www.leducation-musicale.com
mars-avril 2010
n° 565
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janvier-février 2010
n° 564
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novembre-décembre 2009
n° 563
|
Sommaire :
1. Editorial
2. Informations générales
3. Varia
4. Manifestations et concerts
5. Recensions de spectacles et concerts
6. Annonces de spectacles lyriques
7. Exposition Chopin "La Note bleue"
8. Maximianno Cobra : musique et symboles
9. L'édition musicale
10. Bibliographie
11. CDs et DVDs
12. La vie de L’éducation musicale
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Wolfgang, Franz, Jean et… les autres !
C’est une avalanche de courriels qu’aura suscités notre dossier
« Musique et franc-maçonnerie ». Propos unanimement élogieux, souvent
assortis de demandes d’informations - sur la maçonnerie bien sûr, mais aussi sur
l’identité de notre publication (créée en 1945, plus ancien magazine musical
français en activité)*.
Si tout le monde sait l’appartenance maçonnique de Mozart,
rares étaient ceux de nos lecteurs – même férus d’histoire – à savoir celle de Haydn,
Saint-Georges, Liszt ou Sibelius. Questions rarement abordées au
demeurant, sinon dans des publications aussi confidentielles que musicalement
peu autorisées…
Toutes appartenances que, par ailleurs, de bonnes âmes - à
Rome, sans doute, inféodées – occultèrent toujours à dessein. Bien que
nul n’ignore qu’un engagement maçonnique ne fut jamais exclusif d’une sincère foi
religieuse – singulièrement chez les compositeurs, où mécréance et maçonnitude ne
firent jamais bon ménage…
À la différence de ce qu’il en est chez les écrivains, dont
on se plaît toujours à évoquer le cas de Voltaire, de Choderlos de Laclos ou du
marquis de Sade…
Francis B. Cousté.
____________
*Éditions
Beauchesne : 7, cité du Cardinal-Lemoine, 75005 Paris. Tél. :
01 53 10 08 18.
contact@leducation-musicale.com
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Botticelli, Le Printemps
BOEN n°9
du 4 mars 2010 : Programmes limitatifs des
enseignements artistiques en classe terminale pour l'année scolaire 2010-2011
& pour la session 2011 du baccalauréat :
www.education.gouv.fr/cid50714/mene1003328n.html
BOEN n°11 du 18 mars 2010. Préparation de la rentrée
2010. Voir : 1.1.3
« Ancrer l’éducation artistique & culturelle » : www.education.gouv.fr/cid50863/mene1006812c.html
Le Bulletin officiel de l’Éducation nationale est librement consultable sur :
Séminaire post-doctoral : « Le Roi David d’Arthur
Honegger : tradition et modernité », par Huguette Calmel, jeudi 20
mai 2010, 17h-19h. Maison de la Recherche (28, rue Serpente, Paris VIe). Entrée libre.
Arthur Honegger (1921) ©DR
Heureux
Londoniens ! Boris Johnson, maire de Londres, a publié,
le
2 mars 2010
: « Making Music Matter : Music Education
Strategy for London
2010-2012
» et
dévoilé son projet d’une nouvelle fondation destinée à développer l’éducation
musicale dans la capitale. Plus de £250.000 ont été ainsi provisionnées
pour offrir aux jeunes Londoniens de nouvelles « musical opportunities » (de pratique aussi bien que d’écoute).
Cette somme inclut notamment un « Fonds pour l’éducation musicale », d’un
montant de £100.000.
Renseignements : http://www.egovmonitor.com/node/34156
©DR
L’édition
2011 de « La Folle Journée de Nantes » sera consacrée
au post-romantisme : Liszt, Brahms, Mahler, Bruckner, R. Strauss, la
Seconde École de Vienne.
Renseignements : 02 51 88 36
36. www.follejournee.fr
Le Belem dans le port de
Nantes ©DR
Pôle
d’enseignement supérieur de la musique en Bourgogne. Les
inscriptions sont ouvertes dans les spécialités : Chanteur et
instrumentiste (domaine du jazz & des musiques amplifiées) /
Instrumentiste (répertoires du classique au contemporain).
Renseignements : 36-38, rue
Chabot-Charny, 21000 Dijon. Tél. : 03 80 58 98 90. www.pesm-bourgogne.fr
La
Fondation Francis & Mica Salabert, que dirige
aujourd’hui le compositeur Michel Decoust [notre photo], poursuit sa mission de
soutien au patrimoine, à la recherche et à la création – en favorisant, notamment,
la publication de monographies, disques et partitions, mais aussi en
participant à des prix, commandes et événements.
Renseignements : 01 42 93 87 13. www.fondation-salabert.org
©DR
Le
Salon Musicora, que dirigeait jusqu’à présent sa
fondatrice Jessie Westenholz, a été racheté par l’agence de production & de
communication Sequenza (Marianne
Gaussiat, Isabelle Gillouard, Julia Grandfils). La prochaine édition de
Musicora se tiendra début 2011.
Renseignements : 01 45 43 77 58. www.sequenza-comprod.com
« 18th Jeunesses
International Music Competition ». Consacré à la flûte, ce concours se déroulera à Bucarest (Roumanie), du 7
au
13 mai… 2011
.
Renseignements : www.jmEvents.ro
The Juilliard
School. Au sein de cette
prestigieuse académie new-yorkaise, seront donnés, les 21, 23 et 25 avril 2010,
les Dialogues des Carmélites de
Francis Poulenc. Sous la direction de Anne Manson [notre photo].
Renseignements : www.juilliard.edu ou http://events.juilliard.edu voire www.annemanson.com
©Dario Acosta
***
Haut
Selon la Halakha, la « Loi juive », la voix humaine exprimerait la
nudité. Une femme ne saurait donc chanter devant des hommes a estimé
David Messas, grand rabbin de Paris. Devant le tollé soulevé, il a dû toutefois
lever l’interdiction d’un concert de la chanteuse yiddish Talila [notre photo],
à Saint-Maur (Val-de-Marne), le
28 février 2010
.
©DR
2e Concours international de composition Edison Denisov. Ce concours est ouvert aux
compositeurs de toute nationalité, nés après le 1er octobre
1975. L’effectif instrumental adopté est : flûte traversière &
trio à cordes (violon, alto, violoncelle). Durée : 8’-10’.
Dossiers à envoyer, avant le 20 septembre 2010, à : Union des compositeurs – Brusov pereulok 8/10, korp.2, 103009
Moscou.
Renseignements : www.chantdumonde.com
L’Allemande
Karen-Nikola Lutz a remporté le Concours international
de saxophone de Paris/Ville-d’Avray (13-14 mars 2010).
Renseignements : http://saxo2010.blog.ca
©DR
Délicieuse Stacey
Kent… et merveilleuse chanson ! It might as well be spring, 1945 (Music :
Richard Rogers / Lyrics : Oscar Hammerstein II / Paroles
françaises : Jean Sablon) :
www.youtube.com/watch?v=_07madalwdc&feature=related
Stacey Kent ©DR Richard Rogers
©DR
Un Musée Chopin, « de conception
ultra-moderne » nous dit-on,
vient d’ouvrir (en mars 2010) à Varsovie. Il est hébergé dans le palais
Ostrogski, imposante demeure du XVIIe siècle [notre photo].
Renseignements : www.chopin.museum
©DR
Pour tangueros impénitents, une mine de
délices ! http://www.todotango.com
La Fédération des
associations de musiciens éducateurs du Québec (Fameq) n’a de cesse d’étendre son action : www.fameq.org
It’s more fun to compete !... Selon John Kennedy[notre photo],
PDG de la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI), sont
aujourd’hui inscrits sur Myspace : 1,8 million de groupes de rock & 2,5
millions de groupes hip-hop.
©DR
« Muendo », réseau social pour musiciens
& professionnels de la musique classique, lance ses filets.
Renseignements : http://muendo.com
« Les Enfantastiques », chorale de 20 enfants anglophones, tous élèves de L’Ermitage, école
internationale de France, viennent de sortir The Fantastikids, 16 chansons adaptées et
interprétées en anglais.
Renseignements : www.lesenfantastiques.fr
Le 11e Grand Prix Lycéen des Compositeurs, organisé par La Lettre du
Musicien, a été décerné à Benjamin
de la Fuente [notre photo] pour Got Rid of the Shackles, le vendredi 19 mars, à Paris, en la Maison de
Radio France.
©Arthur Péquin
***
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« Répons » de Pierre Boulez, pour 6 solistes
(2 pianos, 1 harpe, 1 cymbalum, 2 percussions), ensemble
& dispositif électronique, sera donné, le jeudi 15 avril, à
20h,
en la Salle des concerts de la
Cité de la musique. Ensemble Intercontemporain, dir. Susanna
Mälkki. L’œuvre sera donnée deux fois au cours du concert. Le
public sera invité à changer de place - donc de point de vue & d’écoute de
cette œuvre spatialisée.
Renseignements :
01 44 84
44 84
. www.cite-musique.fr
« Les Concerts
d’Athalie », orchestre symphonique dirigé par
Léonard Ganvert, donnera en première
audition, à Paris, Salle Gaveau, les samedi 17 avril (20h30) et dimanche 18
avril (16h00) : la suite Embrujo de
Andalucía (« Envoûtement d’Andalousie) d’Esteban Bastida Sánchez &
José Antonio García Alvarez. Avec le concours du ballet de Bélen
López.
Renseignements : 45, rue La Boétie, Paris VIIIe.
Tél. : 01 49 53 05 07.
www.sallegaveau.com ou http://lesconcertsdathalie.free.fr
Au Château de La Petite Malmaison, seront donnés, le dimanche 11 avril 2010 : Trio op. 49 de Felix Mendelssohn et Trio en ré mineur de Félicien David. Avec
Vadim Tchijik (violon), Fabrice Loyal (violoncelle)
& Tanya Pandova (piano). Visite du château
à 15h30 ; concert à 17h00.
Renseignements : 229bis, rue Bonaparte, 92500
Rueil-Malmaison. Tél. : 01 47 32 02 02.
www.chateaupetitemalmaison.com
La « Journée
mondiale de la Voix » se déroulera, le 16 avril 2010, à l’Hôpital Sainte-Anne (Grand
Amphithéâtre de la CMME – 100, rue de la Santé, Paris XIVe).
Rencontres entre psychanalystes, philosophes & musiciens. Ouvert
au public.
Renseignements : www.insistance.org
« Les
musiques », Festival international des musiques
d’aujourd’hui, se déroulera à Marseille, du 17 avril au 1er mai
2010. Concerts, opéra, danse, installations multimédia, cinéma,
rencontres…
Renseignements :
04 96 20 60 10
. www.gmem.org
Semaine acousmatique
2010 au Val Maubuée [77] : du 4 au 7 mai. Compositeur invité :
Elzbieta Sikora [notre photo]. Jeudi
6 mai, 20
h30 : Concert-portrait Elzbieta
Sikora (« Composer une œuvre, mixte, acousmatique ») : La Tête d’Orphée II (flûte &
support audio), Chicago al fresco (support audio), Janek Wisniewski,
(support audio), Reflets irisés (piano & support audio), Rouge d’été (support audio). Vendredi
7 mai, 19
h30 : Concert experimental
des étudiants.
Renseignements : Auditorium
Jean Cocteau – 34bis, cours des
Roches,
77186
Noisiel. Tél. :
01 60 05 76 35
.
www.valmaubuee.fr/crd_agenda.asp ou www.elzbietasikora.com
©DR
Au Palazzetto Bru
Zane, Centre de
musique romantique française à Venise, se déroulera, du 8 avril au 19 mai 2010,
le Festival Le piano romantique.
Renseignements : +39 041 52 11 005. www.bru-zane.com
1re édition
du « Salon du livre de musique en Bretagne ». Cette manifestation se
déroulera à Lorient, du 28 au
30 mai 2010
.
Renseignements :
06 12 50
88 40
ou
06 78 90 78 91
. www.lesalondulivredemusique.fr
My Way to Hell, « cross-over opera » de Matteo Franceschini (musique) &
Volodia Serre (régie), créé en mars 2010 à la Cartonnerie de Reims, est en
tournée, en France, jusqu’au 1er juin
(Saint-Quentin-en-Yvelines, Rambouillet, Sedan, Rethel, Chaumont, Wassy, Dijon,
Villejuif, Mantes-la-Jolie).
Renseignements : 01 43 72 66
66. www.arcal-lyrique.fr
Le Festival de
Saint-Denis [Classique / Métis / Création] se déroulera, dans la basilique & des salles
voisines, du 1er juin au 1er juillet
2010.
Renseignements : 01 48 13 06 07. www.festival-saint-denis.com
Basilique de Saint-Denis ©DR
Festivals de musiques
classiques en Bretagne. Pas moins de trente festivals sont déjà programmés pour l’été
2010 !
Renseignements : FFMCB – 9, rue d’Asfeld,
35400
Saint-Malo.
www.festivals-musiques-classiques-bretagne.com
Francis Cousté.
***
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« Deuxième Concerto pour piano » de
Philippe Hersant.
Création à Rennes, le
4 mars 2010
.
Actuellement au centre d'une résidence de trois ans auprès
de l'Orchestre de Bretagne, dont le premier épisode lui a rapporté une Victoire
de la musique, Philippe Hersant offrait cette année au public rennais une
deuxième création, en attendant un Concerto
pour clarinette la saison prochaine. Revenant à l'alliage piano-orchestre,
le compositeur s'est efforcé de s'éloigner des sombres flots (Streams)
que charriait son Premier Concerto (2000), créé par une fidèle du compositeur, Alice Ader, dont on déplore de ne
guère entendre souvent l'ample et profonde sonorité par les temps qui
courent ! Le zapping médiatique rejetterait-il dans une injuste
confidentialité cette grande dame à qui le répertoire du XXe siècle
doit tant ?
Aux obsessives figures de tintements graves que le
compositeur affectionne au piano succède aujourd'hui une errance plus
insouciante (mais non exempte d'orages), plus projetée vers les clartés de
l'instrument. Les saveurs harmoniques propres à Philippe Hersant n'en
sont pas moins présentes, et ce, dès l'entrée du piano qui semble s'introduire
comme en décalage rêveur sur le discours que poursuit de son côté l'orchestre.
Chacun des deux protagonistes (l'orchestre, le piano) poursuit d'ailleurs la
croissance parallèle de ses propres éléments, comme superposant deux arts de
digresser, complémentaires mais indépendants. En résulte, dans les
moments où une polarité ne craint pas de s'affirmer, une polytonalité ou
polymodalité qui donne chair pulpeuse à ce qui tendrait vers un ancrage
traditionnel : c'est un exemple auquel les adeptes du courant néo-tonal
pourraient emprunter quelques saveurs épicées, au lieu de nous cuisiner
toujours les mêmes plats réchauffés au micro-onde.
L'œuvre est écrite pour le piano, et non contre lui; la musique caresse le clavier, soulève quelque tempête, taille les sons
des résonances issues de la pédale harmonique, évoque passagèrement le gamelan
balinais, le tout dans un flux ininterrompu qui se développe comme une
structure organique, générative, où la logique des enchaînements répond à un
épanouissement biologique tel que le concevait Carl Nielsen.
Dirigé par Olari Elts, jeune chef balte qui a fait office
de « docteur Miracle » pour l'Orchestre de Bretagne, lui permettant
d'accéder à un palier supérieur dans la qualité d'exécution, le nouveau Concerto de Philippe Hersant bénéficiait
de l'infinie science tactile de Frank Braley [notre photo], dont les
apparitions dans le champ de la musique contemporaine sont trop rares.
L'aisance avec laquelle le pianiste, en poète lyrique, s'est approprié la
partition et a su faire admirablement sonner la moindre intention du
compositeur, nous incite à une réflexion non dénuée d'arrière-plans quant à
l'interprétation d'œuvres nouvelles : si certains artistes font une
carrière – certes louable – de « spécialiste » dans le répertoire
contemporain, il advient que l'on découvre, au détour de quelque œuvre aux
résonances chaudement évocatrices, combien les caractéristiques de leur jeu
craindraient la comparaison dans les champs si fréquemment labourés (et par les
plus illustres !) du « grand » répertoire; tous n'ont pas, en
effet, la chaude et marquante personnalité que nous vantions plus haut chez
Alice Ader. En revanche, il est salutaire, pour les compositeurs
d'aujourd'hui, qu'un interprète nourri de la pratique dudit « grand »
répertoire, leur apporte tout le bagage que cette fréquentation véhicule :
une palette sonore tissant la délicatesse mozartienne à la densité brahmsienne,
la pure carnation schubertienne au cantabile chopinien, la sensualité
harmonique debussyste à la résonante puissance russe ! Une écriture comme
celle de Philippe Hersant, non déconnectée de l'histoire, généreuse et charnue,
riche d'émissions de sons harmoniques sur les fondations de graves profonds,
appelle un pianisme façonné par tant d'illustres prédécesseurs, et la
sécheresse d'une dissection de laborantin dénaturerait son message expressif.
Ainsi la rencontre entre Frank Braley et Philippe Hersant a-t-elle fonctionné
comme si elle allait de soi !
©DR
Sylviane Falcinelli
Les Berliner
Barock Solisten à la Cité de la musique.
Le Berliner Philharmoniker, le
fabuleux orchestre symphonique que l'on sait, comprend aussi plusieurs
formations satellites, orchestre de chambre, quatuors, ensemble
de violoncelles, etc… Les Berliner Barock Solisten,
fondés dans les années 90, par des chefs de pupitre de
l'orchestre auxquels se sont joints des musiciens berlinois spécialistes du
baroque, se sont assignés la tâche de faire revivre ce répertoire. Ils
sont d'ailleurs dirigés actuellement par Bernhard Forck qui n'est autre que le
premier violon d'un autre ensemble de renom, l'Akademie für alte Musik Berlin. Composés d'une quinzaine d'instrumentistes, ils jouent aussi bien des œuvres purement orchestrales que des pièces vocales. S'il
est dans ce dernier domaine une œuvre emblématique, c'est
bien le Stabat Mater de Giovanni Battista
Pergolesi, sa dernière œuvre. En 12 pièces dont la concision
n'empêche pas la beauté expressive, et où les voix en duo ou en solo
interviennent sur une trame sonore d'une grande sobriété - les seules cordes,
le théorbe et l'orgue positif - est dépeinte la douleur de Marie au pied de la
croix, avant que ne soit affirmée la force lumineuse de la foi. Et la
pièce devient un hymne vibrant à la Vierge elle-même, mère de compassion et de
miséricorde. L'interprétation est
justement dépourvue de toute l'emphase dont on a si souvent affublée l'œuvre.
L'écriture directe et vivante, aux frontières du baroque par son élégance,
n'est jamais si bien servie que par l'ascétisme sonore d'un petit ensemble, et
des tempos vifs, souvent presque allègres. Deux
voix magnifiques et toutes d'intériorité l'adornent : au soprano
délicatement émouvant de Sandrine Piau répond l'alto d'une émotion retenue
de Bernarda Fink. L'équilibre parfait qui naît de l'enlacement de ces deux
timbres est pure félicité.
En guise de mise en bouche,
l'ensemble proposait des ouvrages moins connus, d'auteurs peu
joués. Ainsi en est-il du Concerto grosso de
Francesco Durante, grand pédagogue qui fut le maître, entre autres, de
Pergolèse. La Sonate a
quattro de Domenico Gallo, dite « La Follia », figure
thématique très à l'honneur à l'époque, est une suite de variations fort originales.
Le Salve regina de Johann Adolf Hasse propose
une variation belcantiste et virtuose que Barbara Fink enlumine
de son beau timbre grave.
Béatrice et
Bénédict à l'Opéra
Comique. Opéra comique en deux actes d’Hector
Berlioz. Livret de l'auteur, d'après Beaucoup de bruit pour rien de
William Shakespeare ; adapté par Dan Jemmett & Bob
Goody. Christine Rice,
Allan Clayton, Ailish Tynan, Élodie Méchain, Jérôme Varnier,
Michel Trempont, Bob Goody. Chœur Les Éléments, La Chambre philharmonique,
dir. Emmanuel Krivine. Mise
en scène : Dan Jemmett.
Longtemps caressé, le projet
d'écrire d'après Beaucoup de bruit pour rien, ne
se concrétisera qu'à l'automne de la vie créatrice de Berlioz. Quiproquo amoureux, ou comment résister à s'enfermer dans l'enfer amoureux, Béatrice
et Bénédict est une comédie douce-amère,
feu d'artifice d'esprit, d'un raffinement extrême. L'auteur dira l'avoir écrite
« con furia »,
tel un grand scherzo plein de verve. Reste qu'elle est
composite : airs et ensembles sont entrecoupés
de dialogues qui juxtaposent plus qu'ils ne lient. Aussi
est-elle délicate à faire vivre à la scène. Il n'est pas sûr que le parti
adopté par Dan Jemmett soit d'une grande aide pour décrypter ce qui est ici
dramaturgie discontinue. La prétendue lumineuse idée
d'enchâsser le texte parlé dans un cadre shakespearien, en introduisant un
encombrant maître de cérémonie débitant quelque propos explicatif en anglais,
alors qu'il s'affaire à tirer les ficelles de ce qui devient un jeu de
marionnettes, n'est-elle pas le type même de la fausse bonne
idée ? En tout cas, l'idée est étrange de la part d'un
metteur en scène qui affirme que « Berlioz a génialement perçu l'inutilité
de mettre Shakespeare en musique ». Les
personnages, réduits à une dimension artificielle, se mouvant de manière saccadée
comme des automates, n'accèdent pas à la crédibilité. Et
que dire des effets appuyés qu'accentue un attirail moyenâgeux
dans les costumes et la décoration, rehaussée de deux figures de géants, façon
Gayant des fêtes du Nord...
©Pierre
Grosbois/Opéra Comique
On n'est pas à l'aise pour les
interprètes devant un tel traitement, mis à part quelques moments de grâce où
ils s'en affranchissent, tel le duo final du Ier acte -
géniale idée du musicien de conclure non sur un ensemble clinquant, mais par un
pur morceau poétique. Le chant n'est pas non plus
toujours immaculé, notamment chez les deux protagonistes, Christine Rice et
Allan Clayton, qu'on a entendu en bien meilleures conditions
outre-Manche. Car le piquant est que la
distribution réunie est largement britannique, ce qui - en dehors
de l'hommage rendu à la nation qui sait si bien honorer
Berlioz - ajoute encore au caractère curieux de l'affaire, de
par une diction mâtinée d'un léger accent d'Albion.
Seuls Élodie Méchain, Ursule, beau timbre de mezzo grave et parfaite
articulation, et le vétéran Michel Trempont, Somarone, qui campe avec grande
allure et un vrai sens comique quelque compositeur empourpré dans sa propre
glorification, se détachent du lot. Les
sonorités aériennes, quoique un peu aigres dans les cordes, et les rythmes
inattendus trouvent leur maître chez Emmanuel Krivine, à la tête de son
orchestre de la Chambre Philharmonique ; même si
l'acoustique hyper-présente masque les effets de spatialisation
si originaux imaginés par Berlioz.
©Pierre Grosbois/Opéra Comique
Un air de « Festival de Lugano », à Pleyel.
Le « Projetto
Argerich » réunit tous les ans, en juin, à Lugano, autour de
la célèbre pianiste, des
musiciens que rassemble une commune idée : faire de la musique de
chambre sans façons, mais de qualité. Une sorte de grande
famille où se côtoient les vieux amis dont elle aime à s'entourer et les jeunes
pousses qu'elle entraîne dans sa renommée. Olivier Bellamy a
écrit que, là, « elle est la reine des abeilles au milieu d'une ruche bourdonnante » (Martha
Argerich. L'Enfant et les sortilèges,
Buchet/Chastel). C'est un peu de cet esprit
qui planait l'autre soir dans une Salle Pleyel comble : public avide d'une des rares apparitions de la pianiste et musiciens
admirateurs venus apprécier ce que « faire
de la musique entre amis » veut dire. Trois éléments sont incontournables diversité des interprètes, système du concert
à géométrie variable - en l'occurrence
du solo au quatuor, en passant par le duo ou le jeu à deux pianos - enfin
panachage quant à la programmation : en
l'espèce de Beethoven à Bartók, en empruntant aussi des chemins moins
connus. On admire la maestria de Nelson Goerner, dans la Fantasia
baetica de Manuel de Falla, dédiée à Arthur Rubinstein,
toute de rugosité pianistique, à l'aune de la bigarrure andalouse
qu'elle illustre ; comme la forte personnalité de la pianiste russe
Lilya Zilberstein dans Prélude et fugue pour
piano op. 29 de Sergueï Taneïev, élève de Tchaïkovski et
créateur de ses trois concertos pour piano : musique aux harmonies recherchées bien que puisant aux grands anciens.
Si le Quatuor avec piano et cordes n°3 de Beethoven,
qui ouvrait le concert, paraît sage, la Sonate pour violon et piano de Debussy est vaillamment défendue
par deux jeunes talents : Akané Sakai & Geza Hosszu-Legocky.
Ses prestations, si attendues,
Martha Argerich les réserve à la fin de chacune des deux parties du concert. La Suite pour deux pianos, dite
« Fantaisie-Tableaux », de Rachmaninov (1893), elle aime l'inscrire à
ses concerts. Musique à programme, certes,
ce qui est rare chez le compositeur-virtuose, mais évocatrice de
climats choisis, tour à tour fluide comme l'eau ou martelée telle
une volée de cloches ostinato, dont les sonorités hantaient tant le musicien. La
pièce offre matière à briller pour ses interprètes : Argerich et Zilberstein sont là de formidables complices. Dans
la Sonate pour deux pianos et
percussion de Bartók, la pianiste argentine fait
équipe avec Nelson Goerner et deux percussionnistes français. Les terribles
difficultés dont Bartók émaille la pièce, alors que les deux groupes d'instruments doivent être traités à égalité - le clavier étant considéré
tout autant percussif – donnent, là
encore, l'impression d'un feu d'artifice sonore très maîtrisé.
©DR
Création d’Émilie, nouvel opéra de Kaija Saariaho à l'Opéra de Lyon. Opéra en neuf scènes. Livret d’Amin Maalouf. Karita Mattila, soprano. Orchestre de l'Opéra national de Lyon, dir. Kazushi Ono.
Mise en scène : François Girard.
Pour son troisième opéra,
Kaija Saariaho a voulu écrire un monodrame pour sa compatriote, la grande
cantatrice finlandaise Karita Mattila. Le choix de cette artiste a dicté celui
du sujet. Fascinée par cette voix singulière et cet « être intense,
passionnel et chaleureux », elle dit avoir été
bouleversée par son interprétation du rôle-titre de Fidelio. Dès lors, le destin d'une femme hors du commun, échappant aux
stéréotypes traditionnels, s'est imposé. Et naturellement, celui
d’Émilie du Châtelet, dont elle avait eu connaissance
à travers l'ouvrage d’Élisabeth Badinter (Mme du Châtelet, ou l'ambition féminine au XVIIIe siècle, Paris, Flammarion,
1983). Celle dont Voltaire dira dans une épitaphe
« elle aima les plaisirs, les arts, la vérité » est une femme
au-dessus du lot. Première femme scientifique
moderne, elle traduira Newton. Mais elle fut aussi une femme
libre. Elle vivra une vie de passions effrénées et Voltaire sera, pendant près de quinze ans, le
plus illustre de ses amants. Kaija Saarihao dit avoir
travaillé à un portrait de la « divine abeille » : au soir
de sa vie, enceinte du marquis de Saint-Lambert et
proche de la délivrance, alors qu'elle pressent quelque malheur,
Émilie se remémore le passé, ses amours, son travail scientifique, ses
joies, ses angoisses, la crainte de sombrer dans l'oubli.
©J.-P. Maurin
On sait la difficulté du genre du monodrame. Le fait qu'il n'y ait ici pas d'intrigue à proprement
parler (à la différence de La Voix humaine de
Poulenc, par exemple), n'aide pas à la progression dramatique.
Le texte d’Amin Maalouf, qui s'inspire de la vie et des
travaux d'Émilie du Châtelet, est délivré en scansion. Condensé, il utilise
volontiers la répétition. Une impression d'austérité
domine. L'aspect discursif de la pensée se lit en miroir dans un espace musical
ouvert. La mise en scène de François Girard n'élude pas
le risque de monotonie. Elle s'attache à créer des
atmosphères. L'écrin décoratif est un dispositif figurant le cabinet de travail
de l'héroïne, où domine un matériel scientifique d'astronomie, qui se meut
imperceptiblement au fil des épisodes, pour former des
figures éloquentes, tel l'alignement des constellations aux
couleurs suggestives (4e tableau : Rayons). La
performance de Karita Mattila tient du tour de force : l'incandescence de la voix, sollicitée dans un mélange de déclamation calme et
de chant paroxystique tient en haleine ; tout comme sa
puissance que couronnent de formidables échappées vers l'aigu. Usant
de la faconde naturelle qu'elle met au service de Leonore,
Salomé ou Tosca, elle fait vibrer intensément le discours passionné
d'Émilie vis-à-vis de tout ce qui l'entoure. L'orchestre
de l'Opéra de Lyon et son chef Kazushi Ono défendent avec panache la
partition contrastée de Saariaho, qu'elle soit intime ou luminescente, de
par ses couleurs et sa grande souplesse rythmique.
©J.-P.
Maurin
Jean-Pierre Robert.
Créations à Lyon, de Patrick Burgan...
Lyon s'impose comme un carrefour de la création, et
encourage avec un dynamisme salutaire les initiatives dans le domaine de la
musique contemporaine.
Le 9 mars 2010, le tromboniste Fabrice Millischer qui,
voici un an, avait créé en cette même ville le Concerto pour trombone de Jean Guillou, créait un autre Concerto,
de Patrick Burgan cette fois : La chute de Lucifer – d'après un
extrait du Paradis perdu de John Milton – dont la partition sort simultanément chez un
éditeur lyonnais (Symétrie). Les Allemands ont très tôt repéré le jeune
virtuose et favorisé son implantation chez eux ; on se réjouit de voir que
celui-ci réussit à imposer son profil de brillant avocat de la musique
contemporaine (notamment française) de chaque côté du Rhin. Patrick
Burgan [notre photo] lui a écrit « sur mesure » une vaste partition
exploitant tout le spectre de l'instrument ; de surcroît, il a déchaîné
autour de lui une très vivante orchestration qui colore d'une puissance
suggestive le déroulement de ce que le compositeur lui-même décrit plus comme
un poème symphonique que comme un concerto.
©DR
Avec l'art consommé qu'on lui connaît, Patrick Burgan
masque par l'éloquence picturale de son inspiration une magistrale technique
d'écriture qui nous conduit de magmatiques bouillonnements d'agrégats en
contrepoints de couleurs entre des strates instrumentales constamment en
mouvement. Le mouvement central peint les combats entre les anges
rebelles et les troupes célestes, mais c'est aussi une très habile fugue
dodécaphonique, avant le profond dramatisme de la plongée dans l'Abîme.
Une telle écriture permet de déceler toutes les qualités des étudiants
constituant l'orchestre du CNSM de Lyon. On notera le rôle dévolu au
violoncelle solo (tenu ce jour par Clémence Ralincourt), en hommage à une
notable particularité de Fabrice Millischer qui, de la coulisse à l'archet, a
pratiqué parallèlement deux instruments avant d'être propulsé sur le devant de
la scène par ses succès au trombone.
Au même programme, puisque Kaija Saariaho était sous les
feux de l'actualité lyonnaise, figurait Notes on light, dont l'Orchestre
de Paris avait accueilli la création française avec Anssi Kartunen
(violoncelle) sous la direction de Christoph Eschenbach. À Lyon, Anne
Gastinel apportait une vibration, une palpitation de vie pleine d'intentions
réactives à cette partition complexe où des états se meuvent à travers
les prismes en perpétuelle transformation des masses orchestrales.
...et de Kaija Saariaho
En ces journées de mars, l'Opéra de Lyon s'honorait
d'accueillir une création vouée à un rayonnement international. Nos lecteurs
découvriront, dans le n°566 (mai/juin 2010) de L'éducation musicale, l'interview
que nous a accordée Kaija Saariaho, où elle s'exprime sur ses choix
esthétiques, et sur le processus qui l'a conduite à la composition d'Émilie.
Kaija Saariaho ©DR
Confrontée à un défi difficile (comment écrire une musique
d'aujourd'hui sur un sujet à l'implantation historique si affirmée ?
Comment tenir un spectacle scénique sans action et avec une seule voix ?),
elle a laissé libre cours à la sensibilité raffinée qui la conduit à ciseler
avec une spontanéité pleine d'humanité l'expression chantée dans chacune
de ses pièces vocales. Autour de cette voix, qui bénéficie d'une
véritable incarnation d'actrice grâce à Karita Mattila (laquelle surmonte mieux
la diction de notre langue que bien des cantatrices françaises !),
l'ensemble instrumental relativement restreint travaille également dans la
ciselure, ce que la direction tout en finesse de Kazushi Ono accentue.
Mais s'immisce alors une question : le théâtre lyrique appelle-t-il
justement la ciselure ? Ne devons-nous pas nous résoudre au fait qu'il a
souvent procédé par grandes fresques, par éclats de rouge vermillon, voire de
rouge sang (et notre allusion ne sous-entend pas le seul vérisme, même si
Kazushi Ono a récemment dirigé une magnifique Manon Lescaut en ce
même Opéra de Lyon) ? Les subtilités d'écriture déployées par la
compositrice – harmonies micro-tonales, modes de jeu changeants, souple
mobilité rythmique – sont-elles pleinement décelables par un public qui, au
théâtre, est avant tout « récepteur » d'états émotionnels. Ne
relèvent-elles pas plutôt d'une belle pièce de concert ? Que l'on
nous permette une remarque : peut-être une utilisation plus audacieuse de
l'électronique (que l'oreille capte surtout lorsqu'elle dédouble la voix de la
protagoniste et la mêle par transformations à celles des hommes interagissant
avec les souvenirs évoqués) aurait-elle favorisé un décrochage plus onirique
par rapport à l'implantation historique. Le clavecin veut apporter une
connotation « d'époque », microphoniquement amplifiée, et combine ses
crêtes sonores aux touches de percussion, donnant une lumière fort séduisante à
l'orchestration, puisque de lumière il est question dans le travail
scientifique d'Émilie du Châtelet... comme dans les prédilections de Kaija Saariaho
que les éclairages de David Finn rencontrent avantageusement en colorant le
très beau dispositif scénique évocateur d'astronomie, conçu par François Séguin
pour la mise en scène du cinéaste François Girard.
La relecture du livret d'Amin Maalouf, après le spectacle,
nous met sous les yeux d'émouvantes notations féminines, que l'on aime à
reparcourir, mais ses phrases n'ont aucune « coupe » lyrique et sont
dépourvues de cette qualité de « poésie mélique » expérimentée par
Louis Gallet pour Massenet (dans Thaïs). La question d'une
identité moderne pour la librettistique reste à résoudre... Félicitons
enfin l'équipe de l'Opéra de Lyon pour la riche matière fournie dans
l'excellent livret offert aux spectateurs.
Sylviane Falcinelli.
Falstaff au
Théâtre des Champs-Élysées. Comedia lirica en
trois actes (1893) de Giuseppe Verdi (1813-1901), sur un livret de Arrigo Boito
d’après The Merry Wives of Windsor et Henry IV de William Shakespeare. Orchestre national de
France, Chœur du Théâtre des Champs-Élysées, dir. Daniele Gatti. Mario
Martone (mise en scène). Anthony Michaels-Moore (Falstaff), Jean-François
Lapointe (Ford), Paolo Fanale (Fenton), Raul Giménez (Cajus), Anna Caterina
Antonacci (Alice Ford), Chen Reiss (Nanetta), Marie-Nicole Lemieux (Mrs Quickly),
Caitlin Hulcup (Meg Page).
©Alvaro Yanez
Les opéras se suivent et ne se ressemblent pas au Théâtre
des Champs-Élysées, mais la joie persiste. Après la joyeuse Cenerentola de Rossini tout
dernièrement, voici à présent, pour quatre représentations exceptionnelles, le
retour du jubilatoire Falstaff,
donné, en ces lieux, en 2008, dans la même production avec toutefois une
distribution sensiblement différente, à commencer par le rôle-titre, tenu
aujourd’hui par Anthony Michaels-Moore, remplaçant avec bonheur Alessandro
Corbelli. Dernier opéra de Verdi, composé à quatre-vingts ans, sur un
livret comique, créé le 9 février 1893 à La Scala de Milan, qui sonne comme un
clin d’œil du vieux Maestro, mais aussi comme une interrogation sur le sens de
la vie et le temps qui passe.
©Alvaro Yanez
Cette reprise, comme la production initiale de 2008, est
une indiscutable réussite musicale et théâtrale avec une remarquable homogénéité
dans la qualité des voix, qui n’a d’égal que la qualité du jeu des
acteurs : Anthony Michaels-Moore campe un Falstaff drôle et plein d’une
tendresse qui le fait échapper à la caricature, Anna-Caterina Antonacci est une
Alice pétillante, Marie-Nicole Lemieux irrésistible de drôlerie, Jean-François
Lapointe élégant, Chen Reiss admirable dans la reine des fées avec sa voix
limpide et éthérée, et dans son duo avec Paolo Fanale, au très beau timbre bien
qu’un peu limité en puissance. La mise en scène de Mario Martone, qui
transpose l’action au XIXe siècle, ce qui lui confère un surplus de
modernité, fonctionne parfaitement en maintenant le rythme de l’intrigue où
l’action progresse à grandes enjambées avec un jeu d’acteur précis et
foisonnant dans une scénographie assez réussie esthétiquement. En
revanche, la direction musicale de Daniele Gatti, fut plus contestable,
semblant plate et sans allant, alors qu’on l’aurait souhaitée pétillante et
enjouée.
©Alvaro Yanez
Une
reprise ratée de Don Carlo à l’Opéra
Bastille. Don Carlo de Giuseppe Verdi. Opéra en quatre actes (version
de 1884), sur un livret de Joseph Méry & Camille du Locle, d’après le drame
de Schiller. Chœur & Orchestre de l’Opéra de Paris, dir. Carlo
Rizzi. Mise en scène : Graham Vick. Giacomo Prestia
(Filippo II), Stefano Secco (Don Carlo), Ludovic Tézier (Rodrigo),
Victor Von Halem (Il Grande Inquisitore), Sondra Radvanovsky (Elisabetta),
Luciana d’Intino (La Principessa d’Eboli).
©OnP/Frédérique Toulet
Nouvelle reprise de Don
Carlo, à Bastille, dans la mise en scène de Graham Vick, et sans doute une
fois de trop, tant nous avons été déçus par cette dernière prestation, surtout
du fait de la direction musicale de Carlo Rizzi, particulièrement lourde,
menaçant à tout instant de couvrir les voix, obligeant les chanteurs à des
numéros de force, à la limite de la justesse, notamment dans le célèbre duo de
l’amitié du premier acte. Le reste était à l’avenant : une Princesse
Eboli (Luciana d’Intino) à la voix ample et puissante qui manquait
singulièrement d’« allegria » dans sa chanson sarrasine ; seule
Sondra Radvanosky parvenait à faire entendre sa magnifique voix, lumineuse,
parfaitement adaptée au rôle. Il fallut attendre le quatrième acte - peut-être
du fait de la fatigue de Carlo Rizzi - pour retrouver toute la beauté de cet
opéra avec le grand air de Philippe II et le duo avec le Grand
Inquisiteur : Giacomo Prestia, émouvant, Victor Von Halem terrifiant avec
son timbre semblant venu d’un autre monde. Stefano Secco semblait mal à
l’aise vocalement avec des aigus agressifs, Ludovic Tézier, fidèle à lui-même,
chantait mieux qu’il ne joue... seul ; le dernier duo précédant la mort de
Rodrigo apportait une réelle émotion. La mise en scène, également, semble
passer de plus en plus difficilement l’épreuve des différentes reprises, avec
une scénographie assez minimaliste pour l’essentiel et un sous-éclairage
évident. Bref, un constat pour le moins mitigé…
©OnP/Frédérique Toulet
Festival « Voix du printemps » à la
Sorbonne. Vaugham
WILLIAMS : A Sea Symphony. Chœur & Orchestre de Paris-Sorbonne, dir. Johan Farjot. Chef
de chœur : Denis Rouger. Avec Nathalie Manfrino, soprano [notre
photo] et Alain Buet, baryton.
Le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne était comble et le
public très attentif lors du concert inaugural du festival « Voix du printemps », consacré à la
très belle œuvre - monumentale et trop rarement jouée - de Vaugham Williams, la Sea Symphony, composée en 1901, en
hommage aux marins et à la mer, en quatre mouvements, pour chœur, grand
orchestre et solistes. Une interprétation vivante, expressive, engagée,
laissait percevoir tout le plaisir de jouer de ce jeune orchestre semi-professionnel.
Une mention toute particulière pour les magnifiques chœurs, très présents dans
cette œuvre. Un festival à suivre…
©DR
Il Viaggio a Reims au Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg. Dramma giocoso en un acte de Gioacchino Rossini, sur un livret de
Luigi Balocchi. Chanteurs & Orchestre du Théâtre Mariinski, dir.
Mikhail Tatarnikov. Mise en scène : Alain Maratrat. Irma
Gigolaty (Corinna), Elena Tsvetkova (Marchesa Melibea), Olga Pudova (Contessa
di Folleville), Anastasia Kalagina (Madama Cortese), Andrei Ilyushnikov
(Belfiore), Daniil Shtoda (Libenskof), Vadim Kravets (Lord Sidney), Nicolai
Kamensky (Don Profondo), Vladislav Uspensky (Trombonok), Viktor Korotich (Don
Alvaro), Alexei Tanovitski (Don Prudencio), Dmitri Koleushko (Don Luigino),
Elena Sommer (Maddalena), Olga Legkova (Modestina), Timur Abdikeyev (Antonio).
©Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet
Créée au Théâtre Italien, le 19 juin 1825, cette cantate
scénique de Rossini restera la seule œuvre du compositeur destinée à cette
scène, composée à l’occasion du couronnement de Charles X à Reims.
Avec cet ouvrage, Rossini inaugure un genre lyrique peu fréquent,
l’opéra-cabaret, fait d’une succession de sketches individuels ou collectifs, réunis autour d’un livret réduit à sa plus simple
expression. Le genre lyrique prend ici toute sa liberté, où seuls
comptent la musique, le chant et le jeu. Les nécessités conjointes, de
réunir quatorze solistes pour cette partition vocalement très exigeante, et de
maintenir une cohésion tout au long du spectacle, expliquent que cette
composition de Rossini soit peu souvent représenté.
©Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet
La reprise de la coproduction du Châtelet/Mariinski (2004)
dans la mise en scène d’Alain Maratrat réussit à éviter ces deux écueils, en
puisant, d’une part, dans le formidable réservoir de chanteurs que constitue la
troupe du théâtre Mariinski et, d’autre part, en maintenant en permanence
l’attention du spectateur par une mise en scène intelligente, interactive,
faisant participer musiciens, chef et public, utilisant la totalité de l’espace
avec une scénographie réduite. La qualité vocale est homogène et
l’orchestre s’intègre parfaitement dans cette ambiance rossinienne joyeuse et
débridée. Une production à revoir avec plaisir.
©Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet
Nikolaï
RIMSKI-KORSAKOV : La légende de la
cité invisible de Kitège et de la vierge Févronia. Théâtre du Bolchoï de Moscou. Opéra en quatre actes sur
un livret de Vladimir Bielski. Chœur et Orchestre du Théâtre du Bolchoï,
dir. Mikhail Granovsky. Mise en scène : Eimuntas Nekrosius. Petr Mugunov
(Prince Youri), Vitaliy Panfilov (Prince Vsevolod), Tatiana Monogarova
(Févronia), Vitaliy Tarashcenko (Grichka), Andrey Grigoriev (Fyodor), Oksana
Volkova (le Page).
Reprise au « Théâtre du Bolchoï » de Moscou (le
Bolchoï historique étant en rénovation depuis plusieurs années), de la
coproduction russo-canadienne de 2008, une occasion de voir et d’entendre cet
opéra peu connu de Rimski-Korsakov créé au Théâtre Mariinski de
Saint-Pétersbourg, le 20 février 1907. S’inspirant de deux légendes du
XIIIe siècle, toutes deux liées au joug tatar, essayant de réaliser
la synthèse de la mythologie slave préchrétienne et de la foi orthodoxe, le
livret présente un curieux mélange mystico religieux, bien rendu par la mise en
scène avec un décor réaliste et naïf peuplé d’images symboliques comme les
oiseaux prophètes et les cloches. La musique, d’une beauté certaine,
témoigne des différentes influences du compositeur parmi lesquelles l’auditeur reconnaîtra
facilement des accents wagnériens ou moussorgskiens. L’interprétation
orchestrale et vocale ne souffre aucune critique, avec une mention spéciale
pour Petr Mugunov dont le lamento pour basse est un des grands moments de l’ouvrage.
Une œuvre qui mérite assurément d’être écoutée, et, pour ceux qui ne pourront
se rendre à Moscou, signalons la très bonne version de Valery Gergiev
enregistrée en 1994 (Philips : 462 225.2) avec la troupe du Kirov
(aujourd’hui, Théâtre Mariinski).
Richard
WAGNER : L’Or du Rhin. Prologue en quatre scènes à L’Anneau
du Nibelung (1869). Orchestre de l’Opéra national de Paris,
dir. Philippe Jordan. Mise en scène : Günter Krämer. Falk
Struckmann (Wotan), Samuel Youn (Donner), Marcel Reijans (Froh), Kim Begley
(Loge), Peter Sidhom (Alberich), Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Mime), Iain
Paterson (Fasolt), Günther Groissböck (Fafner), Sophie Koch (Fricka), Ann
Petersen (Freia), Qiu Lin Zhang (Erda), Caroline Stein (Woglinde), Daniela
Sindram (Wellgunde), Nicole Piccolomini (Flosshilde).
©OnP/Elisa Haberer
Des dieux « bodybuildés », des géants organisés
en commando révolutionnaire, des filles du Rhin vêtues en danseuse de cabaret,
des nains transformés en forçats de la mine, une mise en scène originale à
grand spectacle, empruntant à la bande dessinée, comportant de nombreux clins
d’œil à des productions antérieures lyriques ou cinématographiques, avec toutefois
un arrière-fond politique marqué et une division affirmée entre des dieux
oisifs et le monde du travail, nains et géants. Une direction d’acteur
dynamique et efficace occupant tout l’espace scénique, une belle et grandiose
scénographie. Une direction musicale de Philippe Jordan élégante, précise
mais un peu froide. Une distribution vocale homogène, de laquelle on
retiendra tout particulièrement les prestations de Sophie Koch, majestueuse, de
Qiu Lin Zhang, à la voix d’une profondeur abyssale, ainsi qu’un excellent Kim
Begley, tantôt clownesque, tantôt prophétique, campant un Loge ambigu et
lucide. Un avis plus réservé concernant le Wotan de Falk Struckmann qui
manque singulièrement de charisme et de présence vocale. Un bilan « globalement
positif » pour ce premier épisode du Ring, de retour à l’Opéra de
Paris. Affaire à suivre…
©OnP/Charles Duprat
Rachmaninov et Tchaïkovski, Salle Pleyel. Orchestre philharmonique de Radio
France, dir. Myung-Whun Chung. Nicholas Angelich, piano.
Dans le cadre de l’année France-Russie 2010, la Salle
Pleyel présentait Nicholas Angelich et Myung-Whun Chung, à la tête de son
orchestre, dans une superbe programmation associant le Troisième Concerto pour piano de Serge Rachmaninov (1873-1943) et
la Quatrième Symphonie de Tchaïkovski
(1840-1893). Une interprétation tout en retenue, intériorisée et élégante
de Nicholas Angelich du périlleux Concerto n°3,
créé en 1909, à New York, par le compositeur, sous la direction de Walter
Damrosch, où virtuosité et mélodie s’entrelacent pour exprimer toute la
nostalgie, la mélancolie et le lyrisme, chers au compositeur, dans une lutte,
parfois furieuse, entre le piano et l’orchestre, parfaitement dirigé par le
chef coréen, totalement à l’écoute. Venait ensuite la 4e Symphonie de
Tchaïkovski, composée en 1877, créée à Moscou le 10 février 1878 sous la
baguette de Nicolaï Rubinstein, dédiée à Nadejda von Meck, véritable symphonie
à programme, hantée par la présence du destin, revenant de façon cyclique pour
empêcher toute aspiration au bonheur. Myung-Whun Chung en donna une interprétation
engagée, alternant tension extrême et limpide douceur grâce à la remarquable réactivité
de l’orchestre et à l’évidente complicité des musiciens. À signaler une
partie de cordes en pizzicatos d’anthologie dans le fantomatique scherzo du 3e mouvement.
Un moment de musique, d’une rare intensité, qui restera dans les mémoires du
public et des musiciens !
©Jean-François Leclerc ©Stéphane de Bourgies
Patrice Imbaud.
Attention : grand
chef !
Le Sacre
du printemps d’Igor Stravinski, œuvre phare du XXe siècle,
n’est pourtant pas la pièce symphonique la plus fréquemment jouée sur les
scènes, encore moins par un orchestre d’opéra. (Son effectif gigantesque
contribuant sans doute à réfréner les enthousiasmes). Et pourtant, en
cette matinée gelée du 7 mars 2010, l’orchestre de l’Opéra de Stuttgart, dirigé
par un Manfred Honeck plus qu’inspiré, offrit aux presque deux mille
spectateurs réunis à la Liederhalle un Sacre à couper le souffle !
Pas une minute d’ennui, un tempo intérieur en perpétuel mouvement, des plans
sonores aux contrastes évidents, une souplesse dans le phrasé où l’on devine
rapidement que le Sacre est avant tout un ballet, une rythmique
impeccable : Manfred Honeck [notre photo] respire chacune de ses phrases
où toute ponctuation devient tremplin d’un discours musical exaltant. Dès
les premières notes de l’œuvre, qui porta au scandale en 1913, le fameux solo
du basson - lyrique, improvisé, libre - avait présagé du meilleur : un Sacre passionnant sous la baguette d’un grand chef.
©DR
Manfred
Honeck, d’origine autrichienne, fut de 2006 à 2008 le chef de la Radio de
Stockholm. Depuis 2007, il dirige celui de l’Opéra de Stuttgart et est 1er chef invité de la Philharmonie tchèque. Espérons l’entendre prochainement
en France !
Programme ce 7 mars 2010 - John Adams : Short Ride in a Fast Machine / Jean
Sibelius : Concerto pour violon (soliste : Henning Kraggerud) / Igor Stravinski : Le Sacre du printemps.
Sylvie Clopet.
Journée des femmes 2010 à la Sorbonne
La Journée des Femmes a été célébrée, le 12 mars dernier,
par un concert donné au Grand Amphithéâtre de la Sorbonne pour honorer
plusieurs compositrices. Organisé grâce à un partenariat entre le
rectorat, le lycée Racine et l’Association Femmes & Musique, il a
donné l’occasion d’entendre le quintette Kazé (jeunes instrumentistes à vent
des CNSM et CNR) et les deux ensembles (Orchestre et Chœurs) de ce lycée à
options musicales, animés par l’investissement majeur des professeurs Dominique
Blazy et Christiane Anselme.
Le programme allait de Fanny Mendelssohn à des créatrices
contemporaines – mettant notamment en valeur Elsa Barraine (1910-1999) [notre
photo], à l’occasion de son centenaire que l’AFM célèbre cette année par des
concerts et la publication d’un ouvrage. Deux œuvres de cette
compositrice, Atmosphère et le quintette Ouvrage de dames,
diverses dans leurs intentions mais exigeant une même rigueur, ont été servies
par l’adresse des instrumentistes. Ils ont mis aussi une implication
ardente à présenter Cantilène et danse rituelle de notre amie Annick
Chartreux, une précise diction dans Cuckoo de Sylvie Unger et leur juvénile dynamisme, bien modelé par Dominique
Blazy, a traduit les remous qui innervent Moments de Graciane
Finzi.
Peut-on espérer qu’il soit tenu compte, après un tel
concert, de l’enthousiasme du public, convaincu par le don heureux des jeunes
et la valeur de leur cadeau ?
©DR
Édith Allouard.
***
Haut
Reprise des Contes d'Hoffmann à l'Opéra Bastille
Une des pièces majeures du
répertoire de l'opéra français nous vient d'un compositeur qui écrivit beaucoup
pour le genre léger. Et pourtant Jacques Offenbach n'a-t-il pas trouvé le ton
juste pour illustrer ces histoires fantastiques, empruntées à la poétique
germanique. La veine mélodique paraît inépuisable. La
mise en scène fort imaginative de Robert Carsen trouve le ciment fondamental
qui unit ces trois contes étranges en une seule et même entité, au royaume de
l'opéra précisément, son théâtre, ses coulisses. Hoffmann n'est-il pas épris d'une chanteuse, Stella, qui s'incarnera en trois
visages successifs : Olympia, Antonia, Giulietta ? Une
belle distribution devrait assurer le succès de cette reprise d'un vrai
spectacle de répertoire. Les 7, 12, 17, 20, 26 et 29 mai, 1er et 3 juin, à
19h30 ; les 9 et 23 mai, à 14h30.
Renseignements : 120, rue de
Lyon, 75012 Paris. Tél. : 0892 89 90 90. www.operadeparis.fr
Une création à l'Opéra Comique : Les
Boulingrin
Pour sa première commande,
l'Opéra Comique s'est tourné vers le compositeur Georges Aperghis. Son
nouvel opus lyrique sera bouffe, puisque d'après la pièce de
Courteline, Les Boulingrin, créée en 1898. Une
histoire de famille qui vire à la démesure paroxystique : pour se
débarrasser d'un pique-assiette espérant couler des
jours heureux chez lui, un couple qui ne se supporte plus, fait rejaillir sur
l'intrus critiques et insultes ; bon moyen de faire
fuir l'escornifleur. La mise en scène, due au
maître de céans, Jérôme Deschamps, dans des décors évolutifs de Laurent
Peduzzi, se promet d'être acerbe et hilarante en diable. Dans
la fosse, le Klangforum de Wien, dirigé par Jean
Deroyer, saura défendre la musique, assurément
suggestive, de l'auteur d’Avis de Tempête. Les 12, 14, 18 et 20
mai, à 20h ; le 16 mai, à 15h.
Renseignements : 1,
place Boieldieu, 75002 Paris. Tél. :
0825 01 01 23. www.opera-comique.com
La trilogie Pouchkine-Tchaïkovski revient à l'affiche lyonnaise.
Une des originalités de la
programmation de l'actuelle direction de l'Opéra de Lyon réside dans ses séries
festivals. Celle consacrée aux trois opéras composés par
Tchaïkovski sur des pièces de Pouchkine - fait unique dans l'histoire du
théâtre lyrique - est une belle réussite. Les
opéras sont en effet confiés à une seule et même équipe
artistique : le metteur en scène Peter Stein et le chef
d'orchestre Kirill Petrenko.
Eugene Oneguine ©Stofleth
Le premier illustre ces pièces
au fort potentiel dramatique sans forcer le trait ou transposer. Non
plus qu'il ne cherche à éluder leur composante conventionnelle. Il la
magnifie au contraire avec une grande économie de moyens, restituant la juste
atmosphère poétique qui séduisit tant le musicien. Le
second joue le texte musical au plus près des intentions de son auteur et avec
un sens aigu de la restitution des climats. La
distribution, essentiellement russe, est des plus prometteuses.
À ne pas manquer, Mazeppa en
particulier, le moins connu de la trilogie, mais non le moins
intéressant.
Mazeppa ©Michel Cavalca
Eugène Onéguine : les 30 avril, 7, 11, 14 et 19 mai,
à 19h30.
Mazeppa : les 29 avril, 6, 13 et 18 mai,
à 19h30
La Dame de Pique : les 2, 9 et 16 mai à 16h ;
4 et 21 mai, à 19h30
Renseignements : 1,
place de la Comédie, 699001 Lyon. Tél. : 0 826 305 325. www.opera-lyon.com
La Calisto au Théâtre des Champs-Élysées
Le vénitien Francesco Cavalli
(1602-1676) n'a sans doute pas acquis la célébrité de Monteverdi.
Et pourtant il fut un des compositeurs les plus appréciés de son
temps. Parmi une importante production opératique, La
Calisto occupe une place de choix. Inspiré
des Métamorphoses d'Ovide, ce dramma per musica narre l’une des frasques amoureuses de l'infatigable Jupiter qui, cette fois,
se fait passer pour une femme afin de mieux approcher celle qu'il
convoite : récitatifs et arias sont accompagnés par le continuo,
l'effectif orchestral complet n'intervenant que pour les ritournelles. La
nouvelle production du Théâtre des Champs-Élysées
se distingue par la direction de Christophe Rousset à la tête de
son Orchestre des Talens lyriques et la mise en scène de Macha
Makeieff. Un plateau vocal de qualité, avec Sophie Karthäuser, dans le rôle-titre, et
Véronique Gens, en Junon, devrait ravir les
puristes et tous les autres. Les 5, 7, 11 et 14 mai à 19h30 ; le 9 mai à 17h.
Renseignements : 15, avenue Montaigne, 75008
Paris. Tél. : 01 49 52 50 50. www.theatrechampselysees.fr
Un événement : Don Quichotte à la Monnaie de Bruxelles
Parmi les œuvres lyriques de Jules Massenet, il en est une qui occupe une place particulière : la
« comédie-héroïque » Don Quichotte est le
type même de l'opéra épique. S'emparant de l'histoire du
Chevalier à la longue figure imaginée par Cervantès, errant avec son fidèle
écuyer Sancho Panza, le compositeur de Werther peint
avec tendresse l'utopie d'un anti-héros, alliant, dans
un savant éclectisme, espagnolade débridée et style arioso français. Alternent épisodes mélancoliques et truculents. Cette
nouvelle production, dirigée par Marc Minkowski, marquera
les adieux à la scène bruxelloise de l'enfant du pays José van Dam, dans
le rôle-titre, après une mirifique carrière de quelque 50
années. Elle sera aussi l'occasion des débuts à
La Monnaie du metteur en scène iconoclaste Laurent Pelly qui, à
n'en pas douter, saura livrer de cette fable chevaleresque
la quintessence, comme en révéler les sous-entendus. Les 4, 5,
6, 7, 8, 11, 12, 14, 18 et 19 mai, à 20h ; les 9 et
16 mai, à 15h. (À noter que José van Dam assurera les représentations
des 4, 6, 8, 11, 14, 16 et 18 mai, et Vincent
Le Texier, les autres).
Maquette de costume, par Laurent Pelly
Renseignements : 4,
rue Léopold, 1000 Bruxelles. Tél. : 00 32
70 23 39 39. www.lamonnaie.be
Jean-Pierre Robert.
Exposition Chopin « La Note
bleue », au Musée de la Vie romantique
En cette année anniversaire,
le Musée de la Vie romantique évoque les années parisiennes de Frédéric Chopin
(1831-1849). Elles ne pouvaient trouver meilleur havre que ce magnifique
hôtel Scheffer-Renan où le compositeur aimait à se rendre pour rencontrer le tout-Paris
intellectuel et artistique : atmosphère choisie qu'appréciaient sans doute
les membres de la « confrérie des romantiques » où se côtoyaient
musiciens, peintres et écrivains. L'exposition réunit quelque 90 œuvres,
peintures, sculptures, dessins, éléments décoratifs, dont beaucoup proviennent
de musées français et étrangers. Elle focalise sur l'indissociable
correspondance existant entre peinture et musique, cette « note bleue » évoquée par George
Sand dans Impressions et souvenirs ou soulignée par Delacroix qui
rappelle combien sons et tons peuvent être complémentaires. Ne parle-t-on
pas, à propos de cette indéfinissable alchimie, de « reflets
auditifs » ?
Frédéric Chopin, par Delacroix ©DR
Chopin arrive à Paris, fin
octobre 1831. Il a 31 ans. Il s'insère vite dans les cercles
mondains où l'on joue de la musique, ces salons qu'il préfère aux salles de
concert. On l'imagine à travers ces magnifiques portraits, celui peint
par l'ami Delacroix bien sûr - accompagné ici de l'ébauche que le peintre en a
laissé - mais aussi celui, moins connu, du portraitiste belge Louis Gallait, où
l'on admire combien l'homme cultivait l'apparence dandy. C'est une place
de choix qu'il tient ici au milieu de ses collègues comme Berlioz et Rossini
dont l'ombre plane sur la vie artistique d'alors. Comme eux, Chopin se
passionne pour l'opéra et s'abreuve aux sinueuses cantilènes belcantistes
prodiguées par les divas adulées, la Pasta, la Malibran, Pauline Viardot - dont
on admire une superbe toile peinte en 1840 par Ary Scheffer. Paris vit
alors un vrai bouillonnement intellectuel, et fait figure de capitale
européenne du romantisme musical.
La Malibran, par Fr. Bouchot ©DR
Comment ne pas être ému aussi
devant ces objets si chargés de mémoire : le magnifique piano Pleyel que
Chopin joua en 1843, ou encore le moulage de sa main, si fragile. La
sonorité de son jeu était, dit-on, douce et confidentielle. Aussi
captait-elle l'auditoire.
Main de Chopin par Auguste Clésinger ©DR
Musée de la Vie romantique / Hôtel
Scheffer-Renan – 16, rue Chaptal, Paris IXe. Tél. :
01 55 31 95 67. www.vie-romantique.paris.fr Jusqu'au
11 juillet 2010 (tous les jours, sauf lundi et jours fériés).
Livre-catalogue : 30 €. [Il est également intéressant de consulter
le site de la Bibliothèque polonaise de Paris (6, quai d'Orléans, Île
Saint-Louis) laquelle organise nombre de manifestations commémoratives :
www.bibliotheque-polonaise-paris-shlp.fr]
Jean-Pierre Robert.
Ces
deux nouveaux enregistrements de Maximianno Cobra sont l’occasion de mieux
faire connaître à nos lecteurs un musicien atypique, au talent incontestable.
Pianiste, chef d’orchestre et compositeur, Maximianno Cobra est né à Rio de
Janeiro en 1969 et débute ses études musicales par le piano à l’âge de cinq ans,
puis, à treize ans, il s’engage sur la voie de l’harmonie et de l’analyse.
À quinze ans, son chemin croise celui du chef d’orchestre, ami de Villa-Lobos,
Alceo Bocchino qui le forme dans les domaines de la direction d’orchestre, de
la fugue, du contrepoint et de la composition. Le jeune musicien devient
ensuite son assistant et l’accompagne durant trois années auprès d’orchestres
et d’opéras brésiliens.
Au
cours de son adolescence, Maximianno Cobra fréquente des master-classes de
théâtre et de philosophie, disciplines qu’il considère comme sa « deuxième
nature ». Philosophiquement et politiquement, il est marqué par les
lectures de Spinoza, Nietzsche, Deleuze et Shakespeare, lequel a provoqué chez
lui un « renversement existentiel ».
En
1989, il débute avec l’Orchestre Philharmonique du Brésil puis, l’année
suivante, arrive en Europe en tant qu’élève invité de l’Académie de Vienne.
C’est en 1992 que ses premiers engagements européens le conduisent à diriger
l’Orchestre Lamoureux à la Salle Pleyel. En 1993, il collabore avec l’Opéra de
l’État hongrois et le Philharmonique de Budapest. Á partir de 1999, il
réalise une vingtaine d’enregistrements audios et vidéos pour le label Hodie.
La même année, il soutient à la Sorbonne sa thèse « les Symphonies de Ludwig van Beethoven : une étude analytique,
critique et historique, en vue d’une nouvelle édition » sous la direction du Professeur Serge
Gut. Son travail a fait l’objet de plusieurs rapports dans des revues de
musicologie. Son parcours musicologique l’a conduit à diriger le Centre
d’Études beethovéniennes de France. Sur l’invitation de Philippe A. Autexier, il devient directeur de
recherches du Centre Mozart. Il a été nommé responsable du Comité
scientifique du groupe de recherches « Les Neuf Sœurs » dont le
projet est la sauvegarde et la publication d’œuvres artistiques en rapport avec
les mouvements philosophiques et humanistes.
Résidant
en France depuis 1993, il se consacre à la composition et, en tant que chef
d’orchestre, à la diffusion de la théorie Tempus. En outre, il a écrit
des scénarios et adaptations pour le théâtre et le cinéma ainsi que des essais
philosophiques et politiques.
Pour
sa symphonie « Ordo ab Chao », Maximianno Cobra utilise un procédé conçu par Hodie
pour la « Tempus Collection », faisant appel à un échantillonnage
100% acoustique. Les samples sont joués par des musiciens de haut niveau sur instruments exceptionnels
(Stradivarius, Steinway, etc.). Comme le souligne le compositeur : « tout enregistrement musical, quel que soit
son procédé, n’est qu’une image figée d’un art vivant, un témoignage
documentaire élémentaire. L’accomplissement de cet art, aussi bien dans le sens
esthétique que dans celui du vécu individuel, ne peut s’accomplir que lors d’un
concert ».
Cette
symphonie, dont les premières esquisses datent de 1987, a fait l’objet de deux
« régénérations » et contient de nombreuses références symboliques.
Son titre est la devise du Rite Écossais Ancien et Accepté, rite pratiqué par
plusieurs obédiences maçonniques. Il s’agit en fait de la
conceptualisation du principe « réunir ce qui épars en nous et entre
nous », trouver notre Centre. Le contenu musical, précise Maximianno
Cobra, est ouvertement syncrétique, fondé sur cinq cents ans de musique
occidentale, mais également inspiré « par l’idéal esthétique de beauté classique
grecque et romaine, telle l’analyse du mythe de l’éternel retour nietzschéen et
les pulsions ré-évolutionnaires de la construction humaine. Ma devise
pour ma quête personnelle de langage et de style est, à ce jour : Tradition,
Transmission, Transition ». La symphonie « Ordo ab Chao » est une œuvre forte aux multiples
références. Les « impressions d’un apprenti maçon » après son
initiation ? Peut-être… mais la musique va beaucoup plus loin.
Elle envoûte, investit l’imaginaire par la puissance de son pouvoir évocateur.
La Sonate op.7 « Initiatiques » est sous-titrée « In memoriam Frère Franz Liszt ». Cette dédicace correspond à
l’abandon par Maximianno Cobra de sa carrière de pianiste en référence à la Sonate en si mineur de Liszt,
véritable monument pianistique de quarante-six minutes dans lequel les thèmes
sont caractérisés comme des personnages. Œuvre cyclique écrite en un seul
mouvement, cette sonate est unique dans la littérature romantique par son
originalité, son inspiration et ses audaces de construction. La Sonate de Liszt a été déterminante pour la genèse de la Sonate « Initiatiques », mais
ce sont aussi les aspects « humain » et « frère maçon » de
Liszt qui transparaissent dans la musique. « Initiatiques » est au pluriel car plusieurs voies sont
possibles pour le futur initié. Dans cette pièce riche de symbolisme,
émerge un sentiment d’intimité témoignant du caractère intransmissible du
secret initiatique. Ici encore, l’auditeur est conquis. Par le jeu
du pianiste, certes, mais également par l’ampleur du langage musical et
l’énergie qui s’en dégage. Ces deux enregistrements sont le témoignage
d’une vie consacrée à l’humanisme et à la recherche intérieure.
Incontestablement une réussite.
_______________
Franz LISZT : Sonate h-moll. Maximianno
COBRA : Sonate op.7 « Initiatiques ». Maximianno Cobra (piano) – « Tempus
Collection » (Masonic Collection) – www.tempuscollection.com - TT :
58’50.
Maximianno COBRA : Symphony « Ordo ab Chao ». Vienna Symphonic Library,
Europa Philharmonia Members, ASRP 192 kHz / 24 bit – « Tempus Collection »
(Masonic Collection) – www.tempuscollection.com - TT : 53’13.
_____________
Sites :
www.tempuscollection.com
www.maximiannocobra.net
www.hodie-world.com
www.lesneufsoeurs.net
Gérard Moindrot
***
PIANO
Nicolas
OBOUHOW : Œuvres pour piano. Lemoine :
HL 28541.
Les éditions Lemoine nous font redécouvrir ce compositeur,
trop peu connu, qui vécut de 1892 à 1954. On lira avec beaucoup d’intérêt la
préface de Jean-Michel Bardez qui édite le recueil. Des fac-similés des
manuscrits permettent de mieux comprendre l’écriture de ce musicien. Un disque
de ces pièces a été réalisé pour le label Sisyphe par Jay Gottlieb. Ce CD
est disponible chez Abeille Musique. Deux partitions d’orchestre de ce
compositeur sont également disponibles aux éditions Lemoine.
Pari BARKESHLI,
Annick CHARTREUX, Bernard DÉSORMIÉRES,
Valérie GUÉRIN-DESCOUTURELLES, Krishna LÉVY, Marc MARDER, Alireza MASHAYEKHI,
Philippe RÉGANA & Manuel ROCHEMAN : AlphaStyles - 23 pièces contemporaines pour piano seul.
Van de Velde : VV289.
Ces vingt-trois
pièces originales, composées tout spécialement pour ce recueil, sont en général
pour un niveau de 2nd cycle. Chaque compositeur fait l’objet
d’une petite notice qui permettra à l’exécutant de mieux comprendre l’univers
propre à chaque œuvre. Un recueil important pour ouvrir les élèves à la
musique de leur temps, tout en se faisant plaisir.
Patrick MANCONE : Pièces
bucoliques pour piano. Combre : C06643.
S’adressant à une
troisième année de second cycle, ces trois courtes pièces aux titres évocateurs
(Les éphémères, Digitales, Essaimage) invitent leurs interprètes à
faire preuve d’autant de virtuosité que de sens musical et poétique.
Christine MARTY-LEJON : Océanides (Mystères et fascinations de la vie océanique), pièce
pour piano. Lafitan : P.L. 1981.
De niveau cycle 2,
cette pièce fort agréable est assortie d’un commentaire de l’auteur qui fournit
les clés de l’interprétation.
David NEYROLLES : Parme. Pièce pour piano solo. Niveau élémentaire. Lafitan :
P.L. 1934.
Cette pièce fait
partie d’une série du même auteur intitulée Les
couleurs du temps. Ce « parme » mélancolique autant que
mélodieux est de la meilleure venue.
Julien PONDÉ : Ballade
de nuit pour piano. Débutant. Lafitan : P.L. 2114.
Vraiment écrite
pour débutant, cette pièce n’en a pas moins de charme. C’est si difficile
d’écrire beau et simple… Pari réussi !
VIOLON
Dans la collection « Bärenreiter’s Easy concertos », éditée par Kurt Sassmannshaus,
voici trois œuvres que tout jeune violoniste a jouées ou jouera. Chaque
recueil contient la partie de violon et la réduction pour piano de
l’accompagnement. On notera tout particulièrement la qualité de ces
réductions.
Friedrich SEITZ : Schülerkonzert n°2 en sol majeur op.13. Bärenreiter :
BA 8972.
Œuvre de la fin du
XIXe siècle, cette pièce comporte une préface donnant de judicieux
conseils de travail et d’interprétation.
Oskar RIEDING : Concerto
en si mineur op.35. Bärenreiter :
BA 8971.
On ne présente pas
cette œuvre, comportant la même judicieuse préface.
Antonio
VIVALDI : Concerto en la mineur op.3 n°6. Bärenreiter :
BA 8974.
Il ne s’agit certes
pas d’une œuvre « d’étude », mais on ne peut que se réjouir de la
trouver dans cette collection réalisée avec tout le soin qu’on connaît chez cet
éditeur. Doigtée et annotée, cette édition comporte également une préface fort
utile pour l’interprétation.
Claude-Henry JOUBERT : Sérénade de chat, pour violon avec accompagnement de piano.
Fin de 1er cycle. Lafitan : P.L. 1977.
Publiée dans la
série « Sérénade », cette pièce offre à la fois une écriture
contemporaine avec des essais d’improvisation simple. Chaque morceau est
écrit avec un accompagnement de piano très facile, écrit sur une portée. Les
trois passages improvisés sont balisés par des consignes destinées à donner
confiance à l’élève dans ses premiers pas dans l’invention.
Christine MARTY-LEJON : Berceuse russe, pour violon & piano. Cycle I.
Lafitan : P.L. 1983.
Évoquant le
folklore, cette berceuse prend, à certains instants, le caractère d’une danse
joyeuse avant d’en revenir à son caractère premier. Très jolie pièce.
VIOLONCELLE
Guy PRINTEMPS : Sonate
pour violoncelle & piano. Combre : C06646.
Ce compositeur à la
carrière éclectique nous offre ici une œuvre exigeante mais écrite dans
l’esprit de toute son œuvre, qui met une forme aboutie au service de l’émotion.
TROMPETTE
Leonello
CAPODAGLIO : Concerto Angelico, pour
trompette & piano. Anne
Fuzeau Productions : 8655.
Ce concerto en trois
courts mouvements d’un compositeur et homme de lettres italien, existe aussi en
version avec orchestre. C’est une œuvre pleine de charme et de vie.
CHANT
Claude PASCAL : Top-model
et Cie. Trois mélodies pour soprano & piano. Combre :
C06641.
Ces trois mélodies
dans l’esprit de Chabrier brossent trois portraits à la fois comiques et
tendres de La Flambeuse, Top-Model et La Diva. Qu’en dire, sinon
qu’auditeurs comme interprètes devraient se régaler avec ces œuvres d’un
toujours jeune compositeur.
MUSIQUE DE CHAMBRE
ET D’ENSEMBLE
Máximo Diego PUJOL : 3 Piezas
marginales pour flûte & guitare. Lemoine : 28650 H.L.
Les trois pièces de ce compositeur argentin bien connu
sont, comme à l’accoutumée, fort intéressantes. De plus, l’alliance
flûte/guitare est particulièrement bien venue. Les duettistes y trouveront
beaucoup de plaisir.
Christine
MARTY-LEJON : Na voda (sur l’eau), pour
flûte traversière, hautbois & piano. Lemoine : 28825 H.L.
Il est bien agréable de trouver une aussi jolie pièce
écrite pour un niveau de deuxième cycle. Cette petite valse au rythme de
berceuse évoque bien cette eau qui « est la vie », selon la citation
de Saint-Exupéry placée en exergue.
Claire VAZART : Libertrio pour violon, violoncelle
& piano. Delatour : DLT 1627.
Ce trio en deux mouvements, précédé d’un solo de
violoncelle, n’est pas des plus faciles. mais d’une écriture très intéressante.
L’Andante cantabile mérite son nom, de même d’ailleurs que le Vivo qui termine
la pièce.
Claire VAZART : 2 Caractères pour ensemble à cordes
débutant. Delatour : DLT 1613.
La première pièce, Oriental
Est, est abordable dès le premier cycle. La deuxième, Nostalgia in New Orleans, s’adresse plutôt à un orchestre de fin de
1er cycle ou début de 2nd. Ces pièces bien toniques
sont également souples d’utilisation : écrites pour quatuor à cordes et
contrebasse, la partie d’alto peut être jouée par des troisièmes violons et
celle de contrebasse par de jeunes violoncellistes.
OPÉRAS POUR ENFANTS
Isabelle
ABOULKER : Marco Polo et la Princesse
de Chine. Livret de Christian EYMERY. Partition piano-chant +
CD. Delatour : DLT 1806.
On connait la verve musicale d’Isabelle Aboulker et ses
réussites dans le domaine de l’opéra pour enfant. Celui-ci tient toutes ses
promesses. Disponible en plusieurs versions (de celle avec orchestre à
celle pour chant et piano), cet opéra - de niveau facile à moyen - comporte
quinze numéros de styles très variés et des intermèdes instrumentaux à utiliser
selon les besoins de la mise en scène. Le CD est un instrument de travail
qui comporte la partie de piano avec doublure de la partie chant, ce qui permet
un apprentissage facile pour une bonne justesse.
Daniel Blackstone.
PIANO
Michael OSTRZYGA : Der singende Wind. 22 kleine Klavierszenen + 1CD.
« Breitkopf Pädagogik », Breitkopf (www.breitkopf.de) : EB 8659. 16 €.
Classées par ordre de progressive difficulté, ces 22
miniatures accompagneront, pour un bon bout de temps, les apprentis pianistes,
tout en les initiant au langage musical de notre temps. On y retrouve
l’influence, en effet, aussi bien des musiques minimalistes que de la technique
des douze sons, que de formes aléatoires incitant à l’improvisation…
Chaque pièce est, en outre, assortie de conseils d’exécution, d’exercices
complémentaires et de stimulantes questions (tout cela, hélas ! en seul
allemand…). Le CD comporte une interprétation de chaque morceau.
Irmhild BEUTLER
& Sylvia Corinna ROSIN : Kraut
& Rüben (« Sens dessus dessous »). Spielbuch 1 für
die Sopran-Blockflöte. « Breitkopf Pädagogik », Breitkopf (www.breitkopf.de) :
EB 8815. 13,50 €.
Plaisamment illustrées par Marlies Walkowiak, brèves et
faciles, ces pièces pour flûte à bec soprano (avec accompagnement ad libitum de piano, d’une seconde
flûte, d’une percussion ou d’une guitare - chiffrages inclus) ont été, bien
sûr, sélectionnées dans une perspective pédagogique, mais n’en pourront pas
moins être exécutées en concert (chansons populaires ou enfantines, canons,
musiques du monde…). D’utiles informations didactiques sont également fournies
avec la partition de piano (mais toujours en seul allemand…).
VIOLON & GUITARE
Éric PÉNICAUD : Stable / Mouvants. Niveau 4.
Les Productions d’Oz, éditeur spécialisé en musique pour guitare classique (www.productionsdoz.com) : DZ 1371. Grand format,
10 p.
Nouveau
titre du très imaginatif guitariste Éric Pénicaud, où il allie, cette fois, son
instrument au violon, dans une pièce certes difficile (de niveau 4) mais
qui, n’en doutons pas, permettra de fructueux échanges (lors, notamment, des successives
improvisations des instrumentistes).
Francis Gérimont
Armin KIRCHER (éd.) : Chorbuch
Kirchenjahr. A-cappella-Repertoire für den Gottesdienst für
gemischten Chor. Stuttgart. Carus (sales@carus-verlag.com) :
2.089. 2009, 176 p. Ce recueil, très bien présenté,
avec 158 pièces judicieusement réunies par A. Kircher et destinées au
service religieux, a été publié pour la 50e Session de musique
d’église tenue à Salzbourg. Cette anthologie pour chœur à 4 voix (SATB)
a cappella reflète le répertoire de base chanté par catholiques et
protestants en langue allemande, occasionnellement latin pour la liturgie
ancienne et anglais pour les Spirituals. Elle regroupe des
générations de musiciens ayant vécu depuis la fin du XVe siècle
(N. Decius, M. Luther), la Réforme (J. Walter,
M. Praetorius), puis H. Schütz, J. H. Schein, J. Crüger
et les français Cl. Goudimel et P. Davantès… ensuite
J. S. Bach, G. F. Haendel, puis F. Schubert,
R. Schumann, M. Reger ; au XXe siècle,
H. Distler (1908-1942)…, jusqu’aux contemporains : Michael Kokot
(°1960)… Les chefs de chœur trouveront des chants variés pour les divers temps
liturgiques, pour des thèmes de circonstance (soir, baptême, mariage, louange,
consolation). Ces chœurs (sur des textes bibliques, des poésies de
P. Gerhardt, D. Bonhöffer), de moyenne difficulté, accessibles à un ensemble
vocal semi-professionnel, sont soit harmonisés à 4 ou 3 voix, en style
homophonique et homosyllabique, soit en contrepoint (avec entrées successives,
quelques notes de passage expressives). Ce recueil destiné à la pratique
cultuelle représente une synthèse chorale dans la longue durée, assurant la
continuité liturgique et mélodique ; il sera très apprécié des chefs de
chœur.
Vissarion
CHÉBALINE : Trois Sonatines op. 12 pour piano. Paris. « 20e siècle »,
Le Chant du monde (jjouvanceau@chantdumonde.com) :
PN4652. 2009. 31 p.
Trois
Sonatines, op. 12, de Vissarion Chébaline (1902-1963), compositeur
russe appartenant à la première génération de musiciens entièrement formés sous
le régime soviétique. L’op. 12, n°1 présente quelques difficultés de
lecture et comporte un mouvement Moderato
e cantabile, une Canzona, une Fughetta. Le n°2, techniquement
plus facile, comprend les formes : Prélude, Aria, Marcia, Rondo (Presto). Le n°3 Sinfonia, Burlesca (de caractère chantant), Meditazione (Largo et
très expressif), Finale (Allegro) se termine fortissimo. La technique pianistique nécessite une solide
indépendance des mains.
Cl. Arrieu,
G. Auric, S. Nigg, E. Barraine, D. Milhaud : Sept Pièces pour piano.
Paris. « 20e siècle », Le Chant du monde (jjouvanceau@chantdumonde.com) :
PN4653. 2010. 19 p.
Claude Arrieu : Sarabande, en style harmonique avec une partie médiane plus
expressive planant sur des accords à la main gauche. Georges Auric : Impromptu en mi majeur, avec de nombreuses altérations ; Impromptu en sol majeur,
plus brillant, de lecture plus aisée. Serge Nigg : Deux Pièces, avec contrastes de tempi et
changements de mesures. Elsa Barraine : Marche du printemps sans amours, avec surabondance
d’altérations. Darius Milhaud : Méditation (dédiée à E. Barraine), avec des oppositions de nuances (f, p, pp).
Karol
BEFFA : Trois Chorals dans le style
de Bach pour piano. Paris. « 21e siècle », Le
Chant du Monde (jjouvanceau@chantdumonde.com) :
PN4651. 2009. 8 p.
La collection « 21e siècle » est inaugurée par Trois
chorals dans le style de Bach de Karol Beffa (°1973), pianiste et
compositeur français titulaire de sept Prix du CNSM, mais aussi
statisticien. Le premier est très orné, avec une immuable basse en
croches. Le deuxième nécessite un jeu égal (triolets de doubles croches) à la
main droite. Le troisième, à 6/8, aux rythmes bien marqués, exige une
interprétation qui ne semble pas aussi simple qu’au premier abord. (Au
fait, pourquoi l’appellation : Chorals ?)
Ces trois volumes sont très bien gravés,
aérés, avec indications des mouvements et des nuances.
Édith Weber
***
Olivier BELLAMY : Martha Argerich. L'enfant et les sortilèges. « Musique », Buchet/Chastel,
2010. 288 p. 23 €.
Enfin une biographie en français de celle qui, au panthéon du piano, fait figure de génie et en même temps d'énigme. C'est que Martha Argerich ne se laisse pas facilement apprivoiser.
Elle est insaisissable. Le grand mérite
d’Olivier Bellamy est d'avoir
réussi à lever le secret, le mystère presque, qui entoure cette artiste
fantasque, mais aussi timide. Son
parcours n'est-il pas en
soi un conte : des
débuts fulgurants, des rencontres providentielles - Gulda qui n’eut qu'elle pour élève - des rendez-vous arrachés, souvent grâce à une mère
tenace, avec les plus grands, Michelangeli, Horowitz. Il y a quelque chose de déconcertant chez Argerich qui professe ne
jamais signer de contrat, entretient jusqu'à la dernière heure le suspense de
ses apparitions, aime à s'éparpiller en mille projets qui fascineront plus d'un
confrère, donne l'impression de ne pas y croire, au point de renoncer un beau
jour à se produire en soliste. Ce
qui motive par dessus tout cette vraie musicienne, c'est le plaisir de partager
la musique, car elle possède « ce don de caméléon qui lui permet de se
fondre dans l'univers de l'autre ». L'y
aident sa spontanéité et l'insolente facilité d'un « tempérament farouche
et indomptable ». Les festivals conçus pour elle, Beppu au Japon, Lugano plus près de nous, Buenos Aires, toutes ces
soirées passées auprès de jeunes instrumentistes qu'elle révèle et protège sont là pour témoigner de la force de son engagement et de l'aura qui
désormais entoure tout ce qu'elle approche. Anecdotes piquantes, secrets dévoilés, pourtant bien enfouis, révélations
étonnantes à l'aune d'une personnalité hors norme, pimentent un récit qui se
lit aisément, alors qu'on y croise bien d'autres destinées, élites du clavier, Bishop, Beroff, Freire et autres
talents : Maisky,
Kremer, Abbado… L'illustre pianiste s'assagirait-elle ? Rien n'est moins
sûr.
Jacques VIRET : Le B.A.-Ba Opéra. Éditions Pardès,
2009. 127 p. 12 €.
Voilà un ouvrage qui, malgré sa modeste pagination, réussit le tour de force d'être à la fois concis et
exhaustif. Comment s'initier au monde spécifique de l'opéra, réputé complexe ? En alliant réflexion à information, Jacques Viret nous fait toucher du doigt l'essentiel de cet art qu'on
dit, à tort, réservé aux
initiés : dans
l'opéra, la musique « dévoile, au-delà des mots, la
vérité, l'essence, la profondeur des êtres ». Plus qu'à retracer une histoire linéaire de l'art lyrique, l'auteur s'attache à livrer des pistes de réflexion
transversales, en forme de décryptage du message que cèlent les scénarios
d'opéra, et d'analyse de la destinée d'hommes et de femmes, souvent hors du
commun, voire touchant au mythe. Surtout, il révèle les troublantes similitudes non seulement existant entre
musique et littérature, mais encore unissant des œuvres qu'on n'associe pas forcément entre elles. L'approche, érudite, dépasse sans doute l'objectif d'offre basique
qu'affiche le titre du livre, car elle se veut bien plus ambitieuse, à la
recherche du signifiant.
Qui s'en plaindrait ? Un synopsis simplifié d'une centaine de livrets sera utile pour se
préparer à la représentation. Juste un regret : que Janáček ne soit représenté que par Jenůfa, et Britten par le seul Peter Grimes ! Deux auteurs pourtant fort prisés, ces temps. Un petit dictionnaire
de mots clés, une bibliographie et un listing de sites Internet complètent ce livre décidément brillant.
Jean-Pierre Robert.
Bernard FAUCONNIER : Beethoven. « Folio
Biographies », Gallimard, 2010. 18 x 11 cm.
288 p., ill. couleurs. 5,80 €.
Une nouvelle biographie du grand Ludwig… une de plus
direz-vous ? Certes, mais Bernard Fauconnier sait captiver le
lecteur. Cette vie de Beethoven se lit comme un roman. S’exprimant dans
un style souple et agréable, l’auteur manie également l’humour comme les
références à des faits ou des personnages contemporains. Il nous plonge
dans l’univers du compositeur, ses cadres de vie, le quotidien de son époque,
les événements politiques. Enfin, il nous fait découvrir des œuvres
méconnues : qui connaît par exemple L’éloge
de l’obèse ! Mais surtout, Beethoven apparaît profondément
humain, loin des clichés habituels, avec ses qualités, ses travers, ses
malheurs et ses joies. Au fil des pages, il devient notre ami…
Pascale
FAUTRIER : Chopin. « Folio Biographies »,
Gallimard, 2010. 18 x 11 cm. 464 p.,
ill. couleurs. 8,27 €.
En cette année Chopin, cette nouvelle biographie est la
bienvenue. Pascale Fautrier ouvre au lecteur un monde passionnant à
l’écart des stéréotypes malheureusement florissants sur l’époque
romantique. Chopin apparaît comme le témoin de son temps, s’exprimant
avec une énergie puissante et créatrice. En filigrane, l’auteur nous fait
revivre les malheurs et les angoisses du peuple polonais ou nous plonge dans
les tourbillons de la vie parisienne de la monarchie de Juillet. Au fil
des pages, se découvre un Chopin novateur, humaniste, proche du peuple, ouvert
aux problèmes de son temps, mais aussi se questionnant sur lui-même, sa
famille, ses origines. Enfin, des liens sont établis entre les œuvres et
l’homme, son quotidien, ses interrogations, éclairant parfois la musique d’une
lumière nouvelle.
Gérard Moindrot
Yves KRUMENACHER (dir.) : Lyon
1562, capitale protestante. Lyon, Olivétan (www.editions-olivetan.fr),
2009. 333 p. 25 €.
Ce catalogue permet - aux lecteurs
et visiteurs - de mieux cerner l’histoire, la vie quotidienne (atelier
d’imprimerie, Hôtel-Dieu, réunion du Collège consulaire) et les activités des
humanistes, imprimeurs et musiciens à Lyon. En 1542, l’érudit Étienne
Dolet y avait réalisé les deux premières éditions de paraphrases de psaumes par
Clément Marot. Après la mort de ce dernier, Théodore de Bèze prendra la
relève et les 150 paraphrases de psaumes pourront paraître dès 1562, grâce à
l’essor de l’imprimerie. Les musicologues seront intéressés par le
chapitre V : « Les psaumes et leurs harmonisations à Lyon au XVIe siècle » où Claude Goudimel a été victime des massacres de la Saint-Barthélemy
lyonnaise, peut-être le 28 (août ?) 1572. Grâce à
Y. Krumenacher, cet ouvrage - avec chronologie, liste des pasteurs de Lyon (minutieusement
élaborée), éléments de bibliographie, glossaire, remarquables
documents iconographiques) - facilitera la compréhension de l’histoire de Lyon
et complètera l’histoire des villes abordée actuellement par de nombreux
historiens.
Blut
und Geist (Blood & Spirit) : Bach, Mendelssohn und
ihre Musik im Dritten Reich. Eisenach, Bachhaus (www.bachhaus.de), 2009. 59 p.
Ce catalogue de l’exposition (début
2010, Maison Bach à Eisenach), à l’initiative de son directeur, le Dr Hansen,
est particulièrement instructif, tant par son excellent apport iconographique
que par les divers contextes. Le bicentenaire de la naissance de Mendelssohn
(2009) ayant tant contribué dès 1829 à la relance de Bach et, en même temps, le
4e Festival international « Voix étouffées » et Colloque
« La musique spirituelle dans la tourmente nazie » (29-30 janvier
2010, à Paris : Grande Synagogue de la Victoire & Église réformée de l’Oratoire
du Louvre) : deux manifestations complémentaires qui rappellent que, sous
le IIIe Reich, de nombreux musiciens juifs et étrangers ont été
persécutés (d’où le titre : Sang et Esprit) et interdits de
concerts (même F. Mendelssohn, pourtant converti au luthéranisme).
Au fil des pages de cette publication très bien présentée, à côté de
l’évocation de l’environnement idéologique national-socialiste, les nombreuses
illustrations réalistes et originales, les lettres et documents significatifs
sont assez éloquents pour dénoncer l’horreur et la honte de cette doctrine.
Devoir de mémoire oblige.
Édith Weber.
François
COUPERIN : Portrait d’Iris.
Suites pour viole de gambe et pièces de clavecin. Emmanuelle Guigues,
viole. Bruno Procopio, clavecin. Paraty (www.paraty.fr) : 409.212. TT : 67’34.
Au travers de ce Portrait
d’Iris, Emmanuelle Guigues et Bruno Procopio - auxquels s’associent Sylvia
Abramowicz à la viole et Rémi Cassaigne au théorbe & à la guitare baroque -
donnent à entendre différentes facettes de l’œuvre d’un compositeur qui voyait
la musique comme la peinture de son monde intérieur. Une très belle
interprétation qui réjouira tous les amateurs de musique baroque.
Alfred
CORTOT : Aspects de Chopin. Albin Michel, 2010. 280 p. 20€.
Nouvelle édition, à l’occasion du bicentenaire de la
naissance de Frédéric Chopin (1810-1849) du livre d’Alfred Cortot, dont
l’édition originale date de 1949. Cette réédition comporte, de plus, une
préface inédite de la pianiste Hélène Grimaud et un guide discographique de
Bertrand Dermoncourt. Un livre attachant, bien écrit, où transparaissent,
tout du long, la profonde tendresse et l’immense admiration de l’élève pour le
maître. Bien plus qu’une simple biographie, cet ouvrage explore les
différentes facettes de l’homme et du compositeur. Tout d’abord le
portrait, romantique bien sûr, d’un Chopin ressemblant à sa musique, pourvu
« d’un grand nez et d’un 4e doigt insuffisamment
docile » mais d’une main procédant d’une étonnante conjonction entre souplesse
des doigts et fermeté de l’ossature, expliquant un exceptionnel toucher.
Sont ensuite abordés l’œuvre de Chopin, son enseignement, ses concerts, et
surtout une longue étude psychologique évoquant, tour à tour l’enfance, le
milieu familial, l’exil, les relations artistiques, les amours et, bien sûr, la
prévisible rupture avec George Sand. Un émouvant hommage et, à ce titre,
non exempt d’une compréhensible partialité.
Xavier
VEZZOLI : Frédéric Chopin, George
Sand. De la rupture aux souvenirs. ZurfluH, 2010. 120 p.
10 €.
Deux personnalités hors du commun, deux génies de la
littérature et de la musique, une liaison douloureuse et passionnée, emblématique
de toute une époque… Était-il nécessaire de regarder l’histoire par le petit
bout de la lorgnette ? Pour ceux que cela intéresse, une exégèse de cette
rupture, assez contestable et de guère d’intérêt.
Dmitri
KOURLIANDSKI : La musique objective.
« À la ligne », collection éditée par l’Ensemble 2e2m. 2010.
Édition bilingue, français/anglais (traduit du russe). 130 p. 10 €.
Livre intéressant où le jeune compositeur russe Dmitri
Kourliandski, actuellement en résidence auprès de l’Ensemble 2e2m, précise son
univers et son imaginaire compositionnel en s’inscrivant délibérément dans la postmodernité
où la musique, plongée dans l’immanence absolue, devient geste sonore et où
l’artiste est sa propre œuvre d’art. Nourri des différentes influences du
sérialisme intégral, de l’improvisation ouverte, du conceptualisme, du
bruitisme, du constructivisme et du cadre musical classique, Dmitri
Kourliandski définit la notion de musique
objective, née d’objets cinétiques où le son devient conséquence de
mouvements mécaniques, telle une musique dépouillée de toute subjectivité de
l’auteur et de l’interprète, posant ainsi les questions de la projection
acoustique de l’objet, des rapports entre perception visuelle et perception
sonore, de la désubjectivation de l’interprétation, mettant l’accent sur
l’aspect physiologique de l’exécution et sur l’absence de contrôle du son.
Seules comptent, ici, les conditions physiques du jaillissement de la sonorité.
Avec un catalogue des œuvres de Dmitri Kourliandski qui permettra de se faire
une idée (objective !) de telles conceptions.
Sandrine
DARSEL : De la musique aux émotions. Une exploration philosophique. « AEsthetica », Presses
universitaires de Rennes, 2009. 285 p. 15€.
Livre exigeant et complexe dont la lecture est recommandée
à ceux qui s’intéressent à la philosophie de la musique. Son but est de
préciser et de comprendre les rapports existant entre la musique et les
émotions - émotions exprimées par l’œuvre et émotions ressenties à son écoute -
par une analyse ontologique et épistémologique, voire métaphysique qui s’oppose
à la phénoménologie et à l’orthodoxie de l’esthétique kantienne.
Dans la première partie, l’auteur définit l’œuvre musicale
en se basant sur une métaphysique descriptive et non révisionniste de la
musique : l’ontologie des œuvres musicales relève d’une ontologie
populaire, laquelle porte sur nos croyances quotidiennes au sujet des œuvres
musicales. La conception défendue insiste sur la matérialité de l’œuvre
musicale, son statut physique et public - qui la différencie des autres
conceptions mentaliste, platoniste ou nominaliste – elle tente d’expliquer la
multiplicité des formes musicales dans une conception unifiée, la perception
intuitive que nous avons de la création de l’œuvre musicale, l’histoire de sa
production et son accès épistémologique par la perception auditive. La
nature spécifique de l’œuvre étant clarifiée, l’étude des rapports musique
& émotions devient possible.
La deuxième partie traite de l’expression musicale des
émotions, comprise comme forme de
symbolisation – l’exemplification métaphorique - laquelle se distingue à la
fois de la description et de la représentation, tout en supposant un rapport
direct entre l’œuvre musicale et l’émotion.
La troisième partie aborde la compréhension musicale et le
rôle épistémologique des émotions de l’auditeur. En faisant de la compréhension musicale un type de perception
aspectuelle, l’opposition entre émotionnel et cognitif s’abolit, les émotions
constituent un mode propre de compréhension de la musique mettant au second plan
l’interprétation musicale.
Ce livre conclut sur la proposition d’une alternative
entre les conceptions récusant tout rapport entre musique & émotion et
celles basant ce rapport exclusivement via l’expérience individuelle de
l’auditeur ou du compositeur, en même temps qu’il contribue à rendre justice à
la philosophie de la musique et de l’art en général.
Michel
MAFFESOLI : Matrimonium. Petit
traité d’écosophie. CNRS Éditions (www.cnrseditions.fr). 2010. 79 p. 4€.
Un livre qui nous propose de passer du progrès, avec sa
capacité destructrice aujourd’hui démontrée, au progressif, par une « invagination »
du sens, un télescopage temporel, une pensée-souvenir permettant de mettre en
œuvre un nouveau discours de la méthode réinvestissant les archaïsmes, comme la
nature, que nous pensions avoir dépassés. Retour à l’essentielle nature
des choses, acceptation de la finitude, refus d’une vaine espérance venue des
arrière-mondes, acceptation du clair-obscur de l’existence, accordance à l’être
du monde en sa réalité multiple, complétude plutôt que perfection, retour de la
puissance sauvage, Dionysos supplantant Prométhée, immanence et non
transcendance, valorisation des émotions et des relations à l’autre,
l’expérience individuelle ne prenant sens qu’en accord avec celle de l’espèce
et de la nature, favoriser le laisser-être, l’éthique à la morale, mise en
accusation du devoir-être et de la raison kantienne, procès de la modernité et
de toutes ses déviances économiques, politiques et culturelles - voilà
l’argumentaire qui fixera les fondements de la sensibilité écologique et de la
postmodernité triomphante. Une écosophie difficile à théoriser, qui
préconise un retour au rien fondateur, au creux matriciel, bien différente de
l’écologie politique actuelle, en faisant appel à une logique conjonctive,
teintée d’idéalisme. Un livre bref, de lecture facile, mais sans doute un
peu caricatural.
Patrice Imbaud
Philippe A. AUTEXIER : Beethoven. La force de l’absolu.
« Découvertes Gallimard » (www.decouvertes-gallimard.fr),
série Arts n°106, nouvelle édition. 12,5 x 18 cm, 128 p., ill.
n&b et couleurs. 13 €.
Assurée par Marcel Marnat, cette réédition de la célèbre
biographie – admirablement synthétique – de notre regretté collaborateur
Philippe A. Autexier répond aux instances de nombreux universitaires,
étudiants et mélomanes. Outre un parcours émaillé de superbes illustrations
– à l’ordinaire de la collection -, ont été ici rassemblés quelque 130
documents particulièrement éclairants : portraits des maîtres de Beethoven,
de ses protecteurs (princes Lichnowski et Esterházy), de ses amies bien-aimées
(Bettina Brentano, notamment), fac-similés de partitions manuscrites et de
lettres (« Testament d’Heiligenstadt », « Lettre à l’immortelle
bien-aimée »)…
Frédéric
CHOPIN : Esquisses pour une Méthode
de piano. Textes réunis & présentés par Jean-Jacques Eigeldinger.
2e édition. « Harmoniques », Flammarion.
15 x 24 cm, 142 p., fac-similés, ex. mus., deux cahiers de
fac-similés. 21 €.
Jean-Jacques Eigeldinger a ici rassemblé et décrypté les
diverses notes manuscrites que Chopin avait rédigées (en français) en vue d’une
future Méthode de piano qui, de par
la mort du compositeur, ne vit jamais le jour. C’est dire l’intérêt, proprement
historique, d’une telle publication. Autant le compositeur répugnait à se
produire en public – sinon dans des salons amis -, autant il aima enseigner à de
toutes jeunes femmes - du meilleur monde, naturellement. À ces Esquisses (manuscrit Cortot avec interpolations
d’autres sources), assorties de Deux
exercices de transposition, sont joints le Traité du mécanisme du piano du Norvégien Thomas Tellefsen (1823-1874),
l’un des rares élèves de Chopin à devenir professionnel, des documents
pédagogiques complémentaires - de Karol Mikuli (1879), Jan Kleczyński
(1880) et Cecylia Dzialysńka (1892) - ainsi qu’une bibliographie, fort utilement
mise à jour en 2010.
Sylvia KAHAN : In Search of New Scales : Prince Edmond de Polignac, Octatonic Explorer.
« Eastman Studies in Music », vol. 63. University of
Rochester Press (www.urpress.com). Hard back. 16 x
23,5 cm, 392 p., ill. n&b, ex. mus. £40.00 / $75.00
Établie par un professeur de l’Université de New York,
cette biographie du prince Edmond de Polignac (1834-1901) nous révèle un fin
musicien, compositeur à ses heures - et, surtout, inventeur de la méthode
octatonique, laquelle se fonde sur des échelles faisant systématiquement alterner
tons et demi-tons. Principe non moins « intellectuel » que celui
de la gamme par tons ou de la série dodécaphonique – mais qui n’aura pas eu
l’heur de connaître la même postérité… Peinture, en outre, admirablement
circonstanciée de toute une brillante société gravitant autour d’un grand aristocrate
richissime, se pressant à ses concerts et réceptions. En témoignent plusieurs
photos incluses dans le présent volume, où l’on peut notamment reconnaître
Marcel Proust, Gabriel Fauré… La seconde partie de l’ouvrage comporte
l’intégrale (traduite en anglais) du Traité
octatonique d’Edmond de Polignac - propos illustré d’innombrables exemples
musicaux.
Jean-Yves
BOSSEUR : De vive voix.
Dialogues sur les musiques contemporaines. « Musique ouverte »,
Minerve (www.editionsminerve.com).
15,5 x23 cm, 222 p., 21 €.
Il s’agit là d’un passionnant florilège d’entretiens avec
quelques-unes des personnalités les plus déterminantes de la musique - des
années 1960 à nos jours : Boulez, Brown, Cage, Carter, Dutilleux, Feldman,
Henry, Kagel, Lutoslawski, Maderna, Penderecki, Pousseur, Schaeffer,
Stockhausen, Takemitsu, Wolff, Xenakis. Où sont naturellement
évoqués : l’héritage du sérialisme, l’électroacoustique, le spectralisme,
poétique de l’indétermination & formes ouvertes, l’avènement du théâtre
musical - sans faire l’impasse sur les pérennités (à tout le moins diverses…)
des théories nées au début de la seconde moitié du XXe siècle.
Nicolas DARBON (Sous
la direction de) : Henri
Dutilleux. Entre le cristal et la nuée. CDMC (www.cdmc.asso.fr). 20 x
25 cm, 164 p., tableaux, ex. mus. 12 €.
« Pourquoi les
chefs-d’œuvre de Dutilleux nous étreignent-ils ? Ce n’est pas parce
qu’ils sont les fruits patients d’une minutie légendaire. Mais bien
plutôt parce qu’ils sont genèses informes de formes… » écrit Nicolas
Darbon. C’est à illustrer ce propos que s’attachent ici une vingtaine d’éminents
contributeurs. Et ce, au fil de six grandes parties : Miroirs/
Métamorphoses/ Correspondances/ Introspections/ Résonances/ Témoignages.
Riches annexes : liste des œuvres, indications bibliographiques, sélection
discographique, filmographie. Un nouveau monument – et non l’un des
moindres – à la gloire anthume du grand Dutilleux.
François
MEÏMOUN : Entretien avec Pierre
Boulez. La naissance d’un compositeur. « Musiques du XXe siècle », Aedam Musicae (www.musicae.fr).
14 x 20 cm, 84 p. 9,90 €.
C’est sur la jeunesse & la formation de Pierre Boulez
que porte cet entretien, seules périodes point encore trop rebattues - que ce
fût par le compositeur lui-même ou les foules exégétiques… Naissance à
Montbrisson en 1925 ; venue à Paris en septembre 1943 ; études au
Conservatoire avec divers professeurs « académiques » puis avec Messiaen
(découverte du gamelan balinais, fréquentation du Musée de l’Homme) ; suit
brièvement des cours auprès de René Leibowitz (qu’il ne porta jamais dans son
cœur). Mais aussi influences littéraires : d’Antonin Artaud et de
René Char, notamment… Quatre grands chapitres : La découverte de la
musique & les premiers apprentissages / Se soustraire aux
héritages / Vers les autres arts pour la définition d’un style /
Regards & points de vue sur quelques personnalités en marge du monde
musical de l’après-guerre. Foin des anathèmes d’antan : le ton est
ici d’une bien agréable et toute nouvelle indulgente simplicité... Bibliographie
sélective.
Michel CHION : La musique concrète, art des sons fixés.
« Entre-deux » n°7, Mômeludies éditions/CFMI de Lyon (www.cfmi-lyon.fr). 14 x
18 cm, 160 p., 18 €.
L’auteur (www.michelchion.com),
réputé spécialiste du son & de la musique au cinéma, redéfinit ici la
musique concrète (terme créé en 1948 par Pierre Schaeffer) comme une musique
faite à même le son – sans passer par une quelconque écriture -, non moins que
comme un objet sonore n’existant que sur son seul support
d’enregistrement. Fort classique étude certes, mais ici assortie d’une très
intéressante annexe où Michel Chion nous dévoile nombre de techniques
« analogiques », procédés de travail voire « trucs »
propres à chaque compositeur de musique concrète.
Maya BACACHE, Marc
BOURREAU, Michel GENSOLLEN & François MOREAU : Les musiciens dans la révolution numérique. Inquiétude et
enthousiasme. Irma (www.irma.asso.fr).
15 x 20 cm, 128 p., 79 tableaux, 10 €.
Rédigée par quatre économistes et chercheurs, éminents
spécialistes de l’industrie musicale, cette étude fait le point sur la
situation présente des filières numériques, la typologie des artistes &
musiciens interprètes (interviews de membres de l’AMI), de ceux d’entre eux qui
utilisent Internet, qui produisent de la musique numérique et de leurs
réactions face à cette révolution. Sont aussi abordés les problèmes posés
par le home-studio, les rapports avec les publics, le piratage et les possibles
parades pour assurer les futurs financements de la création. Car - il ne
faut plus se leurrer - si la musique est avant tout un art, elle est aussi une
industrie qui, désormais, tend inexorablement à dématérialiser ses productions.
_______________
Voilà bientôt vingt ans que nous a quittés Lucien Ginsburg
- alias Serge Gainsbourg voire Gainsbarre. Anniversaire que n’ont certes
pas oublié nombre d’éditeurs. Voici deux remarquables publications.
Serge Gainsbourg (1928-1991). Ouvrage collectif. « Beaux
livres », Timée éditions (www.timee-editions.com). 20 x 25 cm, 140 p., ill. n&b
et couleurs. 19 €.
Ponctués de photos exceptionnelles, 50 brefs récits retracent
l’itinéraire d’un artiste protéiforme, poète né, provocateur par timidité, qui
aura choisi la chanson par dépit de n’être pas le peintre qu’il aurait voulu.
Où trouvent, bien sûr, leur place l’alcool, les Gitanes et, surtout, les femmes
que ce séducteur foncièrement misogyne aura chanté mieux que personne.
Serge Gainsbourg photographié par Tony
Frank. Avec la participation
de Jane Birkin, Bambou & Charlotte Gainsbourg. Le Seuil (www.editionsduseuil.fr). Album relié sous jaquette. 23 x
28 cm, 35 €.
Grand album de photos, pour la plupart inédites, d’un Serge
Gainsbourg rien moins que people - dans
sa plus émouvante quotidienneté. Une somptueuse publication, un hommage inoubliable !
Aujourd’hui menacée par la montée en puissance de
l’anglais – hélas plutôt d’aéroport que de Shakespeare -, la langue française a,
non moins que par le passé, de vaillants hérauts et défenseurs.
ARNAULD
& LANCELOT : Grammaire générale
et raisonnée. Présentation de Jean-Marc Mandosio. Allia (www.alliaeditions.com). 11,5 x 18,5 cm, 160 p.,
9 €.
Connu sous le nom de « Grammaire de
Port-Royal », cet ouvrage, co-signé par le grammairien Claude Lancelot
(1615-1695) et le philosophe janséniste, ami de Pascal, Antoine Arnauld
(1612-1694), fit grand bruit lors de sa parution en 1660. Il comprend,
notamment : « Les fondements de l’art de parler, expliqués d’une
manière claire et naturelle ; les raisons de ce qui est commun à toutes
les langues, et des principales différences qui s’y rencontrent »,
etc. Plus que jamais d’actualité, cette Grammaire comporte deux grandes parties : « Où il est
parlé des lettres et des caractères de l’écriture » (6 chapitres) et
« Où il est parlé des principes et des raisons sur lesquelles sont
appuyées les diverses formes de la signification des mots » (24
chapitres). Utile index. Un formidable bain de jouvence !
Alain
REY : Le français, une langue qui
défie les siècles. « Découvertes Gallimard » (www.decouvertes-gallimard.fr). 12,5 x 18 cm, 160 p., ill. n&b
et couleurs. 14,60 €.
Avec sa bonhomie coutumière, le très médiatique
lexicographe sait, comme personne, communiquer son amour de la langue française.
Sur fond de latin et de traces de celtique, il nous montre comment le français
aura pu se construire grâce à mille apports étrangers (fruits d’invasions,
d’influences, de métissages, de révolutions permanentes) : le francique,
l’ancien norrois, l’italien, l’espagnol, l’arabe, l’anglais… Démonstration
étayée de quelque 150 documents (passionnante iconographie).
Gérard de
CORTANZE : Passion de la langue
française. Desclée de Brouwer (www.laprocure.com). 14 x 21 cm, 236 p., 19 €.
« J’ai une
patrie : la langue française » disait Albert Camus. En ces
temps de quête d’identité, la formule gagne certes en pertinence. Gérard
de Cortanze a ici réuni et nous présente un florilège de 33 grands textes sur
la langue française, non sans s’insurger contre ceux qui la galvaudent – dans notamment
l’anathème qu’ils jettent sur l’orthographe. Autour de cinq grands thèmes :
« De l’histoire, Du style, Du combat, De la langue, De la
francophonie » ont été rassemblés des textes de Dauzat, Cheng, du Bellay,
Queneau, Imbert, Carrère d’Encausse, Étiemble, Cioran, Kristeva, Sédar Senghor,
Rivarol, Vaugelas, Renan, Valéry… « Sous
peine de danger mortel, [la langue française] se doit de viser haut et de se tenir droite » nous met en
garde l’auteur.
Francis Cousté.
POUR LES PLUS JEUNES
La vie comme un cadeau. Berceuses et chansons pour s’éveiller à la vie & à la foi.
[Cahier oblong + CD encarté : CD 1281. TT : 46’45]. VDE-Gallo,
La Cure, rue du Four 2 – CH-1410 Denezy (info@vdegallo.ch).
Cette réalisation originale se
présente sous la forme d’un livre d’images avec des dessins pleins d’allant et
suggestifs d’Amélie Rochat (Lilypad, de son nom d’artiste), des récits et des
titres simples à la portée des enfants de 1 à 6 ans. Parents et
animateurs apprécieront ces petites histoires, poèmes rimés, chansons avec
refrain faciles à retenir par cœur, d’autant plus que le CD comprend une
sélection de berceuses et chansons. Il est agrémenté par des coloris
instrumentaux variés (petite harpe celtique, flûte de Pan…) et les couleurs
vives dans le texte. Parmi les auteurs (paroles et musique), figurent
Mannick et Jo Akepsimas, Jean-Noël et Pierre Klinger, ou encore Cécile Klinger.
Les thèmes sont variés : fleurs, prénoms, amour familial, nature, jeu de
ballon, magie de l’arc-en-ciel, neige, Noël, Pâques, printemps… : une
réussite du genre par son aspect didactique, ses dessins contagieux.
Vraiment de quoi « éveiller les enfants à la vie ».
Édith Weber.
Haut
Surrexit Christus. Vêpres et procession de Pâques à Notre-Dame
de Paris au XIIIe siècle. Hortus (editionshortus@wanadoo.fr) : 073.
Ce disque,
réalisé à l’initiative des éditions Hortus, de Didier Maes et du musée de
Cluny-Musée national du Moyen Âge, est interprété par la Maîtrise Notre-Dame de
Paris, l’Ensemble grégorien, tous placés sous la direction efficace de Sylvain
Dieudonné. La remarquable pochette précise les sources manuscrites (Antiphonaire
parisien dit « de la Sorbonne » et les cotes à la BnF, à Florence et
à Wolfenbüttel). Les non-spécialistes apprécieront un glossaire portant sur les principales
formes, une approche historique sur l’École de Notre-Dame et les principaux
interprètes. Les textes sont présentés en latin, en français et en
anglais. Cet enregistrement très présent fait revivre l’atmosphère
musicale résonnant dans la cathédrale. Il comprend textes et musiques
concernant, d’une part, lesVêpres et, d’autre part, la Procession du jour de
Pâques ; il offre un tableau des principaux genres cultivés par l’Ars
antiqua : rondeaux (en introduction et conclusion), séquences, organa,
motets, conduits, répons, antiennes et psaumes. Un modèle du genre.
Jean-Sébastien
BACH : Airs d’oratorio. VDE-Gallo (La Cure, rue du Four 2,
CH-1410 Denezy. info@vdegallo.ch) : CD 1300. TT : 77’02.
La démarche de ce CD consiste à
présenter des Airs bien connus extraits d’œuvres significatives de J.-S.
Bach : Messe luthérienne (BWV 234-235), Passions selon saint
Matthieu (BWV 244), et saint Jean (BWV 245), Oratorio
de Noël (BWV248), Magnificat (BWV 243) et de la cantate Ich
habe genug (BWV 82). Ces pages précisant l’idée générale des paroles
sont situées dans leurs divers contextes par rapport à l’œuvre, à l’action.
L’incipit allemand est suivi de la traduction française. Dans les différentes
pièces, le baryton Pierre-Alain Savary est soutenu, à l’orgue, par
l’accompagnement précis de Catherine Imseng-Ruscito (également au continuo),
Claire Marcuard (violon), Patrick Marguerat (hautbois) et Blaise Vatré (viole
de gambe) qui, par leurs sonorités et leurs timbres, recréent l’atmosphère
spécifique des Récitatifs et des Airs. Sa voix puissante
fait passer le drame, par exemple dans le Récit : Am Abend da es kühle
war, contrastant avec le mouvement et l’énergie dans l’Air Eilt, eilt,
ihr angefochtnen Seelen. Cet enregistrement de caractère plus intime,
un tantinet inégal, traduit tout l’enthousiasme du Dr P.-A. Savary.
Sainte Madeleine. Jade (43, rue de Rennes, 75006 Paris. promotion@milanmusic.fr) : 699 695 2.
TT : 72’.
Cet
enregistrement du Chœur des moines de l’Abbaye Sainte-Madeleine du Barroux (en
Provence), comprend la Messe, les Vêpres, un choix d’antiennes, répons et
séquences, et – sainte Madeleine étant la patronne de la Provence - pour donner
une note locale, deux pièces pour galoubet et orgue. La Messe de
Sainte-Madeleine, propre à cette abbaye, a bénéficié de longues et solides
recherches d’archives. Elle commence par un carillon et se poursuit avec les
parties traditionnelles. À l’orgue, un Récit de cornet de Couperin
sert de transition à l’Offertoire, au Sanctus et à l’Agnus, suivis de la Communion Optimam partem. Les Vêpres se terminent par la Fugue sur « l’Ave Maris Stella » de Dandrieu. Par son chant calme et soutenu, le Chœur des moines
maintient la grande tradition du monachisme occidental et prouve que la
liturgie grégorienne reste toujours vivante.
Henry DU
MONT : Cantica sacra. Ricercar (stephanie@outhere.com) : RIC 293. TT : 72’45.
Ce disque,
réalisé par le Chœur de chambre de Namur sous la direction de Bruno Boterf,
paraît en liaison avec l’édition des Cantiga Sacra par Jean Lionnet pour
le Centre de musique baroque de Versailles. Henry Du Mont (1610-1684) -
alias Henry De Thiers - a aussi le mérite d’être l’un des tout premiers
compositeurs français à exploiter les possibilités de la basse continue.
Structuré en 6 parties : Psaumes, Imploration du pardon, Pour les Fêtes
des saints, Du Cantique des Cantiques, Pour le Saint Sacrement, L’Année
liturgique, il comprend un choix de Cantiques sacrés allant de 2 à 4
voix, avec éventuellement des instruments : violon, basse de viole, orgue,
également pour le continuo assuré par Freddy Eichelberger. Bruno Boterf,
à la fois chef et chanteur, les solistes du Chœur de chambre de Namur redonnent
vie à ces pièces latines judicieusement sélectionnées et typiques de l’école de
Versailles.
Orgues
historiques de France, vol. 7. Sinus (Postfach 526 CH-8802 Kilchberg sinus-verlag@bluewin.ch) : Sin 3007. CD Diffusion. TT : 62’12.
Albert Bolliger -
qui n’est plus à présenter à nos lecteurs - poursuit en Brie sa tournée des
Orgues historiques de France. Son volume 7 présente l’instrument (ca 1680)
de Rozay-en-Brie où se trouve une collégiale du XIIIe siècle. Son orgue,
remontant au dernier quart du XVIIe siècle, est souvent appelé
« Orgue des Couperin ». Le buffet du grand orgue comprend des
éléments sculptés du XVIe siècle. Selon un document
d’archives, sa restauration avait été commandé en 1723 à Fr. Deslandes,
mort peu après. En 1737, L.-A. Clicquot reprend les travaux.
Protégé lors de la Révolution, l’instrument tombe en ruine au XIXe siècle.
En 1930 Gabriel d’Alençon entreprend une restauration. Il sera inauguré,
le 13 août 1933. Avec son talent habituel, A. Bolliger, mettant en
valeur les différentes possibilités de registration, propose un programme avec
des Préludes, Fugues, Noëls, Danses… des XVIIe et XVIIIe siècles, de G. Jullien, N.-A. Lebègue, J. Ch. de
Chambonnières, J. Boyvin, Louis, Armand-Louis & François Couperin.
*Şefika KUTLUER : Mevlana Rumi. VDE-Gallo :
1266. TT : 54’13.
*Şefika KUTLUER : The romantic flute. VDE-Gallo (La
Cure, rue du Four 2, CH-1410 Denezy. info@vdegallo.ch) : 810. TT : 64’35.
Les éditions
VDE-Gallo ont le mérite d’avoir découvert Şefika Kutluer, flûtiste turque de tout premier plan et de
renommée internationale. Ces deux enregistrements font écho à
l’inoubliable concert qu’elle a donné, le 5 mars 2010, à l’église Saint-Honoré d’Eylau,
dans le cadre de la Saison de la Turquie en France. Après avoir
effectué de brillantes études au Conservatoire d’État d’Ankara, elle se
perfectione à Rome et à Vienne, et possède un très vaste répertoire.
Artiste d’État du ministère turc de la Culture, elle s’est produite avec les
plus grands orchestres internationaux. Le premier disque : Mevlana
Rumi comprend 9 pièces dans lesquelles, accompagnée par les Virtuoses
de l’Orchestre de Prague, dirigés par Oldrich Vtcek, elle déploie son
exceptionnel talent expressif : émotion, lyrisme et mystère dans les
mouvements lents (notamment l’Andante du Concerto pour flûte « From
Mevlana to Today » d’Ilyas Mirzayev) ; énergie, volubilité et
virtuosité dans le Presto du Concertino pour flûte & orchestre à
cordes d’Arif Melikof (°1933). Dans toutes ces pièces, elle fait
preuve d’une parfaite maîtrise technique : rien n’est forcé, tout coule de
source. Le second disque : Flûte romantique comporte des œuvres
pour flûte & piano. Şefika
Kutluer recrée à merveille des atmosphères aussi différentes que la Fantaisie
pastorale hongroise de A. F. Doppler, le Carnaval de Venise (B.-A. Genin) ou encore la pièce À la tombe de Yunus. Elle
assimile à merveille l’esthétique française de Fr. Poulenc dans sa Sonate
pour flûte & piano et de Cl. Debussy avec Syrinx, solo de
flûte, dont la mélodie évolue tout en justesse et en souplesse, à travers tous
les registres. Avec le pianiste Namil Sultanov, elle forme une
merveilleuse équipe très équilibrée où le piano n’a pas qu’un rôle d’accompagnateur
et de soutien ; il s’impose aussi par son toucher et sa sonorité
irrésistibles. Dans The Swiss Shepherd, de Francesco
Morlacchi, elle dialogue avec le piano. Les mots manquent pour décrire
l’enchantement émanant de sa personne et de son jeu. Disques exceptionnels
d’émotion et de musicalité.
Georges MIGOT : Suite à trois. Livre des danceries. Atma Classique
(Emmanuel Honegger honegger.emmanuel@wanadoo.fr) : ACD2 2543. TT : 57’19.
Toujours partie
prenante pour la « diffusion de l’œuvre de Georges Migot »
(1891-1976), l’Association française éponyme vient de réaliser ce CD avec le
soutien du ministère du Patrimoine canadien. Le Trio Hochelaga :
A. Robert (violon), P. Marleyn (violoncelle), S. Lemelin (piano)
interprète la Suite à trois, Trio (1935) en 4 parties
contrastées, composé dans un « environnement aquatique et paisible ».
Dans cette excellente formation, chaque instrumentiste peut se mettre en valeur
pour un passage très expressif et tourmenté ou, au contraire, s’effacer pour
donner libre cours à une autre ligne mélodique, au profit de l’intériorité ou
pour marquer des entrées successives. Le Livre des danceries pour
flûte (R. Cram), violon & piano (1929) bénéficie des mêmes qualités
d’interprétation : précision, distinction, transparence.
L’atmosphère se fait, tour à tour, entraînante, espiègle, percutante ou
mélodieuse et dépouillée ; le 3e mouvement « Religieux » est particulièrement
expressif. La conclusion,
énergique et bien enlevée, se termine dans un calme bienfaisant. Cette
collaboration canado-française permettra aux discophiles de renouer avec
l’œuvre de G. Migot.
Wieso ist der Walter so klug für sein Alter ? Salonorchester.
Rondeau (mail@rondeau.de) : ROP6033. TT : 59’37.
Un peu de musique
de salon, énergique, dansante, entraînante et envoûtante ? Les
mélomanes seront entraînés par un tourbillon et un flot de notes, de sonorités
aguichantes, voire agressives, de rythmes de danse, toujours en mouvement.
Ce CD illustre la renaissance en Allemagne de l’intérêt pour la musique de
salon, les orchestres d’amateurs et de musique de danse. Le programme
comporte d’irrésistibles pièces à succès sur divers titres, par exemple : Comment se fait-il que Walter soit si avisé
pour son âge ?, Charmante Begegnung (rencontre), sans oublier
Yvette, Serafina, Mariska… archiconnus outre-Rhin, genre caf’conc’ typique de
l’entre-deux-guerres, baignant dans l’humour, la fantaisie et la
nostalgie. Désopilant !
Moving Clarinet. Arcodiva : UP 0106-2 131 (CD Diffusion : info@cddiffusion.fr). TT : 52’33.
L’association
clarinette & piano est pratiquée, notamment en Europe de l’Est, par des
compositeurs célèbres dont Bohuslav Martinů (1880-1959) ou à
découvrir : Josef Páleničcek (1914-1991), Miloslav Ištvan
(1928-1990), Viktor Kalabis (1923-2006). Leurs œuvres ont des titres
traditionnels : Partita, Sonatine, Sonate, Études, Suite. Ce duo composé de musiciens peu connus en France :
Irvin Venys (clarinette) et Martin Kasik (piano) réserve un sort royal à ces
œuvres tchèques dont la facture mélodique est un tantinet orientale. Les Études pour clarinette solo de Karel Husa (né en 1921) avec des titres
significatifs : Mountain Bird, Poignant song, Relentless
machine exigent une grande maîtrise technique (souffle, phrasé, justesse…)
dont fait preuve I. Venys. Disque inattendu pour mélomanes curieux et
amateurs.
Édith Weber.
Johann Sebastian BACH : Passio secundum Johannem. La Chapelle rhénane,
dir. Benoît Haller. 2CDs Zig-Zag Territoires (www.zigzag-territoires.com) :
100301.2.
Des quatre versions connues de la Passio secundum Johannem (œuvre « en devenir » :
1724, 1725, 1728, 1747), Benoît Haller et la Chapelle rhénane ont réalisé une manière
de version syncrétique (hypothétique version 5), dans la perspective
d’illustrer, au-delà du cadre liturgique, les sentiments qui peuvent habiter,
un jour ou l’autre, chacun de nous (tentations de sacrifice, de reniement, de
trahison, de jugement, voire de cruauté). Passionnante aventure, soutenue
par d’exceptionnels solistes : Julian Prégardien, ténor (reprenant admirablement
le rôle que son père, Christoph, illustre depuis quelque 20 ans), Benoît
Arnould, baryton (Jésus), Dominik Wörner, baryton (Pierre, Pilate).
Chaque pupitre du chœur est assuré par deux (excellents) chanteurs. Une
version proprement extraordinaire.
Carl CZERNY
(1791-1857) : Nocturnes.
Isabelle Oehmichen, piano. Hortus : 074. Distr. Codaex.
TT : 76’19.
Surprise de découvrir un vrai poète chez cet
invraisemblablement prolifique technicien qui tant fit souffrir nos mains
d’enfants (plus de 900 numéros d’opus !). Il s’inspire ici, bien
sûr, de John Field - comme le fit d’ailleurs Chopin. Élégants et raffinés
– longues mélodies élégiaques -, ses huit premiers Nocturnes, op. 368, ont été composés entre 1830 et 1835 ;
les huit suivants, op. 604, composés de 1840 à 1842, sont beaucoup plus
virtuoses ; quant au Nocturne op. 647, dit « La Reine », il parut séparément en 1842.
Isabelle Oehmichen a, de toute évidence, été séduite par ces pages dont elle
nous donne ici, probablement, la première audition depuis la disparition du
compositeur. Une redécouverte fort bienvenue.
Musique française des XVIIe et XVIIIe siècles. Benjamin Alard (°1985) à
l’orgue de l’église Saint-Ouen de Pont-Audemer. Œuvres de J. Titelouze,
J. Boyvin, Fr. Couperin, M.-A. Charpentier, J.-M. Leclair, J.-Fr.
Lalouette. Hortus : 076. Distr. Codaex. TT :
51’47.
Avec l’heureux concours de trois excellents amis musiciens,
Marie Rouquié (violon), Julien Léonard (viole de gambe) et Thomas Van Essen
(baryton), Benjamin Alard nous présente ici - sur un superbe instrument, désormais
en l’état qui était le sien avant la Révolution - des pièces instrumentales,
telle la Sonata VIII à trois de
Jean-Marie Leclair, et vocales, tels le Salve
Regina de Marc-Antoine Charpentier et deux petits motets de Jean-François
Lalouette : O mysterium
inefabile et Domine Salvum fac Regem.
Avec aussi de nombreuses et remarquables pièces pour orgue seul.
Christian Ernst
GRAAF (1723-1804) : Symphonie op.14, n°1. Francesco ZAPPA (ca
1763-1788
) : Symphonie concertante dite « pour violoncelle » ; Symphonie
en ré majeur. Friedrich SCHWINDL
(1737-1786) : Symphonie op.9,
n°3. Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791) : Symphonie n°5 op.22, K. 22 ; Air Conservati Fedele, pour soprano & orchestre, K. 23. Carl
STAMITZ (1746-1801) : Symphonie op.24, n°1. New Dutch Academy (sur instruments anciens), dir. Simon
Murphy. Super audio CD Pentatone (www.pentatonemusic.com) : PTC 5186.365. TT : 68’12.
Où nous sont ici révélées – « joyaux de la couronne
hollandaise » - des symphonies composées, au XVIIIe siècle, pour
la cour du prince d’Orange à La Haye. Avec, remarquables solistes,
Caroline Kang (violoncelle) & Elisabeth Dobbin (soprano). Pour leur 1er enregistrement
mondial, ces œuvres bénéficient, en outre, d’une incomparable qualité de prise
de son et de gravure (Hybrid Multichannel).
Ludwig van
BEETHOVEN : An die ferne Geliebte (« À la bien-aimée lointaine »), op. 98. Robert
SCHUMANN : Fantasie,
op.17. Dichterliebe (« Les
amours du poète »), op.48. Gilles Ragon (ténor), Jean-Louis
Haguenauer (piano). Saphir (www.saphirproductions.net) :
LVC 001.109. TT : 75’39.
Sous la bienfaisante déferlante de publications dédiées à
Chopin, ne s’est heureusement pas tarie la production dédiée à Schumann. Ainsi Les Amours du poète (cycle de Lieder
sur des poèmes d’Heinrich Heine) & la Fantaisie pour piano sont-ils ici placés sous les auspices de Beethoven, avec À la bien-aimée lointaine, insécable
cycle de 6 Lieder que relient un même argument. On peut toutefois regretter
que le chanteur reste un peu extérieur à des œuvres qu’il nous présente avec,
d’ailleurs, délicatesse et minutie. Dans les trois pièces qui composent
la Fantaisie de Schumann, le pianiste
Jean-Louis Haguenauer peut donner libre cours à son énergique et frémissante
sensibilité.
Antonín
DVOŘÀK : Requiem. Symphonie n°8. Royal Concertgebouw Orchestra,
Wiener Singverein, dir. Mariss Jansons. Krassimira
Stoyanova (soprano), Mihoko Fujimira (alto), Klaus Florian Vogt (ténor), Thomas
Quasthoff (basse). 2 Super-audio
CDs RCO Live (www.rcolive.com) : RCO 10001.
TT : 76’37 + 60’09.
Commande du Birmingham Festival Committee (Dvořák fut
toujours mieux accueilli en Angleterre que partout ailleurs), ce Requiem (1890) ne fut évidemment pas
composé à des fins liturgiques. Son motif initial de quatre notes aux
violoncelles fait, en quelque sorte, fonction de thème cyclique tout au long de
l’œuvre. Quant aux parties des quatre solistes, elles sont solidement
ancrées aux interventions des chœurs. Négligeant le traditionnel thème
grégorien, le Dies irae est
étonnamment une marche. Une œuvre, en définitive, injustement méconnue -
en regard notamment du Stabat du même
compositeur. Interprétation inspirée - sereine, lumineuse.
D’inspiration populaire, bondissante et joyeuse, la 8e Symphonie voisine ici avec bonheur un Requiem qui ne vise certes pas à
susciter l’effroi.
Peter Ilyich
TCHAIKOVSKY : Concerto pour violon,
op.35. Sérénade mélancolique,
op.26. Valse-scherzo,
op.34. Souvenir d’un lieu cher,
op.42 pour violon & piano. Julia Fischer, violon. Orchestre
national de Russie (RNO), direction et piano : Yakov Kreizberg.
Super audio CD Pentatone (www.pentatonemusic.com) :
PTC 5186.095. TT : 68’25.
Dans un répertoire qui se prête à tous les débordements
romantiques, louables sont la sobriété et l’intense concentration de deux
artistes dont on ne saurait trop se réjouir de l’heureuse conjonction.
Ainsi, que ce soit à la baguette ou au clavier, Yakov Kreizberg sait
admirablement accompagner ou dialoguer avec une immense artiste qui sait ne pas
faire étalage de son époustouflante virtuosité.
Francis
Gérimont
« Alfred Brendel : The Farewell
Concerts ». Wolfgang Amadé MOZART : Concerto
pour piano n°9, K.271
« Jeunehomme ». Sonate pour piano K.533-494. Josef HAYDN : Variations Ho.XVII:6.
Ludwig van BEETHOVEN : Sonate pour piano op.27,
n°1 « Quasi una Fantasia ». Bagatelle op.33, n°4.
Franz SCHUBERT : Sonate D.960. Impromptu D.899, n°3. Johann Sebastian BACH : Chorale Prelude « Nun kommt der Heiden Heiland » BWV 659 (arr. Busoni). Alfred Brendel, piano. Wiener Philharmoniker, dir. Sir
Charles Mackerras. 2CDs Universal/Decca : 478.2116.
TT : 71'21 + 69'48.
Ultimes témoignages de l'art
d’Alfred Brendel et aboutissement d'une tournée d'adieux qui, à l'automne
2008, le mena aux quatre coins de l'Europe jusqu'à l'ultime étape viennoise,
ces deux disques sont à emporter sur l'île déserte.
Saisis en direct, à Vienne (Concerto) et à Hanovre (récital), ils
constituent un concentré du dire d'un pianiste désormais entré dans la légende.
Le programme est révélateur : les compositeurs viennois au
panthéon du clacissisme, que le pianiste a si souvent remis sur le métier, car
chers à son cœur. Les trois premiers, Haydn,
Mozart, Beethoven, il les unit dans un même geste, une
unique vision du bonheur partagé. Des
variations de Haydn, il souligne le travail des deux thèmes variés en
alternance et l'humour caché, comme souvent chez le musicien. La Sonate K.533 de
Mozart n'est pas aussi aisée qu'il y paraît. Un
jaillissement continu l'éloigne du style galant. L'andante, d'une apparente sérénité, semble pointer quelque interrogation. Les
variations plus légères du finale se résoudront pourtant dans le registre grave,
le rire proche des larmes. Le son feutré si
caractéristique de l'interprète se mesure encore dans la Sonate op.27 de
Beethoven, marquée elle aussi au coin de la fantaisie de par ses attaca subito qui
traversent les trois premiers mouvements. L'approche tout en
clarté, que transfigure un toucher raffiné, génère un bonheur rayonnant. On
se souvient (concert à Zurich) de l'émotion qui étreignit la salle lors de
l'exécution de la Sonate D.960 de Schubert, tout comme ici. La
perfection formelle devient évidence sous ces doigts inspirés qui jouent la
dynamique à l'intérieur d'une échelle sonore se refusant aux écarts excessifs. Le
climat d'hypnose de l'andante sostenuto est
proprement envoûtant. Dans le scherzo, con
delicatezza, fantomatique, le pianiste voit le jeu facétieux
de l'aérien Ariel et d'un Caliban bougon. Le sage, le poète qu'est Brendel distille, sur le ton de la confidence, l'art suprême de la modulation
schubertienne. Quant au Concerto
pour piano n°9,
dédié à une certaine Mlle Jeunehomme, pianiste française renommée, venue
jouer à Salzbourg, Brendel l'illumine d'un jeu serein, et
nous rappelle que Mozart n'y cherche pas non plus à sacrifier
à quelque style galant.
____________
Bicentenaire Chopin
Frédéric CHOPIN : Valses. Alice Sara Ott, piano. Universal/DG : 477 8095. TT :
57'.
Combien Chopin
a-t-il composé de valses ? Leur nombre varie entre 14 et 19. Beaucoup ont été publiées après sa mort, et les découvertes se sont succédées
jusqu'en 1950. Le présent album livrera 19
morceaux dont plus de la moitié posthumes. Alfred Cortot les rangeait en trois catégories : les
valses brillantes, évoquant le bal ; les valses de salon,
rêveuses ; les valses allusives, plus poétiques que
réellement dansantes. En tout cas, elles n'ont rien
de viennois, et même - selon l'auteur - sont peu vouées à la danse à
laquelle elles ne sont pas destinées. Alice
Sara Ott appartient à cette génération de jeunes musiciens asiatiques bourrés
de talent. Ses idoles sont Cortot et Lipatti, et
elle prône une fidélité absolue au texte. Le
jeu est clair, loin de toute manière sentimentale. La nostalgie qui pare plus
d'une des ces pièces, n'est nullement sombre. On
perçoit un souci d'improvisation, même si, çà et
là, affleure quelque maniérisme. Mais l'esprit est présent,
attendri dans la Valse
de l'adieu,
fragile dans telle autre composition où le rythme retenu maintient un équilibre
fragile. C'est que souligner n'est pas ici de propos.
Frédéric CHOPIN : Sonates pour violoncelle & piano en sol mineur, op.65. Introduction et Polonaise brillante, op.3.
Charles Valentin ALKAN : Sonate de concert en mi majeur pour violoncelle et piano, op.47. Tatjana Vassiljeva, violoncelle. Jean-Frédéric Neuburger,
piano. Mirare : MIR 107.
TT : 72'50.
Dédiée au célèbre virtuose
Franchomme, la Sonate pour violoncelle appartient à la dernière période créatrice de Chopin.
Après une longue maturation, elle sera achevée lors du dernier été
passé à Nohant. Le langage est novateur : instabilité rythmique et thématique très changeante au premier mouvement,
scherzo en forme de mouvement perpétuel, finale tourmenté, dont
l'énergie vitale semble retomber pour renaître sans cesse. Seul
le largo évoque les belles cantilènes du passé, quoique, là encore, une nouvelle tournure se fasse jour. Une preuve
supplémentaire de l'affection portée par Chopin au
violoncelle : cette Polonaise brillante, un
essai de jeunesse qu'il tenait en peu d'estime pour dire, à son
propos, qu'il y a là « des effets pour les dames ». Et
pourtant, après une belle mise en bouche, le brio du morceau éclate de vitalité
et l'ampleur du chant du violoncelle donne tout son panache à une pièce qui ne
laisse pas en reste le piano. Belle idée d'avoir
intercalé entre les deux la Sonate d’Alkan. Encore écrite pour célébrer les dons peu habituels de Franchomme, elle
est hyper-virtuose, dans le goût romantique, belcantiste aussi : témoin le premier mouvement avec ses coups de boutoir et ses
notes à l'arraché ; qu'on retrouve
dans le finale « alla saltarella » d'une ébouriffante faconde. Un
adagio foisonnant de tournures fantasques crée une
belle diversion. Les deux jeunes interprètes
sont parfaitement en phase avec ces œuvres de
climats très différents.
____________
Franz SCHUBERT : Die schöne
Müllerin, D.795, cycle
de Lieder sur des poèmes de Wilhelm Müller. Jonas Kaufmann, ténor. Helmut Deutsch, piano. Universal/Decca :
478 1528. TT : 62'23.
Le cycle de La
Belle Meunière n'est jamais mieux servi que par la voix de
ténor, pour laquelle il a d'ailleurs été composé. La belle histoire
douce-amère du jeune meunier auquel sa belle préférera ce chasseur venu d'on
ne sait où y prend sa vraie couleur : une sorte de
vulnérabilité que cèlent la simplicité des tonalités et une apparente
improvisation, où la musique épouse de si près la poésie de Wilhelm Müller. Les thèmes
chers à Schubert sont là : l'errance, la fuite du temps, l'amour
refusé, le recours à la nature consolatrice. À travers
le meunier, n'est-ce pas Schubert lui-même qui
s'exprime ? Jonas Kaufmann s'empare de ces pièces avec une
rare conviction ; tour de force lorsqu'on sait que cet
enregistrement live, d'un
seul concert, a été effectué quelques jours seulement après qu'il a abordé à la scène la partie de Lohengrin, un
tout autre challenge. Voilà une exécution
palpitante, généreuse, presque fougueuse, naturelle, jamais empruntée. Ce
qui frappe, c'est le souci de varier la coloration du timbre, du registre de ténor
lyrique à la sombre inflexion du heldentenor, légèrement
barytonnant ; combiné à un subtil dosage de la dynamique : ppp caressés, clairs, impalpables ; forte éclatants, extrêmement articulés, qui n'hésitent pas à laisser la voix se
développer. L'interprétation est tout aussi pénétrée, tout à
tour élégiaque et tendre, et d'une force virile, alors que le drame affleure
constamment. Helmut Deutsch lui assure un
écrin pianistique d'une suprême fluidité, vigoureuse en même temps que transparente,
telle l'ondulation d'une eau cristalline.
Gabriel FAURÉ : Quatuors pour piano et cordes op.15
et op.45. Trio Wanderer, Antoine Tamestit, alto. Harmonia
Mundi : HMC 902032. TT : 62'29.
De la musique de Fauré, Vladimir Jankélévitch dit que « sa beauté est de l'ordre de
l'ineffable ». C'est le cas tout
particulièrement des quatuors pour piano et cordes, genre peu exploité, mis à
part quelques essais conçus par Beethoven, et trois pièces de Brahms. Le
compositeur y déploie son art singulier de la modulation et une inspiration
mélodique généreuse. Les deux pièces sont-elles la
copie l'une de l'autre, comme pourraient le faire penser des indications de
tempo des mouvements sensiblement les mêmes et des coïncidences
troublantes d'harmonie ? Il ne le semble pas.
L'opus 15 se distingue par son jaillissement
incomparable, notamment à l'heure du scherzo, d'une infinie légèreté, de
par les arabesques spirituelles du piano. Tout
reste effusion délicate dans ce quatuor. L'opus 45
offre un langage autrement plus complexe. C'est le Fauré de la maturité,
affirmant « la richesse d'une polyphonie merveilleusement fouillée »
(ibid). Le
climat est aussi plus sombre. Le lyrisme expansif du
premier quatuor laisse place à la méditation grave. L'adagio déroule un monde
étrange, entre nostalgie rêveuse et douleur résignée. Mais le finale, en
contraste, sonne comme une explosion de couleurs, d'une énergie jubilatoire
dans ses ultimes mesures. Le clavier de
Vincent Coq, d'une subtile fluidité, s'intègre délicatement aux cordes de ses collègues du
Trio Wanderer, enrichies par l'alto d’Antoine Tamestit. Si
délicat à réaliser dans ce type de pièce, l'équilibre sonore entre clavier et
archets tient ici de l'idéal ; sans doute parce qu'on a
affaire à un vrai ensemble qui connaît les lois de cette subtile interaction.
Gustav MAHLER : Symphonie
n°4. Laura Claycomb, soprano. London Symphony Orchestra, dir. Valery Gergiev. CD : LSO.0662. TT : 54'48.
La Quatrième de Mahler est sans doute la plus riante de ses
symphonies - en apparence du moins. Le
bonheur et l'innocence de l'enfant, à l'image du Lied
final de « La vie céleste », semblent prédominer. Et
pourtant, elle renferme des facettes plus sombres, contribuant
à établir cette ambiguïté caractéristique de bien des œuvres du
compositeur. En tout cas, Mahler allège la pâte sonore - les cuivres y sont rares - et le discours. L'exécution que livre Gergiev est plus apaisée qu'on ne l'aurait pensé, mêmes si les contrastes
restent marqués et la dynamique large, quoique moins excessive
qu'en d'autres occasions. Le tempo très retenu du
premier mouvement, introduit par le trottinement des grelots, est empli de
fantaisie et d'humour. La mélodie grinçante du scherzo, dont
la thématique provient d'un personnage sinistre du folklore germanique, l'ami
Hein, fleure le fantastique. L'adagio pris, justement, pas
trop lent, évoque quelque havre tranquille. Mais n'est-ce pas
une paix équivoque car recouvrant une méditation grave que trouble subitement
une explosion de joie ? Le finale sera animé, mais
encore ici en apparence. Le Lied qui doit être joué
« d'une manière enfantine et joyeuse » est
distillé comme une confidence, pour s'éteindre de plus en plus piano, dans le silence. Gergiev est indéniablement inspiré par ce conte au charme espiègle et légèrement tourné vers le passé. La captation en direct ajoute
à la spontanéité de l'exécution. On en
apprécie d'autant plus les sonorités superlatives du LSO : couleurs satinées des bois, douceur infinie des cordes.
Jean-Pierre Robert
Franz-Joseph HAYDN
(1732-1809) : Arianna à Naxos, Lieder
& canzonettas. Stéphanie d’Oustrac (mezzo-soprano), Aline
Zylberajch (piano-forte). Ambronay : AMY023. Distr. Harmonia Mundi.
TT : 60’00.
Un disque qui retiendra notre intérêt à plusieurs égards.
Tout d’abord, parce qu’il démontre assez clairement l’évolution du Lied vers ce
qui sera son aboutissement : le Lied romantique. En empruntant des
compositions à plusieurs recueils, différents dans le temps et dans la langue
(allemand ou anglais), on peut juger de l’évolution des rapports entre piano et
voix, rapports se faisant, à la fois, vers la complexité, l’indépendance et la
complémentarité. Ensuite du fait d’une interprétation tout à fait
remarquable, tant dans la partie instrumentale où le piano-forte se fait tour à
tour discret ou quasiment orchestral, comme dans la cantate profane Arianna à Naxos, que dans la splendide partie
vocale. Stéphanie d’Oustrac [notre photo] y démontre une superbe voix de
mezzo, chaude et ronde, sans vibrato, d’une ample tessiture, des aigus doux,
jamais agressifs, aux graves profonds. Les Lieder et canzonettas y sont, à la
fois, chantés et joués, en parfaite adéquation avec le texte.
©DR
Niccolò
PAGANINI : Concerto pour violon n°1 ; I Palpiti ; 24e Caprice.
Camille SAINT-SAËNS : Havanaise ; Les cloches de Las Palmas. Lili
Boulanger : Nocturne.
Christophe Boulier (violon). Promusica : P1003. TT :
62’56.
Après un disque consacré à sa tournée au Japon - paru en juillet
dernier et recensé dans nos colonnes -, voilà un nouvel enregistrement de
Christophe Boulier, effectué à l’occasion de sa tournée à Taiwan, associant
Paganini, Saint-Saëns et Lili Boulanger. Un CD dédié à la virtuosité et
qui, de ce fait, paraît quelque peu réducteur, avec toutefois une belle
interprétation du Nocturne de Lili
Boulanger.
Igor
STRAVINSKY : Histoire du soldat et
autres pièces. Michel Lethiec (clarinette), Patrick Gallois (flûte),
Annick Roussin (violon), Alexis Galpérine (violon), Pierre-Henry Xuereb (alto),
Philippe Muller (violoncelle), Francis Pierre (harpe), Jean-Louis Haguenauer (piano).
Saphir (www.saphirproductions.net) : LVC 1106. TT : 60’00.
Un disque intéressant qui nous permet d’écouter un large
éventail de la musique de chambre composée par Stravinsky avec, notamment,
cette réduction de l’Histoire du soldat pour clarinette, violon & piano. Un enregistrement qui met en avant
l’éclectisme du compositeur, tant en ce qui concerne les effectifs
instrumentaux que l’écriture musicale. Une remarquable interprétation par
des musiciens talentueux. Tout simplement parfait !
Voix de Strass. Chœur de
chambre de Strasbourg, dir. Catherine
Bolzinger. http://voixdestrass.free.fr/. TT : 59’00.
Un enregistrement qui présente huit œuvres chorales
contemporaines, écrites pour Catherine Bolzinger et son ensemble par sept
jeunes compositeurs, tous formés au conservatoire de Strasbourg (Christian
Bertrand, Dominique Delahoche, Luca Antignani, Éric Maestri, Andrea Manzoli,
Ivan Solano, Maurillo Cacciatore). Un disque surprenant où la musique se
dessine au-delà de nos schémas harmoniques et mélodiques habituels, un disque
qu’il faut écouter avec un esprit de découverte à la recherche d’un monde
sonore caché, à la fois dans la partition et peut-être au fond de nous-mêmes.
Musiques de France : Anthologie. Femmes compositeurs (vol. 6). Musique des gardiens de la paix de la Préfecture de
Police, dir. Pierre Walter. Orchestre à vents XXe siècle.
Cristal Records Classic (www.cristalrecordsclassic.com) :
CRC 1001. TT : 56’06.
Un disque qui permet d’entendre des œuvres peu connues de
femmes compositeurs (Lili Boulanger, Ida Gotkovsky et Germaine Tailleferre),
dans des transcriptions pour orchestre d’harmonie. Des compositions qui
permettent d’explorer toutes les possibilités techniques et expressives des
instruments à vent, tout particulièrement de la trompette et de la clarinette
dans les deux concerti d’Ida Gotkovsky.
Une excellente interprétation de Julien Chabod à la clarinette et de Clément
Saunier à la trompette. Clément Saunier dont nous avions déjà salué, dans
ces mêmes colonnes, en 2009, le premier album solo (CRC 905).
Patrice Imbaud.
César FRANCK : Pièce symphonique en sol mineur. Offertoire en mib majeur. Cantabile. Trois
Chorals. Marie-Andrée Morisset-Balier au
grand orgue Cavaillé-Coll de l'abbatiale Saint-Ouen de Rouen. Disques ASO
(www.france-orgue.fr) : 2009-S. TT : 65'46.
Pour son 40e CD, Marie-Andrée Morisset-Balier nous
propose, sur le très beau Cavaillé-Coll de l'abbatiale Saint-Ouen de Rouen dont
elle est titulaire, un récital d’œuvres de César Franck. Si 1a Grande
Pièce symphonique (op. 17) qui appartient au recueil des Six pièces
pour grand orgue datant de 1860-62, ainsi que l'Offertoire en mib majeur ne comptent pas
parmi les œuvres les plus souvent jouées du « Pater Seraphicus », il
n'en va pas de même du doux et profond Cantabile de 1878 et surtout des Trois
Chorals de 1890. Dans ces œuvres ultimes, l'organiste de
Sainte-Clotilde nous livre un véritable testament musical où la splendeur et la
richesse de l'inspiration et de la science de l'écriture organistique
atteignent des sommets. Marie-Andrée Morisset-Balier nous en donne une
interprétation sensible, solide et fervente, servie par un instrument qui
semble véritablement fait pour exprimer la noblesse et la grandeur de ces
admirables pages.
Gaston LITAIZE : Jubilate
Deo. Intégrale des œuvres pour orgue. Marie-Ange Leurant &
Éric Lebrun. Coffret de 5 CDs Bayard-Musique,
« Élévation ». TT : 70'14, 69'14, 65'39, 77'59, 77'29.
Après l'intégrale de l’œuvre d'orgue de Dietrich Buxtehude
(Phantasticus) en 2006 (6 CDs), puis celle d'Alexandre Boëly (Pange
Lingua) en 2008 (8 CDs), notre jeune et talentueux duo, Marie-Ange
Leurent-Lebrun et Éric Lebrun,nous propose cette année l'intégrale de l’œuvre
d'orgue de Gaston Litaize (1909-1991) qui fut « bien plus pour eux qu'un
Maître éclairé », et dont ils souhaitaient par là célébrer le centenaire
de la naissance. On reste confondus devant l'ampleur de travail que
nécessite une telle entreprise, autant que par la perfection de la réalisation
d'un tel hommage. Les deux premiers disques, consacrés à
« l'Organiste liturgique » et exécutés sur l'orgue Cavaillé-Coll
Merklin de l'église Saint-Antoine des Quinze-Vingts dont Éric Lebrun est le
titulaire, regroupent des pièces correspondant à la liturgie allant de Noël à
Pâques pour le premier, puis de la Pentecôte à la Toussaint pour le
deuxième. Signalons en particulier, à la fin du premier disque, la belle Sonate
à deux pour orgue à quatre mains (pour le temps pascal), dédiée « À
mes amis Éric et Marie-Ange Lebrun ». Signalons encore une Messe
basse pour tous les temps et une Messe pour la Toussaint. Le 3e disque comporte 12 Pièces pour grand orgue où la somptuosité et la
virtuosité de la Toccata sur le Veni Creator (n°8) ne le cèdent en rien
au charme champêtre de l’Intermezzo pastoral (n°4), à la résignation
désolée de la Prière (n°9) ou du Lamento (n°6), sans oublier la
belle Double Fugue (n°2), savante et structurée. Le 4e disque, sur l'orgue Fossaert-Tricoteaux de l'église de Bondues (Nord), nous
propose 24 Préludes liturgiques où se manifeste dans les belles Variations
sur un cantique breton le goût de l'auteur pour le répertoire populaire et
religieux. Dans le 5e disque, intitulé « Le
virtuose », les diverses facettes de l'art de Litaize se font jour, depuis
la très belle Pièce en Trio (n°1), très inspirée par Bach, ainsi que le Choral (n°6), nourri, solide, jusqu'à la Grand Messe pour tous les Temps (n°7-11)
à laquelle un Postlude (n°11) met un somptueux point final, pour
terminer avec le superbe ensemble des Cinq Pièces liturgiques où la
richesse et la variété de l'inspiration, animée par une foi profonde, font
corps avec la solidité de l'écriture. Le talent consommé des deux
interprètes qui se partagent cette imposante intégrale témoigne non seulement
de leur maîtrise sur l'« Instrument-Roi », mais aussi de la
reconnaissance et de l'affection fidèle qu'ils portaient tous deux à leur
Maître.
Louis VIERNE : Messe Solennelle, op. 16. « A recreation of a Traditionnal Mass at
Saint Sulpice, Sunday of the Resurrection ». Daniel Roth, Organiste titulaire de Saint-Sulpice, grand orgue.
Éric LEBRUN, orgue de chœur. Chœur grégorien de Paris, dir. Thibaut
Marlin. Chœur d'Oratorio de Paris, dir. Jean Sourisse.
Solistes : Edward Schafer, Charles Barbier. Coffret de
2 CDs. JAV Recordings : 179. TT : 50'48 + 58'38.
Bien
plus que l’enregistrement de la Messe Solennelle (op. 16) de Louis Vierne (1870-1937) qui se limite aux 5
prières du « Commun » (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei),
ces 2 CDs nous permettent d’assister au déroulement de la « Traditionnelle
Messe latine à l’église Saint-Sulpice, le dimanche de la Résurrection »,
dont l’ouverture est saluée par les joyeuses envolées du carillon de
l'église. Aux prières du célébrant, respectant fidèlement les rites de la
liturgie pascale, s’intercalent, suivant l'enchaînement rituel de l’Office, des
improvisations à l'orgue, commentant tel ou tel passage, des psalmodies
grégoriennes, en chant responsorial par les solistes, des interventions du
Chœur grégorien (accompagnées par l'orgue du chœur), telles les antiennes Haec
Dies et Pascha Nostra, et la séquence Victimae Paschali Laudes.
Si le « Propre » de l'Office reste fidèle à son déroulement, c'est
avec les prières du « Commun » que le rôle du compositeur
intervient. Au suppliant Kyrie, chanté par le Chœur d'oratorio,
dialoguant avec le grand orgue, fait suite un Gloria plein de force et
d'animation ; mais avant le Credo où les solistes dialogueront avec
le chœur, et avant l’Alleluia grégorien, un motet Alleluia a cappella de Jacobus Gallus
(1550-1591) s'intercale, ainsi plus loin, qu'un autre magnifique motet, a cappella, de Giovanni Gabrieli
(1555-1612), Jubilate Deo. Vient ensuite
le Sanctus où le Chœur d'oratorio et les deux orgues dialoguent, suivi
du Benedictus et de son jubilant Hosanna. À l’Agnus Dei,
empreint d'une douce ferveur, fait suite, après les prières du Confiteor et la Communion, un majestueux Tantum Ergo de Vierne, précédant
les rites finaux, se concluant par une solennelle et fracassante Sortie aux deux orgues, ponctuée par l'allégresse du carillon de Saint Sulpice.
Ce très bel enregistrement, outre son intérêt documentaire indéniable, nous
révèle des pages musicales inspirées et recueillies peu connues du grand
organiste et de l'homme de foi que fut Louis Vierne, lui, dont la mort subite à
son orgue de la cathédrale Notre-Dame de Paris bouleversa tout le monde
artistique de l'époque. Les interprètes, tant les solistes Edward Schafer
et Charles Barbier, que les deux organistes Daniel Roth et Éric Lebrun, que le
Chœur grégorien de Paris et le Chœur d'oratorio de Paris, contribuent par leurs
excellentes prestations à faire de cette réalisation une parfaite réussite.
Francine Maillard.
POUR LES PLUS JEUNES
« Nature et
piano pour les tout-petits » : De musiques en berceuses. Isabelle Lecerf-Dutilloy, piano. Anacrouse
(www.anacrouse.net) :
609311 P 690. Distr. : DJP. TT : 55’20.
Quelques instants de sérénité et de détente pour bébés.
C’est efficace, nous l’avons testé ! Isabelle Lecerf-Dutilloy a
sélectionné de courtes pièces pour piano de Mozart, Beethoven, Schumann,
Chopin, Satie, Falla, Ravel et Éric Tanguy, entrecoupées de pièces de sa
composition : Un dimanche à la
campagne. Connues pour la plupart, les pièces ont été choisies pour
leur caractère apaisant et rassurant. Des bruits de nature (oiseaux,
vent, vague, eau perlante…) sont discrètement inclus, comme pour aborder les
premiers instants de la vie dans le calme et le bien-être. Du
bonheur !
Gérard Moindrot.
***
Haut
S’ouvrant sur un éditorial de l’Inspecteur général de
l’Éducation nationale, M. Vincent Maestracci, orientant de façon concise
l’élève dans son travail, le supplément Baccalauréat 2010 de L’éducation musicale est d’une rare densité :
pas moins de 148 pages d’analyses et références.
Indispensable
aux professeurs d’Éducation musicale et aux élèves de Terminale qui préparent
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publication réunit les connaissances culturelles et techniques nécessaires à
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Cardinal-Lemoine, 75005 Paris.
Tél : 01 53 10 08 18.
Fax : 01 53 10 85 19. s.desmoulins@leducation-musicale.com
Au
Sommaire de notre n°565 (Mars-avril 2010)
Dossier :
« Musique et franc-maçonnerie » : De l’ego à l’égrégore/ Le frère
Mozart/ Liszt et la franc-maçonnerie/ Un grand compositeur franc-maçon :
Sibelius/ Regards sur la franc-maçonnerie à travers ses chansons/ Art lyrique
et franc-maçonnerie/ Présence de la musique en loge : la Colonne
d’harmonie.
Analyse : Une preuve du symbolisme
numérique chez Johann Sebastian Bach : le contrepoint XIV de l’Art de la fugue.
Divers : Così fan tutte ou le théâtre d’amour/ Marguerite Canal,
compositrice/ D’une mission l’autre : quelles perspectives pour
l’Orchestre national d’Île-de-France ? [Entretien avec le chef d’orchestre
Yoel Levi]/ La grille d’Hélène Jarry.
***
Dossiers déjà parus dans L'éducation musicale
Femmes compositrices (2)
n° 562 |
Musique et cinéma (2)
n° 561 |
Musique et cinéma (1)
n° 560 |
Paris et la musique
à l’époque des Ballets russes
n° 559
|
La chanson
n° 557/558 |
Femmes compositrices (1)
n° 555/556 |
Activités vocales et instrumentales à l’école
n° 553/554 |
Le bruit
n° 551/552
|
Percussions
n° 549/550 |
Dossiers à paraître :
- Permanence
d’Olivier Messiaen
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Laëtitia Girard
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