www.leducation-musicale.com
mai-juin 2010
n° 566
|
mars-avril 2010
n° 565
|
janvier-février 2010
n° 564
|
Sommaire :
1. Editorial
2. Sommaire du N°566
3. Informations générales
4. Varia
5. Manifestations et concerts
6. Recensions de spectacles et concerts
7. Annonces de spectacles lyriques
8. Quelques échos pianistiques...
9. L'édition musicale
10. Bibliographie
11. CDs et DVDs
12. La vie de L’éducation musicale
Abonnez-vous à L'éducation musicale
et recevez 3 dossiers gratuits
Tant que le son est à fond,
on n’entend pas le monde s’écrouler…
(Lu sur un
tee-shirt)
Il y a ceux qui croient être heureux parce
qu’immobiles. Et il y a les hystériques du changement… Mais, au
résultat, quelle différence ?
Pour nous en tenir aux seuls problèmes d’enseignement, la
Rue de Grenelle n’a-t-elle pas dès longtemps prouvé qu’il faut toujours tout
changer pour qu’enfin rien ne change ? Évoquant irrésistiblement la
douce Alice qui, au Pays des merveilles,
devait toujours courir… pour faire du sur-place !
Certes emblématique est le cas de l’Histoire des arts -
vieille lune bavarde que font benoîtement mine de découvrir nos excellents hiérarques…
Au détriment, bien sûr, de cette dangereuse école de liberté que constituent
les pratiques artistiques – si fâcheusement rétives au consumérisme ambiant, à
l’info-spectacle, à la disneylandisation
du monde…
Lève toutefois une nouvelle espérance, proprement
révolutionnaire celle-là ! Espoir en l’Internet - en la blogosphère notamment,
qui déjà fait vaciller bien des empires. Ce fabuleux contre-pouvoir
changera-t-il le monde ? C’est probable. Mais au prix de
quelles convulsions ? Nul ne peut encore le dire.
Francis B. Cousté.
Kaija Saariaho ou les espaces prolongés (entretien)
Sylviane Falcinelli
Le Festival de Salzbourg, une institution protéiforme
Jean-Pierre Robert
***
Dossier : « Olivier Messiaen »
Quatuor pour la fin du Temps (analyse)
Gérard Moindrot
Gagaku, un faisceau d’influences
(analyse)
Patrick Revol
L’influence
d’Olivier Messiaen dans l’œuvre
pour
accordéon d’Alain A. Abbott
Jérôme Carayol
Roger
Muraro en résonance avec Olivier Messiaen (entretien)
Sylviane Falcinelli
Olivier
Messiaen et Jean Dewasne
Gérard Denizeau
***
Recensions
La grille d’Hélène Jarry
Haut
« L’école et le numérique ». Sur ce thème, un important
entretien réunissait, le 19 janvier 2010, Denis Kambouchner, Philippe
Meirieu & Bernard Stiegler. Il peut être écouté et/ou lu sur le
site :
http://skhole.fr/entretien-kambouchner-meirieu-stiegler
À l’Opéra Comique, sont
programmés en
2010-2011
: Cadmus et Hermione (Jean-Baptiste Lully), Les Mamelles de Tirésias (Francis Poulenc), Les Fiançailles
au couvent (Serge Prokofiev), Cendrillon (Jules Massenet), Le Freischütz (Carl Maria von Weber), Atys (Lully), Re Orso (Marco
Stroppa), Les Brigands (Jacques
Offenbach). Autour de chaque opéra s’articuleront nombre de spectacles :
« Les Rumeurs ».
Informations : 1, place
Boieldieu, Paris IIe. www.opera-comique.com
Leonardo García Alarcón, jeune chef argentin de 34 ans (°1976,
La Plata) [notre photo], succède à Jean Tubéry à la direction du Chœur de
chambre de Namur et ce, pour un mandat de trois ans. Créé en 1987, ce célèbre
chœur baroque a déjà une trentaine d’enregistrements à son actif, notamment
chez Ricercar (œuvres de Lassus, Hayne, Du Mont, Gossec, Grétry, Haendel…).
Renseignements : www.leonardogarciaalarcon.com
©DR
Jean Sibelius (1865-1957) : Masonic Ritual Music (op. 113) est
disponible dans « The Sibelius Edition, Vol. 8 : Orchestral
Music / Neeme Järvi, Jaakko Kuusisto, Osmo Vänskä et alii ». Lahti Symphony Orchestra. Avril 2009. BIS Records
(Sweden) : n°1921-1923.
Tableau de loge (XIXe siècle)
Actions éducatives
& culturelles de l’ONIF. En direction des jeunes publics, l’Orchestre national
d’Île-de-France multiplie ses interventions.
Renseignements :
01 41 79
03 43
. www.orchestre-ile.com
Saison 10-11 de
l’Auditorium du Louvre. Seront proposés : Cinq
cycles de concerts (Concerts du jeudi/ Musiques de chambre/ Grands
classiques/ Quatuors à cordes/ Musiques du monde de l’Islam), Un cycle transversal de concerts & de
musique filmée (en lien avec l’exposition « Néoclassicisme »), Deux cycles de musiques filmées (Une
saison à l’Opéra de Vienne/ Patrice Chéreau et l’opéra), Des manifestations
dédiées au public scolaire & familial (Musique filmée « Le
piano »/ Spectacle musical « Le grand dépaysement d’Alexandre le
Grand »).
Renseignements :
01 40 20
55 55
. www.louvre.fr www.louvre.fr/llv/auditorium/alaune.jsp?bmLocale=fr_FR
J.-L.David : Pâris et Hélène ©RMN/Blot
***
Haut
Weepers Circus… Découvrez ce groupe furieusement
hors normes… et ses célèbres invités !
Renseignements : Éric
Kaija Guerrier, tél. :
06 60 53 00 24
. www.weeperscircus.com
Dmitri Berlinsky
& l’International Chamber Soloists, ensemble qu’il a créé aux États-Unis, revisitent Astor Piazzolla.
L’ICS comprend des musiciens venus de Russie, Bulgarie, Biélorussie, Lettonie,
Corée, Taïwan, Nouvelle-Zélande, Australie, Brésil, États-Unis.
Renseignements : www.internationalchambersoloists.com
©DR
On recru-û-ute !…
Le Conseil québécois
de la musique et « Samajan » (école de percussions québécoise, fondée et dirigée par
Louis Bellemare), s’investissent dans l’humanitaire.
Renseignements :
01 47 63 54 82
. www.cqm.qc.ca/122/Edition_2010.html ou : www.samajan.biz
« Serge
Prokofiev, le journal inachevé », film de Yosif Feyginberg
(2008), sera diffusé sur Arte, les 2, 3, 7 et 8 mai 2010.
Festival du
Chablisien.
Sous la direction artistique de Jean-Michel Costal & Mario Hacquard, la 7e saison de ce joyeux festival musico-œnologique se déroulera du 29 mai au
8 juin 2010.
Renseignements :
03 86 42
80 80
. www.festival.onlc.fr
***
Haut
« La création musicale en France pendant
la Première Guerre mondiale », tel est le thème qui – dans le cadre de la 5e Petite Biennale de musique
française – sera développé, le samedi 15 mai 2010, de
9h30
à
16h00,
en l’Amphi 122 du Centre
Malesherbes [notre photo]. Organisateurs : Philippe Cathé, Florence
Doé de Maindreville, Sylvie Douche & Stéphan Etcharry. À
16h30,
en l’Amphi 111, concert par
les étudiants de l’UFR de Paris IV, dir. Sylvie Douche. Entrée
libre, au colloque et au concert.
Renseignements : 108, bd
Malesherbes, Paris XVIIe. Tél. :
01 43 18
41 50
.
malesherbes.musique@paris-sorbonne.fr
Festival « Musiques
au pays de Pierre Loti ». Sur le thème Les
figures romantiques, cette 6e édition se déroulera - sous la
présidence d’honneur de Pierre Bergé - du 10 au
15
mai 2010
.
Sites : Île d’Aix, Rochefort, Saint-Pierre-d’Oléron, Château d’Oléron,
Saint-Martin-de-Ré, Breuil-Magné, Châtelaillon-Plage.
Renseignements :
05 46 47 11 39
. www.festival-mppl.com
58e Festival de musique de chambre de Colmar. Intitulé « Musik in
Wien », il se déroulera du 12 au
16 mai
2010
.
Compositeur invité : Thierry Pécou [notre photo], dont Soleil Tigre, pièce pour violoncelle
& piano, sera donnée en création mondiale (par Marc Coppey & Alexander
Melnikov), le dimanche 16 mai, à 15h.
Renseignements :
03 89 41
71 43
. www.festival-lesmusicales.com
©DR
En hommage au musicologue Jean Maillard (1926-1985), sera donnée la Messe en si mineur de J.-S. Bach, le dimanche 16 mai 2010, à 16 heures, en
l’église Saint-Louis de Fontainebleau.
La 3e édition des « Musicales de Bagatelle » mettra en scène une nouvelle
génération de virtuoses. Elle se déroulera, du 22 au
24 mai 2010
, en l’Orangerie du Parc de Bagatelle (bois de Boulogne).
Sous le parrainage des pianistes Claire-Marie Le Guay & Jean-Claude
Pennetier, de la flûtiste Juliette Hurel, des harpistes Marielle Nordmann &
Christine Icart.
Renseignements : Bois de
Boulogne, allée de Longchamp, Paris XVIe. Tél. :
01 53 33
45 30
.
www.lesmusicalesdebagatelle.com
©DR
Olivier Greif
(1950-2000).
Pour commémorer les dix ans de la disparition prématurée du compositeur, de
nombreux concerts sont organisés, cette année.
Renseignements : Association Olivier Greif – 22, rue du Petit-Musc,
75004
Paris. Tél. :
01 48 87
28 27
.
www.oliviergreif.com
…avec Salvador Dali, ca 1975 ©DR
« Kuhmo à Paris ». En avant-première
de ce célèbre festival, sera donné, le mardi
25
mai 2010
,
à
20h00,
en l’Institut finlandais de Paris, un grand concert de
musique de chambre présentant des œuvres de Kaija Saariaho, Matthew Whittall,
George Enescu, Clara & Robert Schumann. Avec le concours du Quatuor
Enesco et d’une dizaine d’autres interprètes.
Renseignements : 60,
rue des Écoles, Paris Ve. Tél. :
01 40 51
89 09
.
www.institut-finlandais.asso.fr ou : www.kuhmofestival.fi
Kuhmo Arts Center ©Anu Saikko
« Pierre
Boulez, un certain parcours ». Salle Pleyel. Ensemble intercontemporain &
Orchestre de Paris, dir. Pierre Boulez. Le jeudi 27 mai, à 20h00 : Brève anthologie (œuvres de Messiaen,
Bartók, Webern, Berg, Varèse, Debussy, Schönberg, Ravel, Stravinsky). Le
vendredi 28 mai, à 20h00 : Une
autre génération (œuvres de Berio, Carter, Donatoni, Stockhausen, Ligeti,
Kurtág, Boulez) / Et
maintenant ? (œuvres de Jean-Baptiste Robin, Helen Grime, Marc-André
Dalbavie).
Renseignements : 252, fg Saint-Honoré, Paris VIIIe.
Tél. :
01 42 56 13 13
. www.sallepleyel.fr
©Patrick Berger
Centenaire de la
disparition de Pauline Viardot (1821-1910). Pour cette commémoration, « L’opéra au
village » (www.loperaauvillage.fr)
va remonter Le dernier sorcier,
opérette qu’elle composa sur un livret de Tourgueniev. Partition
récupérée auprès de la Bibliothèque publique de New York & de la Bibliothèque
de Harvard… À cette occasion, Bernard Grimonet fera, le
16 mai 2010
, à
18h,
une conférence/présentation de l’ouvrage, au Musée
Tourgueniev (www.tourgueniev.fr).
L’historienne Michèle Friang donnera également diverses conférences (http ://holmes-viardot.blogspot.com).
« Les Frènes », à
Bougival ©DR
« La Trilogie
Mozart-Da Ponte » au Théâtre des Champs-Élysées. Du 25 mai au
11 juin 2010
, seront représentés Le nozze di Figaro, Così fan
tutte et Don Giovanni.
Ensemble vocal de l’Atelier lyrique de Tourcoing / La Grande Écurie &
La Chambre du Roy, dir. Jean-Claude Malgloire. Mise en scène :
Pierre Constant.
Renseignements : 15, avenue Montaigne,
Paris VIIIe. Tél. :
01 49 52 50 50
. www.theatrechampselysees.fr
Le Florilège vocal
de Tours, plus
grand rassemblement mondial de chœurs d’enfants & de chorales, déroulera sa
39e édition du vendredi 28 au dimanche 2010. Avec la
participation de 17 chœurs (4 d’enfants, 4 de jeunes et 9 d’adultes) venus de
12 pays : Angleterre, Belgique, Espagne, Estonie, France, Hongrie,
Norvège, Pologne, Royaume-Uni, Tchéquie, Singapour, Ukraine. Plus deux
chœurs français invités : Mikrokosmos et Stella Maris.
Renseignements : Grand Théâtre – 34, rue de la Scellerie,
37000
Tours. Tél. :
02 47 60
20 20
.
www.florilegevocal.com
Le 30e Festival international de musique d’Auvers-sur-Oise propose, du 27 mai au
2 juillet 2010
: « Arc-en-ciel
de sonorités ».
Renseignements :
01 30 36
77 77
. www.festival-auvers.com
Église d’Auvers, Van Gogh
Festival
Agora. Sur
le thème « Prototypes »,
cette manifestation de l’Ircam se déroulera, sur de nombreux sites parisiens,
du 7 au
19 juin 2010
. Concerts, conférences,
films, rencontres, démos…
Renseignements :
01 44 78
12 40
. www.ircam.fr/festival_agora.html
Maison de l’Amérique
du Sud. Le
21 juin 2010
, de
20h00
à 23h59 : « Fête de la
musique ! » Thème : Argentina
musical en el Bicentenario.
Renseignements : 217, bd
Saint-Germain, Paris 7e. Tél. :
01 49 54
75 35
.
http://culturel.mal217.org/fr/Agenda/Musique/Fete-de-la-Musique--Argentina-musical-en-el-Bicentenario-3549.htm
« Days Off ». Piloté par la Salle Pleyel
& la Cité de la musique, ce festival – dédié à des projets spéciaux ou
inédits avec des artistes du champ des musiques actuelles (rock à électro) – se
déroulera à Paris du 3 au
10 juillet 2010
. Avec,
notamment : Peter Doherty, Vincent Gallo & Sean Lennon, The Divine
Comedy, Cocoon…
Renseignements :
01 42 56 13 13
/
01 44 84
44 84
. www.daysoff.fr
« Les Hauts de
Hurlevent » (Wuthering
Heights), opéra en quatre actes & un prologue de Bernard Herrmann,
d’après le roman d’Emily Brontë, sera créé (en version concert) le
14 juillet 2010
, à l’Opéra Berlioz/Le Corum de Montpellier.
Orchestre national de Montpellier/Languedoc-Roussillon, dir. Alain
Altinoglu. Avec Laura Aikin, Rodney Gilfry, Vincent Le Texier, Hanna
Schaer, Yves Saelens, Marianne Crebassa, Nicolas Cavallier, Carlo Kang.
Il s’agit là de l’unique grand opéra composé par Bernard Herrmann [ci-dessous
avec Orson Welles].
Renseignements :
04 67 02
02 01
. www.festivalradiofrancemontpellier.com
©The Bernard Herrmann Estate
Le 32e Festival de Sablé se
déroulera du 24 au 28 août 2010. L’Académie
de Sablé, du 19 au 29 août 2010.
Renseignements : 02 43 62 22
20. www.sable-culture.fr
Francis Cousté.
***
Haut
Ludwig van BEETHOVEN. Orchestre
Philharmonia, dir. Riccardo Muti. Joshua Bell, violon. Théâtre des Champs-Élysées.
Riccardo Muti retrouvait, l’espace d’une soirée, le
légendaire orchestre Philharmonia (orchestre londonien, créé après guerre par
Walter Legge, qui vit se succéder à sa tête tous les plus grands chefs et
notamment le chef napolitain, dans les années 1970-1980), en compagnie du
violoniste américain Joshua Bell [notre photo], pour un programme entièrement consacré
à Beethoven. Le jeune surdoué nous livra une très belle interprétation du Concerto pour violon, composé et créé
en 1806. Un dialogue parfaitement équilibré avec l’orchestre, dirigé par
un Riccardo Muti complice et très à l’écoute. Une interprétation toute en
nuance et toucher, sachant associer une remarquable sonorité à un sublime
legato, à une virtuosité sans faille, notamment lors de ses cadences personnelles.
Un fabuleux bis (Souvenir d’Amérique de Vieuxtemps) concluait cette première partie. Vint ensuite la Symphonie n°3, dite « Héroïque »
composée entre 1802 et 1804, créée en 1805 à Vienne, sous la direction du
compositeur. Riccardo Muti en donna une vision contrastée, nuancée et
engagée, permettant de juger de la qualité et de la cohésion de l’orchestre.
Une direction élégante et précise, une belle sonorité de tous les pupitres, un
grand orchestre, une grande soirée musicale, conclue par un nouveau bis,
extrait de Rosamunde de Schubert, si
cher au cœur de Riccardo Muti, qui permit, une fois encore, de mettre en avant
le sens des nuances et le phrasé de l’orchestre, et eut pour effet de faire
lever la salle pour une ovation bien méritée.
©DR
Salle
Pleyel : Juan Diego FLÓRES en récital, cycle « Les grandes
voix ». Vincenzo Scalera, piano.
Le ténor péruvien était en récital Salle Pleyel, en
compagnie du pianiste Vincenzo Scalera, dans un programme associant des œuvres
de Cimarosa, Gluck, Rossini, Donizetti, Boieldieu, et quelques zarzuelas (sorte
d’opérettes populaires espagnoles) de Soutullo, Serrano et Vives. Le
ténor « rossinien » fut à la hauteur de sa réputation avec des aigus
puissants, une technique vocale sans faille, des pianos et un legato d’une
sublime langueur, un très beau timbre dans le registre médium, tout
particulièrement dans le répertoire de zarzuelas, qui devient, malheureusement,
légèrement métallique dans les aigus forte.
Ne boudons pas notre plaisir, ce fut un récital très réussi avec un
accompagnement au piano, lumineux et quasi orchestral. Les amateurs
pourront retrouver Juan Diego Flóres, tout prochainement, à l’Opéra de Paris,
dans son répertoire de prédilection, pour une nouvelle production de La Donna del Lago de Rossini. Nous
y serons.
©DR
Salle
Pleyel : Andrey BOREYKO, un grand chef à la tête de l’Orchestre
philharmonique de Radio France. Anne Gastinel, violoncelle.
Magnifique concert que celui donné par le chef russe Andrey
Boreyko, dans un programme entièrement russe consacré à des œuvres de Vladimir
Dukelsky, Tchaïkovski et Chostakovitch. Anne Gastinel a joué les Variations sur un thème rococo de
Tchaïkovski. Interprétation musicalement impeccable, belle sonorité mais
d’une froideur sans âme, ne méritant aucun commentaire. En revanche tout
notre intérêt s’est reporté sur le jeune chef, peu connu ou, du moins, peu
entendu à Paris, Andrey Boreyko, actuellement à la tête de l’Orchestre
symphonique de Düsseldorf, qui a fait ici montre d’une direction
particulièrement claire et inspirée dans Zéphyr
et Flore, commande des Ballets russes, musique de Vladimir Dukesky
(1903-1969), mais surtout dans la 9e Symphonie de Chostakovitch, œuvre peu jouée, créée en 1945 à Leningrad, sous la
direction de Mravinski. Une interprétation originale, revisitée,
intelligente, d’une formidable tension, marquant parfaitement l’alternance
entre l’atmosphère burlesque et l’effrayante gravité de l’œuvre.
Interprétation qui sut emporter une totale adhésion de la part des musiciens -
avec une mention particulière pour les clarinettes, bassons et cordes - et qui
mit en avant la belle sonorité, le sens des couleurs et la réactivité du
« Philhar ». Une heureuse rencontre, qu’il conviendra de
renouveler.
©Marcel Grubenmann
Patrice Imbaud.
L'Amant Jaloux à l'Opéra
Comique.
André-Ernest-Modeste GRÉTRY : l'Amant Jaloux ou les fausses apparences. Comédie mêlée d'ariettes en trois actes. Livret de Thomas d'Hèle. Magali Léger, Daphné Touchais, Maryline Fallot, Brad Cooper, Frédéric Antoun,
Vincent Blier. Le Cercle de l'Harmonie, dir. Jérémie Rhorer. Mise en scène : Pierre-Emmanuel Rousseau.
Grétry, un des musiciens préférés de Marie-Antoinette, est-il enfin réhabilité ? En tout cas, bien des atouts étaient réunis pour
présenter sa comédie L'Amant
Jaloux à l'Opéra Comique, en coproduction avec le Centre de musique baroque de
Versailles. Et d'abord la direction de Jérémie Rhorer, un
jeune chef qui s'impose désormais parmi les meilleurs de sa génération. Le sens de cette musique légère mais pas naïve, il la posséde naturellement : sa vivacité, presque véhémente par endroit, en
particulier dans les ensembles qui souvent s'enchaînent à un air ; son originalité aussi comme telle aria accompagné
de la mandoline, lui conférant une savoureuse couleur ; la
faconde mélodique encore qui fait que, malgré les intermèdes
parlés, on n'a pas l'impression d'une rupture musicale. Son ensemble orchestral, le Cercle de l'Harmonie, fait des merveilles
par ses sonorités enjouées. La mise en scène de Pierre-Emmanuel Rousseau ne
cherche pas à moderniser ce qui
ne pourrait l'être que
difficilement. Plutôt qu'à une reconstitution, il dit s'être
livré à une « relecture éclairée ». Sagement, s'attache-t-il à recréer les atmosphères de la comédie
baroque et à trouver le ton juste pour donner vie à ce mélange original de
chant et de déclamation, une des marques du genre dit du demi-caractère. Certes, la trame est mince, un marivaudage amoureux avec ses
chassés-croisés et rebondissements prévisibles, mais elle est emplie d'esprit. Le parodique n'en est pas le moindre trait de curiosité. La jolie décoration de toiles peintes et le recours à quelque
machinerie permettant
d'aériens changements à vue aide beaucoup. Plutôt bons acteurs, les interprètes sont parfois
un peu dépassés (Magali Léger) par les contraintes particulières d'une ligne de
chant dont on a trop oublié les exigences. Car
les ariettes dont il s'agit peuvent donner lieu à quelque déferlement
acrobatique. La spécificité de ce chant raffiné qui mérite lui aussi d'être
réhabilité, on la mesure chez tel autre s'en acquittant avec art (Frédéric
Antoun). Le plaisir est alors
rare.
©Pierre Grosbois
Charles Mackerras dirige La Petite Renarde rusée au Royal
Opera.
Leoš JANÁČEK : La Petite Renarde rusée. Opéra en trois actes. Livret de l'auteur,
d'après Rudolf Tesnohlidek. Emma Matthews, Christopher
Maltman, Elisabeth Meister, Robin Leggate, Matthew Rose, Jeremy White,
Elisabeth Sikora. Orchestra of the Royal Opera House, dir. Sir Charles
Mackerras. Mise
en scène : Bill Bryden.
©The Royal Opera/Johann Persson
Avec La
Petite renarde rusée,
l’un de ses opéras les plus singuliers, Leoš Janáček mêle mythe, folklore et anecdote. Au-delà de la fable des animaux aux prises avec les humains, où les
premiers tiennent le langage des seconds, tandis que les hommes fantasment au
contact du monde animal, voilà un bel hymne à la liberté et à l'éternel
recommencement du cycle de la nature. Évoluant
entre comédie et tragédie, la pièce invite à une réflexion sur le sens de la
vie et la relativité de toute
chose : ces
humains si faibles dans leurs sentiments, comparés au volontarisme aventureux
des animaux. D'une
formidable concision, le récit est aussi l'occasion d'une fine galerie de
portraits dont Fine-Oreille, la renarde espiègle qui n'hésite pas à semer le
vent de la révolte chez ses pairs, amoureuse d'un goupil, et si téméraire au
prix même de sa vie. La production du Royal Opera combine habilement
réalisme et symbolisme en un compromis que traverse une intense poésie. Il règne une joyeuse exubérance dans la succession rapide des tableaux
souvent joliment chorégraphiés. Un
parfum de légèreté naïve habite la décoration (William Dudley) qui se souvient
sans doute de ces délicieuses vignettes dont s'est inspiré l'auteur. Une amusante machinerie emplit l'espace enchanté de la forêt, son mystère, sa magie : évolution gracile des insectes dans les airs,
façon trapèze volant, difficile progression des hommes sur un chemin en forme
de roue, pas toujours hospitalier, celui-même de la vie. Qui mieux que Charles Mackerras, spécialiste de l'idiome de Janáček, peut traduire la fugacité d'une musique si concise et la mélancolie subtile qui l'imprègne ! Son orchestre est une merveille de raffinement.
Tout comme est exemplaire la distribution, dominée par le sobre garde forestier
de Christopher Maltman et
la preste et futée renarde d’Emma Matthews.
©The Royal Opera/Johann Persson
Tamerlano entre au répertoire du Royal
Opera.
George Friderich HAENDEL : Tamerlano. Opéra en quatre actes. Livret de Nicola Francesco Haim. Kurt Streit, Christine Schäfer, Sara Mingardo,
Tara Venditti, Renata Pokupic, Vito Priante. Orchestra of the
Age of Enlightenment, dir. Ivor Bolton. Mise en scène : Graham Vick.
©The Royal Opera/Catherine Ashmore
Situé entre Jules
César et Rodelinda, Tamerlano est un des opéras les plus sombres de Haendel. Dans ce drame des extrêmes, deux fous de guerre - le sultan Bajazet défait par l'empereur Tamerlan - prolongent leur barbarie
sur le plan psychologique. Curieusement, c'est le vaincu, Bajazet, qui tient le premier plan. Son suicide parachèvera la résolution d'un homme préférant la mort à une
liberté à la merci du vainqueur. Autre particularité : ce dernier rôle est écrit pour un ténor, fait peu ordinaire à une
époque dominée par les castrats. Certes, l'intrigue amoureuse occupe une place de choix, mais elle ne distrait
que peu de la trajectoire héroïque des deux héros. La mise en scène de Graham Vick au Royal Opera de Londres mise
justement sur ce qui ressortit ici à quelque huis clos racinien. Au dépouillement de la décoration, d'un fin esthétisme, où dominent le noir et le blanc, répond la sobriété de la gestuelle empruntée au
vocabulaire de la tragédie. C'est que les récitatifs accompagnés, fort développés ici en d'amples tableaux
scéniques, construisent un drame intense émaillé d'énergiques confrontations. Une rhétorique de figuration en second plan permet une
fascinante mise en perspective des caractères principaux, dont quelques évocateurs arrêts sur image soulignent la véhémence du combat singulier. Les interprètes l'habitent de manière saisissante. Kurt Streit - remplaçant Placido Domingo souffrant - trace un
grandiose portrait de Bajazet, phénix déchu, défiant l'adversaire d'hier. Un florilège de rôles féminins, maniant à la perfection ces
folles ornementations que Haendel distille sans ménagement, enlumine l'opéra : radiance des sopranos, Christine Schäfer en
particulier, couleur moirée des voix graves, dont la contralto Sara Mingardo. Voilà une démonstration de vocalité exigeante, soutenue par les
sonorités généreuses d'un orchestre baroque de haut vol sous la direction avisée, même si un brin guindée, d’Ivor Bolton.
©The Royal Opera/Catherine Ashmore
Treemonischa, entre
opéra et romance américaine.
Scott JOPLIN : Treemonisha. Opéra en trois actes. Livret du compositeur. Orchestration de Gunther Schuller. Adina
Aaron, Stephen Salters, Willard White, Grace Bumbry, Loïc Félix. Ensemble orchestral de Paris, dir. Kazem Abdullah. Mise en scène : Bianca Li.
L'initiative était certes intéressante de présenter Treemonisha de
Scott Joplin, une pièce quasiment inconnue en France. Terminée en 1911, elle attendra même un quart de siècle pour voir les
honneurs d'une production professionnelle (en 1975 au Houston Grand Opera). Scott Joplin, connu pour être « le roi du ragtime », a voulu
composer avant tout quelque chose de sérieux, un opéra afro-américain par son sujet, sur le modèle européen par sa facture. À défaut d'action structurée, la pièce livre un message, lui-même multiple : un conte moral où il ne sert à rien de rendre le mal pour le mal ; l'intérêt de l'intégration des minorités, en
l'occurrence une petite communauté noire de l'Arkansas ; la victoire de l'éducation sur la superstition, à
l'aune du destin de cette enfant trouvée au pied d'un arbre, élevée par des
parents adoptifs, qui sera appelée, du fait de son niveau
d'instruction, à guider un groupe en mal de reconnaissance, encore bien proche
des croyances de sorciers habitant la forêt. Reste qu'il s'agit de trouver quelque unité à ce qui est disparate, un
patchwork mêlant sermons, débordements emphatiques, danses rituelles. Musicalement, la partition ne manque pas d'intérêt avec son
mélange de styles et ses grands passages choraux, même si l'inspiration souvent
retombe. En tout cas, le chef Kazem Abdullah fait
au mieux pour
lui donner vie et l'Ensemble orchestral de Paris réussit à donner une belle saveur à la soirée. La couleur, on la trouve à profusion dans la décoration de
Roland Roure qui stylise avec fantaisie un univers onirique. La mise en scène de la chorégraphe Bianca Li mise sur le premier degré
naïf, et les protagonistes sont dirigés a minima. Les
choses ne s'enflamment que lors des passages dansés où l'on retrouve l'entrain
communicatif de mouvements décalés, sans cependant atteindre la fulgurance à
laquelle on s'attendait. La distribution qui aligne vedettes opératiques - voire
même vétérans (Grace Bumbry) - et jeunes recrues, pèche par son manque de relief et quelques fâcheries
avec la justesse. Seul Willard White se tire d'affaire grâce à l'aura
et au métier qu'on lui connaît.
Jean-Pierre Robert.
Haut
La Donna
del Lago à Garnier
C'est avec un Rossini rare,
empruntant à la veine seria, que va se clore la première
saison de Nicolas Joel à l'Opéra de Paris. D'après le roman de Walter Scott, La Dame du Lac (1819)
narre une belle histoire d'amour sur fond de chevalerie et d'univers
fantastique d'un loch écossais. Pleine d'élan, la musique
préfigure le drame romantique italien. Surtout, elle enveloppe un chant élégant qui s'épanche en autant de cavatines
fleuries et d'ensembles enlevés dont les chœurs ne
sont pas le moindre fleuron. Une distribution prestigieuse
de spécialistes du bel canto rossinien et une équipe artistique de premier plan
devraient conduire au succès cette « création » scénique
parisienne. Opéra Garnier, les 14, 18, 21, 24, 30 juin, 2,
5, 7, 10 juillet 2010 à 19h30 ; le 27 juin à 14h30.
Renseignements : 02 92
89 90 90. www.operadeparis.fr
Ezio
Frigerio : Maquette du décor
Lever de rideau sur la saison 2010/2011
Une riche
saison à l'Opéra Comique.
©Opéra
Comique
L'Opéra Comique qui, selon
son directeur, est « un lieu de renouveau du
répertoire », propose une saison marquée au coin de la fantaisie. L'incontestable événement en sera la « recréation »
de la production mythique de Atys de
Lully qui, en 1987, avait marqué la
renaissance du Baroque sur les scènes françaises et révélé celui
qui allait devenir un de ses plus grands défenseurs, William Christie. Celui-ci reviendra diriger et Jean-Marie Villégier reprendra sa mise en scène
(du 12 au 21 mai 2011). Autre pièce de Lully : on
reprendra Cadmus et Hermione qui
connut un beau succès dans la régie proche de la reconstitution historique due
à Benjamin Lazar (du 29 novembre au 5 décembre). Les
autres nouvelles productions témoignent de l'ambition artistique
affichée : Cendrillon de
Massenet reverra enfin le jour dans le théâtre où il fut créé. Ce
sera sous la direction de Marc Minkowski et dans une mise en scène signée de
Benjamin Lazar (du 5 au 15 mars). Autre
grand chef habitué de la salle Favart, John Eliot Gardiner dirigera Le
Freischütz de Weber, dans l'adaptation française due à
Berlioz (du 7 au 17 avril). La pochade humoristique Les
Mamelles de Tirésias de
Poulenc, créée dans ce théâtre en 1947, sera donnée - avec Le Bœuf sur le toit de
Milhaud - dans une mise en scène de Macha Makeïeff, coproduite avec l'Opéra de
Lyon (du 7 au 13 janvier). Les
Fiançailles au couvent de Prokofiev, magistrale pièce comique,
viendront du Capitole, sous la baguette de son chef Tugan Sokhiev (du 28
janvier au 3 février). Un autre opéra bouffe, d’Offenbach, Les Brigands, sera monté dans la mise en scène naguère créée
par les Deschamps pour l'Opéra de Paris (du 24 juin au 2
juillet).
Désormais fidèle à sa
politique de création, la Salle Favart donnera, en
première mondiale, deux pièces : Cachafaz, « tragédie barbare » d'Oscar
Strasnoy, sur un texte de Copi (les 13 et 14 décembre), et Re
Orso - Le Roi Ours -, « fable musicale » de Marco
Stroppa, d'après le poème d’Arrigo Boïto (du 9 au 15 juin).
Enfin, les spectacles lyriques
seront l'occasion des incontournables « Rumeurs » en forme de
concerts, dont un partenariat avec le Philharmonique de Radio France,
spectacles et autres récitals donnés en miroir. À noter
encore des rencontres et colloques qui font de cette salle un lieu
d'échanges unique. Formules d'abonnements, passeport
jeunes.
Renseignements : 1,
place Boieldieu, 75002 Paris. Tél. : 0825
01 01 23. www.opera-comique.com
La saison
2010-2011
à La Monnaie de Bruxelles.
©La
Monnaie
La prochaine saison de La
Monnaie est placée sous le signe du diptyque tolérance-intolérance. Car
aussi bien, note son directeur, Peter de Caluwe, « le répertoire lyrique
est un réservoir d'œuvres en écho avec cette
thématique ». Des présentations scéniques,
sûrement engagées, l'illustreront amplement. De
Meyerbeer avec Les Huguenots (du 11 au 30 juin 2011,
mis en scène par Gilbert Py et sous la direction de Marc
Minkowski) à Luigi Nono et Intellorenza 1960 (les
27 et 29 avril), de Yvonne, Princesse de Bourgogne (création belge, du 9 au 21 septembre 2010, dans la superbe mise en scène de
Luc Bondy - vue à Garnier - sous la direction de Patrick Davin) à Katia Kabanova (du
26 octobre au 14 novembre, régie de Andrea Breth) ou encore à Nabucco (les
26, 28, et 30 avril), violence et intolérance se partageront ainsi l'espace
dramatique. Le rattachement au thème est sans doute plus ténu
avec Parsifal où domine l'idée de compassion (du 17 janvier au
20 février 2011, sous la baguette toujours inspirée de Harmut Haenchen et dans
une mise en scène de Romeo Castelluci), ou encore La
Finta Giardiniera de Mozart qui magnifie l'idée
de pardon (du 13 au 30 mars, dans une reprise de la régie de Karl et Ursel
Herrmann, et sous la direction de Jérémie Rhorer, décidément très courtisé ces
temps), voire La Bohème (du 10
au 31 décembre 2010, dans une mise en scène de Andrea Homoki et sous
la direction de Carlo Rizzi).
On donnera encore deux pièces
du compositeur japonais Toshio Hosokawa : la création mondiale
de Matsukaze (du 3 au 11 mai, dans une régie de Sasha Waltz)
et une reprise de Hanjo, créé en 2004 à
Aix-en-Provence (du 10 au16 avril, mise en scène de Teresa De Keersmaeker). Une
exécution en concert de Così fan tutte sera
l'occasion d'apprécier l'art unique de
René Jacobs qui dirigera le Freiburger Barockorchester (21/9). Enfin, des récitals proposeront les voix d'or de Marie-Nicole Lemieux (16/9),
Sally Matthews (11/10), Christine Schäfer (17/12), Mark Padmore (10/1),
Stéphane Degout (12/2), Andrea Rost (18/4) et Thomas Hampson (4/6).
C'est donc une saison
éclectique, riche d'événements et d'inattendus, qui
se prépare à Bruxelles et que soude l'idée qu'« une
réflexion sur les thèmes de la tolérance et de l'intolérance est une réflexion
sur les conditions nécessaires à une vie commune, à la coexistence de la
diversité » (ibid.).
Renseignements : La
Monnaie/ De Munt - 23, rue Léopold, B-1000
Bruxelles. Tél. : 00 32 70 23 39 39.
www.lamonnaie.be
Jean-Pierre Robert.
Quelques échos pianistiques...
...avec Chopin
La saturation nous menaçant dès le
premier trimestre de l'année Chopin – qui occulte l'autre bicentenaire, celui
de Schumann ! -, encore faut-il que les nombreux marathoniens de ce parcours
obligé nous apportent autre chose qu'élégante musicalité de jeunes filles en
fleurs.
Ainsi François Chaplin (Salle Gaveau, le 16 mars 2010), fort de cette sonorité chaude, aux
prolongements profonds, que nous aimons retrouver chez lui, réussit-il à nous
faire encore découvrir des paysages ombreux dans les Nocturnes ; il
s'attache aux replis de l'âme qui se nourrissent d'une gravité autrement plus
expressive que les séductions belliniennes déliées par des doigts plus
virtuoses – mais parfois plus superficiels – que les siens. Lesdits Nocturnes l'avaient déjà engagé dans
un parcours discographique (chez Mandala, octobre 1998) ; il accomplit
aujourd'hui l'intégrale de ce journal intime savamment médité chez Zig-Zag
Territoires (ZZT 100203.2), avec un sens des climats dramatiques que sert
le choix d'un beau piano Yamaha à la sonorité accordée au ton du pianiste.
François Chaplin, DR
Mais un véritable événement de
l'année Chopin se déroula paradoxalement dans un lieu confidentiel et inadapté,
sur un piano encore plus inadapté, et par un artiste qui sait si bien
contourner les incontournables. Le magnifique musicien qu'est Jean-Claude
Pennetier aura, au fil des ans, voyagé à travers les répertoires les plus
inusités aussi bien que préservé des ancrages « classiques », passant
aisément de la musique contemporaine à la musique de chambre. Sacrifiant à son
tour à l'anniversaire chopinien dans le petit cinéma reconverti de L'Archipel
qui organise un cycle Chopin-Schumann, Jean-Claude Pennetier (26 mars 2010) prenait
le parti de nous faire redécouvrir la densité du message contenu dans des pages
si souvent galvaudées, à la lumière de tout ce que son acquis dans la musique
d'aujourd'hui lui fait entrevoir « d'au-delà du temps ». Devant
vaincre l'agressivité disproportionnée d'un Fazioli (parfois malmené par
d'autres pianistes !) dans cette petite salle à l'acoustique non conçue
pour le concert, il entreprit de timbrer avec une intense musicalité la moitié
de son programme dans la pédale « una corda » : le résultat
était stupéfiant de mystère et de chaleur, sans appauvrissement de l'émission
instrumentale – bien au contraire ! – tant il préservait une homogénéité
de « grain » sonore à travers la palette des nuances. En somme,
la signature –audacieuse – d'un grand pianiste. Le spectacle prenait
l'apparence d'un salon littéraire, grâce à l'excellent choix de textes opéré
par la comédienne Marion Maret (Proust, Mickiewicz, Baudelaire, choix de
lettres et d'articles...) ; sa diction très claire n'était pas exempte
d'une malice de bon aloi lorsque certaines réactions « datées »
resurgissaient de temps révolus.
Concernant l'actualité
discographique de Jean-Claude Pennetier, nous recommandons chaudement de suivre
son intégrale Fauré chez Mirare (Vol. 1 : MIR 072 ; le
Vol. 2 sera enregistré en 20I1).
Jean-Claude Pennetier, DR
...ou sans Chopin
On est tout de même bien heureux
que certains artistes se souviennent... qu'il n'y a pas que Chopin dans la vie
d'un pianiste !
Ainsi Philippe Cassard – un
musicien à la pensée toujours en action – se penchait sur les derniers recueils
de Brahms qui ont fait l'objet de son récent disque. Son programme de
l'Athénée-Louis Jouvet (30 mars 2010) construisait une généalogie inattendue,
de Schumann à Brahms, puis à Webern (Variations op.27). Certes,
la plénitude harmonique de la Fantaisie op.17 de Schumann prépare à
la densité du langage concentré sur l'essentiel par lequel Brahms a confié au
piano le poids d'un vécu sans concessions ; mais le traitement du son
épars au milieu du silence qui caractérise l'écriture sérielle de Webern,
semble une conséquence extrême, voire apparemment antagoniste (mais
« apparemment » seulement), de la concentration brahmsienne :
ainsi jette-t-il des lueurs inusitées sur l'équilibre de ce récital. Rien
ne comble plus que d'entendre les vingt pièces ultimes de Brahms à la suite,
comme sur le disque de Philippe Cassard (Accord 480 3412) : les
réflexions intimes s'y parent de détours harmoniques, d'audaces imprévisibles,
d'interrogations suspendues, d'affirmations véhémentes ; elles invitent à
aller chercher la sève musicale au fond du clavier, dans ces graves profonds
qui soutiennent toujours l'édifice brahmsien. L'intelligence musicale, la
beauté du son, la vérité des atmosphères par lesquelles Philippe Cassard les
cerne, laissent une émotion durable. C'est un disque auquel on revient
avec ferveur.
Philippe Cassard, DR
Le jeune virtuose qui a le vent en
poupe s'appelle Bertrand Chamayou : son mérite, dans l'avalanche de
propositions dévalant vers lui, est de conserver du temps pour la musique
contemporaine et la pratique chambriste. Sa formidable technique fait
merveille dans Liszt ; on a encore pu le constater lors des deux récitals
qu'il a donnés, l'un au Théâtre du Châtelet (7 mars 2010), l'autre dans le
cadre acoustiquement et architecturalement plus inspirant – mais hélas de
capacité réduite – du prieuré de Saint-Cosme où vécut Ronsard (20 mars 2010).
Des effluves de l'Année suisse de Pèlerinage puis un détour par Venezia
e Napoli nous ont permis d'apprécier la très précise réponse de
l'articulation qui assure une limpidité parfaite aux traits, ainsi que la
beauté d'une sonorité à la luminosité sensible assortie d'un romantisme très
épuré dans l'interprétation. On s'avoue moins convaincu par la manière
dont Bertrand Chamayou aborde César Franck : Prélude, Choral et Fugue figurait au programme de ces récitals comme de son dernier disque (Naïve
V 5208, comportant aussi Prélude, Aria et Final) ; malgré la
très intelligente préface de sa plume introduisant celui-ci, le jeune pianiste
semble négliger le terreau organistique de l'écriture franckiste. En un
mot, son Prélude manque de 16 (voire de 32) pieds. L'artiste
s'attache à faire trop « joli » dans une musique qui requiert de la
puissance et de la profondeur. On se lasse vite d'entendre un Franck émasculé,
tiré vers une esthétique du son à la française, avec des afféteries lorgnant vers
des poses impressionnistes, lui dont le pianisme d'essence « symphonique »
transmet l'influence de ses ascendances allemandes. Passons sur l'authentique
version en duo de Prélude, fugue et variation avec l'abominable son
d'accordéon d'un harmonium tenu par Olivier Latry, et notons que le moment marquant
du disque est à chercher dans Les Djinns où – plus encore que dans
les Variations symphoniques – Stéphane Denève, à la tête du Royal
Scottish National Orchestra, entraîne le pianiste par sa propre flamme. Il
n'aura échappé à personne que les meilleurs chefs français (Bertrand de Billy,
Stéphane Denève, d'autres encore...) font de brillantes carrières à l'étranger
– carrières pleinement méritées – alors qu'il leur est quasiment dénié le droit
de monter sur un podium français (chacun sait que le plus anonyme des
Américains fait mieux dans le tableau qu'un Français : ô snobisme,
quand tu tiens les institutionnels – les zinzins comme disent les
financiers lorsqu'ils soulignent dans leur malicieux jargon l'allitération des-z-investisseurs-z-institutionnels...).
Bertrand Chamayou ©DR
...à deux pianos
Le triomphe le plus éclatant de ce
mois pianistique couronnait le concert en duo de Brigitte Engerer et Boris
Berezovsky (Salle Pleyel, 27 mars 2010). De fait, la rondeur de la
sonorité charnue de Brigitte Engerer surclasse l'attaque plus métallique de son
partenaire, ce que l'échange des pianos d'un artiste à l'autre permettait de
vérifier au fil du programme. Il n'en est pas moins évident que la qualité
« fusionnelle » de leur duo, quant à la réponse musicale, résulte
d'un « arbre généalogique » commun : celui de l'école russe.
Les cinq années passés par Brigitte Engerer au Conservatoire de Moscou auprès
du légendaire Stanislav Neuhaus, en ont fait une digne représentante du
puissant pianisme russe. Rien ne pouvait mieux s'accorder au somptueux
programme Liszt-Rachmaninov de la soirée : les deux artistes déchaînaient
un romantisme « déboutonné », libéré, dans le Concerto pathétique
pour deux pianos de Liszt, un entrain pétulant dans la Rhapsodie
hongroise n°2 arrangée à 4 mains en 1874 (entrain tout aussi piquant
dans une succession de « bis » puisés aux sources populaires russes
ou américaines). Leur interprétation s'avérait saisissante par
l'électrisante vivacité gouvernant les virages rythmiques et expressifs négociés
comme par une seule tête. Quant aux deux Suites pour deux pianos
de Rachmaninov, elles recevaient une interprétation idéale, tant l'ampleur du
flux se déversant d'un clavier à l'autre, l'enthousiasme communicatif,
l'harmonie des sentiments, parcouraient d'un seul élan la variété de climats
s'y succédant. Il y a une jeunesse bondissante dans la complicité entre
Brigitte Engerer et Boris Berezovsky, en même temps que le poids d'une longue
pratique d'artistes expérimentés. Le public ne s'y est pas trompé, les
ovationnant d'un seul cœur.
La « Saison Blüthner »,
organisée par la fabrique de pianos du même nom pour promouvoir ses
instruments, nous donnait à entendre en duo Jonas Vitaud et Juliana
Steinbach (22 mars 2010 au Théâtre de l'Athénée-Louis Jouvet). On
passera sur le fait que les pianos Blüthner souffrent encore d'une résonance un
peu courte, qui tronque l'expansion sonore de leur bouquet d'harmoniques, et
que les sonorités des duettistes n'étaient guère très assorties, celle de la
jeune femme s'avérant un peu gracile par rapport à l'étoffe plus virile de son
partenaire. Un beau programme Debussy-Ravel-Stravinsky (à 4 mains,
en solo, à deux pianos), maîtrisé avec une très sûre réponse technique, mettait
en valeur l'engagement des deux artistes dans le répertoire moderne.
Jonas Vitaud – qui, par ailleurs, a résolument choisi de consacrer une part de
son activité aux compositeurs vivants – sait efficacement tirer des ressources
orchestrales du clavier, qu'il s'agisse des quelques pages de Debussy qu'il a
jouées en solo, ou de la transcription pour deux pianos du Sacre du printemps.
Juliana Steinbach, DR
...et plus si affinités
Saisissons l'occasion d'attirer
l'attention sur le premier disque (Oehms OC 730, distr. Codaex) de Jonas
Vitaud associé à Julien Dieudegard (violon) et Noémi Boutin (violoncelle)
pour former le Trio Cérès : écoutez comme le 1er mouvement
du Trio op.120 de Fauré chante, respire, enfle ses voiles, avant la
chaude intimité enveloppant la mobilité harmonique de l'Andantino, puis
l'imprévisibilité des sinuosités virevoltantes de l'Allegro vivo.
Le Trio de Ravel
appellerait maintes réflexions sur ce que des interprétations différentes font
ressortir derrière le masque d'une architecture rigoureuse : le Trio Cérès
privilégie des qualités de translucidité du son, de fluidité du propos, de
mystère de l'attente harmonique (Modéré), d'élégance (Pantoum),
de mélancolie sublimée (Passacaille), de véhémence contrôlée (Finale),
là où, par exemple, le trio Frank Braley – Renaud et Gautier Capuçon (Virgin)
allait chercher de bouleversantes couleurs dépressives et une ampleur de
sonorité quasi « symphonique ».
On pourrait esquisser de
similaires confrontations en écoutant ce « classique » de la musique
de chambre contemporaine qu'est le Trio de Philippe Hersant : Variations sur la « Sonnerie de Sainte-Geneviève-du-Mont » de Marin Marais (1998). La version de Jonas Vitaud et de ses
partenaires fait errer des silhouettes fantomatiques, se nouer des écharpes de
brume, entre les rappels de volées de cloches. Les trois jeunes artistes
équilibrent fort bien leurs timbres en glissant d'une évocation rêvée à des
réminiscences diffuses. Or on était – et on demeure – sous l'emprise de
l'interprétation, empreinte d'un dynamisme plus présent, d'Alice Ader entourée
de Christophe Poiget et Isabelle Veyrier (disque MFA-Radio-France) : chez
eux nous saisissaient des clairs-obscurs, des striures jetant des éclairs
ambigus sur la puissance des vibrations de cloches environnées d'orages et
soutenues par les formidables graves d'Alice Ader dont le timbre incomparable
portait les résonances de l'ensemble. N'est-ce pas finalement à la gloire
de Philippe Hersant que d'avoir composé une partition à partir de laquelle des
interprétations si divergentes peuvent révéler des paysages, certes nimbés
de mystères, mais bel et bien brossés d'un pinceau suggestif ?
...jusqu'au
pianiste-chef
L'Orchestre national d'Île-de-France
s'offrait une parenthèse chambriste en compagnie de Jean-François Heisser (Auditorium
Saint-Germain,12 avril 2010) : quelques-uns de ses « souffleurs »
jouaient avec lui le Quintette pour piano et vents op.16 de Beethoven
(alors âgé de 26 ans), tandis que les archets se regroupaient pour l'Octuor op.20 de Mendelssohn (alors compositeur prodige de 16 ans). De tels
rendez-vous permettent de mesurer – outre les progrès de l'ensemble –
l'investissement que donnent les musiciens dans ces moments privilégiés où ils
peuvent s'exprimer moins anonymement que parmi les rangs de l'orchestre.
On confessera s'ennuyer fréquemment à l'écoute du Quintette de
Beethoven, trop souvent traité comme – ce qu'il est ! – un rejeton
prématuré du jeune lion rugissant. Mais Jean-François Heisser, s'emparant
de la partition, a saisi avec détermination tout ce qui s'y trouve en germe de
la future « patte » léonine : ainsi la musique jaillit-elle avec
bien plus de caractère.
Le surlendemain (Salle Gaveau, 14
avril 2010), le pianiste retrouvait, face à l'Orchestre d'Île-de-France en
formation « classique », son double costume de chef et de soliste
qu'il endosse si régulièrement à la tête de l'Orchestre de Poitou-Charentes :
le chef dirigeait avec une énergique pugnacité rythmique l'Ouverture des Créatures
de Prométhée et la 4e Symphonie de Beethoven.
Nulle concession à des révérences classicisantes, ici : tout Beethoven est
dans chaque accent, dans chaque flux thématique, avec ses opiniâtres
affirmations, ses feintes débouchant sur des ruptures dramatiques, son altier prophétisme.
D'un effectif réduit, Jean-François Heisser tire la puissance d'impact qui
s'impose. Entre les deux partitions, il sait dégager du Concerto
n° 25 de Mozart (en ut majeur comme la prométhéenne Ouverture)
les traits qui homogénéisent son programme. Ou comment donner un sens
d'éclairages croisés à un appariement qui pourrait n'être que succession
chronologique. Déplorant que ce concerto soit moins aimé que certains de
ceux qui le précèdent ou le suivent, Jean-François Heisser fait tout pour y
déceler les germes d'un avenir que réalisera Beethoven. Le courant passe
avec un évident bonheur entre l'Orchestre et son invité, laissant présager
d'autres collaborations.
Le mois prochain, nous vous
reparlerons de Jean-François Heisser, dans le cadre d'une captivante collection
qui naît chez Actes-Sud. À suivre...
Jean-François Heisser ©DR
Sylviane Falcinelli.
ORGUE
Gunther
Martin GÖTTSCHE & Martin WEYER : Kleine
Choralvorspiele und Begleitsätze zu den Liedern des evangelischen Gesangbuches
– Ostern bis Ende des Kirchenjahres. Bärenreiter : BA 9273,
2010. 95 p. 29,95 €.
Les organistes et chefs de chœur apprécieront ce
volume de « Petits Préludes de chorals » pour orgue permettant
d’introduire ou de conclure le chant d'assemblée, lors des cultes. Il est
accompagné des harmonisations contemporaines à 3 et 4 voix destinées à la
chorale paroissiale. Les mélodies traditionnelles sont respectées ;
les textes, parfois légèrement actualisés. Plus de 50 chorals couvrent
les temps de Pâques jusqu’à la fin de l’année liturgique. Il s’agit de
compositions modernes de G. M. Göttsche (1953-) - Kirchenmusikdirektor (KMD), concertiste
et organiste liturgique, qui compose depuis 1981 - et de M. Weyer (1938-) -
musicien d’église, musicologue, éditeur et professeur émérite de Musicologie à
l’Université de Marburg, privilégiant la musique d’orgue française et de
J. S. Bach. Dans l’ensemble, ces chorals sont accessibles à des
organistes non professionnels et des chorales d’amateurs. Excellente
initiative des éditions Bärenreiter, complétant ainsi le vaste corpus de
chorals baroques et romantiques.
Édith Weber.
CANTATILLES
François
COLIN DE BLAMONT (1690-1760) : Les
Regrets des Beaux-Arts. « Patrimoine musical français »,
Éditions du Centre de musique baroque de Versailles (http://editions.cmbv.fr) :
CAH. 150. 20 p. 12 €.
Pour voix de baryton (du do#2 au sol3) ou voix de
femme (moyennant une octaviation et quelques aménagements), cette cantatille
propose une « ouverture en rondeau » pleine d’éclat, un récit
d’Apollon puis deux airs (Gracieux sans lenteur / Gay), sur des textes de
Pierre-Charles Roy. Nomenclature : hautbois 1 & 2, basson,
trompette, timbales, violons 1 & 2, basse, basse-taille et basse continue.
François
COLIN DE BLAMONT (1690-1760) : Le
Départ de la Renommée. « Patrimoine musical français »,
Éditions du Centre de musique baroque de Versailles (http://editions.cmbv.fr) :
CAH. 213. 12 p. 8,50 €.
Nonobstant un ambitus restreint (du do#2 au sol3), cette cantatille pour voix de femme comporte maintes
vocalises, de manière à rendre le vol des Nymphes évoqué par le texte de l’abbé
Pellegrin : « Ô vous qui d’une
aile légère… ». Nomenclature : violons 1 & 2,
hautbois, basse et basse continue.
GRAND
MOTET
Nicolas
BERNIER (1665-1734) : Cantate
Domino… quia mirabilia fecit (psaume 97). « Patrimoine
musical français », Éditions du Centre de musique baroque de Versailles (http://editions.cmbv.fr) :
CAH. 189. 64 p. 20,00 €.
Ce motet fait appel à un orchestre à la
française, à 4 parties : dessus de violon (parfois divisés),
hautes-contres, tailles et basses de violon pour les cordes, avec flûtes et
basse continue. Nicolas Bernier met ici en valeur le caractère jubilatoire
et laudatif du psaume 97, ménageant de forts contrastes pour traiter
chaque verset selon son caractère. À remarquer le grand récit de basse
taille accompagné par flûtes & violons dans le Recordatus est (n°IV) ou le très beau chœur Jubilate Deo (n°VI).
FLÛTE À
BEC
Irmhild BEUTLER & Sylvia
Corinna ROSIN : Kraut & Rüben (« Sens dessus
dessous »). Spielbuch 1 für die Sopran-Blockflöte.
« Breitkopf Pädagogik », Breitkopf (www.breitkopf.de) :
EB 8815. 13,50 €.
Brèves et faciles - et plaisamment
illustrées par Marlies Walkowiak -, ces pièces pour flûte à bec soprano (avec
accompagnement ad lib. d’un piano, d’une seconde flûte, d’une
percussion ou d’une guitare - chiffrages notés) ont été sélectionnées dans une
perspective pédagogique ; elles n’en pourront pas moins être exécutées en
concert (chansons populaires ou enfantines, canons, musiques du monde…).
D’utiles informations didactiques (mais en seule langue tudesque…) sont
fournies avec la partition de piano.
Francis Gérimont.
PIANO
Horia SURIANU : SonaTanoS pour piano. Combre : C06633.
Cette œuvre dont le
nom évoque un aspect diabolique l’est certainement par son rythme qui se meut
dans des mesures variables mais où la croche est toujours la base obstinée.
Voici une œuvre attachante et tonifiante de ce compositeur d’origine roumaine
mais installé en France et naturalisé depuis longtemps. Titulaire d’un premier
prix de composition du Conservatoire national de Bucarest, il est également
titulaire d’un doctorat de l’Université Paris I où il enseigne également.
Sophie ALLERME
LONDOS & Nicolas NEIDHARDT :
Your turn to improvise… À vous d’improviser… Approche de l’improvisation
pour piano. 1vol. 1CD. HL Music (Lemoine) : 28861 H.L.
Il est bien
difficile de mener sur les chemins de l’improvisation. Différentes méthodes
existent, souvent fondées sur le propre chemin personnel de leur auteur. Mais
tous les chemins mènent à Rome… Saluons donc ici le travail très pratique que
nous proposent les auteurs. Cette méthode s’adresse à des pianistes
« classiques » ayant déjà quelques bonnes notions de solfège et
d’harmonie, bien qu’elle reprenne ces notions à la base. Le CD accompagne
pas à pas la progression en offrant des ouvertures sur les réalisations
possibles. Souhaitons que, grâce à ce travail, beaucoup de pianistes
connaissent désormais les plaisirs et les joies de l’improvisation.
Arletta ELSAYARY : Révérence pour piano (préparatoire). Lafitan : P.L.1974.
Cette jolie pièce
demande précision, élégance et charme. Elle devrait faire le bonheur du
jeune pianiste.
ORGUE
Ernest BOHN : Petit
livre d’orgue. 20 pièces d’initiation au jeu de l’orgue. « Vie
musicale en Alsace ». Organistes alsaciens, vol.22. Delatour :
DLT1667.
Voilà un recueil
sympathique d’un organiste alsacien qui permettra à l’organiste débutant mais
déjà assez à l’aise sur un clavier de s’initier au jeu et à la régistration de
l’instrument. Les indications sont succinctes et permettront ainsi de
s’adapter aux divers instruments rencontrés.
André ISOIR : 6
variations sur un psaume huguenot pour orgue op.1. 1vol. 1DVD. Delatour :
DLT0810.
Ces variations sur
le psaume 92 du Psautier de Genève datent en fait de 1974. Elles ont été
écrites pour le concours de composition des « Amis de l’Orgue » où
elles obtinrent le premier prix. Révisées pour cette nouvelle édition, elles
sont aussi bien conçues pour le concert que pour l’usage liturgique. L’avant-propos
contient le texte du psaume, dû à Théodore de Bèze. Le volume est accompagné
d’un DVD de l’interprétation de l’œuvre par son auteur pour l’inauguration de
l’orgue de la cathédrale de Dijon en mars 1996. C’est évidemment un vrai
régal.
VIOLON
André RIOTTE : Dualités pour violon & piano. Delatour : DLT1443.
Cette pièce, assez
difficile, consiste en un approfondissement de l’écriture sérielle par le
calcul d’une sous-série par ordinateur. Fondée sur la notion de séries
d’intervalles, elle établit un pont entre écritures modale et sérielle.
Cinq parties : 1. Entrées, 2. Couple, 3. Défis, 4. Parenthèse,
5. Fusion. Une œuvre intéressante de ce professeur à l’Ircam.
Claire VAZART : Gymjazztic pour 2 violons. Delatour : DLT1791.
Composée a la demande de deux violonistes pour
leur servir de « bis », cette courte pièce jazzy, qui commence par
une introduction lente et se termine sur un rythme endiablé, fera le bonheur de
duos de violons déjà aguerris.
Claire
VAZART : Trois danses et deux violons pour 2 violons. Delatour :
DLT1612.
« Reflets en forme de valse »,
« Sarabande interrompue », « Comme un tango » : les
titres disent par eux-mêmes le charme et la variété de cette œuvre de
difficulté moyenne mais qui demande beaucoup de complicité et d’écoute entre
interprètes.
Sergio
ARRIAGADA : 5 danses latino-américaines pour violon & piano ou 2 violons. Arrangement de Sara Chenal. Henry
Lemoine : 28786 H.L.
Membre des célèbres Calchakis, Sergio Arragada
a écrit beaucoup de musique latino-américaine. Les cinq études proposées ici
permettent aux exécutants de s’initier à ce style de musique. Sara Chenal nous
en propose deux versions : l’une pour deux violons et l’autre pour violon
et piano. Ces pièces de grande qualité sont à recommander chaudement aux
violonistes un peu aguerris.
VIOLONCELLE
Camille
SAINT-SAËNS : Allegro appassionato pour
violoncelle avec accompagnement de piano op.43. Urtext. Bärenreiter :
BA 9047.
Voici, dans sa version première avec accompagnement de
piano, cette œuvre que Saint-Saëns a ensuite transcrite pour violoncelle et
orchestre. L’édition « Urtext » publiée ici est précédée d’une
copieuse préface en français donnant de précieuses indications sur la manière
dont l’auteur concevait l’interprétation de sa musique. Même lorsqu’il
écrit « appassionato », Saint-Saëns reste opposé à toute emphase.
La partition est bien entendu suivie d’abondantes et très intéressantes notes
critiques.
FLÛTE TRAVERSIÈRE
Christine
TURELLIER : Son et Technique. Exercices
avancés pour la flûte traversière. Delatour : DLT1621.
Exercices de sonorité, exercices de vélocité, rien ne
manque dans ce copieux recueil qui deviendra certainement la bible des
flûtistes. L’auteur, instrumentiste et chef d’orchestre, est une référence en
la matière.
Francis
COITEUX : Arietta pour flûte en ut & piano (préparatoire). Lafitan : P.L.2026.
Deux parties dans cette œuvre : un Andantino
cantabile et un Allegretto capricioso, aussi plaisants l’un que l’autre, et qui
mettent en valeur la musicalité et la vivacité de l’interprète. Le tout est
fort joli et agréable.
Claude-Henry
JOUBERT : Mathurin le Tamanoir. Thème
et variations pour flûte avec accompagnement de piano. Lafitan : P.L.1993.
Voici une excellente occasion pour les débutants de
découvrir la musique toujours intéressante et l’humour toujours décapant de
l’auteur en suivant le tour de chant de Mathurin chez la Marquise… À déguster
sans modération.
Michel LÉGER : Varadero sur Seine pour
flûte en ut & piano. Lafitan : P.L.2068.
Clin d’œil à la musique cubaine et particulièrement à la
« salsa », cette pièce de niveau élémentaire alterne musique
européenne et passage plus spécifiquement cubain, décliné par la flûte qui est
accompagnée par le « montuno » du piano. L’auteur indique qu’il
s’agit d’un « bel exercice de pédagogie musicale ». Une fois
les difficultés surmontées, les interprètes devraient trouver un grand plaisir
à jouer cette musique.
Fabrice
LUCATO : Valse des fées pour
flûte en ut & piano. Lafitan : P.L.2064.
De niveau préparatoire, cette charmante Valse des fées est conforme à son titre.
Signalons la présence d’une « cadence » qui permet au jeune flûtiste
de donner libre cours à son tempérament musical.
Michel
NIERENBERGER : Soirée à Trianon pour
flûte en ut & piano ou clavecin ou orgue (positif).
Lafitan : P.L.2015.
Ce charmant « Tempo di minuetto » est une évocation,
non un pastiche. Il convie les instrumentistes à se promener dans l’édifice par
des méandres harmoniques fort bienvenus. Les différentes possibilités
d’accompagnement pourront être l’occasion de faire découvrir combien le langage
expressif bien spécifique du piano, du clavecin et de l’orgue conduisent à
interpréter différemment la partie de flûte. En bref, il s’agit d’une
pièce fort intéressante, tant pas son écriture que par les possibilités qu’elle
ouvre.
FLÛTE À
BEC
Michel
NIERENBERGER : Baguenaude estivale pour
flûte à bec & piano. Lafitan : P.L.2017.
Destinée à un niveau préparatoire, cette pièce, bien que
ce ne soit pas précisé, est manifestement écrite pour flûte alto. Pleine
de lyrisme et de fantaisie, elle fait appel à toutes les ressources de
l’instrument… et de l’instrumentiste ! Ajoutons qu’elle est écrite dans un
« Tempo di Blues « cool » », ce qui en traduit bien le
caractère.
SAXOPHONE
Timothy
HAYWARD : Sonate pour saxophone
alto & piano. Delatour :
DLT0807.
Cette sonate, de
structure traditionnelle en trois mouvements (Allegro, Largo, Presto), est
cependant très influencée par le jazz dans ses structures rythmiques et
harmoniques qui reflètent la double formation de ce compositeur encore jeune
puisqu’il est né en 1982.
GUITARE
Jean Pierre GRAU : Pour
continuer… la guitare. Vol. 4. Delatour : DLT1626.
Voilà un recueil
très éclectique puisqu’il va de Pierre Certon et Josquin des Prés à…
Jean-Pierre Grau. Moyenne difficulté. Trente-cinq pièces pour
guitare seule, touchant à tous styles & toutes époques et cinq pièces pour
plusieurs guitares : de quoi satisfaire professeurs et élèves. Le tout est
soigneusement annoté et doigté.
Jean-Pierre
BURON : Hommage à Antonio Carlos
Jobin pour 3 guitares. Combre : C06627.
Voilà un très plaisant hommage au célèbre compositeur et
interprète brésilien. Deux titres dans ce recueil : Grand Hôtel
du Cap et Casino de la jetée. La partition inclut conducteur et
parties séparées. De difficulté moyenne, cette œuvre au rythme de bossa nova
fera le bonheur des guitaristes.
Máximo Diego PUJOL : Tres
ensayos sobre un boceto de Kandinsky pour guitare. Henry Lemoine : 28651 H.L.
Ces trois essais sur un croquis de Kandinsky sont bien
dans le style de ce compositeur argentin, toujours inspiré par les formes
musicales de son pays natal. Sans être extrêmement difficiles, ces pièces
demandent un bon niveau de guitare.
MUSIQUE
DE CHAMBRE
JANÁČEK : Quatuor à cordes n°2
« Lettres intimes ». Urtext. Bärenreiter. Partition
de poche : TP 533. Parties séparées : BA 9533.
Ce quatuor est quasiment une œuvre posthume à laquelle
Janáček
travailla quasiment jusque sur son lit de mort (début 1928). On lira avec
intérêt la présentation détaillée de l’œuvre dans l’édition de poche, et
notamment ce qui concerne le sens du titre. Ces « lettres intimes »,
véritables lettres d’amour adressées à Kamila Stöslová,
devaient être interprétées avec une viole d’amour en lieu et place de l’alto. Janáček y renonça
in extremis, mais le détail est rapporté dans cette préface, aussi
copieuse que remarquablement documentée. Les parties séparées sont d’une
remarquable lisibilité.
OPÉRA POUR ENFANTS
Isabelle ABOULKER : Chantons
l’opéra avec Isabelle. Vol. 1. 9 chants pour 1, 2 et 3 voix
avec accompagnement de piano. 1vol. 1CD. Delatour : DLT0316.
Les éditions
Delatour ont eu l’excellente idée de regrouper dans ce volume (qui en annonce
d’autres), neuf extraits de trois opéras pour enfants d’Isabelle Aboulker,
disponibles par ailleurs aux mêmes éditions dans leur intégralité. Ce pourra
être une excellente occasion de tester les capacités et le goût des jeunes
choristes avant de se lancer dans une réalisation plus complète. Le CD
est un excellent outil de travail pour la mise en place des différentes pièces.
Ajoutons que les trois opéras sont de styles très différents et permettront, là
aussi, d’ouvrir les goûts des interprètes.
Daniel Blackstone.
Gilles
CANTAGREL : Les Cantates de J.-S.
Bach. Fayard (dfusco@editions-fayard.fr), 2010, 1 665 p. 40 €.
Ce maître-livre tient compte des publications
antérieures telles que Die Kantaten von
J. S. Bach (1971) d’Alfred Dürr, Die Bach-Kantaten (2006) de Hans Joachim Schulze ou encore françaises
comme le Guide pratique des Cantates de
Bach (1982, 2/2005) de Philippe & Gérard Zwang, sans oublier les
travaux préliminaires d’Albert Schweitzer et d’André Pirro pour les
symbolismes. Sur les 300 cantates supposées de J.-S. Bach, deux
tiers nous sont parvenues. G. Cantagrel a réalisé une étude quasi
exhaustive de quelque 230 d’entre elles. Il les envisage dans leur
globalité, les situe dans leur cadre liturgique et par rapport à l’histoire des
mentalités et sensibilités religieuses dans les Allemagnes luthérienne et
piétiste. Il définit la forme de la Kirchenkantate,
véritable petit sermon en musique, tributaire du Calendrier liturgique des
célébrations. En effet, le Cantor devait en composer une pour chaque dimanche,
ce qui - faute de temps - n’exclut pas les parodies. L’excellent appareil
critique regroupe un Lexique, des Repères biographiques, et classe ensuite
les cantates (religieuses et profanes) par dates d’exécution. Deux Tables des Cantates par voix et instruments et par durées d’exécution, sans oublier la destination liturgique, seront
extrêmement utiles à ceux qui, à plus d’un titre - musiciens, organistes,
chanteurs, chefs, directeurs artistiques et présentateurs, pasteurs et
prédicateurs - recherchent des cantates pour des concerts ou des cultes.
Magistralement conduits dans ce labyrinthe des Cantates de J.-S. Bach, tous apprécieront
ce monument qui, d’ores et déjà, s’impose comme un indispensable vade-mecum.
Édith Weber.
Philippe
BEAUSSANT : Le Ballet des singes et
des autruches. Le Promeneur / Gallimard. 20 x
25 cm, 80 p.,ill. n&b et couleurs. 20 €.
Qui ne sait la passion du Roi-Soleil pour
musique, danse et théâtre… Passion née du tout premier spectacle d’opéra donné
en France auquel il assista, le 14 décembre 1645 (il avait alors 7 ans),
et qu’il revit à maintes reprises : La
Finta Pazza (« la Folle supposée ») de Francesco Sacrati, lequel comportait
de nombreux intermèdes - Le Ballet des
ours et des singes, Le Ballet des
autruches et Le Ballet des Indiens et
des perroquets. C’est à faire revivre ces journées que l’académicien
français Philippe Beaussant, spécialiste incontesté du Grand Siècle et de
Versailles s’est ici savamment attaché. Où est en outre reproduit - pour
la première fois en fac-similé et dans son intégralité - l’album de La Finta Pazza. La seconde partie
de l’ouvrage est consacré aux Noces de
Thétis et Pelée, opéra donné quelque dix ans plus tard, où Giacomo Torelli
déployait de tout nouveaux trésors de technique scénographique.
Jean
DURON (Textes réunis par) : L’Amant
jaloux d’André-Ernest-Modeste Grétry & Thomas d’Hèle.
« Regards sur la musique », Mardaga/ Centre de musique baroque
de Versailles. Format à l’italienne : 21,5 x 18,5.
278 p., ill. n&b et couleurs. 25 €.
Créé à Versailles le 20 novembre 1778 et
repris à Paris un mois plus tard, cet opéra de Grétry remporta – à l’occasion
des festivités entourant la naissance de Madame Royale (premier enfant du
couple royal) – le plus vif succès. En témoignent les nombreux
arrangements, pour formations vocales et/ou instrumentales, qu’il
suscita. Il s’agit ici de regards croisés d’historiens de l’art, de la
littérature, du théâtre et de la musique : « Réflexions autour de L’Amant jaloux » (Jean Duron),
« Commentaire littéraire et musical » (Benjamin Pintiaux),
« Décorations scéniques » (Dominique Lauvernier), « Grétry
héritier de Rousseau » (Jacqueline Waeber), « Variations
ailées » (Pierre Frantz).
Gilles CANTAGREL : Les
cantates de J.-S. Bach. Fayard. 15 x 23,5 cm, 1666 p.,
ex.mus., ill. n&b et couleurs. 40 €.
Après l’irremplaçable vade-mecum que constitue le Guide pratique des cantates de Bach par
Philippe & Gérard Zwang (L’Harmattan, 2e édition, Paris 2005),
voici – quasiment exhaustif, - le massif des quelque 230 cantates de Bach,
chacune étant présentée sous ses aspects historiques, théologiques et musicaux
– textes donnée en langue originale et en traduction. Œuvres classées en
fonction du calendrier liturgique et, pour les cantates profanes, de leur
opportunité festive – le tout assorti d’utiles tables de correspondance permettant
une heureuse navigation.
Jean-Jacques
EIGELDINGER : Chopin et Pleyel.
Fayard. 19 x 24 cm, 372 p., fac-similés, ill. n&b
et couleurs. 40 €.
« Les pianos Pleyel sont non plus ultra » affirmait Chopin en 1831 – préférence qu’il
ne démentit jamais. Neuf chapitres rythment cette superbe monographie où
- autour de la personne et de l’œuvre de Camille Pleyel dans ses relations avec
Chopin – sont convoqués l’histoire & la sociologie musicales, la facture
instrumentale, l’esthétique sonore & les divers styles de jeux pianistiques :
« Le concert inaugural » (25 février 1832). « À l’ombre de
Kalkbrenner » / « Du côté de chez Pleyel
(1825-1855) » / « Camille Pleyel et son entourage » /
« Ni vous sans moi, ni moi sans vous » /
« Concerts : 1841, 1842, 1848 » / « …ces pianos Pleyel
qu’il affectionnait particulièrement » / « 1848-1849 et après.
Instruments reliques » / « Le monde de Chopin : reflets
dans les registres Pleyel » / « Perspectives ».
Maria GONDOLO DELLA
RIVA (1916-1989) : Frédéric Chopin,
aperçus biographiques. Traduit de l’italien par Piero Gondolo della
Riva. Michel de Maule (www.micheldemaule.com).
252 p., 19 €.
Ni hagiographie, ni même biographie, non plus bien sûr que
ressassement des clichés qui encombrent ordinairement l’image de Chopin dans
cette étude de la comtesse Gondolo della Riva, pianiste et musicologue. Où
elle dénonce l’absurdité du portrait romantiquement échevelé ou amoureusement transi
d’un homme, au demeurant fort pragmatique et assuré de son génie… Il s’agit là
d’une réflexion sur certains aspects méconnus de la vie du compositeur découverts
au fil de sa correspondance (établie par B. E. Sidow). Bibliographie
internationale.
Hélène CAO &
Hélène BOISSON : Anthologie du lied (édition bilingue). « Musique », Buchet/Chastel.
16,5 x 24 cm, 672 p. 35 €.
Pour la première fois rassemblés en édition bilingue
(version originale allemande & traduction française inédite), quelque 700
poèmes composent cette précieuse anthologie, référençant plus de 1 500
lieder - de Mozart à Berg. Bonheur de retrouver tant de textes célèbres
qui auront inspiré Schubert, Schumann, Brahms, Wolf, Strauss… mais aussi de
découvrir ceux que mirent en musique Pfitzner, Zemlinsky, Schönberg, Berg ou
Webern… Outre la savante introduction au choix des poèmes réalisé par
Hélène Cao – textes allemands établis et traduits par Hélène Boisson –, sont
utilement proposés, en annexe, un glossaire de quelques mots-clés de la poésie
germanique, des notices sur les principaux interprètes du lied, une
discographie & une bibliographie sélectives, plus deux index (par
compositeurs, par poètes).
François
DECARSIN : La modernité en question.
Deux siècles d’invention musicale (1781-1972). « Arts & Sciences
de l’art », L’Harmattan. 13,5 x 21,5 cm, 186 p.
18 €.
Professeur à l’université d’Aix-en-Provence et spécialiste
de la musique contemporaine (Boulez & Stockhausen, notamment), éminemment
qualifié était François Decarsin pour traiter pareil sujet. Depuis 1781,
date de la publication par Kant de la Critique
de la raison pure, et par Haydn des Six
Quatuors op.31 – œuvres fondatrices d’une certaine modernité progressiste –
et jusqu’en 1972, date de la démolition, en Amérique, du dernier immeuble du
Bauhaus, riches et prodigieusement diverses furent les trajectoires et esthétiques.
Et ce, de Haydn à Schönberg (via Liszt, Wagner et Mahler), tout autant que de
Schubert à Debussy, Stravinsky, Boulez ou Stockhausen. Après une Introduction face à l’histoire, l’auteur
envisage Progrès et création (Naissance de l’idée de progrès / L’œuvre d’art de l’avenir /
Naissance de l’idée de tradition / Tradition et progrès), puis Postérités sans racines (À l’écart de
l’histoire / La volonté de modernité / « À la limite du pays
fertile »). Index et bibliographie.
François
DUFAY : Maximes et autres pensées
remarquables des moralistes français. Préface de Christian
Makarian. CNRS éditions (www.cnrseditions.fr).
12 x 19 cm, 370 p. 10 €.
Merci au CNRS pour la réédition de ce merveilleux
florilège. Émouvante préface de Christian Makarian rendant hommage au
grand écrivain et journaliste que fut François Dufay (1963-2009), récemment décédé.
Mais surtout admirable présentation par l’auteur d’un recueil de maximes à
l’opposé de tout « prêt à penser idéologique ou religieux ». Où,
depuis La Rochefoucauld (1613-1680) et jusqu’à Cioran (1911-1995), nous
retrouvons une trentaine de nos plus éminents moralistes – Montesquieu,
Helvetius, Vauvenargues, Chamfort, le prince de Ligne, Rivarol, Joubert,
Baudelaire, Toulet, Suarès, Chardonne… Un florilège dont on ne pourra se
séparer.
Philippe
CHAUVEAU : Une histoire de la
chanson française : cabarets, auteurs-compositeurs & interprètes.
Éditions de l’Amandier (tél. : 01 55 25 80 80. www.editionsamandier.fr).
20 x 22 cm, 428 p., ill. n&b. 25 €.
Retracer le parcours de la chanson française et de ses
interprètes, depuis les origines jusqu’aux années 1970, tel est le propos de
Philippe Chauveau (par ailleurs auteur, aux mêmes éditions, de Théâtres parisiens disparus, de 1402 à nos
jours). En trois grands chapitres : « Il était une chanson
française » (Vaux-de-Vire, cabarets, tripots & coupe-gorges, du Caveau
à la Révolution, cafés-concerts, Le Chat noir, 1968, aujourd’hui…),
« Cabarets célèbres du XXe siècle » (près de cinquante),
« Portraits d’artistes » (une soixantaine). Ce n’est certes ni
la première ni la dernière monographie du genre, mais celle-ci est particulièrement
bien documentée.
Susan LUND. Passion : Beethoven’s Son, roman. En anglais. À commander
auprès de l’auteur : 00 44 208 360 91 42 ou susanlund@btopenworld.com 13,5 x
20,5 cm, 116 p.
Fiction certes, mais toutefois crédible, car elle resitue
le compositeur dans son environnement familial, social et artistique – auprès
notamment de la famille Brentano, et singulièrement d’Antonie, épouse de Franz,
qui lui aurait donné un fils adultérin, Karl Josef. Écrit d’après la
pièce éponyme, ce roman est composé de brévissimes chapitres articulés autour
des différentes parties de la Missa
Solemnis. D’une lecture remarquablement aisée. Notons que Susan
Lund a également publié un essai intitulé : Beethoven & the Catholic Brentanos : the story behind
Beethoven’s Missa Solemnis.
Riche
est la bibliographie des vedettes du show-business. Récentes parutions…
Henri
SALVADOR : La joie de vivre.
Textes choisis par Catherine Salvador. « Les pensées », Le
Cherche-Midi (www.cherche-midi.com).
12 x 20 cm, 290 p., 13 €.
Recueil de pensées, répliques et anecdotes recueillies de
la bouche même du cher Henri – sensible et pudique farceur, optimiste à tous
crins…
Alain-Guy
AKNIN : Mike Brant, le chant du désespoir.
Alphée/Jean-Paul Bertrand (www.editions-alphee.com).
14 x 22 cm, 222 p., ill. n&b et couleurs.
19,90 €.
Pour commémorer le 35e anniversaire de la mort
tragique du chanteur – dont existent toujours de nombreux clubs de fans -, cette
biographie s’attache à décrire la personnalité de Mike Brant, tentant de
comprendre pourquoi, en pleine gloire, il en vint à ce geste fatal.
Thierry
DESAULES : The Cure. Les
symphonies névrotiques. Alphée/Jean-Paul Bertrand (www.editions-alphee.com).
14 x 22 cm, 320 p., cahier d’ill. couleurs. 21,90 €.
Biographie circonstanciée d’un groupe légendaire qui, autour
de son fondateur Robert Smith, connut les pires dérives et avatars.
Extraits d’interviews du groupe & d’artistes revendiquant l’influence des
Cure sur leur propre musique.
Francis Cousté.
Yves
SANTAMARIA : Johnny, sociologie d’un
rocker. La Découverte, 2010. 284 p. 20€.
Essai sociohistorique consacré au phénomène Hallyday,
saisi dans son émergence et sa durée. Véritable mythe, légende du rock,
professeur d’énergie, artiste oscillant entre rébellion, académisme, outrances
et commerce, Johnny Hallyday, passeur culturel, à la fois collector et vintage,
apparaît ici comme un paradoxe, se situant entre rupture (le rock) et
continuité (la chanson française). Au-delà de l’essai sociologique,
s’interrogeant sur les liens entre le chanteur-créateur et la société
française, cet ouvrage s’adresse à ceux qui auront aimé et chanté Johnny.
De peu d’intérêt pour les autres…
Michel
YVES-BONNET : Jazz et
complexité. Une compossible histoire du jazz. « Univers
musical », L’Harmattan, 2010. 182 p. 17 €.
Jazz et poésie, deux grands mystères se rejoignant dans le
secret de leur complexité, ce rejet de la simplification, sous quelque forme
que ce soit. Le jazz est un chaoïde de la musique qui fait émerger des
ruines du Chaos, un chaos de précision, un éternel retour, non du même mais de
la différence, un chaos génésique mû par un déséquilibre dynamique, la
déconstruction au couteau d’un langage que le musicien doit reconstruire dans
un nouveau langage qui fait sens. Le jazz est une musique de la figure et
de la sensation, prête à tout instant à la métamorphose, prête pour des noces
de feu avec la poésie (ou plutôt la poïesis). Un livre qui, au-delà de la
phénoménologie du jazz, aborde aux rivages de la création artistique et de ses
questionnements : aménagement ou déconstruction, diérèse ou synthèse,
éternelle lutte de Dionysos et Apollon, sous l’éclairage de la
postmodernité. Clair, bien écrit, illustré, contenant de nombreuses
citations pertinentes éclairant judicieusement le texte… Bref, un livre à
recommander.
Patrice Imbaud.
***
Haut
Corps femenin [sic]. L’avant-garde
de Jean, duc de Berry. Arcana (stephanie@outhere-music.com) : A 355. TT : 67’46.
Ce disque regroupe des chansons de
circonstance en liaison avec la vie de Jean, duc de Berry (1340-1416).
Certaines sont anonymes ; d’autres, signées (ou attribuées à) Senleches,
Trebor, Solage - qui cite le duc dans S’aincy
estoit que ne feust la noblesce -, ou encore Magister Egidius Augustinus.
Autour de la « noble dame », de la beauté, de l’amour et également du
« corps femenin » (d’où le titre), ce florilège de 12 chansons
est interprété en connaissance de cause par le Ferrara Ensemble (voix et
instruments : harpe, guiterne, luth…), dont les discophiles apprécieront
la pureté vocale, la justesse, les timbres lumineux, l’impeccable diction.
Les chansons de Senleches : Fuions
de ci fuions povre compaigne et Tel
me voit et me regarde, particulièrement langoureuses, contrastent avec la
mélodie plus ornée de Roses et lis ay veu
en une flour du Magister Egidius Augustinus posant un lumineux point
d’orgue sur ce disque exceptionnel, qui s’impose par la qualité historique des
commentaires, les textes avec leur traduction (suivant les cas en 4 langues).
Il comble une très sérieuse lacune dans la production discographique
franco-italienne du XVe siècle.
Pierre
ATTAINGNANT : Que je chatouille ta
fossette. Danceries. Ricercar
(stephanie@outhere-music.com) :
RIC 294. TT : 73’53.
L’Ensemble Doulce Mémoire, sous la direction
expérimentée de Denis Raisin Dadre, crée d’abord l’exubérance des Danceries publiées par Pierre
Attaingnant compositeur, luthiste, imprimeur et éditeur français du XVIe siècle. Il regroupe une extraordinaire palette d’instruments
anciens : violons (basse, quinte, taille et haute-contre) ; flûtes à
bec (basse et dessus) ; hautbois (taille et dessus) ; luth, harpe,
percussions et voix. Enregistrée à l’Abbaye de Fontevraud, cette pléiade
de danses extraites de plusieurs livres des Danceries (1530-1557) est extraordinaire de vivacité, d’allant, d’entrain, contrastant
avec les chansons de Cl. de Sermisy (chant, harpe et luth) : Auprès de vous et Languir me fais, et de P. Sandrin : M’amye est tant honneste, plus
expressives. Sans les « chatouiller » : de quoi ravir les
seizièmistes les plus exigeants.
Amours impossibles. Airs d’opéras de Lully et Purcell. Transcriptions de
Michel Alabau. Triton (triton@disques-triton.com) :
TRI 331 163. TT : 71’48.
Depuis peu, les éditeurs privilégient les
transcriptions pour orgue (par ex. de J.-Ph. Rameau). Ce disque, en deux
volets : J.-B. Lully (1632-1687) et H. Purcell (1659-1695), a pour
dénominateur commun : Amours impossibles.
Françoise Masset (soprano) est accompagnée par Michel Alabau (organiste et
transcripteur) au grand orgue Freytag-Tricoteaux de Béthune. Ils
interprètent des extraits de Tragédies et de Ballets français du XVIIe siècle : Armide, Le Triomphe de l’amour, Amadis et Alceste (livrets de Ph. Quinault). L’Ouverture d’Armide, comme la Passacaille de King Arthur pourraient très bien servir
de prélude à un office religieux. Fr. Masset s’investit dans
l’esthétique Grand Siècle, tour à tour dramatique ou lyrique, au gré des
pièces. Quant aux extraits de H. Purcell, provenant de Didon and Aeneas, elle fait passer
l’émotion et le tourment émanant de l’air de Didon à l’acte I. Le Duo
des Sorcières est très bien rendu à l’orgue seul, de même que le chœur en
écho qui suit. Ce volet se termine par le récit et l’air de Didon si
poignant : When I am laid in earth,
Remember me but forget my fate, entouré
par deux chœurs à l’orgue. Transcription et interprétation très
convaincantes.
L’Orgue de Cintegabelle. Jean-Philippe
RAMEAU : Airs et danses d’opéra.
Transcriptions pour orgue par Yves Rechsteiner. « Ugab », L’univers de l’orgue, n°1, février 2010.
Alpha (stephanie@outhere-music.com) :
650. TT : 77’34.
Les éditions Le Chant du Monde ont édité 3 Cahiers du Livre d’orgue de J.-Ph. Rameau transcrits et préfacés par
Y. Rechsteiner qui en interprète 22 pièces. « Le monde de
l’orgue vit, bouge, innove. Allons à sa rencontre ! » : tel est
l’objectif de cette nouvelle collection « Ugab » (vocable désignant,
dans la Bible, un des plus anciens instruments utilisés… : l’orgue).
Le disque encarté est enregistré au prestigieux orgue C. Moucherel (1742)
de Cintegabelle et restauré en 1989 (déjà retenu par A. Bolliger : Orgues historiques de France, Vol. 4).
Un livre très bien conçu, accompagné d’excellentes illustrations, présente
l’instrument ainsi que l’église, et pose aussi le problème :
« Adapter Rameau à l’orgue : une démarche historique ». En
fait : une réussite du genre, car ces Ouverture, Prélude, Danses (Musette, Tambourin, Menuet, Sarabande)
bénéficiant de registrations diversifiées - interprétés avec le concours de
H.-Ch. Caget (percussions) - sonnent remarquablement. Longue vie à « Ugab »…
Carl CZERNY : Nocturnes.
Hortus (editionshortus@wanadoo.fr) : 074. TT : 76’19.
Carl Czerny (1791-1857) est
généralement réputé pour ses célèbres Études incontournables pour tout pianiste. En fait, il s’agit davantage d’un
musicien oublié, mais tout à fait digne d’intérêt, parfaitement réhabilité par
Isabelle Oehmichen avec non seulement la musicalité, la virtuosité qu’on lui
connaît, mais encore une sonorité lumineuse et un toucher exceptionnel, un jeu
toujours transparent et d’une remarquable précision. Elle redonne vie à
l’intégrale de ses 17 Nocturnes,
le premier cahier se situe la mouvance de J. Field (1782-1837) et de
Fr. Chopin (1810-1849) ; le second fascicule contient des Nocturnes avec titres. Au piano Steinway
D-274, l’incomparable interprète réussit - tantôt avec douceur, tantôt avec
énergie, toujours avec finesse et un grand sens de la dynamique - à défendre et
illustrer ces pages rarement interprétées. Les mélomanes et pianistes les
plus exigeants applaudiront à juste titre ce choix des éditions Hortus et cette
incontournable re-création.
Guy FALLOT, violoncelliste. 3CDs VDE-Gallo (La Cure, rue du Four 2, CH-1410 Denezy. info@vdegallo.ch) : 1305/1306/1307.
TT : 55’44 ; 60’36 ; 67’42.
Les CDs n°1 et n°2 - réalisés par le talentueux
violoncelliste Guy Fallot et l’excellente pianiste Rita Possa formant une
merveilleuse équipe - proposent des œuvres allant de J. Brahms à
O. Messiaen, en passant par G. Fauré et B. Martinů. Tout
d’abord, dans les Sonates op.39 et 99
de J. Brahms, d’entrée de jeu, le violoncelle s’impose par sa sonorité
lumineuse et son expressivité, et le piano, par son accompagnement discret,
puis par leur élan, leur ton décidé et leur équilibre. Les mêmes qualités
se retrouvent dans le 2e CD avec la Sonate en un mouvement Lent-Vif-Lent d’André Prévost (1934-2001), musicien canadien ; les interprètes mettent
notamment en valeur les effets de résonance et le caractère tourmenté. Le
3e CD propose deux Concertos :
celui de J. Feld (°1925) accompagné par l’Orchestre national de
France ; celui d’A. Dvořák, par l’Orchestre du Südwestfunk
Baden Baden. Dans le premier, le violoncelle (souvent à découvert)
fait preuve d’une virtuosité extrême et de sonorités exceptionnelles ; le
second retiendra l’attention pour la finesse de l’interprétation grâce à la parfaite
entente entre le chef André Jouve et Guy Fallot. Remarquable production
de VDE-Gallo tant par l’excellente présentation (texte d’accompagnement et
illustrations) et la diversité du programme que par la qualité de
l’interprétation.
Napoléon COSTE : Hautbois-guitare [Duo Coste].
VDE-Gallo (La Cure, rue du Four 2, CH-1410 Denezy. info@vdegallo.ch) : 1290.
TT : 57’17.
Napoléon Coste (1805-1883) - l’un des plus grands
guitaristes français du XIXe siècle - est moins connu pour ses
talents de compositeur. Ce CD éponyme privilégie une rare
association : hautbois et guitare, et fait entendre trois de ses œuvres
inédites : la Fantaisie sonate,
le Concertino pour hautbois et Souvenirs baignant dans le romantisme et
la sensibilité de son temps si bien rendus par Fabrice Ferez (hautbois) dont la
ligne mélodique plane au-dessus de l’accompagnement rythmé de Philippe Roux
(guitare). Dans Souvenirs, op.17,
ses origines francomtoises et les impressions du terroir prévalent. Se
souvenant de Napoléon Coste qui rencontra Berlioz, lui aussi guitariste, le
« Duo Coste » interprète également sa transcription de la Villanelle de Berlioz. Cet
excellent duo joue aussi deux transcriptions de N. Coste : Adelaïde de Beethoven et la Sonatine D 384 de Schubert.
Voilà un compositeur à découvrir et une musique pleine de charme et agréable à
entendre.
Olivier GREIF : The Meetings of the Waters. Intégrale
de l’œuvre pour violon & piano. Triton (triton@disques-triton.com) :
TRI 331 165. TT : 79’21.
Malgré sa brève existence, Olivier Greif
(1950-2000), fils d’un émigré polonais, a été un compositeur prolifique,
passionné de piano et, par la suite, de violon. Élève au CNSM de Lucette Descaves,
d’Yvonne Desportes, de Marcel Bitsch, Tony Aubin, entre autres, sa première
composition remonte à 1961. Son enfance très marquée par la guerre et la
disparition d’une partie de sa famille dans les camps nazis expliquent le
caractère intense et méditatif. Ce CD présente l’intégrale de son œuvre
pour violon & piano, 3 Sonates,
un Adagio, des Pièces de concours, des Variations
on Peter Philips « Galiarda
Dolorosa », op.86 (1977). La facture mélodique est généralement
tourmentée avec des mélodies à découvert. Le Scherzo de la Sonate n°2 est époustouflant de précision et de vitesse dans l’attaque du violon et du
piano, avec un rythme incisif ; en revanche, l’Andante contraste par son dépouillement et son émotion contenue.
Sa Sonate n°3 « The meeting of the Waters », op.70
(1976) - in memoriam Dimitri Chostakovitch -, est, selon sa conclusion (ajoutée
en 1993) : « la rencontre des eaux, c’est aussi la rencontre des
cultures, des peuples, des musiques, des époques, des lieux, toutes choses dont
les deux mouvements de cette Sonate se veulent un témoignage. »
Ivan BELLOCQ : Obsession. Dux (kitka@dux.pl) : 0693. TT : 76’19.
Ivan Bellocq, flûtiste français (élève de M. Dubost
et R. Bourdin), professeur, entre autres, à l’École Normale de Musique de
Paris, directeur du Conservatoire de Saint-Cloud, est un compositeur « pas
comme les autres ». Élève d’Olivier Greif et de Max Deutsch, mais
restant assez autodidacte, il brille par son originalité, sa curiosité intellectuelle,
ses recherches très poussées dans le domaines des sonorités et des timbres, y
compris la voix et les percussions. Il privilégie des instruments
rarement associés, par exemple, clarinette, violon, piano et sons enregistrés,
ou encore flûte, clarinette, violoncelle. Il consacre une œuvre à la
clarinette, une autre à la mandoline et une troisième à la viole d’amour.
Ce disque comprend 8 pièces ne correspondant pas vraiment à une catégorie
formelle. Elles nécessitent une incroyable virtuosité et une
concentration extrême pour galvaniser les auditeurs. Contrat rempli par
tous les interprètes, en conformité avec les exigences d’Ivan Bellocq.
Felix
MENDELSSOHN : 6 Sonates pour
orgue. Rondeau (mail@rondeau.de) :
ROP 6029. TT : 74’50.
À son tour, l’organiste de l’église St-Thomas
à Leipzig, Ullrich Böhme y a enregistré les 6 Sonates
pour orgue, op.65 de
F. Mendelssohn-Bartholdy qui exploite, entre autres, des mélodies de
chorals luthériens. Par exemple, dans sa première Sonate, il se souvient de la chanson de Claudin de Sermisy
(texte : Cl. Marot) : Il
me suffit de tous mes maux devenue Was
mein Gott will, das g’scheh’ allzeit ; dans sa troisième, du psaume Aus tiefer Not schrei ich zu dir (texte : M. Luther). Dans sa sixième, il traite, sous forme de
choral et variations, la paraphrase allemande du Notre Père par M. Luther : Vater unser im Himmelreich… Dans ces 6 Sonates, U. Böhme fait preuve de son sens de la
registration, de virtuosité et de maîtrise, mais aussi de sensibilité au
message de Mendelssohn si bien rendu au prestigieux instrument Wilhelm Sauer (3
manuels, pédalier, avec des jeux très typés), construit entre 1889 et 2008.
Jiří
TEML : Mysterium Sacrum. Radioservis :
CRO 448-2 (CD Diffusion : 31, rue Herzog, F-68920 Wettolsheim. info@cddiffusion.fr). TT : 78’01.
Le Mysterium
Sacrum pour orgue du Tchèque JiříTeml (°1935) mérite d’être découvert
grâce à cet enregistrement réalisé en 2009. Auteur de symphonies, concertos,
cycles de mélodies, d’œuvres chorales… et d’orgue, son esthétique est marquée par l’influence de la
musique populaire tchèque, mais aussi par Stravinski. Il rend souvent
hommage à des personnalités : Vivaldi, Mozart, Janáček... Fasciné par
l’orgue, il en exploite le caractère monumental, les couleurs, la dynamique,
les nuances, allant du pianissimo presque inaudible jusqu’à la puissance totale de l’instrument. Ce disque
s’ouvre sur sa Fantasietta en hommage
à Buxtehude, page de virtuosité, et se termine par sa Fantasia appassionata. Entre ces deux œuvres, sont intercalés
le Mystère Sacré évoquant la vie du Christ,
de sa naissance à Bethléem jusqu’à sa crucifixion au Golgotha, ainsi que
d’autres pages, par exemple Rapsodie.
Ce disque illustre la facture d’orgue tchèque, et met en valeur les quatre organistes
Karel Paukert, Irena Chribkova, Ales Barta et Jan Hora, et des œuvres quasi
inconnues en France.
Zwischen
Himmel und Erde. Vokalmusik über Liebe, Licht und Dunkel. Rondeau (mail@rondeau.de) :
ROP6034. TT : 56’40.
Le titre : « Entre Ciel et
Terre » regroupe des œuvres vocales selon trois thèmes : amour,
lumière et obscurité, enregistrées en 2009 par le Daarler Vocal Consort, dont
l’appellation énigmatique correspond à un quartier de Saarbruck : le « Village dans
la ville » où résident de nombreux chanteurs. Les textes brefs et
très contrastés émanent de compositeurs considérant la musique comme un moyen
d’expression de l’indicible (« das
Unsagbare ») : l’Anglais Will Todd (°1970), l’Allemand Georg Grün
(°1960), l’Israëlien Tzvi Avni (°1927)... Ce CD reproduit quelques titres
inattendus : Songs and Melodies (In
memoriam Yitzhak Rabin) (1995),
et le Psaume 23 : The Lord is my Shepherd (2007) de
T. Avni ; Maranatha Viens Seigneur ou Le Seigneur
vient (2009) - chanté par les premiers chrétiens - de G. Grün ; ainsi
que deux versions du Notre Père,
celle composée en 2002 par le Finlandais Jaako Mäntyjärvi (°1963) et celle du
regretté Maurice Duruflé (mort en 1986). Ce programme éclectique, servi
avec musicalité et sensibilité par l’excellent Daarler Vocal Consort, mérite à
plus d’un titre d’être découvert : il projette un éclairage neuf sur des
œuvres vocales de notre temps.
Édith Weber.
Frédéric
CHOPIN : Sonate n°2. 24
Préludes. Hélène Tysman, piano. Oehms Classics :
OC 752. TT : 72’14.
Un programme, certes « classique », associant la Sonate en sib mineur op.35 et les 24 Préludes op.28, mais une magnifique interprétation de la jeune pianiste Hélène Tysman,
tout en nuances et intériorité. Deux œuvres composées entre 1837 et 1839,
quasiment contemporaines, puisant aux sources classiques, pour mieux affirmer
leur modernité… La Sonate,
véritable patchwork compositionnel qui fait éclater la forme sonate classique,
en associant quatre mouvements indépendants (ballade, marche, scherzo et
prélude final), aux tempi particulièrement lents, très intériorisée, sonne comme une énigme dont la
célèbre Marche funèbre est d’une effrayante beauté, tandis que les Préludes, tout en nuances et contrastes,
« véritables préludes poétiques qui bercent l’âme ont la libre et grande
allure du génie », comme l’affirmait Liszt dans la Revue et Gazette musicale de Paris, le 2 mai 1841.
Hector
BERLIOZ : Symphonie fantastique.
Les Siècles Live, dir.
François-Xavier Roth. « Musicales », Actes Sud. TT :
52’37.
Pari original que cet enregistrement de la Symphonie fantastique sur instruments
d’époque. Berlioz n’a que vingt-sept ans lorsqu’il compose, en 1830,
cette symphonie à programme en cinq mouvements (Rêveries et passions/ Un bal/
Scène aux champs/ Marche au supplice/ Songe d’une nuit de sabbat) qui rend
compte de sa passion pour l’actrice Harriet Smithson. Malheureusement,
sous l’éteignoir des instruments d’époque, cette œuvre n’a plus guère de
fantastique que le nom. Toute la passion, toute la puissance expressive,
toute l’effusion lyrique, tout l’aspect visionnaire et débridé, tout l’effroi
qui peuplent cette confession musicale ont disparu dans un enregistrement
confinant rapidement à l’ennui. Pour amateurs de « sonorités
anciennes ».
Vincent
D’INDY : Tableaux de voyage.
Gérard-Marie Fallour, piano. « Le Parnasse français ». Algarade
(www.algarade-musique.com) :
006. TT : 57’08.
Un disque comme un voyage intérieur autour de l’amour de
la nature, à l’occasion d’un pèlerinage à Bayreuth, source d’inspiration pour
Vincent d’Indy, à la fois aquarelliste et compositeur, véritable poème
symphonique pour piano, par le double caractère descriptif et sentimental,
auquel s’ajoutent deux belles compositions, Helvetia et le Nocturne op. 26. Une
interprétation sensible avec, en filigrane, une certaine mélancolie du bonheur.
PAGANINI, GRAGNANI,
GIULIANI, BURGMÜLLER, HAYDN. Trio Alta (guitare, violon, violoncelle). Algarade (www.algarade-musique.com) :
CC 874726. TT: 72’01.
Un disque original, tant en ce qui concerne la formation
instrumentale utilisée que le choix des œuvres, qui associe la guitare
romantique d’Éric Sobczyk, le violon de Marc Vieillefon et le violoncelle
d’Igor Kiritchenko, dans un répertoire de la fin du XVIIIe au début
du XIXe siècle, de l’Italie à la Bohême. Une interprétation
sans faille, avec une très bonne prise de son.
Maurice RAVEL : Tombeau de Couperin, Sonatine, Pavane
pour une infante défunte, Valses nobles et sentimentales, Oiseaux tristes. Claude Bessmann, piano. Tutti Records : TUT003. TT : 68’18.
Un disque entièrement consacré à Ravel (1875-1937), un
beau jeu pianistique qui révèle parfaitement la sensualité dans la dissonance
et la volupté dans l’acidité des harmoniques. Une interprétation
remarquable.
« Live » à Auvers-sur-Oise. Tristan Pfaff, piano. « Carte
de visite », DiscAuverS : DASCDV001. TT : 43’11.
Le label DiscAuverS consacre ce disque au pianiste Tristan
Pfaff, enregistrement live lors de
son concert de mai 2008, au Festival d’Auvers-sur-Oise. L’occasion
d’écouter ce jeune et talentueux pianiste dans un récital associant des œuvres
de Bach, Mozart, Glinka, Debussy, Strauss, Pick-Mangiagalli et Liszt. Une
interprétation de qualité mêlant profondeur et virtuosité.
Moon Blues. Trio Cordes
avides. Hybrid’Music (www.hybridmusic.com) :
H 1818. TT : 60’32.
Le trio Cordes avides, composé de Sébastien Guillaume au
violon, Frédéric Eymard à l’alto & Jean Wellers à la contrebasse, avec la
participation de Didier Lockwood, nous donne à entendre des compositions
originales - laissant une large place à l’improvisation - qui permettent
d’apprécier tout le talent de cette formation. Un beau disque pour tout
amateur de jazz.
Patrice Imbaud.
Antonio VIVALDI : Armida
al campo d'Egitto. Dramma per musica in tre atti. Livret de Giovanni Palazzi. Furio
Zanasi, Marina Comparato, Romina Basso, Sara Mingardo, Monica Bacelli, Martin
Oro, Raffaella Milanesi. Concerto Italiano, dir. Rinaldo Alessandrini.
3CDs Naïve : OP 30492.
TT : 62'22+67'18+41'23.
Le « dramma per
musica » Armida al campo d'Egitto (1718) narre un épisode secondaire de la saga de la magicienne
Armide imaginée par Le Tasse dans sa Jérusalem
libérée : les manigances amoureuses de celle-ci auprès de
nombreux adorateurs séduits par ses charmes, pour se venger de Renaud. Il
s'agit d'une œuvre charnière dans la production
théâtrale de Vivaldi car elle clôt sa première période créatrice vénitienne. La
partition, dont ne sont conservés que les Ier et IIIe actes, a été complétée par le chef Rinaldo Alessandrini et le musicologue
Frédéric Delaméa. Ils ont habilement
reconstitué le deuxième acte d'après le seul livret
et selon le mode du pasticcio, c'est-à-dire
un assemblage d'airs de provenance diverse, en l'occurrence
empruntés à d'autres pièces vocales de Vivaldi lui-même. On
savoure une fois encore l'inventivité apparemment sans limite de la veine
opératique du Prêtre roux : récitatifs souvent très
développés, airs de facture courte, sur le schéma da capo bien sûr,
mais aussi en répons, et même brèves interventions du chœur. Enregistré dans la foulée d'exécutions de concert l'hiver
dernier, notamment à la Salle Pleyel, le disque souligne combien la
direction de Rinaldo Alessandrini s'attache au cantabile expressif qu'autorise
une formation de dimension réduite composée presque exclusivement de cordes. Le
fini sonore en acquiert une séduction particulière, ce que renforce une
rythmique toujours souple et mesurée. Un
plateau vocal fastueux - une des constantes de l'Édition
Vivaldi - parachève le sentiment de plénitude qui émerge de cette
interprétation. Pour n'en
citer que trois exemples : Sara Mingardo, voix d'une rare richesse,
de plus en plus à l'aise dans ce répertoire, Romina Basso, formidable timbre de
contralto aux brillantes vocalises, ou encore le contre ténor Martin Oro qui
triomphe des difficultés accumulées dans telle aria
avec solo obligé de violon et de clavecin.
Christoph Willibald
GLUCK : Orphée et Eurydice. Opéra en trois actes. Livret de Ranieri de Calzabigi. Version de Paris, 1774. Juan Diego Flórez,
Ainhoa Garmendia, Alessandra Marianelli. Coro y Orchestra
titular del Teatro Real, dir. Jesús López-Cobos. 2CDs Decca/Universal :
478 2197. TT : 68'09+36'39.
Le
chef-d'œuvre du chevalier Gluck immortalisant le mythe d'Orphée est
sans doute plus connu dans son original italien que dans sa version dite de
Paris. C'est en 1774 que, pour
l'adapter au goût français, il remaniera sa partition. Ce
qui permettait de l'allonger quelque peu, notamment dans la partie de ballet,
de corser le rôle masculin, autrement plus développé et nanti d'un air de
bravoure supplémentaire, et surtout d'en confier l'écriture terriblement
exigeante dans l'aigu à un haute-contre. Le
vivier de ce type de voix se tarissant au XIXe siècle,
l'habitude se prendra de l'attribuer à un contralto et donc de le faire jouer
par un travesti. Aujourd'hui le
ténor péruvien Juan Diego Flórez, grand habitué des brillantes
ornementations rossiniennes, présente une interprétation sans doute proche de
l'original, illustrée par cette voix de tête qui garde son uniforme beauté
jusque dans les contrées les plus extrêmes. L'éclat du chant se double d'une fine sensibilité, dépourvue de préciosité. Et la
parfaite diction comme l'énonciation naturelle du texte en font un artiste au
fait de la tragédie lyrique française. Ses
deux collègues, pour n'être pas aussi près de l'absolu, lui donnent une
réplique adéquate. Et il est piquant de
constater que lors des duos avec la soprano Eurydice c'est bien la voix du
ténor qui tient la partie de dessus. L'orchestre du Théâtre
royal de Madrid est de belle tenue et la direction vivante de
Jesús López-Cobos procure un vrai relief à des scènes comme celle des
Enfers. Mais on imagine ce qu'aurait
pu être le résultat avec une formation jouant sur instruments
anciens.
Josef HAYDN : Les
Douze Symphonies « Londoniennes » Hob. I.
93, 94 « The Surprise »,
95, 96 « The Miracle »,
97, 98, 99, 100 « Military »,
101 « The Clock »,
102, 103 « Drumroll », 104 « London ». Les
Musiciens du Louvre/Grenoble, dir. Marc Minkowski.
4CDs Naïve : V5176. TT :
62'12+71'16+74'30+78'07.
Avec cette ultime et vaste
livraison, Josef Haydn façonne à l'envi le schéma, qu'on croyait immuable, de la
symphonie classique en quatre mouvements. L'inventivité qu'on lui connaît semble même bien prendre un nouvel essor au
point de libérer la forme. La thématique paraît
inépuisable, l'art d'expérimenter des formules nouvelles,
voire curieuses, sans limite : incrustations de passages
solistes, transitions inattendues. Ainsi
tel adagio devient-il une succession de variations presque aventureuses. Même
les menuets et leur découpe caractéristique, subissent moult métamorphoses. Marc
Minkowski peaufine cette somme avec un flair rare et une singulière absence de
dogmatisme dans le choix des tempos. La
captation en concert reflète, certes, la spontanéité du discours.
Mais il y a plus : un refus du confort de l'exécution
convenue ; des prises de risques qui se révèlent judicieuses
(tempos prestissimes, en particulier dans les dernières pièces, contrastes
accentués ménageant les effets de surprise, grâce à une étonnante utilisation du
silence entre les phrases) ; une mise en valeur de curieuses alliances de timbres. Chef habitué de la scène, Minkowski
n'hésite pas à forcer sur le dramatisme, à pousser le tempo d'un mouvement lent
ou à brusquer légèrement le rythme d'un menuet. La
dynamique est large, les tempos vifs, énergiques sans rien de heurté, car ils
ont l'élasticité rythmique qui permet d'illustrer un savant contrepoint. L'humour enfin est instillé avec esprit, telle l'intervention inopinée du
clavecin au dernier mouvement de la 98e Symphonie ou le solo de timbale à découvert ouvrant la 103e. C'est de virtuosité
orchestrale qu'il faut parler à propos des Musiciens du Louvre/Grenoble,
que ce soit de l'ensemble (quel quatuor à cordes !) ou
pour ce qui est des solistes (quelle couleur des bois !). De
leurs instruments anciens s'exhale une saveur rustique qui ne sombre pas dans
la baroqueux vieillot. La prise de son live -
dans un lieu peu aisé, du fait de son fort coefficient de
réverbération - parvient à une intéressante spatialisation. Une
éclatante réussite !
__________
Bicentenaire Chopin
Frédéric CHOPIN : Nocturnes (intégrale). Nelson
Freire, piano. 2CDs Decca/Universal :
478 2182. TT : 48'36+53'43.
Existe-t-il pièce plus introspective que le nocturne ? Il s'avère que ce genre
purement instrumental - contrairement au notturno pratiqué
par Haydn - a été inventé par l'Irlandais John Field. Chopin se l'appropriera volontiers, bien qu'il s'éloigne assez vite du modèle. Ces
pièces qui ressortissent à la miniature et seront composées par groupes de deux
ou de trois, puisent au registre de l'intime. Elles
font partie de cette littérature pianistique cultivant au plus haut degré
l'élégiaque et empruntant à la forme de la berceuse
romantique qui « invitation au sommeil, représente le passage du conscient
à l'inconscient » (Vladimir Jankélévitch). Encore qu'elles soient souvent traversées de mélodies belcantistes
dans le jeu orné de la main droite, alors que la basse ondule en arpèges. La
manière de cette vingtaine de compositions est variée et s'enrichit à mesure
que l'on s'avance dans l'œuvre.
L'opus 27 marque ainsi un tournant : ce qui n'était
jusqu'alors souvent que digression rêveuse, prend la forme d'une vraie saynète
construite. Nelson Freire propose une interprétation proche
de la confidence ; ce que renforce une prise de
son effectuée de très près ; presque trop, au point d'en laisser
percevoir la mécanique de l'instrument. Il y
a là une grande simplicité, loin de l'éclat virtuose, intériorisant à un rare
degré l'effusion romantique. Une vision mesurée, prudente
par endroit, qui en tout cas s'écarte de l'éloquence de la scène de concert
pour rester dans le registre du sobre épanchement.
Frédéric CHOPIN : Trio pour piano, violon et violoncelle op.8. Introduction &
Polonaise brillante, op.3 (transcription pour
trio de la Polonaise
brillante pour violoncelle et piano).
Franz LISZT : Tristia (transcription pour piano, violon et violoncelle de La
Vallée d'Obermann). Trio
Chausson. Mirare : MIR 089.
TT : 57'15.
Parmi les rares pièces
chambristes laissées par Chopin, le Trio op.8
(1829), dédié au prince Radziwill, livre une
belle variété de climats : sombre au premier mouvement, là où même
le violon est cantonné dans le registre grave, plutôt insouciant
au scherzo, d'un romantisme ardent dans l'adagio sostenuto, enfin d'un bel
allant au finale, sur un rythme de « krakowiak ». Le
Trio Chausson en livre le charme manifeste par un souci certain de l'équilibre
entre cordes et piano, et la qualité immaculée du toucher de son pianiste, tout
comme leur illustre prédécesseur, le Beaux Art Trio. Nos
jeunes musiciens s'avèrent aussi de convaincants adaptateurs : c'est
le cas de la grande Polonaise brillante op.3
(originellement pour violoncelle et piano) qui prend ici une consistance
inattendue car la mélodie passe habilement du piano aux cordes, et la ligne de
violon vient renforcer celle du cello. Avec à propos
ils proposent aussi Tristia, adaptation par Liszt, dans
les années 1880, pour trio avec piano, d'une de ses pièces de jeunesse pour
piano, La Vallée d'Obermann (1840), elle-même tirée du premier cahier des Années de pélerinage. La
pièce est pourvue d'harmonies singulières, débutant par une vaste partie lente,
pour se poursuivre sur le mode chantant dans un fort dramatisme. La
dernière phase amorcée dans une douce mélancolie, s'achevera en apothéose. Belle
prestation, là encore, des « Chausson ».
____________
Johannes BRAHMS : Les quatre symphonies. Berliner Philharmoniker, dir. Sir
Simon Rattle. 3CDs EMI : 2 67254.2. TT : 44'55+79'16+42'19.
Un nouvel enregistrement des
symphonies de Brahms par l'Orchestre philharmonique de Berlin,
en concert dans sa propre salle, est un incontestable événement. Ce
qui frappe d'emblée, c'est la plastique sonore phénoménale. Il
semble bien que cette parution marque un nouveau standard dans l'exécution.
À son meilleur, l'orchestre est parfaitement capté par une prise de son
qui saisit ce que la Philharmonie a d'avantageux en terme
d'acoustique : une perspective naturellement aérée, intégrant
dans un parfait équilibre les diverses sections de
l'orchestre, sans chercher à mettre en exergue, de manière
artificielle, tel solo de bois ou tel trait de
percussion. La ligne de basse est en outre bien présente. Après
ses illustres prédécesseurs au poste de chef permanent, Karajan ou Abbado,
Simon Rattle livre sa vision de ces quatre chefs-d'œuvre. Toute
personnelle, elle s'éloigne de certaines habitudes grandioses qui tendent à
tirer le discours vers Beethoven. La
manière se caractérise par des tempos étonnament relaxés, voire des
ralentissements marqués pour s'attarder sur tel détail, et une articulation
souple, souvent bien particulière, qui permet d'apprécier l'invention
contrapuntique de Brahms. Ce qui conduit à un
allègement de la texture, même la plus complexe, et favorise la clarté des
plans. Les accents ne donnent pas dans l'ostentatoire attendu,
et l'évitement des angles vifs se mesure dans les transitions qui n'ont rien de heurté. Au
contraire, il y a là une souplesse qui vise à faire ressortir la transparence
de l'orchestration plus que sa robustesse. Le
son est façonné à l'envi, particulièrement les bois, et la sonorité des violons
comme « dégraissée » jusqu'au plus impalpable murmure. C'est
que l'ambitus sonore est large et privilégie des ppp évanescents. Au final, des exécutions qui
rompent avec une certaine tradition et un Brahms dégagé de toute épaisseur, de tout
romantisme emphatique.
Frank MARTIN : Golgotha,
oratorio d'après les Évangiles et des textes de saint
Augustin, pour solistes, chœur mixte, orchestre & orgue. Judith Gauthier, Marianne
Beate Kielland, Adrian Thompson, Mattijs van de Woerd, Konstantin Wolff. Cappella Amsterdam, Estonian Philharmonic Chamber Choir ; Estonian National Symphony Orchestra, dir. Daniel Reuss.
2CDs Harmonia Mundi : HMC 902056.
TT : 47'45+46'39.
Le compositeur helvétique
Frank Martin (1890-1974) dit avoir trouvé la source de son inspiration pour
l'oratorio Golgotha (1949) dans l'eau-forte de
Rembrandt représentant Les Trois Croix (1653). Fervent admirateur de Bach, il délaisse pourtant
le plan classique de la Passion. Il en
livre l'histoire de manière libre dans ce qui apparaît plutôt comme une
méditation biblique et s'attache à « concentrer toute la lumière sur la
personne du Christ », laissant de côté la plupart des épisodes
secondaires. Pour ce faire, il fusionne
les récits des quatre Évangiles en un tout concis et met en regard des
commentaires bibliques, empruntés aux Méditations et
aux Confessions de saint Augustin. Ces
moments, qui remplacent en quelque sorte les airs et chorals des Passions du
Cantor, sont destinés à distancier le récit pour le faire
vivre à travers le point de vue de l'observateur. La
pièce, en deux parties et dix tableaux, développe un langage musical clair et
relativement simple, qui se situe dans le système tonal, même si l’on y
trouve, çà et là, quelques dissonances destinées à libérer
la tension. L'orchestre, de vastes proportions, est le plus
souvent utilisé de manière discrète laissant aux voix la part belle. Un
double chœur souligne l'importance des
scènes chorales, elles aussi souvent allégées et traitées
de façon originale, par exemple pour y incorporer les solistes. L'écriture vocale, calquée sur la déclamation parlée, se situe dans le sillage
debussyste, hommage d'un musicien qui admirait aussi beaucoup l'auteur de Pelléas. Discrète et dépouillée, elle bannit tout épanchement. On le
ressent clairement à l'écoute du panel de chanteurs que rassemble cette
exécution, et dont se détache le baryton Mattijs van de Woerd, émouvant Jésus. Daniel Reuss, un des grands directeurs actuels de chœur,
livre une interprétation marquée au coin de la ferveur de cette œuvre rare qui
mérite d'être découverte.
Rodion SHCHEDRIN : Le
Vagabond ensorcelé. Opéra
pour le concert en deux parties. Livret de l'auteur d'après la nouvelle de Nicolai Leskov. Quatre fragments tirés du ballet Le Petit cheval bossu. Concerto pour
orchestre n°1. Sergei Aleksashkin, Kristina Kapustinskaya, Evgeny Akimov. Orchestre et Chœurs du Théâtre Mariinsky, dir. Valery
Gergiev. 2CDs Mariinsky : MAR 0504.
TT : 48'57+62'14.
Le quatrième opéra de
Rodion Shchedrin (°1932) est écrit « pour la salle de
concert ». Il a été créé en 2002 à New
York par Lorin Maazel qui en est à l'origine, puis par Valery Gergiev en 2007 à Saint-Pétersbourg. D'après la nouvelle éponyme de Nicolai Leskov, cette succession de
courts tableaux suivis d'un épilogue, traite, à
travers l'histoire symbolique d'un jeune voyageur, les grands thèmes
de la littérature russe : le voyage, l'amour désintéressé, le
mélange de vertu et de péché, l'ombre du mal, l'hymne à la liberté et le
pardon. L'écriture, qui recourt à un orchestre de type
conventionnel, est puissante dans le registre émotionnel, mais aussi raffinée,
et le spectre sonore très vaste. Trois
voix empruntant à des tessitures typiquement russes, basse, mezzo et ténor,
interprètent les différents rôles. Elles
sont fort sollicitées dans la force dramatique mais aussi dans le registre de
la prière, la voix de femme en particulier. Comme
dans la tragédie antique, le chœur se
fait narrateur. Il se déploie, lui
aussi largement, de la déclamation vaillante au murmure
psalmodique. L'impression qui domine est
celle d'une grande ferveur, glorification de l'âme russe, souvent proche du
chant populaire. Valery Gergiev et ses forces
du Théâtre Mariinsky en sont les interprètes visionnaires. Le disque est
complété par des extraits du ballet « Le Petit Cheval
bossu », dédié en 1955 à la grande ballerine Maïa Plissetskaïa, épouse
du compositeur. La pièce renferme déjà ce qui
caractérisera la musique de Shchedrin : sa veine mélodique,
son sens du rythme. L'introduction toute de vie
grouillante n'est pas sans évoquer le climat de Petrouchka. Enfin, le Concerto
pour orchestre n°1 (1963) offre encore un autre aspect de la personnalité de
l'auteur : musique d'humeur bondissante, pleine
d'humour.
Rodion Shchedrin ©DR
Jean-Pierre Robert.
Girolamo FRESCOBALDI
(1583-1643) : Il Regno d’Amore. Mariana Flores,
soprano. Ensemble Clematis, dir. Leonardo García-Alarcón.
Ricercar (www.ricercar.be) :
300. TT : 61’03.
Le programme de ce CD réunit
deux étapes de la vie du musicien, Rome et Florence. La renommée de
l’organiste de Saint-Pierre de Rome était immense. C’est à l’invitation
de Ferdinand II, grand-duc de Toscane, qu’il s’installa à Florence de 1628
à 1635 ; il y composa notamment deux recueils d’Arie musicali per
cantarsi, pièces d’esprit opératique (recitar cantando cher aux
Florentins ; passagi d’agilità), où il fait preuve d’un sens
dramatique et théâtral qui fait certes regretter qu’il n’ait jamais abordé
l’art lyrique. Tous aspects ici superbement illustrés… Trois parties
[Canti d’amor, Canti sacri, Ballo] dans lesquelles, en guise de réponse aux
pièces vocales, s’enchevêtrent nombre de pièces instrumentales.
Magnifiques interprétations.
Johann Hermann SCHEIN (1586-1630) : Opella Nova (1618). Fontana d’Israel (1623). Ensemble Sagittarius, dir. Michel
Laplénie. Hortus (www.editionshortus.com) :
075. TT : 66’05.
Les Opella Nova (dont
c’est ici le 1er enregistrement mondial) et Israels-Brünnlein sont deux recueils de musique sacrée éminemment représentatifs des débuts du
Baroque allemand au XVIIe siècle, où s’exprime encore l’influence du
madrigal italien. Cantor à Saint-Thomas de Leipzig de 1616 à sa mort,
Schein forme, avec Scheid et Schütz (dont il fut l’ami), l’un des trois
« S » de la musique allemande du XVIIe siècle. Peut-être
moins connu que les deux autres, voilà une occasion de découvrir - dans
l’interprétation de Sagittarius, ensemble qui a adopté le nom latinisé de
Schütz – l’œuvre d’un musicien par trop méconnu.
Armand-Louis COUPERIN
(1727-1789) & les claviers expressifs de Pascal TASKIN (1723-1793). Pierre Goy & Nicole Hostettler, claviers. Lyrinx
Strumenti : LYR 2262.
Écrites indifféremment pour le
clavecin ou le pianoforte, ces pièces ont été enregistrées sur deux superbes
instruments : un clavecin Ruckers/Taskin & un pianoforte Taskin (Musée
de la musique de Paris). L’intérêt de la chose est de montrer l’art de
Pascal Taskin aussi bien dans les modifications qu’il apporta à l’instrument
d’Andreas Ruckers que dans sa propre facture sur pianoforte. Cousin de
François Couperin, dit « le Grand », Armand-Louis occupa longtemps la
tribune de Saint-Gervais, non sans se consacrer assidûment à la recherche
d’effets nouveaux sur le clavecin. En témoigne le présent
programme : Simphonie de clavecins en ré majeur, Deuxième
Quatuor à deux clavecins, Deuxième Sonate en trio œuvre III, Les
Quatre Nations, Variations sur l’air « Vous l’ordonnez ».
Wolfgang Amadeus
MOZART : Requiem (K.626). Maurerische Trauermusik (K.477). Adagio pour 2 clarinettes & 3 cors de basset (K. 411). Netherlands
Chamber Choir, Orchestra of the Eighteenth Century, dir. Frans Brüggen.
Glossa (www.glossamusic.com) :
GCD 9211. TT : 65’01.
Dépourvue de pathos, cette interprétation
du Requiem de Mozart est d’une incomparable énergie et grandeur. Avec
insertion de trois séquences grégoriennes : Introitus (Requiem
aeternam), Tractus (Absolve Domine), Offertorium (Domine Jesu
Christe). Ouvrage judicieusement précédé par deux œuvres que Mozart avait
composées pour sa loge « Zur Wohltätigkeit » : Maurerische
Trauermusik et Adagio pour 2 clarinettes & 3 cors de basset.
La première pièce évoque le meurtre de l’architecte du Temple de Salomon par
trois mauvais compagnons qui voulaient obtenir de lui les secrets de la
maîtrise – époptie fondatrice de la maçonnerie – assurément l’une des plus
admirables pages de Mozart, se concluant sur un radieux accord majeur. L’Adagio est, en revanche, une paisible oasis sonore. Un enregistrement
exceptionnel, digne de son programme.
Wolfgang Amadeus
MOZART (1756-1791) : Concerto pour clarinette K.622. Louis
SPOHR (1784-1859) : 2e Concerto pour clarinette op.57. Jon Manasse, clarinette. Seattle Symphony, dir. Gerard
Schwarz. Harmonia Mundi (www.harmoniamundi.com) :
HMU 907516. TT : 54’56.
Nul besoin d’épiloguer sur un
chef-d’œuvre que Mozart écrivit pour son « frère » en maçonnerie, le
clarinettiste Anton Stadler. Moins connue est, en revanche, la dilection
de Louis Spohr pour la clarinette, instrument auquel - après sa rencontre avec,
également, l’un de ses « frères » en maçonnerie, le virtuose Johann
Simon Hermstedt – il ne dédia pas moins de quatre concertos et six autres
pièces. Sans souffrir, bien sûr, la comparaison avec Mozart, Louis Spohr
ne démérite nullement. Concertos interprétés par un jeune clarinettiste
américain - à la sonorité idéalement moelleuse - accompagné par le réputé
Seattle Symphony, fondé en 1903 et que dirige, depuis 1985, Gerard Schwarz.
Ludwig van BEETHOVEN
(1770-1827) : Symphonie n°1 op.21. Symphonie n°6,
« Pastorale » op.68. Musica Viva Orchestra Moscow,
dir. Alexander Rudin. Fuga Libera (www.fugalibera.com) :
FUG 564. Distr. Outhere. TT : 66’20.
Captées in vivo, ces
interprétations d’Alexander Rudin, à la tête de l’Orchestre de chambre de
Moscou (http://musicaviva.ru),
sont de facture éminemment classique, sans outrancière volonté de se démarquer
de la tradition. Rien que de confortable et de rassurant !
Gustave NADAUD
(1820-1893) : La Bouche & l’Oreille. Daniel Marzorati
(chant & direction), Daniel Isoir (piano), Stéphanie Paulet (violon),
Alexandre Chabod (clarinette), Paul Carloz (violoncelle). Alpha (www.alpha-prod.com) : 160.
TT : 74’42.
Un genre qui s’est, hélas !
perdu… Dix-sept mélodies composent cette étonnante anthologie de chansons
alternant sujets badins et satiriques (L’aimable voleur, Les
lamentations d’un réverbère…), où le chansonnier auteur/compositeur se
moque allègrement aussi bien des réactionnaires que des révolutionnaires (La
vie moderne, La lorette, Les deux notaires, Le bon
bourgeois, Les reines de Mabille…), non sans parfois s’adonner au
genre sentimental (La valse des adieux) voire libertin (Les amants
d’Adèle) ou épique (Les trois hussards). Et jusqu’à sa célèbre
chanson Pandore ou Les deux gendarmes, qui fut longtemps proscrite pour
atteinte à la dignité de la maréchaussée. Esprit acéré, mélodies simples
et élégantes, un régal ! Et cela dans l’interprétation haute en couleurs
d’Arnaud Marzorati (à qui, chez le même éditeur, nous devons une anthologie de
chansons de Béranger)…
Isaac ALBÉNIZ
(1860-1909) : Iberia. Douze nouvelles impressions pour piano.
Jean-François Heisser, piano. Isabel Muñoz, photos n&b. Préface :
Philippe Fénelon. Livre-disque relié ; français/anglais. « Musicales »,
Actes Sud (www.actes-sud.fr).
Distr. Harmonia Mundi. TT : 76’38.
Opus testamentaire &
chef-d’œuvre absolu de la littérature pour le piano, Iberia (1905-1908)
comporte 4 cahiers : [Evocación, El Puerto, Fête-Dieu
à Séville] ; [Rondeña, Almería, Triana] ; [El
Albaicín, El Polo, Lavapiés] ; [Málaga, Jerez, Eritaña]. Où se déploient une constante invention mélodique et une
prodigieuse liberté formelle... Dès longtemps familier des musiques
ibériques (il a enregistré Falla, Albéniz, Granados, Turina), Jean-François
Heisser se confronte ici au plus grandiose monument du répertoire pianistique
espagnol. Mais avec désormais la maturité, la force visionnaire et le
sens de la grandeur requis… Outre une intelligente préface de Philippe Fénelon,
le livret qui sertit ce disque comporte une vingtaine de poignantes
photographies signées de la grande Isabel Muñoz (www.isabelmunoz.es).
Alban BERG, Arnold
SCHÖNBERG, Anton WEBERN : Pièces pour le piano. Jean-Louis
Steuerman, piano. Michael Ackerman, photographies n&b. Préface
de Gérard Condé. Livre-disque relié ; français/anglais. « Musicales »,
Actes Sud (www.actes-sud.fr).
Distr. Harmonia Mundi. TT : 61’03.
Composées entre 1907 et 1936,
les pièces ici réunies témoignent d’une époque définitivement révolue – bien davantage,
en tout cas, que de la « musique de l’avenir » qu’elles étaient
censées alors représenter. Ne pouvant plus être considérées que
« pour leur capacité à survivre à ce qu’il y a de caduc en elles »
(Gérard Condé)… Utile confrontation avec : Piano Sonata op.1
(Alban Berg). Drei Klavierstücke op.11, Sechs Klavierstücke op.19, Funf Klavierstücke op.23, Suite für Klavier op.25, Klavierstücke op.33a, Klavierstücke op.33b (Arnold Schönberg). Variationen
für Klavier op.27 (Anton Webern). Bien que plus ordinairement tourné
vers Bach et Villa-Lobos, le pianiste brésilien Louis Steuerman maîtrise son
sujet. Les photographies de Michael Ackerman font état d’un monde en parfaite
déliquescence.
Robert SCHUMANN
(1810-1856) : Klavierverke & Kammermusik, IX.
Gordan Nikolitch (violon), Paul Meyer (clarinette), Christophe Coin
(violoncelle), Éric Le Sage (piano). 2CDs Alpha (www.alpha-prod.com) : 158.
TT : 60’19 + 62’37.
Avec des interprètes
d’exception, le label Alpha poursuit sa publication de l’intégrale de la
musique de chambre de Schumann. Dans le premier CD sont inclus les Trio n°1 op.63 et Trio n°2 op.80. Le second comporte le Trio n°3 op.110, la très surprenante Fantasiestücke en la mineur op.88
(Romanze, Humoreske, Duett, Finale) et les Six pièces en canon op.56 pour clarinette, violoncelle & piano. Bonheur de voir ici
regroupées des pièces rarement données en concert. Éblouissante notice de
présentation par Brigitte François-Sappey.
Robert SCHUMANN : Carnaval, op.9. Études symphoniques, op.13. Papillons,
op.2. Michaël Levinas, piano. Saphir Productions (www.saphirproductions.net) :
LVC 1093. TT : 74’26.
Phrasés expressionnistes dans un
répertoire que l’on imaginerait – mais peut-être à tort – plus intimiste…
Edvard GRIEG : Peer
Gynt. Dietrich Henschel (Peer Gynt), Inger Dam-Jensen (Solveig),
Sophie Koch (Anitra). Ensemble vocal Le Motet de Genève, Orchestre de la
Suisse romande, dir. Guillaume Tourniaire. Aeon (www.aeon.fr) : AECD 1098. Distr.
Outhere (www.outhere-music.com).
TT : 75’28.
Intégral est ici l’enregistrement
de la partition que Grieg écrivit pour la pièce d’Ibsen - que ce dernier, eu
égard aux dimensions de l’œuvre (5 actes sur quelque 5 heures et une
cinquantaine de personnages), avait d’abord conçue comme un Lesedrama, pièce
destinée à la lecture : 26 numéros musicaux nous font ainsi faire l’aller-retour
d’un village norvégien à l’Égypte, non sans une étape au fabuleux royaume des
trolls…
Camille
SAINT-SAËNS : Intégrale de la musique de chambre avec instruments à vent.
Les Solistes de l’Orchestre de Paris. Pascal Godart & Laurent
Wagschal (piano). 2CDs Indesens (www.indesens.fr) :
INDE 010. TT : 63’35 + 50’51.
Quelle bonne idée d’avoir réuni,
dans l’interprétation des meilleurs virtuoses, ce bouquet d’œuvres dont
quelques-unes sont très populaires, cependant que d’autres sont quasiment
inconnues… CD1 (1857-1915) : Septuor, Deux romances pour cor
& piano, Tarentelle pour clarinette, flûte & piano, Carnaval
des animaux (« Le Cygne » et « l’Éléphant »), Romance
pour flûte & piano, Cavatine pour trombone & piano, Caprice
sur des airs danois et russes, Samson et Dalila (« Mon cœur
s’ouvre à ta voix »). CD2 (1920-1921) : Sonate pour
clarinette & piano, Prière pour basson & piano, Sonate
pour hautbois & piano, Odelette pour flûte & piano, Sonate
pour basson & piano. Un ensemble dont les « Six » ne
manqueront pas de s’inspirer…
Gabriel FAURÉ : La Chanson d’Ève, op.95. Le Jardin clos, op.106. Neuf
mélodies. Mireille Delunsch, soprano. Marie-Josèphe Jude,
piano. Lyrinx : LYR 2257.
Composés entre les élans
lyriques de La Bonne Chanson (1894) et l’ultime sérénité de L’Horizon
chimérique (1921), les cycles La Chanson d’Ève (1910) et Le Jardin
clos (1914) ne connurent jamais la même notoriété. Sur des poèmes de
Charles Van Lerberghe (1861-1907), ils ne sont pourtant pas moins admirables de
frémissante émotion dans leur nue simplicité. Les deux immenses artistes
que sont Mireille Delunsch & Marie-Josèphe Jude font ici merveille.
En complément de ces deux cycles, elles interprètent neuf mélodies de la première
manière : Larmes, Au cimetière, Spleen, La rose, Le parfum impérissable,
Arpège, avec les trois titres de Poème d’un jour. Entre tous,
un précieux enregistrement.
Ernest CHAUSSON
(1855-1899) : Poème de l’amour et de la mer, op.19. Quatuor,
op.35. Chanson perpétuelle, op.37. Salomé Haller,
soprano. Nicolas Kruger, piano. Quatuor Manfred. Zig-Zag
Territoires (www.zigzag-territoires.com) :
ZZT 100402.
Le Poème de l’amour et de la
mer, œuvre pour voix & orchestre, a été ici heureusement transcrit, par
Franck Villard, pour voix, piano & quatuor à cordes – s’inspirant de la
formation originelle de la Chanson perpétuelle, mélodie présente sur ce même
disque. Œuvre ultime de Chausson, le Quatuor laisse entrevoir
l’orientation symboliste qui aurait pu être celle du compositeur s’il avait
vécu. La soprane Salomé Haller possède certes le tempérament de feu que
nécessite ce répertoire ; on peut toutefois regretter un grain de voix qui
manque parfois de rondeur. Un enregistrement, au demeurant, indispensable.
Ernst KRENEK
(1900-1991) : Sechs Motetten nach Worten von Franz Kafka op.169
(1959). Pièces chorales op.22, 72, 87, 97. Caroline Stein
(soprano), Philip Mayers (piano). RIAS Kammerchor, dir. Hans-Christoph
Rademan. Harmonia Mundi (www.harmoniamundi.com) :
HMC 902049. TT : 74’09.
D’exil intérieur et extérieur
(aux USA) furent pour Krenek les années qui suivirent l’Anschluss. Les Six
Motets sur des textes de Franz Kafka op.169 (1959) trouvent une manière d’unité
kaléidoscopique dans la technique sérielle, permettant au compositeur de
désarticuler, à plaisir, les fragments choisis. Technique toutefois absente
des autres pièces chorales (pour la plupart a cappella) ici réunies : Five Prayers op.97 (1944), Kantate von der Vergänglichkeit des
Irdischen op.72 (1932), pour soprano, chœur & piano, Lamento della
Ninfa, d’après Monteverdi, Drei gemische A-Cappella-Chöre op.22
(1923), Two Choruses on Jacobean Poems op.87 (1939). Remarquable
interprétation par le RIAS Kammerchor, familier de ce répertoire.
De BACH à
PIAZZOLLA : Un soir. Frédéric Chatoux (flûte) & Emmanuel
Ceysson (harpe). 1CD + 1DVD Live Recording (www.dirac-multimedia.com) :
DMM LR1. TT : 48’27.
Enregistrement d’un concert
exceptionnel donné, le 7 juin 2009, en la chapelle « Lalique » de
Douvres-la-Délivrande (Calvados). Étaient au programme (à suivre ici en
version aussi bien audio que vidéo) : Sonate en sol mineur BWV 1020 de Bach, Orphée de Gluck (Scène des Champs-Élysées), Fantaisie
brillante sur Carmen de Bizet (arrangement : François Borne), Après
un rêve et Les Berceaux de Fauré, Beau soir de Debussy, Träume de Wagner, Histoire du tango de Piazzolla, Danses roumaines de
Bartók. Rien que de non surprenant…
Dimitri
CHOSTAKOVITCH (1906-1975) : Symphonie n°14 op.135 (1969).
Julia Korpacheva (soprano), Petr Migunov (basse). MusicAeterna,
dir. Teodor Currentzis. Alpha (www.alpha-prod.com) :
159. TT : 52’21.
Composée sur des textes de
Federico Garcia-Lorca, Guillaume Apollinaire, Wilhelm Kückelbecker & Rainer
Maria Rilke, l’œuvre est dédiée à Benjamin Britten. C’est l’une des plus
désespérées du compositeur. Elle se présente sous la forme d’un cycle
vocal pour basse, soprano & orchestre de chambre. Huit de ses onze mouvements
ont pour thème la mort - toujours prématurée, tragique, violente… Probable
réponse d’un athée à la conception religieuse du War Requiem de Britten,
dédicataire de cette terrifiante partition. Fondé en 2004 à l’initiative
de son chef actuel, MusicAeterna, orchestre de chambre de l’Opéra de
Novosibirsk, interprète l’œuvre avec toute l’intensité visionnaire nécessaire.
Olivier GREIF
(1950-2000) : Sonate pour deux violoncelles « The Battle of
Agincourt » (1996). Quatuor à cordes n°2, avec voix, sur
trois sonnets de Shakespeare. Patrick Langot & Agnès Vesterman
(violoncelles). Alain Buet (baryton). Ensemble Syntonia.
Zig-Zag Territoires (www.zigzag-territoires.com) :
ZZT 100401.
La bataille d’Agincourt, pour
deux violoncelles, s’inspire de textes anglicans du XIVe siècle,
d’une chaconne, d’un chant du ghetto de Varsovie et d’une ballade de
Keats. Comme souvent dans l’œuvre (prémonitoire ?) d’Olivier Greif,
la mort est ici le fil rouge d’une sonate comportant, classiquement, quatre
mouvements : Molto lento, quasi cadenza / Chaconne /
« Shtil, di nacht is ojsgesternt » / Rondeau de la « Belle
Dame sans Merci ». Non moins hanté par la mort est le 2e Quatuor,
sur trois sonnets de Shakespeare ; il comporte cinq mouvements :
« Give warning to the world » [sonnet n°71] / « The prey of
worms » / Frozen landscape with reclining figure « That time of
year » [sonnet n°73] / Intermezzo / « Poor soul, the center of my sinful
earth » [sonnet n°146]. Poignante interprétation d’Alain Buet !
Les poèmes originaux et leur traduction sont donnés dans le livret.
Marc MONNET
(°1957) : Bosse, crâne rasé, nez crochu, pour deux pianos, ensemble
& transformations en temps réel (2000). Imaginary Travel, pour
piano & électronique (1996). Épaule cousue, bouche ouverte, cœur
fendu, pour violon solo, ensemble & transformations en temps réel
(2008). 2CDs Zig-Zag Territoire (www.zigzag-territoires.com) :
ZZT 100403.
Dans Bosse, crâne rasé, nez
crochu officient Géraldine Dutroncy & Dimitri Vassilakis (pianos),
l’Ensemble Court-Circuit, dir. Pierre-André Valade, Alexis Baskind &
Gilbert Nouno (informatique musicale Ircam). Dans Imaginary Travel,
ce sont François-Frédéric Guy (piano) & Thierry Coduys (informatique
musicale). Dans Épaule cousue, bouche ouverte, cœur fendu :
Tedi Papavrami (violon), Daniel Gloger (contre-ténor), l’Ensemble
Court-Circuit, dir. Pierre-André Valade & Thierry Coduys (informatique
musicale). Intéressant…
Jean-Paul DESSY
(°1963) : Prophètes. Œuvres pour violoncelle seul,
interprétées par le compositeur. Le Chant du Monde (www.lechantdumonde.com) :
LDC 278 1153. TT : 53’40.
Compositeur et chef d’orchestre,
directeur de l’ensemble Musiques nouvelles, Jean-Paul Dessy est avant tout
violoncelliste, familier de Bach aussi bien que de Scelsi. Il interprète
ici cinq pièces de son cru : Sophonie (2005), Baruch (1998), Amos (2006), Non multa sed multum (1997), Exodus (2007).
Pièces « incontemporaines », généralement méditatives, de caractère
librement improvisé (il dialogua naguère avec le sarangîste Dhruba Ghost).
Fascinant !
Dimitri
YANOV-YANOVSKY (°1963) : Les trois concertos pour claviers.
Céline Frisch (clavecin). Jay Gottlieb (piano). Éric Lebrun
(orgue). Ensemble Musiques nouvelles, dir. Jean-Paul Dessy. Le
Chant du Monde (www.lechantdumonde.com) :
LDC 278 1152. TT : 56’26.
À la suggestion d’Hervé
Désarbre, directeur des éditions du Chant du Monde, le compositeur ouzbek
Dimitri Yanov-Yanovsky a ici soutenu la gageure (sans précédent !) d’écrire
trois concertos distincts dont les parties solistes seraient différentes, cependant
que la partie orchestrale (pour les seules cordes) demeure identique. Dans
la filiation assumée de Ligeti et de Berio, il s’agit là, in vivo, d’un passionnant
traité d’écriture instrumentale.
Elżbieta SIKORA
(°1943) : South Shore.
Ludwig van BEETHOVEN : 7e Symphonie.
Orchestre philharmonique de la Baltique, Gdańsk, dir. Jerzy
Maksymiuk. Isabelle Perrin, harpe. Dux (www.dux.pl) :
0713. TT : 53’39.
C’est en référence au lac Michigan - elle travaillait
alors à l’Université de Chicago - qu’Elżbieta Sikora écrivit South Shore, concertino en trois
mouvements enchaînés (Allegretto, Lento possibile, Vivo) pour electric blue harp (harpe électrifiée), orchestre
& traitement informatique (20’00). Isabelle Perrin, dédicataire, en
est la soliste. Étincelant fouillis de cordes dans lequel la harpe, sur
un motif initial de deux notes, s’insère tout naturellement (1er mouvement) /
Sons de harpe égrénés parmi d’étranges et fugaces séquences (2e mouvement) /
Partie beaucoup plus dynamique, avec de rythmiques percussions (3e mouvement).
Une œuvre fascinante qui, sans doute, fera date. Quant à la 7e Symphonie de
Beethoven, elle ouvre ici, dans des tempi très convaincants, de larges espaces.
Reynaldo HAHN (1875-1947), George GERSHWIN (1898-1937) : L’heure exquise. Ballades de jazz. Michel Crichton (piano),
Alain Maréchal (saxophones & clarinette). Passavant Music (www.passavantmusic.com) :
PAS 2100. TT : 70’06.
Certes peu banale - mais convaincante en diable ! – est
cette confrontation de deux célèbres compositeurs qui, pour être à peu près contemporains,
n’en appartenaient pas moins à des mondes fort différents. Où l’on
découvre, non sans jubilation, Reynaldo Hahn se prêter de bonne grâce au
« traitement ternaire » auquel deux magnifiques jazzmen, compères de
longue pratique, ont soumis quelques-unes de ses plus célèbres mélodies : L’heure
exquise, À Chloris, Trois jours de vendanges, D’une
prison… Cependant que, de Gershwin, sont notamment repris : But
not for me, I love you Porgy, Oh lady be good, A
foggy day, Summertime… Un cross-over qui - une fois n’est pas
coutume - suscite notre totale adhésion. Que du bonheur !
Francis Gérimont.
POUR LES
PLUS JEUNES
Poucette « enchantée », conte d’Andersen adapté, chanté & raconté par Isabelle
Desrochers (soprano). Ensemble « À deux violes égales » :
Jonathan Dunford (viole de gambe), Mauricio Buraglia (théorbe). Victorie
Music : 301 816.3.
Merveilleuse idée que d’initier ainsi les enfants au chant
& à la musique baroque française. Intelligentes adaptations d’airs de
Boismortier, Campra, Clérambaud, Couperin, Francœur, Guédron, Lully, Marais,
Rameau… D’une parfaite musicalité. Le livret comporte l’adaptation
intégrale du conte et le texte des chants.
Festival Mino 2009 : Carte blanche à Henri Dès. Invités : David Sire, Steve Waring, Alain Schneider et Geneviève
Laloy. Victorie Music : 301 814.2.
Dix-sept titres où le grand Henri Dès fait des duos avec
ses divers invités sur des chansons de lui-même ou de ceux-ci. Grande
fête de la chanson et de l’amitié !
Alain GIBERT (Musique) & André RICROS (Texte) : Jean
de La Grive. Conte musical. Victorie Music/Universal :
301 811.8.
Ce disque comporte les 27 plages d’un
« oratotorio » créé, en 2006, sur la scène nationale de La Comédie, à
Clermont-Ferrand. Où l’on suit les plaisantes aventures des trois fils de
Mathurin : Jean de Loisir (quelque peu fainéant), Jean Belarge (fort comme
un bœuf, courageux au travail) et Jean de La Grive (chantant sans cesse), aux
prises avec l’horrible monstre Dinocroserpentiyo ; celui qui en
débarrassera le royaume de Peyrelevade épousera, bien sûr, la fille du roi.
Mais ce qui fait la principale qualité de ce conte musical, c’est la constante
originalité des musiques interprétées par la Compagnie « L’Auvergne
imaginée » (voix + trombones, ophicléide, guitare basse, cabrette,
chabretou, batterie et saxophones). Une totale réussite !
Derrière les bruissons, musique pour objets. La
Corde à vent (Gérald Chagnard & Sylvain Nallet). L’Arbre Canapas (www.arbre-canapas.com) :
609260. TT : 41’40.
Entre musique concrète jazzie, gamelan mécanique, poésie
satique et humour alla Gaston Lagaffe, voilà de bien jolies alliances
sonores de saxophones, clarinettes, mandoline, arbre à bouteilles, expirateur à
flûtes, roue de vélo préparée, sonnailles, clés plates, kazoo et tutti
quanti. Rigolo !
DVD
Claude
DEBUSSY : Pelléas et Mélisande. Drame lyrique en 5
actes. Livret de Maurice Maeterlinck. Enregistrement live, Theater
an der Wien, das neue Opernhaus. Natalie Dessay (Mélisande), Stéphane
Degout (Pelléas), Laurent Naouri (Golaud), Philip Ens (Arkel), Marie-Nicole
Lemieux (Geneviève), Tim Mirfin (le médecin, un berger), Beate Ritter (Yniold).
ORF Radio-Symphonieorchester Wien, Arnold Schönberg Chor, dir Bertrand de
Billy. Régie Laurent Pelly. 2DVDs Virgin Classics (www.virginclassics.com) : 696 1379.1.
163’00.
Idéale est cette
nouvelle production, tant pour les chanteurs – voix, diction, physique, intime
communion avec les personnages (et ce jusqu’à la délicieuse Beate Ritter, bien
qu’un peu grandette dans le rôle du petit Yniold) - que pour l’orchestre et son
chef, le Français Bertrand de Billy, contraint de mener, hors nos frontières,
la brillante carrière qui lui est ici refusée. Décors stylisés à
l’extrême, grande simplicité de la mise en scène. D’anthologie !
Francis
Gérimont.
Jeanne
BOVET : Parcours d’une vie dédiée à
la musique. VDE-Gallo (La Cure, rue du Four 2, CH-1410 Denezy. info@vdegallo.ch) : DVD 1288.
La pianiste suisse Jeanne Bovet (93 ans
en 2007) parcourt sa vie entièrement dédiée à la musique. D’un côté,
l’image, les contextes (paysages, lieux, environnement), voisinent avec des
commentaires très éclairants marqués par une exceptionnelle présence ; de
l’autre côté, l’artiste est en action. Bref : une rencontre
immédiate avec ce remarquable professeur - qui a été élève de Marthe Morhange
et surtout d’Alfred Cortot -, présentée en 5 actes : Enfance / Paris
(École Normale de Musique) / L’artiste / Berne / Rompon.
J. Bovet interprète une sélection de pages de Bach, Scarlatti, Schumann,
Brahms et Debussy et, en prime, l’œuvre que son compatriote Julien–François
Zbinden (°1917) a composée pour son 90e anniversaire : Trois Inventions à mi-voix pour piano,
op.99. Étayée de photographies, d’autographes (Cortot…), de la liste de
ses nombreuses publications littéraires et pédagogiques, cette révélation
évoque un siècle d’échanges artistiques entre la Suisse et la France.
Édith Weber.
Henry PURCELL : Didon
and Aeneas. Opéra
en un prologue et trois actes. Malena Ernman, Christopher Maltman, Judith von Wanroij, Hilary Summers, Fiona
Show. Chœurs et orchestre des Arts Florissants, dir. William Christie.
Mise en scène : Deborah Warner.
Réalisation filmée : François Roussillon.
Opéra Comique FraMusica : EDV 1610.
TT : 1h06'.
Capté lors des
représentations de 2008, cette exécution de Didon
et Enée est exemplaire en ce qu'elle fédère les climats contradictoires qui
font de ce court opéra un concentré dramatique rare.
La mise en scène de Deborah Warner fait en effet converger trois
univers indissociables en un efficient mélange : celui
des protagonistes, vêtus de costumes d'époque, celui du chœur, en
habits d'aujourd'hui, celui enfin des enfants, façon collégiens en
uniforme qui, de leurs pirouettes endiablées, singent le
monde grave des adultes ; fine allusion au fait que la pièce aurait
été créée dans un pensionnat de jeunes filles de Chelsea. Le
prologue, dont la musique a été perdue, est néanmoins maintenu sous forme d'un
choix de poèmes, dits par l'excellente comédienne Fiona Shaw. Il
flotte dans cette exécution un frisson de théâtre élisabéthain à travers
l'exacerbation des sentiments, le mélange des genres, le fantasque débridé. Et
l'on passe sans transition de l'humour léger au registre tragique, de l'émotion
pure à l'exagération parodique. L'atmosphère est créée par
trois fois rien. Pourtant il s'en dégage un
parfum de légèreté qui renforce la beauté intense de la pièce, cette
« exquise douleur » de l'héroïne si profondément vécue. La
captation filmée, par un intéressant découpage des plans, restitue le spontané
de la représentation. L'interprétation
est proche de l'idéal : la perfection dramatique et vocale se vit
autant dans les chœurs que chez les solistes. Comment ne pas être conquis par la
vibrante et sobrement émouvante Didon de Malena Ernman, l'impérieux
Énée de Christopher Maltman ou l'inénarrable sorcière de Hilary Summers. L'orchestre dirigé par William Christie
livre un panel de sonorités envoûtantes. Une
magnifique réussite pour lancer le label DVD-maison de l'Opéra
Comique !
Jean-Pierre Robert.
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