www.leducation-musicale.com
Mai - Juin 2011 - n° 571
Mars-Avril 2011
n° 570
|
Janvier-Février 2011
n° 569
|
Supplément Bac 2011
|
Sommaire :
1. Editorial : Mamma li Turchi !
2. Sommaire du n° 571
3. Informations générales
4. Varia
5. Manifestations et concerts
6. Le Festival de Pâques de Lucerne
7. Recensions de spectacles et concerts
8. Annonces de spectacles et concerts
9. L'édition musicale
10. Bibliographie
11. CDs et DVDs
12. La vie de L’éducation musicale
Abonnez-vous à L'éducation musicale
et recevez 3 dossiers gratuits
Mamma, li
Turchi !
Pressés par un obscur besoin de cautions extradisciplinaires, nombre de
musiciens ne jurent plus que par les techno-sciences. Utilisant à l’envi
le vocabulaire - seul considéré comme pertinent - de la sociologie cognitive…
Ainsi est-il désormais incongru, voire indécent, de parler de beauté,
d’admiration, de sublimité, de joie ou même de plaisir.
Quel bonheur, en revanche, d’établir autour
de la musique mille liens périphériques ! Loin de tout onaniste
« art pour l’art », que de tendres hymens peuvent ainsi voir le jour
entre musique & poésie, musique & danse, musique & théâtre, musique
& mathématique, musique & cinéma, musique & arts plastiques, musique
& histoire, que sais-je encore…
Au crédit d’une discipline réputée « adoucir
les mœurs », comment ne pas inscrire, en outre, mille et une avancées
sociales ou humanistes ? Aussi, à nos bons collègues assoiffés de
vertu, me permettrai-je de soumettre quelques thèmes à riches potentialités :
musique & racisme, musique & obésité, musique & sexisme, musique &
faim dans le monde, musique & MST, musique & violence routière… - tous imparables
réquisits de notre bel enseignement général.
Francis B. Cousté.
Haut
Sommaire du n°571
Don Giovanni et Zerlina ou le jeu du chat
et de la souris
Frédéric
Platzer
Dossier « Francis Poulenc »
Parentés, écoles et réseaux dans la
France musicale de l’entre-deux-guerres
Karol
Beffa
Poulenc et le groupe des Six
Simon
Basinger
Tel
jour telle nuit de Poulenc : le premier cycle accompli
Louise
Dehondt
L’écriture religieuse de Francis
Poulenc : exemple de trois œuvres chorales
Joëlle
Brun-Cosme
Le piano de Francis Poulenc
confronté aux catégories conceptuelles de Vladimir Jankélévitch
Franck
Ferraty
Florent Héau nous fait partager son
regard sur la Sonate pour clarinette et
piano de Francis Poulenc
Entretien
avec Sylviane Falcinelli
Le mythe du Graal et le Parsifal de Richard Wagner
Jean-Pierre Robert
Éloge de la trace écrite
Olivier Geoffroy
Affaires de goût : Se rendre sensible aux choses
Antoine Hennion
BOEN n°14 du 7 avril 2011. Baccalauréat technique de la musique et de
la danse. Liste des morceaux imposés pour l’épreuve d’exécution
instrumentale & pour l’épreuve d’exécution chorégraphique, session
2011 :
www.education.gouv.fr/cid55646/mene1108228n.html
Le Bulletin officiel de l’Éducation nationale est librement consultable sur :
www.education.gouv.fr/pid285/le-bulletin-officiel.html
L’université de Cergy-Pontoise
(UCP) proposera, en septembre prochain, une licence
« Lettres & Arts » en
partenariat avec le Conservatoire à rayonnement régional (CRR). Cette
nouvelle formation permettra aux étudiants, artistes déjà confirmés, d’acquérir
des savoirs et des compétences dans le domaine de la langue, de la littérature
et des pratiques artistiques d’hier et aujourd’hui. Trois parcours proposés :
danse, musique & théâtre. Renseignements : 01 34 25 63 28. www.n.u-cergy.fr/spip.php?article14515
Opéra national de Paris, saison 2011-2012 : Salomé de R. Strauss
(Bastille), La Clémence de Titus de Mozart (Garnier), Faust de Gounod
(Bastille), Tannhaüser de Wagner
(Bastille), Lulu de Berg (Bastille), La Force du destin de Verdi
(Bastille), La Cenerentola de
Rossini (Garnier), Manon de Massenet
(Bastille), La Dame de pique de
Tchaïkovski (Bastille), La Cerisaie de Ph. Fénelon (Garnier), Rigoletto de
Verdi (Bastille), Pelléas et Mélisande de Debussy (Bastille… !), La Veuve
joyeuse de Lehar (Garnier), Don Giovanni de Mozart (Bastille), Cavalleria rusticana et Pagliacci de Mascagni/Leoncavallo
(Bastille), Le Barbier de Séville de
Rossini (Bastille), Hippolyte et Aricie de Rameau (Garnier), Arabella de
R. Strauss (Bastille), L’Amour des
trois oranges de Prokofiev (Bastille). Sans préjudice de nombreux
ballets, concerts, ateliers... Un grand cru !
La 40e édition du « Florilège vocal de Tours » se
déroulera du jeudi 26 mai au dimanche 29 mai 2011. Elle rassemblera
19 chœurs de 12 pays. Nombreuses représentations gratuites
& concert-anniversaire autour du Canto General de Mikis Theodorakis, sur des poèmes de Pablo Neruda (interprété par
l’Ensemble vocal universitaire de Tours & l’Ensemble vocal
Les Salanganes). Concours international, Rencontres nationales, Prix
inter-catégories, programme Renaissance... Renseignements : 02
47 21 65 26. www.florilegevocal.com
Houston Moores School Concert Chorale ©DR
L’« Opus 31 » du Festival d’Auvers-sur-Oise » se déroulera du 4
juin au 7 juillet 2011. Trois temps forts : Master class
de Gundula Janowitz / Recréation mondiale de l’oratorio Saint-François d’Assise de
Charles Gounod (couplé au Psaume XIII de Franz Liszt) / Sortie officielle du double CD live de la Maîtrise de Paris, dir.
Patrick Marco. Compositeur invité :
Richard Dubugnon. Renseignements : 01 30 36 77
77. www.festival-auvers.com
©DR
Le Festival de Nohant « Chopin
et Liszt chez George Sand » se déroulera du 4 juin au
10 juillet 2011. Renseignements : 02 54 48 46
40. www.festivalnohant.com
Lille Piano[s] Festival (17, 18, 19 juin 2011) sera notamment
consacré à Franz Liszt. Avec Jean-Claude Casadesus & l’Orchestre
national de Lille, 20 pianistes internationaux dont Hélène Grimaud,
David Greilsammer, Boris Berezovsky, Brigitte Engerer,
François-Frédéric Guy, Andreas Haefliger, Bertrand Chamayou,
Guillaume Coppola, Francesco Piemontesi, Giovanni Bellucci,
Thomas Enhco… Renseignements : 03 20 12 82
40. www.lillepianosfestival.fr
42e Festival de l’Orangerie de Sceaux : du 9 juillet au 4
septembre 2011, les samedis & dimanches, à 14h30 et 17h30. Renseignements : 01 46 60 00 11. www.festival-orangerie.fr ou www.vallee-culture.fr
©DR
Les Francofolies de La Rochelle se dérouleront du 12 au 16 juillet
2011. Renseignements : 6, rue de la Désirée,
17000 La Rochelle. Tél. : 05 46 28 28 28. www.francofolies.fr
33e Académie de Sablé : Danses &
musiques anciennes, du 18 au 28 août 2011.
33e Festival de Sablé : Musiques &
danses anciennes, du 23 au 27 août 2011.
Renseignements : 02 43 62 22
22. www.sable-culture.fr
21e édition de Sinfonia
en Périgord : du 23 août au 28 août 2011. Renseignements : 12,
cours Fénelon, 24000 Périgueux. Tél. : 05 53 08 69
81. www.sinfonia-en-perigord.com
« France Festivals » vous informe sur
toute l’actualité festivalière française. Renseignements : 38,
faubourg Saint-Jacques, Paris XIVe. Tél. : 01 56 81
01 05. www.francefestivals.com
Orchestre national de Lille. Exceptionnelle
s’annonce la saison 2011-2012 de cette prestigieuse phalange que dirige, avec la
flamme qu’on lui connaît, Jean-Claude Casadesus. Renseignements : 03
20 12 82 40. www.onlille.com
©DR
*
* *
Haut
Non indifférente précision : « Je suis québécoise et
spécialiste de la chanson populaire et traditionnelle francophone. Dans
votre revue en ligne L’éducation musicale,
numéro d'avril 2011, je relève une petite erreur dans votre présentation de
notre célèbre chanteuse Madame Bolduc (Mary Travers). Vous
donnez l'incipit d'une de ses chansons comme étant « J'ai un cheveu sus l’bout d’la langue qui m'empêche de turluter », alors qu'il
faudrait écrire « J'ai un bouton sus l’bout d’la langue qui
m'empêche de turluter ». Les deux mots ne signifient évidemment pas
la même chose, puisqu’avoir un cheveu sur la langue condamne une personne à
zozoter toute sa vie, alors qu’un bouton sur la langue n'est qu’un ennui
passager qui disparaîtra en peu de temps » (Francine B. Reeves).
« On change d’abord le
manche, puis la lame » (Lichtenberg). Consternant
est, à bien des égards, le comportement de nos « décideurs ». Ainsi
de la mort programmée, pour la rentrée 2011, du « Chœur
et Orchestre de l’université Paris-Sorbonne » (www.musique-en-sorbonne.org). Aussi bien que celle du « Chœur régional Paca » (www.choeurpaca.fr). Exemples certes
emblématiques…
« Musique que me
veux-tu ? » Pour les 200 ans de la naissance de Franz Liszt,
Gilles Cantagrel, correspondant de l’Académie des Beaux-arts, évoque Liszt
« l’Européen ».
À lire ou écouter
sur : www.canalacademie.com/emissions/chr642.mp3
www.canalacademie.com/ida6866-Musique-que-me-veux-tu-par-Gilles,6866.html
Gilles Cantagrel ©DR
Résorption du mécénat culturel d’entreprise… De 2008 à
2010, le mécénat de la culture est passé de 975 millions à
380 millions d’euros, accusant ainsi une perte sèche de 595 millions
d’euros, soit 63 % (source : Institut CSA pour l’Admical, Association pour le
développement du mécénat industriel et commercial). Selon
Christophe Monin, responsable du département Fundraising au Musée du Louvre : « le discours auquel
sont sensibles les entreprises aujourd’hui ne passe plus par la beauté de l’art
mais par la culture comme facteur d’équilibre de la société ».
Campanaires… Installé en 1860 lors de la construction
du beffroi de Saint-Germain l’Auxerrois (édifice dont la Saint-Barthélemy fit
la gloire), le seul véritable carillon de Paris (40 cloches, de
10 kilos à 3 tonnes) joue, chaque quart d’heure, un bref sonal.
Renaud Gagneux, le titulaire de l’instrument, donne tous les mercredis, de
13h30 à 14h00, un mini-récital. Le musicien déplore l’électrification de
l’instrument qui, paradoxalement, « allonge le temps de réponse et
interdit toute nuance ». Aussi demande-t-il la révision de l’ensemble
du mécanisme ainsi que le rétablissement de l’ancien clavier dit « à coups
de poing ». À cette fin, a été créée, en 2010, l’association
« Un carillon à Paris ». Renseignements : http://uncarillonaparis.fr
©DR
Bach en forêt… Sakura 4250 : www.youtube.com/watch?gl=FR&v=C_CDLBTJD4M
Histoire « des » arts, au Brevet des collèges… « Pour
la première fois depuis sa création, les collégiens s'apprêtent à passer une
épreuve orale obligatoire d'Histoire des arts. La musique y a une part
importante. Cette épreuve orale est organisée, établissement par
établissement, sur avril-mai et représente une étape importante de la formation
culturelle d'une cohorte d'élèves tout entière. Concernant aussi bien la
musique que les arts plastiques, l'ensemble du monde artistique et donc musical
doit s'en préoccuper ! » (Nicolas Viel. Collège Paul-Bert, 92240 Malakoff).
Hommage à Pierre d’Arquennes (1907-2001), mécène & fondateur
du Triptyque en 1934, a été rendu – à l’initiative de l’UFPC - le
dimanche 3 avril 2011, en l’église Saint-Merri de Paris. Avec des œuvres
de Pierrette Mari, Lucie Robert, Yvonne Deportes, Jean-Michel
Damase, Bach/d’Arquennes, Jacques Castérède et Maurice Ravel.
©Marie-Pierre Soma,
2000
***
Haut
Festival Claude Helffer (1922-2004). En clôture
de ce festival, était donné, le 2 mai 2011, en l’École municipale
artistique de Vitry-sur-Seine, un concert d’œuvres de Dutilleux, Kurtág,
Lachenmann, Ligeti, Murail, Pesson, Rihm, Sousa Dias… Coordination
artistique : Alexia Guiomar & Javier González Novales. Renseignements : 71, rue Camille-Groult, 94400 Vitry-sur-Seine. Tél. : 01 55 53 14
90. www.mairie-vitry94.fr/ema
Claude
Helffer ©DR
Au Palazzetto Bru Zane, Venise : exposition « Du
Second Empire à la Troisième République ». Le dimanche 8 mai, à
17h00, « Mirages de l’eau »
(Liszt, Fauré, Hahn, Aubert, Séverac, Samazeuilh, par Billy Eidi,
pianiste). Le dimanche 15 mai, à 17h00, « L’épreuve de la virtuosité » (Dukas, Ravel, par Jean-François
Heisser, pianiste). Le mardi 17 mai, à 20h00, « Un après-midi au salon » (Martini, Fauré, Debussy, Rossini,
Donizetti, Hahn, Messager…, par Felicity Lott, soprano, et
Isabelle Moretti, harpe). Le samedi 21 mai, à 20h00, « Trios avec piano » (Debussy,
E. Adler, Th. Dubois, par le Trio Hochelaga). Le dimanche
22 mai, à 17h00, « En Paradis… »
(Gounod, Hahn, Massenet, Dubois, par Anne Saint-Denis, soprano, et
Olivier Godin, piano). Renseignements : + 39 04
15 21 10 05. www.bru-zane.com
©DR
Concert des lauréats du Concours de Genève, le vendredi 6 mai 2011, 20h30, à Paris, Salle
Gaveau. Œuvres pour piano de
Schumann et Fauré. Quintette pour
hautbois & cordes de Mozart. Quintette
pour piano & cordes de César Franck. 6e Quatuor à cordes « Laudes » (création)
de Christophe Looten (°1958). Avec Mami Hagiwara (piano),
Ivan Podyomov (hautbois) et le Quatuor Voce. Présentation du
concert à 19h30. Renseignements : 01 49 53 05
07. www.sallegaveau.com ou : www.concoursgeneve.ch
©DR
Compositrices & Schola Cantorum.
L’association Femmes et musique organise un concert, à la Schola Cantorum, le vendredi 6 mai 2011, à 20h30. Œuvres de : Isabelle Aboulker, Lili Boulanger,
Graziane Finzi, Florentine Mulsant, Armande de Polignac, Henriette
Puig-Roget, Marcelle Soulage, Madeleine Souberbielle. Interprètes :
Isabelle Aboulker (piano), Odile Bourin (violoncelle),
Geneviève Ibanez (piano), Elsa Tirel (soprano). Entrée libre. Renseignements : 269, rue Saint-Jacques, Paris Ve. Tél. : 01 47 63 48
80.
Isabelle
Aboulker ©DR
Au Théâtre des Bouffes du Nord. Le lundi 9 mai 2011, à 20h30,
œuvres de Dimitri Chostakovitch : Trio pour violon, violoncelle & piano, op. 8 / Sept romances sur des poèmes
d’Alexander Blok, pour soprano & trio / Deux pièces pour octuor à cordes / Symphonie de chambre, op.110a, pour orchestre à cordes. Avec Karen Vourc’h
(soprano), le Trio Wanderer et l’Ensemble Prometheus 21.
Jean-Marc Phillips-Varjabedian (violon & co-direction musicale),
Raphaël Pidoux (violoncelle & co-direction musicale). Renseignements : 37bis, bd de la Chapelle,
Paris Xe. Tél. : 01 46 07 34 50. www.bouffesdunord.com
Karen
Vourc’h ©DR
Le Moulin d’Andé présente la XXe édition du Festival de
musique de chambre « Alexandre Paley
et ses amis », du mardi 10 au dimanche 15 mai 2011. Renseignements : 65, rue du Moulin, 27430 Andé (Normandie). Tél. : 02 32 59
70 00. www.moulinande.com
©DR
L’Orchestre et Chœur des Universités de Paris, dir.
Carlos Dourthé, donnera un concert, le mercredi 11 mai, à 20h30, en
l’église Saint-Eustache. Au programme : Roméo et Juliette de Tchaïkovski, Messe en ut mineur de Mozart. Ellen Giacone (soprano), Saskia Salembier
(mezzo-soprano), David Trivou (ténor), Clément Dionet (basse). Renseignements : 2, impasse Saint-Eustache, Paris Ier. Tél. : 01 40
51 37 07. www.ocup.fr
Au Musée Guimet : Tsugaru shamisen et
voix, le 13 mai 2011, à 20h30. Avec Yuka Annaka & Kumi Kindaichi. Renseignements : 6,
place d’Iéna, Paris XVIe. Tél. : 01 40 73 88
18. www.guimet.fr
La 16e édition de « Jazz in Arles » se déroulera du 15
au 21 mai 2011. Ouverture, en matinée, le dimanche 15 mai, avec aux pianos :
Brigitte Engerer & Guillaume de Chassy. Renseignements : 04 90 49 56 78. www.lemejan.com
Opéra royal de Versailles : Jules
César de George Frederic Haendel (1685-1759), par la Grande Écurie & la Chambre du Roy, dir. Jean-Claude Malgoire. Mise en
scène : Christian Schiaretti.
Jeudi 19 et vendredi 20 mai 2011, à
20h00. Dimanche 22 mai 2011, à 17h00. Renseignements : 01 30 83 78 89. www.chateauversailles-spectacles.fr
Opéra
royal de Versailles ©DR
« Le Martyre de
Saint-Sébastien » de Cl. Debussy sera donné, au Théâtre du Châtelet, le
dimanche 22 mai 2011, à 20h00 - à l’occasion du 100e anniversaire
de la création de l’ouvrage en ce même théâtre, le 22 mai 1911. Avec le
concours de l’Orchestre du Pôle supérieur d’enseignement artistique
Paris/Boulogne-Billancourt (PSPBB), la Maîtrise de Paris & le Madrigal de
Paris, dir. Alain Louvier. Entrée libre. Renseignements : 01 44 70 64 37. www.pspbb.fr
Pietro Perugino, ca 1500 ©DR
« Extension », festival de création musicale, se poursuit
jusqu’au 31 mai 2011. Renseignements : La Muse en
circuit - 18, rue Marcelin-Berthelot, 94140 Alfortville. Tél. :
01 43 78 80 80. www.alamuse.com
©DR
Opéra filmé : Salomé,
opéra en un acte de Richard Strauss, d’après l’œuvre d’Oscar Wilde,
sera projeté le samedi 28 mai 2011, à 15h00, en l’Auditorium du Louvre.
Mise en scène : Luc Bondy. Orchestre de Covent Garden,
dir. Christoph von Dohnányi. Avec Catherine Malfitano (Salomé),
Anja Silja (Hérodias), Kenneth Riegel (Hérode), Bryn Terfel
(Jochanaan). Production RMArts, 1997. 1h41’. Renseignements : 01 40 20 55 55. www.louvre.fr
Catherine Malfitano
dans Salomé ©ZDF
Karol Beffa, compositeur. De cet extraordinaire artiste protéen
(voir sa fiche sur : www.pianobleu.com/karol_beffa.html),
sera notamment créé, le 28 mai 2011, au Grand Théâtre d’Aix-en-Provence, le
ballet Corps et Âmes, par la compagnie
du chorégraphe Julien Lestel. Ballet repris au Théâtre des
Champs-Élysées, le 27 juin 2011, à 20h00. Renseignements : 15,
avenue Montaigne, Paris VIIIe. Tél. : 01 49 52 50
50. www.theatrechampselysees.fr/saison-detail.php?t=3&s=200
Karol
Beffa ©DR
5e Biennale d’art vocal à la Cité de la musique : 12 concerts du 7
au 22 juin 2011. Des chœurs aux solistes, du motet au lied en passant par
l’opéra : les voix dans tous leurs états. Avec notamment de grandes
fresques chorales de Mendelssohn (Christus),
Brahms (Ein Deutsche Requiem) et
Schönberg (Gurre-Lieder). Renseignements : 221, avenue Jean-Jaurès, Paris XIXe. Tél. : 01 44 84
44 84. www.citedelamusique.fr
©DR
L’Ircam invite Georges Aperghis, le vendredi 10 juin 2011, à 19h00.
Entretien du compositeur avec le musicologue Nicolas Donin (Petite Salle
du Centre Pompidou), suivi, à 20h30, du spectacle musical Luna Park, création de
Georges Aperghis (Espace de projection de l’Ircam). Renseignements : 01 44 78 12 40. www.ircam.fr
Georges
Aperghis ©DR
Agora 2011,
festival de l’Ircam, propose « Art vocal », le vendredi 17 juin,
20h30, Salle des concerts de la Cité de la musique.
Au programme : Animus anima (Ivan Fedele), Cantate n°1 (Bruno Mantovani), plus une œuvre, en création mondiale, de Johannes-Maria
Staud. Renseignements : 01 44 84 44 84. www.ircam.fr
Johannes-Maria
Staud ©DR
Le 32e Festival de Ville-d’Avray est consacré,
cette année, au compositeur Jehan Alain, à l’occasion du centenaire de sa
naissance. Le samedi 25 juin, à 20h30, en la chapelle de
l’Institution Sainte-Marie (2, rue de l’Abbaye, 92160 Antony), les organistes
Georges Bessonnet & Jean-Michel Louchart, le flûtiste
Patrice Bocquillon et la Maîtrise d’Antony interprèteront des œuvres
de Jehan Alain, Maurice Duruflé et Jean-Louis Petit. Le lundi 27
juin, à 20h30, au Château (10, rue de Marnes, 92410 Ville-d’Avray),
Désiré N’Kaoua interprètera l’intégrale de l’œuvre pour piano de
Jehan Alain. Renseignements : 01 78 33 14
57. http://jean_louis.petit.perso.sfr.fr
Jehan
Alain ©DR
Les Brigands, opéra bouffe en 3 actes de
Jacques Offenbach, sera donné Salle Favart, du 22 juin au
2 juillet 2011. Chœurs de l’Opéra de Toulon & Orchestre
Les Siècles, dir. François-Xavier Roth. Mise en scène :
Macha Makeïeff & Jérôme Deschamps. Renseignements : 0825 01 01 23. www.opera-comique.com
Le 40e Festival de Saintes se déroulera en
l’Abbaye-aux-Dames, du 15 au 23 juillet 2011. Avec notamment : Liu Fang
(pipa & guzheng), Jean-François Heisser et Vanessa Wagner (pianoforte),
Julian Prégardien (ténor), Graindelavoix (ensemble polyphonique),
Hana Blažiková (soprano), Ciocarlia (fanfare roumaine), le
Quatuor Zemlinsky… Renseignements : 05 46 97 48
48. www.festivaldesaintes.org
Abbaye-aux-Dames ©DR
Le 41e Festival
Interceltique de Lorient - « Année des diasporas celtiques » - se déroulera du 5 au 14 août 2011 : 4 500 artistes,
120 concerts, 11 scènes, 7 créations, 10 jours &
10 nuits de fête, 800 000 festivaliers attendus ! Avec notamment : Texas,
Hugues Aufray, The Chieftains & Carlos Nuñez, Luz Casal,
Denez Prigent, Tri Yann, Nolwenn Korbell, Hevia, Carré Manchot,
Cécile Corbel… Renseignements : 02 97 21 24
29. www.festival-interceltique.com
Le 45e Festival de La Chaise-Dieu se déroulera du 18
au 30 août 2011. Principalement en l’abbatiale Saint-Robert, mais aussi
au Puy-en-Velay et dans d’autres lieux alentour : Brioude, Ambert,
Saint-Paulien, Chamalières-sur-Loire. Seront notamment à l’honneur :
Bach, Liszt et Stravinsky. Avec la participation de quelque
1 500 artistes venus du monde entier. Renseignements : 04
71 00 01 16. www.chaise-dieu.com
Francis Cousté.
***
Haut
©Priska
Ketterer/Lucerne Festival
Au cœur de la programmation du Lucerne Festival
zu Ostern figurait la poursuite du cycle Brahms par Bernard Haitink
et le Chamber Orchestra of Europe, entamé l'hiver dernier lors du festival
de piano. La soirée d'ouverture proposait le Double Concerto pour violon et violoncelle joué par les frères
Capuçon. Pour son ultime pièce livrée à l'orchestre (1887), Brahms fait
œuvre originale : le concerto à deux instruments ; une combinaison peu
usitée jusqu'alors si l’on se réfère aux concertos pour deux violons de Bach et
de Spohr ou à la Symphonie concertante pour violon et alto de Mozart.
Écrit pour le célèbre Joseph Joachim et pour Robert Hausmann,
celliste du quatuor formé par le violoniste, la pièce fourmille d'idées
thématiques et ce, dès le premier mouvement. Celui-ci fait la part belle
au violoncelle qui ouvre par une cadence majestueuse. Le morceau sera
traité de manière brillante, les deux solistes évoluant tour à tour, en répons ou
ensemble jusqu'à l'unisson. La recherche d'équilibre est essentielle.
Reste que, dans la présente interprétation, le violoncelle prend d'emblée une
place dominante eu égard à la sonorité expansive de Gauthier Capuçon alors
que le violon de Renaud paraît plus en retrait. Qui plus est un incident
aux deux tiers du premier mouvement, lors que son fameux Guarneri del Gesù
« Panette » lâche - contraignant le soliste à emprunter en un éclair
au premier violon son instrument - conduit à une rupture de concentration dont
se ressent l'issue du morceau. Les choses reviennent dans l'ordre à
l'andante, en forme de ballade emplie de mystère et de rêve, rappelant cette
inspiration des brumes du nord chère au jeune compositeur. Grâce à un
tempo très lent les deux solistes ont tout loisir de déployer somptueux lyrisme
et ample mélodie. Le finale vivace en forme de danse rustique les verra
d'une fière éloquence. Bernard Haitink prend le parti d'un accompagnement
discret, en même temps que d'une suprême expressivité dans la ligne orchestrale
très aboutie du Brahms tardif. La Première
Symphonie bénéficie avec le Chamber Orchestra of Europe d'une
formation réduite comparée aux interprétations habituelles, ce qui permet un
intéressant équilibre des masses, ménagé en outre par une disposition originale
de l'orchestre : contrebasses et cors à gauche, timbales, trompettes et
trombones à droite. L'énergie interne insufflée par le chef néerlandais
est mémorable, qui ne cherche pas à solliciter un texte déjà des plus riches.
C'est que Brahms, qui a attendu sa 43e année pour coucher sur
le papier son premier opus symphonique, n'a pas ménagé un matériau d'une
complexité polyphonique considérable alliant robustesse quelque peu massive et
lyrisme grandiose.
©Priska
Ketterer/Lucerne Festival
Le Requiem
allemand se situe à part dans la galaxie des grandes pièces chorales
destinées à célébrer le culte des morts. D'abord, parce que Brahms ne
fait pas appel au texte religieux romain de la Messe des morts mais privilégie
un choix de textes tirés des Saintes Écritures, ensuite parce que ceux-ci
sont chantés en allemand. D'où une inspiration non religieuse
quoique d'une ferveur profonde qui rapproche cette pièce d'une cantate funèbre :
une ode à la mort libératrice qui mène à la résurrection, une ouverture à une
vie nouvelle transcendée par l'amour. On est loin des menaces
terrifiantes et des trompettes du jugement dernier. Il n'y a pas place
ici pour le pittoresque comme chez Berlioz, non plus que pour le sanglot par
trop insistant qu'y imprime Mozart ; encore moins pour la prière altière,
la vaste fresque pathétique théâtralisée qu'est la Messa da Requiem de Verdi. Il y a quelque chose de détaché chez Brahms, de serein, une
sorte de progression qui va de l'ombre à la lumière. Non que l'œuvre ne
respire pas une foi profonde. Celle-ci est seulement vécue de manière
différente, intériorisée comme une plainte intense (première séquence), une
marche funèbre dont la pulsation s'amplifie par paliers du plus doux au plus
puissant (deuxième mouvement), une sorte de pastorale (quatrième morceau),
un cheminement vers l'extase et le pardon (dernière séquence). Par
deux fois, l'appel angoissé du baryton solo se fera entendre, de même que le
chant apaisé de la soprano introduit, au milieu de l'œuvre, une page d'une
bouleversante humanité. Mais l'élément choral domine tout au long des
sept parties, peut-être puisé aux sources du chant populaire, ce qui
n'évite pas toujours la monotonie mais exprime le chant des fidèles des offices
religieux, la force du choral dans la musique allemande. Dans la présente
exécution, le chœur enveloppe l'orchestre, là encore de dimension réduite.
Le Arnold Schoenberg Chor sous la houlette de son mentor Erwin Ortner
livre une exécution profondément émue, d'une clarté de diction exemplaire dans
le rendu des textes et la façon détachée de chanter comme un simple cantique.
Les solistes, le baryton Christian Gerhaher, dont on perçoit combien il
doit au style de l'un de ses professeurs, Dietrich Fischer-Dieskau, et la soprano
Sally Matthews, à l'émission immaculée sans être trop éthérée, apportent
eux aussi une note attendrie. Une immense sobriété émane de la direction
du maître Haitink, synonyme de sincérité. Point de monumentalité
exacerbée dans cette approche aussi lucide qu'habitée. Et s'il y a
exaltation lors des grandes fugues qui concluent les troisième et sixième
mouvements, elle reste toute intérieure, comme méditative. Haitink fait
précéder ce long hymne de mort du Begräbnisgesang op.13 (Chant de
l'inhumation) qui, sur un tempo de marche funèbre, en annonce sans doute la
sombre atmosphère, la parenté d'inspiration étant sensible avec la deuxième
séquence. La composition, pour les seuls vents et un grand chœur mixte,
sonne comme l'appel du jugement dernier dont est privé le Requiem.
©Franca
Pedrazzetti/Lucerne Festival
Le Festival de Pâques de Lucerne se fait
une spécialité des grands chefs-d'œuvre baroques. L'oratorio La
Resurrezione di Nostro Signor Gesù Cristo de Haendel y était donné par
Nikolaus Harnoncourt et ses musiciens du Concentus Musicus Wien.
Écrit durant le séjour de Haendel à Rome, cet oratorio verra le jour le
dimanche de Pâques 1708 dans les murs du palais Bonelli, sur une
commande du marquis Francesco Maria Ruspoli, un des bienfaiteurs des arts
à l'époque. Lui qui a osé contourner l'interdiction papale de représenter
des spectacles d'opéra dans lesquels se produisaient des femmes. La pièce
est en fait quelque opéra déguisé traitant le sujet de la Résurrection telle
que vécue par Marie-Madeleine et Marie Cloefe, enrichie de commentaires de
Jean l'Évangéliste, tandis qu’en toile de fond, se noue une querelle
symbolique entre l'Ange et Lucifer. Cette Passion d'un genre nouveau
présente des types d'une surprenante vérité car derrière les figures
allégoriques se révèlent des hommes d'un relief bien concret avec leurs
affects. La musique de Haendel les saisit finement dans une grande
variété de formes. L'écriture lyrique allie virtuosité et expressivité
avec un grand soin de la justesse émotionnelle à travers des arias da capo d'une puissance évocatrice peu commune. Souvent, dans un effet presque
descriptif, la voix dialogue avec un ou plusieurs instruments solistes,
décuplant le raffinement du soutien orchestral. Nikolaus Harnoncourt
qui dit avoir longuement mûri sa connaissance de la pièce et enfin découvert à
travers les plus récentes sources éditoriales une nouvelle instrumentation du
continuo (viole de gambe, luth et trombone) livre une interprétation proche
d'une sorte d'idéal : une lecture exigeante de concentration de la part de
l'auditeur comme des musiciens et solistes tenus de main ferme. Une
vision presque sévère, d'une intériorité certaine. Le chef ne fait-il pas
sienne la remarque de Romain Rolland qui, à propos de cette musique,
souligne que « le pire défaut serait de lui enlever, par une surcharge
inutile de couleurs, sa souplesse de nuances qui est son charme
principal ». Ainsi de la lutte entre la lumière et les ténèbres, si
bien rendue dans le combat vocal entre l'Ange et Lucifer confrontant un
soprano léger et une basse profonde. Le clair-obscur des
cordes, la vivacité des bois - regroupés à droite - le solo étrange du trombone
au soutien des interventions de Lucifer, et toute une échelle de nuances de
l'entière formation ou du continuo confèrent à cette lecture un suprême fini.
Elle est encore enluminée d'une aura de grandeur par une brochette de solistes maniant
l'ornementation vocale : Christine Schäfer, l'Ange, dans le droit fil
de sa Theodora salzbourgeoise, Roberta Invernizzi, Madeleine, soprano éthérée
au style parfait, Wiebke Lehmkuhl, Maria Cleofe, étoffe rare de mezzo
grave, Ruben Drole, basse profonde pour un Lucifer effrayant, Toby Spence,
ténor lyrique capable de vocaliser à l'envi et de libérer une vraie émotion.
Si l'on ajoute que la partie de viole de gambe est confiée à
Christophe Coin, fondateur de l'Ensemble baroque de Limoges, on mesure
combien cette exécution est prestigieuse.
©Peter
Fischli/Lucerne Festival
Pianiste adulée en contrées helvétique et
germanique, Hélène Grimaud donnait en matinée le programme de son
récent CD intitulé « Résonances » - paru sous étiquette
Universal/DG. Un parcours arbitraire qui réunit la Sonate KV 310 de Mozart, la Sonate op. 1 de Berg, la Sonate de Liszt et les Danses populaires roumaines de Bartók. Les impressions contrastées laissées à l'écoute du disque
se confirment, voire s'amplifient avec l'expérience du concert. Hélène
Grimaud est une interprète bourrée de talent et sa maîtrise de l'instrument ne
saurait être discutée. La façon d'aborder à bras le corps les divers
textes choisis offre cette indéniable particularité d'imposer une vitalité qui
ne connaît pas de baisse de régime, comme s'il fallait à tout prix compenser
quelque chose. Elle indique avoir articulé son programme autour de la
pièce de Berg, marquée au coin de l'intimité et de la décadence. De par
son climat tendu, le concert laisse le sentiment que le point culminant en est
plutôt la Sonate de Liszt qui
concentre à elle seule toute la manière de la pianiste : une approche
hyper virtuose - ce qui après tout, dans ce cas précis, n'est peut-être
pas une critique - un jeu on ne peut plus architecturé, à la limite de
l'exacerbation, des contrastes extrêmes où la nuance ppp est
abordée avec parcimonie au point de borner le charme poétique. La
grandiose mise en scène sonore dont elle pare la Sonate de Liszt, qui selon elle a quelque chose à voir avec
l'opéra, libère du Steinway Grand des résonances vertigineuses. La
vision, cohérente dans l'emphase portée au geste démonstratif, tend à
rapprocher cette pièce d'un poème symphonique. Le parallèle souvent tenté
avec la Wanderer Fantaisie de
Schubert a dès lors moins de pertinence. Cette force dynamique se
retrouve dans la Sonate op.1 de
Berg dont l'unique mouvement est traité telle une grande scène dramatique.
La fluidité au sein d'une microstructure, l'art de la transition infime, mais
aussi le sens de la forme héritée de la sonate classique, la modernité tout
sauf agressive, tout cela acquiert, sous les doigts de l'interprète, un relief
saisissant. Cette approche volontariste appliquée à Mozart produit un
effet plus discutable : une articulation presque fébrile transforme le
maestoso initial de la Sonate KV 310 en une séquence emplie d'une agitation continue. Cette obsession de la
rythmique réapparaîtra au finale. Reste que l'andante cantabile a un
charme indéfinissable proche du tragique. N'était-ce pas l'état d'esprit
de Mozart lors de son séjour à Paris qui vit l'éclosion de cette
pièce ? Nous voilà loin d'une lecture aseptisée pour auditeurs à
perruque poudrée. Il sera intéressant de voir ce que réserve dans des
concertos pour piano du même Mozart le partenariat avec Claudio Abbado,
promis au disque. Les six miniatures que forment les Danses populaires roumaines de Bartók concluent le récital de
manière inattendue, entre nostalgie et verve populaire. Le public est
visiblement ravi des déferlements de virtuosité dont il a été le témoin.
Jean-Pierre Robert.
***
La Finta Giardiniera à La Monnaie
©Bernd Uhlig
On a
coutume à propos de La Finta Giardiniera de Mozart d'assimiler opéra de
jeunesse et ouvrage mineur. C'est sans doute méconnaître ses
caractéristiques propres. Car ce « dramma giocoso » évolue
à la frontière entre buffa et seria. On y trouve même trois types de
personnages : les bouffes, les sérieux, mais aussi les
« mezzo carattere » ou demi-caractères. Chez ces derniers,
se mêlent le noble et le comique, comme il en va des deux héros de l'intrigue,
la marchesa Violenta Onesti et le contino Belfiore - jeu de mot
désignant une femme violente mais honnête et un galant fragile qui, s'il manie
le ridicule, n'est pas dénué de sensibilité. Ce jardin d'amour est prétexte
à un marivaudage savamment entretenu qui traite du pouvoir meurtrier et
fusionnel d'Éros. Il est empli de tourments pour ceux qui s'y trouvent,
trois couples qui se font et se défont, mus par l'excitation de la jalousie,
taraudés par une suite d'actions contradictoires, emportés dans un jeu pervers
d'inversion de la hiérarchie sociale : une marquise qui se fait passer
pour simple jardinière, une servante qui compte bien conquérir les faveurs
du maître des lieux, etc. Tout mène au dérèglement, voire à la folie pour
ce qui est des deux protagonistes : ils ne savent plus qui ils sont et
vont s'imaginer comme les fantômes de figures légendaires de l'Antiquité.
Mais ces caractères ne sont en rien monolithiques. Ils sont façonnés par
la musique qui décrit les angoisses, les doutes, les aspirations au bonheur.
Une musique qui emprunte souvent des tonalités mineures, fait peu ordinaire
dans un opéra bouffe. C'est dire qu'ici vraiment rien ne rime avec
genre mineur. Qu'un jeune compositeur de 19 ans peigne avec autant
de profondeur les diverses facettes de l'âme humaine tient du génie.
Mozart y délivre un vibrant message d'amour et quelques caractères annoncent
déjà les grands personnages à venir, ceux de la trilogie da Ponte en particulier.
©Bernd Uhlig
La
reprise à La Monnaie de la production légendaire de Karl-Ernst et Ursel Herrmann,
qui en 1986 réhabilita cet opéra, confirme la lucidité d'une dramaturgie lui
insufflant la vie. Dans le décor unique d'un élégant bosquet à la haute futaie
qui se métamorphose à l'infini au gré des éclairages en autant de tableaux et
d'atmosphères changeantes, les sept personnages évoluent sous l'impulsion d'un
huitième, imaginaire, à la fois maître de cérémonie et deus ex machina.
Ce minuscule comparse - l'interprète, Mireille Mossé, est naine - tire les
ficelles et conduit nos apprentis amoureux jusqu'aux limites d'eux-mêmes.
La scénographie, d'un équilibre presque parfait, évoque encore une sorte de
labyrinthe, celui des sentiments, où l'on se cache derrière un tronc d'arbre
si mince qu'on n'est pas loin de la fable de l'autruche, où l'on prend prétexte
de tel détail futile, mais faussement anodin, pour se donner contenance.
La régie capte les rebondissements souvent improbables, les revirements réels
ou feints qui, sous des dehors amusants parce que parodiques, font se dévoiler
la vérité des sentiments, leur volatilité, la vulnérabilité des êtres aussi.
Les interprètes se prêtent volontiers à cette arithmétique galante. Ils
ne rechignent pas à la performance physique lors de courses-poursuite sur une
fine aire de jeu ceignant la fosse d'orchestre. Sandrine Piau, la
Marchesa Violanta, déploie une svelte vocalité, notamment à l'heure des
« arie agitate » qui caractérisent cette partie, tout comme
celles d'Arminda et de Serpetta auxquelles Henriette Bonde-Hansena et
Kateřina Knĕzíková prêtent de sûres vocalises.
Stella Doufexis déçoit dans le rôle du chevalier Ramiro, confié à
l'origine à un castrat, et qui mérite ligne plus assurée. Les messieurs
sont à la hauteur : outre le vétéran Jeffrey Francis, un Podestat
entreprenant qui au final ne gagne rien à l'affaire, et le bel hidalgo
Adam Plachetka, Nardo, jardinier tout sauf benêt, le ténor Jeremy Ovenden
apporte au petit comte Belfiore un style racé. Si, au final, se dégage
quelque monotonie, c'est à la direction musicale qu'il faut l'attribuer.
John Nelson, certes, imprime à l'orchestre une élégante douceur et dose avec
soin les multiples variations d'intensité des ensembles. Il manque
cependant à sa vision l'ultime souple nervosité qui fait s'enflammer ces pages
annonciatrices des chefs-d'œuvre mozartiens à venir.
Ultimes salves de l'intégrale Mahler de Valery Gergiev, à Pleyel
©Fred Toulet
« Il
lui faut avoir quelque chose de cosmique, d'inépuisable comme le monde et la
vie pour être digne de ce nom » disait Gustav Mahler à propos de la
symphonie. Cela vaut tout particulièrement pour la vaste Troisième associant audace et démesure.
Durant quelque 95’ et l'espace de six mouvements, l'auditeur est immergé dans un
univers luxuriant, son attention captée par une force à laquelle il n'est guère
possible d'opposer de résistance. L'œuvre se veut un hymne à la Nature :
« Toute la nature y reçoit une voix ». À chaque mouvement,
Mahler voulait associer un programme bien précis. Au-delà de cet aspect,
la symphonie révèle un monde d'émotions qui transparaissent à travers les
indications proprement musicales attachées à chaque partie. On comprend
que pareil monument sonore appelle le superlatif. C'est ce qu'offrent le
LSO et leur chef principal Valery Gergiev. Plus économe que de
coutume dans sa gestuelle, Gergiev déploie un vrai talent de conteur, démêlant
ce qui ressort souvent de l'impénétrable. Ainsi de l'immense premier
mouvement, marqué « Vigoureux. Décidé », où se côtoient marche
funèbre, chant populaire, épisode souriant ou carnavalesque, à travers une
abondance de thèmes qui surgissent à l'improviste, où les instruments sont
sollicités au-delà de leurs limites (trombones rutilants, cor anglais
envoûtant, assauts des contrebasses, remous des cordes) et les accélérations
fulgurantes. Le Tempo di Menuetto, « Très mesuré », fait
figure de pause teintée de mélancolie. En l'abordant très lent, Gergiev
accentue sans doute une ambiguïté existante : chant insouciant ou page
révélatrice d'un substrat plus inquiétant ? Avec le Comodo « Sans
hâte », on en vient à un scherzo empruntant, entre autres, au lied du
Rossignol et du Coucou, le burlesque taquinant le grotesque, comme souvent chez
Mahler. Le trio central où tout l'orchestre s'assagit restera un moment
d'indicible émotion : la mélopée dans le lointain du cor de postillon
(fabuleux instrumentiste londonien) sur une longue tenue des premiers puis des
seconds violons est pure magie sonore. À la nostalgie s'ajoute un saisissant
effet de spatialisation. Les deux mouvements suivants font intervenir la
voix : d'abord la contralto (émouvante Anna Larsson) dans le texte
emprunté au Zarathoustra de Nietzsche, puis les chœurs de jeunes garçons
et de femmes, lors des appels du Bim-Bam, page toute carillonnante de
joie. L'ultime épisode de ce débordant voyage sonore prend la forme d'un
adagio : une méditation profonde baignée de lumière et de paix quoique
ponctuée de bouffées d'exaltation. Là comme ailleurs, l'intensité de l'échange
entre chef et musiciens du LSO est tangible.
Création d'Akhmatova à l'Opéra Bastille
Bruno
MANTOVANI : Akhmatova. Opéra en trois actes. Livret de Christophe Ghristi.
Janina Baechle, Attila Kiss-B, Lionel Peintre,
Vardhui Abrahamyan, Valérie Condoluci, Christophe Dumaux,
Marie-Adeline Henry. Orchestre & Chœur de l'Opéra national de Paris,
dir. Pascal Rophé. Mise en scène : Nicolas Joel.
©Elisa Haberer/Opéra national de Paris
Le
prolixe directeur du Conservatoire de musique de Paris, Bruno Mantovani, a
choisi pour sujet de son nouvel opéra la vie de la poétesse russe Anna Akhmatova
(1889-1966). Le librettiste Christophe Ghristi, actuel dramaturge à
l'Opéra de Paris, s'est attaché à traiter la période la plus sombre de
celle-ci, à partir de la Révolution de 1917, qui la verra mise à l'index par le
régime soviétique, puis radiée de l'Union des écrivains, avant qu'elle ne soit
réhabilitée après la mort de Staline. Le récit est très linéaire, voire
elliptique car comme le remarque Ghristi, la vie d'Akhmatova « est faite
de silence et de retrait ». Aussi le personnage demeure-t-il
énigmatique. La seule dramaturgie réside dans les échanges avec quelques
personnages de son entourage, en particulier avec son fils Lev. Celui-ci,
par deux fois emprisonné par le régime, puis libéré, finira par rejeter cette
mère chez qui il n'a pas senti le désir de le sauver ; ce qui donne lieu à
une scène de rupture d'un indéniable impact au IIIe acte.
Outre les duos entre mère et fils et quelques scènes de foule, les tableaux se
succèdent sans rebondissement significatif apte à maintenir l'attention.
Les scènes s'enchaînent les unes aux autres grâce à des interludes
symphoniques. Là où l'on pouvait s'attendre à un traitement chambriste
sur le ton de la conversation, Bruno Mantovani favorise un grand orchestre
plus souvent lâché en force que retenu, de couleur plutôt sombre qui, selon lui,
a « quelque chose de la gravité russe ». Voire. En tout
cas le discours n'évite pas l'effet répétitif, procédant par impulsions souvent
violentes avec aplats de cuivres et de percussions. Le problème est
qu'une telle luxuriance a pour conséquence de couvrir les voix, la plupart du
temps. D'autant que l'écriture vocale est curieusement dépourvue de
lyrisme, pourtant revendiqué par les auteurs : la ligne de chant escamote
les syllabes muettes ce qui ne met pas en valeur le phrasé musical qui, par
moments, se poursuit en une brève séquence parlée. Curieusement, l'opéra
s'achève par un long intermède orchestral décrivant la solitude oppressante
d’Anna qui, seule en scène, donne l'impression de ne plus pouvoir réagir ni
même ouvrir la bouche, sauf pour livrer quatre ultimes phrases : un
monologue final attendu qui ne se concrétise pas. Selon le compositeur,
il ne s'agit pas d'un postlude mais plutôt d'une ouverture placée à la fin de
l'opéra, à défaut d'en avoir été l'élément introductif. Cette inversion
de la structure habituelle se justifierait comme une « ouverture à la
poésie ».
©Elisa Haberer/ONP
La
présentation, quoique esthétiquement belle, est minimaliste. Si le
parti pris d'un environnement noir et blanc et la symbolique du portrait
de la poétesse brossé par Modigliani dans les années 20, omniprésent et
démultiplié, sont agréables à l'œil, la mise en scène de Nicolas Joel
donne peu de relief à une histoire qui ne progresse pas, se bornant à des
mouvements convenus. À supposer qu'il faille se mesurer à la lenteur
dramatique typiquement russe, peu de chose est fait pour l'habiter. Le
climat de terreur politique n'est palpable que lors des scènes de foule
habilement construites. De la distribution se distingue la prestation de
Janina Baechle, Anna, dont le tour de force est d'être pratiquement
toujours en scène et de devoir autant illustrer théâtralement son personnage que
le chanter. Restent les réserves mentionnées quant à la faconde
orchestrale le disputant à la bonne propagation de la voix. L'attrait de
Mantovani pour les voix aiguës - qu'il partage avec beaucoup de ses confrères -
se manifeste dans le choix des tessitures réservées à trois caractères :
le fils Lev, un ténor de composition, le représentant de l'Union des
écrivains, un contre-ténor, et l'amie comédienne Faina Ranevskaia, une
soprano colorature. Dans les deux premiers cas, les interprètes, Attila
Kiss-B et Christophe Dumaux, se tirent fort bien d'affaire.
Pascal Rophé, un habitué de l'univers sonore de Mantovani, donne sans
doute le meilleur d'une partition qui a du mal à se livrer.
« Le » Freischütz de
Weber-Berlioz à l'Opéra Comique
Carl
Maria von WEBER : Le Freischütz. Opéra romantique en trois actes.
Livret de Friedrich Kind. Présenté dans la version française, avec
la traduction d'Émilien Pacini & Hector Berlioz et les récitatifs
d'Hector Berlioz. Sophie Karthäuser, Andrew Kennedy,
Virginie Pochon, Gidon Saks, Matthew Brook, Samuel Evans,
Robert Davies, Luc Bertin-Hugault, Christian Pélissier. The
Monteverdi Choir. Orchestre révolutionnaire et romantique, dir.
John Eliot Gardiner. Mise en scène : Dan Jemmett.
©Elisabeth Carecchio
L'idée
de présenter la version française du Freischütz de Weber revient au chef
John Eliot Gardiner qui souligne combien ce chef-d'œuvre du romantisme
allemand doit au genre de l'opéra-comique car il est le « fruit de l'idéal
des goûts réunis formulé au siècle des Lumières ». Précisément,
l'adaptation conçue par Berlioz qui substitue aux dialogues parlés du singspiel
des récitatifs chantés, apporte à la pièce une unité de ton apte à lui
restituer une fraîcheur d'inspiration insoupçonnée et à mettre en exergue son
style mélodique inimitable. D'autant que la traduction française est loin
de sombrer dans le banal et se coule aisément dans la prosodie de la langue.
Le texte exhale, en maints endroits, une délicate atmosphère poétique, comme en
témoigne le grand air d'Agathe. Le seul passage parlé non adapté par
l'auteur de la Symphonie fantastique, au début du IIIe acte,
est ici transposé sous forme d'entracte sur une musique empruntée au Concertino pour clarinette de Weber.
Artisan de cette résurrection réussie, Gardiner apporte à l'orchestre de Weber
un relief saisissant et en souligne les traits originaux : flûtes
grinçantes, jeu des contrebasses, mélopées de la clarinette, en particulier dans
le registre grave – Francis Poulenc n'a-t-il pas dit : « le
grave de la clarinette, c'est Weber qui le premier s'en servit sans
trembler ». Il en révèle encore la radicalité de l'orchestration.
Ainsi de la scène de la Gorge-aux-Loups et ses effets de fantastique teinté de
maléfique, que la présence de chœurs dans les hauteurs de la salle même rend
encore plus effrayant. Les couleurs des instruments d'époque de
l'Orchestre révolutionnaire et romantique sont pour beaucoup dans la
caractérisation de l'atmosphère tour à tour envoûtante ou tendrement poétique.
©Elisabeth Carecchio
Le
choix des voix a été méticuleusement soupesé pour restituer l'exacte veine
quasi mozartienne de l'opéra. Ainsi du jeune Max, confié non à un
heldentenor, mais à une voix qui possède la clarté d'émission et la ductilité
du ténor italien di grazia : Andrew Kennedy est à cet
égard un modèle d'élégance. Sophie Karthäuser, Agathe, offre cette
vulnérabilité qui rend le rôle si attachant et une ligne de chant immaculée ;
une des sopranos lyriques les plus complètes du moment. Ces deux-là ont à
voir avec Tamino et Pamina, non seulement dans la couleur vocale mais aussi
quant au cheminement vers la perfection à travers les épreuves.
Virginie Pochon, Annette, fait montre autant d'esprit que de faconde
vocale ; de loin une de ses meilleures prestations. D'un brelan de
basses complétant une distribution sans faille se détache
Gidon Saks : son portrait de Gaspard allie noirceur du dessein et
profondeur virtuose du chant. Comme naguère pour la production de L'Étoile en ce même lieu, la prestation du Monteverdi Choir subjugue : outre
une aisance peu commune dans le maniement de l'idiome gallique, ces choristes
d'exception se révèlent aussi bons comédiens et même danseurs lors du
divertissement - sur la musique de l'Invitation à la valse - inséré
par Gardiner au IIIe acte après le Chœur des chasseurs.
Les solistes s'y joignent d'ailleurs pour un moment d'irrésistible entrain.
©Elisabeth Carecchio
La
régie se souvient de la naïveté paysanne inhérente à cette histoire. La
décoration fait choix d'un lieu de transition aux confins de l'univers
forestier et de la tradition populaire des contes germaniques. D'où
l'idée de l'emprunter au monde forain qui, outre ses couleurs, apporte une
touche agréablement naïve avec son stand de tir à balles réelles, sa roulotte
qu'habitent les deux filles. Ce côté naturaliste ne dépare pas. La
mise en scène se veut lisible. Sans prétention, elle a la vertu d'être
juste dans l'expression des sentiments. Le tableau de la Gorge-aux-Loups,
loin des débordements de certaines productions à grand spectacle, offre le
juste faire-valoir à une scène musicale fantasmagorique sans équivalent.
Car l'essentiel n'est-il pas ici dans ce qu'évoque un orchestre suprêmement
descriptif : un formidable paysage sonore, digne de Berlioz, utilisant le
registre sombre des cordes et des vents pour décrire la terreur d'une
machination satanique, le déchaînement des éléments naturels, l'effroi du jeune
chasseur Max.
Jean-Pierre
Robert.
Cycle Mahler au Théâtre des Champs-Élysées.
Gustav Mahler Jugendorchester,
dir. Philippe Jordan. Thomas Hampson
(baryton), Burkhard Fritz (ténor).
Gustav Mahler Jugendorchester ©DR
Un
programme totalement dédié à Gustav Mahler (1860-1911) dans le cadre de la
commémoration du centenaire de sa mort, comprenant deux œuvres emblématiques, l’Adagio
de la Symphonie n°10, inachevée et le Chant de la Terre, dans sa version
pour ténor & baryton. Inachevée, la Dixième Symphonie marque la fin d’un cycle, la fin d’une vie, la fin d’un
amour, « pour toi vivre, pour toi mourir, Almschi ! » en même
temps qu’elle témoigne, une dernière fois, de
l’instinct prophétique de Mahler, laissant prévoir une ultime évolution vers la
suppression des fonctions tonales… Avec le Chant de la Terre, nous retournons
au moi profond de Mahler. Composé dans une période de créativité difficile (après la
crise de 1907 qui verra son départ de l’Opéra
de Vienne,
la mort de sa fille aînée « Putzi »,
la découverte de sa cardiopathie), Mahler a conscience de la nécessité de poursuivre son œuvre, malgré
la solitude, la menace de mort, quasiment acceptée. Le travail semble son seul dérivatif, conçu comme un
réconfort. Par le Chant de la Terre, Mahler
retrouve le chemin de lui-même en reprenant son inlassable quête de construction, réalisant
l’apogée de l’esprit romantique en reliant subjectivité de
l’expression et raffinement de la technique. Conçu pour échapper à la malédiction des 9es symphonies (Beethoven, Schubert, Bruckner), construit à partir de sept poèmes chinois du VIIIe siècle de notre ère, découverts dans le recueil La Flûte chinoise de Hans Bethge, il s’agit d’une véritable symphonie de Lieder
pour ténor, alto ou baryton & orchestre. Mahler y évoque la condition humaine : l’ivresse et le
désespoir, la solitude et la nature, la jeunesse, la beauté, le printemps et
enfin l’adieu à l’ami se terminant dans un murmure sur le mot « ewig » (éternellement) répété sept fois comme un rite sacré qui
laisse entrevoir le passage
de l’intime à l’universel, au-delà du deuil, qui se
confirmera dans la Neuvième Symphonie.
Philippe Jordan ©DR
Pour
ce somptueux programme, le GMJO, créé à Vienne en 1986, à l’initiative de
Claudio Abbado, apportait à la fois sa jeunesse, son
enthousiasme et son talent, dirigé par le non moins
talentueux Philippe Jordan, actuel directeur musical de l’Opéra de Paris, qui s’affirme, à
chacune de ses prestations lyriques ou symphoniques, comme l’un des plus grands chefs actuels. Le casting vocal était également de grande qualité
avec Thomas Hampson, un des rares barytons acceptant de se
mesurer dans ce répertoire avec les meilleurs altos
(on se souvient des
interprétations de Kathleen Ferrier) ;
il donna ici une interprétation superbe, à la fois dans la diction, la rondeur
du timbre, la retenue et l’intériorité. Un
concert d’exception qui confirme que la valeur n’attend pas le nombre
des années…
Thomas
Hampson ©DR
Patrice
Imbaud.
***
Les Huguenots de
Meyerbeer, à La Monnaie
Si Les Huguenots connurent un succès
retentissant à la création, rares en sont aujourd'hui les productions. Le
« grand opéra » de Meyerbeer requiert en effet des moyens
musicaux et dramaturgiques peu communs. Car il faut donner vie à une immense
fresque historique qui, dans la France de 1572, traite de l'intolérance
religieuse à travers la passion amoureuse que vivent un protestant et une
catholique. Le massacre de la Saint-Barthélemy en est la toile de fond.
C'est ce à quoi vont s'attaquer fièrement Marc Minkowski dont on sait
l'affinité avec le répertoire français et Olivier Py qui aime à relever le
défi des ouvrages hors normes.
Giacomo Meyerbeer ©DR
Théâtre de La Monnaie : les 11, 14,
15, 17, 21, 23, 24, 28 et 30 juin 2011 (18h30), les 19 et 26 juin (15h00). Renseignements : 23, rue Leopold, 1000 Bruxelles.
Tél. : 00 41 70 23 39 39. www.lamonnaie.be
Sweeney Todd, un
« musical thriller » au Châtelet
Poursuivant son exploration méthodique des
grandes pages de la comédie musicale américaine, le Châtelet monte Sweeney Todd : un « musical thriller » où l'on voit un barbier de
Fleet Street à Londres condamné à vie poursuivre, une fois évadé, le
diabolique dessein de se venger du juge qui l'avait envoyé au bagne. Sa
vengeance s'étendra à l'ensemble de la société. Il y a de la critique
sociale brechtienne comme une bonne dose d'humour noir dans la musique et les
lyrics de Stephen Sondheim. Pour cette création française, le
Châtelet a de nouveau fait appel à l'équipe artistique qui avait signé A Little
Night Music.
Théâtre du Châtelet : les 2, 3, 4, 5,
6, 7, 11, 12, 13, 14, 17, 18, 19 et 20 mai (20h00), les 15 et 21 mai (15h00). Renseignements : 1, place du Châtelet, Paris Ier.
Tél. : 01 40 28 28 40. www.chatelet-theatre.com
Jean-Pierre Robert.
Ray Lema : L’Afrique dans
tous ses états
L’Afrique peut s’enorgueillir de posséder
dans son potentiel culturel un musicien d’exception qui s’affiche avec la même
aisance dans la musique traditionnelle africaine que dans la musique classique
occidentale ou le jazz. La fécondité de son inspiration et son éclectisme
font de Ray Lema un passeur entre différentes traditions, un musicien
curieux en quête de découvertes.
©DR
Né au Zaïre, il se destine à la vocation
sacerdotale à l’âge de 11 ans. C’est alors qu’il découvre Bach,
Mozart et le chant grégorien en même temps que se révèle chez lui un don pour
le piano. Après avoir quitté le séminaire, il joue dans différents
orchestres, accompagne des stars zaïroises, puis intègre les Yss Boys,
groupe de rock très populaire. En 1972, il parcourt le pays en quête de
nouvelles connaissances des musiques traditionnelles. Le gouvernement lui
demande alors de créer et diriger le Ballet national du Zaïre.
Après un court séjour aux États-Unis, il
s’installe en France en 1982. Sa carrière internationale s’amorce en 1983
avec l’album Kinshasa Washington DC-Paris qui mixe rumba, rock,
reggae et funk. Il réalise ensuite des albums avec Stewart Copland,
ex-batteur de Police, Manu Dibango, Charlélie Couture ou Jacques Higelin,
s’oriente vers le cinéma avec la musique du film Black Mic-mac et
enregistre avec 23 chanteurs - dont 14 bulgares et 6 africains –
dans un mixage de voix et de cultures.
Ray Lema, à côté de ses prestations
scéniques, compose pour le théâtre et le cinéma : Villa Belle-France pour France 3, Médée présentée au Théâtre des Amandiers de Nanterre
en 2003, puis en tournée. Cette musique de scène lui a d’ailleurs valu le
Grand Prix du Syndicat de la critique. La même année, il reçoit un
Django d’Or en hommage à l’ensemble de sa carrière.
Parallèlement, Ray Lema initie en Afrique
un projet basé sur la transmission des savoirs, soutenu par une série de
master-classes s’appuyant tant sur l’Afrique que sur Cuba et le Brésil.
En 2009, il interprète treize de ses œuvres avec les 85 musiciens du
Sinfônica de São Paulo. Une nouvelle invitation en 2010 fera l’objet
d’un coffret CD/DVD dont la sortie est prévue en France en 2011.
Sous la baguette de François-Xavier Roth,
Ray Lema enregistre avec les 40 musiciens de l’Orchestre des Siècles les
musiques de la pièce Ithaque sur un texte de Botho Strauss et dans
une mise en scène de Jean-Louis Martinelli.
Ray Lema se produira prochainement à Paris
à l’occasion du festival L’Afrique dans tous les sens. Ce festival
célèbre l’Afrique tournée vers l’avenir, une Afrique nouvelle, en action,
plurielle, qui innove tout en respectant ses valeurs traditionnelles.
Vingt pays seront représentés à l’occasion de trente-cinq concerts, deux
défilés de mode, des films, des spectacles de rue ou des ateliers de pratique
artistique. Le public parisien pourra apprécier la musique de Ray Lema
lors de deux concerts :
- Le mercredi 11 mai, à 20h30, à La
Bellevilloise (21, rue Boyer, Paris XXe. Tél. :
01 46 36 07 07. www.labellevilloise.com)
- Le samedi 28 mai, à 20h00, Musée du
Quai Branly / Théâtre Lévy-Strauss (37, quai Branly, Paris VIIe.
Tél. : 01 56 61 70 00. www.quaibranly.fr).
Ces concerts coïncident avec le dernier
album du pianiste, 99. Pourquoi ce titre ? En
France, c’est le numéro attribué par l’administration à tous ceux qui sont nés
ailleurs, quelle que soit leur origine. Pour Ray Lema, c’est une
utopie où la discrimination se transforme en fraternité. Dans les
crispations identitaires, les haines ou les fanatismes, jamais l’autre n’a paru
si loin, alors que la technologie nous permet aujourd’hui de connaître le monde
entier. C’est le message que Ray Lema veut livrer dans cet album :
une fraternité universelle retrouvée au sein d’un multiculturalisme.
Rock, rumba, reggae, rythmes Lubas du Congo évoluent dans une orchestration
vivante et colorée où la voix et le piano de Ray Lema, passeur d’un art
sans limite, donnent un sens au mot « partage ».
99 – Ray Lema (piano, claviers, guitare,
percussions, chant). One Drop (one.drop@free.fr) :
1DROP02. Distrib. Rue Stendhal (9bis, rue de la Villette,
Paris XIXe. Tél. : 01 40 05 03 73. gilbert.castro@ruestendhal.com).
TT : 44’22.
Contact : Catherine
Benainous – 25, rue Trousseau, Paris XIe. Tél. : 01
48 06 72 05 ou : 06 63 53 48 00. raylema.presse@gmail.com
POUR LES PLUS JEUNES
« Jardin d’Arc-en-Ciel » :
une féerie musicale pour les petits
C’est l’histoire de Myrtille, une petite
fée qui ne peut pas voler. Dans son jardin multicolore qu’elle entretient
avec amour, elle décide d’apprendre en cherchant autour d’elle ce qui pourrait
l’aider. Une fleur géante, un papillon ou une guirlande d’étoiles lumineuses
lui font découvrir les couleurs… mais ne lui apprennent pas à voler. Il
lui faut grandir et attendre que les ailes lui poussent. Ce qui arrive,
bien sûr à la fin du spectacle… mais il reste à Myrtille à apprendre à se
servir de ses ailes toutes neuves…
C’est un spectacle d’une rare qualité que
propose au jeune public la Comédie de la Passerelle. La poésie côtoie le
symbolisme avec bonheur et humour à la découverte de soi : ce n’est pas à
l’extérieur qu’il faut chercher ce qui nous aide à grandir... Dès
l’entrée dans la salle, le public est projeté d’emblée dans une autre dimension
brodée de couleurs et de lumières. Quand Myrtille se réveille, un océan
d’énergie se déverse sur scène : musique, chant, danse, galipettes… la
petite fée captive les bambins avec naturel, tendresse et enchantement.
Un petit conte d’une grande fraîcheur jouée avec sincérité par une comédienne
de talent qui établit spontanément un contact magique avec les enfants.
Sans aucun doute l’un des meilleurs spectacles à l’affiche pour enfants à
partir de 2 ans. Trente-cinq minutes de jubilation à voir
absolument !
Jardin d’Arc-en-Ciel : de & avec
Emma Darmon, en alternance avec Angélique Fridblatt. Mise en
scène : Matteo Porcos. Musique :
William Herremy. En mai & juin : les mercredis à 10h30 et
le dimanche à 11h (relâche le 29 mai). Renseignements : Comédie de la Passerelle - 102, rue Orfila, Paris XXe.
Tél. : 01 43 15 03 70. http://comediedelapasserelle.blogspot.com
Gérard Moindrot.
***
PIANO
Musique
russe pour piano :
A. MOSSOLOV, V. CHÉBALINE, N. KARETNIKOV. Le Chant du Monde (pianco@chantdumonde.com) : PN4675. 2011, 31 p.
Les Éditions
du Chant du Monde, spécialisées dans la diffusion de la musique russe du XXe siècle,
après plusieurs éditions de musique vocale, notamment de D. Chostakovitch,
viennent de publier deux Cahiers particulièrement intéressants avec un
programme sortant des sentiers battus. Une petite anthologie d’œuvres
pour piano associe trois compositeurs et présente un total de 13 Pièces, 2 Danses et Strophes.
Les Trois pièces, op.23a et les Deux danses, op.23b d’Alexandre Mossolov
(1900-1973) sont destinées à des pianistes chevronnés et solfégistes expérimentés
(lecture difficile, mesures rares : 7/4, 7/8, 8/4, accords difficiles à
déchiffrer, longs traits de croches volubiles. Sous le titre : Strophes, Vissarion Chébaline
(1902-1963) propose des pages brèves de moyenne difficulté, composées en
1921-22. Il en est de même des Cinq
pièces, op.3 et des Cinq pièces,
op.2, de Nikolaï Karetnikov (1930-1994) exigeant un strict respect du
phrasé.
VIOLON & PIANO
Dimitri CHOSTAKOVITCH : Cinq pièces pour deux violons & piano.
Le Chant du Monde (pianco@chantdumonde.com) : MC4149. 2011. 27 p.
(+ parties séparées).
Ce
nouveau fascicule propose des arrangements pour deux violons & piano, par
Lev Atovmyan, des pièces de Dimitri Chostakovitch (1906-1975),
compositeur russe de la période soviétique. Dans le Prélude, les violons évoluent en mouvement de sixtes et de tierces
parallèles, sur une partie de piano en accords, avec des commentaires
décoratifs à la main gauche, la lecture est claire et la dynamique, précise.
La Gavotte fait appel à la
légèreté ; l’Élégie a un
mouvement lent expressif contrastant avec la Valse (moderato) et
surtout la Polka (vivace). Excellente gravure, un
seul regret : l’absence de mesures numérotées qui serviraient de repère
aux trois intervenants. Quoi qu’il en soit, ce Cahier rendra de grands
services aux classes de musique de chambre soucieuses de diversifier leur
répertoire.
Édith
Weber.
GUITARE
Jean-Marie LEMARCHAND : Mélodies d’automne pour guitare.
Armiane : EAL 431.
Abordable
pour le début du deuxième cycle, ces trois courtes mélodies brossent trois
portraits en demi-teintes mais qui ne manquent ni de vie ni de charme. Si
la première se déroule comme une cantilène, la deuxième a des allures de danse
paysanne. Quant à la troisième, après une introduction en forme de prélude,
elle nous entraîne dans une ronde endiablée qui donnera sans doute un peu de
fil à retordre aux jeunes interprètes.
PIANO
Klavier-Festival Ruhr Bärenreiter
Piano Album. Musique contemporaine pour piano à deux & quatre
mains. Édité par Tobias Bleek & Michaël Töpel. Doigté par
Pierre-Laurent Aimard & Tamara Stefanovitch. Bärenreiter :
BA 9659.
Cet
album est né d’une collaboration entre le Festival de piano de la Ruhr, qui
rassemble chaque année les plus grands pianistes et les éditions Bärenreiter.
Cinq compositeurs contemporains ont participé à cet album chacun pour deux
pièces : une à deux mains, l’autre à quatre mains. Ces pièces portent
souvent le même titre et ont un rapport certain entre elles. Les compositeurs
sont : deux Anglais, Luke Bedford et George Benjamin ; un Allemand,
York Höller ; un Norvégio-Français, Olav Lervik ; un Chypriote,
Vassos Nicolaou ; un Italien, Marco Stroppa. Ils ont répondu
avec bonheur au désir du festival non seulement de promouvoir la musique
contemporaine, mais de créer un répertoire qui serait accessible au jeunes
pianistes et pourrait être utilisé dans l’apprentissage même de l’instrument.
Pierre-Laurent Aimard et Tamara Stefanovitch ont doigté ces pièces qu’ils ont expérimentées
avec leurs jeunes élèves. Souhaitons beaucoup de succès à cette
entreprise tout à fait remarquable.
Monic CECCONI-BOTELLA : Pitchounettes pour piano.
Delatour : DLT1119.
Ces
quatre petites pièces forment un bien réjouissant bestiaire. Il y a là de
quoi exciter l’imagination et l’oreille des jeunes pianistes à qui ces œuvres
sont destinées. Évocatrices sans être imitatrices, elles constituent également
une pédagogie de la tenue de main, le tout sans en avoir l’air !
Davide PERRONE : Florilejo Aureum pour piano à 4 mains.
Delatour : DLT1846.
Qu’on
ne s’y trompe pas : ce quatre mains n’a rien d’une pièce pédagogique.
C’est une œuvre qui met à profit les couleurs symphoniques du piano. Malgré une
écriture qui pourrait suggérer une interprétation percussive, il s’agit
essentiellement de faire chanter l’instrument.
Davide
PERRONE : Jeremy in China pour
piano. Delatour : DLT1125.
Ce
recueil contient deux pièces : Jeremy
in China et Jeremy in Chinatown. Elles
s’adressent à deux niveaux différents : fin de cycle 1 et fin de
cycle 2. Leur caractéristique commune est d’être écrites sur cinq
sons. La première se joue sur les touches blanches, la seconde sur les touches
noires. Construites sur un même thème, elles le déclinent évidemment de manière
différente - la seconde mettant notamment en jeu les résonances de
l’instrument.
VIOLONCELLE
Claude PASCAL : Ricordanza pour violoncelle & piano.
Combre : C06709.
Avec
cette œuvre destinée à la fin du second cycle, le toujours jeune compositeur nous
offre une œuvre pleine de délicatesse et de charme autant que de vigueur. Cette
page ne déparerait pas dans un récital. Souhaitons qu’elle trouve les
interprètes qu’elle mérite.
CONTREBASSE
Lissa MERIDAN : Running from silence pour vontrebasse
solo. Delatour : DLT1601.
Inspirée
par le poème du mystique musulman persan Djalal-el-dine Rumi, Quietness, pièce scandée par des
cellules rythmiques inspirées de l’alphabet morse, est un commentaire musical
du poème qui figure intégralement sur la partition. Cette œuvre difficile
est en même temps très attachante.
FLÛTE TRAVERSIÈRE
Gilles CARRÈ : Reflets – Couperin pour flûte &
piano. Combre : C06734.
Cette
pièce, du niveau de la fin du cycle 2, fait appel aux techniques
contemporaines dans une œuvre à la fois exigeante et d’un grand lyrisme.
FLÛTE À BEC
Davide PERRONE : Softy Touch pour flûte à bec alto &
piano. Delatour : DLT1126.
Commençant
avec le claquement des doigts du pianiste, cette pièce assez facile est une
invitation au jazz : rythme « ternaire », accords typiques… tout
y est. On commence par une allure piano-jazz pour aller vers une allure
jazzy plus affirmée. Cette œuvre, sous une allure un peu désinvolte,
développe un charme un peu coquin que les jeunes interprètes devront savoir
exprimer.
HAUTBOIS
Laura COLOMBO : Romance – Sweet melody. Deux
pièces pour hautbois & pianoforte (ou piano). Armiane : EAL
492.
Pourquoi
avoir choisi le pianoforte de préférence au piano moderne ? Sans
doute parce que la richesse harmonique et le timbre particulier du premier
convenait mieux au caractère de ces deux pièces, dont l’écriture très fluide
correspond bien aux titres choisis. Si l’on joue ces pièces sur un piano
moderne, il faudra veiller à en respecter le caractère autant que faire se
peut. La partie de pianoforte, techniquement peu difficile, pourra être
confiée à un élève : occasion rêvée pour faire pratiquer la musique de
chambre.
CLARINETTE
Jean-Michel TROTOUX : Hommage à Satie pour clarinette sib & piano. Lafitan :
P.L.2057.
Cette
pièce pour débutant annonce dès le départ la couleur : « comme une
gymnopédie ». Mais il s’agit d’un hommage et non d’un pastiche : tout
en restant dans l’esprit, la pièce s’évade peu à peu de son modèle… La
partie de piano est nettement plus difficile que celle de clarinette mais
pourra être cependant confiée à un élève avancé.
Alain WEBER : Mutances II pour clarinette basse & piano.
Delatour : DLT0414.
Explorant
toutes les possibilités de la clarinette basse, cette œuvre nous conduit d’un
pianissimo à un pianissimo en passant par les nuances les plus extrêmes. Elle
est très écrite même si le style s’apparente à l’improvisation. Elle est
aussi, bien sûr, très difficile.
Alain WEBER : Mutances III pour clarinette basse & piano.
Delatour : DLT0415.
Dans
cette œuvre très difficile, l’auteur explore de nouveau toutes les ressources
de l’instrument. La partie de piano ne se contente pas de soutenir mais
constitue un véritable partenaire pour le clarinettiste.
SAXOPHONE
Jean-Claude HENRY : Récit pour saxophone ténor (ou alto)
solo. Combre : C06724.
Ce
récit, d’abord calme, s’anime et se diversifie peu à peu. On ne risque pas de
s’ennuyer à l’écouter ni à le jouer. De niveau deuxième cycle, cette
pièce mettra pleinement en valeur les qualités de musicien de l’interprète.
Pascal PROUST : Clairières pour saxophone alto & piano.
Combre : C06699.
De
niveau fin de premier cycle, ces Clairières invitent à la promenade, à la marche, à la danse, bref sont aussi joyeuses
que variées, dans un style bon enfant du meilleur aloi.
Max MÉREAUX : À la fontaine de pierre pour saxophone alto & piano.
Armiane : EAL 508. Pour saxophone ténor : EAL 507.
Deux
versions pour une même œuvre destinée au second cycle. Voilà une œuvre très
bucolique dans un style délicatement atonal. Il faudra que les
instrumentistes fassent preuve d’un grand sens mélodique : la partie de
piano dialogue avec son partenaire et exige les mêmes qualités de musicalité.
TROMPETTE
Max MÉREAUX : Hommage pour trompette (sib ou ut) & piano.
Delatour : DLT1122.
Construite
de façon très classique, cette jolie pièce très vivante possède même, comme un
premier mouvement de concerto, une cadence qui mettra en valeur le jeune
virtuose. La partie de piano peut être confiée à un élève.
Fabrice LUCATO : Aurore pour trompette sib ou ut (ou cornet) & piano. Lafitan : P.L.2063.
De
niveau préparatoire, cette pièce ne manque ni de charme ni de caractère.
Construite en partie sur un rythme de habanera, elle nous promène dans des
paysages variés permettant au jeune trompettiste de montrer les différentes
facettes de son talent : mélodie, rythme, sens du phrasé…
Michel NIERENBERGER : Intrada e Balletto. Pièce en deux
mouvements pour trompette sib ou ut (ou cornet) & piano.
Lafitan : P.L.2011.
Cette
pièce de niveau élémentaire est tout à fait intéressante. L’Intrada commence par une sorte de
cadence et continue par un véritable mouvement fugué où trompette & piano
ont un rôle concertant. Le Balletto,
quant à lui, fait la part belle aux mesures impaires (5/8, 7/8…) et aux rythmes
dansants et entraînants, dans un esprit jubilatoire.
Philippe RIO : Trompette, en avant ! pour trompette sib ou ut (ou cornet) & piano. Lafitan : P.L.1839.
Le
jeune débutant qui abordera cette page se trouvera dans le rôle traditionnel du
trompettiste de fanfare, y compris dans la partie médiane, plus chantante et au
ton de la dominante, qui joue le rôle du traditionnel trio. Attention,
cela n’est pas une critique mais, au contraire, un compliment pour le clin
d’œil nostalgique.
Alexandre CARLIN : Cérémonie pour trompette sib ou ut (ou cornet) & piano. Lafitan : P.L.2037.
Également
pour niveau débutant, voilà une page solennelle qui évoque une entrée de
mariage ou de remise de décoration. Là non plus, ne boudons pas notre
plaisir car tout cela est du meilleur aloi.
Pierre-Richard DESHAYS : Ch’ti Valse pour trompette sib ou ut (ou cornet) & piano. Lafitan :P.L.1846.
Cette
valse de niveau débutant nous transporte dans l’ambiance des bals « ch’tis »
animés par les « harmonies » locales. Voici encore une pièce
bien sympathique et qui sera agréable autant à jouer qu’à entendre.
Pierre-Richard DESHAYS : Le voyage d’Ulysse pour trompette sib ou ut (ou cornet) & piano. Lafitan :P.L.1847.
De
niveau préparatoire, cette pièce entraîne le jeune trompettiste dans un voyage
aventureux sur les rives du ternaire et de ses pièges rythmiques, mais le tout
dans la bonne humeur. De quoi permettre de montrer ses qualités à la fois
rythmiques et mélodiques.
Gérard LENOIR : Nostalgia valse pour trompette sib ou ut (ou cornet) & piano. Lafitan : P.L.2112.
Dans
un tempo de valse lente, cette pièce évoque à merveille les salons d’antan. Une
partie médiane, plus langoureuse pour la trompette, permet au pianiste de
s’épancher à son tour. Elle est destinée aux élèves de préparatoire.
TROMBONE
Thierry DELERUYELLE : Entrée royale pour trombone & piano.
Lafitan : P.L.2048.
Une
fort belle et souple mélodie caractérise cette pièce de niveau préparatoire qui
ne prend son caractère triomphal que dans les dernières mesures, lorsque le
royal cortège a terminé sa solennelle progression. Sans être difficile, la
partie de piano demande quand même un pianiste expérimenté.
Claude-Henry JOUBERT : Sérénade à coulisse pour trombone avec
accompagnement de piano. Lafitan : P.L.2120.
Il
n’est pas sans importance que cette œuvre pour le niveau élémentaire soit
dédiée à Michaël Grzegorzewski, à la fois authentique tromboniste et
authentique « ch’ti ». Que dire sinon que grâce au langage
contemporain, Cl.-H. Joubert crée une grande complicité entre le pianiste et le
tromboniste. Quant au « Mot du compositeur » qui ouvre cette
œuvre et en donne les clés, il est, comme toujours, à la fois pertinent,
pédagogique et… hilarant.
COR
Max MÉREAUX : Hommage pour cor en fa & piano. Delatour : DLT1253.
Il
s’agit de la version pour cor de l’œuvre recensée sous la rubrique
« Trompette ».
CHŒUR
Claude VERCHER : Trois annonces de concert pour chœur à 4
voix mixtes. Delatour : DLT1602.
Certains
chœurs ont coutume d’arriver ou de partir en chantant. Les trois pièces
proposées s’intitulent : Ouverture,
pour le début du concert, Entracte pour le début de l’entracte et Départ…
Pleine d’humour, elles ne sont pas si faciles qu’elles en ont l’air, mais la
réduction de piano (à n’utiliser qu’aux répétitions) devrait en faciliter la
mise en place. C’est court et savoureux, et cela surprendra sans doute
agréablement l’auditoire.
Gérard HILPIPRE : Am Anfang… Cantate pour voix de basse,
chœur mixte & orgue. Compositeurs alsaciens, vol. 28.
Delatour : DLT0808.
« Au
commencement… ». C’est bien sûr le début de la Genèse qui constitue le
texte de cette cantate qui se termine paisiblement sur la phrase :
« …et Il vit que cela était bon ! ». Il s’agit d’une œuvre
ambitieuse qui ne dure pas moins d’une demi-heure et évoque de façon grandiose
les différents aspects de la création. Œuvre difficile et sans concession
mais bâtie comme une cathédrale.
MUSIQUE DE CHAMBRE
Patrick CHOQUET : Ouvrages d’Ars. CD inclus.
Delatour : DLT1846.
Cette
œuvre, composée à la demande du duo Kalliopê, et créée en 1991, est d’une
écriture libre tout à fait contemporaine. Il s’y trouve une part
d’improvisation. Fort heureusement, l’enregistrement par ce même duo est
là pour guider la recherche. Comme le dit l’auteur : « On a
frôlé la transmission orale pour trouver une partition en définitive plus
écrite et moins ouverte qu'il n'y paraissait. »
BRAHMS : Sextuor en sib majeur pour
2 violons, 2 altos, 2 violoncelles, op.18.
Bärenreiter. Partition de poche : TP 419. Parties
séparées : BA 9419.
BRAHMS : Sextuor en sol majeur pour
2 violons, 2 altos, 2 violoncelles, op.36. Bärenreiter.
Partition de poche : TP 420. Parties séparées : BA 9420.
Il
est inutile de rappeler la qualité de l’édition que propose Christopher Hogwood :
clarté, lisibilité, pertinence des indications. Chaque partition de poche
jouit, de plus, d’une copieuse préface retraçant la genèse des œuvres, les
conditions de leur exécution, les différentes transcriptions réalisées par
Brahms lui-même, bref tout un ensemble de commentaires passionnants et que les
interprètes se devront d’étudier soigneusement pour entrer dans l’esprit de ses
œuvres. Il s’agit là d’une édition monumentale qui constitue une étape dans la
connaissance de ces partitions.
Daniel Blackstone.
PIANO
Michael
OSTRZYGA : Der singende Wind.
22 kleine Klavierszenen + 1CD. « Breitkopf Pädagogik »,
Breitkopf (www.breitkopf.de) : EB 8659. 16 €.
Pour
cette publication (déjà par nous recensée, lire ci-dessous), « Breitkopf Pädagogik »
vient d’obtenir la distinction “Best Edition 2011” :
« Classées par ordre de difficulté progressive,
ces 22 miniatures accompagneront, pour un bon bout de temps, les apprentis
pianistes, tout en les initiant au langage musical de notre temps. On y
retrouve l’influence, en effet, aussi bien des musiques minimalistes que de la
technique des douze sons, que de formes aléatoires incitant à
l’improvisation… Chaque pièce est, en outre, assortie de conseils
d’exécution, d’exercices complémentaires et de stimulantes questions (tout
cela, hélas ! en seul allemand…). Le CD propose une interprétation
de chaque morceau. »
Christopher NORTON : Microjazz Collection 1 (nouvelle
édition avec CD). Boosey & Hawkes (www.boosey.com) :
BH 12251. 23,1 x 30,3 cm, 60 p.
Il
s’agit là de la réédition d’un ensemble de morceaux faciles et de difficulté
progressive dans des styles populaires (jazz, blues, rock, reggae), mais avec,
cette fois, un CD inclus comportant l’interprétation de chacune des
28 pièces + accompagnement instrumental. Avec, en regard sur la
page de gauche, des recommandations utiles à l’apprentissage des pièces.
Sont également parus : Microjazz
Collection 2 (BH 12252) et Microjazz
Collection 3 (BH 12253) Nonobstant une musicalité parfois
défaillante, une série fort intelligemment conçue.
Christopher NORTON : Microballads (nouvelle édition avec
CD). Vingt pièces originales pour le pianiste débutant. Boosey
& Hawkes (www.boosey.com) :
BH 12276. 23,1 x 30,3 cm, 42 p.
Même
principe et commentaires que pour l’album ci-dessus recensé, sinon qu’il s’agit
ici de 20 ballades, sans recommandations quant à leur apprentissage.
Sont disponibles dans la même série : Microlatin (BH 11965), Microrock (BH 12059)
et Microswing (BH 12049).
Francis
Gérimont.
***
Gérard ROYER : Verdi et moi.
Variations thématiques. L'Harmattan, 2010. 13,5 x
21,5 cm, 224 p. 21,50 €.
Singulière rencontre : Gérard Royer
livre, en une brève monographie, quelques clés de lecture de l'œuvre de ce
maître du théâtre et de la voix qu'est Giuseppe Verdi. Comme naguère
Gilles de Van (dans Verdi, un théâtre en musique, ouvrage qui fait
toujours autorité), il met en perspective intrigues et caractères autour de
quelques thèmes rassembleurs : les conduites et ruptures familiales (le
rôle des pères, le relatif effacement des mères), les élans lyriques d'une
vraie portée politique, l'importance du religieux, les visages et les identités
souvent dissimulés sous l'illusion du masque. Fort d'une admiration non
dissimulée, riche d'une expérience d'amateur éclairé que procure une
fréquentation entretenue sans faille, il trace des personnages verdiens des
portraits justes et sans complaisance. Ils sont, pour certains,
décortiqués au point de laisser percevoir de la part du narrateur une
indéniable proximité. Ainsi du Grand Inquisiteur dont l'ombre portée
plane sur le drame de Don Carlo, stigmatisé comme « un ayatollah
très catholique », voire considéré tel « le ‘Big Brother’ des
faits et gestes de la Cour espagnole », exemples de clichés dont l'auteur
aime à émailler son propos. D'autres saillies lancées au fil de la plume
sont plus discutables (« la mort d'opéra vaut bien, sinon une messe, au
moins une belle et longue cantilène ! »). C'est que le propos
se situe dans la sphère des impressions et se laisse aller à la remarque
personnelle. « La trame d'une intime histoire » confie
l'auteur. Le récit est empreint d'une vraie fausse simplicité et n'évite
pas l'affectation : multiplication d'expressions entre parenthèses, jeux
de mots (« la farce du destin »), focalisation sur telle locution
rehaussée de gras. Ce qu'un style à la fois savant et curieusement
relâché par endroits achève de rapprocher de la liberté de ton du conférencier
plus que du travail littéraire d'analyse approfondie. Gérard Royer
qui dit être mû par l'intense sentiment de reconnaissance à l'égard du
musicien, se défend de tout penchant égotiste. Il s'y essaie mais n'y
parvient pas toujours. Une bibliographie sélective et une discographie
choisie complètent le livre.
Christian WASSELIN : Mahler. La
symphonie-monde. Découvertes Gallimard/Musée d'Orsay, 2011.
12,5 x 18 cm, 127 p., illustr. 13,20 €.
À l'occasion de l'exposition Gustav Mahler
au Musée d'Orsay paraît un ouvrage fort attractif qui, en une bonne centaine de
pages, recense l'essentiel sur l'auteur du Chant de la Terre.
À partir d'une trame chronologique enrichie de nombreuses remarques
complémentaires sur la vie musicale de l'époque, l'auteur saisit le cheminement
de celui qui aura fait éclater le concept de la symphonie. Car si chacune
est conçue comme un monde, elles sont toutes « des romans et des
épopées ». Il fait toucher du doigt combien, en l'occurrence, le
métier de chef d'orchestre comme les activités du directeur de maisons d'opéra
ont forgé chez le musicien le processus créatif. Sans doute la
fréquentation de l'univers lyrique aura-t-elle profondément imprégné celui qui
sut si bien faire sienne la poésie de la voix. Une partie « Témoignages
et documents » s'enrichit de quelques points de vue révélateurs.
Ainsi du chef d'orchestre Bruno Walter qui voit « certains échos de
Berlioz dans l'emploi osé d'un langage bizarre et grotesque pour parvenir à la
plus extrême intensité d'expression », ou encore de Paul Clemenceau -
frère de l'homme politique – qui, avec une poignée d'autres, fut l'un des
premiers à défendre le compositeur dans l'hexagone. Richement illustré
(fac-similés de partitions, maquettes de décors, photos, caricatures, documents
divers) et bien documenté, ce livre constitue une excellente introduction au
monde imaginaire mais combien habité de Mahler. Bibliographie,
discographie & filmographie le complètent.
Jean-Pierre Robert.
Marine BRANLAND & David MASTIN (dir.) : De la guerre dans l’art, de l’art dans la guerre. Approches plastiques et musicales au XXe siècle. Textuel n°63, Université Paris Diderot, 2010, 268
p., 15 €.
Actes d’un colloque qui s’est tenu les 29
et 30 janvier 2010, cet ouvrage affiche d’emblée ses ambitions (non des
moindres), dès l’introduction, puisqu’il s’agit d’étudier un processus
d’aller-retour entre la création artistique et le contexte conflictuel (de
guerre) via un dialogue interdisciplinaire. Le colloque releva ce pari,
favorisant les échanges entre jeunes doctorants et chercheurs expérimentés, et
surtout, embrassant de nombreux domaines. En effet, dix-sept auteurs
participent à ce volume, dont sept sont issus d’unités d’Histoire de l’art,
trois d’Histoire et trois de Musicologie, les autres provenant de Littérature
comparée ou de Langues et civilisation. Une représentation universitaire
aussi large force déjà l’admiration.
L’ensemble des communications se répartit
en quatre grandes parties bien équilibrées, respectivement intitulées :
« Mobilisation » (La Grande Guerre d’une part, les autres conflits
d’autre part) ; « Dialogues photographiques » ;
« Identités et territoire » ; « Mémoires », échappant
ainsi à un classement disciplinaire ou chronologique peu efficient. De
fait, la présente étude se veut tout autant une interrogation sur le statut de
l’art en temps de guerre, qu’un état des lieux des postures de créateurs
faisant entrer la guerre dans leur œuvre (explicitement ou non) pour poser un
acte dénonciateur ou documentaire, ou ignorant le contexte guerrier (attitude
tout autant significative) pour mieux préserver leur liberté intérieure.
Signalons que l’ouvrage bénéficie de
quelques belles illustrations en couleur ou gravures en noir et blanc, de très
bonne qualité et d’un intérêt scientifique indéniable. Toutefois, pour en
finir avec la présentation de l’objet, nous nous autorisons à regretter ici
l’absence d’une bibliographie classée, mais générale, qui eut pu livrer des
suggestions de lecture permettant à ceux qui le désirent d’effectuer par
eux-mêmes un travail de contextualisation nécessaire pour mieux comprendre les
articles. En effet, la diversité des conflits abordés (dans le temps et
dans l’espace) est telle qu’il est difficile d’envisager un lecteur idéal ayant
pris la mesure de chacun…
Dans les lignes qui vont suivre, nous avons
choisi de ne rendre compte que des six articles à teneur musicale : quatre
dans la première partie et deux dans la quatrième. Cependant, nous le
ferons en distinguant deux catégories : d’une part, des exemples de
conduites individuelles et collectives françaises au sein des conflits mondiaux
que furent la Première et la Seconde Guerre mondiales ; d’autre part, les
situations de guerres civiles où l’art se brise sur les falaises d’une
nationalité qui s’effrite.
Dans son article, David Mastin nous
présente deux cas particuliers : celui du conservatoire de Toulouse, sous
la houlette d’Aymé Kunc qui adhère en 1916 à la Ligue de la Défense de la
Musique française, et celui du conservatoire de Montpellier alors dirigé par
Armand Granier. Tous deux contribueront à redonner une vie musicale
à cette région méridionale française. Très bien documentée, cette
contribution nous apprend ce que fut la réorganisation de l’orchestre de
Toulouse, tout aussi bien que les contraintes imposées aux enseignants de ces
institutions, leur engagement dans les concerts de charité et les soucis de
programmation qui y sont connexes. L’on y découvre également le poids de
la tradition musicale française, notamment chez le compositeur Kunc qui se
refusait à omettre la valeur des chefs-d’œuvre d’outre-Rhin.
C’est à la seconde des Guerres mondiales
que s’est attelé Frédéric Gaussin, proposant une étude parallèle des carrières
de deux des plus grands élèves de Diémer : Cortot et Lazare-Lévy.
Mettant à jour des éléments biographiques peu connus, l’auteur a parfaitement
montré tout ce qui lia les deux hommes dans leur vie amicale et professionnelle
jusqu’à la guerre. Cette dernière mit fin aux années de complicité.
De façon circonstanciée, Frédéric Gaussin nous montre comment l’engagement
politique de Cortot le conduisit inexorablement du Commissariat général à la
Jeunesse au Conseil national (invité par le maréchal Pétain), puis à la
présidence du Comité d’organisation professionnelle de la musique en mai 1942.
Pendant ce temps, Lazare-Lévy subit le joug des lois antisémites et est renvoyé
du Conservatoire et de l’École normale de musique, puis s’exile avant de
rejoindre la clandestinité. Lorsqu’il sollicitera l’aide de Cortot, ce
dernier ne daignera pas lui répondre.
Un destin individuel fait l’objet de l’intervention
de Christopher Brent Murray qui met ici en lumière toute la complexité de
la situation d’Oliver Messiaen, soldat français des années 1939-1941.
En croisant des sources de diverses provenances, l’auteur parvint à
reconstituer un récit événementiel inédit et probant. Il put ainsi
dégager de nouvelles données concernant la genèse du célèbre Quatuor pour la
fin du temps. Ce texte apporte immanquablement de nouveaux éclairages
musicologiques sur un compositeur que l’on croit, à tort, bien connaître…
En matière de lutte contre le fascisme, les
activités d’engagement esthético-politiques du compositeur mexicain Silvestre Revueltas
(1899-1940) furent exemplaires. C’est ce que nous montre Luis
Velasco Pufleau dans un travail très novateur qui nous apprendra ce que
furent les liens de proximité entre la pensée d’un Garcia Lorca et de
Revueltas, et comment le compositeur investit ses œuvres des années 1936-1939
de revendications politiques et de références autobiographiques. Ce
faisant, nous découvrons l’organisation marxiste de la LEAR (Ligue des
écrivains et artistes révolutionnaires), son action durant la guerre civile
d’Espagne, et comment la figure de Revueltas fut opposée à celle de
Carlos Chávez.
Avec le texte de François-Gildas Tual, une
autre guerre civile est évoquée, plus proche de nous, puisqu’il s’agit de celle
qui déchira le Liban. L’auteur connaît le compositeur qu’il
présente : un Libanais né en 1957 et installé à Paris depuis la fin des
années soixante-dix, Bechara El-Khoury. Durant les années quatre-vingt,
ce dernier rendit hommage à son pays natal à travers plusieurs œuvres, dénuées
de tout esprit descriptif mais toujours soucieuses de délivrer un message de
paix. Lorsque se produisirent les événements du 11 septembre 2001,
le musicien se retrouva dans une situation similaire à son retour de Beyrouth,
démuni devant la barbarie humaine, et composa une œuvre intitulée New-York,
Tears and Hope (2005).
Enfin, troisième article traitant de la
musique dans un contexte de guerre civile, celui de Germain-Arsène Kadi nous
introduit dans la complexité d’une actualité brûlante. En effet, en 2002
un conflit armé opposa, en Côte d’Ivoire, les loyalistes aux rebelles,
coupant le pays en deux (le sud vs le nord). L’auteur nous présente
les albums de propagande des chanteurs populaires et nous sensibilise, avec
efficacité, aux questions d’inféodation de la musique au pouvoir en place.
Les autres articles de cet ouvrage sont des
approches variées des phénomènes artistiques liés au contexte de guerre.
Pour exemples : « La gravure en France et en Angleterre pendant la
Grande Guerre : un art mineur ? », « Les artistes algériens
à Paris pendant la guerre d’Algérie : entre quête de reconnaissance et
construction d’un discours esthétique moderne », ou encore « Les
représentations de la Guerre civile dans la peinture soviétique des années
1920-1930 »…
Cette publication interrogeant le lecteur
saura donc intéresser un public diversifié qui y lira, transversalement, de
graves questions, toujours actuelles, sur la place de l’art, son message et sa
portée, lors de situations de crises extrêmes comme le sont les guerres.
Sylvie Douche.
Matthieu ARNOLD (Textes réunis
par) : Jean Calvin, les années strasbourgeoises
(1538-1541). Presses universitaires de Strasbourg, 2010.
282 p. 19 €.
Ce Colloque, organisé à
l’Université de Strasbourg dans le cadre de l’Année Calvin, traite ses
« années strasbourgeoises » : 1538 à 1541, trois années
d’importance capitale pour l’évolution de la musique religieuse en langue
française dans le sillage de la Réforme. La Ville libre du Saint-Empire
romain germanique accueille des réfugiés francophones ; théologiens,
poètes, musiciens y sont très actifs, ils doivent forger rapidement un nouveau
fonds hymnologique et liturgique dans la langue du peuple. Les deux
réformateurs, Martin Bucer (1491-1551) et Jean Calvin (1509-1564) -
en charge des réfugiés -, et les musiciens locaux (Matthias Greiter,
Wolfgang Dachstein…) unissent leurs efforts pour créer une liturgie et des
chants conformes aux idées nouvelles. Le premier recueil expérimental de
Jean Calvin : Aulcuns Pseaulmes et cantiques mys en chant,
publié en 1539, contient, entre autres, ses paraphrases françaises de psaumes
certes maladroites ; elles sont chantées sur des mélodies empruntées aux
musiciens locaux. Ce recueil peut donc être considéré comme l’amorce du
futur Psautier qui paraîtra intégralement à Genève en 1562. En ce sens,
ces « trois années » marquent un jalon décisif dans l’histoire
de la musique religieuse protestante et du chant d’assemblée.
Édith
Weber.
Gérard GUBISCH : Wozzeck ou l’opéra révélé.
Préface de Pascal Dusapin. Éditions de l’Île bleue (www.symetrie.com), 2010.
297 p. 28 €.
1925, une date à marquer d’une pierre noire
qui marquerait la fin de l’histoire de l’opéra (?), en même temps que la
création du Wozzeck d’Alban Berg (1885-1935) à Berlin, sous la
direction d’Erich Kleiber. Wozzeck, chef-d’œuvre absolu,
insurpassable, mais également, opéra emblématique d’une époque, celle de la Seconde
École de Vienne et de la République de Weimar. Un livre qui s’attache à
mettre en avant les correspondances musicales et dramaturgiques faisant de Wozzeck un opéra d’une rare cohérence. Cohérence reposant sur une symbolique de
motifs et d’intervalles, renforcée par le goût de Berg pour la numérologie,
véritable « épiphonie » auditive, tissant phénomènes acoustiques et
états dramatiques. D’une architecture rigoureuse et raffinée, chacun des
trois actes utilise des leitmotive associés à des formes anciennes et
stylisées. Pièces de caractère du premier acte, Symphonie du deuxième
acte en cinq mouvements et les cinq Inventions sur un thème, dans un ton (si)
sur un rythme, sur un accord, sur un mouvement régulier de croches du troisième
et dernier acte. Un livre intéressant, parfois ardu, qui prouve que les
explications ne nuisent en rien à l’émotion et que l’écoute peut se trouver
renforcée par sa lecture. Un livre qui vient s’ajouter à la copieuse
bibliographie consacrée à cette œuvre.
Patrice Imbaud.
Laurence LE DIAGON-JACQUIN : Liszt. Guide
pratique du mélomane. Préface de Georges Zaragoza.
Postface de Philippe Olivier. « Musique », Hermann (www.editions-hermann.fr).
14 x 21 cm, 392 p., ill. n&b, ex. mus. 32 €.
Assurément bienvenu est - au cœur du
présent tsunami éditorial lisztien - ce Guide pratique du mélomane !
Où l’éminente musicologue ne se contente pas de parcourir la vie & l’œuvre du
compositeur, mais s’attache à mettre en lumière tous les éléments de sa
formation (entourage familial, culturel & artistique), ses fréquentations,
le contexte de ses premiers concerts, ses idiosyncrasies musicales et
stylistiques… Le tout judicieusement illustré de quelque 80 exemples
musicaux.
Philippe ANDRÉ : Années de pèlerinage de
Franz Liszt, II (Italie) et III. Aléas (www.aleas.fr). 15 x 21 cm, 246 p.,
ex. mus. 15 €.
Suite à sa brillante lecture des Années
de pèlerinage de Franz Liszt, I (Suisse), l’excellent
musicien qu’est le psychiatre & psychanalyste Philippe André nous présente
les deuxième et troisième recueils de cette manière de « journal intime »
du compositeur. Associant librement approches musicologiques, psychanalytiques,
philosophiques et littéraires, Philippe André fait ici œuvre singulière.
D’une pierre blanche !
Jean-Jacques GROLEAU : Rachmaninov. « Classica »,
Actes Sud (www.actes-sud.fr).
10 x 19 cm, 208 p. 18 €.
Toutes choses (in)égales par ailleurs -
Rachmaninov souffrit longtemps, à l’instar de Liszt, d’une trop exclusive
réputation de virtuose… Le voici enfin réhabilité dans toute la splendeur
romantique de sa musique, abondante en chefs-d’œuvre tels que, bien sûr, ses
célèbres Concertos pour piano ou Rhapsodie sur un thème de Paganini,
mais aussi ses pièces chorales, symphonies, poèmes symphoniques (L’Île des
morts, Le Rocher, Les Cloches) ou opéras (Aleko, Francesca
da Rimini…), etc. En annexes : Chronologie,
discographie & bibliographie sommaires / Index nominum et rerum.
Du spirituel dans
l’art ?
Revue Circuit, musiques contemporaines (Volume 21, n°1, 2011).
Les Presses de l’Université de Montréal (www.revuecircuit.ca).
21 x 23 cm, 110 p., ill. n&b, ex. mus.
18 $.
Au sommaire de cette nouvelle
livraison : Éclairages sur l’au-delà (Jonathan Goldman), La
transcendance en musique selon John Burke (Sylvia L’Écuyer), Autour
du triptyque […auf…] de Mark Andre (Laurent Feneyrou), Mysticisme
& spiritualité dans le courant spectral (Pierre Rigaudière), Symbolic Chiasm
in Arvo Pärt’s « Passio » (Mark Vuorinen). Une
enquête : Musique de création & spiritualité, forum à 7 voix (Maxime McKinley). Entre liturgie & rituel : Dialogue
imaginaire entre Feldman et Messiaen (Simon Bertrand) ; Réflexions
sur l’art & ma musique (Simon Martin).
Hors dossier : Échos et comptes rendus.
Frédérique MONTANDON : Les enfants et la musique.
Visions de parents sur une activité extrascolaire. Préface de
Marie-Anne Hugon. « Nouvelles pédagogies »,
L’Harmattan. 15,5 x 24 cm, 224 p. 22 €.
Déjà auteur de Réflexions sur la
socialité de la musique (2007, L’Harmattan), Frédérique Montandon nous
propose, cette fois, une réflexion sur le rapport des parents à
« l’enseignement spécialisé » de la musique, fondée sur une enquête menée
auprès de parents et de professionnels dans le XXe arrondissement
de Paris. Apprentissages instrumentaux dispensés en conservatoires,
associations ou centres d’animation… Sont successivement envisagés : Les différents lieux d’enseignement (Au XIXe et au début du
XXe siècle / Les écoles de musique depuis la Seconde
Guerre mondiale) : Les différentes structures et la vision des parents
sur celles-ci (La modélisation des institutions : le cas du XXe arrondissement /
Attentes & conceptions des parents vis-à-vis des différentes
représentations sociales) ; Regards de parents sur l’éducation (Représentations sociales des parents, sur l’enfant et l’éducation en
général) ; L’enseignement de la musique vu par des parents. Déplorons
toutefois nombreuses redondances & confusions terminologiques.
Philippe DÉMIER : Le parcours du compositeur. Cartographie d’un imaginaire. « Sémiotique &
philosophie de la musique », L’Harmattan. 15,5 x 24 cm,
222 p., ex. mus. 22 €.
Il s’agit là de la réflexion d’un
compositeur sur sa propre production & les mécanismes d’élaboration de
celle-ci : étapes de fabrication, expérimentations, orientations,
accidents, choix de thématiques… Le tout à partir d’exemples permettant
de dresser, aussi précisément que possible, une « cartographie de
l’imaginaire ». Quatre parties : Ce que j’ai appris
des autres (Commencements / Contextes) ; Dans le voyage (Cartes sonores / Temporalités / Musique silencieuse) ; Chemin
faisant, ce que l’art m’a enseigné (Voyages, cheminements / Journal
d’écriture / Conclusion provisoire) ; L’expérience d’un artisan (Quelques notes sur la réalisation / Les acteurs de la musique / Ce
qui inspire les idées). Lumineux bilan d’une expérience créatrice
permettant d’en saisir, pas à pas, les transformations.
Serge BOTET : La « performance » philosophique de Nietzsche.
Presses universitaires de Strasbourg (www.pu-strasbourg.com).
14 x 20,5 cm, 90 p. 10 €.
Où l’auteur, professeur à l’Université
Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, met l’accent sur les aspects proprement
discursifs & communicationnels de Zarathustra, écrit-phare dans
lequel images et métaphores sont premières par rapport aux concepts - davantage
récit, « performance » (au sens actuel du terme) que discours (celui-ci
personnalisant ordinairement le locuteur)… Où Serge Botet fait valoir que
la philosophie de Nietzsche est coextensive à la vie, se confond délibérément
avec elle, sans jamais être théorie distanciée prenant la vie pour objet.
Optimisme de cette pensée du « vouloir », périple aventureux (pour le
lecteur lui-même), où les valeurs ne sont pas assimilées à des vérités…
Un seul regret : les nombreuses citations en allemand n’ont pas été
traduites.
Élisabeth BRISSON et alii : Wagner m’a tué !
Les enjeux de la musique en 25 citations. Ellipses (www.editions-ellipses.fr).
14,5 x 21 cm, 314 p. 19,50 €.
Sous l’invocation de Chabrier, ce fort divertissant
ouvrage collectif (treize auteurs ont participé à sa gestation) s’interroge,
par le biais de 25 citations, sur la nature de la musique, les conditions
de sa création, l’évolution de ses langages, ses intrumentalisations
politiques, etc. En quatre parties : La création - contraintes
et conditions (citations de Chabrier, Ullmann, Ravel, Boulez, Schumann,
Dallapiccola) ; Le sens - « Sonate, que me
veux-tu ? » (Boulez, Stravinsky, Berlioz, Baudelaire, Bach) ; Le public - horizon d’écoute, accueil des œuvres, formation (Beethoven,
Ullmann, Fernandez, Adorno, Berg) ; Les effets - emprise,
instrumentalisation, résistance, subversion (Cioran, Chabrier, Fernandez,
Platon, Aristote, Diaghilev, Schumann). Fragments d’Heinrich Heine (en
introduction) et d’Arthur Schopenhauer (en conclusion).
Olivier TOURNY : Le chant liturgique juif éthiopien. Analyse musicale d’une tradition orale. « Selaf
n°443 », Peeters (www.peeters-leuven.be ).
16 x 24 cm, 236 p., ill. n&b, ex. mus.
52 €.
Par
l’ethnomusicologue Olivier Tourny (CNRS), directeur du Centre de recherche
français à Jérusalem, ce savant ouvrage tente, par le biais d’une description
heuristique détaillée, de cerner des problématiques telles que : Nature de
l’étude d’un système musical oral / Difficultés rencontrées lorsque
la tradition abordée est étrangère à l’analyste / Possibles
méthodologies / Enjeux, limites et bilan d’une systématique
musicale… Le tout assorti d’innombrables schémas & transcriptions
musicales. Remarquable étude sur le judaïsme éthiopien et son patrimoine
par trop ignoré.
Pierre PELLE LE
CROISA : Don Juan le profane. Le Défi du Diable. « Histoire
de mythes », Detrad (www.editionsdetradavs.com).
14,5 x 21 cm, 190 p., ill. n&b. 18 €.
D’une trilogie annoncée
sur « Les défis de Don Juan » : Défi du Diable (mythe du
profane), Défi de l’Homme (rite de l’initié), Défi de Dieu (type
du saint), voici le premier volet. « Celui qui est haï par le
peuple, comme le loup par les chiens, c’est l’esprit libre, l’ennemi des
entraves, celui qui n’adore pas et qui hante les forêts »
(Fr. Nietzsche) : tel est bien le personnage ici décrit. Vivant
dans le seul présent, sans mémoire aucune, Don Juan fascine : objet
d’« hainamoration » aurait pu dire Lacan. En trente-huit brefs
chapitres, l’auteur de ce brillant essai s’est d’abord attaché au
« Don Juan physique », diaboliquement transgressif, avant sa
mythologisation en « Don Juan métaphysique ».
David ALLIOT : Céline, idées reçues sur un auteur sulfureux.
« Idées reçues », Le Cavalier Bleu (www.lecavalierbleu.com).
14 x 20,5 cm, 174 p, ill. n&b. 19 €.
En cette année 2011,
cinquantenaire de la mort de l’écrivain – et au-delà d’une polémique qui entraîna
le pilonnage de la 1re édition de Commémorations nationales (plaquette annuelle qui consacrait une notice à l’auteur du Voyage au bout
de la nuit) -, voici un utile vade-mecum où est clairement fait le départ
entre légende & réalité, entre le méprisable antisémite que fut
Louis-Ferdinand Destouches & l’œuvre de l’écrivain, génial styliste qu’admira
toujours Sartre - nonobstant le fabuleux À l’agité du bocal,
chef-d’œuvre pamphlétaire que Céline lui avait dédié, en 1947. Sait-on
assez que Céline était passionné de musique et surtout de chorégraphie (son
épouse Lucette était danseuse) ? Une étude de référence.
Lucien REBATET
(1903-1972) : Les épis mûrs. Roman.
Avant-propos & postface inédits de l’auteur. Préface, notes &
commentaires de Nicolas d’Estienne d’Orves. Le Dilettante (www.ledilettante.com). 14 x
20,5 cm, 380 p. 25 €.
Paru pour la
première fois en 1954 aux éditions Gallimard, ce roman – en partie
autobiographique - n’eut guère d’écho. Il n’en est pas moins un irremplaçable
document sur la vie musicale française au début du XXe siècle.
Où est, en effet, relaté l’itinéraire d’un certain Pierre Tarare,
musicien né, dont la vie s’achèvera prématurément dans les tranchées.
Également auteur de Une histoire de la musique (Robert Laffont,
1969 / « Bouquins », 2001) - ouvrage très remarquable malgré plusieurs
pages sujettes à caution -, le « collaborateur » Lucien Rebatet,
s’il échappa de peu à l’échafaud lors de la Libération, sombra dans l’opprobre.
Personnage certes de moindre dimension que Céline - sur le plan aussi bien de
l’ignominie que du génie littéraire -, Lucien Rebatet n’en fut pas moins un
excellent écrivain. Merci aux éditions Le Dilettante d’avoir réédité
ce passionnant roman - singulièrement pour un musicien. [Sur la couverture ci-dessous,
l’auteur est à Bayreuth en 1957, devant le buste de Wagner, en compagnie de sa
femme et d’une amie wagnérienne.]
André
PEYREGNE : Le dico fou de la musique.
Illustrations de Rémy Le Goistre. « Musique »,
Papier libre (www.editions-papier-libre.com).
14,5 x 21,5 cm, 200 p., dessins humoristiques. 16 €.
Nous reprendrons
ici le propos de Voltaire à Grétry : « Vous êtes musicien,
Monsieur, et avez de l’esprit. La chose est rare ! » Délectable
est, en effet, ce dictionnaire loufoque des termes musicaux & de la musique
en général. Fort plaisamment illustré.
Franck BERGEROT : Le jazz dans tous ses états. « Comprendre, Reconnaître », Larousse.
14,5 x 25 cm, 288 p., ill. n&b et couleurs. 27 €.
Bienvenue est cette réactualisation d’un
classique du genre (Grand Prix Charles Cros de littérature musicale,
2002). Où sont présentés l’histoire, les styles, les foyers & les
grandes figures du jazz – d’Armstrong à Steve Coleman, en passant par
Duke Ellington, Art Tatum Th. Monk, J. Coltrane,
Miles Davis, W. Marsalis, L. Sclavis… Chronologie/ Jazz &
cinéma/ Répertoire & évolution du jazz/ Bibliographie/ Discographie/ Index.
Frédéric ROBERT : La révolution hippie. « Didact
Civilisation », Presses universitaires de Rennes (www.pur-editions.fr). 15,5 x
24 cm, 240 p. 15 €.
Maître de conférences en civilisation
américaine à l’université Jean Moulin-Lyon III, Frédéric Robert
met en perspective cette contre-culture qui n’en finit pas de nous
hanter. Nous faisant notamment revisiter le quartier de Haight-Ashbury,
fief des Flower Children. Avec ses musiciens :
Joe Cocker, Canned Heat, Mamas & Papas, Jefferson Airplane,
Jimi Hendrix, Janis Joplin, Joan Baez, les Doors…
Révolutions rock, psychédélique, sexuelle… Quel héritage les hippies ont-ils
laissé ?
Bernard LONJON : Nuit et chansons.
Les chanteurs français face à la Seconde Guerre mondiale. Les
Éditions du Moment (www.editionsdumoment.com).
15 x 24 cm, 264 p. 17,95 €.
Déjà auteur de deux monographies consacrées
à Brassens, J’aurais pu virer malhonnête (Éditions du Moment, 2010) et Auprès
de son âme (Textuel, 2011), Bernard Lonjon nous livre ici - au
confluent de l’histoire & de la culture populaire - une étude solidement
documentée sur les chanteurs français qui traversèrent cette sombre période
(1939-1945) ou s’en firent, plus tard, l’écho : Chevalier, Arletty, Piaf,
Trenet, Brassens, Ferré, Tino Rossi, Gréco, Barbara, mais aussi Ferrat,
Gainsbourg, Fugain, Renaud, Lavilliers, Sardou, Delpech, Higelin, Goldman…
« Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle » écrivait
Lamartine. « Elle brûle tout le temps » lui rétorqua
Brassens. Un précieux document.
Représentations de la
ville, 1945-1968. Baccalauréat : Histoire des arts (dossier
réalisé sous la direction d’Henri de Rohan-Csermak). Scérén/CNDP (www.cndp.fr) : 755A3627. 21 x
30 cm, 18 p., ill. n&b et couleurs. 10,90 €.
Les contributions des spécialistes ici
réunis visent à faire revivre la ville de l’après-guerre - à travers diverses
formes d’art, dans leurs idiomatismes et correspondances. Où, hormis « De
la chanson réaliste aux caves de Saint-Germain-des-Prés », bel article
signé Pierre Philippe, la part de la musique est - comme à l’ordinaire en
Histoire des arts - délibérément réduite. Fort intéressante plaquette,
au demeurant.
DONPASTA (Daniele
de Michele, alias) : Wine Sound System. Préface
de Paolo Fresu. Traduit de l’italien par Caroline Roptin.
« Hors Collection », Autrement (www.autrement.com). 13 x
20,5 cm, 224 p., 17 €.
Lorsque l’auteur (économiste de formation,
mais DJ de métier) nous parle de vin, c’est en musique - au rythme de
souvenirs, d’histoires ou d’atmosphères. Il part volontiers d’une
situation (concert de Tom Waits, élection de Barack Obama, séjour à
Venise…) pour nous proposer vin & recette culinaire qui s’accorderaient le
mieux avec elle. Avec la complicité d’un certain Candide (« buveur avéré »),
il associe chaque vin à une musique. Éminemment subjectif certes, mais
pourquoi pas ? En annexes : Dix conseils pour jouer à Wine
Sound System/ Vins & coordonnées des producteurs/ Sélection musicale
(fort éclectique)/ Recettes.
Francis Cousté.
Maÿlis DUPONT : Le bel aujourd’hui. Bach
ou Boulez, des œuvres à faire.
« Passages », Le Cerf. 240 p., ex. mus.
30 €.
« Bel aujourd’hui » comme présent
de l’œuvre en action, là où naissent, même provisoires, les identités ;
l’œuvre comme manifestation singulière et jouissive, en aval de l’objet que
travaille la musicologie mais aussi en amont des intentions esthétiques que
définit la sociologie (école de Chicago). S’appuyant, entre autres
modèles théoriques, sur l’anthropologie de Br. Latour, Maÿlis Dupont
prône l’étude « de terrain », convoquant un article de presse, un
rythme, une discussion, un geste d’interprète… au risque d’un relativisme
déroutant. Ce livre délibérément brillant mais de lecture aisée se clôt
sur les proliférations longuement commentées de Sur Incises de
Boulez (avec le beau film d’Hélène Jarry et Andy Sommer), métaphores
de la pensée réticulaire de l’auteure.
Nick MASON (L’histoire selon) : Pink Floyd.
E.P.A. /Hachette. Fort volume relié sous jaquette, 22 x
30 cm, 362 p., ill. n&b et couleurs, chronologie
circonstanciée. (Mal) traduit de l’anglais. 49 €.
Existe aussi en version brochée (19,90 €).
Par son indéfectible batteur, l’histoire
jusque vers 1995 d’un des plus célèbres groupes de rock. Ou comment
quatre étudiants ordinaires ont créé au milieu des 60’s une redoutable machine
à tubes et à concerts spectaculaires. Sincèrement modeste mais plutôt
anecdotique, le texte, bourré d’humour british, donne une bonne
idée de la vie de rock star (bien sage dans le cas des
Floyd !), entre tournées harassantes et enregistrements tendus.
Luxueuse iconographie.
Paul Gontcharoff.
POUR LES PLUS JEUNES
Anne MONTANGE : Prospero, le petit marchand de pain. Livre/CD.
Dès 5 ans. Illustrations couleurs de Cécile Gambini. « Les
contes du Musée de la musique », Actes Sud/ Musée de la musique (www.actes-sud-junior.fr).
20,5 x 20,5 cm, 40 p., dossier documentaire inclus.
16 €.
Dans ce conte imaginé pour découvrir le
violon de Stradivarius, seul le petit vendeur de pain Prospero était autorisé à
pénétrer dans l’atelier de lutherie du présumé « magicien » Don Antonio.
Grâce aux leçons d’un mystérieux violoniste, Prospero deviendra un grand soliste.
Avec Caterina Barone (récitant). Stéphanie Paulet &
Matthieu Camilleri (violons). Délicieuses illustrations.
L’arbre à musique.
Livre-CD. Texte : Jacques Haurogné &
Xavier Lacouture. Illustrations couleurs :
Vincent Farges. Musique : Francis Lemarque
(13 chansons). 5/9 ans. Les Éditions des Braques (www.leseditionsdesbraques.com).
21 x 21 cm, 34 p. 18 €.
Histoire d’amitié et de solidarité au sein
d’un groupe d’enfants réfugiés dans une école de village, durant la Seconde
Guerre mondiale. Où ils aiment écouter les mystérieux messages diffusés
sur Radio Londres. Quant à « l’Arbre à musique »,
c’est là où l’on se réfugie lorsqu’on ne peut partir… Racontée par son
auteur, Jacques Haurogné, cette émouvante histoire est rythmée par
13 chansons poétiques de Francis Lemarque (durée du CD : 46’49).
Francis Cousté.
Vient de paraître
Beauchesne Editeur - avril 2011
La question de la musique n'est pas celle d'une sphère séparée
La question de la musique n’est pas celle d’une sphère séparée, prétendument celle de l’esthétique. Chez Theodor W. Adorno, elle relève d’une position globale, celle de la philosophie dans son rapport au XXe siècle. Le présent ouvrage part de l’exigence méthodologique d’une philosophie du concret, pleinement réalisée dans le livre qu’Adorno consacre à la musique de Gustav Mahler en 1960.
C’est une pensée du temps, cristallisée dans les catégories du roman, de la narration, du conte et, plus généralement, de l’épique qui y est déployée, tout en renvoyant à l’horizon entier que constituent les noms du premier Georg Lukács, de Walter Benjamin, d’Ernst Bloch et de Bertolt Brecht. Toutes les lignes significatives de l’œuvre d’Adorno y convergent, ses déterminations musicales incluses : Beethoven, Wagner, Stravinsky et Schoenberg.
L’expérience constitue ainsi la dimension décisive d’une pensée de part en part travaillée par le problème de la mémoire, soucieuse en cela du populaire, de sa disparition et de sa sauvegarde. La musique, dans son caractère de langage ou de geste, vient porter cette dialectique de la raison par laquelle Adorno voulait répondre à son époque.
|
***
Un camino de Santiago. Ricercar (stephanie@outhere-music.com) :
RIC312. TT : 63’40.
De nombreux chemins mènent à
Saint-Jacques de Compostelle… Arianna Savall (soprano & harpe),
l’Ensemble La Fenice et Jean Tubéry invitent les discophiles à
voyager à l’occasion de la Fête de Saint-Jacques, Apôtre (25 juillet), en
suivant le Rhône, puis en Languedoc, Gascogne, Aragon, Castille et Galice, pour
arriver à Compostelle. Cette excellente réalisation est accompagnée de
cartes de géographie d’époque et illustrée par des œuvres musicales
appropriées, de G. Chastillon de La Tour, E. du Caurroy,
Ét. Moulinié, J. J. Van Eyck, Fr. Soler, entre autres,
recréant à la fois l’atmosphère, l’émotion et la ferveur religieuses des
pèlerins qui chantaient ces musiques en diverses langues, avec une finalité
spirituelle mais aussi, parfois, à titre de divertissement. Ce CD se veut
le « témoignage des concerts » donnés par La Fenice et assurant
« une présence musicale sur le chemin et dans le temps ». Remarquable
initiative de Jean Tubéry, tout à l’honneur du label Ricercar.
Foi et Amour.
Chœur des moines du Monastère de Valaam. Jade (jade@milanmusic.fr) :
699 723-2. TT : 42’.
Le monastère de Valaam est
situé sur une île en Carélie russe. Son histoire est tourmentée et, en
2009 - pour marquer les 20 ans du renouvellement de la vie monastique -,
les moines ont enregistré des hymnes liturgiques extraites du Livre de chant contemporain. Elles
appartiennent à des époques et cultures variées, et se situent dans le
prolongement des traditions znamenny et byzantine. Le rayonnement et la
vocation spirituels de ce grand centre orthodoxe sont indéniables. Ce CD
totalise 11 titres dont le Trisagion,
l’Hymne des Chérubins (mélodies
byzantines) bien connus, ou encore le Stichère de la Fête de l’Annonciation
(mélodie du znamenny)... Nul ne restera insensible au charme puissant de
ces voix viriles si convaincues, à ces pages très prenantes, dépourvues
d’italianismes et évitant tout effet de séduction au profit de la révélation
évangélique, et à ces polyphonies souvent limitées à un bourdon évoquant
l’éternité.
Rameau au piano :
Suite de pièces. Skarbo (skarbo.music@wanadoo.fr) :
DSK 1096. TT : 69’55.
Le pianiste Jean-Pierre Ferey
pose d’entrée de jeu le problème de l’interprétation de la musique de clavecin
de J.-Ph. Rameau (1683-1764), en raison des problèmes de notation de ce répertoire
classique français, de l’ornementation, de l’écriture (mesurée ou non) et du
« jeu inégal » tant prôné depuis plusieurs décennies. Le
compositeur précise toutefois les tempi. Reste le problème de
l’instrument : J.-P. Ferey - à la fois claveciniste et organiste -
« cherche au piano différentes sonorités en fonction de la musique, bien
plus que d’imiter le toucher du clavecin par un jeu perlé systématique »,
pari tenu : par son jeu très varié, il confère à chaque pièce son
caractère spécifique et re-crée avec fidélité les 5 Suites (en la, ré, la, mi,
sol) extraites soit du Premier Livre
de Pièces de clavecin (1706) avec ses successions de danses, soit des Pièces de clavecin (1724-31) - avec
les célèbres Niais de Sologne, Les Cyclopes… -, ou encore Les nouvelles Suites de Pièces de clavecin (1728),
avec notamment Les Tricotets.
Un succès du genre pour l’éditeur-interprète.
Claude DEBUSSY : Recueil Vasnier. Pavane Records (www.pavane.com) : ADW 7538. TT : 61’33.
Les mélomanes connaissent
généralement mieux les mélodies sur des poèmes de Verlaine ou de Baudelaire que
ceux du dramaturge et critique, Théodore de Banville, né à Moulins en
1823, et mort à Paris en 1891, ami de Victor Hugo, considéré de son temps
comme l’un des plus éminents poètes. Anne Renouprez (soprano),
accompagnée par Éliane Reyes (piano), a le mérite de révéler le Recueil Vasnier (dédié à
Marie-Blanche Vasnier). Cet enregistrement restitue 25 œuvres pour
soprano solo, ainsi que la Chanson espagnole pour duo (avec Y. Saelens, ténor), de divers poètes dont P. Verlaine,
P. Bourget, Th. Gautier, A. de Musset, S. Mallarmé,
avec des titres très en usage fin XIXe siècle : Romance, Clair de lune, Caprice…
Conformément aux intentions de Debussy, ces interprètes rendent aux diverses
pièces brèves (composées entre 1880 et 1884) leur lyrisme, sentimentalité ou
élan. L’atmosphère, souvent poignante, est créée par l’accompagnement
dosé avec finesse et justesse. Une bonne heure de détente poétique et musicale.
Sens Orient. VDE Gallo (rue de l’Ale, 31. CH-1003
Lausanne, info@vdegallo.ch) :
CD-1338. TT :
72’.
L’orchestre du Grand Eustache
regroupe des musiciens professionnels de Suisse romande appartenant à diverses
tendances : classique, jazz, rock, folklore ; il est animé par la
passion de la découverte et notamment de la musique orientale. Sens Orient a été écrit par
Antoine Auberson, Julien Monti, Stéphanie Riondel et Jean Rochat
qui ont été guidés par leur soliste invité, Khaled Arman. Les
discophiles sont prévenus que, selon la « coutume pour les productions de
l’Association Eustache, la partition… prévoit l’imprévisible : l’espace pour que les musiciens… puissent
entrer en dialogue, improviser avec leur invité ». Le chef,
Philippe Krüttli, réserve aux mélomanes : surprise, dépaysement,
animation perpétuelle, sonorités spécifiques (rubab, delruba…).
L’atmosphère oscille entre calme et agitation, extériorité et intériorité.
Qui a envie d’être aimé ? Jade (jade@milanmusic.fr) :
699 731-2.
Ce titre énigmatique n’est
autre que celui du film d’Anne Giafferi, avec 21 pièces très brèves
composées par Jean-Michel Bernard. Les thèmes sont soit profanes (Monsieur le Président, Premier départ en Bretagne, Recentrage, Le spleen d’Antoine…), soit religieux (Notre Père en 3 versions : pour orchestre, piano et
chant, La révélation à la catéchèse…),
soit interrogatif (Qui a envie d’être
aimé ?, correspondant au générique). Cette « comédie de
mœurs très émouvante » révèle les préoccupations de notre siècle assorties
d’une intention moralisante.
Johann Sebastian BACH / Cédric BURGELIN : Épures
méditatives et mondes en devenir.
Tambour battant (http://cedricburgelin.com) :
TA BA 10 10 0002/1. TT : 70’.
La
dernière réalisation discographique de Cédric Burgelin, bien connu des
lecteurs de L’éducation musicale,
porte un titre aussi juste qu’énigmatique, convenant parfaitement à la musique
du Cantor de Leipzig. Le remarquable organiste de la cathédrale de
Saintes - avec son instrument classé monument historique en 1973 -, a
sélectionné des chorals pour le temps de Noël, encadrés par deux versions
différentes du Prélude et fugue en la majeur (BWV 536). Il a
également enregistré la 7e variation
Goldberg, l’incontournable Passacaille (BWV 582) et le Ricercar a 6 de l’Offrande musicale. Sa
technique à toute épreuve et son sens de la registration (par exemple, pour les
Préludes de choral) lui permettent de conférer à ses interprétations non
seulement tout leur relief, mais encore toute leur spiritualité, d’où le
sous-titre : Épures méditatives,
car il suit son idée de dépouiller « voix par voix la masse sonore
originelle et complexe de la fugue à 6 voix pour arriver à une épure méditative », aussi
« représentée par la monodie de la Suite pour violoncelle suivie de la Mélodie grégorienne. » Avec ce programme éclectique, tout n’est que calme,
profondeur et intériorité.
Johann Sebastian BACH : Clavier Übung II. Benjamin Alard. Alpha (stephanie@outhere-music.com).
TT : 49’03.
Benjamin Alard interprète en
connaissance de cause, à la chapelle de l’hôpital du Bon Secours (Paris),
au clavecin allemand d’Anthony Sidey, le Concerto dans le goût italien en fa majeur (BWV 971) et l’imposante Ouverture à la manière française en si mineur (BWV 831) de J. S. Bach. Outre
les qualités interprétatives, cette réalisation s’impose par une présentation
exceptionnelle : page de titre de la Clavier Übung (éditée en 1735 à Nuremberg) et, pour réaliser la devise des disques Ut pictura musica, l’historien
Denis Grenier (Université Laval, Québec) propose et commente des
illustrations contemporaines, dont Le
Campo di Rialto de Canaletto. Quant à la présentation, elle est due à
l’incomparable Gilles Cantagrel : autant de raisons d’écouter et de
posséder ce CD remarquablement présenté.
Georges BÉRIACHVILI : Récital allemand. Cristal Records Classic. TT : 62’38.
Ce programme, classique s’il en
est dans sa composition, est révélateur de l’univers pianistique allemand avec
toutefois un arrangement de la Toccata en mi mineur (BWV 914) de
J. S. Bach. W. A. Mozart est représenté par sa Sonate n°4 en mib majeur (K. 282), L. van Beethoven,
par ses 32 Variations en do mineur sur un thème original,
R. Schumann, par 3 Romances et J. Brahms par 4 Intermezzi.
Georges Bériachvili, pianiste géorgien issu d’une filière scientifique,
musicologue avisé, auteur de l’excellent texte de présentation, est devenu un
concertiste dont le répertoire va de J. S. Bach à K. Stockhausen.
Son interprétation s’impose par son bon goût, sa discrétion, mais aussi ses
attaques précises, ou encore sa sonorité lumineuse. Ce Récital allemand est un modèle du genre.
Claude DEBUSSY : Images (oubliées). Six Épigraphes antiques. Pièces
pour piano. Saphir Productions : LVC 1127. TT : 74’06.
D’entrée de jeu, les mélomanes
seront plongés dans l’atmosphère debussyste faite de mystère, de discrétion, de
retenue, de demi-teintes et de sonorités chatoyantes, dont la pianiste
norvégienne Anne Kaasa, résidant à Lisbonne, détient le secret. Le Monde de la musique ne l’a-t-elle pas
qualifiée de « pianiste qui se détache dans le monde très peuplé des
solistes actuels » par la « fluidité de son jeu mais aussi la
profondeur de son interprétation, de même que la précision et le moelleux de
son toucher ». Dix-neuf pièces extraites des Images (oubliées) et des Six
Épigraphes antiques raviront les mélomanes et les pianistes les plus
exigeants : une incomparable leçon de style baignant dans l’univers de
« Claude de France ».
Philippe VANNOD : Piano solo. VDE Gallo (info@vdegallo.ch) : VDE CD-1335.
TT : 60’58.
Ce disque présente l’album
original complet Log-Book (VDE 30-295), paru chez le même éditeur.
Philippe Vannod, pianiste et compositeur lausannois, puise son inspiration dans
des sources très variées : nature, voyages (le grand large, Marrakech, le désert…),
chants d’allégresse et chorals, événements, sans oublier le blues et le gospel.
Ses compositions oscillent paradoxalement entre l’univers classique et le monde
du jazz ; toutefois calme, sérénité et recueillement alternent avec des
rythmes perpétuels, obligés, obsédants. Un peu à la manière d’une
improvisation, cette musique qui coule de source apportera entrain et détente.
Édith Weber.
Johannes BRAHMS : Ein deutsches Requiem. Camilla Tilling (soprano),
Detlef Roth (baryton). Rundfunkchor Berlin, Rundfunk-Sinfonieorchestrer
Berlin, dir. Marek Janowski. SACD Pentatone Classics : PTC 5186
361.
D’emblée, on entre dans l’œuvre par un
climat émotionnel très concentré, qui ne se démentira plus au fil des sept
parties. La qualité sonore de l’orchestre et du chœur de la Radio de
Berlin déploie un tissu sans faille, les cordes vibrent en osmose avec la
prenante homogénéité que Marek Janowski étend sur sa lecture de
l’œuvre. D’autres ont creusé des contours plus dramatiques, accentué
l’inexorabilité des chœurs les plus funèbres, recherché la grandeur de la
confrontation face aux fins dernières, mais la méditation sur la mort trouve
ici une humanité, une respiration sensible qui donnent envie de s’y replonger
souvent. Les voix des solistes ont un timbre juvénile, comme pour
symboliser ceux qui poursuivent leur parcours terrestre alors que l’on se
recueille sur les disparus. On n’oublie pas combien Marek Janowski
fit évoluer l’Orchestre philharmonique de Radio France lors des seize
années qu’il lui consacra ; à la tête d’un autre orchestre radiophonique,
celui de Berlin, depuis 2002, il poursuit un chemin d’accomplissement dont
témoigne chaleureusement cet enregistrement live de novembre 2009.
Johannes
BRAHMS : Concerto
pour piano n°2. Variations sur un thème de Paganini (2e cahier).
Danses hongroises n°1, 2, 4. Boris Berezovsky, Orchestre
philharmonique de l’Oural, dir. Dmitri Liss. Mirare :
MIR 132.
La première sensation qui accroche
l’oreille dans le Concerto n°2 est la
médiocre qualité de la prise de son – comme artificiellement “gonflée” et
ouateuse sur les médiums et graves – de certains pupitres de l’orchestre (les
bois, notamment), et du piano aux aigus secs (un piano trop fatigué, ou mal
réglé ?). L’on se désole alors qu’un immense pianiste comme Berezovsly,
pour des raisons économiques, ne puisse bénéficier de meilleures conditions
pour immortaliser son interprétation d’une œuvre capitale (il s’agit d’un live capté à Ekaterinbourg, dans
l’Oural). Certes, le chef et ses musiciens suivent le virtuose dans le
dynamisme qui domine sa vision, tous partent d’un même galop à l’assaut de l’Allegro Appassionato, emporté avec une
énergie pleine de panache. Mais ladite vision ne tend guère aux
profondeurs émotionnelles, elle nous laisse sur le seuil de ce point de vue,
n’ouvrant d’espace à aucun mystère. Le deuxième cahier des Variations Paganini est encore plus
extérieur, achevant de donner l’impression d’un disque de virtuose plus que
d’interprète. Pourtant, Berezovsky peut trouver des solutions
magiques : on se souvient de son interprétation magistrale du Concerto pour piano n°2 de Bartók lors
du concert de l’Orchestre de Paris dirigé par Josep Pons, le
24 février dernier, où il avait su, grâce à une stupéfiante technique de
rebond des poignets, traiter le piano-percussion tout en finesse d’attaque,
donnant une subtilité rarement entendue à la palette de cette œuvre qui tombe
souvent sous des mains plus brutales. Ce soir-là, il trouvait
l’inspiration d’effluves mystérieuses dans les pages Adagio. En bis, après un si éprouvant concerto, il avait eu
l’audace de donner Asturias d’Albéniz, puis l’une des Danses hongroises de Brahms que l’on entend sur ce disque. Au fil de ses concerts, on
constate effectivement que l’imagination le porte très haut lors de certaines
soirées, tandis qu’en d’autres circonstances, l’infaillible virtuosité
“assure”, mais assortie d’une certaine froideur face à des contenus qui
appelleraient le temps de l’approfondissement.
Johannes
BRAHMS : Variations
sur un thème original op.21 n°1. Huit Klavierstücke op.76. Deux Rhapsodies op.79. Trois Intermezzo op.117.
Adam Laloum (piano). Mirare : MIR 131.
Rendant compte de la participation
d’Adam Laloum à La Folle Nuit de Gaveau les 20 et 21 novembre dernier, nous pointions les qualités et défauts
de ce jeune artiste que l’on retrouve inchangés dans cet enregistrement réalisé
deux semaines auparavant. Le parti pris de ciselure intimiste, de
confidence quasi chuchotée, devient même plus fastidieux sur la longueur
d’un disque auquel on ne peut reprocher de “voler” le client puisqu’il est
rempli au maximum possible (79’55). On attendrait du programme choisi
qu’il fasse rebondir l’écoute par les contrastes expressifs entre des pièces
très diverses ; or ceux-ci sont ici nivelés, et l’on se lasse d’être
privés de ce qui constitue tout de même les fondements de l’identité
brahmsienne, à savoir des graves profonds, terriens, et une puissance de
projection architecturale qui influe sur le moindre dessin mélodique ou le
traitement des intervalles.
À se pencher délicatement sur des détails
musicaux, Adam Laloum bride la passion et la fougue, ce qui va à
l’encontre de toute la “santé” expressive du Brahms de ces années, dont la
musique respirait à pleins poumons. Dans les op. 21, 76, 79, le
compositeur laisse encore libre cours à une véhémence romantique que le jeune
pianiste musèle délibérément. Quant au repli intériorisé des dernières
pièces, il ne doit pas se faire au détriment d’une émission grave et
dense. C’est une chose que de saluer chez Adam Laloum la musicalité
très attachée au beau son pianissimo,
sa recherche d’un legato ne libérant
aucun interstice dans le fondu de la conduite pianistique, l’attentive minutie
d’une lecture qui conviendrait certes mieux à d’autres compositeurs, mais l’on
voit poindre le risque du systématisme – par sa manière d’en user à contresens
des racines d’un style aussi affirmé que celui de Brahms –, auquel cas ce jeune
talent s’enfoncerait dans une interrogation autiste, terrain sur lequel le
suivraient difficilement des acheteurs ayant à leur disposition un large choix
discographique.
Martin
MATALON : Trames
IV, II, VIII. Florence
Cioccolani (piano), Maude Gratton (clavecin), Eriko Minami (marimba).
Les Siècles, dir. François-Xavier Roth. « Les Siècles
Live », Musicales Actes Sud : ASM 05.
Il est des livrets de CDs ou digipacks
qu’il faudrait porter chez les ophtalmologistes (ce que fit en d’autres
circonstances l’auteur de ces lignes, recueillant les réactions alarmées de
l’homme de science) pour leur montrer quels dommages médicalement condamnables
l’inconscience de certains producteurs inflige à leur commune clientèle.
Dans le cas de la musique contemporaine, le texte s’avère d’autant plus
nécessaire qu’il délivre à l’auditeur des informations l’aidant à se familiariser
avec des œuvres nouvelles. Or ici, le jeu stylistique des superpositions
de couleurs (dont l’une particulièrement agressive pour la lecture) et des
polices de caractère fait de ces brefs paragraphes un tue-mirettes qu’il convient absolument de ne pas lire pour sauver
l’essentiel de ses facultés naturelles ! Le parti pris de la
collection étant, depuis sa fondation, d’éliminer tout contenu documentaire (ce
qui est paradoxal, venant d’une maison éditrice de livres à haute valeur culturelle !),
les auditeurs devront chercher ailleurs (sur le site rénové du compositeur, par
exemple : www.martinmatalon.com)
comment aborder l’écoute des œuvres de Martin Matalon. Celles-ci ont
l’avantage de préserver une telle dimension poétique qu’elles savent parler au
cœur autant qu’à l’esprit analytique qui y trouverait un haut degré
d’élaboration. Dans le travail du compositeur argentin, la série des Trames explore comment tisser des
relations (au-delà du “concertant” traditionnel) entre l’identité de
l’instrument soliste et les ensembles sonores au sein desquels il
s’insère. Martin Matalon est si rompu à la maîtrise de
l’électroacoustique qu’il tire des ruissellements sonores confondants de
virtuosité d’instruments “normaux” jouant sans le secours de la transformation
assistée par ordinateur (procédé qu’il utilise dans d’autres cycles d’œuvres,
mais qu’il exclut des Trames).
Le mélomane serait bien embarrassé de décrire ici qui joue quoi et combien
jouent : six instrumentistes seulement entourent la claveciniste dans Trame II (clarinette basse,
trombone basse, bandonéon, percussions, alto et contrebasse), huit concertent
avec le marimba de Trame VIII (la pochette – encore elle ! – commet une erreur sur le chiffre ;
flûte clarinette, cor, trompette, piano, violon, alto, contrebasse), et on
grimpe à onze autour de la pianiste dans Trame IV (flûte, clarinette, basson, cor, trompette, 2 percussionnistes, violon,
alto, violoncelle, contrebasse), mais on a chaque fois l’impression de
complexes infiniment plus riches et fournis. Dans Trame VIII, un insinuant tic-tac ouvre sur une dimension
onirique, symbole de la réflexion sur le temps de Jorge Luis Borges auquel
fut emprunté le titre du cycle ? Ce court disque (50’) fixe deux
concerts donnés en novembre 2009. Tant les solistes (applaudissons
Maude Gratton de prendre brillamment la relève, si rarement assurée, de la
grande Elisabeth Chojnacka dans Trame II)
que François-Xavier Roth et ses instrumentistes nous donnent une interprétation
éblouissante de vivacité et de précision libérée. Si la pochette est à ne
pas lire, la galette est à écouter absolument !
RACHMANINOV : Symphonie n°2.
LYADOV : Le Lac enchanté. Orchestre
de l’Accademia nazionale di Santa Cecilia, dir. Antonio Pappano.
EMI : 50999 9 49462 2 2.
L’orchestre de l’Accademia di Santa Cecilia
était en piètre condition quand Antonio Pappano en prit la direction en
2005. On peut mesurer ici à quel point il en a réussi la
résurrection ! La magie des climats de mystère glissant à travers
les pianissimi du Lac enchanté de Lyadov ensorcèle
l’auditeur dès la première plage du disque. Puis vient l’immense Deuxième Symphonie, presque
contemporaine, de Rachmaninov, et le lyrisme des mélodies si caractéristiques
du compositeur nous enveloppe, nous transporte : la rondeur des phrasés
conduisant chaque sinuosité vers la prochaine volte sans relâcher la profondeur
du flux expressif, dit assez combien le travail accompli sur les cordes leur
confère aujourd’hui une qualité de jeu comparable à celle des plus grands
orchestres. Cette symphonie n’a pas toujours bonne réputation, en raison
de sa longueur qui rend difficile d’y renouveler sans cesse l’intérêt.
Ici, pas une minute d’ennui, tant Antonio Pappano sait, au sein des vastes
rubans d’effusion (1er et 3e mouvements), détacher
par des accents soulignés avec à-propos la moindre nouvelle incise et orienter
notre écoute vers les festons de ce brocart richement tissé.
Quant au Scherzo, il nous arrache de notre fauteuil par la nervosité sauvage
avec laquelle il rugit. Cette énergie sauve aussi brillamment le finale plus encombré de
triomphalisme. On a rarement entendu cette Symphonie vivre aussi intensément, charriée par un flot à échelle
d’océan mais dont chaque vague laisse distinguer sa singularité. N’ayons
pas peur des mots : on tient là un des plus beaux disques entendus depuis
le début de l’année. La prise de son, réalisée en concert, est
somptueuse, avec une palette dynamique particulièrement étendue.
RACHMANINOV : Variations sur un
thème de Corelli.
BACH/BUSONI : Chaconne. RAVEL : Valses nobles et sentimentales.
STRAVINSKY : Trois mouvements de Petrouchka.
Freddy Kempf. Bis-SACD : 1810.
Freddy Kempf est un des plus valeureux
virtuoses de sa génération, sachant faire répondre la mécanique à sa
guise : écoutez les petits groupes rythmiques des Variations Corelli pour vous en convaincre. Mais cette
maestria technique s’accompagne malheureusement d’un penchant à la dureté
métallique des attaques, que l’utilisation d’un Steinway aussi brillant que peu
moelleux n’arrange guère. Comme on peut s’y attendre, le pianiste
londonien est pleinement à son affaire dans Petrouchka,
encore que l’on ait goûté d’autres interprétations plus “orchestralement”
gratifiantes de cette transcription écrite à l’intention
d’Arthur Rubinstein. Dans les Variations qui en fait ne sont pas sur un thème
de Corelli, puisqu’il s’agit de La Follia,
thème utilisé à l’époque baroque par de nombreux compositeurs (dont Corelli)
pour leurs propres variations, Freddy Kempf nous étonne par des
maniérismes qui rompent le flux naturel de l’ensemble du cycle. La
transcription de la Chaconne de Bach
par Busoni est un autre morceau de bravoure “obligé”, mais on eût aimé que
Ravel échappât à cette exhibition “musclée”. Or, Freddy Kempf passe
à côté de “l’esprit français” et de l’élégance ravélienne. Il semble
n’avoir retenu de la partition que ce qu’en écrivait (imprudemment ?)
Ravel lui-même, annonçant « une écriture nettement plus clarifiée, qui
durcit l’harmonie et accuse les reliefs de la musique ». Mais ces
angles ne doivent pas conduire à négliger des gestes subtils glissant sur le
parquet de danse, ni les délices sensuels de fugitives expressions
languides. Digne de la tradition du label suédois Bis, la prise de
son restitue l’instrument avec une fidèle présence.
Camille
SAINT-SAËNS : Quatuors à cordes op.112
et op.153. Quartetto di Venezia. Dynamic : DM8005
(distr. Codaex).
Oui, ce sont bien d’appétissantes boules de gelati que vous apercevez en couverture
d’un disque de la collection Delizie musicali du label italien. Les saveurs du disque sont ailleurs, mais elles émanent
bien de la sensualité cisalpine :
on est frappé par le lyrisme avec lequel les quartettistes vénitiens font
chanter ces deux quatuors de la maturité, fort différents mais également riches
de trouvailles originales. Le premier (1899) se meut avec une mobilité
modulante guidée par sa souplesse mélodique, le second (1919) n’ignore pas les
surprises harmoniques et joue dans le finale de l’affirmation (humoristique ?) d’un effet descendant de cordes à vide (mi-la-ré-sol) qui, transposé à tout le
groupe, crée des juxtapositions syntaxiques inattendues. Les membres du
Quartetto di Venezia “mettent en scène” avec esprit un théâtre imaginaire,
s’adressant comme des personnages leurs répliques. Qui osera dire après
une telle écoute que Saint-Saëns (dont le visage le plus hardi se révèle
souvent à travers sa musique de chambre) était une figure académique
guindée ?! On tient ici l’une des versions les plus vivantes de ces
quatuors.
Camille
SAINT-SAËNS : Trios n°1* et 2. Trio en mib majeur (arr. par Saint-Saëns d’après son Septuor). La Muse et le Poète. Le Cygne. Sonate pour violoncelle & piano n°1. Sonate pour violon & piano n°1.
The Australian Trio (Donald Hazelwood, violon, Fenela Gill,
violoncelle, Catherine Hewgill*, violoncelle, Michael Brimer, piano)
et Paul Rickard-Ford (2nd piano). 2CDs
ABC Classics : ABC 476 6435 (distr. Codaex).
Comme on se réjouirait du chaleureux enthousiasme
manifesté pour Saint-Saëns par ces musiciens des antipodes qui, avec la radio
australienne, ont coproduit ce double album parcourant quarante-sept années de
la création du maître français ! Le livret, rédigé par le pianiste
de l’ensemble, en témoigne, ainsi que son interprétation en laquelle il est
particulièrement bien secondé par la violoncelliste Fenela Gill. On
est d’autant plus malheureux que cet effort attentif à une belle expressivité
soit gâché par le fait d’avoir maintenu dans le groupe un violoniste âgé, qui
ne contrôle plus la justesse de son jeu dès qu’il monte dans les
aigus ! On ne cesse d’être partagé entre l’adhésion au caractère
toujours très juste donné aux œuvres… et la souffrance dès que le violoniste ne
joue plus juste du tout ! Compte tenu des nombreuses
interprétations gravées par de grands solistes, les deux Sonates ici présentes sont inutiles aux acheteurs, mais on
s’attachera à l’adaptation rarement entendue du Septuor avec trompette en trio, adaptation réalisée par Saint-Saëns
afin de rendre plus pratique la diffusion de cette musique : la nouvelle
mouture ne sauve pas les pages les plus rigoristes de leur néo-classicisme de
stricte observance, mais les interprètes ont à cœur de faire chanter tout ce
qui peut y échapper, et l’Intermède s’élève à une émotion tragique.
De même, La Muse et le Poète, duo concertant pour violon & violoncelle,
a plutôt conquis sa place au répertoire dans son orchestration subséquente,
mais Michael Brimer tient à défendre la version originale avec piano, et
il y réussit avec le concours de Fenela Gill en Poète inspiré. Malheureusement, une fois encore, la Muse (enfin… le violoniste !) gâche
notre plaisir, et l’on demeure pantois que des instrumentistes de qualité
puissent persister dans l’erreur de supporter un tel partenaire !
Joyce
DIDONATO : Diva,
Divo. Airs de Gluck, Mozart,
Rossini, Bellini, Berlioz, Gounod, Massenet, Richard Strauss.
Orchestre de l’Opéra de Lyon, dir. Kazushi Ono. Virgin : 50999
641986 0 6.
La voix de la cantatrice américaine possède
un registre exceptionnellement étendu puisqu’elle enjambe allégrement les
compartimentages, mais certains des rôles ici abordés (et qu’elle chanta, pour
nombre d’entre eux, sur scène) transcendent eux-mêmes les catégories : des Nozze di Figaro, elle chante à
la fois Chérubin (mezzo-soprano) et Susanna (soprano), mais le Chérubin de Massenet, où s’illustra
Frederica von Stade (mezzo), tient plutôt du soprano aux aigus
lumineux. Au Sesto de La Clemenza
di Tito de Gluck (écrit pour un castrat), elle ose confronter, non le
Sesto du même drame de Metastasio repris par Mozart, mais la redoutable
Vitellia : Wolfgang a inscrit les deux rôles dans des ambitus voisins de
soprano (même si l’on fait souvent appel à un mezzo pour incarner Sesto, afin
de différencier les couleurs), toutefois Vitellia est un grand soprano
dramatique que le compositeur, impitoyable pour les voix, fait descendre dans
des profondeurs de contralto aussi bien que rayonner dans des colorature ou éclater dans une hystérie
éprouvante dont l’interprète ne traduit pas ici toutes les contradictions
psychologiques. L’air Non più di
fiori couvre deux octaves et un ton, que, par une broderie, Joyce DiDonato
pousse jusqu’à un ton et demi ; on regrette toutefois qu’elle soit, comme
tant de chanteurs d’aujourd’hui, bien timide sur les fermate qui, selon les traditions du temps, ouvraient le champ à
l’improvisation virtuose.
Le Compositeur, dans Ariane à Naxos, est un rôle où s’illustra Irmgard Seefried,
soprano faisant elle-même des incursions dans des rôles que l’on confie
volontiers à des mezzo. Mais l’Ariane de Massenet (un chef-d’œuvre jamais remonté, ce dont on peut à bon droit
s’indigner !) fut créée par Lucienne Bréval, un soprano dramatique
wagnérien.
Car, vous l’avez compris, le parti original
de ce programme est de faire se répondre, par des opéras jumeaux, des
rôles masculins écrits pour des travestis, et des rôles féminins. La
dominante de pages élégiaques freine quelque peu le ressort qu’un si long
programme (80’41 sur une seule galette !) gagnerait à trouver. Et
pour que tout le relief de la caractérisation prenne son sel sur la gamme
complète, encore faudrait-il que l’actrice-chanteuse se sente portée par la
direction orchestrale ; or celle-ci se révèle plutôt molle et morne dans
Mozart et Rossini où l’on souhaiterait plus d’esprit et de rythme. Quant
à l’extrait de Gluck, il s’étire, long comme un jour sans pain. Les XIXe et XXe siècles trouvent manifestement Kazushi Ono plus à
son affaire.
À bien écouter les vocalises mozartiennes,
rossiniennes, belliniennes, on détecte que Joyce DiDonato, malgré une
efficace technique qui ne souffre pas (encore !) du large spectre abordé,
ne témoigne pas tout à fait de la sûreté de conduite vocale lui permettant de
rivaliser avec – à répertoire comparable – soit Teresa Berganza, soit
Cecilia Bartoli ou Vivica Genaux, étourdissantes virtuoses.
On saluera en revanche une diction parfaite
en français (on n’en dirait pas autant de l’italien, malgré l’origine dénotée
par son nom). On s’attendait, en raison du répertoire où elle s’affiche
le plus souvent, à une rossinienne, et l’on découvre – ce que les statistiques
de ses emplois scéniques n’avaient guère fait ressortir – que
Joyce DiDonato a les atouts d’une superbe chanteuse massenétienne.
Le “Je suis gris” de Chérubin, qui
ouvre délicieusement le récital, en constitue peut-être l’interprétation la
mieux caractérisée.
Ernst
TOCH (1887-1964) : Die chinesische Flöte op.29
(pour soprano* et 14 instruments) ; 5
Pièces pour vents & percussions op.83 ; Egon und Emilie op.46** ; Quatuor op.98 pour hautbois, clarinette, basson & alto. Maria Karb (soprano*), Britta Ströher (soprano**).
Mutare Ensemble, dir. Gerhard Müller-Hornbach. CPO : 777092-2.
Un juif viennois réussissant à s’imposer
comme professeur et compositeur en Allemagne dans l’entre-deux-guerres, jusqu’à
s’implanter à Berlin, puis contraint de s’exiler en Californie : ne
croirait-on pas revivre le destin de Schönberg ? Or la musique
d’Ernst Toch pourrait plutôt s’apparenter à un autre contemporain
(allemand non-juif mais à l’itinéraire géographique quelque peu
similaire) : Hindemith. C’est principalement en écoutant le bref
monodrame parodique de moins d’un quart d’heure, Egon und Emilie, que l’on pense au climat subversif de l’Allemagne
des années 20, dont Hindemith fut un acteur essentiel. En revanche,
c’est une émotion bien personnelle qui imprègne Die chinesische Flöte, composition de peu antérieure, alternant
pièces instrumentales et mouvements vocaux sur des adaptations de poèmes chinois
puisées dans le même recueil qu’avait exploité Mahler pour Le Chant de la Terre ; la soprano y est souvent laissée à
découvert, afin que la pureté de son chant ne connaisse point d’entraves ;
chacun des morceaux présentant un caractère bien différencié, on sent – ce que
confirmeront les pièces ultérieures – que Toch aime laisser divaguer son
inspiration, au risque de paraître hétérogène. Les deux œuvres purement
instrumentales qui complètent ce programme appartiennent à la période
américaine du compositeur. Les vents y règnent en maître mais,
contrairement au crépitement staccato qui gouvernait l’écriture pour les bois lorsque le rejet de tout lyrisme était
à la mode autour des années 20 (aussi bien chez Stravinsky que chez les
néo-classiques allemands ou français), on est frappé par l’écriture très
chantante avec laquelle Toch laisse s’exprimer ces instruments à la fin de sa
vie : de belles lignes legato se
croisent dans une lumière pacifiée, et l’originalité jaillit au détour d’un
mouvement qui semble “disjoncter” par rapport au contexte. Originalité
aussi quant aux effectifs choisis, qui doivent malheureusement limiter les
occasions de produire ces œuvres d’une écoute pourtant fort agréable.
L’excellence des exécutants réunis pour ces enregistrements coproduits avec la
Hessischer Rundfunk mérite les plus grands éloges.
Sylviane Falcinelli.
BERLIOZ : Les Nuits d’été.
HAENDEL : Arias. Lorraine Hunt Lieberson, mezzo-soprano. Philharmonia Baroque,
dir. Nicholas McGegan. Philharmonia Baroque Productions (www.philharmonia.org) :
PBP 01. TT : 71’44.
Fort réputée pour ses interprétations de
Haendel, la Sanfranciscaine Lorraine Hunt Lieberson interprète ici - de sa
voix extraordinairement ductile et avec un grand raffinement expressif - des
arias extraites de Giulio Cesare, Ottone, Arianna, Radamisto et Agrippina. Mais la merveilleuse
surprise vient de son interprétation du chef-d’œuvre berliozien, Les Nuits d’été : diction
absolument parfaite et d’une idéale clarté, palpitante sensibilité – tour à
tour poignante ou extatique. Enthousiasmant !
Lionel
STOLÉRU (°1937) : Symphonie juive. Orchestre romantique
européen, dir. Lionel Stoléru. Saphir (www.saphirproductions.net) :
LVC 1131. TT : 42’36.
Écrite avec le concours de Christine Aubin,
compositrice & directrice du Conservatoire de Rueil-Malmaison, cette Symphonie juive en la majeur comporte classiquement
quatre mouvements, où sont mêlés des mélodies empruntées aux rites aussi bien
séfarade qu’ashkénaze. Le 1er mouvement, Vivace, s’ouvre sur la sonnerie
identitaire du Shofar. Le 2e, Andante, illustre la parole de Job : « D. a donné,
D. a repris ». Le trio du 3e mouvement, Allegro vivace, manière de scherzo,
est un choral de cuivres issu du « Adon olam ». Le final, Maestoso, fait se succéder les
« Sept bénédictions du mariage » (hymne portugais commun aux deux
rites), le « Maoz tsour » de Hanouka, le
« Kol Nidré » ashkénaze de Kippour et le psaume séfarade
« El nora halila », avant de se conclure sur la sonnerie du
Shofar. Une pieuse « mosaïque » visant à homogénéiser les
liturgies synagogales.
Francis Cousté.
Henry
DUMONT : Pour
les dames religieuses. Chœur de
chambre de Namur-les Solistes, dir. Bruno Boterf.
Ricercar : RIC 305. TT : 68’30.
Après les Grands Motets et les Cantica
Sacra précédemment publiés par le même label, voici le nouvel opus des
œuvres d’Henry Dumont (1610-1684) consacré aux compositions religieuses
pour voix de femmes, « afin de satisfaire les dames religieuses qui aiment
les motets ». Des compositions pour voix aiguës ou dans lesquelles
les voix graves peuvent être omises, soutenues par une basse continue,
associant parfois d’autres instruments aux chanteurs, et sollicitant de ceux-ci
un art vocal de style déclamatoire. Un enregistrement comprenant des
motets, une des Messes royales en plain-chant et quelques pièces d’orgues du recueil de Meslanges destinées aux « Dames religieuses qui touchent
l’orgue ». Très bien chanté, un équilibre remarquable entre voix et
instruments, un très beau disque.
Antonio VIVALDI : Vespro a San Marco. Chœur
de chambre de Namur-les Agrémens, dir. Leonardo Garcia Alarcon.
2CDs Ambronay : AMY029. TT : 69’52 + 47’56.
Si Vivaldi compositeur d’opéra et de
musique instrumentale est désormais bien connu du public, Vivaldi compositeur
de musique religieuse semble plus ignoré. Leonardo Garcia Alarcon,
le Chœur de Namur et l’ensemble Les Agrémens viennent, par ce disque,
réparer cet oubli, en imaginant des Vêpres dédiées à San Marco, telles
qu’elles auraient pu être données à Venise, à l’époque du « prêtre roux ».
Depuis le début de l’ère baroque, l’office du crépuscule fut le terrain
privilégié de la création musicale dans le cadre de la liturgie, se prêtant
plus aux innovations et laissant plus de liberté que la messe aux compositeurs
de musique sacrée. Antonio Vivaldi (1678-1741) fut ordonné prêtre en
1703, engagé la même année comme maitre de violon au Pio Ospedale
della Pietà. Hormis quelques mises en musique de parties de
l’ordinaire de la messe, les compositions religieuses de Vivaldi apparaissent
comme des motets destinés aux Vêpres, dont ce disque présente une sélection, à
laquelle s’ajoute le Magnificat RV 610.
Un double CD remarquable à tous égards, musicalement et vocalement, une musique
comme une prière, un disque indispensable à tout amateur de musique baroque.
Doina
ROTARU (°1951) & Joji YUASA (°1929) : Tempio di fumo. Mario Caroli (flûtes).
L’Empreinte digitale : ED13232. TT : 80’26.
Deux univers, deux cultures lointaines dont
la flûte se veut le trait d’union, à travers le souffle, le rituel, l’encens,
la cendre et la fumée… Un projet louable et ambitieux dont,
malheureusement, la réalisation n’est pas au niveau des ambitions. Musique
répétitive, sans imagination, monotone et éprouvante qui porte davantage à
l’ennui et à l’agacement qu’à la méditation.
KARSKI, FERNEYHOUGH, JOHNSON, BANG, SCIARRINO, CROFT, BARETT : Inward. Richard Craig
(flûte). 2CDs Métier (www.divineartrecords.com) :
msv 28517. TT : 63’24.
Un disque qui présente plusieurs œuvres de
compositeurs contemporains, dont quelques-unes enregistrées pour la première
fois, toutes dédiées à la flûte. La flûte dans tous ses états, poussée aux
extrêmes limites de ses possibilités, et après ?... Sans guère d’intérêt.
Jesper NORDIN,
Carol ROBINSON, Steve REICH, Karlheinz STOCKHAUSEN : Expérience de
vol 8. Ensemble L’Itinéraire.
Art Zoyd (www.artzoyd.com). TT : 74’05.
Un beau disque très varié présentant
différentes œuvres de compositeurs contemporains : Jesper Nordin (Pendants, 2008) Carol Robinson
(Laima, 2008) Steve Reich (Reed Phase, 1966) Karlheinz Stockhausen
(Solo, 1965). Une musique
tour à tour mystérieuse, sidérale, envoûtante, apocalyptique, chaotique ou
lumineuse, une musique qui va au-delà de la musique où le son retrouve son
caractère primordial et son pouvoir magique pour créer une nouvelle cosmogonie.
Une musique exigeante qui nécessite plusieurs écoutes pour se laisser
apprivoiser et révéler, alors, son effarante beauté.
Patrice Imbaud.
Giovanni Battista PERGOLESI : Stabat Mater. Nel chiuso centro, cantate pour soprano,
cordes & basse continue. Sinfonia du drame sacré Li prodigi della
divina grazia nella conversione e morte di San Guglielmo duca
d'Aquitania. Questo è il piano, cantate pour contralto, cordes
& basse continue. Anna Netrebko, soprano,
Marianna Pizzolato, contralto. Orchestra dell'Accademia nazionale
di Santa Cecilia - Roma, dir. Antonio Pappano.
Universal/DG : 477 9337. TT: 73'16.
Le délicat Stabat Mater de Pergolèse peut-il s'accommoder de voix rompues à
l'opéra ? La question n'est pas nouvelle et a généralement été
tranchée par l'affirmative. Le faire-valoir est tel qu'il est impossible
de résister. Pour ne rappeler qu'un précédent, on citera la version
chantée par Mirella Freni et Teresa Berganza. Le présent disque
affiche une star assoluta du moment, la soprano russe
Anna Netrebko. Elle reconnaît crânement avoir relevé un défi.
Plus sagement, avoir choisi le parti de canaliser sa voix plutôt que de
chercher à imiter « un chanteur de musique baroque ». Elle y
réussit et assimile plutôt bien le style orné, les appogiatures et la variété
d'expression que Pergolèse dispense si généreusement. Il n'est que de
citer le ferveur du passage « Vidit suum dulcem natum » ou les premières
mesures de l'entrée de la voix de soprano dans le duo qui le précède.
Elle a pour partenaire une jeune mezzo, Marianna Pizzolato, dont le timbre
est pure douceur. Surtout, les deux voix sont parfaitement assorties
l'une à l'autre, facteur essentiel ici. La direction du
maestro Pappano est un brin théâtrale, manquant de souplesse aérienne par
endroits, pourvue d'une rythmique appuyée qui ne surprendra pas de la part de
cet habitué de l'opéra. Reste que la vision ascétique et d'une si
émouvante simplicité de Claudio Abbado dans son enregistrement récent
(sous le même label) est loin devant, même si non honoré par des voix
aussi prestigieuses que céans. L'autre partie du programme, non moins
intéressante, est dévolue à la veine profane du compositeur. La cantate
pour soprano « Nel chiuso centro » se distingue par ses deux airs
contrastés, le second de genre di furore dans lequel
Anna Netrebko fait assaut de panache vocal. Une autre cantate offre
à la mezzo Pizzolato matière à briller dans des récitatifs bien sentis et des
arias négociées avec aplomb. Un regret : plutôt que de dresser un
mémorial à la gloire de la chanteuse russe, il eût mieux valu que la plaquette
du CD fournisse des éléments d'information sur les œuvres et surtout qu'en
soient joints les textes.
Félicien
DAVID : « Le Souvenir ». 1er Trio en mib majeur. 3e Quatuor à cordes en ré mineur. Mélodies pour violoncelle & piano : Le
Souvenir, Le Caprice. Pièces pour piano seul : Pensée, L'Absence. D'après des thèmes de Félicien David :
P. Musard/E. Desgranges : Lalla-Roukh. S. Lee : Herculanum.
H. Vieuxtemps & C. Schuberth : La
nuit. Christophe Coin (violoncelle), Jean-Jacques Dünki
(piano), Andrés Gabetta (violon). Quatuor Mosaïques.
Laborie : LC12. TT : 78'29.
Félicien David (1810-1876) est d'abord
connu pour avoir été membre du mouvement saint-simonien. Ce qui le
conduira jusqu'en Orient et aura une influence certaine sur sa carrière de
compositeur. On dit de lui qu'il a été pionnier de l'orientalisme musical
en France. Musicien prolixe, il aura tâté de l'opéra (Herculanum,
Lalla-Roukh), de l'oratorio, de la musique symphonique, mais aussi de la
musique de chambre. Ce CD permet de découvrir quelques pages
significatives de ce dernier répertoire. Le 1er Trio pour piano, violon & violoncelle distingue une belle facilité mélodique qui a quelque chose d'opératique dans le
discours des cordes. Pas en reste non plus : un lyrisme exubérant et
une agréable rythmique en forme de balancement à l'allegretto final.
L'aisance d'écriture on la retrouve dans le 3e Quatuor,
comme une fraîcheur d'inspiration mélodique étonnante. Le Quatuor
Mosaïques en donne une exécution d'une sûre élégance dans le phrasé, ce que
rehausse la couleur particulière des instruments anciens. D'autres pièces
de Félicien David complètent ce panorama de sa musique de chambre :
ainsi de Pensée « mélodie-valse pour le piano », un andante
grazioso habité et de L'absence « romance sans parole pour
piano ». On y apprécie, comme dans le trio, la sonorité claire d'un
instrument Érard de 1850. Deux mélodies pour violoncelle & piano
intitulées Le caprice et Le souvenir offrent la belle mélopée du
cello que le piano agrémente d'un contrepoint fort varié. L'expressivité
du violoncelle de Christophe Coin s'allie habilement à la sonorité assez
grave d'un pianino de Kunz (Neuchâtel, 1845). Enfin des pièces inspirées
à ses contemporains par des thèmes de Félicien David sont jointes à ce
programme décidément éclectique. Il faut écouter l'arrangement dû à Philippe Musard
(1792-1859) de la Valse de Lalla-Roukh, tirée de l'opéra-comique éponyme de David : un
mouvement fort entraînant. Et c'est au souvenir d'Herculanum que
Sebastian Lee (1805-1887) consacre un morceau de salon pour violoncelle
& piano, conçu dans une veine élégiaque, on ne saurait plus expansive pour
le violoncelle.
Frédéric CHOPIN : « The Warsaw Recital ». Fantaisie op.49. Nocturne op.27 n°2. Sonate op.35 en sib mineur. Barcarolle op.60. Valses op.34 n°2 et n°3,
op.64 n°1 et n°2. Berceuse op.57. Polonaise héroïque op.53. Daniel Barenboim, piano. Universal/DG : 4779519. TT :
79'13.
Pour marquer son retour dans le giron de la
firme Universal, Daniel Barenboim fête Chopin, un compositeur qu'on ne lui
associe pas nécessairement. Capté lors du récital donné à la Philharmonie
de Varsovie le 28 février 2010, anniversaire oblige, le disque aborde plusieurs
des genres de la pensée chopinienne. Il satisfera aussi bien les
admirateurs que les détracteurs du pianiste. On sait Barenboim immense
musicien, soucieux de l'idée plus que de la forme, lui pour qui la musique naît
de l'instant, et plus préoccupé d'introspection que de virtuosité. Son
rapport au tempo est souvent déconcertant dans sa radicalité. Mais la
force émotionnelle qui émane du jeu ne laisse pas indifférent, alors que
l'ambitus sonore reste le plus souvent dans des limites raisonnables. La
liberté prise avec la forme peut gêner. Elle interpelle en tous
cas. Ainsi de la Fantaisie op.49 qui ouvre le programme : le
pictural y prime sur le poétique dans ce jeu de modulation illustré par de
fréquents changements de rythme. La 2e Sonate mise sur une dramaturgie faite de tensions irrésolues au 1er mouvement,
« lutte tragique contre un destin sans espoir » disait Cortot,
d'énergie triomphante au scherzo qui ne manque pas d'allure, de tragique
canalisé dans la marche funèbre que prolonge un finale évanescent évoquant une
mystérieuse fantasmagorie. Il y a chez le pianiste quelque interrogation
philosophique. La Barcarolle s'affranchit, elle aussi, du carcan
de la forme. La Polonaisehéroïque se signale par un rythme
singulièrement incisif, proche de la violence sonore avec des grands aplats,
tous traits qui s'accompagnent d'une certaine dureté. Le pianiste est
par contre à son meilleur dans le bouquet de valses empruntées aux
opus 34 et 64 qui évitent la tentation du jeu maniéré, la liberté d'accent
apportant ici une agréable touche de spontanéité. Ainsi de
l'aristocratique Valse op.64 n° 2,
prise justement pas trop vite dans son délicat refrain. Il en va de même
de la Berceuse op.57 dont l'effet
hypnotique est magistralement rendu. Il y a quelque chose de liquide dans
les arabesques de la main droite sur la basse délicatement insistante d'une
pure douceur. Du récital se dégage une impression de quelque chose
d'improvisé tout comme une volonté de prise de distance vis-à-vis d'un
romantisme au premier degré. Une vision non conformiste, sans doute à
placer à part dans la discographie.
Piotr Ilyich TCHAIKOVSKY :
« Œuvres inspirées de Shakespeare ». Hamlet, Ouverture fantaisie op.67. La Tempête, Fantaisie symphonique op.18. Roméo et Juliette,
Ouverture fantaisie. Simon Bolivar Symphony Orchestra of Venezuela, dir.
Gustavo Dudamel. Universal/DG : 477 9355. TT : 65'35.
Shakespeare a inspiré à Tchaikovsky trois
œuvres en forme d'ouverture fantaisie. Judicieuse idée de les
rassembler. Le premier sujet est emprunté à Roméo et Juliette.
La genèse de ce morceau devenu célèbre fut pourtant difficile. L'idée en
a été suggérée par Balakirev qui conseilla le plan et le choix des
tonalités. Tchaikovsky s'y reprendra à trois fois pour lui donner sa
forme définitive, l'ultime remaniement concernant l'introduction au tout début
d'un choral d'inspiration orthodoxe. Cette belle fresque reprend ensuite
les principaux passages du drame, le combat haineux entre Capulets et
Montaigus, l'amour de Roméo et de Juliette, puis le vaste développement
illustrant une rivalité fratricide, enfin une péroraison où effusion lyrique
voisine avec débordement épique. L'interprétation de Gustavo Dudamel
laisse interrogatif : l'ambitus dynamique y est poussé à l'extrême, tempos
très lents, recours excessif au registre ppp. Si le fini
sonore ne manque pas d'allure grâce aux qualités d'un orchestre qu'on perçoit
très fourni, l'exécution n'évite pas l'écueil de quelque chose de
fabriqué. Le chef se montre plus convaincant dans les deux autres
pièces. La fantaisie symphonique La Tempête (1873) est
fascinante. Tchaikovsky y démontre son habileté à évoquer l'univers
marin, fait unique chez lui : atmosphère impressionniste du début, vagues
déferlantes de l'épisode de la tempête. Le plan d'ensemble n'est pas sans
rappeler celui de Roméo et Juliette. L'évocation de l'amour
naissant entre Miranda et Fernando y est d'une grande retenue. Et il est
tout à l'honneur du chef vénézuélien de ne pas céder ici à la facilité d'une
lecture trop appuyée. L'Ouverture fantaisie Hamlet,
contemporaine de la Cinquième Symphonie,
eut pour inspirateur Lucien Guitry venu jouer Shakespeare en Russie.
De nombreux traits originaux la caractérisent : effets spectraux aux
confins de l'espace sonore, description du personnage d'Ophélie sur un solo de
hautbois accompagné des seuls autres bois. N'était là encore une tendance
à user d'une dynamique extrêmement contrastée, Dudamel habite les accélérations
fulgurantes, le soubassement rythmique, les gigantesques crescendos qui agitent
le monde dramatique du grand Will tel que perçu par le musicien russe.
« The Romantic Violonist »,
Hommage à Joseph Joachim. Max BRUCH : 1er Concerto pour violon op.26. Johannes BRAHMS : Scherzo en ut mineur de
la Sonate F-A-E. Danses hongroises n°1 et n°5. Geistliches Wiegenlied op.91 n°2, pour mezzo-soprano,
alto & piano. Clara SCHUMANN : Romance op.22
n°1. Franz SCHUBERT : Auf dem
Wasser zu singen. Joseph JOACHIM : Romance op.2
n°1. Notturno op.12.
Antonín DVOŘÁK : Humoresque op.101 n°7.
Daniel Hope (violon), Sebastian Knauer & Bengt Forsberg
(piano), Anne Sofie von Otter (mezzo-soprano). Royal Stockholm
Philharmonic Orchestra, dir. Sakari Oramo.
Universal/DG : 477 9301. TT : 66'20.
Le violoniste Daniel Hope a imaginé pour
son nouveau CD un programme d'hommage à Joseph Joachim : le célèbre
violoniste compositeur (1831-1907) qui « prêta » sa technique à des
maîtres comme Brahms, Dvořák et quelques autres qui n'hésitèrent pas à en
faire leur profit tant elle faisait autorité. Sans la patte de Joachim le Concerto pour violon de Brahms ne
serait pas ce qu'on en entend. Tel est aussi le cas du 1er Concerto de violon de Max Bruch revisité et édité par le violoniste. Daniel Hope,
subjugué par un instrumentiste dont le nom est évocateur de jeu visionnaire, en
offre une exécution hautement pensée, se refusant à la virtuosité racoleuse,
soulignant l'art de tirer de l'instrument le meilleur parti. Il y a là
une effusion romantique dans ce qu'elle a de naturellement profond et
d'admirablement équilibré. Et ce, même si l'accompagnement orchestral
reste de qualité moyenne. Un kaléidoscope de courtes pièces concertantes,
ou avec piano, compose l'autre volet de ce que l'interprète définit comme un
« portrait musical » de Joachim. D'abord deux pièces de
celui-ci : une Romance pour
violon & piano « empreinte de tendresse juvénile » laissant
transpirer une belle expressivité et une maîtrise certaine de la ligne
musicale, puis un Notturno pour violon & orchestre, petit poème
musical sertissant un discours expressif du soliste dans un écrin orchestral
curieusement dépourvu de violons. Sont représentés aussi Clara Schumann
qui dut à Joachim de connaître le jeune Brahms et lui dédiera une délicieuse
romance. Tout comme Schubert dont Daniel Hope a transcrit pour son
instrument la partie vocale du lied « Auf dem Wasser zu singen ».
Dvořák encore avec une transcription de son Humoresque qui, si elle
n'est pas de la main de Joachim, est là pour signifier la proximité qui
existait entre celui-ci et le musicien tchèque. Mais c'est bien sûr avec
Brahms que ce parcours prend un relief particulier. Plusieurs pièces
évoquent une amitié qui pour connaître des hauts et des bas, ne se départit
jamais de sa constance sur le plan artistique. Une seule preuve : le Geistliches Wiegenlied, dédié à Joachim qui le créera à l'alto, avec
l'auteur au piano.
« Echoes
of Time ». Dmitri SHOSTAKOVICH : 1er Concerto pour violon en la mineur
op.77. Valse lyrique. Giya KANCHELI : V&V. Arvo PÄRT : Miroir dans le miroir.
Sergei RACHMANINOV : Vocalise op.34 n°14. Lisa Batiashvili
(violon). Hélène Grimaud (piano). Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, dir. Esa-Pekka
Salonen. Universal/DG : 477 9299. TT : 68'21.
Autre CD à thème : ces « Échos du
temps » se veulent un panorama de la musique soviétique à laquelle rend
hommage la jeune violoniste géorgienne Lisa Batiashvili. Il débute
par le monumental Premier Concerto pour
violon de Shostakovich écrit en 1947-1948 mais créé en 1955 par son
dédicataire David Oïstrakh, à Leningrad, sous la direction de
Mravinski. La petite histoire dit que le célèbre violoniste qui prit
connaissance de l'œuvre dès son achèvement n'y adhéra pas d'emblée. Mais
qu'il se prit pour elle d'une vraie passion au point de prendre la plume pour
la défendre après un accueil plutôt froid de la part de la critique
officielle. De vastes proportions, elle comporte quatre mouvements telle
une symphonie. Elle en a d'ailleurs le caractère et met en avant plus la
profondeur de jeu du soliste que sa technique. La tonalité d'ensemble est
sombre comme l'était l'opéra Lady Macbeth de Mtsensk, et le
message est celui de l'affirmation de la résistance de Shostakovich à la pensée
officielle. Cette volonté est proclamée dès le « Nocturne » où
la poignante méditation chambriste du violon se situe dans le registre grave
tout comme l'accompagnement orchestral. Tout en contraste, le scherzo se
pare des pirouettes du soliste vis-à-vis des bois dans le veine grotesque chère
au musicien. La « Passacaille » est elle aussi tragique, qui,
après une entrée en matière en forme de choral, lance le discours enflammé du
soliste avec de longues notes tenues. Une cadence marque la transition
avec le finale « Burlesque » empli de courses échevelées de plus en
plus rapides. Lisa Batiashvili en donne une exécution grandiose à la
sonorité chaude et profonde, magnifiquement soutenue par Esa-Pekka Salonen et
l'Orchestre de la Radio bavaroise. La même impression de souveraine
maîtrise se retrouve dans la pièce de Giya Kancheli, titrée V&V, envoûtant soliloque du violon
sur un lit de cordes qu'enrichit la mélopée d'une voix grave
pré-enregistrée. Deux pages de musique de chambre complètent
harmonieusement le CD, la violoniste ayant pour partenaire
Hélène Grimaud : dans Miroir
dans le miroir de Arvo Pärt, le violon déploie une large mélodie sur
un accompagnement ostinato du piano, sorte d'élégie mélancolique. Vocalise de Rachmaninov évoque l'écho
d'un autre temps, celui où la veine lyrique se faisait plus sereine.
Dmitri SHOSTAKOVICH : Symphonies n°3 & n°10. Orchestre & Chœur
du Théâtre Mariinky, dir. Valery Gergiev. Mariinsky :
MAR0511. TT : 80'23.
Comme dans ses deux précédentes livraisons
des symphonies de Shostakovich, Valery Gergiev rapproche des pièces
éloignées dans le temps, ici les n°3 et 10. La Troisième op. 20, dite « 1er mai »,
créée en 1930, ne s'imposera que trente ans plus tard. C'est sans doute
la plus énigmatique. Elle est d'un seul tenant, n'étaient trois parties
figurées dont la dernière, très brève, introduit un chœur mixte paraissant
surajouté. Elle suscita incompréhension et critiques acerbes, d'aucuns la
qualifiant de « musique triviale, sans âme ». Shostakovich
s'y livre à l'expérimentation la plus débridée : refus du lyrisme,
succession de thèmes courts dont pas un n'est répété, recherche de sonorités
âpres et peu flatteuses. Gergiev en livre l'originalité et l'éclat,
au-delà d'un certain ésotérisme et de son caractère « fragmenté »
souligné par Serge Prokofiev. Il en va tout autrement de la Symphonie n°10, créée en 1953, après un
silence de huit ans dans ce genre musical. Bien qu'objet de controverses
passionnées à sa création, elle est assurément devenue l'une des plus
populaires et des plus jouées de son auteur. Et sans doute la plus
caractéristique du climat sombre et tragique qui sera si souvent favorisé dans
les œuvres ultérieures de Shostakovich. Le long moderato, Gergiev le
dramatise moins que d'autres chefs, retenant la dynamique même dans le
développement. Il sculpte la ligne des bois et intériorise le discours,
réduisant l'ambitus sonore à quelque chose d'essentiel. La coda sera
ainsi d'une bouleversante désolation. Le contraste est saisissant avec
l'allegro suivant en forme de scherzo d'allure motorique, aussi bref que
percutant, où sont comme lâchées des forces élémentaires. Le climat
envoûtant de l'allegretto ramène aux pages sombres du début de la pièce.
L'introduction presque oppressante du finale, marqué andante, fait office de
mouvement lent dont la symphonie est privée. Puis tout bascule avec le
deuxième thème enjoué et humoristique s'articulant en une sorte de danse qui,
elle-même, se résout dans une marche. Le climat pessimiste cède enfin le
pas à une veine plus positive d'effusion lyrique. Pour ne pas chercher le
beau son, contrairement à beaucoup de ses confrères, Gergiev n'en dégage pas
moins une forte intensité émotionnelle et se refuse à l'effet. Une prise
de son de concert bien intégrée livre les richesses de l'Orchestre du Théâtre
Mariinsky.
Grażyna BACEWICZ : Sonate pour piano n°2. Quintettes
pour piano & cordes n°1 & n°2. Krystian Zimerman
(piano), Kaja Danczowska & Agata Symczewska (violon),
Ryszard Groblewski (alto), Rafal Kwiatkowski (violoncelle).
Universal/DG : 477 8332. TT : 65'12.
La compositrice Grażyna Bacewicz
(1909-1969), également violoniste et pianiste, est l'une des figures majeures
de la musique polonaise du siècle dernier, dont la renommée peut être comparée
à celle de Nadia Boulanger (auprès de laquelle elle se formera à Paris
dans les années 30). Sans doute la situation politique de la Pologne
d'alors ne lui aura-t-elle pas permis de jouir de son vivant d'une
reconnaissance internationale. Sa production est riche et variée, musique
symphonique, concertante, et surtout de chambre (dont
7 quatuors !). Sa manière se caractérise par un grand souci de
la forme et une clarté proche de la musique française, une écriture féconde
aussi : « Il se passe beaucoup de choses dans ma musique. Elle
aime partir à l'attaque tout en étant lyrique » dira-t-elle. Ardent
défenseur de la musicienne, Krystian Zimerman lui dédie un vibrant hommage dans
ce CD. La Sonate pour piano n°2, créée en 1953 par la compositrice, est d'une puissance d'inspiration telle
qu'on peut la mesurer aux dernières œuvres pianistiques de Prokofiev.
Techniquement brillante, elle est traversée de pages d'une forte expressivité
et l'intensité y combine fougue passionnelle et introspection, telle la
poignante ligne mélodique du largo. Zimerman en livre une exécution
incandescente. Le 1er Quintette
pour piano, néo-classique dans son inspiration, d'une grande clarté
formelle, est d'une suprême maîtrise d'écriture, ménageant une habile balance
entre le piano et les cordes. S'y véhicule à travers ses extrêmes écarts
dynamiques une passion qu'on perçoit inextinguible, qu'il s'agisse de la
variété d'émotions amassées au premier mouvement ou des climats débordant de
joie du finale. Les deux morceaux centraux sont encore plus
originaux : un « presto » décidé, intermède vif et dynamique
bâti dans le style de l'oberek, danse populaire polonaise, puis un
« grave », immense digression lyrique. Le Second Quintette (1965) appartient à l'ultime phase créatrice
de Grażyna Bacewicz où le style se fait plus épuré, plus
avant-gardiste. Ses trois parties construisent autant de paysages sonores
fascinants, emplis de tension (clusters formidables, effets de glissandos au 1er mouvement),
d'atmosphères raréfiées que l'aura impérieuse du piano transfigure (traits sul ponticello des cordes au larghetto), d'un bondissement aérien
(glissandos en rafales vertigineuses, pizzicatos rageurs à l'allegro
giocoso). L'interprétation de Zimerman et de ses éminents collègues est
assurément de référence. À découvrir absolument.
Gustav MAHLER : Symphonie n°2 « Résurrection ». Kate Royal, soprano. Magdalena Kožená,
mezzo-soprano. Rundfunkchor Berlin. Berliner Philharmoniker,
dir. Sir Simon Rattle. 2CDs EMI Classics :
6 47363 2. TT : 86'23.
Pour son nouvel enregistrement de la
symphonie « Résurrection », Simon Rattle a choisi la solution du
direct. Le présent CD a été capté lors de trois concerts donnés fin
octobre 2010 à la Philharmonie de Berlin. Pour y avoir assisté, le
souvenir est celui d'une exécution mémorable. Reste que cette
interprétation hautement personnelle est au disque exigeante, en ce qu'elle
favorise une approche non dépourvue d'excès à la différence de celle cultivée
par Pierre Boulez ou Claudio Abbado par exemple, sans parler
d’Otto Klemperer. Au jeu des comparaisons de timing, Simon Rattle
est de loin le plus expansif (86'23, contre 79'54 pour Boulez et 79'43 pour
Klemperer - ici le plus bref, ce qui ne manquera pas de surprendre). Le
regard du chef britannique, peut-être influencé par sa fréquentation récente du Ring de Wagner, se veut très dramatisé, extrêmement contrasté, ménageant
un spectre sonore des plus larges, du ppp des cordes assagies aux
fortissimos des tutti cataclysmiques. Non que le résultat manque
d'impact. On a affaire à un son indéniablement mahlérien, ne serait-ce
qu'au regard d'une qualité instrumentale proprement enthousiasmante de la part
des musiciens berlinois souvent poussés à leurs limites. Le curseur est
ailleurs. Rattle aime à s'attarder sur telle phrase, à alléger le son,
affiner le trait qu'il ponctue de silences éloquents, à peaufiner les effets de
spatialisation sonore auxquels Mahler attachait tant d'importance. Ou au
contraire procède-t-il à des accélérations fulgurantes et libère-t-il de ses
forces orchestrales une inextinguible énergie. Le massif
Allegro maestoso se complaît dans une tonalité funèbre prononcée et
l'orchestre y est souvent comme retenu. Le deuxième mouvement,
andante moderato, sur un rythme de Ländler, offre un lyrisme plus
confidentiel qu'épanché, les arabesques des violoncelles devenant délicatement
mélancoliques. Ce qui fait figure de scherzo, en forme de perpetuum mobile,
respecte le caractère « coulant et très tranquille » d'une mélodie
bâtie sur le thème du prêche de saint Antoine aux poissons,
avec un agréable soupçon de climat nocturne. Quant au finale, là encore
contrasté à l'envi, Rattle en trace une vision éclatante, proche de
l'exaltation, au milieu de laquelle s'impose l'entrée immatérielle ppp du chœur sur le message « Tu ressusciteras ». Largement
aidée par l'acoustique « ouverte » de la salle de la Philharmonie, la
prise de son livre une image naturelle en cohérence avec le parti pris
interprétatif : intégration satisfaisante des bois évitant tout effet de
loupe sur tel ou tel, ligne de basse sans redondance, balance interne
équilibrée. Une exécution qui, si elle apporte le frisson du concert, se
situe à part dans la discographie pléthorique de cette œuvre monumentale.
Jean-Pierre Robert.
« Raphael Imbert Project » : Live au Tracteur. Zig-Zag
Territoires : ZZT 110203. Raphaël Imbert (saxophones),
Stephan Caracci (vibraphone), Gerald Cleaver (batterie),
Joe Martin (contrebasse).
Après son superbe
« Bach-Coltrane » (2008), Raphaël Imbert, nous invite au
restaurant Le Tracteur, à Puimoisson (Hautes-Alpes), lieu de rencontres et
creuset de toutes les audaces artistiques. Là, en juillet 2010, il
enregistre les 5 titres de l’album « USuite » qui laissent
exhaler les parfums des souvenirs encore frais de son voyage d’étude dans le
Dixieland. Se disant autodidacte, Raphaël Imbert est un explorateur,
avide de toutes les rencontres, de toutes les expériences musicales. Au
cours de ce récit de voyage, l’expression est multiple et toujours jubilatoire…
étourdissante d’exploration débridée dans Omax
at Lomax, ou d’un lyrisme tendre et pudique au sax soprano dans la
valse lente Po boy où chacun
peut respirer et chanter à loisir dans la peinture d’une douce nostalgie de la
Louisiane. Un très beau moment de musique. Petite
réserve, tout de même, concernant la prise de son qui dessert parfois l’excellent
bassiste Joe Martin que l’on aimerait parfois plus « devant ».
Clarinet latino. 12
titres. Cristal Records Classic (www.cristalrecordsclassic.com) : CRC 1101. Distr. Codaex.
Comme le titre de l’album ne l’annonce pas
clairement, il s’agit ici de pièces originales « pimentées » (voir la
couverture), de réminiscences de mélodies et de rythmes d’Amérique du Sud
(salsa, tango, bossa-nova) et de jazz. Hormis la qualité des
compositions, chaleureuses, généreuses, subtiles, émouvantes, parfois teintées
d’humour… (Bach vient se glisser dans les choros – clin d’œil à
Villa-Lobos ?), l’originalité de cet enregistrement réside d’abord dans
l’instrumentation : 13 clarinettistes menés par Philippe Bérod
auxquels se sont joints des musiciens tout aussi virtuoses et inspirés, aux
marimba, percussions brésiliennes, contrebasse & guitare. Les
musiciens d’« Ailleurs 5 » apportent leur contribution à cet
ensemble « hors normes ». Premier d’une trilogie (devraient
suivre Clarinet classica et Clarinet electro), cet album est
inclassable dans un seul genre, tant ce qui l’anime est un esprit de liberté et
tout simplement de bonheur communicatif dans le partage musical.
Annick Chartreux.
Félicien
DAVID (1810-1876) : Les Quatre Saisons, quintettes à cordes. Ensemble baroque de Limoges, dir.
Christophe Coin, violoncelle. « Parenthèses », 2CDs
Laborie Classique (www.ebl-laborie.com).
Distr. Abeille Musique. TT : 86’22.
Les petits maîtres portent décidément beau,
depuis peu. Et c’est tant mieux ! Ainsi du compositeur officiel
du saint-simonisme, naguère célébré pour son ode-symphonie Le désert, dont on peut désormais (re)découvrir ces Quatre saisons (1842-1844), ensemble
de 24 (!) quintettes avec contrebasse, d’un indéniable charme mélodique.
Lemeland & l’Amérique. 3CDs Skarbo (www.skarbo.fr) :
DSK 311456. Distr. : Intégral. TT : 222’13.
Compositeur français bien plus célébré aux
États-Unis qu’en sa patrie, Aubert Lemeland (1932-2010) aura dédié à
l’Amérique quelques-unes de ses plus belles pages musicales et littéraires.
Les voici, en trois CDs, réunies… CD1 : Omaha (pour voix de femmes), Élégie à la mémoire de Samuel Barber (pour orchestre à cordes), Concerto
funèbre « à la mémoire de
William Schuman » (pour violon & orchestre à cordes), Songs for the Dead Soldiers (pour
soprano & orchestre à cordes), Battle Pieces (pour orchestre à cordes & piano), Mon
chien, la musique américaine et moi… (roman, chapitres 1 à 3,
Vania Vilers, récitant, avec Jacqueline Hamelle). CD2 : Mon chien, la musique américaine et moi… (chapitres 4 à 21). CD3 : Mon
chien, la musique américaine et moi… (chapitres 22 à 35).
Franz
LISZT (1811-1886) : Pièces pour le piano.
Tristan Pfaff. Aparté (www.apartemusic.com) :
AP 019. TT : 59’24.
Étourdissant de virtuosité, ce pianiste ne
semble toutefois guère ému par ce qu’il joue – ce dont il se joue : Rhapsodie hongroise n°15, Liebesträume n°2 et 3, La Danza (d’après Rossini), Valse-Impromptu, pages de Tannhäuser & de Tristan und Isolde (d’après Wagner), Consolation n°3, Venezia
e Napoli… Détachement auquel le clinquant du Steinway retenu pour
l’enregistrement n’est sans doute pas étranger.
Bruno
GINER (°1960) : Charlie, d’après Matin brun, nouvelle de
Franck Pavloff. Dessin : Enki Bilal. Ensemble Aleph :
voix (Monica Jordan), clarinette, violon, violoncelle, piano &
percussion. Signature : SIG 11067. Distr. :
Harmonia Mundi. TT : 52’40.
Huit parties constituent cette fable
musicale inspirée d’une nouvelle-culte de Franck Pavloff (où sont mis en
lumière les risques encourus à accepter, d’autrui, les petites lâchetés
quotidiennes). Œuvre tout à fait fascinante, où se côtoient récitatifs,
chansons, slogans, airs, chœurs parlés ou chantés (par les musiciens eux-mêmes)…
En « bonus », entretien avec Franck Pavloff, Bruno Giner et
Enki Bilal.
Kimmo
POHJONEN & Samuli KOSMINEN : Uniko. Kronos Quartet, Kimmo Pohjonen
(accordéon & voix), Samuli Kosminen (samplages & programmation).
Ondine (www.ondine.net) :
ODE 1185-2. TT : 51’49.
Ovni en sept compartiments : Utu, Plasma, Särmä, Kalma, Kamala, Emo, Avara. Quant à savoir auquel des deux Finlandais revient la
composition de tel ou tel d’entre eux, mystère ! Idem quant à la
signification des titres… Pièces captivantes au demeurant - en nappes volontiers
modales, émaillées de surprenantes séquences samplées, inspirées, semble-t-il,
de musiques rajasthanaises ou arabisantes, voire punkoïdes, sinon… de
Stockhausen.
Thelonious
MONK : La
Quintessence. New York-Paris,
1947-1959. 2CDs Frémeaux & Associés (www.fremeaux.com) : FA 284.
Distr. Socadisc.
Génial était ce pianiste-improvisateur, qui
- médiocre technicien - sut toujours intégrer à son discours ses
« fausses notes », jusqu’à les transformer en notes-pivot vers
la phrase suivante. Voici, en effet, en deux CDs, la quintessence de son
art. CD1 (1947-1955), Monk en quintette, quartette ou trio :
18 plages où l’on retrouve, outre de ses plus grands succès (’Round Midnight, Off minor, Blue Monk…), bien d’autres thèmes de, notamment, Jérôme Kern
et Duke Ellington. CD2 (1956-1959), Monk en solo ou grandes
formations avec, entre autres, Gerry Mulligan ou John Coltrane : Pannonica, Epistrophy, Crepuscule with
Nellie… Tout ce que l’on espérait !
Le Samba contemporain. Samba
Recordings by CPC UMES. Livret
illustré de 24 pages. 2CDs Frémeaux & Associés (www.fremeaux.com) : FA 5301.
Distr. Socadisc.
Anthologique ! Il s’agit là, en deux
CDs, d’un florilège de trente-huit sambas parus, entre 1998 et 2007, sous le
célèbre label pauliste CPC Umes. Que de révélations, en effet, parmi
ces (plus ou moins jeunes) héritiers ou héritières : Adriana Moreira,
Luiz Carlos da Vila, Walter Alfaiate, Teca Calazans, Nei Lopes,
Dona Inah…
Vladimir Jankélévitch : Un
homme libre, L’Immédiat, La Tentation.
Monologues & cours de Sorbonne. Coffret de 4 CDs Ina/Frémeaux (www.fremeaux.com) : FA 5038.
Livret de Françoise Schwab.
Voilà enfin exhumé l’un des plus fabuleux trésors
de l’Ina ! Où l’on retrouve le grand philosophe méditant à voix haute
– inoubliable limpidité du timbre, de l’expression, de la pensée… 1er CD,
« Un homme libre » : où Jankélévitch évoque ses sujets de
prédilection, toujours « aux confins »,
puis ses maîtres à penser : Platon au premier chef, mais aussi Chestov
& Berdiaev, Fénelon & Bergson. « La musique ou la moitié de ma vie », ajoute-t-il, nous
entretenant de Chopin, Scriabine, Ravel, Liszt, Mompou, Fauré, Debussy, l’École
de Paris… 2e CD, « L’Immédiat » :
extraits de cours donnés en Sorbonne sur, notamment l’espace & le temps,
milieux dociles. 3e CD, « L’Immédiat
(suite) » : l’instant, la conscience de soi, l’intuitionnisme
musical… 4e CD, « La Tentation » :
philosophie de la surprise, le plaisir & l’apparence, la force de dire
« non », passionner l’existence… Éblouissant ! Précipitez-vous !
DVDs
Wolfgang Amadeus MOZART : Symphonie n°35 « Haffner », Symphonie n°36 « Linz », Concerto pour piano n°22, Concerto
pour cor n°1. Radek Baborák,
cor. Berliner Philharmoniker. Daniel Barenboim, piano
& direction. EuroArts (www.euroarts.com) :
2020208. TT :
118’00.
Pour célébrer l’anniversaire de
sa fondation, qui remonte au 1er mai 1882, le Berliner
Philharmoniker se produit chaque année, depuis 1991, dans un haut-lieu différent
de la culture européenne. C’est à l’occasion d’un tel « Concert
européen » qu’était donnée à Prague, le 1er mai 2006,
une soirée Mozart. Merveilleux Daniel Barenboim, aussi brillant au
piano qu’à la tête de cette incomparable phalange ! Et - la chose
n’est pas indifférente - le concert était filmé dans le Théâtre d’État de
Prague, véritable bijou architectural. Nul besoin d’épiloguer sur de tels
interprètes, non plus que sur le programme, sinon pour vanter le phrasé et la
belle plénitude sonore du corniste Radek Baborák - sans
« cuivrage » excessif - dans le 1er Concerto
pour cor, instrument pour lequel Mozart avait une singulière tendresse.
En bonus : « Un portrait culturel de Prague ».
Francis Cousté.
***
Haut
S’ouvrant sur un éditorial de l’Inspecteur général de
l’Éducation nationale, M. Vincent Maestracci, orientant de façon concise
l’élève dans son travail, le supplément Baccalauréat 2011 de L’éducation musicale est d’une rare densité :
pas moins de 148 pages d’analyses et références.
Indispensable
aux professeurs d’Éducation musicale et aux élèves de Terminale qui préparent
l’épreuve de spécialité « série L » ou l’épreuve facultative
« Toutes séries générales et technologiques du baccalauréat », cette
publication réunit les connaissances culturelles et techniques nécessaires à
une préparation réussie.
À commander aux Éditions Beauchesne : 7, cité du
Cardinal-Lemoine, 75005 Paris.
Tél : 01 53 10 08 18.
Fax : 01 53 10 85 19. s.desmoulins@leducation-musicale.com
***
Les dossiers de l'Education Musicale déjà parus
Dossiers à paraître :
* Le cerveau musicien
Chorales, orchestres… gérez votre association
avec facilité et efficacité !
Vous êtes président, directeur
ou bénévole dans une structure musicale de type chorale ou orchestre, les
versions ADMINassos et ADMINassos+ constituent une nouvelle
génération de logiciels d'administration. Ils ont été conçus pour
fonctionner de manière autonome ou en réseau si vous adhèrez
à une fédération ou à un groupement.
Ils sont accessibles en ligne et se composent :
·
d'un logiciel de gestion et de communication accessible
par code d'accès
·
d'un site internet auto-configuré visible par
le public
Leur utilisation est aussi simple que de naviguer sur le Web :
·
Aucune installation à faire
·
La mise à jour du logiciel est automatique
·
Pas de connaissances informatiques nécessaires
·
Les données sont automatiquement sauvegardées sur serveur
Les fonctionnalités proposées sont nombreuses et vous permettront de
répondre à toutes vos problématiques administratives. De plus, vous
pouvez attribuer des comptes à vos adhérents afin de les faire participer à la
vie de votre structure musicale. Facilité et sérénité, deux maître-mots
de votre future gestion ! Vous bénéficiez également du travail
permanent de développeurs chevronnés à l'écoute des utilisateurs, et dont le
but est de vous simplifier la vie pour vous permettre de laisser parler votre
créativité et mener à bien vos projets.
Et pour
plus de visibilité, vos manifestations pourront être retransmises et
affichées automatiquement sur votre site internet, sur le site de votre
groupement ou fédération, ainsi que sur le portail musical OPENassos.fr
Renseignements : 2iOPENservice. Tél. : 09 72 12 60 23. contact@openassos.com / www.openassos.com
***
Le savoir-faire de MAGIX et la qualité de son « Academic
Suite 3 » reconnus par le ministère de l’Éducation nationale par sa
certification R.I.P. (Reconnu d’intérêt pédagogique)
MAGIX Music Maker 17 : la création musicale facile
- Pour les cours d’Éducation musicale,
Atelier/Projet de composition musicale à l’aide des instruments virtuels
et de la base de données sonores.
- Pour la radio de l'école/ de l'université
(production de jingles, de podcasts, etc.)
- Enregistrement de répétitions, de spectacles
de groupes de musique
- Gravure de CDs audio de ces enregistrements.
Pour renseignements
complémentaires, merci de joindre M. Merbouh Jarid, responsable Éducation, au :
01.40.15.91.37 ou par courriel : jmerbouh@magix.net
Pour toute commande adressez
nous un simple bon de commande à l’attention de M. Merbouh, MAGIX
Entertainment SARL - 38, rue du Mont-Thabor, Paris 75001.
Une assistance technique
gratuite est à votre disposition, exclusivement réservée aux intervenants du
domaine de l’éducation au : 01.82.88.95.32.
Plus d’informations sur : www.magix.com
Laëtitia Girard.
***
Passer
une publicité.
Si vous souhaitez promouvoir votre activité, votre programme éditorial
ou votre saison musicale dans L’éducation
musicale, dans notre Lettre d’information ou sur notre site
Internet, n’hésitez pas à me contacter au 01 53 10 08 18 pour connaître les tarifs publicitaires.
|