Lettre d'information - no 127 septembre octobre 2019

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Sommaire

ARTICLES DU MOIS

7e Festival Européen de chœurs hébraïques par Hector SABO

Mus- īqa‘: la pratique rythmique du sonore entre musique et poésie arabe par Brigida MIGLIORE

ANNONCES

Yellow Barn, saison estivale et résidences d'artistes - auditions 2020

Synthèse Sonore, un MOOC (Massive Online Open Course) gratuitpar Perry Cook et Julius Smith, pionniers de la synthèse numérique

ENTRETIENS

Entretien avec le guitariste Ruben Mattia Santorsa Set7 : l’énergie incessante de la guitare de Pisati enregistrée par Santorsa par Alessandro MILIA

PORTRAITS

Musique, théâtre et jeu dans l’oeuvre de la compositrice Huihui Cheng par Martin TCHIBA

L’instrumentation faite programme dans le Trio de Nicolas Mondon par Nicolas MONDON

C’était mon ami, c’était mon maître. Une évocation de Paul Badura-Skoda par Philippe MORANT

Marie-Thérèse Cahn (Contralto) par Sophie JOUVE-GANVERT

Gaudeamus : Stefan Maier, entre performances électroniques et installations sonores par Benjamin van VLIET

Gaudeamus : Remy Siu, Compositeur scénographe par Benjamin van VLIET

Gaudeamus : Maya Fridman, Violoncelliste improvisatrice par Benjamin van VLIET

Gaudeamus award 2018 : Sebastian Hilli par Benjamin van VLIET

SPECTACLES

Christian Klinkenberg, Le Glacier, opéra 2.0

Tosca Une histoire d’amour et de politique par Bernard Patary


L'ÉDITION MUSICALE

FORMATION MUSICALE  -
Will METZ : La Théorie musicale pour les autodidactes..
Olivier VONDERSCHER : N’oubliez pas votre instrument !
CHANT CHORAL  -
Joanna GIL : The Lord’s blessing. Unfailing Love.
Jean-Christophe ROSAZ : Depuis la nuit
George ARTHUR : Magnificat
George ARTHUR : II – Nunc dimittis
ORGUE  -
Jean-Pierre LEGUAY : Et il chante l’aurore
CHANT  -
Guy SACRE : Enfance
GUITARE  -
Paul COLES : 10 More Melodic studies
MANDOLINE  -
Bruno GINER : Se hace camino...
PIANO  -
Alexandre SOREL : La Méthode Bleue. Vol. 1 et 2
Olivier BOUET : Dans les bois
Raoul JEHL : Échos.
Maurice JOURNEAU : Fileuse
Jean-Charles GANDRILLE : Miniatures
Jean KLEEB : Beethoven around the world.
Wilhem OHMEN : My First Haydn
Christophe FRIONNET : 18 Études poétiques
Célino BRATTI : Les touches dansent
Olivier BOUET : Calinours
Franz SCHUBERT : Moments musicaux opus 94
Graham BUCKLAND : Ancient modes of transport
Ludwig van BEETHOVEN : GRANDE SONATE in B für Klavier opus 106 « Hammerklavier »
Ludwig van BEETHOVEN : KLAVIERSONATE op. 10/1 mit Klavierstücken WoO 52 und 53
Ludwig van BEETHOVEN : KLAVIERSONATE op. 10/1 mit Klavierstücken WoO 52 und 53.
Ludwig van BEETHOVEN : KLAVIERSONATE, Band 1.
VIOLON  -
Claude-Henry JOUBERT : Pièces romantiques
André TELMAN : Dans l’esprit irlandais
ALTO  -
Alexsey IGUDESMAN : Violamania.
VIOLONCELLE  -
George A. SPECKERT : The Roots of Jazz
Henry ECCLES :Sonate en sol mineur
Jiri PAUER : Twelve Duets for Two violloncellos.
CONTREBASSE  -
Claude-Henry JOUBERT : Concertino pour contrebasse
FLÛTE  -
Alain FLAMME : Escale à Boogie-Land
Henri-Jean SCHUBNEL : Les Perles de Kashikojima
Alexandre CARLIN : La pagode impériale
CLARINETTE  -
Michel CHEBROU : Clarinette adorée
SAXOPHONE  -
Carlos GARDEL : Tango Saxophone duets
Klaus DICKENBAUER & Martin GASSELBERGER : My Song Diary
Béla BARTÓK : Rumänische Weihnachtslieder – série II

BASSON  -
Jean-Louis COUTURIER : Idylle et danse élégiaque
TROMPETTE  -
André TELMAN : Sur un petit air brodé
André TELMAN : Sur un petit air brodé
Paul ROUGNON : 1er solo pour Trompette chromatique et Piano
Alexandre CARLIN : De temps en temps
Claude-Henry JOUBERT : Du chambard sur les fortifs !
TROMBONE  -
Yves BOUILLOT : Balade en coolisse
COR  -
André DELCAMBRE : Airs de printemps
MUSIQUE DE CHAMBRE  -
Vincent d’Indy : Les nuées
Anthony GIRARD : Derniers instants avant la Nuit.
Jean-Charles GANDRILLE : Variations
Antonin DVOŘÁK : Quatuor en fa Majeur « Quatuor américain »
Johannes BRAHMS : Sonate en fa mineur op. 120, n° 1
Jean-François FOURMAUX : Pause café
Matthieu STEFANELLI : Syn-phone ou Apparitions célestes
ORCHESTRE  -
David BROOKER : Stringplay.
Gérard HILPIPRE : Calme, grandeur, soleil…
DVOŘÁK : IX° symfonie e moll « Z Nového svčta »
Camille SAINT-SAËNS : 3ème Symphonie en ut mineur
Ludwig van BEETHOVEN : LEONORE-OUVERTÜRE Nr. 3


LIVRES & REVUES

Jacques Offenbach : La Périchole 1868

Jean-Luc CARON : Musique romantique suédoise. Abrégé historique, biographique et esthétique

Jean POUCHELON : Les Gnawa du Maroc. Intercesseurs de la différence.

Alban RAMAUT et Emmanuel REIBEL (éd.) : Hector BERLIOZ 1869-2019. 150 ans de passions.

Pauline RITAINE (éd.) : Paul Dukas. Écrits sur la musique. Vol. I : le théâtre lyrique.

Anetta FLOIRAT : Karol SZYMANOWSKI à la rencontre des arts. La musique, la littérature et les arts visuels autour des œuvres scéniques : l’opéra Le Roi Roger et le ballet Harnasie.

Gianfranco VINAY : À travers le miroir – Through the Mirror.

Claude ABROMONT : Guide de l’analyse musicale.

Ester PINEDA : Le corps musicien. Vers une méthode sensorielle de l’interprétation pianistique.

TEMPO FLÛTE.

Simha AROM : Polyphonies et polyrythmies instrumentales d’Afrique Centrale. Structure et Méthodologie

Régis CHESNEAU : Pour en finir avec le « classique ».

Jean-Philippe BIEHLER : La samba du carnaval de Rio de Janeiro. Observations et réflexions.

Gérard AUTHELIN : La chanson à tous les étages.

Xavier HAUTBOIS, Martin LALIBERTÉ, Lenka STRANSKY, Vaclav STRANSKY (dir.) : L’émergence en musique. Dialogue des Sciences.

Isabelle PETITJEAN : Michael JACKSON. Black or White ? Un artiste hors norme face à une industrie musicale racialisée.


CDs & DVDs

Stanislaw MONIUSZKO : Opera Songs for Piano

Fabiola KIM : 1939

Joseph HAYDN : Intégrale des Sonates pour pianoforte.

Jean-Nicolas DIATKINE : BEETHOVEN : Sonate n°21 « Waldstein » - SCHUMANN : Carnaval.

Fryderyk CHOPIN : Le Chant de l’âme.

BARROZO NETTO : Works for Piano 1 et 2

Ludomir ROZYCKI : Piano Works 2.

Aleksander TANSMAN : Piano Four-Hands Music.

French Music for Piano Duo

Jeanne BOVET : Parcours d’une vie dédiée à la musique.

Yvon BOURREL : Œuvres pour piano.

MALAGUENA. Recital for Two Pianos.

Alain LOUVIER : Flûtes, espaces, promenade.

Trio Bohème : The Seasons.

René MAILLARD : Portrait.

GASSENHAUER

CHOPIN à Nanteuil-en-Vallée.

Marion RAMPAL-Pierre-François BLANCHARD : Le Secret

Carine Gutlerner : Beethoven/Brahms

Jean Guillou : L’œuvre pianistique


LA VIE DE L'ÉDUCATION MUSICALE

Version ePub du LIVRET DU CANDIDAT AU BACCALAURÉAT 2019 disponnible.

ARTICLES DU MOIS

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7e Festival Européen de chœurs hébraïques
Hector Sabo

Du 27 au 30 juin 2019 s’est tenu au Teatro Comunale Claudio Abbado de Ferrare, au nord de l’Italie, le septième Festival européen de chœurs hébraïques, sous la dénomination italienne 7º FESTIVAL DEI CORI EBRAICI EUROPEI. Le festival, qui a réuni cette année sept formations venues de sept villes européennes, a vu le jour il y a sept ans grâce à l’initiative de quelques responsables de chœurs européens ayant en commun la défense du répertoire choral chanté en hébreu et dans les langues ou dialectes issus de la langue hébraïque, notamment le yiddish et le judéo-espagnol, selon les répertoires spécifiques.

Nous avons ainsi retrouvé dans la très belle ville de Ferrare des chœurs venus de Rome, le Coro Ha-kol (le chœur « La voix », en hébreu), qui était l’organisateur de cette édition ; l’Ensemble choral Copernic, de Paris, associé à la l’ULIF (Union libérale israélite de France), Les Polyphonies Hébraïques de Strasbourg ; le groupe vocal et instrumental ukrainien Shtrudl-Band, venu de la ville de Lviv (autrefois Lemberg, puis Lvov en Pologne) ; The Zemel Choir de Londres ; le chœur autrichien Vienna Jewish Choir ; et l’Accademia Corale V. Veneziani de Ferrare.

Chaque chœur invité a présenté un programme représentatif de son propre style, programme qui avait été préalablement coordonné entre les organisateurs et les chefs de chœurs respectifs, afin d’éviter d’éventuels doublons et d’assurer au festival une diversité musicale aussi contrastée et riche que possible, en laissant à chaque chœur la liberté d’exprimer au mieux ses choix artistiques.

Nous avons ainsi pu entendre les choristes romains présenter un florilège de chants composé par des musiciens italiens, comme par exemple un Maoz tsour, chant traditionnel de la Fête des lumières (‘Hannouka) dont la mélodie avait été entendu et copiée par Benedetto Marcello, un contemporain de Vivaldi, dans le ghetto de Venise dans la première moitié du XVIIIe siècle ; ou un très beau Salmo 133 (Chir hamaalot le DavidHiné ma tov : « Cantique de degrés de David – Qu’il est bon et agréable ») du contemporain Angelo Spizzichino. Ou encore des chants hébraïques composés, recueillis et harmonisés par le compositeur ferrarais Vittorio Veneziani juste après la Seconde Guerre mondiale, qui fut l’un des assistants du chef d’orchestre Arturo Toscanini. Le chœur ferrarais qui porte aujourd’hui le nom de ce compositeur, invité spécial du Festival, a ainsi pu présenter un riche échantillon d’œuvres chorales hébraïques du musicien local.

L’Ensemble choral Copernic, du nom de la rue parisienne où se trouve le premier temple israélite français de rite juif libéral, où le chœur mène son activité depuis quelques années, a interprété une série de chants israéliens et yiddish, ainsi que deux compositions du directeur musical du chœur, Itaï Daniel.
Le choix des Polyphonies hébraïques de Strasbourg - un chœur indépendant constitué il y a 23 ans au sein de l’université de Strasbourg et réunissant initialement des étudiants des départements de musicologie et d’études hébraïques, puis enrichi au fur et à mesure par des choristes venus de divers horizons, aussi bien juifs, toutes tendances confondues, que catholiques ou protestants - était centré sur deux axes : la musique du berlinois Louis Lewandowski, caractéristique de la tradition ashkénaze de l’Alsace, et celle de Salomone Rossi, le plus célèbre compositeur juif italien du début de l’époque baroque à Mantoue et Venise, ami et contemporain de Claudio Monteverdi. Et puis, pour faire une jonction de musiques judéo-italiennes et judéo-françaises de la période baroque, le chœur a présenté un extrait du Canticum hebraicum. Il s’agit de la seule œuvre connue d’un compositeur provençal, Ludovico Saladin (nom autographe figurant sur la partition manuscrite). Une œuvre qui reste jusqu’à nos jours assez énigmatique, mais très représentative du style français du XVIIe siècle. Outre son intérêt historique et son originalité, l’œuvre est vraiment très belle.

Le groupe vocal et instrumental Shtrudl-Band a été la grande surprise du festival. Quatorze musiciens dont sept chanteuses et quelques chanteurs-instrumentistes (piano, percussions, guitare, basse, flûte, clarinette et accordéon) menés de main de maître par la chanteuses principale, ont présenté un magnifique répertoire entièrement yiddish et klezmer d’une qualité rare. Le groupe, dont le seul membre d’origine juive est la chanteuse-directrice « Sacha » Oleksandra Somysh, montre une authenticité rare et un professionnalisme très perceptibles dans l’interprétation sans faille d’un répertoire musical qui aurait dû disparaître après la Shoa et qui a retrouvé une force sans précédent, avec un consensus au niveau mondial pendant ces dernières décennies.

Les choristes du prestigieux Zemel Choir de Londres ont présenté un programme très éclectique, avec des œuvres hébraïques et yiddish incluant des compositeurs juifs italiens (Rossi et Castelnuovo-Tedesco) et nord-américains (Janowski et Glass), mais aussi avec medley d’airs populaires italiens sur des textes hébraïques, spécialement arrangés pour l’occasion - un « clin d’œil » à l’Italie. Enfin, il arrive aussi que des chœurs hébraïques reprennent des air d’opéra ou autres, en langue originale, de compositeurs d’origine juive, comme ce fut le cas ici pour un arrangement choral de Mack the Knife, le fameux extrait de L’opéra de quat’ sous de Kurt Weil.

Le Vienna Jewish Choir est connu depuis quelques années pour son style folklorique et jazzy bien affiché, qui aborde aussi bien les classiques de la chanson yiddish, le répertoire klezmer ou la chanson israélienne, toujours dans des arrangements pour chœur spécialement conçus par leur chef, Roman Grinberg, également compositeur et pianiste de jazz.

L’organisation du festival
Le planning d’activités établi pour les ensembles invités avait été organisé avec le plus grand soin et en tenant compte d’un maximum de détails afin d’assurer un parfait déroulement des manifestations musicales et culturelles prévues pour les participants et pour le public du festival. Dès le lendemain de l’arrivée des participants dans la journée du mercredi 26 juin, une série de deux mini-concerts informels a été proposée au public dans le tout nouveau MEIS Museum de Ferrare, le Musée de l’hébraïsme italien et de la Shoa (hébraïsme en italien peut être compris comme judaïsme). Ce nouveau lieu de culture et de mémoire, inauguré il y a seulement quelques mois, travaille en collaboration, entre autres, avec le musée homologue de Rome et aussi avec le MAHJ, le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme de Paris. Il nous a révélé toute la richesse insoupçonnée de l’histoire des juifs à Ferrare depuis le Moyen-âge et jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, lorsque la communauté locale a été pratiquement anéantie, tout comme d’autres milliers de communautés juives en Europe et plus particulièrement en Europe de l’Est.

Chaque chœur a ainsi présenté un petit échantillon de trois chants pour « mettre l’eau à la bouche » au public en lui donnant une idée de ce qu’il allait entendre dans les jours suivants. L’acoustique tout à fait convenable du rez-de-chaussée du musée et un public très attentif et admiratif ont permis à trois chœurs pour chacune des deux séances organisées de pouvoir apprécier une partie de leurs répertoires respectifs.

Le lendemain, jeudi, après une longue série de répétitions, notamment pour les cinq chants communs prévus pour tous les chœurs, un concert a eu lieu en soirée par trois chœurs qui ont présenté un programme d’une vingtaine de minutes chacun. Ce concert, ainsi que celui du lendemain donné par les trois autres chœurs, était réservé aux membres des chœurs eux-mêmes ainsi qu’à quelques invités du festival, le tout sur la scène du magnifique Théâtre Claudio Abbado, l’opéra communal. Celui-ci a été rebaptisé après une longue et très réussie rénovation, du nom de celui qui fut pendant quelques années son directeur musical avant de devenir directeur de la Scala de Milan, puis de l’Orchestre Philharmonique de Berlin, en tant que successeur du mythique Herbert von Karajan.

Samedi, jour du repos sabbatique oblige, la journée a été consacrée en partie à des visites guidées proposées par le festival, ainsi que d’autres activités récréatives préparées pour tous les choristes et musiciens, assistés de nombreux guides-accompagnateurs multilingues. Pour clôturer la journée, une soirée dansante avait été organisée dans l’un des plus beaux palais de la ville. Ce fut une vraie fête. Tout autant que la veille, vendredi soir, après le concert de trois chœurs donné au théâtre : l’occasion a été donnée, pour ceux qui le souhaitaient, d’assister à un office du soir marquant l’entrée du Chabbat. Il fut suivi d’un magnifique dîner offert par le festival au rez-de-chaussée du Musée Archéologie de la ville, dans le cadre somptueux d’un palais de la Renaissance, à l’architecture grandiose, comprenant de magnifiques colonnades, typique de l’époque. Les différents plats, tous délicieux, étaient entrecoupés de chants et de danses, dans une ambiance d’une grande convivialité chaleureuse et amicale. Ce fut sans aucun doute une soirée inoubliable pour tous les participants. Chaque chef de chœur à tour de rôle a fait chanter spontanément l’ensemble des festivaliers, profitant d’un répertoire commun à tous, dans un cadre informel et joyeux.

Le dimanche ce fut la clôture du festival au Théâtre Claudio Abbado, avec un grand concert public et en présence de nombreux officiels et de diverses personnalités qui ont contribué à la réalisation d’un tel événement. Chaque chœur a d’abord présenté trois chants de son propre répertoire. En seconde partie, tous les chœurs étaient présents sur scène, soit 240 choristes et musiciens au total, qui ont réuni leurs voix pour interpréter cinq chants communs. Chacun des chefs les a dirigés successivement et a fait interpréter le morceau de son choix, que tous les choristes avaient appris au préalable pour l’occasion. Après quatre chants bien représentatifs du style de chacun des chef de chœurs, la soirée fut clôturée avec Hatikva, « L’espérance », l’hymne national israélien, que j’ai eu l’honneur et le plaisir de diriger, dans un arrangement que j’ai adapté pour l’occasion, d’après la version du plus célèbre des compositeurs israéliens : Paul Ben-Haïm.

Et enfin, l’émotion fut grande à la fin du concert, lorsqu’il a été annoncé que la prochaine édition du festival aura lieu précisément à Jérusalem, la ville éternelle du peuple juif qui réunit en son sein les trois religions du Livre, et toujours sur la base d’un message d’espoir, de paix et de partage harmonieux entre les peuples, tel que le proclame le titre de l’hymne national qui a servi de conclusion à un festival qui fut, de l’avis de tous : splendide.

Hector Sabo
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

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Mus- īqa‘: la pratique rythmique du sonore entre musique et poésie arabe
Brigida Migliore


Cette contribution veut présenter un aperçu, un état de l’art avec des considération ultérieures, en ce qui concerne la relation entre la musique et la poésie arabe par le biais de leur dénominateur commun, le rythme. Il s’agit d’un sujet qui a été traité beaucoup plus par les recherches en littérature arabe que par celles d’(ethno)musicologie. Cependant, il existe actuellement dans cette dernière discipline des études approfondies menées, entre les autres, par Jean Lambert, Habib Yammine et Mondher Ayari que nous avons exploré, sans oublier le support ancien mais sans doute très détaillé des six volumes écrits par le baron d’Erlanger. Dans le domaine de la recherche sur la poésie arabe, il est possible de retrouver des études où les auteurs, même s’ils ne sont pas des spécialistes en musique et musicologie, essayent de proposer des références à la musique. C’est le cas de Bruno Paoli ou Giovanni Canova, mais leur travail reste clairement lié surtout à la description poétique.

Le centre d’intérêt qui représent le point de départ de cette reflexion est la notion de rythme. Il s’agit d’une notion qui peut avoir des multiples définitions. Pour commencer, par exemple, le dictionnaire sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales le décrit comme un « phénomène périodique, caractéristique de certains processus vitaux1 ». Ou encore comme « répétition périodique (d'un phénomène de nature physique, auditive ou visuelle)2 ». Il est donc possible de déduire que le rythme avant d’être l’une des composantes fondamentales de la musique, est le moteur qui anime différents processus de la nature et de la vie. Il est ultérieurement défini par Pierre Lusson comme une combination temporelle du meme et du différent et comme phénomène auquel l’on peut attribuer les qualités de « structure, périodicité, mouvement3 ».
Les caractéristiques intrinsèques de ce concept lui confèrent donc une adaptabilité à différents champs d’application. Nous allons prendre en considération les secteurs où il est étroitement lié à l’aspect sonore, le langage et la musique. Par ailleurs, entre les autres, Rousseau aussi exprime dans l’Essai sur l’origine des langues qu’il existe un parallélisme entre le dire et chanter4.
Mais encore plus forte que la relation langage-musique, celle du binôme poésie-musique s’avère être plus cohérente pour un emploi du sonore plus similaire, où l’action prosodique peut intervenir dans la réalisation poétique grâce à l’apport de la structure métrique. Il serait possible d’affirmer donc que la rythmique musicale dans les compositions déroule la même fonction que les constructions métriques dans les poèmes. Cependant, il existe de même des position qui prouvent la non identité entre le rythme et le mètre en affirmant que le mètre offre seulement des typologies rythmiques particulières5. Nous soutenons l’idée que la poésie soit une forme particulière de langage qui subit donc un découpage spécial du « continuum physique et physiologique6 » de la langue. Ce découpage est réalisé par la métrique, que Julia Kristeva définit comme « la transposition d’une régularité musicale dans le système des langues7 », représentant l’insertion d’un facteur extra-linguistique dans la versification.

Les définitions que nous avons données concernent surtout le domaine de la « parole » (dans son acception linguistique et poétique) dans ses aspects de rythmicité/métricité et sonorité/mélodicité. La centralité de la parole nous revient donc très utile pour proposer une approche au contexte arabe que nous allons développer. En effet, la poésie arabe déjà depuis l’époque pré-islamique était naturellement récitée en musique.
Ce phénomène a donc établi une relation très forte entre l’art poétique et celle musicale, renforcée encore plus du fait que la musique arabe se développe dans une dimension principalement vocale. Le concept de šiʿr (poésie) est lié à celui du inshād qui représente la manière de chanter poésie gentiment avec une belle voix et en associant la déclamation (musicale) à des gestes théâtraux qui transmettent la signification au public. Par ailleurs, « la poésie arabe a toujours cherché des méthodes pour se diriger dans le cœur du public8 ». Cette relation n’a pas été un hasard puisque la culture arabe, pendant ses débuts, se développait exclusivement par voie orale et le soutien musicale à la parole poétique était un support pour la mémoire. Par ailleurs, il existe plusieurs études qui confirment l’importance de la musique pour que des concepts restent fixés dans les souvenirs. Et pour les Arabes ce phénomène avait une grande importance.
Le rythme des mélodies vocales trouve donc son origine dans les paroles poétiques, dans la métrique. Comme Mondher Ayari l’affirme : « pour analyser un morceau de musique […], il est nécessaire d’étudier la connexion fondamentale entre la musicalité du texte poétique […] et la structure rythmique de la mélodie9 ». Il serait intéressant de proposer un excursus historique pour expliquer donc la genèse de ce rapport à l’intérieur de cette culture.
La science de la métrique dans la poésie arabe a acquis une grande importance dans une époque très ancienne. Le ʻarūḍ10 représente « l’instrument de mesure pour la poésie11 », un outil pour analyser le poids des lettres de la composition poétique12. Ce mot a vu une évolution sémantique qui de la relation avec la structure de la tente (association trouvée par Abū Isḥāq al-Zaǧǧāǧ) a élargi sa signification pour arriver à indiquer la métrique13. De ce fait, la terminologie qui décrit les éléments de la métrique arabe se sert, à travers la métaphore, de mots provenant de la vie bédouine. Cet aspect s’avère être intéressant pour la relation qu’il peut avoir avec la condition nomade des débuts du développement de l’arabité et de la tradition orale de cette culture14.
Vers le VIII-IX siècle ap. J.-C. une théorie de la métrique arabe naquit pour la nécessité des savants d’enregistrer à l’écrit toutes les notions sur le sujet. Les réflexions sur la science de la métrique (ʻilm al-ʻarūḍ) ont rejoint un haut niveau grâce à la personnalité de al-Ḫalīl15, linguiste, grammairien et philologue de Basra. Il existe des nombreuses légendes sur ses intuitions concernant la métrique :
    al-Ḫalīl marcha par la rue des chaudronniers de Basra, il écouta des battements avec des différents sonorités ; un daq provenait d’une maison, un daq daq d’une autre, un daqaq daqaq encore d’une autre. [...] Cet événement impressionna tellement al-Ḫalīl qu’il eut l’idée que quelques similitudes pouvait exister entre les rythmes de la poésie et [les sons qu’il avait écouté]16
Ce qui est intéressant à remarquer dans cet épisode est qu’aussi pour une science, tel que la métrique, les points de départ ont été empiriques, pratiques et concernant la musique. Et c’est encore plus passionnant de découvrir que al-Ḫalīl fut l’auteur du Kitāb al-ʻArūḍ sur la métrique mais aussi d’un Kitāb al-ʻAyn, un dictionnaire de la langue arabe, un Kitāb al-Naġam, sur la musique, et un Kitāb al-Īqa‘, sur le rythme. Ces œuvres sont « vraisemblablement perdues mais qui en font, virtuellement, un précurseur en la matière, une fois de plus17 ». C’est grâce à ses recherches que la théorie métrique arabe dispose d’une classification de 15 typologies de mètres (un 16ème fut ajouté postérieurement) organisés en 5 cercles concentriques puisque « al-Ḫalīl amait bien dessiner les cercles18 ». Le fait que al-Ḫalīl ait passé son existence à travailler sur des questions concernant la métrique et la musique, l’allure des lettres et le rythme des sons, nous laisse rendre compte de l’importance que l’union musique-mot avait dans l’époque préislamique aussi bien que dans celle de la poésie classique19.
Après les enseignements de al-Ḫalīl, d’autres personnalités ont continué à creuser la relation entre métrique arabe et musique comme al-Farabi, Avicenne, al-Kindi, ou encore Ibrāhīm Anīs qui mit en évidence que la possibilité de mémoriser un vers poétique est donné du « rythme musical qui est imprimé dans le mètre [poétique]20 ».

Ce que nous pouvons déduire de ces observations est que dans le contexte culturel arabe la musique, qui est « principalement vocale21 », a pu se développer à partir de la science qui analyse et étudie la poésie, à travers un élément qui est le commun dénominateur des deux arts, le rythme : « le rythme des mélodies trouva son origine dans la métrique arabe. La musique ne peut pas être conçue sans la poésie, qui est elle-même musicale et rythmique22 ».
Ce qui est intéressant dans la correspondance métrique-rythme musical est le type de représentation. En effet, la poésie était déjà représentée graphiquement (et oralement) par une scansion rythmique du vers par le biais de mots dérivant de formes du verbe faʽala23. Cependant, à l’écrit, les vers étaient inscrits dans des cercles, selon des critères particuliers. Cette action fut transférée en musique pendant le XIIIe siècle par al-Urmawi. L’image du cercle est récurrent non seulement dans la poésie et la musique mais aussi dans les arts visuels-décoratives comme la tapisserie ou la céramique. Ce phénomène démontre l’importance de la notion de cyclicité dans la pensée arabe.

Du rythme poétique à l’īqa‘
Dans la musique arabe il n’existe pas un terme qui peut être traduit clairement avec « rythme ». Il existent plusieurs mots avec une signification très proche mais souvent les musiciens et les musicologues créent confusion dans l’emploi. Le premier terme que nous allons décrire est le l’īqāʽ.

Isḥāq al-Mawṣilī24 a dit: “L’īqāʽ du chant est dans la même position de l’ʽarūḍ dans la poésie”25

« Īqāʽ » vient des racines « w- q - ʻ » (ﻉ -ﻖ -ﻭ) qui en quatrième forme26 donnent lieu au verbe « awqaʻa », il indique l’acte de « laisser tomber » ou de « pousser ». Le terme exact d’« īqāʽ » est décrit par le Lisān al-ʻarab de Ibn Manzur27 comme « rythme de la mélodie et du chant […], il clarifie la musique28 ». Le Dictionnaire Kazimirski ajoute une autre définition, celle de « temps d’arrêt dans un chant29 », pour souligner que l’īqāʽ est l’élément régulateur de la mélodie. En outre, il existe aussi une analyse que l’Encyclopédie de l’Islam propose. Comme des autres sources, elle décrit ce terme, avec une connotation métrique ainsi que musicale : « rythme, dans le sens de mesurer la quantité des notes30 » en ajoutant que l’īqāʽ est « précurseur de la mensura31 ». Cependant, les deux définitions ne peuvent pas être complémentaires puisque le concept de mensura, qui était appliquée à un certain type d’écriture musicale qui se développa pendant le XIIIe siècle, exprimait le besoin d’établir « le rapport métrique entre une note et celle d’importance immédiatement inférieure32 ». Par conséquent, cette explication ne peut pas s’adapter à l’autre qui parle de quantité des notes, qui n’exprime pas exactement la même chose puisque l’īqāʽ, comme l’on verra ensuite, peut être comparé à des modèles rythmiques figés, comparables plutôt aux « modes rythmiques » développés dans la musique occidentale du Moyen Âge. Ce qui semble être fortement confirmé, comme nous l’avons déjà observé précédemment, est le fait que l’īqāʽ du contexte métrique a été exporté en musique grâce à al-Ḫalīl, en voulant représenter une analogie avec les règles prosodiques :
Les Arabes n’avaient pas connaissances des fondements de la musique […]. Leur connaissance de la musique était un cas et basée sur ce qu’ils avaient appris des Persans et des Indiens, jusqu’à ce que al-Ḫalīl n’inventait sa théorie sur la poésie et ses mètres33.
Le mot représente donc un modèle rythmique qui est constitué d’une composante quantitative (qui exprime la durée des sons) et une qualitative (des temps forts, faibles et intermèdes, séparées de silences).
Pour confirmer le constat sur la relation entre rythme métrique et musical nous pouvons rapporter que « Ibn Fāris al-Luġawī a transmis l’opinion des savants de la métrique, selon lesquels il n’y a pas de différence entre l’art de l’ʽarūḍ et celle de l’īqāʽ, simplement le fait que la première divise le temps en lettres et l’autre en notes34 ».
Selon le domaine purement musical, l’īqāʻ peut être décrit comme un rythme additif35, s’organisant par segments de nature différente, et pas comme le divisif de la musique occidentale. Il en résulte que la théorie de l’īqāʻ prévoit l’existence de cycles36 (adwār) qui se composent, à leur intérieur, de parties hétérogènes. Des différentes typologies37 se sont développées dans les siècles, souvent en partageant quelques dénominations avec la science de la métrique38.
Cependant, la situation montre une étrangeté lorsqu’on regarde les modernes traités de musique arabe39, sur la notion de rythme, il est possible de retrouver un terme différent de celui cité précédemment, « wazn » (parfois, il est aussi possible de retrouver un direct synonyme ayant les mêmes lettres-racines, mīzān). Ses lettres-racines (« w - z - n », « ﻦ - ﺰ - ﻭ ») en première forme verbale (wazana) renvoient à une idée de « mesurer, équilibrer, peser40 ». À côté de ces significations, il en existe aussi une autre très spécifique, concernant le domaine de la métrique : « composer un vers régulier ayant le nombre nécessaire de syllabes41 ». De même, le substantif dérivé, wazn, décrit le sens de « poids » aussi bien que de « mesure d'un vers, surtout correcte et telle que la veulent les règles de la prosodie42 ». Dans cette dernière signification, ce terme semble être utilisé presque comme synonyme d’īqāʻ : la relation avec le contexte métrique est confirmé aussi par l’Encyclopédie de l’Islam43. Toutefois, aucune connotation métrique est désignée dans la description que le Lisān al-ʻarab de Ibn Manzur donne de ce mot44, de ce fait, il semble en proposer seulement des explications sur sa définition primaire de « mesure », appliquée plutôt à la vie quotidienne.
Un éclaircissement sur ce sujet est donné par Mondher Ayari qui explique : « dans la musique arabe il n’existe pas de véritable équivalent du terme “rythme”. Les notions les plus proches sont celles de mīzān [wazn] et d’īqāʻ. Mais les musiciens et les musicologues souvent confondent ces deux notions45 ». Sur la base de ses expériences musicales et musicologiques, il donne des définitions pour les deux mots-clés : « mīzān [ou wazn46] est une indication de rythme qui désigne la quantité d’unités dans un cycle rythmique (ou mesure), par exemple : 4/4, 10/8, etc.47 ». Sur l’īqāʻ, il ajoute que ce mot se retrouve dans le cœur de la composition mélodique et il représente probablement l’élément principal de la constitution de la structure rythmique des mélodies et de la détermination des unités de temps. Il concerne la division du temps musical fondé sur les différents types de naqarāt [accents : longues, brèves ou intermèdes]. Pour renforcer cette position, selon une autre pensée qui nous apparaît aussi cohérente, le wazn/mīzān pourrait être défini comme « le terme général pour indiquer le rythme [dans la musique arabe]48 » 

et l’īqāʻ se place à son intérieur pour « décrire l’accentuation […] d’un modèle rythmique particulier49 ». Pour cette raison, il nous semble pertinent l’adoption de l’expression « al-waznu-l-īqāʻi50 » pour désigner le rythme des modèles mélodiques, où le wazn reprend sa signification originaire de « poids, mesure de la structure musicale » et īqāʻ le sens de « laisser tomber, manière dans laquelle les différents accents/cellules longues, brèves et intermèdes se retrouvent associés ». Le wazn pourrait donc représenter la force organisatrice verticale où les différentes déclinaisons de l’īqāʻ se déploient.

Mis à part, le type de notation rythmique-musicale qui dans les siècles a repris l’écriture métrique, la relation entre les deux arts musicale et poétique s’est perdue lentement en faveur d’autres types d’indications graphiques. Par exemples, parmi les nombreux types il y a ceux plutôt onomatopéiques qui indiquent les temps musicaux forts et faibles avec les syllabes « dum » et « tak » ou précédemment avec les indications « tan » et « tanan ». Au fur et à mesure, dans le cours des siècles et surtout avec l’influence occidentale, avec les systèmes de notations originaux aussi ceux de type européens se sont imposés. Mais il ne s’agit que d’un autre chapitre de la richesse historique de cette culture musicale.


1 Centre national de ressources textuelles et lexicales, s.v. “rythme” http://www.cnrtl.fr/definition/rythme, consulté le 10 février 2019.
2 Ibid.
3 Petitier, P., Michelet, rythme de la prose, rythme de l'histoire, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2010, p. 59.
4 Rousseau, J-J., Essai sur l’origine des langues, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 43.
5 Cf., Meschonnic, H., « Fragments d'une critique du rythme », Langue française, n°23, 1974. Poétique du vers français. pp. 5-23.
6 Lusson, P., « Notes préliminaires sur le rythme », Cahiers de poétique comparée, vol. 1, fasc. 1, 1973, p. 30-54.
7 Kristeva, J., La révolution du langage poétique, Paris, Seuil, 1974.
8 yad, H., Munshed al-Sharjah e il canto religioso islamico (inshad) nella società araba contemporanea, thèse de doctorat, 2011/2012
9 Mondher, A., « Formal convergence between melodic composition and Arabic prosody », Journal of New Music Research, Taylor & Francis (Routledge), Londres, 2013, p. 51.
10 Ce mot propose une incertitude étymologique qui conduit vers des différentes possibilités de signification, en indiquant une « chamelle rétive, indocile », la « fin du premier hémistiche », une « région », « voie franchissant un col ». Cf., Blanchère, R. « Deuxième contribution à l'histoire de la métrique arabe: notes sur la terminologie primitive », in Arabica, vol. 2, n. 6, Brill, Leiden, 1959, p. 132-151 ; Capezio, O., La metrica araba. Studio della tradizione antica, Venise, Ca’ Foscari, 2013.
11 Capezio, O., op. cit. p. 16.
12 La métrique arabe est de type quantitative, en effet elle retrouve les syllabes longues et brèves en analysant le différent poids des lettres vocalisées et celles qui ne le sont pas.
13 « ʻarūḍ = dernier pied du premier hémistiche > mètre prosodique > prosodie ». Capezio, O., op. cit., p. 19.
14 La littérature arabe nous montre que la vocation poétique des Arabes s’est développée avec la sédentarisation, cependant il existait aussi une courante nomade de la poésie notamment celle des poètes ṣāʿālīk (les nomades du désert).
15 al-Ḫalīl Ibn Aḥmad (718 – 786), né en Oman et vécu à Basra.
16 Canova, G., « I cerchi nella metrica di al-Ḫalīl. Osservazioni sull’impiego del cerchio nei trattati di metrica, musica e grafica », in Capezio, O. (dir.), La Poesia Araba. Studi e prospettive di ricerca, Supplemento Quaderni di Studi Arabi, n. 10, 2015, p. 129.
17 Il s’agit bien d’œuvres perdues mais il est possible d’en retrouver des descriptions dans des livres d’auteurs postérieurs. Paoli, B., « Du rôle fondateur d’al-Khalîl en métrique arabe », in Langues et Littératures du Monde Arabe, vol. 7, 2007, p. 42.
18 Canova, G., op. cit., p. 130
19 Malgré le grand travail d’al-Ḫalīl des sources postérieures (comme des textes de Ibn al-Nadīm ou de Ḥamza al-Iṣfahāni) indiquent qu’« il n’avait jamais touché une corde [de lute] ni pris une baguette [de tambour], il n’avait même pas fréquenté des musiciens ». Ibid., p. 145.
20 Ibid., p. 144.
21 Ayari, M., op. cit., p. 49.
22 Ibid., p. 51.
23 Chaque mètre comporte une différente alternance de lettres vocalisées et quiescentes, pour cette raison la théorie de la métrique a déterminé la convention de représenter les structures des pieds grâce à des mots, formes paradigmatiques, provenant du verbe faʻala. Capezio, O., op. cit. p. 17.
24 Isḥāq al-Mawṣilī est considéré comme un élève d’al-Ḫalīl. Il s’agit de la première personnalité musicienne et savant musical dont on garde des œuvres, alors que toutes les écrits (de musique ainsi que de métrique) de son maître ont été perdues. Ce même destin est arrivé au prédécesseur de ces deux savants, Yūnus al-Kātib.
25 Canova, G., op. cit., p. 145.
26 Traini, R., op.cit., p. 1726.
27 Il s’agit de l’un des plus importants dictionnaires de la langue arabe, il fut écrit à la fin du XIIIe siècle.
28 Ibn Manzūr, M., Lisān al-ʻarab, Bayrut, Dar Sadir, 1956, vol. 15. Le même texte, avant d’arriver à l’explication du mot « īqāʽ », analyse la matrice « waqaʻa », en reconnaissant un sens de chute ainsi que d’évènement (en donnant des exemples comme l’arrivée des saisons). Concernant le terme spécifique, l’origine du mot est présentée ayant comme référence et source fondamental les réflexions d’al-Ḫalīl, en particulier son livre, le Kitāb al-Īqa‘.
29 De Biberstein Kazimirski, A., Dictionnaire Arabe-Français, Paris, Maisonneuve, 1860, p. 1588. 30 Encyclopedia of Islam, vol. 12 (supplement), Leiden, Brill, 1997, p. 408.
31 ibid.
32 Apel, W., La notazione della musica polifonica : dal dal X al XVII secolo, Florence, Sansoni, 1984, p. 102.
33 Extrait d’une œuvre d’al-Jāḥiẓ. Neubauer, E., « Al-Khalīl Ibn Aḥmad and Music », in Ryding, K. C. (dir.), Early medieval Arabic : studies on al-Khalīl ibn Ahmad, Washington, D.C., Georgetown University Press, 1998, p. 64-65. Il est important de mettre en évidence que, concernant ce sujet, souvent il est nécessaire de mentionner des œuvres perdues. Heureusement la littérature arabe en garde un témoignage grâce à sa branche bibliographique qui s’est développée dans les siècles et qui a pu conserver la mémoire d’œuvres disparues.
34 Canova, G., op. cit., p. 146.
35 « Additif (rythme) : Qualifie un système qui procède par succession de groupements différents s’ajoutant sans être obligatoirement prévisibles. Ainsi un cycle à 9 temps est construit, par exemple, par ajouts de 2+3+2+2 et non par division de neuf par trois (9/3), qui relèverait du système divisif ». S. a., « Glossaire », L’Homme, http://journals.openedition.org [rubrique : « L’Homme, revue d’anthropologie »], 2004, p. 171-172, mis en ligne le 01 janvier 2006, consulté le 10 novembre 2018.
36 Pendant l’histoire les typologies d’īqāʻāt (cycles/modèles rythmiques) ont été établies au fur et à mesure. Ils étaient six à l’époque Umayyade (qui devrait correspondre à la phase pré-khalilienne et khalilienne), ensuite pendant la période Abbaside ils devenaient huit (selon al-Kindi). Encore, d’autres sept étaient ajouté après, selon al-Fārābi. L’évolution continua aussi dans les périodes suivantes. « Īqāʻ », Encyclopédie Iranica online, http://www.iranicaonline.org [rubrique : « Articles - Īqāʻ »], 2004, mise en ligne le 29 mars 2012, consultée le 2 avril 2018.
37 Par exemple, parler de sabab dans la théorie du ʻarūḍ signifie décrire deux consonnes, l’une vocalisée et l’autre sukunée-quiescente. Dans la théorie de l’īqā, l’idée de sabab est reprise et représente un acte de naqra (battement) et d’imsāk (arrêt). Cf., Neubauer, E., op. cit., p. 79.
38 « La terminologie se superpose, de manière confuse, avec celle de la prosodie […]», van Gelder, G. J., Sound and sense in classical Arabic poetry, Wiesbaden, Harrassowitz, 2012, p. 151.
. Toutefois, il existe des critiques aux théories qui soutiennent que la création de mélodies est faite en accord avec règles métriques (entre eux, al-Fārābī). Les accuses concernent différents aspects, for exemple : le fait qu’en métrique il n’y a pas des vrais silences comme en musique, elle est construite seulement sur des lettres longues ou brèves alors qu’en musique il peuvent avoir aussi de dimension intermède. Au contraire, des épreuves soutenant la théorie metrique-īqā d’al-Ḫalīl auraient pu être par fournies par Isḥāq al-Mawṣilī, mais malheureusement aussi beaucoup de ses écrit sont perdus. Cf., Neubauer, E., Ibid., p. 81-82.
39</sup> Entre les différents : Touma, H. H., La musica degli arabi, Firenze, Sansoni, 1982.
40 Traini, R., op.cit., p. 1684.
41 De Biberstein Kazimirski, A., Dictionnaire Arabe-Français, Paris, Maisonneuve, 1860, p. 1530.
42 Ibid.
43 Encyclopedia of Islam, vol. 11, p. 200.
44 Ibn Manzūr, M., op. cit., vol. 15.
45 Ayari, M., op. cit., p. 53.
46 D’après nous, le terme wazn présente une relation très étroite avec mīzān, car ils dérivent du verbe de premier forme wazana, comme nous l’avons expliqué. Par ailleurs, ils présentent presque les mêmes significations, entre les expressions pour indiquer le poids , la mesure ou celles pour désigner la métrique, la mesure poétique. Cependant, le mot mīzān dans son sens accueille aussi les caractéristique de « règle, méthode, critère » qui probablement lui confèrent une plus grande profondeur et précision par rapport à l’autre. Cf., Taini, R., op.cit., p. 1684-1685 ; De Biberstein Kazimirski, A., op. cit., 1531.
47 AYARI, M., op. cit., 53.
48 Rechberger, H., The Rhythm in Arabian Music, Helsinki, Fennica Gehrman, 1999, p. 11.
49 Ibid., p. 13.
50
Expression adoptée aussi par Herman Rechberger. Ibid.

Brigida Migliore
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

ANNONCES

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Yellow Barn, saison estivale et résidences d'artistes - auditions 2020


En janvier et février 2020, Yellow Barn, l'un des centres les plus importants et les plus novateurs en matière de musique de chambre en Amérique du Nord, tiendra des auditions internationales pour sa saison estivale et ses résidences d'artistes en plein essor. Les programmes offrent des résidences pour les artistes de tous âges et à toutes les étapes de leur vie professionnelle. Pour la première fois, des journées d'audition à Bruxelles (15/1/2020) et à Paris (16/1/2020) sont incluses, en plus des auditions à Londres (14/1), Berlin (18/1) et aux États Unis. ces auditions auront lieu pour les programmes suivants:
• La saison estivale de 5 semaines (du 5 juillet au 9 août 2020)
• Le programme jeunes talents âgés de 13 à 20 ans (14 juin - 4 juillet 2020)
• la résidences d’artistes pour musiciens professionnels (septembre 2020-mai 2021)


Yellow Barn - Saison estivale de 5 semaines (5 juillet - 9 août 2020)

Date limite pour les auditions en Europe: 10 janvier 2020
https://www.yellowbarn.org/applicants/yb
Le festival principal de Yellow Barn (Seth Knopp, directeur artistique) s’étend sur cinq semaines et concerne cordes, piano, bois, harpe, voix, percussions et ensembles préformés. Des musiciens professionnels émergeants répètent intensément avec des artistes de renom tels que Anthony Marwood, Donald Weilerstein, Roger Tapping, Lucy Shelton, Peter Frankl, Gil Kalish, Dénes Várjon et bien d’autres, en vue de la préparation de 20 concerts à Putney, Vermont, États-Unis. Le répertoire va de la période baroque à la musique d'aujourd'hui. Les musiciens ont également la chance de travailler avec les compositeurs résidents, l'an dernier Brett Dean et Jörg Widmann, et James MacMillan pour l'été 2020.

Programme jeunes talents (14 juin - 4 juillet 2020)
Date limite pour les auditions en Europe: 10 janvier 2020
https://www.yellowbarn.org/applicants/young-artists-program
Destiné à des musiciens exceptionnels âgés de 13 à 20 ans, le programme jeunes talents concerne cordes, bois, piano, percussions et composition. Un programme intensif de musique de chambre de trois semaines comprend masterclasses et quatre représentations en public. Le programme quotidien comprend des séances de coaching, des leçons, des performances, des ateliers théoriques, des répétitions et des séances d'entraînement. Les compositeurs sont complètement intégrés au programme, collaborant avec les professeurs et collaborant avec des instrumentistes pour donner vie à leur travail en concert. Les participants et les anciens élèves de l’académie intègrent ensuite des institutions telles que Juilliard, le New England Conservatory, Curtis, Peabody, Harvard, Yale et la Hanns Eisler Academy of Music, entre autres.

Résidences d'artistes (septembre à mai chaque année)
Applications acceptées de manière continue. Ceux qui postulent avant le 01/10/2020 et résident en Europe ont l'occasion de rencontrer en personne le directeur artistique Seth Knopp https://www.yellowbarn.org/applicants/artist-residencies
En 2008, Yellow Barn a mis en place son programme Artist Residencies, un programme américain novateur spécialement créé pour les musiciens professionnels. Les résidences offrent un environnement propice à l’étude sans distraction, à l’échange d’idées et aux possibilités de concerts. Leur contenu est défini par les propositions des artistes et la vision artistique de Yellow Barn. Les artistes résidents créent un nouveau répertoire, se préparent à de grandes performances, explorent de nouvelles interprétations d'œuvres importantes et mettent en scène des pièces de théâtre. Yellow Barn acceptera les candidatures d'ensembles et de musiciens individuels souhaitant poursuivre des projets indépendants ou en collaboration.
    • Les résidences peuvent se concentrer sur le répertoire de toute période musicale.
    • Les projets collaboratifs peuvent réunir des interprètes, des compositeurs et d’autres artistes.
    • Bien que ce ne soit pas une obligation, toutes les résidences auront des opportunités de performances publiques.
    • Les musiciens peuvent travailler de manière indépendante ou avec des artistes et des chercheurs mentors.

Lieux des auditions 2020
    • Londres, Angleterre (14 janvier)
    • Bruxelles, Belgique (15 janvier)
    • Paris, France (16 janvier)
    • Berlin, Allemagne (18 janvier)
    • Boston, MA (21, 22 et 23 janvier)
    • New Haven, CT (24 janvier)
    • Philadelphie, PA (27 janvier)
    • New York, NY (28, 29, 30 et 31 janvier)
    • Los Angeles, CA (2 et 3 février)
    • San Francisco, Californie (4 février)
    • Baltimore, MD (8 février)
    • Chicago, IL (9 février)
    • Cleveland, OH (10 février)

CONCERT DE GALADE L’INSTITUT EUROPÉENDES MUSIQUES JUIVES
JACQUES OFFENBACH ET SES PROCHES DE LA SYNAGOGUE À L’OPÉRA


flyer offenbach
flyer offenbach 2

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Synthèse Sonore, un MOOC (Massive Online Open Course) gratuit
Perry Cook et Julius Smith, pionniers de la synthèse numérique


Nos notions musicales telles que l’harmonie, les notes, la dynamiques et le timbres trouvent chacunes des correspondances très précises en physique acoustique. Ces concepts ouvrent un champs de connaissances scientifique et technologique passionnant, résolument tourné vers l’avenir, lorsqu’ils s’appliquent à la synthèse sonore et à l’informatique musicale.
Ces connaissances demeurent assez récentes dans l’histoire de l’informatique musicale, si bien que Perry Cook et Julius Smith, eux-mêmes pionniers de la synthèse sonore, nous livrent ici depuis l’université de Stanford un cours couvrant l’ensemble des notions élémentaires sur l’audio-numérique.

ENTRETIENS

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Entretien avec le guitariste Ruben Mattia Santorsa
Set7 : l’énergie incessante de la guitare de Pisati enregistrée par Santorsa
Alessandro Milia


Set7 est une sortie discographique monographique, éditée en 2018 par l’étiquette Kairos, dédiée à l’œuvre pour guitare classique du compositeur italien Maurizio Pisati (1959). Il s’agit d’un projet abouti par Ruben Mattia Santorsa, guitariste engagé sur la scène expérimentale internationale. En écoutant le disque nous sommes frappés par l’énergie dégagée par la musique de Pisati : des impulsions inattendues ouvrent sans préparation des espaces sonores, le son est un rituel qui déchire et altère l’esprit, un énorme flux de gestes instrumentaux et de parcours de création cristallisés par l’écriture mais (apparemment) provenant des pratiques d’improvisation. La guitare est explorée comme un « corps » avec des possibilités infinies de produire du son selon des manipulations extrêmes (par les mains, à savoir sans jamais utiliser de préparations). On peut dire qu’il « compose » avec les mains dans le son pour le recréer intégralement. Il s’agit d’une musique qui peu peut « calmer » notre esprit car liée au contact direct avec le corps du son et avec sa source (la guitare) et pour cette raison nous sommes animés par l’expérience physique du son et amenés dans une condition d’exaltation, une frénésie plutôt rare dans la musique contemporaine souvent trop abstraite et conduisant à la stase ou à un état de contemplation.
Le disque contient quatorze pièces composées par Pisati à partir du 1984 : sept duos avec guitare classique et sept pièces pour guitare classique solo. Toutes les pièces en duo sont de courtes compositions chacune de la durée de quatre ou cinq minutes environ. Tandis que les pièces pour guitare classique solo, les Sette Studi (1984-1990), sont à considérer comme un bloque unique de vingt-trois minutes environ. Les duos édités en Set7, tous pour guitare classique et sept instruments différents constituent une world recording premiere : Derscialet (1994) avec alto (Anne-Laure Dottrens), Alp (1995) avec paetzold recorder (Marie Delprat), Samblana (2000) avec saxophone ténor (Kevin Juillerat), Habergeiss (2006) avec clarinette basse (Hugo Queirós), Yemèles (1997) avec voix (Céline Wasmer), Odolghes (1997) avec contrebasse (Lino Mendoza) et Ey De Net (1997) avec percussion (João Carlos Pacheco). Tous font également partie du projet théâtral totalisant intitulé Theatre of Dawn, un travail élaboré par Pisati à partir des années 1990 et clôturé en 2007. Les pièces en duo ont des titres inspirés par de légendes alpines : Derscialet, Yemèles, Alp, Odolghes, Samblana, Habergeiss, Ey de Net (ils évoquent de noms d’esprits des Alpes comme le danger, la peur, l’hiver, le cauchemar etc.).

Audio : Pisati, Derscialet, par Santorsa (guitare) et Dottrens (alto).
https://soundcloud.com/ruben-mattia-santorsa/derscialet-by-maurizio-pisati

Les Sette Studi, composés pendant les années 1980 et édités par Ricordi en 1990, sont caractérisés par des idées stylistiques révolutionnaires. Le processus de composition de Pisati est étroitement lié à la pratique instrumentale car il a été également interprète guitariste pour une longue période de sa carrière. Pisati, comme un sculpteur, compose à partir du son dans ses mains, ce que nous fait penser également à certaines pratiques de la tradition orale. Sa stratégie de composition est fondée sur la relation entre le mouvement du corps et la production sonore. Cet aspect a un impact très fort sur la charge énergétique présente dans la musique. Seulement après, Pisati invente des stratégies pour écrire les figures cristallisées après des improvisations perpétuées au fil des années. Les pièces sont un condensé de nouveauté technique et de gestes d’une virtuosité inédite, raffinée et nécessaire à manifester la nouvelle esthétique.

Audio : Pisati, Studio n.3 pour guitare classique, par Santorsa.
https://soundcloud.com/ruben-mattia-santorsa/study_n_3https://soundcloud.com/ruben-mattia-santorsa/study_n_3


Pisati, Studio n.3, Ricordi (1990), partition.

J’ai eu l’occasion de rencontrer Ruben Mattia Santorsa pendant l’été 2019 et de lui poser quelque question sur sa recherche musicale et sur son approche de la musique contemporaine.

Ruben, quelle est l’originalité stylistique de Pisati et quelles sont les techniques le plus innovantes que tu as trouvées dans ses œuvres ? « Je n’aime pas confiner la musique des compositeurs à travers des définitions parce que je crois qu’elles sont à priori des définitions imparfaites, notamment les miennes, car en tant qu’interprète je suis tellement impliqué que je peux facilement apparaître impartial et émotif. Impulsivement je dirais que sa musique est énergétique et incessante, autrement dit une musique sans relâche. L’originalité du style de Pisati se fonde sur la capacité de mettre en lumière les sons cachés dans l’instrument sans changer les caractéristiques spécifiques de la guitare classique, sans modifier le son à travers des objets non conventionnels, des scordatura ou encore à travers des préparations du matériel. Tout simplement Pisati adopte une technique instrumentale, un acte corporel, dans le but de faire émerger en manière naturelle le potentiel sonore caché de l’instrument acoustique. À ce propos, je ne peux pas éviter de citer les mots de Pisati écrits dans l’introduction à ses Sette Studi (Ricordi, 1990) :  “les Sette Studi, au-delà de la quantité de nouveaux sons et de nouvelles articulations pour la guitare, sont avant tout et fondamentalement une nouvelle guitare, une idée de l’instrument axée sur ses sons internes, également intérieurs, et sur une perception musicale allant en profondeur”. Dans sa production pour guitare il y a des techniques qu’à l’époque n’étaient pas très conventionnelles, comme l’adoption très fréquente du tremolo réalisé simultanément sur plusieurs cordes, la réalisation des glissando continus sans aucune coupure, la technique du croisement des mains, des longues séquences de sons étouffés. Aujourd’hui ces techniques sont très répandues, toutefois dans les années 1990 elles n’étaient pas si développées et notamment elles n’étaient pas utilisées de manière si large et intense comme chez Pisati ».

Quelle est l’incidence des recherches de Pisati sur les œuvres pour guitare d’autres compositeurs ?

« Les Sette Studi ont marqué un véritable tournant pour la guitare classique : l’idée d’une “nouvelle” guitare venait de naître et depuis que les études de Pisati ont été intégralement jouées pour la première fois à Darmstadt en 1990, ils continuent à représenter un point de repère. Il m’arrive souvent de rencontrer des compositeurs, chaque fois qu’on parle de la guitare classique ils évoquent les Sette Studi comme exemple de pièces innovantes et incontournables à étudier afin de comprendre au mieux le fonctionnement de la guitare classique. Aujourd’hui encore, après une trentaine d’années, de nombreux interprètes et compositeurs qui s’approchent à la guitare par l’analyse et l’écoute des œuvres de Pisati sont frappés par le potentiel sonore innovant de ce corpus. Je crois que dans les études on retrouve une sorte de catalogue des découvertes techniques et esthétiques de Pisati. Du point de vue pédagogique on ne peut pas s’en passer, ils constituent un passage obligé, en conséquence j’ai toujours intégré ce répertoire dans mes conférences ou mes séminaires adressés aux jeunes interprètes tenus récemment à Chicago, à Boston et à Paris ».

Photo par Daria Evangelista :
Pisati et Santorsa, Hochschule Der Künste Bern, 2017.

Ton approche de l’interprétation est celle d’un vrai chercheur en musique. Dans ton disque Set7, tu explores un répertoire rare, exceptionnel et encore très peu analysé par les musiciens et par les musicologues. Tu as enregistré pour la première fois certaines pièces de Pisati. Comment as-tu vécu cet engagement et quelle est l’importance de créer aujourd’hui un disque de recherche pour diffuser ces répertoires, les rendre accessibles aux interprètes émergents et, plus en général, permettre la transmission de ce savoir musical ?

« Au-delà de la sphère émotionnelle et de l’intérêt que je porte à la musique de Maurizio Pisati, on peut considérer, de manière plus objective, que dans Set7 pour la première fois est présenté l’intégral des Sette Studi et un premier enregistrement absolu des pièces en duo. Mon projet d’enregistrement de ce disque est né pour rendre hommage à la musique de Pisati, rarement enregistrée, et, plus en général, avec l’objectif de commencer à graver une archive sonore. L’idée que le marché du disque est mort, et qu’il n’a plus de sens de faire un disque est aujourd’hui très répandue. En revanche, je crois que la perspective d’un interprète dans l’acte d’enregistrer un disque ne doit pas être d’en vendre beaucoup de copies, ou d’utiliser le disque comme carte de visite, mais le but primordial doit être de cristalliser la musique pour la génération à venir. Dans cet esprit, les disques monographiques sont, à mon avis, les plus intéressants. D’autre part, il est très difficile de rencontrer des compositeurs avec un catalogue étendu de musique pour guitare classique et électrique. Pour les années à venir j’ai d’autres projets monographiques d’enregistrements inédites, surtout je pense à la musique des jeunes compositeurs. La recherche du répertoire rare et l’enregistrement sont pour moi des aspects fondamentaux. Le monde de la musique contemporaine tourne de plus en plus vite et nous sommes obsédés par la recherche de nouvelles pièces et de premières, malgré cela je suis persuadé qu’on a besoin de déposer une mémoire historique ».

Maurizio Pisati a un rapport extraordinaire avec le son de la guitare. On peut affirmer que chez lui la création sonore n’est pas envisageable seulement comme une expérience cérébrale et spirituelle mais également corporelle, l’œuvre émerge par un contact entre le corps et le son. En tant qu’interprète, comment as-tu saisi cette approche compositionnelle ?

« Sa musique est énergie pure et forcement elle naît d’un mouvement physique. L’un des aspects les plus intéressants chez Pisati est sûrement la gestualité. Il ne s’agit pas, à mon avis, d’une gestualité purement performative ayant comme but d’impressionner de manière visuelle. Au contraire, la gestualité est toujours au service d’une idée sonore et de l’articulation musicale. Par exemple, dans le Studio n. 5, la technique du croisement continu des mains est utilisée de manière répandue, l’aspect visuel est bien sûr très important, toutefois la forme sonore est indépendante de notre vision du mouvement du corps, ainsi sa réalisation exclusivement audio et la perception par le support CD est également très efficace ».

As-tu aperçu une énergie particulière dans les gestes sonores créés par Pisati ?

« Quand j’ai enregistré Set7 j’avais vingt-quatre ans, à l’époque mon but était de porter à la limite l’énergie et la puissance explosive de la musique et des gestes sonores de Pisati, d’une manière presque instinctive et sauvage je me suis poussé à l’extrême de mes capacités. Mon attitude était émergée de l’étude de la musique de Pisati et notamment de son approche au son : à partir de chaque objet on peut obtenir quelque chose d’intéressant du point de vue sonore, soit-il une pierre, une table en bois ou une guitare. Au fil du temps j’ai joué d’autres pièces de Maurizio, par exemple Caprichos de Simios y Burros, ou ses “traductions” des Sonatas de Domenico Scarlatti, dans ces morceaux aussi j’ai observé que l’énergie dans le geste est toujours fonctionnelle à son idée sonore ».

Alessandro Milia
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

PORTRAITS

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Musique, théâtre et jeu dans l’oeuvre de la compositrice Huihui Cheng
Martin Tchiba (traduction Jonathan Bell)


Après un brillant parcours en composition au Conservatoire central de Pékin,Huihui Cheng a poursuivi ses études à l'Académie de musique de Stuttgart. Elle n'était cependant pas "une bonne élève", comme elle l'affirme dans une conversation - certainement pas sans ironie: "Je ne pouvais pas accepter grand-chose de mes professeurs; j'essayais pourtant avec insistance, mais les méthodes proposées me convenaient rarement. J'ai beaucoup étudié le grand répertoire et ses compositeurs, mais je n'ai pas vraiment appris en les imitant non plus. Au lieu de cela, je cherche toujours des techniques de composition qui correspond à ma personnalité et à mon intuition: pour chaque nouvelle situation, je dois trouver une nouvelle manière appropriée. "

Le fait que Cheng ait trouvé son langage est mis en évidence par les nombreuses compositions interprétées dans des festivals tels que Rainy Days au Luxembourg et à Vienne. Les récompenses de Cheng incluent le Grand Prix du Concours international de composition Isang Yun en Corée, ainsi que des bourses de "Academy Music Theatre Today" à Casa Baldi, de la SWR Vocal Ensemble Academy et du Kunststiftung BadenWürttemberg.

EN SCÈNE


Pour sa pièce Me Du Ça pour soprano et électronique live (2016), Cheng a reçu de l'Institut de musique et d'acoustique du ZKM et du Studio expérimental de SWR Freiburg le prix Giga Hertz pour la musique électronique. Dans cette pièce sombre, la chanteuse interprète un éventail de techniques allant des syllabes chantées ou parlées de manière conventionnelle aux hurlements et sifflements réverbérés électroniquement ou à la production de sons à l’aide de minces tuyaux en caoutchouc: ces derniers sont soufflés, grattés et sifflés avec les ongles ou des même les dents comme avec un "Guiro", mais surtout, ils forment le costume (design: Marc Socié) et l'interprète se trouve coiffée des tentacules attachés, imités de la Méduse .

"L'élément théâtral" est particulièrement important dans cette pièce, dit Cheng; cependant, cette théâtralité se déroule dans un espace extrêmement réduit, car la soprano ne bouge pas d'un millimètre du lieu. Néanmoins - ou tout simplement parce que - ce jeu avec des moyens scéniques minimes et des musiques variées est extrêmement séduisant et amusant par sa sophistication fine. Le jury du Giga-HertzProduktionspreis a loué le fait que Cheng "compose le traitement vocal ainsi que des costumes, l'électronique live, dans une grande virtuosité d’écriture [...]". Souvent, Cheng plaisante, le "devenir un" de l’interprète et de l’instrument rappelle le clip de la chanson Moon de la chanteuse islandaise Björk, dans lequel la harpe est incrustée dans sa robe.


Cette association d'une harpe jouant n'est pas loin dans Messenger (2017) pour "String Piano", un piano préparé dans lequel la mécanique des marteaux a été retirée. Ici, l’interprète joue à l’aide de fils de nylon qui, une fois enroulés autour des cordes du piano, forment une sorte d'interface entre l'artiste interprète-exécutant et le piano droit.

Au début de la pièce, l’interprète doit «revêtir» l’instrument en quelque sorte: comme une robe à laquelle les fils de nylon sont attachés, le costume traduit (transforme ?) tout effort physique en production du son. C'est une image forte qui peut également être vue sur YouTube dans une performance avec Claudia Chan. On voit également voir comment Chan - à la manière d'un marionnettiste - peut mettre individuellement chaque corde de piano en résonance en tirant finement sur celles-ci. Au moyen de ces fils "Messagers", elle envoie des signaux, qui sont immédiatement traduits en son: en plus des aspects sonores, c’est encore une fois l’effet visuel qui est intéressant. Heureusement, Cheng ne se contente pas de la démonstration de cette technique de jeu intelligente, mais crée une composition dense et expressive dans laquelle le spectre technique est enrichi de possibilités supplémentaires, telles que l'arraché et le glissé avec les doigts directement sur les cordes ou le “jeté” de billes de bois, toujours attachées aux fils de nylon -. Malgré des vidéos réussies, le compositeur souligne que vivre en direct la pièce est une expérience particulière, surtout dans le cas de Messenger: "Lorsque vous entendez la pièce en concert, vous percevez très clairement les vibrations de l’instrument."

HOMO LUDENS Une autre caractéristique du travail de Huihui Cheng est son aspect ludique fondamental: on peut même découvrir sur le site Web de Cheng un ongle intitulé "Jeu". Dans Your Turn, pour ensemble vocal et audience (2018), commande de création du festival ECLAT 2019 à Stuttgart, Cheng s’adonne à l’un des jeux les plus populaires: le jeu de cartes: "Il crée une situation de jeu authentique et toujours inattendue [...] une collection de cartes à jouer toujours flexible doit faire réagir les interprètes de façon authentique dans leur rôle de joueur », révèle le commentaire de travail. Cheng combine alors ces réactions avec des gestes musicaux.


Dans ses dernières oeuvres, la compositrice demande une participation des spectateurs, de sorte que ces derniers ne voient pas seulement le jeu de cartes se développer sous leurs yeux, mais en font activement partie - ergo: "jouez avec nous" -. Pour le public, il y a des cartes à jouer séparées, qui doivent également recevoir une "réponse" spontanée par des actions. La nature incalculable de cette situation de jeu dans ce que Cheng décrit comme une "écoute active" crée en quelque sorte un chaos contrôlé, qui implique une certaine théâtralité: le jeu, apparemment inoffensif sur un écran de projection devient un espace idéal pour faire émerger des comportements humains, dans le champ de l’adversité, du rire et de la convivialité ».

Les graphiques sur les cartes à jouer nécessaires à la représentation ont été conçus par Karin Kraemer; elles sont divisées en cartes texte, vocales, gestuelles et d’audience. Ils contiennent des instructions claires: par exemple, il faut lire les décalages de texte, imiter certains sons ou exécuter des gestes caractéristiques. En même temps, un score complexe régule au moins partiellement le déroulement de la partie. Il est à noter que cela inclut également les "erreurs de jeu"; Les instructions disent même: "Faites des erreurs souvent!" Ergo est appelé à un "fair-play" avec des erreurs calculées, ce qui en termes de pièce humoristique (et en fait tout à fait) représente à nouveau un résultat très inattendu - et en même temps très excitant - Dialectique révélée.

L'ouvrage Your Smartest Choice, écrit deux ans plus tôt, est également une pièce de théâtre - une performance pour quatre musiciens, électroniciens et participants, également une mission de l'ECLA. Ici aussi, les visiteurs du concert sont autorisés à "s'impliquer": cette fois, toutefois, avec l'aide de leurs smartphones, avec lesquels ils se font concurrence dans une sorte de jeu vidéo. Dans le sens d'une "situation de performance dynamique", le jeu est même modifié individuellement au cours de la performance et adapté à la partition actuelle, tant musicale que technique. En plus de Compass et de Evitez la pluie, le public a également le jeu Kill the Balloon, dans lequel les joueurs à l'écran sont supposés pour faire exploser des ballons numériques; Vers la fin de la pièce, les musiciens transpercent alors des ballons de la vie réelle sous forme d'effets sonores criards. L’aspect provocateur où Cheng divise finalement le public du concert en "gagnants" et "perdants", ajoute une dimension sociale que Cheng communique subtilement à l’œuvre plutôt ludique-humoristique. Your Smartest Choice a été réalisé en collaboration avec les collaborateurs du projet de recherche "CoSiMa" (Média localisé collaboratif) de l'Ircam de Paris.


Dans une autre de ses œuvres récentes, Echo & Narcissus, pour soprano, alto, ensemble et électronique (2018), Cheng revient à une forme narrative presque conventionnelle, tout en restant dans l’univers ludique des œuvres citées ci-dessus. Le texte utilisé est un collage de poèmes de Wolfgang Denkel, Bernd Schmitt et Ovide. La compositrice montre ici un sens aigu de l’exploration des possibilités timbriques du violoncelle et de la clarinette basse: leurs parties oscillent entre des fragments mélodiques et divers éléments de bruit qui se perdent dans le silence. Pendant ce temps, les percussions - supportées électroniquement - un kalimba microtonal (un "piano à pouce" africain), un waterphone (dont la sonnerie coulissante métallique est très caractéristique) et un Waldteufel, des instruments très singuliers pour "Produire des sons très sensibles" explique Cheng.

La soprano vêtue de façon sombre (création du costume: Rebekka Stange) se dresse au premier plan de la scène, êeclairée par un projecteur vidéo dont les figures géométriques suivent les changements musicaux et, selon Cheng, «agrandit le monde intérieur de Narcisse» (conception vidéo: Lukas Novok). Le tissu qui se cache derrière elle ne sert d’abord que de toile de fond aux projections; mais bientôt quand le corps de la contralto commence à briller à travers le textile, la "toile" devient le symbole du miroir (de l'eau) dans lequel Narcisse jouit de son propre reflet. Musicalement, cette réflexion n’est que suggérée: la partie vocale fragmentaire de la contralto "ne reflète pas directement" celle de la soprano, mais les deux chanteuses évoluent généralement en parallèle selon les passages respectifs du texte, de sorte que, musicalement, une impression d’image ou d’ombre prédomine.

À la toute fin, la soprano quitte son siège et, à travers la toile, se rapproche de la vieille femme, maintenant complètement silencieuse, qui, par la grâce d’un seul cône de lumière, devient alors visible, portant une couronne d'épines: «la touche finale»

Martin Tchiba (traduction Jonathan Bell)
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

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L’instrumentation faite programme dans le Trio de Nicolas Mondon
Nicolas Mondon


Trio (2016) pour flûte (alto, basse), saxophone (soprano, ténor), piano préparé ; circa 17 minutes ; dédicacé à Susanna Pozzoli, commande de l’Ensemble L’Imaginaire.

Trois instruments.
Trois mouvements, allures, textures.
Trois espaces dans lesquels chacun des instruments conduit le discours successivement.
Trois énergies, trois durées divisées chacune sur le même modèle, trois formes différentes mais trois trajectoires qui ont leurs parallélismes.
Trois instruments entre fusion et prise de parole, le tout dans un élan qui s’amplifie, dessinant un espace sonore de plus en plus résonnant, balancé, tournoyant : un territoire pour le trio ****.
(**** : remplacer par le nom de l’ensemble qui donne le concert)


La note de programme ci-dessus tente, malgré son style elliptique qui se veut plus évocateur que didactique, de dresser le programme musical du Trio, sa composition et en quoi a constitué son processus d’écriture. Je propose, dans le texte qui va suivre, d’analyser cette pièce en suivant et détaillant chacune des phrases de la note de programme.

Trois instruments.

Mon travail de composition commence toujours par la définition, voire la construction de la sonorité ronde, riche et inharmonique dont j’ai besoin pour m’exprimer et inventer un discours. Cette étape se traduit concrètement par le choix des instruments (ici les flûtes alto et basse et les saxophones soprano et ténor), des modes de jeux qu’ils utiliseront et, si nécessaire, de la modification de certains d’entre eux (ici la préparation du piano).
L’utilisation de « techniques étendues » peut demander de la recherche avec les instrumentistes. Aux instruments à vents, il est ainsi fait usage de nombreux multiphoniques obtenus avec des doigtés spécifiques (accords plus ou moins riches, rugueux, instables…) et de jeux d’attaques courtes et percussives (slap, pizz, tongue-ram, percussion de clés). Au piano, les sonorités créées par la préparation peuvent être soit très sèches et sans hauteur de note identifiable (comme des bongos), soit, au contraire, riches et résonantes comme des cloches.
Dans cette pièce, si la flûte, le saxophone et le piano préparé sont, en soi, des instruments pour lesquels j’aime écrire et pour lesquels j’ai déjà développé un catalogue de sonorités adéquates, leur réunion et l’absence d’instrument à cordes m’ont d’abord empêché d’imaginer les textures qui me sont habituelles : une sorte de sécheresse dans le trait des vents était contradictoire avec l’estompé, la fluidité et la fusion que je recherche entre les instruments.
Cependant, je savais que les solutions d’écriture ne viendraient que des instruments eux-mêmes et de leurs caractéristiques. De fait, tous les paramètres de la pièce se trouvent finalement déduits des possibilités techniques et de l’imaginaire que je projette sur chacun des trois instruments, justifiant la nécessité et la simplicité du titre : Trio.

Trois mouvements, allures, textures.

La solution a été de découper la pièce en trois moments, chacun associé à un caractère, une agogique, un mode d’écriture :
    1. Tempo rapide et métrique ternaire, caractère rythmique et joyeux, sonorités percussives ;
    2. Tempo lent avec une impression de temps quasiment suspendu, le souffle de la flûte se détache des résonances rappelant des cloches lentes ;
    3. Tempo assez rapide et métrique binaire, entrelac formel, combinaison et développement virtuose des sonorités précédentes ;
Les sonorités de type « cloche » sont produites par les notes résonnantes du piano préparé. La préparation avec la patafixe permet de subtilement contrôler les hauteurs produites, et ainsi accorder le piano à l’unisson des multiphoniques des vents. Il se crée ainsi une continuité de sonorité entre l’attaque du piano et la tenue des vents, ceux-ci pouvant servir de résonance amplifiée du piano, ce qui est le cas du saxophone dans le deuxième mouvement, et des deux vents dans le dernier.
Les sonorités percussives du premier mouvement sont produites par les préparations ou modes de jeu étendus des trois instruments : slaps (ou pizz à la flûte) de notes simples, slaps de multiphoniques au saxophone qui font alors penser à des percussions métalliques étouffées, notes percussives sèches du piano préparé. Ces sonorités sont combinées entre elles, se renforcent ou se répondent. Mais cette palette se trouve aussi amplifiée par tout ce que les instrumentistes peuvent produire comme sons percussifs : clacs de doigts ou de langue, bruits de pieds sur le sol ou des tournes de pages, ouverture et fermeture du cylindre du piano (couvercle au-dessus du clavier) ensuite frappé avec les doigts ou les phalanges. Ce grand tambourin de synthèse nous amène à la limite d’un théâtre musical souriant lorsque le pianiste, instrumentiste « assis » s’il en est, profite d’une frappe à deux pieds sur le sol pour se lever, puis se fige avec ses deux compagnons pendant une mesure de silence avant d’aller jouer dans les cordes du piano ; ou encore, lorsque la première note qu’il joue sur le clavier doit se faire avec un mouvement de la main « alla Chico Marx ».

Trois espaces dans lesquels chacun des instruments conduit le discours successivement.

Chaque mouvement, avec ses caractéristiques, se trouve en fait mené par un des instruments du trio associé à un type d’écriture particulier, comme si la texture de la musique était l’émanation ou la révélation du caractère de son meneur :
    1. Saxophone soprano : rythmique ;
    2. Flûte basse : mélodique ;
    3. Piano préparé : polyphonique ;
La succession des ces trois écritures propose ainsi un premier niveau de progression à l’échelle de l’œuvre. À ce point du découpage de la forme, j’ai cherché à résoudre un problème d’équilibre acoustique entre les trois instruments, à donner un prolongement aux gestes sonores « théâtraux » du début et à rendre le plus lisible possible ce principe d’instrument-personnage meneur du discours.
Le choix de modes de jeux spécifiques et de combinaisons instrumentales différentes à chaque mouvement — saxophone soprano et flûte alto dans le mouvement initial, flûte basse et saxophone soprano dans le mouvement central, et flûte alto et saxophone ténor dans le dernier mouvement — impliquait un équilibre nouveau pour chacune de ces combinaisons. La disposition traditionnelle du trio vents et piano n’était optimale pour aucune de ces combinaison. Quelle disposition adopter, et comment en changer sans perturber la représentation ?
De plus, donner un prolongement aux gestes sonores « théâtraux » du début impliquait, pour moi, de donner progressivement plus de place au corps du musicien qui ne se comporte plus uniquement comme un instrumentiste. Si, par proximité sonore, un slap peut devenir un claquement de langue, puis de pied, le corps entier est alors mis en mouvement. Un déplacement dans l’espace devient non seulement possible, mais en propose une sorte d’aboutissement. Il m’a donc semblé logique de faire déplacer les instrumentistes à vent, mobiles contrairement au pianiste, au début de chaque mouvement puisque ceux-ci se jouent enchaînés. Non seulement ces déplacements achèvent la mise en scène des gestes de l’interprète, mais ils résolvent les problèmes de disposition et d’équilibre acoustique entre les instruments, tout en rendant la forme visible pour le public.


Figure 1 : disposition et mouvement dans l’espace des musiciens dans le mouvement I du Trio.

Par ailleurs, afin de rendre le plus lisible possible le principe d’un instrument-personnage leader par mouvement, j’ai imaginé qu’il était possible de faire « entrer » le premier soliste, comme on le fait à l’opéra. La puissance naturelle du saxophone en faisait l’instrument idéal pour cela : c’est donc lui qui dirige le premier mouvement, après s’être détaché d’une phase où le trio formait un bloc sonore et visuel. Au début de l’œuvre, les deux instruments à vent se partagent le même pupitre, sur le côté, de profil, parallèlement au pianiste (voir figure 1) : les trois instruments ne forment qu’une masse rythmique quasi indifférenciée — c’est le grand tambourin de synthèse dont il était question plus haut. À la moitié du mouvement (lettre H, 1’40 : toutes les durées indiquées dans cet articles se rapportent à la version audio de l'ensemble Imaginaire indiqué en lien au début de l'article), le saxophoniste se déplace vers le centre de la scène, face au public, et propose une mélodie énergique faite de fugaces figures de notes aiguës et rapides et de multiphoniques formant de courtes ritournelles au timbre saturé. Ces multiphoniques sont les mêmes que ceux entendus en slap au début du mouvement, mais leur timbre, qui rappelait alors une percussion métallique courte et étouffée, se révèle maintenant, dans la durée, comme un carillon soufflé. Piano et flûte rejouent exactement la même partition que pendant la première partie mais, cette fois, en guise d’accompagnement du saxophone.


Figure 2 : disposition des musiciens dans le mouvement II du Trio.

Dans le second mouvement (figure 2, 3’25), le saxophoniste se déplace avec son pupitre jusque dans le prolongement de la caisse de résonance du piano et joue cette fois doucement ses multiphoniques qui se mélangent aux sonorités et aux hauteurs du piano préparé, en les prolongeant. Les deux instruments forment un écrin résonant à la flûte basse qui se trouve seule en avant de la scène. Cette disposition est indispensable à l’équilibre des instruments, permettant à la flûte basse d’émerger facilement comme soliste.


Figure 3 : disposition des musiciens dans le mouvement III du Trio.

Dans le dernier mouvement (figure 3, 9’40), les trois instruments se trouvent alignés de jardin à cour, créant un front sonore quasi stéréophonique. Les trois musiciens sont également assis alors que les instrumentistes à vent étaient jusqu’alors debouts. Plus aucun musicien ne se trouve devant le pianiste qui est maintenant pleinement visible par le public et dont le son se détache du bloc des vents fusionnés.


Figure 4 : découpage des sections constituant chacun des 3 mouvements du Trio, selon la superposition d’un découpage en 3, 5,

Trois énergies, trois durées divisées chacune sur le même modèle,

On comprend donc que chaque mouvement déploie une sonorité, un caractère, un espace particulier, et donc une énergie propre. Celle-ci est accentuée par le fait que la durée de chacun des mouvement répond également à une logique dynamique d’amplification à l’échelle de l’œuvre : toutes les relations de durées, entre les mouvements comme dans leur découpage interne, se fondent sur les trois premiers termes de la série de Fibonnaci commençant par 3, soit 3, 5 et 8 ; le rapport entre les termes me paraissait équilibré dans leur expansion. Le premier mouvement, rapide et à l’énergie concentrée, dure 3 minutes ; le deuxième, suspendu, prend son temps pendant 5 minutes ; et le dernier peut se déployer dans la complexité de ses relations, de ses guirlande et de ses résonances, en 8 minutes. Le tout, 16 minutes, correspondant à la durée fixée par la commande.
Les climax n’apparaissent pas non plus au même moment, et définissent donc des courbes énergétiques différentes. Dans le premier mouvement, tout est dirigé vers la fin, les percussions s’accélèrent et saturent l’espace jusqu’à l’apparition, pour finir le mouvement, des premières notes définissables et résonnantes, rendant possible dans les mouvements suivants un travail sur les hauteurs. Dans les deuxième et troisième mouvements, les points de tension maximale se trouvent au moment des éléments de surprise dont il sera question à la fin de l’article, soit aux deux tiers du mouvement dans les deux cas. De plus, le découpage interne des trois mouvements se fait sur le même modèle. Chaque mouvement est découpé en 3, 5 et 8 sections égales, et ces trois découpages une fois superposés créent 14 sections nommées par une lettre de A à M, selon les proportions (voir figure 4) :
Ces proportions s’appliquent ensuite dans chaque mouvement par rapport à leur durée et à leur tempo. La section C, par exemple, a une durée absolue de 6/120e. Cela se traduit dans le premier mouvement (noire pointée à 80) par 6 mesures à 6/8 (9 secondes) ; dans le deuxième mouvement (noire à 54) par 2 mesures à 4/4 et 2 mesures à 3/4 (15 secondes) ; et dans le troisième (noire à 132) par 3 mesures à 7/4 et 9 mesures à 4/4 (24 secondes). La figure 9 résume l’ensemble de la structure de la pièce.

… trois formes différentes mais trois trajectoires qui ont leurs parallélismes.

Si le discours suit et articule le découpage des sections, le groupement de ces sections et leur relations dessinent cependant des formes différentes pour les trois mouvements.
Le tout premier son, un glissé dans les cordes grave du piano, sert de signal pour les grandes parties (figure 5).


Figure 5 : glissando grave dans les cordes du piano mesure 1, et sonorités percussives ; Trio, mouvement I, mesures 1-3.

On le trouve dans le premier mouvement au début des lettres A et H, soit au commencement et à la moitié : la forme est binaire, comme il a été vu, de forme AA’, A’ étant la reprise de A à la flûte et au piano, et le saxophone étant intégré au trio percussif en A et soliste mélodique en A’.
Le glissé grave fait également apparaître la découpe en trois parties du deuxième mouvement : il est placé à la fin des sections D (5’34) et J (7’34), et finit le mouvement. Les 14 petites sections du deuxième mouvement sont quant à elles presque toutes délimitées par une anacrouse faite de souffle seul au saxophone.

Dans le dernier mouvement, chaque section est plus longue et plus indépendante, le mouvement est trop ample pour être appréhendé par une forme régulière ou simple. On peut néanmoins distinguer des fonctions différentes pour certains groupements de sections et observer la progression symétrique des durées des 14 sections, avec un axe de symétrie entre G et H (voir figure 4 la longueur des sections) :
• A - B : introduction, solo de piano 1 [fin sur do#] ;
• C : solo 2 avec tenues des vents ;
• D - E : chorals 1 & 2 (vents seuls) [début sur do#] ;
• F : rappel rythmique de premier mouvement [basse la, associée au do#] ;
• G : choral 3 [basse lab] ;
• H : solo 3 superposé au choral 3 ;
• I : rappel rythmique de premier mouvement [basse lab] ;
• J : solo 4 [sur la/do#] ;
• K : « gamelan » superposé au choral 1 [basse lab] ;
• L : solo 5 [très mouvant, début et fin sur do#/sol#] ;
• M : « gamelan » superposé au choral 2 [basse lab] ;
• N : coda (piano : rappel du premier mouvement, flûte : rappel du deuxième mouvement ; saxophone : reprise variée du choral 1) [basse lab].
Cette coda est d’ailleurs un élément de parallélisme entre les trois mouvements, qui terminent tous de façon similaire avec un flux de sonorités percussives alors qu’ils commencent de manières très distinctes. Les trois mouvements mènent finalement tous à l’exaspération d’une percussion répétée qui se liquéfie ensuite avec différents effets : l’explosion en un accord pour terminer le premier mouvement, une impression de suspension à la fin du deuxième, l’épuisement quand finit le troisième. L’arrivée sur la percussion répétée est chaque fois précédée d’un glissando au piano : glissé muet sur les touches blanche dans le premier mouvement, menant à une unique note (mesures 91-96, 0’53-1’00), glissé léger combiné à un trait dans le deuxième (mesures 65, 8’04), grand glissé aux touches noires et blanches superposées dans le dernier mouvement (mesure 231, 16’51). La fin du solo de piano qui ouvre celui-ci, sorte de « mouvement dans le mouvement », aboutit également à une percussion répétée.
D’autres éléments relient les mouvements, ainsi la permanence de commentaires percussifs au début du deuxième mouvement, mais vidés de leur aspect rythmique et énergique et progressivement remplacés par des hauteurs complétant l’harmonie ; ou, sur un tout autre plan, l’élément en accords répétés en contretemps, très marquant dans la section H du deuxième mouvement (6’35), qui anticipe l’élément « gamelan » du troisième.

Trois instruments entre fusion et prise de parole,

Si la prise de parole est, comme on l’a vu, une manière de conduire le discours, c’est aussi, par contraste, parce que la texture par défaut de l’écriture pour le trio consiste en une fusion maximale des trois timbres. Cette fusion est permise par l’emploi de modes de jeux très variés à chacun des instruments entre lesquels il est possible de trouver des sonorités très proches malgré leurs différences — sonorités détaillées dans la première partie de ce texte. Mais la fusion s’opère aussi parce que les instruments se partagent les mêmes hauteurs. Il y a de nombreux jeux d’unissons dans le Trio, sur des timbres proches, qui rendent les instruments parfois presque indiscernables (par exemple : mouvement II, lettre G, 6’09).
Lorsqu’il s’agit d’harmonies plus complexes, ces unissons multiples, s’ils sont relativement aisés aux instruments à vents même en cas de micro-intervalles, sont rendus possibles entre les vents et le piano grâce à la préparation. En effet, la préparation avec la patafixe permet de faire entendre, pour chaque touche préparée, une harmonique (donc presque toujours légèrement détempérée) et la fondamentale baissée précisément. Il est ainsi possible d’accorder parfaitement le piano aux hauteurs complètement hors tempérament égal des multiphoniques des vents. Cela est indiqué dans la notice précédant la partition (figure 6).


Figure 6 : partie grave de la préparation du piano dans la notice d’instruction.

Le Trio est composé à partir d’une dizaine d’agrégats harmoniques différents, définis par la superposition d’un multiphonique de flûte alto et d’un de saxophone, ayant souvent une note commune, et de ces mêmes notes au piano préparé enrichies des harmoniques résultants de la préparation. La définition de ces multiphoniques et la recherche de combinaisons fusionnelles mais de différentes qualités a donné lieu, en amont de la composition, à la réalisation d’un petit catalogue avec les instrumentistes de l’Imaginaire, Keiko Murakami et Philippe Koerper, dont on retrouve également le résultat en notice (figure 7).



Figure 7 : multiphoniques de flûte et de saxophone ténor extraits de la notice. Les superpositions utilisées par exemple pour le choral 1 (lettre D du mouvement III), puis sa reprise superposée à l’élément « gamelan » (lettre K) sont : F5p+T1, F2+T9, F4+S62, F10+T1, avec F pour flûte et T pour saxophone ténor, suivi du numéro du multiphonique.

… le tout dans un élan qui s’amplifie, dessinant un espace sonore de plus en plus résonnant, balancé, tournoyant : un territoire pour le trio ****.

Le premier de ces agrégats termine le premier mouvement, puis plusieurs sont lentement esquissés dans le deuxième mouvement. Leur développement, aussi bien dans l’enrichissement de chaque agrégat que dans leurs enchainements, constitue la matière du troisième mouvement.
Seules les parties K et L du deuxième mouvement (figure 8, 7’38-8’04) ne sont pas construites à partir d’objets sonores réellement entendus mais à partir de compressions du spectre harmonique du la grave (la0) qui constitue la note pôle principale du mouvement. Une seule de ces déformation de la série harmonique perdurera comme agrégat à part entière dans le troisième mouvement. Ce la a une place importante dans la pièce, associé à son harmonique do#3. Le do# est le pôle principal du Trio, particulièrement au début. Fondamentale de l’accord final du premier mouvement, il sert de pivot vers le deuxième mouvement qui en fait une sorte de pédale, note commune aux diverses « cloches » de piano préparé du début du mouvement ; il sert également de point de départ à la mélodie de flûte. Il est ensuite un peu perdu avant de revenir comme pédale à la fin, associé cette fois à son harmonique de quinte sol#. Les parties K et L préparent, par cette insistance harmonique sur le la grave, avec les divers arpèges de spectres compressés, le retour du do# (figure 8). Le troisième mouvement va assurer la victoire progressive de ce sol# comme nouvelle basse fondamentale, aux prises avec le do# et surtout le la. Les enchaînements harmoniques secondaires se feront principalement selon les deux intervalles qui séparent ces trois notes pôles : la quinte juste et le mouvement chromatique. Il y a donc une véritable trajectoire des notes pôles, une histoire harmonique à l’échelle des seize minutes du Trio qui accompagne les autres progressions de timbre, d’agogique, de tempo, etc.



Figure 8 : arpèges sur différentes déformations du spectre de la0, Trio, mouvement II, partie de piano préparé, mesures 60-63 (lettre K).

Il y a enfin un élément presque thématique qui émerge de cette construction et vient achever la définition du « territoire » musical du Trio : c’est l’élément que j’ai précédemment appelé « gamelan » (lettre K, 15’16, et lettre M, 16’21). J’avais alors quasiment abandonné l’idée d’intégrer à cette pièce des éléments de ces orchestres de percussion javanais, comme j’en avais eu tout d’abord l’intention. N’avait réussi à s’imposer que la fonction de gong — c’est-à-dire de mise en mouvement, de ponctuation des grandes articulations formelles, et d’arrêt — du glissé dans les cordes grave du piano, quand a surgi sous mes doigts un court ostinato mélodico-rythmique, dont le contour et l’accompagnement uniquement en contretemps avaient un doux parfum javanais. J’ai décidé de le garder et d’un faire l’aboutissement-surprise du développement harmonique du troisième mouvement et aussi, par sa régularité, la résolution rythmique des errements du mouvement. Chaque mouvement se trouve ainsi contenir un élément de surprise qui surgit du flux présenté : « l ‘entrée » du saxophone et un premier accord soudain à la fin du premier mouvement ; une note répétée suraiguë et expressive dans le deuxième (lettres K et L) ; et cette ritournelle javanaise qui s’évapore dans l’ultime coda percussive (lettre N, 16’53).

L’instrumentation — les instruments tels que je voulais les utiliser pour cette œuvre — a donc finalement été, en dehors de quelques principes et intentions qui sont plutôt représentatives de mon goût musical, la contrainte unique d’où ont été déduit les éléments, les couleurs et les idées qui composent le territoire musical de ce trio. Si ce processus de « construction » des instruments et des sonorités est toujours à l’œuvre dans mon travail, surtout en début d’écriture, il a été, dans cette pièce, particulièrement central : la formation instrumentale s’est faite programme, programme au sens informatique d’un ensemble d’instructions relatives au processus d’écriture, et programme poétique de la réalisation sonore et musicale.
Le Trio va figurer sur un prochain CD monographique (2020) publié par le label Initiale, et interprété par l’ensemble InSoliTus. La partition est disponible sur le site BabelScore. Le temps de l’écriture de la pièce, de la commande jusqu’à la création, a donné lieu à un film d’art réalisé par la photographe et artiste multimédia Susanna Pozzoli intitulé Carnet de composition.


Figure 9


Nicolas Mondon
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

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C’était mon ami, c’était mon maître. Une évocation de Paul Badura-Skoda
Philippe MORANT



Pourquoi diable avais-je allumé la télévision ce jour là, en début d’après-midi ? On ne m’ôtera pas de l’idée que ce n’était pas par hasard… Pensez-donc ! Un moment de la journée forcément consacré au travail du piano! Et pour une émission (« Aujourd’hui madame ») dédiée aux femmes au foyer ! Les heures, à l’époque, m’étaient pourtant bigrement comptées : n’avais-je pas dû, en deux ans, rattraper des années et des années d’étude sur l’instrument et de formation de l’oreille ? Ç’avait été le « deal » avec mes parents : puisque j’avais obtenu le baccalauréat avec deux bonnes années d’avance (je suis de juin), je pourrais me consacrer entièrement à l’étude de la musique, au moins durant ce répit. Cela n’avait guère laissé de temps à l’oisiveté, à une époque où la limite d’âge d’entrée au Conservatoire de Paris était de 15 ans pour le « solfège spécialisé », et de 19 pour le piano (grâce à la précocité d’obtention du bac, je pouvais précisément compter sur un délai supplémentaire de deux années) ! Ce sursis étant passé, j’avais décidé de poursuivre dans cette voie, comptant déjà de nombreux élèves, dont la présence (bien que je m’épanouissais déjà pleinement dans cette activité professorale) entamait dangereusement l’emploi du temps consacré à mon propre entraînement.
Toujours est-il qu’il apparut alors sur le petit écran, avec ses cheveux légèrement dressés de chaque côté d’un crâne déjà bien dégarni, qui lui donnait un peu l’aspect de Bozo le clown (un personnage américain qui avait inspiré, chez nous, une célèbre bande dessinée). Mais ce que disait cet homme - avec ce sympathique accent germanique, et cette prosodie si particulière, qui ménageait des pauses à l’intérieur même des groupes de mots, loin d’être grotesque, fit sur moi instantanément l’effet d’une bombe : « Parfois, lançait-il, je suis tellement ému en jouant Chopin, que je n’arrive plus à jouer » ! Il y avait donc, dans ce monde des pianistes virtuoses, capables d’exploits physiques qui faisaient encore rêver le post-adolescent que j’étais, des femmes et des hommes suffisamment sensibles pour oublier leur technique, et se laisser envahir par l’émotion ? Il fallait coûte que coûte que je rencontrasse cet homme : c’est avec lui que je voulais poursuivre ma formation, et connaître tous les secrets d’interprétation des œuvres de mon Dieu, Chopin.
Je n’avais pourtant pas confié mon « éducation musicale » à n’importe qui ! Madame Lemître (assistante de « Maître Manen » au CNSM), dont l’impérieuse stature, digne de la « Sasson » - sculpture bien connue des Chambériens - terrorisait les jeunes gens comme Nicolas Bacri (le futur premier prix de Rome !) et moi-même (et quelques années plus tôt Michel Polnareff), venait d’assumer la lourde charge de former une oreille qui s’était toujours affranchie du nom des notes et de la qualification des intervalles! Et Jacqueline Dussol, formidable professeure disparue trop tôt, se chargeait désormais de transformer les improvisations d’un adolescent facile, qui n’avait aucune notion de ce que pouvait signifier le travail du piano : elle comptait parmi ses élèves tant de futurs grands pianistes : Yves Henri, Akiko Ebi, Norbert Elie (à l’époque Norbert Zabaly), et ce pauvre Pierre-Olivier Ozanne, qu’une toute nouvelle maladie faucha quelques années seulement après sa nomination à la Sorbonne. Quant à Jeanine Rueff, premier prix de Rome, professeur d’harmonie au CNSM, elle m’avait - à ma grande stupeur – personnellement joint au téléphone, me disant que ma prestation sans faute (la seule !) à la dictée harmonique du concours d’entrée en solfège spécialisé, prédisait des capacités dans sa matière, et m’avait proposé de suivre ses cours dans un studio proche de la station « Europe ».
Avec Paul Badura-Skoda, je tenais désormais celui qui me transmettrait LA tradition ; comme Mikuli avait formé Koczalski dans le respect des recommandations de Chopin, ce Viennois fascinant serait pour moi le passeur d’âme qu’il me fallait ! Mais comment aborder un tel homme, qui ne devait pas manquer d’émules ? Je tombai alors, quelques temps plus tard, par hasard, sur l’annonce d’un concert au théâtre des Champs-Elysées où devait se produire le grand homme. « Par hasard », parce qu’en ces temps - qui nous paraissent déjà médiévaux - dépourvus d’ordinateur, d’internet, la moindre information tenait du miracle pour un banlieusard qui ne connaissait vraiment de Paris que la rue de Bellechasse - qui permettait de rejoindre, de la gare d’Orsay, la station de métro Solférino, et de là le quartier de l’Europe, donc le centre du monde musical ! Et c’est ainsi qu’après avoir reçu la révélation de Mozart, de Schubert par le jeu perlé de l’immense pianiste, je me retrouvai à la fin du concert, à attendre le maître en compagnie d’un jeune homme, visiblement aussi marqué, bouleversé que moi, par une approche si intime du clavier. Jean-Marc Luisada et moi avions sans aucun doute le même objectif : obtenir le sésame pour poursuivre auprès de notre nouveau mentor notre formation. Quel soulagement de découvrir alors un être si abordable, si affable, que le succès éclatant qu’il venait de connaître ne rendait pas le moins du monde inaccessible. Paul Badura-Skoda était la gentillesse, la prévenance même. Lui qui connaissait à fond le répertoire ; lui qui avait joué avec les plus grands (Furtwängler, Oïstrakh, Karajan !) était d’un abord si facile que soudain les espoirs les plus fous pouvaient prendre naissance. « Pourquoi ne viendriez-vous pas au stage que j’organise à Assisi cet été ? » s’exclama-t-il. Pensez-donc ! Comment résister à cette invitation? Ni la perspective, pour un jeune conducteur, d’un trajet de 1300 km avec une 204 - dont les cylindres ne survivraient pas à l’expédition ; ni celle d’un travail acharné pour me montrer digne d’une telle opportunité ne pouvaient m’arrêter !
Une déconvenue nous attendait cependant dans la merveilleuse cité ombrienne. Devant le nombre important de candidats au stage, il avait été décidé qu’un concours départagerait les stagiaires « officiels » des auditeurs libres ! Et c’est avec un grand soulagement que j’appris, le lendemain de cette nouvelle épreuve (je venais d’obtenir le premier prix d’excellence du concours Nerini quelques semaines plus tôt) que Jean-Marc et moi étions les deux uniques candidats français retenus pour participer activement aux masterclasses.
Suivirent deux semaines de pur bonheur, dans une cité médiévale dans laquelle j’avais déjà dû vivre une ou plusieurs existences, tant elle me semblait familière. A chacun de mes nouveaux passages dans cette sainte ville, j’ai éprouvé le même émerveillement devant l’harmonie des roses saumon et des beiges mordorés de San Rufino ; La même félicité à arpenter les ruelles étroites, dans lesquelles l’apaisante humidité se moque de la fière sécheresse des arcs, témoins d’architectures oubliées qui ont vu, durant des siècles, passer les robes de bure des compagnons de San Francesco et de Santa Chiara.
Un tel écrin pour une telle révélation artistique ! Jamais je n’oublierai les gelati dégustées en compagnie de Paul après un après-midi de travail, alors que le souvenir des pages classiques ou romantiques décortiquées s’estompait peu à peu devant les cris stridents des hirondelles, résonnant sous les architraves des temples et des chapelles. La vision musicale du maître viennois se faisait chaque jour plus évidente. Chaque jour plus net son souci de ne pas trahir la pensée des compositeurs en s’imprégnant des sources, et en s’inspirant des sonorités des instruments anciens. C’est à cette époque que j’appris combien la pédanterie était signe de médiocrité, et combien humbles pouvaient se montrer les vrais, les grands ! Cet axiome, je le vérifierai plus d’une fois dans ma carrière… Auprès des Cziffra, Chailley, Loussier, Barjavel ! Les journées et les soirées étaient chargées : en plus du stage, se déroulait un symposium Bartók, qui nous permit, par exemple, d’entendre l’intégrale du Mikrokosmos du Hongrois sous les doigts de son seul véritable élève, György Sándor. Pas le temps vraiment de flâner à la tombée du jour… juste celui de rejoindre, à partir de la Piazza del Comune le couvent qui nous servait d’hôtel (aujourd’hui occupé par le CEFID (Centro Francescano Internazionale per il dialogo) dans la rue Metastasio. Nous y occupions trois par trois des anciennes cellules reliées par un sombre couloir digne de celui qui terrorisa autrefois Chopin à la Chartreuse de Valdemosa, et qui inspira ses hilliardesques préludes. Qu’il s’agisse de musique religieuse sous le ciel étoilé du Duomo San Francesco, ou sous le vrai ciel étoilé du cloître ; ou encore de concerts profanes dans le théâtre Metastasio : à chaque soir sa nouvelle découverte.
Badura n’était jamais très loin, même les jours de congé. C’est ainsi que ma modeste 204 nous permit, le week-end suivant, de faire une excursion au lac Trasimène… avant de rendre l’âme ! Durant tout le trajet reliant le petit village de Saint-Chéron, où j’avais passé ma jeunesse - dans un appartement de fonction accordé à ma mère pour diriger l’école primaire - à la colline d’Assisi, le moteur de cette voiture était en effet tellement monté en température, qu’il m’avait fallu, en plein été, laisser à fond le chauffage, toutes fenêtres ouvertes, pour éviter que l’eau du radiateur ne se vaporise totalement. A chaque feu rouge, à chaque ralentissement, l’aiguille du thermomètre grimpait si rapidement sur le tableau de bord, que je devais coûte que coûte repartir sous peine de perdre une demi-heure précieuse à attendre le refroidissement total, pour remplir à nouveau le radiateur ! La conjonctivite qui avait résulté de ce trajet à tous les vents, m’avait valu la commisération d’un groupe de jeunes italiennes, aussi charmantes que peuvent l’être romaines et napolitaines à vingt ans, qui assumaient, chaque matin, la délicate tâche de verser quelques gouttes de collyre dans mes yeux totalement collés par la lymphe.
Plein d’entrain et d’humour, dans ce véhicule moribond qui nous menait là où Hannibal Barca avait défait Flaminius, Paul nous racontait des anecdotes de sa carrière. Il fallait voir et entendre cet auguste maître du vénérable pianoforte, devenu plus potache que nous, s’amuser au point, quelques heures plus tard, de se baigner torse nu, en cravate, aux côtés d’Andrea Bonata, son « assistant », aussi « déconneur » que lui ! Lorsque nous prîmes le bateau, je m’emparai, à l’hilarité générale, de l’accordéon d’un musicien ambulant, pour faire chanter et danser les passagers, sans savoir que Paul avait, lui aussi, donné autrefois des bals sur cet instrument ! Nous étions en comité très restreint, car la voiture des italiens, qui voulaient nous suivre, avait mal pris un virage – Ah ! la conduite machiste des romains de l’époque ! – et avait explosé son côté droit dans une porte multi-centenaire de Pérouse. Et si la porte n’avait rien senti, je vis, dans le rétroviseur, aux gestes explicites et nombreux - comme tous ceux de ces contrées brunes – du bel italien, que sa voiturée ne poursuivrait pas la randonnée! Aussi avions nous le maître pour nous, et nous comptions bien en profiter !
Alors que nous rentrions à la nage d’une petite île où nous nous étions rendus de même, et où Paul avait découvert le chant d’un oiseau, qu’il s’évertuait à imiter sans relâche (quitte à nous faire boire la tasse, tant nous riions), il s’approcha de moi en deux brasses, et me dit : « tu joueras la ballade de Chopin au concert final, n’est-ce pas ? » Très honoré de faire partie des rares stagiaires qui s’exprimeraient dans LE concert de clôture du stage, je mesurais la chance qui ne m’avait pas abandonné depuis cette émission de télévision entrevue par hasard ! Et le maître, quelques jours plus tard, accroîtrait encore ma fierté, en me prenant à part et en me chuchotant : « pour le concert de quatre mains que je vais donner ce soir, je voudrais que ce soit toi, et personne d’autre, qui me tourne les pages ». Cette fois, c’était la gloire ! J’allais figurer, durant un concert entier, au côté de mon idole, attisant toutes les convoitises !
Oui, mais voilà ! Le débutant que j’étais ignorait encore que la tourne de pages est un art en soit ; et ma première expérience en la matière fut un fiasco absolu ! Chacun des deux pianistes qui se faisaient face - comme toujours, pour un concert à deux pianos - avait évidemment son tourneur (en l’occurrence de l’autre côté une tourneuse). Envouté par le jeu magique du viennois, je me mis à rêvasser en perdant totalement le fil de la portée. Jamais, de ma vie, je ne regretterais davantage de ne pas avoir l’oreille absolue que ce jour-là où, la panique aidant, je tournais trop tôt la page, que le Viennois fut obligé de retenir de sa main droite, en émettant fortement un « non ! », à la manière d’un ancien souffleur de la Comédie Française ! Mes joues, que les puissants projecteurs mettaient bien en valeur, devaient être écarlates. Je ne savais plus sous quelle latte me dissimuler. La deuxième tourneuse était, elle, sans doute davantage rompue à l’exercice. Quant au public, il avait commencé à trouver ma mésaventure fort divertissante, et ne parvint plus, quelque minutes plus tard, à juguler un éclat de rire « symphonique », lorsque, pour la première fois depuis le début de la soirée, les deux tourneurs avaient tourné la page en parfaite simultanéité !
J’ai dit combien Paul était une personne aimable et charitable. Je l’avais vu, par exemple, lors des séances de travail, reprendre patiemment un élève asiatique, au toucher d’une dureté dévastatrice, en lui suggérant qu’il pourrait peut-être « assouplir quelque peu son poignet ». Alors que je lui faisais part discrètement de mon admiration devant sa patience infinie, il me fit remarquer que c’était dans les mœurs de ces pays que résidait la dureté, et qu’il ne fallait absolument pas en tenir rigueur à cet étudiant!
A l’entracte, Paul se contenta de me donner un cours accéléré sur l’art de tourner les pages : comment tenir ma cravate, pour qu’elle ne pende pas sur le clavier durant « l’acte » ; de quelle manière commencer par corner, en haut, la page de droite, pour laisser déjà apparaître le verso, avant de commettre « l’acte »… etc. Mais les vieilles américaines, dans le public, se montreraient plus rancunières que Paul ! En visite, le lendemain, aux Carceri, ces incroyables « cachots » (c’est la traduction du mot) que creusèrent Saint-François et ses compagnons à l’écart de la ville, une des vieilles américaines m’aperçut de loin, et, me pointant du doigt, s’exclama : « c’est lui qui a si mal tourné les pages hier soir ! ». Paul, à qui je narrai la chose, partit alors d’un éclat de rire qui résonne encore à mes oreilles. Le concert final ne fut guère pour moi plus brillant que ma tourne de page. Epuisé par tant de spectacles et affaibli, pour la première fois de ma vie, par le syndrome de Stendhal, je m’égarai à chaque carrefour de la ballade en lab majeur - comme au temps insouciant où, lycéen à Dourdan (le lycée se trouvait à l’orée de l’immense forêt), je cherchais en vain, dans les pancartes de bois, une indication, afin de retourner à l’heure en cours. Mes reprises involontaires prolongèrent mon séjour sur scène d’au moins trois modulations !
Qu’importe ! Ce concert clôturait les plus belles semaines de ma vie ; aussi belles que celles que, plus tard, je savourerai en organisant moi-même des stages de piano dans la grange beauceronne que j’allais bientôt acquérir. Quel contraste avec l’été précédent, qui avait vu la disparition brutale d’Isabelle, ma belle Isa, celle vers qui allaient alors toutes mes pensées ! Blonde et douce danseuse, récemment inscrite aux Beaux-arts, elle avait, dans la voiture de ses camarades bacheliers, fait la rencontre fortuite, près de Bari, d’un érable au bord de la nationale. Je m’étais fixé comme objectif, après Assisi, de descendre la botte, pour subir l’horrible anniversaire, à l’endroit même où l’irréparable s’était déroulé. Mais j’avais d’abord une mission plus aimable à assumer : raccompagner Paul à l’aéroport de Rome dans la 204 toujours proche de l’agonie. Cette mission accomplie par miracle, me valut un cadeau du maître : un 33 tours dédicacé, qu’il m’offrit pour « me remercier de ne pas être tombé en panne ». Au retour, je plaçais la voiture dans un garage à Santa Maria degli Angeli et nous rentrâmes, Jean-Marc et moi, « au couvent » (je ne sais plus par quel moyen). Il était évident que nous ne limiterions pas notre formation auprès du maître à cette unique expérience. Je savais d’ailleurs que je ne tarderais pas à revoir Paul, puisqu’il m’avait invité à le rejoindre à La Roque-d’Anthéron, où allait se dérouler le tout premier festival de l’histoire de ce petit village, blotti dans la vallée de la Durance.
Après le tour commémoratif que j’effectuai en compagnie de mon ami Franck (un autre camarade qui m’a, depuis, aussi, laissé poursuivre seul le chemin, mais qui, en l’occurrence, avait pris cet été-là l’avion pour me rejoindre à Rome), je revins donc en région parisienne. J’avais rendez-vous chez le notaire, chez qui je devais signer l’acquisition d’une masure, perdue dans les champs de blé et de betteraves, qui pourrait me permettre de travailler « d’arrache-mains » le piano, sans déranger le voisinage. Mais j’avais déjà en poche un billet d’avion pour rejoindre La Roque-d’Anthéron, où j’avais de surcroît réservé une place pour un concert de Sviatoslav Richter. Par chance, ma grand-mère y possédait alors un petit studio, dans une résidence pour personnes âgées, dont elle m’avait laissé les clés en son absence, et qui me permettrait de suivre tout le festival à moindre coût. J’y retrouvais donc Paul, qui m’accueillit comme un membre de sa famille. Là, il me fit entendre la bande magnétique de son dernier enregistrement, qui deviendrait son prochain disque (un des quelques deux cents de son immense catalogue). J’eus donc le bonheur de prolonger de quelques jours la proximité avec Badura-Skoda, qui devait donner un récital Mozart (par cœur, donc sans tourneur!). Je fis, en même temps, la connaissance de René Martin, qui s’était lancé dans cette gageure de créer un festival ex nihilo dans cette charmante petite localité, festival qui deviendrait l’immense rendez-vous qu’on sait. Richter n’avait pu finalement quitter l’Union soviétique (pour raison de santé, ou par interdiction des autorités ?), il avait été remplacé par Martha Argerich et Mischa Maïsky. Je fus dédommagé de son absence par la présence de Krystian Zimmerman, qui avait obtenu le prix Chopin l’année de ma terminale. J’eus même le privilège de m’occuper personnellement de lui, pour son retour à l’aéroport, René ne parlant à l’époque ni polonais, ni anglais, lacune assez ubuesque pour le futur créateur des folles journées de Nantes ! La première mouture de La Roque-d’Anthéron nous offrait la présence de nombreuses autres personnalités que j’eus la chance d’entrevoir, comme Youri Egorov (disparu à 33 ans du même mal que Pierre-Olivier), Zoltan Kocsis, et Vlado Perlemuter, le très grand interprète de Ravel. S’il restait encore, à ce grand pianiste, une vingtaine d’années à vivre, il était cependant déjà bien atteint de radotage ! Et c’est dans une hilarité indescriptible, que, dans ce parc du château de Florans, il répéta au moins vingt-cinq fois, pour répondre à LA question qui venait de lui être posée, « Non, Ravel n’était pas vraiment pédagogue ». Ce qui ne porte évidemment pas atteinte à l’aura qui restera sienne, pour tout pianiste s’interrogeant sur l’interprétation du grand compositeur, ni suisse ni espagnol, mais euscaro-savoyard, Ravel. J’avais également fait la connaissance du photographe et réalisateur Pierre-Jean de San Bartolomé, déjà rompu à l’organisation de festivals, et qui devint ensuite mon élève de piano à Paris.
Quant à Paul Badura Skoda, je le croisais, dans les années qui suivirent, de temps à autres. Comme il avait particulièrement apprécié l’originalité de la méthode de piano pour débutant que je venais d’écrire (que j’utilise encore, et qui, malgré les centaines d’élèves qu’elle a - efficacement, je crois - initiés, demeure inédite), il m’envoyait celles qu’il recevait, me demandant d’émettre un jugement à leur sujet. J’avais embauché Jean-Marc Luisada dans une des écoles de musique que je dirigeais alors - dans le village de Corbreuse, tout petit mais géré par un maire fabuleux - ne pouvant dispenser seul les cours à la centaine d’élèves qui s’y présentait. Lui et moi évoquions souvent l’enseignement de notre cher maître. Quelques mois plus tard, lancé à fond dans l’étude de Beethoven, je décidais d’aller prendre un cours chez lui, à Vienne. Affable, à l’autre bout du fil, malgré la partie d’échec qu’involontairement, j’avais interrompue (on sait qu’il accordait une grande importance à ce jeu), il se réjouit de ma venue. Préparant avec soin ces retrouvailles, j’avais réservé, sur la recommandation de Paul, une confortable chambre d’hôtel, pas très loin de la « Zuckerkandle gasse » (rue du sucre Candie !) où il habitait. Ayant voyagé une partie de la nuit, je m’y étais installé, et endormi ( !), laissant passer l’heure à laquelle nous avions convenu de nous retrouver. C’est son coup de fil qui me réveilla : « Philippe, tu as dû t’endormir, je pense… je t’attends, viens vite» ! Encore une maladresse involontaire, aurait dit la vieille américaine des Carceri ! Je courus donc prendre le tramway qui m’amena rapidement chez lui.
Vienne est une ville charmante, où la campagne et la forêt sont tellement proches du centre-ville, qu’on s’y sent, encore de nos jours - comme au temps de Sissi et Strauss, humainement bien. Paul possédait une magnifique maison bourgeoise, dont le terrain formait une petite butte, qui versait ensuite sur le ruisseau attenant. Sur cette butte, il s’était fait construire un studio, véritable pavillon secondaire, dans lequel se trouvaient, au premier étage, face à une imposante bibliothèque, plusieurs pianos : un pianoforte du temps de Mozart ; un autre plus proche de Schubert ; un Impérial Bösendorfer, et un autre grand queue de concert de la même marque, du début du XXe siècle, dont la sonorité était si particulière qu’on avait l’impression, en enfonçant les touches, que les sons en sortaient sans la moindre percussion préalable. J’étais, moi, « plutôt  Steinway » comme on dit dans le monde des pianistes, et cela depuis le jour où (à 7 ans je crois) j’avais attendu que le Chatelet se vide de tout public, pour me faufiler sur scène et poser mes doigts sur le monstre sacré, qui venait de me procurer tant de plaisir auditif ! C’était lors d’un de ces extraordinaires « concerts pour la jeunesse » du dimanche matin, auxquels ma mère avait pris l’habitude d’emmener (et je faisais évidemment partie du voyage), quelques élèves de sa classe de CM2, dans son propre véhicule ! De nos jours, une telle initiative lui vaudrait de la part de l’Education nationale, un blâme immédiat, le seul but de l’Institution étant, aujourd’hui, d’éviter tout conflit avec les parents d’élèves, devant qui tout professeur doit apprendre à faire révérence. Pensez-donc ! S’il y avait eu un accident ! Quelle responsabilité ! Elle échappa d’ailleurs un jour, dans d’autres circonstances, de justesse à l’un de ces accidents : alors qu’elle faisait visiter Notre-Dame de Paris (encore coiffée !) à une classe entière, une personne avait décidé de mettre fin à ses jours, en se jetant du haut de la galerie des rois. Fort heureusement, la pauvre femme avait fini sa course plusieurs dizaines de mètres plus loin.
Les concerts du dimanche matin, donnaient la possibilité à de nombreux jeunes et moins jeunes, de découvrir le monde classique, comme le fait encore de nos jours, par exemple, la formule « lycéens à l’opéra » (sauf que les élèves en étaient, à l’époque, plus reconnaissants que certains, vus récemment à l’Opéra de Lyon, avec un walkman sur les oreilles, pendant que se déroulait la représentation lyrique)! Ces séances étaient présentées par le non moins extraordinaire Pierre Hiegel (à ne surtout pas confondre avec Zygel !!!), qui traversait toujours la scène d’un même pas vif ; posait son pied gauche sur l’estrade du chef d’orchestre, toisant la salle ; avant de prendre la parole par une de ces formules cinglantes qui faisaient mon régal : « Vous connaissez Rachmaninov, ce compositeur qui eut la mauvaise idée, un jour, d’écrire le prélude en ut# mineur ? ». Je dois avouer que toutes les présentations orales ou écrites de concert que j’ai faites dans ma carrière, gardaient en mémoire, comme des modèles insurpassables, ces entrées fracassantes de Pierre Hiegel !
Mais revenons aux pianos de Badura ! J’eus peu d’occasions, dans ma vie, de jouer sur de telles merveilles ! Il est vrai que, quelques années plus tard, j’eus la chance de donner un récital, dans le cadre du festival Chopin à Bagatelle, sur un Pleyel de 1830 que m’avait gracieusement prêté Christophe Grasser ; sur un Pleyel de 1848 (un des derniers modèles qu’avait pu connaître Chopin !) et surtout sur un Gaveau du début du XXe siècle, appartenant à Daniel Magne, dont la sonorité en émerveilla plus d’un. Après m’avoir présenté ses pianos favoris, Paul m’emmena au sous-sol. Là, pêle-mêle gisaient une bonne vingtaine d’antiquités, amoncelées les unes au-dessus des autres, ou sur champ, sans ou avec pieds, attendant une restauration nécessaire et un espace plus important. J’y vis des merveilles - qui doivent toutes maintenant figurer à bonne place dans ce musée qui les regroupe - dont un Broadwood de toute beauté, et aussi ce piano déjà sur pieds, qui possédait un nombre impressionnant de pédales. Je retrouvai l’espièglerie trasimènienne de mon hôte, lorsqu’il me joua une sonate de Mozart, en appuyant successivement sur ces pédales qui commandaient tambourins, cymbales et autres castagnettes !
Après la leçon, il m’emmena dans son propre studio d’enregistrement, à l’intérieur de la maison cette fois, où trônait un ultime Impérial Bösendorfer ! Là, il m’expliqua comment mettre en marche ses appareils pour enregistrer, alors qu’il serait sorti, une transmission radiophonique, en direct, d’une œuvre de son grand ami Franck Martin. Mais (se souvenant peut-être de mes prestations de jeunesse…) il dut écourter ses courses, afin d’être de retour à l’heure de la diffusion. Je pense aujourd’hui avec émotion, alors qu’il vient de nous quitter, pour retrouver ses dieux Mozart, Schubert et Beethoven, à la sollicitude dont Paul faisait preuve à mon égard, et à la jalousie qu’auraient pu ressentir certains de ses élèves, me voyant parcourir, en sa compagnie, les salles de l’Albertina, nous amusant tous deux à détailler, sur les tableaux de Bruegel, les attitudes - peintes avec tant de précision – de ses personnages rabelaisiens.
Mais le tourbillon de la vie nous entraîne… et ce n’est que très sporadiquement que j’eus encore le plaisir de rencontrer Badura. A Lyon, à Paris, à Chartres, ou encore à Senlis, où il donnait une masterclass, et où j’avais décidé de lui présenter une jeune et brillante élève ! S’adaptant à l’âge de la jeune fille, il dessina - plus qu’écrivit - sur la partition de la fantaisie en ré mineur, des annotations proches de ce que nous appellerions, de nos jours, des émoticônes ! « Ne pas courir », plus joyeux etc. Il n’aura jamais, durant sa longue carrière, perdu cette envie de transmettre, par tous les moyens possibles, le savoir fascinant qui était le sien! Et c’est avec une grande fierté que j’ai publié très récemment, chez Beauchesne, le troisième fascicule d’une série qui s’intitule « Initiation à l’harmonie et à l’interprétation à partir des Polonaises de Chopin », que le maître, peu de temps avant sa mort, a bien voulu préfacer. Après les adorables encouragements que j’ai déjà reçus, pour ce travail, d’un Florent Boffard ou d’un Yves Henri, cette préface place encore plus haut la barre qu’il me faudra atteindre, pour tenter de transmettre à mon tour, aux apprentis-pianistes, mes maigres connaissances, et me montrer digne de l’amitié de celui qui fut mon maître et mon ami, Paul Badura-Skoda.


Philippe MORANT
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

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Marie-Thérèse Cahn (Contralto)



18 septembre 1929 (Fontaines-Mercurey) 11 septembre 2019 (Paris)

Après des études universitaires et musicales à Aix-en-Provence, Marie-Thérèse Cahn entre au CNSMDP en 1950 dans la classe de Ketty Lapeyrette. Sa carrière débute dans un répertoire autant baroque, que classique ou romantique, sous la direction de Louis Fourestier, André Cluytens, Jean Martinon, Pierre Dervaux, Pierre Capdevielle, André Jouve, avec qui elle enregistre en exclusivité chez Ducretet-Thomson et travaille aux côtés d'Antoine Geoffroy-Dechaume à la Société de musique d'autrefois fondée par la comtesse Geneviève Thibault de Chambure. Remarquée à Bayreuth par P. Boulez, en 1955, elle sera la créatrice en France du Marteau sans Maître. Sa carrière sera ensuite orientée vers la musique contemporaine. Marie-Thérèse Cahn fait partie des quelques spécialistes du répertoire contemporain des années 1960 aux côtés de Ethel Semser, Berthe Kal, Helga Pilarczyk, Cathy Berberian en participant aux créations du "Domaine musical" dès 1954. Pierre Boulez, Hermann Scherchen, Igor Stravinsky, Charles Bruck, Marius Constant, Diego Masson, Bruno Maderna, Ernest Bour, György Ligeti, Friedrich Cehra (...) l'ont dirigée dans de nombreux théâtres et festivals nationaux et internationaux (Paris, Aix-en-Provence, Angers, Avignon, Tours, Darmstadt, Donaueschingen, Salzbourg, Innsbrück, Berlin, Cologne, Hambourg, Münich, Bruxelles,Gand, Venise, Milan, Rome, Etats-Unis...).
Sa vie musicale très intense l'a fait côtoyer les plus grands interprètes, instrumentistes, chanteurs et compositeurs , et chanter les oeuvres de Boulez, Ballif, Henze, Kagel dont elle a créé Anagramma (1957), Ligeti dont elle a créé Aventures (1963) puis Nouvelles Aventures (1966) Aperghis dont elle a créé Pandemonium (1973)... Sa dernière prestation eut lieu à Paris, à l'Opéra-Comique en juin 1979, dans les "Aventures" et "Nouvelles aventures" (dix ans d'exclusivité et de succès exceptionnel). Elle décida ensuite de quitter la scène pour se consacrer à l'enseignement. En 1977, elle est engagée à la Maîtrise de Radio-France pour y former les solistes (jusqu'en 1988), au CNIPAL de Strasbourg (1984 et 1985), puis au CNIPAL de Marseille (de1986 à 1989) à la demande de Raymond Duffaut, directeur de Chorégies d'Orange. Conjointement elle enseignait au CNSMDP de Paris (depuis 1985).

Deux de ses enregistrements ont reçu le Grand Prix du disque Académie Charles Cros (1954 et 1957).

Marie-Thérèse Cahn était l'épouse d'André Jouve, chef d'orchestre et Directeur des Services musicaux de Radio-France.

Sophie JOUVE-GANVERT
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Gaudeamus: Stefan Maier, entre performances électroniques et installations sonores
Benjamin van Vliet (traduction Alexandre Craman)


Le jeune pionnier canadien de la musique Stefan Maier (1990) partage son temps entre des performances électroniques en solo et la composition et la réalisation d'installations sonores. Il écrit des œuvres acoustiques avec la même force explosive que pour sa musique électronique expérimentale, mais garde toujours un œil strict sur la structure et la forme.


Maier, selon ses propres mots, « a trébuché dans les portes du conservatoire ». Jouant dans divers groupes de grindcore et de noise, il s'est retrouvé dans un cours de composition où il a été époustouflé par la musique de Helmut Lachenmann et Pierluigi Billone. Partant s'installer à Berlin comme assistant de Rebecca Saunders pendant deux ans, il s'imprègne du monde de la musique contemporaine allemande. Parallèlement, il se rend dans des clubs la nuit, «comme tout le monde à Berlin», découvrant ainsi des artistes de musique électronique expérimentale tels que Thomas Ankersmit et Maryanne Amacher: «La tactilité de leur son m'a complètement consumé».
Les influences du classique contemporain, de l'art sonore et de la musique électronique se mêlent dans ses pièces empreintes d'une intensité et d'une énergie débordantes, faisant appel à des instruments fortement amplifiés, des synthétiseurs modulaires et des systèmes multicanaux. « Ce genre d’énergie persistante et anxieuse, comme quelque chose qui vibre continuellement et quand vous le touchez, elle se transforme radicalement; Tous les matériaux qui m'attirent partagent cette indiscipline. Ce que je veux toujours, c’est avoir le sentiment que tout peut changer à tout moment. »
Maier est fasciné par les systèmes électroniques auto-organisés et par le détournement créatif des technologies. Exploiter la mince frontière entre contrôler à peine un son et accepter qu’il ait sa propre vie intérieure. Comme dans sa pièce Territoires III: «Quelque part vers la fin de la pièce, un sifflement est donné et l’électronique en direct le détecte, ce qui produit un son aigu et constamment modulant qui n’est plus que là. Il a sa propre vie, indépendamment de ce que font les musiciens. Je ne le contrôle plus. "
Dans Territoires III, il développe son approche du son de manière conceptuelle, également, en dialoguant avec le célèbre pianiste classique du XXe siècle, Glenn Gould, et son émission radiophonique The Idea of ​​the North. « Je lisais des essais que Gould avait écrits sur le fait de quitter la salle de concert et de se concentrer uniquement sur l’enregistrement, ce qu’il a fait à l’âge de 31 ans. Pour lui, c’était une façon de contrôler totalement son matériel, contrairement à la dynamique et aux imprévisibilités d’un spectacle. Il croyait que la technologie lui donnerait ça. De nos jours, nous avons compris que la technologie n’était pas simplement un outil passif. C’est un agent actif. Et je ressens la même chose à propos des instruments.
Récemment, il a commencé à jouer de plus en plus de spectacles solo, à expérimenter librement avec des sons électroniques. Cependant, il trouve qu’il est toujours entre deux univers: “Quand je joue en solo, je suis généralement trop académique, trop propre et approprié pour les gens bruyants. Et puis je suis trop direct pour les nouveaux musiciens. J'essaie de trouver un terrain d'entente. Mais je passe toujours mon temps à me soumettre à ce type d'aspects temporels et formels de la composition, ce qui me place carrément dans le camp des compositeurs traditionnels."
Quand il travaille avec des musiciens, c’est la différence d’approche qui l’attire. “Ce qui m’intéresse, c’est de créer une situation dans laquelle l’interprète découvre quelque chose de nouveau sur son instrument et son écoute habituée. Si je me clonais moi-même 20 fois, je pourrais jouer mes pièces avec autant de bravoure et d’intensité et ce serait formidable, mais en même temps cela ne serait pas aussi intéressant, car rien de nouveau n'émergerait. Mais c’est difficile, car lorsque vous travaillez avec un ensemble, vous devez en quelque sorte commencer par la culture pour prendre conscience de l’indiscipline matérielle dans laquelle je suis. Parce que ce n’est pas quelque chose qui nous est enseigné dans les conservatoires, il faut apprécier les sons imprévisibles. "

Lien vers la publication originale:
https://gaudeamus.nl/en/pioniers/stefan-maier/

Benjamin van Vliet
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Gaudeamus: Remy Siu, Compositeur scénographe
Benjamin van Vliet (traduction Jonathan Bell)



Pour le jeune pionnier de la musique canadienne Remy Siu (1990), l'éclairage et la scénographie sont tout aussi importants que le son. Il utilise des dispositifs de jeu interactifs changeant en temps réel comme alternatives aux partitions, ce qui donne des performances multidisciplinaires ambitieuses et géniales.
Quand il parle de son processus de composition, Siu parle au pluriel: "nous" avons créé une pièce, pas "Je". Cela en dit long sur la quantité de collaboration interdisciplinaire qui a lieu dans ses projets. Et Siuu se limite à s’occuper uniquement de la musique: selon le projet, il peut être responsable des images en direct, du son ou de la "direction générale", ce qui "sonne plus glamour que ce n’est" ajoute-t-il. Si quelque chose relie ses différents rôles, c’est sa fascination pour les toutes nouvelles technologies: «Tous les deux ans, ce que vous pouvez vivre avec un ordinateur portable change de manière significative. C’est l’énergie vers laquelle je gravite.


Tout a commencé quand il a commencé à faire de la musique pour des spectacles de danse tout en étudiant la composition à Vancouver. Il a rapidement été frustré par une partie du processus: “Souvent, nous faisions des répétitions en travaillant uniquement sur le son, puis au dernier moment, on allait au théâtre et nous devions travailler très vite l’éclairage sans avoir presque aucun contrôle. par-dessus. Je voulais avoir la même immédiateté avec cette partie de la performance."
Puis, après avoir travaillé pendant un certain temps à faire de la lumière et de la vidéo en direct, il s’est aperçu qu’il n’avait plus aucune satisfaction à composer. «J'étais de nouveau assis à une table avec un stylo et du papier, ou peu importe. J'avais du mal avec la partition. Je n’aimais que ça ne change pas en fonction de ce que j’y écris. Je sentais que je ne pouvais pas réconcilier les deux aspects de mon travail, les systèmes de composition et les systèmes en temps réel. J'ai donc plongé profondément dans la deuxième voie, car il y avait beaucoup plus d'énergie et de surprises là-bas en termes de processus. ”



En tant que joueur passionné de jeux vidéo, Siu a commencé à créer des systèmes logiciels en utilisant des mécanismes de jeu en temps réel, dans lesquels les artistes doivent suivre les instructions de la même manière que les joueurs d’un jeu répondent à des instructions changeantes, comme dans sa pièce Foxconn Frequency (no.3), dans laquelle les musiciens doivent exécuter des tâches presque impossibles et en constante évolution. Leur succès ou leur échec est présenté sous la forme d’un cube imprimé en 3D en direct, tandis que la bande son d’ambiance électronique joue sans relâche.
La pièce est un commentaire incisif sur la pédagogie du piano et les conditions de travail inhumaines dans les usines de la multinationale électronique Foxconn, dans laquelle les matières premières de la quasi-totalité de nos technologies grand public modernes sont fabriquées par des travailleurs anonymes, principalement chinois. La pièce indique spécifiquement qu'elle devrait être interprétée par «trois artistes délibérément chinois», en soulignant la partie conceptuelle de la pièce, ainsi que “ces œuvres sont également destinées au corps. Il est donc tout aussi important de définir de quoi les artistes ont l’air et ce qu’ils sont par exemple, plutôt que de déclarer simplement qu’une pièce est pour violon ou quelque chose du genre.”



Naturellement, l’information sur l’appartenance ethnique des interprètes souligne également le manque de diversité ethnique sur la nouvelle scène musicale. «Non, il n’y a pas beaucoup de diversité dans la nouvelle musique. Et je pense que si vous voulez vraiment la diversité, vous ne pouvez pas simplement demander à d’autres types de personnes de participer au même processus qui a été fait pendant des siècles. Pourquoi voudraient-ils faire cela? La nouvelle musique devra donc s’étendre pour s'adapter à différentes pratiques et processus. Les personnes de couleur pourraient alors avoir l’impression de pouvoir s’exprimer correctement dans cette infrastructure. »

Lien vers la publication originale https://gaudeamus.nl/en/pioniers/remy-siu/

Benjamin van Vliet
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Gaudeamus: Maya Fridman, Violoncelliste improvisatrice
Benjamin van Vliet (traduction Alexandre Craman)



La violoncelliste Maya Fridman est musicienne en résidence chez Gaudeamus en 2018 et 2019. Au cours des deux prochaines années, elle aura l'occasion de commencer diverses collaborations, d'écrire et d'arranger ses propres œuvres musicales à Gaudeamus. En 2019, elle a remporté la finale du talent classique néerlandais. Le jury a dit de Maya Fridman : "Si ce que Maya a joué était un miroir du monde d'aujourd'hui, alors nous voulons vraiment plus d'aujourd'hui, s'il vous plaît!"

Fridman est née à Moscou en 1989 et joue du violoncelle depuis l'âge de six ans. Sa recherche de nouvelles musiques et expériences l'ont menée à Amsterdam, où elle a obtenu son diplôme avec mention honorifique au Conservatoire en 2016. Fridman est une maître violoncelliste qui peut et veut tout jouer: classique, pop, rock (gothique), folk, jazz, new musique ou flamenco. Grâce à son éclectisme et à son style de jeu expressif, de plus en plus de compositeurs veulent écrire des pièces spécialement pour elle.
Fridman joue dans divers ensembles et collaborations, dont un duo avec Gagi Petrovic (violoncelle, électronique live et deux voix), le trio de jazz Aeon Trio, divers projets avec l'auteur-compositeur-interprète Jyoti Verhoeff et en tant que musicien invité avec le groupe folklorique allemand Faun.
Elle a sorti trois albums sur le label TRPTK à Utrecht en 2017 et 2018: The Invisible Link avec des pièces d'Alfred Schnittke, Pteris Vasks et Arvo Pärt; Red Velvet avec des morceaux de Karen Tanaka, Gaspar Cassadó et Kaveh Vares, qui a écrit le morceau titre spécialement pour Fridman; et dernièrement, The Fiery Angel (l’ange de feu), une adaptation de l'opéra du même nom de Profokiev pour violoncelle et piano.
Au cours de sa résidence à Gaudeamus, Fridman a collaboré, entre autres, avec le compositeur Maxim Shalygin, ce qui a donné lieu à une nouvelle pièce pour violoncelle solo: Canti d’inizio e fine. Un cycle monumental de 7 chansons pour violoncelle (et voix) sur les thèmes de la naissance, de la vie et de la mort. Avec le pianiste, artiste plasticien, compositeur et réalisateur japonais Tomoko Mukaiyama, Fridman a réalisé l'adaptation musicale et théâtrale de Peer Gynt d'Alfred Schnittke pour violoncelle et piano.

Lien vers la publication originale https://gaudeamus.nl/en/pioniers/maya-fridman/

Benjamin van Vliet
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Gaudeamus award 2018 : Sebastian Hilli
Benjamin van Vliet (traduction Alexandre Craman)


Le compositeur finlandais Sebastian Hilli a remporté le Gaudeamus Award 2018. En 2019, il reviendra à la Gaudeamus Muziekweek avec sa toute nouvelle œuvre commandée pour Asko | Schönberg.


Le jury, composé des compositeurs Mayke Nas, Nicole Lizée et Richard Ayres, a déclaré à propos de Hilli: «Sebastian Hilli possède une esthétique très personnelle qui sous-tend toute sa musique. Il possède les connaissances techniques et l'imagination nécessaires pour réaliser ce qu'il est conduit à créer. Sa musique associe des structures audacieuses à une grande variété de détails sonores subtils. ”
Le compositeur finlandais Sebastian Hilli est toujours à la recherche d'une musique enchanteresse. “Je veux toujours me mettre au défi, ma pensée et ma musique. Prendre des risques peut être une tâche difficile, mais cela peut générer quelque chose d’inattendu, quelque chose que vous pensiez impossible au début. Cela peut mener à quelque chose de vraiment intéressant et beau”.
Hilli a commencé très tôt à faire de la musique. “J'ai d'abord joué du piano classique et mon intérêt pour la composition a commencé avec l'improvisation. J'aime improviser vraiment gratuitement, surtout à partir de rien. Sans règles ni styles, ce qui limitait le jeu du piano classique. C'est ainsi que je me suis intéressé à créer quelque chose à travers la musique. Au lycée, j'avais un professeur de théorie de la musique et elle m'a dit que je devrais écrire mes improvisations. C’est là que j’ai commencé à composer.”


Cela semble paradoxal lorsqu’on écoute la composition de Hilli. Sa musique est bien conçue, très précisément structurée et notée en détail. Comme l'indique son site Web , il est “caractérisé par des textures tissées complexes et des sonorités nuancées sur des processus de longue durée”. Son concerto pour guitare et ensemble de chambre, Confluence / divergence (2013-2015), en est un bon exemple. Il lui a fallu deux ans pour l’écrire, car il “travaillait avec des combinaisons complexes d’entités sonores et de techniques instrumentales qui nécessitaient d’être approfondies et explorées au moyen de méthodes de notation méticuleuses.”
Il n’y a pas beaucoup de place pour les artistes interprètes. Pourtant, son intérêt pour l'improvisation libre est toujours perceptible dans sa musique. Notamment dans Paraphrase II (2016), d’une série de trois œuvres à ce jour, où il cite la musique du saxophoniste de jazz et improvisateur John Coltrane. Dans la série Paraphrase, il utilise des pièces spécifiques d'autres compositeurs ou styles de musique sur lesquels il réfléchit dans son propre travail. Le premier Paraphrase (2015) utilise une chanson de Jean Sibelius basée sur le poème Verandan vid havet du poète suédois Viktor Rydberg. La troisième paraphrase (2016) est basée sur le madrigal O dolorosa gioia de Carlo Gesualdo comme point de départ. Dans Paraphrase II, Hilli fait explicitement référence à la composition de John Coltrane, Giant Steps, ainsi qu’aux idées empruntées au genre musical Acid House. Mais il y a plus que ça. En fait, utiliser d'autres musiques est une technique souvent utilisée dans cet ensemble: «C'est un moyen important de traiter des problèmes d'un style spécifique et de réfléchir à ma propre musique. D'abord, je connais très bien le matériel. Les premiers croquis sont presque des transcriptions. Pas à pas, je me rapproche de mon propre style, mais une partie du matériel original reste. C'est un moyen intéressant de découvrir différents éléments et de trouver quelque chose de nouveau. ”Pour Hilli, l'histoire de la musique ressemble à un coffre à trésor musical, dans lequel il sélectionne de merveilleux joyaux. Il donne une nouvelle lecture du passé musical et une fois terminé, il ne peut être décrit que comme le sien.



Lien vers la publication originale https://gaudeamus.nl/en/pioniers/sebastian-hilli//

Benjamin van Vliet
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

SPECTACLES

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Christian Klinkenberg, Le Glacier, opéra 2.0

Christian Klinkenberg créait son deuxième opéra le 27 octobre au Bozar de Bruxelles. Après sa première belge, cette production aura également plusieurs dates à New York.

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@Philippe Beck

Klinkenberg réussit une prouesse d’hybridation des genres, entre musique improvisée et écrite, savante et populaire, en grande partie grâce à un ingénieux mélange de partitions graphiques animées (dans lesquelles les écrans des interprètes suggèrent les contours mélodiques de chacun, semi-improvisés), et des passages écrits et dirigés de façon plus traditionnelle. L’ensemble instrumental, constitués de musiciens experts en musique microtonale, donne des couleurs harmoniques absolument remarquables.
Pourquoi Opera 2.0? Un nouveau territoire est disponible dans presque toutes les facettes de cette production. Premièrement, les musiciens abandonnent partiellement les partitions papier au profit d’une partition vidéo graphique qui permettant un style de jeu plus intuitif, avec des combinaisons fluides de styles musicaux, notamment d’avant-garde, de musique, de jazz et de rock. Deuxièmement, le rôle principal est un chanteur "virtuel" sur un écran vidéo. Troisièmement, les musiciens jouent sur des instruments de musique spécialement conçus pour jouer dans des tempéraments rares. Les résultats sont des mélodies uniques et des harmonies nouvellement imaginées. "Cross of the Engaged", à la suite de "The Glacier - Opera 2.0", est le deuxième opéra de Klinkenberg. L'orchestre est composé de musiciens allemands, américains, néerlandais, luxembourgeois, slovènes, français et belges. Ils sont réunis spécifiquement pour leur expertise en matière de musique microtonale.
L’argument : deux jeunes jumeaux, Max et Gabriel, escaladent une montagne pour atteindre un glacier. Bien qu'ils se ressemblent, leurs caractères respectifs sont fondamentalement différents. Pour l'humaniste Gabriel, il s'agit de la première randonnée et il est profondément impressionné par la nature environnante, la taille et la beauté des montagnes laissent une empreinte permanente sur son âme. En revanche, son frère Max observe le paysage à travers les yeux d'un scientifique. Mais les choses tourneront au tragique quand ils atteindront le glacier.

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Tosca
Une histoire d’amour et de politique
Bernard Patary

Melodramma en trois actes (1900)
Giacomo Puccini, d’après Victorien Sardou, livret de Giacosa et Illica.
Opéra Bastille, 14 juin 2019
Direction musicale, Dan Ettinger, mise en scène, Pierre Audi, décors, Christophe Hetzer
Chœurs et orchestre de l’Opéra de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine
Floria Tosca, Martina Serafin
Mario Cavaradossi, Marcelo Puente
Il Barone Scarpia, Luca Salsi

L’Opéra Bastille programmait vendredi dernier la 41e représentation de Tosca, dans la mise en scène de Pierre Audi. Ce dernier dirigera l’édition 2019 du festival d’Aix-en-Provence, dans laquelle il a d’ailleurs inscrit une nouvelle version de Tosca, œuvre admirable, que l’on connaît presque par cœur et dont on ne se lasse jamais ! Des fous d’opéra, rencontrés il y a fort longtemps, sous la loggia du palais Garnier, faisant la queue la nuit entière pour avoir des places de fonds de loge à l’ouverture des guichets ‒ « Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans, etc. ! » ‒ en chantaient à tue-tête tous les grands airs pour se réchauffer, de Vissi d’arte, vissi d’amore (J’ai vécu d’art, j’ai vécu d’amour) à E lucevan le stelle (Et les étoiles brillaient). Affirmons-le d’emblée, l’interprétation qu’en donnent Martina Serafin, Mario Puente et Luca Salsi, évoluant dans les beaux décors de Christophe Hetzer, est tout simplement parfaite, tout comme leur entente avec l’orchestre de l’Opéra, placé sous la baguette élégante et précise de Dan Ettinger. L’aficionado en sort rassasié et heureux, comme après une rencontre avec un vieil ami !
L’intrigue est si connue que l’on craint de faire injure au lecteur en la résumant ici. Il s’agit d’un drame, en trois actes. La scène est à Rome, en juin 1800, entre l’église Sant’Andrea al Quirinale et le Palazzo Farnese. Tosca, cantatrice de renom, aime Mario Cavaradossi, peintre. La politique, se mêlant à leur amour, le précipite vers un destin tragique. Mario cache Angelotti, le chef des républicains insurgés. Tosca est prise au piège par le chef de la police, Scarpia, qui la désire et la fait chanter, si j’ose dire... Elle accepte d’être à lui et de livrer Angelotti en échange de la vie de son amant, détenu prisonnier et torturé dans les caves du Palais Farnese. Au moment de se donner à Scarpia, Tosca le poignarde. Mais au petit matin, alors qu’il aurait dû avoir la vie sauve (un simulacre d’exécution aurait été arrangé), Mario tombe sous les balles du peloton d’exécution. Rideau !
Penchons-nous un instant sur le contexte historique de la pièce de Victorien Sardou (1831-1908), qui inspira son opéra à Puccini. Au début de l’Acte II de Tosca, la reine Caroline donne une réception au Palais Farnèse pour célébrer une récente défaite de Bonaparte face aux troupes royalistes. Marie-Caroline d’Autriche, sœur de Marie-Antoinette (l’épouse de Louis XVI), était mariée à un Bourbon d’Espagne, roi de Naples et de Sicile, Ferdinand IV. Cette union renforçait l’alliance des Bourbons et des Habsbourg, à une époque où, dans la péninsule italienne, seuls les États pontificaux, les républiques de Gènes et de Venise et la Sardaigne étaient indépendants des puissances étrangères. Quand éclata la révolution en France, Marie Caroline se déclara l’ennemie résolue des principes au nom desquels sa propre sœur allait être guillotinée. L’Autriche ayant pris part à la coalition des têtes couronnées d’Europe contre la révolution française, Bonaparte, à la tête de l’armée républicaine, l’attaqua dans ses possessions de Lombardie ; c’était la première campagne d’Italie de 1796, d’où il sortit victorieux un an plus tard. Il obtint de l’Autriche la signature du traité de Campo Formio, lequel plaçait la moitié nord de l’Italie sous le contrôle de la France et y créait deux républiques sœur, bientôt réunies en une seule, la République cisalpine. Conseillée par son ministre favori, John Acton, Marie-Caroline persuadait alors à son royal époux Ferdinand d’attaquer la France. Mal lui en prit ! Le couple royal dut se réfugier en Sicile, après une offensive foudroyante du général Championnet, dont les troupes entrèrent dans Naples le 22 janvier au son d’une hymne antimonarchiste composée par Cimarosa ! Mettant aussitôt en œuvre la stratégie qui visait au progrès de l’idée républicaine par la fondation de républiques sœurs, Championnet proclama la République parthénopéenne (mot tiré du nom de la nymphe Parthénope qui, après s’être jetée à la mer par dépit amoureux, s’échoua sur des rivages proches de Naples). Marie-Caroline ne se le tenait pas pour dit. L’un de ses affidés, le cardinal Fabrizio Ruffo, prit la tête d’un mouvement antirépublicain dénommé sanfédistes (de la santa fede, la sainte foi), destiné à rétablir les Bourbons sur le trône de Naples par le soulèvement de la paysannerie calabraise, région d’où ce prélat était originaire. De soudains revers de fortune militaire de Bonaparte vinrent opportunément servir leur cause. En mai, les troupes françaises du général Macdonald, qui tenaient la Campanie, furent appelées en renfort dans la plaine du Pô, où les Russes avaient lancé une offensive. Ruffo ne pouvait laisser passer une pareille aubaine, d’autant moins que le soutien de la flotte britannique, que commandait Nelson, lui était acquis. Au début du mois de juin, Naples était reprise et la répression commençait. Elle dura cinq mois et fit plusieurs dizaines de milliers de victimes, dont les principaux chefs républicains napolitains, parmi lesquels Ettore Carafa, qui inspira à Alexandre Dumas l’un des héros de La San Felice, paru en 1864, ouvrage que Victorien Sardou a donc pu consulter. Le cardinal Ruffo apparaît bien dans Tosca, à la fin de l’acte I, pendant la scène grandiose du Te Deum, où l’on voit Scarpia le saluer avec déférence. Dans Tosca, un détail permet de dater précisément les événements. Au milieu de l’acte II, Scarpia, fort inquiet, vient d’apprendre que Bonaparte, achevant d’écraser les armées impériales, remportait une victoire décisive à Marengo : c’était le 14 juin 1800. Soulignons enfin que la création de Tosca eut lieu à Rome, au théâtre Constanzi, le 14 janvier 1900, soit un siècle après les événements que cet opéra commémore.
Victorien Sardou, l’auteur de Tosca, drame en cinq actes avait, dans sa jeunesse sous le Second empire, connu la misère. Il écrivit plusieurs pièces situées à l’époque de la Révolution et de l’Empire : Tosca en 1887, Thermidor (1891), le célèbre vaudeville Madame Sans-Gène (1893), Robespierre (1899). Sarah Bernhardt créa Tosca sur la scène du théâtre de la Porte-Saint-Martin en 1887. La version retenue pour l’opéra fut, avec l’autorisation de l’auteur, raccourcie et expurgée, à la demande notamment de Giuseppe Giacosa, le librettiste de Puccini, qui jugeait le drame de Sardou trop long, émotionnellement grossier et dénué de poésie. Puccini est né en 1858, deux avant l’expédition des Mille dirigée par Garibaldi, que raconte Lampedusa et qui inspira Le Guépard à Visconti et meurt en 1924, l’année même de l’assassinat du député socialiste Matteotti par les fascistes. Son existence se sera donc déroulée pendant le Risorgimento, les deux guerres d’indépendance grâce auxquelles les Italiens purent, avec l’aide de la France, se libérer de l’Autriche et unifier leur pays en fondant, en 1861, le Royaume d’Italie gouverné par Victor-Emmanuel II, roi du Piémont-Sardaigne. L’on connait l’habile détournement du nom de VERDI, devenu en 1859 le mot de ralliement des insurgés contre l’Autriche : Victor Emmanuel Roi d’Italie ! Puccini aura également, de son vivant, assisté à la Première Guerre mondiale et à l’avènement de Mussolini. Pourtant, on ne lui connait pas d’opinions politiques très tranchées. En janvier 1900, date de la création de Tosca, Humbert 1er, fils de Victor-Emmanuel II, régnait encore ; pas pour longtemps, puisqu’il fut assassiné en juillet par un anarchiste qui voulait venger la répression féroce menée à Milan en 1898, contre des émeutiers protestant contre la hausse du prix des denrées alimentaires. Voilà qui nous rapproche singulièrement de la répression des insurgés républicains du royaume de Naples en 1800. Tenons-nous en à Tosca. Si Puccini ne s’est pas vraiment mêlé de politique, le choix de la pièce dramatique de Victorien Sardou n’est peut-être pas dû au seul hasard. Il traita ce sujet selon les principes artistiques qui lui tenaient à cœur, et qui caractérisent l’opéra dit « vériste ». Ce courant intellectuel, inspiré des naturalistes français, Flaubert, les Goncourt et Émile Zola, trouva en Giovanni Verga (1840-1922) son principal représentant italien. Verga s’intéressait aux « vinti dalla vita », les vaincus de la vie. Pessimiste et athée, il inspira à Mascagni son opéra Cavalleria Rusticana. Mais soulignons plutôt qu’il écrivit en 1861 un roman historique réaliste, Les carbonari de la montagne, racontant la lutte des sociétés secrètes contre Murat, placé sur le trône de Naples par Napoléon en 1806. Là encore, nous ne nous éloignons pas de Tosca ! Puccini n’était pas, semblerait-il, un grand lecteur ; mais ses deux librettistes favoris, Giacosa et Illica, lisaient pour lui ! Dans l’Italie de la seconde moitié du XIXe siècle, deux courants intellectuels incarnèrent les oppositions progressistes et républicaines au caractère réactionnaire et conservateur des différents régimes monarchiques qui se succédèrent : le romantisme et le mazzinisme. Il nous semble repérer, dans le livret de Tosca, des traces de chacun d’eux. Le principal écrivain romantique italien est Alessandro Manzoni (1785-1873). Verdi composa pour lui son fameux Requiem. Dans Les Fiancés (1822), Manzoni, qui fit aussi une importante carrière politique, raconte la vie d’humbles paysans lombards dont l’existence est, en partie, gâchée par la présence de l’occupant espagnol, mais qui n’abandonnent jamais leur foi. Plus généralement, les patriotes italiens cherchèrent dans la littérature et l’art les matériaux qui permettraient de construire une identité italienne (le roman de Manzoni contribua d’ailleurs à diffuser la langue italienne, que tous les habitants de la péninsule ne parlaient pas), non pas celle des puissants, des héros légendaires, mais celle du peuple, légitimant ainsi le processus d’unification politique. L’air célèbre de Tosca, Vissi d’arte, est rempli, nous semble-t-il des conceptions romantiques de Manzoni : « J’ai vécu d’art, j’ai vécu d’amour. Je n’ai jamais fait de mal à âme qui vive ! Par une main cachée, j’ai soulagé toutes les misères que j’ai rencontrées. Toujours avec une foi sincère. » L’autre influence implicite identifiable dans Tosca est la pensée de Giuseppe Mazzini (1805-1872). Ce philosophe et révolutionnaire né à Gènes est considéré comme l’un des fondateurs de la patrie italienne, à l’égal de Garibaldi et de Cavour. Comme l’Angelotti de Tosca, Mazzini fut traqué par la police, proscrit, condamné à mort ; il vit mourir nombre de ses compagnons de lutte fusillés pour leurs actes séditieux. Il fut, en 1848, le chef de l’éphémère république romaine qui chassa Pie IX de son trône, avant que ce dernier n’y fût rétabli un an plus tard par l’intervention du général français Oudinot, à la demande de Louis-Napoléon pourtant encore président de la IIe république française ! Une fois encore, le parallèle avec les événements qu’évoque Tosca s’impose à l’esprit.
Floria Tosca est une héroïne de tragédie, une reviviscence de Judith égorgeant Holopherne, thème si souvent représenté dans la peinture de la Renaissance, du Caravage à Artemisia Gentileschi. Mario, Angelotti sont des idéalistes broyés par le bras séculier de l’absolutisme. Qu’il s’agisse aussi d’un hymne à la liberté politique, d’un brûlot contre toutes les formes d’arbitraire et de despotisme ne doit pas être relégué au second plan. Il nous semble, au contraire, que cet Opéra plaide, en filigrane, pour une démocratie plus aboutie que ne l’était alors la monarchie italienne, constitutionnelle certes, mais censitaire, méfiante donc, vis-à-vis des classes populaires. Pourquoi les directeurs des théâtres romains auraient-ils tant hésité à accueillir l’œuvre, s’ils n’avaient craint le scandale ? Laissons à Mazzini le soin de conclure : « « Personne, écrit-il dans Zibaldone pisano, ne disait que le Romantisme était en Italie la bataille de la Liberté contre l’oppression, la bataille de l’Indépendance contre toute forme ou norme non choisie par nous en vertu de notre inspiration individuelle et de la pensée collective qui frémissait dans les tripes du pays. Nous nous chargeâmes de le dire. »


Bernard Patary
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L’ÉDITION MUSICALE

Ayant tenu cette rubrique depuis quarante ans, il est temps pour moi de chercher un successeur. Je remercie les collaborateurs qui ont commencé à prendre le relais : Sophie Jouve Ganvert, Marie et Lionel Fraschini. Mais je souhaiterais trouver un collaborateur « avec droit de succession » … Si vous voulez des détails, vous pouvez me contacter directement en m’écrivant sur mon courriel daniel.blackstone@wanadoo.fr Merci d’avance aux futurs candidats !
Daniel Blackstone

FORMATION MUSICALE

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Will METZ : La Théorie musicale pour les autodidactes. Niveau 1 – Les bases. Beuscher : PB 1385.

Le sous-titre indique immédiatement le projet de l’auteur : « Une approche simple et logique pour découvrir, comprendre et maîtriser la mystérieuse théorie musicale sans devoir lire une note ! » On ne peut ici résumer la longue mais passionnante préface de l’auteur qui décrit à la fois son cheminement et la raison de cet ouvrage. Il suffit de dire que cette Théorie prend sa source d’abord dans l’expérience musicale, au rebours de beaucoup de méthodes qui partent de la théorie pour aller à la pratique… et qui n’y parviennent jamais. C’est à des musiciens que s’adresse ce livre, à ceux qui ont essayé d’instinct de pratiquer la musique, y sont parvenu jusqu’à un certain stade, mais ont la volonté d’approfondir leur pratique en découvrant les richesses de la théorie musicale qui s’est édifiée à partir de la pratique de ceux qui sont venus avant eux. Attention, il ne s’agit pas de faire de la musique et de la théorie « au rabais ». C’est tout le contraire qui nous est proposé ici. On ne peut que recommander cet ouvrage aux autodidactes, certes, mais aussi à tous ceux qui ont souffert d’un enseignement trop théorique dont ils ne voyaient pas forcément l’utilité.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Olivier VONDERSCHER : N’oubliez pas votre instrument ! pour la formation musicale fin de 1er cycle. Billaudot : G 9930 B. Livre du professeur : G 9993 B.

Voici un ouvrage original qui rendra bien service aux professeurs de Formation Musicale soucieux d’intégrer le cours théorique et la pratique de l’instrument. Le cours complet comportera 5 volumes destinés à couvrir jusqu’à la fin du 2ème cycle. Nous avons ici le premier de ces volumes qui est d’une grande richesse. Disons tout de suite que les accompagnements audio et les fichiers complémentaires mentionnés dans l’ouvrage sont disponibles sur l’Espace Éducation de l’éditeur avec le code contenu dans le volume. Il ne s’agit pas seulement que les élèves participent avec leur instrument aux différents éléments du cours ; l’ensemble comporte une véritable formation musicale complète, formation de l’oreille, formation au rythme, à l’analyse… L’ouvrage est donc très copieux et très complet et permet de lier de façon indissoluble apprentissage technique et acquisition d’une véritable culture musicale. Il comporte notamment tout le « matériel » nécessaire à la mise en oeuvre. Quant au livre du professeur, il est indispensable pour la mise en oeuvre de la, méthode et permet de guider pas à pas cette démarche originale. On ne peut que recommander vivement cet ouvrage !
Daniel Blackstone
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CHANT CHORAL

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Joanna GIL :The Lord’s blessing pour quatre voix mixtes a cappella. Universal : UE 21 785. Unfailing Love pour quatre voix mixtes a cappella. Universal : UE 21 784.

Voici deux choeurs pour voix mixtes reprenant tous deux des textes bibliques. Le premier, The Lord’s blessing, est tiré du Livre des Nombres 6, 24. Il s’agit d’une demande de bénédiction de Dieu pour qu’il nous bénisse, qu’il nous garde et nous donne la paix. Le deuxième, Unfailing Love, est tiré du Psaume 117 (Hbx). C’est, dans le texte hébreu, la grande louange à Dieu « car éternel est son amour ». Cette compositrice écossaise née en 1987 nous présente ici une des faces de son très grand talent. Ces choeurs sont beaux, pas très difficiles même s’ils demandent quand même un choeur exercé. On peut les écouter tous deux sur le site https://soundcloud.com/joannagill/tracks ainsi que d’autres musiques de cette même compositrice.
Daniel Blackstone
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Jean-Christophe ROSAZ : Depuis la nuit Sur un texte de Sophie Bernard. Pour voix de femmes a cappella. Delatour : DLT2763.

Écrite par l’auteur à la demande de l’ensemble vocal féminin de Marie-Clotilde Moès, cette oeuvre est pleine de charme et de délicatesse. Elle laisse une part à l’initiative du choeur. Deux versions sont d’ailleurs disponibles sur YouTube par ce même ensemble vocal, qui a travaillé avec l’auteur : https://www.youtube.com/watch?v=G5syFa_86BE et https://www.youtube.com/watch?v=fYgPdIWNv6w A chaque choeur de s’approprier l’oeuvre, qui n’offre pas, à part cela, de difficulté spéciale mais demande évidemment un choeur de qualité… comme c’est le cas ici. Qu’en dire, sinon que c’est profondément méditatif et tout simplement beau ?
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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George ARTHUR : Magnificat pour choeur mixte a cappella. Universal : UE 21 721.

Ce jeune compositeur anglais de trente-quatre ans possède déjà une longue carrière de musicien et chef de choeur. Ce Magnificat suit fidèlement en anglais le texte du Magnificat latin. Dans un langage à la fois dépouillé et recueilli, il éclaire et souligne sobrement un texte qui reste toujours premier et parfaitement compréhensible. L’ensemble est abordable par un choeur de bonne qualité mais ne présente pas de difficultés particulières. C’est une belle oeuvre à découvrir et à faire découvrir. Ajoutons qu’une réduction des voix au piano pour permettre un travail plus aisé est donnée sur la partition mais ne doit être en aucun cas utilisée en concert.
Daniel Blackstone
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George ARTHUR : II – Nunc dimittis pour choeur mixte a cappella. Universal : UE 21 720.

Dans le même esprit que la pièce précédente, George Arthur nous propose un Cantique de Siméon tiré, rappelons-le, de l’évangile selon Saint Luc et qui fait en quelque sorte pendant au Magnificat précédent. Destiné manifestement à l’office anglican du vendredi, il sera le bienvenu dans tout concert de musique sacrée. La sobriété de l’écriture, le respect scrupuleux du texte au service duquel cette pièce est écrite en fait une vraie pièce de musique liturgique d’une qualité qu’on souhaiterait trouver dans les offices catholiques d’aujourd’hui. Une réduction de piano figure également sur la partition, destinée uniquement à faciliter le travail et la compréhension de l’oeuvre.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


ORGUE

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Jean-Pierre LEGUAY : Et il chante l’aurore pour orgue. Lemoine : 29389 H.L.

On ne présente plus ce remarquable organiste qui fut cotitulaire des orgues de Notre Dame de Paris, et qui est également un si remarquable compositeur. Cette pièce de 2012 publiée dans sa seconde version 2016 – 2017 est pleine de la délicatesse des harmonies et des coloris habituels au compositeur. Il est inutile de préciser qu’il faudra, pour en rendre toute la richesse non pas forcément un « gros » instrument, mais un instrument si possible à trois claviers et possédant anches, gambes et mixtures, et jeux de détail d’une délicatesse à la mesure de la dentelle que nous propose le compositeur.
Daniel Blackstone
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CHANT

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Guy SACRE : Enfance deux mélodies sur des poèmes d’Arthur Rimbaud. Baryton et piano. Symétrie : ISMN 979-0-2318-0878-0

On connait la délicatesse de la musique de Guy Sacre. Cela se dément d’autant moins dans ces deux mélodies qu’elles sont le fruit d’une longue maturation. « Mettre des notes sur du Rimbaud ? Je ne l’ai pas fait sans scrupules. Les mots de Rimbaud supportent mal tout ce qui les enveloppe et les développe ; preuve en sont les errements de ses musiciens, qu’ils utilisent la chansonnette ou l’arcane sériel. Et j’ai dû, dans le polyptyque d’Enfance, me résoudre à ne retenir que deux panneaux sur cinq ; les autres résistent au chant, – et peut-être même à la récitation. ». On lira avec beaucoup d’intérêt le texte que Guy Sacre lui-même a écrit à propos de son oeuvre et qui figure sur le site de l’éditeur. Que dire de plus et de mieux ?
https://symetrie.com/fr/titres/sacre-rimbaud-enfance
Daniel Blackstone
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GUITARE

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Paul COLES : 10 More Melodic studies for Guitar. Universal Édition : UE 21 678.

Voici une série de 10 études du compositeur Paul Coles. Ces études sont mélodieuses et dans un style d’écriture contemporain. Elles permettent notamment dans un contexte musical chaleureux de travailler avec précision la technique guitaristique. L’ingéniosité de ces études émane avant tout du fait que le compositeur est lui-même guitariste et de ce fait exploite avec subtilité les résonances sur l’instrument. En plus du caractère mélodieux, cette série d’études permet d’habituer l’oreille à d’autre sonorités. Vous y trouverez entre autres beaucoup de modulations et chromatismes, des arpèges et accord avec différentes possibilités de combinaisons, mais également tout un travail sur les accords permettant de bien dissocier chaque doigts de la main droite. A recommander à partir du début du 2nd cycle.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


MANDOLINE

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Bruno GINER : Se hace camino... for pour mandole seule. Delatour : DLT2837

Cette pièce contemporaine atonale du compositeur Bruno Giner a été écrite pour le mandoliniste Florentino Calvo. On ressent très clairement de la douleur notamment avec l’utilisation de notes répétées ainsi que des chromatismes et dissonances. Ce n’est pas étonnant, à la lecture du texte préambule : le compositeur parle d’exil sous différentes formes. On note une grande précision du texte avec un jeu sur les nuances poussé à l’extrême. Le compositeur repousse les limites en utilisant des techniques de jeux peu orthodoxes où se superposent des parties, où il faut siffler en même temps que l’on joue et faire des percussions ou encore parler et chuchoter. Il mêle également à cet ensemble des grandes glissades. Tout cela demande bien sûr une grande coordination. Mais la pièce en vaut la peine et pourra être abordée à partir du 3ème cycle.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


PIANO

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Alexandre SOREL : La Méthode Bleue. Vol. 1 : Méthode pour les débutants utilisant les principes de jeu de piano que Chopin donnait à ses propres élèves (116 p. + 2 CD inclus). Réf. 29428. 2019. Vol. 2 : Livre des parents ou du professeur (116 p.) Réf. 29473. Paris, Éditions Henri Lemoine (www.henry-lemoine.com ). 2019. - 37, 50 €.

La Méthode Rose a formé tant de jeunes pianistes. D’autres méthodes d’Alfred CORTOT (Principes rationnels de la technique pianistique) ou d’Isidor PHILIPP sont conçues pour l’acquisition de la vélocité ; celles de Marie JAËLL (1846-1925) et de Blanche SELVA (1884-1942), pour la qualité du son. Tout récemment, sont parus les 2 volumes du vaste et original manuel de piano : A Compianon (fin 2018, en 2 volumes, 300 p., stephan.patin@free.fr ) de Stéphan PATIN (né en 1966) — pour débutant et pianiste plus chevronné, reposant sur l’apprentissage mental et digital, et l’appropriation formatrice des quelque 200 « morcelets » très diversifiés.
Voici, cette année, (préfacée par J.-J. Eigeldinger, « le » spécialiste de Chopin), la Méthode Bleue (en 2 volumes, avec illustrations sonores et conseils pédagogiques) d’Alexandre SOREL selon lequel « la musique doit commencer à vivre dans l’oreille et l’imagination de l’enfant avant que celui-ci ne pose ses doigts sur les touches… » et qu’il « doit donc apprendre à chanter ce qu’il va jouer ». À cet effet, il propose des morceaux avec des paroles comme des comptines, ce qui facilite la mémorisation.
Au fil des 10 leçons, le débutant est appelé à emprunter la marche à suivre claire et bien pensée du pédagogue. L’auteur précède les questionnements de l’enfant et des parents, et y répond, étape par étape. L’imaginaire enfantin est sollicité grâce à la présence d’un bestiaire engageant (puce, chat, chien, tourterelle, écureuil, grenouille, perroquet…). Le tout est joliment agrémenté de médaillons de caractère assez naïf, du meilleur effet.
L’auteur cite les conseils donnés par Frédéric CHOPIN à ses élèves, les intégrant judicieusement dans le cursus pédagogique jalonné par les différentes étapes indispensables à l’autonomisation progressive du musicien en herbe. Mine de rien, lecture des notes, apprentissage rythmique, incorporation de la gestuelle pianistique, développement de l’appropriation musicale se font dans un contexte délibérément rassurant (familial, amical) et un climat de confiance, avec des figures musicales tutélaires (Mozart, Chopin) pour aboutir à quelques pages accessibles du maître franco-polonais : Polonaise en sol mineur, Valse en la mineur... (Voir CD : Chopin à Nanteuil… Récital d’Alexandre Sorel).
Édith Weber
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Olivier BOUET : Dans les bois op.71. Pièce pour piano. Fin de 1er cycle. Lafitan : P.L.3321.

Après une première partie en sol mineur, un peu mélancolique, c’est le sol majeur qui s’affirme. La promenade se complexifie peu à peu, passant d’un 3/4 moderato à un 6/8 vivace. D’abord énoncé avec un accompagnement sage de noires et blanches pointées, le thème se monnaie peu à peu dans des croches alternées aux deux mains puis avec différentes variantes pour être réexposé avec le monnayage en croches à la main gauche avant de se terminer par la célèbre formule bien connue notamment des amateurs de San Antonio… Peut-être faudra-t-il expliquer à l’élève… ou non ! Bref, tout cela est plein de charme et de variété et cette promenade en forêt devrait plaire à son interprète.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Raoul JEHL : Échos. Initiation à la musique contemporaine. 10 pièces faciles pour piano à la manière de… Lemoine : 29 386 H.L.

Ces pièces sont destinées à des élèves allant du milieu du 1er cycle au début du 2ème cycle. L’auteur, professeur au CRD de la Roche sur Yon, a expérimenté chacune de ces pièces avant d’en entreprendre la publication. Les dix pastiches concernent Olivier Messiaen, Morton Feldman, Mauricio Kagel, Luigi Nono, Gyorgy Ligeti, Karlheinz Stockhausen, Gérard Grisey, Luciano Berio, Salvatore Sciarrino et John Cage. On voit combien l’éventail est vaste ! Ce sera une excellente occasion pour le professeur de faire découvrir ces différents compositeurs aux élèves en leur expliquant les caractéristiques de leur langage. Une petite phrase en tête de chaque pastiche permet déjà d’orienter l’oreille vers tel ou tel aspect de l’oeuvre. Cela permet ainsi d’aborder dès le début de l’étude de l’instrument les esthétiques et les techniques du répertoire contemporain.
Daniel Blackstone
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Maurice JOURNEAU : Fileuse pour piano. Combre : CO 6811.

Grâce aux éditions Combre, voici de nouveau disponible cette pièce du compositeur trop méconnu Maurice Journeau, publiée pour la première fois en 1932 par les éditions Maurice Sénart. On sait l’importance qu’eut cette maison d’édition pour la diffusion des oeuvres des musiciens contemporains de l’entre-deux guerres. L’oeuvre suit les canons exigés par le titre et se déploie en un chant fluctuant au-dessus des délicates harmonies aux modulations souvent suspensives. Il serait souhaitable que les pianistes s’emparent de ce répertoire trop peu connu. Un CD a été enregistré naguère par Thomas Betz et Jean Micault contenant : Valse Opus 2 - Fileuse Opus 10 - Divertissement en forme de Sonatine Opus 25 - Préludes Opus 15 - 5 Nouveaux Préludes Opus 19 - Le Furet Opus 51 - Simple Cantilene Opus 50 - Toccata Opus 52 - Menuet Opus 1 - 6 Nocturnes - Sur l'Etang Opus 18 - Midi aux Champs Opus 27 - Nouvelles Impressions Fugitives Opus 68. On pourra consulter utilement la notice consacrée à Maurice Journeau sur le site https://www.henrylemoine. com/fr/compositeurs/fiche/maurice-journeau
Daniel Blackstone
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Jean-Charles GANDRILLE : Miniatures pour piano. Débutant. Delatour : DLT2828.

Voici ce que dit lui-même l’auteur de son oeuvre : « Demande de Jean- Philippe Fonsalas pour le Conservatoire de Vincennes, ces pièces sont écrites pour des débutants pianistes avec une ou deux années de piano derrière eux. Elles conviendront aussi bien aux enfants qu’aux adultes, avec, malgré la brièveté, une attention particulière sur la mélodie et l’harmonie qui seront source de belles émotions je l’espère. » On ne peut que souscrire à cette déclaration d’intention. Les trois petites pièces, I Jeu d’échos (1’10''), II Petite chanson (1’30''), III Petite histoire (1’25''), remplissent pleinement ce programme et permettront au professeur plein de remarques sur leur structure et les jeux musicaux dont elles peuvent être la source. On peut remercier l’auteur de nous donner tant de richesse en si peu de notes…
Daniel Blackstone
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Jean KLEEB : Beethoven around the world.9 arrangements populaires pour piano seul. Bärenreiter : BA 10931.

Plusieurs pianistes contemporains sont coutumiers de ce genre d’arrangement. La particularité du recueil proposé par Jean Kleeb consiste en ce que ces arrangements sont réalisés dans des genres très divers : tango, samba, gamelan, balkan, oriental, écossais, africain… tels sont les genres proposés en sous-titre. Outre une préface qui précise les intentions et le mode opératoire de l’auteur, chaque pièce comporte, en fin de volume, une présentation succincte mais éclairante pour l’interprétation. L’ensemble est séduisant, plein d’humour et appelle à « corser » encore ces arrangements… Jean Kleeb précise que ces pièces, écrite en prévision du 250ème anniversaire de la naissance de Beethoven, en 2020, ne font après tout que pousser plus loin une tendance qui existait chez Beethoven lui-même… Ne dit-on pas parfois que dans le Rondo de son premier concerto pour piano, Beethoven a introduit lui-même la samba ?
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Wilhem OHMEN : My First Haydn Pièces faciles pour piano de Joseph Haydn. Schott : ED 23051.

Ce recueil fait partie de toute une série pédagogique destinée à permettre aux jeunes pianistes de s’initier aux grands compositeurs par des pièces faciles mais authentiques. On trouve dans cette collection, Bach, Mozart, Schumann, Beethoven et Chopin. On trouve entre autres dans ce recueil des menuets, des danses allemandes, deux sonates faciles, et un arrangement pour piano d’Haydn lui-même de Gott erhalte Franz den Kaiser autrement dit, de l’actuel hymne allemand. N’oublions pas deux pièces à quatre mains… Bref, il s’agit d’un large choix qui permettra d’initier le jeune pianiste à différentes facettes du style de Haydn. On trouve aussi dans ce volume des indications pour l’interprétation. Il rendra, n’en doutons pas, de grands services aux professeurs qui cherchent pour leurs élèves débutants un répertoire de qualité.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Christophe FRIONNET : 18 Études poétiques, opus 22 pour piano. Delatour : DLT1057.

Composées entre 1993 et 2004, ces 18 études atonales aux titres évocateurs, bien que non classées en progression, sont de niveau facile (Étude de cloches, Étude simple) à difficile (Étude proliférante, Étude mélodique…). L’auteur s’est attaché à donner à l’ensemble une « couleur poétique », une « expression » et un « caractère » (Étude transparente, Étude fleurie, Étude étrange…). Mais le titre de certaines pièces évoque une difficulté technique particulière (Étude symétrique, Étude rapide, Étude rythmique, Étude pour la main gauche) ou bien un thème de travail ou un style (Étude sérielle, Étude jazzy, Étude à quatre mains). Ces études peuvent être jouées « comme un cycle » (même dans un ordre différent) ou bien « isolées ». Ce recueil a été enregistré par sa dédicataire, Martine Vialatte, professeur de C. Frionnet (durée 42 minutes).
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Célino BRATTI : Les touches dansent pour piano. Lafitan. P.L.3472.

Dans cette courte pièce de 2 minutes environ, Célino Bratti nous invite à rentrer dans l’oeuvre à travers un Scherzo à quatre temps rapide (150 à la noire), introduisant une valse plus traditionnelle. On y trouve des jeux de position de mains au début de l’oeuvre avec la main droite qui alterne au-dessus et en dessous de la main gauche, faisant penser à des questions réponses. Puis la main droite joue le thème pendant que la main gauche ponctue en contre-temps jusqu’à arriver à la valse. Le chant étant à la main droite, la main gauche ponctue le tout avec des accords sur les deuxièmes et troisièmes temps. La mélodie est très souvent en tierces ou en accords, demandant de la dextérité à l’apprenti pour faire danser les amateurs. On revient ensuite au quatre temps du début où se prolonge une coda, pour terminer dans un esprit déterminé voir rebelle.
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Olivier BOUET : Calinours, op.72 pour piano. Lafitan. P.L.3320.

Cet Andantino pour un élève de premier cycle d’une durée d’une minute douze, nous invite à travers le titre même à une sorte de berceuse avant d’aller dormir. Toute l’oeuvre reste dans le même esprit du titre évocateur. On demeure tout du long dans des nuances allant du pianissimo au mezzo piano. A la main droite, on trouve une sorte de comptine en blanches et noires jouant sur des questionsréponses tout du long. On est dans une forme tripartite avec le thème principal en sol majeur, puis un court passage en sol mineur. La partie du milieu est plus lancinante, avec le demi-ton la/sib revenant sans cesse. Mais on retourne pour terminer dans la tonalité réconfortante de sol majeur, nous conduisant vers une fin plus apaisante et tranquillisante.
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Franz SCHUBERT : Moments musicaux opus 94 (D 780) Leisinger/Levin/Badura-Skoda. Schott/Universal Edition : UT 50410.

Les six Moments musicaux op. 94, dont il ne reste pas de manuscrit autographe, datent de 1823 à peu près. Ils ont été commandés à Schubert par l’éditeur Sauer & Leidesdor et publiés dans l’Album musical, sous les titres de Air russe (pour le troisième) et Plaintes d’un troubadour (pour la sixième). Ces deux compositions firent l’objet d’un nouveau tirage en 1825 dans Guirlandes. En 1828, elles sont connues sous le nom de Momens Musicals avec l’adjonction de quatre autres pièces et ne trouvèrent leur titre définitif, Moments musicaux, qu’en 1866. Trois sources ont permis cette nouvelle édition. Inspirées par la musique de danse, leur niveau technique étant assez facilement abordables, ces six pièces offrent un intérêt pédagogique évident. Schubert est très précis dans l’échelle de notation des dynamiques (de ff à ppp, fp et fz), mais il faut se référer à la facture des pianos viennois de l’époque pour ne pas tomber dans des excès d’utilisation de la pédale sur les pianos « modernes ». Contrairement à Beethoven, Schubert a toujours fait une distinction entre descrescendo (devenant plus doux) et diminuendo (devenant plus doux et plus lent). Quant à l’articulation, Schubert suit les innovations de notation Beethoven comme le ligato (contrairement au « détaché » du siècle précédent), tout en conservant en certains endroits le langage de Mozart et de Haydn (« pédale de doigt », dans les basses d’Alberti…). Comme au XVIIIème siècle, dans la superposition d’un triolet et d’une « croche pointée double», l’usage veut qu’on joue la dernière croche du triolet avec la double croche (sauf dans les mouvements lents). La préface, les notes sur l’interprétation sont proposées en trois langues.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Graham BUCKLAND : Ancient modes of transport Eight Pieces for Piano Four Hands. Bärenreiter : BA 10932.

Le compositeur s’est amusé à jouer avec le mot « mode ». Il allie chaque pièce de son recueil écrite en « mode ancien » (ionien, dorien…) à un mode de transport (le bateau, le cheval, le chameau…). Ces pièces à quatre mains s’efforcent d’illustrer les titres très variés tirés de l’histoire ou de légendes. Le nageur de Gilf Kebir fait référence à la « grotte des nageurs » décorée de peintures rupestre de la période prédynastique égyptienne, la deuxième pièce en mode dorien sur un rythme de « croche pointée double » rappelle le périple des « dix-mille » que Xénophon raconte dans L’Anabase. La pièce suivante aux doubles croches en broderies ou « fuyantes » est un hommage à l’archéologue suédois Gabriel Gustavson, découvreur d’un fameux bateau viking. Le célèbre cheval d’Alexandre, Bucéphale, caracole et paraît invincible dans son rythme pointé. Une mélodie répétitive et balancée au rythme de sicilienne en mode myxolidien nous dévoile les pirogues découvertes sur le site archéologique de Must Farm, dans le Camdbridgeshire. La scène suivante évoque l’histoire biblique de Balaam avec son ânesse récalcitrante. La septième pièce, en mode locrien et sur un rythme lombard, rappelle Genghis Khan, empereur mongol du XIIIème siècle, qui, selon une des nombreuses légendes, aurait été enterré avec un chameau. Le recueil se termine par une représentation de bateau marchand phénicien, (que l’on doit interpréter par deux mesures pour traduire le balancement sur l’eau calme).
Notons que ces pièces de moyenne difficulté, composées sans transpositions de mode, ne comportent aucune altération. Ce recueil musical intéressera sans doute les petits curieux.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Ludwig van BEETHOVEN : GRANDE SONATE in B für Klavier opus 106 « Hammerklavier ». Édition Jonathan Del Mar. Urtext Edition. Bärenreiter : BA 11810.

Cette nouvelle édition est basée sur trois documents de la main de Beethoven, attestant des corrections, et sur deux sources imprimées (première édition en septembre 1819, à Vienne, deuxième édition, en décembre de la même année à Londres). La notation est dans son ensemble conservée. Les ajouts et les corrections sont signalés entre crochets. Des liaisons (évidentes) sont indiquées en pointillés. Quelques problèmes d’édition sont soulevés dans la préface : les liaisons étant très rares dans l’écriture de Beethoven, leurs absences ne signifient pas toujours un détaché. L’écriture des appoggiatures est respectée ; jamais barrées, elles peuvent être en croches, en doubles et en triples croches. La notation des différentes sortes d’accents est conservée, suivant l’usage de Beethoven ainsi que la différence entre points et tirets. Il ne faut pas oublier que les premiers pianos de Beethoven ne couvraient que cinq octaves, le toucher était très léger, le son assez faible, les registres différenciés, le clavier peu profond. Il lui a fallu attendre 1825 pour avoir un instrument de six octaves. Il est évident que le compositeur a idéalisé son instrument et a pensé « orchestral » dans bien des cas (jusqu’à enfler par un soufflet une note déjà jouée…). Si Beethoven utilisait beaucoup la pédale, ses indications sont, elles, peu courantes, car, peut-être, souvent superflues. Précisons que cette sonate est la seule qui comporte des indications métronomiques. La musique de Beethoven étant très dramatique, il est essentiel de bien différencier les nuances, ce que les éditions ont tendance à négliger en les transformant. Les accents (modernisés dans les éditions actuelles, plus gros que ceux écrits par Beethoven), peuvent porter à confusion. Enfin, à propos des ornements, Beethoven se trouvant à une période charnière, l’interprète doit « utiliser son propre jugement artistique », se référant à tel ou tel traité, à telle ou telle conviction ou réticence de musicologue. Mêmes remarques au sujet des reprises. On se réfèrera à la préface et aux commentaires critiques (en anglais et en allemand) pour une meilleure approche de l’oeuvre.
Cette sonate n° 29 marque le début d’une série de compositions monumentales : la Neuvième symphonie, la Missa solemnis, les Variations Diabelli. Commandée par l’Archiduc Rodolphe, elle fut composée entre 1817 et 1819 après une période difficile et infructueuse et publiée en septembre 1819. La « Grande sonate pour piano forte » aux dimentions exceptionnelles comporte quatre mouvements, dont une redoutable fugue à trois voix (1. Allegro, 2. Scherzo: assai vivace, 3. Adagio sostenuto: Appassionato e con molto sentimento, [« C'est le plus grand monologue pour piano que Beethoven ait jamais écrit » W. Kempff] 4. Largo-Allegro risoluto. Beethoven y exploite de façon magistrale les possibilités techniques du nouveau piano à six octaves qu’il reçut en cadeau du facteur londonien Thomas Broadwood. Conscient du côté colossal de son oeuvre et de ses difficultés, Beethoven charge son élève Ries, de proposer des « aménagements » en vue de son édition londonienne car, c’est « une sonate qui donnera de la besogne aux pianistes, lorsqu'on la jouera dans cinquante ans ». Hormis Czerny, peu de pianistes n’osèrent s’y atteler avant Liszt. Berlioz qui l’avait entendu à Paris, en 1836, compare le déroulement de la sonate à Oedipe résolvant l’énigme du Sphinx. « Liszt l’a résolu de telle sorte que le compositeur, s’il avait pu l’entendre, aurait tremblé de joie (…) ».
« La Hammerklavier est pour nous pianistes, ce que la neuvième symphonie est pour le chef d'orchestre : l'oeuvre monumentale, l'oeuvre culminante, ou, mieux encore, l'oeuvre qui parcourt tout autant les profondeurs que les sommets. Aussi ne l'approchons-nous qu'avec respect » Paul Badura-Skoda.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Ludwig van BEETHOVEN : KLAVIERSONATE op. 10/1 mit Klavierstücken WoO 52 und 53. Édition Reutter/Franke/Oppitz.Wiener Urtext Edition, Schott/Universal Edition : UT 50430.

Voici la première des trois sonates de l’opus 10 composées entre 1796 et 1798. Cette nouvelle édition présente, en fin de volume, deux esquisses (dont on possède les autographes de l’auteur). L’une d’un Presto qui aurait dû prendre place comme Scherzo et l’autre d’un Allegretto également en ut mineur, qui aurait pu, lui, servir de menuet. Finalement ces esquisses furent laissées de côté, car jugées trop longues par Beethoven : « A l’avenir, les Menuets des sonates ne doivent pas dépasser la longueur maximale de 16 à 24 mesures » [Donc, comme aux siècles précédents, lorsqu’ils étaient dansés !]. L’édition de cette sonate s’appuie sur la première édition et sur quelques rééditions, (faute de manuscrit autographe ou de copie) pour apporter quelques corrections justifiées par des notes détaillées. Les nombreux écrits de Czerny (élève de Beethoven) renseignent fort utilement quant à l’interprétation de cette sonate. Il qualifie le premier mouvement de « décidé et viril », le deuxième comme l’expression d’une « intime tendresse ». Le troisième est doté de « l’humour rocambolesque propre à Beethoven ». Il indique avec précision les tempi des trois mouvements, le caractère à donner dans telle ou telle mesure, le jeu legato précisé par des signes, jeu que « tous les autres pianistes tenaient à cette époque pour irréalisable sur un fortepiano ». Czerny s’attache à l’expression des contrastes par le jeu rapide et vigoureux des « petites notes », à la légèreté et la délicatesse de l’ornementation. Il conseille aussi sur l’emploi des pédales, car Beethoven « utilisait très fréquemment la pédale, beaucoup plus qu’il ne l’indique dans ses oeuvres ». Czerny met en garde les pianistes dont la « pétulance » ne doit être « ni mesquine, ni dénaturante ». L’expression humoristique ne peut être atteinte qu’après avoir dominé magistralement toutes les difficultés techniques », sous peine d’obtenir une « caricature ridicule et incompréhensible ».
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Ludwig van BEETHOVEN : KLAVIERSONATE, Band 1. Édition Hauschild/Reutter Wiener Urtext Edition, Schott/Universal Edition UT 50427.

Ce premier volume des trente-deux sonates contient l’opus 2/1-3 (paru en 1796), l’opus 7 (paru en 1797), l’opus 10/1-3 (1798), l’opus 13 (paru en 1799), l’opus 14/1-2 (1799), l’opus 22 (paru en 1802). Il n’existe pas de manuscrit autographe pour ces onze sonates. Il existe seulement une copie manuscrite de l’opus 22, revue et corrigée par Beethoven luimême, copie qui a servi pour la première édition. Ce sont donc les éditions successives parues du temps de Beethoven (Simrock, Kühnel, Nägeli, …) qui ont été consultées pour cette nouvelle révision, éditions précieuses quant aux usages de notation (articulation, phrasé, dynamique…). S’ajoute la consultation des réimpressions de 1820, confiées à Czerny, Schuppanzigh et Holz, amis et fins connaisseurs de la musique du maître. Les éditions suivantes comportent quelques ajouts de signes d’interprétation « dont l’authenticité n’est pas démontrable ».
Des premières sonates viennoises, dédiées à Haydn, le comte Waldstein écrit qu’elles reflètent « l’esprit de Mozart dans les mains de Haydn ». Elles présentent des univers « inouis», des preuves de virtuosité pianistique, un don pour le développement grandement loués par J. Gelinek lors de sa première rencontre avec Beethoven : « Je n’ai encore jamais entendu jouer de cette sorte ! des compositions « merveilleuses et grandioses au plus haut point ». Dans les quatre premières sonates, le compositeur enrichit sa sphère sonore, se rapproche de l’univers orchestral, allonge d’un mouvement certaines sonates, transforme le menuet en sherzo. Il revient ensuite à une forme plus concentrée, une formulation plus hardie et directe. Cette édition contient pour la première fois de nombreuses et précieuses notes critiques (version trilingue) se rapportant à chaque sonate. Ce qui représente un outil de travail indispensable pour tout interprète scrupuleux. Précisons que les doigtés sont de H. Kann (opus 2, opus 14), de N. Taneda (opus 7), de G. Oppitz (opus 10), de A. Jenner (opus 13) et de G. Reinhold (opus 22). Un volume si épais (302 pages) d’une telle qualité éditoriale mériterait une couverture cartonnée rigide.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


VIOLON

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Claude-Henry JOUBERT : Quatre fables pour violon avec accompagnement de piano. « La cocotte et la paupiette » Lafitan. P.L.3266.

Cette quatrième fable pour violon en quatrième année, et piano, intitulée « La cocotte et la paupiette », est comme toujours très enjouée et imaginative. L’oeuvre est destinée à une 4ème année de premier cycle et peut être jouée au piano par un camarade en même année. Elle raconte l’histoire d’une paupiette qui se promène et rencontre une cocotte. Chaque personnage a son thème atypique, avec ses émotions très reconnaissables et captivantes. Par exemple la cocotte est souvent en blanches forte dans les graves avec l’indication « Elle croise une terrible Cocotte noire », décrivant la peur et l’appréhension terrible qu’éprouve Paupiette à l’égard de Cocotte. Le tempo : « à feu vif » nous met directement dans l’ambiance ! Cette pièce nous enchante durant quatre minutes pendant lesquelles on a l’impression d’entendre une danse paysanne, entrecoupée par la plainte et enfin la preuve d’amitié de Paupiette envers Cocotte.
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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André TELMAN : Dans l’esprit irlandais pour violon et piano. Lafitan. P.L.3397.

Cette courte pièce de 2’15 environ pour un élève de 1er cycle, s’inspire des danses traditionnelles irlandaises pour développer tout le potentiel lyrique chez l’élève, avec des nuances allant du mezzo-piano au forte. Dédiée à Laurence le Calvé, cette oeuvre nous invite à danser une valse lente nostalgique et pleine d’émotions, qui rend le tout comme une petite pierre précieuse et étincelante. On commence par le piano qui prépare le chant du violon avec des croches menant un discours à la main gauche et le chant en tierces à la main droite, installant le tempo et rassurant le violoniste. Ensuite le violon dialogue avec le piano dans un duo intime, mêlant charme et complicité. On termine la pièce par une couleur douce et jazzy nous laissant rêver aux contes celtiques irlandais avec le couple mythique Nuada et Dana.
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


ALTO

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Alexsey IGUDESMAN : Violamania. 11 pièces pour alto seul. Universal : UE 38 026.

Voici comment Wikipédia (horresco referens) décrit notre compositeur : « Aleksey Mikhailovich Igudesman (russe: Алексей Михайлович Игу́десман ; né le 22 février 1973) est un violoniste, compositeur, chef d'orchestre, comédien et acteur d'origine germanorusse. » Ce que nous suggère ce texte, c’est qu’il s’agit d’un artiste complet. Et il le prouve encore par ces pièces aussi variées que le CV du compositeur lui-même : on va des pièces les plus poétiques à des pièces un peu loufoques comme la Brexit Polka : « La pièce cite une ou deux secondes de tous les hymnes nationaux de l4union européenne, jusqu’à ce que l’hymne britannique vienne les interrompre et mettre le bazar. » On pourra, bien sûr, se faire une idée des talents divers de l’auteur sur YouTube, en particulier avec https://www.youtube.com/watch?v=2x8K6fj8dls mais aussi avec https://www.youtube.com/watch?v=FAFAjetkAY0 et bien d’autres titres… C’est d’abord et avant tout un remarquable musicien !
Daniel Blackstone
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VIOLONCELLE

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George A. SPECKERT : The Roots of Jazz pour deux violoncelles. Bärenreiter : BA 10649

C’est avec de grands classiques du jazz au sens le plus large que l’auteur propose à deux violoncellistes de même niveau de s’initier aux « racines » de ce style de musique. On trouve en effet dans ce recueil neuf « incontournables ». Citons pour le rag-time The entertainer, et pour d’autres styles, O When the Saints go marchin’in, Knobody knows the trouble I’ve seen… L’ensemble est parfaitement équilibré entre les deux instrumentistes qui se partagent équitablement chant et accompagnement. On ne peut que souscrire au projet de l’auteur qui souhaite ainsi initier au jazz des instrumentistes divers : en effet, il invite à faire jouer ces arrangements par d’autres instruments, y compris percussions et guitare… Invention et improvisation sont vivement souhaitées : c’est du jazz !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Henry ECCLES : Sonate en sol mineur Collection Concert Pieces. Bärenreiter : BA 10699.

Ce compositeur baroque anglais (1670 – 1742) a d’abord publié une sonate pour violon et basse continue. Il la transcrivit ensuite pour violoncelle et contrebasse. Ecrite en forme de sonate baroque, elle comporte un prélude suivi de trois danses : courante, sarabande et gigue. Cette sonate peut constituer une avancée importante dans la maîtrise des techniques de l’instrument. La réalisation et l’édition proposées par Christoph Sassmannshaus sont manifestement une proposition parmi d’autres, si on en juge par les différents enregistrements disponibles sur YouTube, y compris un enregistrement par Jacques Thibaud en 1930... Quoi qu’il en soit, cette version nous propose une lecture intéressante de la partition et de la fort belle musique.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Jiri PAUER : Twelve Duets for Two violloncellos. Bärenreiter Praha. BA 11561.

Cet ensemble de 12 duos pour deux violoncelles a été écrit en 1969 par Jiri Pauer pour le violoncelliste et fondateur du quatuor Smetana Antonin Kohout et sa fille Masa. Une année plus tard le compositeur arrangea les mêmes duos pour alto et violoncelle. Les magnifiques combinaisons de son et l’expressivité dramatique des duos fait d’eux des pièces de concert idéales pour deux élèves, ou pour un élève et le professeur, puisque la partie la plus aigue demande davantage de technique. Effectivement la partie du haut demande des positions élevées du pouce notées à la clé de sol.
Ces compositions introduisent les interprètes aux techniques d’archet telles que sul ponticello, sul tasto, pizzicato, tremolo, staccato, des doubles cordes et divers rythmes, des changements métriques incluant des phrasés correspondants ou complémentaires. L’édition est fondée sur l’autographe et la première édition, ajoutant des doigtés recommandés et des coups d’archets.
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


CONTREBASSE

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Claude-Henry JOUBERT : Concertino pour contrebasse avec accompagnement de piano. Fin du 2ème cycle. Lafitan : P.L.3384.

Non savions depuis un certain temps que la contrebasse n’était pas que l’éléphant du Carnaval des Animaux. Ce concertino en trois mouvements en est éminemment la preuve. C.-H. Joubert nous offre ici une oeuvre sensible et délicate en trois mouvements. Le premier, allegro, déploie une jolie mélodie qui met en valeur toute les capacités mélodiques de l’instrument notamment avec un très joli thème entre les mesures 13 à 20. Le la mineur un peu mélancolique sert à merveille le propos de l’auteur. Le deuxième mouvement, Aria da capo, ponctué par les noires de l’accompagnement de piano, développe un chant lyrique très poignant. Quant au Rondo final, il contraste avec le reste de l’oeuvre par son caractère enjoué, et même un peu coquin, mais toujours avec un goût très sûr. Il s’agit donc d’une oeuvre tout à fait intéressante et qui devrait satisfaire pleinement les interprètes par sa variété et son élégance.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


FLÛTE

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Alain FLAMME : Escale à Boogie-Land pour flûte et piano. Moyen. Lafitan : P.L.3366.

Voilà une escale qui n’engendre pas la mélancolie. Si tout est jazz dans cette pièce, le rythme typique du boogie se retrouve surtout dans la partie médiane. L’ensemble instaure un véritable dialogue entre piano et flûte ce qui fait que la pièce est classée bien légitimement en musique de chambre. Tout est remarquablement écrit avec des harmonies délicates. On peut distinguer une première partie jusqu’à la mesure 73, aux accents jazz affirmés, puis une partie carrément « boogie » avec sa basse caractéristique et enfin une autre forme de boogie pour terminer sur quelques mesures bien caractéristiques. Il s’agit donc d’excellente musique qui devrait beaucoup plaire à ses interprètes même si elle leur donne un peu de fil à retordre !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Henri-Jean SCHUBNEL : Les Perles de Kashikojima pour flûte et piano. Opus 29. Delatour : DLT0339.

En souvenir d’un congrès international au Japon sur les pierres précieuses et les perles, ce duo opus 29 a été créé et enregistré par le flutiste japonais Kasunori Séo auquel l’oeuvre est dédiée. L’auteur, né en 1935, après une très brillante carrière de minéralogiste, mais aussi élève de Tony Aubin, a mené concurremment une carrière de compositeur, activité à laquelle il se consacre aujourd’hui entièrement. L’oeuvre est à la fois virtuose et sensible, tant pour le pianiste que pour le flûtiste. Ces perles sont en tout cas à découvrir et brillent de tous leurs feux : l’écriture est fluide, étincelante et mélodieuse à souhait.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Alexandre CARLIN : La pagode impériale pour flûte et piano. Lafitan. P.L.3461.

Cette pièce d’environ 1’50 pour flûte de niveau débutant, commence par un thème majestueux et solennel, comportant la gamme pentatonique caractéristique de la musique d’Extrême-Orient. On y entend dès le début des quartes à la main droite, caractéristique de la musique d’Asie, avec le rythme : croche deux doubles croche, faisant penser au rythme des trompettes annonçant des personnalités importantes. Le tout est mis en valeur par des accords dans les graves à la main gauche, nous mettant tout de suite dans une ambiance solennelle. Dans cette petite pièce de forme tripartite, les nuances vont du mezzo-forte au forte. La seconde partie, plus chantée, fait travailler d’avantage le souffle au flûtiste, à qui il est demandé de faire de longues liaisons sur quatre mesures. Espérons que cette oeuvre fasse voyager nos futurs interprètes !
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


CLARINETTE

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Michel CHEBROU : Clarinette adorée pour clarinette et piano. Fin de 1er cycle. Lafitan : P.L.3280.

Cette très jolie pièce comporte trois parties. Une première partie, à quatre temps, met en valeur une très belle mélodie, très chantante, dans un tempo Allegro Moderato. La deuxième partie, plus fluctuante et plus rythmique, se déroule sur un trois temps un peu moins rapide. Les modulations se font plus présentes et le piano passe du rôle d’accompagnateur à celui de véritable partenaire. La troisième partie marque un retour au Tempo primo à quatre temps qui se termine par un rythme sautillé et joyeux, dans la tonalité bien affirmée de sib Majeur. Cette pièce, qui met en valeur toutes les qualités du clarinettiste et en particulier sa sensibilité devrait rencontrer un franc succès.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


SAXOPHONE

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Carlos GARDEL : Tango Saxophone duets pour deux saxophones alto ou saxophones alto et ténor. Arrangés par Diego Collati. Universal : UE 33 063.

Lorsqu’on parle du Tango, on ne peut pas échapper à Carlos Gardel (1890 – 1935) dont, malgré sa brève existence trop tôt interrompue par un accident, les tangos sont universellement connus. Diego Collati a sélectionné et arrangé pour deux saxophones quelques-uns des plus célèbres dans une visée pédagogique. Les deux voix sont de moyenne difficulté et les arrangements comportent régulièrement de nouveaux éléments mélodiques et rythmiques qui permettent une véritable progression des interprètes. On lira en fin de volume la préface en français de Diego Collati. L’ensemble devrait avoir beaucoup de succès auprès des saxophonistes et de leurs auditeurs.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Klaus DICKENBAUER & Martin GASSELBERGER : My Song Diary pour saxophone alto. 1 vol. 1 CD. Niveau facile à modéré. Universal : UE 38 045 – 38 046.

Les auteurs présentent ainsi leur ouvrage : « Interpréter, improviser, composer, n’est-ce pas aussi exposer ses sentiments et son monde intérieur ? Du mystérieux Secret Wishes à une Joyful Dance animée, de la délicate Melancholia à l’impérieux Let the cat in !, notre recueil d’airs offre un reflet de la vie sous ses multiples facettes. Nous mettons le cap sur un monde imaginaire et merveilleux (Your Fairy Tale) pour y rencontrer peutêtre des Angry Rabbits et des Lonely Girls, puis entamer une Zappy Walk qui nous ramènera à la réalité. »
Ce ne sont pas moins de douze pièces que nous proposent les auteurs, dans un style souvent un peu jazzy, en tout cas fort agréable. Une place est laissée à l’improvisation. La partition de piano d’accompagnement est disponible sur le site en téléchargement, ou tout simplement en PDF sur le CD et également en version papier classique. Le CD comporte deux versions de chaque pièce (avec la traditionnelle plage pour s’accorder…). L’ensemble est plein de charme et de fantaisie et devrait rencontrer un franc succès.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Béla BARTÓK : Rumänische Weihnachtslieder – série II transcrits pour quatuor de saxophones par Andreas van Zoelen. Universal : UE 38 023.

Ces « chants de noël roumains » ont été inspirés à Bartok par des mélodies populaires associées à un rite païen de la célébration du solstice d'hiver, qui, selon Bartok, faisaient penser à « une impression de sauvagerie plutôt guerrière que de piété religieuse. » La transcription qui nous est proposée ici est parfaitement adaptée à cet ensemble instrumental composé d’un soprano, d’un alto, d’un ténor et d’un baryton. Chaque instrument a un rôle tour à tour mélodique et d’accompagnement. L’ensemble comprend dix pièces et la partition comprend le conducteur et les parties séparées. On ne peut que se réjouir de voir de telles transcriptions se répandre pour le plus grand plaisir des instrumentistes.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


BASSON

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Jean-Louis COUTURIER : Idylle et danse élégiaque pour basson & piano. Andel : andelmusic.be 2019.

Destinée aux élèves de niveau deuxième cycle, cette pièce permettra de consolider les acquis de l’élève tant en technique du phrasé qu’en musicalité. L’« Idylle », andantino, développe une ample mélodie dans la tonalité à la fois solennelle et méditative de la bémol Majeur. La « Danse élégiaque » qui suit et enchaine, plus rapide et plus rythmé, s’ouvre par une ouverture par le piano en do mineur qui introduit une sorte de ronde infernale qui peut suggérer toutes les images les plus inquiétantes. Mais il ne faut pas prendre tout cela trop au sérieux, et l’humour fait partie du discours ! L’ensemble constitue un très agréable ensemble dans lequel le piano possède vraiment son rôle et sa personnalité. Les deux interprètes devront donc montrer leurs qualités de chambristes.
Daniel Blackstone
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TROMPETTE

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André TELMAN : Sur un petit air brodé pour trompette ou cornet ou bugle et piano. Élémentaire. Lafitan : P.L.3389.

Plus qu’à un air brodé, c’est à un air à multiples facettes que l’on pense. Toutes les ressources de l’instrument sont mises à l’épreuve, virtuosité, musicalité, expressivité… rien n’échappe à cette très agréable composition. Comme toujours dans cette collection, piano et trompette ont part égale dans le discours et dialoguent avec bonheur. On appréciera les changements de style et les harmonies délicates ainsi que les modulations, sans oublier les changements de rythme… Loin de la pièce pédagogique, c’est à une véritable oeuvre que l’on a affaire, et qui peut déborder la simple audition d’élève pour s’adresser à un public plus large et à des instrumentistes professionnels. Autrement dit, c’est vraiment de la musique !
Daniel Blackstone
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Paul ROUGNON (1846 – 1934) : 1er solo pour Trompette chromatique et Piano (1895) Martin Schmidt https://www.martin-schmid-blechblaesernoten.de/shop/ : SM50953 – 2ème solo pour Trompette chromatique et Piano (1896) SM50954.

Cet éditeur spécialisé dans les partitions pour cuivre nous propose une nouvelle édition des solos de concert de Paul Rougnon. L’édition a été réalisée par Jean-Louis Couturier, bien connu à la fois comme interprète, comme compositeur et comme éditeur et restituteur spécialement de partitions des XVIII° et XIX° siècles. C’est dire la qualité de cette édition qui nous restitue ces compositions pédagogiques de ce grand musicien et professeur au CNSM dans différentes
Daniel Blackstone
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Alexandre CARLIN : De temps en temps pour trompette ou cornet ou bugle et piano. 1er cycle, 3ème année. Lafitan : P.L. 3394.

Une première partie, très alerte et très espiègle nous emmène à travers une sorte de promenade heureuse qui se termine par une cadence qui débouche sur un tout autre paysage. C’est maintenant un Andante à quatre temps qui se déroule sur une sorte d’ostinato rythmique du piano qui égrène des noires à 66, tandis que la trompette déroule une mélodie qu’on pourrait qualifier de funèbre, dans un ré mineur tragique, bientôt relayée par le piano mais revient alors le sib majeur enjoué du début qui se termine par quatre mesures tout à fait triomphales. L’ensemble est fort agréable et permettra, pas ses contrastes, l’expression de toutes les qualités des interprètes.
Daniel Blackstone
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Claude-Henry JOUBERT : Du chambard sur les fortifs ! Une enquête du commissaire Léonard pour trompette en sib ou cornet ou bugle (niveau : fin de 1er cycle) avec accompagnement du professeur de trompette. Lafitan : P.L.3264.

Les fortifs… ! Qui se souvient encore de ces fortifications qui entouraient Paris à l’emplacement approximatif de l’actuel boulevard périphérique ? Fort heureusement, un très bel et bon article en raconte l’histoire http://peccadille.net/2014/02/04/avant-le-periph-la-zone-etles-fortifs/ On ne peut que conseiller, pour interpréter cette pièce la lecture de cet article tout en potassant parallèlement la Méthode à Mimile pour bien saisir la langue fleurie utilisée dans les commentaires d’accompagnement. Comme à l’accoutumée, Claude- Henry Joubert laisse, dans ce roman policier, une large part à l’improvisation, mais en guidant pas à pas – et en faisant appel à l’aide de son professeur – l’élève dans son cheminement. Que dire d’autre sinon qu’élève et professeur devraient tirer profit de façon très agréable de cette pièce un peu déjantée…
Daniel Blackstone
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TROMBONE

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Yves BOUILLOT : Balade en coolisse pour trombone et piano. Fin de 1er cycle. Lafitan : P.L. 3420.

Déjantée… c’est aussi l’adjectif qui conviendrait sans doute à cette pièce fort cool..issante ! Cette balade offre des paysages variés, franchement dégingandée au début et à la fin, puis plus sage dans ses autres parties. La promenade nonchalante nous emmène, après un allegro un peu canaille jusqu’à une valse aguicheuse au rythme vite syncopé pour revenir à un quatre temps tragi-comique, le tout s’achevant par un retour au thème original. L’ensemble se révèle fort agréable et constitue également un excellent exercice à la fois technique et expressif.
Daniel Blackstone
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COR

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André DELCAMBRE : Airs de printemps pour cor en fa ou mib et piano. Élémentaire. Lafitan : P.L.3283.

Ces airs de printemps se déroulent à 6/8 sur des rythmes tranquilles de sicilienne pendant la plus grande partie du morceau. L’ensemble module avec bonheur et grâce, explorant les différentes tessitures de l’instrument et dialoguant avec son compère le piano qui prend largement sa part du discours musical. La dernière partie, « plus vif » mais toujours à 6/8 donne un caractère très allant à cette fin où le cor a la part belle. Là encore, il s’agit de véritable musique de chambre où les instrumentistes devront montrer leur sens musical et leur capacité à l’écoute mutuelle.
Daniel Blackstone
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MUSIQUE DE CHAMBRE

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Vincent d’Indy : Les nuées pour quatuor de saxophone et piano. Réduction piano par Nicolas Prost. Lemoine : 29 421 H.L.

Nicolas Prost a réalisé une transcription d’un passage de l’opéra Fervaal de Vincent d’Indy, tombé malheureusement dans l’oubli. Citons le transcripteur : « Un court mouvement extrait de l’acte II utilise 4 saxophones (1 soprano, 2 altos, 1 ténor), ce qui est chose rare à l’époque étant donné la récente invention de l’instrument d’Adolphe Sax. Il s’agit du chant du personnage de Kaito accompagné par des voix féminines mystérieuses « Les Nuées », installées dans les coulisses. » Kaito est une prophétesse à la voix d’alto. Cette réduction, fidèle à l’original, est destinée à être jouée en concert. Elle met évidemment en valeur les parties originales des saxophones tandis que le piano s’efforce de suggérer à la fois la soliste et le choeur. On pourra se faire une idée de cet extrait de l’oeuvre avec soliste, choeur et saxophones et réduction de piano sur YouTube
https://www.youtube.com/watch?v=8Ff1agWb9yM
Daniel Blackstone
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Anthony GIRARD : Derniers instants avant la Nuit. Pour marimba et orgue. Delatour : DLT0579.

Nul doute que marimba et orgue puisse faire un couple bien appairé et on peut faire confiance pour Anthony Girard dans ce domaine. Il n’y a aucune mention de registration sur la partition : ce sera donc aux deux instrumentistes d’orchestrer eux-mêmes leur dialogue mais les indications de nuances et de dynamique serviront aisément de guide. Chacun pourra s’exprimer et donner libre cours à sa sensibilité. On remarquera aussi l’importance du rythme d’un bout à l’autre de l’oeuvre. Le titre en lui-même porte l’ambiance de la pièce, ainsi que la photographie de couverture.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Jean-Charles GANDRILLE : Variations pour violon et orgue. Delatour : DLT2829.

Ces variations ont été créées par David Galoustov au violon et l’auteur à l’orgue, lors d’un concert donné à Batz-sur-mer en 2015, année de l’écriture de la pièce. Elles ont été enregistrées par les mêmes interprètes à l'orgue de l’église Saint Lubin de Rambouillet, en avril 2017 et peuvent être écoutées sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=yyN40JL4Xws Si on peut parler de variations, on pourrait aussi parler de passacaille. Sur une suite d’accords très simple, le violon est tour à tour chantant par ses belles phrases ou mordant par ses bariolages sur les quatre cordes, par-dessus la trame d’orgue immuable. L’oeuvre s’achève par un puissant lyrisme du violon, en péroraison. Elle ne demande pas forcément un instrument important mais de qualité, comme le Schwenkedel sur lequel l’oeuvre a été enregistrée.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Antonin DVOŘÁK : Quatuor en fa Majeur « Quatuor américain » arrangé par Stephan Konz pour flûte, violon, alto et violoncelle et édité par Emmanuel Pahud. Universal : UE 38031 (partition) 38 032 (matériel).

On sait la volonté d’Emmanuel Pahud d’élargir le répertoire de son instrument notamment par des transcriptions. Celui-ci s’appuie sur les progrès techniques et expressifs réalisés par l’instrument et ceux qui en jouent pour justifier cette transcription tout à fait réussie. On ne présente pas ce célèbre quatuor. Souhaitons que beaucoup de quatuors avec flûte s’emparent de cette transcription et l’ajoutent à leurs concerts. En tous cas, les flûtistes ne pourront que se réjouir de ce nouvel apport à leur répertoire. Ajoutons que la présentation est trilingue.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Johannes BRAHMS : Sonate en fa mineur op. 120, n° 1 pour clarinette et piano, transcrite pour flûte et piano par Emmanuel Pahud. Universal : UE 36762.

Ici, c’est une des deux sonates pour clarinette et piano de Brahms que nous propose Emmanuel Pahud. D’autres transcriptions, réalisées par Brahms lui-même existent, notamment pour alto puis violon et piano. La version d’Emmanuel Pahud, réalisée d’après l’édition Urtext publiée par ailleurs, respecte autant que possible la lettre et en tout cas l’esprit de l’oeuvre originale. Le célèbre flûtiste enrichit donc une fois de plus, grâce à la collection qu’il a initiée chez Universal, le répertoire destiné à la flûte traversière.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Jean-François FOURMAUX : Pause café pour batterie et piano avec guitare et guitare basse ad lib. Lafitan : P.L. 3436.

Voici une jolie pièce d’allure rêveuse abordable en milieu de 1er cycle. Elle permettra par exemple d’aborder en douceur le chiffrage américain avec des accords parfait majeur et mineur sur une tonalité de La bémol majeur. La nomenclature se compose d’une guitare rythmique, une guitare basse, la partie mélodique au piano et une batterie avec deux possibilités en fonction du niveau du batteur. La partition est constituée d’un conducteur plus les parties instrumentales séparées. Il n’y a plus d’excuses pour faire de la musique de chambre et partager la musique dans une formation standardisée !
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Matthieu STEFANELLI : Syn-phone ou Apparitions célestes pour quatuor à cordes et piano. Delatour France : DLT2701.

Cette oeuvre, d’une durée de huit minutes, fut écrite entre 2010 et 2011 et crée en 2015 à Paris. L’auteur dit l’avoir composée à la suite d’une « vision particulièrement émouvante d’un coucher de soleil aux mauve et pourpre, ainsi que d’un fond bleu pastel ». A cette vision colorée des cieux s’ajoutent quelques nuages gris et gouttes de pluie ainsi qu’ un questionnement théologique sur l’existence de Dieu. L’auteur tente d’y répondre par « l’insertion de chants grégoriens et d’un passage In Paradisium. Le quatuor à cordes est conçu comme un seul instrument mêlé très étroitement au piano dans un souci d’unité (comme le soulignent les mots « syn-phone »). Trilles continus et enchaînés les uns aux autres, trémolos, bariolages, cadence de piano, changements de mesures, de tempo, homorythmies, glissandi rendent un effet de « tissage » entre les différentes parties. Les indications d’interprétation sont notées avec une grande précision (positions, sourdines, nuances, pédales…) et traduisent l’inspiration réelle et fine du compositeur. La partition contient les parties séparées (sauf la partie de piano) et le conducteur.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


ORCHESTRE

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David BROOKER : Stringplay. Arrangements flexibles pour orchestre à cordes junior. Universal : UE 21 782.

On ne peut que se réjouir devant ces arrangements on ne peut plus « flexibles » qui permettront de commencer un travail d’orchestre à cordes junior dans les meilleures conditions. Toutes les configurations possibles, y compris les plus improbables, sont prévues et permettent de se constituer un arrangement exactement à la mesure de son ensemble. Une partie de ce qu’on appelait autrefois dans les arrangements « piano conducteur » est également prévue, bien utile pour inclure un élève pianiste (de bon niveau) dans l’orchestre. J’ai souvent pratiqué moi-même cette formule… Ajoutons, cerise sur le gâteau, que les parties séparées sont à télécharger gratuitement à une adresse indiquée dans le volume.
Quant aux arrangements eux-mêmes, car il ne faut pas oublier d’en parler, ils sont vraiment très simples et de style varié. Voici une réalisation qui rendra de grands services, d’autant que l’édition est trilingue.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Gérard HILPIPRE : Calme, grandeur, soleil…, Poème pour orchestre d’instruments à vents. Delatour. DLT2834.

Ce poème symphonique d’environ 11 minutes pour orchestre d’instruments à vents écrit dans une première version en 1990, est dédié à Michel Etchegoncelay. Cette nouvelle partition « a été entièrement révisée et refondue en 2018, pour obtenir plus de cohérence, d’unité, et surtout d’efficacité sonore ». Elle est pour 2 flûtes, hautbois, cor anglais, 3 clarinettes en sib et une clarinette basse, 2 saxophones alto, un saxophone ténor et un saxophone baryton, un basson, 2 cors en Fa, une trompette en do, 2 trombones, un euphonium en sib, un tuba, des percussions diverses : cymbales, tam-tam, gong, triangle, des timbales, un glockenspiel et un marimba.
On y entend d’abord le calme profond de la nature sauvage au lever du soleil. La nature se réveille doucement avec des cris euphoriques par-ci par-là, jusqu’à atteindre un climax homorythmique exaltant, puis des brouillards sonores mystérieux nous ramènent comme un cycle à la paix de la nature qui s’endort à nouveau. Par cette oeuvre, Gérard Hilpipre a voulu prouver son amour pour la nature et plus particulièrement pour les espaces de la haute montagne, amour qu’il partage avec Friedrich Nietzsche dont la devise « joli froid, nature splendide, calme, grandeur, soleil », sert à cette oeuvre.
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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DVOŘÁK : IX° symfonie e moll « Z Nového svčta » op. 95. Éditée par Jonathan Del Mar. Bärenreiter : BA 10419

Cette édition est présentée par l’éditeur comme « révolutionnaire » car elle prend en compte de nouvelles sources, offre des solutions à des problèmes controversés et contient un avant-propos et un commentaire critique détaillé. On regrettera une fois de plus que cet ensemble fort intéressant ne comporte pas de traduction française. Jonathan Del Mar a réussi à démêler un réseau complexe de sources survivantes, dont certaines n’avaient jamais été prises en compte auparavant. Parmi ces sources, on trouve plusieurs exemples musicaux de la main de Dvořák qui ont été utilisés lors d'une conférence qu'il a donnée à l'Université Columbia peu après la première du Philharmonique de New York sous la direction d'Anton Seidl. Il met ainsi en lumière, par exemple, le rythme souvent discuté de l'entrée du cornet dans la mesure 4 du mouvement d'ouverture et éclaire les instructions vagues de Dvořák sur l'utilisation de sourdines dans le 2ème mouvement. Il s’agit donc d’une édition très soignée et qui apporte vraiment du nouveau dans la connaissance de cette oeuvre pourtant si souvent interprétée…
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Camille SAINT-SAËNS : 3ème Symphonie en ut mineur op. 78. Bärenreiter Urtext. Bärenreiter : TP 789.

Nous rendons compte ici avec un peu de retard de l’édition en partition de poche de la magistrale édition déjà parue. Nous avons dit, dans une lettre antérieure tout le bien que nous en pensions. Cette édition réalisée par Michael Stegemann est en tous points remarquable. On y retrouve – en français, puisqu’il s’agit d’une oeuvre française – la passionnante préface de l’éditeur dans l’excellente traduction de Louis Delpech. Ajoutons que la clarté de l’impression rend la lecture de la partition extrêmement agréable malgré la petite taille des portées. Et l’oeuvre est si belle…
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Ludwig van BEETHOVEN : LEONORE-OUVERTÜRE Nr. 3 opus 72, für Orchester. Édition Helga Lühning. Urtext Edition. Bärenreiter : BA 8833.

L’édition Breitkopf de 1810 est la seule version complète, imprimée à la demande de Beethoven. Cette oeuvre a été considérée comme marquante du vivant du compositeur, figurant parmi les plus « imposantes », les plus « difficiles » et les plus « riches », même si les premières critiques contestaient les « dissonances incessantes » et autres travers. Avec Coriolan et Egmont, Léonore donne naissance à un nouveau genre : l’ « ouverture de concert », délaissant ainsi sa fonction à l’opéra. La genèse de cette ouverture reste obscure et complexe, car aucun manuscrit ne nous est parvenu, ni aucune mention dans la correspondance de Beethoven. Après beaucoup de recherches et de contradictions, on peut être sûr aujourd’hui, que Léonore III est l’ouverture composée en 1806 et entendue pour la première fois au Theater an der Wien, le 29 mars de la même année. La présente édition reprend le texte musical de l’édition complète publiée par G. Henle (volume 4). Les lecteurs se réfèreront à la préface et au commentaire critique (en anglais et en allemand) pour un complément d’information sur les questions éditoriales et quelques problèmes d’interprétation.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019



LIVRES & REVUES

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Jacques Offenbach : La Périchole 1868 Livre-CD

Pour célébrer l’année Offenbach qui commémore le bicentenaire de la naissance du célèbre compositeur, le Centre de Musique Romantique Française, installé à Venise dans le Palazzetto Bru Zane, un palais de 1695 qui sert de siège à la Fondation Bru, propose son 21ème opus d’opéra français dans une belle édition livre-disque de sa collection destinée à favoriser la redécouverte du patrimoine musical français du grand XIXe siècle (1780-1920).
Les éditions qui précèdent cet opus 21 présentent des opéras méconnus du répertoire lyrique français, que l’on pourrait qualifier de « rares » et qui méritent certainement d’être découverts. On y retrouve des œuvres de compositeurs allemands, français et italiens ayant composé pour des livrets en langue française, tels que Amadis de Gaulle de Johann Christian Bach (le fils cadet de Jean-Sébastien), qui est le premier opus. Tout comme celui-ci, les autres titres sont bien peu connus.
Parmi les compositeurs présentés, certains sont plus ou moins familiers du grand public, comme Jules Massenet, Camille Saint-Saëns, Antonio Salieri, Charles Gounod, Edouard Lalo, Gaspare Spontini ou Jacques Fromental Halévy. D’autres, beaucoup moins connus, tels que Rodolphe Kreutzer, Antonio Sacchini, Victorin de Joncières, Charles-Simon Catel, Félicien David, Ferdinand Hérold, Etienne Nicolas Méhul ou Benjamin Godard… Jacques Offenbach apparaît donc ici comme une sorte de « lumière », car bien plus célèbre que les autres, et La Périchole comme une œuvre parmi celles que l’on pourrait qualifier de « populaires » dans son abondante production lyrique.
Dix autres livres-CD complètent la collection, avec la présentation de six Prix de Rome (Claude Debussy, Camille Saint-Saëns, Gustave Charpentier, Max d’Ollone, Paul Dukas et Charles Gounod) et quatre portraits de compositeurs méconnus (Théodore Gouvy, Théodore Dubois, Marie Jaëll et Félicien David). Les amateurs de découvertes seront bien servis.
La présentation du livre, dans un format 14 x 21 cm. (format digest) est d’une belle facture, avec couverture et quatrième de couverture (ou « plat verso ») cartonnés très épais et caractères d’écriture en blanc et rouge sur fond noir, le tout très agréable à regarder et facile à manier. Le sommaire présente des analyses de quatre spécialistes, suivies d’un synopsis, soit le résumé des trois actes de l’opéra et enfin le livret, comportant le texte complet des numéros chantés et des dialogues, avec le détail de toutes les actions qui s’enchaînent dès l’ouverture jusqu’au numéro final. Des photos des interprètes et le détail de la distribution, ainsi que l’index des plages des deux CD complètent le livre de 167 pages, le tout en français et en anglais, avec une jolie alternance de noir et de violet pour les textes des langues respectives et quelques belles illustrations : photos, caricatures, dessins et couvertures de partitions de l’époque autour de La Périchole.
Douze chanteurs solistes sont dirigés par le très expérimenté chef et directeur musical Marc Minkowski, qui est ici à la tête de ses Musiciens du Louvre et du Chœur de l’Opéra National de Bordeaux. Compte-tenu des nombreuses et très réussies productions d’opéra et notamment de celles d’Offenbach, qui ont rencontré le plus vif succès auprès de la presse spécialisée et du public, on est pratiquement sûr de ne pas être déçus par le rendu musical de l’enregistrement.
Les choix interprétatifs du chef peuvent être appréciés ou non. D’autres versions peuvent recueillir la préférence de certains initiés, mais Minkowski a sans conteste une connaissance approfondie de cette musique et il en fait une lecture qui est sans aucun doute irréprochable. Dès le début on sent la joie, la gaîté et toute la malice des intentions du compositeur et de ses librettistes. La critique sociale ainsi qu’une vision aiguisée de toutes les situations rencontrées, les unes plus loufoques que les autres, ne peuvent que nous amuser, tout en portant un regard critique sur la réalité présentée par l’histoire et sa contextualisation à l’époque d’Offenbach. La première chose que l’on se dit c’est que, comme dans beaucoup d’ouvrages lyriques d’Offenbach, « tout cela est plus vrai que nature » et reste d’une étonnante actualité. Ce qui est une constante dans beaucoup de chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art.
En conclusion, nous pouvons, sans hésitation, recommander cette réalisation à tous les amateurs d’opéra-comique et à tous les esprits désireux de prendre connaissance de cet ouvrage magnifique par cette approche originale qui consiste à lire les commentaires analytiques présentés au début du livre et qui situent l’œuvre dans son contexte historique et social sous l’angle de notre XXIème siècle. Les articles des quatre spécialistes nous donnent ainsi une vision assez complète et pertinente de l’ouvrage, servant d’introduction à l’écoute intégrale. Elle peut se faire, comme c’est le cas dans tous les théâtres d’opéra actuellement, en « voyant défiler le texte chanté et parlé » (à la lecture du livre), ou en lisant l’intégralité de l’histoire au préalable, ce qui permet, comme dans toutes les histoires, d’imaginer le décor et l’action tels que notre imagination nous les proposent. Ainsi, on se fait « notre propre opéra » : une manière originale de s’approprier un chef-d’œuvre du répertoire lyrique sans aller au théâtre, sans regarder un film, mais tout simplement en faisant appel à notre imagination.
Hector SABO
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


Voix hébraïques
Hector SABO
EN PRÉPARATION


L’association du peuple hébreu à la musique remonte aux temps de la Bible. Or, « la composante musicale de la tradition juive est déterminée à la fois par l’espace et le temps ; par les modes artistiques de ses lieux d’exécution, et par les contextes culturels propres à son histoire », écrit Paul B. Fenton dans sa préface à ces Voix hébraïques. Espace et temps, c’est à un voyage historique, mais surtout musical, qu’invite ce livre, en quête de la « musique juive », si difficile à définir dans sa diversité, ancrée dans la permanence de la langue hébraïque.

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Jean-Luc CARON : Musique romantique suédoise. Abrégé historique, biographique et esthétique. Paris, L’HARMATTAN (www.editions-harmattan.fr ), Coll. Univers musical, 2019. 228 p. - 24 €.

Trois angles d’attaque : histoire, vie, esthétique, autour de trois problèmes : mythe, fiction ou réalité ?, ce nouvel ouvrage de Jean-Luc Caron, grand spécialiste de la musique nordique, a pour fils conducteurs la notion d’identité et les influences subies.
La démarche est appuyée par un indispensable Tableau synoptique ; par un Catalogue et une Discographie choisis (p. 199-212) par formes et compositeurs, ainsi qu’une Bibliographie —avec de nombreux titres de l’auteur — et un copieux Index qui, à lui seul, démontrerait qu’il s’agit bien plus que d’un simple « abrégé ». Les lecteurs apprécieront le remarquable apparat critique leur permettant d’entrer dans le vif du sujet.
Dès la préhistoire, des traces de vie musicale sont attestées par l’iconographie (peintures rupestres). Au Moyen Âge, le chant liturgique (séquences, hymnes) monodique avéré évolue vers la polyphonie. Au XVIe siècle — avec l’adoption de la Réforme (luthérienne) —, la Messe suédoise : Svenska Missa (1531) préconise la langue vernaculaire (pas de dialecte dans ce pays) ; le chant d’assemblée est consigné dans le Koralpsalmboken (recueil de Chorals et Psaumes). Cette pratique est encore encouragée par la présence de nombreux musiciens allemands en Suède. La musique baroque (J. S. Bach entre autres) y sera très prisée.
Après cette indispensable rétrospective, J.-L. Caron convie ses lecteurs à une immersion dans l’esthétique romantique. La famille Düben s’invite dans la vie musicale à Stockholm avec Anders (Andreas, 1590-1660), fils du cantor de Leipzig ; le début de l’Opéra suédois se profile. La famille Berwald s’impose également. L’auteur distingue trois « national-romantismes suédois » : d’abord exacerbé, soumis à l’influence germanique et au folklore ; ensuite, le postromantisme suédois qui s’affranchit — peu à peu, l’« âme suédoise » sera imprégnée de modernisme — ; enfin, un genre de néo-classicisme qui s’installe.
En conclusion, l’auteur reprend sa triple problématique initiale mythe-fiction ou réalité et associe à son leitmotif la notion d’« espoir », en insistant sur les figures phare d’Otto Lindblad (1809-1864) et d’August Södermann (1832-1876). Il signe ici une véritable plongée dans l’univers musical nordique à vrai dire généralement peu connu des mélomanes français.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Jean POUCHELON : Les Gnawa du Maroc. Intercesseurs de la différence. Sampzon, DELATOUR France, Coll. Pensée musicale, BDT 0104. 2019, 259 p. - 30 €.

Ethnologues, anthropologues, ethnomusicologues, néophytes seront abondamment informés au sujet des Gnawa (pluriel de Gnawi) du Maroc, originaires du Gana. Ces « musiciens-officiants », groupant à la fois des Noirs, des Métisses et des Blancs, célèbrent Dieu et son Prophète Muhammad par des chants et des danses allant jusqu’à la transe.
Leur répertoire spécule sur l’ambiguïté poétique, musicale et symbolique. Ils se produisent à la maison, sur les places et dans les rues. Le tambour intervient entre les prières ; le luth (gimbri), après la prière du couchant. Le chant assuré par un soliste puis le chœur, peut durer soit une nuit (lila), soit jusqu’à trois nuits (cf. p. 145). Il fait appel aux pentatonismes sous-tendus par des rythmes, polyrythmies et leur modélisation.
Compte tenu de la spécificité (et de la nouveauté) du sujet, toute première approche devrait débuter par les riches Appendices : d’abord pour se familiariser avec le Glossaire (terminologie, traductions et définitions) indispensable (p. 231-234). La Bibliographie quasi exhaustive est complétée par une Discographie : divers rituels, interprètes orientaux (2 pages). L’ensemble de cette brillante étude est explicité par les Tables des 82 figures, des Écoutes et des Vidéos. À noter, en particulier, le Tableau comparatif des performances des Gnawa (p. 145), confrérie hybride qui cultive « ésotérisme et étrangeté pour conserver leur légitimité d’experts de l’invisible » (cf. conclusion) et d’intercesseurs de la différence.
Jean Pouchelon est ethnomusicologue, musicien et enseignant. Sous cotutelle des Universités de Montréal et de Nanterre, il est l’auteur de la Thèse éponyme (2015) approfondissant les domaines ethnopoétique et ethnochoréologique, résultant de ses nombreux séjours au Maroc depuis plus d’une quinzaine d’années. Un nouveau champ d’investigation pluridisciplinaire.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Alban RAMAUT et Emmanuel REIBEL (dir.) : Hector BERLIOZ 1869-2019. 150 ans de passions. Château-Gontier, AEDAM MUSICAE (www.musicae.fr ). 2019, 353 p. – 30 €.

Cette publication s’impose par son apport iconographique, quantitatif et l’actualisation de BERLIOZ (1803-1869). Elle représente surtout un état de la question avec l’indispensable recul du temps.
L’apport iconographique (mise à jour jusqu’en 2019) comprend une judicieuse sélection de lithographies (Figaro, 1883), gravures sur bois, dessins au fusain (portrait de 1862 par Fantin-Latour), estampes, portraits, photographies, caricatures, statues et même billet de banque (10 francs) et, page de titre russe (Troyens et disque) ainsi que de nombreux exemples musicaux. Les sources proviennent d’extraits de manuscrits autographes, affiches de concerts, programmes, du Livre d’or du Centenaire. L’apport quantitatif, très approfondi, est fourni par d’imposantes statistiques (exécution de la Symphonie Fantastique…).
150 ans après la disparition du compositeur romantique par excellence, l’état de la question met l’accent sur sa grande inventivité, sur l’aspect dramatique de sa musique, sur sa recherche très poussée du timbre (personnification des instruments) et de la transparence à l’orchestre, témoignant d’une grande force poétique. Bruno Messina, directeur du Festival Berlioz, souligne dans sa Préface, encore l’indémodabilité du musicien.
Les contributions gravitent notamment autour du problème du rejet ou de la consécration du compositeur selon les œuvres, lors de son vivant, par exemple : La Symphonie Fantastique (1830) ; La Damnation de Faust (op. 24 créée en 1846) et ses représentations à l’Opéra depuis 1909... En Annexes, des exécutions (1830-1903) sont attestées à Paris, Vienne, Bruxelles, Stuttgart, Prague, New York, Chicago, Madrid, Londres (cf. p. 167-171 ; voir aussi les enregistrements commercialisés, p. 172-3). Les lecteurs seront intéressés par les expériences de mise en scène surtout à l’étranger, notamment pour Les Troyens dans l’espace à Valence (Espagne), p. 203, ou encore par l’imposant panorama quantitatif concernant les éditions, et, dernière en date, la 2e édition numérique du Catalogue of the Works of Hector Berlioz (2108) : œuvres musicales, œuvres en prose… sans oublier la Correspondance générale achevée en 2003, la Nouvelle Édition Berlioz (Kassel, Baerenreiter, 2004) et la Bibliographie raisonnée, en plusieurs langues (œuvres de Berlioz, ouvrages sur Berlioz, revues et articles).
Cette publication a été dirigée par Alban Ramaut, professeur de musicologie à l’Université Jean Monnet (Lyon/Saint-Étienne), et Emmanuel Reibel, professeur de musicologie à l’Université Lumière (Lyon II), Membre de l’Institut Universitaire de France, tous deux spécialistes de la musique romantique. Ils ont fait appel à des collaborateurs de renommée internationale et démontré la pérennité de l’œuvre berliozienne, rédéfini l’identité culturelle du compositeur désormais revisité, actualisé, éclairé grâce à cette reconceptualisation si nécessaire, un siècle et demi après sa mort. Bilan quasi exhaustif, travail inattendu par son ampleur.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Pauline RITAINE (éd.) : Paul Dukas. Écrits sur la musique. Vol. I : le théâtre lyrique. Textes rassemblés et présentés par Pauline Ritaine. Château Gontier, Aedam Musicae (www.musicae.fr ). Coll. Musiques XIXe-XXe siècles, 2019, 339 p. – 30 €.

Paul DUKAS (1865-1935), le compositeur de L’Apprenti sorcier avec son thème si prégnant est aussi un critique musical avisé et l’auteur de Horn et Rimenbild (à découvrir), d’après une chanson de geste anglo-saxonne du XIIIe siècle.
Pauline Ritaine a soutenu en 2013 sa thèse de doctorat sur Paul Dukas et l’Opéra : entre théorie et pratique. Elle présente le volume 1 de ses Écrits sur la musique consacré au Théâtre lyrique, en deux parties : 1. Art & Société, 2. Critiques complétées par de nombreuses notes infrapaginales bien ciblées et allant droit à l’essentiel. Elles mettent les lecteurs immédiatement en situation et concernent les compositeurs, chefs, interprètes (divers rôles) et pédagogues ; les sources : archivistes, fonds d’archives, documents iconographiques ; les lieux des représentations ; les faits et événements (incendie…).
À 26 ans, P. Dukas a publié ses critiques successivement dans LA REVUE HEBDOMADAIRE (dès mai 1872) avec, pour objectif de « donner dans son ensemble la représentation la plus complète du mouvement intellectuel contemporain » (p. 9) : plus de 150 articles en 9 ans… ; LA GAZETTE DES BEAUX-ARTS avec supplément : LA CHRONIQUE DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ (du 1. 12. 1894 au 18. 11. 1905) ; LE QUOTIDIEN (1924), d’orientation politique ; LA REVUE MUSICALE (de Henri Prunières) avec lettres autographes.
En résumé, il s’agit d’« exercices journalistiques et musicographiques » (p. 12) et de textes inédits. Ceux-ci révèlent l’état d’esprit (pris sur le vif) avec intelligence, probité, sens de l’observation et insistant également sur l’émotion et la gravité. À noter son style prudent (« il semble », « bien que ») et son sens critique vis à vis de Jules Massenet (1842-1912).
Les lecteurs du XXIe siècle y découvriront des comptes-rendus, critiques, dialogues « fictionnels » (p. 12), des hommages nécrologiques et un éventail des tendances depuis le wagnérisme, le vérisme, l’impressionnisme, sans oublier des clins d’œil vers J. S. BACH, J.- Ph. RAMEAU, M. GRÉTRY et Charles GOUNOD et les chefs Édouard COLONNE, Gustave SAMAZEUILH, Albert WOLFF, Désiré Émile INGHELBRECHT, Ernest ANSERMET mais aussi les diverses mises en scène. Les sources de Paul Dukas sont impressionnantes : Homère, Eschyle, Euripide ; Virgile, Le Tasse ; Shakespeare, Francis James ; Goethe, Schiller, E.T.A. Hofmann ; Racine, Montesquieu, Alfred de Musset, Verlaine…
Belle illustration de la vaste culture générale de Paul Dukas aboutissant à un certain intellectualisme et évoluant vers un nouveau classicisme (p. 319). Pauline Ritaine a signé une somme d’investigations : un must à suivre…
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Anetta FLOIRAT : Karol SZYMANOWSKI à la rencontre des arts. La musique, la littérature et les arts visuels autour des œuvres scéniques : l’opéra Le Roi Roger et le ballet Harnasie. Sampzon, Éditions DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com ). Coll. Pensée Musicale. BDT0158. 2019, 338 p. – 30 €.

La rencontre entre les Arts préoccupe actuellement de nombreux chercheurs d’horizons divers. Anetta Floirat, professeur agrégée enseignant la musique et l’histoire des arts, s’est spécialisée dans les rapprochements entre compositeurs et peintres et, plus particulièrement, la rencontre entre les Arts : Musique et Théâtre. Elle est fascinée par la personnalité de Karol SZYMANOWSKI et son inspiration extramusicale, « puissant moteur de son œuvre ».
Le compositeur polonais, né à Tymochivka (actuellement en Ukraine) en 1882 dans un environnement familial musical, est mort en 1932 à Lausanne. Il a vécu dans un monde en pleine mutation esthétique. Il bénéficie d’une grande culture (Antiquité, Orient, Renaissance italienne… jusqu’à la « décadence de la Jeune Pologne » (début du XXe siècle), favorisée par ses lectures et nombreux périples dans le temps et dans l’espace. Il est à la fois écrivain et compositeur, encore dans le sillage de l’œuvre d’art total (Gesamtkunstwerk) préconisée par Richard Wagner dont il a découvert Lohengrin à l’âge de 13 ans.
Pour sa démonstration si aboutie, Anetta Floirat a sélectionné deux œuvres scéniques marquantes : l’OPÉRA Le Roi Roger (Krol Roger), long voyage initiatique moderniste, et le BALLET Harnasie, où K. SZYMANOWSKI marque son intérêt pour le folklore polonais (Podhale) et l’aspect visuel. L’opéra Le Roi Roger (en 3 actes, sur un livret de J. Iwaszkiewicz, composé entre 1918 et 1924, créé au Théâtre National de Varsovie, le 19 juin 1926) s’inspire librement du monarque chrétien Roger II de Sicile (1095-1154) qui, avec son épouse (ici : Roxane), sont prêts de succomber aux attraits du paganisme oriental (notamment dionysiaque) proposé par le Berger (prophète). D’une texture thématique particulièrement complexe, il révèle l’attirance du compositeur pour l’art byzantin et l’art islamique, juxtapose l’église byzantine (1er Acte), le palais du roi Roger (2e Acte) et les ruines d’un théâtre antique (3e Acte). Dramatiquement forte, orchestralement et vocalement intensément colorée, la musique y combine mélopée grégorienne, mysticisme médiéval et poétique sensualiste orientale. L’orientalisme, mais également les influences de Claude Debussy (1862-1918) et d’Alexandre Scriabine (1871-1915) s’y manifestent. La narration musicale sert de fil conducteur. À signaler les 33 occurrences du thème principal à l’Acte II. La psychologie introspective et le thème du pèlerinage en sous-tendent la trame.
Le ballet-pantomime Harnasie (op. 55, composé entre 1923 et 1931, d’après un livret de Jerzy Rytard et son épouse, ainsi que de J. Iwaszkiewicz, créé en 1935) met en scène le rapt d’une fiancée par le brigand Harnas et sa bande, les Harnasie ; l’action se déroule au sein de la culture gorale traditionnelle implantée dans la région des Monts Tatras (à l’extrême sud de la Pologne). Le compositeur décompose un air goral en motifs utilisés séparément. À remarquer : la grande présence de l’orchestre raffiné (cordes divisées, avec piano, percussions, xylophone et même des coups de pistolet avant la marche des brigands), les transformations et la juxtaposition de motifs, l’entrecroisement de plusieurs airs, l’exploitation de la voix de ténor aigu pour les solos, la valorisation de la puissance vocale. L’unité de l’œuvre est assurée par un réseau de thèmes de rappel : de la mariée (interrogatif), de la veuve (archaïsant), du vieux musicien (avec son violon)… À propos de la musique, Anetta Floirat pose le problème suivant : « Rupture ou continuité par rapport au Roi Roger ? ». Comme elle le rappelle : « À son terme, l’étude des Harnasie revient aux considérations de départ, du lien permanent entre l’art et la réalité. De la même manière que des motifs littéraires, légendaires et des coutumes locales sont mélangés dans le livret pour reconstruire une narration propre, des airs folkloriques, des caractéristiques isolées et un matériau moderne sont associés dans la musique pour produire une partition unique. » (p. 277). Quant à la danse, elle est proche de la tarentelle, avec accompagnements percussifs. Jim Samson (auteur de la Préface) constate pertinemment que « Szymanowski est tout seul à combler le fossé entre les styles anachroniques de la musique polonaise du XIXe siècle et les œuvres des compositeurs de l’Entre-Deux Guerres. De plus, son incidence a été décisive au niveau idéologique. Par son enseignement et par ses écrits autant que par sa musique, Szymanowski apparaît comme le seul défenseur d’idées de progrès dans une période d’apathie et de réaction. Il a dégagé la voie pour les compositeurs plus jeunes, et par les standards élevés qu’il a constamment fixés pour lui-même, il a été un défi et une inspiration » (p. 309).
En conclusion, voici — étayé d’une copieuse Bibliographie et d’exemples musicaux judicieux — un rare modèle d’interdisciplinarité et de confrontation entre les arts littéraire, musical, visuel et scénique.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Gianfranco VINAY : À travers le miroir – Through the Mirror. Sampzon, Éditions DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com ). Coll. Musique/transversales. BDT0166. 2019, 86 p. – 30 €.

Personnalité exceptionnelle, Gianfranco VINAY, franco-italien, est musicologue, peintre, dessinateur et photographe. Il est actuellement professeur d’histoire de la musique au Conservatoire G. Verdi de Turin et maître de conférences habilité à l’Université de Paris VIII.
Cette polyvalence pluridisciplinaire lui a permis de sélectionner judicieusement 75 reproductions, collages et techniques mixtes « sur miroir », également sur papier, dessins et photos. Il propose ainsi des mises en parallèles, par exemple : ce que Claude — pianiste et ingénieur — a trouvé autour du miroir, et en fonction de leurs disciplines, tels que : Renato (musicologue), Patrizia (historienne de la danse), Georges (compositeur), Silvain et Paola (gastronomes) et, bien sûr, deux autres portraits : G. Vinay, photographe à Marseille, et un « tableau miroir ».
Les documents résument la démarche de ce livre placé sous le signe du miroir (Mirror), de l’effet de miroir, bref une « interface de deux arts » avec « deux impératifs : Écouter et Voir ». Il s’agit donc d’un cheminement rétroactif d’un artiste impressionné par la fascination du double, que retracent — outre Gianfranco VINAY — trois autres auteurs : Laurent FENEYROU (directeur-adjoint de l’Institut d’Esthétique des Arts Contemporains, conseiller pédagogique à l’IRCAM, conseiller musical à France-Culture, chargé de recherches dans l’équipe Analyse des Pratiques musicales), Frédérique MALAVAL (Maître de Conférences en Arts plastiques à l’Université Paul-Valéry Montpellier III) et Giorgio Di GENOVA (historien de l’art et critique) qui ont conjugué leurs talents (contributions trilingues en italien, français, anglais). Par exemple, Laurent Feneyrou se référant à l’Ancien Testament (Exode, 20, 18) : « Tout le peuple voyait/entendait la voix » insiste sur le regard associé à l’écoute (p. 47) ; il ne s’agit pas de « synesthésie » selon Olivier Messiaen ni de dérèglement des nerfs optique et auditif.
Cette incursion de la musicologue dans l’art visuel est tributaire de plusieurs dualités : écouter/voir ; images musicales/images picturales ; concepts/notions ; sensations/sentiments ; apparition/disparition ; dedans/dehors. Autrement dit : univers du voir et univers de l’entendre et, au final, ce que Gianfranco VINAY a trouvé des deux côtés du miroir. Fascinant.
Édith Weber
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Claude ABROMONT : Guide de l’analyse musicale. Dijon, ÉDITIONS UNIVERSITAIRES (http://eud.i-bourgogne.fr ). Coll. Musiques, EUD, 2019, 457 p. – 28 €.

Claude Abromont, spécialiste incontesté en méthodologie et analyse, a compilé une cinquantaine de traités du Moyen Âge jusqu’au XXIe siècle : allant de ceux de Heinrich GLAREAN (1516), Joachim BURMEISTER (1600), Marin MERSENNE (1636), Athanasius KIRCHER (1650)… jusqu’à, plus proches de nous, ceux d’Arnold SCHOENBERG (1911), de Paul HINDEMITH (1937-39) et aux travaux de Heinrich SCHENCKER, Theodor ADORNO, Jean-Jacques NATTIEZ, Nicolas MEEUS, parmi d’autres.
La musique n’est pas considérée comme un « art », mais elle procure l’occasion d’une spéculation intellectuelle illustrant l’ampleur de la démarche à la fois : harmonique, implicative, inventive, motivique, électro-acoustique, narratologique, paradigmatique, rhétorique, rythmique, stylistique, thématique, herméneutique, génétique, informatique et neuroscientifique. Les compositeurs abordés vont de Cl. MONTEVERDI, J. S. BACH, J.-Ph. RAMEAU, L. van BEETHOVEN aux Romantiques jusqu’à R. WAGNER, I. STRAVINSKY, P. BOULEZ, Y. XENAKIS…
La lecture de ce Guide polyvalent doit être impérativement et simultanément associée à l’audition sur internet des exemples musicaux complets (le texte rédigé ne comprenant que ces citations abrégées). Ce modèle d’approches analytiques croisées comprend en outre des définitions très utiles et une Bibliographie raisonnée. Cette publication illustre le chemin parcouru depuis le Traité historique d’analyse musicale (1977) de Jacques CHAILLEY, la Technique de mon langage musical (1994) d’Olivier MESSIAEN jusqu’au XXIe siècle.
Les musicologues, interprètes et mélomanes cultivés apprécieront cette action conjointe : lecture du Guide / vision / audition sur internet, ainsi que la démarche extraordinaire et globale de Claude Abromont qui, dans sa « Coda » (p. 389), a pour objectif de convaincre. Magnifique exemple de supercomplémentarité intradisciplinaire au XXIe siècle.
Édith Weber
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Ester PINEDA : Le corps musicien. Vers une méthode sensorielle de l’interprétation pianistique. Sampzon, DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com ). 2019, 126 p. – 25 €.

La pianiste Ester Pineda enseigne le piano au Conservatoire municipal Jean-Philippe Rameau (Paris, 6e). Spécialisée en neuropsychologie musicale, elle approfondit l’impact de la pratique musicale sur l’activité cérébrale. Cet ouvrage tripartite met en évidence le rôle du corps dans l’apprentissage de la musique grâce aux découvertes opérées par les sciences cognitives. Sa lecture viendra en complément de l’ouvrage de Stéphane Udovitch (Les pouvoirs du piano, cf. LI 126).
Le premier chapitre établissant des apports de la psychologie cognitive et des neurosciences rappelle les processus de perception de la musique, puis s’attache aux capacités sensorielles du corps humain, en insistant sur le traitement cérébral de l’information et la mise à contribution de la mémoire.
Le deuxième chapitre se concentre sur les différents aspects de la mobilisation corporelle au cours de l’apprentissage, analyse trois démarches parmi les approches somatiques de conscience corporelle (Technique de Frederick Matthias Alexander (1869-1955) — visant à remédier aux souffrances que le musicien s’inflige à lui-même, conséquences d’une mauvaise posture — ; Méthode de Moshe Feldenkrais (1904-1984), l’un des introducteurs du judo en France — fondée sur le bien être lié au mouvement — et sophrologie), puis rappelle le fondement rythmique de l’enseignement d’Émile Jaques Dalcroze (1865-1950).
Le dernier chapitre intitulé « Un voyage d’hiver » fait le bilan de 3 actions pédagogiques menées par Ester Pineda respectivement à la Chapelle Musicale Reine Élisabeth (Waterloo) — lors d’Ateliers de piano avec la pédagogue Maria Joao Pires —, à l’Institut Jaques Dalcroze (Genève) et au Conservatoire J.-Ph. Rameau (Paris). De ces observations, entretiens, échanges entre collègues, questionnaires adressés aux élèves concernant l’auto-perception progressive de la mobilisation corporelle mise en œuvre lors du processus d’apprentissage musical, l’auteur réussit à établir une « corrélation entre la conscience corporelle et le jeu lui-même », et aboutit à une redéfinition du rapport à l’œuvre musicale, de la transmission (cf. schéma descriptif de la transmission musicale, p. 116) et de l’enseignement. Un pas de plus vers une introspection en connaissance de cause du « corps musicien ».
Édith Weber
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TEMPO FLÛTE. Revue de l’Association d’histoire de la flûte française. N°20. Second Semestre 2019, Saint-Clair-sur-Epte. 64 p. –18 €.

Créée il y a dix ans, l’Association d’histoire de la flûte française propose — à l’initiative de son directeur Pascal Gresset — un large regard sur la flûte sous tous ses aspects, éclaire l’impact de la réussite à des concours internationaux ou de l’obtention d’un prix du disque sur une carrière ; évoque aussi des rencontres décisives et les moments clés. Sur le plan organologique, ce numéro prolonge le dossier sur Les Flûtes Parmentier et la Société Buffet-Crampon, permet de découvrir une flûte en cristal (à Vichy), signale des instruments présentés aux enchères (mai 2019), illustre les flûtes en ébène, buis, grenadille. Pascal Gresset rend un vibrant hommage à Claude DORGEUILLE (1929-2009), psychiatre et psychanalyste, et mentionne ses publications relatives à la flûte, sa facture, ses interprètes. Il présente également la 3e partie de son étude portant sur André JAUNET (1911-1988), soliste de l’Orchestre de la Tonhalle de Zurich, professeur au Conservatoire de cette ville, et signale les orchestres suisses auxquels il a appartenu ; il dresse en outre un imposant bilan de sa discographie et de ses nombreux élèves. À retenir également l’entretien de François Veilhan avec le compositeur Roger TESSIER (né en 1939) traitant de nombreux points : notion du temps, Antoine Tisné, Edgar Varèse, liste des flûtistes ayant interprété ses œuvres… Jean-François Alizon, interprète spécialisé dans la musique baroque, présente la compositrice Anna BON DI VENEZIA (1739-1767), formée à l’Ospedale della Pieta par Antonio Vivaldi, puis active à la Cour de Brandebourg. À côté des nombreuses illustrations et tableaux, les mélomanes apprécieront également le point de l’actualité avec sélection de disques, partitions et livres récents. Cette Revue autour d’un seul instrument illustre sa facture, ses interprètes, son rayonnement artistique et éditorial. Unique en son genre.
Édith Weber
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Simha AROM : Polyphonies et polyrythmies instrumentales d’Afrique Centrale. Structure et Méthodologie, Sampzon, Éditions DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com ). Coll. Musique Recherches. BDT0103. 2019, en 2 Volumes (groupés), 905 p. – 49 €.

Simha Arom (né en 1930 à Düsseldorf, Allemagne), franco-israélien, directeur de recherche émérite au CNRS, expert des musiques d’Afrique Centrale, est l’un des plus éminents ethnomusicologues actuels. Ses années d’expérience sur le terrain (depuis 1963) — dont 4 ans en République Centre-Africaine — lui ont permis non seulement d’élaborer une méthode à même d’isoler chaque partie d’une polyrythmie (en évitant la désynchronisation), mais d’approfondir la structuration du temps dans les musiques africaines qui l’ont toujours fasciné dans ses expérimentations interactives. Son parti pris consiste à corroborer par des données cognitives spécifiques les éléments enregistrés sur le terrain, en tenant compte de la culture en cause, du contexte sociologique et de certaines sources fournies par des récits de voyageurs, explorateurs, missionnaires…
Dans son résumé du Volume I, Simha Arom propose 6 volets autonomes : 1. « Introduction générale aux musiques traditionnelles centrafricaines sous leurs aspects social et typologique », 2. « Pratique polyphonique avec essai de classification des différentes techniques et état de la question, sources concernant la polyphonie de 1497 à 1920 et travaux spécialisés », 3. « Outils technologiques, techniques d’enregistrement de ces musiques, description détaillée de sa méthode », 4. « Outils conceptuels, problématique de la transcription de musiques transmises oralement, procédures d’analyse », 5. « Structuration du temps », 6. « Techniques polyphoniques et polyrythmiques » avec typologie. L’auteur rappelle judicieusement que « chacun de ces volets a été conçu de façon à pouvoir être abordé indépendamment des autres, comme un tout en soi. » Le Volume II, après une très utile typologie (1.), traite les aspects suivants : 2. « Pour une analyse pertinente », 3. « Polyrythmie stricte », 4. « Polyphonie par polyrythmie : le hoquet » (orchestre de trompes), 5. « Polyphonie par instruments mélodiques » (xylophone, sanza, harpe) et, pour conclure, 6. « Polyphonie et polyrythmie associées ». Photos variées réalisées par S. Arom (danses, instruments, orchestres,), schémas (Vol. I), très nombreux exemples musicaux (vol. II) illustrent sa démarche globale originale et approfondie, résultant de l’expérience de toute une vie. Des Références bibliographiques convient un cortège de personnalités de l’ethnomusicologie : André Schaeffner (organologie), Constantin Braïloïu (folklore), Jacques Chailley (harmonie classique), Gilbert Rouget (musique en Afrique noire), Jean-Jacques Nattiez (sémiologie de la musique)…
Selon le philosophe Gaston Bachelard (p. 346) : « Le rythme est vraiment la seule manière de discipliner et de préserver les énergies les plus diverses. Il est à la base de la dynamique vitale et de la dynamique psychique » (La dialectique de la durée, 1950, rééd. 1963) : c’est ce que démontre magistralement Simha Arom dans cette somme de travail et d’expérience sur le rythme vécu par les Centrafricains.
Édith Weber
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Régis CHESNEAU : Pour en finir avec le « classique ». Paris, L’HARMATTAN (www.editions-harmattan.fr). Coll. Musiques et Champ social, 2019, 200 p. – 19 €.

D’entrée de jeu, le titre de la Collection « Musiques (au pluriel) et Champ social » indique l’orientation de ce volume. En fait, l’expression « musique classique » recoupe les esthétiques allant des œuvres de Jean Sébastien BACH à celles de Pierre BOULEZ (1925-2016), en dehors du jazz, du rap et de leurs dérivés ainsi que du folklore et de la musique électronique. Cette acception doit être impérativement affinée, car ce concept n’est plus valable au XXIe siècle.
En un style bien enlevé souvent « parlé », avec des constats pris sur le vif, l’auteur en définit de nouvelles acceptions sous les angles sémantique et comparatif avec d’autres arts. Régis Chesneau, dans son premier essai, met à profit sa formation pluridisciplinaire et complémentaire en Musicologie (Sorbonne), en gestion (Université de La Rochelle) et ses expériences dans la distribution numérique de la musique et de la communication. Il exploite divers constats et des observations judicieuses concernant le public devenu de plus en plus grisonnant (p. 191) ; certains estiment que le « classique » n’est pas bon pour eux (p. 85). Il observe que le niveau des interprètes s’élève progressivement, que la musique se transforme, qu’elle est plus individuelle et moins collective (p. 117). Il rappelle qu’au XXe siècle grâce aux progrès des techniques d’enregistrement, elle peut être « jouée sans les musiciens » (p. 119), que le son va devenir « un document mécanique puis informatique ».
Le vrai problème est abordé au chapitre VII (p. 157…) : peut-on encore parler de « musique classique » ? Il démontre que le sens de l’adjectif classique est « altéré, flou, social, figé, nébuleux » (p. 157 à 159) dans notre monde qui bouge. Il invite les auditeurs à « s’ouvrir à des musiques qu’on ne peut pas encore concevoir » (sic).
Édith Weber
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Jean-Philippe BIEHLER : La samba du carnaval de Rio de Janeiro. Observations et réflexions. Paris, L’HARMATTAN (www.editions-harmattan.fr). Coll. Musiques et Champ social, 2019, 88 p. – 12 €.

Rappelons qu’en Italie, le Carnaval avec chars, allégories, cortèges masqués et canti carnasciales (chants carnavalesques) est lancé notamment à Florence à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, à mi chemin entre culture populaire et culture humaniste.
Au Brésil — à Rio de Janeiro ainsi que Sao Paulo —, la samba est, vers 1950, la danse à la mode, à 2 temps, dans un mouvement rapide et avec un rythme très syncopé. Au XXIe siècle — comme le précise l’auteur —, il s’agit d’une « danse d’allégresse, de substance sensuelle mais c’est une danse irradiante, dynamique et extravertie. Car ni la tête, ni le corps de la danseuse ne sont fléchis vers le sol : sa tête, sa nuque, son torse tournent tout ensemble d’un côté vers l’autre et son regard reste à l’horizontale pendant que ses jambes bougent d’avant en arrière et que les bras balaient l’air au niveau du bassin » (p. 25). Tout est dit.
Jean-Philippe Biehler livre ses observations et réflexions à la première personne. Ses Esquisses sont étayées de citations adéquates (Goethe, Nietzsche, P. Valéry, L. Barbaud). Il met l’accent sur l’« efficacité psycho-physiologique » de la samba et ses répercussions.
Il ressort de ce bref essai (86 pages) d’un professeur de philosophie que la samba représente un phénomène de société ; qu’il faut être jeune et solide pour tenir ainsi pendant des heures ; qu’elle fait appel au défoulement général et, surtout, symbolise la passion populaire brésilienne, faisant en quelque sorte suite à la culture populaire et humaniste italienne, mais à l’aune des débordements affectifs de notre temps. Très révélateur, instructif et désopilant.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Gérard AUTHELIN : La chanson à tous les étages. Préface des Francofolies. Symétrie : ISBN 978-2-36485-074-3, Symétrie, juillet 2019

Les vacances nous ont apporté un ouvrage tout à fait remarquable, ce qui n’est pas étonnant puisqu’il est signé Gérard Authelin. La chanson à tous les étages : il faut prendre ce titre dans son sens le plus large dans le temps comme dans tous les genres. On serait tenté, pour en rendre compte, de recopier simplement la quatrième de couverture qui en fait une présentation tout à fait pertinente. On trouvera ce texte sur le site de l’éditeur ainsi que la table des matières de l’ouvrage :
https://symetrie.com/fr/titres/la-chanson-a-tous-les-etages
Ce qu’il faut ajouter, c’est que cet ouvrage intéressera aussi bien l’historien et le musicologue que le pédagogue et le professeur ou le musicien intervenant qui travaille avec des élèves de tous âges. Avec plus de deux cent cinquante exemples de chansons répertoriées, sans compter toutes celles qui sont citées, nous avons là une richesse d’analyse qui n’existe nulle part ailleurs. La connaissance encyclopédique de Gérard Authelin en ce qui concerne la chanson du Moyen Âge à nos jours laisse pantois. Car il aborde à la fois analyse musicale et analyse textuelle, ainsi que le rapport de l’une à l’autre avec la même science et le même bonheur. Le tout est parfaitement compréhensible et utilisable par tous. Et ce livre ne néglige en rien l’aspect pédagogique puisqu’un chapitre entier est consacré à « Une pédagogie de l’accès à la chanson » et que le livre se termine sur un chapitre intitulé : « La chanson préserve notre humanité. Dédicace finale ». Car il faut souligner que ce livre n’aurait pu exister sans l’implication de l’auteur dans les Francofolies et Les enfants de la Zique. Mais une visite détaillée du site des Francofolies (https://www.francofolies.fr/) est indispensable pour comprendre quels sont les enjeux culturels et humains d’une telle réalisation et d’un tel livre. Ce que nous offre ici Gérard Authelin est une pierre indispensable à tous ceux qui s’efforcent d’édifier une « défense et illustration » de la culture.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Xavier HAUTBOIS, Martin LALIBERTÉ, Lenka STRANSKY, Vaclav STRANSKY (dir.) : L’émergence en musique. Dialogue des Sciences. Sampzon, DELATOUR FRANCE, Coll. Across. BDT 0176, 2019. 231 p. - 26 €.

Ces Actes de Colloque international (mai 2016) sont rattachés à la Collection « Art Création Recherche Outils Savoirs Synesthésie » (ACROSS). La complexité du thème est telle qu’ils ont nécessité quatre directeurs et une dizaine de spécialistes s’intéressant à la musique instrumentale, électroacoustique, vidéo, à l’organologie (nouveaux instruments) ; à l’art de la scène, à la poésie ; à la peinture (classique, figurative, abstraite), aux arts numériques ; aux systèmes de captation du mouvement, aux problèmes de perception (image, son) ; aux formes d’accès et de visibilité, aux œuvres connectées… et — évidemment dans une perspective de complémentarité intradisciplinaire — à l’archivistique et à l’épistémologie ; la philosophie (Platon, phénoménologie) et l’esthétique, l’arithmétique et la géométrie fractale ; la neurologie et les neurosciences, et même l’urbanisme.
À notre époque, une telle démarche si pléthorique est rendue possible grâce aux nombreuses innovations technologiques à la fin du XXe siècle. Xavier Hautbois, l’un des directeurs, rappelle que l’objectif de ces Actes consiste à « préciser l’emploi de l’expression émergence en musique à la lumière des débats théoriques scientifiques » (p. 218). L’usage philosophique du mot émergence désigne, à la fin du XIXe siècle, « des effets qui ne procèdent pas mécaniquement de leurs causes. Dans certains systèmes complexes, des propriétés radicalement nouvelles apparaissent de façon inattendue et caractérisent un niveau d’organisation d’ordre supérieur ». Ces propriétés émergentes « ne se retrouvent dans aucune des parties prises séparément, mais résultent de l’effet de l’ensemble des systèmes » (quatrième de couverture).
Voici donc un imposant parcours synthétique et très neuf à travers (across) l’émergence dans tous ses états ou l’éclat des émergences multiples.
Édith Weber
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Isabelle PETITJEAN : Michael JACKSON. Black or White ? Un artiste hors norme face à une industrie musicale racialisée. DELATOUR FRANCE, BDT 0179, 2019. 341 p. - 25 €.

Isabelle Petitjean, Docteur en musicologie (Université Paris-Sorbonne), est la spécialiste internationalement reconnue de Michael JACKSON, chanteur, pianiste, percussionniste et guitariste afro-américain, né le 29 août 1958 à Gary (Indiana) et mort le 25 juin 2009 à Los Angeles, très actif depuis 1963. Elle justifie pleinement le truisme selon lequel le King of Pop a brisé les catégories sociales, artistiques et raciales ; peu importe Black or White. La problématique revêt une dimension d’ordre sociologique car cet artiste hors norme est confronté à « une industrie musicale racialisée ».
Le Glossaire, très éclairant, fournit aux lecteurs moins sensibilisés au sujet, de précieux renseignements concernant les « Affaires » spécifiques, les institutions et événements, les personnalités américaines et surtout sur les définitions, par exemple : Charleston (danse), Doo-Wop (style concernant la musique vocale vers 1950), Gangsta Rap (sous-genre de hip-hop), Kris kross (genre de hip-hop), slumming (de slum signifiant taudis) au sens de « s’encanailler », Walkaround (danse d’esclaves au XIXe siècle). Le corps très dense de ce livre offre un bilan concernant la problématique coloriste de la « musique noire » pour un public notamment « blanc ». Il résulte des nombreux textes cités que les « étiquettes » coloristes apparaissent dès le premier quart du XXe siècle et qu’elles traduisent une certaine anxiété sociale.
La Bibliographie met l’accent sur l’aspect social et sociologique (crises du « peuple noir », de l’intellectuel « negro » ; enjeux raciaux, présence et représentation des Noirs en Amérique au XIXe siècle, rôle et importance de la musique populaire). On peut toutefois regretter l’absence d’une Chronologie et d’un Index des œuvres de M. Jackson. Les ouvrages cités sont, pour l’essentiel, en anglais : c’est mesurer l’utilité de cet apport français, résultat des investigations si approfondies par Isabelle Petitjean qui, en un bilan quasi exhaustif, justifie et présente cet artiste novateur, complet, polyvalent, 10 ans après sa disparition.
Sa carrière est un vrai sacerdoce, comme lui-même l’a formulé (cf. p. 306) : « Que pourrais-je faire d’autre que valoriser le talent que Dieu m’a donné ? C’est tout ce que je voudrais faire. Partager l’amour et le don du spectacle (…) Laissez-moi simplement partager et donner, mettre un sourire sur le visage des gens et rendre leur cœur joyeux. »
Édith Weber
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CDs & DVDs

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Stanislaw MONIUSZKO : Opera Songs for Piano (transcriptions et autres œuvres). Narodovy Institute Fryderyka Chopina. NIFC CD 113. Distribution : (lo.worms@wanadoo.fr). 2019. TT : 77’ 17.

Le pianiste Cyprien Katsaris (français d’origine chypriote), né à Marseille en 1951, ayant étudié avec Monique de la Brochellerie, René Leroy, Jean Hubeau, poursuit une carrière internationale. Il a le grand mérite d’avoir relancé Stanislaw MONIUSZKO (né à Kalisz en 1819, mort à Vienne en 1872), considéré comme le plus grand compositeur polonais d’opéras et de mélodies, toutefois peu connu en dehors de son pays.
Ce disque paraît précisément pour le deuxième centenaire de sa naissance. D’abord dans le sillage de R. Schumann et F. Mendelssohn, S. MONIUSZKO a ensuite forgé son propre langage, tout en reprenant des formes polonaises (Mazurka avec son rythme typique, Polonaise, Nocturne) et dumka ukrainienne. En leur temps, ses mélodies ont remporté un grand succès. Il a peu composé pour le piano, mais réalisé des transcriptions pour cet instrument. Influencées par l’opéra italien, ses œuvres visent à toucher l’âme ; elles sont, tour à tour, de caractère mélancolique, rustique, satirique, comique, langoureux.
Les Mélodies sont extraites de son opéra Halka (plages 1, 2) ; Josef NOWAKOWSKY (1800-1865) a composé une Fantaisie sur cet opéra (pl. 3). D’autres pièces brèves (sur un total de 25) sont des villanelles (chansons profanes à 3 voix), polkas, nocturnes, polonaises, valses, fraszka (bagatelle).
Démarche discographique quelque peu inattendue : il fallait l’enthousiasme, la ténacité et la parfaite maîtrise technique de Cyprien Katsaris pour venir à bout de ce vaste programme et ce par le biais, entre autre, de transcriptions par divers auteurs. Finalement, après deux siècles, la stature musicale de Stanislaw MONIUSZKO émerge à l’international.
Édith Weber
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Fabiola KIM : 1939. Solo Musica (www.solo-musica.de ), SM 308. 2019. 2 CD. TT : 1 heure 31’ 40.

Le titre 1939, date historique, évoque le début de l’embrasement de la Seconde Guerre Mondiale, mais aussi l’époque de gestation et de composition de trois Concertos pour violon et orchestre. Le CD 1 reproduit celui de Sir William WALTON (1902-1983), commande (1938) de Jascha Heifetz, qui marque la renaissance de la musique anglaise au XXe siècle. Il est structuré en 3 mouvements : Andante tranquillo (très expressif), Presto capriccio alla napolitana et Vivace plus développé. D’une autre veine est le Concerto funèbre pour violon et orchestre à cordes du compositeur munichois Karl Amadeus HARTMANN (1905-1963), en 4 parties : Introduction Largo, Adagio, Allegro di molto avec Choral caractéristique et Marche lente conclusive (œuvre composée en 1939, révisée en 1959).
Le disque 2, avec le Concerto de violon n°2 (sz. 112) en Si Majeur de Bela BARTOK (1881-1945), écrit à la veille du conflit, a été créé en mars 1939 à Amsterdam sous la direction de Willem Mengelberg. Il se situe donc dans la même perspective chronologique et comporte 3 parties : Allegro non troppo, Andante tranquillo-allegro scherzando tempo 1, puis Allegro molto conclusif. Le violon y assume un rôle important, particulièrement mis en valeur par Fabiola Kim. La violoniste coréenne s’impose par son dynamisme, son extrême justesse, son brio et sa précision. L’Orchestre Symphonique de Munich (Münchner Symphoniker), fondé en 1945, actuellement dirigé par Kevin John Edusei, a signé avec Fabiola Kim, entre autres, une version de référence du célèbre Concerto de B. BARTOK. En 2019, ils redonnent vie et éclat à des œuvres anglaise, allemande et hongroise nées autour de 1939.
Édith Weber
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Le piano dans tous ses états

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Joseph HAYDN : Intégrale des Sonates pour pianoforte. Daniel Fuchs, piano. CASCAVELLE. VEL 1540. VDE-GALLO (www.vdegallo.ch ). 2018. Coffret 11 CD.

Joseph HAYDN (1732-1809) a composé des sommets dont tous les autographes ne nous sont pas parvenus, mais quelques sonates perdues ont été retrouvées. Ses 62 Sonates ont été composées pendant 40 ans, entre 1755 et 1795. Les œuvres de jeunesse sont assez brèves et s’apparentent plutôt à des divertissements, en 3 mouvements avec menuet ; monothématiques, elles ne sont pas vraiment développées. Celles entre 1765 et 1771 — typiques de la musique autrichienne — sont marquées par le Sturm und Drang, alors que les suivantes sont presque romantiques. Elles frappent par leur caractère parfois dramatique ou inventif et leur écriture assez libre. Les premières sont destinées aux élèves, comme encore de nos jours.
Dans l’impossibilité de détailler les 11 disques, signalons que la Sonate en Mi b Majeur (Hoboken XVI 45), bien équilibrée, est de structure ternaire : Moderato (avec échos/reprises), Andante (en La b Majeur, avec dialogue et traitement contrapuntique) proche de la forme sonate, Finale Allegro di molto (comportant des gammes brillantes et accords brisés) rappelant quelque peu les Sonates de Domenico Scarlatti (1685-1757).
Daniel Fuchs (né à Genève en 1956) est à la fois pianiste, organiste, chambriste, accompagnateur de chœurs. Pour son Intégrale reposant sur l’édition originale de Vienne, il tire le meilleur parti des remarquables sonorités du piano Steinway. Avec une grande minutie, une technique à toute épreuve et une haute musicalité, il restitue toutes les finesses et subtilités de ce monument de la littérature pianistique.
Édith Weber
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Jean-Nicolas DIATKINE : BEETHOVEN : Sonate n°21 « Waldstein » - SCHUMANN : Carnaval. Distribution : Laurent WORMS (lo.worms@wanadoo.fr ) JND01. TT : 59’ 21.

Enregistrées (prise de son : Étienne Collard) les 28 et 29 février 2012 à la Salle Colonne (à Paris), ces deux pages incontournables du répertoire de piano reprennent ici vie sous les doigts du médecin Jean-Nicolas Diatkine, « pianiste humaniste », artiste atypique issu d’une famille de médecins, qui se produit en France et en Belgique.
La Sonate n°21 en Do majeur, op. 53 (intitulée « Waldstein » car dédiée au Comte Ferdinand von Waldstein — son ami et protecteur), composée par Ludwig van Beethoven (1770-1827) entre 1803 et 1804, est publiée l’année suivante. Fort de l’acquisition d’un nouveau piano Érard, Beethoven s’y lance à la découverte d’un espace compositionnel élargi. Elle est structurée en 3 mouvements (les deux derniers enchaînés) : 1. Allegro con brio avec multiples métamorphoses du thème. 2. Introduzione. Adagio molto dont le pianiste rend à merveille l’extrême dépouillement. 3. Rondo. Allegretto moderato – Prestissimo dans lequel, comme il se doit, J.-N. Diatkine équilibre la pureté mélodique du thème et la vigueur rythmique des différents couplets.
Dédié au violoniste Karol Lipinski, Carnaval (op. 9) de Robert Schumann (1810-1856) est écrit en 1834-35. Les 22 Scènes mignonnes sur quatre notes gravitent en fait autour de 2 séries fondées sur le nom de la ville d’Asch (actuellement tchèque, alors allemande) transcrite musicalement soit par La Mi b Do Si (Mi b étant pensé S), soit par La b Do Si. J.-N. Diatkine se joue magistralement des sons harmoniques succédant à de violents accords graves caractéristiques de l’œuvre et restitue allègrement notamment tous les personnages (Pierrot, Arlequin ; Eusebius le gentil, Florestan le véhément ; Chopin, Paganini ; Pantalon et Colombine…) de cette fresque miniature personnelle chère au compositeur. Interprétations à savourer.
Édith Weber
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Fryderyk CHOPIN : Le Chant de l’âme. Matteo Fossi. HORTUS (www.editionshortus.com ). HORTUS 170. 2019. TT : 78’ 11.

Suivi par le Label HORTUS depuis dix ans, Matteo Fossi, professeur aux Conservatoires de Venise et de Sienne, propose 17 Mazurkas (danses populaires originales originaires de Mazovie (Province polonaise), dont une inachevée, ainsi que des Fantaisies et Impromptus composés entre 1830 et 1849. Le pianiste ressent parfaitement les états d’âme et les émotions loin de toute mièvrerie ou exaltation exagérée. Il respecte les rythmes syncopés, accents déplacés et triolets dans les Mazurkas et procède à un subtil dosage des nuances et des couleurs en mettant en valeur les grands écarts mélodiques. Un parfum du terroir et un modèle d’interprétation et d’efficacité expressives. Enthousiasmant à souhait.
Édith Weber
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BARROZO NETTO : Works for Piano 1 et 2. ACTE PRÉALABLE (www.acteprealable.com ). AP0 451 et 452. 2019. TT : 60’ 57 et 74’ 28.

Artur Cimirro, pianiste attitré du label polonais ACTE PRÉALABLE, toujours à l’affût de nouveautés, interprète avec une extrême subtilité une intéressante sélection de 60 pièces du compositeur brésilien Joaquim Antonio BARROZO NETTO (né à Rio de Janeiro en 1881 mort dans cette ville en 1941) cultivant les genres pianistiques traditionnels : Étude, Étude de concert, Romance sans paroles et des sujets à caractère descriptif avec titres en portugais. Ces pages sont destinées à la jeunesse, à la manière de l’Album à la Jeunesse (Robert Schumann, op. 68, 1848) mais dans le langage du XXe siècle (vol. 1). Le volume 2 (32 petites pièces — en fait miniatures —) aborde des thèmes très variés : Noël (Natal), Ite Missa est ; 3 Valses, Menuet, La danse des Fantoches (titre français), Page intime, sans oublier La Sérénade diabolique mais aussi des personnages : Antonieta, Polichinel, le folklore arabe (chant arabe) ainsi qu’un thème brésilien. Une telle diversité d’inspiration et d’improvisation force l’admiration. Elle exige expressivité et virtuosité de la part de l’interprète : le Brésilien Artur Cimirro (né en 1982), pianiste, compositeur et critique qui a fréquenté l’Académie de Budapest et enregistré de nombreux disques. Il s’est imposé notamment par sa vaste palette expressive, son jeu transparent, son toucher délicat et sa remarquable précision d’attaque. Un régal pour les mélomanes.
Édith Weber
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Ludomir ROZYCKI : Piano Works 2. ACTE PRÉALABLE (www.acteprealable.com ). AP0 438. TT : 79’ 06. 2019.

Voici une nouvelle réalisation en première mondiale à l’actif du Label polonais ACTE PRÉALABLE et de son dynamique directeur Jan A. Jarnicki. C’est au tour du compositeur Ludomir ROZYCKI, né à Varsovie en 1883 et mort à Katowice en 1953, membre — comme, par exemple, Karol Szymanowski (1882-1937) — du mouvement artistique « Jeune Pologne » promouvant également l’art national, bien que manifestement influencé par l’impressionnisme français. Si son talent a joué à plein dans le domaine du poème symphonique, le volume 2 continue à exhumer son vaste corpus pianistique. Parmi ses premières tentatives de composition, figurent ses 5 Préludes (op. 2) ainsi que ses 2 Préludes et 2 Nocturnes (op. 3), publiés à Varsovie, miniatures à finalité pédagogique d’une belle facture mélodique. Le Prélude n°2 est axé sur la technique contrapuntique alors que le Nocturne n°3 est plus lyrique, le n°4 Andante doloroso se veut plus tendu. Le CD s’ouvre sur la pièce de la maturité, toute frémissante, intitulée Laguna (op. 36, datant de 1915), imitant les vagues, à laquelle succèdent les 9 Esquisses (op. 39) à finalité pédagogique en 2 Cahiers, pièces intimes aux titres français où la retenue est de mise. Sa Fantaisie (op. 11), de structure plus libre, se déploie sur l’ensemble du clavier et dans toutes les nuances expressives. Quant à la Tance polskie (Danse polonaise, op. 37), elle honore la tradition nationale, avec des réminiscences proches de Chopin. Les Contes d’une horloge (op. 26) égrènent les notes avec suavité. Le CD s’achève sur Italia (op. 50), vaste fresque en 4 mouvements avec deux thèmes religieux : Ave Maria et Campo santo (cimetière, très grave), une Barcarole et, en conclusion, évoque la décapitation de la parricide Beatrice Cenci en 1599. Valentina Seferinova (piano) s’investit pleinement dans les différentes atmosphères qu’elle recrée à merveille grâce à son rare sens du coloris.
Édith Weber
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Aleksander TANSMAN : Piano Four-Hands Music. ACTE PRÉALABLE (www.acteprealable.com ). AP0 447. TT : 50’ 02.

Les pianistes Elsbieta Tyszercka (ayant 21 CD à son actif, et s’attachant à exhumer les œuvres de musiciens oubliés), Agnieszka Lasko (active à l’école de musique A. Tansman de Lodz, auteur d’une méthode de piano), Malgorzata Piechnat (également compositrice et enseignante) ont signé ce programme d’œuvres pour piano à 4 mains (avec titres en français) dues à Aleksander TANSMAN (né en 1897 à Lodz et mort en 1986 à Paris). L’Université de sa ville natale le nommera à titre posthume Docteur honoris causa et organise tous les 2 ans un Festival en son honneur. Le compositeur franco-polonais laisse un impressionnant corpus de plus de 300 œuvres (dont 7 opéras, 6 oratorios, 9 symphonies, 8 quatuors à cordes, 8 concertos…). Après avoir étudié le droit, la philosophie et la musique à Varsovie, et obtenu 3 premiers Prix en composition en 1919, il s’installe à Paris la même année et connaît un certain succès. Il y rencontre notamment Ravel, les membres du Groupe des Six, mais aussi Bartok, Gershwin, Prokofiev, Roussel, Schoenberg, Stravinsky... Il appartient à l’École de Paris.
Ces pièces très brèves proposent un vaste faisceau de titres reposant sur des formes classiques : Fugues, Fantaisies, Choral, Berceuses ou des miniatures (Valse, Habanera, Mazurka, Polka). Les Pièces de fantaisie en style de cantilène offrent des atmosphères différenciées. Les Trois Fugues à 4 parties sont composées en deux versions : 4 mains ou 2 pianos. La première, de facture classique, est très dynamique ; la deuxième, plus expressive (Moderato), évolue de piano vers fortissimo ; la 3e Vivo, avec motif staccato très accentué, se conclut en bravoure. Les 12 pièces : Nous jouons pour Maman (1938 — année de sa naturalisation française), destinées à ses deux filles, font preuve d’imagination. Les formes valse, menuet, chanson, ariette, choral y sont exploitées. Les 8 pièces En tournant la T. S. F (également composé pour ses filles) évoquent les postes en vogue dans 8 pays différents, correspondant à l’esthétique du XXe siècle, illustrant des tournées radiophoniques en Europe et aux États-Unis, émaillées thèmes caractéristiques de chaque pays. Quatre Pièces fuguées (1942), d’apparence classique, sont en fait tournées vers la modernité. Enfin, ses Cinq petites pièces constituent une suite s’ouvrant par une berceuse et se terminant par une charmante polka.
Un bon sésame pour entrer dans l’univers profus et luxuriant d’Alexandre Tansman, homme cosmopolite et polyglotte, compositeur concerné par les enfants et ouvert sur le monde.
Édith Weber
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French Music for Piano Duo Tamara Granat et Daniel Propper. DUX. Diffusion (lo.worms@wanadoo.fr ). DUX 0739. 2009. TT : 77’ 44.

Tamara Granat, formée à la Haute École de Musique de Wroclaw a obtenu, à l’âge de 16 ans, la Bourse Chopin lors d’un concours organisé à Varsovie en 1979 par la Société éponyme. De 1982 à 1987, elle poursuit ses études de piano et de musique de chambre à l’Académie de Gdansk. Elle participe à des masterclasses, se spécialise dans la musique à 4 mains et pour 2 pianos, a enregistré des disques avec l’Orchestre Symphonique de la Radio Polonaise, se produit aux États-Unis, Russie, Pologne et même Indonésie. Elle enseigne également à Varsovie et, en 2009, s’est associée au pianiste suédois Daniel Propper, avec lequel elle collabore en parfaite symbiose.
Leur programme porte donc sur la musique française de piano pour duo, avec : Les jeux d’enfants (op. 22) — œuvre célèbre entre toutes — de Georges BIZET (1838-1875), au nombre de 12, datant de 1871 et extrêmement diversifiés ; la Petite Suite (L 65) de Claude DEBUSSY (1862-1918), composée entre 1886 et 1889, dont En bateau et Cortège reposent sur les Fêtes galantes de Paul Verlaine ; Dolly (op. 56) de Gabriel FAURÉ (1845-1924) — composé entre 1894 et 1897 en hommage à Dolly, fille d’Emma Bardac, cantatrice et épouse de Claude Debussy —, baignant dans l’intimité et la tendresse ; Scaramouche, op. 165b de Darius MILHAUD (1892-1974), datant de 1937, désopilant et débordant de sève brésilienne ; la célèbre Sonate à quatre mains de Francis POULENC (1899-1963), tour à tour percussive, rutilante, chaloupée et, enfin, Ma Mère l’Oye (M 60) de Maurice RAVEL (1875-1937), élaborée entre 1908 et 1910. Merveilleuse synthèse du piano à 4 mains de la Belle Époque, admirablement servie par deux pianistes hors pair.
Édith Weber
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Jeanne BOVET : Parcours d’une vie dédiée à la musique. VDE (www.vdegallo.ch ). DVD 1288. 2009. TT : 60’.

Comme le titre l’indique, ce parcours documentaire divise l’existence de Jeanne Bovet (qui a donné plus de 800 [sic] concerts à la Chapelle du Vieux Rompon, en Ardèche) en 5 chapitres chronologiques. Le DVD entraîne les spectateurs à Grandchamp (Suisse), dans son enfance baignant dans la pratique musicale familiale ; à Paris (École Normale de Musique auprès notamment d’Alfred Cortot dont elle fut, dans les années 1930, la disciple complice) ; autour de ses pianos (Pleyel, Steinway, Bösendorfer) ; à Berne (où elle enseigne au Conservatoire) ; à Rompon, dans la chapelle du XIe siècle qu’elle a rénovée. Son programme va de D. SCARLATTI et J. S. BACH jusqu’à Cl. DEBUSSY et, en bonus, de son contemporain Julien-François ZBINDEN, compositeur suisse (né en 1917) avec Trois inventions à mi-voix, pour piano (op. 99) dédiées à l’illustre pianiste. Spécialiste de J. S. Bach, elle a su, grâce à son intelligence musicale, restituer intériorité et émotion à sa musique pour clavier et matérialisé sa perception colorée de la musique dans des peintures illustrant certaines pièces du Cantor. À juste titre, elle avait ciblé Alfred Cortot comme unique maître possible et développé une grande complicité avec lui.
Elle invite spectateurs/auditeurs/admirateurs, suspendus à ses lèvres et à ses doigts, à cheminer à ses côtés dans la chaude lumière ardéchoise de ce parcours de vie dédiée à la musique. Réalisation exceptionnelle du label suisse GALLO et de son directeur, Olivier Buttex.
Édith Weber
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Yvon BOURREL : Œuvres pour piano. Daniel Propper. FORGOTTEN RECORDS (www.forgottenrecords.com ). Fr 28 P. Diffusion (lo.worms@wanadoo.fr ). 2015. TT : 72’ 14.

Yvon BOURREL (né en 1932 à Vendegies-sur-Écaillon, entre Valencienne et Solesmes), d’abord initié au piano par sa mère, a continué ses études aux Conservatoires de Cambrai et Valencienne. Il a également bénéficié des cours de contrepoint donnés par Simone Plé-Caussade et de composition par Darius Milhaud et Jean Rivier. Il a été professeur de musique à Cambrai, ensuite à Amiens jusqu’en 1993. Son répertoire aborde presque tous les genres sauf l’opéra.
Ses Six Poèmes (d’après des Landays [brefs poèmes populaires de 22 syllabes et de tradition orale traitant d’amour et de séparation, un peu à la manière du Cantique des cantiques] — de femmes pashtounes [afghanes]), op. 119 (2004) sont interprétés par Daniel Propper avec une grande sensibilité. Sa Sonate n°1 op. 53 (1980), plus développée, est tripartite : Allegro moderato, Adagio, Allegretto. Elle exploite la tonalité élargie. Les Trois Pièces pour piano, op. 120 (2004), en hommage à Colette (1873-1954), rappellent sa vie en Bourgogne avec des chansons locales. Dans ses 12 Variations sur un thème de Couperin, op. 110 (2015), très élaborées et diversifiées, le compositeur se souvient des clavecinistes français du XVIIIe siècle. Enfin, pour ses Variations sur un chant folklorique français, op. 127 (2012), il s’agit de : J’ai descendu dans mon jardin pour y cueillir du romarin, Gentil coquelicot mesdames, gentil coquelicot nouveau…, Marc Vignal en souligne le modèle mozartien et, en conclusion, le rappel du thème. Le pianiste suédois Daniel Propper (né à Stockholm en 1969), élève de Gunnar Hallhagen puis de Tatiana Nikolaïeva, quitte le Conservatoire Royal de musique de Stockholm pour la Juilliard School à New York et se perfectionnera au CNSMD à Paris, auprès de B. Ringeissen, J. Rouvier, Br. Rigutto et G. Frémy. Ayant obtenu de nombreux Prix et récompenses, il s’installe à Paris en 1994 d’où il mènera une carrière internationale de soliste en musique concertante et de chambriste. Il met son vaste talent au service d’Yvon BOUREL : un musicien français à redécouvrir.
Édith Weber
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MALAGUENA. Recital for Two Pianos. Duo GRANAT. DUX. Diffusion : (lo.worms@wanadoo.fr ). DUX 0860. 2011. TT : 62’ 48.

Le Duo Granat a sélectionné 9 compositeurs ayant écrit pour deux pianos. Parmi les plus connus, figurent Antonio VIVALDI avec l’adaptation de l’énergique Presto du Concerto en sol mineur extrait des Quatre Saisons ; Manuel de FALLA (1876-1946) avec la transcription de 2 Danses Pantomima et Danza Ritual del Fuego extraites de la Suite El amor brujo (Aime le Magicien, 1915) destinée à un danseur de flamenco ; Darius MILHAUD (1892-1974) avec Brazileira de Scaramouche en version deux pianos (et non 4 mains, comme dans le disque qui précède) ; Witold LUTOSLAWKI (1913-1994) avec ses Variations sur un thème de Paganini (vers 1941, sous l’occupation allemande, ayant survécu après la guerre), Dave BRUBECK (1920-2012) et son Blue Rondo à la Turk au rythme exotique lancinant.
Parmi ceux à découvrir : le cubain Ernesto LECUONA (1896-1963) et Malaguena, extrait de la Suite Andalucia ; l’Argentin Pablo ZIEGLER (né en 1944), représentant du nouveau tango, pianiste attitré d’Astor Piazzolla, avec Asfalto. L’Américain William BOLCOM (né en 1938), élève de D. Milhaud, quelque peu en marge de la tendance expérimentale, influencé par Charles Ives et le Ragtime, avec Paseoà la mémoire de Louis-Moreau Gottschalk — assez proche de la samba qui combine musique espagnole et rythmes africains, et Choro (« Complainte ») typique de la musique brésilienne vers 1870 résultant du mélange de la musique de salon européenne (valse, polka) et de chants de travail des esclaves africains, associant anxiété, mélancolie et énergie ; l’Australien Percy GRAINGER (1882-1961), Fantasy d’après Porgy and Bess de George Gershwin), pleine de panache et de verve. Irrésistible festival pyrotechnique à 4 mains et 2 pianos.
Édith Weber
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Alain LOUVIER : Flûtes, espaces, promenade. TRITON (www.disques-triton.com). TRIHORT565. 2019. TT : 67’ 01.

Alain Louvier (né en 1945) a étudié les mathématiques et la musique (9 Premiers Prix du CNSM). Élève d’Olivier Messiaen, de Henriette Puig-Roget et Manuel Rosenthal, il est un musicien polyvalent faisant preuve d’une grande culture générale, littéraire et scientifique. Ce disque contient des œuvres composées entre 1971 et 2018 non encore enregistrées ; il y fait montre d’un grand raffinement sonore, de son intérêt pour la spatialisation, les micro-intervalles…
Les 25 plages proposent un bel éventail sonore avec une leçon d’organologie prouvant son engouement pour les registres des flûtes piccolo, alto, basse, en Sol, en Ut, flûtes soliste ou en ensemble, ainsi que flûte et bande magnétique (p. 15), associée à un triple parcours : botanique, ornithologique et géométrique (carrés, avec également 10 diapositives et de nombreux graphes). L’ensemble illustre la diversité de sa plastique sonore.
Le texte d’accompagnement est des plus complets. Il comprend une introduction de Pierre Albert Castanet (spécialiste d’Alain Louvier) : Entre nature et culture, des commentaires très précis du compositeur lui-même sur les œuvres, des renseignements sur les bois ayant servi à la fabrication des flûtes : sycomore (/érable), roseaux pour la flûte de Pan, chêne pour la flûte traversière baroque, bambou pour la flûte japonaise, poirier pour la flûte à bec, buis pour la flûte baroque (à la sonorité brillante), genévrier pour le bouchon : autant de détails inattendus dans un livret. À noter la plage 8 : Qu’est devenu ce bel œil ? (1976) pour flûte et bande, d’après le texte de Jean Antoine de Baïf extrait du Printans de Claude Le Jeune (selon les principes prosodiques de la « musique mesurée à l’Antique »), avec respect du chromatisme, exploitation d’un entrelacs de percussion, grelots, piano préparé. Dépaysant.
L’ensemble est magistralement servi par Alain Louvier (clavecin, piano), François Veilhan (flûtes), Élise Patou, Françoise Ducos, Myriam Chiapparin (flûtes). Promenade enivrante.
Édith Weber
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Trio Bohème : The Seasons. CALLIOPE (www.calliope-records.fr ). CAL 1859. 2018. TT : 67’ 48.

Le thème des Saisons a souvent inspiré les compositeurs. Après Antonio VIVALDI (Le Quattro Stagioni, 1725) et Josef HAYDN (Die Jahreszeiten, 1801), au XIXe siècle : Piotr Ilitch TCHAIKOVSKY (1840-1893) passe en revue les douze mois et leurs caractéristiques (op. 39) ici dans la transcription d’Alessandre Goedicke (1877-1957) pour piano, violon et violoncelle. Au XXe siècle, pour sa part, Astor PIAZZOLLA (1921-1992), argentin, élève de Nadia Boulanger, s’inspirant de la musique populaire, a traité les 4 Saisons (Primavera, Verano, Otono et Invierno) à Buenos Aires, à l’origine pour son propre quintette, que le violoncelliste, chef et arrangeur argentin José Bragato (1915-2017) a transcrits pour piano, violon et violoncelle. Le remarquable Trio Bohème présente ces saisons hautes en couleur et en rythmes avec un enthousiasme contagieux. Il recrée avec bonheur les épisodes et faits marquants (Carnaval, chant de l’alouette, neige, moisson, chasse…, Noël) évoqués par P. I. Tchaikovsky, puis les 4 Saisons par A. Piazzolla, musicien nourri de tango — dont les œuvres sont actuellement largement interprétées.
Au piano : la Serbe Jasmina Kulaglich, fondatrice du Trio Bohème, connaît un grand rayonnement en Europe et aux États-Unis. Au violon : le Russe Lev Maslovsky (né à Tbilissi, Géorgie), premier violon dans plusieurs orchestres en Europe et au Maroc et ayant assuré plusieurs masterclasses en Angleterre et au Japon. Au violoncelle : l’Ukrainien Igor Kiritchenko, né à Odessa où il a fait ses études poursuivies à Moscou et Paris, assume de nombreuses tournées de concerts et participe à de nombreux Festivals internationaux. Spécialisée dans la musique de chambre, cette excellente phalange jouit d’une grande notoriété. D’entrée de jeu, elle s’impose par son lyrisme, sa précision d’attaque, son respect du phrasé dans l’op. 39 de Tchaikovsky ; son rythme dansant non dénué d’une profonde sensibilité dans l’œuvre d’A. Piazzolla.
Suivez la recommandation au verso du disque : « Écoutez bien ces œuvres ! Au-delà des océans et du temps, c’est de cela dont parlent, dans le langage universel, intemporel de la musique, ces deux compositeurs de légende : de ce qui vient à l’âme quand le corps danse ». Les discophiles n’y resteront guère insensibles.
Édith Weber
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René MAILLARD : Portrait. TRITON (www.disques-triton.com ). TRIHORT 564. 2018. TT : 63’ 24.

René MAILLARD, né en 1931 à Bois-Colombes et mort en 2012 à Nice — après ses études en alto, piano, violon, puis composition au CNSM auprès de Toni Aubin —, a obtenu le Second Prix de Rome en 1955. Mais, deux ans près, il a interrompu sa carrière de compositeur pour assumer les fonctions de Directeur artistique du Label EMI. Il s’est même intéressé à l’industrie pharmaceutique. Enfin il reprendra ses compositions et certaines œuvres seront alors radiodiffusées de son vivant.
Ce disque concerne deux stades de sa création, offre un aperçu de ses choix esthétiques, parti pris, voire contradictions au fil des années, son souci de renouvellement. La musique du XXe siècle, d’abord encore liée à la tradition, évolue avec le lancement du Domaine musical (1954), ensuite de l’IRCAM (1970). Le compositeur Nicolas Bacri (né en 1961) — ami de René Maillard —, auteur du livret (2018) évoque son « parcours chaotique, en décalage avec l’orthodoxie moderne » : c’est ce qui ressort des œuvres au programme.
Le Trio à cordes (op. 11, 1956, révisé en 2005) fait déjà pressentir la personnalité du compositeur alors âgé de 25 ans, et son goût pour la polyphonie. Sa Sonate pour violon et piano (op. 7, 1953), composée 3 ans avant le Trio, a bénéficié d’une autre version en 2006, réalisée à partir d’un brouillon (original perdu). Selon N. Bacri, elle se situe dans le sillage de B. Bartok. L’avant-dernier mouvement est particulièrement expressif, la conclusion plus « légère ». Sa Sonate pour alto et piano (n°2, op. 18, 2003) en 3 parties avec titres significatifs : 1. Élan (Moderato), 2. Détente (Andante), 3. Envoi (Vivace) va droit à l’essentiel après 4 décennies sans activités compositionnelles.
Les Trois Mélodies : 1. La Falaise 2. Fond de pension 3. Fébrilité (2007/2008), reposant sur des poèmes de Dominique Pagnier (poète et écrivain né en 1951) et accompagnées au piano, ont été créées en 2011 à Saint-Paul de Vence. Il privilégie l’expressivité et l’émotion. Le baryton roumain Ioan Hotenski leur confère finesse et lyrisme.
Les solistes de Cannes : Berthilde Dufour (violon), Ahin Tafilaj (alto) et Philippe Cauchefer (violoncelle) ; Marika Hofmeier (pianiste sud-africaine) et Ioan Hotenski, tous rompus aux spécificités de la musique de chambre, réservent un sort royal à ces œuvres marquantes.
Édith Weber
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GASSENHAUER BEETHOVEN, MENDELSSOHN, BRAHMS. GALLO (www.vdegallo.com ). CD 1578. 2019. TT : 65’ 40.

L’intitulé Gassenhauer pourrait intriguer les discophiles ; ce mot composé allemand (de Gasse, rue) signifie : Musique de Rue, Musiciens de Rue et Mélodie populaire. Il a été associé au Trio pour piano en Si bémol majeur (op. 11) de Ludwig van BEETHOVEN (1770-1827), en 3 mouvements : Allegro con brio ; Adagio ; Tema con variazioni « Pria chi’io l’impegno » — (Avant d’aller travailler), thème souvent entendu dans les Rues de Vienne : un vrai « tube » à l’époque… —. Allegretto.
Les interprètes en sont Milan Rericha (clarinettiste virtuose ayant étudié à Prague et Paris, de réputation internationale) et Nikolay Shugaev (violoncelliste formé à Moscou et en Suisse, lauréat de nombreux Concours) ayant fondé, en 2014, leur Trio avec la pianiste russe Fatima Rericha Alieva (diplômée du Conservatoire de Lugano). Cette équipe exceptionnelle se défoule en jouant (voir aussi photos, p. 6 et 8).
Au programme, figurent également le Duo pour clarinette et basson (en l’occurrence violoncelle) en Si b Majeur (WOo 27) de L. van BEETHOVEN en deux parties Allegro sostenuto et Aria con variazioni-andantino con moto. Le trio propose encore deux œuvres à succès incontournables : le Trio pour clarinette en la mineur (op. 114) de Johannes BRAHMS (1833-1897) et le Konzertstück n°2 (op. 114) en ré mineur de Felix MENDELSSOHN (1809-1847) pour clarinette, cor de basset (violoncelle) et piano.
Au total : 4 œuvres à succès au XIXe siècle comme encore au XXIe siècle. Atmosphère romantique et geste musical détendu typique de l’esprit Gassenhauer.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

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CHOPIN à Nanteuil-en-Vallée. Récital de piano : Œuvres célèbres de Chopin. Alexandre Sorel (piano). EUPHONIA. Distribution UVM (www.uvmdistribution.com ). EU18406. 2019. TT : 61’ 32.

L’auteur de la Méthode Bleue (cf. rubrique « Méthode de piano ») a donné un récital Chopin en 2018, lors du Festival « Piano au fil de la Charente », avec des œuvres célèbres du compositeur (Nocturne méditatif, aux modulations osées ; Impromptus ; Valses mélancoliques, appréciées par la haute société parisienne ; Mazurkas proches de l’âme polonaise, Barcarolle, Ballade…), parfaite illustration de sa Méthode. La sonorité du piano Bechstein se déploie pleinement, favorisée par l’acoustique propice de l’Église St Jean Baptiste.
Chopin a affirmé que « La dernière chose, c’est la simplicité… Après avoir épuisé toutes les difficultés, après avoir joué une immense quantité de notes et de notes, c’est la simplicité qui sort avec tout son charme comme le dernier sceau de l’art… Il faudra avoir étudié beaucoup, même immensément pour atteindre ce but » : ce que réalise Alexandre Sorel, en conformité avec sa Méthode Bleue.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

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Marion RAMPAL-Pierre-François BLANCHARD : Le Secret . Music Ovations Diffusion : arielle.berthoud@noos.fr . Mov014. 2019. TT : 47’ 10.

En quoi consiste le « secret » partagé par Marion Rampal et Pierre-François Blanchard passionnés par la mélodie classique, la chanson française et la Great Black Music ? Selon le souhait des intervenants, il s’agit de mettre en pratique l’affirmation de Paul Verlaine : « Rien n’est meilleur pour l’âme que de faire une âme moins triste ». Le secret est aussi symbolisé dans le poème d’Armand Silvestre mis en musique (1879) par Gabriel Fauré. Il en résulte des chansons dérivées, autrement dit des métamorphoses. Cette quête du « lien poétique et sonore » doit transcender les styles (puristes : s’abstenir…). À noter la mise en musique du savoureux exercice de prononciation : Didon dîna dit-on du dos d’un dodu dindon (plage 8).
Marion Rampal (chant), Pierre-François Blanchard (piano), Archie Shepp (saxophone ténor) et Raul Barboza (accordéon) jouent le jeu avec enthousiasme. Ils proposent 13 pièces brèves dues notamment aux poètes Armand Silvestre (1837-1901), Paul Verlaine (1844-1896) : Le ciel est par dessus le toit… Franz SCHUBERT est présent avec son Lied Auf dem Wasser zu singen (texte de Friedrich von Stolberg) et, plus proches de nous, les regrettés Agnès VARDA et Michel LEGRAND (Sans toi)…
L’objectif de cette réalisation discographique pour le moins hasardeuse, audacieuse et inattendue, est formulé comme suit : « Faire d’une mélodie de Fauré un standard de jazz ou d’un Lied de Schubert un pont pour traverser océans et territoires musicaux, ajouter un temps pour rapprocher Verlaine de la Nouvelle Orléans, c’est possible lorsqu’on maîtrise à la perfection les codes de ces différents univers. » Dont acte. Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

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Carine Gutlerner : Beethoven/Brahms

Après la sortie de son CD précédent «Ludwig van Beethoven : Sonate op.111 in c minor et Johannes Brahms : Klavierstücke op.118», Carine Gutlerner revient avec un nouvel album : «Ludwig van Beethoven, Sonate no. 23, op. 57, Appassionata, et Johannes Brahms, Intermezzi op. 117, Sonate no. 3, op. 5». Louée par la critique internationale et régulièrement invitée au Carnegie Hall ainsi qu’à la série «Autour du Piano» à Paris, la pianiste Carine Gutlerner sortira son nouvel album à l’automne 2019. Pour la saison 2019 plusieurs dates sont au rendez-vous, notamment à l’Institut Hongrois et à la Salle Cortot à Paris, ainsi qu’au Carnegie Hall à New York.

Cet enregistrement se place sous le signe des rêveries et des passions de Beethoven et de Brahms, traversées par l’amour romantique, oscillant entre espoir et désespoir, marqué par le Destin de leurs parcours d’homme et de compositeur. Les deux grandes sonates l’Appasionata de Beethoven et la 3éme Sonate op. 5 de Brahms ont chacune été considérée comme une sorte «d’autoportrait» des compositeurs. Entre ces sonates l’enregistrement laisse entendre les Trois Intermezzi op. 117, composés en 1892 et faisant partie des courtes pièces de maturité de Brahms.

Appréciée par la critique tant pour son répertoire classique que contemporain, Carine Gutlerner a été formée par Flore Levine (disciple d’Émile Bosquet et Professeur au Conservatoire Royal de Musique d’Anvers en Belgique). Carine Gutlernet est pianiste-concertiste, chef de chœur, compositeur, Docteur en Musique et Professeur titulaire «Hors Classe» de Piano au Conservatoire. Elle a remporté de nombreux Premiers Prix dont ceux de Piano, Direction Chorale, Musique de Chambre, Histoire de la Musique au Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles, avant d’obtenir aux Etats-Unis, un Master en Piano, un Master en Direction Chorale, ainsi qu’un Doctorat en Musique ... Jonathan Bell
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

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Jean Guillou : L’œuvre pianistique Davide Macaluso, piano. Livret 36 p. Français/Italien/Anglais avec une présentation de la musicologue Daniela Tortora.

« Jean Guillou est un musicien complet », c’est ce que l’on peut lire depuis quelques années dans les biographies de Jean Guillou. Cette affirmation veut dire que derrière le musicien-interprète, dont la renommée mondiale est faite depuis plus d’un demi siècle, s’est longtemps caché un musicien-compositeur. Et c’est donc la conjonction de ces deux âmes dans un seul corps qui porte à cette définition de complétude.
Or le grand public – notamment dans le domaine de l’orgue – connaît l’interprète brillant et inspiré qu’il a pu écouter en concerts ou à travers ses nombreux enregistrements discographiques (Universal, Dorian, Festivo e Augure), méconnaissant en revanche l’autre facette du Maître.
S’il est vrai que plus d’un tiers de son œuvre est dédiée à l’orgue seul et une autre vingtaine d’œuvres voit l’orgue en compagnie d’autres instruments, une grande place est allouée aux œuvres orchestrales - avec 8 Concertos pour orgue et Orchestre, un Concerto Grosso, trois Symphonies, une Messe et un Stabat - mais aussi, et non des moindres, au piano. En effet non seulement Jean Guillou l’a convié à de multiples reprises à se produire en compagnie d’autres instruments, à commencer par l’orgue (5 Colloques) où de l’orchestre (2 Concertos pour piano et orchestre) mais lui a donné une place à lui tout seul avec une dizaine d’œuvres.
Sans doute faudrait-il pouvoir réentendre l'œuvre à loisir pour en saisir tous les méandres et leur propre raison d'être – écrivait Michel Roubinet à la fin de sa critique du deuxième Concerto pour orgue qu’il venait d’entendre car, en effet la seule écriture ne suffit pas à faire vivre la musique. Et pour ceux qui voudront en découvrir l’esprit, Beauchesne publie ces jours-ci le dernier ouvrage de Jean Guillou : Esprit de Suite où il nous a laissé sa vision des grandes œuvres du répertoire ainsi que des siennes.
Augure, qui depuis plus de dix ans contribue à élargir la connaissance de l’œuvre du Maître, annonce la sortie de son dernier CD – L’œuvre pour piano de Jean Guillou, enregistrée par le brillant pianiste italien Davide Macaluso.
Grâce à ce double CD l’entièreté de l’œuvre pianistique du Maître quitte l’ombre pour apparaître en pleine lumière grâce à ce musicien qui a tenu à réaliser ce projet ambitieux sous le regard attendri du Compositeur qui a eu le temps de suivre la préparation du double volume, d’en fixer le déroulement et d’écouter le résultat final.
Bien que leur nombre soit limité, ces œuvres composées sur plus d’un demi siècle, suffisent amplement à jauger l’exceptionnalité de ce musicien-compositeur dans lequel on doit reconnaître sans hésitation la présence d’une génialité musicale indéniable. Et son musicien-interprète inattendu nous comble.
En vente (20 €) à partir du 18 octobre 2019 sur le site d’Augure (www.jean-guillou.org) ou sur les sites www.cdandlp.com et www.discogs.com
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019




ESPRIT DE SUITE


LA MUSIQUE ET LE GESTE

LA VIE DE L’ÉDUCATION MUSICALE

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Collection de livres de L'éducation musicale


Collection La revue de L'éducation musicale


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LE LIVRET DU CANDIDAT AU BACCALAURÉAT de juin 2019


À VOS TABLETTES !
Mars 2019 : version EPUB disponible.


Avant-propos

Le baccalauréat « ancienne mouture » vit donc sa dernière année... Faut-il le déplorer ? Peut-on encore parler d’« examen » pour une épreuve dont le taux de réussite approche ou dépasse les 90 % ? (alors qu’en 1967, ce taux était de 61,7 %, il est cette année de 88,1 % et 91,2 pour le bac général) ! L’état d’esprit coura- geux qui semblait à l’origine de la réforme pouvait laisser espérer aux lycéens, en plus d’une revalorisation du niveau, une ouver- ture plus large dans le choix des matières. Pour la première fois, un élève pourrait en n choisir comme enseignement de spécia- lité (par exemple) mathématiques et musique ! Et une spécialité artistique ne serait plus forcément liée à la lière littéraire ! Oui, mais voilà... Si l’on ignore encore le nombre de créations ou de fermetures d’options que cette réforme a induit en France, dans le lycée où j’enseigne – pour l’exemple que je connais le mieux – elle a purement et simplement abouti à la fermeture des options

Bonne étude !
Philippe Morant

Version Numérique :


Les analyses musicales de L'Education Musicale

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