérandos saisissants. La séquence finale signe des accords frénétiques avant que le discours livre son angoissante résolution aux dernières mesures où le son se raréfie pppp jusqu'au silence. Le caractère déroutant de cette œuvre, par l'enchaînement des motifs et la rugosité de la musique, n'est assurément pas aisé à appréhender dans une écoute domestique privée de la spacialisation du concert. Encore que la captation live aide beaucoup ici.

 

La Symphonie N° 5, op. 47, lors de sa création, en 1937, marquait la première collaboration de Chostakovitch avec le jeune chef Evgeny Mavrinski qui la mena au triomphe. Elle raconte une épopée totalement russe et Gergiev en porte haut la veine émotionnelle. L'âpreté du discours est vite en évidence dans une dynamique  extrêmement contrastée, avec des climax d'une force colossale. Le scherzo est rythmé avec humour. Le largo offre comme un cri désespéré, à l'image de la mélodie du hautbois d'une insondable tristesse. Là encore, la progression aboutit à des paroxysmes terrifiants que rehaussent les percussions. La récapitulation n'est sereine qu'en apparence. La fanfare qui ouvre le dernier mouvement introduit un contraste saisissant : de vastes torrents se répandent, où la modernité du langage cède brièvement la place à quelque post romantisme. Toute cette dialectique, Gergiev la saisit à bras le corps. De la symphonie N° 6, op. 54, de 1939, il donne une exécution incandescente. Cette pièce présente un schéma inhabituel, ses deux derniers mouvements brefs ne totalisant pas même la durée du premier. Les très sombres accents de ce largo, de tout un orchestre frémissant pianissimo, d'où émerge un solo de flûte désespéré, procure un immédiat sentiment de morbidezza, rappelant là encore Lady Macbeth de Mzensk et son dernier tableau. Il s'accentue à la coda, quoique apparaissent des lueurs d'optimisme. L'allegro suivant est pris dans une légèreté désinvolte. Du finale presto, bâti sur un train de marche en crescendo à la Rossini, Gergiev souligne toute la malice et ne se prive pas d'en souligner les aspects grotesques et l'incisive vivacité comme lors d'un récent concert parisien.

 

Jean-Pierre Robert.

 

Frédéric CHOPIN : Concertos pour piano opus 11 & 21. Version pour piano & pianino. Soo Park & Mathieu Dupouy. 1 CD Label-Herisson : LH 11. TT : 79'25.

Quand on sait le peu de goût de Frédéric Chopin pour  les grandes prestations publiques, notamment avec orchestre, on comprend toute la pertinence de cet enregistrement des deux Concertos opus 21 (1829) et opus 11 (1830) dans cette version pour deux pianos (Pianoforte Pleyel 1843) et pianino (Pianino Pleyel 1838). Une vision plus intimiste correspondant, sans doute mieux, au caractère très introspectif du compositeur. Une authenticité, par ailleurs, avérée puisque Chopin avait coutume d'accompagner ses élèves sur un piano droit, assurant le tutti, tandis qu'il leur laissait la partie soliste sur le grand piano à queue. Une version pleine de charme, de délicatesse, d'émotion, merveilleusement naturelle où rien ne semble manquer tant le piano sait se faire, tour à tour, confident ou orchestral. Une belle entente jamais mise en défaut, une interprétation toute au service de la musique. Un Chopin comme on l'aime ! Authentique et élégant !

 

Patrice Imbaud.

 

« Made in France ». Pierre Génisson, clarinette. David Bismuth, piano. 1 CD APARTE : AP 096. TT : 59'.

Un disque remarquable qui rend hommage à l'école française d'instruments à vents et à la clarinette en particulier. Bien bel hommage en vérité, mérité qui plus est, présentant des œuvres célèbres du répertoire de cet instrument et d'autres moins connues bien que tout aussi belles. La Sonate pour clarinette et piano (1921) de Camille Saint-Saëns, écrite à 86 ans, la Sonate de Francis Poulenc composée en 1962 quelques mois avant la mort du compositeur, la Première Rhapsodie (1910) de Claude Debussy, l'Andante et Allegro (1881) d'Ernest Chausson, de découverte récente (1977) et  le Thème et Variations (1974) de Jean Françaix constituent l'essentiel de cet enregistrement, joliment conclu par la Méditation de Thaïs de Jules Massenet qui n'en est pas à une transcription de plus. Un disque, on l'aura compris, qui se veut le champion de la clarinette exploitant toute des possibilités expressives et techniques de l'instrument dans un mélange d'élégance et de virtuosité. Force est d'avouer que ces deux termes, élégance et virtuosité, s'appliquent parfaitement aux deux solistes qui s'entendent à merveille pour donner à ce disque tout son charme et sa poésie.

 

Patrice Imbaud.

 

« L'AMOUR ». Airs d'opéra. Juan Diego Florez, ténor. Orchestra e Coro del Teatro Comunale di Bologna, dir. Roberto Abbado. 1 CD Universal Decca 478 5948. TT : 64'15.

Un recueil d'airs célèbres d'opéra français du XIXe siècle, dus à Boieldieu, Bizet, Donizetti, Berlioz, Adam, Delibes, Massenet, Thomas, Offenbach et Gounod. Un répertoire chanté depuis toujours par tous les ténors du monde dont Nicolaï Gedda, Alfredo Kraus ou Roberto Alagna, pour n'en citer que quelques uns…repris aujourd'hui par Juan Diego Florez, bel cantiste reconnu. Un enregistrement qui ravira tous les inconditionnels du ténor péruvien, qui n'y trouveront rien à jeter, mais où d'autres regretteront parfois une ligne de chant qui se brise et se durcit nettement dans l'aigu. Par ailleurs, le timbre est beau dans le médium, la diction claire, la virtuosité certaine, l'accompagnement orchestral de qualité.

 

Patrice Imbaud.

 

« Mélodies. Prescience conscience ». Collection Les Musiciens  &  la Grande Guerre. (Vol IV). Marc Mauillon, baryton. Anne Le Bozec, piano. 1 CD HORTUS 704. TT : 69'49.

Quatrième volume de cette collection originale et très intéressante consacrée, par le label Hortus, aux musiciens de la Grande Guerre. Tout un florilège de mélodies, lieder et songs reflétant parfaitement les climats si variés de cette époque tragique, toutes nations confondues, dans un mélange de regret, de désespoir, d'amertume, de désillusion, mais aussi de camaraderie et de joie.  Des compositeurs français célèbres comme Ravel, Fauré, Debussy ou Reynaldo Hahn, d'autres moins connus, belges, allemands, britanniques que l'on se plait à découvrir au fil de l'écoute, guidé en cela par un excellent livret qui présente succinctement les différentes biographies et les textes de poèmes. L'interprétation de Marc Mauillon et Anne Le Bozec ne souffre, ici, d'aucun reproche, témoignant d'une parfaite symbiose entre voix et piano, au service de la musique et de l'histoire. Une collection à suivre, d'une valeur rare !

 

Patrice Imbaud.

 

« La Naissance d'un Nouveau Monde ». Collection Les Musiciens de la Grande Guerre. (Vol V). Thomas Duran, violoncelle. Nicolas Mallarte, piano. 1 CD HORTUS 705. TT : 80'50.

Cinquième opus de la collection « les Musiciens & la Grande Guerre » proposée par le label Hortus. Dix millions de morts soldant la Grande Guerre, voilà qui ne pouvait, ni ne devait, laisser le monde indifférent, le monde musical en particulier… C'est précisément cette prise de conscience tragique et son influence sur la création musicale qui fait tout l'intérêt de cet enregistrement qui constituera pour beaucoup une découverte. Certains musiciens se rattacheront au passé, à une tradition rassurante, d'autres considéreront que plus rien ne peut désormais être comme avant, franchissant délibérément les limites d'un académisme suranné pour se risquer dans une modernité pleine d'espoirs nouveaux. Cinq œuvres magnifiques de compositeurs peu connus du grand public (Schulhoff, Bridge, Granados, Boulnois, et De la Presle) comme autant de regards différents sur le monde, comme autant d'histoires empreintes de désillusion, de nostalgie, mais aussi d'espoir. Une interprétation sublime où la complainte du violoncelle répond avec émoi et empressement aux attentes réitérées du piano. Superbe !

 

Patrice Imbaud.

 

« Métamorphose ». Collection Les Musiciens de la Grande Guerre. (Vol VI). Thomas Monnet, orgue. 1 CD HORTUS 706.  TT : 78'50.

Peut-être, par son ampleur sonore, l'orgue est-il l'instrument le plus apte à traduire l'acuité de la prise de conscience des musiciens devant la gravité du massacre humain,  parvenant à exprimer, avec une véhémence notable, ce mélange d'angoisse et de renaissance qui caractérise la création musicale au sortir de la Grande Guerre. Thomas Monnet, sur l'orgue Stahlhuth Jann de l'église Saint Martin de Dudelange (Luxembourg) nous donne à entendre, dans cet enregistrement, six œuvres originales ou transcrites d'Hendrik Andriessen ( Fête Dieu), Joseph Jongen (Deux pièces pour orgue), Sergueï Prokofiev (Toccata), Max Reger (Trauerode), Joseph Boulnois (Choral) et Maurice Ravel (Le Tombeau de Couperin). Des œuvres qui prennent, dans ce nouveau contexte instrumental, un éclairage différent où se mêlent religiosité, méditation, violence, désolation, nationalisme, tradition et modernité, tout un amalgame de sentiments qui expliquera l'importante métamorphose que subira la musique en ce début du XXe siècle, hésitant entre liberté débridée et néoclassicisme. Un sixième volume de la Collection Les Musiciens & la Grande Guerre tout aussi passionnant que les précédents. Une collection à suivre, assurément !

 

Patrice Imbaud.

 

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MUSIQUE ET CINEMA

 

Haut

 

CONCERTS

 

Le 1er novembre à 13h30, Jean-Michel Bernard donne une master class à La Gaîté Lyrique à Paris, entrée libre sur réservation.

Le 2 novembre 2014, 18h : ciné-concert au Grand Rex à Paris.

 

Manifestations organisées dans le cadre du Festival des musiques à l'image et de l'Audi Talents Awards

 

Le 10 novembre  à Quimper, au cinéma Quai Duplex,

Le 12 novembre à Toulon, au Festival Musiques d'écran,

Le 17 novembre à Paris, cinéma Le Balzac :

Ciné-concert avec le Quatuor Prima Vista, le trompettiste Matthias Champon et le percussionniste Cédric Barbier. Musique de Baudine Jam sur les images du chef d'œuvre « Les Ailes » de William Wellman (1927), Oscar du meilleur film. En 1997, "Les Ailes" a été désigné « culturellement, historiquement et esthétiquement signifiant » par la Bibliothèque du Congrès et sélectionné pour préservation au National Film Registry.

 

Le 1er novembre, aux 45e Rencontres Cinématographiques de Marcigny,

Le 17 novembre à Paris au cinéma Le Balzac :

Ciné concert : « La Grande Guerre » avec le Quatuor Prima Vista. Musique de Baudine Jam. Au programme : "La Femme française pendant la guerre", Réalisation Alexandre Devarennes (30') - 1917 ; "Les Enfants de France pendant la guerre", Réalisation Henri Desfontaines (31') - 1918 ; "No man's land" Images du front (28'), Réalisation (en partie) Alfred Machin - 1915-18

 

Le 9 novembre à Londres, Barbican Hall,

Le 23 novembre à Marseille, Villa Méditerranée :

Ciné concert « Études sur Paris » d'André Sauvage, 1928, avec le quatuor Prima Vista. Musique de Baudine Jam.

 

Pour en savoir plus sur ce quatuor :

http://quatuorprimavista.online.fr

 

 

Hommage aux musiques des films de Costa-Gavras

 

Le 24 novembre à 20h30, au théâtre André Malraux de Rueil Malmaison, un concert des musiques des films de Costa-Gavras sera donné par l'orchestre des élèves du conservatoire. Costa-Gavras sera présent ainsi qu'Armand Amar, le compositeur des derniers films du réalisateur (« Amen », « Le Couperet », « Eden à L'Ouest », « Le Capital »). Gilles Tinayre, comme il l'a fait l'année dernière pour l'hommage Francis Lai– Claude Lelouch, a fait les arrangements pour ce passionnant concert. Une exposition d'une trentaine de photos du réalisateur sera organisée et le prix du jury du concours international de courts-méntrages de Rueil-Malmaison, réservé aux travaux des élèves des écoles de cinéma, sera remis au lauréat par Costa-Gavras.

 

Théâtre André Malraux 9 Place des Arts, 92500 Rueil-Malmaison

tel 01 47 32 24 42.

 

                 

 

https://www.youtube.com/watch?v=f4n5j9jgdo8

 

 

ANTOINE DUHAMEL

 


DR

 

Ce très grand compositeur de musique vient de s'éteindre à l'âge de 89 ans. Il était le fils de l'écrivain Georges Duhamel et de l'actrice Blanche Albane. Il fit ses études musicales auprès d'Olivier Messiaen et de René Leibowitz. Parallèlement il a étudié la psychologie et la musicologie à la Sorbonne. Compositeur de nombreuses œuvres symphoniques, d'opéras, il l'a été aussi de musique pour le cinéma. Sa carrière cinématographique a masqué celle de sa musique à programme qui est d'une grande qualité. Il a travaillé avec Jean-Luc Godard, Jean-Daniel Pollet, François Truffaut, Bertrand Tavernier, Patrice Leconte, Fernando Trueba…. « Pierrot Le Fou », « Week End », «  Baisers Volés »,  « Domicile Conjugal », « Que la Fête Commence », « Ridicule », « Belle Epoque » sont des musiques inoubliables. Une des plus belles partitions qu'il a écrite est une de ses toutes premières : « Méditerranée » de Jean-Daniel Pollet. C'est avec « Ridicule » de Patrice Leconte qu'il a été récompensé d'un César. Compositeur exigeant, amoureux du cinéma, il a été frustré que sa musique classique n'ait pas été plus écoutée et enregistrée. « Ubu à l'Opéra »  est un petit chef d'œuvre ! Stéphane Lerouge a écrit un livre d'entretiens aux éditions Textuel avec une préface d'Alexandre Desplat et des témoignages de Bertrand Tavernier, Patrice Leconte et Olivier Assayas. On le trouve encore sur internet. 

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=tbRi3mAU9jI

 

https://www.youtube.com/watch?v=gd7yVxlKf_0&list=PL30078D5065D7BCD6

 

https://www.youtube.com/watch?v=xVrH4d900wY

 

          

 

           

 

L'IMAGE MANQUANTE

 

Le 10 octobre dernier, lors d'une soirée à la salle Pleyel, la musique du film de Rithy Panh « L'image manquante », composée  par Marc Mader  a reçu le prix de  « France Musique – Sacem » de la musique de film. Le lauréat reçoit alors une commande de Radio France qui sera créée et interprétée l'année suivante par l'Orchestre Philharmonique de Radio France.

 

Il y a juste un an, dans le numéro de Novembre 2013 de la NL de L'Education Musicale en avait fait un compte rendu.

 

Stéphane Loison.

 

 

ENTRETIEN

 

Le réalisateur Patrice Leconte

 

 


DR

 

Patrice Leconte passe son enfance à Tours. A l'âge de 20 ans il monte à Paris, il entre à l'IDHEC, participe aux Cahiers du Cinéma et se lance dans le court-métrage. Parallèlement il contribue au journal Pilote dans les années 1970-74. En 1975, il réalise son premier film « Les Vécés Étaient Fermés de l'Intérieur » en adaptant des personnages de Gotlib, avec Jean Rochefort et Coluche. C'est le film « Les Bronzés », un des plus gros succès du cinéma français, qui fait sa renommée. Réalisateur, scénariste, cadreur il a réalisé une trentaine de longs-métrages. Souvent nommé aux Césars, il a obtenu celui du meilleur réalisateur pour « Ridicule »

 

Patrice Leconte, sans faire un mauvais jeu de mots, pourquoi ne faites-vous  pas tandem avec un compositeur de musique ? Vous en changez très souvent...

 

Oui, j'ai un bras droit et un bras gauche, qui sont Joëlle Hache, monteuse, et  Ivan Maussion, décorateur. J'ai d'autres fidélités plus épisodiques, mais au niveau de la musique je me balade. Je me suis toujours méfié des musiciens. Lorsque je reçois des bandes démo, des CD, quand des musiciens pensent savoir tout faire…suspens ? La vraie personnalité d'un compositeur ce n'est pas de savoir tout faire, d'être un caméléon … Je dis ça mais j'ai passé ma vie à faire des films différents les uns des autres. Je suis un mauvais exemple… Donc lorsque j'aborde un nouveau film, je me pose toujours la question basique : comment le mettre en scène ? On ne le fait pas de la même manière pour « Les Bronzés », « Une Promesse » ou « Les Grands Ducs ». Quel angle, quel style, vais-je adopter, et très vite je me pose la question de savoir qui va composer la musique. C'est une interrogation que je me pose très très en amont. Je ne crois pas qu'on puisse s'adresser à un même musicien pour des films très différents. Je m'amuse beaucoup plus à faire appel à Michael Nyman, ensuite à Gabriel Yared ou bien à un groupe comme L'Attirail que peu de gens connaissent. Ça me plaît parce que j'ai l'impression qu'en convoquant tel ou tel compositeur je vais les superposer à ma vision du film et que cette superposition n'est pas universelle. Ça ne m'intéresserait pas de connaître un compositeur qui sache tout faire, que j'emprunte le chemin de droite, de gauche ou celui du milieu.

 

J'aimerais qu'on revisite vos films en fonction du compositeur choisi. Pour votre premier long-métrage « Les Vécés Étaient Fermés de l'Intérieur », vous avez travaillé avec le très prolifique Paul Misraki.

 

A l'époque, je n'avais pas une grande connaissance des compositeurs de musique de film. Je connaissais bien sûr les compositeurs emblématiques comme Georges Delerue, Philippe Sarde. Avec Philippe, on se connaissait depuis longtemps, je lui avais proposé de faire la musique du film. C'est lui qui m'a conseillé de prendre Paul Misraki. C'était un vieux monsieur absolument délicieux et qui s'est amusé comme un fou à faire la musique à l'image, musique pléonasme, musique stabylo. J'ai adoré ça, mais ce n'est pas moi qui ai eu l'idée de le prendre.

 

Et « Les Bronzés » ?

 

Si vous regardez bien la liste de mes films vous allez voir que petit à petit j'ai pris conscience de l'importance de la musique. Pour mes premiers films je cherche, je n'ai pas d'idée. Les compositeurs arrivent après coup. Je ne suis pas très motivé. « Les Bronzés », c'était ma renaissance après l'échec du premier film et une période sombre. J'ai eu Michel Bernholc parce que j'aime beaucoup la variété et j'aimais beaucoup Michel Berger. Il n'avait pas le temps de faire la musique et m'a proposé son arrangeur. C'est là que je me suis rendu compte que les arrangeurs, les orchestrateurs, étaient des gens très talentueux. Mais s'il n'y a pas le type qui à l'origine donne la ligne mélodique, l'idée, ça ne sonne pas comme il faut. Michel Bernholc a fait une bonne musique, mais ce n'était pas du Michel Berger. Avec « Les Bronzés font du Ski » et Pierre Bachelet c'était un hasard un peu stupide. Yves Rousset-Rouard, le producteur des « Bronzés », avait produit « Emmanuelle » et m'a dit de rencontrer Pierre Bachelet, le compositeur de la musique ;  ce serait charmant. Je n'avais pas d'idée, j'attendais qu'on m'en souffle. Je le rencontre donc. C'était un monsieur très sympathique, paix à son âme, mais la musique des « Bronzés Font du Ski » est la musique que je déteste le plus. Je la trouve toujours affreuse. A l'époque déjà je ne l'aimais pas. Mais bon si la production la trouvait bien, je l'acceptais, je me laissais un peu avoir…

 

Après vous avez eu une grande aventure avec Renaud.

 

Avec Michel Blanc quand on a écrit « Viens Chez Moi J'habite Chez une Copine », on s'est posé la question de la musique. Là aussi je demandais conseil à des gens que j'estimais. Michel me propose de prendre Renaud ; toujours mon goût pour la variété. On fait appel à lui et j'apprends que Renaud travaille avec un musicien qui s'appelle Ramon Pipin du groupe Odeurs, un groupe que j'apprécie. On a fait deux chansons, une pour le générique début et l'autre pour le générique de fin, puis avec le groupe Odeurs la musique du milieu et là, même si je n'ai pas contrôlé les choses d'une manière comme j'aime, à l'arrivée, je trouve qu'il y a une cohérence assez magnifique. C'était un film de 81, ça fonctionne bien entre musique et cinéma. 

 

C'était l'air du temps.

 

Oui. D'ailleurs dans le Nouvel Observateur, Michel Mardore a écrit : « une comédie témoin de son temps ». Ça m'avait plus, j'avais l'impression d'avoir décroché la Légion d'Honneur ! Avec « Circulez y'a rien à Voir » on a retravaillé ensemble avec Ramon Pipin.

 

Pour « Les Spécialistes » vous avez fait appel à un vrai compositeur de musique de film qui avait déjà une belle carrière derrière lui. 

 

Eric Demarsan est un vrai professionnel de la musique. Je crois que c'est le producteur Christian Fechner qui m'a conseillé de m'acoquiner avec un conseiller musical, dont je ne me souviens plus le nom. Bref il m'avait dit :  « Il n'y a qu'un seul type qui peux faire la musique de votre film c'est Eric Demarsan » . Il me cite quelques films qu'il avait musiqués, les films de Melville bien sûr… Je le rencontre, je tombe sur un petit bonhomme qui fume la pipe, qui habite la banlieue, qui ne paye pas de mine et qui a fait une musique formidable. A l'époque je suis encore hésitant, je ne sais pas exactement ce que je veux.  Je dois dire qu'avec Eric Demarsan on s'est très bien entendu. C'est à cette époque que j'ai commencé à construire mon envie de musique par rapport au film.

 

« Tandem » ! Je me souviens de la bande annonce où on entendait seulement la chanson « Il mio Refugio » chantée par Cocciante et un texte qui défilait sur l'écran.

 

Oui c'était Resnikoff qui à l'époque faisait beaucoup de bandes annonces et qui avait eu cette idée d'écrire : «  Sur un tandem quand l'un des deux tombe ce sont les deux qui se cassent la gueule »

 

www.dailymotion.com/.../x9q7g1_tandem-bande-a...

 

« Il Mio Refugio », c'est un truc très curieux. Beaucoup de gens s'imaginent qu'on a acheté les droits d'une chanson italienne existante. Mais elle a été composée pour le film. A l'époque je faisais beaucoup de films publicitaires avec François Bernheim. C'est un prince, il avait le chic pour trouver le jingle qu'il fallait. Comme on s'entendait bien, je lui dis : je prépare un petit film, avec un petit budget, il s'appelle « Tandem », j'aimerais que tu fasses la musique, mais surtout je rêve que tu composes une chanson d'amour italienne parce que les italiens quand ils chantent l'amour, ils le chantent avec une telle désespérance, et même si ce film est une histoire d'amitié, c'est ce que je désire. Il m'écrit la chanson, la chante au piano en yaourt, la mélodie me plaît, il me propose de la donner à Cocciante. Quand j'ai assisté à l'enregistrement j'avais les poils de l'avant bras qui se hérissaient parce qu'elle me transperçait d'émotion. Je me suis dit, on a la chanson du film, j'étais aux anges. Lorsque je dis que cette chanson a été composée spécialement pour le film par François Bernheim c'est pour bien insister sur le nom de François Bernheim. Cocciante ne l'a pas écrite, il la chante magnifiquement.

 

Parlons maintenant de votre admiration pour Michael Nyman.

 

C'est grâce aux films de Peter Greenaway que j'ai apprécié ce compositeur. Avec celles de Phil Glass ses musiques me transportent. A partir de « Tandem », le compositeur n'arrive plus après coup. Dès l'écriture du scénario je pense musique. Je raconte aux compositeurs l'histoire, les images que j'ai en tête. Certains composent des thèmes avant même que j'ai tourné un mètre de pellicule. J'aime cette idée que le compositeur soit impliqué très en amont.

 

Qui vous a proposé « Monsieur Hire » ?

 

Philippe Carcassonne avait produit « Tandem » et il me demande ce qu'on fait maintenant. Connaissant ma passion pour Duvivier, un réalisateur très pessimiste et romanesque, il me demande si je savais que « Panique » était une adaptation d'un roman de Simenon.  Je l'ignorais. J'achète le livre, des idées me trottent dans la tête, j'appelle Carcassonne, je lui propose de ne pas faire un remake du film mais une autre adaptation du livre. Pour tout vous dire, j'aurais aimé faire le film avec Coluche mais il était mort un an auparavant. Il avait toutes les fêlures qu'exigeait le rôle. On a donc écrit l'adaptation sans penser à un acteur. Puis un jour j'ai eu l'idée de proposer le rôle à mon ami Michel Blanc qui n'avait jamais joué ce genre de personnage. Ça lui a fait peur, mais il a accepté. Moi aussi j'avais peur car je n'avais jamais réalisé un film avec cette ambiance. C'est mon film sans doute le plus ténébreux, il n'y a pas un demi gramme d'humour. Quand se posa la question du musicien, j'ai proposé à Carcassonne, grand amateur de musique, de prendre Michael Nyman. Je suis parti à Londres : je le rencontre, il adore le projet, il accepte. Et ça a été merveilleux. C'est Joëlle, ma monteuse, qui me dit au cours du film, que ce serait assez magnifique si Monsieur Hire écoutait toujours un air. Il le mettrait et regarderait Alice dans l'immeuble d'en face. J'ai trouvé l'idée formidable et sur son initiative j'ai tourné tous ces gros plans de tourne-disque, de vinyle. Je me suis souvenu d'un passage très court dans un quatuor de Brahms - Quatuor en Sol mineur Op. 25 -  une mélodie que je connaissais depuis des années. Je me suis dit : voilà Monsieur Hire écoutera cette mélodie, puis j'ai dit à Michael qu'il faudra qu'il cohabite avec Brahms et il a adoré cette idée. Michael Nyman, ce grand dandy, a écrit pour ce film une partition exemplaire.

 

Un autre musicien minimaliste pour qui vous vouez une passion c'est Phil Glass. Vous n'avez jamais travaillé avec lui ?

 

Depuis les films de Godfrey Reggio, « Koyaanisqatsi », la trilogie des Qatsi,  j'écoute ses musiques cent cinquante fois par an, je ne m'en lasse pas. Bon on fait une parenthèse dans la chronologie, je me suis toujours dit depuis la nuit des temps que je ferai un film avec Philip Glass. Quand j'ai eu le projet d' « Une Promesse », je me suis dit voilà on va travailler, Phil Glass et moi. J'avais correspondu avec Godfrey Reggio, parce que j'avais fait un film du même acabit, « Dogora ». Je corresponds avec Phil Glass, son assistant me répond, j'envoie le scénario, il aimerait le faire, c'était vachement avancé quoi…et un mois avant le tournage je reçois un email un peu laconique de son assistant qui me dit monsieur Glass fête ses 75 ans, il n'aura pas le temps de faire votre film, au revoir ! A l'américaine ! Pas un mot, pas un sourire, ça ne m'a pas plu ! J'étais très déçu. Combien de fois, avec Joëlle Hache lorsque je montais mes films, on mettait de la musique de Glass avant d'avoir les compositions définitives.

 

Vous étiez maso !

 

Oui, un peu (rire)

 

Je pense que c'est quand même une bonne chose pour le film. Car ce que vous a amené Yared est exceptionnel.

 

Quel est le proverbe …C'est A quelque chose malheur est bon, je crois ? Un  jour, j'ai proposé à Jean Pierre Marielle « La Fille sur le Pont », il m'a dit non, je suis trop vieux. J'ai pris Daniel Auteuil qui est génial. Quand un film vous claque dans les doigts, vous vous dites que tout est foutu, et vous rebondissez d'une manière formidable.

 

Comment vous est venu l'idée de Yared ?

 

Joëlle Hache avait travaillé avec lui sur « Camille Claudel ». C'est le seul nom qui m'a consolé de la défection de Glass. Il a vu le film seul avec Joëlle et c'est à la fin de la projection que j'ai fait sa connaissance et que nous avons parlé du film. Il l'a vu avec des musiques provisoires qui étaient de Wim Mertens. Pendant un moment j'ai rêvassé autour de lui quand j'ai senti que cela pouvait être compliqué avec Phil Glass. Gabriel l'apprendra sûrement un jour que j'avais proposé à Philip Glass, qu'il a été non pas le deuxième choix mais mon sauveur. Ça a été une collaboration étourdissante de sensibilité, de talent. Ce qu'il a fait pour le film est vraiment formidable. Je suis tellement heureux du travail de Yared et on s'est tellement bien entendu, c'était du bonheur. Voilà mon aventure avec Phil Glass.

 

https://www.youtube.com/watch?v=0EBhxAeUYiE

 

Maintenant on reprend la chronologie et on arrive avec un film exceptionnel : « Le Mari de la Coiffeuse » et une autre collaboration avec Michael Nyman ; mais ce n'est pas sa musique dont on se souvient quand même.

 

Je voulais continuer avec Michael Nyman parce qu'on s'entendait bien. Il lit le scénario et je lui dit qu'il faudra ce coup–ci cohabiter avec des musiques orientales. Il trouve que le film est très Français, il me propose de faire une musique à la française. Je ne savais pas ce que cela voulait dire mais ça n'était pas terrible. Autant sur « Monsieur Hire » il a été très Nymanien, autant sur « Le Mari de la Coiffeuse » il a composé un peu par-dessus la jambe. Je garde un souvenir de Nyman surtout pour « Monsieur Hire ».

 

Ensuite vous avez travaillé avec le couple Angélique et Jean-Claude Nachon que je ne connais absolument pas. Où les avez-vous trouvés ?

 

Y'a pas de danger. C'est un couple qui a fait beaucoup de musiques de scène. Et quand j'ai fait ma première mise en scène de théâtre, une pièce de Jean Anouilh, j'ai demandé aux Nachon de faire la musique. Elle n'était pas mal. Je ne sais plus où je les avais rencontrés. J'ai dû les entendre au théâtre. Il y avait quelque chose qui m'avait plu. Je leur ai dit que j'allais faire un film et par amitié, par fidélité, je leur ai demandé de composer la musique. Ils ont composé pour « Tango » et pour un film qui est un de mes préférés : « Les Grands Ducs ».

 

Avec Pascal Estève vous avez travaillé plusieurs fois, c'est un compositeur talentueux.

 

J'ai fait trois films avec lui. « Le Parfum d'Yvonne », « La Veuve de Saint Pierre » et « Confidences Trop Intimes ». Je prépare « Le Parfum d'Yvonne », voilà un titre à la con, qui est adapté de « Villa Triste » de Modiano. « Villa Triste » c'est un très beau titre, mais quand il faut se battre avec le producteur et le distributeur qui vous racontent que dans « Villa Triste » y'a triste et que ce n'est pas bon, enfin passons. Je devais retrouver pour le film Michael Nyman qui était ravi. Il voit le film, il me dit des choses intelligentes, censées, pertinentes, l'affaire est faite. Je reçois avant la date fatidique un message comme quoi pour des raisons obscures il ne pouvait plus faire la musique. Je me trouve orphelin de compositeur. Et là-dessus Joëlle Hache me dit écoute j'ai fait la connaissance d'un jeune type, Pascal Estève, je suis sûre qu'il a du talent, rencontre-le. Je le rencontre, il me joue des choses au piano, je lui montre le film, et il a été extraordinaire de répondant immédiat, d'inspiration. Il a sauvé la musique d'une manière brillante. C'était une opportunité formidable pour lui. La musique de « Confidences Trop Intimes » est une musique formidable et ce qu'il a fait pour « La Veuve de Saint Pierre » est inspiré. Je ne suis pas musicien du tout, mais je donne des indications, des pistes, et avec mes mots j'arrive à communiquer assez facilement. Je lui disais « Saint Pierre » c'est un film maritime, avec de l'accordéon, avec une marée de cordes. Il m'a dit je vais te composer une musique pour accordéon et cordes. Toute la musique a été écrite avant le tournage et il y avait certains thèmes que j'avais sur un CD et qui me trottaient dans la tête pendant le tournage.

 

Avec Antoine Duhamel, là vous avez travaillé avec un géant de la musique !

 

Antoine !  Je connaissais bien sûr sa musique sur les films de Godard et aussi et surtout pour un film peu connu, « Méditerranée » de Jean Daniel Pollet. Je suis dingo de cette musique. Quand avec Carcassonne, le producteur de « Ridicule », on évoque la musique, je lui dis qu'il y a un compositeur que j'adore et que s'il était libre ce serait merveilleux, c'est Antoine Duhamel. La grande question que je m'étais posée et qu'il m'a posée : Patrice est-ce qu'on fait de la musique moderne jouée par des instruments anciens, ou une musique ancienne jouée par des instruments modernes. En fin de compte c'était la première solution la meilleure. Antoine Duhamel a écrit une musique interprétée par Jean-Claude Malgoire et la Grande Ecurie et La Chambre du Roy. J'ai adoré les séances d'enregistrement parce qu'on a enregistré tous les instruments de l'orchestre ensemble. Je n'avais pas vécu cette situation depuis longtemps,  j'étais aux anges.

 

Alexandre Desplat a fait « Une Chance sur Deux ».

 

Il a fait une partition exemplaire pour ce film, mais il a été happé par les sirènes anglo-saxonnes et il n'est plus disponible pour nous. Cette profession est peut-être la seule qui permet le cumul, hélas. Alexandre fait trop de chose et c'est dommage. J'avais envisagé de le prendre sur « Une Promesse » mais il a été honnête et m'a dit qu'il ne pourrait pas être totalement libre pour faire une bonne partition.

 

Est-ce qu'au cours de votre carrière vous vous êtes senti frustré par ce média que vous ne pouvez contrôler ?

 

Non jamais. Je n'ai jamais été intimidé par les grands compositeurs avec qui j'ai travaillé comme Yared, Nyman ou Antoine Duhamel. Vis-à-vis de la musique je sais exactement ce que j'aime ou ce que je n'aime pas. Je n'ai pas forcément les connaissances, les mots, je ne suis pas musicien encore une fois, mais ça m'aide, parce que ma naïveté, mes convictions, en matière de goûts musicaux, j'arrive toujours à les communiquer. Avec un compositeur, quel qu'il soit, qui me présente une maquette ou un thème au piano, une approche de la musique, si je lui dis écoute c'est dommage parce que le tempo est trop lent, ça va plomber la scène, ou je ne sais pas quoi, bref, je ne me sens pas otage. Mais toujours, vraiment toujours, ça s'est bien passé. Je n'ai jamais eu un compositeur qui le prenait de haut, qui me disait écoutes laisse moi faire…ça ne m'est jamais arrivé.

 

Alors sur « La Fille du Pont » comme pour « Félix et Lola » et « Rue des Plaisirs » vous avez choisi diverses musiques.

 

J'ai adoré ça. J'allais dans les bacs de la Fnac chercher dans Musiques du monde, des musiques étranges, exotiques, des bizarreries. J'ai acheté des CD parce que la pochette me plaisait, je passais à la caisse de la Fnac avec des piles de disques qui étaient coincés sous mon menton.

 

Vous n'aviez pas d'idées préconçues au départ.

 

Je voulais que la mise en scène soit très libre, que le scénario, la bande son soient aussi très libres, donc je n'ai pas voulu de musicien.

 

Vous êtes même allé chercher « I'm sorry » de Brenda Lee que vous avez dû écouter quand vous étiez môme. Un collector quand même. On l'entend d'ailleurs dans « Casino » de Scorsese.

 

Scorsese connaît très bien « La Fille sur le Pont », c'est un grand cinéphile. J'ai fait plusieurs films ainsi sans compositeur. J'avais un sentiment de liberté et de diversité qu'un compositeur n'aurait pu me donner. Sur « La Fille sur le Pont » c'est le premier film que j'ai fait de cette manière. Avec Joëlle au montage on mettait des musiques provisoires qui devenaient définitives. La production se débrouillait pour acheter les droits. J'ai adoré cette liberté. Sur « Félix et Lola » je me suis fait aider par une sorte de Stéphane Lerouge bis pour trouver des musiques.

 

Parlez-moi de votre collaboration avec Étienne Perruchon. Vous avez fait quatre films avec lui, « Dogora », « Les Bronzés 3 », « La Guerre des Miss », « Le Magasin des suicides ».

 

Perruchon, je l'ai découvert à l'Odéon pour une musique de scène. Il a fait énormément de musiques pour le théâtre. C'est ainsi que notre amitié a débuté. « Dogora » a été une aventure formidable. J'avais depuis très longtemps envie de faire un film sans acteur, ni scénario, sans dialogue, sans un mot, un film qui serait purement émotionnel, impressionniste et musical. Quand Étienne m'a fait découvrir « Dogora », l'œuvre faisait 28 minutes. J'étais bouleversé. C'était une suite symphonique chantée dans une langue étrange par une centaine d'enfants. Étienne rêvait d'associer sa musique à des images. On décide de le faire mais il fallait réécrire une œuvre plus longue. C'est lorsque je me suis rendu au Cambodge qu'est née cette aventure, c'est une odyssée universelle, surprenante, émouvante. On n'a pas gagné un sous, mais avec « Les Bronzés 3 » et le succès du film Étienne a bien gagné sa vie.

 

Vous avez retravaillé avec lui sur le « Magasin des Suicides »

 

J'adore Jean Teulé et quelqu'un me contacte, me dit qu'il a les droits du « Magasin des Suicides ». Je pense que c'est inadaptable à moins d'être Tim Burton. Moi je ne suis pas aussi barré que lui, je suis plus naturaliste. L'affaire tombe à l'eau. Un jour un type m'appelle, me dit qu'il aimerait prendre un café avec moi pour un projet. J'accepte et il me dit qu'il a racheté les droits du « Magasin des Suicides ». Je l'arrête tout de suite et répète que je suis incapable de faire le film. Il me demande de lui laisser finir sa phrase, c'est pour faire un film d'animation qu'il voulait me rencontrer. Et là c'était lumineux pour moi parce que ça me ramenait au dessin, à l'animation que j'adore, et surtout que par ce procédé on peut faire des choses extravagantes, extrêmes. Je me suis mis à faire l'adaptation le jour même. J'ai eu l'idée d'en faire un film musical, d'écrire des chansons. J'ai travaillé avec Étienne Perruchon parce qu'on a une grande amitié et surtout qu'on s'était dit qu'il faudrait qu'un jour on fasse un film musical. J'aimerai être réincarné en cinéaste à Bollywood. Alors vous voyez pourquoi je me suis régalé à faire ce film. Il est exactement ce que je voulais.

 

https://www.youtube.com/watch?v=ZyrN7Q1AcjU&index=4&list=PLro0yFm3TXFI5PeY08_PsCnQBPA68iCcD

 

Pour « Mon Meilleur Ami » vous avez travaillé avec un groupe quasiment inconnu.

 

C'est toujours avec l'idée de me servir de musiques existantes, qu'en fouillant dans un bac de la Fnac qui réunit toutes les musiques qu'ils ne savent pas trop où classer, je tombe sur un CD intitulé « L'Attirail - Dancings des Bouts du Monde ». La pochette représentait un autocar rouge et blanc, d'une autre époque, roulant dans une ville d'un pays de l'Est. Je l'ai écouté et je l'ai aussitôt aimé. Follement. J'ai choisi Nova Zagora part 2 pour accompagner une séquence de lancer de couteaux pour « La Fille sur le Pont ». Comme j'aime bien rencontrer les gens, j'ai écrit à Xavier Demerliac du groupe et lui ai proposé, lorsqu'il viendrait à Paris, de le rencontrer. Ce qui fut fait. J'ai appris qu'il aimait les vieilles voitures, qu'il roulait avec une Simca P60, la voiture que j'avais lorsque j'étais lycéen et nous sommes devenus assez copains. C'est ainsi que j'ai commencé à fréquenter L'Attirail, assisté à leurs concerts, acheté d'autres albums avec le projet de travailler un jour ensemble. Les envies il ne faut jamais les forcer. Lorsque « Mon Meilleur Ami » est arrivé, je me suis dit : c'est maintenant, ce film est pour Xavier. J'ai toujours eu un rapport parfaitement intuitif avec la musique. Je lui ai fait lire le scénario, il l'a aimé, j'ai tourné le film, il a commencé à inventer des thèmes, je lui ai montré le premier montage et il a composé la musique. La musique de L'Attirail est une musique reconnaissable entre toutes, originale, populaire, joyeuse, colorée, nostalgique parfois. Aujourd'hui je me dis qu'il n'y avait pas de meilleur choix.

 

https://www.youtube.com/watch?v=KtA0J08UQS0

 

Et pour votre dernier film «  Une Heure de Tranquillité » vous avez pris un nouveau compositeur ?

 

Oui, Eric Neveu ! C'est un type charmant, très doué, très à l'écoute. Je connaissais son travail depuis longtemps, je n'ai pas eu l'idée de le prendre, mais la production Fidélité qui a souvent travaillé avec lui me l'a proposé. Je suis ravi de ce qu'il a composé. On travaille en bonne intelligence.

 

Alors rendez-vous le 31 décembre  pour la sortie de ce film!

 

           

 

  

 

Propos recueillis par Stéphane Loison.

 

 

BO en CDS

 

 

HENRY MANCINI. The Classic Soundtrack Collection. Legacy – Sony. Disponible le 17 novembre 2014

Mancini c'est le thème de « The Pink Panther », c'est « Moon River », le standard international tiré de « Breakfast at Tiffany's » interprété par de nombreuses stars de la chanson, c'est le « Baby Elephant Walk » de « Hatari ! », c'est la musique de « La Soif du Mal » d'Orson Welles…C'est surtout le compositeur attitré du réalisateur Blake Edwards. Henry Mancini a obtenu 4 Oscar, 20 Grammy Awards et quelques Golden Globes. Il a son étoile sur le Walk of Fame à Hollywood. Legacy - Sony vient de concocter un coffret de 9 CDs, soit 18 musiques de films d'Henry Mancini. On y trouve bien sûr les plus célèbres compositions pour Blake Edwards (« The Party », « The Pink Panther et son Retour », « Breakfast at Tiffany's » , « Darling Lili », « The Great Race », « What Did You Do in The War Daddy »), mais aussi pour trois comédies magnifiques signées Stanley Donen (« Two For The Roads », « Arabesque » et « Charade »), et pour le célèbre film d'aventure « Hatari !» d'Howard Hawks avec John Wayne. Dans ce coffret sont proposées des musiques moins connues mais tout aussi intéressantes de films tels que « Experiment in Terror », « Gunn », « High Time » de Blake Edwards, « Visions of Eight » réalisé entre autres par Milos Forman, Arthur Penn, Claude Lelouch, et « Who Is Killing The Great Chefs of Europe » de Ted Kotcheff (le réalisateur de Rambo), interprété par Jacqueline Bisset et George Segal. Un livret bien documenté et illustré accompagne ce coffret noir élégant. En bonus, Mary Poppins, alias Julie Andrews, Madame Edwards à la ville, interprète « Nothing To Lose » du film « The Party ». Pour les fêtes de fin d'année voici une belle idée de cadeau et pour les amateurs de musique un vrai collector à posséder sur cet immense compositeur et arrangeur.

 

 https://www.youtube.com/watch?v=LpxYuv2O46c

 

 

UN AMERICAIN A PARIS. Réalisateur : Vincente Minnelli. Compositeur : George Gershwin. 1CD Milan Music n° 399 593-2

 

Du 22 novembre 2014 au 4 janvier 2015, le Théâtre du Châtelet présente pour la première fois «  Un Américain à Paris », une comédie musicale tirée du chef d'œuvre du genre,  réalisée par Vincente Minnelli. Dans ce CD on trouve des thèmes très connus de Gershwin – « 'S Wonderful », « I Got Rythm », « Embraceable You »… qui proviennent de comédies de Broadway écrites par Gershwin tels que « Girl Crazy », « Funny Face », « Strike Up The Band ». Certains morceaux sont chantés par Georges Guétary et Gene Kelly. On trouve aussi sur ce CD le troisième mouvement du Concerto en Fa interprété par le pianiste Oscar Levant et le MGM Orchestra. Cette musique rappelle ô combien que la MGM avait un savoir faire pour produire des comédies musicales.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=4zLjF9hlH2k

 

 

CLIFF MARTINEZ : « At Film Fest Gent ». 1CD Milan / Universal n° 399 608-2

 

« Solaris », « A L'Origine », « Kafka », « Only God Forgives », « Espion(S) », « The Underneath », « Wicker Park », « The Company You Keep », « Contagion », quelques extraits de compositions pour ces films sont proposés dans ce CD. Elles ont été orchestrées, interprétées par le Brussels Philharmonic, dirigé par Dirk Brossé. Cliff Martinez est une figure incontournable de la musique de film d'aujourd'hui. Son parcours est assez original. Batteur du fameux groupe rock Red Hot Chili Peppers, il est devenu le compositeur attitré de Steven Soderbergh  (« Sexe, Mensonges et Vidéo », « Traffic », « Solaris », « Contagion »…et la série « The Knick »). Il est aussi, entre autres, le compositeur de Nicola Windin Refn dont la musique de « Drive » est devenu un succès international. Dirk Brossé est compositeur et chef d'orchestre. Il est actuellement directeur musical de l'Orchestre de Chambre de Philadelphie. Il a composé plus de quatre cent œuvres dont quelques BO et a participé à plus de 70 enregistrements des plus grands artistes (José van Dam, John Williams, Hans Zimmer, Elmer Bernstein, Maurice Jarre, Michel Legrand, Barbara Hendricks…). Ce disque est exemplaire car arriver à réécrire la musique de « Cliff Martinez » pour grand orchestre est carrément une gageure. Garder un équilibre entre les sons électroniques et les sons symphoniques n'est pas courant et c'est un vrai défi à relever.  Les mélodies de Martinez ne sont pas classiques mais complexes. Grâce au talent de Dirk Brossé on retrouve l'ambiance, l'émotion des œuvres originales. Ce CD stimule l'imagination. Le seul reproche qu'on pourrait faire : il semble très court ! Mais ce n'est qu'une impression !

 

L'orchestre sous la direction de Dirk Brosse, se produit au Festival du Film de Gand.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=vhIrzhLR3Js

 

 

CHEF. Réalisateur Jon Favreau. 1CD Milan / Universal CD n°399 569-2  - disque VINYLE n°399 607-2 (le vinyle contient une carte de téléchargement mp3, et ne possède que 10 morceaux)

 

Carl Casper, chef cuisinier, préfère démissionner soudainement de son poste plutôt que d'accepter de compromettre son intégrité créative par les décisions du propriétaire de l'établissement. Il doit alors décider de son avenir. Se retrouvant ainsi à Miami, il s'associe à son ex-femme, son ami et son fils pour lancer un food truck. En prenant la route, le Chef Carl retourne à ses racines et retrouve la passion pour la cuisine et un zeste de vie et d'amour. Jon Favreau, le réalisateur de blockbusters tels que les « Iron Man », a concocté un petit film indépendant à sa sauce et il est savoureux. Il est pimenté par l'apparition de ses amis et acteurs fétiches (Robert Downey Jr., Dustin Hoffman, Scarlett Johansson et la pulpeuse colombienne Sophia Vergara). Le film est un road trip et donc chaque ville possède son identité culinaire et musicale propre. Miami et la salsa, New Orleans et son groove (Sexual Healing en fanfare est un moment  très amusant du film), Austin et son Texas blues et enfin Los Angeles et son buffet hip-hop. La musique est très présente dans le film, elle est comme un acteur. Tous les morceaux ont été enregistrés spécialement pour le film. C'est une vrai BO. Elle donne des envies de bouger et de courir aller voir « Chef » si on n'a pas vu le film. Le CD s'écoute avec beaucoup de plaisir. Il serait dommage de ne pas goûter à cette food qu'offre Jon Favreau. Bon appétit !

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=wBiPuJgkfVc

 

 

I ORIGINS. Réalisateur : Mike Cahill. Compositeurs : Will Bates & Phil Mossman. 1CD Milan n°399 582-2

 

Sur le point de faire une découverte scientifique, un médecin part en Inde à la recherche d'une jeune fille qui pourrait confirmer ou infirmer sa théorie. Le film retrace le voyage incroyable qui va relier des individus totalement différents, et prouver que la science et les sentiments ne sont pas deux univers séparés... « I Origins »  est le nouveau film de science-fiction de Mike Cahill qui avait réalisé déjà un film de ce genre, « Another Earth ». Il avait eu un certain succès critique. « I Origins » n'est pas un bon film mais la musique de Will Bates & Phil Mossman est très agréable à écouter pour ceux qui aiment la musique électronique ; une musique assez planante. Sur l'album on peut entendre une belle chanson de The DØ « Dust it Off » et une de Radiohead « Motion Picture Soundtrack ». Le dernier morceau du CD est une jolie valse jouée par Phaedon Papadopoulos. Un disque à écouter.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=BkuTxygm7lY

 

 

BOOK OF LIFE (La Légende de Manolo). Réalisateur : Jorge R. Gutierrez. Compositeur : Gustavo Santaolalla. 1CD Sony Classical n°88875013232

 

Depuis la nuit des temps, au fin fond du Mexique, les esprits passent d'un monde à l'autre le jour de la Fête des Morts. Dans le village de San Angel, Manolo, un jeune rêveur tiraillé entre les attentes de sa famille et celles de son cœur, est mis au défi par les Dieux. Afin de conquérir le cœur de sa bien-aimée Maria, il devra partir au-delà des mondes et affronter ses plus grandes peurs. Une aventure épique qui déterminera non seulement son sort, mais celui de tous ceux qui l'entourent. Ce qu'il y a de formidable avec l'animation c'est que tout est possible en terme de scénario, de mise en scène, d'invention. Jorge R. Gutierres s'en donne à cœur joie et on s'amuse beaucoup à toutes ces aventures dans le monde magique des traditions mexicaines qu'est la Fête des Morts. C'est un joyeux mess que nous offre le réalisateur. Les osselets, les squelettes dansent, les monstres sont monstrueux et les musiques trépidantes. Pour une fois la 3D est efficace. C'est Gustavo Santaolalla qui est aux manettes pour la musique et se plait à recréer certaines chansons à la salsa mexicaine. Entendre un vieux squelette chanter « Cielinto Lindo » avec la voix de Placido Domingo est un pur bonheur. Domingo avait déjà prêté sa voix pour la lune dans « Moulin Rouge ». Diego Luna, qui est la voix du héros, chante lui-même les chansons et Gustavo Santaolalla pousse lui aussi la chansonnette. Le générique de fin a des accents de tube, c'est le groupe Owl City qui interprète "Take It All Away". On l'avait entendu dans d'autres films d'animation tels que « Les Mondes de Ralph » et « Les Croods ». Le morceau n'est hélas pas sur le CD. Viva la Muerte ! Viva Mexico ! et le CD también !

 

https://www.youtube.com/watch?v=0xFn6rhDN3g

 

 

SAINT LAURENT. Réalisateur : Bertrand Bonello. Musique : compilation faite par Bertrand Bonello

 

1967 - 1976. La rencontre de l'un des plus grands couturiers de tous les temps avec une décennie libre. Aucun des deux n'en sortira indemne. Comme pour la plupart de ses films précédents (« L'Apollonide », « De La Guerre », « My New Picture »), Bertrand Bonello choisit la musique de ses films dans les catalogues de musiques existantes. Dans ce film consacré au couturier Yves Saint Laurent, on entend des titres des années 60/70 (Velvet Underground, Magali Noel, Lee Fields, Luther Ingram...), ainsi que des airs classiques (Bach, Puccini, Schubert). Le CD est agréable à écouter et fait découvrir quelques morceaux de Rythm & Blues comme Bertrand Bonello en a le secret.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=AhMJKkeVVVA#t=86

 

 

THE MAZE RUNNER (Le Labyrinthe). Réalisateur : Wes Ball. Compositeur : John Paesano. 1CD Sony Classical n°88875003522

 

Quand Thomas reprend connaissance, il est pris au piège avec un groupe d'autres garçons dans un labyrinthe géant dont le plan est modifié chaque nuit. Il n'a plus aucun souvenir du monde extérieur, à part d'étranges rêves à propos d'une mystérieuse organisation appelée W.C.K.D. En reliant certains fragments de son passé avec des indices qu'il découvre au sein du labyrinthe, Thomas espère trouver un moyen de s'en échapper. Avec un scénario malin, adapté d'un cycle littéraire « l'Épreuve » de James Dashner, Wes Ball arrive à faire un teenage movie solide. On en a pour son argent avec paranoïa et peur primale. Le film se situe entre « Cube », « Hunger Games » et « Sa Majesté les Mouches ». John Paesano n'est pas très connu comme compositeur de long-métrage mais plus comme arrangeur et compositeur de séries pour la télévision. Le problème qu'ils se sont posés avec le réalisateur fût de trouver une musique entre John Williams de « Jurrasic Park », Jerry Goldsmith d' « Alien » et de « Thin Red Line » de Zimmer. Le résultat est une musique mystérieuse, angoissante, décrivant cet univers organique et ce groupe tribal que constituent ces adolescents. C'est une BO assez sombre même s'il y a de temps en temps des moments de légèreté, une forme d'espoir. John Paesano flirte de temps en temps avec Zimmer, mais c'est quand même une étonnante composition orchestrale qu'a écrit John Paesano, une belle découverte et un CD à écouter.

https://www.youtube.com/watch?v=qa9H5KsUq3M

 

 

THE GIVER (Le Passeur). Réalisateur : Philip Noyce. Compositeur : Marco Beltrami. 1CD Sony Classical n° 88875011012

 

Dans un futur lointain, les émotions auront été éradiquées en supprimant toute trace d'histoire. Seul "The Giver" a la lourde tâche de se souvenir du passé, en cas de nécessité. On demande alors au jeune Jonas de devenir le prochain "Giver"... Ce film est aussi un teenage movie adapté d'un best seller. Philip Noyce a de l'expérience. Depuis son premier et meilleur film, « Calme Blanc  », puis ses thrillers solides comme « Jeux de Guerre », « Danger Immédiat », il a fait une belle carrière. On ne peut pas dire que ce film va laisser de grands souvenirs, malgré la présence de Jeff Bridges et de Meryl Streep. Il fourmille d'incohérences même si c'est de la science fiction. La musique est du talentueux Marco Beltrami. Elle est lyrique, avec voix célestes et basse continue. Elle est à l'instar du monde qu'elle traduit : tout le monde est beau, tout le monde est gentil, sans conscience d'être. Elle est là pour faire penser aux belles choses dont personne ne se souvient. A l'écoute seule, elle devient ennuyeuse, comme le film. Elle est un peu passe partout, sans vraiment de personnalité. Tout n'est pas à jeter. Les thèmes « Happiness & pain », « War » sortent du lot. Le cinéma est une industrie, réaliser, écrire de la musique c'est du travail. Tout cela est très professionnel mais en tirer du plaisir à la vision du film et à l'écoute de la musique c'est une autre affaire. Réécoutez plutôt « 3 :10 pour Yuma », « Trois Enterrements », ou même « Démineur ».

https://www.youtube.com/watch?v=ySOsFXSeJbA

 

Stéphane Loison.

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LA VIE DE L’EDUCATION MUSICALE

 

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·       La librairie de L’éducation musicale

   

Ce livre, que le compositeur souhaitait publier dans sa maison d’édition à Kürten, se propose de présenter les orientations principales de la recherche de Karlheinz Stockhausen (1928-2007) à travers ses œuvres, couvrant sa vie et ouvrant un accès direct à ses écrits. Divers domaines investis par le plus grand inventeur de musique de la seconde moitié du xxe siècle sont abordés : composition de soi à travers les matériaux nouveaux ; découvertes formelles et structures du temps ; musique spatiale ; métaphore lumineuse ; musique scénique ; l’hommage au féminin de l’opéra Montag aus Licht ; Wagner, Stockhausen et le Gesamtkunstwerk, œuvre d’art total. Les témoignages des femmes qui l’ont accompagné dressent un portrait vif et saisissant de l’homme, artiste génial qui aimait plus que tout la musique et la recherche compositionnelle au nom du progrès de l’être humain...(suite)

Analyses musicales

  XVIIIe siècle – Tome 1

 

L’imbroglio baroque de Gérard Denizeau

 

BACH

 

Cantate BWV 104 Actus tragicus   Gérard Denizeau

Toccata ré mineur                      Jean Maillard

Cantate BWV 4                          Isabelle Rouard

Passacaille et fugue                    Jean-Jacques Prévost

Passion saint Matthieu                Janine Delahaye

Phœbus et Pan                          Marianne Massin

Concerto 4 clavecins                  Jean-Marie Thil

La Grand Messe                         Philippe A. Autexier

Les Magnificat                           Jean Sichler

Variations Goldberg                    Laetitia Trouvé

Plan Offrande Musicale                Jacques Chailley

 

 

COUPERIN

 

Les barricades mystérieuses         Gérard Denizeau

Apothéose Corelli                        Francine Maillard

Apothéose de Lully                      Francine Maillard

 

 

HAENDEL

 

Dixit Dominus                             Sabine Bérard
Water Music                              Pierrette Mari

Israël en Egypte                         Alice Gabeaud

Ode à Sainte Cécile                     Jacques Michon

L’alleluia du Messie                      René Kopff

Musique feu d’artifice                  Jean-Marie Thill

 

 

Publié l'année même de son ouverture, cet ouvrage raconte avec beaucoup de précisions la conception et la construction du célèbre bâtiment.
Le texte est remis en pages et les gravures mises en valeur grâce aux nouvelles technologies d'impression.

Pour la première fois, le Tchèque Leoš Janácek (1854-1928), le Finlandais Jean Sibelius (1865-1957) et l'Anglais Ralph Vaughan Williams (1872-1958) sont mis en perspective dans le même ouvrage. En effet, ces trois compositeurs - chacun avec sa personnalité bien affirmée - ont tissé des liens avec les sources orales du chant entonné par le peuple. L'étude commune et conjointe de leurs itinéraires s'est avérée stimulante tant les répertoires mélodiques de leurs mondes sonores est d'une richesse émouvante. Les trois hommes ont vécu pratiquement à la même époque.
Ils ont été confrontés aux tragédies de leur temps et y ont répondu en s'engageant personnellement dans la recherche de trésors dont ils pressentaient la proche disparition. (suite).



Ce guide s’adresse aux musicologues, hymnologues, organistes, chefs de chœur, discophiles, mélomanes ainsi qu’aux théologiens et aux prédicateurs, soucieux de retourner aux sources des textes poétiques et des mélodies de chorals, si largement exploités par Jean-Sébastien Bach, afin de les situer dans leurs divers contextes historique, psychologique, religieux, sociologique et surtout théologique.
Il prend la suite de La Recherche hymnologique (Guides Musicologiques N°5), approche méthodologique de l’hymnologie se rattachant à la musicologie historique et à la théologie pratique dans une perspective pluridisciplinaire. Nul n’était mieux qualifié que James Lyon : sa vaste expérience lui a permis de réaliser cet ambitieux projet. Selon l’auteur : « Ce livre est un USUEL. Il n’a pas été conçu pour être lu d’un bout à l’autre, de façon systématique, mais pour être utilisé au gré des écoutes, des exécutions, des travaux exégétiques ou des cours d’histoire de la musique et d’hymnologie. » (suite)

Cet ouvrage regroupe pour la première fois les 43 chorals de Martin Luther accompagnés de leurs paraphrases françaises strophiques, vérifiées. Ces textes, enfin en accord avec les intentions de Luther, sont chantables sur les mélodies traditionnelles bien connues.
Aux hymnologues, musicologues, musiciens d'Eglise, chefs, chanteurs et organistes, ainsi qu'aux historiens de la musique, des mentalités, des sensibilités et des idées religieuses, il offrira, pour chaque choral ou cantique de Martin Luther, de solides commentaires et des renseignements précis sur les sources des textes et des mélodies : origine, poète, mélodiste, datation, ainsi que les emprunts, réemplois et créations au XVIè siècle... (suite)

Mozart aurait-il été heureux de disposer d'un Steinway de 2010 ? L'aurait-il préféré à ses pianofortes ? Et Chopin, entre un piano ro- mantique et un piano moderne, qu'aurait-il choisi ? Entre la puissance du piano d'aujourd'hui et les nuances perdues des pianos d'hier, où irait le cœur des uns et des autres ? Personne ne le saura jamais. Mais une chose est sûre : ni Mozart, ni les autres compositeurs du passé n'auraient composé leurs œuvres de la même façon si leur instrument avait été différent, s'il avait été celui d'aujourd'hui. Mais en quoi était-il si différent ? En quoi influence-t-il l'écriture du compositeur ? Le piano moderne standardisé, comporte-t-il les qualités de tous les pianos anciens ? Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Qui a raison, des tenants des uns et des tenants des autres ? Et est-ce que ces questions ont un sens ? Un voyage à travers les âges du piano, à travers ses qualités gagnées et perdues, à travers ses métamorphoses, voilà à quoi convie ce livre polémique conçu par un des fervents amoureux de cet instrument magique.

A PARAÎTRE

 

Au travers du récit que James Lyon nous fait de l’existence de Dickens, il apparaît bien vite que l’écrivain se doublait d’un précieux défenseur des arts et de la musique. Rares sont pourtant ses écrits musicographiques ; c’est au travers des références musicales qui entrent dans ses livres que l’on constate la grande culture musicale de l’écrivain. Il se profilera d’ailleurs de plus en plus comme le défenseur d’une musique authentiquement anglaise, forte de cette tradition évoquée plus haut.

Et s’il ne fallait qu’un seul témoignage enthousiaste pour décrire la grandeur musicale de l’Angleterre, il suffit de lire le témoignage de Berlioz (suite).



 

 
 

 

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PARUTION DU NUMÉRO

SPÉCIAL BAC 2015

 

 

 

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