Lettre d'information - no 113 avril 2017
D.R.
La pianiste Rebecca Chaillot, dont Martha Argerich se plait à louer l'intelligence du jeu, se produira
en avril dans une série de concerts en Drôme provençale, destinés au financement d'un projet de
nouveau lieu qui lui tient particulièrement à coeur : une ancienne ferme, à Colonzelle (26), où
s'établiront une salle de concert et des espaces de répétitions. Elle jouera ainsi, dans un programme
Mozart, Chopin, Liszt, successivement, à La Paillette-Monjoux, Pierrelatte et Valaurie. Avant de se
produire aussi à Roubaix pour une soirée associant Bach et Liszt.
Salle de fêtes, La Pailllette-Monjoux (26), le 5 avril 2017 à 17H. Renseignements au : 04 75 46 44
15.
Le Salon d'Isa, à Pierrelatte, Place Xavier Taillade, le 7/ 4 à 19H. Renseignements : 06 08 54 93 00
Espace Valle-Aurea, Route de Grignan, Valaurie (26), le 9/4 à 17H. Renseignements : 04 75 97 40
17
Espace André Michel, 4, rue d'Épinal à Roubaix, le 30/4 à 17H. Renseignements au : 06 83 57 80
42
Florian Hille & Bianca Chillemi
L'an 2 du festival « Les Beaux jours de la musique » de la cité biarrote propose un programme aussi varié que bigarré. Qu'on en juge ! Sur le thème de Roméo et Juliette, Katia et Marielle Labèque
joueront leur arrangement pour deux pianos de West Side Story de Bernstein puis participeront à un
spectacle « Star-Cross'd Lovers » de David Chalmin, sur une chorégraphie de Yaman Okur (12/4 à
la Gare du Midi). Le contre ténor Emmanuel Cencic se produira dans un programme Mozart et
Rossini, outre un air écrit par la mezzo Karine Deshayes (14/4, Église Sainte-Eugénie). Le guitariste
Thibault Cauvin proposera un programme de concertos de Vivaldi avec des musiciens de
l'Orchestre régional Bayonne Côte basque (16/4, Fronton Piazza Berri). En contrepoint, Le
saxophoniste James Carter interprétera Django Rheinardt pour une soirée « Django Unchained »,
avec à ses côtés Gérard Gibbs à l'orgue et Alex White à la batterie, pour un hommage version soul
et funk (13/4 au Théâtre du Casino). Enfin, Ballaké Sissoko, le maître de la kora, et le violoncelliste
Vincent Ségal interpréteront le programme de leur dernier album, nommé aux Victoires de la
musique 2016 , « Musique de nuit », mélange de jazz et de musique du monde (15/4, Casino, salon
des ambassadeurs).
Réservations : Billetterie à l'Office du tourisme de Biarritz ; par tel : 05 59 22 44 66 ; en ligne :
www.biarritz-lesbeauxjours.com
OnP
L'entrée au répertoire de l'Opéra national de Paris de La fille de neige ou Snegourotchka de Nicolaï
Rimki-Korsakov est un événement considérable. D'abord parce que que cette oeuvre (1882), qui
passe pour la préférée de son auteur, n'est pratiquement jamais donnée. Elle offre une peinture
faussement naïve de la Russie éternelle réimaginée par le poète Alexandre Ostrovsky : un drame
profondément humain au royaume de la peuplade des Barendei, dans le décor idyllique d'une nature
riante où il est question de la Fée Printemps et du vieil Hiver, du soleil Yarilo, d'un Tsar nonchalant
et d'une foultitude de personnages pittoresques comme le cynique marchand Mizguir, le bel éphèbe
Lel, ou Koupova, la femme ardente et éplorée. La jeune Snegourotchka, qui ne connait pas l'amour,
fondra comme rêve au soleil le jour où elle le rencontrera. Ensuite, eu égard à une musique aux
mille couleurs, où excelle l'auteur de Schéhérazade, tour à tour douce et contemplative, d'une
poétique peu résistible, ou truculente, mêlant dans un savant contrepoint le vif et l'apaisé, toujours
dans un souci d'équilibre parfait entre symphonie et chant. A cet égard la partie chorale, si
importante, comme dans tout opéra russe, forme comme le décor musical de la pièce. Surtout on
admire ici le talent d'orchestrateur hors pair de Rimski-Korsakov et sa science du maniement des
Leitmotive. Enfin parce que la présentation scénique en sera signée de Dmitri Tcherniakov dont on
sait la passion pour décortiquer ces histoires complexes mêlant fantastique et réalité. Qu'on se
souvienne de son Kitège du même Rimski-Korsakov ! Le régisseur russe n'a pas son pareil pour
nous mener par la main dans les méandres inouïs de ce qui est sans doute plus qu'un gentil conte, grâce à une direction d'acteurs millimétrée. Et la distribution s'annonce comme un feu d'artifice
vocal : Martina Serafin, Raymond Vargas, Luciana D'Intino, Franz Hawlata, Thomas Johannes
Mayer, et la toute nouvelle étoile au firmament de l'opéra, Aïda Garifullina. Le jeune chef russe
Mikhail Tatarnikov sera aux commandes. Un spectacle à ne manquer sous aucun prétexte.
Opéra Bastille, les 15, 20, 22, 25, 28 avril 2017 & 3 mai à 19H et les 17, 30/4 à 14H
Réservations : Billetterie, 130, rue de Lyon, 75012 Paris ou angle rues Scribe et Auber, 75001
Paris ; par tel. : 08 92 89 90 90 ; en ligne : operadeparis.fr
D.R.
Pour la première fois depuis 2004 l'Orchestre Symphonique de Bretagne revient à Paris pour se
produire à Gaveau sous la houlette de François Dumont qui depuis son piano jouera les concertos
N° 17 K. 453 et N° 23 K. 488 de Mozart. Participera également au concert Helen Kearns qui
interprétera l'aria de Mozart K. 505 « Ch'io mi scordi di te ». La soprano irlandaise a notamment
été sélectionnée pour représenter l'Irlande dans le prestigieux concours "BBC Cardif singer of the
world". On rappelle que L'orchestre enregistre actuellement l'intégrale des concertos de Mozart
avec François Dumont. Un premier CD, paru en janvier 2015, regroupe les concertos N° 9 K 271 &
N° 21 K. 466. Le programme du présent concert illustre l'enregistrement du deuxième CD qui
paraîtra en juin prochain sous le propre label de l'orchestre, OSB Productions. Il faut suivre ce
pianiste qui a ravi son auditoire en récital, en janvier dernier déjà à Gaveau (cf. LI 111).
Salle Gaveau, Le 19 avril 2017 à 20H30.
Réservations : Billetterie, 45-47, rue La Boétie, 75008 Paris ; par tel.: 01 49 53 05 07 ; en ligne :
www.sallegaveau.com
Évènement majeur de ce premier semestre 2017 que l'inauguration de la Seine musicale de l'Ile
Seguin ! Ce vaste complexe culturel insulaire s'orne d'un Auditorium de 1150 places et d'une salle
modulable, dite Grande Seine, de 4000/6000 places selon qu'on prévoit un public assis ou debout,
outre plusieurs studios de répétitions et d'enregistrement. De plus, les bâtiments abritent
l'administration d'Insula Orchestra, la formation en résidence, comme l'École de chant de Philippe
Jaroussky. Bien sûr, c'est Insula Orchestra qui fait figure de tête de pont de l'aventure, sous la
houlette de sa cheffe Laurence Equilbey. Les deux concerts d'ouverture (22 & 23 avril) offriront un
programme Mozart, Weber, Beethoven et Berlioz avec Bertrand Chamayou et des solistes vocaux
de renom comme Sandrine Piau ou Stanislas de Barbeyrac. Quelques jours plus tard, l'orchestre
donnera un programme Schubert avec l'Ouverture de Rosamunde, des Lieder orchestrés (par
Schubert lui-même, ou Liszt, Berlioz, Richard Strauss, Britten ou Webern) et la Symphonie
Inachevée. Puis, en mai, La Création de Haydn sera interprétée dans une version scénique due au
collectif catalan La Fura dels Baus - Carlus Pedrissa dont on connait l'imagination débordante. Une
première là aussi.
Une programmation à suivre qui promet aussi bien de la musique de chambre pour une série de
concerts intitulés « Ilot russe » (Quatuor Tana, le 20/5 -Stravinsky, Chostakovitch et Tchaïkovski -,
Quatuor Béla, le 21/5) que des grands événements tels qu'une soirée Bob Dylan and his Band
(21/5), divers spectacles des ballets Alvin Ailey (4 au 22 juillet 2017), en attendant la reprise de
West Side Story dans la production new yorkaise (12 octobre-12 novembre 2017), ou le projet de
reprise de la production scénique créée à la Semaine Mozart de Salzbourg du Requiem de Mozart,
signée Bartabas et Marc Minkowski...
Après le nord parisien, avec la Philharmonie de Paris, voici donc l'ouverture à l'ouest... Décidément
parisiens et franciliens ont de la chance !
© Christoph Frommen
La 2ème édition de «BE »Classique!, le rendez-vous de la musique classique belge francophone,
nous emmène à la rencontre des étoiles montantes ou confirmées de Wallonie et Bruxelles, lors de
trois soirées riches en découvertes au centre Wallonie-Bruxelles à Paris. On pourra entendre
l’Octuor de violoncelles Ô-Celli et les quatre mains des pianistes Stéphanie Salmin et Pierre Solot
du Duo Solot, autour d'oeuvres de Stravinsky, Dvořák ou Gershwin (25/4). Puis les musiciens de
Tandem 66 invitant à vivre, en musique et en image, leur périple de 6 000 kilomètres en vélo à
travers les États-Unis, et le Trio Soledad (26/4). Enfin une soirée dédiée à la musique ancienne,
avec le Quatuor Dialogues qui jouera la Sérénade Gran Partita de Mozart, et l’orchestre baroque
Les Muffatti, dans un programme autour de Christoph Graupner, Georg Philip Telemann et Johann
Sebastian Bach (27/4).
Renseignements et réservations : Salle de spectacles, 46 rue Quincampoix, 75004 Paris
Paris ; par tel. : 01 53 01 96 96 ; en ligne : info@cwb.f r
Centre culturel du Méjan à Arles / DR
L’Ensemble Les Surprises se produira à l’Abbaye aux Dames à Saintes dans une formation
réunissant un quintette à cordes, un clavecin, une flûte (Juliette Hurel) et une soprano (Maïlys de
Villoutreys) sous la direction de Louis-Noël Bestion de Camboulas. Ensemble à géométrie variable
se métamorphosant d’un ensemble de chambre à une formation orchestrale, les membres des
Surprises ont été formés dans les conservatoires supérieurs européens et travaillent sous la direction
de personnalités telles que Hervé Niquet, William Christie ou Christophe Rousset. Le programme
intitulé “Bach, du café à l’église” permettra d'entendre des extraits de la Cantate BWV 82 « Ich
habe genug », de l'Oratorio de Pâques BWV 249 et de la Cantate du café BWV 211, ainsi que la
Sonate en trio BWV 1038, la Partita pour flûte seule BWV 1013 et enfin la Suite en si mineur BWV
1067.
Abbaye aux Dames – Saintes, le 25 avril à 20H30.
Renseignements et réservation au 05 46 97 48 48 et sur www.abbayeauxdames.org
https://www.les-surprises.fr/presentation
Francesco Cavalli (1602-1676) est indéniablement en vogue sur les scènes nationales... et
internationales. Après Eliogabalo à Garnier, et avant Erismena au Festival d'Aix l'été prochain -
sans oublier Hipermestra à celui de Glyndebourne 2017 -, voici une nouvelle présentation de La
Calisto à l'Opéra du Rhin. C'est ce dramma per musica (1651) qui remit en selle naguère le
compositeur, avec la fameuse production du Festival de Glyndebourne 1970, dirigée par Raymond
Leppard, puis celle non moins prestigieuse de La Monnaie de Bruxelles dirigée en 1995 par René
Jacobs. Emprunté aux Métamorphoses d'Ovide, le livret de Giovanni Faustini décrit le sort de la
belle nymphe Calisto courtisée par les dieux descendus de l'Olympe. Après moult péripéties, elle
finira incrustée dans la constellation de la grande Ourse.... Mariame Clément signe la mise en scène
de cette nouvelle production fort attendue d'une oeuvre où, dit-elle, « apparaît un vrai catalogue de
l'amour ». Et foisonnante au point que s'y côtoient comique et tragique, noblesse et grotesque,
« dans un univers plein d'équivoques, de quiproquos et de fantaisie ». Le volet musical s'annonce
prestigieux : Elena Tsallagova, Vivica Genaux, Carmela Remiglio..., et les Talens Lyriques dirigés
par leur chef et mentor Christophe Rousse
Opéra du Rhin. A Strasbourg, les 26, 28 avril, 2, 4 mai 2017 à 20H et le 30/4 à 15H.
A Mulhouse La Sinne, les 12 (20H) et 14 /5 (15H).
Réservations :à Strasbourg, 19 Place Broglie, BP 80320 Strasbourg ; par tel. : 0825 84 14 84 ; à
Mulhouse La Sinne : 39 rue de la Sinne, 69948 Mulhouse ; par tel. : 03 89 33 78 01.
en ligne : caisse@onr.fr
Parmi la série des operas seria de Rossini, Semiramide, créé à La Fenice de Venise en 1823, occupe une place particulière : c'est le dernier opéra qu'il créé pour l'Italie avant qu'il se fixe à Paris. Le
sujet est emprunté à la pièce de Voltaire Sémiramis, qui conte le destin de la redoutable reine de
Babylone, meurtrière de son époux et mère incestueuse. Le melodramma tragico de Rossini est un
festival vocal assez étonnant, en particulier pour ce qui concerne le rôle titre et la partie d'Arsace, le
fils de Sémiramis, immortalisés par les grandes voix de l'époque : Pasta, Malibran, Pisaroni ou
Sonntag et, plus près de nous, Sutherland, Horne ou Monserrat Caballé. On le considère comme un
de chefs d'oeuvre du bel canto même s'il marque la fin de cet âge d'or du chant orné, bientôt détrôné
par l'avènement du chant romantique. Les pages symphoniques souvent haletantes, dont la célèbre
ouverture, comptent aussi pour beaucoup dans sa célébrité. La nouvelle production nancéenne, que
mettra en scène Nicola Raab et qui sera dirigée par le chef maison Domingo Hindoyan, marquera la
prise de rôle du contre ténor Franco Fagioli dans la partie d'Arsace, naguère immortalisée par la
mezzo Américaine Marilyn Horne. Une assomption vocale pour le chanteur, dans le droit fil de son
récent CD « Rossini » (DG 4795681 ; cf. LI de 11/2016).
Opéra de Nancy Lorraine, les 2, 4, 9, 11 mai 2017 à 20H et le 7 /5 à 15H
Réservations : Billetterie, 1 rue Sainte Catherine, 54000 Nancy ; par tel. : 03 83 85 33 11 ; en ligne
:www.opera-national-lorraine.fr
Par sa 35 ème édition, le Festival de l'Épau voit grand et éclectique. Le cadre majestueux de
l'Abbatiale de l'Abbaye Royale, fondée en 1229 par Bérengère de Navarre, s'y prête comme un
magnifique écrin pour la voix, privilégiée cette année encore. Mais aussi le dortoir des moines dont
la voûte boisée favorise une acoustique rêvée pour la musique de chambre. Et enfin, un lieu
éphémère, un chapiteau installé dans le parc, dit Magic Mirror, pour des concerts en fin de soirée,
des ''After'' donc. Le programme déclinera aussi bien le baroque que le romantique, la musique
française, italienne ou espagnole, le jazz ou la musique manouche. Chaque journée, à l'exception de
la première, est articulée en trois pôles : le concert à 20H30, la matinale à 12H30 (à l'Hôtel du
département du Mans), et l'After à 22H30.
Plusieurs temps forts : Une soirée de « splendeurs vénitiennes » avec des oeuvres de Campra et de
Vivaldi interprétées par le Concert Spirituel, dirigé par Nicolas André, puis une fin de soirée de
guitare manouche (16/5). Le spectacle « Pas si classique », adaptation à la scène du succès
discographique « J'aime pas le classique, mais çà j'aime bien » ; en l'occurrence, l'humoriste
Gaspard Proust revisitant de son hilarante façon ses classiques, mais évitant le crossover ; avec pour After un ''Classico jazz'', et en prélude des sonates pour violoncelle et piano de Beethoven (17/5).
Un programme « Renaissance » offrant un florilège de madrigaux de Monteverdi, par Les Arts
Florissants dirigés par Paul Agnew, précédé d'un récital de mandoline par le talentueux Julien
Martineau, et suivi de musiques napolitaines (18/5). Sous le titre de « Brasil tropical », le pianiste
brésilien Nelson Freire jouera Schumann, Chopin et Villa-Lobos ; suivi de jazz brésilien (19/5).
Barbara Hendricks chantera ses blues favoris (20/5). Une journée dédiée aux cordes, sous la
houlette d'Augustin Dumay, le verra se produire en trio le matin et avec l'Orchestre de chambre de
Lucerne le soir, avant de céder la place à du fado chanté par une voix d'homme, ce qui est rare
(22/5). Enfin avec « Divamania », la journée dédiée à la voix sera l'occasion d'« Une nuit à
l'Opéra » présentée par Alain Duault, laquelle sera précédée d'un récital de mélodies françaises par
le baryton Marc Mauillon (23/5).
En milieu de festival, le dimanche 21 mai, ce sera « Scène ouverte », et entièrement gratuite, pour
des masterclass publiques de musique de chambre et la prestation d'élèves de cours de musique ; le
tout finissant par un grand bal anniversaire.
Abbaye Royale de l'Épau, Route de Changé, 72530 Yvré-l'Évêque.
Réservations : Centre culturel de la Sarthe, par correspondance, et sur place à cette adresse ; par
tel. : 02 43 84 22 29 ; en ligne : www.epau.sarthe.fr
- La 7 ème édition du Concours international de piano junior « Brin d'herbe » aura lieu du 6 au 9 avril 2017 dans la salle de l'Institut du conservatoire d'Orléans. Créé en 2006 par Françoise Thinat,
ce concours a pour mission principale d'ouvrir l'univers de pianistes, dès le plus jeune âge – de 6 à
18 ans – et à tous les stades de l'apprentissage de l'instrument, à toutes les musiques : du jazz aux
écritures nouvelles en passant par l'improvisation, avec une attention particulière donnée au
répertoire des XX et XXI ème siècle.
Renseignements : www.oci-piano.com ou isabellevasilotta@oci-piano.com
Le 17 septembre prochain, la prestigieuse Scala de Milan programme une seule oeuvre non pas
lyrique mais symphonique, l'Eroica de Beethoven. On peut penser qu'un concert en ce lieu de
légende, d'une durée d'à peine une heure, réunit une phalange sous la direction d'un grand maître de
la direction d'orchestre. Erreur ! La phalange qui sera sur scène n'appartient pas au gotha des grands
orchestres de la planète et il n'y a pas de chef d'orchestre à sa tête ! Et pourtant l'auditeur est assuré
de participer à une expérience unique suscitant une émotion dont il gardera longtemps le souvenir.
C'est un ensemble dénommé Spira Mirabilis qu'entendra le public de la Scala qui y fêtera ses 10
années d'existence.
Spira mirabilis en concert / DR
Mais que faut-il entendre par une telle dénomination ? Elle a été proposée par Lorenza Borrani qui, outre le violon, a fait des études de Sciences à l'Université de Florence. Spira Mirabilis évoque une
figure géométrique, une spirale, qui ne change jamais de taille. Le projet, nous dit Lorenza Borrani,
« ne dépendait pas du nombre de participants, ni de la notoriété d'un lieu, ou du montant des
subventions, mais [était] uniquement basé sur une philosophie de travail, sur les raisons profondes
qui réunissent des gens (peu importe leur nombre) pour passer du temps sur une partition, l'étudier,
avec pour premier objectif : apprendre ». Or c'est bien là la nature même de l'ensemble : il est
toujours lui-même qu'il se produise en formation symphonique ou en formation de chambre.
Cette manière d'être permet aux musiciens d'aborder un répertoire très large qui traverse toutes les
époques. Ainsi, à côté d'oeuvres du grand répertoire, ont-ils travaillé des oeuvres baroques et pu créer
une oeuvre contemporaine écrite à leur intention en janvier 2014 : une Grande Barcarolle du
compositeur Britannique Colin Matthews insérée dans la 8ème symphonie de Beethoven.
Mais ce ne sont pas là des raisons suffisantes pour fêter 10 années d'existence dans des conditions
exceptionnelles alors qu'à priori le monde de la musique connaît peu Spira Mirabilis, que n'existe
dans le commerce qu'un coffret de deux DVD, l'un reprenant une émission d'ARTE de Gérald
Caillat « La Spira », l'autre étant l'interprétation donnée à Modène en 2010 de la symphonie n°1 de
Schumann dite « Le Printemps ». Après tout il existe d'autres ensembles qui proposent des
interprétations sans chef. En France, on le voit avec les Dissonances dont la discographie
reproduisant leurs concerts est importante.
Toutefois la comparaison semble peu pertinente et c'est peut-être là que réside un premier indice qui
peut nous permettre d'affirmer que Spira Mirabilis constitue une aventure unique dans le paysage
musical actuel. Le célèbre quotidien anglais The Guardian sous la plume de Tom Service n'a du
reste pas hésité à classer Spira Mirabilis parmi les 10 ensembles musicaux les plus originaux au
monde, aux côtés par exemple du Chamber Orchestre of Europe, du Mahler Ensemble Orchestra, de
l'Ensemble Intercontemporain.
C'est le rôle du premier violon soliste qui est totalement différent et qui nous permet d'affirmer que
Spira Mirabilis est parfaitement original et ne peut être comparé avec aucun autre ensemble.
Ainsi les Dissonances ont un premier violon qui assure un rôle de leader incontesté. Quant à Spira
Mirabilis il a, certes, un premier violon solo en la personne de Lorenza Borrani - qui par ailleurs
assure cette fonction au Chamber Orchestra of Europe, ce qui n'est pas rien. Mais dans Spira
Mirabilis elle ne dirige pas ; elle assure un rôle de coordination qui intervient après de multiples
échanges des musiciens entre eux en vue de trouver la réponse aux énigmes posées par les
compositeurs. Selon les propos entendus dans le documentaire de Gérald Caillat, elle canalise les
besoins et désirs des musiciens.
Cette démarche totalement différente se traduit par la production du côté Dissonances de
programmes de concerts complets tandis que les Spira ne donnent à entendre qu'une seule oeuvre
après un travail collectif extrêmement dense.
Naissance d'une expérience unique
Il y a donc bientôt 10 ans dans une commune attachée à la Métropole de Florence, Vicchio, un
ensemble de musiciens pour la plupart italiens présentaient dans le théâtre Giotto, le 25 septembre
2007, la Deuxième symphonie de Beethoven, et cela, sans chef. La préparation de l'oeuvre s'était
faite chez un des musiciens dans des conditions acoustiques que l'on peut qualifier d'épouvantables,
et comme il n'y avait pas de ressources financières, il n'était pas question d'attirer le public par des
moyens publicitaires traditionnels. Le théâtre était, selon des informations officieuses, libre deux jours et pour y drainer le public, nos musiciens donnèrent des extraits de la symphonie dans le
square de la ville.
Par la suite ils reproduiront cette démarche, qu'ils ont qualifiée de terroriste, aussi bien sur une place
que dans une galerie commerçante, un pub, une gare. En fait absolument pas dans un but de
« publicité », mais dans le but « d'offrir la beauté même si elle n'est pas demandée »
Voilà qui illustre bien ce qui les caractérise, la générosité, liée à la conviction selon laquelle la
musique au plus haut niveau appartient à tout un chacun. Aidés par la commune de Formigine, les
artistes de Spira Mirabilis peuvent réaliser leur désir de travailler et se produire en dehors du
système commercial, ce qui ne les empêchent pas de connaître un réel rayonnement européen. Il est
évident que la réussite de Spira Mirabilis repose sur une réunion de talents indiscutables et ce dans
un esprit de don de soi exceptionnel – ils ne sont pas rémunérés -, pour toucher le public le plus
divers, souvent considéré comme non « averti ».
A Formigine, avant une répétition... © Karen Robinson
Formigine
Rien a priori ne destinait cette commune résidentielle de 35 000 habitants, située à 11 kilomètres au
sud de Modène, à devenir le laboratoire que se veut être Spira Mirabilis. Sans doute faut-il en
rendre responsables quelques musiciens de la région qui ont su défendre le projet devant les
autorités locales. C'est dès la première année de leur existence que Spira Mirabilis est accueilli. Par
la suite les musiciens se retrouvent au moins trois fois l'an pour s'investir dans une oeuvre, utilisant
la salle du centre sportif aussi bien pour leurs répétitions, auxquelles ils accueillent souvent des
scolaires, que pour livrer au public accueilli gratuitement le résultat de ce qu'ils estiment être un
processus d'étude, un travail de laboratoire.
Mais plus étonnant de la part de cette ville a été sa décision de construire un auditorium qui a le
nom de Spira Mirabilis ! Certes, son usage est plus large, mais néanmoins les musiciens de Spira y
sont chez eux depuis son ouverture en décembre 2013. L'accueil assez spartiate des débuts se fait
plus confortable, ce qui n'édulcore en rien le projet de présence militante dans la cité, largement
appréciée par la population qui vient en nombre aux concerts. La dimension de la scène de
l'auditorium ne permet pas d'y produire tous les concerts. Mais reste l'usage possible du gymnase
des débuts dont l'acoustique se révèle tout à fait acceptable.
Les musiciens à l'oeuvre
Rappelons que ce qui caractérise les musiciens qui participent à l'aventure Spira Mirabilis c'est leur
générosité, leur propension à vouloir coûte que coûte partager leur talent, ce qu'il y a de plus
profond dans leur ressenti musical.
A cet effet donc, une seule oeuvre est travaillée, ce qui permet un approfondissement mais peut se
révéler une démarche peu compatible avec le modèle économique dominant. Le travail préparatoire
est passionnant à suivre.
Chaque musicien est en mesure de lire la partition de l'oeuvre et peut de ce fait quitter un instant son
pupitre pour donner son point de vue sur l'équilibre des pupitres entre eux, sur tel ou tel trait
instrumental. On peut ici évoquer le temps passé par les musiciens pour se mettre d'accord sur un
trait de la partie contrebasse de l'Eroica, épisode qui faut-il l'admettre, avait un peu indisposé une
partie du groupe. Mais l'intervention d'une des musiciennes très expérimentée et de la violon solo a
permis à l'ensemble de trouver une solution sans que ce soit pour autant un compromis.
Il y a aussi une vraie curiosité chez ces musiciens qui n'hésitent pas à rechercher auprès de
personnalités des interprétations « authentiques ». Ainsi l'ensemble a-t-il bénéficié de l'apport de
Lorenzo Coppola à plusieurs reprises depuis avril 2008 , les musiciens n'hésitant pas à travailler le
style classique sur instruments anciens, ce qui leur a permis de donner à entendre des interprétations
particulièrement fraîches de symphonies de Haydn ou une 39 ème de Mozart d'une grande clarté et
énergie. En 2014, ils s'engagèrent plus avant dans l'aventure en travaillant un concert de musique
baroque avec les conseils et la participation de Jörg-Andreas Bötticher qui en 1990 obtint son
diplôme de clavecin auprès d' Andreas Staier et dirige une classe de clavecin à la Schola Cantorum
Basiliensis.
DR
Une conjonction de talents
On a quelque peine à ne pas citer tous les artistes qui participent au projet, acceptant de prendre des
risques, se donnant ainsi le droit à l'erreur, ce qui, pour l'heure, n'est jamais arrivé tant ils sont
talentueux. Ils ont de plus une humanité exemplaire qui transparaît dans leurs interprétations.
Toutefois on se permettra de mettre en valeur quelques uns parmi les fidèles : le corniste Francesco
Bossaglia qui a le souci de la pédagogie pour faire aimer et comprendre la musique auprès du public
et en particulier des jeunes ; Miriam Caldarini, clarinettiste à la douceur infinie, qui fut membre de
l'Orchestre Mozart, et qui a donné toute sa mesure en particulier dans l'Octuor de Schubert en 2012
comme en 2016 contribuant à faire partager un sentiment de bonheur inoubliable ; Timoti Fregni
violoniste d'une extrême sensibilité qui fut aussi membre de l'Orchestre Mozart ; Maria Alba
Carmona Torbella dont le hautbois illumine à chacune de ses interventions la trame musicale tissée
par ses collègues et qui est par ailleurs membre du quintette à vent Azahar lauréat du prestigieux
concours de l'ARD de Munich (2ème prix et 1er prix du public), avec le corniste Antonio Lagarès
lui aussi familier de Spira. Il y a aussi Cecilia Ziano, Clara Franziska Schötensack et Francesca
Piccioni, toutes les trois membres du Quatuor Lyskamm qui s'est produit l'année passée à Nemours dans le cadre des rencontres musicales Pro-Quartet en Seine et Marne. Ce quatuor a par ailleurs été
lauréat cette même année 2016 du prix spécial Borletti-Buitoni Trust de musique de chambre en
l'honneur de Claudio Abbado.
Participent ainsi à l'aventure des musiciens engagés par ailleurs dans des ensembles de chambre de
très grande qualité. D'autres sont aussi membres d'orchestres prestigieux comme la violoncelliste
Luise Buchberger et l'altiste Simone Jendl, qui toutes deux sont des membres à part entière du
Chamber Orchestra of Europe et de l'Orchestre The Age of Enlightenment. Plusieurs Spira sont
passés par l'Orchestre Mozart qu'avait créé Claudio Abbado...
Des interprétations exceptionnelles
Nombreux sont les compositeurs « visités » par les Spira. Haydn les a ainsi occupés à l'occasion
notamment de trois sessions, les ''Haydn Fest'' en 2012, 2013 et 2015.Ils ont travaillé les
symphonies de Schubert, n'ont pas hésité à aborder le Songe d'une d'été de Mendelssohn. Ils ont
abordé bien évidemment les symphonies de Beethoven, y compris la Neuvième. La Quatrième de
Brahms fait partie de leur répertoire de même que trois symphonies de Schumann, comme la
Quatrième - dans sa première version de 1841 - et la Première, que l'on peut voir et revoir grâce au
DVD évoqué plus haut. C'est avec un plaisir toujours renouvelé que l'on peut visionner et entendre
cette interprétation captée dans le théâtre Pavarotti de Modène en 2010 ; le sous titre « le
Printemps » y trouve une totale justification, tant les musiciens en font ressortir la fraîcheur grâce à
un jeu certes maîtrisé mais qui donne le sentiment rare d'une totale spontanéité.
La musique de chambre est aussi très présente dans leur répertoire. Les mélomanes de Saumur, ville
jumelée avec Formigine, se souviendront longtemps de leur interprétation de l'Octuor de Schubert
le 6 décembre 2014. Lors de la conversation que systématiquement les musiciens organisent avec le
public à l'issue de leur prestation, une des auditrices avec émotion affirma que l'interprétation du
chef d'oeuvre de Schubert par les musiciens de Spira Mirabilis méritait la formule « Que du
bonheur » !
Il est de certain que grâce à eux la musique a pu atteindre des sommets d'émotion et de pureté
tellement ils ont été au coeur de la musique. Ce qui sera tout aussi vrai quatre ans plus tard, à
Florence au théâtre de la Pergola, avec la même oeuvre, bien que certains pupitres aient changé de
titulaires. Nous ne donnerons ici qu'un exemple mais qui permet de mesurer à quel niveau
d'excellence on se situe et ce de manière constante : ainsi le français Nicolas Fleury, présent à
Saumur, et devenu depuis cor solo de l'orchestre de Bournemouth, fut remplacé dans l'interprétation
de 2016 par l'espagnol Antonio Lagares, corniste du quintette Azahar évoqué plus haut.
A l'occasion de la programmation de l'Octuor à Florence le 17 décembre 2016, il y eut en matinée
une présentation partielle devant des scolaires. Les musiciens commencèrent par jouer la totalité du
premier mouvement. Puis Lorenza Borrani engagea une explication de l'oeuvre, illustrée par des
extraits. Elle se prêta ensuite au jeu des questions-réponses et invita les volontaires à monter sur
scène au milieu des musiciens pour entendre quelques pages de l'Octuor et le leur faire sentir
physiquement.Il était réjouissant de voir ces adolescents, plus habitués à d'autres styles de musique,
battre la mesure en rythme parfait et manifester leur joie de vivre une telle expérience.
En formation de chambre / DR
L'engagement absolu des musiciens qu'ils savent si bien partager avec le public se voit dans leur
manière de se comporter pendant l'exécution de l'oeuvre choisie : d'un pupitre à l'autre ils se
regardent, s'écoutent, engagent tout leur être dans la musique. La tension est palpable et peut même
à la dernière note se traduire par des larmes comme ce fut le cas lors de la répétition générale de la
Neuvième symphonie de Beethoven : la violoniste co-soliste s'est effondrée dans les bras de Lorenza
Borrani tant elle avait engagé tout son être dans l'exécution de l'oeuvre, comme si sa vie en
dépendait . Du reste le public de Formigine ne s'y est pas trompé comme en témoigne une auditrice
rencontrée le lendemain qui avait encore le coeur battant d'émotion.
Timoti Fregni, dans l'admirable documentaire de Gérald Caillat, sait trouver les mots pour
caractériser l'aventure. De ses amis et de lui-même il dit qu'ils ne font pas Spira, mais qu'ils sont
Spira, et il parle d'un amour bien exigeant s'agissant du projet. On doit ainsi regretter qu'ils ne se
produisent pas en France si ce n'est une fois à Saumur. Mais ne désespérons pas. Spira Mirabilis a
su voyager dans de nombreux pays d'Europe y trouvant toujours un magnifique succès, que ce soit
bien sûr en Italie, mais aussi en Allemagne, en Suisse, en Angleterre....Alors pourquoi pas de
nouveau en France !
Au moins certains de ses membres les plus assidus, « qui sont Spira », viennent-ils se produire en
France avec des ensembles orchestraux ou en musique de chambre, comme deux d'entre eux
prochainement à la Maison de la Radio avec le Quintette Azahar, le 17 avril 2017, dans le cadre de
l'émission Génération Jeunes Interprètes de Gaëlle le Gallic.
Reste le coffret de deux DVD diffusé en 2013 qui permet d'entendre la Symphonie « Le
Printemps » de Schumann et de voir et revoir le documentaire bouleversant de Gérald Caillat qui a
par ailleurs l'avantage de donner la transcription d'entretiens éclairants sur ce qu'est ce laboratoire
exceptionnel.
Tout au long de cet article le nom de Claudio Abbado revient. Ce n'est pas un hasard. Nombre de
ces artistes ont travaillé sous la direction du maître au sein des divers orchestres qu'il avait créés, et
il avait une philosophie qu'il a su transmettre....Spira Mirabilis est peut être son plus fidèle disciple.
On peut très utilement consulter le site www.spiramirabilis.com
Il déposait des flyers salle Cortot. Moi, toujours à l’affût de spectacles, de concerts musicaux qui
nous sortent de ces grandes messes dans ces lieux institutionnalisés où ce sont toujours les mêmes
oeuvres qui sont interprétées et où le public est trop ravi de les réentendre, et où on pourrait faire la
critique sans se déplacer, je me trouve face à un homme jeune qui propose de venir écouter à la
deuxième édition d’ « Opéras en 1 acte » au Théâtre du Ranelagh. On y joue une opérette
« Bagatelle » d’Offenbach, et « Un Souper chez Offenbach », une opérette composée par ses soins à
partir d’airs à boire et à manger, extraits d’opérettes du même compositeur, oeuvres quasi inconnues.
Le dimanche suivant, à 11h30 dans ce joli théâtre, je m’attendais à voir un spectacle de patronage.
Et bien non, ce fut un ravissement. Les chanteurs étaient à la hauteur (Charlotte Mercier, Mathilde
Rossignol, Xavier Meyrand, Marie-Amélie Tek, Christophe Doînel) - ce n’est pas facile de chanter
Offenbach. Le pianiste (Romain Vaille), qui avait une réduction pour piano à interpréter, avait le
tempo juste pour ce genre de spectacle. Il était accompagné par la clarinette d’Elise Pruvost. Et la
mise en scène était d’une vraie drôlerie. Un des duos soprano - mezzo avait des accents mozartiens
comme celui de la Comtesse et Cherubin. Ici c’étaient une cantatrice et un jeune amoureux.
L’écriture d’Offenbach montre à quel point ce n'est pas de la musique de bas étage. Résolument
charmé par le travail de la compagnie Fortunio, j’ai interviewé Geoffroy Bertran, son fondateur,
pour qui l’opérette est une passion ! Il n’est pas le seul. Et cet engouement je l’ai vécu. Dans la
salle il y avait un public de 7 à 80 ans et les plus jeunes riaient de bon coeur aux gags du fantaisiste
et appréciaient cette musique si bien composée.
D’où vous vient cet engouement, cette folie, pour l’opérette ?
J’ai découvert l’opérette en même temps que l’opéra, j’avais une dizaine d’années, « Carmen » à 9
ans et « La Belle Hélène » en 1987 dans une mise en scène de Jacques Martin. Je suis sorti du
théâtre fou d’enthousiasme, et c’est depuis ce jour que j’aime l’opérette ! A partir de là j’ai
commencé à acheter des CD d’opérettes, d’Offenbach et puis d’autres compositeurs. En parallèle
j’ai fait du chant dans des choeurs, d’abord dans un choeur d’étudiants, quand j’étais en école [il a
fait Les Mines] puis dans des choeurs plus petits et de niveau plus élevé. En prenant des cours de
chant j’ai progressé, mais je n’avais pas l’idée de monter un jour une troupe. Je rêvais de chanter de
l’opérette mais je ne pensais pas avoir un jour le niveau pour le faire.
Vous ne vouliez pas devenir chanteur ?
C’était de l’ordre du phantasme, sans aucune ambition. Mes moyens vocaux ne me permettaient pas
d’envisager une carrière professionnelle.
Étiez-vous dans un milieu musical ?
Mon père est mélomane. Ma mère, en éducatrice avertie, m’achetait les livres-disques de la vie des
compositeurs racontée aux enfants. C’est comme cela que j’ai découvert Offenbach. Avant même
« La Belle Hélène » dont je vous parlais, j’avais un livre-disque sur ce compositeur et j’adorais tous
les airs qui étaient sur le disque.
Comment avez-vous commencé à chanter ?
J’ai fait beaucoup de chorale où on chantait du répertoire classique. Là je me suis lié d’amitié avec
un chanteur qui possédait un grand appartement et un piano. On s’amusait à faire une fois par an
des petits concerts avec d’autres chanteurs et on invitait des copains qui aimaient ce genre de
musique. Comme j’avais fait des études de piano, j’accompagnais les chanteurs et depuis je n’ai
plus arrêté… Il y a sept ans j’ai acheté un grand appartement où je peux faire de la musique et des
spectacles. C’est un quatre pièces haussmannien qui a l’avantage d’avoir trois pièces en enfilade et
qui peuvent être mise en configuration de salle de spectacle. Je peux inviter cinquante personnes
assises.
N’avez-vous pas de problème de voisinage ?
Pour l’instant non, les spectacles se terminent avant 22 heures et puis ce n’est pas tous les jours
qu’il y a des répétitions et des concerts. C’est considéré comme une soirée privée où on invite
cinquante personnes. J’invite même mes voisins à la répétition générale !
Comment arrivez-vous à vivre, disons en couple, quand votre appartement est transformé en
théâtre ?
Il se trouve que je vis seul. Pour vivre avec quelqu’un dans cet appartement il faudrait que la
personne partage ma passion !
Comment vous êtes-vous fait connaître ?
Il y a cinq ans, on a commencé à jouer des opérettes complètes avec de la mise en scène et on a
invité nos amis, nos familles. Le premier spectacle, on l’a joué trois fois et on a eu beaucoup de
succès. C’était Le Petit Duc de Charles Lecocq, largement adapté avec huit chanteurs. Les costumes
étaient de bric et de broc. Il n’y avait pas de décor, et ce sont mes amis chanteurs qui ont participé,
ceux qui faisaient des petits concerts chez cet ami où on avait commencé. Ce sont ces chanteurs qui
sont devenus le noyau dur de la troupe. Ils sont cinq : une soprano, une mezzo, un ténor, moi je suis
le baryton, on a un fantaisiste et aussi un pianiste. Le deuxième spectacle, on l’a joué quatre fois. Le
troisième cinq fois. Le suivant aussi. Et le tout dernier, « La Haut » de Maurice Yvain et Willemetz,
on l’a joué six fois car il y avait beaucoup de monde qui voulait venir l’écouter.
Vos spectacles sont-ils payants ?
Non, c’est gratuit mais il y a un chapeau à la sortie.
Et la moyenne de l’obole ?
C’est très variable : en moyenne c’est 5 euros !
Ce n’est pas très généreux !
Non mais c’est une invitation, les gens ne sont pas obligés de donner !
Vos chanteurs sont-ils des professionnels ?
Certains sont professionnels, d’autres sont des semi-professionnels ayant des métiers par ailleurs.
Pour organiser les répétitions c’est assez compliqué: on passe par doodle pour connaître les
disponibilités de chacun. Mais tout le monde n’est pas toujours convoqué en même temps.
Qui choisit l’oeuvre ?
C’est moi. J’assure la direction artistique de la troupe. En général, c’est vers la fin de l’année que le
choix est fait. En début d’année suivante je distribue les rôles, je fais l’adaptation de la partition et
du livret si j’en éprouve le besoin et je fais un planning de répétitions qui commencent au
printemps, de manière pas trop dense, jusqu’en juillet où on commence à régler la mise en scène
pour être prêt en novembre.
Je m’étonne que vous ayez commencé jeune à aimer l’opérette qui à notre époque s’est assez
ringardisée ?
Il y a encore beaucoup de préjugés. C’était le divertissement populaire par excellence puis ensuite il
a été supplanté par le cinéma, la télé. Ce qui l’a aussi ringardisé c’est ce qu’est devenu cet art dans
les années 50-60. J’aime bien Luis Mariano et « Le Chanteur de Mexico » mais c’est quand même
de la musique de variétés. Or c’est ce que l’on a appelé l’opérette à cette époque–là. Francis Lopez
a contribué à donner une image ringarde de l’opérette.
Et aujourd’hui ?
Même ceux qui ont des préjugés défavorables, le jour où ils voient une opérette d’Offenbach ou de
Messager, ils adorent ! Offenbach est peut-être le plus grand compositeur d’opérettes mais il y a
d’autres compositeurs moins connus qui sont très bons !
Il y a des exemples assez récents qui ont bien marché !
« Phi-Phi » est monté régulièrement. « Pas sur la Bouche » a été porté à l’écran par Resnais. Il y a
très régulièrement de nos jours des initiatives pour remonter l’opérette avec tous les égards qui lui
sont dus ! Le Châtelet a fait de très belles productions d’Offenbach et d’autres compositeurs
d’opérettes ces dernières années : « La Belle Hélène » et « La Grande Duchesse de Gérolstein »
avec Felicity Lott et dirigé par Marc Minkowski. Dernièrement « Fantasio » qui a eu un énorme
succès. Même l'Opéra Bastille a fait de l’opérette dans les années 90 avec « Les Brigands » mis en
scène par Jérôme Deschamps. Lorsqu’il était à l’Opéra Comique il a remis en valeur le patrimoine
français avec « L'Étoile » de Chabrier, « Ali Baba » de Lecocq, « Ciboulette » de Reynaldo Hahn.
Alors, cette fois, vous êtes sorti de votre appartement...
Oui, pour la première fois on joue au théâtre du Ranelagh. C’est la deuxième édition d’« Opéras en
1 acte » qui a été créé par Isabelle Du Boucher. Elle dirige sa propre compagnie lyrique, la
Compagnie Opéra du Jour, elle invite d’autres compagnies qui présentent leur spectacle. Cette
année, on est cinq compagnies qui jouons un dimanche matin et un mardi soir. « Bagatelle » et «
Un Souper chez Offenbach » est repris le 18 avril au Ranelagh et la Compagnie Maurice et les
autres chante « L’Enfant et les Sortilèges » le 30 avril.
Comment réagissent vos proches : ils vous prennent pour un doux dingue ?
Pas du tout, au contraire, ils sont ravis de voir que je réalise mon rêve. Ils me poussent à continuer,
à développer cette activité. De spectacle en spectacle on fait des choses de plus en plus élaborées,
on fait des décors, on a des costumes de meilleure qualité. Au départ je faisais la mise en scène mais
depuis trois ou quatre spectacles j’ai fait appel à un metteur en scène professionnel, Pierre Catala, ce
qui a beaucoup amélioré notre qualité de jeu.
Olivier Bouley a un peu le même parcours que vous. Ancien de la banque, il a tout abandonné pour vivre sa passion et monté il y a 6 ans l’association « Les Pianissimes », qui fait des
concerts de jeunes pianistes . Envisageriez- vous de faire pareil ?
Il se trouve que le ténor de la troupe, Xavier Meyrand, est un ami proche d’Olivier Bouley qui vient
régulièrement assister à nos spectacles, et Xavier a travaillé pour cette association. De même il
m’arrive d’aller à ses concerts. Pour le moment je n’ai pas les moyens de lâcher mon boulot à la
banque. Il faut que je rembourse mon appartement, et la compagnie me coûte de l’argent. Si j’arrive
à développer l’activité on verra si c’est rentable, mais ma carrière chez HSBC me plaît. Pour
l’instant c’est un hobby qui m’occupe beaucoup et qui me coûte comme tout hobby qui se respecte !
Quels sont vos auteurs préférés ?
Les plus grands sont Offenbach et Messager. D’Offenbach on a monté « La Chanson de Fortunio »,
le spectacle « un Souper Chez Offenbach » que j’ai écrit, et qui met en scène Offenbach avec ses
deux librettistes Meilhac et Halévy et ses deux principales interprètes Hortense Schneider et Zulma
Buffar. Les airs sont autour des plaisirs de la table et de la boisson. Ce sont des extraits de
différentes pièces d’Offenbach (La Jolie Parfumeuse, Pomme d’Api, Les Bavards, Trom-al-cazar,
Madame l’Archiduc, Belle-–Lurette, La Créole, L’Ile de Tulipan, Madame Favart, La fille du
Tambour-major et La Périchole). Pour ce spectacle j’ai écrit un petit scénario et des dialogues de
mon cru.
Votre domaine de prédilection c’est la musique française ?
Oui et surtout de trouver des partitions peu connues. Offenbach a écrit 110 opérettes ! On en connaît
5 ou 6, pas plus ! Il y a un fond énorme qu’on commence à valoriser ! J’adore Messager. On a joué
« Passionnément » qui est une petite merveille. C’est de la très belle musique qui n’est pas trop
compliquée à chanter alors qu’Offenbach n’est pas simple, il faut des voix belcantistes. Les
opérettes des premières années du XXème siècle, comme « Passionnément », ou « La Haut » de
Maurice Yvain ont des exigences vocales beaucoup moins importantes que l’opérette du XIXème.
Ces opérettes sont souvent écrites pour des comédiens-chanteurs plus que pour des chanteurs
lyriques.
A quelle époque sont nées les premières opérettes ?
Ce n’est pas Offenbach qui en est le créateur, c’est Hervé, son contemporain et qui a écrit une
oeuvre en 1847 « Don Quichotte et Sancho Pança », considérée comme la première opérette.
Quelle définition donne-t-on de l’opérette ?
C’est une pièce de théâtre avec des parties parlées et des parties chantées. Elle se caractérise par un
caractère comique en général. Dans l’opérette viennoise tardive de Franz Lehár, comme « Le Pays
du Sourire » ou « Frasquita », il y a des intrigues sentimentales sérieuses, mais c’est assez
marginal par rapport à l’opéra-comique. Saint-Saëns a dit que l’opérette était une fille de l’opéracomique
qui avait mal tourné. Ce compositeur a écrit une opérette, « La Princesse Jaune ». L’opéracomique
est apparu tout juste un siècle avant l’opérette, aux alentours de 1750 dans les grandes
foires parisiennes, la foire Saint-Germain, la foire Saint-Laurent. Au départ ce n’étaient que des
parodies d’opéras sérieux. On intégrait des airs connus dans une pièce parlée, avec des intentions
parodiques. Peu à peu des compositeurs ont écrit des airs originaux. Les premiers ont été Monsigny,
Philidor, Duni, puis est arrivé Grétry, puis Rousseau. C’était moins dans la parodie mais sur un
mode plus léger. C’était l’opéra-comique XVIIIème. Et puis au fur et à mesure de grands
compositeurs se sont mis à écrire des opéras comiques. Le genre s’est institutionnalisé. Il y a eu la
création de l’Opéra Comique pour lequel des compositeurs ont écrit des partitions de plus en plus sérieuses et ambitieuses et cela jusqu’au XXème siècle. Dès le XIXème « Carmen », « Les Contes
d’Hoffmann », « Manon », sont des ouvrages qui ont été écrits pour l’Opéra-Comique. Il y a une
alternance de parlé et de chanté. Dans « Manon » il y a certaines phrases parlées qui font que cet
opéra se rattache à l’opéra-comique. Ambroise Thomas avec « Mignon », Victor Massé avec « Les
Noces de Jeannette », des compositeurs de plus en plus ambitieux ont institutionnalisé l’opéracomique
qui a perdu le côté léger et parodique de ses débuts. Il est donc devenu un genre très
bourgeois. Face à cet embourgeoisement de l’opéra-comique, Hervé et Offenbach ont voulu créer
un genre qui revient à l’esprit léger, parodique et satirique des débuts de l’opéra-comique. Et c’est
comme cela qu’est née l’opérette.
Aujourd’hui les comédies musicales anglo-saxonnes font un tabac alors qu’elles ne
marchaient pas du tout il y a quelques années. En France, on a une sorte de spectacle musical
qui remplit le Palais des Congrès. Est-on loin de l’opérette d’antan ?
Grâce aux efforts de Jean-Luc Choplin au Châtelet, les comédies musicales sont très appréciées par
le public. Les comédies musicales à la française sont quelque part la continuité moderne de
l’opérette, avec une partie chantée et une partie parlée. Mais dans ces comédies musicales françaises
il manque le côté comique et léger qui est l’apanage de l’opérette. Récemment il y a eu des
tentatives d’opérette comme celle de Jean-Michel Ribes au Théâtre du Rond Point, qui a monté un
spectacle satirique sur une musique de Reinhardt Wagner intitulé opérette.
Vous êtes au contrôle des risques chez HSBC ? Êtes-vous prêt à en prendre avec votre
compagnie !
Mon rôle dans la banque est de surveiller qu’elle ne prenne pas de risques inconsidérés. Donc mon
attitude vis à vis de l’opérette est aussi de ne pas prendre de risque pour l’instant… J’ai un bon
équilibre entre mes deux activités et cela me plaît !
Dans tous ces textes que vous avez déchiffrés y en a-t-il un qui vous a fasciné ?
Mon librettiste préféré est Albert Willemetz. Il est l’auteur des chansons à succès entre 1914 et 195.
Il a écrit trois mille chansons et tous les grands succès de Maurice Chevalier, de Joséphine Baker, de
Mistinguett. C’est le père de l’opérette moderne. Il a été le lyriciste de « Passionnément » de
Messager. Il a écrit les paroles de « Phi Phi », de « Dédé » de Christiné, de « La Haut » de Maurice
Yvain, le livret de l’unique opérette d’Arthur Honneger « Les Aventures du Roi Pausole ». Il a
travaillé avec Reynaldo Hahn, Vincent Scotto, Georges Van Parys, Sigmund Romberg…
Tous les compositeurs du XXème siècle estimaient les compositeurs d’opérettes. Ravel avec
« L’heure Espagnole » s’est approché du genre. C’est un opéra bouffe mais assez près de l’opérette.
Par ailleurs Ravel portait aux nues Emmanuel Chabrier qui a écrit plusieurs opérettes qui sont des
chefs-d’oeuvre : « L’Etoile », « Une Éducation Manquée », sont des ouvrages qui ont énormément
influencé Ravel et Poulenc. Nous avons monté « Une Éducation Manquée » car c’est une opérette
de poche, il n’y a que trois personnages, pas de choeur, et à la création elle était accompagnée par
deux pianos.
Peut-on savoir ce que vous préparez pour l’année prochaine ?
Je ne peux pas le dire encore. On joue « Bagatelle » et « Un Souper chez Offenbach » encore le 18
avril au Ranelagh. Mais les idées ne manquent pas….
Alors à très vite dans votre appartement !
Pour tout savoir sur cette compagnie : www.compagniefortunio.fr
Propos recueillis par Stéphane Loison
Janine Jansen & Paavo Järvi © DR
Curiosité et nostalgie mêlées expliquaient sans doute la grande affluence du public dans la salle
Pierre Boulez de la Philharmonie pour ce premier passage, dans le grand temple parisien de la
musique classique, de l’Orchestre symphonique de la NHK Tokyo (tournée européenne) dirigé par
Paavo Järvi, ancien directeur de l’Orchestre de Paris, actuellement chef principal de la phalange
japonaise. Une nostalgie probablement renforcée par la prestation assez moyenne de la NHK ce
soir...Un programme associant le Concerto pour violon de Sibelius (1905) avec Janine Jansen en
soliste et la rarement jouée, Symphonie n° 10 de Chostakovitch (1953). Le concerto de Sibelius
bénéficie d’emblée de la grande complicité existant entre le chef et la soliste qui ont souvent joué
ensemble, et c’est sur un nuage de cordes pianissimo que le violon entame sa déploration
crépusculaire qui peu à peu va s’étoffer pour lui donner une place largement prédominante où la
virtuosité tient une place de choix. Le jeu de la violoniste est très tendu, avec beaucoup
d’engagement sonore (Stradivarius Rivaz-Baron Gutmann 1707) s’appuyant sur une dynamique
orchestrale bien menée, équilibrée, pénalisée toutefois par la pâleur de la sonorité de l’orchestre qui
manque singulièrement de couleurs, vents notamment. La mise en place est parfaite, limpide,
presque trop, mais le lyrisme et la poésie en sont le plus souvent absents, sauf peut être dans
l’Adagio central où Janine Jansen pousse l’émotion à son comble, sans pathos excessif, avant
d’entamer un final très cadencé sur un ostinato de cordes graves et de timbales où le violon, très
virtuose, impose une expressivité intense, justement calculée, magnifique de complicité et d’allant.
Une interprétation magnifique de Janine Jansen qui aurait mérité plus de relief dans l’accompagnement orchestral, somme toute assez plat. La Symphonie n° 10 de Chostakovitch
souffrit du même handicap et d’une direction, parfois maniérée, manquant également de relief… Là
où nous attendions déploration, phrasé chaotique et acéré, stridences de timbres, transitions
abruptes, Paavo Järvi nous offre une vision très policée, presque trop lyrique, sans tension,
manquant de contraste, notamment entre cordes graves et petite harmonie. Une lecture très inégale
mettant en avant quelques belles individualités (basson) et quelques beaux moments (Scherzo), mais
sans vision globale de l’oeuvre. Car cette symphonie, composée en 1953, année de la mort de
Staline est chargée d’un potentiel d’évocation exceptionnel : « J’ai bien représenté Staline dans ma
dixième symphonie…Elle est à propos de Staline (Scherzo) et des années Staline… ». Voilà le
programme qui aurait mérité plus de ferveur, d’âcreté et d’amertume. Une interprétation,
finalement, très occidentale, avec la qualité orchestrale en moins… Dommage, un retour du chef
estonien très attendu, mais finalement décevant !
(Le premier mouvement du trio de Ravel a été utilisé pour la bande du film d’ « Un Cœur en Hiver » de Claude Sautet)
Patrice Imbaud.
Lukas Geniušas © Zeneka Levin
Soirée intégralement russe à l’Auditorium de la maison ronde où le chef russe Andrey Boreyko
dirigeait le « Philhar » dans un programme totalement dédié à la musique russe (Concerto pour
piano n° 3 de Prokofiev, La Belle au bois dormant de Tchaïkovski et la Symphonie n° 7 de
Silvestrov) avec, cerise sur le gâteau, la présence en soliste du jeune et prometteur pianiste russe
Lukas Geniušas. Soirée découverte donc, avec tout d’abord Lukas Geniušas, âgé de 27 ans, lauréat
des concours internationaux Chopin (2010) et Tchaïkovski (2015) exécutant le Concerto pour piano
n° 3 de Prokofiev (1921). Le concerto probablement le plus connu du compositeur russe où l’on
retrouve ses caractéristiques comme virtuosité, accords martelés, sauts abruptes du grave à l’aigu,
courses d’arpèges, rudesse et lyrisme mêlés. On est d’emblée frappé par la souplesse, la fluidité et
la facilité technique du pianiste russe dont le toucher très naturel sait se faire tantôt percussif, mais
sans excès, tantôt d’une douceur extrême où le temps se perd dans une formidable interprétation
alternant violence, désolation et lyrisme enflammé, parfaitement soutenu par l’orchestre (clarinette,
trompette, flûte, cor et timbales) guidé par la direction précise et lumineuse d’Andrey Boreyko. Les
extraits tirés du ballet La Belle au bois dormant confirmeront l’impression d’un orchestre superbe,
tous pupitres confondus, avec une attention toute particulière pour Virginie Buscail, nouveau violon solo du « Phihar ». Peu connu du grand public, Valentin Sivestrov (° 1937) est un compositeur dont
Andrey Boreyko s’est fait le champion depuis quelques années. Avant gardiste dans les années
1960, habitué de Darmstadt, Silvestrov ressent rapidement l’impasse que peut représenter la
musique sérielle, avant d’effectuer un retour vers la musique des siècles antérieurs dans laquelle il
puise sa vitalité et son inspiration, en rendant à la mélodie l’incandescence de ses pouvoirs, musique
ondoyante s’avançant vers le silence comme vers le but ultime… La Symphonie n° 7 (2003) en un
seul mouvement, est toute empreinte d’attente et de mystère, élégiaque, cosmique, aléatoire, elle
nous ouvre les horizons lointains et se termine dans un souffle…laissant le public suspendu entre
méditation et envoutement. Un grand moment de poésie et un très beau concert.
Patrice Imbaud
Le Retour d’Ulysse dans sa patrie © Vincent Pontet
Le Retour d’Ulysse dans sa patrie (1640) est le second volet, le moins connu, de la trilogie
monteverdienne, après l’Orfeo (1607) et avant L’Incoronazione de Poppea (1642). Pour certains il
représenterait le maillon initial de l’opéra vénitien puisque intitulé « drame en musique » tandis que
l’Orfeo n’en constituait qu’un brillant préambule sous la forme de « fable en musique ». Pour
d’autres, cet opéra tirerait son importance historique de sa modernité ouvrant la voie à l’opéra
romantique, dont les deux monologues de Pénélope et d’Ulysse porteraient témoignages. Se
déroulant sur deux niveaux, celui des dieux et celui des hommes, il pose évidemment des problèmes
de mise en scène du fait de l’atemporalité du mythe et des problèmes de réécriture musicale et
littéraire (Partition sommaire en trois actes, livret en cinq actes). Outre le passage du monde
terrestre au monde céleste, cet opéra effectue d’incessants changements de registre esthétique,
associant lamentos et scènes comiques, où les personnages finiront d’être caractérisés par le continuo, véritable démiurge sans lequel le drame ne saurait se jouer. Face à la difficulté de mettre
en scène le théâtre des dieux, Mariame Clément s’en sort avec les honneurs en choisissant une mise
en scène contemporaine, décalée, déjantée, cocasse et assez réussie, cohérente et signifiante,
préservant parfois le rire, parfois l’émotion et le pathos, empruntant aux comics, au cinéma de
Tarantino, aux artistes pop comme Rauschenberg. Les dieux, volontiers éméchés, se trouvent au bar
de l’Olympe en train de boire, de jouer aux fléchettes en discutant du sort des hommes. Neptune
prend des allures de capitaine Hadock, Jupiter de soixante huitard sur le retour, tandis que Junon et
Minerve, aguichantes, sont accoudées au comptoir en mini jupe…Les hommes évoluent un niveau
au dessous dans un palais défraichi ou trône le lit de Pénélope, déserté par Ulysse depuis plus de
vingt ans. De longues années que l’apparition d’un distributeur de soda dans le hall du palais est
sensé matérialiser, justifiant au passage l’étonnement d’Ulysse. Un clin d’oeil contemporain assez
bien venu, auquel s’ajoute un volumineux hamburger descendu du ciel durant l’air du glouton
Irus… Tout ça est bel et bon, frisant parfois le « too much » mais pourquoi pas quand il s’agit de
tenir le spectateur en éveil pendant les trois heures et demi que dure l’opéra !
Dans la fosse, Emmanuelle Haïm a adapté l’orchestre au volume de la salle du TCE, en élargissant
les effectifs. Sa direction singulière mène ses troupes avec sérieux, équilibre et pertinence, usant
d’un continuo particulièrement séduisant par les couleurs distillées (deux clavecins, orgue, régale,
théorbe, archiluth, harpe, guitare). La distribution vocale est de haute volée, dominée par
l’enthousiasmant Eumée de Kresimir Spicer, par la fringante Minerve d’Anne-Catherine Gillet, par
la sublime Junon de Katherine Watson, par le bondissant Télémaque de Mathias Vidal, par le
sympathique couple Mélantho/Eurymaque d’Isabelle Druet et Emiliano Gonzalez-Toro, plein de
passion et de drôlerie, sans oublier Lohar Odinius en Jupiter, Jean Teitgen en Neptune, le contre
ténor Marteen Engeltjes en Pisandre, Callum Thorpe en Antinoüs et Jörg Schneider en Irus.
Magdalena Kozena, pour qui cette production est une prise de rôle, campe une Pénélope
passionnée, élégante où ramage et plumage sont en adéquation…Reste le personnage principal,
Ulysse dont Rolando Villazón signe un retour plutôt poussif. La voix est mince malgré une partition
d’une relative facilité, et les retrouvailles finales avec Pénélope se terminent dans un souffle,
compensant toutefois sa faiblesse vocale par un jeu d’acteur très convaincant, et même si le
chanteur nous parait éminemment sympathique, il constitue indiscutablement le maillon faible de
cette magnifique distribution. Dommage !
Patrice Imbaud
Nelson Freire © E. Dahan / DG.
Inutile de présenter le pianiste brésilien dont le passage à Paris est vécu chaque année comme un
évènement musical incontournable. Son charisme, son toucher unique reconnu de tous, sa science
exceptionnelle du piano et sa conception musicale hors du commun qui en font un musicien de
l’âme, expliquant sans aucun doute l’affluence du public dans la grande salle de la Philharmonie de
Paris pour ce superbe récital convoquant Bach, Brahms, Villa-Lobos et Chopin. Compositeurs pour
lesquels Nelson Freire entretient, depuis longtemps déjà, un vibrant amour et dont il reste, encore
aujourd’hui, le champion incontesté par son jeu envoûtant. Bach tout d’abord dans des
transcriptions de Busoni « Ich ruf’ zu Dir, Herr Jesu Christ », de Siloti, Prélude pour orgue BWV
535 et de Dame Myra Hess « Jesu, Joy of Man’s Desiring». Trois moments musicaux d’une rare
intensité, offerts au public comme autant de joyaux pleins de ferveur, de solennité, d’humilité, de
délicatesse et d’élégance où la sonorité très particulière du piano parvient à se rapprocher de celle
de l’orgue par son ampleur et le jeu des résonances. La Sonate n° 3 de Brahms (1853) est ensuite
l’occasion de quitter la transcendance pour replonger dans l’immanence humaine pleine de
contrastes, de couleurs et de poésie où le jeu du pianiste brésilien fait merveille par sa précision, sa
souplesse et son engagement. Les extraits de Prolo do Bebe n° 1 d’Heitor Villa-Lobos se déploient,
ensuite, avec une facilité désarmante où la facétie le dispute à la virtuosité, tandis que la Sonate n°
3 de Chopin (1844) est jouée sans mièvrerie, le jeu restant toujours économe pour une interprétation
pure et intense restant au plus près du texte. Un concert d’exception ! Une véritable leçon de piano !
Patrice Imbaud
Tanguy de Williencourt © DR
Le jeune pianiste français Tanguy de Williencourt mène décidément une carrière particulièrement
active. Lauréat de la Fondation Blüthner en 2014, déjà remarqué à l’occasion de son premier
enregistrement discographique en 2015 (Brahms/Schumann. Label Evidence Classics) avec le
violoncelliste Bruno Philippe, le voici en solo sur la scène de l’Institut Goethe de Paris pour nous
présenter de larges extraits de son prochain disque, à paraitre chez Mirare, consacré aux
transcriptions et paraphrases de Liszt à partir des opéras de Wagner (Choeur des pèlerins de
Tannhäuser, Choeur des fileuses et Ballade de Senta du Vaisseau Fantôme, Prélude et Mort d’Isolde
extrait de Tristan et Isolde). Un programme alléchant, particulièrement adapté à l’ample sonorité du
grand piano de concert de la firme Blüthner de Leipzig, complété par la dernière Sonate n° 32, op.
111 de Beethoven. Un programme varié qui permit au public venu nombreux d’apprécier la
richesse, la virtuosité et la sincérité du jeu de Tanguy de Willencourt. Le Choeur des pèlerins ouvre
avec une certaine solennité ce récital tandis que le Choeur des fileuses et la Ballade de Senta mettent
en avant la digitalité impressionnante du jeune pianiste, le Prélude (transcription du pianiste) et la
Mort d’Isolde portent l’émotion à son comble par le choix judicieux du tempo, par une intériorité mesurée sans pathos excessif. Le jeu est clair et naturel, coloré, la sonorité ample, généreuse mais
sans lourdeur, parfois plus retenue, nous invitant à la confidence et au recueillement. La dernière
sonate de Beethoven, n° 32 op. 111 (1820-1822), est un monument pianistique, très difficile
techniquement, constituant d’après Thomas Mann, une sorte d’adieu à la sonate…Elle comprend
deux mouvements, le premier très terrien, tendu, associant sévérité de la ligne et rudesse de
l’harmonie forme un étonnant contraste avec le second, céleste, empreint d’un sentiment de paix
surnaturelle, magique par sa simplicité (Arietta) avant le développement des variations d’abord
dansantes, parfois presque jazzy, puis plus spiritualisées abordant à des régions où le temps s’abolit,
dans un adieu…Une épreuve pianistique que Tanguy de Williencourt négocia avec un brio et une
assurance rares. Un magnifique récital et une confirmation, un jeune pianiste à suivre…
Patrice Imbaud.
Julie Fuchs © Kurt Van Der Elst / OnP
Inaugurant un cycle de créations à partir de grands textes littéraires français, l'Opéra de Paris a
confié au compositeur italien Luca Francesconi (*1956) une adaptation opératique de La Comédie
Humaine de Balzac, autour d'un des ses personnages principaux,Vautrin, alias Jacques Collin, alias
Carlos Herrera, alias Trompe-la-Mort. Si la réussite est aussi éclatante, à peu de réserves près, c'est
avant tout en raison d'une symbiose particulièrement efficace entre livret et musique. Déjà auteur de
plusieurs opéras dont Quartett sur le texte de la pièce de Heiner Müller, Francesconi a lui-même
effectué le découpage en choisissant parmi les romans « Splendeurs et misères des courtisanes » et
« Illusions perdues ». « Je prends le risque de raconter une histoire », confesse-t-il. Sa démarche
consiste à définir quatre strates d'étude de la société bourgeoise dépravée scrutée sans concession
par Balzac, pour « une mise en abîme des niveaux de vérité » : le niveau de la vie sociale des
salons, savoir l'apparence, la pure façade ; le niveau des machinations inavouables, là où se tirent
les ficelles, la coulisse en somme ; le niveau de la rencontre de Carlos Herrera et de Lucien de
Rubempré, sorte de temps suspendu, qui s'insère périodiquement dans la narration à chaque fois que
les deux protagonistes cheminent ensemble ; enfin, le niveau des bas fonds, des sous sols
inquiétants ou la face cachée des choses, les forces sous-jacentes. Ce schéma qui présente la
particularité de fonctionner de manière discontinue (les scènes afférant à un même niveau ne se
suivant pas nécessairement), au fil de courts tableaux s'enchaînant pourtant sans solution de
continuité, permet d'appréhender le récit de manière simultanée comme un feuilleton. Il le rend extrêmement fluide et gomme ce qu'il peut comporter de fragilité en termes d'action au sens où on
le conçoit habituellement dans un opéra. Ainsi sont scrutées ces trois formes de pouvoir au coeur de
la Comédie Humaine que sont le contrat social, l'argent et la manipulation. Le procédé du flash
back, emprunté au cinéma, introduit un élément de permanence à partir du premier échange entre
l'abbé Herrera et Lucien dès lors qu'ils se retrouvent dans le même environnement, hors temps, à
chacune de leurs discussions. Car c'est de pacte faustien qu'il s'agit : Herrera promet à son protégé
l'amour et la richesse à la condition d'obtenir sa soumission. « Je suis l'auteur, tu seras le drame »,
lance le premier au second au début de l'acte II. Avec des marques de vraie-fausse affection qui font
penser aux vils desseins de Mime vis à vis de Siegfried chez Wagner. Las, la rue tourne, et Esther,
l'aimée de Lucien, se suicide, et lui-même se pend dans la cellule où il a été emprisonné. Reste
Herrera qui révélant sa véritable identité, monnaie sa respectabilité auprès du Procureur général en
échange de sa discrétion quant à des lettres d'amour embarrassantes. « Allons, la haine fait vivre »,
lâchera-t-il in fine.
© Kurt Van Der Elst / OnP
Épousant ce schéma dramaturgique, la musique de Luca Francesconi prend diverses formes selon
qu'elle irrigue les divers niveaux susmentionnés, autant de visions sonores bien différentiées. Si le
langage est ardu, il reste toujours lisible et s'attache à tracer l'identité musicale de chaque
personnage et son énergie propre : véhémence et diabolisation pour ce qui concerne Herrera, fausse
naïveté du côté d'Esther, excitation chez des personnages comme le banquier Nucingen ou
l'entremetteuse Asie qui sait le faire chanter. Car conçue intimement sur et à partir du texte, elle
s'appuie sur le récit. Avec une montée en puissance dans la deuxième partie et quelques beaux
intermèdes purement symphoniques. Les contrastes peuvent être extrêmes et l'on passe
instantanément du plus impressionnant forte de tout un orchestre déchainé rehaussé d'aplats de
cuivres à un répit pianissimo des seules cordes, apportant une quiétude insoupçonnée dans cet
univers tourmenté. La place des percussions est importante - au point de déborder de la fosse dans
les quatre loges d'avant scène. Mais ce qui frappe c'est le travail sur les cordes, empruntant à
diverses techniques tels que frottements, notes filées. Le chant se voit réserver un sort enviable
comparé à bien des auteurs actuels, George Benjamin ou Pascal Dusapin mis à part, car ne frayant
pas avec le commode sprechgesang, au profit d'une ligne réellement écrite. Au point que la partition
indique des arias à proprement parler pour le personnage d'Esther par exemple ou celui du rôle titre
(aria final dit « de la soutane »). Les choeurs ont une partie elle aussi subtilement ouvragée :
murmures, voire chuchotements en coulisses ou chant choral ''normal'' sur le plateau.
La production est à l'aune de cette intense réflexion sur le théâtre du monde, si bien romancée par
Balzac. Guy Cassiers, à qui l'on doit, au théâtre, un « Triptyque du pouvoir » à Anvers, et, à l'opéra,
le Ring de Wagner (monté à Berlin et à la Scala), aborde l'oeuvre avec des images fortes dans un
souci de clarté de la dialectique entre mouvement et immobilisme. Entre ce qui ressort du mouvant
d'une société qu'agite l'argent et ce qui a trait à la manipulation des uns par les autres. Alternent pour
ce faire un immense graphique avec abscisse et ordonnée géantes pour ce qui est des rencontres des deux hommes (le niveau 3), et pour les trois autres niveaux, un système de projections sur des
lamelles se mouvant de bas en haut en autant de figures géométriques variables, laissant apparaître
des bribes du Palais Garnier, censé représenter le Paris de l'époque balzacienne. Sont ainsi
visualisés foyers, grand escalier, plafond de Chagall, et dessous de scène avec leurs cabestans
inquiétants. D'immenses portraits peuvent aussi apparaitre sur écran en ouverture de scène. Ce
procédé illustratif, outre qu'il est d'un esthétisme certain, métamorphose l'atmosphère en un clin
d'oeil au fil des multiples rebondissements du récit. Parfois les personnages semblent glisser, au
propre et au figuré, car Cassiers, tout comme Luca Ronconi naguère, use du parquet mobile pour les
disperser, comme lors de l'ébauche du bal de l'Opéra. La direction d'acteurs est précise, même si
quelque froideur peut çà et là s'emparer des caractères sur le vaste plateau de Garnier qu'aucun
élément de décor construit ne limite.
Laurent Naouri © Kurt Van Der Elst / OnP
Comment mieux servir cette musique qu'en la confiant à celle qui la connait sans doute le mieux :
Susanna Mälkki. La cheffe finlandaise, qui avait déjà dirigé la création de Quartett à Milan, nous
immerge dans ce monde sonore fascinant avec une maitrise et une conviction étonnantes.
L'orchestre de l'Opéra de Paris, confronté à cette création, mais qui a pu bénéficier de la présence -
et donc des conseils – du compositeur pendant tout le temps des répétitions, déploie des sonorités
enthousiasmantes, quels que soient les registres sollicités. Le plateau vocal ne se voit pas toujours
ménagé par Francesconi et certains interprètes doivent se mesurer à un orchestre quelquefois
débordant d'énergie. Ainsi du ténor Cyrille Dubois, Lucien de Rubempré, en début de spectacle du
moins. Car ce merveilleux artiste qui possède un timbre et une élocution attachants comme une
technique irréprochable, se coule vite dans la peau du jeune dandy ambitieux. Et lui apporte une
aura de grâce qu'on croyait réservée au répertoire bel cantiste ou au baroque. Son Esther, Julie
Fuchs - pour sa première création – dispense un chant dont la pureté égale l'assurance. On sait gré à
Francesconi de ne pas avoir nanti son personnage principal féminin d'aigus stratosphériques comme
souvent. Le soprano lyrique se teinte d'aigus filés dans le dernier monologue, et cela est bien
suffisant. Il fallait l'autorité, la présence et surtout la formidable diction de Laurent Naouri pour
incarner le bagnard devenu prêtre et qui finit par se faire nommer chef de la police. Il y a quelque
chose de méphistophélique dans l'incarnation de l'individu hors norme, protéiforme, jusque dans
l'intonation ou la différence de prononciation, notamment à l'espagnole. Et la puissance vocale est
stupéfiante. Les autres rôles sont distribués à des voix qui comptent (Béatrice Uria-Monzon, en
Comtesse de Sérsy), ou ont compté (Ildikó Komlósi, en Asie). Si Chiara Skerath, Clotilde, a
tendance à quelque stridence, Marc Labonnette, dans le banquier véreux Nucingen, à la limite du
grotesque, donne le change. Ovation méritée aux rideaux finaux.
Jean-Pierre Robert
© Opéra national de Lorraine
Nicolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) ne verra pas créer de son vivant son dernier opéra, Le Coq
d'or qu'il achève en 1907. Point d'orgue d'une magistrale série. Ce qui est en apparence un conte
populaire, tiré de Pouchkine, cache en réalité une fable peut-être pas si innocente, que va faire
revivre un Astrologue. Le vieux et belliqueux Tsar Dodon s'ennuie et ne pense qu'à jouir d'une vie
tranquille, en particulier avec ses voisins. L'Astrologue lui propose un moyen imparable : un coq
d'or, perché en haut de la flèche du palais, l'avertira de tout danger. Plus tard, séduit par une
princesse orientale, la reine de Chemakha, Dodon veut en faire sa femme. Mais lorsque l'Astrologue
demande son dû pour services rendus, il se voit éconduire et transpercer par le spectre royal. Alors
le coq d'or fond sur le monarque et le tue d'un coup de bec. Sous les rires de la reine qui disparaît.
Épilogue : l'Astrologue vient tirer la morale de la fable, seuls, lui et la reine, étaient des personnages
vivants... Un conte cruel en somme. Bien plus que la féérie fantastique et amusante dans laquelle on
a souvent enfermé cet opéra, en particulier lors de la création française en 1914 au Palais Garnier
dans une chorégraphie de Fokine. On se doutait que la lecture dramaturgique de Laurent Pelly
débusquerait ce que le librettiste Bielsky considérait déjà comme « une mauvaise farce ». Qui fait
des hommes des pantins, et de ceux qui les manipulent les vrais personnages clairvoyants de
l'histoire. L'opéra n'avait-il pas été censuré lors de sa publication ! Replacée dans le contexte
politique de l'époque - les troubles qui agitaient la Russie depuis 1905, l'isolement du Tsar Nicolas
II -, cette fable prend une résonance singulière : « Ce gros nuage qui vient de l'est. Funeste
présage », qu'entonne le choeur au début du dernier acte préfigure les événements tragiques de la fin
des Romanov et la révolution de 1917. Et on est allé jusqu'à penser que l'Astrologue évoquait
Raspoutine. La mise en scène est acérée et la vision bien sombre, à l'image de la décoration noir
blanc gris, et de ce gigantesque lit où se complait Dodon, lequel est au dernier acte sanglé sur un char d'assaut sur fond de populace braillante. Belle idée que la corne d'abondance géante visualisant
la tente de la reine Chemakha, d'où elle émerge telle une star. Une direction d'acteurs rigoureuse,
grinçante, scrute les caractères : un Astrologue mielleux, une reine plus piquante qu'aguicheuse,
deux tsarevitch sales gosses, une babounya aux petits soins pour son maitre, un tsar nonchalant,
dont le pyjama pour attribut vestimentaire réduit singulièrement, et trop explicitement, l'aura. Et
bien sûr un coq plus vrai que nature, superbe oiseau de feu mu par une danseuse. Des traits aussi
perspicaces que caustiques truffent le récit. Comme une scène de séduction à l'envers, la femme
menant le jeu, qui tourne à l'hypnose, au point que son bénéficiaire en tombe à terre de bonheur ;
exubérance russe à n'en pas douter. Le traitement de la partie chorale est de la même eau,
pareillement léché, comme la retraite manière soldats de plomb du II ème acte. La charge
sarcastique n'est pas loin. Reste que demeure la part de sous-entendu, de mystère et aussi
d'ambiguïté que renferme cette parabole édifiante. Car qui tient les tenants et aboutissants du rêve
du vieux « tyran imbécile », interroge Pelly ?
© Opéra national de Lorraine
Musicalement le spectacle est accompli, encore qu'on reste un peu sur sa faim devant certaines
prestations. En particulier Vladimir Samsonov dans le rôle de Dodon, pivot de l'intrigue, manque de
projection et de creux dans la basse. Son général d'armée Polkan, Mischa Schemolanski, lui dame le
pion en termes de volume sonore. Yaroslav Abaimov est un astrologue fielleux à souhait, mais doit
lutter contre la quinte suraiguë redoutable du registre de ténor altino, si consubstantiel au répertoire
russe, et Svetlana Moskalenko n'est pas toujours à l'aise avec les arabesques glissantes et périlleuses
de la reine Chemakha, non plus que la soprano Inna Jeskova qui doit de la coulisse rendre perçante
la terrible phrase colorature assignée au coq. La direction de Roni Calderon rend justice à une
musique étincelante, d'un lyrisme comme scintillant (les mélismes orientaux de l'ouverture ou de
l'hymne au soleil du II ème acte), proche de quelque impressionnisme, à sa fraicheur d'inspiration et
son orchestration si habile à transformer les motifs, tel celui de la marche des boyards saluant
Dodon comme leur père. Elle en traduit aussi les contours et la belle architecture, peut-être un peu
trop soulignée par endroit par une battue un peu sèche. Surtout le système des Leitmotive qui
caractérisent si finement chaque personnage est soigneusement mis en valeur. Les musiciens de
l'Orchestre symphonique de Nancy, sans doute confrontés pour la première fois à cette foisonnante
partition, ne méritent que des éloges. Comme les choeurs maison qui outre une belle habileté à se
couler dans les mouvements façon automates imaginés par Pelly, montrent une réelle empathie pour
l'idiome russe. On sait gré à l'Opéra de Lorraine et à son directeur Laurent Spielmann d'avoir eu la
généreuse idée de monter, en coproduction avec La Monnaie de Bruxelles et le Teatro Real de
Madrid, cet opéra fascinant.
Jean-Pierre Robert
DR
Dans sa chasse aux jeunes pianistes de talent, Olivier Bouley a déniché un jeune homme de 19 ans
qui dès sa naissance a baigné dans la musique. Alexandre Kantorow n’est autre que le fils du
célèbre violoniste Jean-Jacques Kantorow. Dès 16 ans il a joué avec des orchestres et quatuors
prestigieux. Comme beaucoup de jeunes de sa génération il a une technique infaillible et nous l’a
prouvé dans la transcription pour piano de « l’Oiseau de Feu » de Stravinsky. Comme aussi de
nombreux pianistes il utilise à tort et à travers la pédale et ne laisse pas le son, déjà important dans
cette oeuvre, s’envoler dans cette salle. Pour nous auditeurs, c’était une sorte de bouillie sonore qui
arrivait à nos oreilles délicates ! Dans la « Méditation op.72 n°5 » de Tchaïkovski, ce travers se fit
moins sentir et son interprétation était loin de tout pathos. Avec Aurélien Pascal, son ami
violoncelliste du conservatoire, il nous a par contre enthousiasmé. Ces deux jeunes artistes ont
débuté le concert avec la Sonate pour violoncelle & piano N°2 d’un compositeur peu joué en
Europe, Nikolaï Miaskovski. Ami de Prokofiev, c’est un compositeur prolixe (27 symphonies, des
quatuors, sonates, un concerto pour violon, un pour violoncelle qu’appréciait Rostropovitch…).
Aram Khatchatourian fut son élève au conservatoire de Moscou où il enseigna jusqu’à sa mort en
1950. Cette sonate offre des difficultés au violoncelliste que surmonta allégrement Aurélien Pascal.
Lui aussi est tombé très jeune dans la musique car ses parents sont pianiste et violoncelliste. A peine
22 ans il est déjà reconnu comme un futur grand musicien. Il l’a prouvé avec la « Sonate pour
violoncelle & piano en ré mineur » de Chostakovitch, célèbre pièce dont tous les violoncellistes
raffolent. Ce duo a enflammé les nombreux et fidèles auditeurs qui suivent depuis plus de cinq ans
les propositions souvent judicieuses d’Olivier Bouley.
Stéphane Loison
Ce lundi de mars, au Couvent des Récollets, c’est un pianiste américain qui est venu interpréter un
programme peu original, mais joué de manière peu académique. Andrew Tyson, trente ans, a étudié
au Curtis Institute de Philadelphie puis à la Julliard School de New York et a gagné de nombreux
concours internationaux (Geza Anda, Leeds…). Le récital a débuté par deux « sonates de Scarlatti,
la K9 et la K96. Avec une technique imparable, dès le départ, on a senti que ce pianiste avait une
vision des oeuvres assez personnelle. C’est dans « Miroirs » de Maurice Ravel, et plus encore, dans
les 24 Préludes op.28. de Frédéric Chopin qu’il l’a démontré. On peut ne pas être d’accord avec son
interprétation mais il y a une cohérence dans son propos. Ici pas de pathos : Chopin a fait un tour
vers les USA alliant l’exubérance américaine mais non sans absence de sensibilité. Un Chopin
d’aujourd’hui. Les puristes faisaient la fine bouche on était loin de Samson François, de Claudio
Arrau. Andrew Tyson est un pianiste hors des chemins battus et qui a de l’abattage à revendre.
Espérons qu’il ne se perde pas en route.
Il a enregistré « Les Préludes » de Chopin, « Miroirs » de Ravel chez Alpha Classics.
Le prochain concert des Pianissimes aura lieu le 21 avril avec le pianiste G.Urgell Reyes
Pour connaître et soutenir les Pianissimes : www.lespianissimes.com
Stéphane Loison
Fondée en 2010 par le pianiste Rémy Cardinale, cette formation (Girolamo Bottiglieri, Raya
Raytcheva, violons, Caroline Cohen-Adad, alto, Rémy Cardinale, piano) tente de redécouvrir la
musique du répertoire romantique sur instruments d’époque. Elle interprète cette musique de
chambre en tenant compte du contexte socio-culturel de la fin du XIXème siècle. En jouant sur
instruments historiques, elle s’interroge sur cet héritage. Il est évident qu’en les entendant, notre
écoute en est bouleversée tant nous sommes habitués à l’interprétation de ces oeuvres sur des
instruments modernes. Ici c’est un Gaveau de 1907 qui remplace le Steinway traditionnel. Alors
comment jouer César Franck ? Rémy Cardinale nous rappelle le contexte de la création de « Danse
Lente CFF 25 » écrite en 1885 et du « Quintette pour piano et cordes en fa mineur CFF 121 (1878-
1979) ». La bourgeoisie est ébranlée dans ses certitudes après les différents conflits qui secouent la
France depuis 1870. Elle voit l’installation de la République d’un mauvais oeil. Pour Rémy
Cardinale la tristesse de la Danse est un morceau d’une grande nostalgie d’un temps qui n’existera
plus. Cette oeuvre, peu connue, donna tout le climat du concert. Après une introduction tragique qui
se développe dans un discours passionné, le deuxième mouvement du quintette est dans un mode
plus élégiaque avec un discours cordes - piano assez complexe. Les thèmes du second mouvement
sont repris d’une manière plus tourmentée dans le troisième. Mais l’Allegro final est moins sombre
que le mouvement initial. Peut-être un espoir sur la société future ? Ce quintette demande une
concentration importante à l’auditeur et on peut comprendre qu’il n’eut pas le succès escompté en
son temps. L’Armée des Romantiques l’a attaqué avec intelligence et a apporté toute la puissance
dramatique qu’exige cette oeuvre, qui a eu une grande importance dans la naissance de la musique
de chambre dans une France du XIXème qui se cherchait !
Pour tout renseignements : auditorium@musee-orsay.fr
Stéphane Loison
DR
Le quatuor Zaïde est un quatuor féminin avec Charlotte Juillard et Leslie Boulin Raulet au violon,
Sarah Chenaf à l’alto et Juliette Salmona au violoncelle. Comme à son habitude l’auditorium de met
au diapason de l’exposition picturale du moment au Musée. Ici c’est « La Nuit et le Cosmos » qui
sont à l’honneur. Alors pourquoi le quatuor op 132 de Beethoven ? T.S.Eliot y voit une gaité céleste ! Beethoven évoque dans l’un de ses cahiers la présence d’une conscience morale qui permet de s’élever et d’entrer en contact avec un ordre situé au-delà des apparences ! Ce quatuor en la
mineur écrit en 1825 invite à une telle expérience. Avec ses six mouvements c’est un voyage
philosophique du début à la fin. Le troisième mouvement « Molto adagio » a comme sous-titre :
Chant sacré de reconnaissance d’un convalescent à la divinité dans le mode lydien ! Le musicien
dont la surdité se révèle, se met en scène, il devient sujet de sa propre création. A la fin de ce
mouvement on aurait aimé le silence, mais il a voulu avec les trois autres mouvements assez courts
donner un sentiment d’apothéose, une idée de régénérescence à la vie. Dès l’attaque du violoncelle
pour le premier mouvement on savait que ces jeunes femmes étaient dans la musique et que la suite
aurait un sens dans leur interprétation, le climax de l’oeuvre étant ce molto allegro d’anthologie, un
des sommets de la musique. Rien n’est plus difficile que de garder ce tempo si subtil, si cristallin
sur 17 minutes et d’amener ce mouvement ainsi jusqu’à son final. Est-ce voir ces quatre jeunes
femmes l’interpréter ? Peut-être. Mais il y avait quelque chose d’angélique, de pudique dans leur
interprétation, et sans tomber dans un pathos saint sulpicien, Charlotte Juillard premier violon avait
une belle énergie et les quatre jeunes femmes étaient à l’unisson, un peu plus près des étoiles. Le
cosmos n’était pas loin dans l’auditorium d’Orsay;
Pour tout renseignements : auditorium@musee-orsay.fr
Stéphane Loison
Dans la même thématique, « La nuit, le Cosmos », à l'Auditorium d'Orsay, Jonas Vitaud proposait
des oeuvres de Liszt, Dutilleux et Scriabine. A première vue, on a pu penser que, comme organisé
dans le cadre des ''Concert Lunchtime'', on avait droit à un récital glouton. Car ce pianiste
talentueux a avalé d’un trait, un extrait des Années de Pèlerinage de Liszt, un bout des Trois
Préludes pour piano de Dutilleux, puis, sans prendre son souffle, le Klavierstück en fa dièse majeur
du même Liszt, et sans prendre le temps de nous laisser digérer, 3'30 d’extraits des Trois préludes,
de nouveau de Dutilleux. Ensuite, il avala la « Valse oubliée » et « Nuages gris » de Liszt. Là, il a
fait une pause en coulisse, peut-être pour boire un coup ? Puis Jonas Vitaud est revenu et a pris tout
son temps pour interpréter « Deux danses pour piano » op.73 et la Sonate « Messe Noire » op.68 n°
9 de Scriabine. Là, pour chaque oeuvre, il a joué du silence. Etait–il dans sa phase poste prandiale ?
La réponse à cette manière d’engloutir les oeuvres sans que l’auditeur ne sache si c’était du Liszt ou
du Dutilleux, on l’a eue dans l’interview que le pianiste a accordé à Arnaud Merlin sur France
Musique (Interview qui est dans le disque). On y apprend que, pour lui, Liszt et Dutilleux sont deux
figures résonnantes, l’un est solaire, l’autre de la nuit. Que les oeuvres choisies sont de la fin de la
vie de Liszt, très posées, et que ces deux compositeurs ont une trajectoire mystique et métaphysique
importante car ils avaient l’un et l’autre le même besoin de religion. Dans la construction des
morceaux choisis, Vitaud voit des analogies… Alors pour le récital, il s’est concocté une petit
zapping, très à la mode aujourd’hui, avec ces extraits qu’il a enquillés, de manière brillante, les uns
après les autres. Sans aucune explication. Le public, qui n’est pas au fait de ces correspondances,
pensait écouter du Dutilleux alors qu’on était déjà dans du Liszt ! A force de croire que le public est
très averti de la chose musicale, on le perd. Avant de jouer, demandons-nous qui est notre public !
Soyons aussi moins prétentieux ! Heureusement que les morceaux de Dutilleux étaient courts, disait
mon voisin, car visiblement il n’aimait pas cette musique. Dommage ! Mais peut-être était-ce du
Liszt car ces extraits sonnaient extrêmement modernes. A part cela, Jonas Vitaud a une belle
technique et son disque vaut vraiment la peine qu’on l‘écoute. Les silences entre les morceaux (ce
sont ceux qu’on a entendus pendant le récital) sont ici de vrais silences. La sonate opus N°1 d’Henri
Dutilleux est de très belle facture.
CD noMad Music : NMM028
Stéphane Loison
DR
Jérôme Pernoo a organisé du 23 au 25 février à 19h30 et 21h30 un festival « Passage » où des
interprètes sont venus jouer des morceaux de leur dernier enregistrement. Ainsi on a pu entendre le
23 le grand claveciniste Olivier Baumont avec le non moins excellent violoniste Julien Chauvin
interpréter des extraits de leur CD « A Madame » (Aparté) avec des oeuvres de Simon Simon,
Antoine Dauvergne, Claude Babastre, Jean-Baptiste Cardonne. Cette musique charmante était jouée
dans les salons d’Adelaïde de France, « Madame », fille de Louis XV. Cette musique n’avait que la
seule ambition de divertir, et c’est bien ce qu’ont su rendre ces deux musiciens. A 21h30, le pianiste
Thomas Enhco a joué de la musique qui se trouve sur son dernier CD « Featthers » ainsi que
d’autres morceaux. Ses improvisations ont plu au public. Là aussi nous étions dans de la musique
charmante. Un moment étonnant a été lorsque son frère, le trompettiste talentueux, est venu
improviser. Jérôme Pernoo a lui aussi ''fait le boeuf'' avec le pianiste, et ce fut plaisant.
Le lendemain, une bimbo, Vanessa Benelli Mosell, sorte de poupée Barbie à talons dorés, robe
échancrée et ouverte à mi-cuisse est venue jouer Scriabine, Beffa, Rachmaninov. Oublié sa tenue
très sexy, c’est une impressionnante artiste que nous avions au piano avec une maîtrise ahurissantes
de ces oeuvres contemporaines. Pascal Rogé aurait dit à propos de la belle pianiste italienne : «
C’est le plus grand talent musical naturel que j’ai rencontré de toute ma vie ». Pas encore très
connue en France, nous sommes sûrs que les médias et les amateurs de musique vont l’apprécier et
grâce à elle la musique contemporaine, d’aujourd’hui, va être plus appréciée ! Voilà une belle
ambassadrice ! Elle l’est déjà pour les pianos Steinway ! Elle a enregistré un très beau disque (R)
Evolution avec des oeuvres de Beffa, Stockhausen, Stravinsky et elle vient de graver pour Decca le
Cconcerto n°2 de Rachmaninov, un must.
A 21h30 la musique était encore à la fête avec le tout jeune guitariste Thibaut Garcia. Ce musicien
habité a littéralement enflammé la salle Cortot, pleine à craquer. Après le tube d’Albeniz
« Asturias » , des airs d’Antonio Jimenez Manjon, Miguel llobet Solès, Joaquin Rodrigo, Astor
Piazzola ; Pernoo est venu avec son violoncelle pour jouer en duo « Les Sept Chansons Populaires »
de Manuel De Falla. Un concert d’anthologie et un CD « Leyendas » à se procurer d’urgence !
DR
Le dernier concert était plus classique et plus attendu avec des interprètes de bon niveau ;
Beethoven, Brahms, Schubert au violon piano, au violoncelle piano. Le violoniste Pierre
Fouchenneret était accompagné par le pianiste Romain Descharmes et ils ont joué des extraits de
leur disque Beethoven tandis que le violoncelliste Bruno Philippe l’était par le pianiste Tanguy De
Williencourt. Même s’ils sont jeunes ils ont tous déjà de belle carrière d’artiste. C’est le talent de
Jérôme Pernoo dans le cadre de la salle Cortot de nous les faire découvrir.
Pour aider le Centre et suivre ses actualités : www.centredemusiquedechambre.paris
Stéphane Loison
Karol Beffa © Astrid di Crollalanza
Un orchestre joue toujours bien avec un bon chef ! C’est Inbal qui l’avait assuré dans une interview
qu’il nous avait accordée. A l’Auditorium de Radio France on n’en a eu la preuve avec un
programme complexe et lourd à interpréter. Précision, maîtrise des timbres, rapidité d’exécution,
solistes solides, c’est tout ce que devait avoir sous sa baguette le chef Alain Altinoglu et c’est ce que
lui a proposé l’ONF en très grande forme. Il a commencé par une oeuvre de Karol Beffa, une création mondiale, dédiée au chef : « Le Bateau Ivre ». Seul le titre du poème de Rimbaud a stimulé
l’imagination de Beffa. Cette composition a reçu le Grand prix lycéen des compositeurs 2017. De
seulement 12 minutes on aurait apprécié qu’il développe plus son propos et le complexifie. Certes,
il y a quelques beaux moments, mais on aurait aimé être plus perdu avec ce bateau qui nous
paraissait n’être qu’une barque ! On était entre Bernstein pour le côté jazzistique et Debussy pour
les allusions à la Mer ! Voilà une oeuvre qui malgré le déchaînement final de belle facture, aurait dû
nous engloutir. Mais elle nous a laissé sur le rivage. Dommage.
C’est la grande violoncelliste Anne Gastinel qui a interprété cette sorte de concerto pour violoncelle
qu'est « Schelomo » d’Ernest Bloch.Ici aussi ce n’était que bruits et fureurs, tout était en
cinémascope, à Hollywood, dans un super péplum ! L’orchestre, ses cuivres et son hautbois s’en
donnaient à coeur joie. Le violoncelle a amené un peu d’humanité dans cette légende entre Salomon
et la Reine de Saba. Les accents « hébraïques » étaient bien présents et sûrement Miklós Rózsa
devait connaitre cette oeuvre (1916) pour écrire ses musiques de péplums Ben Hur, Quo Vadis… !
La musique pour l’image, on aime et on n'allait pas bouder notre plaisir ! Il est passionnant de ''voir''
interpréter la Symphonie n°2 de Dutilleux, « Le Double », car on s’aperçoit de la complexité de la
partition et du talent que doivent avoir les solistes de l’orchestre : trompette, clarinette, violoncelle,
alto, basson, trombone, un quatuor à cordes (magnifique alto et le premier violon), clavecin célesta,
timbales, forment une sorte d’orchestre de chambre qui rivalise avec l’orchestre lui-même, une sorte
de miroir déformant. Le temps et l’espace, la grande obsession de Dutilleux, l’encrage de toutes ses
oeuvres, sont totalement visibles à l’écoute de cette symphonie. Alain Altinoglu a mené ce chefd’oeuvre
à bon port et nous a fait admirer la palette sonore de l’ONF, si souvent décrié sous la
baguette d’autres chefs ! C’est avec le tube « Bacchus et Ariane Suite n°2 » d’Albert Roussel –
coïncidence avec Dutilleux ? Le grand père de ce compositeur a donné des cours d’harmonie à
Roussel - que le concert s’est terminé. Là aussi la puissance orchestrale devait être à son maximum
et le chef a su électriser son orchestre et faire sentir toute la richesse sonore de cette partition.
L’Orient était de nouveau présent. On sait que Roussel a écrit un opéra « Padmâvatî » inspiré par
son voyage de noce aux Indes. L’ONF avait l’air heureux de jouer sous la baguette de ce maestro et
nous étions ravis de les voir ainsi !
Stéphane Loison
Chiara Amaru © Gavanni Ruggen
Ce 16 mars, nous venions à l’Opéra de Rouen assister à un concert-récital de la mezzo-soprano
Maria Pizzolato avec l’orchestre de l’Opéra de Rouen, mais on nous annonce juste avant la
représentation, que la chanteuse souffrante a dû être remplacée au dernier moment par Chiara
Amaru. Qu’on se rassure, même si le programme a été un peu chamboulé, Rossini sera de la fête
puisque Chiara Amaru est, nous dit-on, une spécialiste du compositeur.
La structure du concert ne déroge pas aux règles, une symphonie, une soliste et pour terminer une
autre symphonie. Dirigé par Anthony Hermus, un jeune chef néerlandais à l’enthousiasme sautillant, il marche en sautillant, conduit en sautillant et, tout sourire, salue en sautillant. Et son
enthousiasme, il le communique à son orchestre avec une gestique très appuyée. Disons que la
symphonie n° 33 en si bémol majeur de Mozart est “un tour de chauffe“ : l’orchestre affirme
doucement sa puissance et trouve sa juste mesure dans le menuetto (rajouté par Mozart pour une
représentation à Vienne, dix ans après sa composition originale) et le finale où les vents font preuve
d’une belle vigueur.
Arrive alors la chanteuse, une jeune sicilienne au profil de diva et en longue robe noire. De Rossini,
elle commence par “Dolce d’Amor parole“, le fameux air que Rossini composa pour remplacer ‘'Di
Tanti Palpiti“ qui ne plaisait pas à Adélaïde Malanotte, la créatrice du rôle titre de Tancredi. Il
l’aurait même composé en sept ou huit minutes, le temps nécessaire à la cuisson du risotto qu’il
avait commandé à l’auberge. Ces douces paroles d’Amor, elle les chante tout en retenue et sa voix
se réchauffe avec les fameuses roulades et les ornements de la fin. Une voix juste, enveloppée, on
attend avec impatience le morceau suivant. Mais c’est l’orchestre qui revient avec une Ouverture du
“Barbier de Séville“ flamboyante et lumineuse qui met en valeur la qualité de ses cordes et une
belle maîtrise de ses vents. Elle remplace la cantate pour voix seule de Rossini qui n’est pas dans le
répertoire de Chiara Amaru.
Après l’entracte, une autre ouverture, de “L’italienne à Alger“, encore “un tube“ de Rossini où
l’orchestre se joue des ruptures, des sautes de rythme. Avant que la chanteuse enchaîne avec un des
airs les plus connus du même opéra : “Cruda Sorte“. La voix est chaude, le timbre agréable, de
belles couleurs dans le registre des graves avec des aigus puissants, et il en faut pour les vocalises
et les roulades du finale ! Joli succès d’une salle pleine, ce qui prouve qu’à Paris comme en
province, cette musique se porte bien dès que l’exigence et le professionnalisme sont au rendez
vous.
Retour au chant (j’allais écrire Bel canto) : Chiara Amuru nous interprète « Di tanto palpiti », l’autre
cavatine de ce Tancrède avec laquelle elle a débuté son récital. Plus brillante, bien chaude, on
pressent que, avec le temps, sa voix, (elle est jeune encore) s’approchera plus de celle de Marilyn
Horne que de Teresa Berganza. Les amateurs jugeront, mais c’est une jolie performance que nous
avons entendue ce soir. Quand on sait que ce programme fut monté en deux jours !
Le concert s’achève avec la Symphonie n°1 de Prokoviev dite « symphonie classique ». Elle porte
bien son nom, on se croirait dans une symphonie de Haydn saupoudrée d’une pointe d’ironie.
Anthony Hermus la dirige avec passion et une exubérance raisonnée. Dans la gavotte et le finale,
souvent entendus, la partie des vents s’épanouit et excelle à restituer les clins d’oeil du compositeur.
Hautbois, clarinette et basson s’ingénient et réussissent à faire de cette symphonie une oeuvre au
“dandysme“ parfait, telle que l’a voulue Prokoviev. L’orchestre de l’Opéra de Rouen est un bon
orchestre, il nous l’a prouvé. La jeune chanteuse sicilienne Chiara Amaru et le jeune chef
néerlandais Anthony Hermus ont fait de cette soirée au programme fragile, une vraie réussite.
Jean François Robin
Quelle que soit la démarche utilisée par ailleurs, ce volume possède le grand mérite de se fixer pour objectif l’oralité : la musique s’exprime d’abord par le chant. Et ce n’est que dans la mesure où ce chant, extérieur et intérieur sera en place que le musicien deviendra un improvisateur et un interprète ou un… exécutant, au sens le plus trivial du terme. On appréciera notamment que dès le premier chant sur des « dos » soit proposé un accompagnement « dans le style de Schumann ». Il est piquant de constater (simple coïncidence ?) que par ailleurs cette première ligne correspond exactement par son rythme au début du chant pédagogique de Gabriel Pierné Sans tambour ni trompette. Ce n’est évidemment pas une critique mais plutôt un compliment… De leçon en leçon, les styles et les notions solfègiques se déroulent avec bonheur. Attendons la suite… Daniel Blackstone
Si Charles Kienzl, né en 1797 et mort en 1874, est autrichien, c’est en Alsace, à Guebwiller, qu’il exerça toute son activité musicale, notamment comme organiste et maître de chapelle de Notre-Dame de Guebwiller de 1828 à sa mort. Le Requiem ici édité pour la première fois, doit sa résurrection à la découverte du manuscrit en 2014, par le successeur de Kienzl à l’orgue de N.D. de Guebwiller. L’éditeur, Yannick Merlin, organiste de grand talent et directeur de la collection « Vie musicale en Alsace », a dû faire un gros travail de restitution sur cette oeuvre très intéressante mais dont le manuscrit, retrouvé récemment et comportant de nombreuses modifications, n’était pas prêt pour l’édition. Dans une très intéressante préface, Yannick Merlin nous présente en détail la vie et l’oeuvre de ce compositeur ainsi que les présupposés de l’édition et les notes critiques qui permettent de suivre son remarquable travail. Ce Requiem date de 1826, c’est-àdire du tout début de la présence de son auteur à Guebwiller (1825). L’oeuvre comporte sept parties : Requiem, Kyrie, Dies irae, Domine, Sanctus, Benedictus, Agnus Dei. Très influencée par le dernier Haydn, cette oeuvre comporte de très belles pages qu’on a hâte de redécouvrir. Si la partie chorale est plutôt facile, il faudra, pour tenir la partie d’orgue, un instrumentiste aguerri. D.B.
Est-il utile de rappeler que John Keats (1795-1821) est un des poètes
romantiques anglais les plus importants de sa génération ? La courte pièce
de Laurent Coulomb constitue un écrin précieux pour les vers de Keats.
Construite sur le schéma ABA, elle exprime dans une tonalité de ré Majeur
qui comporte aussi des aspects modaux et des accents tragiques à certains
moments, la substance contrastée des extraits de poème choisis. Après un
début qui rappellerait une ballade irlandaise, la partie médiane, plus
homophonique, introduit un moment tragique avant que le thème du début,
revenu aux basses ne ramène la paix dans cette très belle pièce.
Remercions au passage l’éditeur d’avoir mis au début du volume le texte
chanté et sa traduction en français. Tout le monde ne lit pas encore Keats
dans le texte…
D.B.
Les deux poèmes mis ici en musique sont extrait du recueil Lyrisme et
contre-lyrisme mêlés de la poétaesse Edith Chafer. Le premier, Eaux
troubles, s’interprète « Très lent, avec angoisse ». Il traduit avec beaucoup
de sensibilité l’angoisse qui se dégage effectivement du poème. L’écriture
est constamment en tension, ce qui donne à l’ensemble une étrange et
sombre beauté. Le deuxième, Renaissance, s’ouvre par le choeur seul qui
fait jaillir peu à peu le texte, puis la soprane solo fait entendre, sur une
nappe chorale, le message d’espoir puis tous expriment le retour à la vie
qui culmine dans l’accord final pianissimo de la Majeur. L’ensemble est
sobre et d’une grande beauté.
D.B.
L’édition intégrale (avec exégèse) a fait l’objet d’une recension dans la Lettre d’information
(décembre 2013). La présente édition — chants d’assemblée et de choeur —, de format pratique et
maniable, ne contient que les harmonisations à 4 voix avec leurs sources (texte et mélodie) ainsi que
leur destination liturgique : temps liturgiques, circonstances particulières (par exemple : Réforme,
sainte Cène, pénitence, catéchisme…).
L’Ouverture (interview du pasteur David Brown par Guylène Dubois), véritable mise en situation,
dégage le rôle fonctionnel du chant d’assemblée au culte dominical. Il précise que : « Nous sommes
des musiciens d’aujourd’hui, liés, connectés à Martin Luther qui était lui aussi musicien. » (p. IX).
Dans sa Préface, le pasteur Alain Joly met l’accent sur la musique « orientée vers la louange » et
observe que le Réformateur reste « jeune ». Dans son Avant-propos, Édith Weber (directrice de la
Collection « Guides musicologiques ») évoque (p. 11) le contexte du XVIe siècle et les
recommandations du Concile de Vatican II à propos du chant en langue vernaculaire. Elle rend
hommage à la saisie musicale informatique de Danielle Guerrier-Koegler qui a aussi contribué au
choix des harmonisations, en dehors de celles du Livre d’orgue pour le recueil de l’Église de la
Confession d’Augsbourg publié à Strasbourg en 1952 par le pasteur Ernest Muller.
Ce livre propose les 43 Chants classés judicieusement par rubrique : liturgie du culte (monodies
nos1-9), puis Chorals dans l’ordre de l’année de l’Église (à partir de Noël) : nos10-43 ; pour
chacun, il indique les sources poétiques et mélodiques, ainsi que la circonstance ou la destination
liturgique de ces chants à visée oecuménique. Par son format pratique et ces mélodies remontant au
XVIe siècle, ce recueil rendra de grands services : il arrive à point nommé pour commémorer
fidèlement le 5e Centenaire de la Réforme (1517-2017).
Édith Weber
Dédié à la mémoire du regretté Wolfram Steude qui a tant oeuvré pour l’oeuvre de Heinrich Schütz
(1585-1672), ce Volume 29 comble une lacune. Il a le mérite de regrouper des compositions autour
du thème du mariage, rarement abordé.
La partition — pour choeur a cappella — est précédée d’une importante
Préface
présentant ses oeuvres dans le cadre de ses musiques festives et évoquant leur genèse, les événements et circonstances, avec de copieuses notes infrapaginales exploitant consciencieusement les sources critiques. Après cettePréface
, sont reproduits en fac similé des pages de titre, des extraits des parties individuelles, de la basse continue et de manuscrits autographes. L’apparat critique (kritischer Bericht
) conclusif sera très apprécié par les lecteurs. La partition, si bien gravée en notation moderne, comprend les divers Choeurs (jusqu’à 8 voix à double-choeur ou même 11 voix) et la réalisation de la basse continue pour orgue. Les oeuvres reposent sur des sources bibliques et apocryphes :Wohl dem, der ein tugendsam Weib hat
(SWV 20) — parole de Jésus Siracide.Haus und Güter erbet man von Eltern
(SWV 21), concert à 11 voixSiehe wie fein und lieblich ist’s
(SWV 48), Psaume 133Freue dich des Weibes deiner Jugend
(SWV 453), Proverbe de SalomonMadrigal : Zwei wunderschöne Täublein
(en appendice).Cette très belle oeuvre d’une durée d’environ un quart d’heure est une
sorte de contemplation à partir de l’antique « séquence » pascale. Mais
qui, à part les amoureux du chant grégorien, connait encore en France
le Victimae paschali laudes ? Manifestement, Serge Ollive est de ceuxlà,
lui qui nous invite à cette longue et belle méditation aux couleurs si
variées. Il faudra, pour lui rendre justice disposer d’un instrument à
trois claviers et boite expressive. Après une première partie
comportant de nombreuses fulgurance, l’hymne apparait. La
méditation se poursuit, de plus en plus intérieure pour aboutir à une
sorte d’évanouissement final dans un tempo de plus en plus lent et qui
se perd dans le silence. Le langage du compositeur est à la fois original,
toujours compréhensible et au service d’une méditation spirituelle de
grande qualité. Rappelons qu’on peut écouter intégralement les oeuvres de Serge Ollive sur son site
ou sur YouTube.
D.B
Nous avons rendu compte au fur et à mesure de leur parution des
différents ouvrages pédagogiques consacrés par Pascale Rouet au roi des
instruments (dit-on…). Celui-ci, qui peut également servir aux apprentis
clavecinistes et même aux apprentis pianistes, possède le grand avantage
de s’adresser aux enfants débutants. La progression à la fois technique et
musicale est tout à fait pertinente. Au point que ce volume, destiné aux
enfants débutants, peut être également utilisé pour des adultes. Il suffira de
les rendre complices de la démarche pédagogique en la leur faisant
découvrir au fur et à mesure de la progression. Le bagage fourni à la fin de
ce volume permet déjà d’aborder de nombreuses pièces du répertoire
classique ou… d’utiliser tous simplement les autres volumes publiés par
Pascale Rouet aux mêmes éditions. On sent à chaque instant que cette
pédagogue passionnée de musique contemporaine sait donner à ses élèves le langage universel qui
leur permettra d’être ouverts à toutes les musiques. Cerise sur le gâteau : les délicieuses illustrations
de Gérard Patureaux.
D.B.
Nous avons déjà recensé dans les lettres 106 et 109 de septembre et
décembre 2016 les deux premiers volumes de cette collection. Ce
troisième volume, comme les deux précédents, rendra bien service aux
accompagnateurs de cours de danse et leur permettra de renouveler très
agréablement leur répertoire. Natalie Flament écrit : « [Le pianiste] doit
« traduire » et musicalement illustrer de la façon la plus juste tous les
mouvements des exercices donnés par le professeur, ce qui s’avère
impossible sans parfaite connaissance du vocabulaire de la danse et sans
profonde compréhension de la nature du mouvement ». Et elle ajoute :
« C’est un vrai savoir-faire que ce métier d’accompagnateur de danse ! »
C’est vrai que c’est un métier très exigeant, et nous pouvons remercier
l’auteur de nous fournir quarante-deux pièces qui sont autant de modèles
pour l’improvisateur qu’est forcément le pianiste accompagnateur de cours de danses…
D.B.
Bien sûr, c’est la pièce-titre qui ouvre cet album. On peut bien entendu
discuter d’une telle entreprise. Lorsqu’il s’agit d’oeuvres pour orchestre,
la question ne se pose guère : nous pensons qu’il est toujours profitable
de « bricoler » dans des « réductions d’orchestre » et que cela permet de
mieux entrer dans une audition active des oeuvres. Encore faut-il que ces
réductions soient faites avec goût et respect des oeuvres originales et de
leurs harmonies et c’est ici le cas. L’auteur a pratiqué ces transcriptions
depuis toujours, et malgré notre méfiance vis-à-vis de cette pratique, nous
les avons utilisées avec profit pour les élèves étant donné leur qualité.
Bien sûr, elles ne sont là que pour un plaisir fugitif : il faut aller ensuite
retrouver les oeuvres originales. Mais elles peuvent en donner le goût, et
c’est bien là leur mérite. Nous avons toujours été plus réticent lorsqu’il
s’agit de versions « faciles » d’oeuvres écrites primitivement pour le clavier. Disons qu’il est plus
difficile de justifier cette pratique. Chacun jugera. Parfois, cela peut aider aussi, nous en avons fait
l’expérience. Mais l’exigence sera d’autant plus grande d’accéder le plus vite possible aux versions
originales. Quoi qu’il en soit, le répertoire est varié, comme l’indique le titre, et les transcriptions
pour un niveau « facile » remarquablement faites.
D.B.
Nous reprenons le compte-rendu de la publication par les éditions Symétrie des œuvres d’Antoine Reicha.
Cette jolie pièce dont le titre est l’anagramme du nom de sa dédicataire est
construite sur la superposition du rythme ternaire de la main gauche, qui
s’exprime en croches régulières dans la mesure à 6/8 tandis que la main
droite égraine une jolie mélodie en rythme binaire. On ne peut s’empêcher
de penser, pour le rythme, à une certaine Arabesque de Debussy…
L’ensemble, en revanche, s’exécute dans un tempo très lent (44 = noire).
Le ré mineur rend le tout à la fois berceur et mélancolique.
D.B.
Dans ce recueil écrit pour ses propres élèves de premier cycle, avec chacune leur caractère, l’auteur
a cherché à rendre des couleurs harmoniques et des ambiances. Elles sont souvent nostalgiques,
douces, avec un « clin d’oeil » à la musique de film. Ces petites pièces bien adaptées pour les petites
mains, doigtées juste aux endroits utiles, sont agréables à jouer et présentent de réels intérêts
pédagogiques : régularité des doigts, mélodies à la main gauche, accords, tempo à la mesure,
rythmes binaires et ternaires. Ces « Instants magiques » proposent en outre une bonne utilisation du
clavier : lecture en deux clés de sol, déplacement rapide de la main gauche, passage de la main
gauche par-dessus la droite, avec indication de pédale…
Sophie Jouve-Ganvert
La Série « Organ plus one » est destinée aux organistes, cantors, chefs et pasteurs — à la recherche
d’une pièce correspondant aux temps liturgiques en cause. Elle leur permettra de respecter une
certaine unité dans le service dominical et de varier les programmes de concert.
Ce volume propose des Préludes de chorals arrangés et adaptés par Carsten Klomp (né en 1965),
par exemple de J. S. Bach, K. Hoyer, Th. Tallis, L. J. A. Lefébure-Wely…, une composition de C.
Klomp suivie d’un accompagnement fonctionnel (ad libitum : orgue seul ou instrument soliste). À
la partition, sont joints 4 cahiers séparés (plusieurs tessitures : en do, si b, mi b et fa). Registrations
et phrasés sont indiqués ; l’interprétation est à la portée d’un organiste liturgique et concertiste
semi-professionnel.
Cette sélection éclectique et internationale de musique ancienne et contemporaine comprend des
Chorals traditionnels de Noël (Weihnachtslieder), par exemple : Nun komm, der Heiden Heiland
(entre autres, une version harmonisée de C. Klomp avec cantus firmus à la partie supérieure
nettement perceptible pour le chant d’assembée), Es ist ein Ros entsprungen, Ich steh an deiner
Krippe hier… ; des chants de louange : Gelobet seist du Jesu Christ, Lob Gott ihr Christen alle
gleich… ; également l’Offertoire pour Noël de L. J. A. Lefébure Wely et deux Pastorales (Ch.
Wesley et F. A. Guilmant). Par sa finalité pratique, ce recueil, fonctionnel par excellence, facilitera
la tâche des organistes liturgiques.
Édith Weber
L’auteur précise que cette pièce sonne un peu western, ce qui explique son
titre. Saluons au passage que le compositeur nous explique lui-même sa
pièce, tant sur les intentions que sur les difficultés techniques. Quoi qu’il
en soit, cette petite valse en do Majeur aura de quoi réjouir son interprète.
Jouée dans le tempo rapide recommandé, elle a du caractère. En fait, elle
dure un peu plus d’une minute en tout avec la reprise. Remercions
également l’auteur d’avoir pris soin de mettre un petit 8 sous la clé de sol
pour rappeler à nos guitaristes que leur instrument est un instrument
transpositeur… à l’octave grave, ce que la plupart ignorent !
D.B.
Le titre fait-il référence au mois correspondant du calendrier républicain ?
Ce mois tirait son nom de « l’épanouissement des fleurs d’avril en mai »,
selon le rapport de Fabre d’Eglantine… Dans cette pièce d’environ quatre
minutes, l’auteur nous plonge dans un univers bucolique à la fois lyrique
et traversé d’arpèges qui peuvent évoquer source ou envol d’oiseaux… On
reconnait le langage caractéristique de Max Méreaux, recourant quand il
le faut à des procédés d’écriture contemporaine mais toujours au service
de l’expression de la musique. L’ensemble évoque des paysages variés,
toujours très poétiques.
D.B.
Ces trois pièces évoquent trois quartiers de Buenos Aires, souvenirs
d’enfance de l’auteur. La première présente deux parties aux rythmes
brésiliens syncopés, de caractère et de tempo différents, avec plusieurs
effets de percussion, des indications de sons métalliques. La deuxième
pièce, lente et plus « romantique », en arpèges brisés sur une basse,
rappelle les petites pièces de Léo Brouwer. La troisième se déroule en
trois parties, sur un rythme de habanera.
La première et la troisième pièces sont particulièrement difficiles à jouer, malgré l’indication de doigtés précis. La densité de l’écriture enlève à la rythmique et à la
clarté de la mélodie et donne l’impression d’une improvisation notée.
A proposer en fin de deuxième cycle.
Sophie Jouve-Ganvert
Dédiée au violoniste Gérard Poulet et au pianiste Patrick Zygmanovsky, elle
constitue également un hommage à la Sonate de Debussy, dédiée il y a
cent ans (1917) au père de Gérard Poulet, le violoniste et chef
d’orchestre Gaston Poulet. Nous laissons ici l’auteur présenter sa
sonate : « Basée sur le thème de l’attente, cette sonate en trois
mouvements recherche une mélopée mélancolique que l’on découvre
au cours du mouvement et qui trouve sa réalisation dans une phrase
simple harmonisée à la française. Pour étirer le temps, le temps de
l’attente, la passacaille s’ornemente d’une longue pédale de ré. Les
deux trios et les variations reprennent son thème en le
métamorphosant, plus rapide, moins vif, furieux, plaintif… de façon
poétique et aléatoire » Il était inutile de paraphraser cette rigoureuse
description. Les trois mouvements sont donc : L’attente -
passionnément mélancolique, Passacaille et trio double –
Furieusement plaintif et Final – un peu plus vite. L’ensemble est écrit dans un langage très
personnel, très prenant, très lyrique aussi. C’est une très belle oeuvre qu’il faut faire découvrir au
plus vaste public.
D.B.
Ce recueil contient onze pièces originales d’inspiration folklorique :
mélodies, danses, trois rhapsodies et un duo pour violons (à la tierce,
en homorythmie). Comme dans toute musique issue du folklore, on y
retrouve dynamisme, tournures mélodiques répétitives et modales,
rythmiques irrégulières, dans un caractère alternativement festif et
nostalgique. Cette tradition orale se traduit à l’écrit par l’utilisation de
nombreuses valeurs à la croche (5/8+7/8) ou à la double-croche
(11/16+7/16), ce qui rend la lecture mal aisée pour de jeunes élèves.
Ces pièces n’ont pas la « clarté », ni la précision de notation efficace
d’un Bartok. La difficulté de lecture ne doit pas faire oublier de rendre
l’interprétation « libre » si l’on veut respecter l’esprit de cette
musique. Notons que le recueil n’est pas progressif, qu’il comporte
des chiffrages anglo-saxons pour un éventuel accompagnement.
Quelques mauvaises « tournes » regrettables.
A proposer en 2
Sophie Jouve-Ganvert
La préface de Renaud Déjardin résume bien le propos de cette méthode :
« Ces cahiers ne sont pas l’oeuvre inspirée d’un nouveau professeur visionnaire mais le résultat de nombreuses années d’un travail pédagogique acharné par quelqu’un
qui est né pédagogue. » Quant à l’auteur, il précise : « Dans le flot des méthodes récentes, le présent
ouvrage peut sembler rébarbatif et peu ludique. C’est un choix assumé ». Au professeur de donner
une chaire musicale à ces exercices par le choix judicieux d’oeuvres musicales adaptées. Cette
méthode peut paraître un squelette, mais là où il n’y a pas de squelette, il n’y a qu’un amas de chair
informe. La technique n’est pas une fin en soi, mais sans elle, il n’y a pas de musique non plus.
C’est donc un ouvrage fondamental pour l’apprentissage de l’instrument.
D.B.
Précisons que ce volume est la suite du précédent. Consacré entièrement à
la main gauche, il explore systématiquement et de façon détaillée toutes
les positions y compris celles du pouce. Plus que jamais, le travail du
professeur est indispensable pour permettre à l’élève de tirer tout le fruit
de ce remarquable ouvrage. A lui de doser, de choisir les morceaux en
rapport avec les techniques mises en oeuvre. Mais comme nous le disions
dans le compte-rendu du premier volume, sans technique, la musique ne
peut s’exprimer.
D.B.
Le titre ne rend pas pleinement justice à cette oeuvre attachante. Elle est
courte, certes (environ quatre minutes), mais pleine de lyrisme et
d’intériorité. Après une première partie méditative et mélancolique, un
passage plus vif et passionné débouche sur un retour au thème pour se
terminer lentement pianissimo comme si la musique se fondait dans le
silence. En écoutant cette pièce, on ne peut s’empêcher de penser à Paul
Bazelaire et à la musique française, ce qui ne veut pas dire que Serge
Ollive n’ait pas un langage personnel ! Mais on le sent aussi héritier
d’une longue tradition souvent trop oubliée. L’ensemble fait appel à
toutes les possibilités de la contrebasse, notamment les harmoniques : la
richesse et l’expressivité de l’oeuvre sont à ce prix !
D.B.
Voici une bien jolie pièce qui n’usurpe pas son nom. En effet, l’Espagne
est constamment présente par ses rythmes et par ses modes, mais aussi par
ses mélismes, ses échappées, son côté à la fois mélancolique et sensuel.
L’auteur a parfaitement saisi cette ambiance si caractéristique et la rend à
la perfection. Il faudra donc que les interprètes s’en imprègnent avant de
jouer cette oeuvre qu’il faudrait se garder de défigurer en n’en saisissant
pas le caractère. Piano et flûte dialoguent constamment, et si la flûte a la
meilleure part, le piano a aussi ses moments réservés. Souhaitons
beaucoup de plaisir aux interprètes et à leurs auditeurs.
D.B.
Cette « contrée lointaine » offre de nombreux paysage divers, tous
intéressants. Certains sont plus vivants, d’autres plus mélancoliques. Les
contrastes se succèdent avec bonheur. Le côté étrange ou étranger se
manifeste à travers des passages modaux même si l’ensemble reste tonal,
ce qui n’empêche pas, cependant, les fréquents changements de tonalité et
de mesure. Le parcours est donc varié à souhait, permettant aux deux
interprètes de montrer toutes leurs qualités, aussi bien techniques
qu’expressives. On se laisse prendre par l’ambiance spéciale de cette pièce
qui réserve beaucoup de très bonnes surprises.
D.B.
La nomenclature à elle seule montre qu’il ne s’agit pas d’une pièce facile !
Cette commande de l’ensemble Antara a été inspirée par un court texte de
la poétesse chilienne Gabriela Mistral. Ce mélange d’instruments
classiques et d’instruments traditionnels d’Amérique du Sud permet de
jouer sur les différents timbres en présence, d’autant plus que toutes les
techniques contemporaines de la flûte sont également exploitées. Le texte
est beau, poétique à souhait, comme la pièce que nous offre Sophie
Lacaze.
D.B.
Cette « cadence » peut constituer une pièce indépendante du concerto pour
lequel elle a été écrite même si elle reprend le matériau des deux premiers
mouvements de ce concerto. On pourra lire sur le site de l’éditeur
l’analyse complète de cette pièce. Disons simplement qu’elle est à la fois
très expressive et en même temps écrite dans un style contemporain,
même si elle fait appel, comme le concerto, aux formes classiques que
sont la variation ou le choral. Signalons qu’on peut écouter le concerto
pour clarinette sur YouTube https://www.youtube.com/watch?
v=53Zgs_ZnuPk
D.B.
Ce sont cinq paysages divers que nous décrit Anthony Girard, paysages
qui font appel à toutes les possibilités de l’instrument. Ces cinq symboles
sont Le vent (souffle, brise, bourrasque), La Terre (danse dans un désert
de roches), L’Eau (vagues sur la rive, qui se brisent, meurent puis
renaissent…), L’Espace (prière errante, abandonnée dans l’infini…), Le
Feu (brindilles enflammées, étincelles surgies de nulle part…). Les soustitre
expriment très bien par eux-mêmes l’impression donnée. L’ordre peut
être modifié et les pièces jouées séparément, mais l’ensemble, avec ses différentes facettes, mérite d’être joué dans l’ordre et intégralement. L’oeuvre est vraiment
intéressante et permet à l’instrumentiste d’exprimer les différents aspects de son talent.
D.B.
En forme d’études faciles et progressives pour les cycle 1 et 2. Chaque
pièce, de courte durée, est présentée sur une seule page. La variété de
style, d’écriture, de caractère en fait un ouvrage intéressant ; mais de par
leur tempo, leur niveau solfégique et leurs difficultés techniques, ces
études aux titres pittoresques et stimulant l’imagination, conviennent plus
à des élèves de fin de premier cycle et suivant qu’à des débutants. On
apprécie la qualité musicale de ce recueil, qui rend hommage à la
« douceur angevine », à son folklore, son passé littéraire et artistique, son
histoire, ses paysages, ses « spécialités » et traditions.
Sophie Jouve-Ganvert
Pourquoi faire valser les pupitres ? Est-ce une allusion au caractère réputé badin des cuivres ? Quoi qu’il en soit, cette petite valse est bien agréable, gentiment classique avec sa partie médiane à la dominante et le retour du thème qui se termine par la traditionnelle « coda » qui, bien que n’étant pas nommée, est bien là, cependant ! Le tout est délicatement parodique mais avec beaucoup de grâce et de discrétion. L’introduction de piano, qui se termine par deux mesures introductrices semblables, permettrait même au tromboniste distrait de ne partir qu’un peu plus tard… selon un procédé bien connu des instrumentistes facétieux ou humoristes ! D.B.
Les titres humoristiques des six pièces traduisent bien leur ambiance joyeuse. On ne s’ennuiera pas à les travailler ! La dernière permet d’agréger même des débutants à l’ensemble. En effet, ces quatuors peuvent se jouer à parties doublées ou triplées sans inconvénient. L’ensemble est solidement tonal, ce qui n’empêche pas chaque pièce d’avoir un caractère qui lui est propre. De Diabolo fraise à la Petite marche sur les bords de l’Orge en passant par Ça valse, et toi ? on ne risque pas de s’ennuyer. Est-il utile de rappeler que l’Orge est une rivière de l’Essonne, lieu où enseigne notre compositeur… D.B.
Facile à dire… pas forcément facile à faire. Mais le résultat sera à la hauteur ! La première partie est un adagio à quatre temps assez solennel où piano et cor se répondent. Puis vient un moderato à 6/8 assez original. Tandis que le cor déroule une mélodie simple dans un rythme « deux croches noire pointée » récurrent, le piano fait dans l’aigu, en croches régulières une sorte de trille lent tandis que la main gauche suit un rythme régulier qui peut suggérer une sorte de trois quatre qui se superpose au 6/8. Le tout se termine dans un do Majeur solidement affirmé. L’ensemble est donc varié, original et plein de bonhommie. D.B.
Si le batteur est de niveau élémentaire, le pianiste pourra l’être aussi à condition de posséder un solide sens du rythme. En effet, la partie de piano n’est pas en soi difficile par les notes mais il faut, pour l’interpréter, avoir le rythme « dans la peau ». L’ensemble est vivant, joyeux et très agréable à entendre : on peut s’en faire une idée en allant en écouter un large extrait sur le site de l’éditeur http://www.lafitan.com/partition-drumming-sessions-percussionsbatterie- oeuvres-instrumentales-972-28-1-1.z.fr.htm D.B.
La dédicace donne l’explication du titre : « Aux gais lurons de la tournée chinoise de décembre 2014. » Elle explique également le caractère un peu « chinois » de cette charmante pièce pleine de dynamisme. Si la batterie accompagne et scande la partie de piano, c’est avec beaucoup de délicatesse. Nos deux interprètes devront être vraiment en osmose pour rendre les finesses d’une partition simple, certes, mais pas du tout simpliste ! On fera attention, en particulier, aux accents et aux nuances… C’est en tout cas un beau souvenir de cette ville de Chine qui, manifestement, a marqué les esprits… D.B.
La première pièce est composée pour xylophone et piano. Dans les premières mesures, le piano accompagne, par des accords en contretemps sur une basse régulière, la mélodie du xylophone. Cette mélodie pivote autour d’une septième diminuée avant de grimper en intervalles brisés sur deux octaves. Les rôles s’inversent après un petit jeu d’octaves. Si la pièce est dans la tonalité de sol mineur, sans difficultés rythmiques, on trouvera de nombreuses embûches sous l’aspect d’altérations accidentelles, les imprévus de l’A.D.N. ! La seconde pièce, L.O.L., est écrite pour cymbale suspendue, caisse claire, grosse caisse, deux toms et piano, soit pour deux percussionnistes et un pianiste. Basée sur les rythmes croche-deux-doubles et inversement, la partie de piano, outre l’aspect mélodique, donne l’assise et la régularité et permet quelques passages modulants dans lesquels tous les instruments se produisent. Au début, les parties de percussion s’enchaînent, s’alternent accompagnées par le piano ; un passage très vertical, avec reprise, fait jouer ensuite les toms seuls avec le clavier. Puis s’ajoutent les autres percussions dans une joyeuse conversation jusqu’à la strette, exposée dans la tonalité du début : Mi b. Ces deux courtes pièces sont intéressantes et permettent aux jeunes pianistes et percussionnistes de fin de premier cycle de jouer ensemble agréablement. Sophie Jouve-Ganvert
Cette oeuvre est tout à fait originale dans la mesure où il s’agit d’une création collective menée par des élèves de second cycle et leur professeur sur une année scolaire. Que la dénomination d’octuor ne trompe pas : si le piano est indispensable dans tous les cas, les sept autres instruments peuvent s’éloigner de la formation originale qui comporte 2 flûtes à bec, 1 clarinette en sib, 1 cor en fa, 2 trombones et 2 violons. Des solutions alternatives sont proposées par l’auteur, mais il n’est pas interdit de faire preuve d’imagination dans l’orchestration y compris en doublant ou triplant certains pupitres : cette pièce peut servir d’initiation à l’orchestre symphonique. Le langage est, en raison du travail pédagogique d’harmonie et de contrepoint qui a été mené parallèlement, rigoureusement tonal. Cela ne rend pas la pièce moins intéressante : peut-être donnera-t-elle des idées à d’autres professeurs motivés et armés pour mener une expérience similaire. Quoi qu’il en soit, on peut dire qu’il s’agit d’un travail tout à fait remarquable d’un professeur de formation musicale de l'École de musique de Pessac. D.B.
L’auteur a relevé ici dix danses et chansons du folklore albanais et les a adaptées pour instruments en Ut. Or, il ne suffit pas d’indiquer « pour instruments en Ut » pour que ces pièces soient jouables par tous les instruments en Ut ! Les difficultés techniques ne sont pas équivalentes pour tous les instruments (tessiture, tonalité, trilles, sans compter la présence de doubles cordes et d’accords). De plus, la complexité d’écriture due au passage de la tradition orale à la partition, rend la lecture et l’interprétation assez difficiles : on notera, par exemple, vingt-six changements de mesure dans une chanson, sans compter les reprises. Une autre pièce à 2/4 se termine à neuf croches, en passant par 5/8+7/8, par 7/8 (…) Les tempi assez rapides, les rythmes très variés et plus ou moins complexes, demandent un certain niveau de connaissances solfègiques et de technique instrumentale correspondant au deuxième cycle. On notera la présence de chiffrages anglo-saxons pour un éventuel accompagnement. D.B.
Cet auteur de la fin du XVIII° siècle, bien connu comme flûtiste et auteur d’un célèbre méthode de flûte, a écrit aussi plusieurs opéras comiques. Les comédiens ambulants date de 1798. Il est reçu diversement par la critique. L’ouverture est traitée comme un mouvement de symphonie et a pour particularité de comprendre, outre l’ensemble des pupitres cordes et bois ainsi qu’un des cors en fa, un quintette de solistes comprenant flûte, hautbois, clarinette, basson et cor. Ce quintette, intervenant parfois en solo, et ne doublant pas les autres pupitres, donne à l’orchestration un caractère très original et très spécifique. Cette ouverture variée méritait d’être de nouveau éditée et sera, espérons-le jouée dans la mesure où elle constitue aussi un précieux et fort intéressant témoignage de l’écriture orchestrale en cette période qui achève la révolution française. D.B.
La mémoire de Pierre Boulez (1925-2016) perdure : début mars 2017, Berlin a inauguré une
nouvelle Salle de concerts à son nom et Daniel Barenboïm, dirigé un concert pour la circonstance.
Parallèlement, en février 2017, les Éditions Aedam Musicae ont publié ces Entretiens recueillis par
Bruno Serrou. Ce dernier réagit en journaliste (La Croix), en collaborateur de Revues musicales (La
Lettre du Musicien…), en participant à des émissions radiophoniques (Radio France, France
Culture) et en filmographe (Institut National de l’Audiovisuel) ; de plus, il compte une importante
bibliographie à son actif.
Pierre Boulez, né à Montbrison en 1925, est mort à Baden-Baden le 5 janvier 2016. Après avoir
étudié la musique et les mathématiques à Saint-Étienne et Lyon, il est, à Paris, l’élève d’Andrée
Vaurabourg en contrepoint et d’Olivier Messiaen au CNSM. Sur le plan international, dès 1951, il
se distingue aux Journées Musicales de Donaueschingen puis, l’année suivante, à Darmstadt. À
partir de 1958, il débute une longue carrière internationale de chef d’orchestre, de pédagogue
(Collège de France, masterclasses), d’organisateur et d’administrateur (IRCAM) selon les
qualificatifs jalonnant ce livre. Homme structural, pragmatique, cultivé (littérature, peinture…),
dépositaire d’un savoir, il est un « acteur visionnaire du monde musical ». Par ces Entretiens, il a
voulu transmettre le métier de musicien. Forte personnalité publique et artistique, parfois excessive
et intransigeante, admirée par certains, contestée par d’autres, Pierre Boulez a suscité des
polémiques.
Les 16 Entretiens, répartis sur 30 années d’activités variées, bénéficiant de la judicieuse mise en
valeur par Bruno Serrou, révèlent une certaine ambivalence dans le comportement de l’homme :
affirmation / doute. Par le jeu de questions pertinentes et de réponses précises, il réagit en tant que
chef et compositeur. Comme il le constate : « Le fait de diriger permet de savoir si ce que vous
concevez fonctionne… » (p. 245). Le chef-compositeur « se rend compte de ce qui est plus
difficilement exécutable par certains instruments ». Les textes proviennent d’émissions
radiodiffusées (Radio Notre-Dame, France Culture), de divers magazines musicaux français et
étrangers, du quotidien La Croix, du catalogue du Label Deutsche Grammophon « à l’occasion des
soixante quinze ans du compositeur-chef d’orchestre ». Le 16e entretien (2013) représente sa
dernière interview : « un exemple pour la postérité » (parution de l’Intégrale (DG) de son oeuvre en
2013).
Ce livre permettant de mieux appréhender la musique, les idées et les références de Pierre Boulez,
se présente comme un va-et-vient entre direction, composition et exécution. Au fil des pages, il
illustre les préoccupations et partis pris esthétiques (dodécaphonisme, musiques d’aujourd’hui…,
mais aussi Orchestre de Paris, Messiaen…). Il offre une mine de renseignements pris sur le vif —
dont l’Autoportrait (1999, p. 161 sq.). Il est complété par l’Appendice : bibliographie,
discographie, filmographie sélectives — mais très instructives — et un copieux Index.
Compositeurs, chefs, interprètes, historiens du langage musical et mélomanes pourront être
intéressés par ces Entretiens loin des polémiques et controverses à la mode.
Édith Weber
Karol Beffa est un compositeur, pianiste, musicologue élu « meilleur compositeur » aux Victoires
de la musique (2013) et Grand Prix Lycéen des Compositeurs (2016). Il est un acteur de la scène
musicale d’aujourd’hui. Personnalité hors norme, il a dispensé des cours dans le cadre de la chaire
annuelle de création artistique au Collège de France en 2012-2013. l’intitulé était « Musique : art,
technique, savoir ». Les sept leçons, qui forment les chapitres de ce livre, ont pour intitulé :
« Comment parler musique ? », « Qu’est-ce que l’improvisation ? », « Clocks and Clouds ? »,
« Musique et Imposture », « Comment accompagner un film muet ? », « Bruit et musique », « Y-a-til
un postmodernisme musical ? ».
Chaque chapitre / leçon est passionnant à lire et Beffa pose des questions essentielles sur la musique
que tout un chacun peut se poser. Le premier chapitre « Comment parler de musique » ne peut que
nous interpeller, nous qui passons notre temps à en parler, à faire des papiers sur elle. Un chapitre
que tout amateur de musique, critique, devrait lire ! Beffa ne donne pas de réponse, mais ouvre le
débat avec plusieurs pistes à étudier face à cette aporie. « Qu’est ce que l’improvisation ? » comme
« Comment accompagner un film muet ? posent le problème de la création musicale. Lorsque l’on a
vu Karol Beffa jouer du piano pendant six heures devant les images des « Misérables » d’Henri
Fescourt (1925), la question ne se pose plus. Il faut une imagination sans borne, une structure
mentale spéciale et des techniques idoines pour agencer des notes. Ensuite le choix du style sera
toujours à l’ordre du jour quelle que soit l’époque. Et c’est dans le chapitre « Y-a-t-il un
postmodernisme musical ? » qu’il l’aborde. On se souvient du scandale qu’il a provoqué en invitant
Jérôme Ducros pour faire une conférence sur la musique contemporaine, sur l’atonalité face à la
tonalité, et ce fascisme musical de certaines chapelles qui existe encore en France. La nouvelle
vague en musique, comme celle du cinéma, a bien mal vieilli et tourne en rond enfermée dans ses
principes. Ducros prônait pour l’ouverture. On voit mal Bach se définir comme un compositeur
baroque, Schubert comme un compositeur romantique et Mahler post romantique. Ils sont tout
simplement compositeurs de musique, m’avait dit dans une interview Luciano Berio qui se
considérait comme un compositeur de son temps. Basta ! On connaît l’admiration que porte Beffa
pour Ligeti (sujet de sa thèse). Ce très grand compositeur est le centre des chapitres « Clocks and
Clouds » et « Musique et imposture », deux chapitres en miroir où l’humour n’est pas absent. Ils
sont amusants et innovants pour parler de la musique différemment. Ligeti est encore présent dans
le chapitre « Bruit et musique » et Beffa cite de nombreux auteurs, compositeurs, qui se sont
intéressés aux sons (Michel Chion en particulier). Après tout la musique et le bruit ne sont pas
nécessairement antagonistes. Texte dense qui fourmille d’exemples, reste que ce livre paraît
essentiel. Il est écrit d’une manière claire comme sait le faire ce philosophe, ce normalien. C’est un
livre où de nombreux ouvrages sont cités, ce qui donne envie de les consulter. Voilà un livre qui à sa
lecture nous rend encore plus intelligent ! Merci Karol Beffa.
Le site www.parlercomposerjouer.com offre des exemples musicaux qui illustrent les propos tenus
dans le livre.
Stéphane Loison
Marie-Ange Leurent et Éric Lebrun, bien connus des lecteurs de la Lettre d’information — après
leurs Intégrales Buxtehude et Boëly — poursuivent celle de Jean Sébastien Bach (cf. Vol. 1 : LI,
avril 2016 ; Vol. 2 : LI, oct. 2016), en une vraie complicité artistique et chronologique. Ils ont, en
effet, judicieusement retenu l’Orgue Heinrich Gottfried Trost à Waltershausen, construit entre 1723
et 1743, d’esthétique baroque par excellence ; or, cet instrument historique de l’Église « Zur
Gotteshilfe » est contemporain de la gestation par Bach de la Clavierübung dritter Teil publiée en
1739. Il s’agit donc d’une adéquation entre facture et composition.
Dans cette oeuvre didactique, le Cantor de Leipzig — s’inspirant du Grand et du Petit Catéchisme
de M. Luther — propose une « grande version » plus élaborée et une « petite version » sans
pédalier. Elle est destinée « à la récréation de l’âme » (zur Ergötzung des Gemüts). Ce monument
organistique s’ouvre aux accents du Praeludium pro organo pleno (BWV 552/1) et se termine avec
la Fuga a 5 con pedale pro organo pleno (BWV 552/2). Les éléments du Catéchisme sont ensuite
traités dans une perspective pédagogique : 1. Kyrie : 3 invocations, avec cantus firmus exposé au
soprano, puis au ténor, enfin à la basse (BWV 672-674). 2. Gloria symbolisé par le choral Allein
Gott in der Höh sei Ehr, sur le texte de Nicolas Decius (BWV 675-676) avec une Fughetta (BWV
677). 3. Les Dix Commandements, d’après la paraphrase allemande de M. Luther (Erfurt, 1524) :
Dies sind die heilgen zehn Gebot, font l’objet de la grande version pour deux claviers et pédale
(BWV 678), à laquelle s’enchaîne la Fughetta (BWV 679). 4. Le Credo de M. Luther : Wir glauben
all’ an einen Gott (BWV 680) est aussi suivi de la Fughetta (BWV 681). 5. Le Notre Père (Vater
unser im Himmelreich) (BWV 682-683), d’après la paraphrase de M. Luther publiée dans le recueil
de Valentin Schumann à Leipzig en 1539, fait aussi l’objet de deux versions, dont la première est
très développée. 6. Le Baptême : Christ unser Herr zum Jordan kam (M. Luther, 1524) comporte
aussi deux versions (BWV 684-685). 7. Le De profundis : Aus tiefer Not (BWV 686) avec double
pédale est suivi de la petite version (BWV 687). 8. La Sainte Cène (Communion) est évoquée par le
Choral Jesus Christus, unser Heiland, der von uns den Gotteszorn wandt (recueil de Klug, 1529)
mettant l’accent sur l’idée de rédemption. Ce Choral (BWV 688) avec cantus firmus énoncé à la
pédale est un modèle d’écriture contrapuntique, suivi d’une fugue à 4 voix sans pédale (BWV 689).
Enfin, les 4 Duetti (BWV 802-805) étaient, selon une hypothèse assez récente, destinés à préparer et
accompagner l’assemblée lors de la Communion. Toutes ces mélodies, bien connues des fidèles
depuis la Réforme à partir de 1517, sont dotées d’un très fort pouvoir d’association d’idées
théologiques et spirituelles. Il ne s’agit donc pas de la structure d’un « culte » (Gottesdienst)
dominical selon l’ordonnance de la « messe luthérienne », mais bien d’une initiation dogmatique
aux éléments du Catéchisme de M. Luther avec une finalité didactique.
Les deux organistes si avertis ont complété leur bel enregistrement avec des Chorals ayant une
parenté sémantique avec ceux de la Clavierübung III. Les 38 plages, registrées avec un soin
extrême et un souci réel du coloris convenant à chaque pièce, sont interprétées avec virtuosité,
expressivité ou recueillement selon les chorals, et respectent l’atmosphère spécifique voulue par
Bach. La version convaincante de Marie-Ange Leurent et Éric Lebrun force l’admiration. Le
dernier Choral (CD 2, plage 20) : Ein feste Burg ist unser Gott (C’est un rempart que notre Dieu,
selon la traduction française officielle), avec texte et mélodie de Luther (1529) d’après le Psaume
46 — (BWV 720) pose un point d’orgue identitaire sur le 3e volume de l’Intégrale. On ne pouvait
imaginer meilleur hommage organistique pour marquer le 5e Centenaire de la Réforme (31 octobre
1517-2017).
Édith Weber
Voici une version authentiquement
leipzicoise
enregistrée à Saint-Thomas, réalisée par le Thomanerchor (Choeur de Saint-Thomas), dirigée par le Thomaskantor bien connu, Georg Christoph Biller qui a fait appel à l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Il s’agit d’un enregistrement d’avril 2007 qui reparaît en 2017 sous une autre présentation et avec un prix spécial (deux CD pour le prix d’un). Des solistes de renom international interviennent : Ruth Holton (soprano) ; Matthias Rexroth (alto) ; Marcus Ullmann (ténor) ; Gotthold Schwarz et Henryk Böhm (basses) dans les rôles traditionnels : Évangéliste, Jésus, la servante, le serviteur, Pierre, Pilate ; le Choeur assumant le rôle, les réactions de la foule (turba) et les chorals. L’Évangéliste (Marcus Ullmann) restitue les moindres inflexions du récit biblique, le Choeur s’impose d’emblée par la précision de ses interventions bien scandées et les chorals si bien ressentis.L’oeuvre de Friedrich Kiel (1821-1885), professeur de composition très estimé et compositeur
éminent, est tombée dans l’oubli. Pourtant, son Requiem protestant situé entre ceux de Mozart et de
Verdi marque un jalon dans le répertoire du genre. Le Label RONDEAU présente l’oeuvre selon les
conditions de sa création et dans l’esprit de la musique de chambre, c’est-à-dire avec un simple
accompagnement au piano. Cette seconde version de 1878, adaptée pour piano par Julius Stern
(1820-1883), a été revue pour l’« Ensemberlino vocale » (groupant une trentaine de choristes) par
Matthias Stoffels qui a étudié la musique, la germanistique, la direction chorale à Berlin et
fréquenté de nombreuses masterclasses dont celles d’Eric Ericsson. Il a dirigé le Choeur de la Radio
de Bayreuth, enseigné la direction et est, depuis 2006, professeur de musicologie et directeur
artistique à Munich.
Ce Requiem en fa mineur (op. 20) à découvrir est interprété par l’« Ensemberlino vocale » — dont
le répertoire a cappella va du Moyen Âge à nos jours —, la pianiste sudcoréenne Sua Baek,
également organiste, chanteuse, répétitrice de choeur. Il est dirigé par Matthias Stoffels. Ont prêté
leur concours, en solistes : Christina Bischoff, soprano de réputation internationale ; Anja
Schuhmacher, musicologue germaniste alto spécialisée dans Mozart et J. Strauss ; David Ameln,
ténor qui s’est imposé comme Évangéliste dans des oeuvres de Bach et Haendel ; Matthias
Jahrmärker, basse, accompagnateur et chef. Composé pour le Roi Friedrich Wilhelm IV, ce Requiem
comporte les articulations traditionnelles : Introït, Kyrie, Séquence, Offertoire, Sanctus jusqu’à
l’Agnus Dei. Il ne s’agit pas d’un Requiem « à grand fracas », comme ceux de Verdi et Berlioz,
mais, en fait, d’un pari de simplicité des moyens au profit de l’émotion et du recueillement. Dès
l’introduction, l’atmosphère est à la tristesse et au deuil. Le Dies irae évoque le Jugement dernier
avec la traduction figuraliste des images et des idées du texte. L’Offertoire est marqué par une note
d’espoir. À noter : Quam olim Abrahae promisisti… (pl. 8), solennel, avec des entrées successives
de plus en plus marquées, jusqu’à la délivrance de caractère joyeux et l’Hostias se terminant
fortissimo. Le Sanctus apporte un autre éclairage en Do majeur. L’Osanna et le Benedictus
traduisent la louange, et l’Agnus Dei, très émouvant sur Dona eis requiem avec interlude méditatif
au piano, se fait particulièrement apaisant sur Dona nobis pacem, vraie transition confiante de la
mort vers la vie éternelle.
L’audition pourrait déconcerter certains puristes habitués à une participation orchestrale. Dans cette
version, le piano (au lieu de l’orchestre) assure des interludes et introduit les voix des jeunes choristes qui respirent la joie de chanter. Le compositeur privilégie les voix à découvert, l’aigu, le
dialogue et les lignes mélodiques recherchées, la simplicité de l’écriture et des moyens ; quelques
inflexions romantiques rappellent parfois du « déjà entendu ». Cet enregistrement comble une
lacune dans l’histoire du Requiem. Véritable gageure compositionnelle, bien dans l’esprit, la
simplicité et l’austérité protestantes.
Édith Weber
Étymologiquement, le mot passacaille (ou passacaglia) dérive de l’expression espagnole : passar
una calle, c’est-à-dire « passer dans une rue » et, à l’origine, concerne une musique jouée ou
chantée dans la rue (cortège, procession). En général, une courte phrase est répétée et des variations
permettent d’éviter l’effet de monotonie. Cette forme prend alors le sens de « thème et variations ».
Elle est très présente dans la musique d’orgue (Bach, Pachelbel, Brahms, Reger) mais aussi dans la
musique de chambre et la symphonie. Le mot passacaille peut aussi servir d’indication « sous la
forme et dans le tempo » : In Form und Zeitmas einer Passacaglia (P. Hindemith) ou reposer sur un
thème, par exemple une mélodie anglaise ancienne, Passacaglia on an Old English Tune (R.
Clarke,).
Ce parcours chronologique concerne les XVIIe, XIXe, XXe et XXIe siècles. La Passacaglia pour
alto de Heinrich Ignaz Franz von Biber (1644-1704) date de 1674. Elle est particulièrement
développée, et Marcin Murawski en tire le meilleur parti. Plus récente, celle pour violon et alto
(1893) de Johan Halvorsen (1864-1935), de caractère énergique, interprétée par Jakub Gutowski et
Kamil Babka, nécessite une grande virtuosité. Celle de Paul Hindemith (1895-1963) est la plus
élaborée du disque, avec doubles cordes. Plus proche de nous, la Passacaille sur une mélodie
anglaise ancienne (1941) de Rebecca Clarke (1886-1979), accompagnée au piano par Anna
Holeska, est brillamment enlevée par Marcin Murawski qui interprète aussi la Passacaglia pour
alto seul d’Alfred Pochon (1878-1959), composée un an après, bénéficiant de la sonorité chantante
de l’instrument et de la profondeur de son expression. Gordon Jacob (1895-1984) cultive la forme
tripartite : Prélude (incisif) -Passacaglia (mystérieuse) et Fugue (fulgurante) pour violon et alto
(1948). Elle est suivie de Passacaglia kolysankowa (2016) de Pawel Michalowski (né en 1990),
berceuse avec des pizzicati, glissandi… et, pour conclure, la Passacaille (initialement composée
pour violoncelle et transposée pour alto en 2015) de Samuel Bisson (né en 1984) fait appel à la
technique du canon et à la superposition de pistes sonores avec effet spatial et symétrique. Marcin
Murawski a le mérite d’avoir réalisé cette première mondiale. Quant à Jan A. Jarnicki, directeur du
Label polonais ACTE PRÉALABLE, il poursuit avec bonheur l’exploration de répertoires
originaux et inédits.
Édith Weber
Claudio Merulo (alias Claudio da Corregio), né à Corregio en 1533 et mort à Parme en 1604, est un
compositeur, éditeur et organiste italien prolifique actif à la fin de la Renaissance et pratiquant le
style polychoral typiquement vénitien. Après avoir été l’élève de Girolamo Donato et
vraisemblablement de Gioseffo Zarlino à Saint-Marc de Venise — où il a rencontré Constanzo Porta
—, il est à partir de 1556 successivement organiste de la Cathédrale de Brescia, de Saint-Marc de
Venise, puis notamment de la Cathédrale de Parme, où il meurt en 1604. Il est considéré comme
l’un des meilleurs organistes de la Renaissance italienne.
Stefano Molardi, organiste, musicologue, claveciniste et chef, formé auprès de célèbres maîtres :
Ton Koopman, Harald Vogel, Luigi Ferdinando Tagliavini, Horatiu Radulescu…, s’est attaqué à
l’édition intégrale. Ce coffret, déjà ancien, comprend les Volumes I : (2 CD,) et II (2 CD) consacrés
aux principales formes de la musique d’orgue : toccata, ricercar, et — selon un usage courant —
« Portraits » (Le petit Jacquet, La Leonora, La Rolanda…).
La présentation quadrilingue (en italien, allemand, anglais et français) par l’organiste est en tous
points remarquable. Elle comprend une judicieuse introduction historique situant ce compositeur
prolifique dans le cadre de la musique de la Renaissance, des précisions sur les formes et leur
évolution, des conseils pour l’interprétation et de brèves analyses. L’influence de Claudio Merulo en
Italie et en Allemagne est aussi abordée. Chaque disque comporte 13 oeuvres, soit 52 au total.
Stefano Molardi se produit à l’orgue du facteur Vincenzo Colombi (1533) à Valvasone (CD 1, 2 et
3) et à l’Orgue Antegnati (1588) en l’Église San Salvatore à Almeno (CD 4). La composition de ces
deux instruments est précisée en détails : dates de construction, de restauration (fin XXe siècle),
emplacement dans l’Église, claviers, pédale, avec nomenclature de tous les jeux, les registres
actionnés par des tirants ainsi que les accessoires et les décorations.
Ce répertoire très varié demande de la part de l’organiste une bonne connaissance des formes en
cours de renouvellement et de leur structure ainsi que du caractère spécifique de chaque pièce. Les
Toccatas et Ricercar (enregistrés sur les 4 CD) nécessitent une grande virtuosité. En revanche, les
divers portraits (titres italiens ou français) et les oeuvres telles que Petite Camusette et Susanne un
jour imposent des atmosphères particulières bien rendues par des registrations appropriées. En fin
connaisseur et interprète hors pair, Stefano Molardi se tire avec panache et bonheur de cette
ambitieuse réalisation.
Édith Weber
Stefano Molardi, organiste, musicologue, claveciniste et chef, formé auprès de célèbres maîtres :
Ton Koopman, Harald Vogel, Luigi Ferdinando Tagliavini, Horatiu Radulescu…, propose un
programme thématique autour de Mozart à Bologne et de la forme sonate, permettant aussi de
découvrir des célèbres Orgues historiques italiens des facteurs Serassi (1794), au Dôme de
Guastalla ; Traeri-Cipri-Montesanti (1784-88), à la Collégiale de Gualtieri ; et Benedetti (1767), à
l’Église paroissiale de Brescello.
Ce disque déjà ancien (2010) gravite autour de Bologne et illustre ce qu’on pouvait entendre au
XVIIIe siècle en ce haut lieu artistique et scientifique accueillant des musiciens étrangers de
passage tels que Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Lors de son premier voyage en Italie,
accompagné de son père Leopold, il y a rencontré Stanislao Mattei. S. Molardi a sélectionné sa
Sonate (K. 282), en 4 mouvements contrastés ainsi que, pour conclure, sa Fantasia en do mineur (K
475). Côté italien : le Padre Giovanni Battista Martini (1706-1784), compositeur et théoricien
bien connu, figure avec 3 Sonates illustrant une esthétique faisant appel à l’ornementation et à
l’esprit galant. Les amateurs de musique d’orgue découvriront les noms de Giovanni Francesco
Mondonesi (XVIIIe s.) avec sa Sonate pour l’Offertoire de caractère plus brillant, nécessitant une
registration adaptée (cornet à la main droite, basson à la main gauche) ; de Giovanni Battista
Predieri (1678-1760) — maître de chapelle et membre de l’Accademia filarmonica, professeur du
Padre Martini, spéculant sur la mélodie très expressive et l’ornementation ; et de Stanislao Mattei
— à la charnière entre XVIIIe et XIXe siècle — (1750-1825), moine, maître de chapelle et
fondateur du Liceo filarmonico (futur Conservatoire) et professeur de contrepoint, dont le Largo fait
appel à des modulations et à des passages chromatiques.
À travers Mozart et quatre musiciens italiens, ce programme thématique reflète l’influence du style
contrapuntique, des formes contemporaines (comme la Sonate), du style galant, de l’art de
l’ornementation. En parfait connaisseur et avec une solide technique, Stefano Molardi tire le
meilleur parti des possibilités de registration de ces prestigieux instruments historiques italiens. Ce
répertoire est révélateur de la musique d’orgue au XVIIIe siècle et des divers courants esthétiques.
Il rend un digne hommage à Bologne, ville au riche passé artistique.
Édith Weber
Ullrich Böhme, l’heureux organiste titulaire des Orgues de l’Église St-Thomas à Leipzig, bien
connu de nos lecteurs (cf. Lettre d’information, n°101, mars 2016, à propos des 6 Sonates de J. S.
Bach) illustre les nombreuses possibilités d’une part, de l’« Orgue Bach » du facteur Gerald Woehl
(61 jeux aux sonorités typiquement baroques, construit en 2000 pour le Jubilé Bach) et, d’autre part,
de l’Orgue Sauer du facteur Wilhelm Sauer (1831-1916), d’esthétique romantique, avec 63 jeux,
construit entre 1885 et 1889 et dont le nombre de registres a été porté à 88 en 1908.
Son programme est en conformité avec l’esthétique de ces deux instruments. À l’Orgue Bach (4
claviers et pédale), il propose le redoutable Prélude, Fugue et Chaconne en do majeur de Dietrich
Buxtehude (1637-1707) et deux oeuvres de Jean Sébastien Bach (1685-1750) : la Sonate n°6 en Sol
majeur (BWV 530) ainsi que le Prélude et fugue en mi b Majeur (BWV 552) — dont le Prélude
évoque la symbolique trinitaire (3 bémols à la clé) avec vraisemblablement les motifs du Père, du
Fils et de l’Esprit Saint. Au culte, le Prélude avec un thème majestueux sur un rythme pointé à la
française est destiné à l’entrée ; la magistrale fugue à 5 parties, à la sortie. Le volet baroque se
termine avec la Fantaisie dans le goût italien en fa majeur de Johann Ludwig Krebs (1713-1780).
La seconde partie, réalisée à l’Orgue Sauer (3 claviers et pédale), comporte un répertoire plus
romantique, avec le majestueux Fest-Hymnus (op. 20) de Carl Piutti (1846-1902), théologien et
critique musical, organiste à Saint-Thomas de 1880 à 1902, virtuose célèbre pour ses
improvisations. Le disque se poursuit avec la Sonate en do mineur (op. 65 n°2) de Felix
Mendelssohn Bartholdy (1809-1947) comportant un bref Grave-Adagio, haletant et syncopé ; un
Allegro maestoso e vivace en valeurs pointées, de caractère martial, suivi d’une Fugue Allegro
moderato avec un sujet et deux contresujets. Elle se termine solennellement sur une strette à partir
de la tête du sujet. Enfin, la Suite gothique (op. 25) de Léon Boëllmann (1862-1897) en 4
mouvements : Introduction-Choral ; Menuet gothique ; Prière à Notre-Dame et l’incontournable
Toccata pose un remarquable point d’orgue sur cette présentation des deux instruments de l’Église
Saint-Thomas défendus par Ullrich Böhme avec compétence et autorité.
Édith Weber
Selon le texte d’accompagnement, l’acteur Klaus Kinski a prédit, le jour de sa naissance, que Lucas
Romero « sera un guitariste sauvage ». Il a été formé à l’école du groupe familial Gitano Family et
est devenu l’un des plus brillants guitaristes de sa génération. Il « perpétue le style gipsy, sauvage,
festif, improvisé et instinctif qu’il renouvelle de touches puisées lors de ses nombreux voyages :
Moyen-Orient, Japon, Tahiti… » comme il ressort des titres évocateurs des 15 pièces enregistrées
soit pour guitare solo, pour guitares rythmiques, pour chant pour claviers et chant.
Dans un entretien, Lucas Romero précise qu’il est né dans le quartier gitan d’Arles La Roquette,
d’où le titre Calle Gitana (Rue Gitane). Son inspiration provient de ses voyages, de Festivals de
jazz manouche en Allemagne. Son épouse étant japonaise, Suenos Dreams lui a été inspiré lors d’un
voyage au Japon. Il rappelle qu’en 1990, son père Julio Romero a souhaité créer un groupe pour
animer fêtes et mariages. Parmi d’autres sources d’inspiration, figurent ses passages à Tahiti, en
Corse ou encore à Monaco lors de l’anniversaire de Serge Dassault (90 ans), Alain Delon (80 ans) et
du Prince Albert (53 ans). Il se produit sur une guitare du grand maître Manitas de Plata.
Voici une illustration du style gitan qui est, selon ses propres termes « un style sauvage, festif,
improvisé et instinctif, un mélange de musique de jazz et de musique orientale ». Disque hors des
sentiers battus qui s’impose par les accents sincères et justes qui animent leurs soirées familiales…
et, si affinités, également les vôtres.
Édith Weber
Il s’agit de la réédition de l’album de Nawal, chanteuse franco-comorienne, « diva pop et
mystique » à la voix puissante, qui a enchanté le public du monde entier. Elle chante, joue d’un
instrument cordophone traditionnel comorien (gambusi), de la guitare, du daf (membranophone
persan), des flûtes, du piano à pouce, de la mbira zimbabwéenne. Elle spécule sur l’acoustique et
mise sur une spiritualité métisse. Elle recherche la quête mystique, la spiritualité transcendantale
car, comme le rappelle l’éditeur, « Aman est un album épicé, rebelle et engagé, se déclinant aussi
comme une méditation sur notre condition, méditation qui se traduit en un manifeste pour un nouvel
humanisme »et est très imprégnée de la culture de ses ancêtres. Le Nawal Trio, militant pour le
dialogue interculturel, est composé de Nawal (voix et instruments), Idriss Mlanao (contrebasse et
chorus) et Melissa Cara Rigoli (mbira, percussions et chorus) se réclamant d’un vaste espace
géographique : Comores-Océan Indien-Afrique. À écouter et réécouter par curiosité et avec profit.
Édith Weber
L’Ensemble Amarillis, dirigé par Héloïse Gaillard et Violaine Cochard, qui vient de recevoir le label
« Telemann 2017 » en témoignage de l’important travail effectué autour du compositeur allemand
dont on célèbre cette année le 250e anniversaire de la mort, nous propose cette intéressante mise en miroir des deux plus grands compositeurs allemands de l’époque baroque. Une association
discographique réalisée non pas dans un but d’opposition, mais on contraire dans le simple dessein
de mettre en évidence une complémentarité certaine autant qu’une probable amitié (Telemann était
le parrain de CPE Bach). Deux personnalités toutefois bien dissemblables, Bach introverti,
sédentaire et Telemann plus extraverti, voyageur, diffusant son oeuvre prolifique à travers l’Europe,
alors que celle de Bach reste cantonnée dans les frontières nationales, mais aussi nombre de points
de rapprochement comme la transgression de règles établies et une certaine porosité vis-à-vis des
influences musicales italiennes et françaises. Le programme de cet enregistrement témoigne de la
volonté de souligner chez tous deux l’amour de la musique concertante faisant converser des
instruments différents, magnifiant ainsi les mélanges de timbres. Ainsi le Concerto pour violon et
hautbois de Bach répond au Concerto pour flûte à bec et traverso de Telemann, le Concerto pour
hautbois, violon et deux traversos permet à Telemann d’affirmer son originalité, tandis que le
Concerto pour clavecin BWV 1057 est une transcription du 4e concerto Brandebourgeois. Tout ici
n’est que plaisir musical, danse et poésie grâce à l’exécution de haute volée et à l’éloquence de
l’Ensemble Amarillis. Une belle façon de célébrer ces deux compositeurs qui le valent bien !!
Patrice Imbaud
Le pianiste français Denis Pascal nous donne à entendre, ici, un superbe album totalement dédié à
Franz Schubert, avec deux sonates bien différentes. La Sonate n° 23 D. 960, dernière sonate
composée par le compositeur viennois quelques mois avant sa mort constitue une sorte de lied sans
paroles, apaisée, elle semble défier le temps pour se tourner vers des horizons lointains où le
dépouillement le dispute à la confidence douloureuse, oscillant entre résignation et rébellion, toute
nimbée d’une lumineuse pénombre, marquant la naissance d’un romantisme échappant
définitivement à la rhétorique beethovénienne. Bien dissemblable, la Sonate n° 16 D. 784 op.
posthume 143 date de 1822 et ne sera publiée qu’en 1839, plus de dix ans après la mort du
compositeur sous le numéro d’opus 143. Elle porte les traces de l’angoisse de Schubert face aux
premières manifestations de la maladie vénérienne qui l’emportera et est considérée comme la
première sonate de la période dite de « maturité ». Elle occupe dans le corpus schubertien une place
intermédiaire puisqu’il s’agit là de la dernière sonate en trois mouvements. Plus véhémente que la
précédente, plus soumise aux influences beethovéniennes, elle est habitée d’une tension constante
aux allures parfois orchestrales. L’interprétation pertinente de Denis Pascal trouve toujours le ton
juste et rend parfaitement compte de ces différences. On est d’emblée saisi par l’adéquation entre le texte et le jeu pianistique ainsi que par les affinités évidentes existant entre le pianiste et le
compositeur au point de se demander si une autre vision est encore envisageable…Le langage est
d’une grande variété de ton, d’un naturel confondant, sincère, virtuose et fluide, élégant, dynamique
ici, égrenant le temps là, capable d’habiter les silences et d’engendrer un immense plaisir en même
temps qu’ une vive émotion. Un Schubert magnifique, habité, indispensable !
Patrice Imbaud.
<La musique pour piano seul de Johannes Brahms n'a jamais connu les honneurs qu'elle mérite. Au
disque en particulier. Quelques pièces ont survécu à une relative indifférence comme les Ballades
op. 10 ou les Intermezzos op. 117, grâce à une poignée d'interprètes géniaux dont Arturo Benedetto
Michelangeli ou Sviatoslav Richter. Rares sont les pianistes à se consacrer à une étude plus
approfondie (Claudio Arrau). D'intégrale, il y eut peu, comme celle, légendaire, de Julius Katchen
dans les années 1960/70 (Decca). Aussi la nouvelle version que livre le jeune Geoffroy Couteau
fait-elle figure d'événement. Adoubé par son Premier prix en 2005 au Concours Johannes Brahms,
enhardi par un premier disque réussi, en 2008, réunissant les quatre derniers opus du compositeur,
Geoffroy Couteau s'est lancé le défi d'enregistrer toute l'oeuvre pour piano seul dans l'ordre
chronologique de la composition. De l'op. 4 à l'op. 119, la vingtaine d'oeuvres écrites par Brahms
traversent sa production, de 1851 – peu avant sa première rencontre avec Robert Schumann - à
1893, de la prime jeunesse au soir de la vie. C'est un corpus titanesque, exigeant pour l'interprète car
requérant force et douceur, puissance et grâce, et surtout un nécessaire équilibre entre intériorité et
expressivité. Difficile d'accès aussi pour l'auditeur qui n'a pas à sa disposition le garde-fou du
mélodisme d'un Schubert ou d'un Chopin, et même la manière antagonique bien aidante d'un
Schumann.
Il est intéressant de se pencher sur les types de pièces que privilégie l'auteur du Requiem allemand :
l'Intermezzo, la Ballade, le Capriccio, sorte de scherzo, et surtout la Variation. On adoptera cette clé
de lecture.
Curieusement, Brahms ouvre sa production par trois sonates. La Sonate N° 2 op. 2, présente un ton
de ballade nordique, à l'image de l'allegro ma energico initial, très rythmique, presque violent. Dont
Geoffroy Couteau épouse la robustesse. L'andante con espressione, à variations, emprunte à la veine
populaire et le scherzo, lui aussi très rythmé, cède la place à un trio rêveur. Le finale s'ouvre par une
introduction sostenuto et l'allegro qui suit renoue avec l'aspect robuste du premier mouvement. Il se
dégage un juste sentiment d'improvisation dans la manière de Couteau. La Sonate N°1 op. 1,
composée après, et dédiée au violoniste Josef Joaquim, est plus ''pianistique'' que la précédente. À
l'aune du premier thème conquérant qui en forme l'entame, suivi d'une belle rêverie, ou du finale
con fuoco qui, débuté comme un rondo dansant, déroule des climats tantôt haletants, tantôt
insistants, ou encore échevelés, presque volatiles. Les deux mouvements centraux contrastent un
andante sur un chant d'amour allemand au fil de quatre variations, et un scherzo con fuoco muni de
grands aplats d'accords forte et secs. Enfin, la Sonate N°3 op. 5, de 1853, la dernière de ces trois
sonates de jeunesse que l'ami Schumann appelait des « symphonies déguisées », est plus
développée, avec cinq mouvements, et offre la plus grande densité. Couteau, qui possède la poigne
et le sens des proportions, se déjoue d'une écriture savante, vigoureuse et souple. Ainsi du premier
thème passionné, grandiose, héroïque, de l'allegro maestoso qui contraste avec le second, plus
mélodique. Tout de poésie nocturne, l'andantino espressivo offre une grande fraicheur dans son
apparente simplicité. Fantasque, bien marqué, le scherzo emprunte à la valse, tandis que le Trio se
veut apaisé, presque religieux. Après un bref intermezzo reprenant la thématique des deux
mouvements précédents, le finale moderato ma rubato déploie un rondo au ton légendaire.
Première page de la Sonate N° 2 op. 2
La technique de la variation occupe une place de choix chez Brahms : « forme identitaire de
l'écriture de Brahms... un travail autour de l'insaisissable » (Jean Rostand). Cinq séries, pour ce qui
est du piano seul, vont jalonner le parcours pianistique brahmsien pendant plusieurs décennies. Les
Variations sur un thème de Schumann op. 9 (1854) sont tirées de l'Album-Blatt op. 99 n° 1 de
Schumann. Dédiées à Clara, ces 16 variations marquent l'affirmation de la maitrise technique du
musicien, et Geoffroy Couteau fait sienne toute leur poétique souvent douloureuse. Les Variations
sur une mélodie hongroise op. 21 N°2 (1853-1856), plus courtes, ont été considérées comme une
grande étude de rythme. Les Variations sur un thème original op. 21 N °1 ( 1857) - « mes variations
philosophiques », dira Brahms - sont plus ésotériques et affirment peut-être un hommage à un classicisme révolu : un thème sorti de l'imagination de leur auteur, métamorphosé au long de onze
variations. Puis le compositeur transcrira sous forme de variations le 2ème mouvement de son
Sextuor N°1, présent offert à Clara en 1860. Viennent ensuite les 25 Variations sur un thème de
Haydn op. 24 (1861). A partir d'une aria tirée d'une pièce pour clavecin de Haendel, l'oeuvre révèle
une architecture puissante et une écriture dense, de couleurs et de rythmes. Une fugue couronne
l'ensemble. L'impression symphonique est indéniable. Le corollaire est une difficulté extrême pour
l'exécutant ; ce qui pour Geoffroy Couteau semble ne se ressentir d'aucun effort. Enfin, les
Variations sur un thème de Paganini op. 35. Lorsqu'on sait que le thème est emprunté au 24 ème
Caprice op.1, l'un des plus diaboliques du musicien italien, et qui envoûtèrent le monde musical de
l'époque, on a peu de peine à imaginer le capital de virtuosité de cette composition. Mais on est loin
d'un exercice gratuit, car l'expressivité n'est aucunement sacrifiée à la technique, si redoutable soit-elle.
Entre temps, ou parallèlement, on aura pu voir éclore des pièces de factures diverses. D'abord, le
Scherzo op. 4 (1851), « une pièce remarquable...peuplée d'imagination et d'idées splendides »
(Clara Schumann). Avec les Quatre Ballades op. 10 on entre dans un monde à part. Inspirées de la
vieille ballade écossaise « Edward », révélées à Brahms par le poète Johann Gottfried von Herder,
inspirateur du Sturm und Drang, ces morceaux nous transportent au coeur des légendes nordiques,
fantasques et méditatives, dans le sentiment de communion avec la nature ; un univers de musique
pure et non à programme car leur origine littéraire ne doit pas occulter leur vraie fin d'illustration
poétique, au-delà même de toute narration. Rien d'étonnant à ce qu'elles restent les plus jouées du
répertoire brahmsien ; ici magnifiées par un jeu d'une belle transparence et évitant l'emphase. Les
16 Valses op. 39, de 1867, offrent bien plus que de la danse : un panel d'impressions on ne peut plus
diverses, au sein d'un ensemble cohérent que signalent des enchainements originaux de tonalités, de
tempos et de rythmes. Les Danses hongroises constituent la transcription pour deux mains,
effectuée en 1869, de dix des fameuses « Danses hongroises pour orchestre ». Le hungarisme de
Brahms a fait couler beaucoup d'encre et a sans doute été exagéré. Reste que folklore magyar y est
fort bien assimilé. Les Huit pièces op. 76 (1878) inaugurent la dernière période, plus contemplative,
du musicien. Elles alternent capriccios et intermezzos, climats tour à tour sombre ou gracieux,
nocturne ou élégiaque, résigné ou passionné. Dans le droit fil des Ballades op. 10, les Rhapsodies
op. 79 (1879) rappellent le Brahms impétueux des jeunes années. Elles s'apparentent aux scherzo de
Chopin : la première, agitato, est épique avec un passage médian plus lyrique et une note de
tristesse. La seconde, molto passionato, est tout aussi affirmée, héroïque même, emplie de
dramatisme.
Les quatre dernières compositions livrées au piano seul occupent les années 1892 et 1893. Ces «
quatre grands cycles de rêveries pianistiques » (Jean Rostand) marquent à la fois un retour à l'esprit
nordique et une volonté d'intimisme de par une extrême concentration de l'écriture. Les Sept
Fantaisies op. 116, partagées entre trois Capriccios et quatre Intermezzos, s'articulent entre
séquences soit emportées et rudes, voire véhémentes lorsque prenant le mode du scherzo, soit
sereines et d'un lyrisme proche du Lied. Les Trois Intermezzi op. 117, chef d'oeuvre de la demi
teinte, du clair obscur, typique du denier Brahms, sont écrits dans le sotto voce : un andante
moderato sur une berceuse écossaise, un andante non troppo e con molto espressione dont le
langage arpégé traduit le trouble intérieur, et un andante con moto au climat résolument sombre,
désabusé, presque funèbre. Les Klavierstücke op. 118 assemblent six pièces extrêmement
contrastées, quatre intermezzos, une ballade et une romance. Là encore le passionné (intermezzos 1
& 4) côtoie l'élégie plaintive (intermezzo 2) ou méditative, voire tragique d'un calme presque
désespéré (dernier intermezzo). Au milieu, la ballade, marquée allegro energico, déploie des
harmonies archaïsantes et une rythmique heurtée ; tandis que la romance – le seul morceau de cette
dénomination sous la plume de Brahms - a un caractère pastoral. Enfin, les Klavierstücke op. 119,
composés de trois intermezzos et d'une rhapsodie, testament pianistique du compositeur, se font
confidence intime, ultime hommage à Clara et Robert Schumann. Mais le dernier mot revient à une pièce impétueuse et poétique, à l'image d'un musicien qui revit toute l'ardeur de sa jeunesse à l'aune
de l'expérience de la vie.
Geoffroy Couteau © Bernard Martinez
Depuis longtemps dans la fréquentation assidue du compositeur, Geoffroy Couteau livre des
interprétations de grande classe habitées par une véritable intuition pour la différentiation des
climats (la poétique des Ballades op. 10, le maniement du clair obscur de l'op. 117), un fin dosage
du rythme et de la mélodie, comme un éventail de coloris qui force l'admiration. La concentration
est exemplaire, distillant cette subtile veine nostalgique qui parcourt toutes ces compositions. Et il
se garde de jouer trop vite, comme le fustigeait le compositeur. « Ces oeuvres s'éclairent les unes les
autres : on trouve aux questions que posent certaines, les réponses dans d'autres, chacune faisant
cheminer », remarque le pianiste. Qui ajoute avoir « pu ressentir combien la question du temps fut
un élément générateur ». En un mot, une somme d'une absolue cohérence, d'une conviction de tous
les instants, d'une maitrise souveraine, remarquablement captée. Qui parait bien être incontournable.
Jean-Pierre Robert
Johann Joaquim Raff (1822-1882) est un compositeur suisse qui jouissait à son époque d'une
célébrité considérable. Sa prolixité en fut le revers de la médaille au point que critiqué de son vivant, il sombra vite dans l'oubli. Un sort bien injustifié à en juger par les deux pièces gravées sur
ce disque. D'abord secrétaire particulier de Franz Liszt à Weimar, Raff enseigna à Wiesbaden et
devint directeur du conservatoire de Francfort-sur-le-Main. Sa production couvre aussi bien le
domaine symphonique que l'opéra et la mélodie ou encore la musique de chambre. Ses deux
quatuors op. 202, publiés respectivement en 1876 et 1877, constituent ses dernières oeuvres dédiées
au genre. Ils sont complémentaires et offrent une parfaire illustration du style aisé de leur auteur :
une facilité d'écriture et une ingéniosité du trait comme le fait de présenter un thème de manière
fragmentaire qui est ensuite travaillé, un recours à l'écriture fuguée, et surtout une manière très
personnelle qui ne fait allégeance à aucune école. On perçoit même une anticipation des évolutions
de la fin du XIX ème siècle et du début du XX ème. Le Quatuor op. 202 N° 1 en sol majeur débute
par une allegro vif, vraie embardée rythmique dans une atmosphère sombre. La partie virtuose de
piano entraine les cordes dans un élan irrésistible alors que l'harmonie défie les lois du classicisme
comme le fera plus tard Rrokofiev dans sa Symphonie classique. La technique de la fugue ajoute à
l'ambiguïté tonale. L'adagio molto qui suit est un scherzo inquiétant et tumultueux, telle une
chevauchée démoniaque. L'andante quasi adagio est bâti sur le schéma du thème et variations,
celui-ci introduit par une longue phrase du piano et celles-là, au nombre de huit, libérant un lyrisme
paroxystique qui fait penser à celui du Trio avec piano de Tchaïkovski. Le finale allegro libère les
forces contenues jusqu'alors. Le Quatuor op. 202 N° 2 dégage un climat plus pathétique,
perceptible dès l'allegro introductif paré d'amples développements. Comme dans l'oeuvre
précédente, le second allegro prend la forme d'un scherzo pas moins impatient avec ses triolets du
piano et une écriture pour les cordes tout aussi enlevée. Le larghetto offre un bel exemple de
lyrisme selon Raff, s'épanchant d'abord au piano puis au violoncelle, enfin au violon. Succède une
section plus dramatique puis une série de cadences de chacun des quatre instruments. Le finale est
un allegro exubérant et passionné au fil de développements basés sur des thèmes quasi opératiques.
L'ensemble Il Trittico livre de ces deux pièces des lectures brillantes et de conviction, et la balance
piano-cordes est excellente. A découvrir !
On peut entendre également, par les mêmes interprètes, le Quintette pour piano op. 107 et la
Phantasie op. 207b dans un autre CD consacré aux ''compositeurs suisses'', aux côtés du Quintette
de Hermann Goetz ( Divox CDX-20506).
Jean-Pierre Robert
Fils d'émigrés juifs d'Odessa au prénom espagnol et au nom allemand, Mauricio Kagel (1931-2008),
né à Buenos Aires, fait ici un tour du monde, non pas en quatre-vingts jours, mais en huit pièces
(Stücke), qui sont autant de parties de la rose des vents (Windrose). Ce n’est d’ailleurs pas un seul
mais plusieurs voyages, et de plus en plus longs ou lointains, car les huit compositions, écrites entre
1988 et 1994, sont autant de microcosmes, autant d’univers singuliers, à la fois géographiques,
temporels et fabuleux (inactuels). Cela dit, l’ouvrage entier fait corps dans un geste, une intention,
une couleur et une pâte sonore. Car tout, dans cette musique, se mélange en restant simple, clair,
explicite, et, même si l'instrumentarium varie un peu d'un morceau à l'autre – les percussions surtout–, l’auditeur suit un continuum en une série de variations, découvrant au fur et à mesure une oeuvre
importante (105 minutes) aux points de départs multiples. D’emblée, il est, cet auditeur, embarqué
dans une musique qui avance avec beaucoup de confiance – et il faut souligner la beauté et la
rondeur de l'interprétation de l’« orchestre de salon » (Salonorchester) –, une musique qui
baguenaude tout en se suffisant à elle-même, pourrait-on dire, tant elle est colorée et aimable,
amicale même. Une musique qui vous prend gentiment par la main. D'où part Kagel et où va-t-il ?
Il part de l'Orient, Osten, qui, de son propre aveu, occupe une place particulière dans sa
« cosmologie musicale » ; ici : la Transcarpatie et le golfe de Finlande, dans l'un de ces trains
mythiques traversant des paysages toujours changeants et des villages pittoresques. L’amateur de
littérature russe reverra immédiatement les images très concrètes qui peuplent le début de la Sonate
à Kreutzer de Tolstoï, où le narrateur décrit les autres occupants de son compartiment : fumeuse
coiffée d’une toque, petit homme au pardessus élimé à col d’astrakan, marchand à la pelisse de
martre, etc. Quant au voyageur Kagel, il a convoqué dans le wagon un groupe intemporel de
musiciens qui interprète des mélodies sans vraiment développer, préférant créer des atmosphères
par un jeu subtil mêlant mutation et répétition. Tout ici fonctionne par échos successifs alliant le
proche et le lointain. Entre klezmer et musique tsigane domine la clarinette.
L'aspect fantaisiste de la partition, ses sources d’inspiration multiples, se retrouvent dans Süden
(Sud), qui n'évoque pas le Sud des cartes postales, paradis figé au ciel éternellement bleu, mais
détourne les clichés en jouant sur les tempi, ainsi d’une tarentelle rendue méconnaissable, afin de
transporter dans un lieu imaginaire, celui de la culture populaire universelle. Une réunion, une fête,
mais lesquelles et où ? Là encore et comme toujours, cette musique paisible et nuancée, beaucoup
plus contrapuntique qu'harmonique, complètement discursive, tuile des fragments de phrases qui
sont comme autant de states de la mémoire collective. Au reste, il est touchant de constater que cette
pensée horizontale coïncide symboliquement avec la surface courbe de la Terre, lieu d’habitation de
l’homme.
Changement de climat avec Nordosten (Nord-Est), qui transporte au Brésil, multipliant en
particulier les rythmes et jonglant infiniment avec l’évocation d’ambiances dans une géographie
mentale bigarrée. Avec Nordwesten (Nord-Ouest), nous voici dans les Andes, dont on reconnaît les
accents colorés de la mélodie populaire accompagnée par un tambour régulier. Le piano intervient
aussi, mais distant, en accords chromatiques. Résonance toujours. Les rythmes s’accélèrent avec les
danses afro-américaines de Südosten (Sud-Est), entre Cuba, le Surinam et l'Amazonie. Sudwesten
(Sud-Ouest) commence classiquement au piano, vite rejoint par les percussions et les cordes. Un
premier mouvement assez sage en somme, mais contredit par un autre nettement plus chahuté, où
l'harmonium, les cordes et les percussions se lancent dans un beau charivari. Le calme revient
provisoirement sur les notes veloutées et souvent tenues de la clarinette. Cap à l'ouest, Westen, sur
l'Amérique donc, où l'on entend une musique occidentale être progressivement colonisée par des
apports africains... Petit à petit, la clarinette, magnifiquement tenue par Dominique Clément,
devient jazzy. Le cycle s'achève sur Norden (Nord), sorte de compte-rendu fantasmagorique de la
lecture ancienne que fit Kagel d'un livre sur les mythes sibériens et l'importance des chamans.
Aiguillonner l'imaginaire en aiguillant la perception, tel est le pari réussi d'un musicien
anthropologue, qui en suscite un autre : le véritable numéro d'équilibriste auquel se livre l'Ensemble
Aleph. Cette prouesse repose aussi sur une alliance inhabituelle, mais qui semble naturelle : des
instruments européens et classiques (clarinette, quintette à cordes, piano, harmonium) et des
percussions très variées (castagnettes, tambourin, washboard, marimba, vibraphone, caja indien,
guimbarde, tam-tam, conque, sifflet, grosse caisse, etc.) qui évoluent au gré des pièces, introduisant
en permanence une forme d’exotisme. Ce voyage en kaléidoscope est aussi émouvant que flatteur
pour des oreilles nomades !
Patrick Jézéquel
Après avoir joué en duo – le duo Mélisande - pour une adaptation pour guitares des Variations
Goldberg, Sébastien Llinares propose des adaptations pour guitare seule de pièces de Satie : Six
Gnossiennes, Parade, 3 Gymnopédies, et d’autres pièces. Pour Llinares, il y a une correspondance
évidente entre la guitare et les oeuvres de Satie. Cet instrument accueille naturellement ces
musiques, il n’y a pas à proprement parler de transcription, ni d’arrangement, les musiques de Satie
ne sont pas pensées pour un instrument en particulier. Avec Satie, on cultive l’utopie d’une musique
pour tous, vive, intelligente, n’ayant pas peur du paradoxe ni de la demi-teinte. Une musique en
phase avec l’intimité de chaque auditeur, une histoire d’amour. Une musique intemporelle. A
l’écoute de ces pièces sous les doigts de Sébastien Llinares, on pourrait penser qu’elles ont été
écrites pour la guitare, et l’analyse qu’en fait ce magnifique musicien coule de source. Érik Satie
était un brillant compositeur pour la guitare ! Vous ne la saviez pas ? Écoutez ce disque, Érik Satie
vous convaincra ! N’est-ce pas une de ses plus belles impostures !
Stéphane Loison
Du 24 mars au 8 avril, en lien avec l’exposition Au-delà des étoiles, le paysage mystique de Monet
à Kandisky (14 mars au 25 juin), sont projetés à l'Auditorium sept films en correspondance avec la
nuit : « La Nuit au Cinéma ».
En ouverture, on a pou voir « L’Aurore », de Murnau, accompagné au piano par Paul Goussot.
Suivaient le film de Tourneur : « Vaudou », musique du talentueux et prolixe Roy Webb, puis le
chef d’oeuvre de Laughton « Night of the Hunter », musique de Walter Schumann, compositeur qui
doit sa notoriété à la musique de ce film, et un film canadien, peu connu, de Guy Maddin,
« Careful ».
Le 7 avril sera projeté « Fog » de Carpenter lui-même compositeur de ses films.
Le 8 avril « Close Encounter of the Third Kinds » de Spielberg avec la magnifique musique de
John Williams, et le dernier film de Fellini « La Voce della Luna » dont la musique n’est pas de
Bacalov qui avait remplacé Rota, décédé, mais de Piovani
“Les Enfants du Muet”, du 30 mars au 18 avril 2017 avec des films de Feuillade, Alice Guy, Léonce Perret, Charlie Chaplin, Étienne Arnaud, Henri Fescourt sont présentés et illustrés musicalement au piano par de jeunes compositeurs de la classe de Jean-François Ziegel.
Ciné concert, le 22 avril 2017 à 11h : Les temps modernes de Charlie Chaplin Orchestre National de France, Direction Timothy Brock
Ciné-Concerts : le jeudi 27 avril à 20h30 : Faust de Murnau, accompagné par l’ensemble La Falaise Le dimanche 25 juin à 20h30 : La Veuve joyeuse d’Eric Von Stroheim, accompagné au piano par Pierre-Alain Volondat
C’est dans son studio entouré d’affiches, de récompenses, qu’il m’a reçu. Peut-être son nom ne vous
dit rien ? Alors écoutez ce qui suit !
https://www.youtube.com/watch?v=HaRUF5Kl0m8
Vous faites partie de ces compositeurs de télévision, entre autres, qu’on associe tout de suite à
une musique, à un tube : Lalo Schifrin avec « Mission Impossible », Petitgirard avec
« Maigret », Mancini et les dessins animés « Pink Panther ». Qu’est ce que cela vous fait
d’être connu pour le célèbre générique d’ « Ushuaïa » ?
C’est génial, si on fait de la musique c’est aussi pour communiquer. S’il y a un tube, entre
guillemets, c’est une alchimie. Lorsqu’on analyse ensuite le pourquoi, il y a une mélodie qui est
mémorisable, et puis il y a le fait que cette musique a été jouée très longtemps, rabâchée.
Aujourd’hui, si une émission ne fait pas l’audimat requis, elle dure deux épisodes et disparaît.
« Ushuaïa » a duré 10 ans…
Mais ce générique est devenu culte rapidement...
Non, ce qui est inquiétant c’est lorsque ça ne marche pas !
Vous avez aussi écrit de la musique pour « Navarro », autre grand succès...
Oui je l’ai écrite avec mon ami Jannick Top. Il y a eu une musique récurrente sur 108 films ! La
musique a eu le temps de s’installer, les génériques étaient communs, il y a eu des mélodies faciles
à retenir. Il arrive un moment où on ne peut plus dissocier l’image de la musique, on entend un
thème de Navarro, on voit Roger Hanin avec un pistolet, on entend la musique, c’est une vraie
alchimie.
https://www.youtube.com/watch?v=TyGNGlfxiHk
Vous avez énormément composé pour la télévision
Oui parce que dans les années 80 beaucoup de choses se faisaient à la télévision et lorsque vous
faite un succès, on vous redemande. Avec Jannick Top, on était des outsiders parce qu’on avait fait
du cinéma, et puis un des réalisateurs de la série Navarro voulait des jeunes. Au début de TF1 de Le
Lay, ils en avaient marre d’acheter des séries américaines, style Colombo, qui marchaient quand
même très bien. Ils voulaient un héros récurent français ou pied noir. Ils voulaient innover même au
niveau de la musique. Le réalisateur avait vu un film de Pierre Jolivet qui s’appelle « Force
Majeure » avec Cluzet et Bruel. La musique lui avait plu. Il s’est souvenu de mon nom et m’a
donné rendez-vous pour faire un thème rapidement pour la série. Il l’a aimé, puis il y a eu deux
films à faire. Ils pensaient en faire six et en définitif il y en a eu 108 ! On a mis en place une
méthodologie, un travail très spécial pour l
C’est l’époque de toutes ces grandes séries d’été de TF1
On a fait la série « Le Proc », « Le Négociateur », une série d’été qui s’appelle « Le Bleu de
l’Océan », cinq, six films. Cosma a fait le premier. On a fait « Zodiac », et une superbe série avec
Alain Delon, « Fabio Montale », d’après les roman d’Izo, réalisée par José Pinhéiro
On sait qu’il vérifie tout. A-t-il été exigeant au niveau de la musique ?
Il a écouté les thèmes. Il fallait son aval pour tout . Il a été très professionnel, il a fait une réflexion
sur un ou deux thèmes, tout à fait justifiée. José Pinhéiro avait réalisé des Navarro. Il nous a
présenté à Delon, c’était une très belle réalisation. On a composé des musiques de jazz style année
soixante, style jazz messengers, très moderne.
Revenons à vos débuts...
J’ai une formation de pianiste classique, j’ai eu un professeur de piano à Troyes, extraordinaire, Madame Jacques Dupont, qui m’a amené jusqu’au Conservatoire à Paris. Cela a été une grande
chance. Mon père voulait que je sois concertiste, moi je ne voulais rien. Je me suis retrouvé
musicien parce que mon père, mes oncles étaient musiciens, tout le monde dans la famille était
musicien. Notre famille vient d’italiens émigrés, du sud Tyrol, la région de Cortina d’Ampezzo. Ils
sont venus dans les années 20, ont tous joués des instruments différents pour constituer un orchestre
de bal. J’ai moi aussi joué dans des bals, très jeune. J’ai donc appris toutes sortes de musiques. Vers
18 ans, le classique me gavait et devenir concertiste ne me plaisait pas du tout. J’aimais le rock, le
Rythm et Blues, et je suis parti au Club Med comme musicien ! C’était formidable ! Il y avait du
soleil, des filles, c’était pour moi la vraie vie ! Après trois saisons, j’ai fait le service militaire. Je me
suis retrouvé dans la musique à Versailles et j’ai pu continuer mes études au conservatoire pour faire
les classes d’harmonie et de contrepoint et ne pas rester cantonné à la caserne ! A Paris, j’ai joué
dans plein de cabarets pendant mon service, ce qui m’a fait connaître d’autres musiciens, et
rencontrer Yves Simon avec qui j’ai fait des disques, des Olympia. Et c’est ainsi que je suis rentré
dans le métier.
Yves Simon n’était qu’un chanteur ?
C’était surtout un auteur. A l’époque, j’ai monté un groupe de jazz rock,Transit Express, et on jouait
en première partie d’Yves Simon. Puis on l’a accompagné sur scène. J’ai donc été en contact avec
beaucoup de musiciens pour des studios, des artistes…
Avez-vous travaillé sur « Diabolo Menthe » ?
J’étais proche d’Yves. Je faisais des arrangements pour ses disques. Diane Kurys connaissait Yves et
elle voulait pour le générique de fin de son premier film, « Diabolo Menthe », une chanson écrite
par lui. Il a donc composé la chanson « Diabolo Menthe » et j’ai fait les arrangements. Puis il m’a
proposé de faire la musique du film. Il y avait beaucoup d’achats de droits musicaux pour les
chansons de l’époque et quelques thèmes à écrire que nous avons fait ensemble. J’avais 23 ans et
moi qui rêvait d’écrire de la musique de film, j’étais comblé. Je rêvais aussi de faire de la plongée
bouteille !
Heureusement que vous n’avez pas fait comme votre confrère De Roubaix !
J’ai fait les deux ! C’est vrai que j’y pense de temps en temps en plongée ! Lorsque le film est sorti,
Yves m’a appelé pour me dire que ce serait un énorme succès. Il a eu le prix Louis Delluc. C’était
extraordinaire pour ma première expérience cinématographique !
Vous me dites que vous aimiez la musique de film. Certaines vous ont-elles impressionné ?
Je me souviens que j‘avais vu un reportage à le télé en noir et blanc - il n'y avait qu’une chaîne à
l’époque - sur un musicien qui composait et qui expliquait comment il composait de la musique,
c’était Claude Bolling ! Je devais avoir dix, onze ans, j’étais déjà musicien. On le voyait en studio
avec des orchestres, et je trouvais cela formidable. C’était un musicien d’une richesse
extraordinaire, qui composait de tout, brillamment doué, un très grand musicien ! Cela m’avait
marqué et lorsqu’un type m’a demandé d’écrire pour son court-métrage, j’ai dit oui et je me suis
démerdé ! C’était ma première musique en tant que compositeur ! Je composais des musiques, je
bidouillais les synthés. C’étaient les premiers, ça me plaisait.
Sur les murs de votre studio où nous sommes, il y a de nombreux disques d’or, d’argent, de
platine, d’artistes de variétés dont certains sont des stars. Comment êtes-vous entré dans ce
monde-là ?
C’est à dire en tant que pianiste, synthé etc. J’étais bien reconnu tout en cultivant ma propre carrière
de compositeur à travers les groupes de jazz rock. J’ai fait des albums, j’ai rencontré des musiciens
excellents, j’ai enregistré à New York avec le violoniste américain David Rose et le groupe Blue
Rose. Je faisais ma carrière de jazz fusion et parallèlement je travaillais avec plein de chanteurs, de chanteuses…
Mais comment vous connaissaient-t-ils?
C’est le bouche à oreille, cela se fait de cooptation en cooptation.
Vous avez eu beaucoup de chance !
Oui il y a le facteur chance. J’ai commencé très jeune, j’avais 20 ans et j’avais pas mal d’années de
musique classique, et de musicien de bal. J’avais 13 ans quand j’ai commencé dans les bals. J’avais
donc sept ans de métier avec une formation complète. J’écrivais les orchestrations pour les cuivres,
le rythme and blues. Tout allait assez vite et puis, à un moment, j’ai rencontré Michel Berger…
Comment l’avez-vous connu ?
Il était précurseur dans les arrangements dans les débuts des années 80. C’était la mode des synthés.
A un moment donné il avait voulu changer la formule des orchestres qui l’accompagnaient et il a dit
à un de ses musiciens qu’il avait besoin de deux jeunes claviers qui soient très bons. Mon nom est
venu, et celui de mon frère qui a le même cursus. Cela s’est très bien passé et on a fait les Zénith à
Paris avec France Gall. Après, Michel m’a fait venir pour ses albums et j’ai eu un parcours avec lui
jusqu’à ce que le pauvre s’en aille. Je suis devenu l’arrangeur de « Starmania ». Puis avec
Plamondon j’ai fait l’album de Céline Dion comme arrangeur et musicien. Parallèlement, je
continuais les pubs en tant que compositeur, les courts-métrages et les longs-métrages. J’ai fait un
album de piano solo, pour mon père qui voulait que je sois concertiste : sur une face du Satie et sur
l’autre mes propres compositions. J’avais rempli le contrat ! Sur cet album il y avait un thème qu’a
adoré un jeune réalisateur, qui a voulu que cela soit le thème de son film. C’était Didier Haudepin
qui faisait son premier film « Paco L’Infaillible » avec Patrick Dewaere. J’avais 26 ans et c’était
mon premier long-métrage !
Et avec Pierre Jolivet, comment s’est formé votre couple ?
On a fait huit films ensemble ! Pour ses derniers, c’est son fils qui compose. Pierre avait un duo
avec son frère Marc. J’avais fait des disques comme musicien avec eux. On était de la même
génération avec le même humour et les mêmes conneries. Puis on s’est perdu de vue. Pierre, en
écrivant le scénario de son premier film, écoutait en boucle des copies cassettes de disques que lui
avait faites un copain. Il a voulu savoir ce qu’était un disque. C’était un Epic Sony américain. Et il
voit mon nom comme compositeur, avec mon copain violoniste chanteur New Yorkais ! Et c’est
ainsi que j’ai fait la musique de son film « Strictement Personnel » avec Pierre Arditi ! C’était en
1985. D’autres films ont suivi, tous dans des styles différents. C’est arrivé parce que je laisse
toujours des traces ! Pierre m’a appelé parce qu’il avait entendu cet album de jazz fusion. Mais mes
musiques n’ont rien à voir avec celles que j’ai composé pour lui !
Comment était votre collaboration ?
C’était génial ! C’était toujours différent : soit j’avais le scénario avant, soit il fallait composer sur
film fini. Le pire qu’il m’ait fait, c’était pour « Fred », avec Vincent Lindon : on va au studio de mixage chez SIS pour une projection et il me dit qu’il n’y aura pas de musique ! Il me dit que si j’ai
une idée de musique, il veut bien l’écouter, mais que, pour lui, le film marche sans ! Là il mettait la
barre très haut ! Avec mon pote Jannick, on lui en a proposé. Et il y a bien 15 minutes de musique
dans le film ! Pour « Frère du Guerrier » je suis allé chercher des instruments moyenâgeux en
mélangeant des timbres bizarres. Ce qui était bien avec Pierre c’est qu’il faisait des films de genres
différents. Moi ça m’éclatait cette diversité. Avec « En Plein Coeur » on a fait de la musique
techno…
https://www.youtube.com/watch?v=pn7UCS8WUTA&list=PLm7XJgyoGGVUMA_kXZiW2TzvrI7pmEUZ8
Vous êtes assez éclectique dans vos compositions, mais il y a toujours une thématique.
Dans la forme oui. Mais dans la composition pure, c’est vrai qu’on trouve souvent de la mélodie. Il
y a des films où il n’en faut pas non plus. Mais j’aime bien qu’il y ait une mélodie de base. Lorsque
l’on joue mes thèmes au piano, il y a une vraie continuité. Il y a un style, j’espère.
Aujourd’hui tout a changé, non ?
Dans la télé on n’est plus dans cet esprit. Takis Candilis, qui avait démarré chez Grimblat, chez
Hamster sur « Navarro », et qui est passé à TF1, à la fiction, a mis en place de belles séries télés de
qualité et des musiques superbes. Tout cela se tenait bien, mais avec l’arrivée des séries américaines
de 52 minutes, il y a eu une révolution et toutes les musiques que l’on écrivait avaient pris un coup
de vieux ! Réunion de chantier : on ne copie pas mais on s’inspire fortement, il n’y a pas de
thématique ou très peu. J’ai fait une série à l’américaine sans les moyens. Pour la musique il fallait
faire du sous produit et j’ai compris que c’était la fin. Pourquoi aller demander à Perathoner alors
qu’il y a 15 compositeurs qui sont capables d’écrire ce genre de musique en copiant un peu, avec du
goût, un peu de talent, et surtout peu d’argent. Moi j’ai toujours voulu être respecté, avoir un certain
budget. Je suis de l’ancienne génération…
Et à part le cinéma et la télè vous avez d’autres cordes à votre arc...
Je travaille toujours sur commande. Cela m’a amusé aussi de faire des spectacles, avec Liane Foly.
J’ai même été acteur. J’étais un musicien qui participait à la mise en scène, c’était amusant. Je l’ai
fait pendant deux ans en alternance avec d’autres choses évidemment. J’ai composé pour Roland
Petit. C’était extraordinaire parce qu’on a écrit librement de la musique pour ses ballets à Marseille
et il a inventé une chorégraphie à partir de la musique. C’était passionnant, il connaissait Jannick à
cause de Magma ; moi à cause de mes musiques. On lui a écrit une musique de 20 minutes ! Là
c’est sur notre musique que se sont créées des images !
On n’a pas parlé de Jannick Top qui est votre alter ego
Oui, Jannick, il est le bassiste à l’origine de Magma avec Christian Vander. Il travaillait avec Michel
Berger. C’est là qu’on s’est rencontré.
Comment avez-vous travaillé avec lui ?
On ne s’était jamais dit qu’on travaillerait ensemble. C’est parti de l’époque des années 80 sur les
spectacles de Berger, de France Gall. Parallèlement, il y avait des pubs qui offraient plein de boulot.
On était débordé. Je lui ai proposé de travailler avec moi et lui aussi. On a donc travaillé l’un pour
l’autre, puis sur les films de Jolivet. On a travaillé ensemble si bien qu’on ne savait plus qui avait
composé quoi. Avec l’informatique tout le monde se retrouvait seul devant son ordinateur et avait le
phantasme de jouer tous les instruments avec le plugin qu’on avait. Avec Jannick, quand on se
présentait un travail, on était le meilleur juge face à l’autre. Cela nous donnait une force. Et lorsque
l’on présentait le projet aux réalisateurs, on était sûr de notre boulot !
Vous écrivez tout tout seul ?
On aime bien tout faire. Mais quand on a fait la série dont on a parlé précédemment, pour TF1, on a
récupéré le coup parce qu’ils avaient une musique qui ne leur plaisait pas du tout. Takis nous a
appelé pour sauver le coup. On a pris un orchestrateur parce qu’il a fallait livrer très vite. Takis ne
connaissait que les thèmes au piano et on était un peu angoissé lorsqu'il est venu écouter
l’orchestration. Mais il avait le sourire en entendant le résultat. Donc, oui de temps en temps on
prend un grand orchestrateur. Là c’était Hubert Bougis.
Vous acceptez de travailler avec de jeunes réalisateurs
Je fais pas mal de courts-métrages pour de jeunes réalisateurs qui n’ont pas de budget ! Cela me
touche. Je suis moi aussi intimidé, car ils seront peut-être de grands réalisateurs. Et puis à chaque
fois on se retrouve face à la page blanche !
Avez-vous senti cette méfiance qu’ont certains réalisateurs face au compositeur ?
Je l’ai vu au fur et à mesure de ma carrière. Certains réalisateurs ont peur de la musique parce qu’ils
ne la maîtrisent pas. Autant avec Pierre Jolivet il y avait une entente parfaite, il y avait l’auteur du
film et l’auteur de la musique. On est les deux auteurs du film, la musique est quelque chose
d’immatérielle, c’est dans l’air, on ne peut pas la décrire avec des mots, on peut la faire et l’écouter,
et la poser sur des images. Autant il y a des réalisateur pour qui leur film est leur bébé, c’est l’oeuvre
de leur vie à chaque fois ; ce que je respecte. Mais ils ont peur que la musique bouffe leurs images.
Quelquefois elle aide des séquences mal foutues, mais quelquefois il ne vaut mieux ne pas en mettre
parce que c’est tellement beau sans. Il faut aussi avoir cette modestie. Mais il y a des musiques qui
peuvent donner des émotions, qui sont trop fortes par rapport à ce que racontent les images. Nous,
compositeurs, nous devons rassurer le réalisateur. Mais c’est lui le patron. Après on va retrouver les
problèmes au mixage. Il faut que la musique soit mixée correctement. Je parle en amont, pour pas
que le mixeur mette les petits oiseaux, le chien qui aboie, la voiture qui passe, au-dessus de la
musique. Si ces bruits racontent une histoire, c'est bien. Sinon, on met la musique seule ! Là il faut
se battre avec les techniciens. Si on a un mixeur artiste, on peut discuter. Mais il faut que le
réalisateur soit avec vous. Ce sont des conflits qu’il faut régler. J’ai eu la chance de travailler
souvent avec de très bons mixeurs, Gérard Lamps ou William Flageollet par exemple. En télé,
c’était plus Rock and Roll ! Avec un film on est plus exigeant !
Y-a-t-il une musique que vous avez composée pour laquelle vous avez une affection
particulière ?
Il y a une musique d’un film de Pierre qui est très intéressante parce qu’elle a été faite avant le film.
C’était une musique qui existait sans film. Pierre m’avait raconté l’histoire et c’est tout. Il y a des
moments dans la vie où on a envie de faire une certaine sorte de musique et je me disais que
j’aimerais bien placer la musique que je suis en train d’écrire. C’était un peu présomptueux ? C’est
bien de faire de la commande, pour que cela soit ciselé. Mais j’avais envie d’écrire une musique et
de la proposer pour un film. Pour « Le Frère du Guerrier », j’ai collé cette musique et il y a eu des
rencontres, des synchronismes, c’était magique. J’ai fait cette expérience en direct ici dans le studio.
J’avais plusieurs thèmes et je lançais une musique en direct et il y avait des mariages assez
troublants. Tout n’était pas calé. On a affiné. Pierre était là. On était bluffé de cette rencontre.
Réalisation : Damien Chazelle.
Compositeur : Justin Hurwitz.
1CD Milanmusic : n°399 898-2
Premier film de la nouvelle star d’Hollywood, « Guy and Madeline on a Park Bench », est une
histoire d’amour tumultueuse entre un musicien de jazz un peu paumé (incarné par le trompettiste
Jason Palmer) et une jeune étudiante introvertie. Une romance contrariée dans le milieu de la nuit
de Boston, scandée par une série de chansons composées par Justin Hurwitz et des séquences de
danse. Ce film de Damien Chazelle est un hommage au cinéma musical des années 40, comme il
vient de le faire avec « La La Land » au sujet des comédies musicales des années 50-60. Il ne faut
pas s’étonner s’il est très apprécié à Los Angeles : on aime dans la city of star qu’on la magnifie. Le
CD est très agréable à écouter même si Justin Hurwitz manque de personnalité dans son écriture à
force de composer à la manière de. Espérons que ses compositions deviendront plus originales. Il a
le savoir faire, attendons de voir ce qu’il fera avec d’autres réalisateurs.
https://www.youtube.com/watch?v=T68VePRYB8U
Stéphane Loison
Réalisateur : Olivier Peyon
Compositeur : Nicolas Kuhn
1CD BOriginal peermusic : n°BOO37
C’est en Uruguay que Sylvie retrouve enfin la trace de son fils, enlevé il y a quatre ans par son ex
mari. Avec l’aide précieuse de Mehdi, elle part le récupérer mais arrivés là-bas, rien ne se passe
comme prévu : l’enfant, élevé par sa grand-mère et sa tante, semble heureux et épanoui. Sylvie
réalise alors que Felipe a grandi sans elle et que sa vie est désormais ailleurs. Cette musique simple
aux accents latino-américains jouée avec l’instrument de prédilection de ce compositeur, la guitare,
apporte une certaine nostalgie au film. Bandonéon, quelques cordes, on est plus dans un esprit
argentin qu’uruguayen. Est-ce que c’était la meilleure façon de raconter en musique cette histoire ?
Je ne le pense pas, mais la musique est agréable à écouter et le film est sympathique et émouvant.
Un jeune compositeur à suivre.
Stéphane Loison
Réalisateur : Martin Koolhoven
Compositeur : Tom Holkenborg
1CD Milanmusic : n°399893-2
Dans l’Ouest américain, à la fin du XIX siècle. Liz, une jeune femme d’une vingtaine d’années,
mène une vie paisible auprès de sa famille. Mais sa vie va basculer le jour où un sinistre prêcheur
leur rend visite. Liz devra prendre la fuite face à cet homme qui la traque sans répit depuis
l’enfance… C’est un western violent sur ces faux prophètes, sadiques qui sillonnaient les USA et
qui enfermaient les femmes pour leur seul plaisir, justifiant leurs actes par la lecture de la bible (ne
voyons aucune allusion à notre époque...) Il est interprété avec des acteurs devenus mythiques grâce
à un feuilleton célèbre, et la musique est écrite par un compositeur devenu célèbre grâce à « Mad
Max ». Ici on est loin de sa musique électro. Il offre des sombres envolées lyriques et
délicieusement romantiques. A écouter cette musique on est loin du road movie, on est dans du
Barber, du Britten. Cordes, violoncelles, basses et électronique nous entraînent au plus profond de l’âme noire. Le compositeur dit que c’est la Fugue en ré mineur pour orgue de Bach qui l’a inspiré.
On aura du mal en écoutant ce qu’il a écrit à retrouver les accents de Bach. Encore un mystère de la
création. Le CD s’écoute avec beaucoup de plaisir et rappelle ces scènes sombres et diaboliques de
ce film éblouissant !
https://www.youtube.com/watch?v=XTE8ADAXegw
Stéphane Loison
Réalisateur : Kiyoshi Kurusawa
Compositeur : Grégoire Hetzel
1CD BOriginal : n°BO034
Stéphane, ancien photographe de mode, vit seul avec sa fille qu'il retient auprès de lui dans leur
propriété de banlieue. Chaque jour, elle devient son modèle pour de longues séances de pose devant
l'objectif, toujours plus éprouvantes. Quand Jean, un nouvel assistant novice, pénètre dans cet
univers obscur et dangereux, il réalise peu à peu qu'il va devoir sauver Marie de cette emprise
toxique. Thriller bancal, trop long, à des moments intense et fulgurant, que la musique de Hetzelfait
vibrer. Il y a des textures électroniques pour rendre plus présent le suspens et le monde fantastique,
et puis il y a des élans plus lyriques pour l'histoire d'amour. Il y a des influences manifestes de
Herrmann, Wagner, Stravinsky, Ravel…. La musique est mystérieuse, et a une importance dans la
conception même du film. Grégoire Hetzel a composé une musique très classique où les cordes
sont mises en valeur (violon, violoncelle). Al’écoute du seul CD on peut s’en rendre compte. Une
belle musique et un CD très agréable à écouter
https://www.youtube.com/watch?v=TX8XQ9xYosg
Stéphane Loison
Réalisateur : Nicolas Winding Refn
1CD Milanmusic : 399 897-2
Ce disque est une compilation de chansons qui ont inspiré ce réalisateur pour son film étrange,
mélange de fantastique, d’horreur, de science fiction « The Neon Demon ». Punk, disco, électro se
mêlent avec des chanteuses comme Lynsey de Paul, Dione Warwick, Amanda Lear…, des groupes
comme Suicide, Sparks, Electric Youth… et des compositeurs tels que Giorgio Moroder, Cliff
Martinez, Pino Donaggio, Claudio Gizziet et le fils du réalisateur, Julian, qui a travaillé sur « Only
God Forgives » et « Neon Demon »… Lorsque l’on connaît l’ambiance des films de Winding Refn on ne peut s’attendre qu’à des morceaux planants et bizarres. La plupart de ces morceaux sont des
extraits de musique de long-métrages (« Dressed to Kill », « Valley of the Dolls » « Flesh for
Dracula »…) Nicolas aime mettre de la musique sur ses plateaux pour créer une ambiance qui aide
les acteurs dans leur jeu. Vu ce qu’il choisit, on peut comprendre l’ambiance qui y règne.
https://www.youtube.com/watch?v=aKhqXUXBUk4
Stéphane Loison
Réalisateur : Denis Amar
Compositeur : Serge Franklin
1CD Music Box Records : MBR-112
Ambitieux téléfilm historique en deux parties diffusées en 1992 sur Antenne 2, « Princesse
Alexandra » est adapté du roman américain Winter of the Heart de Linda J. LaRosa. Le romancier à
succès et académicien Félicien Marceau (Cadavre exquis, Le Corps de mon ennemi) signe les
dialogues de l’adaptation télévisuelle. Denis Amar (Ennemis intimes, Hiver 54, L’abbé Pierre) se
charge de la réalisation, entouré par un casting international. Le compositeur Serge Franklin a écrit
une partition symphonique épique et majestueuse, pour choeur et orchestre, dans la continuité de ses
précédents travaux sur A Tale of Two Cities (1989) et L’Enfant des loups (1990). Le thème
d’Alexandra, très présent à l’image, traduit toute la noblesse du personnage. Tantôt grave, tantôt
enjoué, il exprime les sentiments de la princesse. Les nombreux rebondissements du film, comme
les scènes de poursuites ou de duels, offrent au compositeur la possibilité d’écrire des pièces plus
sombres et mouvementées.
https://www.youtube.com/watch?v=QzjDmxlcne0
Stéphane Loison
Si vous souhaitez promouvoir votre activité, votre programme éditorial ou votre saison musicale dans L’éducation musicale, dans notre Lettre d’information ou sur notre site Internet, n’hésitez pas à me contacter au 01 53 10 08 18 pour connaître les tarifs publicitaires. maite.poma@leducation-musicale.com
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« Connaissez-vous beaucoup d'inventeurs d'instruments de musique ? Ceux dont l'histoire a retenu les noms se comptent sur les doigts d'une main. Jean- Christophe Denner a inventé la clarinette, Adolphe Sax le saxophone. Et puis ? On connaît des facteurs d'instruments, Stradivarius, par exemple. Mais il n'a pas inventé le violon. Alors qui ? Qui le piano ? Qui a inventé le tambour, la flûte, la harpe ? Autant demander qui étaient Adam et Ève ! »
En octobre 1980 mourait accidentellement, à Paris, Maurice Martenot, musicien, pédagogue, inventeur des ondes musicales. Trois mois plus tôt, l’auteur était allé l’interviewer à sa maison de campagne de Noirmoutier.
Ce livre relate l’histoire des ondes Martenot, instrument électronique de musique exceptionnel qui a séduit des personnalités aussi diverses que Mau- rice Ravel, Rabindranath Tagore ou Jacques Brel, et des compositeurs connus, tels Olivier Messiaen, Darius Milhaud, André Jolivet, Arthur Honegger, Edgar Varèse, Maurice Jarre, Akira Tamba – auxquels se sont ajoutés, depuis la première édition de ce livre, parmi bien d’autres, Jacques Hétu, Jonny Greenwood, ou encore Akira Nishimura. (suite)
Toujours hypothétiques, les correspondances, analogies et interactions entre la peinture et la musique reposent sur un socle malaisé à définir. Rien de plus révélateur en ce sens que l’étude des problèmes posés aux peintres par la représentation d’une scène musicale, gageure supposant, en amont de l’œuvre, l’éventuelle fusion du visuel et du sonore. L’inscription de l’œuvre visuelle dans une durée étant intimement liée à l’identification de son contexte sonore, les variations de ce contexte en altèrent de facto la captation par le regard, l’effigie créant un climat musical qui, à son tour, la modèle. L’irruption de la musique au cœur de l’image forme ainsi le plus imprévisible des modèles sensibles, la force émotive de la vision dépendant avant tout des capacités synesthésiques du spectateur. Peindre la musique, c’est donc solliciter l’activité informatrice de l’esprit, en matière de style, d’histoire, d’esthétique, de sociologie, d’organologie... mais aussi chercher à provoquer le jeu des émotions par le choix d’un vocabulaire visuel favorisant cette fusion des deux expressions majeures du monde sensible.
Universitaire et écrivain, Gérard Denizeau a publié divers essais sur la transdisciplinarité artistique (Musique & arts visuels, Le visuel et le sonore, Le dialogue des arts, La Musique au temps des arts). Auteur de biographies musicales (Rossini, Wagner, Saint- Saëns) et artistiques (Lurçat, Corot, Monet, Van Gogh, Chagall), il s’est également attaché à une redéfinition du genre musical (Com- prendre et identifier les genres musicaux) et des articulations de l’histoire de l’art (Les grands courants artistiques). Collaborateur de l’Encyclopaedia Universalis, enseignant au département de musicologie de la Sorbonne et au Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris, il a également produit plusieurs émissions pour France-Culture (Profils perdus, Une vie une œuvre...). Chez Beauchesne, on lui doit, en collaboration avec Daniel Blackstone un volume récent, Analyses musicales XVIIIe siècle.
Disparu en mars 2014 à l’âge de 86 ans, Serge Gut compte au nombre des figures majeures de la musicologie française des dernières décennies. Spécialiste de Franz Liszt, auquel il consacra deux grands ouvrages et de nombreux articles, il fut également un analyste réputé. Après une première formation de compositeur, il avait commencé sa carrière musicologique, dans les années 1960-1970, par des publications traitant surtout de questions de langage musical – un domaine qui, bien que parfois négligé par les milieux universitaires, constitue le pont naturel entre composition et théorie. Au terme de cinquante années d’une activité brillante, qui le vit notamment présider aux destinées de l’Institut de musicologie de la Sorbonne, Serge Gut devait revenir dans ses dernières années à cette passion de jeunesse. Son expérience unique, aussi bien dans les domaines de la recherche que de l’enseignement supérieur ou de la publication scientifique, lui inspira le présent ouvrage, qu’il qualifiait lui-même de testament. Théorie et histoire y tiennent un passionnant dialogue.
Resté inédit au moment de la disparition de Serge Gut, le manuscrit des Principes fondamentaux de la musique occidentale a été préparé pour la publication par Vincent Arlettaz, disciple de Serge Gut, rédacteur en chef de la Revue Musicale de Suisse Romande et professeur dans le cadre des Hautes Écoles de Musique suisses.
25.00 €.
« ConnaHarmonisés à quatre voix pour orgue et chœur par Yves Kéler et Danielle Guerrier Kœgler
Textes originaux rassemblés, mis en français et commentés par Yves Kéler
Ouverture, par le pasteur David Brown et Guylène Dubois
Préface du pasteur Alain Joly
Avant-propos d’Édith Weber
Ce recueil regroupe, pour la première fois, les 43 paraphrases françaises de chorals de Martin Luther, strophiques, versifiées, rimées, très fidèles aux intentions du Réformateur (ce qui n’est pas le cas des quelques rares textes figurant dans d’autres recueils français), et chantables sur les mélodies traditionnelles bien connues.
Il se veut un volume fonctionnel pour le chant des fidèles, avec des harmonisations à 4 voix destinées aux organistes pour accompagner l’assemblée lors des cultes et des messes. Il s’adresse également aux prédicateurs soucieux de trouver un choral pour illustrer les thèmes abordés chaque dimanche, aux organistes pour accompagner l’assistance et aux chefs de chœur pour diriger le chœur paroissial. Pour quelques harmonisations écrites en fonction des possibilités de l’orgue et, dans quelques rares cas, difficilement chantables (tessiture trop élevée ou trop grave, intercalation du texte à plusieurs des parties), (suite)
Ce livre, que le compositeur souhaitait publier dans sa maison d’édition à Kürten, se propose de présenter les orientations principales de la recherche de Karlheinz Stockhausen (1928-2007) à travers ses œuvres, couvrant sa vie et ouvrant un accès direct à ses écrits. Divers domaines investis par le plus grand inventeur de musique de la seconde moitié du xxe siècle sont abordés : composition de soi à travers les matériaux nouveaux ; découvertes formelles et structures du temps ; musique spatiale ; métaphore lumineuse ; musique scénique ; l’hommage au féminin de l’opéra Montag aus Licht ; Wagner, Stockhausen et le Gesamtkunstwerk, œuvre d’art total. Les témoignages des femmes qui l’ont accompagné dressent un portrait vif et saisissant de l’homme, artiste génial qui aimait plus que tout la musique et la recherche compositionnelle au nom du progrès de l’être humain...(suite)
Mozart aurait-il été heureux de disposer d'un Steinway de 2010 ? L'aurait-il préféré à ses pianofortes ? Et Chopin, entre un piano ro- mantique et un piano moderne, qu'aurait-il choisi ? Entre la puissance du piano d'aujourd'hui et les nuances perdues des pianos d'hier, où irait le cœur des uns et des autres ? Personne ne le saura jamais. Mais une chose est sûre : ni Mozart, ni les autres compositeurs du passé n'auraient composé leurs œuvres de la même façon si leur instrument avait été différent, s'il avait été celui d'aujourd'hui. Mais en quoi était-il si différent ? En quoi influence-t-il l'écriture du compositeur ? Le piano moderne standardisé, comporte-t-il les qualités de tous les pianos anciens ? Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Qui a raison, des tenants des uns et des tenants des autres ? Et est-ce que ces questions ont un sens ? Un voyage à travers les âges du piano, à travers ses qualités gagnées et perdues, à travers ses métamorphoses, voilà à quoi convie ce livre polémique conçu par un des fervents amoureux de cet instrument magique.
Au travers du récit que James Lyon nous fait de l’existence de Dickens, il apparaît bien vite que l’écrivain se doublait d’un précieux défenseur des arts et de la musique. Rares sont pourtant ses écrits musicographiques ; c’est au travers des références musicales qui entrent dans ses livres que l’on constate la grande culture musicale de l’écrivain. Il se profilera d’ailleurs de plus en plus comme le défenseur d’une musique authentiquement anglaise, forte de cette tradition évoquée plus haut. Et s’il ne fallait qu’un seul témoignage enthousiaste pour décrire la grandeur musicale de l’Angleterre, il suffit de lire le témoignage de Berlioz (suite)
En plein essor à l'étranger, particulièrement en Allemagne, l'hymnologie n'a pourtant pas encore acquis ses titres de noblesse en France. Dans l'esprit de la collection « Guides musicologiques », cet ouvrage se veut une initiation méthodologique. Il comprend une approche de l'hymnologie se rattachant à la musicologie historique et à la théologie pratique, et résume l'historique de la discipline. Pratique et documentaire, il offre aussi de précieuses indications : un large panorama des institutions et centres de recherche, un glossaire conséquent ou les mots clés. et les entrées sont accompagnés de leur traduction en plusieurs langues, et une bibliographie très complète (431 titres) tenant compte du tout dernier état de la question. Outil de travail indispensable, ce livre s'adresse aussi bien aux musicologues, aux théologiens, traducteurs et chercheurs, qu'aux organistes, maîtres de chapelle, chanteurs, et bien entendu, aux hymnologues.
Ce guide s’adresse aux musicologues, hymnologues, organistes, chefs de chœur, discophiles, mélomanes ainsi qu’aux théologiens et aux prédicateurs, soucieux de retourner aux sources des textes poétiques et des mélodies de chorals, si largement exploités par Jean-Sébastien Bach, afin de les situer dans leurs divers contextes historique, psychologique, religieux, sociologique et surtout théologique. Il prend la suite de La Recherche hymnologique (Guides Musicologiques N°5), approche méthodologique de l’hymnologie se rattachant à la musicologie historique et à la théologie pratique dans une perspective pluridisciplinaire. Nul n’était mieux qualifié que James Lyon : sa vaste expérience lui a permis de réaliser cet ambitieux projet. Selon l’auteur : « Ce livre est un USUEL. Il n’a pas été conçu pour être lu d’un bout à l’autre, de façon systématique, mais pour être utilisé au gré des écoutes, des exécutions, des travaux exégétiques ou des cours d’histoire de la musique et d’hymnologie. » (suite)
Cet ouvrage regroupe pour la première fois les 43 chorals de Martin Luther accompagnés de leurs paraphrases françaises strophiques, vérifiées. Ces textes, enfin en accord avec les intentions de Luther, sont chantables sur les mélodies traditionnelles bien connues. Aux hymnologues, musicologues, musiciens d'Eglise, chefs, chanteurs et organistes, ainsi qu'aux historiens de la musique, des mentalités, des sensibilités et des idées religieuses, il offrira, pour chaque choral ou cantique de Martin Luther, de solides commentaires et des renseignements précis sur les sources des textes et des mélodies : origine, poète, mélodiste, datation, ainsi que les emprunts, réemplois et créations au XVIè siècle... (suite)
L’imbroglio baroque de Gérard Denizeau
BACH
Cantate BWV 104 Actus tragicus : Gérard Denizeau - Toccata ré mineur : Jean Maillard -
Cantate BWV 4: Isabelle Rouard -
Passacaille et fugue : Jean-Jacques Prévost -
Passion saint Matthieu : Janine Delahaye -
Phœbus et Pan : Marianne Massin -
Concerto 4 clavecins : Jean-Marie Thil -
La Grand Messe : Philippe A. Autexier -
Les Magnificat : Jean Sichler -
Variations Goldberg : Laetitia Trouvé -
Plan Offrande Musicale : Jacques Chailley
COUPERIN
Les barricades mystérieuses : Gérard Denizeau -
Apothéose Corelli : Francine Maillard -
Apothéose de Lully : Francine Maillard
HAENDEL
Dixit Dominus : Sabine Bérard -
Water Music : Pierrette Mari -
Israël en Egypte : Alice Gabeaud -
Ode à Sainte Cécile : Jacques Michon -
L’alleluia du Messie : René Kopff -
Musique feu d’artifice : Jean-Marie Thill -
Publié l'année même de son ouverture, cet ouvrage raconte avec beaucoup de précisions la conception et la construction du célèbre bâtiment. Le texte est remis en pages et les gravures mises en valeur grâce aux nouvelles technologies d'impression.
Pour la première fois, le Tchèque Leoš Janácek (1854-1928), le Finlandais Jean Sibelius (1865-1957) et l'Anglais Ralph Vaughan Williams (1872-1958) sont mis en perspective dans le même ouvrage. En effet, ces trois compositeurs - chacun avec sa personnalité bien affirmée - ont tissé des liens avec les sources orales du chant entonné par le peuple. L'étude commune et conjointe de leurs itinéraires s'est avérée stimulante tant les répertoires mélodiques de leurs mondes sonores est d'une richesse émouvante. Les trois hommes ont vécu pratiquement à la même époque. Ils ont été confrontés aux tragédies de leur temps et y ont répondu en s'engageant personnellement dans la recherche de trésors dont ils pressentaient la proche disparition. (suite).
L’histoire de David et Jonathan est devenue aujourd’hui un véritable mythe revendiqué par bien des mouvements homosexuels qui croient y lire le récit d’une passion amoureuse entre deux hommes, alors même que la Bible condamne de manière explicite l’homosexualité comme une faute grave. Cette lecture s’est tellement imposée depuis quelques décennies que les ouvrages qui traitent de la question de l’homosexualité dans la Bible ne peuvent contourner le passage et l’analysent dans les moindres détails afin de découvrir si le texte parle ou non d’une amitié particulière entre le fils de Saül et le futur roi d’Israël, ancêtre de Jésus. Le texte est devenu le lieu de toutes les passions et révèle les interrogations profondes de la société sur la question homosexuelle. (suite)
Baccalauréat 2017. Épreuve de musique
LIVRET DU CANDIDAT
19 €
INITIATION À L’HARMONIE ET À L’INTERPRÉTATION À PARTIR DES POLONAISES DE CHOPIN.
VOLUME 1 Les Polonaises de jeunesse en sol mineur et sib majeur.
22.00 €
INITIATION À L’HARMONIE ET À L’INTERPRÉTATION À PARTIR DES POLONAISES DE CHOPIN.
VOLUME 2 Les Polonaises de jeunesse en lab majeur et sol# mineur
22.00 €
COLLECTION VOIR ET ENTENDRE
Jean-Marc Déhan et Jacques Grindel ont réalisé, dans les années 1980, collection « voir & entendre », qui s'adressait autant aux collèges et lycées qu'aux conservatoires et écoles de musique. Il nous est apparu que cet outil remarquable pouvait, avec quelques compléments, redevenir un outil pédagogique de tout premier plan. Le parti pris a été de réimprimer à l'identique les fascicules, enrichis d'un court dossier pédagogique. Pour chaque titre, des pistes d'utilisation s'ajoutent à celles déjà mises en lumière dans les partitions elles-mêmes.
Il est possible d'utiliser ces partitions :
- pour la lecture de notes
- pour la lecture de rythmes
- pour la dictée musicale ;
- pour le chant, en faisant chanter et mémoriser les principaux thèmes
- pour la formation de la pensée musicale : les thèmes mémorisés, transposés à l'oreille, donneront lieu, le cas échéant, à des autodictées ;
- pour l'analyse musicale et l'harmonie, avec les analyses fines de J.-M. Déhan et J. Grindel reportées sur la partition
- pour l'histoire de la musique grâce aux textes de présentation ;
- enfin, pour l'écoute raisonnée des œuvres en suivant simplement la partition, quitte à faire porter l'audition sur des éléments précédemment indiqués par le professeur qui pourra adapter ces exercices au niveau de ses élèves.
Mais ces partitions sont également destinées aux amateurs éclairés pour qui la lecture des clés d'ut dans les partitions d'orchestre habituelles, ainsi que le casse-tête des instruments transpositeurs sont souvent des obstacles insurmontables.
Souhaitons que cette réédition permette une meilleure connaissance par tous, jeunes et moins jeunes, futurs professionnels ou amateurs éclairés, de quelques œuvres fondamentales du répertoire.
W.A. Mozart. Symphonie n° 40 (K550)1. Allegro Molto – 3. Menuetto
9 €
A. Borodine. Dans les steppes de l’Asie centrale
9 €
H. Berlioz. Symphonie fantastique 5e mouvement
12 €
J.-S. Bach. Cantate BWV 140« Wachetauf, ruft uns die Stimme »
10,50 €