www.leducation-musicale.com
Sommaire :
1. L'éditorial de Francis Cousté
: "L'honneur d'une discipline"
2. Informations générales
3. Varia
4. Manifestations et Concerts
5. Recensions de spectacles
6. Saisons lyriques
7. L'édition musicale
8. Bibliographie
9. Le Roman du Jazz
10. CDs et DVDs
11. La vie de L’éducation musicale
Abonnez-vous à L'éducation musicale, et l'Encyclo de la musicienne est à vous !
L’honneur d’une
discipline
Enseigner ou
séduire, il faut choisir.
(Jacques Drillon, De la musique)
S’il est un domaine où la précellence de l’Europe ne
saurait être contestée, c’est bien celui de la musique. De par son niveau
d’élaboration certes, mais aussi et surtout de par les « valeurs spirituelles » qu’elle
véhicule. Et cela, dans cet esprit d’universalité que, depuis la
Renaissance, notre continent aura été le seul à cultiver…
Il est évidemment souhaitable que chansons, musiques du
monde, de pub ou de cinéma participent de notre enseignement ; elles n’en
sauraient cependant constituer le cœur. Afin que – selon l’heureux
distinguo établi aux États-Unis – nos élèves puissent faire le juste départ entre Art Music et Popular Music. Et que nos programmes ne soient plus à
l’obsessive remorque des toutes dernières niaiseries médiatiques…
Car s’il n’est pas de genre méprisable, certaines musiques
le sont. D’où l’impérieuse nécessité d’une ligne directrice clairement formulée,
celle dont l’absence se fait aujourd’hui si cruellement sentir, prêtant ainsi
la main à l’élimination – plus que jamais prévisible, hélas ! - de notre
discipline.
Aussi demandons-nous que, notamment au baccalauréat, ne
soient plus programmées que des œuvres dignes de notre passé - fussent-elles empruntées
au plus bel aujourd’hui. Et non plus de ces « bizarreries »,
qui - année après année - tant désespèrent musiciens et mélomanes, élèves et
professeurs…
Francis B. Cousté
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BOEN n°21 du 21 mai 2009. Encart « Préparation de la
rentrée 2009 » : Donner toute
sa place à l'éducation artistique et culturelle. [!...]
BOEN n°23 du 4 juin 2009. Spécialité « Métiers
de la musique ». Première & deuxième séries d’épreuves :
dates, horaires, centres d’examen.
Le Bulletin officiel de l’Éducation nationale est
librement consultable sur :
www.education.gouv.fr/pid285/le-bulletin-officiel.html
Festival
« Filmer la musique » #3. Du mardi 9 au dimanche
14
juin 2009
,
5 jours et 5 nuits de projections de films & de documentaires
musicaux, concerts, installations et performances, au CentQuatre, établissement
artistique de la Ville de Paris. Renseignements : 104, rue
d’Aubervilliers, Paris XIXe. www.104.fr ou www.filmerlamusique.com
« International Congress of Voice Teachers »
(ICVT). Il
se réunira, du 15 au 19 juillet, à Paris, au Théâtre des Folies Bergère. Thème :
« Chant passé et présent :
innovation et tradition ». Renseignements :
01 53 85
82 72
. www.icvt2009.com
Un « Pôle
d’enseignement supérieur de la musique » s’ouvrira en
Seine-Saint-Denis / Île-de-France, dès septembre 2009. Formation de
l’interprète dans la discipline instrumentale principale / Culture
musicale & générale / Création & créativité. Candidatures à
envoyer avant le
10 juillet 2009
. Concours d’entrée en
septembre 2009. Renseignements : Marie-France
Yang. Tél. : 01 43 11 21 16/10. www.conservatoireregional93.fr
Le « 3rd World Forum on Music », intitulé « Access to musical
diversity », se tiendra à Tunis, du 17 au 22 octobre 2009. Principaux
thèmes traités : « Diversité culturelle, où en
sommes-nous ? » / « Musique comme vecteur de
dialogue » / Créativité et innovation dans la distribution de la
musique » / « Nouvelles approches dans l’éducation
musicale » / « Évolution des audiences, un défi pour les
musiques savantes autour du monde ». Renseignements : International Music Council - 1, rue Miollis, Paris XVe. Tél.
01 45 68 48 50. www.imc-cim.org
Actions éducatives
de l’Ensemble Intercontemporain. En moyenne, par saison : 80 actions
éducatives dont 25 destinées
au Jeune public. 7 500 participants. Solistes
en bibliothèques : 10 séances. La Maison
ouverte : 4 séances. 5 répétitions
publiques. 10 masterclasses
& ateliers instrumentaux en conservatoire. 2 spectacles Jeune
public. Ateliers scolaires : 14 classes accompagnées depuis
2002. Renseignements : www.ensembleinter.com
Sylvie Cohen : 01 44 84 89 26. s.cohen@ensembleinter.com
©EIC
La Fondation
Royaumont ouvre
au public la Bibliothèque musicale François-Lang. Souhaitant encourager
l’étude des sources, le travail sur l’interprétation, la valorisation des
répertoires et favoriser les échanges interdisciplinaires entre artistes et
chercheurs… Renseignements : 01 30 35 59 37. www.royaumont-bibliotheque-francois-lang.fr
La 19e édition de « Sinfonia en Périgord », Musiques
baroques en liberté, se déroulera du 22 au
30
août 2009
. Renseignements :
05 53 09 51 30
. www.sinfonia-en-perigord
Festival « Musique
en Côte basque » : Sur les pas
d’Albéniz, du 30 août au
10 septembre
2009
, à
Anglet, Ascain, Bayonne, Biarritz, Ciboure, Saint-Jean-de-Luz, Urrugne Renseignements :
05 59 51 19 95
. www.musiquecotebasque.fr
©Helm-Lebrecht Music
& Arts
Piano****
2009-2010
: Salle Pleyel, du
28
novembre 2009
au
14 juin 2010
,
sont programmés : Academy of St Martin in the Fields (Murray Perahia,
piano/direction), Staatskapelle Berlin (Daniel Barenboim, piano/direction),
Orchestre Mozart (Claudio Abbado, piano/direction). Récitals de :
Yuja Wang, Daniel Barenboim, Gianluca Casciolo, Stephen Kovacevich, Nelson
Freire, Murray Perahia, Rafal Blechacz. Renseignements :
01 44 17 93 25
. www.piano4etoiles.com
Jean-Marc Déhan, éminent compositeur et
pédagogue, est décédé à Saint-Cloud, le 14 mai 2009, dans sa 80e année. Que son épouse, ses enfants, petits-enfants et
arrière-petits-enfants trouvent ici le témoignage de la sympathie de tous ceux
qui l’auront connu et admiré.
***
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La BnF enregistre
des voix pour les générations futures : À l’instar de ce que l’on avait fait en 1907
(enregistrement de 24 disques mis à l’abri du monde extérieur pendant un
siècle), la Bibliothèque nationale de France renouvelle l’opération mais, cette
fois, sur le blog « Les voix
ensevelies » créé à cette occasion. Des internautes sont invités
à proposer leurs morceaux et à voter dans sept catégories musicales, une urne
virtuelle se remplissant au fur et à mesure. Renseignements : www.twitter.com/bnf2109 ou www.bnf.fr
Musique du film L’assassinat du duc de Guise, par
Camille Saint-Saëns. Écouter musique & commentaires de notre collaborateur Jérôme Rossi
sur : www.canalacademie.com/emissions/FOC357.mp3
L’ensemble de jazz
Ode Paname,
« L’Invitation au voyage »,
se produira les vendredis 12 et
19 juin 2009
, à
21h45,
au Théâtre des Déchargeurs (3,
rue des Déchargeurs, Paris Ier, M° Châtelet), salle La
Bohème. Avec Léa Castro (chant), Olivier de Colombel (compositions &
sax), Armel Dupas (piano), Johan Eche-Puig (contrebasse) et Hélène Mahieu (mise
en scène). Renseignements :
08 92 70 12 28
. www.myspace.com/odepaname
Récession… Les musiciens du
« Philadelphia Orchestra » (dir. Charles Dutoit) viennent
d’accepter une baisse de 4,8 % sur leurs salaires. Suivant, en cela,
l’exemple du « Chicago Symphony » et de bien d’autres phalanges
américaines de moindre réputation. Renseignements : www.philorch.org
©DR
25e édition des Francofolies de La Rochelle… Du 10 au
14 juillet 2009
. Renseignements : 6,
rue de la Désirée,
17000
La Rochelle. Tél. :
05 46 28
28 28
. www.francofolies.fr
Un grand corps
malade : « l’Éducation nationale »… Consultation sur : www.grandcorpsmalade.com/accueil.htm
GCM ©Sherif Scouri
***
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« Le Livre des illusions » de Bruno Mantovani [notre photo]
sera créé - en hommage à Ferran Adrià - le jeudi 11 juin (20h), à Paris, Salle
Pleyel. Autres œuvres au programme : Formazioni de Luciano Berio, Cinq
pièces op.10 d’Anton Webern. Orchestre de Paris, dir. Jean
Deroyer. Informatique musicale Ircam : Benoît Meudic. Renseignements : 252, faubourg Saint-Honoré, Paris VIIIe. Tél. :
01 42 56
13 13
. www.orchestredeparis.com
©Charles Daguet /
Henry-Lemoine
« Hypermusic
Prologue », A Projective Opera in Seven Planes, sera donné, en création mondiale, les
dimanche 14 et lundi 15 juin, à
20h,
au Centre Pompidou, par
l’Ensemble Intercontemporain, dir. Clement Power. Cet opéra d’un type
nouveau est né de la rencontre du compositeur espagnol Hèctor Parra, de la
librettiste & physicienne américaine Lisa Randall et de l’artiste
plasticien Matthew Ritchie. Renseignements :
01 44 78
12 40
. www.musicareaction.com
©DR
« Lumières », messe baroque du XXIe siècle, de Jacques Loussier, sera donnée les 15, 16, 17 et
18 juin 2009
, à
20h30,
à l’Opéra de Massy. Avec le
concours des Chorales des Collèges de l’Essonne & de l’Orchestre Léon-Barzin,
dir. Jean-Marie Puissant [notre photo]. Renseignements : 1,
place de France,
91300
Massy. Tél. :
01 60 13
13 13
. www.opera-massy.com
©Angélique Persem
Triambaka, ensemble de musique classique hindoustanie, se produira à l’Auditorium du musée
Guimet, le vendredi
19 juin 2009
, à 20h30. Anapuma Bhagwat
(sitar), Adrian McNeil (sarod), Debashish Brahmachari (tabla). Renseignements : 6, place d’Iéna, Paris XVIe. Tél. :
01 40 73
88 18
. www.guimet.fr/-auditorium-
Au Créa, « Centre d’éveil artistique
d’Aulnay-sous-Bois », direction Didier Grojsman [notre photo], sera donné,
le samedi
20 juin 2009
, de
10h30
à 20h : Demain, c’est fête ! Journée riche en surprises : présentations
scéniques, chœurs, ateliers de pratique artistique, atelier des adultes,
moments musical, apéritif-concert… Renseignements :
01 48 68
51 72
. www.lecrea.fr
©Le Créa
Musique en Sorbonne. Le mardi
30 juin 2009
, à
20h30,
Chœur et Orchestre de
Paris-Sorbonne, dir. Johan Farjot & Denis Rouger, donneront : Triple Concerto de Beethoven (Johan
Farjot, piano / Florin Szigeti, violon / Dorel Fodoreanu,
violoncelle), Requiem de Fauré,
version 1893 (Mélodie Millot, soprano / Antoine Garcin, baryton /
Pierre Mea, orgue), et Psaume 130 de Philippe Hersant (Alice Guéritaud, mezzo / Nima Ben David, viole de
gambe / Pierre Mea, orgue). Renseignements :
01 42 62
71 71
. www.musiqueensorbonne.fr
« Nuit
bleue », 8e édition : Voyage en utopie
sonore. Le
samedi
11 juillet 2009
(de
21h
à… 7h), Saline royale
d’Arc-et-Senans. Concerts électroniques & acousmatiques.
Architectures sonores & sculptures de lumière. Installations &
parcours. Renseignements :
03 81 81 86 06
. www.nuit-bleue.com
Le Festival de
Saint-Riquier 2009 se déroulera, du 9 au 19 juillet, dans le cadre de la célèbre abbatiale.
Avec, entre autres, les solistes Pierre Amoyal, Laurent Korcia, Amandine Beyer,
Cyprien Katsaris, Naji Hakim, Michel Portal, Henri Demarquette, Jean-Philippe
Courtis… Sont également conviés l’Orchestre de l’Opéra de Prague,
l’Orchestre de l’Opéra de Rouen, le Chœur Britten, les Percussions de
Strasbourg, les Folies Françoises, le Laudantes Consort, l’Orchestre de
Picardie, l’Ensemble orchestral de Paris… Concerts Jeune public. Renseignements : 03 22 71 82 10. www.festival-de-saint-riquier.fr
©P. Guillaume
Le 11e Festival
« Musique & nature » se déroulera dans les églises du Parc naturel du Massif
des Bauges, du 12 juillet au
22 août 2009
. Avec notamment :
Jordi Savall, Renaud Capuçon, François-René Duchâble, David Guerrier, Hugo
Reyne, le King’s College, l’ensemble Chanticleer de San Francisco, Boris
Berezovsky, le Quintette à cordes de la Philharmonie de Berlin, le Trio
Wanderer… Renseignements :
04 79 54 84 28
ou
06 09 58 69 28
. www.musiqueetnature.fr
Le 8e « Août
musical de Deauville », festival de musique de chambre, se déroulera du 2 au 9 août
2009. Renseignements : 1, avenue Lucien-Barrière, 14800
Deauville. Tél. : 02 31 14 14 14. www.musiqueadeauville.com
Le 62e Festival international de musique de Besançon se tiendra du 11 au 26 septembre 2009. Au
cours de ce même festival se déroulera le 51e Concours
international de jeunes chefs d’orchestre, du 14 au 19 septembre. Renseignements : 03 81 82 08 72. www.francefestivals.com/besancon/edito.html
Le Festival
d’Ambronay, « Centre
culturel de rencontre », fêtera ses 30 ans du 11 septembre au
11 octobre 2009. Avec, notamment : L. Garcia Alarcón,
W. Christie, S. Kuijken, M. Minkowski, F. Biondi,
J. Savall, R. Alessandrini, D. Raisin Dadre, Sk. Sempé,
Chr. Rousset, G. Garrido, K. Livljanic, Ph. Jaroussky… Renseignements : place de l’Abbaye,
01500
Ambronay. Tél. :
04 74 38
74 04
. www.ambronay.org
Abbatiale d’Ambronay
Francis Cousté
***
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Macbeth à l'Opéra Bastille : un drame bourgeois ?
Il n'est
pas aisé de monter Macbeth. « Obéissez à Shakespeare » répétait Verdi à son librettiste, pour
signifier que cette référence doit être omniprésente dans cet opéra singulier
qui marque un tournant dans sa carrière. Violence, âpreté du langage, dureté des situations, mais aussi univers nocturne
colorent ce melodramma d'un climat fantastique. La
nouvelle production de l'Opéra Bastille adopte un parti
audacieux : le régisseur Dmitri Tcherniakov confie
s'être « efforcé de ne penser que très peu à
Shakespeare » ! L'action est concentrée sur un espace
réduit : une pièce de la maison des Macbeth, qu'on
appréhende du dehors par une de ses fenêtres. Un drame intimiste confronte les deux
protagonistes à quelques individus choisis. La masse chorale est évacuée en
coulisses. Ainsi, lors de la scène du banquet. Les rares
invités s'esquiveront même, au point de ne laisser présents en scène au grand finale
du IIe acte que les époux Macbeth !
À l'heure de l'hymne ultime de victoire, tout se
passera encore en coulisses (avec interventions enregistrées ;
un comble) alors que Macbeth, mourant, demeure seul dans la pièce. Les
scènes d'extérieur auront pour théâtre une place de village, espace impersonnel
et clos. Si le concept permet de saisir les deux personnages-titre face à eux-mêmes,
qui ne peuvent que « monologuer avec leur conscience »
(Gilles de Van), il élude la dimension épique de l'opéra. Les deux tableaux des
sorcières en font les frais : elles participent de la foule et, en
telle posture, leurs interventions deviennent
textuellement incompréhensibles. Foin de figures mythiques, de
Parques de toute Antiquité ! Exit aussi la lettre, lue par
un récitant, comme les apparitions, tournées en dérision par une foule secouée
de rires. Tout ce que Verdi fonde sur le grand Will est ici
délaissé : la rapidité de l'action, au profit d'un débit
plutôt alangui, la référence fantastique, complètement reléguée. Le postulat
dramaturgique asservit tout à sa réalisation, au
prix du sacrifice de l'esprit même du texte.
©Ruth Walz/Opéra
national de Paris
Heureusement tout est dans la
géniale musique de Verdi. Et là Teodor Currentzis comble l'auditoire.
Élan dramatique, science de la nuance, art de livrer la modernité du
langage et de ses différences de style - il joue la version révisée de 1865 -, tout contribue au vrai son verdien ; ce que l'Orchestre de l'Opéra
magnifie par une palette inouïe. Cette rare délectation sonore, on la mesure
aussi à la manière dont le chef conduit ses chœurs - le
morceau « O patria oppressa » est
d'anthologie, que conclut une aria du ténor
d'une réelle conviction (magnifique Stefano Secco). Ferruccio Furlanetto, Banquo, se distingue par une idéale articulation
ialienne. Violetta Urmana ne manque pas de force dramatique, mais la voix est
taxée par le rôle exigeant de Lady Macbeth,
qui la conduit à esquiver le fameux contre-ré final. La voix « âpre, étouffée,
sombre » voulue par Verdi trouve peu d'interprètes à qui
se mesurer. Le Macbeth de Dimitris Tiliakos est veule, apeuré, broyé par un
destin trop large, ce qu'accentue le timbre clair de la voix. La
belle ligne de chant trouve sa limite dans l'ampleur de la salle. Un spectacle
intéressant, quoiqu'en marge de l'histoire.
Le Retour d'Ulysse en concert, Salle Pleyel
Dans la foulée des
représentations données au Teatro Real de Madrid, c'est à une exécution de
concert que William Christie et ses Arts Florissants nous conviaient de l’opéra
de Monteverdi, Il Ritorno d'Ulisse in Patria. Contrairement au pastoral et madrigalesque Orfeo, cet
opéra vénitien, tout comme l'ultime Couronnement de Poppée,
livre les passions humaines dans ce qu'elles ont de divers et d'excessif. Le
librettiste Badoaro s'est directement inspiré des dernières pages de l'Odyssée d'Homère : le retour d'Ulysse, déguisé en mendiant,
à Ithaque où se lamente de son absence Pénélope, que son fils Télémaque
tente de réconforter ; tandis que les prétendants installés dans
le Palais, se verront défaits lors du fameux tir à l'arc dont seul Ulysse
possède le secret. Action épique s'il en est,
faite de contrastes saisissants pour illustrer de nombreuses péripéties, qui
donne dans le mélange des genres et manie toutes sortes d'affetti. Ainsi en est-il du parodique des interventions des prétendants, du
truculent de celles du glouton et atrabilaire Iro, de la déploration lyrique,
tel le lamento qui sous-tend le rôle de Pénélope. La partie musicale
quoique restée à l'état de trame, laissant une marge de liberté à l'interprète,
est pourvue de nombreux ensembles : duos,
trios ou morceaux concertants plus vastes. La ligne de chant est colorée
adornant ce beau style arioso qui fonde des récitatifs développés et des arias
très concis. Les passages purement instrumentaux ajoutent au sentiment de
bonheur qui émane de cette belle fresque.
William Christie ©Julien Mignot
L'exécution est
resplendissante. On a privilégié une exécution « semi staged »,
c'est-à-dire avec mouvements scéniques, inspirée du spectacle madrilène
(hélas sans costumes), ce qui ôte au concert son aspect
formel : les interprètes vocaux évoluent devant, en
arrière et au milieu de la formation instrumentale, elle-même disposée en deux
ensembles de part et d'autre. Celle-ci est composée d'un quinzaine de musiciens
formant essentiellement la basse continue, traitée de manière imaginative par
Christie. Les autres instruments, cornetti, lirone,
théorbes et autres luths, interviennent pour les sinfonie et ritournelles. Ce
dispositif instrumental volontairement raréfié contribue à créer une atmosphère
chambriste, alors que du clavecin, le chef donne une discrète impulsion. Il est
difficile d'imaginer distribution plus faste que celle réunie
ici : jeunes pousses déjà rompues à l'arioso montéverdien, réunies autour de
deux grandes voix, Christine Rice, Pénélope émouvante, et
Kobie van Rensburg, poignant Ulysse. Tous se délectent de la virtuosité vocale
demandée par des recitativos aux lignes étendues et des arias aux inflexions
constamment évolutives dont naît cette sensation de diversité qui fait
tout le prix de cette œuvre.
Une version scénique
pour Le Messie
On ne l'aurait
simplement pas imaginé : donner une dimension scénique à
l'emblématique Messie ! C'est
pourtant ce que vient de réaliser Claus Guth à l'Opéra de Nancy - peu après une
création au Teater an der Wien. Bien que dépourvu d'intrigue
et de personnages identifiables, cet oratorio sacré possède un
sujet : la prophétie de la venue du Messie, sa passion et
son triomphe, son rôle après la mort. Le
pari tenté - et réussi - est d'appréhender l'œuvre autrement qu'à travers une suite de morceaux musicaux et de dépasser l'abstraction
contenue dans le texte pour en révéler toute la résonance, la structure
dramatique sous jacente. À cet égard, le medium que
constitue l'image et les ressources de la scénographie moderne qui posent
souvent sur les œuvres un regard décalé, par des
jeux de recoupements et de superposition,
vont révéler une cohérence insoupçonnée, « faciliter » une
compréhension nouvelle. En fait, Guth joue sur des
figures illustratives qui, soit suivent le sens premier du texte,
soit lui sont antagoniques (l'Alleluia présenté comme un chant funèbre
). Une trame est recréée qui reprend les trois parties de l'œuvre : le tragique destin d'un
homme, banquier de son état (personnage muet), qui, par
suite d'événements extérieurs, perd son emploi, puis sa femme se détachant de
lui pour suivre un autre homme, son meilleur ami peut-être, et se trouve acculé
au suicide. La première partie, La
venue du Messie, à
partir d'une assemblée déplorant sur son cercueil la disparition de l'homme,
nous fait remonter le temps pour évoquer la période joyeuse de la naissance
d'un fils. Puis vient Le calvaire, les
démêlés de l'homme avec ses associés, la lente déchéance de l'époux privé de ce
qu'il a de plus cher. La dernière partie, Après
les funérailles, illustre combien au-delà de cet effroyable
destin humain, la résurrection apporte de félicité aux
bienheureux.
©Opéra national de
Lorraine
Alors qu'un autre personnage
muet sert d'interface entre cette trame et le texte, la mise en scène livre des
images d'une force peu commune, dans le traitement du chœur notamment qui agit comme un personnage principal, extrêmement mobile, groupes
serrés ou qui se défont. Elle révèle un immense travail d'acteurs aussi, d'une
formidable précision dans le détail de la gestuelle et de la vérité des
expressions. Ainsi des arias illustrés en autant de séquences.
Cette rhétorique théâtrale stupéfiante recourt à plusieurs
techniques : arrêts sur images, découpages des groupes en
ombres portées, éclairages peaufinant des climats étonnants, judicieux décor à
transformations créant une succession de lieux qui
évoluent rapidement pour former des tableaux vivants. Cet achèvement
dramaturgique ne serait pas ce qu'il est sans une exécution musicale qui elle
aussi frôle la perfection. À la différence de ses
interprétations vivaldiennes, Jean-Christophe Spinozi privilégie une approche
sereine et recueillie, gommant tout angle vif. Son Ensemble Matheus nourrit la
partition d'infinies nuances. On louera la formidable prestation de mime
dévolue aux deux rôles muets, si essentiels dans cette approche de mise en
perspective texte-musique : la jeune femme à la douce
candeur, s'exprimant par le langage des sourds, le danseur brossant un portrait
saisissant de cet homme torturé par une mort annoncée. La distribution vocale
est du niveau des grandes maisons : magnificence vocale
des deux sopranos, Cornelia Horak et Veronica Cangemi, douceur et lyrisme
discret du contre-ténor Max Emanuel Cencic, sombres inflexions de la
basse chantante, Nigel Smith, alors qu'il doit incarner un personnage ambigu et en
marge, idéale élégance des arias du ténor, Sébastien Droy.
Quant au Arnold Schönberg Chor, il est tout de bon
prodigieux, tant par un jeu pétri de conviction que dans son chant
somptueux. Le
Messie atteint ici une portée universelle car son message d'humanité reste, au fond,
d'une brûlante actualité.
Le Roi malgré lui de Chabrier, à l'Opéra Comique
Curieux destin que celui de
l'opéra-comique Le Roi
malgré lui de Chabrier qui fut privé d'Opéra Comique une
semaine après sa création pour cause d'incendie du théâtre,
remonté en hâte au Châtelet, car on croyait bien au chef-d'œuvre, puis
sombra dans l'oubli aprés une reprise en 1937. Ne survit depuis lors qu'un
morceau d'orchestre bien connu des salles de concerts, La
fête polonaise qui ouvre le deuxième acte. Et
pourtant il y a là de la fort belle musique, du rythme à revendre, du lyrisme
vaporeux, de la verve peu contenue par un livret
rocambolesque : un roi qui se fait passer pour conspirateur
contre sa propre personne... Il fallait un Laurent Pelly pour démêler cette
histoire « très quiproquée » (selon l'auteur), qui
réserve une place de choix à l'invraisemblable, voire à l'improbable - une
touchante esclave s'entiche du courtisan disgracié dont le roi a pris le
vêtement. Le fil conducteur apte à émoustiller le spectateur, il l'a trouvé en
imaginant la pièce au second degré : sur un plateau de
théâtre encombré de lambeaux de décors et d'accessoires épars, on
répète un opéra-comique connu d'un certain compositeur en vue... Le rideau
s'étant ouvert malgré tout, on jouera la pièce en passant du second degré –
trois comparses machinistes et répétiteurs en blouse grise tirent les ficelles
- au premier degré du déroulé de celle-ci. L'idée est séduisante
en ce qu'elle permet de manier l'effet de surprise et le comique de situation,
sans trop s'appesantir sur la vraisemblance. Tout s'enchaîne comme
une mécanique huilée à la Feydeau ; même si, par
rapport à la création du spectacle à l'Opéra de Lyon en 2004, Pelly n'évite
plus quelques effets faciles. Le coup de théâtre est permanent, le clin d'œil abonde. On s'affranchit des conventions du genre et
parodie ce qu'il a de compassé. D'habiles trouvailles
pimentent une action échevelée, comme moults situations piquantes aux
dialogues « modernisés ». Cela
plaît, et le public rit et applaudit à cœur joie.
©Michel Cavalca
Une ombre plane cependant. L'exécution musicale malgré les forces réunies (l'Orchestre de Paris pas
moins) n'est pas toujours à la hauteur de l'événement. Là où
il faut avant tout manier la nuance, la direction de William Lacey donne trop
souvent dans le forte et l'éclatant, et de plus
n'évite pas les décalages fosse-plateau. Les
accents sont brusques, là où la souplesse doit être vertu première. Admettons
que la vision haute en couleurs insufflée par le régisseur à la Fête
polonaise conduise à brusquer les choses dans le chœur
de la « valse endiablée » - vraiment diabolique ici avec
interventions fortissimo de personnages effrayants vêtus de
noir ; mais bouler le tempo altère le climat d'un passage qui, pour
être nerveux, n'en doit pas moins conserver au
burlesque toute sa finesse. En plus d'un endroit, le
compte n'y est pas de la transparence harmonique, de la couleur gallique. Et
l'acoustique très présente de la salle Favart n'arrange pas les choses, qui
apparaissent lues comme à travers une loupe grossissante. La distribution
fonctionne avec des fortunes diverses. Dans le rôle titre, Jean-Sébastien Bou
est à l'aise et offre un magnifique timbre de baryton clair ; Frank
Leguérinel se fait un régal de Fritelli, un duc italien féru de combinazione : abattage à revendre chez un habitué du style Pelly. Le ténor Gordon Gietz compense
par un chant agréable ce qu'est chez lui un brin contraint, à l'aune de la
mobilité exigée par le régisseur. Le
bât blesse par contre, chez les dames : Magali Léger notamment qui, malgré un joli minois, est vite dépassée par le exigences du rôle de l'esclave
Minka, bardé de quintes aiguës acrobatiques.
Glorieuse
conclusion du cycle Prokofiev, à Pleyel
Le cycle dédié à la musique symphonique de Serge Prokofiev
par le London Symphony Orchestra vient de connaître son apothéose. Valery
Gergiev [notre photo], leur chef principal, avait réuni outre le Concerto n°2 pour violon, les Quatrième et Cinquième symphonies. Dans l'une et l'autre, l'énergie tellurique
déployée n'a d'égale que l'intensité lyrique à fleur de peau enfouies dans un
univers sonore d'une richesse proprement incroyable. Le travail demandé aux instrumentistes
est fabuleux : couleurs des bois, tels la flûte et le hautbois tiraillés
vers le strident, rondeur des cuivres dont la sonorité est à certains moments
plus large que nature, nuances inouïes des cordes, du ppp à la fièvre de
tuttis lâchés en pleine force. Et quel sens rare de la transition, de
l'organisation des thèmes et rythmes sans cesse changeants, dont la succession
a priori arbitraire, doit paraître naturelle. Ils s'agencent sous les doigts de
Gergiev avec la force de l'évidence. « Les doigts », car le chef,
qu'il use ou non de la baguette, façonne des mains cette pâte en fusion. La
construction est clairvoyante et l'unité d'ensemble un modèle. Ainsi de la Quatrième symphonie, directement issue
du ballet Le Fils Prodigue, commande de l'Orchestre de Boston et de son
chef Koussevitzki, où Prokofiev adopte un syle néoclassique, mélodique, clair
et lumineux, en accord avec le ton de la parabole biblique illustrée dans le
ballet - qui sera abâtardi dans la version remaniée de 1947.
©CNN
La Cinquième
symphonie, composée quelque 16 ans après, apporte un tout autre
climat : Prokofiev est rentré en URSS, et donne dans le style soviétique,
alors illustré par Chostakovitch. Il dira l'avoir « conçue comme une
symphonie sur la grandeur de l'esprit humain ». L'ami Sviatoslav Richter,
parlant de la première à Moscou en 1945, soulignera que l'œuvre évoque
« son entière et totale maturité et sa vue rétrospective du passé ».
On a dit aussi qu'elle a à voir avec l'image héroïque du peuple russe durant la
guerre qui venait de s'achever. De fait, l'héroïsme ne manque pas et le souffle
est proprement épique. Gergiev le souligne, ne ménageant pas les climats
puissants, bien sonores, cuivres détonants, percussions massives, petite
harmonie traitée avec le tranchant d'une lame, cordes lancées en pleine force.
Il démêle les divers climats qui caractérisent cette pièce. Car, même au cœur
des passages les plus mouvementés, il n'est pas rare qu'affleure une bouffée de
lyrisme, lui aussi puissant. Interprétation incandescente, révélant toutes les
qualités d'un orchestre que cet univers musical foisonnant permet de mettre
exergue.
Entre ces deux piliers orchestraux, le Concerto pour violon n°2 compose une
bienheureuse diversion. Surtout, lorsque joué par le merveilleux violoniste
Vadim Repin. Ce qui est ici admirable, c'est le sens de la confidence dans le
jeu, le ton tout sauf de virtuosité extérieure, le trait clair et profond.
L'orchestre qui l'accompagne est réduit, et la transparence qui en résulte ne
laisse que mieux apparaître la mobilité mélodique et dynamique de la pièce. Son
atmosphère allusive, le lyrisme encore hérité de Roméo et Juliette, juste contemporain, sont quelque peu teintés
d'austérité et de sonorités heurtées. Mais l'élan est irrésistible dans ses
constants changements de thèmes, voire ses passages insolites. Le mouvement
central, sorte de sérénade étrange, offre un kaléidoscope de sonorités irisées.
L'exécution de Vadim Repin restera d'anthologie. En bis, il aura ce geste rare
et beau de jouer avec le premier violon de l'orchestre, un mouvement de la Sonate pour deux violons, où les deux
solistes poursuivent une course folle. Un autre bis, la marche énergique de l'Amour des trois oranges, récompensera,
en fin de concert, un auditoire plus qu'enthousiaste.
Jean-Pierre Robert
Haut
Événement à l'Opéra Garnier que la
présentation de l'opera seria Demofoonte de
Nicolo Jommelli (1714-1774), dans une mise en scène de Cesare Lievi,
coproduite avec le Festival de Pentecôte de Salzburg et le Ravenna
Festival. L'artisan de cette redécouverte est Riccardo Muti [notre photo] qui, à la
tête de l'Orchestra Giovanile « Luigi Cherubini »,
composé de jeunes talents italiens et européens, se consacre à la
réhabilitation de l'opéra napolitain du XVIIIe. Le livret est emprunté au prolixe Metastasio et conte, à
travers des scènes contrastées, les conflits familiaux entourant le roi
Demofoonte de Thrace. Précurseur de Haydn et de
Mozart, Jommelli s'est fait une réputation par une écriture instrumentale très
raffinée mettant en valeur des parties vocales brillantes, hautement
ornées de colorature : l'opéra de bel canto dans sa plus sincère
acception. Un ensemble de jeunes chanteurs devrait défendre avec conviction
cette pièce qui mérite d'être sortie de l'oubli. Opéra national
de Paris, les 13, 16, 18, 20 et
21 juin 2009
. Renseignements :
0
892 89 90 90
. www.operadeparis.fr
©DR
À l’Opéra Bastille, Gérard
Mortier achève son mandat sur une note inédite, en
montant Le Roi Roger du Polonais
Karol Szymanowski (1882-1937). Le thème en est le conflit
entre l'église chrétienne dans la Sicile médiévale et la quête païenne de la
beauté et du plaisir proclamée par un jeune berger aux allures de prophète. Le
roi Roger sera subjugué par l'hédonisme prêché par celui-ci. Il le
rejetera cependant. On a pu dire que le berger
était comme l'ombre du roi, tel Méphisto l'est de Faust et que la lutte des
forces dionysiaques et apolliniennes
était au cœur de la pièce. La musique, quasi impressioniste,
est plus contemplative que réactive à l'action. Elle regorge de mélodies mêlées à de discrètes harmonies dissonantes. Il semble que
le régisseur Krzysztof Warlikowski [notre photo] fasse se dérouler la pièce de son compatriote
dans l'espace mental des protagonistes et voie le berger tel une sorte de
« contaminateur » ; comme l'Ange dans le film Théorème de
Pasolini. On sait qu'il privilégie volontiers la référence
cinématographique. Opéra national de Paris,
les 18, 20, 23, 25, 28, 30 juin et 2 juillet 2009. Renseignements :
0 892 89 90 90. www.operadeparis.fr
©Anne Deniau
Opéra de Lyon 2009-2010. Entrez sans frapper !
Sous le thème de l'errance,
l'Opéra national de Lyon a concocté une saison riche en événements : quête de vérité ou simple chemin pavé
d'interrogations, propre de la condition humaine, ce motto permettra de
présenter des pièces aussi diverses qu'inattendues : Don Giovanni (régie
de Adrian Noble, direction de Christopher Moulds), Moscou, quartier des
cerises de Chostakovitch, irrésistible comédie musicale
et farce impertinente, mise en scène par Macha Makeïeff
& Jérôme Deschamps
Moscou, quartier des cerises ©Michel Cavalca
Manon Lescaut, grand drame lyrique où
Puccini revisite l'Abbé Prévost, Porgy and Bess dans la régie chorégraphiée de José
Montalvo & Dominique Hervieu, ou encore Hänsel und Gretel, le
chef-d'œuvre de Humperdinck, dans la mise en scène inonoclaste
de Laurent Pelly créée en 2008 pour le Festival de
Glyndebourne. Un must !
Porgy and Bess ©Stofleh
La création sera à l'honneur
avec la première mondiale du troisième opéra de Kaija Saariaho, Émilie, sur
un livret de l'ami Amin Maalouf, ou « L'ultime
errance » de la belle Émilie du Châtelet sur le cours de sa vie.
Celle qui fut l'amie proche de Voltaire, a surtout été la première femme
scientifique. Dirigée par le maître des lieux, Kasushi Ono, l'opéra-monodrame
sera mis en scène par François Girard et interprété par la grande Karita
Mattila, dédicataire de l'œuvre. On
jouera aussi des pièces peu connues qui n'en méritent pas moins le
détour : The Tender Land de Aaron Copland, qui décrit le climat
particulier des paysages de l'Ouest américain, et After life de Michael van der Aa, opéra
d'après un film... qui place l'action entre terre et ciel.
After life ©Hans van den Bogaard
Le festival annuel, toujours
très attendu, sera consacré à la trilogie Pouchkine mise en musique par
Tchaïkovski. Eugène Onéguine, La Dame de Pique et
surtout Mazeppa, mis en scène par Peter Stein et dirigés
par Kirill Petrenko, verront à nouveau les feux de la rampe, dans des
distributions éblouissantes. Deux concerts prolongeront
cette série : un récital de Marianna Tarasova et une version de
concert de Mozart et Salieri du même Tchaïkovski. Côté
concerts encore, outre un récital de José van Dam - un des derniers sans doute
- on pourra entendre l'Orchestre de l'Opéra de Lyon dans trois programmes
dirigés par K. Ono, autour de Roméo et
Juliette, de valses d'hiver pour fêter le Nouvel An, et de
trois musiciens fleurant la culture des origines, Copland, Milhaud et
Bartók - comme une soirée Mozart animée par le talentueux Jérémie
Rohrer. Renseignements : 0 826
305 325
. www.opera-lyon.com
Monnaie de Bruxelles, saison 2009/2010 : Rêves, rapport à la loi, sacrifice…
La thématique qui traverse
la prochaine saison du Théâtre de la Monnaie est forte, car aussi
bien « notre époque demande une telle introspection » se plait à
souligner son directeur, Peter de Caluwe. Une
large partie de la programmation sera donc consacrée aux tragédies sanglantes
des familles des Atrides. Ainsi Iphigénie en Aulide et Iphigénie en
Tauride de Gluck seront présentées
simultanément, sur deux soirées ou en une seule journée, une occasion rare de voir
ce passionnant diptyque ; d'autant que les mises en scène seront
signées de Pierre Audi et la direction confiée à Jérémie Rohrer. La sombre Elektra de
Richard Strauss sera revisitée par Guy Joosten. La prêtresse hors norme, Elettra, on la retrouvera dans Idomeneo de Mozart. Enfin Medea,
première en Belgique du deuxième opéra de Pascal Dusapin, sera recréée
à travers une idée chorégraphique de Sasha Waltz.
Le monde des désirs et des
rêves, on l'appréciera dans des opéras comme Sémélé de Haendel, conduit par Christophe Rousset, Don Quichotte de
Massenet, où le rôle-titre, cet anti héros abyssal, verra les adieux à la scène
bruxelloise d'un enfant du pays, José van Dam (régie
de Laurent Pelly, direction de Marc Minkowski) ; mais
encore dans la reprise de l'étonnant opéra de Stravinsky, The Rakes' Progress,
enluminé par la régie fort imaginative de Robert Lepage. Le tragique Macbeth de Verdi sera défendu par Krzysztof
Warlikowski qui, nul doute, aura beaucoup à dire de
cette exploration d'un « autre visage du mal ».
Théâtre de La Monnaie ©Johan Jacobs
Côté concerts, on donnera
plusieurs opéras en version concertante : L'Enfant prodigue de Debussy, Norma, Platée, et le rarissime Don Chisciotte in
Sierra Morena de Francesco Conti, exhumé par René
Jacobs ; et des programmes symphoniques, comme le début
d'un gigantesque projet mahlérien, « All Mahler », avec la 6e Symphonie confiée à Harmut Haenchen, qui dirigera également Das Lied von der Erde ; de
même que le Requiem allemand de
Brahms ou une soirée d'hommage à José van Dam ; programme
surprise dit-on ! À noter aussi une pochade intitulée Hélène aux Enfers,
contraction des trois opérettes phares d’Offenbach, La Belle Hélène, Orphée aux enfers et La Grande Duchessse de Gérolstein,
spectacle conçu pour et autour de Dame Felicity Lott. Les
récitals verront se produire, entre autres, Bejun Mehta,
Joyce di Donato, Dietrich Henschel, Christoph Prégardien et
Matthias Goerne. Renseignements : 4, rue
Leopold, 1000 Bruxelles. Tél. : 00
32 70 23 39 39
. www.lamonnaie.be
Jean-Pierre Robert
Haut
PIANO
Ulrike WOHLWENDER : Weißt du, wie viel Sterlein
stehen ? (Sais-tu combien il y a de petites étoiles ?). Lieder sur Guten Nacht et bien d’autres chansons
populaires. Album + CD (chant & piano). Breitkopf Pädagogik (www.breitkopf.com) : 8765.
Assurément originale est cette publication proposant 23 chansons
enfantines de tous pays - chacune d’elles dans quatre très faciles
harmonisations pour le piano. Le CD comporte version chantée & versions
pianistiques. Voilà qui devrait faire école chez nos propres
éditeurs !
CHANSONS
Chansons et guitare. 2009. De
Borée (www.deboree.com). 14,5 x
18 cm, 400 p. 15 €.
Permettant de pousser la chansonnette en toutes
circonstances, cet épais carnet rassemble les plus belles chansons du
répertoire (paroles seules) et les rend accessibles aux guitaristes grâce aux
tablatures données pour chaque morceau. Sous quatre rubriques : Au
temps du 45 tours / Pour s’amuser, pour s’endormir / Autour du
feu / Rock’n roll. Chansons françaises de Brassens, Brel, Dassin,
Ferrat, Ferré, Goldman, Gainsbourg, Moustaki, Polnareff, Téléphone, Cabrel,
Goldman, Le Forestier, Souchon, Ferrer… mais aussi étrangères de J. Baez,
L. Cohen, ACDC, B. Dylan, J. Joplin, Pink Floyd, Simon &
Garfunkel, Br. Springsteen, Supertramp, The Rolling Stones, U2…
Francis Gérimont
FORMATION MUSICALE
Olivier
NOCLIN : Voyages sans frontières. 15
chansons, 5 destinations. Livret, CD-CDRom. Lugdivine.
Attention, ces Voyages
sans frontières ont l’apparence d’un CD, mais il s’agit en fait à la fois
d’un CD et d’un CD-ROM sur le même support. Il faudra donc prendre soin non
seulement de lire le CD, qui contient les quinze chansons dans leur version
complète, mais aussi d’explorer ce même CD pour y trouver les fichiers pdf des
partitions et des paroles, imprimables à volonté, et les
« play-back » des quinze chansons sous forme de mp3. C’est dire qu’il
s’agit d’un ensemble complet. Ajoutons qu’un petit livret de présentation
commente chaque chanson et présente les diverses destinations proposées :
Brésil, Sénégal, Andes, Proche-Orient et Cuba. Faut-il ajouter que, comme
toujours, les enregistrements sont de grande qualité et s’écoutent d’abord par
plaisir. Bref, une réalisation aussi artistique qu’intelligemment pédagogique.
Pascal
MARCELIN : Le passé re-composé des
maîtres du piano. Livret, CD, DVD. Lugdivine.
Convenait-il de recenser ce travail dans la rubrique de
l’édition et non dans celle des disques ? Il m’a semblé que l’originalité
de l’entreprise justifiait ce traitement. Nous connaissons tous les
enregistrements qui ont été faits sur des pianos modernes, modifiés à cet effet,
des fameux rouleaux perforés enregistrés par des grands maîtres. Pascal Marcelin
a, certes, pris pour base de son travail ces rouleaux de Pianola, Pleyéla et
surtout Ampico. Mais il a traité les rouleaux eux-mêmes par l’informatique et
les a fait jouer par un piano « idéal », recréé entièrement par
l’informatique. Et le résultat est absolument fascinant. On peut discuter de la
validité du procédé pour « ressusciter » le jeu des pianistes
d’autrefois, de Busoni à Rachmaninov en passant par des interprètes moins
célèbres mais non moins intéressants pour nous faire redécouvrir des styles
d’interprétation parfois bien différents de ceux d’aujourd’hui. Le DVD présente
la genèse artistique et technique de cette production vraiment très originale
et qui sera utilisée avec profit tant pour l’éducation des pianistes que pour
celle de tout musicien soucieux d’approfondir son approche musicale et
esthétique.
Christiane
MILLERIOUX, Franck ROBERT, Marie-Catherine VOIRPY & Alain VOIRPY : Au fil des notes… Cours complet. Cycle
II, 1re année. Livre du professeur. Livre de l’élève, CD. Billaudot :
G 7308 B.
Nous avons déjà rendu compte des précédents volumes.
Celui-ci possède les mêmes qualités : on peut apprécier, en particulier,
la pertinence des abondants extraits présents sur le CD et qui permettent à la
fois de pratiquer les différents exercices proposés et de donner l’envie
d’écouter la suite… Le livre du professeur est également très complet et permet
de construire un cours embrassant les différents aspects de la formation
musicale.
PIANO
Felix MENDELSSOHN-BARTHOLDY : Sieben Charakterstücke op.7. Sechs
Kinderstücke op.72. Urtext. Bärenreiter : BA 9083.
Les éditions Bärenreiter poursuivent leur monumentale
édition des œuvres de Felix Mendelssohn. L’édition est réalisée par Holger
M. Stüwe et doigtée par Matthias Kirschnereit. On lira avec profit
l’abondante préface (allemand/anglais) qui introduit cette édition. Sources,
analyse succincte des pièces, problèmes éditoriaux spécifiques, tout est rédigé
avec beaucoup de soin.
Felix MENDELSSOHN-BARTHOLDY : Lieder ohne Worte. Urtext. Bärenreiter : BA 9069.
Cette édition de l’intégrale des Lieder ohne Worte est tout à fait remarquable, tant par sa
présentation que son exhaustivité. On y trouve en effet, en appendice, dix
pièces qui ont été écrites séparément, et une pièce inachevée. On regardera
avec intérêt les fac-similés de partitions autographes. Et, bien sûr, on ne
peut être que séduit par l’abondance des notations historiques et critiques de
la préface.
Santos
CHILLEMI : 8 images d’enfants – 3
morceaux sans drapeau. Album, CD. Lemoine : 28725 H.L.
On jouera et écoutera avec beaucoup d’intérêt et de
plaisir les onze pièces de ce pianiste compositeur argentin vivant en France et
menant une carrière internationale. Jazz ? Classique ?
Ces distinctions n’ont pas cours lorsqu’on écoute cette musique à la fois très
personnelle, très colorée, d’une invention constante. On ne peut que se réjouir
de pouvoir écouter le pianiste nous donner sa propre interprétation de cette
musique tonique et sans concession. Mais attention, il faut, pour les interpréter,
un solide niveau technique.
Robert COHEN &
Jorane CAMBIER : Jeux de mains. Vol. 1.
Piano à quatre mains. 10 pièces faciles. Album, CD.
Hit-Diffusion.
Faciles certes, mais passionnantes sont ces dix pièces
fort diverses allant de Shreck à Beethoven et Mozart dans des arrangements
d’une excellente facture. Voilà un excellent moyen de faire le lien entre les
musiques d’aujourd’hui et celles d’hier, en se faisant plaisir. Souvent relégué
au rang du déchiffrage, le « quatre mains » est pourtant une excellente
école de musique de chambre et tout simplement une autre manière d’explorer la
richesse du piano. Le CD donne à la fois les dix pièces intégrales, et pour
chacune d’elles, successivement, les deux parties de piano, ce qui permet à
l’élève de jouer tout seul à quatre mains… On appréciera beaucoup ce complément
qui devrait s’avérer désormais indispensable.
Arletta
ELSAYARY : Étude orientale pour
piano. Lafitan : P.L.1820.
Écrite pour le niveau élémentaire, cette pièce comporte
tous les éléments de l’orientalisme traditionnel : rythmique syncopée et
seconde augmentée de rigueur. Ceci n’est nullement un reproche ! Cette Étude est pleine de charme, de musique
et de sensibilité.
Anne-Virginie
MARCHIOL : Le chat et la souris pour
piano. Lafitan : P.L.1857.
Les âmes sensibles regretteront que cette charmante
histoire se termine mal… au moins pour la souris ! De niveau préparatoire,
cette pièce aux aspects variés permet au jeune pianiste de montrer sa vélocité
dans la poursuite, et son sens de la phrase musicale dans « le sommeil du
chat »…
David
NEYROLLES : Bleu. Niveau
préparatoire. Lafitan : P.L.1933.
Cette pièce a pour but de développer la musicalité du
pianiste par une écriture formée d’arpèges brisés qui obligent à un phrasé
parfait entre les deux mains. Mais il ne s’agit pas d’un exercice ! La
musique est bien présente avant toute chose. Cette œuvre volontairement
« romantique » envoûtera sûrement les jeunes pianistes.
FLÛTE À BEC
George BINGHAM : 50 Airs
Anglois pour flûte à bec alto (1-20), duo de flûtes altos (21-30), flûte
alto et basse continue (31-50), édités par Nicola Sansone. Urtext. Ut
Orpheus Edizioni.
Si certaines pièces sont de George
Birgham, la plupart des autres ont pour auteur des contemporains. Ces pièces
ont été publiées dans un premier recueil paru en 1702, suivi de trois autres.
L’édition se fit à Amsterdam, mais en français. Saluons la qualité de ce
travail, ainsi que des commentaires qui l’accompagnent. Beaucoup de ces pièces
ne manquent pas d’intérêt tout en ne présentant pas une grande difficulté
d’exécution. Elles intéresseront autant les élèves de flûte à bec que les
instrumentistes désireux d’enrichir leur répertoire.
Max MÉREAUX : Poème pour
flûte à bec soprano & piano. Lafitan : P.L.1873.
Cette pièce pour débutant est
pleine de charme et de… poésie ! Beauté et difficulté ne vont pas
forcément de pair. Mais il faudra cependant que le jeune interprète fasse preuve
d’une vraie sensibilité. Mais cela n’attend pas le nombre des années…
GUITARE
Philippe RIO : Troubadour pour
guitare. Lafitan : P.L.1844.
Cette charmante pièce, modale
comme il se doit, fera le bonheur des guitaristes débutants. Avec ses
alternances de mesures à deux, trois et quatre temps, elle obligera à une
souplesse rythmique de bon aloi. Sa mélodie, à la fois rythmée et mélancolique,
séduit immédiatement.
VIOLON
Camille
SAINT-SAËNS : Les cloches de Las
Palmas, pour violon seul. Arrangement : Régis Boulier.
Combre : C06606.
Cette transcription d’une pièce pour piano possède un
fondement historique. Saint-Saëns écrit lui-même : « On me dit
que Sarasate aurait arrangé pour violon et joué à Londres avec grand succès Les cloches de Las Palmas. Fabuleux ! » Mais Régis Boulier, après de longues
recherches, n’a pu retrouver l’original. Il s’est donc lancé dans une
recréation qui semble tout à fait réussie. Souhaitons beaucoup de bonheur et de
succès aux violonistes qui inscriront cette œuvre à leur répertoire.
CLARINETTE
Michel
PELLEGRINO : Petit précis de
clarinette basse. Lemoine : 28747 H.L.
Contrairement à ce qu’on peut
penser, la clarinette basse n’est pas un simple dérivé de la clarinette ou du
saxophone : elle requiert un apprentissage spécifique que nous propose ici
l’auteur, qui signale les particularités liées à l’embouchure ou la colonne
d’air. Il joint à cela un certain nombre d’explications et d’exercices
concernant des techniques souvent employées à cet instrument. En fin de volume,
quelques pièces de différents styles aident à mettre en application les
principes exposés dans la méthode. Des conseils judicieux sont aussi donnés sur
le choix de l’instrument, puisqu’il existe deux clarinettes basses : l’une
en mib et l’autre, plus grave, en ut, qui ont des caractères différents
même si la technique est similaire.
TROMPETTE
Jean-Louis PETIT : VESPERAL
pour 6 trompettes. Fuzeau Classique : 8654.
Rappelons d’abord que le site de
ces éditions classiques, devenu « Anne Fuzeau Productions » est
désormais : http://www.editions-classique.com Cette pièce, composée de deux mouvements rapides encadrant un moderato, est
bien à l’image de ce compositeur, élève de Messiaen et de Boulez, en même temps
que fervent découvreur de la musique baroque. On parle, dans la présentation,
d’un « nouveau classicisme savant ». Je crois que c’est le terme qui
convient pour cette œuvre d’une écriture toute contemporaine, mais qui laisse à
l’auditeur une sensation de plaisir et de bonheur. La partition comprend à la
fois un conducteur et l’ensemble des parties séparées.
Odette GARTENLAUB : Deux pièces pour trompette solo. Combre : C06632.
Ces deux courtes pièces, d’un
niveau de 3e cycle, ne sont pas d’abord de redoutables exercices,
mais avant tout de la bonne et saine musique, d’une verdeur et d’une tonicité
réjouissante, pleine de jeunesse et d’audace.
SAXOPHONE
Claude PASCAL : Suite chorégraphique pour quatuor de saxophones. Combre : C06603.
Reprenant les formes classiques de
la danse (Variation, Adage, Marche…), le toujours jeune Claude Pascal nous
donne une œuvre à la fois pleine de charme et d’humour.
Alexandre CARLIN : Ballade pour saxophone alto mib & piano. Lafitan :
P.L.1882.
Cette pièce, qui existe également
pour saxophone alto & orchestre d’harmonie, est pleine de fraîcheur. Sans
grande difficulté technique, elle demandera cependant de la part de
l’interprète beaucoup de charme et de légèreté.
Fabrice LUCATO : Baby blues pour quatuor de saxophones (3 altos, 1 ténor). Lafitan :
P.L.1916.
Cette pièce inaugure une nouvelle
collection intitulée « Sax Top » dont la caractéristique est de
présenter un répertoire jazzistique, dans un langage entièrement écrit,
accessible dès le 1er cycle. La partition est accompagnée de
judicieux conseils de mise en œuvre. Joyeuse et festive, cette pièce devrait
devenir un « tube » des auditions et concerts.
Daniel Blackstone
Gérard STRELETSKI (Ouvrage coordonné par) : Aspects de la mélodie
française. Actes du Concours international de musique de chambre de Lyon 2006. Éditions Symétrie, 2008. 296 p. 40 €.
Les contributions
délivrées lors des Journées
d'étude accompagnant le Concours international de musique de chambre de Lyon 2006, réunies dans cet ouvrage, jettent un regard pénétrant
sur l'univers de la mélodie française et ses facettes méconnues. Qu'est-ce qui caractérise la mélodie ? « Richesse d'invention, mesure parfaite dans le
langage de la sensibilité, raffinement qui est de la simplicité » disait
Charles Koechlin. À travers l'étude d'œuvres emblématiques, voire d'une même pièce mise en musique par plusieurs musiciens,
tel Recueillement de Baudelaire - vu par Debussy, Louis Vierne et plus près de nous,
Jean-Yves Malmaison -, la démarche se veut multiforme, historique,
esthétique, analytique ou sociologique. Ainsi en est-il du cycle Biondina qui
montre le goût prononcé de Gounod pour la musique italienne ; des pièces de Charpentier, d'abord empreintes
d'un lyrisme profond, puis d'une veine naturaliste puisée chez Verlaine et son « refus d'une poésie intellectuelle », d'une puissante imagination et d'une extrême mobilité de la ligne mélodique ; ou encore de la rencontre
Verlaine-Debussy dans Les
Ariettes oubliées,
un « art de l'équivoque, de la suggestion » qui révèle « quelques résonances entre deux arts, musique et
poésie, où sobriété et suggestions poétiques se font écho » (Denis Le
Touzé) ; ou bien de l'étude des mélodies françaises
d'Enesco, un « art de la discrétion, de l'allusion, du non-dit » (Anne Penesco) ; ou
encore des mélodies du Lyonnais
Ennemond Trillat qui rappellent combien la capitale des Gaules a joué ici un
rôle important qui ne se limitait pas aux salles de concert. On n'aurait garde d'oublier le chapitre passionnant consacré à « René Chalupt et
ses musiciens » (Guy Sacre), exemple d'une carrière entièrement vouée à la
poésie. Que de musique sera écrite sur des vers de cet homme protée qui
rencontrera Auric, Satie, Milhaud, Roussel. Parce que sa langue et son
savoir-faire tenaient du don le plus délicat, sans parler de son humour et de son art consommé
de la chute.
Jean-Christophe BRANGER & Vincent GIROUD (Ouvrage coordonné
par) : Aspects de l'opéra français
de Meyerbeer à Honegger. « Perpetuum
mobile », éditions Symétrie (en partenariat avec la Fondation Palazzetto Bru Zane). 2009. 259 p. 32 €.
Actes d'un colloque international tenu en 2004, cet ouvrage est une
contribution essentielle à la défense de la cause de l'opéra français du XIXe que la Fondation Bru Zane s'est donnée pour mission de promouvoir. C'est de Charles Gounod
que plus d'un musicien d'opéra peut se prévaloir, pour adopter « une
attitude complètement
nouvelle à cette époque vis-à-vis de la prosodie française ». Une
constante se fait jour, dont on n'a pas toujours mesuré l'importance : le rôle des compositeurs étrangers dans le
théâtre lyrique. Ainsi de Meyerbeer pour ce qui est du grand opéra, dont le
drame posthume, L'Africaine, livre la dernière pensée car « au cœur du siècle, le grand opéra s'il est en déclin,
participe, plus qu'il n'en est victime, du passage à la ‘modernité’
musico-théâtrale » (Karen
Henson). Plusieurs œuvres peu
jouées sont analysées avec l'acuité du scalpel. Le Chérubin de
Massenet, où s'exprime le « regret du vieux temps » (Gérard Condé) ; mais aussi une Hérodiade qui lui donna bien du mal dans ses démêlés
avec l'éditeur Ricordi. L'œuvre, d'abord donnée dans une version écourtée à La Monnaie, sera finalement bien
créée à la Scala, pour être vite retirée de l'affiche. L'histoire de La Carmélite de Reynaldo Hahn vaut aussi d'être lue ; une « sorte de Manon tardive »
(Philippe Blay), ou lorsque « le Grand Siècle rencontre le goût Belle Époque pour l'écriture
imitative » ; ce
qui autorisera à suspecter son auteur d'amateurisme. Alors qu'« à l'impact de monolithes comme le
wagnérisme et le vérisme, il fallait opposer des œuvres-blocs, granitiques,
ramassées ». Pénétrantes
encore les pages sur L'Heure
espagnole,
« la grivoiserie moderne de Ravel », bel exemple du « caractère
cosmopolite » de l'opéra français. Hispanisme ici, influence américaine
là : d’un Edgar
Poe pour Debussy et La
chute de la maison Usher, son opéra inachevé, où il ne voulait rien écrire qui rappelle Pelléas ; mais en fait a puisé à la même veine
stylistique et s'est épuisé dans l'atmosphère étouffante d'un roman sulfureux. Pas moins passionnante que l'histoire de la version primitive de l'air
d'entrée de Carmen, où l'on voit comment la créatrice du rôle,
Galli-Marié, eut une influence déterminante pour la couleur à donner à la Habanera.
Jean-Pierre Robert
Serge
GUT : Franz Liszt. Les éléments du
langue musical. Édition revue et augmentée, Auguste Zurfluh (zurfluh@wanadoo.fr). 2008. 376 p. 30 €.
Préfacée en 1975 par le regretté Jacques
Chailley, qui avait souligné « la rigueur minutieuse
d’investigation » de Serge Gut, musicologue et musicien, ayant réussi à
détruire légendes hâtives et généralisations abusives, la présente édition, revue
et augmentée, bénéficie d’un Avant-propos de l’auteur qui insiste sur les nouvelles données, par exemple dans la Première
Partie : Données de base, il a
introduit le tout dernier état de la question concernant Liszt écrivain,
à l’appui de nombreuses citations précieuses (lettres de Liszt et de ses
correspondants) éclairant les divers contextes. La Deuxième Partie,
particulièrement développée, concerne d’abord Les éléments mélodiques. À noter, à propos de la gamme
pentatonique, un apport neuf : le « symbole sonore de la
Croix », formule mélodique privilégiée par Liszt. Les modes tziganes
font l’objet non seulement de l’historique et la présence de la gamme tzigane,
mais encore de précisions sur « l’échelle à double seconde
augmentée ». La Troisième Partie : Les éléments harmoniques ne contient que quelques changements de
détail, toutefois S. Gut a davantage précisé la notion importante et
nouvelle de différence entre morphologie et syntaxe, et la notion de tension
(et d’instabilité), représentant sans doute l’une des grandes découvertes de
l’auteur dans le domaine de la théorie musicale. Cette partie représente
une véritable synthèse de tous les éléments, accords et agrégats exploités par
le compositeur et ses affinités pour le goût de la dissonance et, d’une manière
générale, l’importance qu’il accorde à l’harmonie. Enfin, à la Quatrième
Partie : Influences et éléments
divers, l’auteur souligne plus en détails les influences réciproques
Liszt-Wagner, l’apport du Romantisme français dans sa jeunesse et, dans une certaine
mesure, de l’Italie, ainsi que l’apport des courants latin, germain et hongrois
dans sa vieillesse. La conclusion est à la reconnaissance envers Liszt
qui nous a livré « une telle mine d’or que l’on peut à la fois exploiter,
étudier, ordonner… » : tel est l’apport de ce « grand
romantique ». Cette publication reproduit le Catalogue complet des œuvres musicales (p. 310-354), en tenant
compte de découvertes récentes, avec la répartition des œuvres par catégories.
La Bibliographie est entièrement remise
à jour. Tant par la rigueur de la méthode que par la présence de plus de 200
exemples musicaux et par la nouveauté de certaines approches, ce maître-livre
confirme que Serge Gut, musicologue et musicien, est à notre époque le grand
spécialiste de l’analyse et de l’exégèse du langage musical.
Isabelle
HANDY : Histoire de la musique au
Moyen Âge et à la Renaissance. Ellipses (contact@editions-ellipses.fr),
2009. 312 p. 19,50 €
Après les ouvrages réédités de Th. Gérold : La musique au Moyen Âge (1/1932 ;
2/1983) - faisant office de pionnier -, puis du regretté J. Chailley : Histoire musicale du Moyen Âge (1/1950,
2/1969), La musique au Moyen Âge (1/1978) de R.H. Hoppin, avec son Anthology
of Medieval Music (1978), ainsi que le livre anglais plus ancien : Music in the Middle Ages (copyright
1940) de G. Reese, I. Handy propose « son » Histoire de la musique au Moyen Âge et y inclut la Renaissance. En
musicologue (doctorat), historienne de l’art et archéologie (licence) et
musicienne (École Normale de Musique), l’auteur - enseignant notamment à
l’Université du Maine et à l’Institut technologique européen des Métiers de la
musique (Le Mans)… - a une vaste expérience pédagogique. Cet ouvrage,
bénéficiant de sa formation pluridisciplinaire, est conçu en 9 chapitres allant
des premiers siècles de notre ère - à travers les Mérovingiens, Carolingiens,
l’An mille, l’époque des Cathédrales, des Croisades, le Grand Schisme
d’Occident, jusqu’à la Renaissance et le XVIe siècle, avec la
pratique musicale, les grands spectacles et, finalement, les « réformes de
la musique » (p. 269-275). Il eût fallu traiter d’abord la
Réforme (protestante) pour la musique : à partir de 1525 (en Allemagne)
et, ensuite, la Contre-Réforme, dans la mouvance du Concile de Trente
(1545-1563) et de G.P. da Palestrina et J. de Kerle... L’apport
neuf concerne surtout la culture générale, les divers contextes historiques et
sociologiques, les hauts-lieux de la musique (châteaux, salles, monastères,
cathédrales…), le prestige des fêtes dans les différentes cours, les
divertissements et distractions ou encore le faste de certaines cérémonies
liturgiques. À regretter cependant : l’absence d’exemples musicaux
notés et iconographiques ; enfin, parfois, le manque d’aération dans le
style et la présentation (paragraphes dans l’ensemble trop longs, par ex.
p. 265, 266, 267 (début). Ces quelques remarques n’enlèvent rien à la
valeur de ce manuel qui comprend également un important Glossaire (à l’entrée Psaume,
il faudrait ajouter : Psaumes et Psautier huguenots) et d’utiles
indications bibliographiques (non raisonnées). Comme tel, les étudiants
apprécieront ce parcours historique renouvelé.
Frédéric
PLATZER : Petit lexique des termes
musicaux. Nouvelle édition augmentée. Ellipses (contact@editions-ellipses.fr),
2009. 153 p. 8,55 €.
Après le succès de la première édition (2002),
Frédéric Platzer - en pédagogue avisé et spécialiste de méthodologie - a, dans
un souci d’actualisation, le mérite de venir au secours de tous les publics qui
souhaitent une terminologie précise des nouveaux concepts d’analyse, nouvelles
technologies dont l’informatique musicale et leurs sigles parfois énigmatiques,
par exemple : D.R.M. (Digital Rights
Management) ; TCK (Tecktonik : style de danse) ;
W.M.A. (Window Media Audio).
Des définitions, par exemple : Bagad (breton) ; Bitrate (« débit
des données lors de la lecture d’un fichier audio ») ; Combo (deux sens : groupe de 5 à 6
musiciens ; système d’amplification d’un instrument électrique) ; Expandeur (appareil contenant des
sonorités préenregistrées), Kazoo (membranophone), Zouk (danse
antillaise)… À noter quelques lacunes pour les formes : Cantique (canticum), Psaume - alors
que Choral y figure - ; pour les
instruments : à Trompette marine,
il faudrait ajouter Trumscheit ;
à Cor des Alpes, Alphorn. Malgré ces quelques
réserves, classé dans l’ordre alphabétique, étayé d’exemples musicaux et
d’illustrations organologiques, ce Petit
Lexique (passé de 128 à 153 pages) sera utile à « l’honnête
homme » et à l’apprenti musicien ; en ce sens : il remplit son
contrat.
Jacques
THUNUS : L’année liturgique.
Voix Nouvelles (info@voix-nouvelles.com).
Diff. : Cerf. Distr. Sodis. 2009. 65 p. 14 €.
De nos jours - où « fêtes de fin
d’année », « vacances de printemps » n’impliquent pas nécessairement
les fêtes religieuses -, J. Thunus aborde judicieusement les temps
liturgiques dans l’optique de leur célébration. Ce parcours concerne les
origines de l’Année liturgique, l’histoire chrétienne ; rappelle que le
dimanche, premier jour de la semaine, réunit les fidèles, précise ensuite les
étapes de la Semaine Sainte, la Fête de Pâques et la Résurrection ; le
temps de l’Avent et de Noël (en insistant sur sa spiritualité), l’Épiphanie, et
donne une description percutante du Sanctoral :
liturgie, piété populaire, cantiques, commémoration des défunts, sans oublier
la place de Marie, entre autres. Ce manuel d’un professeur de liturgie
(Bruxelles, de 1986 à 2008), très expérimenté, souligne l’extrême diversité
liturgique (catholique) ; il rendra évidemment de grands services aux
chefs de chœur pour le choix des œuvres, aux hymnologues, aux rédacteurs de
programmes et présentateurs de concerts.
Édith Weber
Boris de
SCHLŒZER : Introduction à J.-S. Bach.
Essai d’esthétique musicale. Édition établie & présentée par
Pierre-Henry Frangne. Presses universitaires de Rennes (www.pur-editions.fr). 17 x
21 cm, 306 p., ex. mus. 18 €.
Publié en 1947, mais épuisé depuis plus de
vingt ans, quasi mythologique était devenu ce brillant essai. Trois
parties : L’idée concrète (Compréhension & connaissance de l’œuvre), La forme (Aspects rythmique, harmonique & mélodique), Le mythe (Signes expressifs. Sens
psychologique. Sens spirituel & rationnel. Moi mythique).
Merci aux PUR d’avoir pris l’initiative de cette précieuse réédition - augmentée
d’une présentation par Pierre-Henry Frangne, d’un index et d’une postface du
regretté Gaëtan Picon intitulée : « Les formes et l’esprit. La
pensée de Boris de Schlœzer ».
Gérard
CONDÉ : Charles Gounod.
Fayard. 2009. 13,5 x 22 cm, relié, couverture
souple. 1 088 p. 45 €.
Celui qui fut l’illustre compositeur de Faust, Roméo et Juliette ou Mireille sortira-t-il enfin du purgatoire où l’a plongé un XXe siècle enragé
de modernisme progressiste ? Pour l’éminent compositeur et critique
musical Gérard Condé, il serait temps, en effet, de redécouvrir la fraîcheur et
la sensualité harmonique d’un musicien sur lesquelles il ne tarit pas
d’éloges. Après « Au fil des
jours », biographie solidement charpentée, il s’attache à décrire
quelques importantes « Figures »
qui gravitèrent autour du compositeur (Le premier cercle, Les muses, Les dieux,
Les maîtres, Les aînés), pour conclure sur « Au fil des œuvres » (Ouvrages lyriques, Musiques de scène,
Oratorios & cantates, Messes, Mélodies & cantiques, Chœurs profanes
& motets sacrés, Œuvres instrumentales, Écrits). Avec, bien sûr, en
annexes : Catalogue des œuvres, Bibliographie, Index nominum et Index
rerum.
Charles
KOECHLIN (1867-1950) : Musique et
société. Écrits présentés par Michel Duchesneau, vol. 2. 2009.
Mardaga (www.mardaga.be). 17 x
24 cm, 448 p. 45 €.
Élève de Fauré, puis professeur de Francis
Poulenc et d’Henri Sauguet, Charles Koechlin a certes marqué la musique
française du XXe siècle - son œuvre transcendant modes musicales et
clans. Dans ses écrits, il juge avec indépendance les révolutions
musicales de son temps, réfléchissant sur l’esthétique, le répertoire et le
langage modernes, le rôle du compositeur et de la musique dans la société, les
traditions musicales et leurs évolutions. Ce deuxième volume réunit 42
conférences, articles ou inédits du compositeur (« L’éducation musicale de
la Nation » et « Le problème de la musique au cinéma »
notamment), ainsi que quelques textes signés Max d’Ollone avec lequel il eut
des échanges épistolaires.
René de
CECCATTY : Maria Callas.
Inédit. « Folio biographies, 54 ». Format de poche.
370 p., cahier de photos n&b. 8,10 €.
Romancier fécond, René de Ceccatty nous livre,
cette fois, la biographie inspirée d’une diva aux capacités vocales hors du
commun certes, mais surtout à l’incomparable génie dramatique. À la
constitution du mythe Callas auront, en outre, participé la perte précoce de la
voix, un destin tragique et une mort brutale. Riche appareil critique
(repères chronologiques, sources, références bibliographiques, discographie,
notes).
Réal LA
ROCHELLE : Le patrimoine sonore du
Québec. La Phonothèque québécoise. 1CD de Jean-Sébastien
Durocher. Triptyque (www.triptyque.qc.ca). Distrib. Dimedia.
15,5 x 23 cm, 190 p. 19,40 €.
La Phonothèque québécoise/Musée du son (www.phonotheque.org) fête en 2009 ses
vingt ans d’existence. Son histoire ressemble à un conte qui se lit et s’écoute
(le livre est accompagné d’un CD présentant une œuvre inédite du compositeur
électroacousticien Jean-Sébastien Durocher, dans laquelle sont intégrées des
archives sonores). Sauvegarde, documentation et diffusion du riche
patrimoine sonore québécois, non sans quelques incursions à New York, Ottawa,
Washington et… Paris.
Björn HEILE (Edited by) : The Modernist Legacy : Essays on New
Music. 2009. Ashgate (www.ashgate.com). 16 x
24 cm, relié sous jaquette, figures, ex. mus. £60.00.
Déjà
auteur, dans la même maison d’édition, de The
Music of Maurico Kagel, Björn Heile (directeur du département Musique de
l’Université du Sussex) a divisé le présent ouvrage en deux grandes
parties : New music, social debates
& the aesthetics of critical modernism (Modernism’s moment of plenitude /
On the poetics of music after the postmodern / Spectralism / The
scream in avant-garde music / Verbal discourse as aesthetic arbitrator /
« Weltmusik » and the globalization) et Aspects of compositional poetics (Aldo Clementi and the eclipse of
music as praxis / Feldman, Beckett, Johns : patterning, memory &
subjectivity / Brian Ferneyhough, postmodern / Electroacoustic music
of Henri Pousseur / Self-portrait with Boulez and Machaut : Harrison
Birtwistle’s « Hoquetus Petrus » / Polymetric structures in
Elliott Carter’s « 90+ ». Rien moins qu’unanimes sont les 12
contributeurs à cet ouvrage : grande variété de points de vue assortis de
critiques souvent virulentes sur quelques dérives modernistes &
postmodernistes. C’est ce qui fait l’intérêt de la publication.
Hélène
MERCIER ARNAULT : Au fil des notes…
Plon (www.plon.fr). 14 x
22,5 cm, 190 p., cahier de photos n&b et couleurs.
18,90 €.
Dans ce journal, écrit avec la plus grande
liberté de ton, la grande pianiste nous relate – de Montréal (où elle naquit) à
Paris, via New York, Vienne, Tokyo, Moscou… - sa passion de la musique (dès l’âge
de 6 ans) et le quotidien d’une concertiste internationale, avec ses joies
aussi bien que ses peurs et difficultés. Elle nous entretient également
de ses liens avec, notamment : Bernadette Chirac, Lady Diana, Karl
Lagerfeld, les Rostropovitch, Ivry Gitlis, les Capuçon, Vladimir Spivakov, Kurt
Masur, Zubin Mehta, Laurent Korcia et… son époux Bernard Arnault, célèbre chef
d’entreprise, avec lequel il lui arriva de jouer en concert, à New York, à
quatre mains… Très émouvant album de photos - familiales, amicales et
professionnelles.
Lewis
PORTER, Michael ULLMAN & Edward HAZELL : Le jazz, des origines à nos jours. Épilogue : « Le
jazz au XXIe siècle ». Traduit de l’anglais par Isabelle
Leymarie, Mathilde Gerbeaux, Vincent Cotro. « Contrepoints »,
Outre Mesure (www.outre-mesure.net).
18 x 22 cm, 480 p., 119 ex. mus., 101 photos n&b.
40 €.
En 23 chapitres, nous est ici présentée une
vision à la fois circonstanciée et concise de l’histoire du jazz et de ses
principaux représentants (Louis Armstrong, Duke Ellington, Count Basie, Charlie
Parker, Miles Davis, John Coltrane, Ornette Coleman, Bill Evans…).
Ouvrage remarquable, en outre, par l’abondance des exemples musicaux.
L’édition française est augmentée d’une mise à jour, « Le jazz au XXIe siècle », signée Michael Ullman, permettant de mieux cerner les
problématiques contemporaines. Riches annexes : bibliographie,
discographie, glossaire, index... La synthèse de référence !
Francis Cousté
POUR LES
PLUS JEUNES
Rémi COURGEON
(Illustrateur), Stéphane OLLIVIER (Texte de) & Lemmy CONSTANTINE (Raconté
par) : Louis Amstrong. Livre/CD
« Découverte des Musiciens », Gallimard-Jeunesse Musique. À
partir de 7 ans (CE1). 24 p. 16 €.
Le jazz à travers la vie de Louis Armstrong… Dès les
premières lignes, nous sommes en Louisiane, à La Nouvelle-Orléans, et plus
précisément à l’église où les gospels envoûtent la paroisse. Notre prodige
s’imprègne de cette musique teintée de souffrance et se distingue parmi
plusieurs. Les fanfares avec ses cuivres et autres tambours marquent ce jeune
enfant… jusqu’au jour où il s’offre un cornet à piston ! Ce livre
nous embarque, nous emporte et la voix de Louis Armstrong résonne dans nos
têtes pour longtemps avec ses acolytes Ella Fitzgerald ou Duke Ellington.
L’intelligence de cet ouvrage est de mêler illustrations et photos d’époque,
d’intégrer en exergue des points de connaissance ou encore des références
musicales accessibles. À offrir absolument !
Laëtitia Girard
Haut
Le roman du Jazz, Interview de Philippe Gumplowicz
L’éducation musicale [Fr.C.] : En ce qui concerne la musique, le
roman a mauvaise presse. Vous êtes musicologue, Philippe Gumplowicz, et
vous avez pourtant publié trois tomes d’un « Roman du jazz » dont vous dites que c’est un livre
d’histoire. Pourquoi cette forme ?
Lorsque
Jean Nithart, directeur de la collection « Musique » de Fayard m’a
proposé d’écrire un ouvrage sur le jazz, j’étais musicien. J’ai su que je
n’écrirai pas un livre d’histoire à la troisième personne. Je pouvais
parler du jazz (à partir de mon expérience) et non écrire sur le
jazz (position de surplomb, distanciée). Cette conviction a rencontré une
intuition qui a mis des années avant de prendre forme : le roman n’est pas
synonyme, terme à terme, avec fiction. Le roman inspecte la vision de ses
personnages. Il est à même d’exprimer une vérité historique, une vérité
personnelle bien sûr, une vérité d’expérience…
Trois
fois le mot « vérité »…
Le
mot ne me fait pas peur. Une vérité que les meilleurs des historiens ne peuvent
qu’approcher. La Comédie humaine est un livre d’histoire sur la France
de la Monarchie de Juillet. Le génie de Balzac nous fait pénétrer dans les
effets induits de la Révolution française à tous les niveaux de la société.
D’où l’importance de s’entendre sur le mot roman. Le roman travaille, creuse
des représentations.
Que
faire, quand on écrit un livre comme le vôtre, pour éviter la romance ?
Je
fais alterner l’histoire écrite à la troisième personne (sans notes de bas de
page !) et le récit de témoins imaginaires (deux, pour être précis) dont
l’existence est traversée par le jazz. Un Noir et un Blanc. Le Noir, Ferdinand
Davis, est l’oncle de Miles Davis, témoin potentiel des situations musicales que
Miles, dont la carrière va de 1985 à 1991, a pu traverser. Le Blanc,
Melvin Goldberg, est l’un de ces émigrés européens, souvent juifs, que l’on
retrouve dans la diffusion de cette musique : journalistes, producteurs,
hommes de radio. À Ferdinand et Melvin il revient de dire comment le jazz
a pu être reçu, moment après moment. À eux encore, il revient aussi
d’exprimer la part « légendaire », fantasmatique du jazz qui fait
paradoxalement partie de sa réalité, c’est-à-dire des représentations du milieu.
Que faire de ces rumeurs invérifiables qui émaillent le monde du jazz ?
Cette répartition entre le discours de l’historien et celui des témoins a un
autre mérite : éviter l’hagiographie. Elle colle à l’esprit du jazz et
même à sa lettre. Si le jazz est un art du moment, alors pourquoi ne pas
installer un dispositif avec des témoins du moment et récits du moment ?
Je me répète : non pas en opposition à l’histoire pour privilégier la
romance mais à côté, en résonance, en proximité avec l’historien.
C’est donc,
pour le lecteur, une manière de s’y retrouver ?
En
effet. Le lecteur passe alternativement de l’information donnée par un
historien au ressenti transmis par les deux témoins. La question des rapports
du roman et de l’histoire me passionne. Je refuse l’idée selon laquelle réunir
histoire et roman amènerait une altération, une évaporation de l’histoire.
Liaison dangereuse. Je vous accorde que c’est souvent le cas. « Mécontent
du tour que prenait la conversation, Louis XIV réajusta sa perruque et partit d’un
grand rire qui cloua le bec à Marie-Thérèse et il lui dit : bla bla bla,
bla bla »… Dans sa version jazz : « Charlie Parker gratifia
Dizzy d’un large sourire et lui dit : « Hey man, ton chorus… What
a drive, my Goodness ! » Il n’y a rien d’équivalent dans Le
Roman du Jazz. Mes personnages de fiction racontent la manière dont on
aurait pu, selon ce qu’en disent les sources historiques, apprécier Dizzy
Gillespie et Parker au moment où ils jouaient. Je n’ai pas écrit un
roman historique avec anachronismes et mots d’auteur. Je ne me suis pas fait le
ventriloque de Dizzy Gillespie et de Charlie Parker.
Vous
avez par ailleurs lancé un vaste chantier sur l’histoire du jazz en France,
avec Laurent Cugny, professeur à la Sorbonne et Vincent Cotro, maître de conférences
à Tours, deux autres spécialistes de cette musique.
Le
jazz qui a suscité tant de représentations d’ordre culturel, politique,
esthétique : Le Siècle du Jazz, l’exposition du Musée des Arts
premiers au Quai Branly, par exemple. Notre projet prend en compte la
singularité d’un jazz français. Comment expliquer que la France ait produit non
seulement une approche critique du jazz, mais aussi une pléiade de musiciens
exceptionnels et, sans aller jusqu’à Django Reinhardt (d’ailleurs né en
Belgique), de très bons musiciens. Ce projet est musicologique, il est aussi
d’histoire culturelle.
Le jazz, pour tous ceux qui l’ont
approché, c’est avant tout l’improvisation. Or, on a tous eu cette
expérience d’impros décevantes, pour ne pas dire terriblement répétitives et
ennuyeuses.
Rapport
compliqué que celui de l’improvisation à l’écriture. J’avoue que, comme le dit
Chéreau, je ne suis pas bluffé par l’improvisation. Mis à part ce qu’elle
attrape de l’instant, elle n’a aucune raison d’être supérieure à l’écriture.
C’est un premier et un dernier jet. Si ce n’est que certaines improvisations
sont ultra-bluffantes. Elles sont géniales parce qu’on y trouve la densité de
l’écrit. C’est valable pour Armstrong et Parker, dans leurs grandes années. On
a perdu l’idée de la grandeur des jazzmen de cette période. Alors qu’ils
étaient soumis à des obligations de service – faire danser, amuser, divertir –,
ils ont inventé une musique qui dépassait de loin ces contraintes. Ils ont
inventé un art. Je vous renvoie à une phrase d’Anthony Burgess que j’aime
beaucoup : « L’art est un commerce dont la noblesse est de donner au
consommateur plus que son dû ».
Et le
jazz aujourd’hui ?
Une
fonction remplie par le jazz dans l’Europe cultivée a aujourd’hui
disparu : apporter aux dominants la voix des dominés (les Noirs des
États-Unis d’Amérique), apporter la liberté d’allure dans un monde corseté par
les conventions, apporter un humour dévastateur au milieu des faux-semblants,
la liberté de l’improvisateur dans un monde grisâtre d’honnêtes et loyaux
interprètes. Le jazz rompait avec cela. Quelle est sa place dans un monde où
chacun se veut spontané, expressif, libéré ? Ajouter encore de la liberté
et surtout - le monde du jazz en est prodigue - de l’ironie.
__________
*Philippe Gumplowicz : Le Roman du Jazz. « Les
Modernes », Fayard. 498 p. 24 €.
Haut
Mediterranea. Zig-Zag Territoires (zigzag-territoires@wanadoo.fr) :
ZZT
09 04 02
. Distr. Harmonia Mundi (mbenoit@harmoniamundi.com).
TT : 63’05.
L’Ensemble Alla Francesca, fondé en 1990, qui
a gagné rapidement sa réputation internationale, s’est spécialisé dans le
répertoire musical médiéval. Son quatorzième enregistrement est réalisé par
Brigitte Lesne (chant, harpes, percussion), Pierre Hamon (flûtes diverses,
tambour, cornemuse) et Carlo Rizzo (chant et percussion). En 18 pièces
brèves, ils offrent une synthèse « méditerranéenne » et un éventail
des formes en usage du XIIe au XIVe siècle : canso,
ballata (ballade), laude ; danses : istanppita (estampies),
saltarello (saltarelle). Leur message est à la fois religieux et
populaire. Certaines pièces sont signées : comtesse de Die (XIIe-XIIIe s.),
Guiraut Riquier (XIIIe s.), Ghirardello da Firenze (XIVe s.),
d’autres anonymes. Il s’agit de chansons d’amour évoquant la belle jeune fille,
de dévotion mariale, d’une invocation à saint Michel… Un apport assez neuf
révèle la tradition sépharade avec un chant d’errance, une page instrumentale,
un chant sur la naissance de Moïse et deux berceuses. Ce CD bénéficie d’une
remarquable présentation et d’excellentes adaptations françaises de Geneviève
Brunel-Lobrichon. Une fois de plus, l’ensemble Alla Francesca a signé un CD
tour à tour lyrique, animé, rythmé, mis en valeur par des voix et des coloris
instrumentaux appropriés.
Laudario di Cortona. Mystère médiéval du XIIIe siècle. Jade (43, rue de Rennes, 75006 Paris. promotion@milanmusic.fr) :
699 681-1. TT : 50’48.
Ce mystère médiéval du XIIIe siècle
figure dans un manuscrit anonyme conservé à Cortone, d’où le titre : Laudario di Cortona. Ces 24 pièces ne
sont pas sans rappeler les Laudes bien connues de saint François d’Assise. Tout en prenant quelques distances par
rapport au grégorien, elles préfigurent déjà la musique italienne à l’époque de
l’Ars Nova. Le mystère comprend de nombreuses pièces brèves évoquant
l’Annonciation, la Nativité, l’Adoration (des bergers, des mères, des mages),
la louange de Marie-Madeleine ; il se poursuit avec des allusions à la
Passion : le baiser de Judas, la flagellation, la crucifixion, la louange
de la Croix, la Résurrection et l’Ascension. L’élaboration musicologique est due à Marcel Pérès.
Jean Gouzes dirige l’excellent Ensemble Vocal de
Montpellier qu’il a créé en 1973. Les chanteurs se distinguent par la pureté
des lignes mélodiques sans artifice. L’ensemble confère à ce manuscrit tout son
mystère, sa poésie, son caractère dramatique, sa simplicité et les atmosphères
aussi variées que la douleur, la joie et l’émotion contenue. Ce disque est
complété par le Salve Regina des moines
d’Estaing (Rouergue) et le chant de l’An mille, ou Prose de Montpellier. Hors des sentiers battus, il commémore
dignement le 800e anniversaire de la fondation de l’Ordre franciscain.
Musa Latina. L’invention de l’Antique. Alpha (Outher S.A. Rue du Chêne 27, B 1000 Bruxelles. stephanie.flament@alpha-prod.com) :
144. TT : 52’.
La musique « mesurée à l’Antique » est surtout
connue par ses manifestations en France (A. de Baïf, Cl. Le Jeune...),
mais elle est déjà pratiquée ailleurs. En 1480, la Grammatica brevis de Fr. Niger (Venise, 1480) est un traité
avec citations (d’Ovide…) et scansions marquant le début de ce mouvement.
En Allemagne - à l’initiative de l’humaniste C. Celtes - P. Tritonius
l’expérimente dès 1507 pour les écoles et universités. Soucieux de
retourner aux sources, poètes et musiciens ont ainsi forgé un important corpus
à 4 voix, note contre note, comprenant des Odes, Épigrammes... Cet excellent
moyen pédagogique permet d’inculquer la scansion et la métrique, et de cultiver
la mémoire par le biais du chant. L’ode d’Horace : Iam satis terris servira de prototype
pour la strophe sapphique. Elle est extraite des Melopoiae… de P. Tritonius traitant les 22 genres métriques
cultivés par Horace. Elle est d’abord chantée à l’unisson, puis à 4
voix ; l’ensemble est progressivement enjolivé par des cordes, flûtes et
percussions permettant d’éviter la monotonie répétitive de la scansion, dans le
respect de la longueur des syllabes et des pieds. Le mouvement français
est représenté, entre autres, par la chanson si expressive de Claude Le
Jeune : Qu’est devenu ce bel œil,
avec son chromatisme de tension. Au total : 13 pièces mises en
valeur prosodiquement et musicalement par l’Ensemble Daedalus qui, sous la
direction de Roberto Festa, maîtrise parfaitement l’esthétique homophonique,
homorythmique et homosyllabique, tout en évitant la monotonie. Excellent
retour ad fontes.
Georg
Philipp TELEMANN : Brockes-Passion.
2CDs Harmonia Mundi (33, rue Vandrezanne, 75013 Paris. mbenoit@harmoniamundi.com) : HMC
902013.14. TT : 139’51.
L’infatigable René Jacobs, à la tête du RIAS
Kammerchor et de l’Akademie für alte Musik Berlin, a signé cette version très
expressive dont l’excellence n’est pas à démontrer. Le texte incombe à Barthold
Brockes : d’où le titre de Brockes-Passion.
En 1718, dans son Autobiographie,
G. P. Telemann (1681-1767) rappelle que ce texte, qu’il découvre en
1716, était « considéré par les connaisseurs comme insurpassable ».
Il en élabore très rapidement un Oratorio de la Passion (« Jésus souffrant
et mourant pour les péchés du monde »), pour soli, chœur et orchestre (TVWV 5 : 1),
créé la même année à Francfort/Main. Elle comprend deux grandes parties (totalisant
117 numéros), au cours desquelles sont évoqués : la Sainte
Cène ; le discours de Jésus à ses disciples ; les reniement et
repentir de Pierre ; la comparution de Jésus, le désespoir de Judas, et sa
mort ; la condamnation et crucifixion de Jésus, dans lesquels alternent
récitatifs de l’Évangéliste, Airs et Ariosi, récitatifs accompagnés, chœurs
et chorals. Cette version aérée de la Passion
selon Brockes s’impose par l’excellente diction et la volubilité de
l’Évangéliste, l’investissement de chaque soliste, la précision de la
direction, l’homogénéité du chœur, l’expressivité des chorals, l’orchestre
rompu à toutes les exigences baroques, le caractère dramatique sans
exagération : une Passion autrement.
Works for Panflute and Orchestra. Swiss Symphonic Composers, vol. 3. VDE Gallo
(rue de l’Ale 31, CH-1003 Lausanne. info@vdegallo.ch) :
1258. TT : 49’38.
Olivier Buttex, directeur de la maison VDE-Gallo,
a été sollicité par Michel Tirabosco qui, après ses enregistrements de musique
de chambre, souhaitait associer la flûte de Pan (nai, instrument des bergers roumains) à des œuvres avec orchestre,
et c’est ainsi que le Genevois David Chappuis (°1966) a « relevé le défi
d’écrire un Concerto de près d’une
demi-heure en quelques mois ». L’aventure s’est transformée en
réussite, et le projet a été réalisé par le chef suisse Emmanuel Siffert, à la
tête du Volgograd Philharmonic Orchestra. Le Concerto pour flûte de Pan : « Une enfance exceptionnelle » de D. Chappuis a été créé et
enregistré en 2007 lors d’un concert avec l’Orchestre philharmonique de
Volgograd. Il s’agit d’un vaste poème symphonique à la fois lyrique, douloureux
et joyeux, avec une consonance folklorique, mettant particulièrement en valeur
les sonorités de l’instrument et la volubilité de l’interprète soutenu par un
orchestre très étoffé. Il est précédé par la célèbre Vocalise de S. Rachmaninov (1873-1943), et suivi par l’Alba Song d’Allardyce Mallon (°1965),
d’origine écossaise, très actif en Suisse et en Allemagne. Cette œuvre,
proche de la romance, comporte de nombreuses répliques de la flûte de Pan.
Cette excellente réalisation discographique se termine par Solo de Michel Tirabosco (°1968) révélant toutes les possibiltés
techniques (souffle et phrasé) et expressives de la flûte de Pan, avec des
sonorités inouïes, des inflexions souples servies par une technique
extraordinaire qui se joue de toutes les difficultés. Belle défense et
illustration de la flûte de Pan.
Hymnes du Mont Athos. Jade (43, rue de Rennes, 75006 Paris <promotion@milanmusic.fr>) :
699 686-2. TT : 71’08.
Le Mont Athos, situé dans la péninsule montagneuse
de Macédoine centrale, regroupe une vingtaine de monastères. Il est rattaché au
patriarche de Constantinople. Depuis le Haut Moyen Âge, ce lieu saint a attiré
un grand nombre d’ermites de tous horizons. Au monastère de Simonos Petra,
fondé au XIIIe siècle par l’ermite saint Simon le Myroblite, le
chant liturgique byzantin occupe une large place. Le chœur des moines de ce monastère
propose 11 chants, dont la Grande
Doxologie (en second mode plagal et rythme ternaire) bien connue, très
développée, de facture mélodique orientale. À la fois triomphale et
impressionnante, elle est interprétée par des voix masculines assez rudes.
L’hymne mariale : Vierge pure (Agnie parthene)… - composée par saint
Nectaire d’Égine (1846-1920), prêtre, évêque, moine et l’une des plus grandes
figures de l’Église orthodoxe de Grèce - retiendra également l’attention :
tout en respectant les règles du chant byzantin, le rythme et la versification
de la poésie profane, il incorpore quelques éléments de musique populaire
traditionnelle. Parmi d’autres pièces, figurent les Psaumes 33 : Je bénirai le Seigneur en tout temps… et
95 : Chantez au Seigneur un cantique
nouveau… illustrant les divers modes plagaux. Cette réalisation intéressera
les hymnologues et les historiens des sensibilités religieuses.
Ludovico
BALBI : Psalmi ad vesperas canendi
per annum (vol. II). Tactus (CD Diffusion, 28, route d'Eguisheim, BP 4, F-68920 Wettolsheim. info@cddiffusion.fr) : TC 540202. TT : 75’52.
Ludovico Balbi semble être né vers 1545,
d’après une lettre de C. Porta datant de 1579, dans laquelle il le définit
comme une homme de 34 ans environ. Il a occupé plusieurs postes de maître
de chapelle, et est mort en 1604. Il a composé des œuvres de musique sacrée et
des Madrigaux et, dans la mouvance du
Concile de Trente (1545-1563), a édité le Graduale
romanum… À Feltre, en 1594, il a édité les Psaumes pour les Vêpres à
chanter pendant l’année. Ce disque illustre l’art de ce maître italien dans
le style vénitien. Les versets des Psaumes et du Magnificat en chant figuré sont
chantés « alternatim » :
en alternance avec les versets de plain-chant, mais aussi avec les versets
d’orgue. Le mérite de la restitution en revient d’abord à Piervito Malusa, puis
à la Schola Cantorum de Santa Giustina, au Daphne Ensemble, à l’organiste
Stefano Lorenzetti, tous dirigés, en respectant la tradition, par Fabricio da
Ros. À plus d’un titre, ce disque retiendra l’attention des liturgistes, des
chanteurs et des mélomanes.
Élisabeth
JACQUET DE LA GUERRE : Quatre
Cantates du Livre II. Gilles Perny Production (145, av. de
Cazouls, 34370 Maraussan) : GPP 004. TT : 60’08.
Les mélomanes découvriront avec intérêt quatre
Cantates bibliques extraites du Livre II (1711) d’Élisabeth Jacquet de La
Guerre (1665-1729), femme compositeur à l’époque de Louis XIV.
Reposant sur le livret de M. de La Motte, tiré des Écritures, elles
évoquent trois personnages bibliques : Adam (cantate n°1), Samson (n°6) et Joseph (n°4) ; et Le Temple rebâti (n°2),
pour commémorer et célébrer la délivrance d’Israël par Cyrus et annonçant la
reconstruction du Temple de Jérusalem, avec une symphonie d’ouverture
éclatante. Ces cantates sont écrites pour une voix de dessus :
A. Büchel (soprano) et basse continue : G. Bezzina (violon
baroque), S. Brix (viole de gambe) et V. Elliott (clavecin).
Dans son excellent texte de présentation, Catherine Cessac - spécialiste, entre
autres, d’É. Jacquet de la Guerre -, rappelle que les strophes (récits ou
récitatifs) alternent avec les airs, et que « le rôle du premier récitatif
est de situer la scène. Le deuxième développe le conflit jusqu’au point
de crise, alors que le dernier apporte la résolution […] et énonce la morale
tirée de l’histoire ». Ces œuvres reflètent l’atmosphère régnant à la Cour
au Grand Siècle. À découvrir.
Concerti Musicali. La voce del mandolino
barocco. Jade : 699 685-2. TT : 65’07.
L’Artemandoline Baroque Ensemble se donne pour
objectif de collaborer au renouveau de la mandoline et de son répertoire, par
le biais de stages, de concerts (Europe, Japon) et d’éditions. Très
soucieux de respecter les exigences des manuscrits et traités originaux et la
variété des ornements, il s’impose par sa rigueur, sa haute technicité et sa
sensibilité musicale. Le présent disque - qui a le mérite de réhabiliter un
répertoire oublié - est, en grande partie, consacré au répertoire italien du
XVIIe siècle, avec une exception pour la Symphonie en ut majeur de
Placidus von Camerloher (mort en 1782). Ces Sonates et Concertos sont
généralement composés en 4 (ou 3) parties. Si les deux Concerto en sol mineur (F. XI
n°33), et en ut majeur (RV 425), d’A. Vivaldi (1678-1741), sont écrits
pour mandoline, en revanche la Cantate
pour soprano d’A. Caldara (1670-1736) fait appel à deux mandolines et basse. La Symphonie de Chr. W. Gluck
(1714-1787), en trois mouvements contrastés : Allegro, Andante, Presto, particulièrement bien enlevée,
termine brillamment ce florilège rendant hommage à « la voce del mandolino
barocco ».
Robert SCHUMANN : Für die Jugend… 2 CDs Alpha :
145. TT : 62’55 + 69’56.
Le titre général : Für die Jugend… n’est autre que celui de l’Album à la jeunesse de Robert Schumann (1810-1856) que tant de
jeunes pianistes ont travaillé… Le CD1 de ce coffret, très bien présenté,
commence par 12 pièces (Clavierstücke)
à 4 mains « pour petits et grands enfants », op. 85
interprétées d’un ton décidé (Marches),
avec simplicité (Reigen), expression
(Abendlied) par Éric Le Sage et
Frank Braley (piano à 4 mains). Dans Ball-Scenen – 9 charakteristische
Tonstücke, op. 109, ainsi que dans Kinderball
– 6 leichte Tanzstücke, op. 130, le deux pianistes Éric Le Sage
et Denis Pascal (piano à 4 mains) font preuve d’énergie, de virtuosité et
d’une solide technique pianistique. Cette partie de danses est tour à tour
festive, grave, animée. Le CD2 comprend les 43 pièces du célèbre Album pour la jeunesse, op. 68,
avec 18 pièces pour jeunes enfants, et 25, pour de plus grands enfants.
On écoutera avec plaisir le Choral, Le pauvre orphelin, Premier chagrin ; des pièces plus enlevées : Knecht Ruprecht (équivalent de
Croquemitaine pour les enfants français), Le
cavalier sauvage… La seconde partie comprend notamment La petite romance, chef-d’œuvre
particulièrement expressif et mélancolique ; une œuvre didactique : Petite Fugue - en fait : petit Prélude et Fugue - sur un sujet capricieux ; et se termine sur le Chant pour la Saint-Sylvestre qui
s’impose par son calme et sa sereine mélancolie. Éric Le Sage propose une
interprétation fidèle aux intentions de Schumann, et rend les atmosphères si
diversifiées jusque dans leurs moindres nuances : modèle d’interprétation
pour professeurs et pianistes de tous âges.
Édith Weber
Johann Sebastian BACH : Cantates « Aus der Tieffen ruffe ich, Herr, zu dir » BWV 131,
« Himmelskönig sei wilkommen »
BWV 182, « Christ lag in
Todesbanden », BWV 4. Katharine Fuge, soprano. Carlos Mena,
contre-ténor. Hans Jörg Mammel, ténor. Stephan MacLeod, basse. Ricercar
Consort, dir. Philippe Pierlot. Mirare : MIR 057. TT :
68'06.
Les trois œuvres jouées ici présentent des caractéristiques bien
différentes. La cantate BWV 131 « Depuis
l'abîme, je crie vers toi, Seigneur » enchaîne cinq parties selon la
pratique du motet. Sa composition doit encore à Buxtehude. Des ensembles choraux
en forme de préludes et fugues alternent avec des morceaux vocaux. Ces derniers
soit sont de style arioso (intervention de la basse) soit empruntent à l'aria
avec strophe de choral, faisant alors intervenir les voix deux par deux
(soprano et basse, alto et ténor). La cantate BWV 4, « Christ gisait dans les liens de la mort »
est une curiosité puisque faite de sept strophes dont le matériau instumental
varie de l'une à l'autre. Introduite par une courte sinfonia sombre et
poignante, elle propose une construction en arche dont la quatrième strophe
constitue la clé de voûte. On y passe de la grande déploration face à la mort à
l'expression d'une douleur sereine devant celle-ci. Enfin la cantate
BWV 182 « Roi des cieux, sois
le bienvenu », pour le dimanche des Rameaux, suit la forme plus
habituelle de l'alternance choral-air. Le traitement mélodique y est
notable aussi à travers des arias notamment de la basse - voix que Bach associe
à la parole exprimée du Christ - ou de l'alto - ici un contre-ténor – livrant
la plus intense des déplorations sur un accompagnement de flûte à bec.
Ces interprétations se signalent par leur climat chambriste, car l'ensemble
instrumental que dirige le gambiste Philippe Pierlot est réduit à une dizaine
de musiciens. Elles sont parées d'une grande rigueur d'accents, qui
n'exclut pas un sens de l'improvisation. La profondeur et le
recueillement caractérisent les interventions des solistes vocaux dont se
détache la voix éthérée de la soprano.
Luigi BOCCHERINI : Quintette
pour cordes n°91, Sextuor n°4, Quatuor à cordes n°56, Trio à cordes n°22. Fabio Biondi
& membres de Europa Galante. Virgin Classics :
2 12149 2. TT :74'08.
Fabio Biondi poursuit son exploration de la musique de chambre de
Boccherini. Ce compositeur prolixe connut plusieurs périodes créatrices dans
son Espagne d'adoption avant de se voir confier les plus hautes fonctions à la
Cour de Berlin. Toutes ces pièces se signalent par leur fraîcheur mélodique,
leur inventivité thématique et une variété dans le rythme qui ne lassent pas.
Tel le quintette avec deux violoncelles n°91, puisé parmi les 47 composés pour
Frédéric le Grand, amateur éclairé et lui-même virtuose du violoncelle.
Il débute curieusement par un adagio et se distingue par un deuxième mouvement
aux « rythmes lombards », aussi original que savoureux, et un finale
presto endiablé avec rythmique à l'arraché. Le sextuor à cordes n°4 est
un modèle d'équilibre et de grâce. Le passage grave se verra conférer la
portion congrue et relèguer en troisième position. Le quatuor à cordes,
dédié aussi au monarque allemand, est plus austère et rigoureux dans sa forme,
quoique la variété thématique y soit tout aussi intéressante. Le trio
n°22, enfin, est un miracle de goût et de couleurs instrumentales qu'avive une
savante maîtrise de l'équilibre entre les trois instruments. Le style
insouciant de la première période espagnole ne trouve pas meilleur exemple que
dans l'andantino central dont les effets originaux d'harmonie renouvellent le
genre ; tout comme Joseph Haydn le faisait par ailleurs au même moment. Il
est intéressant d'écouter ces pièces dans un ordre décroissant d'intensité car
on savoure combien Boccherini sait en traiter les diverses formes de
composition. Les interprétations de Biondi & friends sont sémillantes en
même temps que parées d'une souple rigueur.
George Frideric HÄNDEL : Ezio, HWV 29. Opéra en trois
actes d'après un livret de Pietro Metastasio. Sonia Prina, Ann
Hallenberg, Karina Gauvin, Vito Priante, Anicio Zorzi Giustiniani. Il
Complesso Barocco, dir. Alan Curtis. 3CDs Universal/Archiv :
477 8073. TT : 67'56 + 61'08 + 57'45.
Peu représenté parmi les opéras de Haendel, Ezio s'inspire d'une
pièce de Pietro Metastasio, illustre pour sa parfaite logique dramatique et son
haut niveau littéraire. Celle-ci fut toutefois « amodiée » par
le compositeur pour un résultat plus confus : ce qui valut à l'opéra un
succès mitigé à sa création, en 1732. Il n'en demeure pas moins que le
grand musicien y excelle dans la peinture des passions : envie, trahison,
jalousie, égoïsme, sentiments souvent décrits avec une pertinence
saisissante. Ezio, général romain, créé par le castrat Senesino, propose
une belle progression dramatique ; Valentino compose un monarque, certes
grandiose, mais désemparé, agité dans ses pensées contradictoires ; et
Massimo est un traître guidé par une obsédante quête de vengeance. Fluvia
à laquelle son traître de père veut faire jouer un rôle d'appât, ira, dans sa
volonté de refus, jusqu'au délire de trilles hallucinés, préfigurant la scène
de la folie de Lucia di Lammermoor. Le sujet traité est, en effet,
la brouille entre l'empereur Valentinien III et son général en chef,
vainqueur des Huns d'Attila, causée par Massimo, le confident du monarque,
résolu à se venger de l'affront que lui fit naguère celui-ci en tentant de
séduire sa femme. La partition renferme quelques joyaux vocaux dont une
aria pour basse avec trompette obligée et roulement de timbales. Les
récitatifs sont d'un dramatisme accusé et les arias da capo offrent les
ornements les plus choisis. Par dessus tout, le discours orchestral fleure le
détail fin et la subtile nuance, mais aussi le haut en couleurs des émotions
spontanées. Peu de chefs aujourd'hui savent mieux qu’Alan Curtis donner
vie à ces grandes affaires haendeliennes : un dynamisme plus élégant que
brusque, un art des contrastes affirmés sans être excessifs sont là pour le
démontrer. Et l'ensemble Il Complesso barocco en communique
toute la tension. Curtis a assemblé un cast sans faiblesse aucune dont chaque
membre joue aussi bien qu'il chante. Une passionnante découverte et une
réussite tout aussi incontestable.
George Frideric HÄNDEL : Arias tirées de Tamerlano, Rodelinda, Serse, Ariodante, La Resurrezione. Rolando
Villazón, ténor. Gabrieli Players, dir. Paul McCreesh.
Universal/DG : 4778056. TT : 59'.
Signe des temps que la prolifération d'albums programmés autour d'un
artiste renommé. Voici donc Rolando Villazón, le ténor lyrique champion
du répertoire français, se livrant à un exercice peu ordinaire : chanter
Haendel. Il confesse que la passion du baroque lui est venue, tel un coup
de foudre, à l'écoute d'un récital Vivaldi de Cecilia Bartoli. Et
qu'après avoir abordé quelques arias de Monteverdi avec Emmanuelle Haim, le temps
était venu de se frotter à d'autres pièces baroques. Pourquoi pas
Haendel, dont on allait commémorer un millésime important ! De fait,
l'opération a de l'allure ; d'autant que ses partenaires sont des
spécialistes de ce répertoire et garantissent l'authenticité du résultat. Mais
l'énergie communicative dont on sait le ténor mexicain fort pourvu, la
sincérité de ses prestations suffisent-elles ici ? La diction est
irréprochable comme le sens du texte, et il n'y a rien à redire sur les
vocalises, mises à part, çà et là, quelques notes bien sonores en fin de
phrase, presque trop. Il reste que la performance, car c'en est une,
éblouit plus qu'elle n'émeut. Bravo à la démonstration qu'on ne doit pas
ici « chanter comme un ténor romantique », et qu'il est possible
d'assimiler un tout autre style que le sien. Un doute cependant :
tout cela n'est-il pas fait, génialement certes, pour les besoins de la
cause ? Et l'adjectif extravagant vient à l'esprit. On a mêlé airs
écrits pour la voix de ténor et airs destinés au répertoire de castrat,
transposés pour l'occasion ; afin sans doute d'inclure des joyaux comme le
célèbre « Ombra mai fu » tiré de Serse ou des pages de l'opéra Ariodante. C'est sans doute dans le rôle de Bajazet de Tamerlano que Villazon se montre le plus près de l'esprit, dispensant un bel art du
récitatif et des contrastes saisissants entre menaces et émotion
paternelle. Les deux extraits de l'oratorio La Resurrezione sont
peut-être plus réussis encore, car paradoxalement privés de substrat
directement dramatique. Un joli coup ! Mais se doit d'être dégusté par les
fans du chanteur.
Centenaire Haydn
Joseph HAYDN : Symphonies
n°93, 96 (« The Miracle »), 98,
100 (« Military »), 101 (« The
Clock »), 102, 103 (« Drum
Roll »). Ouverture de l'opéra « Il Mondo della Luna ». Symphonie concertante Hob.I : 105. Chamber Orchestra of
Europe, dir. Claudio Abbado. 4CDs Universal/DG :
477 8117. TT : 48'59 + 42'55 + 53'35 + 53'48.
Excellente idée que d'avoir réunis dans un même coffret les
enregistrements effectués, entre 1986 et 1995, par Claudio Abbado de symphonies
de Haydn empruntées à la série des « Londoniennes ». Triomphe
de la forme classique, ces pièces sont aussi « animées d'une frénésie de
nouveauté » (Marc Vignal). On sait leur foisonnement mélodique qui
semble ne pas connaître de limites, comme l'art avec lequel Haydn transforme
une idée en autant de variantes ; mais aussi l'invention de traits
originaux, à commencer par l'introduction lente qui ouvre les allegros
initiaux, ces points d'orgue inattendus aussi, ces manières de refrain
humoristique encore, voire ces cadences d'instruments solistes survenant
impromptu. Que dire des effets de surprise, tel borborygme truffant la
fin de la 93e Symphonie, tout un attirail sonore militaire
pimentant l'allegretto de la 100e. L'instrumentation est
toujours savante, différenciée, pour des effets sonores subtils (roulement de
timbales et unisson des cordes graves & du basson ouvrant la 103e).
Les interprétations du maestro Abbado sont parées d'une élégance qui enchante
l'oreille, d'esprit et de transparence dans la texture, même dans la sombre 98e Symphonie,
et d'une poésie gracile. Quel art de l'extrême nuance, de l'étagement de
la dynamique forte/piano, de la rythmique souple que rien ne heurte !
L'élan du discours, la verve et la gaieté qui se teinte souvent d'une naïve
bonne humeur (finale de la 101e, presque opératique) distinguent ces
exécutions entre mille. Le COE brille par sa spontanéité et une plastique
instrumentale d'une souveraine beauté, nuances infinies des cordes, jeu raffiné
des bois. La Symphonie concertante s'intégre naturellement dans cet
ensemble - dont on regrette seulement qu'il ne soit pas complet. Œuvre
unique en son genre par sa distribution instrumentale, deux bois, deux cordes,
elle renferme des effets étonnants, par exemple lorsqu'à l'andante le chant
serein s'exprime deux par deux, basson & violon d'une part, hautbois &
violoncelle de l'autre. Encore un trait du génie de Haydn.
_________
Johannes BRAHMS : Concerto
pour violon et orchestre op.77. Double
concerto pour violon, violoncelle et orchestre op.102. Vadim Repin,
violon. Truls Mork, violoncelle. Gewandhausorchester Leipzig, dir. Riccardo
Chailly. Universal/DG : 477 7470. TT : 72'57.
Après un formidable CD des deux concertos pour piano - avec Nelson
Freire -, Riccardo Chailly et son orchestre du Gewandhaus se tournent vers le Concerto pour violon de Brahms dont
l'atmosphère est si proche de la Deuxième
symphonie. Le soliste en est Vadim Repin dont Menuhin disait le plus
grand bien. Avec raison. Car voilà bien une exécution de premier plan. Le
discours d'un absolu naturel qui tourne le dos à l'effet, la sonorité
confidente, les passages aigus perlés, l'articulation d'une extrême souplesse
enluminent cette pièce que caractérise la profusion mélodique. Ainsi du premier
mouvement dont Repin cueille tout le lyrisme. Il joue la cadence de Heifetz, et
non celle du créateur Joachim qui, si elle « colle » tout autant à
l'esprit, bannit curieusement toute virtuosité débordante. L'adagio,
introduit par la cantilène des bois, laisse au soliste un large espace chantant
où le partenariat avec l'orchestre se fait sur un pied d'égalité. Tout comme dans
le finale giocoso, alors que la scansion à la hongroise, d'une énergie
irrépressible, est échangée entre violon et commentaire symphonique. La
richesse sonore du Gewandhaus est pour beaucoup dans la séduction de cette
exécution, s'accordant à l'idiome chaudement lyrique de Brahms. On a ajouté le Double concerto où Repin est rejoint par
le celliste Truls Mork. Là encore la relation des deux solistes à
l'orchestre est telle que ceux-ci sont partie prenante d'un ensemble plus
qu'ils ne s'en détachent : dialogue intense entre deux musiciens d'élite,
d'autant que captés avec doigté par la régie sonore qui a réussi une prise de
son très immédiate. Cette dernière pièce dédiée par Brahms à l'orchestre
(1887) est plus déclamatoire que l'œuvre précédente, mais le cheminement
thématique témoigne toujours de son inspiration la plus sentie.
Gabriel FAURÉ : Ballade pour
piano & orchestre op.19. Berceuse
pour violon op.16. Élégie pour
violoncelle & orchestre op.24. Concerto pour violon & orchestre op.14. Romance pour violoncelle op.69. Fantaisie
pour flûte & orchestre op.79. Fantaisie
pour piano & orchestre op.111. Jérôme Ducros, piano.
Jean-Marc Phillips-Varjabédian, violon. Henri Demarquette, violoncelle.
Juliette Hurel, flûte. Orchestre de Bretagne, dir. Moshe Atzmon.
Timpani : 1C1172. TT : 64'.
Voilà un CD fort intéressant qui réunit - pour la première fois - les
œuvres concertantes de Fauré. La chose est d'autant plus inédite que le grand
compositeur, qui manie si bien la musique de chambre et le piano, « semble
tourner le dos à l'orchestre toute sa vie » (Hanna Krooz). Et pourtant, si
on n'y trouve pas les plus grandes inspirations, que de pages délicates qui
portent la marque souveraine de leur auteur. La forme concertante, on la trouve
d'abord pour le piano : la célébre Ballade,
à l'origine pour piano seul et orchestrée entre 1879 et 1881, ne dépare pas
avec un accompagnement d'orchestre. Jérôme Ducros en livre une exécution
sensible. La Fantaisie pour piano,
écrite d'abord pour deux pianos, fut créée dans sa version concertante par
Cortot en 1919, sous la direction de Vincent d'Indy. On retrouve la
manière de ballade modulante si caractéristique du grand maître, même si
l'orchestre apporte « une sorte de convention de concert » (ibid.). Le violon ensuite, avec la Berceuse, bis favori des violonistes
dans sa version avec piano. Elle n'en est pas moins tout aussi habitée en forme
concertante. Le Concerto pour
violon op.14, joué d'un seul tenant, est certes d'inspiration
inégale ; mais sa sobre virtuosité produit un agréable effet. Curiosité
donc, qui ne remplacera jamais le grand concerto romantique qu'attendaient les
admirateurs de Fauré. La flûte enfin, avec la Fantaisie op.79, à l'origine morceau de concours du Conservatoire,
qui ne fut orchestrée qu'en 1957 par Louis Aubert, et créée par Rampal :
jolie variation tour à tour élégiaque et pimpante où transparaît cette suprême
élégance française teintée d'esprit, marque indélébile de la manière fauréenne.
Les belles exécutions solistes trouvent en Moshe Atzmon et dans le dynamique
Orchestre de Bretagne de sympathiques partenaires.
Maurice RAVEL : L'Enfant et les sortilèges. Ma
Mère l'Oye. Magdalena Kozena, Annick Massis, Sophie Koch, Nathalie
Stutzmann, François Le Roux, José van Dam, Jean-Paul Fouchécourt, Mojca
Erdmann. Berliner Philharmoniker, dir. Sir Simon Rattle. EMI :
2 64197 2. TT : 72'58.
Il est difficile de penser meilleure distribution que celle assemblée
par Simon Rattle pour son enregistrement de L'Enfant et les sortilèges.
Sur le beau texte de Colette, Ravel a écrit une de ses partitions les plus
attachantes, d'une fantaisie tout en finesse : une délicieuse histoire de
gosse malappris qui casse tout, mais se rachète au point que toutes ses
« victimes », objets et animaux, vont chercher à le sauver. Un
tel sujet avait de quoi séduire le musicien qui aimait tant le monde de
l'enfance, les objets aussi, de minuscule taille de préférence, à en juger par
ceux qui habitent son domicile de Montfort-l'Amaury, aux dimensions de maison de
poupée. La musique est un chef-d'œuvre de délicatesse, en même temps d'une
réelle profondeur. Familier de la pièce qu'il dirigea naguère à
Glyndebourne, Rattle en fait ressortir le merveilleux, grâce à une approche qui
ne lésine pas sur les couleurs chatoyantes d'une orchestration mirifique.
Les musiciens du Berliner dispensent des foisons de perles sonores, telle la
flûte enlaçant la voix éthérée de la Princesse, et un vrai son gallique.
Ces adorables saynètes trouvent la juste atmosphère comme des accents vrais
chez les chanteurs aux multiples incarnations, dont la palme revient à Sophie
Koch. Magdalena Kozena, l'Enfant, est tour à tour espiègle, naïve dans la
découverte de la nature merveilleuse, pétrie d'émotion. Le « duo
miaulé » est inénarrable de drôlerie. Seul le tableau de « l'Arithmétique »
reste en deçà. Il n'est que d'écouter le piquant d'un Michel Sénéchal
dans la version de Lorin Maazel - une référence gravée en 1959 - pour mesurer
ce que le beau chant français peut avoir de naturel. Complément idéal, Ma
mère L'Oye trouve là encore une exécution d'un incomparable raffinement.
Bien que le tempo soit très lent, on ne résiste pas à un tel fini instrumental.
Henri DUTILLEUX : Symphonie
n°1. Bohuslav MARTINŮ : Symphonie
n°4. Orchestre de la Suisse romande, dir. Ernest Ansermet.
Enregistrements de 1956 et 1966. Cascavelle (Distr. Abeille
Musique) : VEL 3127. TT : 67'.
Fondateur et directeur de l'Orchestre de la Suisse romande
pendant quelque 50 ans, Ernest Ansermet est de ces chefs d'exception qui ont
marqué le XXe siècle d'une empreinte définitive. Acteur de la vie musicale européenne, il a été
l'ami de nombreux compositeurs dont il se fera un devoir de défendre les
créations. Il sera le premier à introduire en Suisse la musique d’Henri
Dutilleux, dont il donnera la première audition de la Première symphonie. Créée à Aix en 1952, celle-ci contient déjà ce
qui façonnera le langage si personnel de son auteur, un univers sonore souvent
mirifique où le rythme a toute sa place, sans être envahissant. Le
mystère de la passacaille initiale laisse place à un scherzo vivace, sorte de concerto grosso pour
cordes, bien animé, qui fait penser à Honegger de par son sens de
l'urgence. L'intermezzo lento crée une belle diversion de par la mélodie
des cordes dont se détachent des instruments insolites comme le
saxophone. Le finale con variazioni est exubérant avec ses conglomérats
sonores en pierreries, et adopte un style motorique, avant que l'œuvre ne
s'achève dans la sérénité. Ansermet est ici l'ardent serviteur d'une
pièce passionnante. Bohuslav Martinů se tourna vers le chef suisse plusieurs fois pour
retrouver l'audience qui n'était pas toujours à la hauteur de ses espérances.
Sa Quatrième symphonie, de 1945,
offre une monde lumineux, brillant, extrêmement mobile dans les deux premiers
mouvements. Le scherzo fait penser à une chevauchée qu'entrecoupe un trio
en forme de mélodie tchèque. Le largo se fait plus introspectif et prodigue des
sonorités étranges. D'abord dramatique, le finale voit vite revenir le climat
optimiste des débuts de l'œuvre. Il s'achèvera dans « l'agitation
d'une cavalcade joyeuse » (Guy Erismann). Là encore, la conviction
d'Ansermet et son art suprême du phrasé donnent à cette pièce sa belle saveur.
Jean-Pierre Robert
Thierry MACHUEL (°1962) : Sur
la terre simple. Œuvres profanes pour chœur a cappella.
Solistes du chœur Mokrokosmos, dir. Loïc Pierre. Label inconnu :
LI 09-0301 (. Distrib. Codaex. TT : 57’16.
Remarquable est ce corpus d’œuvres profanes a cappella, inspirées au compositeur (www.thierrymachuel.com) par des
textes poétiques autour du thème de l’altérité et de la finitude de la vie -
avec en exergue : « Je n’ai de certitude qu’un cœur qui bat et qui,
bientôt, ne battra plus » (Edmond Jabès). Textes en français d’Edmond
Jabès (Un étranger avec, sous le bras, un
livre de petit format) et d’Yves Bonnefoy (La parure éphémère ; Sur
la terre simple), en danois d’Inger Christensen (Sous une pierre), en anglais de Kathleen Raine (Le Royaume invisible), en portugais de
Sophia de Mello Breyner (Chemin), en
roumain de Lucian Blaga (Je m’agenouille
dans le vent), en italien de Daniela Attanasio (Vers la nudité), en espagnol de José-Angel Valente (Apparition de l’oiseau). Ardent prosélyte
des répertoires de notre temps, Loïc Pierre fait ici merveille à la tête de dix-huit
jeunes solistes, émanation du Chœur de chambre Mikrokosmos avec, pour
récitants, Annie Baud-Kaltenbach & Thierry Machuel. Voilà un
extraordinaire enrichissement du répertoire a cappella, d’autant mieux que ces pièces ne semblent pas d’une extrême
difficulté. Citons le cher Henri Dutilleux, dans son adresse au
compositeur : « […] je constate que votre art se présente comme le
plus original que je connaisse dans la jeune école internationale ».
…Et de l’aube
émerge… Alexandre SCRIABINE (1872-1915) : Préludes op.11. Karol SZYMANOWSKI (1882-1937) : Préludes op.1. Kirill ZABOROV
(°1970) : Hommage à la mémoire de Chostakovitch.
Suite-Fantaisie. Guigla Katsarava, piano. Polymnie (www.polymnie.net) :
POL 150 658. TT : 75’.
Dans ses 24 Préludes
op.11, Scriabine se dégage de l’influence de Liszt et de Chopin, pour
affirmer une personnalité extrêmement originale qui prendra bientôt le virage « messianique »
que l’on sait. Alternant modes majeur et mineur, il parcourt toutes les
tonalités, dans l’ordre croissant des dièses, puis celui, décroissant, des
bémols. Les 9 Préludes op.1 de Szymanowski, cycle sombrement romantique, ont été écrits en 1900. Kirill
Zaborov fut d’abord musicien de jazz (influence de Bill Evans, Paul Bley et
Keith Jarrett). En porte notamment trace sa Suite-Fantaisie (1999). Enseignant à l’École Normale de
Musique de Paris, le pianiste géorgien Guigla Katsarava met justement en valeur
l’extraordinaire lyrisme des pièces de Scriabine, le caractère élégiaque de
celles de Szymanowski, aussi bien que l’aspect « nocturne » de celles
de son ami Kirill Zaborov.
POUR LES PLUS JEUNES
André BORBÉ : Les 4 Jeudis. Victorie
Music : 301791-3. Distr. Universal.
Auteur-compositeur-interprète belge, André Borbé sort, en
France, le premier de ses sept albums réalisés à ce jour. Disque composé
de 4 groupes de 4 chansons : Combien ?
Comment c’est possible ça ? C’est quoi ce truc ? C’est toi qui
joue ? La voix est claire, la diction parfaite, les sons…
synthétiques. Extraits des chansons & textes téléchargeables
sur : www.andreborbe.be ou www.myspace.com/andreborbe
Annik MESCHINET
& William LECOMTE : Jouap’la
vie. Chorale d’enfants Rouge Malice. Enfance &
musique : DCDP80.
Accompagnés par 7 talentueux musiciens professionnels, 24
jeunes chanteurs du Jura (de 8 à 14 ans) swinguent sur des rythmes jazzy ou
latins (11 titres). Extraordinaire virtuosité vocale de ces
enfants ! Une aventure hors des sentiers battus… Extraits des
chansons & textes téléchargeables sur : www.rouge-malice.com ou www.myspace.com/compagnierougemalice
Pascal AYERBE : Les
Gribouillis. « 13 musiques pour jouets, objets & choses à
bruits… ». Enfance & musique : DCDP89.
Musiques concrètes ludiques et farfelues,
faites de CD rapant - rape à gruyère, rape à carottes, rape à patates & autres
ustensiles de cuisine… Extraits à écouter sur : www.pascalayerbe.com
Hélène BOHY & Olivier CAILLARD : Le bateau de Nino. À partir de 1 an. Enfance &
musique : DCDP84. TT : 47’.
Dix-neuf nouvelles chansons poétiques nous
sont ici proposées par le merveilleux duo Hélène Bohy/Olivier Caillard.
Incluant des musiques empruntées à César Portillo de La Luz (Écoutez bien ces chansons !),
Francis Lemarque (Le mille-pattes), Astor Piazzolla (Tangonino), Duke Ellington (Douwap Douwap), Charlie Parker (Le casse-tête). Plus 3 bonus vidéo
(à lire sur ordinateur). Un must !
Francis Gérimont
DVD
Antonin DVOŘÁK : Rusalka, conte lyrique en trois
actes. Renée Fleming, Sergei Larin, Franz Hawlata, Larissa Diadkova, Eva
Urbanova, Michel Sénéchal. Orchestre et chœurs de l'Opéra national de
Paris, dir. James Conlon. 2DVDs Arthaus Musik : 107 031.
TT : 155'.
Le conte lyrique Rusalka puise à la légende de l'ondine qui
aspire à devenir femme, et aborde le conflit entre univers de l'eau et de la
terre, entre domaine des esprits et monde des hommes. L'interférence de ces
deux sphères est au centre de la dramaturgie imaginée par Robert Carsen pour sa
production à l'Opéra Bastille. Interprétative, sa mise en scène l'est au
second degré en ce qu'elle oppose des espaces idéalisés : un lac malgré
tout enfermé, telle une piscine, une vaste chambre cossue. Comme dans sa
régie fameuse du Midsummer Night's Dream, il compose une variation sur
la chambre et le lit, conçue en effet de miroir : l'endroit et l'envers
d'un même lieu, voire son dédoublement ; vision comme à travers une glace
sans tain. La nymphe restera partagée entre ces illusions. Le
spectacle est d'une absolue cohérence qui ne refuse pas quelque lecture
freudienne. La captation filmée l'enrichit par une prise de vue d'une rare
justesse, visages scrutés au tréfonds d'une expression vraie, plans
intermédiaires qui saisissent des échanges oppressants, plans d'ensemble
laissant percevoir ce que la régie ose d'effets de double. Des images
d'une force étonnante contruisent une atmosphère onirique habitée par le bleuté
des profondeurs de l'onde, l'ocré de la chambre, le mordoré de la belle nixe
aux cheveux défaits. Les contrastes ombre-lumière participent de la
grande séduction qui en émane. Le tragique sort de la sirène, sa détermination
à triompher des objurgations de l'Ondin son père, son déchirant parcours de
femme réduite au mutisme, effarée devant l'inconstance de l'humain succombant
aux avances d'une princesse étrangère, sont saisis avec acuité. Aucun
trait de la régie n'ira contre la musique de Dvořák, bien au contraire, tout ici la
transfigure. D'autant que l'interprétation est hors pair.
George Frideric HÄNDEL : Sémélé, opéra en trois actes.
Cecilia Bartoli, Charles Workman, Birgit Remmert, Isabel Rey. Chœurs de
l'Opernhaus de Zurich, Orchestra La Scintilla, dir. William Christie. 2DVDs
Universal/Decca : 074 3323. TT : 154'.
La restitution filmique de la régie du même Carsen, créée pour Sémélé de Haendel à l'Opernhaus de Zurich, ne procure pas le même sentiment de
bonheur. Là où le responsable vidéo cherche pour l'opéra de Dvořák à recréer quelque œuvre d'art (François
Roussillon), c'est le parti pris d'une captation littérale qui prévaut ici
(Félix Breisach). Un peu comme si l'on saisissait au premier degré ce qui
ne l'est assurément pas. Car la régie de Carsen est, là encore,
ingénieuse en diable, puisant même au parodique. Le fabuleux destin de cette
déesse qui, captivée par sa propre beauté, tombe dans le piège tendu par la
rusée Junon pour se venger de son volage Jupiter d'époux, et rêve
d'immortalité, est transposé à la Cour d'Angleterre. Junon sera sosie
d'Elisabeth II bardée du diadème royal. L'espace unique qui resserre
l'action, ne rend pas filmé ce qu'il a d'original dans la réalité avec ses
théories de chaises alignées de quelque salle d'apparat, sa chambre nuptiale
gratifiée d'un immense lit, envahie des atours que l'insouciante Sémélé a
laissés en désordre. Arrêts sur image, clins d'œil à quelque journal
tabloïde corsent un spectacle qui se lit à travers bien des filtres.
Reste que les protagonistes sont trop souvent approchés par une caméra sans
inventivité. Jupiter en particulier n'est pas favorisé en cette affaire.
La piquante Cecilia Bartoli tire son épingle du jeu et de son chant privilégiant
le mezza voce, caresse les coloratures haendéliennes.
Gustav MAHLER : Symphonie
n°3. Anna Larsson. Arnold Schönberg Chor, Tölzer Knaben Chor,
Orchestre du Festival de Lucerne 2007, dir. Claudio Abbado. DVD
Medici Arts : 2056338. TT : 102'.
L'attrait de la captation de concert est de préserver le sens de
l'événement. Tel est bien le cas ce 19 août 2007 au Festival de Lucerne :
Claudio Abbado y dirige la 3e Symphonie de Mahler. De cet hymne grandiose à l'amour créateur, immense fresque où « toute
la nature reçoit une voix » (Jean Matter) pour atteindre, au finale, le
divin, le grand maestro livre la quintessence : l'immanence de cet éternel
devenir qu'est la vie, de ces forces contenues dans l'ombre ou libérées en
pleine lumière. Rarement prise de vue aura saisi avec un tel flair l'art
de la direction, le façonnage du son, le geste enveloppant qui dessine le
trait, et discerné la complicité entre une phalange réunissant le nec plus
ultra des musiciens européens - quelle image que les cellistes des Quatuors
Alban Berg et Hagen jouant côte à côte ! Un sourire furtif, une
expression bienveillante nous font deviner ce que faire de la musique procure
de bonheur même dans l'effort de l'action. On mesure combien la saisie
filmique a gagné en pertinence par un découpage éloquent : l'expression
vraie de l'instrumentiste, l'appréhension fine de l'instrument, la
concentration extrême qui n'empêche pas une réelle liberté dans le jeu, fruit
d'une écoute réciproque, bien au-delà de la simple entente. Plus que
tout, comment naît l'émotion partagée entre des musiciens que l'amitié unit à
leur chef charismatique.
Jean-Pierre Robert
Christine
BERTOCCHI : Voie ouverte. Improvisation
vocale. Scérén/CRDP de Bourgogne (www.crdp.ac-dijon.fr) :
210DV001. DVD (TT : 170’). Livret (38 p.). 24 €.
Destiné aux enseignants des 1er et 2nd degrés, mais aussi à tous chefs de chœur, chanteurs, comédiens, scénographes…
ce très remarquable DVD nous permet de découvrir la merveilleuse Christine
Bertocchi, en action auprès d’enfants d’une école primaire de la Côte d’Or
aussi bien que d’adultes non professionnels de la scène. Travail sur
l’attention, la réactivité, l’écoute des autres & de soi-même,
l’improvisation sur la matière sonore (déformation de la voix par divers
résonateurs, screaming, chants de
voyelles…), l’expression corporelle, la mise en scène spontanée – toutes choses
qui ne laissent pas d’évoquer ce que faisait naguère Cathy Berberian dans Stripsody ou les recherches d’un Georges
Aperghis. Arborescence du DVD : Documentaire (étapes du projet) /
Séquences pédagogiques (travail corporel, jeux d’écoute, jeux rythmiques,
invention, travail avec les solistes…) / Entretiens / Extraits de
représentations publiques à Dijon. Fascinant !
Entrez dans les danses d’ici et d’ailleurs. « Corpus ». DVD-Rom. Scérén/CRDP des
Pays de la Loire (www.crdp-nantes.cndp.fr) :
440M0070. 15 €.
Destinées aux trois cycles de l’école primaire, voici - intelligemment
codifiées & adaptées pour l’école - 46 danses du patrimoine (France, Royaume-Uni,
Israël, Portugal, États-Unis, Lituanie, Pologne, Russie, Hollande, Italie,
Suède…), avec fiches pédagogiques « chorégraphie »,
« musique ». Des vidéos ont été tournées avec quelques élèves
découvrant, pas à pas, chaque danse. Des cartes d’écoute permettent, en
outre, d’explorer l’univers musical. Un précieux outil pour tout
enseignant en Primaire.
Francis Gérimont
***
Haut
Notre numéro de Mai/Juin est à découvrir sans attendre !
Au sommaire de ce numéro, vous trouverez un dossier spécial sur "Musique
et cinéma,II " (la valeur esthétique
et fonction dramatique de la musique de film,
la place de la musique dans l’enseignement de l’histoire du cinéma, la musique
d’un film documentaire (Charles Koechlin), la dimension sémantique de la
musique chez Robert Bresson, une interview de Vladimir Cosma, etc.), précédé
d’une étude sur l’opéra naturaliste ou encore tout sur Isaac Albéniz et Blanche
Selva… et bien d’autres thèmes à parcourir ! Sans oublier toute
l’actualité de l’édition, des CDs et DVDs à la fin de
ce numéro.
Dossiers déjà parus dans L'éducation musicale
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Musique et cinéma (2)
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Laëtitia Girard
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