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Mai - Juin 2011 - n° 571



Mars-Avril 2011
n° 570



Janvier-Février 2011
n° 569



Supplément Bac 2011

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Sommaire :

1. Editorial : Mamma li Turchi !
2. Sommaire du n° 571
3. Informations générales
4. Varia
5. Manifestations et concerts
6. Le Festival de Pâques de Lucerne
7. Recensions de spectacles et concerts
8. Annonces de spectacles et concerts
9. L'édition musicale
10. Bibliographie
11. CDs et DVDs
12. La vie de L’éducation musicale


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Mamma, li Turchi !

 

 

Pressés par un obscur besoin de cautions extradisciplinaires, nombre de musiciens ne jurent plus que par les techno-sciences.  Utilisant à l’envi le vocabulaire - seul considéré comme pertinent - de la sociologie cognitive…  Ainsi est-il désormais incongru, voire indécent, de parler de beauté, d’admiration, de sublimité, de joie ou même de plaisir.

 

Quel bonheur, en revanche, d’établir autour de la musique mille liens périphériques !  Loin de tout onaniste « art pour l’art », que de tendres hymens peuvent ainsi voir le jour entre musique & poésie, musique & danse, musique & théâtre, musique & mathématique, musique & cinéma, musique & arts plastiques, musique & histoire, que sais-je encore…

 

Au crédit d’une discipline réputée « adoucir les mœurs », comment ne pas inscrire, en outre, mille et une avancées sociales ou humanistes ?  Aussi, à nos bons collègues assoiffés de vertu, me permettrai-je de soumettre quelques thèmes à riches potentialités : musique & racisme, musique & obésité, musique & sexisme, musique & faim dans le monde, musique & MST, musique & violence routière… - tous imparables réquisits de notre bel enseignement général.

 

Francis B. Cousté.

 

 

 


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Sommaire du n°571

 

Don Giovanni et Zerlina ou le jeu du chat et de la souris

Frédéric Platzer

 

Dossier « Francis Poulenc »

 

Parentés, écoles et réseaux dans la France musicale de l’entre-deux-guerres

Karol Beffa

 

Poulenc et le groupe des Six

Simon Basinger

 

Tel jour telle nuit de Poulenc : le premier cycle accompli

Louise Dehondt

 

L’écriture religieuse de Francis Poulenc : exemple de trois œuvres chorales

Joëlle Brun-Cosme

 

Le piano de Francis Poulenc confronté aux catégories conceptuelles de Vladimir Jankélévitch

Franck Ferraty

 

Florent Héau nous fait partager son regard sur la Sonate pour clarinette et piano de Francis Poulenc

Entretien avec Sylviane Falcinelli

 

 

Le mythe du Graal et le Parsifal de Richard Wagner

Jean-Pierre Robert

 

Éloge de la trace écrite
Olivier Geoffroy

 

Affaires de goût : Se rendre sensible aux choses
Antoine Hennion

 


 

BOEN n°14 du 7 avril 2011.  Baccalauréat technique de la musique et de la danse.  Liste des morceaux imposés pour l’épreuve d’exécution instrumentale & pour l’épreuve d’exécution chorégraphique, session 2011 :

www.education.gouv.fr/cid55646/mene1108228n.html

 

Le Bulletin officiel de l’Éducation nationale est librement consultable sur :

www.education.gouv.fr/pid285/le-bulletin-officiel.html

 

L’université de Cergy-Pontoise (UCP) proposera, en septembre prochain, une licence « Lettres & Arts » en partenariat avec le Conservatoire à rayonnement régional (CRR).  Cette nouvelle formation permettra aux étudiants, artistes déjà confirmés, d’acquérir des savoirs et des compétences dans le domaine de la langue, de la littérature et des pratiques artistiques d’hier et aujourd’hui.  Trois parcours proposés : danse, musique & théâtre.  Renseignements : 01 34 25 63 28.  www.n.u-cergy.fr/spip.php?article14515

 

 

Opéra national de Paris, saison 2011-2012 : Salomé de R. Strauss (Bastille), La Clémence de Titus de Mozart (Garnier), Faust de Gounod (Bastille), Tannhaüser de Wagner (Bastille), Lulu de Berg (Bastille), La Force du destin de Verdi (Bastille), La Cenerentola de Rossini (Garnier), Manon de Massenet (Bastille), La Dame de pique de Tchaïkovski (Bastille), La Cerisaie de Ph. Fénelon (Garnier), Rigoletto de Verdi (Bastille), Pelléas et Mélisande de Debussy (Bastille… !), La Veuve joyeuse de Lehar (Garnier), Don Giovanni de Mozart (Bastille), Cavalleria rusticana et Pagliacci de Mascagni/Leoncavallo (Bastille), Le Barbier de Séville de Rossini (Bastille), Hippolyte et Aricie de Rameau (Garnier), Arabella de R. Strauss (Bastille), L’Amour des trois oranges de Prokofiev (Bastille).  Sans préjudice de nombreux ballets, concerts, ateliers...  Un grand cru !

 

 

La 40e édition du « Florilège vocal de Tours » se déroulera du jeudi 26 mai au dimanche 29 mai 2011.  Elle rassemblera 19 chœurs de 12 pays.  Nombreuses représentations gratuites & concert-anniversaire autour du Canto General de Mikis Theodorakis, sur des poèmes de Pablo Neruda (interprété par l’Ensemble vocal universitaire de Tours & l’Ensemble vocal Les Salanganes).  Concours international, Rencontres nationales, Prix inter-catégories, programme Renaissance...  Renseignements : 02 47 21 65 26.  www.florilegevocal.com

 

Houston Moores School Concert Chorale ©DR

 

L’« Opus 31 » du Festival d’Auvers-sur-Oise » se déroulera du 4 juin au 7 juillet 2011.  Trois temps forts : Master class de Gundula Janowitz / Recréation mondiale de l’oratorio Saint-François d’Assise de Charles Gounod (couplé au Psaume XIII de Franz Liszt) / Sortie officielle du double CD live de la Maîtrise de Paris, dir. Patrick Marco.  Compositeur invité : Richard Dubugnon.  Renseignements : 01 30 36 77 77.  www.festival-auvers.com

 

©DR

 

Le Festival de Nohant « Chopin et Liszt chez George Sand » se déroulera du 4 juin au 10 juillet 2011.  Renseignements : 02 54 48 46 40.  www.festivalnohant.com

 

 

Lille Piano[s] Festival (17, 18, 19 juin 2011) sera notamment consacré à Franz Liszt.  Avec Jean-Claude Casadesus & l’Orchestre national de Lille, 20 pianistes internationaux dont Hélène Grimaud, David Greilsammer, Boris Berezovsky, Brigitte Engerer, François-Frédéric Guy, Andreas Haefliger, Bertrand Chamayou, Guillaume Coppola, Francesco Piemontesi, Giovanni Bellucci, Thomas Enhco…  Renseignements : 03 20 12 82 40.  www.lillepianosfestival.fr

 

 

42e Festival de l’Orangerie de Sceaux : du 9 juillet au 4 septembre 2011, les samedis & dimanches, à 14h30 et 17h30.   Renseignements : 01 46 60 00 11.  www.festival-orangerie.fr ou www.vallee-culture.fr

 

Château de Sceaux<br>Orangerie.

©DR

 

Les Francofolies de La Rochelle se dérouleront du 12 au 16 juillet 2011.  Renseignements : 6, rue de la Désirée, 17000 La Rochelle.  Tél. : 05 46 28 28 28.  www.francofolies.fr

 

 

33e Académie de Sablé : Danses & musiques anciennes, du 18 au 28 août 2011.

33e Festival de Sablé : Musiques & danses anciennes, du 23 au 27 août 2011.

Renseignements : 02 43 62 22 22.  www.sable-culture.fr

 

                

 

21e édition de Sinfonia en Périgord : du 23 août au 28 août 2011.  Renseignements : 12, cours Fénelon, 24000 Périgueux.  Tél. : 05 53 08 69 81.  www.sinfonia-en-perigord.com

 

 

« France Festivals » vous informe sur toute l’actualité festivalière française.  Renseignements : 38, faubourg Saint-Jacques, Paris XIVe.  Tél. : 01 56 81 01 05.  www.francefestivals.com

 

 

Orchestre national de Lille.  Exceptionnelle s’annonce la saison 2011-2012 de cette prestigieuse phalange que dirige, avec la flamme qu’on lui connaît, Jean-Claude Casadesus.  Renseignements : 03 20 12 82 40.  www.onlille.com

 

©DR

 

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Non indifférente précision : « Je suis québécoise et spécialiste de la chanson populaire et traditionnelle francophone.  Dans votre revue en ligne L’éducation musicale, numéro d'avril 2011, je relève une petite erreur dans votre présentation de notre célèbre chanteuse Madame Bolduc (Mary Travers).  Vous donnez l'incipit d'une de ses chansons comme étant « J'ai un cheveu sus l’bout d’la langue qui m'empêche de turluter », alors qu'il faudrait écrire « J'ai un bouton sus l’bout d’la langue qui m'empêche de turluter ».  Les deux mots ne signifient évidemment pas la même chose, puisqu’avoir un cheveu sur la langue condamne une personne à zozoter toute sa vie, alors qu’un bouton sur la langue n'est qu’un ennui passager qui disparaîtra en peu de temps » (Francine B. Reeves).

 

 

« On change d’abord le manche, puis la lame » (Lichtenberg).  Consternant est, à bien des égards, le comportement de nos « décideurs ».  Ainsi de la mort programmée, pour la rentrée 2011, du « Chœur et Orchestre de l’université Paris-Sorbonne » (www.musique-en-sorbonne.org).  Aussi bien que celle du « Chœur régional Paca » (www.choeurpaca.fr).  Exemples certes emblématiques…

 

 

« Musique que me veux-tu ? » Pour les 200 ans de la naissance de Franz Liszt, Gilles Cantagrel, correspondant de l’Académie des Beaux-arts, évoque Liszt « l’Européen ».

À lire ou écouter sur : www.canalacademie.com/emissions/chr642.mp3

www.canalacademie.com/ida6866-Musique-que-me-veux-tu-par-Gilles,6866.html

 

Gilles Cantagrel ©DR

 

Résorption du mécénat culturel d’entreprise…  De 2008 à 2010, le mécénat de la culture est passé de 975 millions à 380 millions d’euros, accusant ainsi une perte sèche de 595 millions d’euros, soit 63 % (source : Institut CSA pour l’Admical, Association pour le développement du mécénat industriel et commercial).  Selon Christophe Monin, responsable du département Fundraising au Musée du Louvre : « le discours auquel sont sensibles les entreprises aujourd’hui ne passe plus par la beauté de l’art mais par la culture comme facteur d’équilibre de la société ».

 

 

Campanaires…  Installé en 1860 lors de la construction du beffroi de Saint-Germain l’Auxerrois (édifice dont la Saint-Barthélemy fit la gloire), le seul véritable carillon de Paris (40 cloches, de 10 kilos à 3 tonnes) joue, chaque quart d’heure, un bref sonal.  Renaud Gagneux, le titulaire de l’instrument, donne tous les mercredis, de 13h30 à 14h00, un mini-récital.  Le musicien déplore l’électrification de l’instrument qui, paradoxalement, « allonge le temps de réponse et interdit toute nuance ».  Aussi demande-t-il la révision de l’ensemble du mécanisme ainsi que le rétablissement de l’ancien clavier dit « à coups de poing ».  À cette fin, a été créée, en 2010, l’association « Un carillon à Paris ».  Renseignements : http://uncarillonaparis.fr

 

©DR

 

Bach en forêt…  Sakura 4250 : www.youtube.com/watch?gl=FR&v=C_CDLBTJD4M

 

foret.jpg

 

Histoire « des » arts, au Brevet des collèges…  « Pour la première fois depuis sa création, les collégiens s'apprêtent à passer une épreuve orale obligatoire d'Histoire des arts.  La musique y a une part importante.  Cette épreuve orale est organisée, établissement par établissement, sur avril-mai et représente une étape importante de la formation culturelle d'une cohorte d'élèves tout entière.  Concernant aussi bien la musique que les arts plastiques, l'ensemble du monde artistique et donc musical doit s'en préoccuper ! » (Nicolas Viel.  Collège Paul-Bert, 92240 Malakoff).

 

 

Hommage à Pierre d’Arquennes (1907-2001), mécène & fondateur du Triptyque en 1934, a été rendu – à l’initiative de l’UFPC - le dimanche 3 avril 2011, en l’église Saint-Merri de Paris.  Avec des œuvres de Pierrette Mari, Lucie Robert, Yvonne Deportes, Jean-Michel Damase, Bach/d’Arquennes, Jacques Castérède et Maurice Ravel.

 

©Marie-Pierre Soma, 2000

 

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Festival Claude Helffer (1922-2004).  En clôture de ce festival, était donné, le 2 mai 2011, en l’École municipale artistique de Vitry-sur-Seine, un concert d’œuvres de Dutilleux, Kurtág, Lachenmann, Ligeti, Murail, Pesson, Rihm, Sousa Dias…  Coordination artistique : Alexia Guiomar & Javier González Novales.  Renseignements : 71, rue Camille-Groult, 94400 Vitry-sur-Seine.  Tél. : 01 55 53 14 90.  www.mairie-vitry94.fr/ema

 

Claude Helffer ©DR

 

Au Palazzetto Bru Zane, Venise : exposition « Du Second Empire à la Troisième République ».  Le dimanche 8 mai, à 17h00, « Mirages de l’eau » (Liszt, Fauré, Hahn, Aubert, Séverac, Samazeuilh, par Billy Eidi, pianiste).  Le dimanche 15 mai, à 17h00, « L’épreuve de la virtuosité » (Dukas, Ravel, par Jean-François Heisser, pianiste).  Le mardi 17 mai, à 20h00, « Un après-midi au salon » (Martini, Fauré, Debussy, Rossini, Donizetti, Hahn, Messager…, par Felicity Lott, soprano, et Isabelle Moretti, harpe).  Le samedi 21 mai, à 20h00, « Trios avec piano » (Debussy, E. Adler, Th. Dubois, par le Trio Hochelaga).  Le dimanche 22 mai, à 17h00, « En Paradis… » (Gounod, Hahn, Massenet, Dubois, par Anne Saint-Denis, soprano, et Olivier Godin, piano).  Renseignements : + 39 04 15 21 10 05.  www.bru-zane.com

 

À la découverte du Palazzetto Bru Zane

©DR

 

Concert des lauréats du Concours de Genève, le vendredi 6 mai 2011, 20h30, à Paris, Salle Gaveau.  Œuvres pour piano de Schumann et Fauré.  Quintette pour hautbois & cordes de Mozart.  Quintette pour piano & cordes de César Franck.  6e Quatuor à cordes « Laudes » (création) de Christophe Looten (°1958).  Avec Mami Hagiwara (piano), Ivan Podyomov (hautbois) et le Quatuor Voce.  Présentation du concert à 19h30.  Renseignements : 01 49 53 05 07.  www.sallegaveau.com ou : www.concoursgeneve.ch

 

65e concours_geneve

©DR

 

Compositrices & Schola Cantorum.  L’association Femmes et musique organise un concert, à la Schola Cantorum, le vendredi 6 mai 2011, à 20h30.  Œuvres de : Isabelle Aboulker, Lili Boulanger, Graziane Finzi, Florentine Mulsant, Armande de Polignac, Henriette Puig-Roget, Marcelle Soulage, Madeleine Souberbielle.  Interprètes : Isabelle Aboulker (piano), Odile Bourin (violoncelle), Geneviève Ibanez (piano), Elsa Tirel (soprano).  Entrée libreRenseignements : 269, rue Saint-Jacques, Paris Ve.  Tél. : 01 47 63 48 80.

 

Isabelle Aboulker ©DR

 

Au Théâtre des Bouffes du Nord.  Le lundi 9 mai 2011, à 20h30, œuvres de Dimitri Chostakovitch : Trio pour violon, violoncelle & piano, op. 8 / Sept romances sur des poèmes d’Alexander Blok, pour soprano & trio / Deux pièces pour octuor à cordes / Symphonie de chambre, op.110a, pour orchestre à cordes.  Avec Karen Vourc’h (soprano), le Trio Wanderer et l’Ensemble Prometheus 21.  Jean-Marc Phillips-Varjabedian (violon & co-direction musicale), Raphaël Pidoux (violoncelle & co-direction musicale).  Renseignements : 37bis, bd de la Chapelle, Paris Xe.  Tél. : 01 46 07 34 50.  www.bouffesdunord.com

 

Karen Vourc’h ©DR

 

Le Moulin d’Andé présente la XXe édition du Festival de musique de chambre « Alexandre Paley et ses amis », du mardi 10 au dimanche 15 mai 2011.  Renseignements : 65, rue du Moulin, 27430 Andé (Normandie).  Tél. : 02 32 59 70 00.  www.moulinande.com

 

©DR

 

L’Orchestre et Chœur des Universités de Paris, dir. Carlos Dourthé, donnera un concert, le mercredi 11 mai, à 20h30, en l’église Saint-Eustache.  Au programme : Roméo et Juliette de Tchaïkovski, Messe en ut mineur de Mozart.  Ellen Giacone (soprano), Saskia Salembier (mezzo-soprano), David Trivou (ténor), Clément Dionet (basse).  Renseignements : 2, impasse Saint-Eustache, Paris Ier.  Tél. : 01 40 51 37 07.  www.ocup.fr

 

 

Au Musée Guimet : Tsugaru shamisen et voix, le 13 mai 2011, à 20h30.  Avec Yuka Annaka & Kumi Kindaichi.  Renseignements : 6, place d’Iéna, Paris XVIe.  Tél. : 01 40 73 88 18.  www.guimet.fr

 

 

La 16e édition de « Jazz in Arles » se déroulera du 15 au 21 mai 2011.  Ouverture, en matinée, le dimanche 15 mai, avec aux pianos : Brigitte Engerer & Guillaume de Chassy.  Renseignements : 04 90 49 56 78.  www.lemejan.com

 

 

Opéra royal de Versailles : Jules César de George Frederic Haendel (1685-1759), par la Grande Écurie & la Chambre du Roy, dir. Jean-Claude Malgoire.  Mise en scène : Christian Schiaretti.  Jeudi 19 et vendredi 20 mai 2011, à 20h00.  Dimanche 22 mai 2011, à 17h00.  Renseignements : 01 30 83 78 89.  www.chateauversailles-spectacles.fr

 

Opéra royal de Versailles ©DR

 

« Le Martyre de Saint-Sébastien » de Cl. Debussy sera donné, au Théâtre du Châtelet, le dimanche 22 mai 2011, à 20h00 - à l’occasion du 100e anniversaire de la création de l’ouvrage en ce même théâtre, le 22 mai 1911.  Avec le concours de l’Orchestre du Pôle supérieur d’enseignement artistique Paris/Boulogne-Billancourt (PSPBB), la Maîtrise de Paris & le Madrigal de Paris, dir. Alain Louvier.  Entrée libreRenseignements : 01 44 70 64 37.  www.pspbb.fr

 

Pietro Perugino, ca 1500 ©DR

 

« Extension », festival de création musicale, se poursuit jusqu’au 31 mai 2011.  Renseignements : La Muse en circuit - 18, rue Marcelin-Berthelot, 94140 Alfortville.  Tél. : 01 43 78 80 80.  www.alamuse.com

 

Contact

©DR

 

Opéra filmé : Salomé, opéra en un acte de Richard Strauss, d’après l’œuvre d’Oscar Wilde, sera projeté le samedi 28 mai 2011, à 15h00, en l’Auditorium du Louvre.  Mise en scène : Luc Bondy.  Orchestre de Covent Garden, dir. Christoph von Dohnányi.  Avec Catherine Malfitano (Salomé), Anja Silja (Hérodias), Kenneth Riegel (Hérode), Bryn Terfel (Jochanaan).  Production RMArts, 1997.  1h41’.  Renseignements : 01 40 20 55 55.  www.louvre.fr

 

Catherine Malfitano dans Salomé ©ZDF

 

Karol Beffa, compositeur.  De cet extraordinaire artiste protéen (voir sa fiche sur : www.pianobleu.com/karol_beffa.html), sera notamment créé, le 28 mai 2011, au Grand Théâtre d’Aix-en-Provence, le ballet Corps et Âmes, par la compagnie du chorégraphe Julien Lestel.  Ballet repris au Théâtre des Champs-Élysées, le 27 juin 2011, à 20h00.  Renseignements : 15, avenue Montaigne, Paris VIIIe.  Tél. : 01 49 52 50 50.   www.theatrechampselysees.fr/saison-detail.php?t=3&s=200

 

Karol Beffa ©DR

 

5e Biennale d’art vocal à la Cité de la musique : 12 concerts du 7 au 22 juin 2011.  Des chœurs aux solistes, du motet au lied en passant par l’opéra : les voix dans tous leurs états.  Avec notamment de grandes fresques chorales de Mendelssohn (Christus), Brahms (Ein Deutsche Requiem) et Schönberg (Gurre-Lieder).  Renseignements : 221, avenue Jean-Jaurès, Paris XIXe.  Tél. : 01 44 84 44 84.  www.citedelamusique.fr

 

©DR

 

L’Ircam invite Georges Aperghis, le vendredi 10 juin 2011, à 19h00.  Entretien du compositeur avec le musicologue Nicolas Donin (Petite Salle du Centre Pompidou), suivi, à 20h30, du spectacle musical Luna Park, création de Georges Aperghis (Espace de projection de l’Ircam).  Renseignements : 01 44 78 12 40.  www.ircam.fr

 

Georges Aperghis ©DR

 

Agora 2011, festival de l’Ircam, propose « Art vocal », le vendredi 17 juin, 20h30, Salle des concerts de la Cité de la musique.  Au programme : Animus anima (Ivan Fedele), Cantate n°1 (Bruno Mantovani), plus une œuvre, en création mondiale, de Johannes-Maria Staud.  Renseignements : 01 44 84 44 84.  www.ircam.fr

 

Johannes-Maria Staud ©DR

 

Le 32e Festival de Ville-d’Avray est consacré, cette année, au compositeur Jehan Alain, à l’occasion du centenaire de sa naissance.  Le samedi 25 juin, à 20h30, en la chapelle de l’Institution Sainte-Marie (2, rue de l’Abbaye, 92160 Antony), les organistes Georges Bessonnet & Jean-Michel Louchart, le flûtiste Patrice Bocquillon et la Maîtrise d’Antony interprèteront des œuvres de Jehan Alain, Maurice Duruflé et Jean-Louis Petit.  Le lundi 27 juin, à 20h30, au Château (10, rue de Marnes, 92410 Ville-d’Avray), Désiré N’Kaoua interprètera l’intégrale de l’œuvre pour piano de Jehan Alain.  Renseignements : 01 78 33 14 57.  http://jean_louis.petit.perso.sfr.fr

 

Jehan Alain ©DR

 

Les Brigands, opéra bouffe en 3 actes de Jacques Offenbach, sera donné Salle Favart, du 22 juin au 2 juillet 2011.  Chœurs de l’Opéra de Toulon & Orchestre Les Siècles, dir. François-Xavier Roth.  Mise en scène : Macha Makeïeff & Jérôme Deschamps.  Renseignements : 0825 01 01 23.  www.opera-comique.com

 

 

Le 40e Festival de Saintes se déroulera en l’Abbaye-aux-Dames, du 15 au 23 juillet 2011.  Avec notamment : Liu Fang (pipa & guzheng), Jean-François Heisser et Vanessa Wagner (pianoforte), Julian Prégardien (ténor), Graindelavoix (ensemble polyphonique), Hana Blažiková (soprano), Ciocarlia (fanfare roumaine), le Quatuor Zemlinsky… Renseignements : 05 46 97 48 48.  www.festivaldesaintes.org

 

Abbaye-aux-Dames ©DR

 

Le 41e Festival Interceltique de Lorient - « Année des diasporas celtiques » - se déroulera du 5 au 14 août 2011 : 4 500 artistes, 120 concerts, 11 scènes, 7 créations, 10 jours & 10 nuits de fête, 800 000 festivaliers attendus !  Avec notamment : Texas, Hugues Aufray, The Chieftains & Carlos Nuñez, Luz Casal, Denez Prigent,  Tri Yann, Nolwenn Korbell, Hevia, Carré Manchot, Cécile Corbel…  Renseignements : 02 97 21 24 29.  www.festival-interceltique.com

 

 

Le 45e Festival de La Chaise-Dieu se déroulera du 18 au 30 août 2011.  Principalement en l’abbatiale Saint-Robert, mais aussi au Puy-en-Velay et dans d’autres lieux alentour : Brioude, Ambert, Saint-Paulien, Chamalières-sur-Loire.  Seront notamment à l’honneur : Bach, Liszt et Stravinsky.  Avec la participation de quelque 1 500 artistes venus du monde entier.  Renseignements : 04 71 00 01 16.  www.chaise-dieu.com

 

Francis Cousté.

 

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©Priska Ketterer/Lucerne Festival

 

Au cœur de la programmation du Lucerne Festival zu Ostern figurait la poursuite du cycle Brahms par Bernard Haitink et le Chamber Orchestra of Europe, entamé l'hiver dernier lors du festival de piano.  La soirée d'ouverture proposait le Double Concerto pour violon et violoncelle joué par les frères Capuçon.  Pour son ultime pièce livrée à l'orchestre (1887), Brahms fait œuvre originale : le concerto à deux instruments ; une combinaison peu usitée jusqu'alors si l’on se réfère aux concertos pour deux violons de Bach et de Spohr ou à la Symphonie concertante pour violon et alto de Mozart.  Écrit pour le célèbre Joseph Joachim et pour Robert Hausmann, celliste du quatuor formé par le violoniste, la pièce fourmille d'idées thématiques et ce, dès le premier mouvement.  Celui-ci fait la part belle au violoncelle qui ouvre par une cadence majestueuse.  Le morceau sera traité de manière brillante, les deux solistes évoluant tour à tour, en répons ou ensemble jusqu'à l'unisson.  La recherche d'équilibre est essentielle.  Reste que, dans la présente interprétation, le violoncelle prend d'emblée une place dominante eu égard à la sonorité expansive de Gauthier Capuçon alors que le violon de Renaud paraît plus en retrait.  Qui plus est un incident aux deux tiers du premier mouvement, lors que son fameux Guarneri del Gesù « Panette » lâche - contraignant le soliste à emprunter en un éclair au premier violon son instrument - conduit à une rupture de concentration dont se ressent l'issue du morceau.  Les choses reviennent dans l'ordre à l'andante, en forme de ballade emplie de mystère et de rêve, rappelant cette inspiration des brumes du nord chère au jeune compositeur.  Grâce à un tempo très lent les deux solistes ont tout loisir de déployer somptueux lyrisme et ample mélodie.  Le finale vivace en forme de danse rustique les verra d'une fière éloquence.  Bernard Haitink prend le parti d'un accompagnement discret, en même temps que d'une suprême expressivité dans la ligne orchestrale très aboutie du Brahms tardif.  La Première Symphonie bénéficie avec le Chamber Orchestra of Europe d'une formation réduite comparée aux interprétations habituelles, ce qui permet un intéressant équilibre des masses, ménagé en outre par une disposition originale de l'orchestre : contrebasses et cors à gauche, timbales, trompettes et trombones à droite.  L'énergie interne insufflée par le chef néerlandais est mémorable, qui ne cherche pas à solliciter un texte déjà des plus riches.  C'est que Brahms, qui a attendu sa 43e année pour coucher sur le papier son premier opus symphonique, n'a pas ménagé un matériau d'une complexité polyphonique considérable alliant robustesse quelque peu massive et lyrisme grandiose.

©Priska Ketterer/Lucerne Festival

 

Le Requiem allemand se situe à part dans la galaxie des grandes pièces chorales destinées à célébrer le culte des morts.  D'abord, parce que Brahms ne fait pas appel au texte religieux romain de la Messe des morts mais privilégie un choix de textes tirés des Saintes Écritures, ensuite parce que ceux-ci sont chantés en allemand.  D'où une inspiration non religieuse quoique d'une ferveur profonde qui rapproche cette pièce d'une cantate funèbre : une ode à la mort libératrice qui mène à la résurrection, une ouverture à une vie nouvelle transcendée par l'amour.  On est loin des menaces terrifiantes et des trompettes du jugement dernier.  Il n'y a pas place ici pour le pittoresque comme chez Berlioz, non plus que pour le sanglot par trop insistant qu'y imprime Mozart ; encore moins pour la prière altière, la vaste fresque pathétique théâtralisée qu'est la Messa da Requiem de Verdi.  Il y a quelque chose de détaché chez Brahms, de serein, une sorte de progression qui va de l'ombre à la lumière.  Non que l'œuvre ne respire pas une foi profonde.  Celle-ci est seulement vécue de manière différente, intériorisée comme une plainte intense (première séquence), une marche funèbre dont la pulsation s'amplifie par paliers du plus doux au plus puissant (deuxième mouvement), une sorte de pastorale (quatrième morceau), un cheminement vers l'extase et le pardon (dernière séquence).  Par deux fois, l'appel angoissé du baryton solo se fera entendre, de même que le chant apaisé de la soprano introduit, au milieu de l'œuvre, une page d'une bouleversante humanité.  Mais l'élément choral domine tout au long des sept parties, peut-être puisé aux sources du chant populaire, ce qui n'évite pas toujours la monotonie mais exprime le chant des fidèles des offices religieux, la force du choral dans la musique allemande.  Dans la présente exécution, le chœur enveloppe l'orchestre, là encore de dimension réduite.  Le Arnold Schoenberg Chor sous la houlette de son mentor Erwin Ortner livre une exécution profondément émue, d'une clarté de diction exemplaire dans le rendu des textes et la façon détachée de chanter comme un simple cantique.  Les solistes, le baryton Christian Gerhaher, dont on perçoit combien il doit au style de l'un de ses professeurs, Dietrich Fischer-Dieskau, et la soprano Sally Matthews, à l'émission immaculée sans être trop éthérée, apportent eux aussi une note attendrie.  Une immense sobriété émane de la direction du maître Haitink, synonyme de sincérité.  Point de monumentalité exacerbée dans cette approche aussi lucide qu'habitée.  Et s'il y a exaltation lors des grandes fugues qui concluent les troisième et sixième mouvements, elle reste toute intérieure, comme méditative.  Haitink fait précéder ce long hymne de mort du Begräbnisgesang op.13 (Chant de l'inhumation) qui, sur un tempo de marche funèbre, en annonce sans doute la sombre atmosphère, la parenté d'inspiration étant sensible avec la deuxième séquence.  La composition, pour les seuls vents et un grand chœur mixte, sonne comme l'appel du jugement dernier dont est privé le Requiem.

 

©Franca Pedrazzetti/Lucerne Festival

 

Le Festival de Pâques de Lucerne se fait une spécialité des grands chefs-d'œuvre baroques.  L'oratorio La Resurrezione di Nostro Signor Gesù Cristo de Haendel y était donné par Nikolaus Harnoncourt et ses musiciens du Concentus Musicus Wien.  Écrit durant le séjour de Haendel à Rome, cet oratorio verra le jour le dimanche de Pâques 1708 dans les murs du palais Bonelli, sur une commande du marquis Francesco Maria Ruspoli, un des bienfaiteurs des arts à l'époque.  Lui qui a osé contourner l'interdiction papale de représenter des spectacles d'opéra dans lesquels se produisaient des femmes.  La pièce est en fait quelque opéra déguisé traitant le sujet de la Résurrection telle que vécue par Marie-Madeleine et Marie Cloefe, enrichie de commentaires de Jean l'Évangéliste, tandis qu’en toile de fond, se noue une querelle symbolique entre l'Ange et Lucifer.  Cette Passion d'un genre nouveau présente des types d'une surprenante vérité car derrière les figures allégoriques se révèlent des hommes d'un relief bien concret avec leurs affects.  La musique de Haendel les saisit finement dans une grande variété de formes.  L'écriture lyrique allie virtuosité et expressivité avec un grand soin de la justesse émotionnelle à travers des arias da capo d'une puissance évocatrice peu commune.  Souvent, dans un effet presque descriptif, la voix dialogue avec un ou plusieurs instruments solistes, décuplant le raffinement du soutien orchestral.  Nikolaus Harnoncourt qui dit avoir longuement mûri sa connaissance de la pièce et enfin découvert à travers les plus récentes sources éditoriales une nouvelle instrumentation du continuo (viole de gambe, luth et trombone) livre une interprétation proche d'une sorte d'idéal : une lecture exigeante de concentration de la part de l'auditeur comme des musiciens et solistes tenus de main ferme.  Une vision presque sévère, d'une intériorité certaine.  Le chef ne fait-il pas sienne la remarque de Romain Rolland qui, à propos de cette musique, souligne que « le pire défaut serait de lui enlever, par une surcharge inutile de couleurs, sa souplesse de nuances qui est son charme principal ».  Ainsi de la lutte entre la lumière et les ténèbres, si bien rendue dans le combat vocal entre l'Ange et Lucifer confrontant un soprano léger et une basse profonde.  Le clair-obscur des cordes, la vivacité des bois - regroupés à droite - le solo étrange du trombone au soutien des interventions de Lucifer, et toute une échelle de nuances de l'entière formation ou du continuo confèrent à cette lecture un suprême fini.  Elle est encore enluminée d'une aura de grandeur par une brochette de solistes maniant l'ornementation vocale : Christine Schäfer, l'Ange, dans le droit fil de sa Theodora salzbourgeoise, Roberta Invernizzi, Madeleine, soprano éthérée au style parfait, Wiebke Lehmkuhl, Maria Cleofe, étoffe rare de mezzo grave, Ruben Drole, basse profonde pour un Lucifer effrayant, Toby Spence, ténor lyrique capable de vocaliser à l'envi et de libérer une vraie émotion.  Si l'on ajoute que la partie de viole de gambe est confiée à Christophe Coin, fondateur de l'Ensemble baroque de Limoges, on mesure combien cette exécution est prestigieuse.

 

©Peter Fischli/Lucerne Festival

 

Pianiste adulée en contrées helvétique et germanique, Hélène Grimaud donnait en matinée le programme de son récent CD intitulé « Résonances » - paru sous étiquette Universal/DG.  Un parcours arbitraire qui réunit la Sonate KV 310 de Mozart, la Sonate op. 1 de Berg, la Sonate de Liszt et les Danses populaires roumaines de Bartók.  Les impressions contrastées laissées à l'écoute du disque se confirment, voire s'amplifient avec l'expérience du concert.  Hélène Grimaud est une interprète bourrée de talent et sa maîtrise de l'instrument ne saurait être discutée.  La façon d'aborder à bras le corps les divers textes choisis offre cette indéniable particularité d'imposer une vitalité qui ne connaît pas de baisse de régime, comme s'il fallait à tout prix compenser quelque chose.  Elle indique avoir articulé son programme autour de la pièce de Berg, marquée au coin de l'intimité et de la décadence.  De par son climat tendu, le concert laisse le sentiment que le point culminant en est plutôt la Sonate de Liszt qui concentre à elle seule toute la manière de la pianiste : une approche hyper virtuose - ce qui après tout, dans ce cas précis, n'est peut-être pas une critique - un jeu on ne peut plus architecturé, à la limite de l'exacerbation, des contrastes extrêmes où la nuance ppp est abordée avec parcimonie au point de borner le charme poétique.  La grandiose mise en scène sonore dont elle pare la Sonate de Liszt, qui selon elle a quelque chose à voir avec l'opéra, libère du Steinway Grand des résonances vertigineuses.  La vision, cohérente dans l'emphase portée au geste démonstratif, tend à rapprocher cette pièce d'un poème symphonique.  Le parallèle souvent tenté avec la Wanderer Fantaisie de Schubert a dès lors moins de pertinence.  Cette force dynamique se retrouve dans la Sonate op.1 de Berg dont l'unique mouvement est traité telle une grande scène dramatique.  La fluidité au sein d'une microstructure, l'art de la transition infime, mais aussi le sens de la forme héritée de la sonate classique, la modernité tout sauf agressive, tout cela acquiert, sous les doigts de l'interprète, un relief saisissant.  Cette approche volontariste appliquée à Mozart produit un effet plus discutable : une articulation presque fébrile transforme le maestoso initial de la Sonate KV 310 en une séquence emplie d'une agitation continue.  Cette obsession de la rythmique réapparaîtra au finale.  Reste que l'andante cantabile a un charme indéfinissable proche du tragique.  N'était-ce pas l'état d'esprit de Mozart lors de son séjour à Paris qui vit l'éclosion de cette pièce ?  Nous voilà loin d'une lecture aseptisée pour auditeurs à perruque poudrée.  Il sera intéressant de voir ce que réserve dans des concertos pour piano du même Mozart le partenariat avec Claudio Abbado, promis au disque.  Les six miniatures que forment les Danses populaires roumaines de Bartók concluent le récital de manière inattendue, entre nostalgie et verve populaire.  Le public est visiblement ravi des déferlements de virtuosité dont il a été le témoin.

Jean-Pierre Robert.

 

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La Finta Giardiniera à La Monnaie

 

©Bernd Uhlig

 

On a coutume à propos de La Finta Giardiniera de Mozart d'assimiler opéra de jeunesse et ouvrage mineur.  C'est sans doute méconnaître ses caractéristiques propres.  Car ce « dramma giocoso » évolue à la frontière entre buffa et seria.  On y trouve même trois types de personnages : les bouffes, les sérieux, mais aussi les « mezzo carattere » ou demi-caractères.  Chez ces derniers, se mêlent le noble et le comique, comme il en va des deux héros de l'intrigue, la marchesa Violenta Onesti et le contino Belfiore - jeu de mot désignant une femme violente mais honnête et un galant fragile qui, s'il manie le ridicule, n'est pas dénué de sensibilité.  Ce jardin d'amour est prétexte à un marivaudage savamment entretenu qui traite du pouvoir meurtrier et fusionnel d'Éros.  Il est empli de tourments pour ceux qui s'y trouvent, trois couples qui se font et se défont, mus par l'excitation de la jalousie, taraudés par une suite d'actions contradictoires, emportés dans un jeu pervers d'inversion de la hiérarchie sociale : une marquise qui se fait passer pour simple jardinière, une servante qui compte bien conquérir les faveurs du maître des lieux, etc.  Tout mène au dérèglement, voire à la folie pour ce qui est des deux protagonistes : ils ne savent plus qui ils sont et vont s'imaginer comme les fantômes de figures légendaires de l'Antiquité.  Mais ces caractères ne sont en rien monolithiques.  Ils sont façonnés par la musique qui décrit les angoisses, les doutes, les aspirations au bonheur.  Une musique qui emprunte souvent des tonalités mineures, fait peu ordinaire dans un opéra bouffe.  C'est dire qu'ici vraiment rien ne rime avec genre mineur.  Qu'un jeune compositeur de 19 ans peigne avec autant de profondeur les diverses facettes de l'âme humaine tient du génie.  Mozart y délivre un vibrant message d'amour et quelques caractères annoncent déjà les grands personnages à venir, ceux de la trilogie da Ponte en particulier.

 

©Bernd Uhlig

 

La reprise à La Monnaie de la production légendaire de Karl-Ernst et Ursel Herrmann, qui en 1986 réhabilita cet opéra, confirme la lucidité d'une dramaturgie lui insufflant la vie.  Dans le décor unique d'un élégant bosquet à la haute futaie qui se métamorphose à l'infini au gré des éclairages en autant de tableaux et d'atmosphères changeantes, les sept personnages évoluent sous l'impulsion d'un huitième, imaginaire, à la fois maître de cérémonie et deus ex machina.  Ce minuscule comparse - l'interprète, Mireille Mossé, est naine - tire les ficelles et conduit nos apprentis amoureux jusqu'aux limites d'eux-mêmes.  La scénographie, d'un équilibre presque parfait, évoque encore une sorte de labyrinthe, celui des sentiments, où l'on se cache derrière un tronc d'arbre si mince qu'on n'est pas loin de la fable de l'autruche, où l'on prend prétexte de tel détail futile, mais faussement anodin, pour se donner contenance.  La régie capte les rebondissements souvent improbables, les revirements réels ou feints qui, sous des dehors amusants parce que parodiques, font se dévoiler la vérité des sentiments, leur volatilité, la vulnérabilité des êtres aussi.  Les interprètes se prêtent volontiers à cette arithmétique galante.  Ils ne rechignent pas à la performance physique lors de courses-poursuite sur une fine aire de jeu ceignant la fosse d'orchestre.  Sandrine Piau, la Marchesa Violanta, déploie une svelte vocalité, notamment à l'heure des « arie agitate » qui caractérisent cette partie, tout comme celles d'Arminda et de Serpetta auxquelles Henriette Bonde-Hansena et Kateřina Knĕzíková prêtent de sûres vocalises.  Stella Doufexis déçoit dans le rôle du chevalier Ramiro, confié à l'origine à un castrat, et qui mérite ligne plus assurée.  Les messieurs sont à la hauteur : outre le vétéran Jeffrey Francis, un Podestat entreprenant qui au final ne gagne rien à l'affaire, et le bel hidalgo Adam Plachetka, Nardo, jardinier tout sauf benêt, le ténor Jeremy Ovenden apporte au petit comte Belfiore un style racé.  Si, au final, se dégage quelque monotonie, c'est à la direction musicale qu'il faut l'attribuer.  John Nelson, certes, imprime à l'orchestre une élégante douceur et dose avec soin les multiples variations d'intensité des ensembles.  Il manque cependant à sa vision l'ultime souple nervosité qui fait s'enflammer ces pages annonciatrices des chefs-d'œuvre mozartiens à venir.

 

 

Ultimes salves de l'intégrale Mahler de Valery Gergiev, à Pleyel

 

©Fred Toulet

 

« Il lui faut avoir quelque chose de cosmique, d'inépuisable comme le monde et la vie pour être digne de ce nom » disait Gustav Mahler à propos de la symphonie.  Cela vaut tout particulièrement pour la vaste Troisième associant audace et démesure.  Durant quelque 95’ et l'espace de six mouvements, l'auditeur est immergé dans un univers luxuriant, son attention captée par une force à laquelle il n'est guère possible d'opposer de résistance.  L'œuvre se veut un hymne à la Nature : « Toute la nature y reçoit une voix ».  À chaque mouvement, Mahler voulait associer un programme bien précis.  Au-delà de cet aspect, la symphonie révèle un monde d'émotions qui transparaissent à travers les indications proprement musicales attachées à chaque partie.  On comprend que pareil monument sonore appelle le superlatif.  C'est ce qu'offrent le LSO et leur chef principal Valery Gergiev.  Plus économe que de coutume dans sa gestuelle, Gergiev déploie un vrai talent de conteur, démêlant ce qui ressort souvent de l'impénétrable.  Ainsi de l'immense premier mouvement, marqué « Vigoureux. Décidé », où se côtoient marche funèbre, chant populaire, épisode souriant ou carnavalesque, à travers une abondance de thèmes qui surgissent à l'improviste, où les instruments sont sollicités au-delà de leurs limites (trombones rutilants, cor anglais envoûtant, assauts des contrebasses, remous des cordes) et les accélérations fulgurantes.  Le Tempo di Menuetto, « Très mesuré », fait figure de pause teintée de mélancolie.  En l'abordant très lent, Gergiev accentue sans doute une ambiguïté existante : chant insouciant ou page révélatrice d'un substrat plus inquiétant ?  Avec le Comodo « Sans hâte », on en vient à un scherzo empruntant, entre autres, au lied du Rossignol et du Coucou, le burlesque taquinant le grotesque, comme souvent chez Mahler.  Le trio central où tout l'orchestre s'assagit restera un moment d'indicible émotion : la mélopée dans le lointain du cor de postillon (fabuleux instrumentiste londonien) sur une longue tenue des premiers puis des seconds violons est pure magie sonore.  À la nostalgie s'ajoute un saisissant effet de spatialisation.  Les deux mouvements suivants font intervenir la voix : d'abord la contralto (émouvante Anna Larsson) dans le texte emprunté au Zarathoustra de Nietzsche, puis les chœurs de jeunes garçons et de femmes, lors des appels du Bim-Bam, page toute carillonnante de joie.  L'ultime épisode de ce débordant voyage sonore prend la forme d'un adagio : une méditation profonde baignée de lumière et de paix quoique ponctuée de bouffées d'exaltation.  Là comme ailleurs, l'intensité de l'échange entre chef et musiciens du LSO est tangible.

 

 

Création d'Akhmatova à l'Opéra Bastille

Bruno MANTOVANI : Akhmatova.  Opéra en trois actes.  Livret de Christophe Ghristi.  Janina Baechle, Attila Kiss-B, Lionel Peintre, Vardhui Abrahamyan, Valérie Condoluci, Christophe Dumaux, Marie-Adeline Henry.  Orchestre & Chœur de l'Opéra national de Paris, dir. Pascal Rophé.  Mise en scène : Nicolas Joel.

 

©Elisa Haberer/Opéra national de Paris

 

Le prolixe directeur du Conservatoire de musique de Paris, Bruno Mantovani, a choisi pour sujet de son nouvel opéra la vie de la poétesse russe Anna Akhmatova (1889-1966).  Le librettiste Christophe Ghristi, actuel dramaturge à l'Opéra de Paris, s'est attaché à traiter la période la plus sombre de celle-ci, à partir de la Révolution de 1917, qui la verra mise à l'index par le régime soviétique, puis radiée de l'Union des écrivains, avant qu'elle ne soit réhabilitée après la mort de Staline.  Le récit est très linéaire, voire elliptique car comme le remarque Ghristi, la vie d'Akhmatova « est faite de silence et de retrait ».  Aussi le personnage demeure-t-il énigmatique.  La seule dramaturgie réside dans les échanges avec quelques personnages de son entourage, en particulier avec son fils Lev.  Celui-ci, par deux fois emprisonné par le régime, puis libéré, finira par rejeter cette mère chez qui il n'a pas senti le désir de le sauver ; ce qui donne lieu à une scène de rupture d'un indéniable impact au IIIe acte.  Outre les duos entre mère et fils et quelques scènes de foule, les tableaux se succèdent sans rebondissement significatif apte à maintenir l'attention.  Les scènes s'enchaînent les unes aux autres grâce à des interludes symphoniques.  Là où l'on pouvait s'attendre à un traitement chambriste sur le ton de la conversation, Bruno Mantovani favorise un grand orchestre plus souvent lâché en force que retenu, de couleur plutôt sombre qui, selon lui, a « quelque chose de la gravité russe ».  Voire.  En tout cas le discours n'évite pas l'effet répétitif, procédant par impulsions souvent violentes avec aplats de cuivres et de percussions.  Le problème est qu'une telle luxuriance a pour conséquence de couvrir les voix, la plupart du temps.  D'autant que l'écriture vocale est curieusement dépourvue de lyrisme, pourtant revendiqué par les auteurs : la ligne de chant escamote les syllabes muettes ce qui ne met pas en valeur le phrasé musical qui, par moments, se poursuit en une brève séquence parlée.  Curieusement, l'opéra s'achève par un long intermède orchestral décrivant la solitude oppressante d’Anna qui, seule en scène, donne l'impression de ne plus pouvoir réagir ni même ouvrir la bouche, sauf pour livrer quatre ultimes phrases : un monologue final attendu qui ne se concrétise pas.  Selon le compositeur, il ne s'agit pas d'un postlude mais plutôt d'une ouverture placée à la fin de l'opéra, à défaut d'en avoir été l'élément introductif.  Cette inversion de la structure habituelle se justifierait comme une « ouverture à la poésie ».

 

©Elisa Haberer/ONP

 

La présentation, quoique esthétiquement belle, est minimaliste.  Si le parti pris d'un environnement noir et blanc et la symbolique du portrait de la poétesse brossé par Modigliani dans les années 20, omniprésent et démultiplié, sont agréables à l'œil, la mise en scène de Nicolas Joel donne peu de relief à une histoire qui ne progresse pas, se bornant à des mouvements convenus.  À supposer qu'il faille se mesurer à la lenteur dramatique typiquement russe, peu de chose est fait pour l'habiter.  Le climat de terreur politique n'est palpable que lors des scènes de foule habilement construites.  De la distribution se distingue la prestation de Janina Baechle, Anna, dont le tour de force est d'être pratiquement toujours en scène et de devoir autant illustrer théâtralement son personnage que le chanter.  Restent les réserves mentionnées quant à la faconde orchestrale le disputant à la bonne propagation de la voix.  L'attrait de Mantovani pour les voix aiguës - qu'il partage avec beaucoup de ses confrères - se manifeste dans le choix des tessitures réservées à trois caractères : le fils Lev, un ténor de composition, le représentant de l'Union des écrivains, un contre-ténor, et l'amie comédienne Faina Ranevskaia, une soprano colorature.  Dans les deux premiers cas, les interprètes, Attila Kiss-B et Christophe Dumaux, se tirent fort bien d'affaire.  Pascal Rophé, un habitué de l'univers sonore de Mantovani, donne sans doute le meilleur d'une partition qui a du mal à se livrer.

 

 

« Le » Freischütz de Weber-Berlioz à l'Opéra Comique

Carl Maria von WEBER : Le Freischütz.  Opéra romantique en trois actes.  Livret de Friedrich Kind.  Présenté dans la version française, avec la traduction d'Émilien Pacini & Hector Berlioz et les récitatifs d'Hector Berlioz.  Sophie Karthäuser, Andrew Kennedy, Virginie Pochon, Gidon Saks, Matthew Brook, Samuel Evans, Robert Davies, Luc Bertin-Hugault, Christian Pélissier.  The Monteverdi Choir.  Orchestre révolutionnaire et romantique, dir. John Eliot Gardiner.  Mise en scène : Dan Jemmett.

 

©Elisabeth Carecchio

 

L'idée de présenter la version française du Freischütz de Weber revient au chef John Eliot Gardiner qui souligne combien ce chef-d'œuvre du romantisme allemand doit au genre de l'opéra-comique car il est le « fruit de l'idéal des goûts réunis formulé au siècle des Lumières ».  Précisément, l'adaptation conçue par Berlioz qui substitue aux dialogues parlés du singspiel des récitatifs chantés, apporte à la pièce une unité de ton apte à lui restituer une fraîcheur d'inspiration insoupçonnée et à mettre en exergue son style mélodique inimitable.  D'autant que la traduction française est loin de sombrer dans le banal et se coule aisément dans la prosodie de la langue.  Le texte exhale, en maints endroits, une délicate atmosphère poétique, comme en témoigne le grand air d'Agathe.  Le seul passage parlé non adapté par l'auteur de la Symphonie fantastique, au début du IIIe acte, est ici transposé sous forme d'entracte sur une musique empruntée au Concertino pour clarinette de Weber.  Artisan de cette résurrection réussie, Gardiner apporte à l'orchestre de Weber un relief saisissant et en souligne les traits originaux : flûtes grinçantes, jeu des contrebasses, mélopées de la clarinette, en particulier dans le registre grave – Francis Poulenc n'a-t-il pas dit : « le grave de la clarinette, c'est Weber qui le premier s'en servit sans trembler ».  Il en révèle encore la radicalité de l'orchestration.  Ainsi de la scène de la Gorge-aux-Loups et ses effets de fantastique teinté de maléfique, que la présence de chœurs dans les hauteurs de la salle même rend encore plus effrayant.  Les couleurs des instruments d'époque de l'Orchestre révolutionnaire et romantique sont pour beaucoup dans la caractérisation de l'atmosphère tour à tour envoûtante ou tendrement poétique.

 

©Elisabeth Carecchio

 

Le choix des voix a été méticuleusement soupesé pour restituer l'exacte veine quasi mozartienne de l'opéra.  Ainsi du jeune Max, confié non à un heldentenor, mais à une voix qui possède la clarté d'émission et la ductilité du ténor italien di grazia : Andrew Kennedy est à cet égard un modèle d'élégance.  Sophie Karthäuser, Agathe, offre cette vulnérabilité qui rend le rôle si attachant et une ligne de chant immaculée ; une des sopranos lyriques les plus complètes du moment.  Ces deux-là ont à voir avec Tamino et Pamina, non seulement dans la couleur vocale mais aussi quant au cheminement vers la perfection à travers les épreuves.  Virginie Pochon, Annette, fait montre autant d'esprit que de faconde vocale ; de loin une de ses meilleures prestations.  D'un brelan de basses complétant une distribution sans faille se détache Gidon Saks : son portrait de Gaspard allie noirceur du dessein et profondeur virtuose du chant.  Comme naguère pour la production de L'Étoile en ce même lieu, la prestation du Monteverdi Choir subjugue : outre une aisance peu commune dans le maniement de l'idiome gallique, ces choristes d'exception se révèlent aussi bons comédiens et même danseurs lors du divertissement - sur la musique de l'Invitation à la valse - inséré par Gardiner au IIIe acte après le Chœur des chasseurs.  Les solistes s'y joignent d'ailleurs pour un moment d'irrésistible entrain.

 

©Elisabeth Carecchio

 

La régie se souvient de la naïveté paysanne inhérente à cette histoire.  La décoration fait choix d'un lieu de transition aux confins de l'univers forestier et de la tradition populaire des contes germaniques.  D'où l'idée de l'emprunter au monde forain qui, outre ses couleurs, apporte une touche agréablement naïve avec son stand de tir à balles réelles, sa roulotte qu'habitent les deux filles.  Ce côté naturaliste ne dépare pas.  La mise en scène se veut lisible.  Sans prétention, elle a la vertu d'être juste dans l'expression des sentiments.  Le tableau de la Gorge-aux-Loups, loin des débordements de certaines productions à grand spectacle, offre le juste faire-valoir à une scène musicale fantasmagorique sans équivalent.  Car l'essentiel n'est-il pas ici dans ce qu'évoque un orchestre suprêmement descriptif : un formidable paysage sonore, digne de Berlioz, utilisant le registre sombre des cordes et des vents pour décrire la terreur d'une machination satanique, le déchaînement des éléments naturels, l'effroi du jeune chasseur Max.

Jean-Pierre Robert.

 

Cycle Mahler au Théâtre des Champs-Élysées.

Gustav Mahler Jugendorchester, dir. Philippe Jordan.  Thomas Hampson (baryton), Burkhard Fritz (ténor).

 

Gustav Mahler Jugendorchester ©DR

 

Un programme totalement dédié à Gustav Mahler (1860-1911) dans le cadre de la commémoration du centenaire de sa mort, comprenant deux œuvres emblématiques, l’Adagio de la Symphonie n°10, inachevée et le Chant de la Terre, dans sa version pour ténor & baryton.  Inachevée, la Dixième Symphonie marque la fin d’un cycle, la fin d’une vie, la fin d’un amour, « pour toi vivre, pour toi mourir, Almschi ! » en même temps qu’elle témoigne, une dernière fois, de l’instinct prophétique de Mahler, laissant prévoir une ultime évolution vers la suppression des fonctions tonales…  Avec le Chant de la Terre, nous retournons au moi profond de Mahler.  Composé dans une période de créativité difficile (après la crise de 1907 qui verra son départ de l’Opéra de Vienne, la mort de sa fille aînée « Putzi », la découverte de sa cardiopathie), Mahler a conscience de la nécessité de poursuivre son œuvre, malgré la solitude, la menace de mort, quasiment acceptée.  Le travail semble son seul dérivatif, conçu comme un réconfort.  Par le Chant de la Terre, Mahler retrouve le chemin de lui-même en reprenant son inlassable quête de construction, réalisant l’apogée de l’esprit romantique en reliant subjectivité de l’expression et raffinement de la technique.  Conçu pour échapper à la malédiction des 9es symphonies (Beethoven, Schubert, Bruckner), construit à partir de sept poèmes chinois du VIIIe siècle de notre ère, découverts dans le recueil La Flûte chinoise de Hans Bethge, il s’agit d’une véritable symphonie de Lieder pour ténor, alto ou baryton & orchestre.  Mahler y évoque la condition humaine : l’ivresse et le désespoir, la solitude et la nature, la jeunesse, la beauté, le printemps et enfin l’adieu à l’ami se terminant dans un murmure sur le mot « ewig » (éternellement) répété sept fois comme un rite sacré qui laisse entrevoir le passage de l’intime à l’universel, au-delà du deuil, qui se confirmera dans la Neuvième Symphonie.

 

Philippe Jordan ©DR

 

Pour ce somptueux programme, le GMJO, créé à Vienne en 1986, à l’initiative de Claudio Abbado, apportait à la fois sa jeunesse, son enthousiasme et son talent, dirigé par le non moins talentueux Philippe Jordan, actuel directeur musical de l’Opéra de Paris, qui s’affirme, à chacune de ses prestations lyriques ou symphoniques, comme l’un des plus grands chefs actuels.  Le casting vocal était également de grande qualité avec Thomas Hampson, un des rares barytons acceptant de se mesurer dans ce répertoire avec les meilleurs altos (on se souvient des interprétations de Kathleen Ferrier) ; il donna ici une interprétation superbe, à la fois dans la diction, la rondeur du timbre, la retenue et l’intériorité.  Un concert d’exception qui confirme que la valeur n’attend pas le nombre des années…

 

Thomas Hampson ©DR

Patrice Imbaud.

 

 

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Les Huguenots de Meyerbeer, à La Monnaie

Si Les Huguenots connurent un succès retentissant à la création, rares en sont aujourd'hui les productions.  Le « grand opéra » de Meyerbeer requiert en effet des moyens musicaux et dramaturgiques peu communs.  Car il faut donner vie à une immense fresque historique qui, dans la France de 1572, traite de l'intolérance religieuse à travers la passion amoureuse que vivent un protestant et une catholique.  Le massacre de la Saint-Barthélemy en est la toile de fond.  C'est ce à quoi vont s'attaquer fièrement Marc Minkowski dont on sait l'affinité avec le répertoire français et Olivier Py qui aime à relever le défi des ouvrages hors normes.

 

Giacomo Meyerbeer

Giacomo Meyerbeer ©DR

 

Théâtre de La Monnaie : les 11, 14, 15, 17, 21, 23, 24, 28 et 30 juin 2011 (18h30), les 19 et 26 juin (15h00).  Renseignements : 23, rue Leopold, 1000 Bruxelles.  Tél. : 00 41 70 23 39 39.  www.lamonnaie.be

 

Sweeney Todd, un « musical thriller » au Châtelet

Poursuivant son exploration méthodique des grandes pages de la comédie musicale américaine, le Châtelet monte Sweeney Todd : un « musical thriller » où l'on voit un barbier de Fleet Street à Londres condamné à vie poursuivre, une fois évadé, le diabolique dessein de se venger du juge qui l'avait envoyé au bagne.  Sa vengeance s'étendra à l'ensemble de la société.  Il y a de la critique sociale brechtienne comme une bonne dose d'humour noir dans la musique et les lyrics de Stephen Sondheim.  Pour cette création française, le Châtelet a de nouveau fait appel à l'équipe artistique qui avait signé A Little Night Music.

 

 

Théâtre du Châtelet : les 2, 3, 4, 5, 6, 7, 11, 12, 13, 14, 17, 18, 19 et 20 mai (20h00), les 15 et 21 mai (15h00).  Renseignements : 1, place du Châtelet, Paris Ier.  Tél. : 01 40 28 28 40.  www.chatelet-theatre.com

Jean-Pierre Robert.

 

 

Ray Lema : L’Afrique dans tous ses états

L’Afrique peut s’enorgueillir de posséder dans son potentiel culturel un musicien d’exception qui s’affiche avec la même aisance dans la musique traditionnelle africaine que dans la musique classique occidentale ou le jazz.  La fécondité de son inspiration et son éclectisme font de Ray Lema un passeur entre différentes traditions, un musicien curieux en quête de découvertes.

 

©DR

 

Né au Zaïre, il se destine à la vocation sacerdotale à l’âge de 11 ans.  C’est alors qu’il découvre Bach, Mozart et le chant grégorien en même temps que se révèle chez lui un don pour le piano.  Après avoir quitté le séminaire, il joue dans différents orchestres, accompagne des stars zaïroises, puis intègre les Yss Boys, groupe de rock très populaire.  En 1972, il parcourt le pays en quête de nouvelles connaissances des musiques traditionnelles.  Le gouvernement lui demande alors de créer et diriger le Ballet national du Zaïre.

Après un court séjour aux États-Unis, il s’installe en France en 1982.  Sa carrière internationale s’amorce en 1983 avec l’album Kinshasa Washington DC-Paris qui mixe rumba, rock, reggae et funk.  Il réalise ensuite des albums avec Stewart Copland, ex-batteur de Police, Manu Dibango, Charlélie Couture ou Jacques Higelin, s’oriente vers le cinéma avec la musique du film Black Mic-mac et enregistre avec 23 chanteurs - dont 14 bulgares et 6 africains – dans un mixage de voix et de cultures.

Ray Lema, à côté de ses prestations scéniques, compose pour le théâtre et le cinéma : Villa Belle-France pour France 3, Médée présentée au Théâtre des Amandiers de Nanterre en 2003, puis en tournée.  Cette musique de scène lui a d’ailleurs valu le Grand Prix du Syndicat de la critique.  La même année, il reçoit un Django d’Or en hommage à l’ensemble de sa carrière.

Parallèlement, Ray Lema initie en Afrique un projet basé sur la transmission des savoirs, soutenu par une série de master-classes s’appuyant tant sur l’Afrique que sur Cuba et le Brésil.  En 2009, il interprète treize de ses œuvres avec les 85 musiciens du Sinfônica de São Paulo.  Une nouvelle invitation en 2010 fera l’objet d’un coffret CD/DVD dont la sortie est prévue en France en 2011.

Sous la baguette de François-Xavier Roth, Ray Lema enregistre avec les 40 musiciens de l’Orchestre des Siècles les musiques de la pièce Ithaque sur un texte de Botho Strauss et dans une mise en scène de Jean-Louis Martinelli.

Ray Lema se produira prochainement à Paris à l’occasion du festival L’Afrique dans tous les sens.  Ce festival célèbre l’Afrique tournée vers l’avenir, une Afrique nouvelle, en action, plurielle, qui innove tout en respectant ses valeurs traditionnelles.  Vingt pays seront représentés à l’occasion de trente-cinq concerts, deux défilés de mode, des films, des spectacles de rue ou des ateliers de pratique artistique.  Le public parisien pourra apprécier la musique de Ray Lema lors de deux concerts :

  • Le mercredi 11 mai, à 20h30, à La Bellevilloise (21, rue Boyer, Paris XXe.  Tél. : 01 46 36 07 07.  www.labellevilloise.com)
  • Le samedi 28 mai, à 20h00, Musée du Quai Branly / Théâtre Lévy-Strauss (37, quai Branly, Paris VIIe.  Tél. : 01 56 61 70 00. www.quaibranly.fr).

 

Ces concerts coïncident avec le dernier album du pianiste, 99.  Pourquoi ce titre ?  En France, c’est le numéro attribué par l’administration à tous ceux qui sont nés ailleurs, quelle que soit leur origine.  Pour Ray Lema, c’est une utopie où la discrimination se transforme en fraternité.  Dans les crispations identitaires, les haines ou les fanatismes, jamais l’autre n’a paru si loin, alors que la technologie nous permet aujourd’hui de connaître le monde entier.  C’est le message que Ray Lema veut livrer dans cet album : une fraternité universelle retrouvée au sein d’un multiculturalisme.  Rock, rumba, reggae, rythmes Lubas du Congo évoluent dans une orchestration vivante et colorée où la voix et le piano de Ray Lema, passeur d’un art sans limite, donnent un sens au mot « partage ».

99 – Ray Lema (piano, claviers, guitare, percussions, chant).  One Drop (one.drop@free.fr) : 1DROP02.  Distrib. Rue Stendhal (9bis, rue de la Villette, Paris XIXe.  Tél. : 01 40 05 03 73.  gilbert.castro@ruestendhal.com).  TT : 44’22.

 

 

Contact : Catherine Benainous – 25, rue Trousseau, Paris XIe.  Tél. : 01 48 06 72 05 ou : 06 63 53 48 00.  raylema.presse@gmail.com

 

POUR LES PLUS JEUNES

« Jardin d’Arc-en-Ciel » : une féerie musicale pour les petits

C’est l’histoire de Myrtille, une petite fée qui ne peut pas voler.  Dans son jardin multicolore qu’elle entretient avec amour, elle décide d’apprendre en cherchant autour d’elle ce qui pourrait l’aider. Une fleur géante, un papillon ou une guirlande d’étoiles lumineuses lui font découvrir les couleurs… mais ne lui apprennent pas à voler.  Il lui faut grandir et attendre que les ailes lui poussent.  Ce qui arrive, bien sûr à la fin du spectacle… mais il reste à Myrtille à apprendre à se servir de ses ailes toutes neuves…

C’est un spectacle d’une rare qualité que propose au jeune public la Comédie de la Passerelle.  La poésie côtoie le symbolisme avec bonheur et humour à la découverte de soi : ce n’est pas à l’extérieur qu’il faut chercher ce qui nous aide à grandir...  Dès l’entrée dans la salle, le public est projeté d’emblée dans une autre dimension brodée de couleurs et de lumières.  Quand Myrtille se réveille, un océan d’énergie se déverse sur scène : musique, chant, danse, galipettes… la petite fée captive les bambins avec naturel, tendresse et enchantement.  Un petit conte d’une grande fraîcheur jouée avec sincérité par une comédienne de talent qui établit spontanément un contact magique avec les enfants.  Sans aucun doute l’un des meilleurs spectacles à l’affiche pour enfants à partir de 2 ans.  Trente-cinq minutes de jubilation à voir absolument !

Jardin d’Arc-en-Ciel : de & avec Emma Darmon, en alternance avec Angélique Fridblatt.  Mise en scène : Matteo Porcos.  Musique : William Herremy.  En mai & juin : les mercredis à 10h30 et le dimanche à 11h (relâche le 29 mai).  Renseignements : Comédie de la Passerelle - 102, rue Orfila, Paris XXe.  Tél. : 01 43 15 03 70.  http://comediedelapasserelle.blogspot.com

 

Gérard Moindrot.

 

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PIANO

Musique russe pour piano : A. MOSSOLOV, V. CHÉBALINE, N. KARETNIKOV.  Le Chant du Monde (pianco@chantdumonde.com) : PN4675.  2011, 31 p.

Les Éditions du Chant du Monde, spécialisées dans la diffusion de la musique russe du XXe siècle, après plusieurs éditions de musique vocale, notamment de D. Chostakovitch, viennent de publier deux Cahiers particulièrement intéressants avec un programme sortant des sentiers battus.  Une petite anthologie d’œuvres pour piano associe trois compositeurs et présente un total de 13 Pièces, Danses et Strophes.  Les Trois pièces, op.23a et les Deux danses, op.23b d’Alexandre Mossolov (1900-1973) sont destinées à des pianistes chevronnés et solfégistes expérimentés (lecture difficile, mesures rares : 7/4, 7/8, 8/4, accords difficiles à déchiffrer, longs traits de croches volubiles.  Sous le titre : Strophes, Vissarion Chébaline (1902-1963) propose des pages brèves de moyenne difficulté, composées en 1921-22.  Il en est de même des Cinq pièces, op.3 et des Cinq pièces, op.2, de Nikolaï Karetnikov (1930-1994) exigeant un strict respect du phrasé.

 

 

VIOLON & PIANO

Dimitri CHOSTAKOVITCH : Cinq pièces pour deux violons & piano.  Le Chant du Monde (pianco@chantdumonde.com) : MC4149.  2011.  27 p. (+ parties séparées).

Ce nouveau fascicule propose des arrangements pour deux violons & piano, par Lev Atovmyan, des pièces de Dimitri Chostakovitch (1906-1975), compositeur russe de la période soviétique.  Dans le Prélude, les violons évoluent en mouvement de sixtes et de tierces parallèles, sur une partie de piano en accords, avec des commentaires décoratifs à la main gauche, la lecture est claire et la dynamique, précise.  La Gavotte fait appel à la légèreté ; l’Élégie a un mouvement lent expressif contrastant avec la Valse (moderato) et surtout la Polka (vivace).  Excellente gravure, un seul regret : l’absence de mesures numérotées qui serviraient de repère aux trois intervenants.  Quoi qu’il en soit, ce Cahier rendra de grands services aux classes de musique de chambre soucieuses de diversifier leur répertoire.

 

Édith Weber.

 

GUITARE

Jean-Marie LEMARCHAND : Mélodies d’automne pour guitare.  Armiane : EAL 431.

Abordable pour le début du deuxième cycle, ces trois courtes mélodies brossent trois portraits en demi-teintes mais qui ne manquent ni de vie ni de charme.  Si la première se déroule comme une cantilène, la deuxième a des allures de danse paysanne. Quant à la troisième, après une introduction en forme de prélude, elle nous entraîne dans une ronde endiablée qui donnera sans doute un peu de fil à retordre aux jeunes interprètes.

 

 

PIANO

Klavier-Festival Ruhr Bärenreiter Piano Album.  Musique contemporaine pour piano à deux & quatre mains.  Édité par Tobias Bleek & Michaël Töpel.  Doigté par Pierre-Laurent Aimard & Tamara Stefanovitch.  Bärenreiter : BA 9659.

Cet album est né d’une collaboration entre le Festival de piano de la Ruhr, qui rassemble chaque année les plus grands pianistes et les éditions Bärenreiter.  Cinq compositeurs contemporains ont participé à cet album chacun pour deux pièces : une à deux mains, l’autre à quatre mains. Ces pièces portent souvent le même titre et ont un rapport certain entre elles.  Les compositeurs sont : deux Anglais, Luke Bedford et George Benjamin ; un Allemand, York Höller ; un Norvégio-Français, Olav Lervik ; un Chypriote, Vassos Nicolaou ; un Italien, Marco Stroppa.  Ils ont répondu avec bonheur au désir du festival non seulement de promouvoir la musique contemporaine, mais de créer un répertoire qui serait accessible au jeunes pianistes et pourrait être utilisé dans l’apprentissage même de l’instrument.  Pierre-Laurent Aimard et Tamara Stefanovitch ont doigté ces pièces qu’ils ont expérimentées avec leurs jeunes élèves.  Souhaitons beaucoup de succès à cette entreprise tout à fait remarquable.

 

 

Monic CECCONI-BOTELLA : Pitchounettes pour piano.  Delatour : DLT1119.

Ces quatre petites pièces forment un bien réjouissant bestiaire.  Il y a là de quoi exciter l’imagination et l’oreille des jeunes pianistes à qui ces œuvres sont destinées. Évocatrices sans être imitatrices, elles constituent également une pédagogie de la tenue de main, le tout sans en avoir l’air !

 

 

Davide PERRONE : Florilejo Aureum pour piano à 4 mains.  Delatour : DLT1846.

Qu’on ne s’y trompe pas : ce quatre mains n’a rien d’une pièce pédagogique.  C’est une œuvre qui met à profit les couleurs symphoniques du piano. Malgré une écriture qui pourrait suggérer une interprétation percussive, il s’agit essentiellement de faire chanter l’instrument.

 

 

Davide PERRONE : Jeremy in China pour piano.  Delatour : DLT1125.

Ce recueil contient deux pièces : Jeremy in China et Jeremy in Chinatown. Elles s’adressent à deux niveaux différents : fin de cycle 1 et fin de cycle 2. Leur caractéristique commune est d’être écrites sur cinq sons.  La première se joue sur les touches blanches, la seconde sur les touches noires. Construites sur un même thème, elles le déclinent évidemment de manière différente - la seconde mettant notamment en jeu les résonances de l’instrument.

 

 

VIOLONCELLE

Claude PASCAL : Ricordanza pour violoncelle & piano.  Combre : C06709.

Avec cette œuvre destinée à la fin du second cycle, le toujours jeune compositeur nous offre une œuvre pleine de délicatesse et de charme autant que de vigueur. Cette page ne déparerait pas dans un récital.  Souhaitons qu’elle trouve les interprètes qu’elle mérite.

 

 

CONTREBASSE

Lissa MERIDAN : Running from silence pour vontrebasse solo.  Delatour : DLT1601.

Inspirée par le poème du mystique musulman persan Djalal-el-dine Rumi, Quietness, pièce scandée par des cellules rythmiques inspirées de l’alphabet morse, est un commentaire musical du poème qui figure intégralement sur la partition.  Cette œuvre difficile est en même temps très attachante.

 

 

FLÛTE TRAVERSIÈRE

Gilles CARRÈ : Reflets – Couperin pour flûte & piano.  Combre : C06734.

Cette pièce, du niveau de la fin du cycle 2, fait appel aux techniques contemporaines dans une œuvre à la fois exigeante et d’un grand lyrisme.

 

 

FLÛTE À BEC

Davide PERRONE : Softy Touch pour flûte à bec alto & piano.  Delatour : DLT1126.

Commençant avec le claquement des doigts du pianiste, cette pièce assez facile est une invitation au jazz : rythme « ternaire », accords typiques… tout y est.  On commence par une allure piano-jazz pour aller vers une allure jazzy plus affirmée.  Cette œuvre, sous une allure un peu désinvolte, développe un charme un peu coquin que les jeunes interprètes devront savoir exprimer.

 

 

HAUTBOIS

Laura COLOMBO : Romance – Sweet melody.  Deux pièces pour hautbois & pianoforte (ou piano).  Armiane : EAL 492.

Pourquoi avoir choisi le pianoforte de préférence au piano moderne ?  Sans doute parce que la richesse harmonique et le timbre particulier du premier convenait mieux au caractère de ces deux pièces, dont l’écriture très fluide correspond bien aux titres choisis.  Si l’on joue ces pièces sur un piano moderne, il faudra veiller à en respecter le caractère autant que faire se peut.  La partie de pianoforte, techniquement peu difficile, pourra être confiée à un élève : occasion rêvée pour faire pratiquer la musique de chambre.

 

 

CLARINETTE

Jean-Michel TROTOUX : Hommage à Satie pour clarinette sib & piano.  Lafitan : P.L.2057.

Cette pièce pour débutant annonce dès le départ la couleur : « comme une gymnopédie ». Mais il s’agit d’un hommage et non d’un pastiche : tout en restant dans l’esprit, la pièce s’évade peu à peu de son modèle…  La partie de piano est nettement plus difficile que celle de clarinette mais pourra être cependant confiée à un élève avancé.

 

 

Alain WEBER : Mutances II pour clarinette basse & piano.  Delatour : DLT0414.

Explorant toutes les possibilités de la clarinette basse, cette œuvre nous conduit d’un pianissimo à un pianissimo en passant par les nuances les plus extrêmes. Elle est très écrite même si le style s’apparente à l’improvisation.  Elle est aussi, bien sûr, très difficile.

 

 

Alain WEBER : Mutances III pour clarinette basse & piano.  Delatour : DLT0415.

Dans cette œuvre très difficile, l’auteur explore de nouveau toutes les ressources de l’instrument.  La partie de piano ne se contente pas de soutenir mais constitue un véritable partenaire pour le clarinettiste.

 

 

SAXOPHONE

Jean-Claude HENRY : Récit pour saxophone ténor (ou alto) solo.  Combre : C06724.

Ce récit, d’abord calme, s’anime et se diversifie peu à peu. On ne risque pas de s’ennuyer à l’écouter ni à le jouer.  De niveau deuxième cycle, cette pièce mettra pleinement en valeur les qualités de musicien de l’interprète.

 

 

Pascal PROUST : Clairières pour saxophone alto & piano.  Combre : C06699.

De niveau fin de premier cycle, ces Clairières invitent à la promenade, à la marche, à la danse, bref sont aussi joyeuses que variées, dans un style bon enfant du meilleur aloi.

 

 

Max MÉREAUX : À la fontaine de pierre pour saxophone alto & piano.  Armiane : EAL 508. Pour saxophone ténor : EAL 507.

Deux versions pour une même œuvre destinée au second cycle. Voilà une œuvre très bucolique dans un style délicatement atonal.  Il faudra que les instrumentistes fassent preuve d’un grand sens mélodique : la partie de piano dialogue avec son partenaire et exige les mêmes qualités de musicalité.

 

      

 

TROMPETTE

Max MÉREAUX : Hommage pour trompette (sib ou ut) & piano.  Delatour : DLT1122.

Construite de façon très classique, cette jolie pièce très vivante possède même, comme un premier mouvement de concerto, une cadence qui mettra en valeur le jeune virtuose.  La partie de piano peut être confiée à un élève.

 

 

Fabrice LUCATO : Aurore pour trompette sib ou ut (ou cornet) & piano.  Lafitan : P.L.2063.

De niveau préparatoire, cette pièce ne manque ni de charme ni de caractère. Construite en partie sur un rythme de habanera, elle nous promène dans des paysages variés permettant au jeune trompettiste de montrer les différentes facettes de son talent : mélodie, rythme, sens du phrasé…

 

 

Michel NIERENBERGER : Intrada e Balletto.  Pièce en deux mouvements pour trompette sib ou ut (ou cornet) & piano.  Lafitan : P.L.2011.

Cette pièce de niveau élémentaire est tout à fait intéressante. L’Intrada commence par une sorte de cadence et continue par un véritable mouvement fugué où trompette & piano ont un rôle concertant. Le Balletto, quant à lui, fait la part belle aux mesures impaires (5/8, 7/8…) et aux rythmes dansants et entraînants, dans un esprit jubilatoire.

 

 

Philippe RIO : Trompette, en avant ! pour trompette sib ou ut (ou cornet) & piano. Lafitan : P.L.1839.

Le jeune débutant qui abordera cette page se trouvera dans le rôle traditionnel du trompettiste de fanfare, y compris dans la partie médiane, plus chantante et au ton de la dominante, qui joue le rôle du traditionnel trio.  Attention, cela n’est pas une critique mais, au contraire, un compliment pour le clin d’œil nostalgique.

 

 

Alexandre CARLIN : Cérémonie pour trompette sib ou ut (ou cornet) & piano.  Lafitan : P.L.2037.

Également pour niveau débutant, voilà une page solennelle qui évoque une entrée de mariage ou de remise de décoration.  Là non plus, ne boudons pas notre plaisir car tout cela est du meilleur aloi.

 

 

Pierre-Richard DESHAYS : Ch’ti Valse pour trompette sib ou ut (ou cornet) & piano.  Lafitan :P.L.1846.

Cette valse de niveau débutant nous transporte dans l’ambiance des bals « ch’tis » animés par les « harmonies » locales.  Voici encore une pièce bien sympathique et qui sera agréable autant à jouer qu’à entendre.

 

 

Pierre-Richard DESHAYS : Le voyage d’Ulysse pour trompette sib ou ut (ou cornet) & piano.  Lafitan :P.L.1847.

De niveau préparatoire, cette pièce entraîne le jeune trompettiste dans un voyage aventureux sur les rives du ternaire et de ses pièges rythmiques, mais le tout dans la bonne humeur.  De quoi permettre de montrer ses qualités à la fois rythmiques et mélodiques.

 

 

Gérard LENOIR : Nostalgia valse pour trompette sib ou ut (ou cornet) & piano.  Lafitan : P.L.2112.

Dans un tempo de valse lente, cette pièce évoque à merveille les salons d’antan. Une partie médiane, plus langoureuse pour la trompette, permet au pianiste de s’épancher à son tour.  Elle est destinée aux élèves de préparatoire.

 

 

TROMBONE

Thierry DELERUYELLE : Entrée royale pour trombone & piano.  Lafitan : P.L.2048.

Une fort belle et souple mélodie caractérise cette pièce de niveau préparatoire qui ne prend son caractère triomphal que dans les dernières mesures, lorsque le royal cortège a terminé sa solennelle progression. Sans être difficile, la partie de piano demande quand même un pianiste expérimenté.

 

 

Claude-Henry JOUBERT : Sérénade à coulisse pour trombone avec accompagnement de piano.  Lafitan : P.L.2120.

Il n’est pas sans importance que cette œuvre pour le niveau élémentaire soit dédiée à Michaël Grzegorzewski, à la fois authentique tromboniste et authentique « ch’ti ».  Que dire sinon que grâce au langage contemporain, Cl.-H. Joubert crée une grande complicité entre le pianiste et le tromboniste.  Quant au « Mot du compositeur » qui ouvre cette œuvre et en donne les clés, il est, comme toujours, à la fois pertinent, pédagogique et… hilarant.

 

 

COR

Max MÉREAUX : Hommage pour cor en fa & piano.  Delatour : DLT1253.

Il s’agit de la version pour cor de l’œuvre recensée sous la rubrique « Trompette ».

 

 

CHŒUR

Claude VERCHER : Trois annonces de concert pour chœur à 4 voix mixtes.  Delatour : DLT1602.

Certains chœurs ont coutume d’arriver ou de partir en chantant.  Les trois pièces proposées s’intitulent : Ouverture, pour le début du concert, Entracte pour le début de l’entracte et Départ… Pleine d’humour, elles ne sont pas si faciles qu’elles en ont l’air, mais la réduction de piano (à n’utiliser qu’aux répétitions) devrait en faciliter la mise en place.  C’est court et savoureux, et cela surprendra sans doute agréablement l’auditoire.

 

 

Gérard HILPIPRE : Am Anfang… Cantate pour voix de basse, chœur mixte & orgue. Compositeurs alsaciens, vol. 28.  Delatour : DLT0808.

« Au commencement… ». C’est bien sûr le début de la Genèse qui constitue le texte de cette cantate qui se termine paisiblement sur la phrase : « …et Il vit que cela était bon ! ».  Il s’agit d’une œuvre ambitieuse qui ne dure pas moins d’une demi-heure et évoque de façon grandiose les différents aspects de la création.  Œuvre difficile et sans concession mais bâtie comme une cathédrale.

 

 

MUSIQUE DE CHAMBRE

Patrick CHOQUET : Ouvrages d’Ars.  CD inclus.  Delatour : DLT1846.

Cette œuvre, composée à la demande du duo Kalliopê, et créée en 1991, est d’une écriture libre tout à fait contemporaine. Il s’y trouve une part d’improvisation.  Fort heureusement, l’enregistrement par ce même duo est là pour guider la recherche.  Comme le dit l’auteur : « On a frôlé la transmission orale pour trouver une partition en définitive plus écrite et moins ouverte qu'il n'y paraissait. »

 

 

BRAHMS : Sextuor en sib majeur pour 2 violons, 2 altos, 2 violoncelles, op.18.  Bärenreiter.  Partition de poche : TP 419.  Parties séparées : BA 9419.

BRAHMS : Sextuor en sol majeur pour 2 violons, 2 altos, 2 violoncelles, op.36. Bärenreiter.  Partition de poche : TP 420.  Parties séparées : BA 9420.

Il est inutile de rappeler la qualité de l’édition que propose Christopher Hogwood : clarté, lisibilité, pertinence des indications.  Chaque partition de poche jouit, de plus, d’une copieuse préface retraçant la genèse des œuvres, les conditions de leur exécution, les différentes transcriptions réalisées par Brahms lui-même, bref tout un ensemble de commentaires passionnants et que les interprètes se devront d’étudier soigneusement pour entrer dans l’esprit de ses œuvres. Il s’agit là d’une édition monumentale qui constitue une étape dans la connaissance de ces partitions.

 

       

Daniel Blackstone.

 

PIANO

Michael OSTRZYGA : Der singende Wind.  22 kleine Klavierszenen + 1CD.  « Breitkopf Pädagogik », Breitkopf (www.breitkopf.de) : EB 8659.  16 €.

Pour cette publication (déjà par nous recensée, lire ci-dessous), « Breitkopf Pädagogik » vient d’obtenir la distinction “Best Edition 2011” :

« Classées par ordre de difficulté progressive, ces 22 miniatures accompagneront, pour un bon bout de temps, les apprentis pianistes, tout en les initiant au langage musical de notre temps.  On y retrouve l’influence, en effet, aussi bien des musiques minimalistes que de la technique des douze sons, que de formes aléatoires incitant à l’improvisation…  Chaque pièce est, en outre, assortie de conseils d’exécution, d’exercices complémentaires et de stimulantes questions (tout cela, hélas ! en seul allemand…).  Le CD propose une interprétation de chaque morceau. »

 

 

Christopher NORTON : Microjazz Collection 1 (nouvelle édition avec CD).  Boosey & Hawkes (www.boosey.com) : BH 12251.  23,1 x 30,3 cm, 60 p.

Il s’agit là de la réédition d’un ensemble de morceaux faciles et de difficulté progressive dans des styles populaires (jazz, blues, rock, reggae), mais avec, cette fois, un CD inclus comportant l’interprétation de chacune des 28 pièces + accompagnement instrumental.  Avec, en regard sur la page de gauche, des recommandations utiles à l’apprentissage des pièces.  Sont également parus : Microjazz Collection 2 (BH 12252) et Microjazz Collection 3 (BH 12253)  Nonobstant une musicalité parfois défaillante, une série fort intelligemment conçue.

 

Christopher NORTON : Microballads (nouvelle édition avec CD).  Vingt pièces originales pour le pianiste débutant.  Boosey & Hawkes (www.boosey.com) : BH 12276.  23,1 x 30,3 cm, 42 p.

Même principe et commentaires que pour l’album ci-dessus recensé, sinon qu’il s’agit ici de 20 ballades, sans recommandations quant à leur apprentissage.  Sont disponibles dans la même série : Microlatin (BH 11965), Microrock (BH 12059) et Microswing (BH 12049).

 

  

Francis Gérimont.

 

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Gérard ROYER : Verdi et moi.  Variations thématiques.  L'Harmattan, 2010.  13,5 x 21,5 cm, 224 p.  21,50 €.

Singulière rencontre : Gérard Royer livre, en une brève monographie, quelques clés de lecture de l'œuvre de ce maître du théâtre et de la voix qu'est Giuseppe Verdi.  Comme naguère Gilles de Van (dans Verdi, un théâtre en musique, ouvrage qui fait toujours autorité), il met en perspective intrigues et caractères autour de quelques thèmes rassembleurs : les conduites et ruptures familiales (le rôle des pères, le relatif effacement des mères), les élans lyriques d'une vraie portée politique, l'importance du religieux, les visages et les identités souvent dissimulés sous l'illusion du masque.  Fort d'une admiration non dissimulée, riche d'une expérience d'amateur éclairé que procure une fréquentation entretenue sans faille, il trace des personnages verdiens des portraits justes et sans complaisance.  Ils sont, pour certains, décortiqués au point de laisser percevoir de la part du narrateur une indéniable proximité.  Ainsi du Grand Inquisiteur dont l'ombre portée plane sur le drame de Don Carlo, stigmatisé comme « un ayatollah très catholique », voire considéré tel « le ‘Big Brother’ des faits et gestes de la Cour espagnole », exemples de clichés dont l'auteur aime à émailler son propos.  D'autres saillies lancées au fil de la plume sont plus discutables (« la mort d'opéra vaut bien, sinon une messe, au moins une belle et longue cantilène ! »).  C'est que le propos se situe dans la sphère des impressions et se laisse aller à la remarque personnelle.  « La trame d'une intime histoire » confie l'auteur.  Le récit est empreint d'une vraie fausse simplicité et n'évite pas l'affectation : multiplication d'expressions entre parenthèses, jeux de mots (« la farce du destin »), focalisation sur telle locution rehaussée de gras.  Ce qu'un style à la fois savant et curieusement relâché par endroits achève de rapprocher de la liberté de ton du conférencier plus que du travail littéraire d'analyse approfondie.  Gérard Royer qui dit être mû par l'intense sentiment de reconnaissance à l'égard du musicien, se défend de tout penchant égotiste.  Il s'y essaie mais n'y parvient pas toujours.  Une bibliographie sélective et une discographie choisie complètent le livre.

 

 

Christian WASSELIN : Mahler.  La symphonie-monde.  Découvertes Gallimard/Musée d'Orsay, 2011.  12,5 x 18 cm, 127 p., illustr.  13,20 €.

À l'occasion de l'exposition Gustav Mahler au Musée d'Orsay paraît un ouvrage fort attractif qui, en une bonne centaine de pages, recense l'essentiel sur l'auteur du Chant de la Terre.  À partir d'une trame chronologique enrichie de nombreuses remarques complémentaires sur la vie musicale de l'époque, l'auteur saisit le cheminement de celui qui aura fait éclater le concept de la symphonie.  Car si chacune est conçue comme un monde, elles sont toutes « des romans et des épopées ».  Il fait toucher du doigt combien, en l'occurrence, le métier de chef d'orchestre comme les activités du directeur de maisons d'opéra ont forgé chez le musicien le processus créatif.  Sans doute la fréquentation de l'univers lyrique aura-t-elle profondément imprégné celui qui sut si bien faire sienne la poésie de la voix.  Une partie « Témoignages et documents » s'enrichit de quelques points de vue révélateurs.  Ainsi du chef d'orchestre Bruno Walter qui voit « certains échos de Berlioz dans l'emploi osé d'un langage bizarre et grotesque pour parvenir à la plus extrême intensité d'expression », ou encore de Paul Clemenceau - frère de l'homme politique – qui, avec une poignée d'autres, fut l'un des premiers à défendre le compositeur dans l'hexagone.  Richement illustré (fac-similés de partitions, maquettes de décors, photos, caricatures, documents divers) et bien documenté, ce livre constitue une excellente introduction au monde imaginaire mais combien habité de Mahler.  Bibliographie, discographie & filmographie le complètent.

 

Jean-Pierre Robert.

 

Marine BRANLAND & David MASTIN (dir.) : De la guerre dans l’art, de l’art dans la guerre. Approches plastiques et musicales au XXe siècle.  Textuel n°63, Université Paris Diderot, 2010, 268 p., 15 €.

Actes d’un colloque qui s’est tenu les 29 et 30 janvier 2010, cet ouvrage affiche d’emblée ses ambitions (non des moindres), dès l’introduction, puisqu’il s’agit d’étudier un processus d’aller-retour entre la création artistique et le contexte conflictuel (de guerre) via un dialogue interdisciplinaire.  Le colloque releva ce pari, favorisant les échanges entre jeunes doctorants et chercheurs expérimentés, et surtout, embrassant de nombreux domaines.  En effet, dix-sept auteurs participent à ce volume, dont sept sont issus d’unités d’Histoire de l’art, trois d’Histoire et trois de Musicologie, les autres provenant de Littérature comparée ou de Langues et civilisation.  Une représentation universitaire aussi large force déjà l’admiration.

L’ensemble des communications se répartit en quatre grandes parties bien équilibrées, respectivement intitulées : « Mobilisation » (La Grande Guerre d’une part, les autres conflits d’autre part) ; « Dialogues photographiques » ; « Identités et territoire » ; « Mémoires », échappant ainsi à un classement disciplinaire ou chronologique peu efficient.  De fait, la présente étude se veut tout autant une interrogation sur le statut de l’art en temps de guerre, qu’un état des lieux des postures de créateurs faisant entrer la guerre dans leur œuvre (explicitement ou non) pour poser un acte dénonciateur ou documentaire, ou ignorant le contexte guerrier (attitude tout autant significative) pour mieux préserver leur liberté intérieure.

Signalons que l’ouvrage bénéficie de quelques belles illustrations en couleur ou gravures en noir et blanc, de très bonne qualité et d’un intérêt scientifique indéniable.  Toutefois, pour en finir avec la présentation de l’objet, nous nous autorisons à regretter ici l’absence d’une bibliographie classée, mais générale, qui eut pu livrer des suggestions de lecture permettant à ceux qui le désirent d’effectuer par eux-mêmes un travail de contextualisation nécessaire pour mieux comprendre les articles.  En effet, la diversité des conflits abordés (dans le temps et dans l’espace) est telle qu’il est difficile d’envisager un lecteur idéal ayant pris la mesure de chacun…

Dans les lignes qui vont suivre, nous avons choisi de ne rendre compte que des six articles à teneur musicale : quatre dans la première partie et deux dans la quatrième.  Cependant, nous le ferons en distinguant deux catégories : d’une part, des exemples de conduites individuelles et collectives françaises au sein des conflits mondiaux que furent la Première et la Seconde Guerre mondiales ; d’autre part, les situations de guerres civiles où l’art se brise sur les falaises d’une nationalité qui s’effrite.

Dans son article, David Mastin nous présente deux cas particuliers : celui du conservatoire de Toulouse, sous la houlette d’Aymé Kunc qui adhère en 1916 à la Ligue de la Défense de la Musique française, et celui du conservatoire de Montpellier alors dirigé par Armand Granier.  Tous deux contribueront à redonner une vie musicale à cette région méridionale française.  Très bien documentée, cette contribution nous apprend ce que fut la réorganisation de l’orchestre de Toulouse, tout aussi bien que les contraintes imposées aux enseignants de ces institutions, leur engagement dans les concerts de charité et les soucis de programmation qui y sont connexes.  L’on y découvre également le poids de la tradition musicale française, notamment chez le compositeur Kunc qui se refusait à omettre la valeur des chefs-d’œuvre d’outre-Rhin.

C’est à la seconde des Guerres mondiales que s’est attelé Frédéric Gaussin, proposant une étude parallèle des carrières de deux des plus grands élèves de Diémer : Cortot et Lazare-Lévy.  Mettant à jour des éléments biographiques peu connus, l’auteur a parfaitement montré tout ce qui lia les deux hommes dans leur vie amicale et professionnelle jusqu’à la guerre.  Cette dernière mit fin aux années de complicité.  De façon circonstanciée, Frédéric Gaussin nous montre comment l’engagement politique de Cortot le conduisit inexorablement du Commissariat général à la Jeunesse au Conseil national (invité par le maréchal Pétain), puis à la présidence du Comité d’organisation professionnelle de la musique en mai 1942.  Pendant ce temps, Lazare-Lévy subit le joug des lois antisémites et est renvoyé du Conservatoire et de l’École normale de musique, puis s’exile avant de rejoindre la clandestinité.  Lorsqu’il sollicitera l’aide de Cortot, ce dernier ne daignera pas lui répondre.

Un destin individuel fait l’objet de l’intervention de Christopher Brent Murray qui met ici en lumière toute la complexité de la situation d’Oliver Messiaen, soldat français des années 1939-1941.  En croisant des sources de diverses provenances, l’auteur parvint à reconstituer un récit événementiel inédit et probant.  Il put ainsi dégager de nouvelles données concernant la genèse du célèbre Quatuor pour la fin du temps.  Ce texte apporte immanquablement de nouveaux éclairages musicologiques sur un compositeur que l’on croit, à tort, bien connaître…

En matière de lutte contre le fascisme, les activités d’engagement esthético-politiques du compositeur mexicain Silvestre Revueltas (1899-1940) furent exemplaires.  C’est ce que nous montre Luis Velasco Pufleau dans un travail très novateur qui nous apprendra ce que furent les liens de proximité entre la pensée d’un Garcia Lorca et de Revueltas, et comment le compositeur investit ses œuvres des années 1936-1939 de revendications politiques et de références autobiographiques.  Ce faisant, nous découvrons l’organisation marxiste de la LEAR (Ligue des écrivains et artistes révolutionnaires), son action durant la guerre civile d’Espagne, et comment la figure de Revueltas fut opposée à celle de Carlos Chávez.

Avec le texte de François-Gildas Tual, une autre guerre civile est évoquée, plus proche de nous, puisqu’il s’agit de celle qui déchira le Liban.  L’auteur connaît le compositeur qu’il présente : un Libanais né en 1957 et installé à Paris depuis la fin des années soixante-dix, Bechara El-Khoury.  Durant les années quatre-vingt, ce dernier rendit hommage à son pays natal à travers plusieurs œuvres, dénuées de tout esprit descriptif mais toujours soucieuses de délivrer un message de paix.  Lorsque se produisirent les événements du 11 septembre 2001, le musicien se retrouva dans une situation similaire à son retour de Beyrouth, démuni devant la barbarie humaine, et composa une œuvre intitulée New-York, Tears and Hope (2005).

Enfin, troisième article traitant de la musique dans un contexte de guerre civile, celui de Germain-Arsène Kadi nous introduit dans la complexité d’une actualité brûlante.  En effet, en 2002 un conflit armé opposa, en Côte d’Ivoire, les loyalistes aux rebelles, coupant le pays en deux (le sud vs le nord).  L’auteur nous présente les albums de propagande des chanteurs populaires et nous sensibilise, avec efficacité, aux questions d’inféodation de la musique au pouvoir en place.

Les autres articles de cet ouvrage sont des approches variées des phénomènes artistiques liés au contexte de guerre.  Pour exemples : « La gravure en France et en Angleterre pendant la Grande Guerre : un art mineur ? », « Les artistes algériens à Paris pendant la guerre d’Algérie : entre quête de reconnaissance et construction d’un discours esthétique moderne », ou encore « Les représentations de la Guerre civile dans la peinture soviétique des années 1920-1930 »…

Cette publication interrogeant le lecteur saura donc intéresser un public diversifié qui y lira, transversalement, de graves questions, toujours actuelles, sur la place de l’art, son message et sa portée, lors de situations de crises extrêmes comme le sont les guerres.

 

Sylvie Douche.

 

Matthieu ARNOLD (Textes réunis par) : Jean Calvin, les années strasbourgeoises (1538-1541).  Presses universitaires de Strasbourg, 2010.  282 p.  19 €.

Ce Colloque, organisé à l’Université de Strasbourg dans le cadre de l’Année Calvin, traite ses « années strasbourgeoises » : 1538 à 1541, trois années d’importance capitale pour l’évolution de la musique religieuse en langue française dans le sillage de la Réforme.  La Ville libre du Saint-Empire romain germanique accueille des réfugiés francophones ; théologiens, poètes, musiciens y sont très actifs, ils doivent forger rapidement un nouveau fonds hymnologique et liturgique dans la langue du peuple.  Les deux réformateurs, Martin Bucer (1491-1551) et Jean Calvin (1509-1564) - en charge des réfugiés -, et les musiciens locaux (Matthias Greiter, Wolfgang Dachstein…) unissent leurs efforts pour créer une liturgie et des chants conformes aux idées nouvelles.  Le premier recueil expérimental de Jean Calvin : Aulcuns Pseaulmes et cantiques mys en chant, publié en 1539, contient, entre autres, ses paraphrases françaises de psaumes certes maladroites ; elles sont chantées sur des mélodies empruntées aux musiciens locaux.  Ce recueil peut donc être considéré comme l’amorce du futur Psautier qui paraîtra intégralement à Genève en 1562.  En ce sens, ces « trois années » marquent un jalon décisif dans l’histoire de la musique religieuse protestante et du chant d’assemblée.

 

Édith Weber.

 

Gérard GUBISCH : Wozzeck ou l’opéra révélé.  Préface de Pascal Dusapin.  Éditions de l’Île bleue (www.symetrie.com), 2010.  297 p.  28 €.

1925, une date à marquer d’une pierre noire qui marquerait la fin de l’histoire de l’opéra (?), en même temps que la création du Wozzeck d’Alban Berg (1885-1935) à Berlin, sous la direction d’Erich Kleiber.  Wozzeck, chef-d’œuvre absolu, insurpassable, mais également, opéra emblématique d’une époque, celle de la Seconde École de Vienne et de la République de Weimar.  Un livre qui s’attache à mettre en avant les correspondances musicales et dramaturgiques faisant de Wozzeck un opéra d’une rare cohérence.  Cohérence reposant sur une symbolique de motifs et d’intervalles, renforcée par le goût de Berg pour la numérologie, véritable « épiphonie » auditive, tissant phénomènes acoustiques et états dramatiques.  D’une architecture rigoureuse et raffinée, chacun des trois actes utilise des leitmotive associés à des formes anciennes et stylisées.  Pièces de caractère du premier acte, Symphonie du deuxième acte en cinq mouvements et les cinq Inventions sur un thème, dans un ton (si) sur un rythme, sur un accord, sur un mouvement régulier de croches du troisième et dernier acte.  Un livre intéressant, parfois ardu, qui prouve que les explications ne nuisent en rien à l’émotion et que l’écoute peut se trouver renforcée par sa lecture.  Un livre qui vient s’ajouter à la copieuse bibliographie consacrée à cette œuvre.

 

Patrice Imbaud.

 

Laurence LE DIAGON-JACQUIN : Liszt.  Guide pratique du mélomane.  Préface de Georges Zaragoza.  Postface de Philippe Olivier.  « Musique », Hermann (www.editions-hermann.fr).  14 x 21 cm, 392 p., ill. n&b, ex. mus.  32 €.

Assurément bienvenu est - au cœur du présent tsunami éditorial lisztien - ce Guide pratique du mélomane !  Où l’éminente musicologue ne se contente pas de parcourir la vie & l’œuvre du compositeur, mais s’attache à mettre en lumière tous les éléments de sa formation (entourage familial, culturel & artistique), ses fréquentations, le contexte de ses premiers concerts, ses idiosyncrasies musicales et stylistiques…  Le tout judicieusement illustré de quelque 80 exemples musicaux.

 

 

Philippe ANDRÉ : Années de pèlerinage de Franz Liszt, II (Italie) et III.  Aléas (www.aleas.fr).  15 x 21 cm, 246 p., ex. mus.  15 €.

Suite à sa brillante lecture des Années de pèlerinage de Franz Liszt, (Suisse), l’excellent musicien qu’est le psychiatre & psychanalyste Philippe André nous présente les deuxième et troisième recueils de cette manière de « journal intime » du compositeur.  Associant librement approches musicologiques, psychanalytiques, philosophiques et littéraires, Philippe André fait ici œuvre singulière.  D’une pierre blanche !

 

 

Jean-Jacques GROLEAU : Rachmaninov.  « Classica », Actes Sud (www.actes-sud.fr).  10 x 19 cm, 208 p.  18 €.

Toutes choses (in)égales par ailleurs - Rachmaninov souffrit longtemps, à l’instar de Liszt, d’une trop exclusive réputation de virtuose…  Le voici enfin réhabilité dans toute la splendeur romantique de sa musique, abondante en chefs-d’œuvre tels que, bien sûr, ses célèbres Concertos pour piano ou Rhapsodie sur un thème de Paganini, mais aussi ses pièces chorales, symphonies, poèmes symphoniques (L’Île des morts, Le Rocher, Les Cloches) ou opéras (Aleko, Francesca da Rimini…), etc.  En annexes : Chronologie, discographie & bibliographie sommaires / Index nominum et rerum.

 

 

Du spirituel dans l’art ?  Revue Circuit, musiques contemporaines (Volume 21, n°1, 2011).  Les Presses de l’Université de Montréal (www.revuecircuit.ca).  21 x 23 cm, 110 p., ill. n&b, ex. mus.  18 $.

Au sommaire de cette nouvelle livraison : Éclairages sur l’au-delà (Jonathan Goldman), La transcendance en musique selon John Burke (Sylvia L’Écuyer), Autour du triptyque […auf…] de Mark Andre (Laurent Feneyrou), Mysticisme & spiritualité dans le courant spectral (Pierre Rigaudière), Symbolic Chiasm in Arvo Pärt’s « Passio » (Mark Vuorinen).  Une enquête : Musique de création & spiritualité, forum à 7 voix (Maxime McKinley).  Entre liturgie & rituel : Dialogue imaginaire entre Feldman et Messiaen (Simon Bertrand) ; Réflexions sur l’art & ma musique (Simon Martin).  Hors dossier : Échos et comptes rendus.

 

 

Frédérique MONTANDON : Les enfants et la musique.  Visions de parents sur une activité extrascolaire.  Préface de Marie-Anne Hugon.  « Nouvelles pédagogies », L’Harmattan.  15,5 x 24 cm, 224 p.  22 €.

Déjà auteur de Réflexions sur la socialité de la musique (2007, L’Harmattan), Frédérique Montandon nous propose, cette fois, une réflexion sur le rapport des parents à « l’enseignement spécialisé » de la musique, fondée sur une enquête menée auprès de parents et de professionnels dans le XXe arrondissement de Paris.  Apprentissages instrumentaux dispensés en conservatoires, associations ou centres d’animation…  Sont successivement envisagés : Les différents lieux d’enseignement (Au XIXe et au début du XXe siècle / Les écoles de musique depuis la Seconde Guerre mondiale) : Les différentes structures et la vision des parents sur celles-ci (La modélisation des institutions : le cas du XXe arrondissement / Attentes & conceptions des parents vis-à-vis des différentes représentations sociales) ; Regards de parents sur l’éducation (Représentations sociales des parents, sur l’enfant et l’éducation en général) ; L’enseignement de la musique vu par des parents.  Déplorons toutefois nombreuses redondances & confusions terminologiques.

 

 

Philippe DÉMIER : Le parcours du compositeur.  Cartographie d’un imaginaire.  « Sémiotique & philosophie de la musique », L’Harmattan.  15,5 x 24 cm, 222 p., ex. mus.  22 €.

Il s’agit là de la réflexion d’un compositeur sur sa propre production & les mécanismes d’élaboration de celle-ci : étapes de fabrication, expérimentations, orientations, accidents, choix de thématiques…  Le tout à partir d’exemples permettant de dresser, aussi précisément que possible, une « cartographie de l’imaginaire ».  Quatre parties : Ce que j’ai appris des autres (Commencements / Contextes) ; Dans le voyage (Cartes sonores / Temporalités / Musique silencieuse) ; Chemin faisant, ce que l’art m’a enseigné (Voyages, cheminements / Journal d’écriture / Conclusion provisoire) ; L’expérience d’un artisan (Quelques notes sur la réalisation / Les acteurs de la musique / Ce qui inspire les idées).  Lumineux bilan d’une expérience créatrice permettant d’en saisir, pas à pas, les transformations.

 

 

Serge BOTET : La « performance » philosophique de Nietzsche.  Presses universitaires de Strasbourg (www.pu-strasbourg.com).  14 x 20,5 cm, 90 p.  10 €.

Où l’auteur, professeur à l’Université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, met l’accent sur les aspects proprement discursifs & communicationnels de Zarathustra, écrit-phare dans lequel images et métaphores sont premières par rapport aux concepts - davantage récit, « performance » (au sens actuel du terme) que discours (celui-ci personnalisant ordinairement le locuteur)…  Où Serge Botet fait valoir que la philosophie de Nietzsche est coextensive à la vie, se confond délibérément avec elle, sans jamais être théorie distanciée prenant la vie pour objet.  Optimisme de cette pensée du « vouloir », périple aventureux (pour le lecteur lui-même), où les valeurs ne sont pas assimilées à des vérités…  Un seul regret : les nombreuses citations en allemand n’ont pas été traduites.

 

 

Élisabeth BRISSON et alii : Wagner m’a tué !  Les enjeux de la musique en 25 citations.  Ellipses (www.editions-ellipses.fr).  14,5 x 21 cm, 314 p.  19,50 €.

Sous l’invocation de Chabrier, ce fort divertissant ouvrage collectif (treize auteurs ont participé à sa gestation) s’interroge, par le biais de 25 citations, sur la nature de la musique, les conditions de sa création, l’évolution de ses langages, ses intrumentalisations politiques, etc.  En quatre parties : La création - contraintes et conditions (citations de Chabrier, Ullmann, Ravel, Boulez, Schumann, Dallapiccola) ; Le sens - « Sonate, que me veux-tu ? » (Boulez, Stravinsky, Berlioz, Baudelaire, Bach) ; Le public - horizon d’écoute, accueil des œuvres, formation (Beethoven, Ullmann, Fernandez, Adorno, Berg) ; Les effets - emprise, instrumentalisation, résistance, subversion (Cioran, Chabrier, Fernandez, Platon, Aristote, Diaghilev, Schumann).  Fragments d’Heinrich Heine (en introduction) et d’Arthur Schopenhauer (en conclusion).

 

 

Olivier TOURNY : Le chant liturgique juif éthiopien.  Analyse musicale d’une tradition orale.  « Selaf n°443 », Peeters (www.peeters-leuven.be ).  16 x 24 cm, 236 p., ill. n&b, ex. mus.  52 €.

Par l’ethnomusicologue Olivier Tourny (CNRS), directeur du Centre de recherche français à Jérusalem, ce savant ouvrage tente, par le biais d’une description heuristique détaillée, de cerner des problématiques telles que : Nature de l’étude d’un système musical oral /  Difficultés rencontrées lorsque la tradition abordée est étrangère à l’analyste / Possibles méthodologies / Enjeux, limites et bilan d’une systématique musicale…  Le tout assorti d’innombrables schémas & transcriptions musicales.  Remarquable étude sur le judaïsme éthiopien et son patrimoine par trop ignoré.

 

 

Pierre PELLE LE CROISA : Don Juan le profane.  Le Défi du Diable.  « Histoire de mythes », Detrad (www.editionsdetradavs.com).  14,5 x 21 cm, 190 p., ill. n&b.  18 €.

D’une trilogie annoncée sur « Les défis de Don Juan » : Défi du Diable (mythe du profane), Défi de l’Homme (rite de l’initié), Défi de Dieu (type du saint), voici le premier volet.  « Celui qui est haï par le peuple, comme le loup par les chiens, c’est l’esprit libre, l’ennemi des entraves, celui qui n’adore pas et qui hante les forêts » (Fr. Nietzsche) : tel est bien le personnage ici décrit.  Vivant dans le seul présent, sans mémoire aucune, Don Juan fascine : objet d’« hainamoration » aurait pu dire Lacan.  En trente-huit brefs chapitres, l’auteur de ce brillant essai s’est d’abord attaché au « Don Juan physique », diaboliquement transgressif, avant sa mythologisation en « Don Juan métaphysique ».

 

 

David ALLIOT : Céline, idées reçues sur un auteur sulfureux.  « Idées reçues », Le Cavalier Bleu (www.lecavalierbleu.com).  14 x 20,5 cm, 174 p, ill. n&b.  19 €.

En cette année 2011, cinquantenaire de la mort de l’écrivain – et au-delà d’une polémique qui entraîna le pilonnage de la 1re édition de Commémorations nationales (plaquette annuelle qui consacrait une notice à l’auteur du Voyage au bout de la nuit) -, voici un utile vade-mecum où est clairement fait le départ entre légende & réalité, entre le méprisable antisémite que fut Louis-Ferdinand Destouches & l’œuvre de l’écrivain, génial styliste qu’admira toujours Sartre - nonobstant le fabuleux À l’agité du bocal, chef-d’œuvre pamphlétaire que Céline lui avait dédié, en 1947.  Sait-on assez que Céline était passionné de musique et surtout de chorégraphie (son épouse Lucette était danseuse) ?  Une étude de référence.

 

 

Lucien REBATET (1903-1972) : Les épis mûrs.  Roman.  Avant-propos & postface inédits de l’auteur.  Préface, notes & commentaires de Nicolas d’Estienne d’Orves.  Le Dilettante (www.ledilettante.com).  14 x 20,5 cm, 380 p.  25 €.

Paru pour la première fois en 1954 aux éditions Gallimard, ce roman – en partie autobiographique - n’eut guère d’écho.  Il n’en est pas moins un irremplaçable document sur la vie musicale française au début du XXe siècle.  Où est, en effet, relaté l’itinéraire d’un certain Pierre Tarare, musicien né, dont la vie s’achèvera prématurément dans les tranchées.  Également auteur de Une histoire de la musique (Robert Laffont, 1969 / « Bouquins », 2001) - ouvrage très remarquable malgré plusieurs pages sujettes à caution -, le « collaborateur » Lucien Rebatet, s’il échappa de peu à l’échafaud lors de la Libération, sombra dans l’opprobre.  Personnage certes de moindre dimension que Céline - sur le plan aussi bien de l’ignominie que du génie littéraire -, Lucien Rebatet n’en fut pas moins un excellent écrivain.  Merci aux éditions Le Dilettante d’avoir réédité ce passionnant roman - singulièrement pour un musicien. [Sur la couverture ci-dessous, l’auteur est à Bayreuth en 1957, devant le buste de Wagner, en compagnie de sa femme et d’une amie wagnérienne.]

 

 

André PEYREGNE : Le dico fou de la musique.  Illustrations de Rémy Le Goistre.  « Musique », Papier libre (www.editions-papier-libre.com).  14,5 x 21,5 cm, 200 p., dessins humoristiques.  16 €.

Nous reprendrons ici le propos de Voltaire à Grétry : « Vous êtes musicien, Monsieur, et avez de l’esprit.  La chose est rare ! »  Délectable est, en effet, ce dictionnaire loufoque des termes musicaux & de la musique en général.  Fort plaisamment illustré.

 

 

Franck BERGEROT : Le jazz dans tous ses états.  « Comprendre, Reconnaître », Larousse.  14,5 x 25 cm, 288 p., ill. n&b et couleurs.  27 €.

Bienvenue est cette réactualisation d’un classique du genre (Grand Prix Charles Cros de littérature musicale, 2002).  Où sont présentés l’histoire, les styles, les foyers & les grandes figures du jazz – d’Armstrong à Steve Coleman, en passant par Duke Ellington, Art Tatum Th. Monk, J. Coltrane, Miles Davis, W. Marsalis, L. Sclavis… Chronologie/ Jazz & cinéma/ Répertoire & évolution du jazz/ Bibliographie/ Discographie/ Index.

 

Franck Bergerot - Le Jazz dans tous ses états. Histoire, styles, foyers, grandes figures

 

Frédéric ROBERT : La révolution hippie.  « Didact Civilisation », Presses universitaires de Rennes (www.pur-editions.fr).  15,5 x 24 cm, 240 p.  15 €.

Maître de conférences en civilisation américaine à l’université Jean Moulin-Lyon III, Frédéric Robert met en perspective cette contre-culture qui n’en finit pas de nous hanter.  Nous faisant notamment revisiter le quartier de Haight-Ashbury, fief des Flower Children.  Avec ses musiciens : Joe Cocker, Canned Heat, Mamas & Papas, Jefferson Airplane, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Joan Baez, les Doors…  Révolutions rock, psychédélique, sexuelle…  Quel héritage les hippies ont-ils laissé ?

 

 

Bernard LONJON : Nuit et chansons.  Les chanteurs français face à la Seconde Guerre mondiale.  Les Éditions du Moment (www.editionsdumoment.com).  15 x 24 cm, 264 p. 17,95 €.

Déjà auteur de deux monographies consacrées à Brassens, J’aurais pu virer malhonnête (Éditions du Moment, 2010) et Auprès de son âme (Textuel, 2011), Bernard Lonjon nous livre ici - au confluent de l’histoire & de la culture populaire - une étude solidement documentée sur les chanteurs français qui traversèrent cette sombre période (1939-1945) ou s’en firent, plus tard, l’écho : Chevalier, Arletty, Piaf, Trenet, Brassens, Ferré, Tino Rossi, Gréco, Barbara, mais aussi Ferrat, Gainsbourg, Fugain, Renaud, Lavilliers, Sardou, Delpech, Higelin, Goldman…  « Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle » écrivait Lamartine.  « Elle brûle tout le temps » lui rétorqua Brassens.  Un précieux document.

 

 

Représentations de la ville, 1945-1968.  Baccalauréat : Histoire des arts (dossier réalisé sous la direction d’Henri de Rohan-Csermak).  Scérén/CNDP (www.cndp.fr) : 755A3627.  21 x 30 cm, 18 p., ill. n&b et couleurs.  10,90 €.

Les contributions des spécialistes ici réunis visent à faire revivre la ville de l’après-guerre - à travers diverses formes d’art, dans leurs idiomatismes et correspondances.  Où, hormis « De la chanson réaliste aux caves de Saint-Germain-des-Prés », bel article signé Pierre Philippe, la part de la musique est - comme à l’ordinaire en Histoire des arts - délibérément réduite.  Fort intéressante plaquette, au demeurant.

 

 

DONPASTA (Daniele de Michele, alias) : Wine Sound System.  Préface de Paolo Fresu.  Traduit de l’italien par Caroline Roptin.  « Hors Collection », Autrement (www.autrement.com).  13 x 20,5 cm, 224 p., 17 €.

Lorsque l’auteur (économiste de formation, mais DJ de métier) nous parle de vin, c’est en musique - au rythme de souvenirs, d’histoires ou d’atmosphères.  Il part volontiers d’une situation (concert de Tom Waits, élection de Barack Obama, séjour à Venise…) pour nous proposer vin & recette culinaire qui s’accorderaient le mieux avec elle.  Avec la complicité d’un certain Candide (« buveur avéré »), il associe chaque vin à une musique.  Éminemment subjectif certes, mais pourquoi pas ?  En annexes : Dix conseils pour jouer à Wine Sound System/ Vins & coordonnées des producteurs/ Sélection musicale (fort éclectique)/ Recettes.

 

Francis Cousté.

 

Maÿlis DUPONT : Le bel aujourd’hui.  Bach ou Boulez, des œuvres à faire.  « Passages », Le Cerf.  240 p., ex. mus.  30 €.

« Bel aujourd’hui » comme présent de l’œuvre en action, là où naissent, même provisoires, les identités ; l’œuvre comme manifestation singulière et jouissive, en aval de l’objet que travaille la musicologie mais aussi en amont des intentions esthétiques que définit la sociologie (école de Chicago).  S’appuyant, entre autres modèles théoriques, sur l’anthropologie de Br. Latour, Maÿlis Dupont prône l’étude « de terrain », convoquant un article de presse, un rythme, une discussion, un geste d’interprète… au risque d’un relativisme déroutant.  Ce livre délibérément brillant mais de lecture aisée se clôt sur les proliférations longuement commentées de Sur Incises de Boulez (avec le beau film d’Hélène Jarry et Andy Sommer), métaphores de la pensée réticulaire de l’auteure.

 

 

Nick MASON (L’histoire selon) : Pink Floyd.  E.P.A. /Hachette.  Fort volume relié sous jaquette, 22 x 30 cm, 362 p., ill. n&b et couleurs, chronologie circonstanciée.  (Mal) traduit de l’anglais.  49 €.  Existe aussi en version brochée (19,90 €).

Par son indéfectible batteur, l’histoire jusque vers 1995 d’un des plus célèbres groupes de rock.  Ou comment quatre étudiants ordinaires ont créé au milieu des 60’s une redoutable machine à tubes et à concerts spectaculaires.  Sincèrement modeste mais plutôt anecdotique, le texte, bourré d’humour british, donne une bonne idée de la vie de rock star (bien sage dans le cas des Floyd !), entre tournées harassantes et enregistrements tendus.  Luxueuse iconographie.

 

Paul Gontcharoff.

 

POUR LES PLUS JEUNES

Anne MONTANGE : Prospero, le petit marchand de pain.  Livre/CD.  Dès 5 ans.  Illustrations couleurs de Cécile Gambini. « Les contes du Musée de la musique », Actes Sud/ Musée de la musique (www.actes-sud-junior.fr).  20,5 x 20,5 cm, 40 p., dossier documentaire inclus.  16 €.

Dans ce conte imaginé pour découvrir le violon de Stradivarius, seul le petit vendeur de pain Prospero était autorisé à pénétrer dans l’atelier de lutherie du présumé « magicien » Don Antonio.  Grâce aux leçons d’un mystérieux violoniste, Prospero deviendra un grand soliste.  Avec Caterina Barone (récitant).  Stéphanie Paulet & Matthieu Camilleri (violons).  Délicieuses illustrations.

 

Prospero, le petit marchand de pain

 

L’arbre à musique.  Livre-CD.  Texte : Jacques Haurogné & Xavier Lacouture.  Illustrations couleurs : Vincent Farges.  Musique : Francis Lemarque (13 chansons).  5/9 ans.  Les Éditions des Braques (www.leseditionsdesbraques.com).  21 x 21 cm, 34 p.  18 €.

Histoire d’amitié et de solidarité au sein d’un groupe d’enfants réfugiés dans une école de village, durant la Seconde Guerre mondiale.  Où ils aiment écouter les mystérieux messages diffusés sur Radio Londres.  Quant à « l’Arbre à musique », c’est là où l’on se réfugie lorsqu’on ne peut partir…  Racontée par son auteur, Jacques Haurogné, cette émouvante histoire est rythmée par 13 chansons poétiques de Francis Lemarque (durée du CD : 46’49).

 

Francis Cousté.

 

 

Vient de paraître

Beauchesne Editeur - avril 2011
La question de la musique n'est pas celle d'une sphère séparée


La question de la musique n’est pas celle d’une sphère séparée, prétendument celle de l’esthétique. Chez Theodor W. Adorno, elle relève d’une position globale, celle de la philosophie dans son rapport au XXe siècle. Le présent ouvrage part de l’exigence méthodologique d’une philosophie du concret, pleinement réalisée dans le livre qu’Adorno consacre à la musique de Gustav Mahler en 1960.
C’est une pensée du temps, cristallisée dans les catégories du roman, de la narration, du conte et, plus généralement, de l’épique qui y est déployée, tout en renvoyant à l’horizon entier que constituent les noms du premier Georg Lukács, de Walter Benjamin, d’Ernst Bloch et de Bertolt Brecht. Toutes les lignes significatives de l’œuvre d’Adorno y convergent, ses déterminations musicales incluses : Beethoven, Wagner, Stravinsky et Schoenberg.
L’expérience constitue ainsi la dimension décisive d’une pensée de part en part travaillée par le problème de la mémoire, soucieuse en cela du populaire, de sa disparition et de sa sauvegarde. La musique, dans son caractère de langage ou de geste, vient porter cette dialectique de la raison par laquelle Adorno voulait répondre à son époque.

 

Ma grande encyclopédie de musique -

 

 

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Un camino de Santiago.  Ricercar (stephanie@outhere-music.com) : RIC312.  TT : 63’40.

De nombreux chemins mènent à Saint-Jacques de Compostelle…  Arianna Savall (soprano & harpe), l’Ensemble La Fenice et Jean Tubéry invitent les discophiles à voyager à l’occasion de la Fête de Saint-Jacques, Apôtre (25 juillet), en suivant le Rhône, puis en Languedoc, Gascogne, Aragon, Castille et Galice, pour arriver à Compostelle.  Cette excellente réalisation est accompagnée de cartes de géographie d’époque et illustrée par des œuvres musicales appropriées, de G. Chastillon de La Tour, E. du Caurroy, Ét. Moulinié, J. J. Van Eyck, Fr. Soler, entre autres, recréant à la fois l’atmosphère, l’émotion et la ferveur religieuses des pèlerins qui chantaient ces musiques en diverses langues, avec une finalité spirituelle mais aussi, parfois, à titre de divertissement.  Ce CD se veut le « témoignage des concerts » donnés par La Fenice et assurant « une présence musicale sur le chemin et dans le temps ».  Remarquable initiative de Jean Tubéry, tout à l’honneur du label Ricercar.

 

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Foi et Amour.  Chœur des moines du Monastère de Valaam.  Jade (jade@milanmusic.fr) : 699 723-2.  TT : 42’.

Le monastère de Valaam est situé sur une île en Carélie russe.  Son histoire est tourmentée et, en 2009 - pour marquer les 20 ans du renouvellement de la vie monastique -, les moines ont enregistré des hymnes liturgiques extraites du Livre de chant contemporain.  Elles appartiennent à des époques et cultures variées, et se situent dans le prolongement des traditions znamenny et byzantine.  Le rayonnement et la vocation spirituels de ce grand centre orthodoxe sont indéniables.  Ce CD totalise 11 titres dont le Trisagion, l’Hymne des Chérubins (mélodies byzantines) bien connus, ou encore le Stichère de la Fête de l’Annonciation (mélodie du znamenny)...  Nul ne restera insensible au charme puissant de ces voix viriles si convaincues, à ces pages très prenantes, dépourvues d’italianismes et évitant tout effet de séduction au profit de la révélation évangélique, et à ces polyphonies souvent limitées à un bourdon évoquant l’éternité.

 

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Rameau au piano :  Suite de pièces.  Skarbo (skarbo.music@wanadoo.fr) : DSK 1096.  TT : 69’55.

Le pianiste Jean-Pierre Ferey pose d’entrée de jeu le problème de l’interprétation de la musique de clavecin de J.-Ph. Rameau (1683-1764), en raison des problèmes de notation de ce répertoire classique français, de l’ornementation, de l’écriture (mesurée ou non) et du « jeu inégal » tant prôné depuis plusieurs décennies.  Le compositeur précise toutefois les tempi.  Reste le problème de l’instrument : J.-P. Ferey - à la fois claveciniste et organiste - « cherche au piano différentes sonorités en fonction de la musique, bien plus que d’imiter le toucher du clavecin par un jeu perlé systématique », pari tenu : par son jeu très varié, il confère à chaque pièce son caractère spécifique et re-crée avec fidélité les 5 Suites (en la, ré, la, mi, sol) extraites soit du Premier Livre de Pièces de clavecin (1706) avec ses successions de danses, soit des Pièces de clavecin (1724-31) - avec les célèbres Niais de Sologne, Les Cyclopes… -, ou encore Les nouvelles Suites de Pièces de clavecin (1728), avec notamment Les Tricotets.  Un succès du genre pour l’éditeur-interprète.

 

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Claude DEBUSSY : Recueil Vasnier.  Pavane Records (www.pavane.com) : ADW 7538.  TT : 61’33.

Les mélomanes connaissent généralement mieux les mélodies sur des poèmes de Verlaine ou de Baudelaire que ceux du dramaturge et critique, Théodore de Banville, né à Moulins en 1823, et mort à Paris en 1891, ami de Victor Hugo, considéré de son temps comme l’un des plus éminents poètes.  Anne Renouprez (soprano), accompagnée par Éliane Reyes (piano), a le mérite de révéler le Recueil Vasnier (dédié à Marie-Blanche Vasnier).  Cet enregistrement restitue 25 œuvres pour soprano solo, ainsi que la Chanson espagnole pour duo (avec Y. Saelens, ténor), de divers poètes dont P. Verlaine, P. Bourget, Th. Gautier, A. de Musset, S. Mallarmé, avec des titres très en usage fin XIXe siècle : Romance, Clair de lune, Caprice…  Conformément aux intentions de Debussy, ces interprètes rendent aux diverses pièces brèves (composées entre 1880 et 1884) leur lyrisme, sentimentalité ou élan.  L’atmosphère, souvent poignante, est créée par l’accompagnement dosé avec finesse et justesse.  Une bonne heure de détente poétique et musicale.

 

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Sens Orient.  VDE Gallo (rue de l’Ale, 31.  CH-1003 Lausanne, info@vdegallo.ch) : CD-1338.  TT : 72’.

L’orchestre du Grand Eustache regroupe des musiciens professionnels de Suisse romande appartenant à diverses tendances : classique, jazz, rock, folklore ; il est animé par la passion de la découverte et notamment de la musique orientale.  Sens Orient a été écrit par Antoine Auberson, Julien Monti, Stéphanie Riondel et Jean Rochat qui ont été guidés par leur soliste invité, Khaled Arman.  Les discophiles sont prévenus que, selon la « coutume pour les productions de l’Association Eustache, la partition… prévoit l’imprévisible : l’espace pour que les musiciens… puissent entrer en dialogue, improviser avec leur invité ».  Le chef, Philippe Krüttli, réserve aux mélomanes : surprise, dépaysement, animation perpétuelle, sonorités spécifiques (rubab, delruba…).  L’atmosphère oscille entre calme et agitation, extériorité et intériorité.

 

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Qui a envie d’être aimé ? Jade (jade@milanmusic.fr) : 699 731-2.

Ce titre énigmatique n’est autre que celui du film d’Anne Giafferi, avec 21 pièces très brèves composées par Jean-Michel Bernard.  Les thèmes sont soit profanes (Monsieur le Président, Premier départ en Bretagne, Recentrage, Le spleen d’Antoine…), soit religieux (Notre Père en 3 versions : pour orchestre, piano et chant, La révélation à la catéchèse…), soit interrogatif (Qui a envie d’être aimé ?, correspondant au générique).  Cette « comédie de mœurs très émouvante » révèle les préoccupations de notre siècle assorties d’une intention moralisante.

 

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Johann Sebastian BACH / Cédric BURGELIN : Épures méditatives et mondes en devenir.  Tambour battant (http://cedricburgelin.com) : TA BA 10 10 0002/1.  TT : 70’.

La dernière réalisation discographique de Cédric Burgelin, bien connu des lecteurs de L’éducation musicale, porte un titre aussi juste qu’énigmatique, convenant parfaitement à la musique du Cantor de Leipzig.  Le remarquable organiste de la cathédrale de Saintes - avec son instrument classé monument historique en 1973 -, a sélectionné des chorals pour le temps de Noël, encadrés par deux versions différentes du Prélude et fugue en la majeur (BWV 536).  Il a également enregistré la 7e variation Goldberg, l’incontournable Passacaille (BWV 582) et le Ricercar a 6 de l’Offrande musicale.  Sa technique à toute épreuve et son sens de la registration (par exemple, pour les Préludes de choral) lui permettent de conférer à ses interprétations non seulement tout leur relief, mais encore toute leur spiritualité, d’où le sous-titre : Épures méditatives, car il suit son idée de dépouiller « voix par voix la masse sonore originelle et complexe de la fugue à 6 voix pour arriver à une épure méditative », aussi « représentée par la monodie de la Suite pour violoncelle suivie de la Mélodie grégorienne. »  Avec ce programme éclectique, tout n’est que calme, profondeur et intériorité.

 

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Johann Sebastian BACH : Clavier Übung II.  Benjamin Alard.  Alpha (stephanie@outhere-music.com).  TT : 49’03.

Benjamin Alard interprète en connaissance de cause, à la chapelle de l’hôpital du Bon Secours (Paris), au clavecin allemand d’Anthony Sidey, le Concerto dans le goût italien en fa majeur (BWV 971) et l’imposante Ouverture à la manière française en si mineur (BWV 831) de J. S. Bach.  Outre les qualités interprétatives, cette réalisation s’impose par une présentation exceptionnelle : page de titre de la Clavier Übung (éditée en 1735 à Nuremberg) et, pour réaliser la devise des disques Ut pictura musica, l’historien Denis Grenier (Université Laval, Québec) propose et commente des illustrations contemporaines, dont Le Campo di Rialto de Canaletto.  Quant à la présentation, elle est due à l’incomparable Gilles Cantagrel : autant de raisons d’écouter et de posséder ce CD remarquablement présenté.

 

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Georges BÉRIACHVILI : Récital allemand.  Cristal Records Classic.  TT : 62’38.

Ce programme, classique s’il en est dans sa composition, est révélateur de l’univers pianistique allemand avec toutefois un arrangement de la Toccata en mi mineur (BWV 914) de J. S. Bach.  W. A. Mozart est représenté par sa Sonate n°4 en mib majeur (K. 282), L. van Beethoven, par ses 32 Variations en do mineur sur un thème original, R. Schumann, par 3 Romances et J. Brahms par 4 Intermezzi.  Georges Bériachvili, pianiste géorgien issu d’une filière scientifique, musicologue avisé, auteur de l’excellent texte de présentation, est devenu un concertiste dont le répertoire va de J. S. Bach à K. Stockhausen.  Son interprétation s’impose par son bon goût, sa discrétion, mais aussi ses attaques précises, ou encore sa sonorité lumineuse.  Ce Récital allemand est un modèle du genre.

 

Description : !cid_3386680627_1344662

 

Claude DEBUSSY : Images (oubliées).  Six Épigraphes antiques.  Pièces pour piano.  Saphir Productions : LVC 1127.  TT : 74’06.

D’entrée de jeu, les mélomanes seront plongés dans l’atmosphère debussyste faite de mystère, de discrétion, de retenue, de demi-teintes et de sonorités chatoyantes, dont la pianiste norvégienne Anne Kaasa, résidant à Lisbonne, détient le secret.  Le Monde de la musique ne l’a-t-elle pas qualifiée de « pianiste qui se détache dans le monde très peuplé des solistes actuels » par la « fluidité de son jeu mais aussi la profondeur de son interprétation, de même que la précision et le moelleux de son toucher ».  Dix-neuf pièces extraites des Images (oubliées) et des Six Épigraphes antiques raviront les mélomanes et les pianistes les plus exigeants : une incomparable leçon de style baignant dans l’univers de « Claude de France ».

 

Description : !cid_3386680669_1338508

 

Philippe VANNOD : Piano solo.  VDE Gallo (info@vdegallo.ch) : VDE CD-1335.  TT : 60’58.

Ce disque présente l’album original complet Log-Book (VDE 30-295), paru chez le même éditeur.  Philippe Vannod, pianiste et compositeur lausannois, puise son inspiration dans des sources très variées : nature, voyages (le grand large, Marrakech, le désert…), chants d’allégresse et chorals, événements, sans oublier le blues et le gospel.  Ses compositions oscillent paradoxalement entre l’univers classique et le monde du jazz ; toutefois calme, sérénité et recueillement alternent avec des rythmes perpétuels, obligés, obsédants.  Un peu à la manière d’une improvisation, cette musique qui coule de source apportera entrain et détente.

 

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Édith Weber.

 

Johannes BRAHMS : Ein deutsches Requiem.  Camilla Tilling (soprano), Detlef Roth (baryton).  Rundfunkchor Berlin, Rundfunk-Sinfonieorchestrer Berlin, dir. Marek Janowski.  SACD Pentatone Classics : PTC 5186 361.

D’emblée, on entre dans l’œuvre par un climat émotionnel très concentré, qui ne se démentira plus au fil des sept parties.  La qualité sonore de l’orchestre et du chœur de la Radio de Berlin déploie un tissu sans faille, les cordes vibrent en osmose avec la prenante homogénéité que Marek Janowski étend sur sa lecture de l’œuvre.  D’autres ont creusé des contours plus dramatiques, accentué l’inexorabilité des chœurs les plus funèbres, recherché la grandeur de la confrontation face aux fins dernières, mais la méditation sur la mort trouve ici une humanité, une respiration sensible qui donnent envie de s’y replonger souvent.  Les voix des solistes ont un timbre juvénile, comme pour symboliser ceux qui poursuivent leur parcours terrestre alors que l’on se recueille sur les disparus.  On n’oublie pas combien Marek Janowski fit évoluer l’Orchestre philharmonique de Radio France lors des seize années qu’il lui consacra ; à la tête d’un autre orchestre radiophonique, celui de Berlin, depuis 2002, il poursuit un chemin d’accomplissement dont témoigne chaleureusement cet enregistrement live de novembre 2009.

 

Description : Requiem Allemand par Janowski

 

Johannes BRAHMS : Concerto pour piano n°2.  Variations sur un thème de Paganini (2e cahier).  Danses hongroises n°1, 2, 4.  Boris Berezovsky, Orchestre philharmonique de l’Oural, dir. Dmitri Liss.  Mirare : MIR 132.

La première sensation qui accroche l’oreille dans le Concerto n°2 est la médiocre qualité de la prise de son – comme artificiellement “gonflée” et ouateuse sur les médiums et graves – de certains pupitres de l’orchestre (les bois, notamment), et du piano aux aigus secs (un piano trop fatigué, ou mal réglé ?).  L’on se désole alors qu’un immense pianiste comme Berezovsly, pour des raisons économiques, ne puisse bénéficier de meilleures conditions pour immortaliser son interprétation d’une œuvre capitale (il s’agit d’un live capté à Ekaterinbourg, dans l’Oural).  Certes, le chef et ses musiciens suivent le virtuose dans le dynamisme qui domine sa vision, tous partent d’un même galop à l’assaut de l’Allegro Appassionato, emporté avec une énergie pleine de panache.  Mais ladite vision ne tend guère aux profondeurs émotionnelles, elle nous laisse sur le seuil de ce point de vue, n’ouvrant d’espace à aucun mystère.  Le deuxième cahier des Variations Paganini est encore plus extérieur, achevant de donner l’impression d’un disque de virtuose plus que d’interprète.  Pourtant, Berezovsky peut trouver des solutions magiques : on se souvient de son interprétation magistrale du Concerto pour piano n°2 de Bartók lors du concert de l’Orchestre de Paris dirigé par Josep Pons, le 24 février dernier, où il avait su, grâce à une stupéfiante technique de rebond des poignets, traiter le piano-percussion tout en finesse d’attaque, donnant une subtilité rarement entendue à la palette de cette œuvre qui tombe souvent sous des mains plus brutales.  Ce soir-là, il trouvait l’inspiration d’effluves mystérieuses dans les pages Adagio.  En bis, après un si éprouvant concerto, il avait eu l’audace de donner Asturias d’Albéniz, puis l’une des Danses hongroises de Brahms que l’on entend sur ce disque.  Au fil de ses concerts, on constate effectivement que l’imagination le porte très haut lors de certaines soirées, tandis qu’en d’autres circonstances, l’infaillible virtuosité “assure”, mais assortie d’une certaine froideur face à des contenus qui appelleraient le temps de l’approfondissement.

 

Description : Brahms par Berezovsky

 

Johannes BRAHMS : Variations sur un thème original op.21 n°1Huit Klavierstücke op.76Deux Rhapsodies op.79Trois Intermezzo op.117.  Adam Laloum (piano). Mirare : MIR 131.

Rendant compte de la participation d’Adam Laloum à La Folle Nuit de Gaveau les 20 et 21 novembre dernier, nous pointions les qualités et défauts de ce jeune artiste que l’on retrouve inchangés dans cet enregistrement réalisé deux semaines auparavant.  Le parti pris de ciselure intimiste, de confidence quasi chuchotée, devient même plus fastidieux sur la longueur d’un disque auquel on ne peut reprocher de “voler” le client puisqu’il est rempli au maximum possible (79’55).  On attendrait du programme choisi qu’il fasse rebondir l’écoute par les contrastes expressifs entre des pièces très diverses ; or ceux-ci sont ici nivelés, et l’on se lasse d’être privés de ce qui constitue tout de même les fondements de l’identité brahmsienne, à savoir des graves profonds, terriens, et une puissance de projection architecturale qui influe sur le moindre dessin mélodique ou le traitement des intervalles.

À se pencher délicatement sur des détails musicaux, Adam Laloum bride la passion et la fougue, ce qui va à l’encontre de toute la “santé” expressive du Brahms de ces années, dont la musique respirait à pleins poumons.  Dans les op. 21, 76, 79, le compositeur laisse encore libre cours à une véhémence romantique que le jeune pianiste musèle délibérément.  Quant au repli intériorisé des dernières pièces, il ne doit pas se faire au détriment d’une émission grave et dense.  C’est une chose que de saluer chez Adam Laloum la musicalité très attachée au beau son pianissimo, sa recherche d’un legato ne libérant aucun interstice dans le fondu de la conduite pianistique, l’attentive minutie d’une lecture qui conviendrait certes mieux à d’autres compositeurs, mais l’on voit poindre le risque du systématisme – par sa manière d’en user à contresens des racines d’un style aussi affirmé que celui de Brahms –, auquel cas ce jeune talent s’enfoncerait dans une interrogation autiste, terrain sur lequel le suivraient difficilement des acheteurs ayant à leur disposition un large choix discographique.

 

Description : Brahms par Laloum

 

Martin MATALON : Trames IV, II, VIII.  Florence Cioccolani (piano), Maude Gratton (clavecin), Eriko Minami (marimba).  Les Siècles, dir. François-Xavier Roth.  « Les Siècles Live », Musicales Actes Sud : ASM 05.

Il est des livrets de CDs ou digipacks qu’il faudrait porter chez les ophtalmologistes (ce que fit en d’autres circonstances l’auteur de ces lignes, recueillant les réactions alarmées de l’homme de science) pour leur montrer quels dommages médicalement condamnables l’inconscience de certains producteurs inflige à leur commune clientèle.  Dans le cas de la musique contemporaine, le texte s’avère d’autant plus nécessaire qu’il délivre à l’auditeur des informations l’aidant à se familiariser avec des œuvres nouvelles.  Or ici, le jeu stylistique des superpositions de couleurs (dont l’une particulièrement agressive pour la lecture) et des polices de caractère fait de ces brefs paragraphes un tue-mirettes qu’il convient absolument de ne pas lire pour sauver l’essentiel de ses facultés naturelles !  Le parti pris de la collection étant, depuis sa fondation, d’éliminer tout contenu documentaire (ce qui est paradoxal, venant d’une maison éditrice de livres à haute valeur culturelle !), les auditeurs devront chercher ailleurs (sur le site rénové du compositeur, par exemple : www.martinmatalon.com) comment aborder l’écoute des œuvres de Martin Matalon.  Celles-ci ont l’avantage de préserver une telle dimension poétique qu’elles savent parler au cœur autant qu’à l’esprit analytique qui y trouverait un haut degré d’élaboration.  Dans le travail du compositeur argentin, la série des Trames explore comment tisser des relations (au-delà du “concertant” traditionnel) entre l’identité de l’instrument soliste et les ensembles sonores au sein desquels il s’insère.  Martin Matalon est si rompu à la maîtrise de l’électroacoustique qu’il tire des ruissellements sonores confondants de virtuosité d’instruments “normaux” jouant sans le secours de la transformation assistée par ordinateur (procédé qu’il utilise dans d’autres cycles d’œuvres, mais qu’il exclut des Trames).  Le mélomane serait bien embarrassé de décrire ici qui joue quoi et combien jouent : six instrumentistes seulement entourent la claveciniste dans Trame II (clarinette basse, trombone basse, bandonéon, percussions, alto et contrebasse), huit concertent avec le marimba de Trame VIII (la pochette – encore elle ! – commet une erreur sur le chiffre ; flûte clarinette, cor, trompette, piano, violon, alto, contrebasse), et on grimpe à onze autour de la pianiste dans Trame IV (flûte, clarinette, basson, cor, trompette, 2 percussionnistes, violon, alto, violoncelle, contrebasse), mais on a chaque fois l’impression de complexes infiniment plus riches et fournis.  Dans Trame VIII, un insinuant tic-tac ouvre sur une dimension onirique, symbole de la réflexion sur le temps de Jorge Luis Borges auquel fut emprunté le titre du cycle ?  Ce court disque (50’) fixe deux concerts donnés en novembre 2009.  Tant les solistes (applaudissons Maude Gratton de prendre brillamment la relève, si rarement assurée, de la grande Elisabeth Chojnacka dans Trame II) que François-Xavier Roth et ses instrumentistes nous donnent une interprétation éblouissante de vivacité et de précision libérée.  Si la pochette est à ne pas lire, la galette est à écouter absolument !

 

Description : Martin Matalon

 

RACHMANINOV : Symphonie n°2.  LYADOV : Le Lac enchanté.  Orchestre de l’Accademia nazionale di Santa Cecilia, dir. Antonio Pappano.  EMI : 50999 9 49462 2 2.

L’orchestre de l’Accademia di Santa Cecilia était en piètre condition quand Antonio Pappano en prit la direction en 2005.  On peut mesurer ici à quel point il en a réussi la résurrection !  La magie des climats de mystère glissant à travers les pianissimi du Lac enchanté de Lyadov ensorcèle l’auditeur dès la première plage du disque.  Puis vient l’immense Deuxième Symphonie, presque contemporaine, de Rachmaninov, et le lyrisme des mélodies si caractéristiques du compositeur nous enveloppe, nous transporte : la rondeur des phrasés conduisant chaque sinuosité vers la prochaine volte sans relâcher la profondeur du flux expressif, dit assez combien le travail accompli sur les cordes leur confère aujourd’hui une qualité de jeu comparable à celle des plus grands orchestres.  Cette symphonie n’a pas toujours bonne réputation, en raison de sa longueur qui rend difficile d’y renouveler sans cesse l’intérêt.  Ici, pas une minute d’ennui, tant Antonio Pappano sait, au sein des vastes rubans d’effusion (1er et 3e mouvements), détacher par des accents soulignés avec à-propos la moindre nouvelle incise et orienter notre écoute vers les festons de ce brocart richement tissé.

Quant au Scherzo, il nous arrache de notre fauteuil par la nervosité sauvage avec laquelle il rugit.  Cette énergie sauve aussi brillamment le finale plus encombré de triomphalisme.  On a rarement entendu cette Symphonie vivre aussi intensément, charriée par un flot à échelle d’océan mais dont chaque vague laisse distinguer sa singularité.  N’ayons pas peur des mots : on tient là un des plus beaux disques entendus depuis le début de l’année.  La prise de son, réalisée en concert, est somptueuse, avec une palette dynamique particulièrement étendue.

 

Description : Rachmaninov par Antonio Pappano

 

RACHMANINOV : Variations sur un thème de Corelli.  BACH/BUSONI : Chaconne.  RAVEL : Valses nobles et sentimentales.  STRAVINSKY : Trois mouvements de Petrouchka.  Freddy Kempf.  Bis-SACD : 1810.

Freddy Kempf est un des plus valeureux virtuoses de sa génération, sachant faire répondre la mécanique à sa guise : écoutez les petits groupes rythmiques des Variations Corelli pour vous en convaincre.  Mais cette maestria technique s’accompagne malheureusement d’un penchant à la dureté métallique des attaques, que l’utilisation d’un Steinway aussi brillant que peu moelleux n’arrange guère.  Comme on peut s’y attendre, le pianiste londonien est pleinement à son affaire dans Petrouchka, encore que l’on ait goûté d’autres interprétations plus “orchestralement” gratifiantes de cette transcription écrite à l’intention d’Arthur Rubinstein.  Dans les Variations qui en fait ne sont pas sur un thème de Corelli, puisqu’il s’agit de La Follia, thème utilisé à l’époque baroque par de nombreux compositeurs (dont Corelli) pour leurs propres variations, Freddy Kempf nous étonne par des maniérismes qui rompent le flux naturel de l’ensemble du cycle.  La transcription de la Chaconne de Bach par Busoni est un autre morceau de bravoure “obligé”, mais on eût aimé que Ravel échappât à cette exhibition “musclée”.  Or, Freddy Kempf passe à côté de “l’esprit français” et de l’élégance ravélienne.  Il semble n’avoir retenu de la partition que ce qu’en écrivait (imprudemment ?) Ravel lui-même, annonçant « une écriture nettement plus clarifiée, qui durcit l’harmonie et accuse les reliefs de la musique ».  Mais ces angles ne doivent pas conduire à négliger des gestes subtils glissant sur le parquet de danse, ni les délices sensuels de fugitives expressions languides.  Digne de la tradition du label suédois Bis, la prise de son restitue l’instrument avec une fidèle présence.

 

Description : Récital Freddy Kempf

 

Camille SAINT-SAËNS : Quatuors à cordes op.112 et op.153.  Quartetto di Venezia.  Dynamic : DM8005 (distr. Codaex).

Oui, ce sont bien d’appétissantes boules de gelati que vous apercevez en couverture d’un disque de la collection Delizie musicali du label italien.  Les saveurs du disque sont ailleurs, mais elles émanent bien de la sensualité cisalpine : on est frappé par le lyrisme avec lequel les quartettistes vénitiens font chanter ces deux quatuors de la maturité, fort différents mais également riches de trouvailles originales.  Le premier (1899) se meut avec une mobilité modulante guidée par sa souplesse mélodique, le second (1919) n’ignore pas les surprises harmoniques et joue dans le finale de l’affirmation (humoristique ?) d’un effet descendant de cordes à vide (mi-la-ré-sol) qui, transposé à tout le groupe, crée des juxtapositions syntaxiques inattendues.  Les membres du Quartetto di Venezia “mettent en scène” avec esprit un théâtre imaginaire, s’adressant comme des personnages leurs répliques.  Qui osera dire après une telle écoute que Saint-Saëns (dont le visage le plus hardi se révèle souvent à travers sa musique de chambre) était une figure académique guindée ?!  On tient ici l’une des versions les plus vivantes de ces quatuors.

 

Description : Saint-Saëns Quatuors

 

Camille SAINT-SAËNS : Trios n°1* et 2Trio en mib majeur (arr. par Saint-Saëns d’après son Septuor).  La Muse et le PoèteLe Cygne.  Sonate pour violoncelle & piano n°1Sonate pour violon & piano n°1.  The Australian Trio (Donald Hazelwood, violon, Fenela Gill, violoncelle, Catherine Hewgill*, violoncelle, Michael Brimer, piano) et Paul Rickard-Ford (2nd piano).  2CDs ABC Classics : ABC 476 6435 (distr. Codaex).

Comme on se réjouirait du chaleureux enthousiasme manifesté pour Saint-Saëns par ces musiciens des antipodes qui, avec la radio australienne, ont coproduit ce double album parcourant quarante-sept années de la création du maître français !  Le livret, rédigé par le pianiste de l’ensemble, en témoigne, ainsi que son interprétation en laquelle il est particulièrement bien secondé par la violoncelliste Fenela Gill.  On est d’autant plus malheureux que cet effort attentif à une belle expressivité soit gâché par le fait d’avoir maintenu dans le groupe un violoniste âgé, qui ne contrôle plus la justesse de son jeu dès qu’il monte dans les aigus !  On ne cesse d’être partagé entre l’adhésion au caractère toujours très juste donné aux œuvres… et la souffrance dès que le violoniste ne joue plus juste du tout !  Compte tenu des nombreuses interprétations gravées par de grands solistes, les deux Sonates ici présentes sont inutiles aux acheteurs, mais on s’attachera à l’adaptation rarement entendue du Septuor avec trompette en trio, adaptation réalisée par Saint-Saëns afin de rendre plus pratique la diffusion de cette musique : la nouvelle mouture ne sauve pas les pages les plus rigoristes de leur néo-classicisme de stricte observance, mais les interprètes ont à cœur de faire chanter tout ce qui peut y échapper, et l’Intermède s’élève à une émotion tragique.

De même, La Muse et le Poète, duo concertant pour violon & violoncelle, a plutôt conquis sa place au répertoire dans son orchestration subséquente, mais Michael Brimer tient à défendre la version originale avec piano, et il y réussit avec le concours de Fenela Gill en Poète inspiré.  Malheureusement, une fois encore, la Muse (enfin… le violoniste !) gâche notre plaisir, et l’on demeure pantois que des instrumentistes de qualité puissent persister dans l’erreur de supporter un tel partenaire !

 

Description : Saint-Saëns Trios

 

Joyce DIDONATO : Diva, Divo Airs de Gluck, Mozart, Rossini, Bellini, Berlioz, Gounod, Massenet, Richard Strauss.  Orchestre de l’Opéra de Lyon, dir. Kazushi Ono.  Virgin : 50999 641986 0 6.

La voix de la cantatrice américaine possède un registre exceptionnellement étendu puisqu’elle enjambe allégrement les compartimentages, mais certains des rôles ici abordés (et qu’elle chanta, pour nombre d’entre eux, sur scène) transcendent eux-mêmes les catégories : des Nozze di Figaro, elle chante à la fois Chérubin (mezzo-soprano) et Susanna (soprano), mais le Chérubin de Massenet, où s’illustra Frederica von Stade (mezzo), tient plutôt du soprano aux aigus lumineux.  Au Sesto de La Clemenza di Tito de Gluck (écrit pour un castrat), elle ose confronter, non le Sesto du même drame de Metastasio repris par Mozart, mais la redoutable Vitellia : Wolfgang a inscrit les deux rôles dans des ambitus voisins de soprano (même si l’on fait souvent appel à un mezzo pour incarner Sesto, afin de différencier les couleurs), toutefois Vitellia est un grand soprano dramatique que le compositeur, impitoyable pour les voix, fait descendre dans des profondeurs de contralto aussi bien que rayonner dans des colorature ou éclater dans une hystérie éprouvante dont l’interprète ne traduit pas ici toutes les contradictions psychologiques.  L’air Non più di fiori couvre deux octaves et un ton, que, par une broderie, Joyce DiDonato pousse jusqu’à un ton et demi ; on regrette toutefois qu’elle soit, comme tant de chanteurs d’aujourd’hui, bien timide sur les fermate qui, selon les traditions du temps, ouvraient le champ à l’improvisation virtuose.

Le Compositeur, dans Ariane à Naxos, est un rôle où s’illustra Irmgard Seefried, soprano faisant elle-même des incursions dans des rôles que l’on confie volontiers à des mezzo.  Mais l’Ariane de Massenet (un chef-d’œuvre jamais remonté, ce dont on peut à bon droit s’indigner !) fut créée par Lucienne Bréval, un soprano dramatique wagnérien.

Car, vous l’avez compris, le parti original de ce programme est de faire se répondre, par des opéras jumeaux, des rôles masculins écrits pour des travestis, et des rôles féminins.  La dominante de pages élégiaques freine quelque peu le ressort qu’un si long programme (80’41 sur une seule galette !) gagnerait à trouver.  Et pour que tout le relief de la caractérisation prenne son sel sur la gamme complète, encore faudrait-il que l’actrice-chanteuse se sente portée par la direction orchestrale ; or celle-ci se révèle plutôt molle et morne dans Mozart et Rossini où l’on souhaiterait plus d’esprit et de rythme.  Quant à l’extrait de Gluck, il s’étire, long comme un jour sans pain.  Les XIXe et XXe siècles trouvent manifestement Kazushi Ono plus à son affaire.

À bien écouter les vocalises mozartiennes, rossiniennes, belliniennes, on détecte que Joyce DiDonato, malgré une efficace technique qui ne souffre pas (encore !) du large spectre abordé, ne témoigne pas tout à fait de la sûreté de conduite vocale lui permettant de rivaliser avec – à répertoire comparable – soit Teresa Berganza, soit Cecilia Bartoli ou Vivica Genaux, étourdissantes virtuoses.

On saluera en revanche une diction parfaite en français (on n’en dirait pas autant de l’italien, malgré l’origine dénotée par son nom).  On s’attendait, en raison du répertoire où elle s’affiche le plus souvent, à une rossinienne, et l’on découvre – ce que les statistiques de ses emplois scéniques n’avaient guère fait ressortir – que Joyce DiDonato a les atouts d’une superbe chanteuse massenétienne.  Le “Je suis gris” de Chérubin, qui ouvre délicieusement le récital, en constitue peut-être l’interprétation la mieux caractérisée.

 

Description : Joyce DiDonato

 

Ernst TOCH (1887-1964) : Die chinesische Flöte op.29 (pour soprano* et 14 instruments) ; 5 Pièces pour vents & percussions op.83 ; Egon und Emilie op.46** ; Quatuor op.98 pour hautbois, clarinette, basson & alto.  Maria Karb (soprano*), Britta Ströher (soprano**).  Mutare Ensemble, dir. Gerhard Müller-Hornbach.  CPO : 777092-2.

Un juif viennois réussissant à s’imposer comme professeur et compositeur en Allemagne dans l’entre-deux-guerres, jusqu’à s’implanter à Berlin, puis contraint de s’exiler en Californie : ne croirait-on pas revivre le destin de Schönberg ?  Or la musique d’Ernst Toch pourrait plutôt s’apparenter à un autre contemporain (allemand non-juif mais à l’itinéraire géographique quelque peu similaire) : Hindemith.  C’est principalement en écoutant le bref monodrame parodique de moins d’un quart d’heure, Egon und Emilie, que l’on pense au climat subversif de l’Allemagne des années 20, dont Hindemith fut un acteur essentiel.  En revanche, c’est une émotion bien personnelle qui imprègne Die chinesische Flöte, composition de peu antérieure, alternant pièces instrumentales et mouvements vocaux sur des adaptations de poèmes chinois puisées dans le même recueil qu’avait exploité Mahler pour Le Chant de la Terre ; la soprano y est souvent laissée à découvert, afin que la pureté de son chant ne connaisse point d’entraves ; chacun des morceaux présentant un caractère bien différencié, on sent – ce que confirmeront les pièces ultérieures – que Toch aime laisser divaguer son inspiration, au risque de paraître hétérogène.  Les deux œuvres purement instrumentales qui complètent ce programme appartiennent à la période américaine du compositeur.  Les vents y règnent en maître mais, contrairement au crépitement staccato qui gouvernait l’écriture pour les bois lorsque le rejet de tout lyrisme était à la mode autour des années 20 (aussi bien chez Stravinsky que chez les néo-classiques allemands ou français), on est frappé par l’écriture très chantante avec laquelle Toch laisse s’exprimer ces instruments à la fin de sa vie : de belles lignes legato se croisent dans une lumière pacifiée, et l’originalité jaillit au détour d’un mouvement qui semble “disjoncter” par rapport au contexte.  Originalité aussi quant aux effectifs choisis, qui doivent malheureusement limiter les occasions de produire ces œuvres d’une écoute pourtant fort agréable.  L’excellence des exécutants réunis pour ces enregistrements coproduits avec la Hessischer Rundfunk mérite les plus grands éloges.

 

Description : Ernst Toch 001

Sylviane Falcinelli.

 

BERLIOZ : Les Nuits d’été.  HAENDEL : Arias.  Lorraine Hunt Lieberson, mezzo-soprano.  Philharmonia Baroque, dir. Nicholas McGegan.  Philharmonia Baroque Productions (www.philharmonia.org) : PBP 01.  TT : 71’44.

Fort réputée pour ses interprétations de Haendel, la Sanfranciscaine Lorraine Hunt Lieberson interprète ici - de sa voix extraordinairement ductile et avec un grand raffinement expressif - des arias extraites de Giulio Cesare, Ottone, Arianna, Radamisto et Agrippina.  Mais la merveilleuse surprise vient de son interprétation du chef-d’œuvre berliozien, Les Nuits d’été : diction absolument parfaite et d’une idéale clarté, palpitante sensibilité – tour à tour poignante ou extatique.  Enthousiasmant !

 

Description : LHL_Berlioz_Handel_250x250

 

Lionel STOLÉRU (°1937) : Symphonie juive.  Orchestre romantique européen, dir. Lionel Stoléru.  Saphir (www.saphirproductions.net) : LVC 1131.  TT : 42’36.

Écrite avec le concours de Christine Aubin, compositrice & directrice du Conservatoire de Rueil-Malmaison, cette Symphonie juive en la majeur comporte classiquement quatre mouvements, où sont mêlés des mélodies empruntées aux rites aussi bien séfarade qu’ashkénaze.  Le 1er mouvement, Vivace, s’ouvre sur la sonnerie identitaire du Shofar.  Le 2e, Andante, illustre la parole de Job : « D. a donné, D. a repris ».  Le trio du 3e mouvement, Allegro vivace, manière de scherzo, est un choral de cuivres issu du « Adon olam ».  Le final, Maestoso, fait se succéder les « Sept bénédictions du mariage » (hymne portugais commun aux deux rites), le « Maoz tsour » de Hanouka, le « Kol Nidré » ashkénaze de Kippour et le psaume séfarade « El nora halila », avant de se conclure sur la sonnerie du Shofar.  Une pieuse « mosaïque » visant à homogénéiser les liturgies synagogales.

 

Description : 61wQT0B+UxL

Francis Cousté.

 

Henry DUMONT : Pour les dames religieuses.  Chœur de chambre de Namur-les Solistes, dir. Bruno Boterf.  Ricercar : RIC 305.  TT : 68’30.

Après les Grands Motets et les Cantica Sacra précédemment publiés par le même label, voici le nouvel opus des œuvres d’Henry Dumont (1610-1684) consacré aux compositions religieuses pour voix de femmes, « afin de satisfaire les dames religieuses qui aiment les motets ».  Des compositions pour voix aiguës ou dans lesquelles les voix graves peuvent être omises, soutenues par une basse continue, associant parfois d’autres instruments aux chanteurs, et sollicitant de ceux-ci un art vocal de style déclamatoire.  Un enregistrement comprenant des motets, une des Messes royales en plain-chant et quelques pièces d’orgues du recueil de Meslanges destinées aux « Dames religieuses qui touchent l’orgue ».  Très bien chanté, un équilibre remarquable entre voix et instruments, un très beau disque.

 

Description : 51g79iMc0rL

 

Antonio VIVALDI : Vespro a San Marco.  Chœur de chambre de Namur-les Agrémens, dir. Leonardo Garcia Alarcon.  2CDs Ambronay : AMY029.  TT : 69’52 + 47’56.

Si Vivaldi compositeur d’opéra et de musique instrumentale est désormais bien connu du public, Vivaldi compositeur de musique religieuse semble plus ignoré.  Leonardo Garcia Alarcon, le Chœur de Namur et l’ensemble Les Agrémens viennent, par ce disque, réparer cet oubli, en imaginant des Vêpres dédiées à San Marco, telles qu’elles auraient pu être données à Venise, à l’époque du « prêtre roux ».  Depuis le début de l’ère baroque, l’office du crépuscule fut le terrain privilégié de la création musicale dans le cadre de la liturgie, se prêtant plus aux innovations et laissant plus de liberté que la messe aux compositeurs de musique sacrée.  Antonio Vivaldi (1678-1741) fut ordonné prêtre en 1703, engagé la même année comme maitre de violon au Pio Ospedale della Pietà.  Hormis quelques mises en musique de parties de l’ordinaire de la messe, les compositions religieuses de Vivaldi apparaissent comme des motets destinés aux Vêpres, dont ce disque présente une sélection, à laquelle s’ajoute le Magnificat RV 610.  Un double CD remarquable à tous égards, musicalement et vocalement, une musique comme une prière, un disque indispensable à tout amateur de musique baroque.

 

Description : 5 (1)

 

Doina ROTARU (°1951) & Joji YUASA (°1929) : Tempio di fumo.  Mario Caroli (flûtes).  L’Empreinte digitale : ED13232.  TT : 80’26.

Deux univers, deux cultures lointaines dont la flûte se veut le trait d’union, à travers le souffle, le rituel, l’encens, la cendre et la fumée…  Un projet louable et ambitieux dont, malheureusement, la réalisation n’est pas au niveau des ambitions.  Musique répétitive, sans imagination, monotone et éprouvante qui porte davantage à l’ennui et à l’agacement qu’à la méditation.

 

Description : 1 (1)

 

KARSKI, FERNEYHOUGH, JOHNSON, BANG, SCIARRINO, CROFT, BARETT : Inward.  Richard Craig (flûte).  2CDs Métier (www.divineartrecords.com) : msv 28517.  TT : 63’24.

Un disque qui présente plusieurs œuvres de compositeurs contemporains, dont quelques-unes enregistrées pour la première fois, toutes dédiées à la flûte. La flûte dans tous ses états, poussée aux extrêmes limites de ses possibilités, et après ?...  Sans guère d’intérêt.

 

Description : 4 (1)

 

Jesper NORDIN, Carol ROBINSON, Steve REICH, Karlheinz STOCKHAUSEN : Expérience de vol 8.  Ensemble L’Itinéraire.  Art Zoyd (www.artzoyd.com).  TT : 74’05.

Un beau disque très varié présentant différentes œuvres de compositeurs contemporains : Jesper Nordin (Pendants, 2008) Carol Robinson (Laima, 2008) Steve Reich (Reed Phase, 1966) Karlheinz Stockhausen (Solo, 1965).  Une musique tour à tour mystérieuse, sidérale, envoûtante, apocalyptique, chaotique ou lumineuse, une musique qui va au-delà de la musique où le son retrouve son caractère primordial et son pouvoir magique pour créer une nouvelle cosmogonie.  Une musique exigeante qui nécessite plusieurs écoutes pour se laisser apprivoiser et révéler, alors, son effarante beauté.

 

Description : 3 (1)

Patrice Imbaud.

 

Giovanni Battista PERGOLESI : Stabat MaterNel chiuso centro, cantate pour soprano, cordes & basse continue.  Sinfonia du drame sacré Li prodigi della divina grazia nella conversione e morte di San Guglielmo duca d'Aquitania Questo è il piano, cantate pour contralto, cordes & basse continue.  Anna Netrebko, soprano, Marianna Pizzolato, contralto.  Orchestra dell'Accademia nazionale di Santa Cecilia - Roma, dir. Antonio Pappano.  Universal/DG : 477 9337.  TT: 73'16.

Le délicat Stabat Mater de Pergolèse peut-il s'accommoder de voix rompues à l'opéra ?  La question n'est pas nouvelle et a généralement été tranchée par l'affirmative.  Le faire-valoir est tel qu'il est impossible de résister.  Pour ne rappeler qu'un précédent, on citera la version chantée par Mirella Freni et Teresa Berganza.  Le présent disque affiche une star assoluta du moment, la soprano russe Anna Netrebko.  Elle reconnaît crânement avoir relevé un défi.  Plus sagement, avoir choisi le parti de canaliser sa voix plutôt que de chercher à imiter « un chanteur de musique baroque ».  Elle y réussit et assimile plutôt bien le style orné, les appogiatures et la variété d'expression que Pergolèse dispense si généreusement.  Il n'est que de citer le ferveur du passage « Vidit suum dulcem natum » ou les premières mesures de l'entrée de la voix de soprano dans le duo qui le précède.  Elle a pour partenaire une jeune mezzo, Marianna Pizzolato, dont le timbre est pure douceur.  Surtout, les deux voix sont parfaitement assorties l'une à l'autre, facteur essentiel ici.  La direction du maestro Pappano est un brin théâtrale, manquant de souplesse aérienne par endroits, pourvue d'une rythmique appuyée qui ne surprendra pas de la part de cet habitué de l'opéra.  Reste que la vision ascétique et d'une si émouvante simplicité de Claudio Abbado dans son enregistrement récent (sous le même label) est loin devant, même si non honoré par des voix aussi prestigieuses que céans.  L'autre partie du programme, non moins intéressante, est dévolue à la veine profane du compositeur.  La cantate pour soprano « Nel chiuso centro » se distingue par ses deux airs contrastés, le second de genre di furore dans lequel Anna Netrebko fait assaut de panache vocal.  Une autre cantate offre à la mezzo Pizzolato matière à briller dans des récitatifs bien sentis et des arias négociées avec aplomb.  Un regret : plutôt que de dresser un mémorial à la gloire de la chanteuse russe, il eût mieux valu que la plaquette du CD fournisse des éléments d'information sur les œuvres et surtout qu'en soient joints les textes.

 

Description : 4779337

 

Félicien DAVID : « Le Souvenir ». 1er Trio en mib majeur. 3e Quatuor à cordes en  mineur.  Mélodies pour violoncelle & piano : Le Souvenir, Le Caprice.  Pièces pour piano seul : Pensée, L'AbsenceD'après des thèmes de Félicien David : P. Musard/E. Desgranges : Lalla-RoukhS. Lee : Herculanum.  H. Vieuxtemps & C. Schuberth : La nuit.  Christophe Coin (violoncelle), Jean-Jacques Dünki (piano), Andrés Gabetta (violon).  Quatuor Mosaïques.  Laborie : LC12.  TT : 78'29.

Félicien David (1810-1876) est d'abord connu pour avoir été membre du mouvement saint-simonien.  Ce qui le conduira jusqu'en Orient et aura une influence certaine sur sa carrière de compositeur.  On dit de lui qu'il a été pionnier de l'orientalisme musical en France.  Musicien prolixe, il aura tâté de l'opéra (Herculanum, Lalla-Roukh), de l'oratorio, de la musique symphonique, mais aussi de la musique de chambre.  Ce CD permet de découvrir quelques pages significatives de ce dernier répertoire.  Le 1er Trio pour piano, violon & violoncelle distingue une belle facilité mélodique qui a quelque chose d'opératique dans le discours des cordes.  Pas en reste non plus : un lyrisme exubérant et une agréable rythmique en forme de balancement à l'allegretto final.  L'aisance d'écriture on la retrouve dans le 3e Quatuor, comme une fraîcheur d'inspiration mélodique étonnante.  Le Quatuor Mosaïques en donne une exécution d'une sûre élégance dans le phrasé, ce que rehausse la couleur particulière des instruments anciens.  D'autres pièces de Félicien David complètent ce panorama de sa musique de chambre : ainsi de Pensée « mélodie-valse pour le piano », un andante grazioso habité et de L'absence « romance sans parole pour piano ».  On y apprécie, comme dans le trio, la sonorité claire d'un instrument Érard de 1850.  Deux mélodies pour violoncelle & piano intitulées Le caprice et Le souvenir offrent la belle mélopée du cello que le piano agrémente d'un contrepoint fort varié.  L'expressivité du violoncelle de Christophe Coin s'allie habilement à la sonorité assez grave d'un pianino de Kunz (Neuchâtel, 1845).  Enfin des pièces inspirées à ses contemporains par des thèmes de Félicien David sont jointes à ce programme décidément éclectique.  Il faut écouter l'arrangement dû à Philippe Musard (1792-1859) de la Valse de Lalla-Roukh, tirée de l'opéra-comique éponyme de David : un mouvement fort entraînant.  Et c'est au souvenir d'Herculanum que Sebastian Lee (1805-1887) consacre un morceau de salon pour violoncelle & piano, conçu dans une veine élégiaque, on ne saurait plus expansive pour le violoncelle.

 

Description : 0810473010068_230

 

Frédéric CHOPIN : « The Warsaw Recital ».  Fantaisie op.49.  Nocturne op.27 n°2.  Sonate op.35 en sib mineur.  Barcarolle op.60.  Valses op.34 n°2 et n°3, op.64 n°1 et n°2.  Berceuse op.57.  Polonaise héroïque op.53.  Daniel Barenboim, piano.  Universal/DG : 4779519. TT : 79'13.

Pour marquer son retour dans le giron de la firme Universal, Daniel Barenboim fête Chopin, un compositeur qu'on ne lui associe pas nécessairement.  Capté lors du récital donné à la Philharmonie de Varsovie le 28 février 2010, anniversaire oblige, le disque aborde plusieurs des genres de la pensée chopinienne.  Il satisfera aussi bien les admirateurs que les détracteurs du pianiste.  On sait Barenboim immense musicien, soucieux de l'idée plus que de la forme, lui pour qui la musique naît de l'instant, et plus préoccupé d'introspection que de virtuosité.  Son rapport au tempo est souvent déconcertant dans sa radicalité.  Mais la force émotionnelle qui émane du jeu ne laisse pas indifférent, alors que l'ambitus sonore reste le plus souvent dans des limites raisonnables.  La liberté prise avec la forme peut gêner.  Elle interpelle en tous cas.  Ainsi de la Fantaisie op.49 qui ouvre le programme : le pictural y prime sur le poétique dans ce jeu de modulation illustré par de fréquents changements de rythme.  La 2e Sonate mise sur une dramaturgie faite de tensions irrésolues au 1er mouvement, « lutte tragique contre un destin sans espoir » disait Cortot, d'énergie triomphante au scherzo qui ne manque pas d'allure, de tragique canalisé dans la marche funèbre que prolonge un finale évanescent évoquant une mystérieuse fantasmagorie.  Il y a chez le pianiste quelque interrogation philosophique.  La Barcarolle s'affranchit, elle aussi, du carcan de la forme.  La Polonaisehéroïque se signale par un rythme singulièrement incisif, proche de la violence sonore avec des grands aplats, tous traits qui s'accompagnent d'une certaine dureté.  Le pianiste est par contre à son meilleur dans le bouquet de valses empruntées aux opus 34 et 64 qui évitent la tentation du jeu maniéré, la liberté d'accent apportant ici une agréable touche de spontanéité.  Ainsi de l'aristocratique Valse op.64 n° 2, prise justement pas trop vite dans son délicat refrain.  Il en va de même de la Berceuse op.57 dont l'effet hypnotique est magistralement rendu.  Il y a quelque chose de liquide dans les arabesques de la main droite sur la basse délicatement insistante d'une pure douceur.  Du récital se dégage une impression de quelque chose d'improvisé tout comme une volonté de prise de distance vis-à-vis d'un romantisme au premier degré.  Une vision non conformiste, sans doute à placer à part dans la discographie.

 

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Piotr Ilyich TCHAIKOVSKY : « Œuvres inspirées de Shakespeare ».  Hamlet, Ouverture fantaisie op.67. La Tempête, Fantaisie symphonique op.18.  Roméo et Juliette, Ouverture fantaisie.  Simon Bolivar Symphony Orchestra of Venezuela, dir. Gustavo Dudamel.  Universal/DG : 477 9355.  TT : 65'35.

Shakespeare a inspiré à Tchaikovsky trois œuvres en forme d'ouverture fantaisie.  Judicieuse idée de les rassembler.  Le premier sujet est emprunté à Roméo et Juliette.  La genèse de ce morceau devenu célèbre fut pourtant difficile.  L'idée en a été suggérée par Balakirev qui conseilla le plan et le choix des tonalités.  Tchaikovsky s'y reprendra à trois fois pour lui donner sa forme définitive, l'ultime remaniement concernant l'introduction au tout début d'un choral d'inspiration orthodoxe.  Cette belle fresque reprend ensuite les principaux passages du drame, le combat haineux entre Capulets et Montaigus, l'amour de Roméo et de Juliette, puis le vaste développement illustrant une rivalité fratricide, enfin une péroraison où effusion lyrique voisine avec débordement épique.  L'interprétation de Gustavo Dudamel laisse interrogatif : l'ambitus dynamique y est poussé à l'extrême, tempos très lents, recours excessif au registre ppp.  Si le fini sonore ne manque pas d'allure grâce aux qualités d'un orchestre qu'on perçoit très fourni, l'exécution n'évite pas l'écueil de quelque chose de fabriqué.  Le chef se montre plus convaincant dans les deux autres pièces.  La fantaisie symphonique La Tempête (1873) est fascinante.  Tchaikovsky y démontre son habileté à évoquer l'univers marin, fait unique chez lui : atmosphère impressionniste du début, vagues déferlantes de l'épisode de la tempête.  Le plan d'ensemble n'est pas sans rappeler celui de Roméo et Juliette.  L'évocation de l'amour naissant entre Miranda et Fernando y est d'une grande retenue.  Et il est tout à l'honneur du chef vénézuélien de ne pas céder ici à la facilité d'une lecture trop appuyée.  L'Ouverture fantaisie Hamlet, contemporaine de la Cinquième Symphonie, eut pour inspirateur Lucien Guitry venu jouer Shakespeare en Russie.  De nombreux traits originaux la caractérisent : effets spectraux aux confins de l'espace sonore, description du personnage d'Ophélie sur un solo de hautbois accompagné des seuls autres bois.  N'était là encore une tendance à user d'une dynamique extrêmement contrastée, Dudamel habite les accélérations fulgurantes, le soubassement rythmique, les gigantesques crescendos qui agitent le monde dramatique du grand Will tel que perçu par le musicien russe.

 

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« The Romantic Violonist », Hommage à Joseph Joachim.  Max BRUCH : 1er Concerto pour violon op.26.  Johannes BRAHMS : Scherzo en ut mineur de la Sonate F-A-E.  Danses hongroises n°1 et n°5.  Geistliches Wiegenlied op.91 n°2, pour mezzo-soprano, alto & piano.  Clara SCHUMANN : Romance op.22 n°1.  Franz SCHUBERT : Auf dem Wasser zu singen.  Joseph JOACHIM : Romance op.2 n°1.  Notturno op.12.  Antonín DVOŘÁK : Humoresque op.101 n°7.  Daniel Hope (violon), Sebastian Knauer & Bengt Forsberg (piano), Anne Sofie von Otter (mezzo-soprano).  Royal Stockholm Philharmonic Orchestra, dir. Sakari Oramo.  Universal/DG : 477 9301.  TT : 66'20.

Le violoniste Daniel Hope a imaginé pour son nouveau CD un programme d'hommage à Joseph Joachim : le célèbre violoniste compositeur (1831-1907) qui « prêta » sa technique à des maîtres comme Brahms, Dvořák et quelques autres qui n'hésitèrent pas à en faire leur profit tant elle faisait autorité.  Sans la patte de Joachim le Concerto pour violon de Brahms ne serait pas ce qu'on en entend.  Tel est aussi le cas du 1er Concerto de violon de Max Bruch revisité et édité par le violoniste.  Daniel Hope, subjugué par un instrumentiste dont le nom est évocateur de jeu visionnaire, en offre une exécution hautement pensée, se refusant à la virtuosité racoleuse, soulignant l'art de tirer de l'instrument le meilleur parti.  Il y a là une effusion romantique dans ce qu'elle a de naturellement profond et d'admirablement équilibré.  Et ce, même si l'accompagnement orchestral reste de qualité moyenne.  Un kaléidoscope de courtes pièces concertantes, ou avec piano, compose l'autre volet de ce que l'interprète définit comme un « portrait musical » de Joachim.  D'abord deux pièces de celui-ci : une Romance pour violon & piano « empreinte de tendresse juvénile » laissant transpirer une belle expressivité et une maîtrise certaine de la ligne musicale, puis un Notturno pour violon & orchestre, petit poème musical sertissant un discours expressif du soliste dans un écrin orchestral curieusement dépourvu de violons.  Sont représentés aussi Clara Schumann qui dut à Joachim de connaître le jeune Brahms et lui dédiera une délicieuse romance.  Tout comme Schubert dont Daniel Hope a transcrit pour son instrument la partie vocale du lied « Auf dem Wasser zu singen ».  Dvořák encore avec une transcription de son Humoresque qui, si elle n'est pas de la main de Joachim, est là pour signifier la proximité qui existait entre celui-ci et le musicien tchèque.  Mais c'est bien sûr avec Brahms que ce parcours prend un relief particulier.  Plusieurs pièces évoquent une amitié qui pour connaître des hauts et des bas, ne se départit jamais de sa constance sur le plan artistique.  Une seule preuve : le Geistliches Wiegenlied, dédié à Joachim qui le créera à l'alto, avec l'auteur au piano.

 

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« Echoes of Time ».  Dmitri SHOSTAKOVICH : 1er Concerto pour violon en la mineur op.77.  Valse lyrique Giya KANCHELI : V&V.  Arvo PÄRT : Miroir dans le miroir.  Sergei RACHMANINOV : Vocalise op.34 n°14.  Lisa Batiashvili (violon).  Hélène Grimaud (piano).  Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, dir. Esa-Pekka Salonen.  Universal/DG : 477 9299.  TT : 68'21.

Autre CD à thème : ces « Échos du temps » se veulent un panorama de la musique soviétique à laquelle rend hommage la jeune violoniste géorgienne Lisa Batiashvili.  Il débute par le monumental Premier Concerto pour violon de Shostakovich écrit en 1947-1948 mais créé en 1955 par son dédicataire David Oïstrakh, à Leningrad, sous la direction de Mravinski.  La petite histoire dit que le célèbre violoniste qui prit connaissance de l'œuvre dès son achèvement n'y adhéra pas d'emblée.  Mais qu'il se prit pour elle d'une vraie passion au point de prendre la plume pour la défendre après un accueil plutôt froid de la part de la critique officielle.  De vastes proportions, elle comporte quatre mouvements telle une symphonie.  Elle en a d'ailleurs le caractère et met en avant plus la profondeur de jeu du soliste que sa technique.  La tonalité d'ensemble est sombre comme l'était l'opéra Lady Macbeth de Mtsensk, et le message est celui de l'affirmation de la résistance de Shostakovich à la pensée officielle.  Cette volonté est proclamée dès le « Nocturne » où la poignante méditation chambriste du violon se situe dans le registre grave tout comme l'accompagnement orchestral.  Tout en contraste, le scherzo se pare des pirouettes du soliste vis-à-vis des bois dans le veine grotesque chère au musicien.  La « Passacaille » est elle aussi tragique, qui, après une entrée en matière en forme de choral, lance le discours enflammé du soliste avec de longues notes tenues.  Une cadence marque la transition avec le finale « Burlesque » empli de courses échevelées de plus en plus rapides.  Lisa Batiashvili en donne une exécution grandiose à la sonorité chaude et profonde, magnifiquement soutenue par Esa-Pekka Salonen et l'Orchestre de la Radio bavaroise.  La même impression de souveraine maîtrise se retrouve dans la pièce de Giya Kancheli, titrée V&V, envoûtant soliloque du violon sur un lit de cordes qu'enrichit la mélopée d'une voix grave pré-enregistrée.  Deux pages de musique de chambre complètent harmonieusement le CD, la violoniste ayant pour partenaire Hélène Grimaud : dans Miroir dans le miroir de Arvo Pärt, le violon déploie une large mélodie sur un accompagnement ostinato du piano, sorte d'élégie mélancolique.  Vocalise de Rachmaninov évoque l'écho d'un autre temps, celui où la veine lyrique se faisait plus sereine.

 

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Dmitri SHOSTAKOVICH : Symphonies n°3 & n°10.  Orchestre & Chœur du Théâtre Mariinky, dir. Valery Gergiev.  Mariinsky : MAR0511.  TT : 80'23.

Comme dans ses deux précédentes livraisons des symphonies de Shostakovich, Valery Gergiev rapproche des pièces éloignées dans le temps, ici les n°3 et 10.  La Troisième op. 20, dite « 1er mai », créée en 1930, ne s'imposera que trente ans plus tard.  C'est sans doute la plus énigmatique.  Elle est d'un seul tenant, n'étaient trois parties figurées dont la dernière, très brève, introduit un chœur mixte paraissant surajouté.  Elle suscita incompréhension et critiques acerbes, d'aucuns la qualifiant de « musique triviale, sans âme ».  Shostakovich s'y livre à l'expérimentation la plus débridée : refus du lyrisme, succession de thèmes courts dont pas un n'est répété, recherche de sonorités âpres et peu flatteuses.  Gergiev en livre l'originalité et l'éclat, au-delà d'un certain ésotérisme et de son caractère « fragmenté » souligné par Serge Prokofiev.  Il en va tout autrement de la Symphonie n°10, créée en 1953, après un silence de huit ans dans ce genre musical.  Bien qu'objet de controverses passionnées à sa création, elle est assurément devenue l'une des plus populaires et des plus jouées de son auteur.  Et sans doute la plus caractéristique du climat sombre et tragique qui sera si souvent favorisé dans les œuvres ultérieures de Shostakovich.  Le long moderato, Gergiev le dramatise moins que d'autres chefs, retenant la dynamique même dans le développement.  Il sculpte la ligne des bois et intériorise le discours, réduisant l'ambitus sonore à quelque chose d'essentiel.  La coda sera ainsi d'une bouleversante désolation.  Le contraste est saisissant avec l'allegro suivant en forme de scherzo d'allure motorique, aussi bref que percutant, où sont comme lâchées des forces élémentaires.  Le climat envoûtant de l'allegretto ramène aux pages sombres du début de la pièce.  L'introduction presque oppressante du finale, marqué andante, fait office de mouvement lent dont la symphonie est privée.  Puis tout bascule avec le deuxième thème enjoué et humoristique s'articulant en une sorte de danse qui, elle-même, se résout dans une marche.  Le climat pessimiste cède enfin le pas à une veine plus positive d'effusion lyrique.  Pour ne pas chercher le beau son, contrairement à beaucoup de ses confrères, Gergiev n'en dégage pas moins une forte intensité émotionnelle et se refuse à l'effet.  Une prise de son de concert bien intégrée livre les richesses de l'Orchestre du Théâtre Mariinsky.

 

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Grażyna BACEWICZ : Sonate pour piano n°2.  Quintettes pour piano & cordes n°1 & n°2.  Krystian Zimerman (piano), Kaja Danczowska & Agata Symczewska (violon), Ryszard Groblewski (alto), Rafal Kwiatkowski (violoncelle).  Universal/DG : 477 8332.  TT : 65'12.

La compositrice Grażyna Bacewicz (1909-1969), également violoniste et pianiste, est l'une des figures majeures de la musique polonaise du siècle dernier, dont la renommée peut être comparée à celle de Nadia Boulanger (auprès de laquelle elle se formera à Paris dans les années 30).  Sans doute la situation politique de la Pologne d'alors ne lui aura-t-elle pas permis de jouir de son vivant d'une reconnaissance internationale.  Sa production est riche et variée, musique symphonique, concertante, et surtout de chambre (dont 7 quatuors !).  Sa manière se caractérise par un grand souci de la forme et une clarté proche de la musique française, une écriture féconde aussi : « Il se passe beaucoup de choses dans ma musique.  Elle aime partir à l'attaque tout en étant lyrique » dira-t-elle.  Ardent défenseur de la musicienne, Krystian Zimerman lui dédie un vibrant hommage dans ce CD.  La Sonate pour piano n°2, créée en 1953 par la compositrice, est d'une puissance d'inspiration telle qu'on peut la mesurer aux dernières œuvres pianistiques de Prokofiev.  Techniquement brillante, elle est traversée de pages d'une forte expressivité et l'intensité y combine fougue passionnelle et introspection, telle la poignante ligne mélodique du largo.  Zimerman en livre une exécution incandescente.  Le 1er Quintette pour piano, néo-classique dans son inspiration, d'une grande clarté formelle, est d'une suprême maîtrise d'écriture, ménageant une habile balance entre le piano et les cordes.  S'y véhicule à travers ses extrêmes écarts dynamiques une passion qu'on perçoit inextinguible, qu'il s'agisse de la variété d'émotions amassées au premier mouvement ou des climats débordant de joie du finale.  Les deux morceaux centraux sont encore plus originaux : un « presto » décidé, intermède vif et dynamique bâti dans le style de l'oberek, danse populaire polonaise, puis un « grave », immense digression lyrique.  Le Second Quintette (1965) appartient à l'ultime phase créatrice de Grażyna Bacewicz où le style se fait plus épuré, plus avant-gardiste.  Ses trois parties construisent autant de paysages sonores fascinants, emplis de tension (clusters formidables, effets de glissandos au 1er mouvement), d'atmosphères raréfiées que l'aura impérieuse du piano transfigure (traits sul ponticello des cordes au larghetto), d'un bondissement aérien (glissandos en rafales vertigineuses, pizzicatos rageurs à l'allegro giocoso).  L'interprétation de Zimerman et de ses éminents collègues est assurément de référence.  À découvrir absolument.

 

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Gustav MAHLER : Symphonie n°2 « Résurrection ».  Kate Royal, soprano.  Magdalena Kožená, mezzo-soprano.  Rundfunkchor Berlin. Berliner Philharmoniker, dir. Sir Simon Rattle.  2CDs EMI Classics : 6 47363 2.  TT : 86'23.

Pour son nouvel enregistrement de la symphonie « Résurrection », Simon Rattle a choisi la solution du direct.  Le présent CD a été capté lors de trois concerts donnés fin octobre 2010 à la Philharmonie de Berlin.  Pour y avoir assisté, le souvenir est celui d'une exécution mémorable.  Reste que cette interprétation hautement personnelle est au disque exigeante, en ce qu'elle favorise une approche non dépourvue d'excès à la différence de celle cultivée par Pierre Boulez ou Claudio Abbado par exemple, sans parler d’Otto Klemperer.  Au jeu des comparaisons de timing, Simon Rattle est de loin le plus expansif (86'23, contre 79'54 pour Boulez et 79'43 pour Klemperer - ici le plus bref, ce qui ne manquera pas de surprendre).  Le regard du chef britannique, peut-être influencé par sa fréquentation récente du Ring de Wagner, se veut très dramatisé, extrêmement contrasté, ménageant un spectre sonore des plus larges, du ppp des cordes assagies aux fortissimos des tutti cataclysmiques.  Non que le résultat manque d'impact.  On a affaire à un son indéniablement mahlérien, ne serait-ce qu'au regard d'une qualité instrumentale proprement enthousiasmante de la part des musiciens berlinois souvent poussés à leurs limites.  Le curseur est ailleurs.  Rattle aime à s'attarder sur telle phrase, à alléger le son, affiner le trait qu'il ponctue de silences éloquents, à peaufiner les effets de spatialisation sonore auxquels Mahler attachait tant d'importance.  Ou au contraire procède-t-il à des accélérations fulgurantes et libère-t-il de ses forces orchestrales une inextinguible énergie.  Le massif Allegro maestoso se complaît dans une tonalité funèbre prononcée et l'orchestre y est souvent comme retenu.  Le deuxième mouvement, andante moderato, sur un rythme de Ländler, offre un lyrisme plus confidentiel qu'épanché, les arabesques des violoncelles devenant délicatement mélancoliques.  Ce qui fait figure de scherzo, en forme de perpetuum mobile, respecte le caractère « coulant et très tranquille » d'une mélodie bâtie sur le thème du prêche de saint Antoine aux poissons, avec un agréable soupçon de climat nocturne.  Quant au finale, là encore contrasté à l'envi, Rattle en trace une vision éclatante, proche de l'exaltation, au milieu de laquelle s'impose l'entrée immatérielle ppp du chœur sur le message « Tu ressusciteras ».  Largement aidée par l'acoustique « ouverte » de la salle de la Philharmonie, la prise de son livre une image naturelle en cohérence avec le parti pris interprétatif : intégration satisfaisante des bois évitant tout effet de loupe sur tel ou tel, ligne de basse sans redondance, balance interne équilibrée.  Une exécution qui, si elle apporte le frisson du concert, se situe à part dans la discographie pléthorique de cette œuvre monumentale.

 

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Jean-Pierre Robert.

 

« Raphael Imbert Project » : Live au Tracteur.  Zig-Zag Territoires : ZZT 110203.  Raphaël Imbert (saxophones), Stephan Caracci (vibraphone), Gerald Cleaver (batterie), Joe Martin (contrebasse).

Après son superbe « Bach-Coltrane » (2008), Raphaël Imbert, nous invite au restaurant Le Tracteur, à Puimoisson (Hautes-Alpes), lieu de rencontres et creuset de toutes les audaces artistiques.  Là, en juillet 2010, il enregistre les 5 titres de l’album « USuite » qui laissent exhaler les parfums des souvenirs encore frais de son voyage d’étude dans le Dixieland.  Se disant autodidacte, Raphaël Imbert est un explorateur, avide de toutes les rencontres, de toutes les expériences musicales.  Au cours de ce récit de voyage, l’expression est multiple et toujours jubilatoire… étourdissante d’exploration débridée dans Omax at Lomax, ou d’un lyrisme tendre et pudique au sax soprano dans la valse lente Po boy où chacun peut respirer et chanter à loisir dans la peinture d’une douce nostalgie de la Louisiane.  Un très beau moment de musique.  Petite réserve, tout de même, concernant la prise de son qui dessert parfois l’excellent bassiste Joe Martin que l’on aimerait parfois plus « devant ».

 

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Clarinet latino12 titres.  Cristal Records Classic (www.cristalrecordsclassic.com: CRC 1101.  Distr. Codaex.

Comme le titre de l’album ne l’annonce pas clairement, il s’agit ici de pièces originales « pimentées » (voir la couverture), de réminiscences de mélodies et de rythmes d’Amérique du Sud (salsa, tango, bossa-nova) et de jazz.  Hormis la qualité des compositions, chaleureuses, généreuses, subtiles, émouvantes, parfois teintées d’humour… (Bach vient se glisser dans les choros – clin d’œil à Villa-Lobos ?), l’originalité de cet enregistrement réside d’abord dans l’instrumentation : 13 clarinettistes menés par Philippe Bérod auxquels se sont joints des musiciens tout aussi virtuoses et inspirés, aux marimba, percussions brésiliennes, contrebasse & guitare.  Les musiciens d’« Ailleurs 5 » apportent leur contribution à cet ensemble « hors normes ».  Premier d’une trilogie (devraient suivre Clarinet classica et Clarinet electro), cet album est inclassable dans un seul genre, tant ce qui l’anime est un esprit de liberté et tout simplement de bonheur communicatif dans le partage musical.

 

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Annick Chartreux.

 

Félicien DAVID (1810-1876) : Les Quatre Saisons, quintettes à cordes.  Ensemble baroque de Limoges, dir. Christophe Coin, violoncelle.  « Parenthèses », 2CDs Laborie Classique (www.ebl-laborie.com).  Distr. Abeille Musique.  TT : 86’22.

Les petits maîtres portent décidément beau, depuis peu.  Et c’est tant mieux !  Ainsi du compositeur officiel du saint-simonisme, naguère célébré pour son ode-symphonie Le désert, dont on peut désormais (re)découvrir ces Quatre saisons (1842-1844), ensemble de 24 (!) quintettes avec contrebasse, d’un indéniable charme mélodique.

 

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Lemeland & l’Amérique.  3CDs Skarbo (www.skarbo.fr) : DSK 311456.  Distr. : Intégral.  TT : 222’13.

Compositeur français bien plus célébré aux États-Unis qu’en sa patrie, Aubert Lemeland (1932-2010) aura dédié à l’Amérique quelques-unes de ses plus belles pages musicales et littéraires.  Les voici, en trois CDs, réunies…  CD1 : Omaha (pour voix de femmes), Élégie à la mémoire de Samuel Barber (pour orchestre à cordes), Concerto funèbre « à la mémoire de William Schuman » (pour violon & orchestre à cordes), Songs for the Dead Soldiers (pour soprano & orchestre à cordes), Battle Pieces (pour orchestre à cordes & piano), Mon chien, la musique américaine et moi… (roman, chapitres 1 à 3, Vania Vilers, récitant, avec Jacqueline Hamelle).  CD2 : Mon chien, la musique américaine et moi… (chapitres 4 à 21).  CD3 : Mon chien, la musique américaine et moi… (chapitres 22 à 35).

 

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Franz LISZT (1811-1886) : Pièces pour le piano.  Tristan Pfaff.  Aparté (www.apartemusic.com) : AP 019.  TT : 59’24.

Étourdissant de virtuosité, ce pianiste ne semble toutefois guère ému par ce qu’il joue – ce dont il se joue : Rhapsodie hongroise n°15, Liebesträume n°2 et 3, La Danza (d’après Rossini), Valse-Impromptu, pages de Tannhäuser & de Tristan und Isolde (d’après Wagner), Consolation n°3, Venezia e Napoli…  Détachement auquel le clinquant du Steinway retenu pour l’enregistrement n’est sans doute pas étranger.

 

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Bruno GINER (°1960) : Charlie, d’après Matin brun, nouvelle de Franck Pavloff.  Dessin : Enki Bilal.  Ensemble Aleph : voix (Monica Jordan), clarinette, violon, violoncelle, piano & percussion.  Signature : SIG 11067.  Distr. : Harmonia Mundi.  TT : 52’40.

Huit parties constituent cette fable musicale inspirée d’une nouvelle-culte de Franck Pavloff (où sont mis en lumière les risques encourus à accepter, d’autrui, les petites lâchetés quotidiennes).  Œuvre tout à fait fascinante, où se côtoient récitatifs, chansons, slogans, airs, chœurs parlés ou chantés (par les musiciens eux-mêmes)…  En « bonus », entretien avec Franck Pavloff, Bruno Giner et Enki Bilal.

 

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Kimmo POHJONEN & Samuli KOSMINEN : Uniko.  Kronos Quartet, Kimmo Pohjonen (accordéon & voix), Samuli Kosminen (samplages & programmation).  Ondine (www.ondine.net) : ODE 1185-2.  TT : 51’49.

Ovni en sept compartiments : Utu, Plasma, Särmä, Kalma, Kamala, Emo, Avara.  Quant à savoir auquel des deux Finlandais revient la composition de tel ou tel d’entre eux, mystère !  Idem quant à la signification des titres…  Pièces captivantes au demeurant - en nappes volontiers modales, émaillées de surprenantes séquences samplées, inspirées, semble-t-il, de musiques rajasthanaises ou arabisantes, voire punkoïdes, sinon… de Stockhausen.

 

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Thelonious MONK : La Quintessence.  New York-Paris, 1947-1959.  2CDs Frémeaux & Associés (www.fremeaux.com) : FA 284.  Distr. Socadisc.

Génial était ce pianiste-improvisateur, qui - médiocre technicien - sut toujours intégrer à son discours ses « fausses notes », jusqu’à les transformer en notes-pivot vers la phrase suivante.  Voici, en effet, en deux CDs, la quintessence de son art.  CD1 (1947-1955), Monk en quintette, quartette ou trio : 18 plages où l’on retrouve, outre de ses plus grands succès (’Round Midnight, Off minor, Blue Monk…), bien d’autres thèmes de, notamment, Jérôme Kern et Duke Ellington.  CD2 (1956-1959), Monk en solo ou grandes formations avec, entre autres, Gerry Mulligan ou John Coltrane : Pannonica, Epistrophy, Crepuscule with Nellie…  Tout ce que l’on espérait !

Description : THELONIOUS MONK - THE QUINTESSENCE

 

Le Samba contemporain.  Samba Recordings by CPC UMES.  Livret illustré de 24 pages.  2CDs Frémeaux & Associés (www.fremeaux.com) : FA 5301.  Distr. Socadisc.

Anthologique ! Il s’agit là, en deux CDs, d’un florilège de trente-huit sambas parus, entre 1998 et 2007, sous le célèbre label pauliste CPC Umes.  Que de révélations, en effet, parmi ces (plus ou moins jeunes) héritiers ou héritières : Adriana Moreira, Luiz Carlos da Vila, Walter Alfaiate, Teca Calazans, Nei Lopes, Dona Inah…

 

Description : FA5301

 

Vladimir Jankélévitch : Un homme libre, L’Immédiat, La Tentation.  Monologues & cours de Sorbonne.  Coffret de 4 CDs Ina/Frémeaux (www.fremeaux.com) : FA 5038.  Livret de Françoise Schwab.

Voilà enfin exhumé l’un des plus fabuleux trésors de l’Ina !  Où l’on retrouve le grand philosophe méditant à voix haute – inoubliable limpidité du timbre, de l’expression, de la pensée…  1er CD, « Un homme libre » : où Jankélévitch évoque ses sujets de prédilection, toujours « aux confins », puis ses maîtres à penser : Platon au premier chef, mais aussi Chestov & Berdiaev, Fénelon & Bergson.  « La musique ou la moitié de ma vie », ajoute-t-il, nous entretenant de Chopin, Scriabine, Ravel, Liszt, Mompou, Fauré, Debussy, l’École de Paris…  2e CD, « L’Immédiat » : extraits de cours donnés en Sorbonne sur, notamment l’espace & le temps, milieux dociles.  3e CD, « L’Immédiat (suite) » : l’instant, la conscience de soi, l’intuitionnisme musical…  4e CD, « La Tentation » : philosophie de la surprise, le plaisir & l’apparence, la force de dire « non », passionner l’existence…  Éblouissant !  Précipitez-vous !

 

Description : FA5038

 

DVDs

Wolfgang Amadeus MOZART : Symphonie n°35 « Haffner », Symphonie n°36 « Linz », Concerto pour piano n°22, Concerto pour cor n°1.  Radek Baborák, cor.  Berliner Philharmoniker.  Daniel Barenboim, piano & direction.  EuroArts (www.euroarts.com) : 2020208.  TT : 118’00.

Pour célébrer l’anniversaire de sa fondation, qui remonte au 1er mai 1882, le Berliner Philharmoniker se produit chaque année, depuis 1991, dans un haut-lieu différent de la culture européenne.  C’est à l’occasion d’un tel « Concert européen » qu’était donnée à Prague, le 1er mai 2006, une soirée Mozart.  Merveilleux Daniel Barenboim, aussi brillant au piano qu’à la tête de cette incomparable phalange !  Et - la chose n’est pas indifférente - le concert était filmé dans le Théâtre d’État de Prague, véritable bijou architectural.  Nul besoin d’épiloguer sur de tels interprètes, non plus que sur le programme, sinon pour vanter le phrasé et la belle plénitude sonore du corniste Radek Baborák - sans « cuivrage » excessif - dans le 1er Concerto pour cor, instrument pour lequel Mozart avait une singulière tendresse.  En bonus : « Un portrait culturel de Prague ».

 

Description : 5530

Francis Cousté.

 

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S’ouvrant sur un éditorial de l’Inspecteur général de l’Éducation nationale, M. Vincent Maestracci, orientant de façon concise l’élève dans son travail, le supplément Baccalauréat 2011 de L’éducation musicale est d’une rare densité : pas moins de 148 pages d’analyses et références.

Indispensable aux professeurs d’Éducation musicale et aux élèves de Terminale qui préparent l’épreuve de spécialité « série L » ou l’épreuve facultative « Toutes séries générales et technologiques du baccalauréat », cette publication réunit les connaissances culturelles et techniques nécessaires à une préparation réussie.

À commander aux Éditions Beauchesne : 7, cité du Cardinal-Lemoine, 75005 Paris. Tél : 01 53 10 08 18.  Fax : 01 53 10 85 19.  s.desmoulins@leducation-musicale.com

 

 

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