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Septembre - Octobre 2011 - n° 572

 

SUPPLEMENT BACCALAUREAT 2012

 

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Sommaire :

1. Editorial : "Anticompassionnellement vôtre"
2. Sommaire du n° 572
3. Informations générales
4. Varia
5. Manifestations et concerts
6. La Nuit des ondes

7. Recensions de spectacles et concerts
8. Festival de Salzbourg 2011
9. Festival de Bayreuth 2011
10. L'aura du Festival de Lucerne
11. Boulez à la Salle Pleyel
12. L'édition musicale
13. Bibliographie
14. CDs et DVDs
15. La vie de L’éducation musicale


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Anticompassionnellement vôtre !

Est-il domaine – et notamment celui de l’École – qui ne soit désormais atteint de compassionnite aiguë ?  Affligeante pathologie, en vérité, qui conduit à ne considérer autrui qu’au travers de son groupe d’âge, social, économique, ethnique ou géographique, sans considération aucune pour son irréductible singularité…

 

À l’instar de l’indignation - dont tant on nous rebat les oreilles -, la compassion ne saurait être que source de révolte, et non le trop aimable moyen de se donner bonne conscience.  Béate compassivité expliquant, pour beaucoup, l’état pitoyable dans lequel se trouve notre enseignement public…

 

Quant à nous, vecteurs privilégiés de tout un héritage humaniste, refusons de reléguer tels ou tels de nos élèves dans ce que les médias nous disent être leur musique : rap pour les classes défavorisées, jazz pour les bobos, classique pour les bourges, et tutti quanti.

 

Et ce, nonobstant ce cher grégarisme propre à l’adolescence.

 

 

Francis B. Cousté.

 


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Sommaire du n°572

 

Rencontre avec Bernard Foccroulle

Hélène Jarry

 

La Campanella : Paganini/Liszt

Introduction à une étude comparée

Benjamin Goron

 

Dossier « Le cerveau musicien »

 

Les influences secrètes de la musique :

comment elle agit sur notre inconscient

Florence Darras

 

Être musicien :

prédispositions génétiques ou apprentissage ?

Mireille Besson, Clément François, Julie Chobert

 

La mémoire sémantique musicale :

une approche neuropsychologique

Hervé Platel

 

La perception de la musique est-elle modulaire ?

Bernard Lechevalier

 

La « main centrale » de l’artiste

Yves Allieu

 

Place du dessin, des mathématiques et des machines dans

la formation de l’univers mental et musical de György Ligeti

Karol Beffa

 

En marge du baccalauréat 2012 :

Money de Pink Floyd

Frédéric Platzer

 

Chopin, Liszt et les femmes

Piotr Mysłakowski

 

Le chant choral dans les pays francophones d’Afrique de l’Ouest

Christian Pariot

 

 


BOEN n°34 du 22 septembre 2011. Le chant choral à l’école, au collège et au lycée (Circulaire n°2011-155 du 21 septembre 2011). « La chorale prolonge l’éducation musicale et permet d’en approfondir certains objectifs.  Ouverte sans exigence de pré-requis à tous les élèves, elle réunit tous les niveaux scolaires, contribue à l’intégration des élèves et peut être un élément structurant de la dimension artistique du projet d’école ou d’établissement. »

Sujets développés : La pratique vocale collective / La chorale : un projet artistique / Conditions de mise en œuvre / Chorales & partenariats / Affectation des moyens horaires dans le second degré / Nature des projets & répertoires / Participation à des cérémonies officielles / Apprécier & évaluer la chorale d’un établissement.

Consulter :www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=57498

 

©DR

 

 

Georges Aperghis à la BPI du Centre Pompidou.  Entretien avec Nicolas Donin. À visionner sur :http://archives-sonores.bpi.fr/simple.php?urlaction=visualisation&method=FlashVideo&action=visu&id=3388&format=MPEG4

 

©DR

 

 

L’Orchestre Poitou-Charentes (OPC),  que dirige le pianiste Jean-François Heisser, élargit ses répertoire & champs d’action. Renseignements : 9, rue du Général Berton, 86000 Poitiers.  Tél. : 05.49.55.91.10.  www.orchestrepoitoucharentes.com

 

 

 

Les Journées Ravel se dérouleront, à Montfort-l’Amaury, les 1er, 2, 8 et 9 octobre 2011.  Outre la représentation de L’heure espagnole, sont proposés des concerts mettant, notamment, en scène les pianistes Jean-Frédéric Neuburger, Jean-François Heisser, le violoniste américain Gilles Apap et son groupe « Colors of Invention », le Quatuor Ludwig et les danseuses Catalina Gommès, Fanny & Suzanna Larroquet…  Renseignements : 01.34.86.96.10.  www.lesjourneesravel.com

 

 

 

CNSMD de Lyon.  Ce prestigieux établissement accueille 500 musiciens et 90 danseurs, dont 17% d’étudiants étrangers venant de plus de 30 pays différents - notamment  du sud-est asiatique, d’Amérique du Sud et d’Europe.  Le programme de sa saison publique 2011-2012 est paru.  Renseignements :04.72.19.26.26.  www.cnsmd-lyon.fr

 

CNSMD de Lyon ©DR

 

 

L’Association des professeurs d’Éducation musicale (APEMu)  tiendra son congrès à l’IUFM de Toulouse (181, avenue de Muret), du 22 au 24 octobre 2011.  Sur le thème : « Improviser autrement ? »  Renseignements : 06 13 43 92 95.  www.apemu.fr

 

 

 

La Muse en circuit,  Centre national de création musicale, peaufine ses programmes. Renseignements : 18, rue Marcelin-Bertholot, 94140 Alfortville.  Tél. : 01 43 78 80 80.  www.alamuse.com

 

 

 

Jeune Public à l’Opéra de Paris. Renseignements : 01 40 01 19 88.
  www.operadeparis.fr/cns11/live/onp/Saison_2011_2012/Jeune_Public/ateliers/index.php?lang=fr

 

 

 

Le CNSMD de Paris  a arrêté son programme pour 2011-2012.  Renseignements : 209, avenue Jean-Jaurès, Paris XIXe.  M° Porte de Pantin.  Tél. : 01 40 40 45 45.  www.cnsmdp.fr

 

©Ferrante Ferranti

 

 

Musée Claude Debussy.  Pour le 150e anniversaire de la naissance du compositeur, la saison musicale sera consacré aux jeunes talents.  Renseignements : 38, rue au Pain, 78100 Saint-Germain-en-Laye.  Tél. : 01 30 87 20 63.  www.saintgermainenlaye.fr/fileadmin/sgl-site/document/actualite/GUIDES_PLANS_pdf/Saison_musicale_2011-2012.pdf

 

 

 

« Les Collèges » de la Cité de la musique  s’adressent à tout mélomane soucieux d’enrichir sa culture musicale.

Neuf cycles : Écouter la musique classique (Pascale Saint-André & Philippe Lalitte), La musique occidentale de 1750 à 1945 (Pascale Saint-André & Claire Paolacci), L’opéra de1848 à 1902 (Pascale Saint-André, Hélène Cao, Damien Colas, Emmanuel Reibel, Anne Rousselin & Jean-Claude Yon), Lelyrisme de la mort : passions et requiems (Pascale Saint-André, Florence Badol-Bertrand, Olivier Cullin, Dominique Hausfater, Raphaëlle Legrand, Denis Morrier, Marie-Laure Ragot & Grégoire Tosser), La musique contemporaine (Pierre Albert Castanet), Où en est le jazz ? (Vincent Bessières), Musiques d’Afriquesubsaharienne(Julien André, Simha Arom, Anne Damon, Hugo Ferran, Suzanne Fürniss, Sylvie Le Bomin, Sandrine Loncke, Julien Mallet, Denis-Constant Martin, Emmanuelle Olivier, Polo Vallejo & Jean-Marc Wolff), Histoire du rock (Olivier Julien), Bob Dylan (Silvain Vanot).

Renseignements : 01 44 84 44 84. www.citedelamusique.fr/francais/activite/college.aspx

 

©DR

 

 

Le Centre de musique médiévale de Paris  organise diverses formations professionnelles pour artistes & enseignants de la musique, ainsi que des pratiques musicales pour adultes amateurs - de tous niveaux.  Renseignements : 47, rue Bobillot, Paris XIIIe.  Tél. : 01 45 80 74 49.  www.cmm-paris.fr

 

 

 

34e Saison de Création musicale de l’Ina/GRM : « Multiphonies ». Renseignements : 01 5640 29 88. www.ina-grm.com

 

 

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Aux États-Unis :  Selon la soprano française Anne Azéma, directrice de The Boston Camerata, ensemble de musique ancienne : « Il s’agit d’une véritable crise de la culture classique aux États-Unis.   Les années Reagan ont quasiment éradiqué l’éducation artistique à l’école.   Le résultat est que les nouvelles générations, y compris les élites, connaissent peu ou mal la culture classique. »

 

Anne Azéma ©DR

 

 

L’Orchestre philharmonique de Strasbourg (OPS)  nous offre, en 2011-2012, une remarquable pluralité de concerts.  Ainsi sera-t-il notamment dirigé par Marko Letonja (son futur chef permanent), Marek Janowski, Theodor Guschlbauer, Claus Peter Flor, Rinaldo Alessandrini & Dima Slobodeniou.  Renseignements : 03 69 06 37 00.   www.philharmonique.strasbourg.eu

 

©DR

 

 

La Clef des chants, association de décentration lyrique, varie aussi bien ses répertoires que ses lieux de spectacles (en quelque 30 cités).  Programme : The Turn of the screw (Benjamin Britten), Pagliacci !(Ruggero Leoncavallo), Azuki (Aurélie Maisonneuve & Léonard Mischler), Une demoiselle électromagnétique (Jacques Offenbach), Les dessous d’une cantatrice (Donatienne Milpied & Cécile Guionnet), Carmen (Georges Bizet)…   Renseignements : 4, square Dutilleul, 59000 Lille.  Tél. : 03 20 30 80 95.  www.lacledeschants.com

 

 

 

Concours international de direction d’orchestre d’harmonie.  Il se déroulera à Ville-d’Avray, les 16, 17 et 18 mars 2012.  Avec le concours de l’Orchestre d’harmonie de la Police nationale (notre photo).  Programme des éliminatoires : Octandre (Edgard Varèse), Symphonie d’instruments à vent (Igor Stravinsky), Reinische Kirmestänze (Bern Alois Zimmermann).  Programme de la finale : Symphonie en sib (Paul Hindemith), Variations franglaises op.19.B (Richard Dubugnon), Étude pour orchestre d’harmonie (Jean-Louis Petit).  Renseignements : 01 78 33 14 57.  http://direction-d-orchestre.asso-web.com

 

©DR

 

 

Portail de la musique contemporaine.  Mis en œuvre par le CDMC et l’Ircam, ce Portail réunit une quarantaine de structures et référence plus de 200 000 documents -  partitions, enregistrements sonores, vidéos, livres & textes.  Renseignements : 01 47 15 49 86. www.musiquecontemporaine.fr

 

 

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Opéra royal du château de Versailles :  Les Troqueurs et La Coquette trompée (versions de concert) d’Antoine Dauvergne, le samedi 8 octobre 2011, à 20h00.   Polyxène d’Antoine Dauvergne et Iphigénie en Aulide de Christoph Willibald Gluck (extraits, versions de concert), le samedi 15 octobre 2011, à 20h00. Renseignements : 01 30 83 78 89.  www.chateauversailles-spectacles.fr

 

 

La 25e édition du Festi’Val de Marne  se déroulera dans 20 villes du département, du 1er au 16 octobre 2011.  Avec notamment, dans « Refrains des gamins » : Sophie Forte, la Cie comme sur des roulettes, David Sire & Pierre Caillot, Opéra Pagaï, Henri Dès, Jacques Haurogné, Brico Jardin, Chanson Plus, Hervé SuhubietteRenseignements : www.festivaldemarne.org

 

 

« Ring Saga »,  version contractée par Jonathan Dove & Graham Vick de la Tétralogie de Wagner (en 1990), sera donnée, à la Cité de la musique, du vendredi 7 au dimanche 9 octobre 2011.  Remix Ensemble Casa da Música, dir. Peter Rundel.  Mise en scène : Antoine Gindt.  Renseignements : 01 44 84 44 84.

www.citedelamusique.fr/francais/recherche.aspx?motif=ring%20saga

 

Répétition du Crépuscule des dieux ©Ph. Stimweiss

 

 

En l’Auditorium du Louvre,  retransmission du Faust de Gounod - en direct de l’Opéra Bastille - le lundi 10 octobre 2011, à 20h30.  Mise en scène : Jean-Louis Martinoty.  Rôle-titre : Roberto Alagna.  Renseignements : 01 40 20 55 00. www.louvre.fr

 

 

« Steve Reich Pulsations ».  À la Cité de la musique, du mardi 11 au dimanche 16 octobre 2011 : cinq concerts & une rencontre avec le compositeur.  Renseignements : 01 44 84 44 84.  www.citedelamusique.fr/francais/recherche.aspx?motif=steve%20reich

©Jeffrey Herman

 

 

Auditorium du musée Guimet.  Le vendredi 14 octobre 2011, à 20h30, se produiront Sougata Roy Chowdhury, luth/sarod (notre photo) & Prabhu Edouard, tabla.  Renseignements : 6, place d’Iéna, Paris XVIe. Tél. : 01 40 73 88 18.  www.guimet.fr

©DR

 

 

À l’Alhambra de Genève :  « Les routes de l’Inde », du 5 au 15 octobre 2011.  Musique, danse & cinéma de l’Inde du Nord.  Renseignements : Ateliers d’ethnomusicologie.  Tél. : +41 22 919 04 94.  www.adem.ch

©DR

 

 

Brigitte Maillard Trio  – « Un air de jazz entre poésie et chanson » – se produira le samedi 15 octobre 2011, à 21h00, au Théâtre des Rendez-vous d’Ailleurs (109, rue des Haies, Paris XXe).  Christophe Jacquemin (guitare & piano), Serge Ollivier (contrebasse), Brigitte Maillard (textes & chants).  Renseignements : 01 40 09 15 57.  www.myspace.com/brigittemaillard

Brigitte Maillard ©DR

 

 

Mélodies françaises sur l’Orient.  Le jeudi 20 octobre 2011, à 20h30, au Théâtre Adyar (4, square Rapp, Paris VIIe) : Shéhérazade (Ravel), L’île inconnue (Berlioz), Les adieux de l’hôtesse arabe (Bizet), L’invitation au voyage (Duparc), L’île heureuse (Chabrier), Les roses d’Ispahan (Fauré), Mélodies persanes (Saint-Saëns), Pour la danseuse aux crotales et Pour l’Égyptienne (Debussy).  Avec Amaya Dominguez (mezzo-soprano) et Fériel Kaddour (piano).   Renseignements : 01 47 41 99 91.  www.concerts-cantabile.com

 

 

23e Festival de Quatuors à cordes en Pays de Fayence :  « Chostakovitch / Le journal intime ».  Ce festival se déroulera à Fayence (83440) du 22 au 29 octobre 2011.  Avec les Quatuors Debussy, Brodsky, Meta4, Modigliani, Auryn, Danel & Pražák.  Renseignements : 04 94 76 02 03.   www.quatuors-enpaysdefayence.com

 

 

« Bartókiades » à l’Opéra de Dijon :  du mercredi 16 au dimanche 20 novembre 2011, six concerts & une création chorégraphique seront consacrés à Bartók & aux compositeurs qui l’accompagnèrent.  Renseignements : 03 80 48 82 82.  www.opera-dijon.fr

©Opéra de Dijon

 

 

« Europa Cantat »,  plus important Festival choral européen, se déroulera à Turin, du 27 juillet au 5 août… 2012.   Renseignements : www.eca-ec.org ou : www.ectorino2012.it

 

Francis Cousté.

 

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Samedi 26 novembre 2011, au Théâtre & Centre d’art « L’Onde » (8bis, avenue Louis-Breguet, 78140 Vélizy-Villacoublay) : deux concerts pour illustrer l’histoire des Ondes Martenot : chacun d’eux sera l’occasion de découvrir ou de redécouvrir le répertoire composé pour cet instrument.

 

1er concert, à 19h00, avec :

  • l’instrument à lampes (des origines à 1975) 

  • l’instrument à transistors 

Au programme : œuvres de Darius Milhaud, Olivier Messiaen, André Jolivet, Charles Chaynes, Jacques Charpentier...  À l’entracte, présentation des différentes branches de la Fédération des enseignements Martenot (FEAM) : Arts plastiques, Relaxation active, Formation musicale, Piano.

 

2nd concert, à 20h30, avec :

  • l’Ondéa de 2001 

  • l’Onde numérique de 2011 

Au programme : œuvres composées en 2010 et 2011 (dont plusieurs créations mondiales) : Annick Chartreux, Rika Suzuki, Jassen Bodenitcharov, Jean-Yves Bosseur…

 

Prix des places (donnant droit à l’entrée aux deux concerts ainsi qu’à l’accès aux expositions prévues entre les concerts (Arts plastiques, Formation musicale, Piano, Relaxation) : 15 € pour les adhérents à la FEAM, 20 € pour les non-adhérents.  Renseignements et réservation (nombre de places limité) : 01 42 67 55 06.

Daniel Blackstone.

 

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Ouverture triomphale Salle Pleyel.  Chicago Symphony Orchestra, dir. Riccardo Muti.

De passage à Paris dans le cadre d’une tournée européenne, le prestigieux Chicago Symphony Orchestra, sous la baguette de son nouveau directeur musical, Riccardo Muti, faisait l’ouverture de la saison, Salle Pleyel, dans un programme déjà donné, il y a quelques jours, au Festival de Lucerne. Un programme original sous la baguette de l’emblématique chef italien, associant la Danza Petrificada de Bernard Rands, Mort et Transfiguration de Richard Strauss et la Cinquième symphonie de Chostakovitch.  Bernard Rands, compositeur contemporain, ami de Muti, élève de Dallapiccola, de Berio et Boulez, nous livre, ici, sa dernière composition, commande spéciale du CSO et de son chef, en création mondiale.  Courte œuvre de neuf minutes, célébrant le Mexique, le centenaire de sa révolution et le bicentenaire de son indépendance, patchwork assez déséquilibré par l’importance des percussions, avec, toutefois, de très beaux moments, comme ce solo de clarinette basse.  Plus qu’une œuvre majeure, il s’agit plutôt d’un exercice pour orchestre, bien joué et parfaitement en place. Le poème symphonique de R. Strauss permettait de confirmer la magnifique sonorité de l’orchestre, totalement à l’écoute de son chef.  Une interprétation pleine de profondeur, très expressive, alternant la douceur du rêve, l’angoisse de l’agonie, et la violence de la mort qui rode, chemin de l’ombre vers la lumière, aspiration  terminale à la rédemption, aux accents orchestraux quasi brucknériens.  Riccardo Muti avait choisi, pour la Cinquième de Chostakovitch, une interprétation bien différente de l’urgence et de la fureur des visions russes de Kondrachin ou Mvravinski, références absolues de cette œuvre, écrite au moment des purges staliniennes, symbole d’un optimisme ambigu, et destinée à rassurer les autorités soviétiques après le scandale de l’opéra Lady Macbeth de Mtsensk (1936). Usant des contrastes, accentuant les nuances, ralentissant les tempi, il en donna une vision plus « romantique » où cette œuvre majeure perdait, peut-être, de sa force et de sa subversion cachée.  Si l’interprétation peut se discuter, en revanche, l’exécution en fut magistrale, tous pupitres confondus. Une ovation méritée de la salle et des jets de fleurs conclurent la soirée. Un très beau concert qui nous engage à attendre, avec impatience, les autres phalanges américaines qui devraient se produire bientôt à Pleyel (Pittsburg, Philadelphie, Cleveland & New-York).

 

 

Les Journées romantiques. Des talents à découvrir. Damien Pass (baryton) & Chloé Ghisalberti (piano).

Pour la huitième édition, les organisateurs des « Journées romantiques », David Selig et Jeff Cohen, sont restés fidèles à leur souhait de voir se succéder sur la scène de la péniche « Planète Anako », au cours de ce festival de dix concerts (7-15 septembre), des musiciens confirmés - cette année, June Anderson, François Le Roux et Abdel Rahman El Bacha, entre autres - et de jeunes talents à découvrir, dont le jeune baryton australien Damien Pass et la pianiste Chloé Ghisalberti, tous deux issus de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris. Un programme original et éclectique convenant parfaitement à ce cadre intimiste où la proximité avec les artistes est particulièrement sensible, associant des lieder de Schubert, Brahms et Schumann, des mélodies de Boulanger, Duparc et des chansons populaires ou de cabaret de Copland et William Bolcom, qui permis de juger de la beauté du timbre, de la technique vocale irréprochable, de  la qualité de l’interprétation et de la diction ainsi que de la présence scénique affirmée de Damien Pass, parfaitement accompagné par la non moins talentueuse Chloé Ghisalberti.  Une très belle soirée, un baryton plein de promesses, un nom, Damien Pass, qu’il ne faudra pas oublier.

Damien Pass ©DR

 

 

Mikko FRANCK, magistral, Salle Pleyel. Orchestre philharmonique de Radio France, dir. Mikko Franck. Hilary Hahn (violon).

Cette soirée de rentrée du « Philhar » était bien la soirée des contrastes. En première partie, Hilary Hahn exécutait le Concerto pour violon d’Edgar Meyer (°1960) composé en 1999, spécialement, à  son attention. Comme à son habitude, Hilary Hahn, bien que souriante, affichait dans son jeu une certaine froideur et un manque d’engagement, tout à fait explicable, ce soir, par la faiblesse de ce concerto qui confinait rapidement à l’ennui, malgré une exécution techniquement parfaite, mais le meilleur restait à venir… En effet, en seconde partie, le jeune chef finlandais nous donnait à entendre une magnifique interprétation de la 5e Symphonie de Prokofiev, claire et engagée, d’une lisibilité parfaite, recueillant rapidement la totale adhésion de l’ensemble des musiciens, manifestement séduits par sa direction sobre et efficace. Une prestation remarquable saluée par une ovation, bien méritée, de la salle et des musiciens.

©Heikki Tuuli

 

 

Zubin Mehta décevant, Salle Pleyel. Orchestre philharmonique d’Israël, dir. Zubin Mehta.  Vadim Repin (violon).

À l’occasion du 75e anniversaire de sa création, l’Orchestre philharmonique d’Israël était de passage à Paris, Salle Pleyel, sous la direction de son chef titulaire à vie. Un programme composé, en première parie du Concerto pour violon n°1 de Max Bruch, dont le talentueux violoniste russe Vadim Repin donna une interprétation à la fois âpre, engagée, lyrique et virtuose, grâce à une technique sans faille et une sonorité magnifique. Peut-être faut-il, toutefois, se poser la question de savoir s’il est encore possible d’apporter un semblant de nouveauté dans l’interprétation de ce monument, sans cesse rabâché, du répertoire violonistique ?  Mais ne boudons pas notre plaisir devant cette  belle exécution, suivie d’un « bis » particulièrement virtuose, le Carnaval de Venise de Paganini, qui enthousiasma la salle. En revanche, la 5e Symphonie de Gustav Mahler, constituant la seconde partie, ne fut pas aussi réjouissante.  Direction quasiment absente, manquant de précision pour un résultat confus et brouillon, alternant une théâtralité facile, sans profondeur et une lourdeur accablante, masquant totalement la richesse de l’orchestration mahlérienne. Il fallut attendre le scherzo central bien mené, puis le sublime adagietto et enfin le final pour retrouver une interprétation de Mahler digne de ce nom. Une bien terne prestation pour le chef indien qui nous avait habitués à mieux.

 

   

©DR

Patrice Imbaud.

 

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L'opéra chinois de Vivaldi à Versailles : Il Teuzzone.

Antonio Vivaldi : Il Teuzzone. Opéra en trois actes. Livret d'Apostolo Zeno. Paolo Lopez, Raffaella Milanesi, Delphine Galou, Furio Zanasi, Roberta Mameli, Antonio Giovannini, Makoto Sakurada.  Le Concert des Nations, dir. Jordi Savall.

©DR

 

 

Dans le cadre de la série d'événements prestigieux destinés à célébrer un improbable parallèle entre « Venise Vivaldi Versailles », l'Opéra royal du Château a accueilli Il Teuzzone. Ce qu'on appelle « l'opéra chinois » de Vivaldi appartient à sa première période (1719). Basé sur un livret du poète Apostolo Zeno, le dramma per musica présente une intrigue politico-amoureuse à rebondissements : une succession au trône impérial de Chine libérant des appétits politiques antagonistes/ques avec falsification de testament pour écarter le prétendant normal, sombres manigances qui lui valent d'être jugé et incarcéré avant qu'il ne soit reconnu comme légitime et, magnanime, pardonne à ses adversaires. Sept personnages peints en creux évoquent la traîtrise, l'ambition, mais aussi l'amour vain, la passion sans retour. Même si elle compte de nombreux emprunts à d'autres pièces de Vivaldi comme à d'autres compositeurs, l'œuvre est d'une vraie richesse musicale et d'un grande variété formelle : les arias y alternent avec des duos et même quelques ensembles. Vivaldi s'y livre à des expérimentations sonores souvent originales renouvelant l'intérêt, voire insolites pour évoquer un Orient imaginaire, à tout le moins un exotisme figuré. Les arias da capo, tour à tour lyriques, de bravoure ou encore de fureur, tout comme les cavatines élégiaques apportent leur lot d'accompagnement soliste, violon, hautbois, et même trompettes. Si elles sont peu développées, elles concentrent une somme d'expression telle qu'il faut, pour l'interprète, d'emblée s'y émerger pour justement la maîtriser. L'exécution en concert - qui doit former la matière d'un CD à paraître dans le cadre de l'intégrale Vivaldi de la firme Naïve - on la doit à Jordi Savall. Le maître catalan qui aime sortir de l'ombre les musiques oubliées et rapprocher celles d'Orient et d'Occident, pénètre peu souvent dans l'univers du Prêtre roux - encore qu'il ait déjà investigué l'opéra vivaldien avec Il Farnace  (paru en disque chez le même éditeur). Mais quelle flamme !  Aux antipodes de la manière ultra-nerveuse souvent pratiquée par certains de ses jeunes confrères, la sienne est celle d'un sage qui laisse du temps au temps et s'attache à ce qui ressort ici de la musique pure. La simplicité du geste, l'aisance du phrasé épanouissent une orchestration raffinée et une verve qui allie lyrisme puissant et accents décidés. La vingtaine de musiciens de son Concert des Nations dévoilent une palette choisie de nuances avivées par la somptuosité de leurs instruments anciens. L'intimisme du théâtre versaillais le décuple encore. La distribution est de qualité, sans être exceptionnelle. C'est qu'elle requiert des voix capables de prouesses sur le souffle et les vocalises, rompues au style de l'ornementation baroque. Le baryton Furio Zanasi est peut-être le seul à le maîtriser avec autant de naturel. De son timbre rare le sopraniste Paolo Lopez déploie une ligne de chant éthérée quoique dans les passages rapides la voix ait tendance à perdre de son impact. Du trio féminin se détache le beau timbre velouté de la mezzo Delphine Galou qui gagne en intensité au fil des interventions de son personnage : une jeune veuve qui n'a rien perdu de son appétence pour le pouvoir. Une découverte assurément, à ajouter à la galaxie de celles que les innombrables manuscrits de Vivaldi conservés à Turin nous révèlent depuis quelques années.

 

 

Une Carmen iconoclaste au « Teatre del Liceu »

Georges  BIZET : Carmen. Opéra comique en quatre actes. Livret de Henri Meilhac et Ludovic Halevy, d'après la nouvelle de Prosper Mérimée.  Béatrice Uria-Monzon, Fabio Armiliato, Maria Bayo, Kyle Ketelsen, Eliana Bayón, Itxaro Mentxaka, Miguel Ángel Zapater, Alex Sammartí, Marc Centurri, Francisco Vas.  Orquestra simfònica y Cor del Gran Teatre del Liceu, dir. Marc Piollet.  Mise en scène : Calixto Bieito.   

©A. Bofill

 

 

C'est une vision iconoclaste de Carmen que le catalan Calixto Bieito propose au théâtre du Liceu de Barcelone. Si les principes affichés sont de bonne logique - une histoire anonyme de violence de genre entre un soldat et une femme au centre du premier opéra qui aborde ce thème - la réalisation est plus problématique.  Bieito aime à dépayser le spectateur par la force des images, à l'occasion déjantées, qu'il véhicule. Le premier acte a pour site un vaste no man's land formant sans doute la caserne des dragons d'Alcalá. La foule sévillane est désespérément évacuée, en divorce avec le texte. Après que la cloche a sonné, un cri rageur traverse les rangs des soldats : c'est le signal de l'amusement.  Carmen sortira d'une cabine téléphonique pour entonner la Habanera. L'acte II s'ouvre sur la virée de noceurs éméchés entassés dans une voiture dont on claque frénétiquement les portes et qui sert de paravent à quelques ébats pornographiques.  Celle-ci se démultipliera à l'envi lors de la scène des contrebandiers, le plateau étant dominé alors par la silhouette massive du taureau noir empruntée à la fameuse publicité ornant les routes espagnoles des années 60 : sept Mercedes lourdées de denrées hétéroclites qu'on charriera dans des caddies de supermarché. Violence et sexe sont portés à la puissance dix et la confrontation physique extrême est érigée en système. Reste qu'une succession d'effets démonstratifs ne construit pas une dramaturgie et que les coups peuvent faire long feu ; un comble dans une œuvre célébrée pour sa limpidité dramatique. Surtout, cette vision hyperréaliste gomme toute poésie. Bieito s'ingénie par exemple à en vider les entractes musicaux (le brillant prélude du IVe acte, qu'on enchaîne au demeurant au précédent, est occupé par le démontage du fameux panneau publicitaire tombé à terre dans un grand fracas). Le choix d'une version tronquée qui tourne le dos à la fois à l'édition pourvue des récitatifs et à celle avec les dialogues parlés, ceux-ci étant réduits au strict minimum, laisse une impression de discontinuité : les dialogues et les airs se suivent tels des numéros sans logique dramatique. Ainsi l'air de Micaela au IIIe acte « Je dis que rien ne m'épouvante » survient inopinément, faute d'être introduit par le dialogue avec le passeur. Tout semble se passer au loin des choses et sans aucune distance poétique. Le dernier acte dont Bieito considère qu'il résume tout l'opéra, trouvera sa meilleure inspiration. Enfin le vrai frisson : une foule en transe acclame au bord du plateau l'arrivée des toréadors et autres picadors comme s'ils surgissaient de la salle. S'ensuit un intense huis clos entre deux êtres condamnés à s'entretuer faute d'attirance véritable.

©A. Bofill

 

 

L'interprétation musicale déçoit. Le José de Fabio Armiliato reste à la surface du personnage, bien peu crédible, et son chant mal articulé est passé en force, tout comme celui de Kyle Ketelsen, un Escamillo vu au premier degré. Maria Bayo est l'ombre d'elle-même dans la partie pourtant généreuse de Micaela, à vrai dire sacrifiée par la mise en scène qui la cantonne au rang de faire-valoir. Les personnages secondaires sont pâles et les chœurs quelque peu braillards. Seule la Carmen de Béatrice Uria-Monzon passe vraiment la rampe. Familière du rôle, elle se coule dans la conception de Bieito qui le réduit à une femme ordinaire préférant les émotions frontales à un langage plus élaboré. Elle est une gitane d'aujourd'hui, délestée de tout charisme. Le chant est accompli, même si le parti pris de banalisation va jusqu'à couper court chez l'interprète à toute gratification vocale. La tirade des cartes de l'acte III en fournit un exemple cruel. La direction de Marc Piollet est neutre, n'étaient les quelques moments de grâce qu'il parvient à imprimer à un spectacle décidément animé d'un esprit de trivialité.

 

 

Hommage à Mady Mesplé

Dans le cadre de leur 8e édition, Les Journées romantiques installées sur la péniche « Planète Anako » au bassin de La Villette, rendaient hommage à la grande Mady Mesplé qui fêtait en mars dernier son 80e anniversaire. En partenariat avec l'Association France Parkinson (*) dont elle est la marraine et qui célébrait ses 25 ans d'existence comme son inclusion dans le plan Parkinson décidé par le Gouvernement… L'organisateur des Journées, David Selig, avait rassemblé un plateau vocal de choix : François Le Roux naguère un immense Pelléas et June Anderson la plus française des cantatrices américaines. Lui-même et Jeff Cohen, l'interprète-protée et le maître des accompagnateurs, assuraient la partie pianistique. Une exécution musclée de Lebensstürme D. 947 de Schubert ouvre le programme. Dans ce morceau substantiel pour quatre mains, l'auteur de La Truite assemble force et poésie en une suite de strophes que scande un refrain.  « Là ci darem la mano » extrait de Don Giovanni introduit les deux solistes qui se partageront ensuite un choix de mélodies et de Lieder.  Liszt d'abord avec deux morceaux en allemand « Du bist wie eine Blume » et « Die Lorelei » sur des textes de Heinrich Heine (Le Roux ) et deux mélodies sur des poèmes de Victor Hugo « Comment disaient-ils » et « Oh ! quand je dors » (June Anderson). Puis les rares chansons de Don Quichotte de Jacques Ibert : mélange de poésie évanescente et d'héroïsme affirmé si typiquement gallique.  June Anderson donne encore deux mélodies célèbres de Rachmaninov. Des songs de Ned Rorem et de Jérôme Kern terminent le concert sur une note enjouée, presque jazzy. On n'attendait pas Le Roux dans ce vocabulaire anglais où il excelle.  La faconde de la chanteuse fait ici, bien sûr, merveille. Ils se réunissent de nouveau pour le duo « Make believe », d'une belle espièglerie, puis pour « l'Heure exquise » de Lehar, dont Le Roux dira que ce fut la première pièce qu'il chanta aux côtés de Mady Mesplé. L'acoustique très présente de cette improbable salle de concert flottante ajoute encore à la proximité avec les interprètes et la présence tutélaire de Mady Mesplé procure une note d'intense émotion. 

 

(*) Association France Parkinson : 4, avenue du Colonel-Bonnet, 75016 Paris.  Tél. : 01 45 20 22 20. infos@franceparkinson ou  www.franceparkinson.fr

Mady Mesplé a récemment publié un ouvrage sur sa carrière et son combat contre la maladie : La voix du corps. Vivre avec la maladie de Parkinson (Michel Lafon, octobre 2010).

 

 

 

Sir Colin Davis dirige la Missa Solemnis à la Salle Pleyel

London Symphony Orchestra ©Clive Barda

 

 

La deuxième messe de Beethoven, écrite à l'intention de l'archiduc Rodolphe connut une lente maturation de 1818 à 1823. Elle est dans la lignée plus de Haendel que de Bach. Ce « sujet spirituel » comme Beethoven l'appelait, est d'architecture prométhéenne, une œuvre-cathédrale. Certes monolithique, elle alterne, dans une grande unité tonale, ombre et lumière, hymnes et grâce. Car, comme le fait remarquer Romain Rolland, « Au point de départ, il y a toujours dans les grandes œuvres de Beethoven un débat tragique de l'esprit ». Surtout la ferveur religieuse éclate à chaque instant. Il y a là des états d'exaltation comme au Credo.  On peut même avancer que l'inquiétude croît au fur et à mesure des séquences de la messe. Ainsi à l'Agnus Dei la paix semble de plus en plus échapper à son concepteur avec des bruits de guerre rémanents car déjà perçus durant le Gloria. Mais les dernières pages ramènent sérénité et sobriété. Se fait jour l'incertitude du croyant qu'il est. L'exécution qu'en donne Colin Davis à la tête de forces orchestrales et chorales nombreuses est extrêmement tendue. Avec sobriété dans le geste, il porte au plus haut ce discours grandiose et en livre le message universel. La manière est héroïque, tel le début du Gloria quasi éruptif, tellurique, dégageant une charge d'adrénaline certaine : celle de la confrontation de l'homme avec Dieu, un Dieu redoutable.  Les passages fugués, comme à la fin du Credo, progressent en une coulée salvatrice, la paix triomphant du climat belliqueux, affirmation de l'espoir en l'avenir. Même si l'Amen final est presque trop péremptoire de par ses coups de boutoir assénés. L'intensité sait aussi se faire intérieure dans le médian du morceau peu avant « Et incarnatus est » : toute la tendresse des voix solistes que survole le solo de la flûte. L'interprète flûtiste, comme son collègue premier violon dans le Sanctus, mais encore tous les musiciens du LSO démontrent un éminent brio instrumental. La rangée des bois comme celle des cuivres, cors et trombones notamment, déterminent l'immense plasticité de cet orchestre. Les solistes sont valeureux, mis à part une basse, Matthew Rose, pas assez audible. Ténor : Paul Groves, soprano : Helena Juntunen et alto : Sarah Connolly trouvent leur voie dans un langage vocal difficile. Là comme ailleurs, Beethoven se montre redoutable pour ses chanteurs. Ils ont en effet à se mesurer à ces longues notes tenues et autres phrases majestueuses. Dans une œuvre où la partie chorale est essentielle, au point de ravir souvent la première place au quatuor vocal, le LSO Chorus brille par son engagement, peut-être un peu trop musclé par endroit. La sincérité qui jaillit de cette immense exécution est émouvante.

 

 

Un opéra méconnu de Jean-Chrétien Bach à la Cité de la musique

Johann Christian BACH : Zanaïda. Opéra en trois actes. Livret de Giovan Gualberto Bottarelli. Sara Hershkowitz, Vivica Genaux, Sharon Rostorf-Zamir, Pierrick Boisseau, Vannina Santoni, Daphné Touchais, Julie Fioretti, Alice Gregorio, Jeffrey Thomson.  Opera Fuoco, dir. David Stern.

David Stern ©Accent tonique

 

 

Dans le cadre du cycle « Passion - Le désordre amoureux », la Cité de la musique a  présenté en version de concert Zanaïda de Jean-Chrétien Bach (1735-1782). Composé en 1763, il s'agit du cinquième des douze ouvrages lyriques du plus jeune des fils du Cantor. La réputation du musicien, qui vivait alors en Italie, était telle qu'elle suscita l'intérêt d'un théâtre londonien, le King's. Sa directrice, la cantatrice romaine Colomba Mattei, lui passa commande de deux opéras dont ce dernier. L'énorme succès rencontré eu pour conséquence de faire nommer l'année suivante Jean-Chrétien - désormais appelé « Mr. John Bach » - maître de musique de la reine d'Angleterre. À ce titre il introduira à la cour de Londres un jeune enfant prodige de 8 ans, Wolfgang Amadée Mozart ! Hélas l'opéra Zanaïda devait vite sombrer dans l'oubli jusqu'à ce que le manuscrit, qu'on croyait perdu, soit retrouvé chez un collectionneur en 2010. Identifié et publié, sa première audition moderne eut lieu en juin dernier au festival Bach de Leipzig par David Stern. La trame dramatique s'inspire de Métastase et de son Siface, tant mis en musique à l'époque. Le librettiste de J.-Chr. Bach en fait une adaptation libre accentuant le nombre des personnages et apportant plus de vivacité dans le déroulement d'une intrigue bien conventionnelle de passion amoureuse à la cour de Perse : une princesse turque, fille de Soliman doit être unie au Sophi Tamasse, qui lui préfère une autre belle. Retenue prisonnière par celui-ci,  Zanaïda déjouera le mensonge d'un amour illicite. Le lieto fine la réunira à celui qui lui était promis tandis qu'elle accorde son pardon aux conspirateurs zélés. La musique est conçue de manière fort vivante et variée, renonçant au carcan de l'aria da capo pour privilégier des formes plus concises et expressives. De même les récitatifs sont plus vifs, au point qu'on en soulignera à l'époque la modernité de l'écriture. Celle-ci transparaît aussi dans les ensembles tels le quatuor qui clôt le Ier acte ou le finale concertant réunissant toute la troupe dans un bel élan de bonheur partagé (il sera bissé lors du concert). L'interprétation vocale est sans faiblesse. Trois voix la dominent : Vivica Genaux qui, de son timbre sombre de mezzo contralto, prête au rôle travesti de Tamasse le prestige d'un style généreux, Sara Hershkowitz, Zanaïda, à l'aise dans une partie très ornée de vocalises dont les coloratures ne sont pas loin de préfigurer celles de la Constance de L'Enlèvement au Sérail. Le personnage connaît une intéressante évolution depuis son touchant air d'entrée, aux deux déplorations du IIe acte dont l'une accompagnée d'un solo de hautbois, et à l'air ultime d'affirmation de sa magnanimité. Pierrick Boisseau enfin, baryton solide en Mustafa vengeur. Les forces d’Opera Fuoco sont galvanisées par leur chef David Stern : continuo éloquent et accompagnement des airs et ensembles d'une belle alacrité. 

Jean-Pierre Robert.

 

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Le Salzburger Festspiele connaît une année de transition avant la nouvelle direction d’Alexander Pereira en 2012. L'intendant par intérim Markus Hinterhäuser, jusqu'alors responsable de la programmation de concerts, a réussi à maintenir la manifestation à son meilleur niveau. Un des points forts aura été la reprise de la trilogie Da Ponte de Mozart, mise en scène par Claus Guth, offrant l'occasion rare de confronter les trois œuvres dans un continuum dramaturgique cohérent. Mais bien d'autres événements ont marqué la vitalité d'un millésime décidément fastueux où les grands régisseurs du moment côtoient d'éminents chefs d'orchestre et solistes. La très haute tenue des spectacles d'opéra est largement due à la présence essentielle des Wiener Philharmoniker.  Outre plusieurs séries de concert dont un fastueux Requiem de Verdi le 15 août, dirigé par Riccardo Muti, les Viennois n’assuraient pas moins de quatre des six productions d'opéra. La plastique sonore proprement inouïe de cette formation leur confère une indéniable aura. Comment imaginer Salzbourg sans eux ?

 

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©Silvia Lelli

 

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Macbeth ou le triomphe de Riccardo Muti

 

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©Silvia Lelli

 

 

C'est bien de musique qu'il faut parler d'abord. La conjonction d'un chef au faîte de son art, Riccardo Muti, et des Viennois produit une sorte de miracle. Le chef italien affectionne Macbeth et en livre une grandiose fresque. Sa rigueur vis-à-vis du texte l'amène à donner l'œuvre sans coupures, son souci de fin musicien à mêler les deux versions, de la création (1847) et celle remaniée dite de Paris (1865). En fait, il revient à la version d'origine pour l'ultime scène qui se termine sur la mort du héros confronté à la vindicte de ses ennemis et ne reprend pas le chœur que Verdi avait ensuite installé dans le remaniement parisien : une fin abrupte tout à fait fidèle à Shakespeare. Par ailleurs, il donne le ballet, ajouté pour la Grande Boutique, mais en le plaçant habilement au début du troisième acte, tel une sorte de prélude à la scène des sorcières. Ainsi a-t-on préservé le caractère novateur d'une pièce qui montre déjà la souveraine maîtrise d'un Verdi de 34 ans dans l'art de muter le mélodrame romantique en drame musical, tout en conservant les améliorations apportées par l'expérience. Dès les premières pages du Prélude et ses traits d'une infinie tristesse tranchant avec les fiers appels des cuivres, on pressent la prégnance d'un drame implacable. La battue impérieuse est d'une communicative vitalité, procédant d'une énergique impulsion. Elle sera d'une délicatesse infinie pour ciseler la phrase (les traits de flûte solo) et déployer le chaud lyrisme qui s'épanche jusque dans des pianissimos extatiques. En émanent des nuances infinies qui naissent de l'alternance de précipitation et de relâchement et de mirifiques contrastes de couleurs. Le chef italien n'a jamais rien livré de plus achevé à Salzbourg ! Distribuer ce Verdi tient de la gageure pour les deux rôles-titres lorsqu'on sait leur écrasante difficulté et les redoutables exigences du compositeur. Muti aime donner aux jeunes voix leur chance, avec raison. La Lady Macbeth de Tatiana Serjan a fière allure vocale alliant vaillance de la quinte aiguë et sombre couleur dans le medium et le grave. La voix est presque trop voluptueuse pour une figure dont Verdi souhaitait qu'elle ait une voix « laide et diabolique » ! Le portrait présente un être résolu qui sombre peu à peu dans la mélancolie. Le timbre de Željko Lučić, Macbeth, est sans doute un peu clair et un brin uniforme dans l'articulation, mais la prestation reste convaincante : un homme apeuré conduit au crime malgré lui avec quelque mélancolie, prémonitoire de l'inévitable catastrophe. La basse Dmitry Belosselskiy, Banquo, rappelle les grands effluves d'un Ghiaurov, c'est tout dire.  Le ténor Giuseppe Filianoti, Macduff, apporte toute la clarté italienne et la grande aria du IVe acte fait figure de morceau d'anthologie. Les chœurs de l'Opéra de Vienne possèdent leur Verdi sur le bout des doigts, en particulier pour le chœur des sorcières dont Muti tire une patine envoûtante et obtient ce staccato marqué à la limite du cri et d'une laideur toute calculée exigée par Verdi.

 

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©Silvia Lelli

 

 

« Je fournis des faits, non une interprétation ».  Ce credo de Peter Stein, d'une modestie rare, résume bien comment il conçoit sa mise en scène. Loin de toute relecture hasardeuse ou absconse, il se cale sur la musique. Il préserve surtout la référence littéraire. Tout comme pour la trilogie Tchaïkovski  d'après les pièces de Pouchkine, montée à l'Opéra de Lyon, c'est de Shakespeare que se nourrit la trame dramaturgique qu'il va illustrer. Sur l'immense plateau ouvert de la Felsenreitschule qu'il connaît bien pour y avoir monté Jules César et Coriolan du grand Will, il organise une succession de tableaux vivants d'une grande économie utilisant le lieu naturel pour ce qu'il est, sans chercher à en tirer un parti spectaculaire. Ainsi les loggias creusées à même la pierre seront-elles seulement utilisées lors de la scène du banquet et durant le prélude à la scène de somnambulisme où l'on voit Lady Macbeth avec sa lampe en arpenter, telle une ombre, la plus haute rangée. Une protubérance ménagée dans le sol sur la partie gauche de la scène permet de dégager un lieu mystérieux duquel va surgir le chaudron bouillonnant dans lequel les sorcières fabriquent leur infernal breuvage. Pour résoudre le délicat problème du  positionnement de ces dames (trois groupes de 14 chanteuses) mais aussi marquer le symbolisme de cette triple incarnation du Destin, Stein double le chœur de trois acteurs qui restent agrippés à la vasque divinatrice.  Il se sert aussi des abords de la fosse d'orchestre, entre plateau et auditorium, pour ménager les défilés et processions et surtout amener le chœur des réfugiés « Patria oppressa ! » : longue marche croisée de droite à gauche durant l'introduction musicale créant un sentiment de désolation avant même que les choristes n'émettent un son et produisant alors un effet de proximité acoustique étonnant.  Sur le plateau, ne sont disposés que les corps des enfants morts de Macduff qu'il pleure dans son aria. Malgré l'immensité des lieux, on reste frappé par le sens des proportions. Comme toujours chez ce metteur en scène, la perception aiguë des situations ressort de mouvements d'ensemble simples et d'une gestuelle naturelle qui se préoccupe tout autant du chant que du texte. C'est pourquoi elle est tant en harmonie avec le discours musical.       

 

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L'attrait irrésistible de L'Affaire Makropoulos

 

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©Walter Mair

 

 

Pour la première fois, L'Affaire Makropoulos est présentée au festival.  Comme pour une Katia Kabanova d'anthologie (1998, reprise depuis à l'Opéra Garnier), la mise en scène est signée de Christoph Marthaler.  Le résultat est tout aussi captivant. Cette curieuse parabole d'une femme de 337 ans qui défie la longévité, Janáček l'a directement empruntée à son compatriote, l'auteur dramatique Karel Čapek qui l'a imaginée sous forme de comédie philosophique mêlée de science-fiction. Certes attiré par la portée des idées nouvelles de celui-ci, le compositeur les asservit à ses propres vues et utilise le substrat philosophique de l'interrogation sur l'immortalité à l'appui de la peinture du personnage féminin, hommage à sa chère jeune épouse Kamilla : une figure hors du commun comme il les aime tant. Mettre en scène une telle pièce tient à la fois de la gageure et de l'aubaine. Marthaler suit fidèlement la trame mais l'enrichit en l'encadrant de passages purement théâtraux. Ainsi avant toute musique, un prélude dramatique est inséré sous forme d'un long dialogue muet (on ne le saisit que par le surtitrage) entre deux femmes, l'une jeune, l'autre plus âgée dans une petite pièce, sorte de vase clos : un échange vif et caustique sur la dureté de l'existence, ses aléas, voire sur des considérations plus ou moins cocasses telle que la question de savoir pourquoi aller à l'opéra pour ne rien comprendre de ce qui se dit - allusion au passé de cantatrice de l'héroïne sans doute. Ce premier trait introduit aussi une donnée essentielle : celle de l'obsession qui taraude l'héroïne, laquelle se manifestera en d'autres occasions tel ce ballet incessant au IIe acte du serviteur zélé livrant un bouquet de fleurs à une ex-star de la scène. S'amorce bien sûr la réflexion sur l'immortalité qui va traverser la pièce. Marthaler et sa décoratrice Anna Viebrock unifient l'espace par le décor unique de la vaste salle d'audience d'un tribunal, lieu de ce fameux procès qui va agiter les personnages et au premier chef Emilia Marty. La régie se concentre sur elle et ses diverses incarnations. Telle une mante religieuse, elle va causer le tourment de ses admirateurs par sa beauté surnaturelle, sa froideur cynique, son absence de sentiment : Gregor, le passionné qui tombe à ses pieds, Prus, l'homme si discipliné qui devient son souffre douleur, le jeune Janek qui perdra son innocence et se suicidera, et même l'avocat Koletany, ébranlé par cette nature incompréhensible. Quelque chose va rapidement fêler le beau raisonnement de la quête de l'élixir de vie forgé naguère au XVIIe siècle par les alchimistes, qui après trois siècles demeure une énigme : la face cachée de la femme indomptable se fait jour jusqu'à à la métamorphose ultime en un être rongé par l'idée de la mort abandonnant tout espoir de survivre au moment où elle a pourtant trouvé le secret de la longévité. Comme souvent chez Marthaler, il existe une prise de distance quant au pied de la lettre de la trame dramatique (le procès par exemple tourne à la parodie), et le mouvement est d'une précision d'horloger.

 

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©Walter Mair

 

 

L'autre point fort du spectacle est la direction d’Esa-Pekka Salonen. Là encore, la rencontre avec les Viennois est miraculeuse : un flux incandescent tel un métal en fusion, pourtant traversé d'un lyrisme passionné, celui de la compassion qui affleure à maints endroits. Salonen fait sien ce vocabulaire puissant aux motifs abondants qui n'évite ni la dureté ni la dissonance, peuplé de courtes cellules éminemment changeantes au soutien de dialogues des plus lapidaires. Quelle empathie avec les rythmes heurtés, les harmonies magiques ! Mais aussi avec les couleurs envoûtantes dont Janáček enlumine cet avant-dernier chef-d'œuvre où la réinterprétation des thèmes populaires moraves est si magistralement ménagée. L'orchestre répond à cette pulsation presque oppressante, à ces phases de poésie intense avec une rare ferveur. Il est à souhaiter que cette conjonction des Viennois avec ce chef charismatique se renouvelle pour d'autres occasions de concerts. L'interprétation soliste est dominée par Angela Denoke qui s'identifie totalement au rôle hors du commun d’Emilia Marty. On l'avait déjà perçu à Bastille dans la mise en scène de Warlikowski. Dans un tout autre contexte émotionnel, mue par la créativité de la régie, elle s'en approprie les diverses facettes et use  de tous les registres expressifs, de la séduction enjôleuse, au froid détachement, du pur sarcasme à la confession publique bouleversante. Vocalement, la composition est rien moins que glorieuse. La galerie des soupirants et autres personnages gravitant fébrilement autour de cette figure intouchable est aussi homogène vocalement que parfaitement différenciée théâtralement. On doit une mention particulière au jeune Janek, Aleš Briscein, superbe ténor, et à l'attachante Krista, Jurgita Adamonytè, qui confirme un vrai talent. Voilà sans doute la plus parfaite réussite opératique du festival ! 

 

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La Femme sans Ombre : Prima la musica !

 

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©Monika Rittershaus

 

 

Les exécutions de Die Frau ohne Schatten sont rares à Salzbourg. Les deux dernières remontent aux années 1974-75 (Böhm/Rennert) et 1992 (Solti/Friedrich). Aussi cette reprise était très attendue, dès lors que dirigée par Christian Thielemann, un des grands maîtres straussiens du moment. L'opulence sonore qui s'empare du Grosses Festspielhaus est impressionnante, assurément inhérente à l'idée que Richard Strauss et Hugo von Hofmannsthal  se faisaient de cet opus magnum, selon eux « le dernier opéra romantique ». Thielemann confesse sa passion pour cette pièce dont il souligne qu'elle résume tout l'art de son auteur : une structure habilement articulée, des climats puissants, un mélange de poésie et d'hystérie. Sa direction des Wiener Philharmoniker brille de l'évidente compréhension de l'univers de cette musique aux styles mélangés : l'alternance de climats grandioses et chambristes, l'art de la transition entre l'univers épuré du monde des dieux et celui des hommes paré de sombres harmonies. Le contraste entre atmosphère luxuriante, souvent bien cuivrée, à la limite du paroxysme sonore et pages de lyrisme extasié portées par une fine inspiration mélodique est tout simplement mémorable. Tout aussi pénétrant est le travail sur la richesse de l'instrumentation qui s'orne à l'occasion de traits solistes, telle que la magistrale phrase de violoncelle qui ouvre l'air de l'Empereur au IIe acte. Thielemann joue la pièce sans aucune des coupures instaurées par Böhm et autorisées par Strauss, notamment à l'acte III et affectant la partie de la Nourrice. Celle-ci prend une dimension saisissante : Michaela Schuster est un parangon de force vocale dans cette incarnation essentielle d'une facture ambivalente, cousine aussi bien d'Ortrude que d'Oenone. Evelyn Herlitzius apporte une intensité vocale inextinguible, une hystérie presque voluptueuse au caractère complexe de la Teinturière, « impénétrable, capricieuse, autoritaire et pourtant sympathique », selon son créateur Hofmannsthal. Aussi est-il cruel que le reste de la distribution ne soit pas à la même hauteur. Le Barak de Wolfgang Koch est certes bien chanté, mais ne dégage pas l'aura du personnage, figure humaine admirable d'où émanent tendresse, bonté et compassion. Le bât blesse surtout avec le couple de l'Impératrice et de l'Empereur. Anne Schwanewilms possède une voix fluette sans couleur et n'étaient quelques accents profonds à l'heure de l'ultime renoncement, reste en retrait dans ce chant orné à la fois aigu et sombre de soprano « jugendlich dramatisch » (dramatique juvénile). Stephen Gould malgré son physique de boxeur, est un Empereur quasi inexistant, gêné par la quinte aiguë redoutable de ce rôle que Strauss a peiné à coucher sur le papier. Ni l'un ni l'autre ne sauraient rivaliser avec les grandes voix du passé dont la mise en scène semble vouloir projeter l'ombre.

 

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©Monika Rittershaus

 

 

Selon Christof Loy, « l'ombre est toujours aussi l'ombre du passé ». Le concept de sa mise en scène consiste à remémorer l'enregistrement légendaire de La Femme sans ombre effectué par Karl Böhm en 1955 avec Leonie Rysanek, Elisabeth Hongen, Christel Goltz, etc.  Aussi sommes-nous conviés dans une réplique de la fameuse Sofiensaal de Vienne, lieu chargé d'histoire et mythique des enregistrements, entre autres, de la firme Decca, pourvue d'un podium tapissé de numéros pour le déplacement des chanteurs et de force micros, aux séances d'enregistrement de l'opéra de Strauss. Le clin d'œil est intéressant, à Vienne, à Böhm, à la musique de Strauss : l'ombre portée de la Vienne des années 50 !  Parmi les chanteurs, une débutante à la démarche hésitante doit incarner l'Impératrice aux côtés de stars qui connaissent leur affaire pour tant s'identifier à leur personnage, voire le surjouer. Peu à peu tous se prennent au jeu et projettent leur propre drame sous les yeux effarés de la jeune soprano. Le spectateur est censé passer du rêve à la réalité à travers la perception qu'en a cette dernière.  Entre les « prises » qui correspondent aux intermèdes musicaux séparant les diverses scènes, l'atmosphère se détend, chacun vaquant, qui pour boire un café, qui pour savourer une pâtisserie de chez Dallmayr (le Fauchon viennois). Reste que le procédé, certes original, fait long feu dès lors qu'utilisé durant trois actes. Et qu'il est un peu trop commode de prétendre tout unifier de la sorte pour rendre compte ou tenter d'expliciter une trame dont la complexité est bien connue et la portée si ambitieuse : ses auteurs voulaient rien moins qu'écrire leur Flûte enchantée. Et même si quelques traits permettent de justement étonner, tels ces poudriers dans lesquels se mirent les dames du chœur pour figurer la question de la perte de l'ombre, il faut faire preuve de beaucoup de sagacité pour imaginer les péripéties, événements divers et autres incidents dont est emplie l'œuvre-protée conçue par Hofmannsthal. Lui qui multiplie à l'envi les signifiants, à l'aune des épreuves qu'il réserve à ses caractères ! Il est paradoxal que le personnage-titre autour duquel Loy affirme fonder sa dramaturgie ait aussi peu de relief. Quoique esthétiquement achevé, le spectacle navigue entre oratorio semi staged et revue (l'apparition du beau jeune homme suscité par la Nourrice au milieu d'égéries façon Crazy Horse). Il montre aussi ses limites : alors qu'il s'est joué en continu dans le même décor, on baisse le rideau lors de l'intermède précédant la scène finale, sans doute pour en préparer l'effet : une fête de Noël avec sapin géant, petits chanteurs de Vienne et solistes en habits de soirée entonnant devant un parterre choisi l'ampoulé dernier quatuor !  Parler de direction d'acteurs est, dans ces conditions, un euphémisme puisqu'il s'agit surtout de direction d'interprètes face à des micros. L'émotion qui sourd de cette œuvre curieuse mais combien attachante, on la doit avant tout à l'interprétation musicale. 

 

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Così fan tutte : un jeu terriblement cruel

 

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©Monika Rittershaus

 

 

Claus Guth aura donc mené à bien, avec Così fan tutte la trilogie crée par Da Ponte. Dans le contexte de sa présentation simultanée avec les deux autres pièces, le dessein est de l'illustrer comme une « déclinaison sur le même sujet : l'expérience humaine à travers les deux pôles d'Éros et Thanatos ». Un lien est tissé avec les autres drames, avec Le Nozze en particulier : au monde coloré et en apparence équilibré de Figaro se substitue un univers pessimiste. Le jeu enjoué de l'un devient cynique dans l'autre. La jubilation folle laisse place à la désillusion. Dans Così la perspective est médiatisée telle une comédie espiègle à distance qui justement engendre le cynisme. Guth conçoit l'opéra comme un théorème sur les jeux amoureux. Le théâtre d'amour qui ruisselle en maints endroits de la musique de Mozart a-t-il disparu ? Sans doute pas. En tout cas, toute allusion à quelque aspect bouffe est gommée. La vision est sombre. La manipulation des quatre jeunes gens est plus acérée que jamais : Don Alfonso, de noir vêtu et bardé d'ailes d'ange tout aussi sombres - Guth fait un parallèle avec son Cherubim ailé des Noces qui lui aussi tirait les ficelles - va froidement torturer les amants présomptueux et déconstruire leurs illusions. Une Despina tout pareillement habillée vient à la rescousse pour affaiblir chez les filles ce qui est du ressort des certitudes, des convictions qui s'envolent. Non contentes de se voir ainsi traitées, elles en viendront même un instant à s'entredéchirer. Guth procède par effet d'anticipation des événements quant au détricotage des deux couples : tout espoir n'est-il pas déjà abandonné avant même qu'ils ne surviennent ? La parenté avec les deux autres pièces se poursuit dans l'aspect visuel. Guth dit vouloir créer « un lien optique » entre les trois opéras. Ainsi l'escalier monumental des Noces domine-t-il le décor comme la forêt de Don Giovanni cherche à envahir la scène. Tout réalisme semble abandonné au profit d'une approche d'un blanc clinique dans quelque « laboratoire expérimental » : une sorte d'immense cage enserrant les quatre protagonistes en quête d'issue, soigneusement téléguidés par deux figures diaboliques. Les rares interventions du chœur seront reléguées dans la fosse pour ne pas amoindrir ce huis clos. La cohérence dramaturgique est parachevée par une direction d'acteurs incisive basée sur un fort degré d'identification des personnages : chacun des amants est mû par une force intérieure qui n'est autre que celle conjuguée des deux autres démiurges qui vont les anéantir pas à pas. Et c'est presque malgré eux que les garçons l'emportent, que les filles succombent. L'ultime tentative victorieuse de Ferrando vis-à-vis de Fiordiligi est à cet égard pathétique. Peu avant, lors de l'aria « Per pietà », avec un Guglielmo en sentinelle telle la statue de commandeur, celle-ci affirme une résolution déjà vacillante. Le finale est pourtant sans équivoque, du moins apparente : les deux couples d'origine se reforment. Mais pour quel avenir ?

 

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©Monika Rittershaus

 

 

Visiblement Marc Minkowski est conquis par cette vision pessimiste mais combien clairvoyante.  Le tempo est rapide et on sent une volonté d'allègement. Mais cette vivacité, animée d'un vrai sens du théâtre, engendre une extrême fluidité. Ainsi le délicieux trio « Soave sia il vento » est-il plutôt très allant. Si certains accents sont placés de manière inattendue, le naturel de la démarche ne souffre pas de discussion.  Il joue une version sans coupures ce qui permet, entre autres, de savourer au Ier acte la courte scène qui prolonge l'aria « Come scoglio » de Fiordiligi avec l'air peu connu de Guglielmo s'adressant aux deux belles pour vanter les incontestables prestiges de leurs nouveaux amants. La bande des Français des Musiciens du Louvre-Grenoble n'a pas à rougir face à ses éminents confrères viennois. Alors que le recours aux instruments anciens détend l'horizon sonore, leur faconde au chapitre des bois marque l'interprétation d'une verve étourdissante. Le sextuor vocal est sans faute avec son lot de personnalités nouvelles : à la vaillante Fiordiligi de Maria Bengtsson, soprano corsé nullement embarrassée par les acrobaties dont est truffée cette partie, fait écho l'espiègle Dorabella de Michèle Losier, mezzo claire d'une souplesse singulière : deux timbres parfaitement rompus au dire mozartien, deux filles assurées, peut-être moins qu'il n'y paraît. Le Ferrando d’Alek Shrader, jeune ténor nanti de fines nuances, ne pâlit pas devant le Guglielmo stentor de Christopher Maltman, voix grave d'une faconde irrépressible. Là aussi les deux gars sont sans doute déjà plus déchirés qu'ils n'en ont l'air. La couleur volontairement terne du baryton Bo Skovhus, Alfonso, fait subtile alliance avec le beau soprano clair de la jeune Anna Prohaska, une Despina plus étoffée que souvent. Tous jouent aussi bien qu'ils chantent faisant corps avec une régie si ingénieuse qu'elle paraît décupler les vertus vocales.

 

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Concerts de prestige

La programmation aime les concerts de prestige réunissant des grands noms du chant et de l'orchestre ou encore des solistes renommés. Le trio pour piano et cordes formé par Vadim Repin, Mischa Maisky et Lang Lang n'est pas nouveau. Un CD a déjà montré la qualité de leur travail commun. L'expérience du concert est différente et peut s'avérer périlleuse. Il faut bien reconnaître que ce soir là nos musiciens n'étaient pas au mieux de leur inspiration dans un programme hyper romantique. Les choses se présentaient pourtant sous les meilleurs auspices avec le premier Trio élégiaque de Rachmaninov écrit en 1892 en hommage à son maître Tchaïkovski. La patte d'un grand compositeur est déjà à l'œuvre. En un seul mouvement, traversé de douze brèves sections, la pièce démontre la richesse de l'inspiration mélodique, des harmonies luxuriantes et une propension aux rythmes de marche. Lorsqu'on sait le talent pianistique du musicien, on n'est pas étonné du rôle prédominant assigné au clavier. Du moins dans les premières pages.  Et effectivement, avec Lang Lang aux commandes, le piano a le dernier mot. Heureusement celui-ci va s'unir harmonieusement avec ses collègues dans le développement où s'épanche un lyrisme solaire. L'alternance de moments passionnés et de plages plus sobres, presque sinistres est, pour les cordes, bienfaisante - pour le violoncelle de Maisky en particulier. Les choses prennent ensuite un tour curieux avec l'interprétation par Lang Lang des Douze Études op. 25 de Chopin. Car celui-ci « réécrit » tout bonnement à sa façon le texte en déplaçant les accents, en affectant le jeu d'un rubato démesuré ou de ralentissements excessifs quand le déferlement sonore quasi motorique ne prend pas l'ascendant au-delà du raisonnable. Plus d'un morceau s'approche de la virtuosité lisztienne ou prend une allure rhapsodique hors de propos.  Et d'afficher des postures affectées, tour à tour ange émerveillé ou figure démoniaque.  Notre Stokowski du piano a décidément de l'audace. Il est curieux que le public, dans sa grande majorité, se satisfasse d'une telle manière, proche de l'outrance. En seconde partie, les trois amis donnaient le Trio pour piano n°1 op. 49 de Mendelssohn.  Celui que Robert Schumann appelait  « le Mozart du XIXe siècle » a produit quelques perles dans l'univers de la musique de chambre. Le Premier trio (1845), gracieusement mélodieux, est aisé à l'oreille, encore qu'il exige de ses interprètes la plus extrême adresse. Or, là encore Lang Lang a bien du mal à ranger son ego.  Ce qui semble rejaillir sur ses partenaires : le violon de Repin surtout paraît étrangement détaché, presque sec, là où on attendait une sonorité chaude dans le geste élégiaque du molto agitato initial ou à l'andante tranquillo qui suit.  Et si le scherzo, marqué « leggiero e vivace », offre une sveltesse digne des climats nocturnes du Songe d'une nuit d'été - une page difficile à rater - le finale appassionato reste affecté du déséquilibre de la balance entre clavier et cordes. Heureuse surprise : le bis, tiré du Second trio de Schubert, réintroduit l'inspiration parmi les trois stars, après que le pianiste eut enfin décidé d'abdiquer son rôle « despotique ».  

 

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©Wolfgang Lienbacher

 

 

Le dernier mot reviendra à Mozart avec le concert donné en matinée, une institution céans. L'attraction en était le Concerto pour flûte et harpe, KV 299. Cette pièce délicate a été écrite par Mozart à Paris en 1778, durant les six mois de son troisième séjour. Le commanditaire en est un certain comte de Guisnes, ami de la famille Mozart et homme d'affaires peu scrupuleux qui n'honorera financièrement le musicien qu'après relances. L'idée de la combinaison instrumentale inhabituelle revient donc aux circonstances : le comte jouait plutôt bien de la flûte et sa demoiselle de fille parfaitement de la harpe.  On reste stupéfait par la pléthore mélodique qui illumine ce chef-d'œuvre commis par un homme de 22 ans, sorte de  symphonie concertante qui transcende le style galant inhérent à sa conception et arbore un vrai équilibre expressif. Emmanuel Pahud et Marie-Pierre Langlamet, tous deux solistes des Berliner Philharmoniker, le démontrent à l'envi. Le thème entraînant de l'allegro, d'une joie exubérante, dévoile la complicité entre ces deux artistes, fins musiciens, qui s'épanche encore à l'heure de l'andantino central, une des plus suaves inspirations de Mozart, expansive mais aussi emplie de poésie nostalgique. Le finale, sur un thème français de gavotte déborde de bonheur quoique, là encore, une pointe de tristesse se fasse jour au détour de la phrase. Tel est Mozart ! L'accompagnement de Trevor Pinnock est distingué et attentif. Reste que les pièces symphoniques encadrant ce joyau paraissent frappées de quelque rudesse. Non pas tant la Symphonie KV 184, sorte de symphonie-ouverture en trois parties, nantie d'une fièvre toute italienne que les six Danses allemandes KV 571, presque trop vigoureusement articulées, et surtout la Symphonie KV 543. Pinnock s'attache, certes, à en révéler la puissante architecture et les rythmes marqués, allusion à la tonalité maçonnique de l'œuvre.  Mais cela manque d'élasticité et est comme émaillé de coups de boutoir dans les scansions de marche de l'andante con moto. Le menuetto est lui aussi très trempé, heureusement tempéré par le chant de la clarinette du trio central en forme de Ländler. Prestissime et brillant, le finale se déploie en rafale et sonne très fort, ce qu'amplifie l'acoustique généreuse de la grande salle du Mozarteum. La corne d'abondance qui en orne l'orgue faisant face au public paraissait déborder d'effluves presque trop roboratifs.  Il est étonnant que ce maître de l'interprétation baroque adopte un ton si peu empreint de souplesse pour honorer Mozart. 

 

Jean-Pierre Robert.

 

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Le célèbre festival Wagner fête, cette année, sa centième édition. Toujours autant lieu de controverses, Bayreuth est sans doute un des baromètres de l'interprétation wagnérienne, du moins dans le domaine de la mise en scène. Car musicalement, les choses sont moins claires. Alors que la direction du festival avait prédit le retour des grandes voix sur la Colline verte, celles-ci tardent à répondre à l'appel. Il n'est pas rare d'entendre les œuvres du maître de céans interprétées de manière plus glorieuse ailleurs. Le temps béni où toute voix qui se respecte nantie du gabarit wagnérien mettait un point d'honneur à se produire au Festspielhaus est bien révolu. On renonce devant le substantiel temps des répétitions exigé. Jonas Kaufmann n'y aura chanté qu'un seul été le Chevalier au cygne. Le Bayreuth d'aujourd'hui appartient résolument à l'expérimentation scénique. Bien sûr,  le festival fait, de longue date, figure de laboratoire d'idées sur l’Œuvre d'Art totale conçue par son fondateur. Tout le contraire d'un musée, voire d'un mausolée. Mais chaque édition semble voir franchir un nouveau pas dans l'audace interprétative. Après le « Regie Theater », place à l'avant-garde et à l'arrivée en force des jeunes loups de la scène berlinoise. « L'Art est mort quand on ne fait que le consommer » souligne Katharina Wagner. Certes ! Le tout est de savoir où placer le curseur : présenter un spectacle qui, dans son aspect spéculatif, cherche à flatter un public captif, largement renouvelé, qui accourt voir asservir des chefs-d'œuvre à des présentations iconoclastes, au-delà même de la provocation, ne caresse-t-il pas de manière malencontreuse ce penchant consumériste par ailleurs dénoncé ?

 

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Tannhäuser ou l'incompréhensible décalage

 

©Bayreuther Festspiele/Enrico Nawrath

 

 

Il y a plusieurs façons de rendre compte de la nouvelle production de Tannhäuser : soit de considérer qu'il s'agit au mieux d'un spectacle médiocre, au pire d'un ratage. Soit de la replacer dans le contexte de ce qu'on est en droit d'attendre d'un festival, nec plus ultra de l'interprétation wagnérienne. On se rallie bien sûr à la seconde. Dès lors, un flot de questions surgit devant l'incroyable décalage de cette mise en scène. Sebastian Baumgarten donne « sa » version de la pièce, aidé de son dramaturge Carl Hegemann qui « repense » l'œuvre. Dans sa note d'intention, celui-ci ne proclame-t-il pas que « le point culminant de cet opéra est devenu obsolète » car « pour la génération actuelle, il n'a plus de sens ».  Ce n'est pas tout : un nouveau facteur intervient : la préséance donnée au décorateur-plasticien. Si jusqu'alors la dramaturgie était imposée à la musique, le décor va désormais s'imposer à la dramaturgie. Le concept dû au néerlandais Joep van Lieshout qui vante, non sans impudence, une « nouvelle version de son installation intitulée 'le technocrate' », propose rien moins qu'« une installation obsédante activée par les êtres humains pour la production d'excréments, extraite du biogaz » ! Elle formera l'unique décor, comme « mise en parallèle au décor de la grande salle du concours de chant de la Wartburg », elle-même conçue comme « un lieu de pouvoir, de système et de conventions ». Dès l'entrée dans la salle, le spectateur est happé par l'animation agitant le plateau ouvert - une première à Bayreuth - où mille techniciens de surface s'emploient sur plusieurs niveaux à faire fonctionner l'usine à gaz peuplée de cuves, tuyaux, entonnoirs, brouettes, poulies, etc.  Tout cela dans un visuel aux couleurs primaires, aux éclairages clinquants. On cherche en vain le rapport, même caché, avec la trame de l'opéra. Ses concepteurs tentent de l'expliciter par quelques sentences pratiques ou philosophiques projetées sur écran : on y apprend que la Wartburg est une entreprise dûment « Registred », ou que c'est le temps de frayer (scène du Venusberg).  À propos : là où le surtitrage n'est pas concevable et pour cause - on possède son Wagner ou on ne va pas à Bayreuth - ne serait-il pas expédient de le prévoir pour traduire lesdites intentions à destination du public non germanophone (peu nombreux il est vrai) ?  Le Venusberg qui peut difficilement cadrer avec cet impérialisme décoratif, est visualisé par quelque cage aux fauves surgissant des dessous où se trémoussent des figurants piteux et émerge une Vénus plus matrone que séductrice.  Mais n'est-elle pas  enceinte des œuvres de celui qui veut la fuir ! Dans un tel environnement, le chanteur en est souvent réduit à lutter pour exister. Surtout, la volonté de se dégager du texte en vient à affaiblir l'impact dramatique et plus encore à déprécier l'aspect musical. Des saillies gratuites émaillent le propos : l'entrée des invités telle une journée portes ouvertes à l'usine, ou cette inconcevable présence de Vénus lors du tournoi de chant, quoique éconduite au second plan par un moine. Un non-sens.  Le dernier acte fuit la poésie comme pestiférée : la prière d'Elisabeth sur fond de décoction saumâtre refuse l'émotion et prélude à un suicide dans une cuve de Biogaz en ébullition. La Romance à l'étoile est roucoulée par Wolfram dans les bras de Vénus ! Quant à la scène finale, elle est réécrite : là où on s'accorde à dire que Tannhäuser meurt partagé entre deux mondes, l'univers de Vénus et celui de la rédemption chrétienne, on a fait un autre choix.  L'épisode du miracle du bâton reverdi est gommé. Lui est substituée la présentation par Vénus de l'enfant qu'elle portait, au milieu de la foule réunie des pèlerins et de ses thuriféraires. À  défaut de signification pertinente, le message est dépourvu d'équivoque !

 

©Bayreuther Festspiele/Enrico Nawrath

 

 

La musique dans tout cela ? La réponse est tout aussi problématique. Thomas Hengelbrock qu'on a entendu plus à l'aise dans le répertoire du début du romantisme, cherche à alléger la texture. Reste que le flux sonore en pâtit, alors même que l'usage de tempos très lents alanguit le discours. Sans doute n'a-t-il pas encore pris la mesure de la fosse semi-couverte de Bayreuth où le son subit une alchimie bien différente des exécutions habituelles. Le choix de la version dite de Dresde, dans son jus intégral assure le chef, est curieux lorsqu'on sait que Wagner n'aura eu de cesse de remanier cette première mouture qui ne le satisfaisait pas. Surtout, l'impression est que tout est ici asservi au totalitarisme de la régie. Ainsi de l'Ouverture dont l'accord final paraît presque incongru en l'occurrence, laissant comme en suspens l'action, dès lors que le rideau est déjà ouvert. Les chœurs sont exemplaires quoique sans panache, comparés à ce qu'ils peuvent être en d'autres circonstances. Le manque de lustre de la distribution n'arrange pas les choses. Le titulaire du rôle-titre, Lars Cleveman est dépourvu de charisme et la voix plutôt mate et de faible gabarit ne passe pas toujours aisément. L'environnement ne l'aide pas, non plus que la manière dont il est accoutré d'un short au Ier acte ou d'une tenue ouvrière, jaune vif, au IIe.  Le formidable récit du retour de Rome sera délivré au bord d'une machine verdâtre, la majeure partie en fond de scène. Il trouvera, malgré tout, quelques accents émus. La Vénus de Stephanie Friede est inconsistante vocalement, passant le chant en force, et frôle le ridicule dans la posture peu avantageuse qui lui est assignée. Camilla Nylund prête à Elisabeth une vraie sincérité et vocalement se tire fort bien d'affaire, n'était le parti pris d'élagage de toute poésie. Deux voix dominent : Günther Groissböck dont le registre clair de basse convient à ce qui est conçu comme un jeune et fringant Landgrave Hermann, et Michael Nagy, Wolfram, timbre gouleyant de baryton, même si, là encore, on ne lui assigne pas toujours un rôle gratifiant. Au final, il est patent qu'il n'est plus de limite à la relecture comme se fait jour une volonté de rabaisser l'œuvre musicale.

 

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Parsifal : l'immense récit

 

©Enrico Nawrath

 

 

Le « festival scénique sacré » Parsifal, aux confins du religieux et du philosophique, est proche de l'universel. Il offre, nul doute, un large champ d'investigation au dramaturge. On se souvient de la vision ascétique de Wieland Wagner qui, à partir d'une analyse essentielle du mythe du Graal, en vint à proposer une interprétation suprêmement épurée. Stefan Herheim, qu'on sait fort inventif, se livre à un formidable travail de décryptage, voire d'analyse critique. Il n'est, dans cette mise en scène (créée en 2008), pas une phrase qui ne soit scrutée, pas une situation qui ne soit disséquée. Un immense récit est conté mêlant plusieurs angles de lecture, révélant toutes sortes de signifiants : l'arrière-plan historique de l'œuvre de Wagner à Bayreuth même, où l'on croise aussi l'ombre de Louis II, « Parzifal » tel que le musicien l'appelait, mais aussi l'histoire allemande récente (IIIe Reich) et actuelle. Sa quête de sens des personnages est perçante : la figure de la femme, mère, séductrice, pécheresse, le parcours d'un être mâle qui croise depuis sa prime jeunesse les cruautés de la vie et est confronté à une histoire mirifique, celle du Graal, au point de se confondre avec elle en s'identifiant au « simple et fol » missionné pour apporter la rédemption à une communauté désorientée. Dans sa recherche de signification cachée, Herheim multiplie les visions révélatrices en usant de l'artifice du dédoublement. Le prélude découvre une cérémonie mortuaire à Wahnfried, la villa de Wagner à Bayreuth : une femme se meurt, causant l'effarement d'un jeune garçon. Nul doute Herzeleide, la mère dont Parsifal va bientôt faire état. Tout le premier tableau se situe dans ce même lieu, Gurnemanz en apparaissant le patriarche. Son récit sera illustré dans ses divers épisodes. Au milieu du plateau est disposé un lit, objet-symbole à la fois temporel et mystique. La scène du Graal qui découvre la nef de la cathédrale de Sienne apporte son lot d'interrogations. Gurnemanz brandit au yeux de tous un nouveau-né : évocation du Fils de l'Homme ? Durant son déchirant lamento, Amfortas empoigne Parsifal et le contraint à vivre la cérémonie du Graal. Les images se succèdent sans répit dans une débauche de richesse. Le IIe acte découvre Wahnfried pendant la guerre, accueillant les éclopés, tandis que parallèlement Klingsor, métamorphosé en Lily Marlène au masculin, tente d'attirer Parsifal dans ses rets. Si l'épisode des filles-fleurs mêlant infirmières et égéries lascives paraît prosaïque, le long échange brûlant entre une Kundry parée de rouge sang et Parsifal confine au paroxysme. Après le baiser et l'appel à la rédemption, pour retenir Parsifal elle réapparaît dans une tunique blanche tâchée de sang, semblable à celle d'Amfortas. Son ultime appel aux forces démoniaques voit surgir Klingsor parmi une soldatesque hitlérienne sur fond d'oriflammes rouges à croix gammées, vision subite qui sombre aussi brusquement en chaos lorsque Parsifal se saisit de la Lance. Ce champ de ruines, on le retrouve au début de l'acte suivant à l'heure du retour de l'élu à Monsalvat. L'Enchantement du Vendredi Saint renvoie en miroir la salle même du théâtre de Bayreuth et son public, beau clin d'œil à la création, en 1882. Enfin, la seconde scène du Graal a pour site une réplique de la salle du Reichstag berlinois surmontée de l'aigle germanique, dont les participants somment Amfortas, leur leader, de s'expliquer. Une harmonie nouvelle est proclamée à l'ultime scène : Amfortas, pourtant guéri par le retour de la Lance, expirera sur le cercueil de Titurel tandis qu'au premier plan, Gurnemanz, Kundry (qui ne meurt donc pas) et le jeune garçon du début semblent figés dans l'infini de la pensée. Il y a presque trop à voir dans cette présentation foisonnante superposant théâtre fantastique, culte religieux, festivités mythiques et divertissement ludique.

 

©Enrico Nawrath

 

 

Extrêmement sollicités par la dramaturgie, les interprètes montrent un rare talent d'adaptation. Le Gurnemanz de Kwangchul Youn offre cette bonhomie simple qui si elle démythifie ce personnage grandiose, lui confère du moins un profil de sage. La voix possède les riches harmoniques et le profond ambitus que requiert la belle déclamation de ce rôle d'éclaireur. Detlef Roth est un impressionnant Amfortas : figure de Christ souffrant, visage ceint d'une couronne d'épines, bouleversant dans la déploration de la première scène du Graal, résolu dans son refus final de célébrer la liturgie régénératrice. L'intensité qui émane de la composition rejoint la souveraine rigueur d'un chant qui ne rencontre pas une once de difficulté avec la tessiture souvent exposée dans la partie haute du baryton grave. Le Klingsor de Thomas Jesatko est d'airain et se coule dans l'original cliché imaginé par Herheim. Susan Maclean portraiture les diverses facettes du personnage de Kundry avec un rare flair dramatique, entre démonisme et sensualité brûlante ; une des créations les plus saisissantes de cette production. Vocalement, l'interprétation est distinguée par de beaux accents graves, même si le débit terriblement tendu qui marque le deuxième acte trouve la voix à ses limites. Simon O'Neill assume du mieux qu'il peut la conception très particulière voulue pour le rôle de Parsifal, quoique un profil bourbonien et un physique enrobé ne cadrent pas précisément avec l'esthétisme qui la distingue. Et le dire vocal ne fait pas dans la nuance, la voix étant projetée de manière parfois assez brute. Les chœurs sont magnifiques de finesse fervente et la prodigieuse fusion des trois dispositifs étagés conçus par le compositeur ne manque pas de fasciner. Daniele Gatti offre une direction indéniablement inspirée. Elle mise sur le hiératisme et privilégie des tempos très lents dans les actes extrêmes. En cela elle ne dépare pas avec la régie et son feu d'artifice permanent d'idées. Le débit sonore est somptueux, cette pâte orchestrale en fusion mais étonnement translucide conçue par Wagner qui sourd de « l'abîme mystique » pour se répandre comme par magie dans l'auditorium du Festspielhaus…

 

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Lohengrin : Vers le spectacle total ?

 

©Jörg Schulze

 

 

La reprise de la production de Lohengrin (2010) confirme ses vertus. Musicales avant tout. Le grand frisson de l'orchestre unique de Bayreuth on le doit à la direction incandescente de Andris Nelsons. Dès le Prélude sculpté en orfèvre, on sent que l'exceptionnel se produit. La manière de doser les volumes, de ménager les transitions avec subtilité, de faire ressortir tel trait soliste tout en l'inscrivant dans le continuum de ces longues phrases s'emboîtant les unes dans les autres, tout ici procède d'une maîtrise quasi innée du flux wagnérien. Les passages animés (longue montée en puissance du finale du Ier acte, d'une irrésistible excitation, prélude fiévreux du IIIe acte dégageant une joie fébrile) sonnent comme fiers ; le chaud lyrisme de pages comme le duo d'amour d'une poésie habitée ; l'explication inquiétante qui oppose Ortrude et Telramund d'une force presque angoissante. Nelsons a compris comment user du dispositif particulier de la fosse du Festspielhaus qui libère une aura sonore irisée d'une étonnante plasticité et imprime au débit une absolue fluidité. Cette éloquence entraîne les chœurs dans son sillage, d'une finesse encore plus tangible que dans les deux autres pièces. La distribution, quelque peu modifiée, est égale en homogénéité à celle de l'an passé. Succédant à Jonas Kaufmann, Klaus Florian Vogt tient haut la main la comparaison. Une prestation discutable dans le Walther von Stolzing des Maîtres Chanteurs en 2010 n'avait pas préparé à une approche aussi inspirée du Chevalier au cygne. Car voilà bien une sorte d'idéal vocal : une ligne de chant si parfaitement maîtrisée qu'elle peut passer de l'aigu héroïque le plus affirmé mais non brutal, au mezza voce le plus évanescent, sans être fade. Et surtout une clarté de l'expression qui donne au texte un éclat rare. Une grande interprétation justement acclamée !  Son Elsa, Astrid Weber (remplaçant à la onzième heure Annette Dasch), passé un début précautionneux, gagne peu à peu en intensité et offre un portrait en tous points captivant, une femme que le doute ne semble pas pouvoir effleurer, gagnée par une fébrile interrogation intérieure. Le couple démoniaque Ortrude et Telramund est aussi sombre que ceux-là sont nimbés de bonheur, du moins Lily Marlène en apparence. Elle, Petra Lang, voix de soprano dramatique d'une formidable tenue, n'est nullement gênée par les quintes aiguës rageuses du personnage, en particulier à l'heure des ultimes imprécations.  Lui, Tómas Tómasson, timbre typé de baryton grave, même si un peu mat, en phase avec cette harpie qui le renvoie tel Macbeth à une sorte de surpuissance velléitaire. Samuel Young, le Héraut, de sa voix forte de Telramund en puissance, et Georg Zeppenfeld, le Roi Henri, distinguent encore un sextuor vocal tutoyant la perfection. Voix de basse bien sonore et acteur d'un vrai charisme, ce dernier donne vie à cette figure de roi shakespearien, pauvre hère frappé d'incrédulité devant la divination d'Elsa, de stupéfaction face à l'arrivée du Chevalier, ou encore pris d'épouvante par le drame qui se noue.

 

©Jörg Schulze

 

 

C'est là un des exemples frappants de la fertilité de la direction d'acteurs caractérisant la mise en scène de Hans Neuenfels, riche de sens. Passée la surprise de la première fois, la radicalité de l'approche que traduit une épure au plan visuel, frappe par sa cohérence et évite tout divorce entre dramaturgie et texte. Un homme de maintenant est comme projeté dans un monde bouleversé et cultive l'espoir de pouvoir être libéré, par l'amour, de sa solitude existentielle. Le premier face-à-face entre Lohengrin et Elsa lorsqu'il lui affirme son amour, les isole de toute assistance. Comme un parallèle avant-coureur avec le duo qui culminera à l'acte III. Cette jeune femme, Elsa, au début transpercée dans sa chair de mille flèches, tel saint Sébastien, est un martyre avant l'heure. Elle le restera d'évidence, toute perspective de bonheur lui étant refusée : la joute verbale effrayante qui la livre à une Ortrude obséquieuse ne suffit pas à son malheur, elle virera même au combat sans merci entre Bien et Mal, tels deux cygnes, l'un blanc l'autre noir, s'affrontant devant une assistance médusée. Le manichéisme qui les oppose, à l'aune de ces deux couleurs fondamentales - mitigées à l'occasion par quelques taches bariolées parmi les choristes, en jaune poussin par exemple - prend tout son sens lors du renversement de situation final lorsque le héros livre son identité. Après que le pacte a été rompu entre Elsa et son éphémère sauveur, tout bascule dans un univers de ténèbres. L'un comme l'autre ne sont-ils pas atteints par l'impuissance humaine à croire et à faire confiance ? À cet instant, seule Ortrude paraît de blanc vêtue et couronnée tel un fou de théâtre pour un éphémère triomphe. Le beau héros confronté au monde et à ses vicissitudes voit sa quête de soi sombrer dans un échec inévitable, laissant sans doute peu d'espoir de félicité au jeune Gottfried qui semble naître sous nos yeux dans une vision de cauchemar. L'idée qui a conduit le metteur en scène à vêtir ses forces chorales telle une horde de souris blanches et noires traduit indéniablement un profond pessimisme. Le cliché est original, sinon des plus pertinents, en tout cas d'une maîtrise à couper le souffle, comme bien des prouesses techniques accumulées au fil des spectacles de Bayreuth.

 

Jean-Pierre Robert.

 

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Maurizio Pollini inaugure son nouveau progetto

 

©Lucerne Festival/Priska Ketterer

 

 

Fidèle à un concept qui remonte déjà à plusieurs années, le pianiste Maurizio Pollini renouvelle l'expérience et le défi de rapprocher grands classiques et pièces contemporaines. La nouvelle aventure, baptisée « Pollini Perspectives » et qui doit s'étendre sur quatre soirées et deux festivals, associe Beethoven et ses sonates de l'opus 53 à l'opus 111 à des œuvres spécialement écrites pour l'occasion. La juxtaposition ouvre des perspectives inattendues. Elle révèle de manière frappante combien est radicale et révolutionnaire la musique de Beethoven, un avant-gardiste en son temps. L'œuvre donnée le 17 août 2011, commande de Pollini et du festival, est de Giacomo Manzoni (°1932) et s'intitule Il rumore del tempo (le bruit du temps). Elle associe le piano à la voix et à trois instruments, l'alto, la clarinette et la percussion. Le thème en est l'éphémère de l'homme face à l'éternelle nature. Elle est écrite sur des textes russes (du poète symboliste Aleksandr Blok (1880-1921) et de son contemporain Welimir Chlebnikow (1885-1922), allemand (l'expressionniste autrichien Georg Trakl (1887-1914) et italien (le poète Andrea Zanzotto, né en 1921). La composition musicale est étroitement liée à la structure du collage des textes sous-jacents. Elle s'ouvre par un duo pour alto et soprano, celle-ci portée à ses limites expressives, proches du cri. S'ensuit une alternance d'épisodes pour piano solo aux accents très rythmés, presque d'improvisation et de passages faisant intervenir la voix. Ainsi en est-il d'une méditation qui l'associe à la percussion sur le poème Le Soir de Trakl ou d'autres soliloques où elle fait chemin avec l'ensemble des autres instruments. La section finale débute par un grand crescendo pour soprano, clarinette et percussion. Le dernier mot revient au piano sur des accords répétés diminuendo pour s'achever sur une seule note étouffée. La pièce est d'une grande exigence pour les solistes, ce dont les interprètes s'acquittent avec brio : Alain Damiens, clarinette, Christophe Desjardins à l'alto et la percussion de Daniel Ciamponi. Entre deux incarnations de Despina à Salzbourg, Anna Prohaska prête son talent à la faconde expressionniste de Manzoni. En seconde partie, Pollini joue les sonates opus 53, 54 et 57 de Beethoven. Il les unit dans un même geste vital, fébrile presque, transcendant ce qui ressort d'une phénoménale technique. La Sonate Waldstein (ou L'Aurore) op. 53, aux motifs vaillants, d'un souffle mêlant force et joie, lumière et tendresse selon Jean Massin, car elle est aussi nimbée d'intimité, brûle d'un feu intérieur. L'énigmatique op. 54, avec ses seuls deux mouvements dont un tempo di minuetto en ouverture, est d'une étonnante liberté dans son harmonie constamment changeante. Et l'Appassionata, « un torrent de feu dans un lit de granit » selon Romain Rolland, livre son message d'exaltation héroïque. Passion amoureuse ? Certainement pas. Le sentiment plutôt de la puissance des éléments. La progression est inexorable et le déferlement du final après l'attaca d'un prodigieux élan contagieux. Certes, la manière de Pollini est preste, comme « boustée » à l'occasion. Mais quelle unité et quelle cohérence de la pensée ! Rarement a-t-on perçu avec autant d'évidence la modernité du discours beethovénien, sa dialectique souvent abstraite, l'urgence de l'action exprimée à travers le rythme. En un mot : « Une musique de devenir » (Jean Massin) qui a tant dû bouleverser le public de l'époque et continue de nous transporter. 

 

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Daniel Barenboim et son Orchestre de jeunes

 

©Lucerne Festival/Peter Fischli

 

 

Les concerts du West Eastern Divan Orchestra sont toujours des moments rares, voire des événements. La raison en est peut-être - au-delà de la pure performance musicale - l'intérêt majeur suscité par cette formation de jeunes musiciens juifs et palestiniens, manifestation vivante de cette idée de rapprochement, sinon de paix, appelée de ses vœux par tout un chacun. Daniel Barenboim en a fait un formidable instrument grâce à un travail en profondeur. À bien des égards, cet orchestre peut rivaliser avec ses confrères de la jeune génération, le Mahler Chamber Orchestra et autres Chamber Orchestra of Europe. Le programme réunissait les Sixième et Cinquième Symphonies de Beethoven, exécutées dans cet ordre, au demeurant celui de leur parution, bien qu'elles aient été écrites simultanément. Rapprocher les deux est fascinant car révélateur de leur étroite parenté au-delà de leurs contrastes. On a pu dire qu'elles étaient inextricablement unies tels la nuit et le jour. La Pastorale ou « souvenir de la vie champêtre » est, selon Beethoven lui-même, « plutôt l'expression de la sensation que la peinture » de la nature. Barenboim l'aborde de manière simple et directe quoique un peu lymphatique. Les diverses séquences sont justement contrastées dont un deuxième mouvement « Scène au ruisseau » très clair et bien détaché.  L'allegro de la Scène aux champs prend une allure dramatique dépourvue d'emphase. Le trait de hautbois après l'orage, qui signe une félicité retrouvée dans la lumière nouvelle, est d'une beauté remarquable. Tout aussi admirable est la sûreté de l'ensemble des vents dont le cor. Quant au finale il est empli d'un radieux éclat, nimbé d'une pointe de nostalgie. L'interprétation de la Cinquième laisse dubitatif. Non pour ce qui est de la qualité instrumentale que pour le parti pris interprétatif adopté par le chef. Alors que bien des lectures tendent depuis plusieurs décades vers l'allègement de la texture, Barenboim joue à fond la pleine puissance. Certes, les accords répétés du fameux thème « Ainsi le destin frappe à la porte » sont pris de manière brusque et rapide. Mais l'allegro con brio qui fait suite se perd dans le détail de ses courtes phrases. Il en va de même des mouvements suivants. On a l'impression que chef cherche à faire un sort à chaque tournure, à la moindre intonation, à tous les recoins de l'orchestration - peut-être pour montrer combien ses forces sont à la hauteur du challenge ! Il accentue la pédale grave de manière plus qu'insistante. Surtout la formidable tension de la pièce procède plus d'une focalisation sur le rythme que sur ce qui, chez Beethoven, ressort des diverses manières de la soutenir et de la varier à la fois au niveau du phrasé et de la structure. Au bout du compte le message est quelque peu conçu au pied de la lettre : une ardeur qui confine à la brusquerie, des oppositions de couleurs tellement marquées qu'elles en perdent leur force signifiante, une vision où le tout est dilué dans le foisonnement de ses composantes.

 

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Le concert du sublime : Claudio Abbado dirige l'Orchestre du Festival

 

©Lucerne Festival/Georg Anderhub

 

 

Les concerts de l'Orchestre du Festival de Lucerne sous la direction de Claudio Abbado en sont, sans conteste, un des sommets artistiques. Il se produit là un phénomène rare d'osmose entre musiciens et de communication avec le public. Surtout, l'atteinte de cimes interprétatives sans pareille. Pour sa seconde série de concerts de la présente édition, Abbado avait choisi de rapprocher la Symphonie Haffner de Mozart et la Cinquième de Bruckner. Beau contraste ! Mozart a achevé sa Symphonie  KV 385 le 7 août 1782, trois jours après son mariage avec Constance Weber. La joie de cet événement, on la trouve logée dans le trio du Menuetto, « proclamation solennelle de l'existence d'un nouveau bonheur » (Jean et Brigitte Massin). Abbado et ses merveilleux musiciens en donnent une lecture toute d'allégresse où perce une indicible mélancolie dans l'entrelacé de ses phrases. Ils se souviennent que l'œuvre fut à l'origine conçue comme une sérénade, commande du bourgmestre Siegmund Haffner pour commémorer un événement personnel et est ainsi parée d'un cachet festif. Au caractère emporté de l'allegro con spirito fait suite l'apaisement d'un andante muni de ppp évanescents dans ces phrases où le basson se fond parmi les cordes. Le menuet est fort enjoué. Ce type de mouvement prend, dans cette œuvre, une importance qu'il ne cessera plus d'avoir dans les symphonies ultérieures : l'empreinte décisive du climat de la pièce entière. Le finale presto plein de vie ne rappelle-t-il pas l'air fameux d'Osmin de L'Enlèvement au Sérail, pied de nez à l'archevêque Colloredo ? La Cinquième symphonie de Bruckner (1887), créée en 1894 par le grand chef Franz Schalk, le plus dévoué des avocats, est une des moins explorées des neuf. Celle qu'on a appelée « Symphonie de la Foi » est un modèle de travail contrapuntique et sonne, plus que toutes les autres, comme un orgue gigantesque. L'interprétation de Claudio Abbado nous entraîne dans un long voyage vers l'au-delà des notes, de la musique, de l'existence matérielle. Un de ces moments de grâce où tout paraît s'arrêter. Il en est peu qui, comme lui, possèdent aujourd'hui le sens de ce cosmos musical : la manière de dénouer l'écheveau des grands climats à l'architecture « cathédralesque » sans pour autant que le monumental n'étouffe. Celle d'assurer la cohérence de l'ensemble à travers les divers fragments qui le façonnent, eux-mêmes en constante évolution, l'épique demeurant asservi à une pensée profonde. L'art de ménager les pauses entre les coulées de musique, ces blocs  rappelant la sonorité résonante de l'orgue, sans que la tension ne se relâche, que le fil ne se perde. Le fondu sonore de l'introduction lente avec se pizzicatos atténués débouche sur un choral somptueux que suit une alternance de crescendos et decrescendos, comme de tendresse pudique et de puissante conviction. L'adagio, d'un dépouillement quasi ascétique, livre au plus haut degré tout ce qui, chez le compositeur, est sérénité, avec de longues phrases combinant altos et violoncelles au soutien de cette pédale de basse si caractéristique. Le scherzo libèrera un univers fantasque que tempère un trio d'une douce poésie. Le lyrisme du finale avec sa double fugue transporte encore dans d'autres contrées choisies. Un immense crescendo termine en apothéose un parcours décidément unique et mémorable dans son inspiration autant que dans sa traduction instrumentale.  La quintessence !

 

Jean-Pierre Robert.

 

 



 

La première soirée musicale du Festival d’Automne à Paris était consacrée, à la Salle Pleyel, à Pli selon pli de Pierre Boulez, sous la direction du compositeur. Ce “portrait de Mallarmé pour soprano et orchestre” obéit à la tradition de réécritures multiples, chère à Boulez. Néanmoins, la partition, élaborée depuis 1957, n’a pas connu de transformations depuis 1989 et l’écoute peut convaincre d’une œuvre définitivement achevée. Définitivement achevée dans sa tentative de rendre compte d’un projet créateur impossible et rêvé, tel que Mallarmé le déplie dans son désir d’un Livre en mouvement qui accomplirait le tout poétique. Définitivement indéchiffrable sans doute au non-spécialiste, dans la mesure où les exégèses d’une œuvre poétique peuvent aider à soulever le voile plus aisément que l’exercice d’analyse sur partition. Toutefois le texte rédigé pour le Festival d'Automne à Paris 1981, par Dominique Jameux, dans le cadre du cycle Pierre Boulez, offre un secours non négligeable. Il est consultable sur le site de l’Ircam.

 

©A. Warme-Janville

 

 

Nourri plus d’impulsions poétiques et formelles que d’un souci de référence au signifié ou même à la sonorité des textes ou fragments de textes du poète, Pli selon pli impose à l’auditeur la frustration d’une œuvre jamais découverte. En jaillissent, comme chez Mallarmé, des moments de fulgurante perfection : l’évanouissement d’un trille, un tissage digne de la fée Clochette, la lame étincelante du couperet, des explosions ravalées. Tout ceci entre l’événement que constitue l’accord initial (que Berio citera en amorce du troisième mouvement de sa Sinfonia) et le retour qui se fait en son sein, à la fin de l’œuvre. Dès l’époque d’écriture des trois Improvisations suscitées par les poèmes (Le Vierge, le vivace et le bel aujourd’hui, Une dentelle s’abolit, À la nue accablante tu), Boulez a fait ses choix dans l’ordre de ce que serait sa transposition : structure résultant de celle des sonnets de Mallarmé, choix très personnels dans les passages traités syllabiquement ou en mélismes, introduction d’options dans le parcours musical. L’interprétation de la soprano Barbara Hannigan entre dans cette conception d’un texte, non pas porté ou accompagné par les instruments, mais glissé, suggéré, enfoui ou résurgent. La rencontre des musiciens de l’Ensemble Intercontemporain et de ceux de l’Ensemble issu de l’Académie du Festival de Lucerne pour jouer l’œuvre d’un compositeur qui leur est familier en tant que chef assure une cohérence en profondeur.

 

©A. Warme-Janville

 

 

Voilà plus de cinquante ans, tout ce qui fait l’identité sonore de Pierre Boulez était déjà présent dans sa diversité raffinée, ses percussions à contre-emploi, ses éclatements dans l’espace. Mais aujourd’hui ses parcours, tout aussi aventureux, personnels et mystérieux, offrent des repères qui peuvent donner à l’auditeur l’illusion d’avoir prise sur l’œuvre.  Ce qui, il est vrai, n’est pas le propos de Mallarmé avec son utopie du Livre.

 

Hélène Jarry.

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Ce concert, diffusé en direct sur www.citedelamusiquelive.tv  et www.arteliveweb.com  est disponible en vidéo à la demande.  Il a été enregistré par France Musique et sera diffusé le 17 octobre à 20h00.

 

 

 

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FORMATION MUSICALE

Aline HOLSTEIN, Agnès RETAILLEAU : Mille & une ouïes.  Découverte du répertoire par l’audition et l’analyse. 1 vol. 1 CD. Volume 2, cycle 2 – 2e année. Billaudot : G 7972 B.

Ce deuxième volume est un outil de travail tout à fait remarquable. Il comprend les cours, les applications en autonomie et, dans un livret joint, les partitions des œuvres étudiées, pouvant servir de corrigé. Il y a bien sûr un mode d’emploi, sans oublier le CD, enregistré tout spécialement pour cet ouvrage ; celui-ci constitue une formation de l’oreille tout à fait remarquable (relevé de thème, de rythme, de basse et harmonie, dictées à parties manquantes) ainsi qu’une éducation à l’analyse musicale par l’écoute, la seule qui soit vraiment profitable.

 

 

 

FORMATION MUSICALE / VOIX

Christophe DARDENNE, Valérie PHILIPPIN : La voix, Palette sonore.  Écoute, reconnaissance et présentation des différentes voix.1 vol. 1 CD. Billaudot : G 8925 B.

On devine facilement, à l’énoncé du titre, que le CD est une pièce maitresse de l’ouvrage. Le but est de faire reconnaître les différentes voix ou ensembles de voix à partir d’extraits de musiques de notre temps. Une double approche est donc proposée : « affiner la perception et la connaissance des voix […] et découvrir et partager la palette de couleurs des musiques d’aujourd’hui ». Il est impossible, dans le cadre de cette recension de citer les intervenants du CD : il n’y a pas moins de quinze chanteurs ou formations vocales. Des extraits des partitions sont à chaque fois donnés ainsi qu’un « répertoire fondamental correspondant à chaque genre ». Ce livre d’une très grande qualité visuelle et sonore sera bien entendu utile aux chanteurs, mais également indispensable en Formation musicale.

 

 

 

PIANO

Daniel ICHBIAH : Le piano, c’est facile.  Impressionnez vos proches en quelques semaines. Les carnets de l’info : http://lescarnetsdelinfo.com

Cet ouvrage, paru dans une collection pas spécialement dédiée à la musique, peut légitimement agacer ou faire un peu sourire, à cause de son titre. Mais après tout, tous les chemins mènent à Rome ! Les explications sont claires, les exercices non dénués d’intérêt, et la théorie, qui part de la pratique n’est pas négligée. Les exemples mis en ligne ont le défaut d’avoir la musicalité d’un ordinateur… Mais si, grâce à ce livre, certains prennent goût à la musique et essaient d’aller plus loin avec un professeur en chair et en os, on ne peut que s’en réjouir.

 

 

 

GUITARE

Pascal JUGY : Deux larmes  sur un même thème. Delatour : DLT1280.

Ces deux courtes pièces faciles, Marche funèbre et Sarabande, sont écrites pour être enchainées. Sur une même tonalité de Mi mineur et une même structure harmonique classique, la seconde pièce est une variation du thème initial, sur un rythme différent. Le tout ne manque pas de charme.

 

 

 

Pascal JUGY : Noms d’oiseaux  pour guitare à 10 cordes. Delatour : DLT0923.

« Sometimes very freely, if you wish these birds to be free… ».

Paradoxalement, cette invitation à la liberté débouche sur une pièce très écrite, comme une cage aux oiseaux. C’est cependant dans ces contraintes que pourra s’exprimer la liberté des trois oiseaux… et de leur interprète. Tout en gardant une assise tonale, cette pièce est d’écriture moderne et d’exécution assez difficile.

 

 

 

Didier RENOUVIN : Musiques pour Goldoni   pour guitare. Delatour : DLT0798.

Ces pièces ont été composées pour un montage théâtral réalisé par Robert Condamin et Jacqueline Scalabrini, à partir d’extraits des œuvres de Goldoni, au début des années 2000. L’auteur était le musicien de la troupe. Les titres évoquent des pièces de Goldoni ou des situations. L’ensemble est très agréable et assez facile.

 

 

 

VIOLON

Erik SATIE : Exercices, choral & danses pour deux violons.  Transcription : Jean Leber. Lemoine : 28962HL.

On aurait aimé plus de détail sur les originaux. Le piège de Méduse, qui figure dans cette transcription, est une comédie lyrique en un acte sur un livret du compositeur. Elle a été composée d'après la suite pour piano écrite dès 1913. Il s’agit donc de transcriptions très savoureuses de pièces pour piano adaptées avec beaucoup de talent par Jean Leber et destinées à des élèves débutant un deuxième cycle. La variété des pièces permet un travail pédagogique, harmonique et culturel tout à fait passionnant.

 

 

 

Erik SATIE : Petite trilogie pour deux violons.  Transcription : Jean Leber. Lemoine : 28902HL.

Ici, notre curiosité est pleinement satisfaite : Jean Leber nous communique tous les renseignements nécessaires pour utiliser au mieux cette très habile transcription. Elle est destinée, cette fois, à « deux jeunes violonistes voulant rapidement pratiquer la musique d’ensemble ». Et une note précise : « niveau débutant en première position ». On ne peut que se réjouir de cette entreprise et lui souhaiter le succès qu’elle mérite.

 

 

 

FLÛTE À BEC

Max MÉREAUX : Conte de printemps  pour flûte à bec soprano & piano. P.L.2265.

Voici un fort joli conte, sautillant par moment, lyrique à d’autres. La tonalité de sib, si elle n’est pas des plus faciles pour la flûte, confère beaucoup de grâce à l’ensemble. Une petite cadence met en valeur les qualités d’interprète de l’instrumentiste, qui sera au niveau élémentaire.

 

 

 

FLÛTE TRAVERSIÈRE

André Guigou : Air et variations  pour flûte ut& piano. Lafitan : P.L.2194.

Sur un thème tranquille et heureux, l’auteur propose des variations contrastées qui vont de « en badinant » à « religioso » pour terminer par un « final endiablé ». Beaucoup de variété, donc, dans cette œuvre bien agréable destinée au niveau élémentaire.

 

 

 

Gérard LENOIR : Jeux d’enfants  pour flûte ut & piano. Lafitan : P.L.2221.

Gai et léger, avec une partie plus mélancolique, ces jeux destinés au niveau préparatoire sont bien agréables à écouter. Ajoutons que la partie de piano peut être sans difficulté confiée à un élève, et voici une excellente introduction à la musique d’ensemble.

 

 

 

Michel NIERENBERGER : Baguenaude estivale  pour flûte ut& piano. Lafitan : P.L.2016.

Destinée au niveau élémentaire, cette pièce utilisant un tempo de Blues « cool » aux croches inégales demandera à être préparée par l’écoute de pièces de même style pour éviter une interprétation métronomique qui serait à l’opposé de l’esprit de l’œuvre. Ce sera une occasion de faire découvrir aux deux interprètes le vrai jazz.

 

 

Philippe SAGNIER :Atlantic promenade  pour flûte ut & piano. Lafitan : P.L.2293.

Cette promenade écrite pour les débutants se déroule dans un tempo tranquille, comme une mélodie fredonnée mais expressive. Piano et flûte dialoguent dans un contrepoint qui rend la partie de piano aussi intéressante que celle de son partenaire, sans qu’elle soit vraiment difficile. Cette Atlantic promenade est pleine d’intérêt.

 

 

 

André TELMAN : Valsinette  pour flûte ut & piano. Lafitan : P.L.2224.

Niveau premier cycle, première année, certes, car la partie de flûte est relativement simple. Mais la délicatesse des harmonies et des modulations induite par l’accompagnement demandera un sens musical certain pour le jeune débutant. Œuvre très intéressante, donc, dont le professeur devra faire ressortir toute la subtilité.

 

 

 

BASSON

Jérôme NAULAIS :Basse température  pour basson & piano. Lafitan : P.L.2190.

Cette pièce pour débutant se déroule comme une valse lente, nonchalamment, au milieu d’harmonies simples mais délicates. Elle demande à l’interprète, même débutant, de faire preuve d’un grand sens de la phrase.

 

 

 

TROMPETTE

Émile LELOUCH : Le chemin du rêve  pour trompette (ut ou sib & piano). Delatour : DLT1898.

De niveau moyen, il s’agit d’un hymne triomphant qui irait vers une lumière étincelante. Le piano, par ses rythmes de plus en plus insistants, risque de faire trébucher le trompettiste en chemin. Cette pièce bien réjouissante et tonique est très séduisante.

 

 

 

TROMBONE

Max MÉREAUX : Pastorale   pour trombone & piano. Armiane : EAL 513.

Voici une œuvre dont le titre est en parfaite harmonie avec le contenu. Une gracieuse mélodie dialogue avec une partie de piano qui pourrait être une partie de harpe… Tout cela est très joli et devrait charmer auditeurs et exécutants. Elle demeure cependant une pièce de niveau second cycle.

 

 

Max MÉREAUX : Hommage  pour trombone &piano. Delatour : DLT1123.

Voici la version pour trombone de cet Hommage dont nous avons déjà rendu compte. Il s’agit d’une pièce pour le premier cycle destinée essentiellement à travailler le phrasé et la musicalité.

 

 

 

PERCUSSIONS

Jacques OFFENBACH : Boléro  pour marimba & piano. Extrait de Prière et Boléro  op. 22 pour violoncelle & piano. Arrangement John Hearth. Dhalmann : FD0250. http://www.dhalmann.fr/index.html

Cette transcription très fidèle est bien agréable et pleine d’entrain. De niveau troisième cycle, elle a été au programme des examens de la FFEM en 2011.

 

 

 

Daniel SAUVAGE, Sylvain SOUMAGNE : T’emballes ?  Concerto pour percussion & piano en trois mouvements pour le cycle 1. Dhalmann : FD0246.

Le premier mouvement, pour quatre timbales et piano, porte le nom générique de l’œuvre. Le second mouvement s’intitule : Xy’Va ? et est écrit tout naturellement pour xylophone, glockenspiel et piano, quand au troisième, intitulé Blues à Tergnier, il rassemble batterie, triangle, tambourin, castagnettes et deux polyblocks sans oublier le piano. Le tout n’engendre pas la mélancolie. Ce cadeau d’adieu à l’ancien directeur Michel Lopez montre aussi que le premier cycle du Conservatoire de Tergnier doit être assez musclé ! Bref, si ce n’est pas facile, c’est en tout cas très enthousiasmant.

 

 

 

Patrick MENDEZ : La Ballade de Nala.  Vibraphone solo. Collection « Azurythm » dirigée par Régis Famelart. Dhalmann : FD0247.

Voici une œuvre qui fait appel à la sensibilité et l’inventivité créatrice de l’instrumentiste : elle ne comporte en effet aucune indication métronomique ou de nuances. L’auteur s’en explique : « Chacun pourra choisir son tempo selon son envie et ses facilités. Les nuances, elles, s’installeront petit à petit en jouant tout simplement. La musique devrait être l’école du libre choix. N’avons-nous pas une histoire à raconter à notre façon avec nos propres mots ? » Ajoutons simplement que cette œuvre est de niveau « intermédiaire ».

 

 

 

Max MÉREAUX : Élixir  pour xylophone & piano. Armiane : EAL 512.

Que voilà un agréable élixir ! Évoluant dans une ambiance tournant autour de , il nous promène dans des harmonies délicates et changeantes à souhait. Il y a beaucoup de poésie dans cette pièce exigeante pour le deuxième cycle.

 

 

 

MUSIQUE D’ENSEMBLE

Bernard STRUBER : Musiques en atelier. Les musiques au corps et à l’instrument.  Lemoine : 28863HL.

Sous ce titre un peu sibyllin se cache une réalisation pédagogique tout à fait intéressante. Voici comment la présente l’auteur : « Cet ouvrage d’initiation à la musique […] s’adresse prioritairement à des instrumentistes débutants et configurables dans un orchestre d’harmonie […] Cependant, pianistes, guitaristes, violonistes sont les bienvenus.

L’optique pédagogique est le travail de la mémoire, l’écoute, l’improvisation et l’activité instrumentale dans un groupe orchestral. Les jeux (mélodiques, polyphoniques, rythmiques et d’ensembles) sont destinés à une réalisation vocale, corporelle et instrumentale. L’écriture n’y est donc conçue que comme aide-mémoire, comme support à la composition ou à l’improvisation ou la prise de notes… pédagogiques. »

De nombreux thèmes d’auteurs classiques (Beethoven, Mozart…) ou moins classiques (John Coltrane, Led Zeppelin…) ou des thèmes du folklore servent d’appui à ce travail passionnant mais exigeant autant pour le professeur que pour les élèves. Ajoutons enfin que le volume est copieux et explicite la mise en œuvre de la démarche dans tous ses détails.

 

 

 

François COUPERIN : Apothéose de Corelli.  Apothéose de Lully.  Anne Fuzeau Classique : n°35 – Réf. 2218.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’une nouveauté, il est important de rappeler ces trésors des fac-similés Fuzeau. Même si on n’a pas l’occasion de les jouer soi-même, quel plaisir de les écouter en suivant sur la partition originale, parfaitement lisible. Et il s’agit là de deux œuvres maîtresses du compositeur. Il s’agit d’œuvres en trio pour deux dessus et basse continue. La première pièce de l’apothéose de Lully est avec « basse d’archet » séparée du continuo. La présence des éléments d’interprétations donnés par Jean Saint-Arroman et Philippe Lescat contribue à l’intérêt de cette publication.

 

 

 

Bruno ROSSIGNOL : Interlude Maya  pour alto & guitare. Delatour : DLT1892.

Créée en 1997, cette pièce doit son titre à un restaurant parisien, lieu de la genèse de l’œuvre. L’auteur joue sur les complémentarités de timbre et de tessiture des deux instruments. Courte, cette pièce est de niveau moyen.

 

 

 

Régis CARROUGE : Mascarade   pour dixtuor de cuivres. Delatour : DLT1890.

Écrite pour trompette piccolo sib, 3 trompettes sib, cor en fa, 3 trombones, trombone basse et tuba, cette pièce assez difficile s’attache à décrire les différents aspects d’un carnaval. La première partie, tragi-comique, évoque les courses des masques, la seconde partie commence plutôt comme un lendemain de fête, mais celle-ci reprend le dessus dans un rythme endiablé.

 

 

 

Régis CARROUGE : Trois esquisses  pour trompette, cor, trombone, tuba. Delatour : DLT1889.

L’auteur s’efforce dans ses œuvres actuelles, de « décrire ou d’illustrer musicalement une scène, un personnage, un état d’esprit, un sentiment ou un lieu ». Il nous raconte donc ici une histoire (ou trois histoires ?). Les interprètes de ces esquisses devront donc développer un imaginaire commun pour jouer cette œuvre assez difficile mais pleine de vie et de surprises.

 

 

 

MUSIQUE RELIGIEUSE

Gabriel FAURÉ : Messe de Requiem  op. 48. Bärenreiter Urtext.  Édité par Christina M. Stahl et Michael Stegemann. Voix & clavier : BA 9461a, conducteur : BA 9461.

Dans le cadre de la publication des œuvres complètes de Fauré, voici une pièce maîtresse puisqu’il s’agit du célèbre Requiem. On sait qu’il existe deux versions de ce Requiem. La base de l’édition ici présentée est la version avec grand orchestre de 1900. Seul petit regret : l’absence de préface en français, ce qui est contraire à l’habitude de notre éditeur pour les œuvres françaises. Cette préface, en anglais et allemand, est pourtant du plus grand intérêt. Elle retrace l’histoire de l’œuvre, la manière dont elle a été reçue, son évolution entre 1888 et 1900… Elle prend également parti pour une interprétation avec la prononciation française (dite gallicane) du latin, qui eut d’ailleurs cours dans l’université française jusque dans les années mille neuf cent soixante… Ne soulevons pas ce problème, délicat en France, et réjouissons nous de cette magnifique édition d’un chef-d’œuvre de notre patrimoine.

 

Daniel Blackstone.

 

 

COR EN FA

Bernard de VIENNE : Épure.  Niveau : Difficile. Dhalmann (www.dhalmann.fr) : FD0314. 

Dans cette brève Épure, il est fait appel à tous les modes de jeu de l’instrument : sons ouverts, bouchés, cuivrés ou non, notes répétées, grands écarts de tessiture en différents tempi se succédant très rapidement.  Pour musicien chevronné.

 

 

 

SAXOPHONE

Michael ALIZON : Le jazz facilement.  Initiation à l’improvisation pour saxophone & instruments à vent.  Dhalmann (www.dhalmann.fr) : FD0281.  62 p. CD inclus.

Accessible dès la 3e année d’instrument, cette méthode développée par Michael Alizon (professeur au Conservatoire de Strasbourg) propose : Improvisation sur un mode / Improvisation sur un blues / Improvisation tonale / Index théorique.  Intelligemment progressifs, les exercices sont proposés en ut, mib ou sib. Sur le CD d’accompagnement, se produisent Jean-Yves Jung (piano), Gautier Laurent (contrebasse), Jean-Marc Robin (batterie), Michael Alizon (saxophone).

 

 

 

ACCORDÉON

Bernard de VIENNE : En miniature.  Niveau : Difficile.Dhalmann (www.dhalmann.fr) : FD0312. 

Très fréquents changements de tempo, traits virtuoses, savants agrégats harmoniques, tout concourt - semble-t-il - à désavouer l’intitulé d’une pièce assurément peu banale.

 

 

 

GUITARE

Laurent MÉNERET (°1963) : Comme un voyage.  10 pièces faciles pour guitare. Schott (www.schott-music.com) : SF 1004. 

Comme un voyage est une suite de dix pièces solistes allant de la musique orientale au tango, à la musique baroque, celtique et romantique. De difficultés progressives, en restant toutefois facile d’accès.

 

 

 

Victorine MARTIN & Philippe CUILLERIER : Django Reinhardt.  « Voyage en guitare », HIT Diffusion (www.editions-hit-diffusion.fr).  96 p., CD inclus.  28 €.

Dix morceaux originaux (thèmes notés, tablatures et grilles d’accords) composent cette belle anthologie : Minor Swing, Louise, Danse norvégienne, Nuits de Saint-Germain-des-Prés, Troublant Boléro, Improvisation n°2,  In Springtime, Chez Jaquet, Swing Time, I’ll see you in my dreams.  Avec solos originaux, solos simplifiés, exercices préparatoires, la « pompe manouche ».  Le cahier central présente : le peuple tzigane, les précurseurs, Django, après Django.  Les 76 plages du CD proposent : exercices, mises en doigts, interprétation des thèmes.

 

 

 

PERCUSSIONS

Bernard de VIENNE : Checkpoint I.  Multi-percussions solo. Niveau : Facile. « Carnets du 21e siècle », Dhalmann (www.dhalmann.fr) : FD0283. 

Pièce écrite pour un percussionniste ayant à sa disposition : 1 grande cymbale (18 cm), 2 cloches mambo, 3 temple-blocks et 3 toms. Les Checkpoints I, II, III et IV sont de difficulté croissante.

 

 

 

 

VIOLON

Eva-Maria NEUMANN : Veihnacht voller Lichterglanz. Illustrations : PiaEisenbarth.  Breitkopf (www.breitkopf.com) : DV 32149. 13,50 €.

Florilège de 35 chants de Noël du monde entier : Suède, France, Bohème, Allemagne, Chili, Espagne, Angleterre, Finlande, Estonie, Russie, États-Unis (textes en langues originales& traduction allemande)…Plus diverses mélodies signées E.-M. Neumann, J. Haydn, Fr. Manfredini et A. Corelli.  Avec divers arrangements pour 2 ou 3 violons (niveau : Facile).   Conducteur & parties séparées.

 

 

 

Wilfried HILLER (°1941) : Der Tod ist eine schöne Frau  (« La mort est une belle femme »).  Pièces pour violon & piano.  12 p.  Schott : VLB 150. 

De difficulté intermédiaire, cette pièce de belle facture mélodique (sauf, peut-être, dans sa partie Danza macabra) est dédiée à la grande musicienne japonaise Akiko Tanaka.

 

 

 

PIANO

Dominique LE GUERN & Roger COHEN : Le temps des études.  50 études célèbres pour le 1er cycle.  Hit Diffusion (www.editions-hit-diffusion.fr).   Album spiralé de 80 pages, 23 x 30 cm.  18 €.

Conçue pour les cinq premières années de piano, cette anthologie regroupe 50 études des plus grands pédagogues de l’instrument : Czerny, Gurlitt, Lack, Berens, Burgmüller, Duvernoy, Le Couppey, Lemoine, Müller, Streabbog.  Doigtée et annotée par les auteurs, chaque pièce est, en outre, précédée d’une biographie & de conseils techniques.

 

 

 

Bernard de VIENNE : e4-e5.  « Carnets du 21e siècle », Dhalmann (www.dhalmann.fr) : FD0336. 

Le titre de cette charmante pièce brève (ca 2’) - de niveau « facile-moyen » - fait référence au jeu d’échecs.

 

 

 

Edvard GRIEG (1843-1907) : Lyrische Stücke,  op. 12, 38, 43. 59 p.  « Schott Piano Classics », Schott (www.schott-music.com) : ED 9011. 

Pas moins de 23 « morceaux lyriques » - dont nombre de pièces « cultes » du répertoire domestique - composent cette remarquable compilation (présentation, révision & doigtés par Monika Twelsiek).  Difficulté : Intermédiaire.

 

 

 

Alexander ROSENBLATT (°1956) : Sonata n°2. 48 p.  Schott : ED 21172.

Dans cette sonate en 3 mouvements (Allegro, Andantino, Presto), d’écriture résolument tonale, on peut découvrir divers échos de jazz.  Niveau : Difficile.

 

 

 

Alexander ROSENBLATT (°1956) : Concertino on two Russian themes. Piano à quatre mains.  40 p.  Schott : ED 21000. 

D’égale difficulté (avancé à difficile) sont les parties confiées à l’un et l’autre pianistes.

 

 

 

Alexander ROSENBLATT (°1956) : Carmen Fantasy. Sur des thèmes de l’opéra de Georges Bizet. Pour deux pianos.  44 p.  Schott : ED 21002. 

Voilà qui ne manquera pas de faire le bonheur de bien des duos de pianistes.  Où le compositeur se plaît à épicer les mélodies de Bizet d’harmonies surprenantes et de rythmes volontiers jazzy.  Un feu d’artifice de virtuosité.  Niveau : Difficile.

 

 

 

Annick CHARTREUX : New Colors 1, 2, 3.   « Piano Jazz Blues & Co », Van de Velde (www.van-de-velde.fr)  : VV 292-293-294. 

Il s’agit là, en trois cahiers, d’un cycle de pièces pour piano à deux mains, de niveau progressif : Facile/ Facile à moyen/ Moyen.  Pièces le plus souvent inspirées de musiques populaires américaines où, comme à l’ordinaire, font merveille les qualités pédagogiques de l’auteur.

 

 

 

CHANT

Éléonore JOST & Vincent BONZOM : Exercices de chant pour les nuls.  First Éditions (www.pourlesnuls.fr).  22,5 x 27,5 cm, 240 p. Avec CD.  19,90 €.

Voilà qui devrait permettre à tout un chacun - serait-il peu versé dans la chose - de « se préparer pour bien chanter », de « trouver la bonne respiration », de « déchiffrer et construire une mélodie », de « développer (son) agilité », de « chanter dans plusieurs langues », de « maîtriser l’improvisation » et… « bien plus encore ! »  Tout cela grâce à de fort intelligents exercices ainsi qu’aux conseils &exemples inclus dans le CD (pas moins de 57 séquences).

 

 

 

Carsten GERLITZ (Arrangements de) : Sing Movie Classics.  11 célèbres mélodies de films.  Schott (www.schott-music.com) : ED 20908.  CD inclus.

Titre des films dont sont extraites ces onze célèbres mélodies : Titanic / An Officer and a Gentleman / The Lion King / Stand by me / The wizard of Oz / The Fabulous Baker Boys / Ray / For your eyes only / The Rose / SisterAct / CasablancaLe conducteur comporte les mélodies, avec paroles originales, accompagnements au piano & chiffrages américains.  Partition vocale séparée.  Quant au CD, il propose les mélodies chantées (superbes interprétations) et leurs play-back.  Un bonheur, vous dis-je !

 

 

 

MUSIQUE DE CHAMBRE

Krzysztof PENDERECKI (°1933) : Quartetto per archi n°3.  28 p. (conducteur).  Schott : ED 21011.

D’une durée d’environ 15’, ce Quatuor a été créé par le Shanghai Quartet, lors du Festival Penderecki, à Varsovie, le 21 novembre 2008.  En un seul mouvement, il comporte moult changements de climats :  Grave, Vivace, Tempo di valse, Pesante, Adagio, Agitato…   Conducteur + parties séparées.

 

Francis Cousté.

 

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Gilles CANTAGREL : J.-S. Bach, Passions, Messes et Motets Paris, Fayard, 2011, 421 p.  25 €.

Après sa magistrale analyse des Cantates de J.-S. Bach, G. Cantagrel - s’appuyant sur les mêmes principes de présentation - traite les Passions, Œuvres en latin, Motets, ainsi que les Arias, Chorals et Pièces diverses. Sa connaissance - des travaux hymnologiques du XXe siècle (A. Pirro, A. Schweitzer, A. Cellier,  G. von Dadelsen, Chr. Wolff, M. Petzold, J. Rifkin, Ph. Charru…) et de documents plus anciens (témoignages de C.P.E. Bach, de J. Mattheson, de documents d’archives (Archives de Saint-Thomas, délibérations du Conseil municipal de Leipzig), des récents Bach Dokumente et de la chronologie des exécutions élaborée par Alberto Basso - lui permet de donner le dernier état de la question.  La première partie concerne les Passions avec la genèse des œuvres antérieures à la Passion luthérienne intégrale, un rappel de la tradition jusqu’au stade de la Passion-Oratorio, notamment à Leipzig, où, pour le Vendredi Saint 1724, J.-S. Bach a lancé la tradition de la « Passion en musique », à l’église Saint-Nicolas.  Chaque analyse comprend une chronologie et l’évocation des divers contextes événementiels et religieux. Elle est suivie du plan de l’œuvre, avec texte allemand et traduction française accompagnés de commentaires de l’action, de quelques thèmes musicaux et citations autographes. Elle contient également des précisions sur les diverses composantes, l’organisation musicale, le récit, des commentaires de l’Évangile, le rôle des Chœurs de la turba (foule) et des Chorals, ainsi que les effectifs prévus. La deuxième partie aborde les œuvres en latin : deux Magnificat en mib majeur et  majeur se situant dans la mouvance du culte marial. Le lecteur sera aussi renseigné sur la structure, la mesure, la tonalité. Les Messes (fa majeur, la majeur, sol mineur, sol majeur, si mineur - bénéficiant d’une remarquable analyse -) et fragments de messes reposent sur des textes strictement liturgiques et assortis de citations d’époque. La troisième partie est consacrée aux Motets, généralement de caractère funèbre et interprétés lors d’un culte à la mémoire du défunt. Elle comporte des précisions sur la genèse, la première audition, l’origine des textes, les effectifs et les circonstances. Le schéma de Jesu, meine Freude (p. 353) et l’autographe du motet Singet dem Herrn ein neues Lied (p. 374) sont significatifs. G. Cantagrel analyse également d’autres œuvres : Arias, Chorals, pièces diverses, musiques cultuelles et de circonstances (officielles ou intimes), le Notenbüchlein pour Anna Magdalena Bach et une sélection de Chorals. Les Index des œuvres par numéro du Catalogue BWV et par ordre alphabétique facilitent encore la consultation. Ces analyses si complètes des Passions, Messes et Motets comblent une sérieuse lacune dans l’édition française.  Gilles Cantagrel a signé un nouvel usuel indispensable aux théologiens, hymnologues, cantors, chefs, choristes et historiens des mentalités et sensibilités religieuses.

 

Édith Weber.

 

 

Malou HAINE : Ernest Van Dyck, un ténor à Bayreuth.  Suivi de la correspondance avec Cosima Wagner. « Correspondance », Symétrie.  15 x 21 cm, 266 p. 35 €.

Ernest Van Dyck (1861-1923) était l'un des ténors wagnériens les plus célèbres de son époque. Remarqué par les émissaires de Cosima Wagner lors de la création parisienne de Lohengrin en mai 1887, il sera peu après auditionné par celle-ci et engagé pour le festival de Bayreuth de l'année suivante. Il y chantera pendant neuf saisons jusqu'en 1912, essentiellement le rôle de Parsifal dont il sera l'interprète de choix. Emmanuel Chabrier écrira son admiration après une représentation du Festival 1889 dirigée par Hermann Levi. L'intérêt de ce livre est de retracer pas à pas les relations artistiques quelque peu tumultueuses entre le ténor belge et la dame de fer de Bayreuth. L'auteur souligne qu'elles vont s'ordonner selon trois phases tels les trois actes d'un opéra. L'entente (presque) cordiale marque l'acte I, entre 1887 et 1894 : un travail de préparation minutieuse des rôles et de répétitions devant les décideurs. On y découvre les exigences de celle qui défend âprement le Temple et maintient l'esthétique pour ne pas dire les règles qui règnent alors à Bayreuth. Si le ténor s'y plie de bonne grâce, il n'entend pas pour autant perdre son indépendance. Surgissent les premières escarmouches, par exemple au sujet des habitudes du chanteur d'arriver en retard aux répétitions et, surtout, quant à son forfait lors d'une séance, dû à la maladie ou à la méforme, ce que « Frau Meister » ne lui pardonnera pas. L'acte II scelle le désaccord entre les parties en 1895 après que celui-ci se sera vu avancer les conditions de son maintien ; ce qui était sans doute peu acceptable pour un artiste parvenu au faîte de la renommée. Les dissensions iront jusqu'à l'exclusion du ténor après le festival de 1901. Puis peu à peu les relations se tisseront à nouveau et l'artiste reviendra au Festspielhaus en 1911, toujours pour y interpréter le rôle-titre de Parsifal qu'il y chantera encore l'année suivante, quoique l'enthousiasme des débuts se soit évanoui. C'est en effet le dernier acte, « la fin d'un rêve », même si Van Dyck fait encore forte impression (sur un André Messager en 1911). Une longue correspondance majoritairement en français (publiée ici en intégralité) illustre ces relations. Elle témoigne des exigences inflexibles de Cosima Wagner quant à la nécessité de retenir les plus grands chefs (Levi, Mottl, Muck) et les meilleurs chanteurs. Et participer au festival est un privilège qu'il faut mériter. Mais aussi sa détestation pour tout ce qui n'est pas wagnérien, reprochant au ténor de se produire à Vienne dans le répertoire français, « d'un genre si différent de celui de nos œuvres de Bayreuth ». À travers un caractère « arrogant et despotique », elle impose la stricte conception qu'elle entend imprimer et, au premier chef, la parfaite correction quant à l'intonation de la langue allemande : « la musique est chez nous non le but mais le moyen, le drame est le but et l'organe du drame c'est la langue » (lettre du 19 avril 1888). D'où l'exigence pour le ténor de « se soumettre à des études sans cesse renouvelées de la langue allemande ». Cette intransigeance ira jusqu'à influencer la mise en scène des spectacles, conçus de manière statique pour respecter le credo de la primauté du texte sur le chant. Au fil des pages, on assiste au choc de deux personnalités d'exception. L'auteur fait aussi toucher du doigt à travers des commentaires d'époque ce qu'était alors le wagnérisme, le snobisme qui prévalait à Bayreuth parmi le public. Un ouvrage passionnant sur l'histoire du festival, enrichi d'une intéressante iconographie.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Hector BERLIOZ : Textes et contextes Publications de la Société française de musicologie, 2011.  Symétrie.  325 p.  32 €.

Un livre qui rassemble les communications faites au colloque international qui s’est tenu en novembre 2003, à la Bibliothèque nationale de France, dernier épisode d’un cycle entièrement consacré à Berlioz (1803-1869) à l‘occasion du bicentenaire de sa naissance.  Le titre de ce colloque rappelle par son assonance que Berlioz aimait la phonétique des mots et qu’attaché au statut du texte, il puisait dans le contexte de la société la force, par son art, de la transformer pour construire la cité musicale idéale d’Euphonia.  Un ouvrage qui met en avant Berlioz compositeur, mais également Berlioz, écrivain & critique musical reconnu, à travers une thématique riche et variée. La virtuosité avec laquelle Berlioz manie la rhétorique est comparable à celle qui l’amène à combiner des sonorités inouïes et des rythmes nouveaux. Les mots viennent souvent au secours des notes, situant Berlioz au cœur de la problématique du langage musical ou littéraire. Mais Berlioz est également le musicien du contexte, sachant régler sa stratégie artistique sur les circonstances, la réalité et la raison venant à l’appui du rêve. Enfin, ce livre replace Berlioz dans la philosophie musicale du XXe siècle, relevant sous la plume d’Adorno, par une étrange méthodologie comparative, les nombreuses analogies et affinités qui le rapprochent de Mahler, ou le confrontant aux opinions, plus nuancées, d’autres novateurs comme Debussy ou Varèse. Un livre particulièrement intéressant qui permet d’aborder bien des aspects méconnus, notamment littéraires, de l’auteur de la Symphonie fantastique, grand admirateur de Goethe et Shakespeare.

 

 

 

 

Hector BERLIOZ : Les Grotesques de la musique Symétrie (www.symetrie.com). 252 p. 9,80 €.

Publié en 1859, regroupant une série d’articles, aphorismes et critiques musicales parus dans Le Journal des débats et dans la Revue et Gazette musicale de Paris, Les Grotesques de la musique constituent un livre savoureux où Berlioz donne libre cours à son talent d’écrivain, de polémiste et de critique éclairé, usant d’une plume acerbe, pleine d’humour et chargée de sens caché nécessitant, parfois, un décryptage au deuxième degré.  Un vrai régal !

 

Patrice Imbaud.

 

 

Xavier LACAVALERIE : Moussorgski.  Actes Sud/Classica.  10 x 19 cm, 192 p.  18 €.

Dans le désert bibliographique entourant Modeste Moussorgski (1839-1881), bienvenu est ce petit volume où l’auteur, éminent critique à Télérama, rompt des lances avec bien des idées reçues.  Ouvrage heureusement complété par index rerum et nominum, repères bibliographiques & discographie.

 

 

 

Edward BLAKEMAN : Taffanel, génie de la flûte.  Traduit de l’anglais par Christophe Lanter.  Préface de Claude Dorgeuille.  « Euterpe/La Traversière », éditions Actualité freudienne (http://claude.dorgeuille.pagesperso-orange.fr/index.htm).  14,2 x 22,5 cm, sous jaquette,  434 p., cahier de photos n&b et sépia (18 pages).  22 €.

Créateur de l’école française de flûte, chef d’orchestre et figure majeure de la vie musicale parisienne, Paul Taffanel (1844-1908) méritait certes aussi superbe monographie.  Dans laquelle Edward Blakeman, lui-même flûtiste & auteur de nombreux ouvrages sur la musique, mais aussi réalisateur en chef à la BBC/Radio 3, retrace le parcours d’un artiste d’exception.  Riches annexes et bibliographie.

 

 

 

Esteban BUCH : L’affaire Bomarzo.  Opéra, perversion et dictature.  Traduit de l’espagnol par l’auteur.  « Cas de figure », Éditions de l’EHESS (www.editions.ehess.fr).   12 x 20 cm, 240 p.  15 €.

Il s’agit là d’une affaire de censure - celle de l’opéra Bomarzo, op. 34 d’Alberto Ginastera (musique) & Manuel Mujica Láinez (livret), par la dictature argentine en 1967.   Sous le vain prétexte de « référence obsessionnelle au sexe, à la violence et à l’hallucination »…  Aussi haletante qu’un thriller, la chronique de ce scandale nous interroge quant au rôle de l’Église et de l’État, régulateurs des rapports entre art & morale.

 

 

 

Gérard DENIZEAU : Guide de la musique.  Une initiation par les œuvres (nouvelle édition).  « Reconnaître /Comprendre », Larousse.  14,5 x 25 cm, 256 p., plus de 500 illustrations couleurs, ex. mus.  27 €.

Bonheur de retrouver, dans cette toute nouvelle édition, le commentaire analytique de 65 œuvres célèbres du répertoire, du Moyen Âge à nos jours.  Admirablement illustrées, ces présentations sont certes destinées aux étudiants et à leurs enseignants, mais aussi – et fort heureusement… - à tout mélomane quelque peu désireux d’élargir ses connaissances.  Un must !

 

 

 

Gilles BOUDINET : Il était une fois la musique, les mots et d’autres cris…  L’improbable dialogue de Moïse et Pan.  « Sciences de l’éducation musicale », L’Harmattan.  13,5 x 21,5 cm, 240 p.  22 €.

Docteur ès Sciences de l’éducation, Gilles Boudinet nous livre ici un fort passionnant ouvrage où l’on voit – après l’extinction de l’espèce humaine, suite à un accident d’éducation interdisant à tout infans (celui qui ne parle pas encore) d’accéder aux voies de la musique – le dieu Pan défendre le flux continu d’émotions que véhicule l’art des sons, cependant que Moïse lui oppose la discontinuité des mots.  En treize entrées : Les demi-androgynes, réparer le séparé / Grammatiser le cri, entre la continuité des muses & la discontinuité des mots / Signes & symboles / La Silva, la Polis, les faunes / Musique & paroles / Que vienne l’inconscient / Que vienne la série / Que vienne le sublime / Le moulin harmonique & la raison critique / Il était une fois la foi & la raison / Il était une fois le Logos, le Muthos & la Ratio / Il était une fois la fin du « il était une fois » / La sagesse de l’escargot & l’attrait du retrait.  Bibliographie critique.  Un très grand livre !

 

 

 

Jean-Michel MOLKHOU : Les grands violonistes du XXe siècle.  Tome 1 : de Kreisler à Kremer (1875-1947).  Préfaces d’Étienne Vatelot & Renaud Capuçon.  « Musique »,  Buchet/Chastel.  14 x 20,5 cm, 382 p., photos n&b et couleurs.  CD inclus.  23 €.

Cinquante violonistes légendaires (nés avant 1947) sont ici portraiturés (biographie, répertoire, spécificité du jeu, discographie) : Fr. Kreisler, G. Enesco, Z. Francescatti, I. Gitlis, A. Grumiaux, J. Heifetz, O. Kagan, L. Kogan, Y. Menuhin, N. Milstein, G. Neveu, D. & I. Oistrakh, I. Perlman, I. Stern, H. Szeryng, G. Kremer…  Chaque portrait est illustré d’une photo originale.  Un cahier central, en couleurs, rassemble une quinzaine de pochettes de disques de collection.  Bonheur de pouvoir, en outre, écouter chaque soliste (65 plages, soit… 8h 05’ 52’’ !).

 

 

 

Jean-Philippe Rameau : Hippolyte et Aricie L’Avant-Scène Opéra n°264.  130 p., ex. mus., ill. couleurs.  25 €.

Au sommaire de ce nouveau numéro d’une irremplaçable collection : L’œuvre (Points de repère / Argument : Introduction & guide d’écoute / Livret intégral, version 1733), Regards sur l’œuvre (Le choc esthétique / Préface de 1733 / Phèdre éclipsée : Pellegrin librettiste / Comment la raison vient à l’opéra / Pellegrin, patriarche de l’Opéra / Pierre de Jéliote & Claude de Chassé / Écoutons le cœur de Rameau / Entretien avec Ivan Alexandre), Écouter, voir et lire (Discographie / L’œuvre à l’affiche / Bibliographie).  Non sans les rubriques accoutumées : CDs, DVDs, livres et festivals.

 

 

 

Paul ARON & Jean-Pierre BERTRAND : Les 100 mots du symbolisme.  « Que sais-je ? » (www.quesais-je.com).  128 p.  9 €.

Sont ici parcourus tous les champs du symbolisme.  En 100 notions-clés (d’« Affiches » à « Zutisme ») parmi lesquelles la musique trouve sa juste place - grâce à des entrées telles que « Chanson », « Musicalité », « Musique », « Opéra », « Rythme », « Wagnérisme »…  Sans préjudice de rubriques consacrées à quelques grandes revues d’alors : Le Mercure de France, La Revue blanche, La Revue indépendante, La Vogue, La Revue wagnérienne… Signalons que ces mêmes auteurs ont publié Les 100 mots du surréalisme (2010).

 

 

 

Richard KENDALL & Jill DEVONYAR : Degas et les danseuses.  L’image en mouvement.  Skira/Flammarion (www.flammarion.com).  Album relié toile, sous jaquette.  24 x 28 cm, 192 p., ill. couleurs.  45 €.

Publié à l’occasion des expositions Degas and the ballet (Royal Academy of Arts de Londres, 17 septembre-18 décembre 2011) & Degas et le nu (Musée d’Orsay, 3 avril-15 juillet 2012), ce fort album, somptueusement illustré de reproductions d’œuvres d’Edgar Degas (1834-1917), met en lumière combien – plus qu’aucun autre artiste – ce peintre aura saisi les jeunes danseuses à leur préparation, à la barre et lors de performances.  Outre ses propres œuvres (huiles, pastels, esquisses, croquis, dessins préparatoires…), sont présentés divers tableaux de ses contemporains.  Au sommaire : Danse & photographie, premiers contacts / L’œil mobile / La bête humaine / Degas, la photographie & le film : les dernières années.  En annexes : Notes, Bibliographie & sources, Chronologie des liens entre Degas & la photographie, Index.

 

 

 

Claude CHASTAGNER : De la culture rock. PUF (www.puf.com).  13,5 x 20 cm, 288 p., 23 €.

Il est certes banal de stigmatiser la récupération commerciale de la culture rock.  Professeur de civilisation américaine, Claude Chastagner va plus loin, émettant l’hypothèse d’une objective convergence entre visées de la culture rock & organisation néocapitalistique de nos sociétés.  Évolution fondée sur la stratégie du slogan et du star-system - outrance et provocation…  Peut-on, dès lors, parler encore de rébellion rock, de refus du conformisme & du statu quo ?  Citant Frank Zappa, l’auteur conclut : « Sans déviation hors de la norme, le progrès n’est pas possible ».

 

 

 

Catherine RUDENT : L’album de chansons.  Entre processus social et œuvre musicale – Juliette Fréco, Mademoiselle K, Bruno Joubrel.  « Musique-Musicologie » n°42.  Librairie Honoré Champion (www.honorechampion.com).  15 x 22 cm, 280 p., ex. mus.  40 €.

Démarche nécessaire mais rarissime, l’analyse musicale des chansons & de leurs phonogrammes fait ici l’objet d’une première étude théorique : Cadres (Processus de création & génétique des œuvres, Calendriers, Acteurs, Influences, Importance), Processus (Composition, Arrangement, Voix & travail vocal, Interprétation, Enregistrement & mixage, Coopérations, divergences & conflits, Évaluation), Versions (Analyse musicale des versions, Structuration, Styles, Interprétation vocale & style vocal).  Une somme où est notamment souligné que dimensions symboliques & sociales des choix musicaux se font à l’aune du style.

 

 

 

Lydie SALVAYRE : Hymne.  Roman.  Seuil (www.seuil.com).  246 p.  18 €.

Il s’agit là d’un hymne fervent au Jimi Hendrix qui - en ce matin du 18 août 1969, à Woodstock - joua, avec une fureur nonpareille, The Star Spangled Banner.  Hagiographie  dithyrambique inspirée d’une noire légende…  Ne pas manquer d’écouter, en parallèle : www.dailymotion.com/video/x81gse_jimi-hendrix-star-spangled-banner  Rappelons qu’Igor Stravinski fut, lui-même, arrêté à Boston, en 1940, pour avoir réorchestré l’hymne américain…

 

                     

 

 

Nathalie KATINAKIS : Mélina Mercouri et Mikis Théodorakis. Les derniers héros grecs.  L’Harmattan.  272 p.  24,50 €.

Personnages emblématiques des aspirations collectives de tout un peuple, Mélina Mercouri et Mikis Théodorakis sont aujourd’hui des icônes dans leur pays.  Huit chapitres composent cet hommage : Une lecture mémorielle de l’histoire contemporaine grecque / La dictature des colonels / Mélina Mercouri, l’enfant chérie des Grecs / Mikis Théodorakis, un itinéraire à l’unisson de la Grèce / Mercouri & Théodorakis déclarent la guerre aux colonels / Mercouri & Théodorakis, de 1974 à aujourd’hui / Figures de souvenance / Figures de projection collective.

 

 

 

Richard MILLET : Gesualdo.  « Le manteau d’Arlequin », NRF/Gallimard.  12,5 x 19 cm, 80 p.  10 €.

Autour du fascinant personnage que fut le compositeur napolitain Carlo Gesualdo (prince de Venosa, meurtrier de sa femme & de l’amant de celle-ci, vivant retiré dans son château de Gesualdo et se faisant quotidiennement fouetter par ses valets), Richard Millet a écrit, à la demande de Marc-André Dalbavie, un livret d’opéra dont voici la mouture initiale, sans les modifications que nécessitèrent plus tard les intentions du musicien.  Trois actes d’une rare cruauté.

 

 

 

Emmanuel BOURDIER : Summertime Blues. Roman. Flammarion (www.editions.flammarion.com).  13,5 x 21 cm, 160 p. 10 €.

Destiné à un jeune lectorat (dès 11 ans), ce bref roman nous conte l’aventure d’un adolescent, Sam, qui aura l’occasion inespérée de vivre quelques jours auprès de son idole, la rock star Fred Summer. Mais qui déchantera bientôt, découvrant un homme égoïste, méchant, voire dangereux…  Le ton est désinvolte, humoristique et l’écriture remarquablement maîtrisée.

 

 

 

Mikaël OLLIVIER : Le monde dans la main.  Roman. Thierry Magnier (www.editions-thierry-magnier.com).  14 x 22 cm, 284 p.  15,50 €.

Élève en Seconde, option Musique, & en classe de piano au Conservatoire de Versailles, Pierre est un garçon lisse et sans histoire.  Mais sa mère disparaît, ne laissant qu’un SMS : Ne vous inquiétez pas pour moi. Je n’en peux plus, c’est tout ».  Dès lors tout bascule. Et l’adolescent découvrira bien des secrets de famille.  Laquelle va, peu à peu, se disloquer -  pour se recomposer toutefois, mais très différemment...  Récit fort attachant d’une métamorphose !

 

 

 

Charles AZNAVOUR : D’une porte l’autre.  Don Quichotte (www.donquichotte-editions.com).  14 x 20,5 cm, 166 p.  14,90 €.

S’il est un artiste de variétés qui mérite le succès éditorial qui est aujourd’hui le sien, c’est bien Charles Aznavour.  De par sa longévité sur la scène internationale certes, mais aussi - et surtout - de par son talent, sa générosité naturelle, son idéalisme.  En témoigne, une nouvelle fois, ce recueil de souvenirs : « J’ai vécu ma vie de seuil en seuil, toujours confronté à une porte plus haute, prétendument infranchissable, et la franchissant.  De l’ombre à la lumière, il n’y avait donc qu’un pas, mais ce pas-là a été l’affaire de toute mon existence »…

 

 

 

Pascal ANQUETIL : Portraits légendaires du jazz.  Tana éditions (www.tana.fr).  Fort album relié sous jaquette, 26 x 29 cm, 224 p., ill. n&b.  45 €.

Les portraits de 70 artistes qui auront marqué l’histoire du jazz composent ce magnifique ouvrage.  Huit chapitres : Les génies décisifs (D. Ellington, L. Armstrong, Dj. Reinhardt, Th. Monk, Ch. Parker, M. Davis, J. Coltrane, B. Evans), Les maîtres chanteurs (de Billie Holiday à Diana Krall), Les bâtisseurs de mondes (de Jelly Roll Morton à George Russell), Les virtuoses du bonheur (de Sydney Bechet à Michel Petrucciani), Les anges déchus du lyrisme (de Bix Beiderbecke à Jaco Pastorius), Les maîtres célibataires (de Thoots Thielemans à Eddy Louiss), Les chefs de file (de Coleman Hawkins à John Zorn), Les musiciens intimes (de Teddy Wilson à Brad Mehldau).  Un constant bonheur de feuillettement… et de lecture !

 

 

 

POUR LES PLUS JEUNES

Antonio FISCHETTI (Auteur) & Marion PUECH (Illustratrice) : Le son à petits pas.  Actes Sud Junior (www.actes-sud-junior.fr).  Reliure souple. 17 x 25 cm, 80 p., dessins couleurs.  12,50 €.

Très intelligemment didactique & ravissamment illustré est ce petit ouvrage que l’on ne saurait trop recommander à nos lecteurs (de 9 ans à plus).  Docteur en acoustique, l’auteur nous révèle bien des secrets de sa discipline : émission et réception des sons, fragilité de l’oreille, utilisation des ultrasons, phénomènes de mue, décodage du langage des animaux - du chant des oiseaux (mâles) notamment -, acoustique des salles de concert, etc.  Passionnant !

 

 

 

David SIRE & Pierre CAILLOT (Musique) : L’Arpenteur.  Récitant : David Sire.  Illustrations : Magali Le Huche.  Relié, 21 x 21 cm, 34 p. couleurs.  CD inclus.  Les Éditions des Braques (www.leseditionsdesbraques.com).  18 €.

L’Arpenteur est le gardien des mots, qu’il s’efforce toutefois… de libérer ! Il s’agit là d’un conte philosophique et poétique abordant des thèmes universels : la peur de l’inconnu, le pouvoir du verbe, la nécessaire curiosité… Dès 5 ans.

 

Francis Cousté.

 

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Ecclesia.  Monastère de Valaam.  Jade (jade@milanmusic.fr) : 699 734-2. TT : 60’.

Réalisé au monastère de Valaam, ce disque contient 13 pièces chantées en plusieurs langues : slavon, grec, serbe, géorgien (Tropaire de Pâques) ; bulgare (Stichère Roi céleste ; le célèbre Chant des Chérubins).  Le chant znammeny (hymne Joyeuse lumière ; Canon eucharistique ; Dogmatique ton 1) est aussi représenté, de même que le chant serbe (Après ta naissance ; Hymne à la Mère de Dieu-Magnificat). Les œuvres sont interprétées monodiquement ou polyphoniquement par les voix graves et si prenantes des moines. La facture mélodique fait largement appel aux secondes augmentées typiques. Ce programme si représentatif de la musique orthodoxe a été conçu par le hiérodiacre Herman Ryabtsev qui contribue très largement à la rénovation de cette musique liturgique selon les formes traditionnelles byzantines  dont certaines remontent à la fin du Xe siècle. Dans la deuxième moitié du XVIe siècle, elle a été influencée par les liturgies catholique et protestante, polonaise et italienne. Une excellente anthologie orthodoxe de plus, à l’actif des éditions Jade et destinée à toute discothèque hymnologique.

 

 

 

Chanter au désert.  Musée du Désert (Le Mas Soubeyran, 31400 Mialet). TT : 80’.

Ce disque paraît pour le centenaire de l’« Assemblée du Désert » qui, depuis 1911, regroupe, le premier dimanche de septembre, des descendants de huguenots et des protestants, français et étrangers, en souvenir des réunions clandestines dans les Cévennes, l’exercice du culte protestant ayant été interdit de 1685 à 1789. Cette réalisation en trois volets illustre la musique protestante : Psaumes, Cantiques et Chorals ; recrée l’atmosphère de ces manifestations annuelles, à l’ombre des chataigniers (jusqu’à 15 000 personnes). Enregistrée sur le vif, elle comprend une sélection d’œuvres chantées par l’assemblée ; d’autres, par la chorale de l’Église réformée Panthéon-Luxembourg avec l’Ensemble instrumental Dimitri, tous dirigés par Denise Weber-Gascuel.  Des « succès » défilent : mélodies strasbourgeoises (depuis 1539) et genevoises (depuis 1562) pour les psaumes 36, 68 (Psaume des batailles), 47… ; chorals luthériens : C’est un rempart… extrait de la cantate éponyme ; Confie à Dieu ta route… jusqu’au chœur final de la Passion selon saint Jean (J.-S. Bach) et quelques chants du Réveil. On ne pouvait imaginer meilleur digest si révélateur de ce patrimoine fonctionnel et cultuel, réformé et luthérien, qui a franchi toutes les barrières.  Il est restitué dans un haut-lieu du protestantisme par des fidèles, choristes et musiciens soucieux de la « Défense et illustration » de cette musique multiséculaire.

 

 

 

Richard STRAUSS : Don Quixote, op. 35.  Tod und Verklärung, op. 24.  Fok : 0004-2 031. CD Diffusion (info@cddiffusion.fr ). TT : 65’35.

Cette réalisation comprend deux poèmes symphoniques de Richard Strauss (1864-1949), un des musiciens préférés de Jiri Kout, élève de l’Académie de Prague, puis successivement chef à Düsseldorf, Saarbrücken, Leipzig, Berlin & Saint-Gall et, depuis 2006, chef principal de l’Orchestre symphonique de Prague (fondé en 1934). Il s’est entouré d’excellents solistes : J. Hurnik (violon), P. Perina (alto), M. Jahoda (violoncelle), et ce remarquable disque s’impose d’emblée par les qualités sonores, les timbres exceptionnels et surtout la diversité des atmosphères inhérentes aux poèmes symphoniques. Don Quixote - « Variations fantastiques sur un thème à caractère chevaleresque », op. 35 (1897) - s’inspire du Don Quichotte de Cervantès, et commence au moment où l’ « anti-héros » perd la raison en lisant des romans, et s’achève sur sa mort. Le chef confère à chacune des 10 Variations son caractère propre : aussi bien martial (Variation II : Bataille avec les moutons) que calme (Variation V : Veillée d’armes), ou encore rapide (Variation VI : Rencontre avec Dulcinée). Le poème symphonique Tod und Verklärung (Mort et transfiguration), op. 24 (1890), comporte un Largo initial suivi d’un Allegro molto agitato. Le paysage sonore particulièrement lumineux est assez proche de Richard Wagner, mais avec des effets impressionnistes (harpe) ; son esthétique se réclame du romantisme tardif. Cette interprétation est un modèle de musicalité, d’expressivité et d’intériorité. Disque de référence.

 

 

 

Guy MIAILLE : Œuvres pour orgue. Les Escholiers (17, rue du Bois, 28310 Santilly gmiv.esg@wanadoo.fr). TT : 72’.

G. Miaille - élève de l’organiste et compositeur, Henri Carol (1910-1984) -, lui aussi, professeur, interprète et compositeur, est, de surcroît, son propre éditeur et diffuseur.  Pour les éditions « Les Escholiers », il grave lui-même ses partitions et a enregistré, à son orgue personnel, des Préludes, Fugues et Toccata, la Suite au Saint Nau avec une successsion de danses typiques, sa Messe basse pour les défunts, selon la forme traditionnelle du Requiem (de l’introït Requiem aeternam jusqu’à l’Hymne In paradisum), qui évolue dans une tessiture grave et se déroule dans une atmosphère recueillie et dépouillée, avec une registration d’abord sombre, puis lumineuse pour la communion Lux aeterna. En conclusion, le Paradis est évoqué avec une certaine animation. L’excellent pédagogue, qui a édité son Livre d’orgue (2005), en restitue aussi les 8 pièces aux titres en usage dans l’École d’orgue française (Plein jeu, Dialogue, Tierce en taille…, Grand jeu). L’édition comme l’enregistrement font preuve d’un grand sens pédagogique, d’une rigueur structurelle et d’une technique organistique précise. Archaïsme, tradition et modernité se confondent.

 

 

 

Franz LISZT : Via Crucis.  Jade (jade@milanmusic.fr) : 699 740-2. TT : 36’15.

Le Chœur des BBC Northern Singers - dirigé avec autorité par Gordon Thorne, avec, à l’orgue : Francis Jackson - avait, en son temps, signé une excellente interprétation de Via Crucis. Les éditions Jade, en ce bicentenaire de la naissance de Franz Liszt (2011),  ont été bien avisées de la restaurer et de la remastériser. L’œuvre gagne encore en relief, dépouillement, austérité et dévotion, comme l’exige le livret arrangé par la princesse Sayn Wittgenstein. Les citations bibliques côtoient les hymnes latines (O Crux, Ave ; Stabat Mater), et les chorals luthériens allemands (O Haupt voll Blut und Wunden ; O Traurigkeit, o Herzeleid ). Cette évocation des 14 Stations du Chemin de croix commence avec l’introït Vexilla Regis, puis le récit bien connu de la Passion défile depuis la condamnation à mort de Jésus jusqu’à sa mise au tombeau. Avec la réédition de la même œuvre enregistrée à Riga - déjà parue cette année chez Hortus (902) -, la discographie lisztienne s’est donc enrichie d’une seconde version de référence.

 

 

 

Les plus belles prières de la chanson française. Jade (jade@milanmusic.fr) : 699 738-2.  TT : 60’.

De la Seconde Guerre mondiale au concile Vatican II (1962-1965), les mentalités religieuses évoluent ; l’impact du latin, langue de l’Église par excellence, est en concurrence avec la langue vernaculaire. Grâce aux progrès techniques, les chansons peuvent être entendues à domicile et réentendues à toute heure.  Ce programme comprend des pages irrésistibles à la fois d’essence religieuse et populaire, à travers ces 21 chansons, « purs produits de l’intuition spirituelle s’adressant à tous, dans leur simplicité et leur gratuité même, [qui] méritent bien le nom de prière », selon Franck Laurent (Jade). Elles défendent des valeurs morales, par exemple : la solidarité et l’amour des pauvres (L’Auvergnat de Georges Brassens, très proche du Bon Samaritain du Nouveau Testament) ; la réaction contre l’indifférence (Noël des enfants noirs (Charles Trenet) ; la simplicité (Mon Ange d’Henri Salvador). Elles évoquent différents moments de l’existence (baptême, mariage, vie) ; le temps de Noël (Minuit, chrétiens ; Il est né le divin enfant (Tino Rossi) ; Le Noël de la rue (Édith Piaf), mais aussi Le chemin de l’éternité (Charles Aznavour)… Reflet des interrogations du monde contemporain, rappel sonore et sentimental, traduction musicale d’états d’âme (douleur, espérance, amour…) : une réussite dans le genre, succès assuré.

 

 

 

Manuscrits. Musique baroque d’Allemagne du Nord. Triton : TRI 331172 (triton@disques-triton.com). Intégral Distribution. TT : 58’07.

Ce disque résulte de l’excellente initiative de l’organiste Joseph Rassam, avec la collaboration d’Astrid Janssens, d’Alain Anselm et, occasionnellement, de Marie-Claude Vallin (voix) et des éditions Triton, véritable entreprise familiale - remarquable prise de son : André Thiébault ; graphisme original : Édouard Thiébault, sans oublier Geneviève Thiébault, responsable du label. Tant par le programme que par les commentaires, il est une réussite du genre. Sous le titre « Manuscrits », sont réunis des noms de compositeurs baroques connus ou à découvrir, comme, par exemple : Georg Dietrich Leyding (1664-1710). Le contenu s’apparente à un digest des formes en usage à la fin du XVIe et au XVIIe siècles) : Praeambulum, Toccata, Fantasia, Choral, signées de Samuel Scheidt (1587-1654), Heinrich Scheidemann (1595-1663), Franz Tunder (1614-1667), Matthias Weckmann (1621-1674), Johann Nicolaus Hanff (1665-1712)… représentant la musique luthérienne avec, toutefois, du côté catholique, le Kyrie paschale de Hieronymus Praetorius (1560-1629) — fils de Jacob —, interprété a cappella par la voix si pure de Marie-Claude Vallin pour les conclusions des 4 parties. À l’orgue, la mélodie est d’abord calme, puis donne libre cours à l’ornementation. Les œuvres s’inscrivent dans l’optique fonctionnelle du culte luthérien, avec la présence de Chorals comme, par exemple : Ein feste Burg ist unser Gott — « C’est un rempart que notre Dieu » — (N. Hanff) d’après la première version mélodique attribuée à M. Luther ; dans celle pour orgue seul (D. Buxtehude), la mélodie est plus ornée. La voix bien timbrée de M.-Cl. Vallin rehausse encore l’intérêt des strophes des chorals : Jesus Christus unser Heiland, der von uns den Gotteszorn abwandt (Fr. Tunder) et Von Gott will ich nicht lassen (N. Hanff). Dans une visée pédagogique et cultuelle, les Preambula de Melchior Schildt (1592-1667) et de Vincent Lübeck (1654-1740) préparent les fidèles au chant d’assemblée. La Toccata de S. Scheidt, sur le Psaume 70 (In te Domine speravi) est régie par le principe de l’alternance de passages contrapuntiques. Pour l’orgue de l’Église St-Martin d’Amilly — inauguré par Gustav Leonhardt en 2009 —, le facteur Bertrand Cattiaux s’est inspiré de l’esthétique de Frise orientale (Allemagne et Hollande) et, notamment, des instruments d’Altenbruch et de Lüdingworth. Cet instrument, permettant de nombreuses combinaisons de jeux, la différenciation des voix, des plans sonores variés et doté de nombreuses possibilités de registrations, convient parfaitement à ce programme si révélateur.

 

 

 

André FLEURY : Les deux Symphonies. Méditation et Andante. Triton : TRI 331168. (triton@disques-triton.com). Intégral Distribution. TT : 67’46.

François Lemanissier — disciple du regretté André Fleury (1903-1995), lui-même élève d’E. Gigout, L. Vierne, A. Marchal et M. Dupré — rend un vibrant hommage à son maître au grand orgue Cavaillé-Coll de l’église de la Madeleine (Paris) et, avec le précieux concours du remarquable violoncelliste Sébastien van Kuijk (Premiers Prix de violoncelle et de musique de chambre du CNSMP), a le mérite d’interpréter deux œuvres inédites pour orgue et violoncelle. Méditation, composée en 1988, au soir de sa vie, est une page très sereine, méditative, dont l’atmosphère est encore renforcée par le son exceptionnel et la ligne mélodique intense si bien rendue par l’éminent violoncelliste. Andante (adapté par Fr. Lemanissier) « ne porte pas de titre original. Toutefois, sur l’un des manuscrits, on trouve l’indication qu’il s’agit d’un deuxième mouvement, donc d’un mouvement lent, d’un trio avec piano que Fleury a composé à l’occasion d’un concours du Conservatoire en juin 1930 »,  comme le précise W. Hafner. Sa Première Symphonie, en 4 mouvements, créée en 1943,  s’inscrit dans la mouvance de L. Vierne et M. Dupré et de l’école d’orgue symphonique française. Dans son mémoire de maîtrise (Paris-Sorbonne, 1976), Françoise Collemant précise que le compositeur la considérait « comme étant l’une des œuvres les plus difficiles à exécuter ». Sa Deuxième Symphonie exige aussi de l’interprète une extrême virtuosité, à cause de son écriture très dense, déjà dans la mouvance néoclassique. Tout à l’honneur de l’organiste de Saint-Augustin, de la cathédrale St-Bénigne (Dijon), de St-Eustache, puis de la cathédrale St-Louis de Versailles, ces deux œuvres sont, grâce à une grande maîtrise technique et une musicalité hors pair, magistralement interprétées par François Lemanissier.

 

 

 

Johannes CICONIA : Opera omnia 2CDs Ricercar (stephanie@outhere-music.com) : RIC 316. TT : 158’00.

Remarquable idée que de révéler en deux CD l’intégrale de l’œuvre du « Magister Ciconia de Leodio » (Liège) — d’attribution non douteuse — représentant un éventail des formes typiques de l’Ars Nova (XIVe siècle) et annonçant déjà le siècle suivant : ballades et madrigaux italiens, chansons françaises, pièces événementielles, motets latins, fragments de messe… De plus, le mérite de l’édition de cet enregistrement revient à Jérôme Lejeune, constituant ainsi un hommage, d’une part, à son père l’historien Jean Lejeune et à sa mère la regrettée Suzanne Clercx, bien connue dans le monde musicologique international et, d’autre part, au riche patrimoine de l’ancienne Principauté de Liège. Dès son enfance, Jérôme Lejeune a baigné dans la mouvance des Arnold et Hugo de Lantins, Johannes Brassart et Johannes de Limburgia — successeur de J. Ciconia — : c’est dire avec quel souci d’authenticité les pièces ont été restituées à partir de manuscrits, puis interprétées par les ensembles La Morra, codirigé par Corina Marti et Michal Gondko (CD 1 : musique profane, 17 pièces) et Diabolus in Musica, dirigé par Antoine Guerber (CD 2 : Motets et mouvements de messe, 19 pièces). Ce programme est révélateur de l’Ars subtilior, avec ses recherches rythmiques et isorythmiques très poussées, sa construction solide, ses mélismes, ses mélodies inventives et très fouillées confiées au ténor — selon l’usage de l’époque.  Les textes — dont certains sont de Ciconia — relèvent de la poesia per musica si bien servie par les voix féminines, masculines et des instruments (flûte à bec, clavicembalum, luth, vièle, organetto, saqueboute…). Chefs-d’œuvre en miniature à découvrir et à réécouter impérativement.

 

Édith Weber.

 

 

Alessandro STRIGGIO : « Mass in 40 parts ». Missa Ecco sì beato giorno. Motets : Ecce beatam lucem, Fuggi, spene mia, O Giovenil ardire, Altr'io, che queste spighe, D'ogni gratia et d'amor, O de la belle Etruria invitto Duce, Caro dolce ben mio, Miser'oimè. Vincenzo GALILEI : Contrapunto Secondo di BM. Anonyme : Spem in alium. Thomas TALLIS : Spem in alium. I Fagiolini, dir. Robert Hollingworth. Universal/Decca : 478 2734. TT : 68'53.

Voilà un disque passionnant de musique de la Renaissance ! Alessandro Striggio (1536/37-1592), fils d'un noble de Mantoue, rejoint en 1559 la cour du duc Cosimo Ier de Médicis à Florence. Il y exercera les fonctions de maître de chapelle et, à l'occasion, de diplomate lors de ses fréquents voyages hors du duché. Sa vaste production comprend sept livres de madrigaux et quelques pièces sacrées. Au nombre de celles-ci, le motet Ecce beatam lucem et la messe Ecco sì beato giorno ont sans doute été écrits pour une cérémonie nuptiale chez les Médicis en 1565, le mariage du prince Francesco et de l'archiduchesse Johanna d'Autriche, fille de l'Empereur Ferdinand Ier. La messe sera  exécutée au dôme de Florence dans une présentation spectaculaire et quasi théâtrale : 5 chœurs disposés en hauteur, sur des machines à nuages pour conférer un aspect extatique à cette improbable et curieuse réunion de la nouvelle Jérusalem, de la Sainte Trinité, des Patriarches hébreux et des Prophètes. Elle le sera aussi plus tard à Paris devant le jeune Charles IX et sa mère, Catherine de Médicis, cousine de Cosimo. Le matériau qu'on croyait perdu a été retrouvé il y a peu, à Paris, par le musicologue Davitt Moroney. Cette messe, comme le motet d'ailleurs dont elle s'inspire, sur une ode du poète Paul Melissus, né Schede, a été composée pour 40 voix, savoir 5 chœurs de 8 membres chacun (portées à 60 lors du second Agnus dei). Il s'agit d'un des premiers exemples connus de musique à multiples parties chorales. Mais le mélange de participations, chorale comme instrumentale, est une autre de ses caractéristiques, exemple de la liberté que les compositeurs se donnaient à l'époque. La pièce, d'une envergure inédite, offre un formidable kaléidoscope de voix et une palette instrumentale des plus ornées. L'écriture, sans cesse variée, est solennelle ou intime, grandiose ou réfléchie, souvent d'un vrai sens dramatique. Elle est fleurie et syncopée, ancrée sur de solides piliers harmoniques. La présente interprétation contraste les diverses parties, soit à prédominance purement vocale, soit en mélangeant voix et cordes ou voix et cuivres, etc. D'autres courtes pièces évoquent encore l'inventivité de Striggio, dont certaines exécutées a cappella. Le CD comprend aussi le motet Spem in alium de Thomas Tallis qui se signale par son usage étonnant de la dissonance. L'exécution de I Fagiolini est d'une plasticité souveraine : pureté lumineuse des voix, de sopranos et de ténors en particulier, perfection des divers ensembles instrumentaux réunis, dont luth, lirone et sacquebutes. L'agréable spacialisation de l'enregistrement développe une séduction à laquelle il est difficile de résister.  

 

 

 

Wolfgang Amadeus MOZART : Concertos pour cor nos 1 à 4.  Alessio Allegrini, cor. Orchestra Mozart, dir. Claudio Abbado.  Universal/DG : 477 8083. TT : 53'40.

Ces quatre pièces ont été écrites - à l'exception peut-être de la troisième - pour Ignaz Leitgeb, ami de la famille Mozart, corniste dans l'orchestre de Salzbourg. Un lien curieux unissait le compositeur à ce musicien au point qu'il le prenait pour quelque souffre-douleur et l'accablait de plaisanteries peu amènes dans sa correspondance. Le Deuxième Concerto KV 417 n'est-il pas affecté de cette dédicace peu ordinaire : « W. A. Mozart a eu pitié de ce pauvre âne abruti et toqué de Leitgeb, à Wien, le 25.5.1763 » ! Malgré la monotonie inhérente à un instrument dont les possibilités virtuoses restent limitées, Mozart introduit une belle différenciation entre les mouvements. Il ménage ainsi une atmosphère de fanfare de chasse au dernier mouvement du Concerto KV 417. Le Troisième KV 447 est le plus élaboré, l'orchestration plus riche et la composition mieux pourvue pour le soliste, notamment dans la modulation. Mozart le destinait-il à un instrumentiste plus habile ? En tout cas, l'ingéniosité est plus marquée dans ses traits : le larghetto introduit pour la première fois une Romanze chantante d'une douce mélancolie, traversée de traits plus graves. Il se termine par un allegro fiévreux, merveille d'équilibre entre urgence et tendresse où le soliste brille dans une écriture plus variée que partout ailleurs dans ces pièces. Le Quatrième Concerto KV 495, contemporain des Noces de Figaro, est le plus développé. La partie soliste est imaginée avec plus d'ampleur et d'inventivité, notamment dans le registre aigu de l'instrument. De la Romanza (Andante) émane un lyrisme discret, tandis que le rondo final a de nouveau l'allure d'une fanfare apparemment sans surprise, si ce n'est une modulation au détour d'une phrase et ses cocasses traits en cascade ou pirouettes comiques. On admire la belle habileté du corniste Alessio Allegrini, tout en fluidité et rondeur alors que Claudio Abbado et ses musiciens d'élite apportent à l'accompagnement délicatesse du phrasé et esprit. 

 

 

 

« Summer Night Concert Schönbrunn 2011 ». Franz LISZT : Les Préludes. Fritz KREISLER : Concerto en un mouvement pour violon. Jean SIBELIUS : Kurkikotaus (Scène avec grues), op. 44 n° 2.  Modest MOUSSORGSKY :  Tableaux d'une exposition (orchestration Maurice Ravel). Johann STRAUSS II : Vom Donaustrande (Depuis les rives du Danube). Wiener Philharmoniker, dir. Valery Gergiev. Universal/DG : 476 4211. TT : 74'23.

Le concert des nuits d'été de Schönbrunn est une sorte d'équivalent estival de celui du Nouvel An à Vienne. Il a pour lieu les jardins du célèbre palais impérial des faubourgs de la capitale. Les Wiener Philharmoniker en sont les interprètes prestigieux avec un chef choisi, mais un programme plus diversifié, grand public. L'édition donnée le 6 juin dernier, dont ce CD est la captation, avait pour thème « Tableaux virtuoses à Schönbrunn », pour mettre en lumière les analogies existant entre peinture et musique. Dans ses Préludes, créés à Weimar en 1854, Liszt  emprunte au poème éponyme de Lamartine l'idée de l'existence d'une relation cachée entre les arts. Valery Gergiev en livre une exécution dramatique et moins virtuose que de coutume, le thème martial qui revient en boucle, plus lissé. Le Concerto en un mouvement de Fritz Kreisler, le violoniste célèbre, est une libre adaptation du mouvement initial du Premier Concerto op. 6 de Nicolò Paganini. La pièce se signale non pas tant par sa partie soliste hyper virtuose que par une écriture orchestrale qui s'éloigne de la ritournelle facile de l'original au profit d'une manière plus autrichienne. Une cadence difficile en marque la dernière section dont le jeune violoniste autrichien Benjamin Schmid se tire fort bien. En hommage à la catastrophe de Fukushima, les Viennois ont tenu à jouer une pièce peu connue de Sibelius, Kurkikotaus (Scène avec grues). Tout comme la fameuse Valse triste, elle est tirée de la musique de scène écrite pour Kuolema (Mort), et se situe après la Deuxième Symphonie. La grue est, en effet, considérée au Japon comme la messagère du bonheur. Le mouvement pacifiste en a fait aussi un symbole d'espoir. Traversée de cris plaintifs, la pièce exhale une abyssale tristesse. Valery Gergiev avait inscrit enfin au programme le grand panoptique pour orchestre Tableaux d'une exposition de Moussorgsky que Ravel a orchestré de la manière rutilante que l'on sait. Là encore, le chef russe montre sa différence : un respect scrupuleux des indications et une volonté de souligner les contrastes.  Ainsi Il vecchio castello est-il abordé lent et mystérieux, Tuileries de manière capricieuse, Ballet des petits poussins dans leurs coques fort espiègle, Samuel Goldenberg und Schmuyle grandiloquent avec son solo de trompette bouchée. Un Marché de Limoges volubile laisse place à la grandiose Catacombae bardée de cuivres glorieux puis à la force tellurique de Baba Yaga. Les Viennois défendent le faste instrumental ancré dans chacun des morceaux de ce mémorial d'orchestre rabâché mais combien séduisant. Bien sûr, le voyage musical finit par une vignette viennoise : non pas une valse, mais une polka schnell, furieusement rapide en l'occurrence, pour colorer le morceau intitulé Depuis les rives du Danube. 

 

 

 

Philippe BOESMANS : Chambres d'à côté (2010) pour ensemble instrumental. Sextuor à clavier (2006) pour quintette à clavier. Ornamented zone (1996) pour piano, clarinette, alto & violoncelle. Sur Mi (1974) pour deux pianos, orgue électrique, crotale & tam-tam. Musiques Nouvelles, dir. Jean-Paul Dessy.  Cyprès : CYP4636. TT : 44'37.

La musique de Philippe Boesmans (°1936) est attachante en ce qu'elle se refuse à l'effet et développe un langage très personnel. Cet ancien pianiste fut d'abord un autodidacte dans l'art de la composition. On le connaît surtout pour sa production d'opéras, un ensemble de pièces d'un fort impact empruntées à de grands dramaturges. Le présent disque est consacré à sa musique de chambre, ce qu'il nomme ses « œuvres de fatigue » parce que succédant, à chaque fois, à une composition d'envergure qu'elle prolonge, un opéra la plupart du temps. Dans une chronologie inversée, il présente d'abord avec Chambre d'à côté, créé en 2010 à Bruxelles, une suite de six mouvements courts où sont alliés percussions, cordes et bois. L'idée est « de jouer avec la distance » (Gérard Condé), celle qui procède de « musiques entendues de loin, à l'improviste ». La juxtaposition instrumentale inhabituelle produit des illusions acoustiques dévoilant un lyrisme serein (chambre ♯5) ou des atmosphères emplies de mystère (la sixième, apparemment en forme de récapitulation, reprise de la première pièce et qui s'éteint comme en suspension). Le Sextuor à clavier, écrit en 2006, à la suite de l'opéra Julie, pour piano et quintette à cordes - à deux altos - traite tous les instruments sur un pied d'égalité. L'acidité du jeu des cordes dans l'extrême aigu tranchant avec la sonorité cristalline du piano produit une impression d'impalpable et d'éphémère.  On est séduit par la fluidité des phrases qui s'enroulent les unes dans les autres. Le trait s'anime à la fin dans un tourbillon sonore des cordes graves pour se clore dans un souffle.  Ornamented zone (1996) est un quatuor pour piano, clarinette, alto et violoncelle : « un jeu où l'ornement est soumis à différentes couleurs », selon l'auteur, « une musique en perpétuel renouvellement » précise Gérard Condé, « où l'oreille repère facilement certains motifs récurrents ». Le travail sur l'alliance des timbres on le trouve déjà dans Sur Mi, créé en 1974 au festival d'Art contemporain de Royan par les sœurs Labèque, Bernard Foccroulle et Jean-Pierre Drouet.  Une combinaison instrumentale originale réunit deux pianos, l'orgue électrique et la percussion. Le point de départ est Debussy et son Étude pour les notes répétées. De forts accords plaqués, de longues résonances du piano, des rythmes swinguant des claviers que prolonge l'orgue, voilà les atouts d'« une musique qui explose et sort de ses gonds avec d'autant plus de force qu'elle est polarisée » (ibid.). La texture peut s'avérer plantureuse, eu égard à l'effectif des percussions, crotale et tam-tam. Mais ces dernières ne deviennent jamais envahissantes. L'exécution par l'ensemble Musiques nouvelles que dirige Jean-Paul Dessy est on ne peut plus idoine, saisie lors d'un concert au théâtre de La Monnaie, le 11 septembre 2010.    

 

 

 

Ludwig van BEETHOVEN : Fidelio.  Opéra en deux actes op. 72. Livret de Joseph Ferdinand von Sonnleithner, d'après la pièce de Jean-Nicolas Bouilly Léonore ou l'amour conjugalNina Stemme, Jonas Kaufmann, Falk Struckmann, Christoph Fischesser, Rachel Harnisch, Christoph Strehl, Peter Mattei.  Arnold Schoenberg Chor.  Lucerne Festival Orchestra, dir. Claudio Abbado. 2CDs Universal/Decca : 478 2551.  TT : 68'37+46'25.

« Cet opéra me méritera la couronne des martyrs » dira Beethoven de « l'enfant de sa douleur », pourtant chéri entre tous. L'intrigue, puisée chez le français Nicolas Bouilly et sa pièce Léonore ou l'amour conjugal (1798) d'après une histoire vraie, sera revue et corrigée surtout pour ce qui est la troisième version (1814) de sa Léonore d'origine (1805). Elle mêle faits concrets et thématiques abstraites. Les idéaux véhiculés par les Lumières, de liberté, de fraternité et de justice permettent de déjouer la vilénie humaine grâce au catalyseur qu'est l'amour. Le fil conducteur est le personnage de Léonore et sa propre évolution à travers la recherche de l'être aimé vers un dépassement de soi et une communion avec l'universel. On sait tout le substrat autobiographique (la relation amoureuse de Beethoven avec Josephine Deym, sa surdité  qui l'emmurait dans la solitude) de cette pièce sans lendemain et peut-être sans égale dans le répertoire. La présente interprétation, enregistrée live lors de concerts donnés les 12 et 15 août 2010 au Festival de Lucerne, possède de solides atouts : la direction de Claudio Abbado d'abord, d'une urgence électrisante dans le geste héroïque, animée d'un feu intérieur lors des moments de lyrisme, partout d'un rayonnement inextinguible. Ce qui frappe, ce sont les changements d'atmosphère, par exemple entre l'Ouverture glorieusement articulée et le singspiel qui suit, pris dans un tempo très soutenu. Tout en contraste, le court monologue de Léonore et de Rocco qui précède le quatuor, introduit par sa calme douceur la réflexion que constitue ce morceau. On retrouve un tel contraste dynamique entre le grand air de Léonore et le chœur des prisonniers, comme entre l'introduction du IIe acte et l'air de Florestan puis le mélodrame qui réunit celui-ci, Léonore et Rocco. Abbado ne recherche pas l'effet. Son souci est la fluidité du discours. Ainsi favorise-t-il pour les dialogues une expression naturelle. Son Orchestre du Festival de Lucerne répond avec la plus extrême finesse, que ce soit les cordes transparentes ou les vents d'un galbe pur et svelte. Ce qui est mis en exergue par une prise de son extrêmement claire. La distribution ensuite qui réunit un plateau enviable. Que ce soit dans l'air fameux « Abscheulicher ! » ou dans ses interventions lors des ensembles, Nina Stemme est une Léonore quasi idéale : timbre incandescent, dans le sillage de sa compatriote Nilsson, interprétation bouleversante d'humanité. Sa familiarité avec le rôle y est pour beaucoup. Jonas Kaufmann est aussi un Florestan magistral : l'interjection « Gott », prise d'abord pp et s'enflant jusqu'au fff, prélude à un air d'une résolution déchirante qui s'anime peu à peu jusqu'à cet étonnant passage nostalgique proche du motif initial de l'Andante.  La seconde partie, traversée de la mélopée du hautbois (le thème de Léonore mais aussi la flamme de l'espoir) est d'une lente douceur et le morceau se conclut dans un murmure extatique. Leur duo « O manenlose Freude » est d'une joie presque frénétique, le chef pressant le tempo. Le Pizzaro de Falk Struckmann laisse transparaître toute la morgue du personnage, peut-être au premier degré, mais la voix est d'un éclat d'où émerge le sentiment de rage vengeresse. Christoph Fischesser incarne un Rocco plus jeune que de coutume, eu égard à un timbre de basse très clair, et laisse de côté l'aspect bonhomme du gardien de prison dévoué que la routine a accolé à cette partie. Le couple des jeunes est de pareille qualité. Le luxueux Arnold Schoenberg Chor, sous la houlette experte d’Erwin Ortner, déploie sa magistrale conduite vocale tant dans le chœur des prisonniers qu'au finale d'une force cosmique comme d'une allégresse contagieuse. Une discrète mise en espace imprime le mouvement nécessaire à une écoute privée de l'image.

 

 

 

Antonio VIVALDI : Il Farnace (Version de 1738). Opéra en trois actes. Livret de Antonio Maria Lucchini. Reconstruction du IIIe acte par Frédéric Dalaméa & Diego Fasolis.  Max Emanuel Cencic, Ann Hallenberg, Karina Gauvin, Daniel Behle, Ruxandra Donose, Mary Ellen Nesi, Emilliano Toto Gonzales.  I Barocchisti, dir. Diego Fasolis.  3CDs Virgin Classics : 509990709142.  TT :  64'12 + 71'31 + 55'54.

Il Farnace est l'opéra ferrarais maudit de Vivaldi. À l'automne de sa brillante carrière, déjà moins adulé à Venise, Vivaldi cherche comme toujours de nouveaux débouchés.  Il se tourne vers Ferrare, haut lieu de l'opéra alors, même si la ville de Savonarole lui a déjà valu deux échecs cuisants. Il tente d'apprivoiser l'impresario de son théâtre et ceux qui sont derrière. Il essuiera une nouvelle déconvenue : la pièce est déprogrammée à la dernière heure ! S'ensuivra même l'ébauche d'un procès. Ainsi il ne l'entendra pas jouer de son vivant. Pourtant ce Farnace est son œuvre fétiche : il en peaufine le texte depuis 1727 et une première version sera donnée en 1731 à Pavie. Remaniée à de nombreuses reprises, son ultime mouture sera celle préparée pour Ferrare en 1738. Cette dernière a traversé les siècles de manière inachevée avec ses seuls deux premiers actes. Le présent disque offre cette version avec un troisième acte reconstitué par le musicologue Frédéric Dalaméa et le chef Diego Fasolis. C'est donc une première, la précédente exécution au disque, due à Jordi Savall, présentant la version de 1731. La reconstitution du dernier acte a été faite à partir de cette première version pour ce qui est des arias adaptées à la tessiture différente des chanteurs de la seconde version. Le rôle-titre est ainsi confié non plus à un ténor mais à un contre-ténor. Cette version de 1738 offre un bon exemple du style tardif du Prete rosso : un orchestre fourni avec vents, des airs se dégageant du modèle da capo, très travaillés, soit remaniés par rapport à la version de 1731 ou nouveaux dans un souci de diversification. Une telle volonté de renouvellement inflige un cuisant démenti à la fameuse boutade de Stravinsky ! Gorgés de rythmes souvent haletants et de mélodies mémorables, ils comportent des modes singuliers faisant la part belle aux parties de vents solos, hautbois ou cors, et même des effets belcantistes, roucoulades, notes brèves détachées par exemple.  Le traitement des récitatifs est tout aussi novateur car réécrits avec un luxe de précision quant au phrasé et à la dynamique. C'est le cas notamment des récitatifs accompagnés, en outre très développés. Diego Fasolis en restitue l'extrême théâtralité car son orchestre I Barocchisti possède un sens inné des inflexions vivaldiennes et une palette de couleurs qui enluminent chaque aria d'élégance et d'une aura de prestige. Cette version se signale encore par une prédominance des voix de femmes aux timbres graves.  Dans la présente exécution, trois interprètes en déploient les sortilèges, rivalisant de fière assurance : Ruxandra Donose, Ann Hallenberg et Mary Ellen Nesi.  La soprano Karina Gauvin est tout aussi enthousiasmante. Mais l'un des attraits du disque est la prestation, dans le rôle éponyme, du contre-ténor croate Max Emanuel Cencic : un timbre proche du contralto féminin, une ligne de chant d'une musicalité souveraine à travers l'expression de la fougue ou de l'affliction dans l'affrontement de ce roi du Pont, successeur de Mithridate, et de sa belle-mère Bérénice, reine de Cappadoce. Il est aussi à l'aise dans l'agitato di tempesta aux ritournelles furieuses que dans l'aria apaisée au discours expansif. Deux morceaux alternatifs tirés de la version de 1731 sont placés en appendice dont un air de ténor, transposé ici pour Cencic, d'une beauté envoûtante : dix minutes de bonheur vocal sans partage, bonus à une interprétation exceptionnelle.

 

 

 

Luigi BOCCHERINI : « La musica notturna delle strade di Madrid ». Quintettes à cordes op. 30 n° 6 & op. 11 n° 5.  Quatuor à cordes op. 32 n° 5.  Quintette pour guitare n° 6.  Eckart Runge, violoncelle ; Carles Trepart, guitare ; Daniel Tummer, castagnettes.  Cuarteto Casals.  Harmonia Mundi : HMC 902092.  TT : 76'58.

L'œuvre par laquelle s'ouvre ce merveilleux disque, intitulée Musique nocturne des rues de Madrid, est singulière : un échantillonnage étonnant de climats descriptifs au soutien d'une marqueterie de nuances, de tempos, de dynamique, de jeu. En sept séquences et moins de 15', Boccherini nous fait toucher du doigt son immense imagination : pizzicatos étranges et coups d'archet rageurs de l'Ave Maria, traits plaintifs caractérisant le menuet des mendiants aveugles, d'un modernisme inouï avec ses effets d'amplification à partir d'une même cellule motivique et rythmique de plus en plus affirmés, atmosphère nocturne apaisée de La prière du rosaire, esprit enjoué et entraînant de Los manolos (ces curieux chanteurs de rue).  La pièce se conclut par une marche lancinante, Ritirata, évoquant le couvre-feu, d'abord pp et s'enflant par un subtil jeu de crescendos et decrescendos. Le Quintette op. 11 n° 5, immortalisé par son gracieux menuet, est sans doute moins riche. Encore que l'aspect inhabituel de la composition signe une manière qui donna au quintette à cordes ses lettres de noblesse dans la distribution privilégiant un second violoncelle.  Avec le Quatuor à cordes op. 32 n° 5 (1782), Boccherini s'adapte au style plus rigoureux du modèle viennois incarné par Josef Haydn : l'allegro comodo introductif est ample mais, dès l'andantino, l'art de moduler si particulier de l'auteur refait surface. La rigueur contrapuntique du menuet contribue à la tension qui en émane et le trio, marqué « dolcissimo e smorfioso » (extrêmement doux et maniéré) contraste par son climat gracile avec le côté sombre du reste du mouvement. L'allegro giusto apportera encore un nouvel éclairage avec quelques relents de danse espagnole et ces traits syncopés dont sont parés les quintettes.  Pièce la plus tardive du programme (1798), le Quintette pour guitare est, de nouveau, un bijou d'inventivité.  Composée pour un virtuose de l'époque, il est une sorte de transcription de deux autres quintettes à cordes.  Mais qu'importe lorsque l'inspiration est si originale : une Pastorale où tout est ordre et calme, la guitare apportant une touche supplémentaire de quiétude, un allegro de facture espagnole bien trempée, un court grave assai d'une belle intensité débouchant sur un fandango tout de fièvre ibérique. Le procédé du crescendo à la fois rageur et lymphatique alternant pp et ff apporte, ici encore, un cachet pittoresque. Guitare et même castagnettes y sèment une faconde plus espagnole que nature. Le Cuarteto Casals ne cache pas ses origines madrilènes et rend hommage à la patrie d'élection du compositeur italien.  Plasticité sonore, prodigalité instrumentale, flair pour saisir la juste intonation, sens du rythme d'une rare acuité, délicatesse et esprit, ne sont que quelques-uns des fleurons de leurs exécutions. Une vraie merveille !

 

 

 

Gaetano DONIZETTI : Lucia di Lammermoor.  Opéra en trois actes. Livret de Salvadore Cammarano.  Natalie Dessay, Piotr Beczala, Vladimir Suminsky, Ilya Bannik, Dmitry Voropaev, Sergei Skorokhodov, Zhanna Dombrovskaya.  Orchestra & Chorus of the Mariinsky Theatre, dir. Valery Gergiev.  2CDs Mariinsky : MAR 0512  TT : 63'55 + 67'10.

Dans l'immense production de Donizetti, Lucia di Lammermoor, son 41e opus, fait figure de chef-d'œuvre adulé. Sans doute à juste raison. N'y retrouve-t-on pas la veine de grand mélodiste du musicien. Ce qui assure aussi son succès à l'opéra, c'est la qualité du livret écrit par Salvadore Cammarano qui débutait alors sa carrière de grand dramaturge. On le redécouvrit lorsqu'une Callas s'empara du rôle-titre dans les années 1950 et démontra que Lucia était bien autre chose qu'une savante démonstration de vocalises éperdues. Il y a derrière l'appareil pyrotechnique de la soprano et du ténor un drame d'une vraie puissance expressive. C'est ce qu'à son tour, proclame Natalie Dessay qui, après la version française (Virgin Classics), livre au disque la version originale italienne. Curieusement cette exécution a été saisie live à Saint-Pétersbourg dans le fief de Valery Gergiev, qui ouvre de plus en plus à l'international sa saison d'opéras et de concerts.  Cette exécution de concert accueillait ainsi deux « guest stars » dont la soprano française (« prêtée » par Virgin, eu égard à l'enregistrement à la clef). On sait depuis longtemps que Dessay est une Lucia rare.  La cavatine d'entrée le prouve d'évidence de cette ligne de chant à fleur de peau qui aborde ensuite la cabalette et ses coloratures avec naturel. L'air de la folie est tout aussi spontané alors que l'harmonica de verre conformément au texte d'origine apporte une couleur fantasmagorique à cette divagation esseulée : la douceur des inflexions, l'aisance des vocalises comme improvisées transcendent un morceau de folle virtuosité.  Si la deuxième partie est plus convenue, elle n'en est pas moins spectaculaire nantie de traits éthérés qui évoquent le pathétique d'une joie évanouie. Même en l'absence de la scène le portrait vibre à chaque instant d'une femme, tout sauf passive, conduite au trépas par la vile machination. À ses côtés Piotr Beczala, Edgardo, ravit par la fluidité du legato.  Ce ténor convoité par les plus grandes, Anna Netrebko par exemple, outre une quinte aiguë rien moins que glorieuse, offre un timbre bien typé et un phrasé raffiné.  Si, çà et là, une légère méforme se fait jour par rapport à son propre standard, c'est vétille devant pareille ardeur, duos comme arias déployant une palette intéressante de nuances. Les deux airs finaux le mettent en valeur à l'envi : héroïque dans l'évocation du passé, d'une douleur éperdue devant le gâchis de deux vies.  Le supporting cast russe connaît des fortunes diverses : un Enrico vaillant, mais taxé par le haut du registre du baryton dont la figure offre peu de vertus dramatiques, un Raimondo de grand calibre, basse bien sonore au style accompli.  Valery Gergiev débute presque sagement cette fresque belcantiste où on ne l'attendait pas. Mais la tension monte peu à peu et le drame prend toute sa force dès l'acte II.  Il est chez lui dans le balancement rythmique si caractéristique de Donizetti dont il n'hésite pas à presser le débit.  Et, une fois encore, on est séduit par la façon dont il imprime à son orchestre pétersbourgeois le galbe idoine, en l'occurrence un vrai ton italien.  Le prise de son, due à un transfuge de Decca, est une réussite, les voix n'étant pas trop saillantes.

 

 

 

Felix MENDELSSOHN : Concerto pour piano et cordes MW02.  Double Concerto pour violon et piano  MW04. Kristian Bezuidenhout, pianoforte.  Freiburger Barockorchester, dir. & violon soliste : Gottfried von der Goltz.  Harmonia Mundi : HMC 902082.  TT : 71'40.

La précocité de Felix Mendelssohn est légendaire. Témoin ce concerto pour clavier composé en 1822 alors que la musicien n'a que 13 ans !  Et d'avoir déjà à son actif moult compositions.  Écrit pour sa sœur aînée, excellente pianiste, créé par elle en petit comité mais non pour la première publique où elle devra céder la place au grand frère Ferdinand, le concerto ne renie pas l'influence de maîtres comme Hummel.  Mais il laisse transparaître un style bien personnel. Il est de vastes proportions à l'aune de l'allegro initial qui déploie intimisme et urgence. Parmi ses traits singuliers, une cadence comme improvisée introduisant le deuxième thème d'un lyrisme tout mozartien, avant qu'un impétueux martellato ne surgisse peu avant la fin du développement. L'élégant adagio dégage un lyrisme intériorisé, élégiaque dans son introduction d'orchestre. Les passages arpégés de la section médiane sont d'allure déclamatoire sur un accompagnement des cordes en sourdine.  Le finale exige une phénoménale virtuosité digitale car le geste est vif.  Kristian Bezuidenhout, amoureux des claviers anciens, joue ici une copie d'un pianoforte de Conrad Graf de 1824. La transparence du jeu, la légèreté du doigté sont admirables.  La faconde du compositeur affleure encore dans le Double Concerto pour piano & violon publié l'année suivante, en 1823.  Mendelssohn l'a conçu pour les cordes seules mais y ajouta très vite une partie pour les vents (cas de la version ici enregistrée) qui marque une progression vers un style plus riche.  Le Songe d'une nuit d'été et la féerie de ses parties de vents ne sont pas loin.  On retrouve le style improvisé qui prévalait dans le Concerto pour piano et surtout la mise en avant des deux solistes. En trois mouvements, la pièce développe un panel de sonorités elles aussi enchanteresses : langage orchestral quasi baroque de l'allegro qui sertit un dialogue animé entre solistes, ton de confidence de l'adagio, un orchestre discret laissant à ceux-ci loisir de batifoler de manière expansive, le piano brodant sur une large envolée lyrique du violon. Tout en contraste, le finale énergique débute par un mode alla turca et anime un orchestre presque tempétueux.  Les deux instruments rivalisent de virtuosité étincelante en un feu d'artifice d'arpèges et autres traits fulgurants, soit l'un par rapport à l'autre ou unis dans un même élan.  Comme toujours avec le Freiburger Barockorchester, l'exécution est toute de finesse sous la houlette de son premier violon Gottfried von der Goltz qui s'avère un soliste aussi inspiré qu'un leader enthousiaste.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Le Musée d’ethnographie de Genève - Archives internationales de musique populaire, « AIMP 2011 » – enrichit sa collection de 7 nouveaux items : Turquie (La cérémonie des derviches de Konya, VDE 1324), Bali (Le gamelan de Bangle, VDE 1331), Congo (Polyphonies pygmées du nord-Congo, VDE 1339), Italie (Musique des Albanais de Calabre, VDE 1340), Indonésie (Chants de Biboki, Timor occidental, VDE 1351), Portugal (Musique de l’île de Porto Santo, archipel de Madère, VDE 1348), Colombie (Adoration à l’enfant-Dieu, département du Cauca, VDE 1349).  Renseignements : +41 (0)21 312 11 54.  www.vdegallo.ch ou : www.ville-ge.ch/meg/publications.php

 

          

 

      

 

 

Théodore DUBOIS : Motets.  XXI-21 Productions (www.xxi-21.com) : 1722.

Il s’agit là du 1er enregistrement mondial de 17 motets de Théodore Dubois (1837-1924), musicien d’église auquel son illustrissime Traité d’harmonie n’aura eu de cesse de porter ombrage.  Et c’est, une nouvelle fois, nos amis québécois qui redécouvrent l’un de nos compositeurs par trop ignoré.  Avec « Les Filles de l’île », « Les Chantres musiciens », Anne Saint-Denis (soprano), Marc Boucher (baryton),  un ensemble instrumental et - à l’orgue Casavant de l’église Saint-Jean-Baptiste de Montréal - l’éminent Jacques Boucher.  Ensemble placé sous la direction de Gilbert Patenaude.  D’une indispensable révélation !

 

 

 

Fernand de LA TOMBELLE : Les sept paroles de Notre Seigneur Jésus Christ.  XXI-21 Productions (www.xxi-21.com) : 1721.  TT : 57’02.

Compositeur non moins méconnu que Théodore Dubois – dont il fut d’ailleurs l’élève - le baron Fernand Fouant de La Tombelle (1854-1928), organiste, poète et sculpteur, a laissé une œuvre considérable : mélodies, oratorios, musiques de scène, suites pour orchestre, poèmes symphoniques, cantates, musique de chambre, chœurs… Son grand oratorio est ici interprété par la même superbe phalange que les Motets de Dubois ci-dessus recensés.

 

 

 

Robert SCHUMANN : Fantasiestücke, op. 12.  Arabesque, op. 18.  Kreisleriana, op. 16.  Vittorio Forte, piano.  Lyrinx : LYR 275.

D’un tempérament éminemment romantique, notre pianiste calabrais se trouve ici fort à l’aise. Où l’on peut toutefois déplorer l’excessif chantournement de certains phrasés…

 

 

 

Gabriel FAURÉ (1845-1924) : La Bonne Chanson, op. 61.  Quatuor avec piano n°1, op. 15.  Karine Deshayes (mezzo-soprano), Ensemble Contraste.  « Printemps des Arts de Monte-Carlo », Outhere/ Zig-Zag Territoires (www.outhere-music.com) : ZZT 110302. 

Vocalement superbe (malgré quelques excessifs roulements d’« rrr »), l’interprétation de Karine Deshayes apparaît peu sensible aux griseries de cette sublime partition - ici dans sa transcription, par le compositeur, pour piano & quintette à cordes (on peut préférer la version plus intimiste avec le seul piano).  Quant au Quatuor avec piano, op.15, il est emporté par toute la passion nécessaire (avec, cependant, une prise de son quelque peu déséquilibrée au profit du piano).

 

Francis Gérimont.

 

 

Michelangelo FALVETTI (1642-1692) : Il Diluvio Universale. Cappella Mediterranea, Chœur de chambre de Namur, dir. Leonardo García Alarcón. Ambronay Éditions : AMY026. TT : 64’35.

Une réussite totale, vocale et instrumentale, que cet enregistrement d’une œuvre totalement méconnue, encore jamais enregistrée, Il Diluvio Universale de Michelangelo Falvetti. Dialogue à cinq voix et cinq instruments, joué à Messine en 1662, année au cours de laquelle le Calabrais Michelangelo Falvetti fut nommé maître de chapelle de la cathédrale. Ni oratorio, ni drame sacré, œuvre totalement baroque et originale, sur le thème biblique du Déluge, chargée d’émotion où se succèdent colère, repentir, effroi, tendresse et amour parfaitement rendus par le jeune chef argentin Leonardo García Alarcón, directeur du Chœur de chambre de Namur, fondateur de la Cappella Mediterranea, actuellement en résidence au Centre culturel de rencontre d’Ambronay. Indispensable pour tous les amateurs de musique baroque, avec, en prime, une superbe prise de son.

 

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Franck BEDROSSIAN : Manifesto.  Ensemble 2e2m, dir. Pierre Roullier.  Quatuor Habanera.  Pierre-Stéphane Meugé (saxophone), Pascal Contet (accordéon).  Aeon : AECD 1106.  TT : 54’25.

Un disque qui ne peut s’écouter que dans le cadre d’une réflexion sur la musique contemporaine, ou plutôt, sur une certaine musique contemporaine, s’inscrivant dans l’ère de la postmodernité triomphante et de l’immanence  absolue, se voulant le paradigme d’une nouvelle musique faite de saturation et de distorsion, la situant entre le son-énergie de Varèse et le son-geste du free jazz. Un disque qui n’échappe pas à la question fondamentale, de savoir ce que devient la musique lorsque tout fait musique.

 

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CHOPIN : Polonaises.  Carolin Sageman (piano). Lyrinx : LYR 2256. TT : 73’45.

Une très belle interprétation des Polonaises que Chopin composa tout au long de sa vie, depuis l’insouciante Grande Polonaise brillante op. 22, les militantes et chevaleresques Polonaises op. 26, témoignages de l’engagement de l’exilé  pour la défense d’une patrie face à la répression russe, les Polonaises « héroïque » ou « militaire » non moins farouches, puis la douloureuse Polonaise op. 40 et l’ambiguë Polonaise-Fantaisie op. 61. Une vie et une histoire que nous conte Caroline Sageman, avec virtuosité et pudeur.  Une réussite.

 

 

 

Ignace FRIEDMAN : The Great Pianists (Vol. 14). Dal Segno (www.dal-segno.com) : DSPRCD 054. TT : 73’33.

Harold BAUER : The Great Pianists (Vol. 13). Dal Segno (www.dal-segno.com) : DSPRCD 053. TT : 73’06.

Deux disques-documents, enregistrés en 1992, à partir de rouleaux datant du début du siècle (1916-1928) permettant d’apprécier le jeu et l’interprétation (avec les réserves liées à l’utilisation de rouleaux) de deux très grands pianistes, dans des œuvres de Chopin, Schumann, Moszkowski, Liszt, Wagner, Rubinstein, Bach, Beethoven, Paderewski, mais également, dans des compositions personnelles inédites. Un disque magnifique que celui de Friedmann (1882-1948) où le piano apparaît dans tous ses états, poussé jusqu’à l’extrême, original dans son interprétation et virtuose dans sa réalisation. Plus sage, mais digne d’un intérêt certain, la prestation de Bauer (1873-1951) qui  fut d’abord violoniste avant de se tourner vers le piano, avec le succès que l’on sait. Rappelons qu’il créa, en 1908, Children’s corner de Debussy, que Ravel lui dédia son Ondine et qu’il créa, à New York, le Concerto en sol du même compositeur. Deux disques indispensables à tous les amateurs de piano et d’histoire.

 

  

 

 

Sergei RACHMANINOV : Russian Piano Music Series (vol. 6).  Sergei Dukachev (piano).  Divine Art : DDA 25095.  TT : 79’04.

Un disque totalement consacré à Rachmaninov (1873-1943) sous les doigts du pianiste russe Sergei Dukachev. Des œuvres de jeunesse et de la maturité dont les Variations sur un thème de Corelli et la Sonate pour piano n°2.  Une interprétation un peu terne, sans grand intérêt.

 

Patrice Imbaud.

 

 

DVD

Modeste MOUSSORGSKI : Boris Godounov. Orlin Atanassov (Boris Godounov), Vladimir Vaneev (Pimène), Vladimir Matorin (Varlaam), Luca Casalin (Missail), Ian Storey (Grigori/le faux Dmitri), Peter Bronder (le Prince Chouisky), Evgueny Akimov (l’Innocent).  Orchestre, chœur, chœur d’enfants du Teatro Regio de Turin, dir. Gianandrea Noseda. Mise en scène et éclairages : Andreï Konchalovsky. Décors : Graziano Gregori.  Costumes : Carla Teti. Réalisation pour la Rai : Francesca Nesler. Opus Arte : OA 1053 D.

Ah, comme cela fait du bien de voir une belle mise en scène, par les temps qui courent ! Pour une production associant les théâtres italiens de Turin, Bari, et le Palau de les Arts Reina Sofia à Valence (Espagne), on sollicita l’un des plus grands cinéastes russes, Andreï Konchalovsky (issu de la célèbre famille des Mikhalkov), dont on sait moins qu’il se destinait primitivement à la musique. Le résultat comble toutes les espérances. Autre particularité, le spectacle s’appuie sur la nouvelle édition critique de Michael Rot, parue en 2007 : on entend ici la partition originale écrite par Moussorgski en 1869 (celle que refusa le conseil directorial du Théâtre Mariinski), donc sans l’acte polonais, seulement complétée par le tableau de la forêt de Kromy (1872) que Gianandrea Noseda et Andreï Konchalovsky ont jugé plus judicieux d’insérer avant le tableau de la mort de Boris, afin de n’altérer en rien l’émotion laissée par cette dernière scène. Le livret joint au DVD schématise très clairement les nombreux stades qui se succédèrent au long du travail d’écriture de Moussorgski (et qui compliquent tant les choix aboutissant à une édition !), puis les remodelages tentés par divers compositeurs (Rimski-Korsakov, Ippolitov-Ivanov, Chostakovitch) et exécutants, enfin les éditions critiques de la musique originelle de Moussorgski. On repérera au cours de cette version des fragments musicaux jamais entendus auparavant : en effet, sur certaines sources manuscrites se révèlent des étrangetés (que, naturellement, le très professoral Rimsky avait écartées !) où l’on entend fugitivement la mélodie et l’harmonie bifurquer vers des tentations polytonales voire atonales jamais développées ni abouties. L’inachèvement était le problème majeur du caractère de Moussorgski, détruit par son ivrognerie, et l’on songe, à l’écoute de cette version, que s’il avait eu la lucidité de creuser les intuitions visionnaires qui lui traversèrent l’esprit, il aurait pu se porter à la tête, aux côtés de Liszt et Wagner, du mouvement mettant à mal le discours tonal. Profondément investi dans la responsabilité de communiquer l’expression condensée de chaque tableau autonome, dans le plan anticonformiste conçu par Moussorgski, Gianandrea Noseda s’attache aux rapports parfois rugueux d’une orchestration plus réduite que celle popularisée par les compositeurs-"retoucheurs", et réalise un équilibre bien dosé entre la fosse et le plateau pour souligner un cheminement harmonico-mélodique nouant d’imaginatives rencontres. Le rôle du chef s’avère de fait beaucoup plus difficile que lors d’une exécution de la partition orchestrée par Rimski-Korsakov, laquelle souligne avec somptuosité toutes les idées "porteuses" semées par son collègue.

Monté à partir de trois représentations d’octobre 2010 à Turin, le DVD immortalise un prodigieux travail de direction d’acteurs et d’évocation historique, serti par des éclairages extrêmement étudiés qui modèlent les visages et les corps. Le peuple, personnage essentiel de l’ouvrage, a été l’objet de toutes les attentions : imagine-t-on le nombre d’heures de maquillage requises pour transformer des choristes italiens (admirables) en "trognes" de paysans russes ! Chaque visage est traité individuellement pour recréer ce peuple de miséreux éprouvés par la grande famine qui dura de 1601 à 1604, favorisant la rébellion et le ralliement à Grichka Otrepiev (le faux Dmitri). Les costumes, qu’il s’agisse des somptueux vêtements de la cour moscovite ou des hardes du peuple, ont été fabriqués avec une attention au moindre détail. Seul le dépouillement des dispositifs de bois tire les décors vers l’économie, mais c’est l’opulente orchestration de Rimski-Korsakov qui induisait le décorum, tandis que la palette plus spartiate de Moussorgski, concentrée sur d’inédites juxtapositions de détails, appelle le travail resserré sur la psychologie de chaque personnage qu’accomplit Andreï Konchalovsky. Au cours des interviews jointes en bonus (mais non sous-titrées), le cinéaste peine à s’expliquer, tant il semble gêné par la langue anglaise dans laquelle il s’exprime ; en revanche, Gianandrea Noseda (en italien) livre de très pertinentes réflexions sur l’élan visionnaire de cette œuvre inégalée.

Orlin Atanassov, bel homme au physique un peu juvénile pour le tsar tatar mort à 54 ans, n’est certes pas une voix du calibre d’un Fedor Chaliapine ou d’un Boris Christoff, mais il s’empare de nous par la couleur émotionnelle qu’il instille à tous les moments de doute et de culpabilisation du tsar meurtrier, jusqu’à la scène de la mort, musicalement si dénudée. Il réalise magistralement ce qui fit considérer la déclamation mise en œuvre dans Boris comme un modèle pour tous les compositeurs ultérieurs (notamment Debussy et Poulenc), à savoir un art de dire en musique un texte littéraire le plus naturellement possible, en somme une adaptation moderne à la langue russe (si musicale en elle-même) de l’antique recitar cantando cher à Monteverdi. Dans la distribution, on retiendra au premier rang le truculent Varlaam de Vladimir Matorin, flanqué du pleutre Missail (Luca Casalin), le noble Pimène de Vladimir Vaneev, et l’Innocent plus lyrique qu’à l’accoutumée d’Evgueny Akimov. Parmi les divers ténors de composition si caractéristiques de l’esthétique russe, le rôle du rusé Chouisky est plus crié que chanté (en vibrato non contrôlé !)  par Peter Bronder, bon acteur au demeurant.

Un Boris Godounov à voir et à entendre absolument, pour la beauté de l’interprétation scénique, et pour la ciselure musicale révélant des intentions inédites du compositeur.

 

 

 

Leoš JANÁČEK : Jenůfa. Amanda Roocroft (Jenůfa), Deborah Polaski (Kostelnička), Miroslav Dvorský (Laca), Nikolai Schukoff (Števa), Mette Ejsing (Grand-mère). Orchestre & chœur du Teatro Real de Madrid, dir. Ivor Bolton. Mise en scène & décors : Stéphane Braunschweig. Costumes : Thibault Vancraenenbroeck. Réalisation pour la télévision : Ángel Luis Ramírez.  Opus Arte : OA 1055 D.

Cette captation d’une représentation madrilène du 22 décembre 2009 (co-production entre le Teatro Real, la Scala de Milan et le Théâtre du Châtelet) nous donne à entendre la version originale de Brno, mais dans l’édition de John Tyrrell et Charles Mackerras (Universal Edition), précédant les nouveaux travaux de Mark Audus sur les sources de la version de 1904, publiés également par Universal Edition en 2010, dont les Français découvriront les fruits à Rennes (novembre), Limoges (janvier), Reims (février).  Stéphane Braunschweig a merveilleusement dirigé l’incarnation psychologique des différents protagonistes, et les chanteurs l’ont suivi avec un louable engagement dramatique : Amanda Roocroft laisse parler un naturel sensible qui entraîne l’adhésion à la sincérité de son interprétation ; on penserait la marâtre Kostelnička sous des traits plus rustiques que l’altière Deborah Polaski (dans son cas, le vocable "hauteur" s’applique à toutes les... dimensions), mais elle provoque l’empathie pour les motivations tourmentées de son terrible personnage tant elle en joue les ambiguïtés avec une réelle puissance intérieure. Les demi-frères rivaux sont tout aussi bien caractérisés par le Slovaque Miroslav Dvorský (même s’il chante toujours dans la tension, au détriment de ses aigus), passant de la violence incontrôlée à la bonté fidèle du mal-aimé Laca, et par Nikolai Schukoff endossant le rôle ingrat du veule Števa. Tous les rôles secondaires jouent juste. La mise en scène de Stéphane Braunschweig montre une intéressante synthèse entre un respect fidèle à l’œuvre et un regard moderne affûté : les costumes, ainsi que le cadre évocateur, sont conformes à l’époque du drame (rappelons tout de même que Janáček souhaitait voir l’œuvre jouée en costumes moraves, ici seulement suggérés pour les jeunes filles du village, alors que Braunschweig et Vancraenenbroeck ont privilégié une atmosphère de deuil), tandis que les éclairages (réalisés par Marion Hewlett) dessinent à partir des éléments dépouillés du décor une géométrie abstraite concentrant l’attention sur les climats successifs du drame. Les ailes du moulin sortant de terre à des moments "psychologiques" apportent même une touche surréaliste d’une rougeoyante beauté.

Ivor Bolton, chef fort louable par son généreux lyrisme, a tout de même le tort de diriger d’un même trait épais tous les segments harmonico-mélodiques si caractéristiques du compositeur, alors qu’un traitement dynamique et rythmique plus incisif, plus convulsif, ferait fuser comme des flèches empoisonnées les éléments obsessionnels qui tournoient dans l’orchestre de Janáček.  Quoi qu’il en soit, on ne peut que recommander ce spectacle chargé d’émotion.

 

Sylviane Falcinelli.

 

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Les dossiers de l'Education Musicale déjà parus





































 

Dossiers à paraître :

* Gabriel Fauré
* Frontières du chant et de la parole


Madame Curie, opéra d’Elżbieta Sikora, sur un livret d’Agata Miklaszewska (commande & réalisation de l’Opéra de Gdansk), sera créé dans le Grand Auditorium de l’Unesco (7, place de Fontenoy, Paris VIIe), le 15 novembre 2011.  Basé sur la vie et la personnalité de Marie Curie-Skłodowska, deux fois Prix Nobel, cet ouvrage met en œuvre 11 chanteurs solistes, 5 voix parlées, un chœur, un orchestre complet (plus guitare électrique, accordéon &dispositif électronique)et danseurs.  Éditions PWM, Krakow (Pologne).

Renseignements :www.elzbietasikora.com ou :  www.operabaltycka.pl/pl/spektakl/madame-curie

 

©DR

 

 

 

 

Laëtitia Girard.

 

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