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www.leducation-musicale.com



mai-juin 2009
n° 561



mars-avril 2009
n° 560



EPUISE
BACCALAUREAT 2009
Supplément au n° 555-556


Sommaire :

1. L'éditorial de Francis Cousté : "L'honneur d'une discipline"
2. Informations générales
3. Varia
4. Manifestations et Concerts
5. Recensions de spectacles
6. Saisons lyriques
7.
L'édition musicale

8. Bibliographie
9. Le Roman du Jazz
10. CDs et DVDs

11. La vie de L’éducation musicale


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L’honneur d’une discipline

 

Enseigner ou séduire, il faut choisir.

(Jacques Drillon, De la musique)

 

S’il est un domaine où la précellence de l’Europe ne saurait être contestée, c’est bien celui de la musique.  De par son niveau d’élaboration certes, mais aussi et surtout de par les « valeurs spirituelles » qu’elle véhicule.  Et cela, dans cet esprit d’universalité que, depuis la Renaissance, notre continent aura été le seul à cultiver…

 

Il est évidemment souhaitable que chansons, musiques du monde, de pub ou de cinéma participent de notre enseignement ; elles n’en sauraient cependant constituer le cœur.  Afin que – selon l’heureux distinguo établi aux États-Unis – nos élèves puissent faire le juste départ entre Art Music et Popular Music.  Et que nos programmes ne soient plus à l’obsessive remorque des toutes dernières niaiseries médiatiques…

 

Car s’il n’est pas de genre méprisable, certaines musiques le sont.  D’où l’impérieuse nécessité d’une ligne directrice clairement formulée, celle dont l’absence se fait aujourd’hui si cruellement sentir, prêtant ainsi la main à l’élimination – plus que jamais prévisible, hélas ! - de notre discipline.

 

Aussi demandons-nous que, notamment au baccalauréat, ne soient plus programmées que des œuvres dignes de notre passé - fussent-elles empruntées au plus bel aujourd’hui.  Et non plus de ces « bizarreries », qui - année après année - tant désespèrent musiciens et mélomanes, élèves et professeurs…

 

Francis B. Cousté

 

 

 

 


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BOEN n°21 du 21 mai 2009.  Encart « Préparation de la rentrée 2009 » : Donner toute sa place à l'éducation artistique et culturelle. [!...]

BOEN n°23 du 4 juin 2009.  Spécialité « Métiers de la musique ».  Première & deuxième séries d’épreuves : dates, horaires, centres d’examen.

 

Le Bulletin officiel de l’Éducation nationale est librement consultable sur :

www.education.gouv.fr/pid285/le-bulletin-officiel.html

 

Festival « Filmer la musique » #3.  Du mardi 9 au dimanche 14 juin 2009 , 5 jours et 5 nuits de projections de films & de documentaires musicaux, concerts, installations et performances, au CentQuatre, établissement artistique de la Ville de Paris.  Renseignements : 104, rue d’Aubervilliers, Paris XIXe. www.104.fr ou www.filmerlamusique.com

 

« International Congress of Voice Teachers » (ICVT).  Il se réunira, du 15 au 19 juillet, à Paris, au Théâtre des Folies Bergère.  Thème : « Chant passé et présent : innovation et tradition ».  Renseignements : 01 53 85 82 72 www.icvt2009.com

 

Un « Pôle d’enseignement supérieur de la musique » s’ouvrira en Seine-Saint-Denis / Île-de-France, dès septembre 2009.  Formation de l’interprète dans la discipline instrumentale principale / Culture musicale & générale / Création & créativité.  Candidatures à envoyer avant le 10 juillet 2009 .  Concours d’entrée en septembre 2009.  Renseignements : Marie-France Yang.  Tél. : 01 43 11 21 16/10.  www.conservatoireregional93.fr

         

 

Le « 3rd World Forum on Music », intitulé « Access to musical diversity », se tiendra à Tunis, du 17 au 22 octobre 2009.  Principaux thèmes traités : « Diversité culturelle, où en sommes-nous ? » / « Musique comme vecteur de dialogue » / Créativité et innovation dans la distribution de la musique » / « Nouvelles approches dans l’éducation musicale » / « Évolution des audiences, un défi pour les musiques savantes autour du monde ».  Renseignements : International Music Council - 1, rue Miollis, Paris XVe.  Tél. 01 45 68 48 50.  www.imc-cim.org

 

Actions éducatives de l’Ensemble Intercontemporain.  En moyenne, par saison : 80 actions éducatives dont 25 destinées au Jeune public.  7 500 participants.  Solistes en bibliothèques : 10 séances.  La Maison ouverte : 4 séances.  répétitions publiques.  10 masterclasses & ateliers instrumentaux en conservatoire.  spectacles Jeune public.  Ateliers scolaires : 14 classes accompagnées depuis 2002.  Renseignements : www.ensembleinter.com  Sylvie Cohen : 01 44 84 89 26.  s.cohen@ensembleinter.com

©EIC

 

La Fondation Royaumont ouvre au public la Bibliothèque musicale François-Lang.  Souhaitant encourager l’étude des sources, le travail sur l’interprétation, la valorisation des répertoires et favoriser les échanges interdisciplinaires entre artistes et chercheurs…  Renseignements : 01 30 35 59 37. www.royaumont-bibliotheque-francois-lang.fr

 

La 19e édition de « Sinfonia en Périgord », Musiques baroques en liberté, se déroulera du 22 au 30 août 2009 Renseignements : 05 53 09 51 30 www.sinfonia-en-perigord

 

Festival « Musique en Côte basque » : Sur les pas d’Albéniz, du 30 août au 10 septembre 2009 , à Anglet, Ascain, Bayonne, Biarritz, Ciboure, Saint-Jean-de-Luz, Urrugne  Renseignements : 05 59 51 19 95 www.musiquecotebasque.fr

©Helm-Lebrecht Music & Arts

 

Piano**** 2009-2010  : Salle Pleyel, du 28 novembre 2009 au 14 juin 2010 , sont programmés : Academy of St Martin in the Fields (Murray Perahia, piano/direction), Staatskapelle Berlin (Daniel Barenboim, piano/direction), Orchestre Mozart (Claudio Abbado, piano/direction).  Récitals de : Yuja Wang, Daniel Barenboim, Gianluca Casciolo, Stephen Kovacevich, Nelson Freire, Murray Perahia, Rafal Blechacz.  Renseignements : 01 44 17 93 25 www.piano4etoiles.com

 

Jean-Marc Déhan, éminent compositeur et pédagogue, est décédé à Saint-Cloud, le 14 mai 2009, dans sa 80e année.  Que son épouse, ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants trouvent ici le témoignage de la sympathie de tous ceux qui l’auront connu et admiré.

 

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La BnF enregistre des voix pour les générations futures : À l’instar de ce que l’on avait fait en 1907 (enregistrement de 24 disques mis à l’abri du monde extérieur pendant un siècle), la Bibliothèque nationale de France renouvelle l’opération mais, cette fois, sur le blog « Les voix ensevelies » créé à cette occasion.  Des internautes sont invités à proposer leurs morceaux et à voter dans sept catégories musicales, une urne virtuelle se remplissant au fur et à mesure.  Renseignements : www.twitter.com/bnf2109 ou www.bnf.fr

 

Musique du film L’assassinat du duc de Guise, par Camille Saint-Saëns.  Écouter musique & commentaires de notre collaborateur Jérôme Rossi sur : www.canalacademie.com/emissions/FOC357.mp3

 

L’ensemble de jazz Ode Paname, « L’Invitation au voyage », se produira les vendredis 12 et 19 juin 2009 , à 21h45, au Théâtre des Déchargeurs (3, rue des Déchargeurs, Paris Ier, M° Châtelet), salle La Bohème.  Avec Léa Castro (chant), Olivier de Colombel (compositions & sax), Armel Dupas (piano), Johan Eche-Puig (contrebasse) et Hélène Mahieu (mise en scène).  Renseignements : 08 92 70 12 28 . www.myspace.com/odepaname

 

Récession… Les musiciens du « Philadelphia Orchestra » (dir. Charles Dutoit) viennent d’accepter une baisse de 4,8 % sur leurs salaires.  Suivant, en cela, l’exemple du « Chicago Symphony » et de bien d’autres phalanges américaines de moindre réputation.  Renseignements : www.philorch.org

©DR

 

25e édition des Francofolies de La Rochelle… Du 10 au 14 juillet 2009 Renseignements : 6, rue de la Désirée, 17000 La Rochelle.  Tél. : 05 46 28 28 28 www.francofolies.fr

 

Un grand corps malade : « l’Éducation nationale »…  Consultation sur : www.grandcorpsmalade.com/accueil.htm

GCM ©Sherif Scouri

 

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 « Le Livre des illusions » de Bruno Mantovani [notre photo] sera créé - en hommage à Ferran Adrià - le jeudi 11 juin (20h), à Paris, Salle Pleyel.  Autres œuvres au programme : Formazioni de Luciano Berio, Cinq pièces op.10 d’Anton Webern.  Orchestre de Paris, dir. Jean Deroyer.  Informatique musicale Ircam : Benoît Meudic.  Renseignements : 252, faubourg Saint-Honoré, Paris VIIIe.  Tél. : 01 42 56 13 13 www.orchestredeparis.com

©Charles Daguet / Henry-Lemoine

 

« Hypermusic Prologue », A Projective Opera in Seven Planes, sera donné, en création mondiale, les dimanche 14 et lundi 15 juin, à 20h, au Centre Pompidou, par l’Ensemble Intercontemporain, dir. Clement Power.  Cet opéra d’un type nouveau est né de la rencontre du compositeur espagnol Hèctor Parra, de la librettiste & physicienne américaine Lisa Randall et de l’artiste plasticien Matthew Ritchie.  Renseignements : 01 44 78 12 40 www.musicareaction.com

©DR

 

« Lumières », messe baroque du XXIe siècle, de Jacques Loussier, sera donnée les 15, 16, 17 et 18 juin 2009 , à 20h30, à l’Opéra de Massy.  Avec le concours des Chorales des Collèges de l’Essonne & de l’Orchestre Léon-Barzin, dir.  Jean-Marie Puissant [notre photo].  Renseignements : 1, place de France, 91300 Massy.  Tél. : 01 60 13 13 13 www.opera-massy.com

©Angélique Persem

 

Triambaka, ensemble de musique classique hindoustanie, se produira à l’Auditorium du musée Guimet, le vendredi 19 juin 2009 , à 20h30.  Anapuma Bhagwat (sitar), Adrian McNeil (sarod), Debashish Brahmachari (tabla).  Renseignements : 6, place d’Iéna, Paris XVIe.  Tél. : 01 40 73 88 18 www.guimet.fr/-auditorium-

 

Au Créa, « Centre d’éveil artistique d’Aulnay-sous-Bois », direction Didier Grojsman [notre photo], sera donné, le samedi 20 juin 2009 , de 10h30 à 20h : Demain, c’est fête !  Journée riche en surprises : présentations scéniques, chœurs, ateliers de pratique artistique, atelier des adultes, moments musical, apéritif-concert…  Renseignements : 01 48 68 51 72 www.lecrea.fr

©Le Créa

 

Musique en Sorbonne. Le mardi 30 juin 2009 , à 20h30, Chœur et Orchestre de Paris-Sorbonne, dir. Johan Farjot & Denis Rouger, donneront : Triple Concerto de Beethoven (Johan Farjot, piano / Florin Szigeti, violon / Dorel Fodoreanu, violoncelle), Requiem de Fauré, version 1893 (Mélodie Millot, soprano / Antoine Garcin, baryton / Pierre Mea, orgue), et Psaume 130 de Philippe Hersant (Alice Guéritaud, mezzo / Nima Ben David, viole de gambe / Pierre Mea, orgue).  Renseignements : 01 42 62 71 71 www.musiqueensorbonne.fr

 

« Nuit bleue », 8e édition : Voyage en utopie sonore.  Le samedi 11 juillet 2009 (de 21h à… 7h), Saline royale d’Arc-et-Senans.  Concerts électroniques & acousmatiques.  Architectures sonores & sculptures de lumière.  Installations & parcours.  Renseignements : 03 81 81 86 06 www.nuit-bleue.com

 

Le Festival de Saint-Riquier 2009 se déroulera, du 9 au 19 juillet, dans le cadre de la célèbre abbatiale.  Avec, entre autres, les solistes Pierre Amoyal, Laurent Korcia, Amandine Beyer, Cyprien Katsaris, Naji Hakim, Michel Portal, Henri Demarquette, Jean-Philippe Courtis…  Sont également conviés l’Orchestre de l’Opéra de Prague, l’Orchestre de l’Opéra de Rouen, le Chœur Britten, les Percussions de Strasbourg, les Folies Françoises, le Laudantes Consort, l’Orchestre de Picardie, l’Ensemble orchestral de Paris…  Concerts Jeune public.  Renseignements : 03 22 71 82 10.  www.festival-de-saint-riquier.fr

©P. Guillaume

 

Le 11e Festival « Musique & nature » se déroulera dans les églises du Parc naturel du Massif des Bauges, du 12 juillet au 22 août 2009 .  Avec notamment : Jordi Savall, Renaud Capuçon, François-René Duchâble, David Guerrier, Hugo Reyne, le King’s College, l’ensemble Chanticleer de San Francisco, Boris Berezovsky, le Quintette à cordes de la Philharmonie de Berlin, le Trio Wanderer…  Renseignements : 04 79 54 84 28 ou 06 09 58 69 28 www.musiqueetnature.fr

 

Le 8e « Août musical de Deauville », festival de musique de chambre, se déroulera du 2 au 9 août 2009.  Renseignements : 1, avenue Lucien-Barrière, 14800 Deauville.  Tél. : 02 31 14 14 14.  www.musiqueadeauville.com

 

Le 62e Festival international de musique de Besançon se tiendra du 11 au 26 septembre 2009.  Au cours de ce même festival se déroulera le 51e Concours international de jeunes chefs d’orchestre, du 14 au 19 septembre.  Renseignements : 03 81 82 08 72.  www.francefestivals.com/besancon/edito.html

 

Le Festival d’Ambronay, « Centre culturel de rencontre », fêtera ses 30 ans du 11 septembre au 11 octobre 2009.  Avec, notamment : L. Garcia Alarcón, W. Christie, S. Kuijken, M. Minkowski, F. Biondi, J. Savall, R. Alessandrini, D. Raisin Dadre, Sk. Sempé, Chr. Rousset, G. Garrido, K. Livljanic, Ph. Jaroussky…  Renseignements : place de l’Abbaye, 01500 Ambronay.  Tél. : 04 74 38 74 04 www.ambronay.org

      

Abbatiale d’Ambronay

Francis Cousté

 

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Macbeth à l'Opéra Bastille : un drame bourgeois ?

Il n'est pas aisé de monter Macbeth.  « Obéissez à Shakespeare » répétait Verdi à son librettiste, pour signifier que cette référence doit être omniprésente dans cet opéra singulier qui marque un tournant dans sa carrière.  Violence, âpreté du langage, dureté des situations, mais aussi univers nocturne colorent ce melodramma d'un climat fantastique.  La nouvelle production de l'Opéra Bastille adopte un parti audacieux : le régisseur Dmitri Tcherniakov confie s'être « efforcé de ne penser que très peu à Shakespeare » ! L'action est concentrée sur un espace réduit : une pièce de la maison des Macbeth, qu'on appréhende du dehors par une de ses fenêtres. Un drame intimiste confronte les deux protagonistes à quelques individus choisis. La masse chorale est évacuée en coulisses. Ainsi, lors de la scène du banquet. Les rares invités s'esquiveront même, au point de ne laisser présents en scène au grand finale du IIe acte que les époux Macbeth ! À l'heure de l'hymne ultime de victoire, tout se passera encore en coulisses (avec interventions enregistrées ; un comble) alors que Macbeth, mourant, demeure seul dans la pièce.  Les scènes d'extérieur auront pour théâtre une place de village, espace impersonnel et clos. Si le concept permet de saisir les deux personnages-titre face à eux-mêmes, qui ne peuvent que « monologuer avec leur conscience » (Gilles de Van), il élude la dimension épique de l'opéra. Les deux tableaux des sorcières en font les frais : elles participent de la foule et, en telle posture, leurs interventions deviennent textuellement incompréhensibles. Foin de figures mythiques, de Parques de toute Antiquité ! Exit aussi la lettre, lue par un récitant, comme les apparitions, tournées en dérision par une foule secouée de rires. Tout ce que Verdi fonde sur le grand Will est ici délaissé : la rapidité de l'action, au profit d'un débit plutôt alangui, la référence fantastique, complètement reléguée. Le postulat dramaturgique asservit tout à sa réalisation, au prix du sacrifice de l'esprit même du texte.

©Ruth Walz/Opéra national de Paris

 

Heureusement tout est dans la géniale musique de Verdi. Et là Teodor Currentzis comble l'auditoire. Élan dramatique, science de la nuance, art de livrer la modernité du langage et de ses différences de style - il joue la version révisée de 1865 -, tout contribue au vrai son verdien ; ce que l'Orchestre de l'Opéra magnifie par une palette inouïe. Cette rare délectation sonore, on la mesure aussi à la manière dont le chef conduit ses chœurs - le morceau « O patria oppressa » est d'anthologie, que conclut une aria du ténor d'une réelle conviction (magnifique Stefano Secco).  Ferruccio Furlanetto, Banquo, se distingue par une idéale articulation ialienne. Violetta Urmana ne manque pas de force dramatique, mais la voix est taxée par le rôle exigeant de Lady Macbeth, qui la conduit à esquiver le fameux contre- final. La voix « âpre, étouffée, sombre » voulue par Verdi trouve peu d'interprètes à qui se mesurer. Le Macbeth de Dimitris Tiliakos est veule, apeuré, broyé par un destin trop large, ce qu'accentue le timbre clair de la voix.  La belle ligne de chant trouve sa limite dans l'ampleur de la salle. Un spectacle intéressant, quoiqu'en marge de l'histoire.

 

Le Retour d'Ulysse en concert, Salle Pleyel

Dans la foulée des représentations données au Teatro Real de Madrid, c'est à une exécution de concert que William Christie et ses Arts Florissants nous conviaient de l’opéra de Monteverdi, Il Ritorno d'Ulisse in Patria.  Contrairement au pastoral et madrigalesque Orfeo, cet opéra vénitien, tout comme l'ultime Couronnement de Poppée, livre les passions humaines dans ce qu'elles ont de divers et d'excessif. Le librettiste Badoaro s'est directement inspiré des dernières pages de l'Odyssée d'Homère : le retour d'Ulysse, déguisé en mendiant, à Ithaque où se lamente de son absence Pénélope, que son fils Télémaque tente de réconforter ; tandis que les prétendants installés dans le Palais, se verront défaits lors du fameux tir à l'arc dont seul Ulysse possède le secret.  Action épique s'il en est, faite de contrastes saisissants pour illustrer de nombreuses péripéties, qui donne dans le mélange des genres et manie toutes sortes d'affettiAinsi en est-il du parodique des interventions des prétendants, du truculent de celles du glouton et atrabilaire Iro, de la déploration lyrique, tel le lamento qui sous-tend le rôle de Pénélope. La partie musicale quoique restée à l'état de trame, laissant une marge de liberté à l'interprète, est pourvue de nombreux ensembles : duos, trios ou morceaux concertants plus vastes. La ligne de chant est colorée adornant ce beau style arioso qui fonde des récitatifs développés et des arias très concis. Les passages purement instrumentaux ajoutent au sentiment de bonheur qui émane de cette belle fresque.

William Christie ©Julien Mignot

 

L'exécution est resplendissante. On a privilégié une exécution « semi staged », c'est-à-dire avec mouvements scéniques, inspirée du spectacle madrilène (hélas sans costumes), ce qui ôte au concert son aspect formel : les interprètes vocaux évoluent devant, en arrière et au milieu de la formation instrumentale, elle-même disposée en deux ensembles de part et d'autre. Celle-ci est composée d'un quinzaine de musiciens formant essentiellement la basse continue, traitée de manière imaginative par Christie.  Les autres instruments, cornetti, lirone, théorbes et autres luths, interviennent pour les sinfonie et ritournelles.  Ce dispositif instrumental volontairement raréfié contribue à créer une atmosphère chambriste, alors que du clavecin, le chef donne une discrète impulsion. Il est difficile d'imaginer distribution plus faste que celle réunie ici : jeunes pousses déjà rompues à l'arioso montéverdien, réunies autour de deux grandes voix, Christine Rice, Pénélope émouvante, et Kobie van Rensburg, poignant Ulysse. Tous se délectent de la virtuosité vocale demandée par des recitativos aux lignes étendues et des arias aux inflexions constamment évolutives dont naît cette sensation de diversité qui fait tout le prix de cette œuvre.

 

Une version scénique pour Le Messie

On ne l'aurait simplement pas imaginé : donner une dimension scénique à l'emblématique Messie ! C'est pourtant ce que vient de réaliser Claus Guth à l'Opéra de Nancy - peu après une création au Teater an der Wien.  Bien que dépourvu d'intrigue et de personnages identifiables, cet oratorio sacré possède un sujet : la prophétie de la venue du Messie, sa passion et son triomphe, son rôle après la mort.  Le pari tenté - et réussi - est d'appréhender l'œuvre autrement qu'à travers une suite de morceaux musicaux et de dépasser l'abstraction contenue dans le texte pour en révéler toute la résonance, la structure dramatique sous jacente.  À cet égard, le medium que constitue l'image et les ressources de la scénographie moderne qui posent souvent sur les œuvres un regard décalé, par des jeux de recoupements et de superposition, vont révéler une cohérence insoupçonnée, « faciliter » une compréhension nouvelle.  En fait, Guth joue sur des figures illustratives qui, soit suivent le sens premier du texte, soit lui sont antagoniques (l'Alleluia présenté comme un chant funèbre ).  Une trame est recréée qui reprend les trois parties de l'œuvre : le tragique destin d'un homme, banquier de son état (personnage muet), qui, par suite d'événements extérieurs, perd son emploi, puis sa femme se détachant de lui pour suivre un autre homme, son meilleur ami peut-être, et se trouve acculé au suicide.  La première partie, La venue du Messie, à partir d'une assemblée déplorant sur son cercueil la disparition de l'homme, nous fait remonter le temps pour évoquer la période joyeuse de la naissance d'un fils.  Puis vient Le calvaire, les démêlés de l'homme avec ses associés, la lente déchéance de l'époux privé de ce qu'il a de plus cher.  La dernière partie, Après les funérailles, illustre combien au-delà de cet effroyable destin humain, la résurrection apporte de félicité aux bienheureux.

©Opéra national de Lorraine

 

Alors qu'un autre personnage muet sert d'interface entre cette trame et le texte, la mise en scène livre des images d'une force peu commune, dans le traitement du chœur notamment qui agit comme un personnage principal, extrêmement mobile, groupes serrés ou qui se défont. Elle révèle un immense travail d'acteurs aussi, d'une formidable précision dans le détail de la gestuelle et de la vérité des expressions. Ainsi des arias illustrés en autant de séquences. Cette rhétorique théâtrale stupéfiante recourt à plusieurs techniques : arrêts sur images, découpages des groupes en ombres portées, éclairages peaufinant des climats étonnants, judicieux décor à transformations créant une succession de lieux qui évoluent rapidement pour former des tableaux vivants. Cet achèvement dramaturgique ne serait pas ce qu'il est sans une exécution musicale qui elle aussi frôle la perfection.  À la différence de ses interprétations vivaldiennes, Jean-Christophe Spinozi privilégie une approche sereine et recueillie, gommant tout angle vif. Son Ensemble Matheus nourrit la partition d'infinies nuances. On louera la formidable prestation de mime dévolue aux deux rôles muets, si essentiels dans cette approche de mise en perspective texte-musique : la jeune femme à la douce candeur, s'exprimant par le langage des sourds, le danseur brossant un portrait saisissant de cet homme torturé par une mort annoncée. La distribution vocale est du niveau des grandes maisons : magnificence vocale des deux sopranos, Cornelia Horak et Veronica Cangemi, douceur et lyrisme discret du contre-ténor Max Emanuel Cencic, sombres inflexions de la basse chantante, Nigel Smith, alors qu'il doit incarner un personnage ambigu et en marge, idéale élégance des arias du ténor, Sébastien Droy.  Quant au Arnold Schönberg Chor, il est tout de bon prodigieux, tant par un jeu pétri de conviction que dans son chant somptueux.  Le Messie atteint ici une portée universelle car son message d'humanité reste, au fond, d'une brûlante actualité.

 

Le Roi malgré lui de Chabrier, à l'Opéra Comique

Curieux destin que celui de l'opéra-comique Le Roi malgré lui de Chabrier qui fut privé d'Opéra Comique une semaine après sa création pour cause d'incendie du théâtre, remonté en hâte au Châtelet, car on croyait bien au chef-d'œuvre, puis sombra dans l'oubli aprés une reprise en 1937. Ne survit depuis lors qu'un morceau d'orchestre bien connu des salles de concerts, La fête polonaise qui ouvre le deuxième acte.  Et pourtant il y a là de la fort belle musique, du rythme à revendre, du lyrisme vaporeux, de la verve peu contenue par un livret rocambolesque : un roi qui se fait passer pour conspirateur contre sa propre personne... Il fallait un Laurent Pelly pour démêler cette histoire « très quiproquée » (selon l'auteur), qui réserve une place de choix à l'invraisemblable, voire à l'improbable - une touchante esclave s'entiche du courtisan disgracié dont le roi a pris le vêtement. Le fil conducteur apte à émoustiller le spectateur, il l'a trouvé en imaginant la pièce au second degré : sur un plateau de théâtre encombré de lambeaux de décors et d'accessoires épars, on répète un opéra-comique connu d'un certain compositeur en vue... Le rideau s'étant ouvert malgré tout, on jouera la pièce en passant du second degré – trois comparses machinistes et répétiteurs en blouse grise tirent les ficelles - au premier degré du déroulé de celle-ci.  L'idée est séduisante en ce qu'elle permet de manier l'effet de surprise et le comique de situation, sans trop s'appesantir sur la vraisemblance. Tout s'enchaîne comme une mécanique huilée à la Feydeau ; même si, par rapport à la création du spectacle à l'Opéra de Lyon en 2004, Pelly n'évite plus quelques effets faciles. Le coup de théâtre est permanent, le clin d'œil abonde.  On s'affranchit des conventions du genre et parodie ce qu'il a de compassé.  D'habiles trouvailles pimentent une action échevelée, comme moults situations piquantes aux dialogues « modernisés ».  Cela plaît, et le public rit et applaudit à cœur joie.

©Michel Cavalca

 

Une ombre plane cependant.  L'exécution musicale malgré les forces réunies (l'Orchestre de Paris pas moins) n'est pas toujours à la hauteur de l'événement.  Là où il faut avant tout manier la nuance, la direction de William Lacey donne trop souvent dans le forte et l'éclatant, et de plus n'évite pas les décalages fosse-plateau.  Les accents sont brusques, là où la souplesse doit être vertu première. Admettons que la vision haute en couleurs insufflée par le régisseur à la Fête polonaise conduise à brusquer les choses dans le chœur de la « valse endiablée » - vraiment diabolique ici avec interventions fortissimo de personnages effrayants vêtus de noir ; mais bouler le tempo altère le climat d'un passage qui, pour être nerveux, n'en doit pas moins conserver au burlesque toute sa finesse. En plus d'un endroit, le compte n'y est pas de la transparence harmonique, de la couleur gallique. Et l'acoustique très présente de la salle Favart n'arrange pas les choses, qui apparaissent lues comme à travers une loupe grossissante. La distribution fonctionne avec des fortunes diverses. Dans le rôle titre, Jean-Sébastien Bou est à l'aise et offre un magnifique timbre de baryton clair ; Frank Leguérinel se fait un régal de Fritelli, un duc italien féru de combinazione : abattage à revendre chez un habitué du style Pelly. Le ténor Gordon Gietz compense par un chant agréable ce qu'est chez lui un brin contraint, à l'aune de la mobilité exigée par le régisseur.  Le bât blesse par contre, chez les dames : Magali Léger notamment qui, malgré un joli minois, est vite dépassée par le exigences du rôle de l'esclave Minka, bardé de quintes aiguës acrobatiques.

 

Glorieuse conclusion du cycle Prokofiev, à Pleyel

Le cycle dédié à la musique symphonique de Serge Prokofiev par le London Symphony Orchestra vient de connaître son apothéose.  Valery Gergiev [notre photo], leur chef principal, avait réuni outre le Concerto n°2 pour violon, les Quatrième et Cinquième symphonies. Dans l'une et l'autre, l'énergie tellurique déployée n'a d'égale que l'intensité lyrique à fleur de peau enfouies dans un univers sonore d'une richesse proprement incroyable. Le travail demandé aux instrumentistes est fabuleux : couleurs des bois, tels la flûte et le hautbois tiraillés vers le strident, rondeur des cuivres dont la sonorité est à certains moments plus large que nature, nuances inouïes des cordes, du ppp à la fièvre de tuttis lâchés en pleine force. Et quel sens rare de la transition, de l'organisation des thèmes et rythmes sans cesse changeants, dont la succession a priori arbitraire, doit paraître naturelle. Ils s'agencent sous les doigts de Gergiev avec la force de l'évidence. « Les doigts », car le chef, qu'il use ou non de la baguette, façonne des mains cette pâte en fusion. La construction est clairvoyante et l'unité d'ensemble un modèle. Ainsi de la Quatrième symphonie, directement issue du ballet Le Fils Prodigue, commande de l'Orchestre de Boston et de son chef Koussevitzki, où Prokofiev adopte un syle néoclassique, mélodique, clair et lumineux, en accord avec le ton de la parabole biblique illustrée dans le ballet - qui sera abâtardi dans la version remaniée de 1947.

©CNN

 

La Cinquième symphonie, composée quelque 16 ans après, apporte un tout autre climat : Prokofiev est rentré en URSS, et donne dans le style soviétique, alors illustré par Chostakovitch. Il dira l'avoir « conçue comme une symphonie sur la grandeur de l'esprit humain ». L'ami Sviatoslav Richter, parlant de la première à Moscou en 1945, soulignera que l'œuvre évoque « son entière et totale maturité et sa vue rétrospective du passé ». On a dit aussi qu'elle a à voir avec l'image héroïque du peuple russe durant la guerre qui venait de s'achever. De fait, l'héroïsme ne manque pas et le souffle est proprement épique.  Gergiev le souligne, ne ménageant pas les climats puissants, bien sonores, cuivres détonants, percussions massives, petite harmonie traitée avec le tranchant d'une lame, cordes lancées en pleine force.  Il démêle les divers climats qui caractérisent cette pièce. Car, même au cœur des passages les plus mouvementés, il n'est pas rare qu'affleure une bouffée de lyrisme, lui aussi puissant. Interprétation incandescente, révélant toutes les qualités d'un orchestre que cet univers musical foisonnant permet de mettre exergue.

Entre ces deux piliers orchestraux, le Concerto pour violon n°2 compose une bienheureuse diversion. Surtout, lorsque joué par le merveilleux violoniste Vadim Repin. Ce qui est ici admirable, c'est le sens de la confidence dans le jeu, le ton tout sauf de virtuosité extérieure, le trait clair et profond. L'orchestre qui l'accompagne est réduit, et la transparence qui en résulte ne laisse que mieux apparaître la mobilité mélodique et dynamique de la pièce. Son atmosphère allusive, le lyrisme encore hérité de Roméo et Juliette, juste contemporain, sont quelque peu teintés d'austérité et de sonorités heurtées. Mais l'élan est irrésistible dans ses constants changements de thèmes, voire ses passages insolites. Le mouvement central, sorte de sérénade étrange, offre un kaléidoscope de sonorités irisées. L'exécution de Vadim Repin restera d'anthologie. En bis, il aura ce geste rare et beau de jouer avec le premier violon de l'orchestre, un mouvement de la Sonate pour deux violons, où les deux solistes poursuivent une course folle. Un autre bis, la marche énergique de l'Amour des trois oranges, récompensera, en fin de concert, un auditoire plus qu'enthousiaste.

Jean-Pierre Robert

 

 

 


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Événement à l'Opéra Garnier que la présentation de l'opera seria Demofoonte de Nicolo Jommelli (1714-1774), dans une mise en scène de Cesare Lievi, coproduite avec le Festival de Pentecôte de Salzburg et le Ravenna Festival.  L'artisan de cette redécouverte est Riccardo Muti [notre photo] qui, à la tête de l'Orchestra Giovanile « Luigi Cherubini », composé de jeunes talents italiens et européens, se consacre à la réhabilitation de l'opéra napolitain du XVIIIeLe livret est emprunté au prolixe Metastasio et conte, à travers des scènes contrastées, les conflits familiaux entourant le roi Demofoonte de Thrace.  Précurseur de Haydn et de Mozart, Jommelli s'est fait une réputation par une écriture instrumentale très raffinée mettant en valeur des parties vocales brillantes, hautement ornées de colorature : l'opéra de bel canto dans sa plus sincère acception. Un ensemble de jeunes chanteurs devrait défendre avec conviction cette pièce qui mérite d'être sortie de l'oubli.  Opéra national de Paris, les 13, 16, 18, 20 et 21 juin 2009 .  Renseignements : 0 892 89 90 90 . www.operadeparis.fr

©DR

 

À l’Opéra Bastille, Gérard Mortier achève son mandat sur une note inédite, en montant Le Roi Roger du Polonais Karol Szymanowski (1882-1937).  Le thème en est le conflit entre l'église chrétienne dans la Sicile médiévale et la quête païenne de la beauté et du plaisir proclamée par un jeune berger aux allures de prophète. Le roi Roger sera subjugué par l'hédonisme prêché par celui-ci.  Il le rejetera cependant.  On a pu dire que le berger était comme l'ombre du roi, tel Méphisto l'est de Faust et que la lutte des forces dionysiaques et apolliniennes était au cœur de la pièce. La musique, quasi impressioniste, est plus contemplative que réactive à l'action. Elle regorge de mélodies mêlées à de discrètes harmonies dissonantes. Il semble que le régisseur Krzysztof Warlikowski [notre photo] fasse se dérouler la pièce de son compatriote dans l'espace mental des protagonistes et voie le berger tel une sorte de « contaminateur » ; comme l'Ange dans le film Théorème de Pasolini. On sait qu'il privilégie volontiers la référence cinématographique.  Opéra national de Paris, les 18, 20, 23, 25, 28, 30 juin et 2 juillet 2009.  Renseignements : 0 892 89 90 90. www.operadeparis.fr

©Anne Deniau

 

Opéra de Lyon 2009-2010.  Entrez sans frapper !

Sous le thème de l'errance, l'Opéra national de Lyon a concocté une saison riche en événements : quête de vérité ou simple chemin pavé d'interrogations, propre de la condition humaine, ce motto permettra de présenter des pièces aussi diverses qu'inattendues : Don Giovanni (régie de Adrian Noble, direction de Christopher Moulds), Moscou, quartier des cerises de Chostakovitch, irrésistible comédie musicale et farce impertinente, mise en scène par Macha Makeïeff & Jérôme Deschamps

Moscou, quartier des cerises ©Michel Cavalca

 

Manon Lescaut, grand drame lyrique où Puccini revisite l'Abbé Prévost, Porgy and Bess dans la régie chorégraphiée de José Montalvo & Dominique Hervieu, ou encore nsel und Gretel, le chef-d'œuvre de Humperdinck, dans la mise en scène inonoclaste de Laurent Pelly créée en 2008 pour le Festival de Glyndebourne.  Un must !

Porgy and Bess ©Stofleh

 

La création sera à l'honneur avec la première mondiale du troisième opéra de Kaija Saariaho, Émilie, sur un livret de l'ami Amin Maalouf, ou « L'ultime errance » de la belle Émilie du Châtelet sur le cours de sa vie. Celle qui fut l'amie proche de Voltaire, a surtout été la première femme scientifique. Dirigée par le maître des lieux, Kasushi Ono, l'opéra-monodrame sera mis en scène par François Girard et interprété par la grande Karita Mattila, dédicataire de l'œuvre.  On jouera aussi des pièces peu connues qui n'en méritent pas moins le détour : The Tender Land de Aaron Copland, qui décrit le climat particulier des paysages de l'Ouest américain, et After life de Michael van der Aa, opéra d'après un film... qui place l'action entre terre et ciel.

After life ©Hans van den Bogaard

 

Le festival annuel, toujours très attendu, sera consacré à la trilogie Pouchkine mise en musique par Tchaïkovski.  Eugène Onéguine, La Dame de Pique et surtout Mazeppa, mis en scène par Peter Stein et dirigés par Kirill Petrenko, verront à nouveau les feux de la rampe, dans des distributions éblouissantes.  Deux concerts prolongeront cette série : un récital de Marianna Tarasova et une version de concert de Mozart et Salieri du même Tchaïkovski. Côté concerts encore, outre un récital de José van Dam - un des derniers sans doute - on pourra entendre l'Orchestre de l'Opéra de Lyon dans trois programmes dirigés par K. Ono, autour de Roméo et Juliette, de valses d'hiver pour fêter le Nouvel An, et de trois musiciens fleurant la culture des origines, Copland, Milhaud et Bartók - comme une soirée Mozart animée par le talentueux Jérémie Rohrer.  Renseignements : 0 826 305 325 www.opera-lyon.com

 

Monnaie de Bruxelles, saison 2009/2010 : Rêves, rapport à la loi, sacrifice…

La thématique qui traverse la prochaine saison du Théâtre de la Monnaie est forte, car aussi bien « notre époque demande une telle introspection » se plait à souligner son directeur, Peter de Caluwe.  Une large partie de la programmation sera donc consacrée aux tragédies sanglantes des familles des Atrides. Ainsi Iphigénie en Aulide et Iphigénie en Tauride de Gluck seront présentées simultanément, sur deux soirées ou en une seule journée, une occasion rare de voir ce passionnant diptyque ; d'autant que les mises en scène seront signées de Pierre Audi et la direction confiée à Jérémie Rohrer. La sombre Elektra de Richard Strauss sera revisitée par Guy Joosten. La prêtresse hors norme, Elettra, on la retrouvera dans Idomeneo de Mozart. Enfin Medea, première en Belgique du deuxième opéra de Pascal Dusapin, sera recréée à travers une idée chorégraphique de Sasha Waltz.

 

Le monde des désirs et des rêves, on l'appréciera dans des opéras comme Sémélé de Haendel, conduit par Christophe Rousset, Don Quichotte de Massenet, où le rôle-titre, cet anti héros abyssal, verra les adieux à la scène bruxelloise d'un enfant du pays, José van Dam (régie de Laurent Pelly, direction de Marc Minkowski) ; mais encore dans la reprise de l'étonnant opéra de Stravinsky, The Rakes' Progress, enluminé par la régie fort imaginative de Robert Lepage. Le tragique Macbeth de Verdi sera défendu par Krzysztof Warlikowski qui, nul doute, aura beaucoup à dire de cette exploration d'un « autre visage du mal ».

Théâtre de La Monnaie ©Johan Jacobs

 

Côté concerts, on donnera plusieurs opéras en version concertante : L'Enfant prodigue de Debussy, Norma, Platée, et le rarissime Don Chisciotte in Sierra Morena de Francesco Conti, exhumé par René Jacobs ; et des programmes symphoniques, comme le début d'un gigantesque projet mahlérien, « All Mahler », avec la 6e Symphonie confiée à Harmut Haenchen, qui dirigera également Das Lied von der Erde ; de même que le Requiem allemand de Brahms ou une soirée d'hommage à José van Dam ; programme surprise dit-on !  À noter aussi une pochade intitulée Hélène aux Enfers, contraction des trois opérettes phares d’Offenbach, La Belle Hélène, Orphée aux enfers et La Grande Duchessse de Gérolstein, spectacle conçu pour et autour de Dame Felicity Lott.  Les récitals verront se produire, entre autres, Bejun Mehta, Joyce di Donato, Dietrich Henschel, Christoph Prégardien et Matthias Goerne.  Renseignements : 4, rue Leopold, 1000 Bruxelles.  Tél. : 00 32 70 23 39 39 www.lamonnaie.be

Jean-Pierre Robert

 

 

 

 


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PIANO

Ulrike WOHLWENDER : Weißt du, wie viel Sterlein stehen ? (Sais-tu combien il y a de petites étoiles ?).  Lieder sur Guten Nacht et bien d’autres chansons populaires.  Album + CD (chant & piano).  Breitkopf Pädagogik (www.breitkopf.com) : 8765. 

Assurément originale est cette publication proposant 23 chansons enfantines de tous pays - chacune d’elles dans quatre très faciles harmonisations pour le piano.  Le CD comporte version chantée & versions pianistiques.  Voilà qui devrait faire école chez nos propres éditeurs !

 

CHANSONS

Chansons et guitare.  2009. De Borée (www.deboree.com). 14,5 x 18 cm, 400 p.  15 €.

Permettant de pousser la chansonnette en toutes circonstances, cet épais carnet rassemble les plus belles chansons du répertoire (paroles seules) et les rend accessibles aux guitaristes grâce aux tablatures données pour chaque morceau.  Sous quatre rubriques : Au temps du 45 tours / Pour s’amuser, pour s’endormir / Autour du feu / Rock’n roll.  Chansons françaises de Brassens, Brel, Dassin, Ferrat, Ferré, Goldman, Gainsbourg, Moustaki, Polnareff, Téléphone, Cabrel, Goldman, Le Forestier, Souchon, Ferrer… mais aussi étrangères de J. Baez, L. Cohen, ACDC, B. Dylan, J. Joplin, Pink Floyd, Simon & Garfunkel, Br. Springsteen, Supertramp, The Rolling Stones, U2…

Francis Gérimont

 

FORMATION MUSICALE

Olivier NOCLIN : Voyages sans frontières. 15 chansons, 5 destinations.  Livret, CD-CDRom.  Lugdivine.

Attention, ces Voyages sans frontières ont l’apparence d’un CD, mais il s’agit en fait à la fois d’un CD et d’un CD-ROM sur le même support. Il faudra donc prendre soin non seulement de lire le CD, qui contient les quinze chansons dans leur version complète, mais aussi d’explorer ce même CD pour y trouver les fichiers pdf des partitions et des paroles, imprimables à volonté, et les « play-back » des quinze chansons sous forme de mp3. C’est dire qu’il s’agit d’un ensemble complet. Ajoutons qu’un petit livret de présentation commente chaque chanson et présente les diverses destinations proposées : Brésil, Sénégal, Andes, Proche-Orient et Cuba. Faut-il ajouter que, comme toujours, les enregistrements sont de grande qualité et s’écoutent d’abord par plaisir. Bref, une réalisation aussi artistique qu’intelligemment pédagogique.

 

Pascal MARCELIN : Le passé re-composé des maîtres du piano. Livret, CD, DVD.  Lugdivine.

Convenait-il de recenser ce travail dans la rubrique de l’édition et non dans celle des disques ? Il m’a semblé que l’originalité de l’entreprise justifiait ce traitement. Nous connaissons tous les enregistrements qui ont été faits sur des pianos modernes, modifiés à cet effet, des fameux rouleaux perforés enregistrés par des grands maîtres. Pascal Marcelin a, certes, pris pour base de son travail ces rouleaux de Pianola, Pleyéla et surtout Ampico. Mais il a traité les rouleaux eux-mêmes par l’informatique et les a fait jouer par un piano « idéal », recréé entièrement par l’informatique. Et le résultat est absolument fascinant. On peut discuter de la validité du procédé pour « ressusciter » le jeu des pianistes d’autrefois, de Busoni à Rachmaninov en passant par des interprètes moins célèbres mais non moins intéressants pour nous faire redécouvrir des styles d’interprétation parfois bien différents de ceux d’aujourd’hui. Le DVD présente la genèse artistique et technique de cette production vraiment très originale et qui sera utilisée avec profit tant pour l’éducation des pianistes que pour celle de tout musicien soucieux d’approfondir son approche musicale et esthétique.

 

Christiane MILLERIOUX, Franck ROBERT, Marie-Catherine VOIRPY & Alain VOIRPY : Au fil des notes… Cours complet. Cycle II, 1re année. Livre du professeur. Livre de l’élève, CD. Billaudot : G 7308 B.

Nous avons déjà rendu compte des précédents volumes. Celui-ci possède les mêmes qualités : on peut apprécier, en particulier, la pertinence des abondants extraits présents sur le CD et qui permettent à la fois de pratiquer les différents exercices proposés et de donner l’envie d’écouter la suite… Le livre du professeur est également très complet et permet de construire un cours embrassant les différents aspects de la formation musicale.

 

PIANO

Felix MENDELSSOHN-BARTHOLDY : Sieben Charakterstücke op.7. Sechs Kinderstücke op.72. Urtext.  Bärenreiter : BA 9083.

Les éditions Bärenreiter poursuivent leur monumentale édition des œuvres de Felix Mendelssohn. L’édition est réalisée par Holger M. Stüwe et doigtée par Matthias Kirschnereit. On lira avec profit l’abondante préface (allemand/anglais) qui introduit cette édition. Sources, analyse succincte des pièces, problèmes éditoriaux spécifiques, tout est rédigé avec beaucoup de soin.

 

Felix MENDELSSOHN-BARTHOLDY : Lieder ohne Worte. Urtext.  Bärenreiter : BA 9069.

Cette édition de l’intégrale des Lieder ohne Worte est tout à fait remarquable, tant par sa présentation que son exhaustivité. On y trouve en effet, en appendice, dix pièces qui ont été écrites séparément, et une pièce inachevée. On regardera avec intérêt les fac-similés de partitions autographes. Et, bien sûr, on ne peut être que séduit par l’abondance des notations historiques et critiques de la préface.

 

Santos CHILLEMI : 8 images d’enfants – 3 morceaux sans drapeau. Album, CD.  Lemoine : 28725 H.L.

On jouera et écoutera avec beaucoup d’intérêt et de plaisir les onze pièces de ce pianiste compositeur argentin vivant en France et menant une carrière internationale.  Jazz ? Classique ?  Ces distinctions n’ont pas cours lorsqu’on écoute cette musique à la fois très personnelle, très colorée, d’une invention constante. On ne peut que se réjouir de pouvoir écouter le pianiste nous donner sa propre interprétation de cette musique tonique et sans concession. Mais attention, il faut, pour les interpréter, un solide niveau technique.

 

Robert COHEN & Jorane CAMBIER : Jeux de mains. Vol. 1. Piano à quatre mains. 10 pièces faciles. Album, CD.  Hit-Diffusion.

Faciles certes, mais passionnantes sont ces dix pièces fort diverses allant de Shreck à Beethoven et Mozart dans des arrangements d’une excellente facture. Voilà un excellent moyen de faire le lien entre les musiques d’aujourd’hui et celles d’hier, en se faisant plaisir. Souvent relégué au rang du déchiffrage, le « quatre mains » est pourtant une excellente école de musique de chambre et tout simplement une autre manière d’explorer la richesse du piano. Le CD donne à la fois les dix pièces intégrales, et pour chacune d’elles, successivement, les deux parties de piano, ce qui permet à l’élève de jouer tout seul à quatre mains… On appréciera beaucoup ce complément qui devrait s’avérer désormais indispensable.

 

Arletta ELSAYARY : Étude orientale pour piano. Lafitan : P.L.1820.

Écrite pour le niveau élémentaire, cette pièce comporte tous les éléments de l’orientalisme traditionnel : rythmique syncopée et seconde augmentée de rigueur. Ceci n’est nullement un reproche ! Cette Étude est pleine de charme, de musique et de sensibilité.

 

Anne-Virginie MARCHIOL : Le chat et la souris pour piano. Lafitan : P.L.1857.

Les âmes sensibles regretteront que cette charmante histoire se termine mal… au moins pour la souris ! De niveau préparatoire, cette pièce aux aspects variés permet au jeune pianiste de montrer sa vélocité dans la poursuite, et son sens de la phrase musicale dans « le sommeil du chat »…

 

David NEYROLLES : Bleu. Niveau préparatoire. Lafitan : P.L.1933.

Cette pièce a pour but de développer la musicalité du pianiste par une écriture formée d’arpèges brisés qui obligent à un phrasé parfait entre les deux mains. Mais il ne s’agit pas d’un exercice ! La musique est bien présente avant toute chose. Cette œuvre volontairement « romantique » envoûtera sûrement les jeunes pianistes.

 

FLÛTE À BEC

George BINGHAM : 50 Airs Anglois pour flûte à bec alto (1-20), duo de flûtes altos (21-30), flûte alto et basse continue (31-50), édités par Nicola Sansone. Urtext.  Ut Orpheus Edizioni.

Si certaines pièces sont de George Birgham, la plupart des autres ont pour auteur des contemporains. Ces pièces ont été publiées dans un premier recueil paru en 1702, suivi de trois autres. L’édition se fit à Amsterdam, mais en français. Saluons la qualité de ce travail, ainsi que des commentaires qui l’accompagnent. Beaucoup de ces pièces ne manquent pas d’intérêt tout en ne présentant pas une grande difficulté d’exécution. Elles intéresseront autant les élèves de flûte à bec que les instrumentistes désireux d’enrichir leur répertoire.

 

Max MÉREAUX : Poème pour flûte à bec soprano & piano. Lafitan : P.L.1873.

Cette pièce pour débutant est pleine de charme et de… poésie ! Beauté et difficulté ne vont pas forcément de pair. Mais il faudra cependant que le jeune interprète fasse preuve d’une vraie sensibilité. Mais cela n’attend pas le nombre des années…

 

GUITARE

Philippe RIO : Troubadour pour guitare.  Lafitan : P.L.1844.

Cette charmante pièce, modale comme il se doit, fera le bonheur des guitaristes débutants. Avec ses alternances de mesures à deux, trois et quatre temps, elle obligera à une souplesse rythmique de bon aloi. Sa mélodie, à la fois rythmée et mélancolique, séduit immédiatement.

 

VIOLON

Camille SAINT-SAËNS : Les cloches de Las Palmas, pour violon seul. Arrangement : Régis Boulier.  Combre : C06606.

Cette transcription d’une pièce pour piano possède un fondement historique.  Saint-Saëns écrit lui-même : « On me dit que Sarasate aurait arrangé pour violon et joué à Londres avec grand succès Les cloches de Las Palmas. Fabuleux ! » Mais Régis Boulier, après de longues recherches, n’a pu retrouver l’original. Il s’est donc lancé dans une recréation qui semble tout à fait réussie. Souhaitons beaucoup de bonheur et de succès aux violonistes qui inscriront cette œuvre à leur répertoire.

 

CLARINETTE

Michel PELLEGRINO : Petit précis de clarinette basse.  Lemoine : 28747 H.L.

Contrairement à ce qu’on peut penser, la clarinette basse n’est pas un simple dérivé de la clarinette ou du saxophone : elle requiert un apprentissage spécifique que nous propose ici l’auteur, qui signale les particularités liées à l’embouchure ou la colonne d’air. Il joint à cela un certain nombre d’explications et d’exercices concernant des techniques souvent employées à cet instrument. En fin de volume, quelques pièces de différents styles aident à mettre en application les principes exposés dans la méthode. Des conseils judicieux sont aussi donnés sur le choix de l’instrument, puisqu’il existe deux clarinettes basses : l’une en mib et l’autre, plus grave, en ut, qui ont des caractères différents même si la technique est similaire.

 

TROMPETTE

Jean-Louis PETIT : VESPERAL pour 6 trompettes. Fuzeau Classique : 8654.

Rappelons d’abord que le site de ces éditions classiques, devenu « Anne Fuzeau Productions » est désormais : http://www.editions-classique.com Cette pièce, composée de deux mouvements rapides encadrant un moderato, est bien à l’image de ce compositeur, élève de Messiaen et de Boulez, en même temps que fervent découvreur de la musique baroque. On parle, dans la présentation, d’un « nouveau classicisme savant ». Je crois que c’est le terme qui convient pour cette œuvre d’une écriture toute contemporaine, mais qui laisse à l’auditeur une sensation de plaisir et de bonheur. La partition comprend à la fois un conducteur et l’ensemble des parties séparées.

 

Odette GARTENLAUB : Deux pièces pour trompette solo. Combre : C06632.

Ces deux courtes pièces, d’un niveau de 3e cycle, ne sont pas d’abord de redoutables exercices, mais avant tout de la bonne et saine musique, d’une verdeur et d’une tonicité réjouissante, pleine de jeunesse et d’audace.

 

SAXOPHONE

Claude PASCAL : Suite chorégraphique pour quatuor de saxophones.  Combre : C06603.

Reprenant les formes classiques de la danse (Variation, Adage, Marche…), le toujours jeune Claude Pascal nous donne une œuvre à la fois pleine de charme et d’humour.

 

Alexandre CARLIN : Ballade pour saxophone alto mib & piano.  Lafitan : P.L.1882.

Cette pièce, qui existe également pour saxophone alto & orchestre d’harmonie, est pleine de fraîcheur. Sans grande difficulté technique, elle demandera cependant de la part de l’interprète beaucoup de charme et de légèreté.

 

Fabrice LUCATO : Baby blues pour quatuor de saxophones (3 altos, 1 ténor). Lafitan : P.L.1916.

Cette pièce inaugure une nouvelle collection intitulée « Sax Top » dont la caractéristique est de présenter un répertoire jazzistique, dans un langage entièrement écrit, accessible dès le 1er cycle.  La partition est accompagnée de judicieux conseils de mise en œuvre. Joyeuse et festive, cette pièce devrait devenir un « tube » des auditions et concerts.

Daniel Blackstone

   

 

 



Gérard STRELETSKI (Ouvrage coordonné par) : Aspects de la mélodie française.  Actes du Concours international de musique de chambre de Lyon 2006.  Éditions Symétrie, 2008.  296 p. 40 €.

Les contributions délivrées lors des Journées d'étude accompagnant le Concours international de musique de chambre de Lyon 2006, réunies dans cet ouvrage, jettent un regard pénétrant sur l'univers de la mélodie française et ses facettes méconnues. Qu'est-ce qui caractérise la mélodie ? « Richesse d'invention, mesure parfaite dans le langage de la sensibilité, raffinement qui est de la simplicité » disait Charles Koechlin.  À travers l'étude d'œuvres emblématiques, voire d'une même pièce mise en musique par plusieurs musiciens, tel Recueillement de Baudelaire - vu par Debussy, Louis Vierne et plus près de nous, Jean-Yves Malmaison -, la démarche se veut multiforme, historique, esthétique, analytique ou sociologique.  Ainsi en est-il du cycle Biondina qui montre le goût prononcé de Gounod pour la musique italienne ; des pièces de Charpentier, d'abord empreintes d'un lyrisme profond, puis d'une veine naturaliste puisée chez Verlaine et son « refus d'une poésie intellectuelle », d'une puissante imagination et d'une extrême mobilité de la ligne mélodique ; ou encore de  la rencontre Verlaine-Debussy dans Les Ariettes oubliées, un « art de l'équivoque, de la suggestion » qui révèle « quelques résonances entre deux arts, musique et poésie, où sobriété et suggestions poétiques se font écho » (Denis Le Touzé) ; ou bien de l'étude des mélodies françaises d'Enesco, un « art de la discrétion, de l'allusion, du non-dit » (Anne Penesco) ; ou encore des mélodies du Lyonnais Ennemond Trillat qui rappellent combien la capitale des Gaules a joué ici un rôle important qui ne se limitait pas aux salles de concert. On n'aurait garde d'oublier le chapitre passionnant consacré à « René Chalupt et ses musiciens » (Guy Sacre), exemple d'une carrière entièrement vouée à la poésie. Que de musique sera écrite sur des vers de cet homme protée qui rencontrera Auric, Satie, Milhaud, Roussel.  Parce que sa langue et son savoir-faire tenaient du don le plus délicat, sans parler de son humour et de son art consommé de la chute.

 

Jean-Christophe BRANGER & Vincent GIROUD (Ouvrage coordonné par) : Aspects de l'opéra français de Meyerbeer à Honegger« Perpetuum mobile », éditions Symétrie (en partenariat avec la Fondation Palazzetto Bru Zane).  2009.  259 p. 32 €.

Actes d'un colloque international tenu en 2004, cet ouvrage est une contribution essentielle à la défense de la cause de l'opéra français du XIXe que la Fondation Bru Zane s'est donnée pour mission de promouvoir. C'est de Charles Gounod que plus d'un musicien d'opéra peut se prévaloir, pour adopter « une attitude complètement nouvelle à cette époque vis-à-vis de la prosodie française ».  Une constante se fait jour, dont on n'a pas toujours mesuré l'importance : le rôle des compositeurs étrangers dans le théâtre lyrique. Ainsi de Meyerbeer pour ce qui est du grand opéra, dont le drame posthume, L'Africaine, livre la dernière pensée car « au cœur du siècle, le grand opéra s'il est en déclin, participe, plus qu'il n'en est victime, du passage à la ‘modernité’ musico-théâtrale » (Karen Henson).  Plusieurs œuvres peu jouées sont analysées avec l'acuité du scalpel.  Le Chérubin de Massenet, où s'exprime le « regret du vieux temps » (Gérard Condé) ; mais aussi une Hérodiade qui lui donna bien du mal dans ses démêlés avec l'éditeur Ricordi. L'œuvre, d'abord donnée dans une version écourtée à La Monnaie, sera finalement bien créée à la Scala, pour être vite retirée de l'affiche. L'histoire de La Carmélite de Reynaldo Hahn vaut aussi d'être lue ; une « sorte de Manon tardive » (Philippe Blay), ou lorsque « le Grand Siècle rencontre le goût Belle Époque pour l'écriture imitative » ; ce qui autorisera à suspecter son auteur d'amateurisme.  Alors qu'« à l'impact de monolithes comme le wagnérisme et le vérisme, il fallait opposer des œuvres-blocs, granitiques, ramassées ».  Pénétrantes encore les pages sur L'Heure espagnole, « la grivoiserie moderne de Ravel », bel exemple du « caractère cosmopolite » de l'opéra français.  Hispanisme ici, influence américaine là : d’un Edgar Poe pour Debussy et La chute de la maison Usher, son opéra inachevé, où il ne voulait rien écrire qui rappelle Pelléas ; mais en fait a puisé à la même veine stylistique et s'est épuisé dans l'atmosphère étouffante d'un roman sulfureux.  Pas moins passionnante que l'histoire de la version primitive de l'air d'entrée de Carmen, où l'on voit comment la créatrice du rôle, Galli-Marié, eut une influence déterminante pour la couleur à donner à la Habanera.

Jean-Pierre Robert

 

Serge GUT : Franz Liszt. Les éléments du langue musical. Édition revue et augmentée, Auguste Zurfluh (zurfluh@wanadoo.fr). 2008.  376 p.  30 €.

Préfacée en 1975 par le regretté Jacques Chailley, qui avait souligné « la rigueur minutieuse d’investigation » de Serge Gut, musicologue et musicien, ayant réussi à détruire légendes hâtives et généralisations abusives, la présente édition, revue et augmentée, bénéficie d’un Avant-propos de l’auteur qui insiste sur les nouvelles données, par exemple dans la Première Partie : Données de base, il a introduit le tout dernier état de la question concernant Liszt écrivain, à l’appui de nombreuses citations précieuses (lettres de Liszt et de ses correspondants) éclairant les divers contextes. La Deuxième Partie, particulièrement développée, concerne d’abord Les éléments mélodiques.  À noter, à propos de la gamme pentatonique, un apport neuf : le « symbole sonore de la Croix », formule mélodique privilégiée par Liszt.  Les modes tziganes font l’objet non seulement de l’historique et la présence de la gamme tzigane, mais encore de précisions sur « l’échelle à double seconde augmentée ». La Troisième Partie : Les éléments harmoniques ne contient que quelques changements de détail, toutefois S. Gut a davantage précisé la notion importante et nouvelle de différence entre morphologie et syntaxe, et la notion de tension (et d’instabilité), représentant sans doute l’une des grandes découvertes de l’auteur dans le domaine de la théorie musicale.  Cette partie représente une véritable synthèse de tous les éléments, accords et agrégats exploités par le compositeur et ses affinités pour le goût de la dissonance et, d’une manière générale, l’importance qu’il accorde à l’harmonie.  Enfin, à la Quatrième Partie : Influences et éléments divers, l’auteur souligne plus en détails les influences réciproques Liszt-Wagner, l’apport du Romantisme français dans sa jeunesse et, dans une certaine mesure, de l’Italie, ainsi que l’apport des courants latin, germain et hongrois dans sa vieillesse.  La conclusion est à la reconnaissance envers Liszt qui nous a livré « une telle mine d’or que l’on peut à la fois exploiter, étudier, ordonner… » : tel est l’apport de ce « grand romantique ».  Cette publication reproduit le Catalogue complet des œuvres musicales (p. 310-354), en tenant compte de découvertes récentes, avec la répartition des œuvres par catégories.  La Bibliographie est entièrement remise à jour. Tant par la rigueur de la méthode que par la présence de plus de 200 exemples musicaux et par la nouveauté de certaines approches, ce maître-livre confirme que Serge Gut, musicologue et musicien, est à notre époque le grand spécialiste de l’analyse et de l’exégèse du langage musical.

 

Isabelle HANDY : Histoire de la musique au Moyen Âge et à la Renaissance.  Ellipses (contact@editions-ellipses.fr), 2009.  312 p.  19,50 €

Après les ouvrages réédités de Th. Gérold : La musique au Moyen Âge (1/1932 ; 2/1983) - faisant office de pionnier -, puis du regretté J. Chailley : Histoire musicale du Moyen Âge (1/1950, 2/1969), La musique au Moyen Âge (1/1978) de R.H. Hoppin, avec son Anthology of Medieval Music (1978), ainsi que le livre anglais plus ancien : Music in the Middle Ages (copyright 1940) de G. Reese, I. Handy propose « son » Histoire de la musique au Moyen Âge et y inclut la Renaissance.  En musicologue (doctorat), historienne de l’art et archéologie (licence) et musicienne (École Normale de Musique), l’auteur - enseignant notamment à l’Université du Maine et à l’Institut technologique européen des Métiers de la musique (Le Mans)… - a une vaste expérience pédagogique. Cet ouvrage, bénéficiant de sa formation pluridisciplinaire, est conçu en 9 chapitres allant des premiers siècles de notre ère - à travers les Mérovingiens, Carolingiens, l’An mille, l’époque des Cathédrales, des Croisades, le Grand Schisme d’Occident, jusqu’à la Renaissance et le XVIe siècle, avec la pratique musicale, les grands spectacles et, finalement, les « réformes de la musique » (p. 269-275).  Il eût fallu traiter d’abord la Réforme (protestante) pour la musique : à partir de 1525 (en Allemagne) et, ensuite, la Contre-Réforme, dans la mouvance du Concile de Trente (1545-1563) et de G.P. da Palestrina et J. de Kerle... L’apport neuf concerne surtout la culture générale, les divers contextes historiques et sociologiques, les hauts-lieux de la musique (châteaux, salles, monastères, cathédrales…), le prestige des fêtes dans les différentes cours, les divertissements et distractions ou encore le faste de certaines cérémonies liturgiques.  À regretter cependant : l’absence d’exemples musicaux notés et iconographiques ; enfin, parfois, le manque d’aération dans le style et la présentation (paragraphes dans l’ensemble trop longs, par ex. p. 265, 266, 267 (début). Ces quelques remarques n’enlèvent rien à la valeur de ce manuel qui comprend également un important Glossaire (à l’entrée Psaume, il faudrait ajouter : Psaumes et Psautier huguenots) et d’utiles indications bibliographiques (non raisonnées).  Comme tel, les étudiants apprécieront ce parcours historique renouvelé.

 

Frédéric PLATZER : Petit lexique des termes musicaux. Nouvelle édition augmentée. Ellipses (contact@editions-ellipses.fr), 2009.  153 p. 8,55 €.

Après le succès de la première édition (2002), Frédéric Platzer - en pédagogue avisé et spécialiste de méthodologie - a, dans un souci d’actualisation, le mérite de venir au secours de tous les publics qui souhaitent une terminologie précise des nouveaux concepts d’analyse, nouvelles technologies dont l’informatique musicale et leurs sigles parfois énigmatiques, par exemple : D.R.M. (Digital Rights Management) ; TCK (Tecktonik : style de danse) ; W.M.A. (Window Media Audio).  Des définitions, par exemple : Bagad (breton) ; Bitrate (« débit des données lors de la lecture d’un fichier audio ») ; Combo (deux sens : groupe de 5 à 6 musiciens ; système d’amplification d’un instrument électrique) ; Expandeur (appareil contenant des sonorités préenregistrées), Kazoo (membranophone), Zouk (danse antillaise)… À noter quelques lacunes pour les formes : Cantique (canticum), Psaume - alors que Choral y figure - ; pour les instruments : à Trompette marine, il faudrait ajouter Trumscheit ; à Cor des Alpes, Alphorn.  Malgré ces quelques réserves, classé dans l’ordre alphabétique, étayé d’exemples musicaux et d’illustrations organologiques, ce Petit Lexique (passé de 128 à 153 pages) sera utile à « l’honnête homme » et à l’apprenti musicien ; en ce sens : il remplit son contrat.

 

Jacques THUNUS : L’année liturgique.  Voix Nouvelles (info@voix-nouvelles.com). Diff. : Cerf.  Distr. Sodis.  2009. 65 p. 14 €.

De nos jours - où « fêtes de fin d’année », « vacances de printemps » n’impliquent pas nécessairement les fêtes religieuses -, J. Thunus aborde judicieusement les temps liturgiques dans l’optique de leur célébration. Ce parcours concerne les origines de l’Année liturgique, l’histoire chrétienne ; rappelle que le dimanche, premier jour de la semaine, réunit les fidèles, précise ensuite les étapes de la Semaine Sainte, la Fête de Pâques et la Résurrection ; le temps de l’Avent et de Noël (en insistant sur sa spiritualité), l’Épiphanie, et donne une description percutante du Sanctoral : liturgie, piété populaire, cantiques, commémoration des défunts, sans oublier la place de Marie, entre autres.  Ce manuel d’un professeur de liturgie (Bruxelles, de 1986 à 2008), très expérimenté, souligne l’extrême diversité liturgique (catholique) ; il rendra évidemment de grands services aux chefs de chœur pour le choix des œuvres, aux hymnologues, aux rédacteurs de programmes et présentateurs de concerts.

Édith Weber

 

Boris de SCHLŒZER : Introduction à J.-S. Bach.  Essai d’esthétique musicale.  Édition établie & présentée par Pierre-Henry Frangne.  Presses universitaires de Rennes (www.pur-editions.fr).  17 x 21 cm, 306 p., ex. mus.  18 €.

Publié en 1947, mais épuisé depuis plus de vingt ans, quasi mythologique était devenu ce brillant essai.  Trois parties : L’idée concrète (Compréhension & connaissance de l’œuvre), La forme (Aspects rythmique, harmonique & mélodique), Le mythe (Signes expressifs. Sens psychologique.  Sens spirituel & rationnel.  Moi mythique).  Merci aux PUR d’avoir pris l’initiative de cette précieuse réédition - augmentée d’une présentation par Pierre-Henry Frangne, d’un index et d’une postface du regretté Gaëtan Picon intitulée : « Les formes et l’esprit.  La pensée de Boris de Schlœzer ».

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Gérard CONDÉ : Charles Gounod.  Fayard.  2009.  13,5 x 22 cm, relié, couverture souple.  1 088 p.  45 €.

Celui qui fut l’illustre compositeur de Faust, Roméo et Juliette ou Mireille sortira-t-il enfin du purgatoire où l’a plongé un XXe siècle enragé de modernisme progressiste ?  Pour l’éminent compositeur et critique musical Gérard Condé, il serait temps, en effet, de redécouvrir la fraîcheur et la sensualité harmonique d’un musicien sur lesquelles il ne tarit pas d’éloges.  Après « Au fil des jours », biographie solidement charpentée, il s’attache à décrire quelques importantes « Figures » qui gravitèrent autour du compositeur (Le premier cercle, Les muses, Les dieux, Les maîtres, Les aînés), pour conclure sur « Au fil des œuvres » (Ouvrages lyriques, Musiques de scène, Oratorios & cantates, Messes, Mélodies & cantiques, Chœurs profanes & motets sacrés, Œuvres instrumentales, Écrits).  Avec, bien sûr, en annexes : Catalogue des œuvres, Bibliographie, Index nominum et Index rerum.

 

Charles KOECHLIN (1867-1950) : Musique et société. Écrits présentés par Michel Duchesneau, vol. 2.  2009.  Mardaga (www.mardaga.be).  17 x 24 cm, 448 p.  45 €.

Élève de Fauré, puis professeur de Francis Poulenc et d’Henri Sauguet, Charles Koechlin a certes marqué la musique française du XXe siècle - son œuvre transcendant modes musicales et clans.  Dans ses écrits, il juge avec indépendance les révolutions musicales de son temps, réfléchissant sur l’esthétique, le répertoire et le langage modernes, le rôle du compositeur et de la musique dans la société, les traditions musicales et leurs évolutions.  Ce deuxième volume réunit 42 conférences, articles ou inédits du compositeur (« L’éducation musicale de la Nation » et « Le problème de la musique au cinéma » notamment), ainsi que quelques textes signés Max d’Ollone avec lequel il eut des échanges épistolaires.

 

René de CECCATTY : Maria Callas.  Inédit.  « Folio biographies, 54 ».  Format de poche.  370 p., cahier de photos n&b.  8,10 €.

Romancier fécond, René de Ceccatty nous livre, cette fois, la biographie inspirée d’une diva aux capacités vocales hors du commun certes, mais surtout à l’incomparable génie dramatique.  À la constitution du mythe Callas auront, en outre, participé la perte précoce de la voix, un destin tragique et une mort brutale.  Riche appareil critique (repères chronologiques, sources, références bibliographiques, discographie, notes).

 

Réal LA ROCHELLE : Le patrimoine sonore du Québec. La Phonothèque québécoise.  1CD de Jean-Sébastien Durocher.  Triptyque (www.triptyque.qc.ca).  Distrib. Dimedia.  15,5 x 23 cm, 190 p.  19,40 €.

La Phonothèque québécoise/Musée du son (www.phonotheque.org) fête en 2009 ses vingt ans d’existence.  Son histoire ressemble à un conte qui se lit et s’écoute (le livre est accompagné d’un CD présentant une œuvre inédite du compositeur électroacousticien Jean-Sébastien Durocher, dans laquelle sont intégrées des archives sonores).  Sauvegarde, documentation et diffusion du riche patrimoine sonore québécois, non sans quelques incursions à New York, Ottawa, Washington et… Paris.

 

Björn HEILE (Edited by) : The Modernist Legacy : Essays on New Music2009.  Ashgate (www.ashgate.com).  16 x 24 cm, relié sous jaquette, figures, ex. mus.  £60.00.

Déjà auteur, dans la même maison d’édition, de The Music of Maurico Kagel, Björn Heile (directeur du département Musique de l’Université du Sussex) a divisé le présent ouvrage en deux grandes parties : New music, social debates & the aesthetics of critical modernism (Modernism’s moment of plenitude / On the poetics of music after the postmodern / Spectralism / The scream in avant-garde music / Verbal discourse as aesthetic arbitrator / « Weltmusik » and the globalization) et Aspects of compositional poetics (Aldo Clementi and the eclipse of music as praxis / Feldman, Beckett, Johns : patterning, memory & subjectivity / Brian Ferneyhough, postmodern / Electroacoustic music of Henri Pousseur / Self-portrait with Boulez and Machaut : Harrison Birtwistle’s « Hoquetus Petrus » / Polymetric structures in Elliott Carter’s « 90+ ».  Rien moins qu’unanimes sont les 12 contributeurs à cet ouvrage : grande variété de points de vue assortis de critiques souvent virulentes sur quelques dérives modernistes & postmodernistes.  C’est ce qui fait l’intérêt de la publication.

 

Hélène MERCIER ARNAULT : Au fil des notes…  Plon (www.plon.fr).  14 x 22,5 cm, 190 p., cahier de photos n&b et couleurs.  18,90 €.

Dans ce journal, écrit avec la plus grande liberté de ton, la grande pianiste nous relate – de Montréal (où elle naquit) à Paris, via New York, Vienne, Tokyo, Moscou… - sa passion de la musique (dès l’âge de 6 ans) et le quotidien d’une concertiste internationale, avec ses joies aussi bien que ses peurs et difficultés.  Elle nous entretient également de ses liens avec, notamment : Bernadette Chirac, Lady Diana, Karl Lagerfeld, les Rostropovitch, Ivry Gitlis, les Capuçon, Vladimir Spivakov, Kurt Masur, Zubin Mehta, Laurent Korcia et… son époux Bernard Arnault, célèbre chef d’entreprise, avec lequel il lui arriva de jouer en concert, à New York, à quatre mains… Très émouvant album de photos - familiales, amicales et professionnelles.

 

Lewis PORTER, Michael ULLMAN & Edward HAZELL : Le jazz, des origines à nos jours.  Épilogue : « Le jazz au XXIe siècle ».  Traduit de l’anglais par Isabelle Leymarie, Mathilde Gerbeaux, Vincent Cotro.  « Contrepoints », Outre Mesure (www.outre-mesure.net).  18 x 22 cm, 480 p., 119 ex. mus., 101 photos n&b. 40 €.

En 23 chapitres, nous est ici présentée une vision à la fois circonstanciée et concise de l’histoire du jazz et de ses principaux représentants (Louis Armstrong, Duke Ellington, Count Basie, Charlie Parker, Miles Davis, John Coltrane, Ornette Coleman, Bill Evans…).  Ouvrage remarquable, en outre, par l’abondance des exemples musicaux.  L’édition française est augmentée d’une mise à jour, « Le jazz au XXIe siècle », signée Michael Ullman, permettant de mieux cerner les problématiques contemporaines. Riches annexes : bibliographie, discographie, glossaire, index...  La synthèse de référence !

Francis Cousté

 

POUR LES PLUS JEUNES

Rémi COURGEON (Illustrateur), Stéphane OLLIVIER (Texte de) & Lemmy CONSTANTINE (Raconté par) : Louis Amstrong. Livre/CD « Découverte des Musiciens », Gallimard-Jeunesse Musique.  À partir de 7 ans (CE1).  24 p.  16 €.

Le jazz à travers la vie de Louis Armstrong… Dès les premières lignes, nous sommes en Louisiane, à La Nouvelle-Orléans, et plus précisément à l’église où les gospels envoûtent la paroisse. Notre prodige s’imprègne de cette musique teintée de souffrance et se distingue parmi plusieurs. Les fanfares avec ses cuivres et autres tambours marquent ce jeune enfant… jusqu’au jour où il s’offre un cornet à piston !  Ce livre nous embarque, nous emporte et la voix de Louis Armstrong résonne dans nos têtes pour longtemps avec ses acolytes Ella Fitzgerald ou Duke Ellington.  L’intelligence de cet ouvrage est de mêler illustrations et photos d’époque, d’intégrer en exergue des points de connaissance ou encore des références musicales accessibles. À offrir absolument !

Louis Armstrong

Laëtitia Girard

 

 

 



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Le roman du Jazz, Interview de Philippe Gumplowicz

 

L’éducation musicale [Fr.C.] : En ce qui concerne la musique, le roman a mauvaise presse.  Vous êtes musicologue, Philippe Gumplowicz, et vous avez pourtant publié trois tomes d’un « Roman du jazz » dont vous dites que c’est un livre d’histoire.  Pourquoi cette forme ?

Lorsque Jean Nithart, directeur de la collection « Musique » de Fayard m’a proposé d’écrire un ouvrage sur le jazz, j’étais musicien. J’ai su que je n’écrirai pas un livre d’histoire à la troisième personne.  Je pouvais parler du jazz (à partir de mon expérience) et non écrire sur le jazz (position de surplomb, distanciée).  Cette conviction a rencontré une intuition qui a mis des années avant de prendre forme : le roman n’est pas synonyme, terme à terme, avec fiction. Le roman inspecte la vision de ses personnages. Il est à même d’exprimer une vérité historique, une vérité personnelle bien sûr, une vérité d’expérience…

 

Trois fois le mot « vérité »…

Le mot ne me fait pas peur. Une vérité que les meilleurs des historiens ne peuvent qu’approcher. La Comédie humaine est un livre d’histoire sur la France de la Monarchie de Juillet. Le génie de Balzac nous fait pénétrer dans les effets induits de la Révolution française à tous les niveaux de la société. D’où l’importance de s’entendre sur le mot roman. Le roman travaille, creuse des représentations.

 

Que faire, quand on écrit un livre comme le vôtre, pour éviter la romance ?

Je fais alterner l’histoire écrite à la troisième personne (sans notes de bas de page !) et le récit de témoins imaginaires (deux, pour être précis) dont l’existence est traversée par le jazz. Un Noir et un Blanc. Le Noir, Ferdinand Davis, est l’oncle de Miles Davis, témoin potentiel des situations musicales que Miles, dont la carrière va de 1985 à 1991, a pu traverser.  Le Blanc, Melvin Goldberg, est l’un de ces émigrés européens, souvent juifs, que l’on retrouve dans la diffusion de cette musique : journalistes, producteurs, hommes de radio.  À Ferdinand et Melvin il revient de dire comment le jazz a pu être reçu, moment après moment.  À eux encore, il revient aussi d’exprimer la part « légendaire », fantasmatique du jazz qui fait paradoxalement partie de sa réalité, c’est-à-dire des représentations du milieu. Que faire de ces rumeurs invérifiables qui émaillent le monde du jazz ? Cette répartition entre le discours de l’historien et celui des témoins a un autre mérite : éviter l’hagiographie. Elle colle à l’esprit du jazz et même à sa lettre. Si le jazz est un art du moment, alors pourquoi ne pas installer un dispositif avec des témoins du moment et récits du moment ? Je me répète : non pas en opposition à l’histoire pour privilégier la romance mais à côté, en résonance, en proximité avec l’historien.

 

C’est donc, pour le lecteur, une manière de s’y retrouver ?

En effet. Le lecteur passe alternativement de l’information donnée par un historien au ressenti transmis par les deux témoins. La question des rapports du roman et de l’histoire me passionne. Je refuse l’idée selon laquelle réunir histoire et roman amènerait une altération, une évaporation de l’histoire. Liaison dangereuse. Je vous accorde que c’est souvent le cas. « Mécontent du tour que prenait la conversation, Louis XIV réajusta sa perruque et partit d’un grand rire qui cloua le bec à Marie-Thérèse et il lui dit : bla bla bla, bla bla »… Dans sa version jazz : « Charlie Parker gratifia Dizzy d’un large sourire et lui dit : « Hey man, ton chorus… What a drive, my Goodness ! » Il n’y a rien d’équivalent dans Le Roman du Jazz. Mes personnages de fiction racontent la manière dont on aurait pu, selon ce qu’en disent les sources historiques, apprécier Dizzy Gillespie et Parker au moment où ils jouaient. Je n’ai pas écrit un roman historique avec anachronismes et mots d’auteur. Je ne me suis pas fait le ventriloque de Dizzy Gillespie et de Charlie Parker.

 

Vous avez par ailleurs lancé un vaste chantier sur l’histoire du jazz en France, avec Laurent Cugny, professeur à la Sorbonne et Vincent Cotro, maître de conférences à Tours, deux autres spécialistes de cette musique.

Le jazz qui a suscité tant de représentations d’ordre culturel, politique, esthétique : Le Siècle du Jazz, l’exposition du Musée des Arts premiers au Quai Branly, par exemple. Notre projet prend en compte la singularité d’un jazz français. Comment expliquer que la France ait produit non seulement une approche critique du jazz, mais aussi une pléiade de musiciens exceptionnels et, sans aller jusqu’à Django Reinhardt (d’ailleurs né en Belgique), de très bons musiciens. Ce projet est musicologique, il est aussi d’histoire culturelle.

 

Le jazz, pour tous ceux qui l’ont approché, c’est avant tout l’improvisation.  Or, on a tous eu cette expérience d’impros décevantes, pour ne pas dire terriblement répétitives et ennuyeuses.

Rapport compliqué que celui de l’improvisation à l’écriture. J’avoue que, comme le dit Chéreau, je ne suis pas bluffé par l’improvisation.  Mis à part ce qu’elle attrape de l’instant, elle n’a aucune raison d’être supérieure à l’écriture. C’est un premier et un dernier jet. Si ce n’est que certaines improvisations sont ultra-bluffantes. Elles sont géniales parce qu’on y trouve la densité de l’écrit. C’est valable pour Armstrong et Parker, dans leurs grandes années. On a perdu l’idée de la grandeur des jazzmen de cette période. Alors qu’ils étaient soumis à des obligations de service – faire danser, amuser, divertir –, ils ont inventé une musique qui dépassait de loin ces contraintes. Ils ont inventé un art. Je vous renvoie à une phrase d’Anthony Burgess que j’aime beaucoup : « L’art est un commerce dont la noblesse est de donner au consommateur plus que son dû ».

 

Et le jazz aujourd’hui ?

Une fonction remplie par le jazz dans l’Europe cultivée a aujourd’hui disparu : apporter aux dominants la voix des dominés (les Noirs des États-Unis d’Amérique), apporter la liberté d’allure dans un monde corseté par les conventions, apporter un humour dévastateur au milieu des faux-semblants, la liberté de l’improvisateur dans un monde grisâtre d’honnêtes et loyaux interprètes. Le jazz rompait avec cela. Quelle est sa place dans un monde où chacun se veut spontané, expressif, libéré ? Ajouter encore de la liberté et surtout - le monde du jazz en est prodigue - de l’ironie. 

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*Philippe Gumplowicz : Le Roman du Jazz. « Les Modernes », Fayard. 498 p. 24 €.

 

 

 

 

 

 



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Mediterranea.  Zig-Zag Territoires (zigzag-territoires@wanadoo.fr) : ZZT 09 04 02 .  Distr. Harmonia Mundi (mbenoit@harmoniamundi.com). TT : 63’05.

L’Ensemble Alla Francesca, fondé en 1990, qui a gagné rapidement sa réputation internationale, s’est spécialisé dans le répertoire musical médiéval. Son quatorzième enregistrement est réalisé par Brigitte Lesne (chant, harpes, percussion), Pierre Hamon (flûtes diverses, tambour, cornemuse) et Carlo Rizzo (chant et percussion).  En 18 pièces brèves, ils offrent une synthèse « méditerranéenne » et un éventail des formes en usage du XIIe au XIVe siècle : canso, ballata (ballade), laude ; danses : istanppita (estampies), saltarello (saltarelle).  Leur message est à la fois religieux et populaire. Certaines pièces sont signées : comtesse de Die (XIIe-XIIIe s.), Guiraut Riquier (XIIIe s.), Ghirardello da Firenze (XIVe s.), d’autres anonymes. Il s’agit de chansons d’amour évoquant la belle jeune fille, de dévotion mariale, d’une invocation à saint Michel… Un apport assez neuf révèle la tradition sépharade avec un chant d’errance, une page instrumentale, un chant sur la naissance de Moïse et deux berceuses. Ce CD bénéficie d’une remarquable présentation et d’excellentes adaptations françaises de Geneviève Brunel-Lobrichon. Une fois de plus, l’ensemble Alla Francesca a signé un CD tour à tour lyrique, animé, rythmé, mis en valeur par des voix et des coloris instrumentaux appropriés.

 

Laudario di Cortona. Mystère médiéval du XIIIe siècle.  Jade (43, rue de Rennes, 75006 Paris. promotion@milanmusic.fr) : 699 681-1. TT : 50’48.

Ce mystère médiéval du XIIIe siècle figure dans un manuscrit anonyme conservé à Cortone, d’où le titre : Laudario di Cortona. Ces 24 pièces ne sont pas sans rappeler les Laudes bien connues de saint François d’Assise. Tout en prenant quelques distances par rapport au grégorien, elles préfigurent déjà la musique italienne à l’époque de l’Ars Nova. Le mystère comprend de nombreuses pièces brèves évoquant l’Annonciation, la Nativité, l’Adoration (des bergers, des mères, des mages), la louange de Marie-Madeleine ; il se poursuit avec des allusions à la Passion : le baiser de Judas, la flagellation, la crucifixion, la louange de la Croix, la Résurrection et l’Ascension. L’élaboration musicologique est due à Marcel Pérès.  Jean Gouzes dirige l’excellent Ensemble Vocal de Montpellier qu’il a créé en 1973. Les chanteurs se distinguent par la pureté des lignes mélodiques sans artifice. L’ensemble confère à ce manuscrit tout son mystère, sa poésie, son caractère dramatique, sa simplicité et les atmosphères aussi variées que la douleur, la joie et l’émotion contenue. Ce disque est complété par le Salve Regina des moines d’Estaing (Rouergue) et le chant de l’An mille, ou Prose de Montpellier. Hors des sentiers battus, il commémore dignement le 800e anniversaire de la fondation de l’Ordre franciscain.

 

Musa Latina. L’invention de l’Antique.  Alpha (Outher S.A. Rue du Chêne 27, B 1000 Bruxelles. stephanie.flament@alpha-prod.com) : 144. TT : 52’.

La musique « mesurée à l’Antique » est surtout connue par ses manifestations en France (A. de Baïf, Cl. Le Jeune...), mais elle est déjà pratiquée ailleurs. En 1480, la Grammatica brevis de Fr. Niger (Venise, 1480) est un traité avec citations (d’Ovide…) et scansions marquant le début de ce mouvement.  En Allemagne - à l’initiative de l’humaniste C. Celtes - P. Tritonius l’expérimente dès 1507 pour les écoles et universités.  Soucieux de retourner aux sources, poètes et musiciens ont ainsi forgé un important corpus à 4 voix, note contre note, comprenant des Odes, Épigrammes...  Cet excellent moyen pédagogique permet d’inculquer la scansion et la métrique, et de cultiver la mémoire par le biais du chant.  L’ode d’Horace : Iam satis terris servira de prototype pour la strophe sapphique. Elle est extraite des Melopoiae… de P. Tritonius traitant les 22 genres métriques cultivés par Horace.  Elle est d’abord chantée à l’unisson, puis à 4 voix ; l’ensemble est progressivement enjolivé par des cordes, flûtes et percussions permettant d’éviter la monotonie répétitive de la scansion, dans le respect de la longueur des syllabes et des pieds.  Le mouvement français est représenté, entre autres, par la chanson si expressive de Claude Le Jeune : Qu’est devenu ce bel œil, avec son chromatisme de tension.  Au total : 13 pièces mises en valeur prosodiquement et musicalement par l’Ensemble Daedalus qui, sous la direction de Roberto Festa, maîtrise parfaitement l’esthétique homophonique, homorythmique et homosyllabique, tout en évitant la monotonie.  Excellent retour ad fontes.

 

Georg Philipp TELEMANN : Brockes-Passion.  2CDs Harmonia Mundi (33, rue Vandrezanne, 75013 Paris. mbenoit@harmoniamundi.com) : HMC 902013.14.  TT : 139’51.

L’infatigable René Jacobs, à la tête du RIAS Kammerchor et de l’Akademie für alte Musik Berlin, a signé cette version très expressive dont l’excellence n’est pas à démontrer. Le texte incombe à Barthold Brockes : d’où le titre de Brockes-Passion.  En 1718, dans son Autobiographie, G. P. Telemann (1681-1767) rappelle que ce texte, qu’il découvre en 1716, était « considéré par les connaisseurs comme insurpassable ».  Il en élabore très rapidement un Oratorio de la Passion (« Jésus souffrant et mourant pour les péchés du monde »), pour soli, chœur et orchestre (TVWV 5 : 1), créé la même année à Francfort/Main.  Elle comprend deux grandes parties (totalisant 117 numéros), au cours desquelles sont évoqués : la Sainte Cène ; le discours de Jésus à ses disciples ; les reniement et repentir de Pierre ; la comparution de Jésus, le désespoir de Judas, et sa mort ; la condamnation et crucifixion de Jésus, dans lesquels alternent récitatifs de l’Évangéliste, Airs et Ariosi, récitatifs accompagnés, chœurs et chorals.  Cette version aérée de la Passion selon Brockes s’impose par l’excellente diction et la volubilité de l’Évangéliste, l’investissement de chaque soliste, la précision de la direction, l’homogénéité du chœur, l’expressivité des chorals, l’orchestre rompu à toutes les exigences baroques, le caractère dramatique sans exagération : une Passion autrement.

 

Works for Panflute and Orchestra.  Swiss Symphonic Composers, vol. 3.  VDE Gallo (rue de l’Ale 31, CH-1003 Lausanne. info@vdegallo.ch) : 1258.  TT : 49’38.

Olivier Buttex, directeur de la maison VDE-Gallo, a été sollicité par Michel Tirabosco qui, après ses enregistrements de musique de chambre, souhaitait associer la flûte de Pan (nai, instrument des bergers roumains) à des œuvres avec orchestre, et c’est ainsi que le Genevois David Chappuis (°1966) a « relevé le défi d’écrire un Concerto de près d’une demi-heure en quelques mois ».  L’aventure s’est transformée en réussite, et le projet a été réalisé par le chef suisse Emmanuel Siffert, à la tête du Volgograd Philharmonic Orchestra.  Le Concerto pour flûte de Pan : « Une enfance exceptionnelle » de D. Chappuis a été créé et enregistré en 2007 lors d’un concert avec l’Orchestre philharmonique de Volgograd. Il s’agit d’un vaste poème symphonique à la fois lyrique, douloureux et joyeux, avec une consonance folklorique, mettant particulièrement en valeur les sonorités de l’instrument et la volubilité de l’interprète soutenu par un orchestre très étoffé.  Il est précédé par la célèbre Vocalise de S. Rachmaninov (1873-1943), et suivi par l’Alba Song d’Allardyce Mallon (°1965), d’origine écossaise, très actif en Suisse et en Allemagne.  Cette œuvre, proche de la romance, comporte de nombreuses répliques de la flûte de Pan. Cette excellente réalisation discographique se termine par Solo de Michel Tirabosco (°1968) révélant toutes les possibiltés techniques (souffle et phrasé) et expressives de la flûte de Pan, avec des sonorités inouïes, des inflexions souples servies par une technique extraordinaire qui se joue de toutes les difficultés.  Belle défense et illustration de la flûte de Pan.

 

Hymnes du Mont Athos.  Jade (43, rue de Rennes, 75006 Paris <promotion@milanmusic.fr>) : 699 686-2. TT : 71’08.

Le Mont Athos, situé dans la péninsule montagneuse de Macédoine centrale, regroupe une vingtaine de monastères. Il est rattaché au patriarche de Constantinople. Depuis le Haut Moyen Âge, ce lieu saint a attiré un grand nombre d’ermites de tous horizons. Au monastère de Simonos Petra, fondé au XIIIe siècle par l’ermite saint Simon le Myroblite, le chant liturgique byzantin occupe une large place. Le chœur des moines de ce monastère propose 11 chants, dont la Grande Doxologie (en second mode plagal et rythme ternaire) bien connue, très développée, de facture mélodique orientale. À la fois triomphale et impressionnante, elle est interprétée par des voix masculines assez rudes. L’hymne mariale : Vierge pure (Agnie parthene)… - composée par saint Nectaire d’Égine (1846-1920), prêtre, évêque, moine et l’une des plus grandes figures de l’Église orthodoxe de Grèce - retiendra également l’attention : tout en respectant les règles du chant byzantin, le rythme et la versification de la poésie profane, il incorpore quelques éléments de musique populaire traditionnelle. Parmi d’autres pièces, figurent les Psaumes 33 : Je bénirai le Seigneur en tout temps… et 95 : Chantez au Seigneur un cantique nouveau… illustrant les divers modes plagaux. Cette réalisation intéressera les hymnologues et les historiens des sensibilités religieuses.

 

Ludovico BALBI : Psalmi ad vesperas canendi per annum (vol. II). Tactus (CD Diffusion, 28, route d'Eguisheim, BP 4, F-68920 Wettolsheim. info@cddiffusion.fr) : TC 540202. TT : 75’52.

Ludovico Balbi semble être né vers 1545, d’après une lettre de C. Porta datant de 1579, dans laquelle il le définit comme une homme de 34 ans environ. Il a occupé plusieurs postes de maître de chapelle, et est mort en 1604. Il a composé des œuvres de musique sacrée et des Madrigaux et, dans la mouvance du Concile de Trente (1545-1563), a édité le Graduale romanum… À Feltre, en 1594, il a édité les Psaumes pour les Vêpres à chanter pendant l’année. Ce disque illustre l’art de ce maître italien dans le style vénitien. Les versets des Psaumes et du Magnificat en chant figuré sont chantés « alternatim » : en alternance avec les versets de plain-chant, mais aussi avec les versets d’orgue. Le mérite de la restitution en revient d’abord à Piervito Malusa, puis à la Schola Cantorum de Santa Giustina, au Daphne Ensemble, à l’organiste Stefano Lorenzetti, tous dirigés, en respectant la tradition, par Fabricio da Ros. À plus d’un titre, ce disque retiendra l’attention des liturgistes, des chanteurs et des mélomanes.

 

Élisabeth JACQUET DE LA GUERRE : Quatre Cantates du Livre II.  Gilles Perny Production (145, av. de Cazouls, 34370 Maraussan) : GPP 004.  TT : 60’08.

Les mélomanes découvriront avec intérêt quatre Cantates bibliques extraites du Livre II (1711) d’Élisabeth Jacquet de La Guerre (1665-1729), femme compositeur à l’époque de Louis XIV.  Reposant sur le livret de M. de La Motte, tiré des Écritures, elles évoquent trois personnages bibliques : Adam (cantate n°1), Samson (n°6) et Joseph (n°4) ; et Le Temple rebâti (n°2), pour commémorer et célébrer la délivrance d’Israël par Cyrus et annonçant la reconstruction du Temple de Jérusalem, avec une symphonie d’ouverture éclatante.  Ces cantates sont écrites pour une voix de dessus : A. Büchel (soprano) et basse continue : G. Bezzina (violon baroque), S. Brix (viole de gambe) et V. Elliott (clavecin).  Dans son excellent texte de présentation, Catherine Cessac - spécialiste, entre autres, d’É. Jacquet de la Guerre -, rappelle que les strophes (récits ou récitatifs) alternent avec les airs, et que « le rôle du premier récitatif est de situer la scène.  Le deuxième développe le conflit jusqu’au point de crise, alors que le dernier apporte la résolution […] et énonce la morale tirée de l’histoire ». Ces œuvres reflètent l’atmosphère régnant à la Cour au Grand Siècle.  À découvrir.

 

Concerti Musicali.  La voce del mandolino baroccoJade : 699 685-2.  TT : 65’07.

L’Artemandoline Baroque Ensemble se donne pour objectif de collaborer au renouveau de la mandoline et de son répertoire, par le biais de stages, de concerts (Europe, Japon) et d’éditions.  Très soucieux de respecter les exigences des manuscrits et traités originaux et la variété des ornements, il s’impose par sa rigueur, sa haute technicité et sa sensibilité musicale. Le présent disque - qui a le mérite de réhabiliter un répertoire oublié - est, en grande partie, consacré au répertoire italien du XVIIe siècle, avec une exception pour la Symphonie en ut majeur de Placidus von Camerloher (mort en 1782).  Ces Sonates et Concertos sont généralement composés en 4 (ou 3) parties. Si les deux Concerto en sol mineur (F. XI n°33), et en ut majeur (RV 425), d’A. Vivaldi (1678-1741), sont écrits pour mandoline, en revanche la Cantate pour soprano d’A. Caldara (1670-1736) fait appel à deux mandolines et basse.  La Symphonie de Chr. W. Gluck (1714-1787), en trois mouvements contrastés : Allegro, Andante, Presto, particulièrement bien enlevée, termine brillamment ce florilège rendant hommage à « la voce del mandolino barocco ».

 

Robert SCHUMANN : Für die Jugend… 2 CDs Alpha : 145.  TT : 62’55 + 69’56.

Le titre général : Für die Jugend… n’est autre que celui de l’Album à la jeunesse de Robert Schumann (1810-1856) que tant de jeunes pianistes ont travaillé… Le CD1 de ce coffret, très bien présenté, commence par 12 pièces (Clavierstücke) à 4 mains « pour petits et grands enfants », op. 85 interprétées d’un ton décidé (Marches), avec simplicité (Reigen), expression (Abendlied) par Éric Le Sage et Frank Braley (piano à 4 mains).  Dans Ball-Scenen9 charakteristische Tonstücke, op. 109, ainsi que dans Kinderball – 6 leichte Tanzstücke, op. 130, le deux pianistes Éric Le Sage et Denis Pascal (piano à 4 mains) font preuve d’énergie, de virtuosité et d’une solide technique pianistique. Cette partie de danses est tour à tour festive, grave, animée.  Le CD2 comprend les 43 pièces du célèbre Album pour la jeunesse, op. 68, avec 18 pièces pour jeunes enfants, et 25, pour de plus grands enfants.  On écoutera avec plaisir le Choral, Le pauvre orphelin, Premier chagrin ; des pièces plus  enlevées : Knecht Ruprecht (équivalent de Croquemitaine pour les enfants français), Le cavalier sauvage…  La seconde partie comprend notamment La petite romance, chef-d’œuvre particulièrement expressif et mélancolique ; une œuvre didactique : Petite Fugue - en fait : petit Prélude et Fugue - sur un sujet capricieux ; et se termine sur le Chant pour la Saint-Sylvestre qui s’impose par son calme et sa sereine mélancolie.  Éric Le Sage propose une interprétation fidèle aux intentions de Schumann, et rend les atmosphères si diversifiées jusque dans leurs moindres nuances : modèle d’interprétation pour professeurs et pianistes de tous âges.

Édith Weber

 

Johann Sebastian BACH : Cantates « Aus der Tieffen ruffe ich, Herr, zu dir » BWV 131, « Himmelskönig sei wilkommen » BWV 182, « Christ lag in Todesbanden », BWV 4.  Katharine Fuge, soprano. Carlos Mena, contre-ténor. Hans Jörg Mammel, ténor. Stephan MacLeod, basse.  Ricercar Consort, dir. Philippe Pierlot.  Mirare : MIR 057. TT : 68'06.

Les trois œuvres jouées ici présentent des caractéristiques bien différentes. La cantate BWV 131 « Depuis l'abîme, je crie vers toi, Seigneur » enchaîne cinq parties selon la pratique du motet. Sa composition doit encore à Buxtehude. Des ensembles choraux en forme de préludes et fugues alternent avec des morceaux vocaux. Ces derniers soit sont de style arioso (intervention de la basse) soit empruntent à l'aria avec strophe de choral, faisant alors intervenir les voix deux par deux (soprano et basse, alto et ténor).  La cantate BWV 4, « Christ gisait dans les liens de la mort » est une curiosité puisque faite de sept strophes dont le matériau instumental varie de l'une à l'autre. Introduite par une courte sinfonia sombre et poignante, elle propose une construction en arche dont la quatrième strophe constitue la clé de voûte. On y passe de la grande déploration face à la mort à l'expression d'une douleur sereine devant celle-ci. Enfin la cantate BWV 182 « Roi des cieux, sois le bienvenu », pour le dimanche des Rameaux, suit la forme plus habituelle de l'alternance choral-air.  Le traitement mélodique y est notable aussi à travers des arias notamment de la basse - voix que Bach associe à la parole exprimée du Christ - ou de l'alto - ici un contre-ténor – livrant la plus intense des déplorations sur un accompagnement de flûte à bec.  Ces interprétations se signalent par leur climat chambriste, car l'ensemble instrumental que dirige le gambiste Philippe Pierlot est réduit à une dizaine de musiciens.  Elles sont parées d'une grande rigueur d'accents, qui n'exclut pas un sens de l'improvisation.  La profondeur et le recueillement caractérisent les interventions des solistes vocaux dont se détache la voix éthérée de la soprano.

 

Luigi BOCCHERINI : Quintette pour cordes n°91, Sextuor n°4, Quatuor à cordes n°56, Trio à cordes n°22.  Fabio Biondi & membres de Europa Galante.  Virgin Classics : 2 12149 2.  TT :74'08.

Fabio Biondi poursuit son exploration de la musique de chambre de Boccherini. Ce compositeur prolixe connut plusieurs périodes créatrices dans son Espagne d'adoption avant de se voir confier les plus hautes fonctions à la Cour de Berlin. Toutes ces pièces se signalent par leur fraîcheur mélodique, leur inventivité thématique et une variété dans le rythme qui ne lassent pas. Tel le quintette avec deux violoncelles n°91, puisé parmi les 47 composés pour Frédéric le Grand, amateur éclairé et lui-même virtuose du violoncelle.  Il débute curieusement par un adagio et se distingue par un deuxième mouvement aux « rythmes lombards », aussi original que savoureux, et un finale presto endiablé avec rythmique à l'arraché.  Le sextuor à cordes n°4 est un modèle d'équilibre et de grâce. Le passage grave se verra conférer la portion congrue et relèguer en troisième position.  Le quatuor à cordes, dédié aussi au monarque allemand, est plus austère et rigoureux dans sa forme, quoique la variété thématique y soit tout aussi intéressante.  Le trio n°22, enfin, est un miracle de goût et de couleurs instrumentales qu'avive une savante maîtrise de l'équilibre entre les trois instruments. Le style insouciant de la première période espagnole ne trouve pas meilleur exemple que dans l'andantino central dont les effets originaux d'harmonie renouvellent le genre ; tout comme Joseph Haydn le faisait par ailleurs au même moment. Il est intéressant d'écouter ces pièces dans un ordre décroissant d'intensité car on savoure combien Boccherini sait en traiter les diverses formes de composition. Les interprétations de Biondi & friends sont sémillantes en même temps que parées d'une souple rigueur.

 

George Frideric HÄNDEL : Ezio, HWV 29.  Opéra en trois actes d'après un livret de Pietro Metastasio.  Sonia Prina, Ann Hallenberg, Karina Gauvin, Vito Priante, Anicio Zorzi Giustiniani.  Il Complesso Barocco, dir. Alan Curtis.  3CDs Universal/Archiv : 477 8073.  TT : 67'56 + 61'08 + 57'45.

Peu représenté parmi les opéras de Haendel, Ezio s'inspire d'une pièce de Pietro Metastasio, illustre pour sa parfaite logique dramatique et son haut niveau littéraire.  Celle-ci fut toutefois « amodiée » par le compositeur pour un résultat plus confus : ce qui valut à l'opéra un succès mitigé à sa création, en 1732.  Il n'en demeure pas moins que le grand musicien y excelle dans la peinture des passions : envie, trahison, jalousie, égoïsme, sentiments souvent décrits avec une pertinence saisissante.  Ezio, général romain, créé par le castrat Senesino, propose une belle progression dramatique ; Valentino compose un monarque, certes grandiose, mais désemparé, agité dans ses pensées contradictoires ; et Massimo est un traître guidé par une obsédante quête de vengeance.  Fluvia à laquelle son traître de père veut faire jouer un rôle d'appât, ira, dans sa volonté de refus, jusqu'au délire de trilles hallucinés, préfigurant la scène de la folie de Lucia di Lammermoor.  Le sujet traité est, en effet, la brouille entre l'empereur Valentinien III et son général en chef, vainqueur des Huns d'Attila, causée par Massimo, le confident du monarque, résolu à se venger de l'affront que lui fit naguère celui-ci en tentant de séduire sa femme.  La partition renferme quelques joyaux vocaux dont une aria pour basse avec trompette obligée et roulement de timbales.  Les récitatifs sont d'un dramatisme accusé et les arias da capo offrent les ornements les plus choisis. Par dessus tout, le discours orchestral fleure le détail fin et la subtile nuance, mais aussi le haut en couleurs des émotions spontanées.  Peu de chefs aujourd'hui savent mieux qu’Alan Curtis donner vie à ces grandes affaires haendeliennes : un dynamisme plus élégant que brusque, un art des contrastes affirmés sans être excessifs sont là pour le démontrer.  Et l'ensemble Il Complesso barocco en communique toute la tension. Curtis a assemblé un cast sans faiblesse aucune dont chaque membre joue aussi bien qu'il chante. Une passionnante découverte et une réussite tout aussi incontestable.

 

George Frideric HÄNDEL : Arias tirées de Tamerlano, Rodelinda, Serse, Ariodante, La Resurrezione.  Rolando Villazón, ténor.  Gabrieli Players, dir. Paul McCreesh.  Universal/DG : 4778056.  TT : 59'.

Signe des temps que la prolifération d'albums programmés autour d'un artiste renommé.  Voici donc Rolando Villazón, le ténor lyrique champion du répertoire français, se livrant à un exercice peu ordinaire : chanter Haendel.  Il confesse que la passion du baroque lui est venue, tel un coup de foudre, à l'écoute d'un récital Vivaldi de Cecilia Bartoli.  Et qu'après avoir abordé quelques arias de Monteverdi avec Emmanuelle Haim, le temps était venu de se frotter à d'autres pièces baroques.  Pourquoi pas Haendel, dont on allait commémorer un millésime important ! De fait, l'opération a de l'allure ; d'autant que ses partenaires sont des spécialistes de ce répertoire et garantissent l'authenticité du résultat. Mais l'énergie communicative dont on sait le ténor mexicain fort pourvu, la sincérité de ses prestations suffisent-elles ici ?  La diction est irréprochable comme le sens du texte, et il n'y a rien à redire sur les vocalises, mises à part, çà et là, quelques notes bien sonores en fin de phrase, presque trop.  Il reste que la performance, car c'en est une, éblouit plus qu'elle n'émeut.  Bravo à la démonstration qu'on ne doit pas ici « chanter comme un ténor romantique », et qu'il est possible d'assimiler un tout autre style que le sien.  Un doute cependant : tout cela n'est-il pas fait, génialement certes, pour les besoins de la cause ? Et l'adjectif extravagant vient à l'esprit.  On a mêlé airs écrits pour la voix de ténor et airs destinés au répertoire de castrat, transposés pour l'occasion ; afin sans doute d'inclure des joyaux comme le célèbre « Ombra mai fu » tiré de Serse ou des pages de l'opéra Ariodante.  C'est sans doute dans le rôle de Bajazet de Tamerlano que Villazon se montre le plus près de l'esprit, dispensant un bel art du récitatif et des contrastes saisissants entre menaces et émotion paternelle.  Les deux extraits de l'oratorio La Resurrezione sont peut-être plus réussis encore, car paradoxalement privés de substrat directement dramatique. Un joli coup ! Mais se doit d'être dégusté par les fans du chanteur.

Centenaire Haydn

Joseph HAYDN : Symphonies n°93, 96 (« The Miracle »), 98, 100 (« Military »), 101 (« The Clock »), 102, 103 (« Drum Roll »).  Ouverture de l'opéra « Il Mondo della Luna ».  Symphonie concertante Hob.I : 105.  Chamber Orchestra of Europe, dir. Claudio Abbado.  4CDs Universal/DG : 477 8117.  TT : 48'59 + 42'55 + 53'35 + 53'48.

Excellente idée que d'avoir réunis dans un même coffret les enregistrements effectués, entre 1986 et 1995, par Claudio Abbado de symphonies de Haydn empruntées à la série des « Londoniennes ».  Triomphe de la forme classique, ces pièces sont aussi « animées d'une frénésie de nouveauté » (Marc Vignal).  On sait leur foisonnement mélodique qui semble ne pas connaître de limites, comme l'art avec lequel Haydn transforme une idée en autant de variantes ; mais aussi l'invention de traits originaux, à commencer par l'introduction lente qui ouvre les allegros initiaux, ces points d'orgue inattendus aussi, ces manières de refrain humoristique encore, voire ces cadences d'instruments solistes survenant impromptu.  Que dire des effets de surprise, tel borborygme truffant la fin de la 93e Symphonie, tout un attirail sonore militaire pimentant l'allegretto de la 100e.  L'instrumentation est toujours savante, différenciée, pour des effets sonores subtils (roulement de timbales et unisson des cordes graves & du basson ouvrant la 103e).  Les interprétations du maestro Abbado sont parées d'une élégance qui enchante l'oreille, d'esprit et de transparence dans la texture, même dans la sombre 98e Symphonie, et d'une poésie gracile.  Quel art de l'extrême nuance, de l'étagement de la dynamique forte/piano, de la rythmique souple que rien ne heurte ! L'élan du discours, la verve et la gaieté qui se teinte souvent d'une naïve bonne humeur (finale de la 101e, presque opératique) distinguent ces exécutions entre mille.  Le COE brille par sa spontanéité et une plastique instrumentale d'une souveraine beauté, nuances infinies des cordes, jeu raffiné des bois.  La Symphonie concertante s'intégre naturellement dans cet ensemble - dont on regrette seulement qu'il ne soit pas complet.  Œuvre unique en son genre par sa distribution instrumentale, deux bois, deux cordes, elle renferme des effets étonnants, par exemple lorsqu'à l'andante le chant serein s'exprime deux par deux, basson & violon d'une part, hautbois & violoncelle de l'autre.  Encore un trait du génie de Haydn.

HAYDN 7 Londoner Symphonien Abbado

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Johannes BRAHMS : Concerto pour violon et orchestre op.77. Double concerto pour violon, violoncelle et orchestre op.102.  Vadim Repin, violon. Truls Mork, violoncelle. Gewandhausorchester Leipzig, dir. Riccardo Chailly.  Universal/DG : 477 7470.  TT : 72'57.

Après un formidable CD des deux concertos pour piano - avec Nelson Freire -, Riccardo Chailly et son orchestre du Gewandhaus se tournent vers le Concerto pour violon de Brahms dont l'atmosphère est si proche de la Deuxième symphonie.  Le soliste en est Vadim Repin dont Menuhin disait le plus grand bien. Avec raison. Car voilà bien une exécution de premier plan. Le discours d'un absolu naturel qui tourne le dos à l'effet, la sonorité confidente, les passages aigus perlés, l'articulation d'une extrême souplesse enluminent cette pièce que caractérise la profusion mélodique. Ainsi du premier mouvement dont Repin cueille tout le lyrisme. Il joue la cadence de Heifetz, et non celle du créateur Joachim qui, si elle « colle » tout autant à l'esprit, bannit curieusement toute virtuosité débordante.  L'adagio, introduit par la cantilène des bois, laisse au soliste un large espace chantant où le partenariat avec l'orchestre se fait sur un pied d'égalité. Tout comme dans le finale giocoso, alors que la scansion à la hongroise, d'une énergie irrépressible, est échangée entre violon et commentaire symphonique.  La richesse sonore du Gewandhaus est pour beaucoup dans la séduction de cette exécution, s'accordant à l'idiome chaudement lyrique de Brahms. On a ajouté le Double concerto où Repin est rejoint par le celliste Truls Mork.  Là encore la relation des deux solistes à l'orchestre est telle que ceux-ci sont partie prenante d'un ensemble plus qu'ils ne s'en détachent : dialogue intense entre deux musiciens d'élite, d'autant que captés avec doigté par la régie sonore qui a réussi une prise de son très immédiate.  Cette dernière pièce dédiée par Brahms à l'orchestre (1887) est plus déclamatoire que l'œuvre précédente, mais le cheminement thématique témoigne toujours de son inspiration la plus sentie.

 

Gabriel FAURÉ : Ballade pour piano & orchestre op.19.  Berceuse pour violon op.16.  Élégie pour violoncelle & orchestre op.24.  Concerto pour violon & orchestre op.14. Romance pour violoncelle op.69. Fantaisie pour flûte & orchestre op.79. Fantaisie pour piano & orchestre op.111.  Jérôme Ducros, piano.  Jean-Marc Phillips-Varjabédian, violon.  Henri Demarquette, violoncelle.  Juliette Hurel, flûte.  Orchestre de Bretagne, dir. Moshe Atzmon.  Timpani : 1C1172.  TT : 64'.

Voilà un CD fort intéressant qui réunit - pour la première fois - les œuvres concertantes de Fauré. La chose est d'autant plus inédite que le grand compositeur, qui manie si bien la musique de chambre et le piano, « semble tourner le dos à l'orchestre toute sa vie » (Hanna Krooz). Et pourtant, si on n'y trouve pas les plus grandes inspirations, que de pages délicates qui portent la marque souveraine de leur auteur. La forme concertante, on la trouve d'abord pour le piano : la célébre Ballade, à l'origine pour piano seul et orchestrée entre 1879 et 1881, ne dépare pas avec un accompagnement d'orchestre.  Jérôme Ducros en livre une exécution sensible.  La Fantaisie pour piano, écrite d'abord pour deux pianos, fut créée dans sa version concertante par Cortot en 1919, sous la direction de Vincent d'Indy.  On retrouve la manière de ballade modulante si caractéristique du grand maître, même si l'orchestre apporte « une sorte de convention de concert » (ibid.).  Le violon ensuite, avec la Berceuse, bis favori des violonistes dans sa version avec piano. Elle n'en est pas moins tout aussi habitée en forme concertante.  Le Concerto pour violon op.14, joué d'un seul tenant, est certes d'inspiration inégale ; mais sa sobre virtuosité produit un agréable effet. Curiosité donc, qui ne remplacera jamais le grand concerto romantique qu'attendaient les admirateurs de Fauré.  La flûte enfin, avec la Fantaisie op.79, à l'origine morceau de concours du Conservatoire, qui ne fut orchestrée qu'en 1957 par Louis Aubert, et créée par Rampal : jolie variation tour à tour élégiaque et pimpante où transparaît cette suprême élégance française teintée d'esprit, marque indélébile de la manière fauréenne.  Les belles exécutions solistes trouvent en Moshe Atzmon et dans le dynamique Orchestre de Bretagne de sympathiques partenaires.

 

Maurice RAVEL : L'Enfant et les sortilèges.  Ma Mère l'Oye.  Magdalena Kozena, Annick Massis, Sophie Koch, Nathalie Stutzmann, François Le Roux, José van Dam, Jean-Paul Fouchécourt, Mojca Erdmann.  Berliner Philharmoniker, dir. Sir Simon Rattle.  EMI : 2 64197 2.  TT : 72'58.

Il est difficile de penser meilleure distribution que celle assemblée par Simon Rattle pour son enregistrement de L'Enfant et les sortilèges. Sur le beau texte de Colette, Ravel a écrit une de ses partitions les plus attachantes, d'une fantaisie tout en finesse : une délicieuse histoire de gosse malappris qui casse tout, mais se rachète au point que toutes ses « victimes », objets et animaux, vont chercher à le sauver.  Un tel sujet avait de quoi séduire le musicien qui aimait tant le monde de l'enfance, les objets aussi, de minuscule taille de préférence, à en juger par ceux qui habitent son domicile de Montfort-l'Amaury, aux dimensions de maison de poupée. La musique est un chef-d'œuvre de délicatesse, en même temps d'une réelle profondeur.  Familier de la pièce qu'il dirigea naguère à Glyndebourne, Rattle en fait ressortir le merveilleux, grâce à une approche qui ne lésine pas sur les couleurs chatoyantes d'une orchestration mirifique.  Les musiciens du Berliner dispensent des foisons de perles sonores, telle la flûte enlaçant la voix éthérée de la Princesse, et un vrai son gallique.  Ces adorables saynètes trouvent la juste atmosphère comme des accents vrais chez les chanteurs aux multiples incarnations, dont la palme revient à Sophie Koch.  Magdalena Kozena, l'Enfant, est tour à tour espiègle, naïve dans la découverte de la nature merveilleuse, pétrie d'émotion. Le « duo miaulé » est inénarrable de drôlerie.  Seul le tableau de « l'Arithmétique » reste en deçà.  Il n'est que d'écouter le piquant d'un Michel Sénéchal dans la version de Lorin Maazel - une référence gravée en 1959 - pour mesurer ce que le beau chant français peut avoir de naturel.  Complément idéal, Ma mère L'Oye trouve là encore une exécution d'un incomparable raffinement.  Bien que le tempo soit très lent, on ne résiste pas à un tel fini instrumental.

Henri DUTILLEUX : Symphonie n°1.  Bohuslav MARTINŮ : Symphonie n°4.  Orchestre de la Suisse romande, dir. Ernest Ansermet.  Enregistrements de 1956 et 1966.  Cascavelle (Distr. Abeille Musique) : VEL 3127.  TT : 67'.

Fondateur et directeur de l'Orchestre de la Suisse romande pendant quelque 50 ans, Ernest Ansermet est de ces chefs d'exception qui ont marqué le XXe siècle d'une empreinte définitive.  Acteur de la vie musicale européenne, il a été l'ami de nombreux compositeurs dont il se fera un devoir de défendre les créations. Il sera le premier à introduire en Suisse la musique d’Henri Dutilleux, dont il donnera la première audition de la Première symphonie. Créée à Aix en 1952, celle-ci contient déjà ce qui façonnera le langage si personnel de son auteur, un univers sonore souvent mirifique où le rythme a toute sa place, sans être envahissant.  Le mystère de la passacaille initiale laisse place à un scherzo vivace, sorte de concerto grosso pour cordes, bien animé, qui fait penser à Honegger de par son sens de l'urgence.  L'intermezzo lento crée une belle diversion de par la mélodie des cordes dont se détachent des instruments insolites comme le saxophone.  Le finale con variazioni est exubérant avec ses conglomérats sonores en pierreries, et adopte un style motorique, avant que l'œuvre ne s'achève dans la sérénité.  Ansermet est ici l'ardent serviteur d'une pièce passionnante.  Bohuslav Martinů se tourna vers le chef suisse plusieurs fois pour retrouver l'audience qui n'était pas toujours à la hauteur de ses espérances. Sa Quatrième symphonie, de 1945, offre une monde lumineux, brillant, extrêmement mobile dans les deux premiers mouvements.  Le scherzo fait penser à une chevauchée qu'entrecoupe un trio en forme de mélodie tchèque. Le largo se fait plus introspectif et prodigue des sonorités étranges. D'abord dramatique, le finale voit vite revenir le climat optimiste des débuts de l'œuvre.  Il s'achèvera dans « l'agitation d'une cavalcade joyeuse » (Guy Erismann).  Là encore, la conviction d'Ansermet et son art suprême du phrasé donnent à cette pièce sa belle saveur.

Jean-Pierre Robert

 

Thierry MACHUEL (°1962) : Sur la terre simple.  Œuvres profanes pour chœur a cappella.  Solistes du chœur Mokrokosmos, dir. Loïc Pierre.  Label inconnu : LI 09-0301 (.  Distrib. Codaex.  TT : 57’16.

Remarquable est ce corpus d’œuvres profanes a cappella, inspirées au compositeur (www.thierrymachuel.com) par des textes poétiques autour du thème de l’altérité et de la finitude de la vie - avec en exergue : « Je n’ai de certitude qu’un cœur qui bat et qui, bientôt, ne battra plus » (Edmond Jabès).  Textes en français d’Edmond Jabès (Un étranger avec, sous le bras, un livre de petit format) et d’Yves Bonnefoy (La parure éphémère ; Sur la terre simple), en danois d’Inger Christensen (Sous une pierre), en anglais de Kathleen Raine (Le Royaume invisible), en portugais de Sophia de Mello Breyner (Chemin), en roumain de Lucian Blaga (Je m’agenouille dans le vent), en italien de Daniela Attanasio (Vers la nudité), en espagnol de José-Angel Valente (Apparition de l’oiseau).  Ardent prosélyte des répertoires de notre temps, Loïc Pierre fait ici merveille à la tête de dix-huit jeunes solistes, émanation du Chœur de chambre Mikrokosmos avec, pour récitants, Annie Baud-Kaltenbach & Thierry Machuel.  Voilà un extraordinaire enrichissement du répertoire a cappella, d’autant mieux que ces pièces ne semblent pas d’une extrême difficulté.  Citons le cher Henri Dutilleux, dans son adresse au compositeur : « […] je constate que votre art se présente comme le plus original que je connaisse dans la jeune école internationale ».

 

…Et de l’aube émerge… Alexandre SCRIABINE (1872-1915) : Préludes op.11.  Karol SZYMANOWSKI (1882-1937) : Préludes op.1.  Kirill ZABOROV (°1970) : Hommage à la mémoire de Chostakovitch.  Suite-Fantaisie.  Guigla Katsarava, piano.  Polymnie (www.polymnie.net) : POL 150 658.  TT : 75’.

Dans ses 24 Préludes op.11, Scriabine se dégage de l’influence de Liszt et de Chopin, pour affirmer une personnalité extrêmement originale qui prendra bientôt le virage « messianique » que l’on sait.  Alternant modes majeur et mineur, il parcourt toutes les tonalités, dans l’ordre croissant des dièses, puis celui, décroissant, des bémols.  Les 9 Préludes op.1 de Szymanowski, cycle sombrement romantique, ont été écrits en 1900.  Kirill Zaborov fut d’abord musicien de jazz (influence de Bill Evans, Paul Bley et Keith Jarrett).  En porte notamment trace sa Suite-Fantaisie (1999).  Enseignant à l’École Normale de Musique de Paris, le pianiste géorgien Guigla Katsarava met justement en valeur l’extraordinaire lyrisme des pièces de Scriabine, le caractère élégiaque de celles de Szymanowski, aussi bien que l’aspect « nocturne » de celles de son ami Kirill Zaborov.

 

POUR LES PLUS JEUNES

André BORBÉ : Les 4 Jeudis.  Victorie Music : 301791-3.  Distr. Universal. 

Auteur-compositeur-interprète belge, André Borbé sort, en France, le premier de ses sept albums réalisés à ce jour.  Disque composé de 4 groupes de 4 chansons : Combien ? Comment c’est possible ça ? C’est quoi ce truc ? C’est toi qui joue ? La voix est claire, la diction parfaite, les sons… synthétiques.  Extraits des chansons & textes téléchargeables sur : www.andreborbe.be ou www.myspace.com/andreborbe

 

Annik MESCHINET & William LECOMTE : Jouap’la vie.  Chorale d’enfants Rouge Malice.  Enfance & musique : DCDP80.

Accompagnés par 7 talentueux musiciens professionnels, 24 jeunes chanteurs du Jura (de 8 à 14 ans) swinguent sur des rythmes jazzy ou latins (11 titres).  Extraordinaire virtuosité vocale de ces enfants ! Une aventure hors des sentiers battus…  Extraits des chansons & textes téléchargeables sur : www.rouge-malice.com ou www.myspace.com/compagnierougemalice

 

Pascal AYERBE : Les Gribouillis. « 13 musiques pour jouets, objets & choses à bruits… ».  Enfance & musique : DCDP89.

Musiques concrètes ludiques et farfelues, faites de CD rapant - rape à gruyère, rape à carottes, rape à patates & autres ustensiles de cuisine… Extraits à écouter sur : www.pascalayerbe.com

 

Hélène BOHY & Olivier CAILLARD : Le bateau de Nino.  À partir de 1 an.  Enfance & musique : DCDP84.  TT : 47’.

Dix-neuf nouvelles chansons poétiques nous sont ici proposées par le merveilleux duo Hélène Bohy/Olivier Caillard.  Incluant des musiques empruntées à César Portillo de La Luz (Écoutez bien ces chansons !), Francis Lemarque (Le mille-pattes), Astor Piazzolla (Tangonino), Duke Ellington (Douwap Douwap), Charlie Parker (Le casse-tête).  Plus 3 bonus vidéo (à lire sur ordinateur).  Un must !

 

Francis Gérimont

 

DVD

Antonin DVOŘÁK : Rusalka, conte lyrique en trois actes.  Renée Fleming, Sergei Larin, Franz Hawlata, Larissa Diadkova, Eva Urbanova, Michel Sénéchal.  Orchestre et chœurs de l'Opéra national de Paris, dir. James Conlon.  2DVDs Arthaus Musik : 107 031.  TT : 155'.

Le conte lyrique Rusalka puise à la légende de l'ondine qui aspire à devenir femme, et aborde le conflit entre univers de l'eau et de la terre, entre domaine des esprits et monde des hommes. L'interférence de ces deux sphères est au centre de la dramaturgie imaginée par Robert Carsen pour sa production à l'Opéra Bastille.  Interprétative, sa mise en scène l'est au second degré en ce qu'elle oppose des espaces idéalisés : un lac malgré tout enfermé, telle une piscine, une vaste chambre cossue.  Comme dans sa régie fameuse du Midsummer Night's Dream, il compose une variation sur la chambre et le lit, conçue en effet de miroir : l'endroit et l'envers d'un même lieu, voire son dédoublement ; vision comme à travers une glace sans tain.  La nymphe restera partagée entre ces illusions.  Le spectacle est d'une absolue cohérence qui ne refuse pas quelque lecture freudienne. La captation filmée l'enrichit par une prise de vue d'une rare justesse, visages scrutés au tréfonds d'une expression vraie, plans intermédiaires qui saisissent des échanges oppressants, plans d'ensemble laissant percevoir ce que la régie ose d'effets de double.  Des images d'une force étonnante contruisent une atmosphère onirique habitée par le bleuté des profondeurs de l'onde, l'ocré de la chambre, le mordoré de la belle nixe aux cheveux défaits.  Les contrastes ombre-lumière participent de la grande séduction qui en émane. Le tragique sort de la sirène, sa détermination à triompher des objurgations de l'Ondin son père, son déchirant parcours de femme réduite au mutisme, effarée devant l'inconstance de l'humain succombant aux avances d'une princesse étrangère, sont saisis avec acuité.  Aucun trait de la régie n'ira contre la musique de Dvořák, bien au contraire, tout ici la transfigure.  D'autant que l'interprétation est hors pair.

 

George Frideric HÄNDEL : Sémélé, opéra en trois actes.  Cecilia Bartoli, Charles Workman, Birgit Remmert, Isabel Rey.  Chœurs de l'Opernhaus de Zurich, Orchestra La Scintilla, dir. William Christie.  2DVDs Universal/Decca : 074 3323.  TT : 154'.

La restitution filmique de la régie du même Carsen, créée pour Sémélé de Haendel à l'Opernhaus de Zurich, ne procure pas le même sentiment de bonheur.  Là où le responsable vidéo cherche pour l'opéra de Dvořák à recréer quelque œuvre d'art (François Roussillon), c'est le parti pris d'une captation littérale qui prévaut ici (Félix Breisach).  Un peu comme si l'on saisissait au premier degré ce qui ne l'est assurément pas.  Car la régie de Carsen est, là encore, ingénieuse en diable, puisant même au parodique. Le fabuleux destin de cette déesse qui, captivée par sa propre beauté, tombe dans le piège tendu par la rusée Junon pour se venger de son volage Jupiter d'époux, et rêve d'immortalité, est transposé à la Cour d'Angleterre.  Junon sera sosie d'Elisabeth II bardée du diadème royal.  L'espace unique qui resserre l'action, ne rend pas filmé ce qu'il a d'original dans la réalité avec ses théories de chaises alignées de quelque salle d'apparat, sa chambre nuptiale gratifiée d'un immense lit, envahie des atours que l'insouciante Sémélé a laissés en désordre.  Arrêts sur image, clins d'œil à quelque journal tabloïde corsent un spectacle qui se lit à travers bien des filtres.  Reste que les protagonistes sont trop souvent approchés par une caméra sans inventivité.  Jupiter en particulier n'est pas favorisé en cette affaire. La piquante Cecilia Bartoli tire son épingle du jeu et de son chant privilégiant le mezza voce, caresse les coloratures haendéliennes.

 

Gustav MAHLER : Symphonie n°3.  Anna Larsson.  Arnold Schönberg Chor, Tölzer Knaben Chor, Orchestre du Festival de Lucerne 2007, dir. Claudio Abbado.  DVD Medici Arts : 2056338.  TT : 102'.

L'attrait de la captation de concert est de préserver le sens de l'événement. Tel est bien le cas ce 19 août 2007 au Festival de Lucerne : Claudio Abbado y dirige la 3e Symphonie de Mahler. De cet hymne grandiose à l'amour créateur, immense fresque où « toute la nature reçoit une voix » (Jean Matter) pour atteindre, au finale, le divin, le grand maestro livre la quintessence : l'immanence de cet éternel devenir qu'est la vie, de ces forces contenues dans l'ombre ou libérées en pleine lumière.  Rarement prise de vue aura saisi avec un tel flair l'art de la direction, le façonnage du son, le geste enveloppant qui dessine le trait, et discerné la complicité entre une phalange réunissant le nec plus ultra des musiciens européens - quelle image que les cellistes des Quatuors Alban Berg et Hagen jouant côte à côte !  Un sourire furtif, une expression bienveillante nous font deviner ce que faire de la musique procure de bonheur même dans l'effort de l'action.  On mesure combien la saisie filmique a gagné en pertinence par un découpage éloquent : l'expression vraie de l'instrumentiste, l'appréhension fine de l'instrument, la concentration extrême qui n'empêche pas une réelle liberté dans le jeu, fruit d'une écoute réciproque, bien au-delà de la simple entente.  Plus que tout, comment naît l'émotion partagée entre des musiciens que l'amitié unit à leur chef charismatique.

Jean-Pierre Robert

 

Christine BERTOCCHI : Voie ouverte.  Improvisation vocale.  Scérén/CRDP de Bourgogne (www.crdp.ac-dijon.fr) : 210DV001.  DVD (TT : 170’).  Livret (38 p.).  24 €.

Destiné aux enseignants des 1er et 2nd degrés, mais aussi à tous chefs de chœur, chanteurs, comédiens, scénographes… ce très remarquable DVD nous permet de découvrir la merveilleuse Christine Bertocchi, en action auprès d’enfants d’une école primaire de la Côte d’Or aussi bien que d’adultes non professionnels de la scène.  Travail sur l’attention, la réactivité, l’écoute des autres & de soi-même, l’improvisation sur la matière sonore (déformation de la voix par divers résonateurs, screaming, chants de voyelles…), l’expression corporelle, la mise en scène spontanée – toutes choses qui ne laissent pas d’évoquer ce que faisait naguère Cathy Berberian dans Stripsody ou les recherches d’un Georges Aperghis.  Arborescence du DVD : Documentaire (étapes du projet) / Séquences pédagogiques (travail corporel, jeux d’écoute, jeux rythmiques, invention, travail avec les solistes…) / Entretiens / Extraits de représentations publiques à Dijon.  Fascinant !

 

Entrez dans les danses d’ici et d’ailleurs.  « Corpus ».  DVD-Rom.  Scérén/CRDP des Pays de la Loire (www.crdp-nantes.cndp.fr) : 440M0070.  15 €.

Destinées aux trois cycles de l’école primaire, voici - intelligemment codifiées & adaptées pour l’école - 46 danses du patrimoine (France, Royaume-Uni, Israël, Portugal, États-Unis, Lituanie, Pologne, Russie, Hollande, Italie, Suède…), avec fiches pédagogiques « chorégraphie », « musique ».  Des vidéos ont été tournées avec quelques élèves découvrant, pas à pas, chaque danse.  Des cartes d’écoute permettent, en outre, d’explorer l’univers musical.  Un précieux outil pour tout enseignant en Primaire.

Francis Gérimont

 

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Notre numéro de Mai/Juin est à découvrir sans attendre ! Au sommaire de ce numéro, vous trouverez un dossier spécial sur "Musique et cinéma,II " (la valeur esthétique et fonction dramatique de la musique de film, la place de la musique dans l’enseignement de l’histoire du cinéma, la musique d’un film documentaire (Charles Koechlin), la dimension sémantique de la musique chez Robert Bresson, une interview de Vladimir Cosma, etc.), précédé d’une étude sur l’opéra naturaliste ou encore tout sur Isaac Albéniz et Blanche Selva… et bien d’autres thèmes à parcourir ! Sans oublier toute l’actualité de l’édition, des CDs et DVDs à la fin de ce numéro.

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Laëtitia Girard