Lettre d'information - no 112 mars 2017

La rédaction

Partager avec un ami

Sommaire

En cours

AGENDA

Soirée 100% Mendelssohn à l'Orchestre de chambre de Paris

Pluie d'étoiles à Gaveau et à Cortot

Schubert au Centre de Musique de Chambre de Paris et une cantate de Bach...

Mehul à l'honneur grâce à François Xavier Roth

Le Coq d'or à l'Opéra de Nancy

Création de Trompe-la-Mort à l'Opéra de Paris

Festival « Mémoires » à l'Opéra de Lyon

Le festival « Le printemps du violon »

XXII ème Semaine Sainte en Arles

5e édition de la journée du REMA

Et encore quelques Brèves...

ARTICLES DU MOIS

Le piano messianique, Olivier Messiaen et le piano

ENTRETIEN

Gérard GANVERT : l'enseignement musical est toujours un problème

SPECTACLES

Le Trio Zadig au Centre de Musique de Chambre de Paris

« Le Romantique Authentique » au Musée d'Orsay

L’Histoire du Soldat par la Troupe du Centre de Musique de Chambre de Paris

Contemporain, vous avez dit : contemporain ? au Collège des Bernardins

La haute figure de Kaija Saariaho au Festival Présences à la Maison de la Radio

La Contemporaine pour tous au festival Présences de Radio France

Matthias Goerne & Leif Ove Andsnes. Cycle Schubert au Théâtre des Champs-Elysées : L’eau et le feu.

Le Chamber Orchestra of Europe à la Philharmonie de Paris : Lumière classique et passion romantique

Carmen au Théâtre des Champs-Elysées ou le triomphe de Marie-Nicole Lemieux

Mariss Jansons & l’Orchestre de la Radio Bavaroise à la Philharmonie de Paris : Complicité absolue !

Christian Gerhaher, baryton & Gerold Huber, piano : La quintessence du Lied

Leonidas Kavakos & Yuja Wang en récital à la Philharmonie de Paris : Intimité et flamboiement !

Un formidable Château de Barbe-Bleue conclut la Biennale d’art vocal à la Philharmonie de Paris

Révisez-vos classiques! L'ESM Bourgogne Franche-Comté fait son festival

Les Münchner Philharmoniker à la Philharmonie de Paris : Valery Gergiev en panne d’inspiration !

L’ÉDITION MUSICALE

COMEDIE MUSICALE  - MUSIQUE CHORALE  - ORGUE  - PIANO  - VIOLON  - FLÛTE  - CLARINETTE  - SAXOPHONE  - TROMPETTE  - SAXHORN / EUPHONIUM / TUBA    - PERCUSSIONS  -

LIVRES & REVUES

Le Théâtre protestant à Strasbourg. Caspar Brülow (1585-1627).

Beat FÖLLMI, Jacques VIRET (dir.) : Le chant liturgique aujourd’hui et la tradition grégorienne.

Bernard FOURNIER : Le génie de Beethoven.

CDs & DVDs

L’EREDITA FRESCOBALDIANA, Vol. 2

Ludwig van BEETHOVEN , Johannes BRAHMS : Diabelli Variations. Sonate n°3.

Transcription de Ballets russes pour 4 mains et 2 pianos.

Songline. Itinéraire monodique. Marc Mauillon, baryton.

Zara LEVINA : Concertos pour piano et orchestre N°1 & N°2.

No piano no problem.

Joseph HAYDN Harpsichords Sonatas.

Catharsis.

In Nomine Ensemble Les Harpies.

Louis-Nicolas CLÉRAMBAULT : Motets à 3 voix d’hommes et symphonie.

D’or et de lumière XVIII-21. Le Baroque Nomade. Music for Celebrations.

Émile BRET : Romances et Mélodies

Compositeurs genevois Quatuor de Genève.

Urs Joseph FLURY : PASSION in Solothurner Mundart.

TCHAÏKOVSKI. SIBELIUS. Sérénade pour cordes, op. 48. Quatuor à cordes « Voces Intimae », op. 56.

Schubert impromptus : Une intégrale.

« Folklomondo » Duo Agapè.

MUSIQUE & CINEMA

Portrait d’Erwann KERMORVANT

CDs MUSIQUE & CINEMA

A CURE FOR WELLNESS  - MODERN TIMES  - LA LA LAND  - FIFTY SHADES DARKER  - L’AMANT  - THE BATMAN LEGO  - L’INSEGNANTE  - 2 SAMURAI PER 100 GEISHE  - TOTO DIABOLICO – TOTO VS THE 4 – TOTO VS MACISTE  - LA DOMENICA DEL DIAVOLO  -

LA VIE DE L'ÉDUCATION MUSICALE

AGENDA

retour au sommaire

8/3 : Soirée 100% Mendelssohn à l'Orchestre de chambre de Paris


©Pierre Morales L'Orchestre de chambre de Paris en résidence au Théâtre des Champs-Elysées donnera un concert « 100% Mendelssohn » puisqu'associant l'ouverture de La belle Mélusine, le 1er concerto pour piano, le rare Capriccio brillant et la symphonie N°1. Il sera dirigé par Douglas Boyd, chef permanent de la formation, et le soliste en sera le jeune pianiste David Fray, déjà adoubé pour ses interprétations de Mozart et de Schubert. Une belle occasion de savourer un programme hors les sentiers connus et d'honorer un musicien combien attachant joué par un orchestre qui ne l'est pas moins.

Théâtre des Champs-Elysées, Paris, le 8 mars à 20H. Réservations : 15 avenue Montaigne, 75008 Paris ; par tel.: 01 49 52 50 50 ; en ligne : www.theatrechampselysees.fr


9, 23, 28, 29/3 : Pluie d'étoiles à Gaveau et à Cortot

Patricia Petibon & Susan Manoff / DR Durant mars, le cadre feutré de la Salle Gaveau offre des soirées à marquer d'une pierre blanche. D'abord, un programme de chant intitulé « Parlez-moi d'amour » que donnera Patricia Petibon accompagnée de la fidèle Susan Manoff. La cantatrice illustrera cette prometteuse thématique en juxtaposant des mélodies et chansons françaises, de Poulenc à Mistinguett, et des songs américains signés Barber ou Sondheim. Sa faconde, pas seulement vocale, devrait y briller. Quelques jours plus tard, Alexander Paley s'attaquera à l'intégrale des Rhapsodies hongroises de Franz Liszt. Nul doute que ce défi pianistique sera relevé avec brio et flair par le pianiste moldave. Enfin, l'immense Ivo Pogorelich se produira le 28, dans un programme Chopin (Ballade N°2, Scherzo N°3), Schumann (Carnaval de Vienne op. 26), Mozart (Sonate K 475) et Rachmaninov (Sonate N° 2 op. 36). On sait combien sont rares les apparitions du pianiste croate qui n'accepte de jouer à Paris qu'à la salle de la rue La Boétie. Un concert incontournable bien sûr. Le lendemain, et à la salle Cortot, le claveciniste Benjamin Alard livrera sa vision des Variations Goldberg de JS Bach, autre Himalaya. On sait la sincérité du jeune musicien français pour que cette soirée soit un grand moment de musique pure.

Salle Gaveau, les 9, 23 & 28 mars à 20H30 Salle Cortot, le 29 mars à 20H30 Réservations : Philippe Maillard Productions (concerts des 9, 23 &29/3) : par tel : 0148 24 16 97 ; en ligne : www.philippemaillardproductions.fr Salle Gaveau : billetterie, 45-47, rue la Boétie, 75008 Paris ; par tel.: 01 49 53 05 07 ; en ligne : www.sallegaveau.com


9-31 / 3 & 1er / 4 : Schubert au Centre de Musique de Chambre de Paris et une cantate de Bach...

Florian Hille & Bianca Chillemi / DR Sous la direction artistique de Jérôme Pernoo, le Centre de Musique de chambre Paris poursuit sa programmation inventive à la Salle Cortot avec Le Voyage d'hiver de Franz Schubert, interprété les week end de mars par le baryton Florian Hille qui sera accompagné par la pianiste Bianca Chillemi (première partie : du 9 au 17 mars ; deuxième partie : du 23 mars au 1er avril). Et le dimanche 26 mars, à partir de 9H45, on chantera la Cantate BWV 66 Erfreut euch, ihr Herzen de Bach . Avec l'Ensemble Exprîmes (dir. Jérôme Polack), les musiciens de la troupe du Centre de musique de chambre de Paris, l'Atelier baroque, les solistes chanteurs de l'École Normale de Musique de Paris (Chef de chant : Ariel Alonso Direction musicale : Jérôme Pernoo) et le public...

Salle Cortot, les 9, 10, 11, 15, 16, 17, 23, 24, 25, 30, 31 mars & 1/ avril à 20H ; 27/3 à 9H45 (Bach) 78 rue Cardinet, 75017 Paris. Réservations :sur place, 78 rue Cardinet, 75017 Paris ; en ligne : tprioul@centredemusiquedechambre.paris


10, 11/3 : Mehul à l'honneur grâce à François Xavier Roth

François Xavier Roth © François Séchet François-Xavier Roth et son orchestre Les Siècles, qui entament en 2017 une intégrale des symphonies de Beethoven, toujours sur instruments d'époque, ont choisi pour leurs concerts de mars de mettre le géant de Bonn (Symphonie N° 5) en miroir avec Etienne Nicolas Méhul (1763-1817). Si d’après de toutes récentes découvertes, la messe dite du « Sacre de Napoléon », attribuée jusqu’alors à ce dernier depuis près de deux siècles, serait l’œuvre de l’autrichien Franz Xaver Kleinheinz (1765-1832), il n'en demeure pas moins que cette pièce reste emblématique d'un style et d'une époque bien particulières. Le programme permettra également de découvrir l'ouverture Les Amazones, opéra composé par Méhul dans le cadre des longues festivités du mariage de Napoléon et de Marie-Louise, et enfin de réentendre une autre page célèbre du compositeur français : son hymne révolutionnaire Le Chant du départ.

Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes, le 10 mars à 20H
Chapelle royale du Châteaux de Versailles, le 11 mars à 19H
Réservations :
http://theatredenimes.com/spectacle/orchestre-les-siecles/
http://www.chateauversailles-spectacles.fr/spectacles/2016/mehul-messe-du-sacre-de-napoleon-beethoven-symphonie-ndeg5


12 – 21 / 3 : Le Coq d'or à l'Opéra de Nancy

Trop rarement donné, Le Coq d'or de Nicolaï Rimski-Korsakov est pourtant un chef d'œuvre d'esprit aussi bien caustique que poétique. Ce dernier opéra du musicien (1909) unit veine féérique et conte à la fois fantastique et philosophique, tiré qu'il est de Pouchkine. Un conte cruel et ambigu aussi que celui du vieux Tsar Dodon, tyran sur le déclin, manipulé par un diabolique astrologue. Laurent Pelly qui dit être fasciné par les absurdités du livret, mais aussi par sa charge caustique, s'en empare avec sa lucidité habituelle et promet une mise en scène distillant une charge grinçante qui n'empêche pas une belle dose de poésie. Il y a dans cette œuvre une musique pleine de verve, de couleurs mirifiques, des harmonies inhabituelles faisant la part belle au système de Leitmotive. Comme des compositions vocales magistrales, confiées à des voix typiques de l'opéra russe : le ténor de composition au registre pointu (l'Astrologue), la soprano colorature et éthérée (le Coq d'or) et des basses ronflantes (Dodon). Reni Calderon dirige l'Orchestre symphonique et lyrique de Nancy. A ne pas manquer pour qui aime le dépaysement.

Opéra de Nancy Lorraine, les 12 & 19 mars à 15H et les 14, 16, 21/3 à 20H.
Réservations : Billetterie, 1 rue Sainte Catherine, 54000 Nancy ; par tel.: 03 83 85 33 11 ; en ligne : www.opera-national-lorraine.fr


16/3-5/4 : Création de Trompe-la-Mort à l'Opéra de Paris

Luca Francesconi & Susanna Mälkki © Elena Bauer/OnP La destinée sulfureuse et édifiante de Vautrin, illustre personnage qui traverse La Comédie humaine de Balzac, et ses multiples alias, dont celui de Trompe-la-mort, s'établit comme un sujet idéal pour un opéra. C'est au compositeur italien Luca Francesconi (*1956) que l'Opéra national de Paris en a passé commande. Paris a découvert ce musicien lors du Festival Présences de Radio France en 2016. Fasciné par la voix, le milanais a déjà à son actif des oratorios et opéras, dont Quartett sur la pièce de Heiner Müller, créé à la Scala de Milan en 2011. Il est son propre librettiste et promet de s'emparer du personnage multiforme, du bagnard au chef de la police, en une vision globale d'une société dont sont scrutés les divers niveaux. Cette création, première d'une série de commandes, imaginées par Stéphane Lissner sur des textes littéraires, sera confiée au metteur en scène Guy Cassiers qui fera ses débuts à l'Opéra de Paris. Autre événement : elle sera dirigée par Susanna Mälkki qui avait déjà assuré celle de Quartett. On sait la proximité de la cheffe finlandaise avec le répertoire contemporain. Laurent Naouri assurera le rôle titre et la distribution compte des noms prestigieux : Julie Fuchs, Béatrice Uria-Monzon, Idikó Komlósi, Chiara Skerath, Jean-Philippe Lafont ou Cyril Dubois. Un indiscutable événement.

Opéra Garnier, Paris, les 16, 18, 25, 30 mars, à 20H30, 5 avril 2017 à 19H30, et le 2 avril à 14H30.
Réservations : Billetterie, 130, rue de Lyon, 75012 Paris ou angle rues Scribe et Auber, 75001 Paris ; par tel. : 08 92 89 90 90 ; en ligne : operadeparis.fr


16/3 -5/4 : Festival « Mémoires » à l'Opéra de Lyon

La thématique du festival annuel de l'Opéra de Lyon est dédiée à la re-création de trois spectacles emblématiques. L'Elektra de Richard Strauss fut mis en scène par Ruth Berghaus en 1986 à Dresde. La metteuse en scène jouissait alors d'une incontestable aura et le modernisme quelle offrait de cette tragédie n'était pas sans provocation. Le Tristan und Isolde dû à Heiner Müller, qui vit le jour au Festival de Bayreuth, sous la direction musicale de Daniel Barenboim, en 1993, y est resté à l'affiche jusqu'en 1999. On se souvient en particulier du II ème acte et de sa forêt d'armures enserrant les deux protagonistes. Enfin, plus près de nous, Le Couronnement de Poppée, dans la mise en scène de Klaus Michael Grüber et les décors de Gilles Aillaud, au Festival d'Aix à l'été 1999, avait soulevé l'admiration. Ces trois spectacles qui présentent des esthétiques fort différentes, sont repris non dans une idée d'exhumation muséale, mais de vivification des idées qu'ils véhiculent. Par chance, des collaborateurs des trois régisseurs ont pu retravailler les plans d'origine. Les œuvres seront servies par des distributions prestigieuses et dirigées pour ce qui est d'Elektra et de Tristan et Isolde, par Harmut Haenchen, un Kapellmeister de renom qui travaille encore aujourd'hui à Bayreuth. Pour le Monteverdi on a fait appel aux solistes du Studio de l'Opéra de Lyon que dirige Jean-Paul Fouchécourt. Sébastien d'Hérin conduira ses musiciens des Nouveaux Caractères. Nul doute que ce vent de jeunesse donnera à cette production une aura nouvelle. Pour les deux autres, on attend avec impatience l'heure des retrouvailles.

Opéra de Lyon et TNP de Villeurbanne : les 17, 20, 22, 30 mars à 20H, 26/3 à 16H (Elektra), 18, 21, 25, 28 mars, 5 avril, à 18H30 & 2/4 à 15H (Tristan und Isolde), et 16, 18 mars à 19H30 & 19 à 15H30 (Le Couronnement de Poppée ; au TNP).
Réservations : aux guichets de l'Opéra, Place de la Comédie, 69001 Lyon ; par tel : 04 69 85 54 54 ; en ligne : www.opera-lyon.com


21-31/3 : Le festival « Le printemps du violon »

Pour sa deuxième édition, le festival « Le printemps du violon » établira ses quartiers dans le VII ème arrondissement de la capitale et dans des lieux aussi improbables qu'attirants : ambassade de Roumanie, Maison de la Chimie, Maison de l'Amérique latine, église Saint Thomas d'Aquin, nouveau Centre culturel russe... Comme son nom l'indique, il fait la part belle à l'instrument avec des solistes de renom, Laurent Korcia, Michaël Guttman, Anton Martynov, directeurs artistiques de la manifestation, ou des talents émergents tels Oleg Kaskiv, Roman Kim, Mariam Sarkissian. Des ensembles de chambre se produiront également : les Menuhin Academy Soloists ou Modo Antico. La Suisse est le pays invité de cette nouvelle saison. Outre les concerts (« Happy Bach », « Le concert du mélomane » en hommage à Paul Sacher), le festival comprendra conférence (« le violon dans l'art »), spectacle (« confessions d'un violon »), atelier de lutherie, exposition, activités pour les enfants ou ciné-concert (portrait du compositeur Pierre Wissmer). Enfin, la remise du Prix Ivry Gitlis, en présence de l'artiste, interviendra au cours d'un 'Bœuf' réunissant la plupart des interprètes de cette nouvelle édition.

Renseignements (www.leprintempsduviolon.com) et réservations : par tel.: 01 45 48 26 78 ; en ligne : contact@leprintempsduviolon.com


6 - 9/4 : XXII ème Semaine Sainte en Arles

Centre culturel du Méjan à Arles / DR Pour sa nouvelle édition, la traditionnelle Semaine Sainte d'Arles réunira l'espace de trois concerts quelques fleurons du baroque. Avec, en entrée de programme, une soirée intitulée « Du carnaval à la Semaine sainte à la cour Versailles » et des pièces de Philidor, Couperin et Delalande (Leçons de Ténèbres), interprétées par la soprano Maïlys de Villoutreys, la gambiste Christine Plubeau et le claveciniste Olivier Baumont (4/4). Suivra une soirée « Un orage d'avril » autour de musiques de Johann Pachelbel, interprétées par le merveilleux ensemble Gli Incogniti dirigé par Amandine Beyer, avec le ténor Hans Jörg Mammel (6/4). Enfin, le Concert Spirituel d'Hervé Niquet livrera ses « Impressions d'Italie », sur des œuvres de Paolo Lorenzani, Orazio Benevolo et Marc-Antoine Charpentier. Trois courtes messes de Benevolo en seront l'épicentre : digne successeur de Palestrina, ce musicien a été redécouvert par Niquet qui lui a consacré jadis ses premiers enregistrements discographiques (9/4).

Chapelle du Méjan, Arles.
Réservations : Association du Méjan, Place Nina-Berberova, BP 90038, 13633 Arles cedex ; par tel.: 04 90 49 56 78 ; en ligne : www.lemejan.com
Jean-Pierre Robert


21/3 : 5e édition de la journée du REMA

Comme chaque année depuis 2013, la Journée Européenne de Musique Ancienne revient le 21 mars 2017 !
Le 21 mars 2017, premier jour du printemps et anniversaire de Jean-Sébastien Bach, une multitude d’événements (concerts, dont certains retransmis en direct, conférences, ateliers et diverses surprises…) rendra hommage à un héritage historico-musical européen de plus de 1000 ans !
Les parrains des éditions précédentes ont inclu des institutions et personnalités telles que le Commissaire Européen à la Culture, l’UNESCO, Jordi Savall, William Christie ou René Jacobs. Cette année, ce sont toujours de talentueux artistes tels qu’Enrico Onofri, Skip Sempé, Olga Paschchenko ou Hervé Niquet qui s’associent à la promotion de l’événement.
William Christie, ambassadeur de l’événement en 2015, a déclaré alors : « Toute initiative visant à jeter un coup de projecteur sur la musique ancienne est importante ! Pour des spécialistes de longue date comme moi, qui ont essayé de transmettre cette musique au grand public pendant de nombreuses années, cette célébration est une véritable reconnaissance et récompense pour ce que nous avons réalisé ! »
Jordi Savall, un des premiers soutiens de cette journée de célébration, insiste sur son importance : « Il est nécessaire d’unir nos forces, comme le fait le Réseau Européen de Musique Ancienne - qui a eu l’idée de célébrer cette journée -, pour soutenir la diffusion des musiques d’autrefois, des interprètes et les organisations qui les font connaître. »
Tandis que l’événement se déroule dans toute l’Europe et au delà, comme aux Etats-Unis ou en Russie, de nombreux concerts sont organisés dans toute la France. Une partie d’entre eux seront retransmis en ligne en direct, sur Facebook, remaradio.eu et bachtrack.com. L’Union Européenne de Radio-Diffusion et Total Baroque sont partenaires média de l’événement.
Vous trouverez ci-dessous la liste exhaustive des lieus en France ainsi que le lien du REMA / European Day of Early Music, organisateur de l’évènement.

1) Musiques anciennes en lumière – Abbaye royale de Saint-Riquer : http://www.ccr-abbaye-saint-riquier.fr/pages/musiques/reseau-europeen-de-musique-ancienne/airs-a-boire-et-a-aimer.html
2) European Day of Early Music in Clermont-Ferrand – La Camera delle Lacrime – Chapelle des Cordeliers – Clermont-Ferrand : http://www.lacameradellelacrime.com
3 ) Cantates de Bach – Stradivaria – Ensemble Baroque de Nantes – Saison Baroque en Scène – La Cité des Congrès de Nantes LIVE STREAM : http://www.stradivaria.org/event/cantates-de-bach-avec-raphael-pidoux/
4) Superbes Ennemis – Rencontres Internationales de Musique Ancienne en Trégor – Ensemble Il Festino (direction Manuel de Grange) – Chapelle Sainte-Anne – Lannion :http://www.festival-lanvellec.fr/printemps-lanvellec/journee-europeenne-de-musique-ancienne-superbes-ennemis
5) Porpora, diva & castrato – Orchestre du Concert de l’Hostel Dieu – Église Saint Bruno – Lyon : http://www.concert-hosteldieu.com/agenda/porpora-diva-castrat/
6) Découverte de la musique baroque (séance scolaire) – Passions Baroques à Montauban – Médiathèque de Montauban LIVE STREAM :http://www.les-passions.fr/fr/festival-passions-baroques-a-montauban/
7) Concerts d’orchestre baroque et musique ancienne – CESMD de Poitou-Charentes – Saint-Savin : http://www.cesmd-poitoucharentes.org/actualites
8) ANTIGUA 92 : semaine internationale de musique ancienne – TAC (Territoire Art et Création) – Bois-Colombes : http://www.antigua92.com/category/saison-2017/
9) attention, du 19 au 26/03 : Carte-blanche aux musiciens amateurs – Académie Bach – Chapelle Corneille – Rouen : http://www.academie-bach.fr/rv0251.htm
10) Génération 1685 : Bach, Haendel, Scarlatti – Pierre Hantaï, clavecin – Académie Bach – Temple – Luneray : http://www.academie-bach.fr/rv7536.htm
11) attention, le 26/03 : L’Art de la Fugue, un jeu d’enfant… – Benjamin Alard – Jean-Baptiste Monnot – Quatuor Habanera – Académie Bach – Chapelle Corneille – Rouen : http://www.academie-bach.fr/rv0778.htm
12) Mars en Baroque – Jean-Marc AYMES, clavecin, Maria Cristina KIEHR, soprano – Marseille : http://www.marsenbaroque.com/evenement/primavera-gioventu-dellanno
13) attention, le 19/03 : Vivaldi : Gloria – Ghislieri Choir & Consort – Centre culturel de rencontre d’Ambronay – Lyon : http://www.auditorium-lyon.com/Programmation-16-17/Symphonique/Formations-invitees/Vivaldi-Gloria
14) Impromptu 1 – Nexus Baroque – Centre culturel de rencontre d’Ambronay – Ambronay : http://actionculturelle.ambronay.org/Impromptus/r337.html


Et encore quelques Brèves...

- Née de la philanthropie en 1964, la Fondation Royaumont poursuit son histoire en lançant, en mars 2017, sa première campagne de financement participatif.
En effet, certains documents précieux de sa bibliothèque musicale, acquise en 2007 grâce au don d’une entreprise, nécessitent une restauration urgente. La Fondation va mettre en place un financement participatif pour la restauration de partitions rares appartenant à la bibliothèque musicale François Lang.
L’objectif : restaurer une sélection de documents anciens, rares et précieux conservés à la Bibliothèque musicale François-Lang : des partitions d’opéras et de cantates françaises du Grand Siècle, les premières éditions d’œuvres pour clavecin de J-S. Bach, des traités musicologiques et bien d’autres trésors mis à disposition des artistes et des chercheurs de passage à Royaumont. Une première pour cette fondation née en 1964 !
www.royaumont.com
www.royaumont-bibliotheque-francois-lang.fr Patrice Imbaud

- Dans le cadre des festivités des 40 ans de l'IRCAM, VERTIGO, le nouveau Forum Art et Innovation accueillera du 15 au 18 mars des personnalités de l’architecture, du design, de la musique. Des makers et des FabLab, travaillant avec des équipes de Recherche et d'innovation, mais aussi des artistes singuliers comme la compositrice Olga Neuwirth, le metteur en scène Guy Cassiers ou l’architecte Greg Lynn. Cette première édition propose une semaine de rencontres autour de l’invention des formes du digital : l’espace simulé et l’espace perçu, l’impression 3D, le design disruptif.

- L'Académie de musique française pour piano que dirige Jean-Philippe Collard, organise sa prochaine session les 10, 11 & 12 avril à l'École Normale de Musique de Paris. Contact : contact@frenchmusicpianoacademy.com Jean-Pierre Robert


ARTICLES DU MOIS

retour au sommaire

Le piano messianique, Olivier Messiaen et le piano par Jérôme Bloch

Pour mesurer l’influence d’Olivier Messiaen (1908-1992) pour toute une génération, il suffit d’énumérer la liste de ses élèves au Conservatoire de Paris : Pierre Boulez, Pierre Henry, Maurice Le Roux, Gilbert Amy, Yannis Xenakis, Paul Mefano, Karlheinz Stockhausen… Sa modernité le place dans une trajectoire prise dans l’immobilité de l’Histoire. Ses références sont nombreuses et il a évoqué dans ses nombreux entretiens, les grands compositeurs qui l’ont précédé, en montrant les filiations entre eux et lui, les influences, les admirations. Il était heureux dans l’environnement de Bach et de Mozart (il a laissé un très beau petit livre de présentation des concertos pour piano en 1964, il faisait office de programme lorsque son épouse Yvonne Loriod en donna l’intégrale). Dans Un sourire (pour orchestre), il évoqua explicitement Mozart. Il rendit aussi hommage aux innovations de ses prédécesseurs, pour le piano notamment.

« J’aime beaucoup Rameau et ses pièces pour clavecin, car le clavecin est l’ancêtre du piano. J’aime également Domenico Scarlatti pour la même raison. Ensuite, j’adore Chopin, aussi bien les Ballades que les Préludes et les Études, les Scherzos que la Barcarolle, la Berceuse et la Sonate funèbre : j’aime tout Chopin, qui est le plus grand musicien du piano. Il a découvert les traits, les doigtés, les combinaisons les plus extraordinaires. J’aime Chopin en tant que compositeur-pianiste et aussi en tant que coloriste, car, pour moi, c’est un très grand coloriste. Parce qu’il a seulement écrit pour le piano, faut-il le mettre dans une petite boîte ? ».

Olivier Messiaen / DR Les autres noms sont plus rarement cités : Schubert, Liszt, Brahms ; et si Beethoven le passionne, c’est davantage pour son génie de construction que pour son approche pianistique. Au XXème siècle, les références sont Debussy et Ravel, à travers « certaines pages », dont Gaspard de la nuit, « certainement un chef-d’œuvre ». Plus insolite : « Un ouvrage qui a joué un grand rôle dans ma connaissance du piano, que j’admire intensément et qui pour moi représente peut-être le chef-d’œuvre de l’écriture pour piano ; Iberia d’Albeniz, que j’ai découvert vers l’âge de dix-neuf ans ! J’ai souvent joué et rejoué les douze pièces contenues dans ses quatre livres (surtout Almeria, El Polo et Lavapies)… sans atteindre la perfection car elles sont d’une effroyable difficulté : je n’arriverai jamais à les jouer comme Yvonne Loriod ». C’est justement avec Yvonne Loriod, son élève dans la classe d’harmonie au Conservatoire de Paris, en 1942 (elle deviendra son épouse en 1960) qu’Olivier Messiaen a créé les Visions de l’Amen pour deux pianos le 10 mai 1943. C’est Yvonne Loriod qui a joué en création les Vingt Regards sur l’Enfant Jésus, le Catalogue d’Oiseaux et plus tard La Fauvette des Jardins et les Petites Esquisses d’Oiseaux. C’est pour Yvonne Loriod que Messiaen a placé, dans la plupart de ses œuvres, le piano au centre de son dispositif instrumental, sans jamais utiliser le terme spécifique de concerto (il considérait que l’histoire du concerto était achevée…).

Rameau, Chopin, Debussy, Ravel, Albenitz, on notera que ces noms recoupent les choix qu’Olivier Messiaen proposera plus tard à ses élèves de la classe d’analyse ; il y ajoutera Schumann (8ème Novelette), Webern (Variation op .27), Bartok (Suite « En plein air »), Jolivet (Mana) sans oublier Beethoven (dont il dit avoir analysé à sa classe les 32 sonates) et surtout la longue série des concertos pour piano de Mozart, qu’il a toujours considéré comme des sommets de l’histoire de la musique. Au chapitre des œuvres pour piano, il expliqua aussi à ses élèves certaines de ses propres compositions et n’hésita pas non plus à commenter, dès la saison 1950-1951, la 2ème sonate de Pierre Boulez, à l’encre encore fraîche. Mieux encore, à deux reprises (1956-1957 et 1964-1965), l’analyse des œuvres pour le piano fut le seul sujet de l’année.

Rameau, Chopin, Debussy, ce sont pour Messiaen compositeur, des repères pour une filiation plus que des influences clairement perceptibles, et même les Préludes de 1928 dont les titres sont tellement « debussystes » (Les sons impalpables du rêve, Un reflet dans le vent… ), ces préludes au climat apparemment « impressionniste », annoncent déjà nettement l’une des caractéristiques du langage de Messiaen : le son-couleur.

Ainsi dès sa vingtième année, Messiaen, qui a toujours expliqué d’abondance qu’il voit des couleurs, et même des accords de couleurs, en écoutant ou en lisant des partitions, compose une « musique colorée ». Ces couleurs auxquelles il sait, même s’il le déplore, que l’auditeur peut être étranger, Messiaen les décrit avec une extrême précision. Pour La Colombe, premier des huit Préludes, c’est « l’orangé, veiné de violet » ; quant au Chant d’extase dans un paysage triste, il est « gris, mauve, bleu de Prusse, pour le début et la fin ; le milieu est diamanté, argenté ». Dans ces mêmes Préludes, Messiaen met en œuvre ses premières conquêtes rythmiques et comme le note justement Michèle Reverdy dans L’œuvre pour piano d’Olivier Messiaen  : « Ces huit pièces prouvent aussi qu’avec une maturité surprenante, Olivier Messiaen remettait en question le langage traditionnel – qui lui était encore enseigné au Conservatoire ! – et qu’il s’était déjà intéressé aux rythmes hindous – rythmes non rétrogradables d’Instants défunts, diminutions ou augmentations dans La Colombe, valeurs ajoutées (Instants défunts), et mesures irrationnelles (Cloches d’angoisse). » Déjà, dans les huit Préludes, on note l’exploration des registres extrêmes du piano, les mouvements contraires avec croisement des deux mains, des effets de percussion.

Avec Yvonne Loriod / DR Quinze ans séparent les Préludes des Vingt regards sur l’Enfant Jésus, une longue période d’intense activité au cours de laquelle Messiaen compose deux cycles chantés (les Poèmes pour Mi et les Chants de la Terre et du Ciel), la Nativité du Seigneur et les Corps glorieux pour orgue, le célèbre Quatuor pour la fin du Temps, dont la composition et la création (avec Olivier Messiaen jouant sur un piano de fortune) dans un camp de prisonniers furent si souvent relatées ainsi que les Trois petites liturgies de la Présence Divine, dont on imagine mal aujourd’hui le climat d’incompréhension et les insultes qui accompagnèrent la création. Pour deux pianos, les Visions de l’Amen de 1943, déjà citées ; pour piano seul, seulement quelques minutes de musique : la Fantaisie burlesque en 1932, la Pièce pour le Tombeau de Paul Dukas et le petit Rondeau de trois minutes, écrit pour un concours de piano au Conservatoire. Mais Messiaen allait se rattraper avec les Vingt Regards, qui durent plus de deux heures et couvrent soixante-dix-sept pages de partition.

Les Vingt Regards, la quintessence de la pensée et du langage de Messiaen. Lui-même a longuement analysé la symbolique de chaque pièce, l’ensemble comportant quatre thèmes cycliques qui circulent à travers toute l’œuvre : le thème de Dieu, le thème de l’amour mystique, le thème de l'Étoile et de la Croix, le thème d’accords. Et toujours les couleurs : pour le thème d’accords, Messiaen, parle d’un « gris-bleu d’acier traversé de rouge et d’orangé vif, un violet mauve tâché de brun cuir et cerclé de pourpre violacé »… Et tous les raffinements rythmiques qu’autorise l’étude, entre autres éléments, de la métrique grecque et des déci-tâlas de l’Inde. Et, bien sûr, les chants d’oiseaux (le merle noir et la fauvette des jardins dans le Regard du Fils sur le Fils, la grive musicienne, le rossignol, le merle noir, la fauvette des jardins, l’alouette des champs et, précise Messiaen, « un chœur de toutes sortes d’oiseaux ensemble » dans le Regard des hauteurs, etc.).

Olivier Messiaen n’a jamais été un « miniaturiste », il le prouve ici, et le confirmera avec l’imposant monument qu’est la Turangalila-Symphonie, créée aux États-Unis sous la direction de Leonard Bernstein, avec Yvonne Loriod pour la grande partie de piano-solo, quatre ans après les Vingt Regards. Le thème central en est l’amour. Les références à l’Inde et à l’Indonésie sont nombreuses, avec par exemple des effets de gamelan géant (grâce au piano, aux percussions et aux Ondes Martenot). C’est l’une des grandes œuvres de Messiaen, l’équivalent de sa « Neuvième Symphonie », une sorte d’ « Hymne à la Joie », divine, celle-là… Dans le domaine des vastes cycles pianistiques, Messiaen n’avait pas fini de surprendre, sinon d’effrayer le monde musical.

Quatorze ans plus tard, les treize pièces du Catalogue d’oiseaux (deux heures quarante-cinq minutes de musique). Entre temps, une étrange parenthèse révèle qu’au tournant des années cinquante, Messiaen n’était pas insensible aux recherches très sophistiquées de ses disciples qui, en héritiers prospectifs de l'École de Vienne, s’attachaient à étendre les principes du dodécaphonisme schoenbergien à l’ensemble des paramètres (hauteurs, durées, nuances, attaques, etc.) de la composition musicale.

C’est dans cette perspective qu’ont été analysés deux nouveaux travaux pianistiques, le bref Cantéyodjayà de 1949, et plus encore les Quatre Études de rythme de 1950, et plus spécialement la deuxième des Quatre pièces, ce Mode de valeurs et d’intensités qui fit couler tellement d’encre à l’époque, que l’avant-garde rassemblée aux cours d’été de Darmstadt se mit à disséquer, et dont Messiaen tint ensuite à minimiser le rôle : « J’ai été très contrarié de l’importance démesurée que l’on a accordée à une petite œuvre, qui n’a que trois pages et qui s’appelle Mode de valeurs et d’intensités, sous le prétexte qu’elle aurait été à l’origine de l’éclatement sériel dans le domaine des attaques, des durées, des intensités, des timbres, bref, de tous les paramètres musicaux. Cette musique a peut-être été prophétique, historiquement importante, mais, musicalement, c’est trois fois rien… ».
Le Merle noir pour flûte et piano, le Réveil des oiseaux pour piano et orchestre et les Oiseaux exotiques pour piano et ensemble instrumental, suivent, de 1951 à 1956, hommages à ces chants d’oiseau de l’Inde, de la Chine, de la Malaisie et des deux Amériques, qu’il avait étudiés. Puis Messiaen décide de rassembler les chants d’oiseaux des provinces de France, œuvre bien connue en France comme à l’étranger.

Extrait du Catalogue d'oiseaux / DR En 1959, Pierre Boulez présente dans sa saison du « Domaine Musical » le Catalogue d’oiseaux, en création. Messiaen continua par la suite de rassembler des chants d’oiseaux, pour le piano ou pour d’autres instruments, et ce jusqu'à 1985 (Petites esquisses d’oiseaux), deux ans après la création du monumental Saint-François d’Assise à l’Opéra de Paris (1983).

Entre temps, il aura écrit Des canyons aux étoiles (1971-1974), gigantesque fresque tellurique en douze tableaux inspirée par un voyage dans l’Utah, aux États-Unis, « De la Terre des hommes, une élévation vers le ciel mystique, colorée de toutes les nuances de l’arc-en-ciel et traversée de chants d’oiseaux bariolés ». Le piano solo est encore présent, mais accompagné par treize cordes seulement, couvertes par un amoncellement de percussions évoquant la matière minérale, balayée par le souffle de l’éoliphone et du géophone à sable.

Comment Messiaen jugeait-il lui-même sa musique ? Un petit texte d’Olivier Messiaen permet de l’appréhender :

« Vous connaissez le conte d’Hoffmann où Hoffmann, installé devant son clavecin, reçoit la visite d’un vieux monsieur à perruque, tout poudré. Ce monsieur se met au clavecin et improvise du Gluck, du super-Gluck, du Gluck beaucoup plus génial que tout ce que Gluck a jamais écrit. Alors, Hoffmann se jette à ses pieds et lui dit : « Vous êtes le plus grand génie de la musique. Qui êtes-vous ? » et le monsieur lui répond : « Je suis le fantôme du chevalier Gluck ! » C’est à peu près mon histoire. J’aurais voulu écrire des choses merveilleuses ; je n’ai pas pu arriver à les écrire. Je les écrirai après ma mort. ».

ENTRETIEN

retour au sommaire

Gérard GANVERT : l'enseignement musical est toujours un problème

Musicologue, essayiste, chargé d’enseignement à l’Université de Versailles-Saint-Quentin, formateur auprès du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), chargé de mission en matière de formation, d’information et d’inspection au sein de la Société des éditeurs et auteurs de musique, membre fondateur de la revue Analyse Musicale, professeur de conservatoire à Paris, Gérard Ganvert a accepté de faire un tour d’horizon sur ce qu’on appelle vaguement l’éducation musicale. Il a parlé sans détour et nous reproduisons textuellement sa pensée.

Comment va l’éducation musicale en 2017 ?
L’éducation musicale c’est deux choses. C’est la musique à l’école, et ce que l’on appelle l’enseignement musical spécialisé, c’est à dire les écoles et conservatoires de musique. A l’école c’est l’enseignement général. Depuis Jules Ferry on l’a rajoutée en douzième et dernière discipline car on l’avait oubliée. On l’a mise après la gymnastique. Cet enseignement a toujours été un problème et pour répondre à votre question, c’est toujours un problème. Comme les familles ont voulu donner une éducation musicale véritable à leurs enfants, depuis les années soixante dix s’est développée une culture municipale avec les écoles de musique et les conservatoires ; ils se sont développés pendant quarante ans. Aujourd’hui on arrive à un véritable problème car cette éducation musicale coûte chère et ne touche pas assez d’électeurs pour que les politiques s’en préoccupent !

Est-ce que cela veut dire que la musique dans les écoles n’a plus aucun intérêt, alors que l’éducation physique est devenue une priorité pour le soi-disant épanouissement des jeunes !
La musique à l’école est devenue un tel problème que les communes riches se sont depuis les années quatre vingt pourvues de ce qu’on appelle des intervenants. La ville de Paris est la plus ancienne, avec un corps de PVP, professeurs de la Ville de Paris qui interviennent adossés aux professeurs des écoles. Mais dans les autres communes, puisque ce sont des fonds municipaux, seules les communes riches peuvent entretenir un tel corps. L'Éducation nationale ne fait pas son travail, elle n’arrive pas ou ne veut pas le faire, là c’est un autre débat. Finalement ce sont les collectivités locales qui avec l’argent local entretiennent des intervenants à l’école primaire. C’est donc totalement inégalitaire car il faut payer deux fois pour faire de la musique à l’école !

Est-ce que cela entraîne que l’éducation musicale est considérée comme une éducation élitiste ?
C’est l’argument qui est utilisé par les politiques : élitiste, dans leur bouche, est qu’on ne touche pas assez d’électeurs ! II n’y a pas d’élitisme au sens sociologique du terme, personne ne choisit ses élèves. Élitiste voudrait dire que je ne n'enseigne qu'aux petits blonds aux yeux bleus ! C’est totalement ridicule, on ne peut pas taxer les établissements spécialisés, les conservatoires, d’élitisme parce qu'ils n’ont pas assez de moyens pour accueillir tout le monde ! C’est un enseignement spécialisé donc ça ne touche que peu de monde.

C’est dommage de penser que c’est spécialisé alors que la gymnastique, le dessin, les mathématiques ne le sont pas considéré !
Il y a des écoles d’art pour les arts plastiques. On pourrait dire : comment se fait-il qu’il y a un Yalta de la culture entre les arts ? Lorsque l’on parle de l’histoire de l’art, la musique est absente. Pour la musique on fait de l’histoire de la musique, mais pas de l'histoire de l’art en général ! En France, la musique ne fait pas partie des structures institutionnelles de l’art !

Alors que veut dire Ministère de la Culture !
Le Ministère de la Culture s’appelait à l’origine Ministère des Affaires Culturelles, c’était une vue patrimoniale de la culture, c’est à dire les musées, les bibliothèques, le patrimoine immobilier, les monuments historiques, etc. C’est Giscard d’Estaing en soixante-quatorze qui a utilisé le mot culture, qui était un mot « ringard ». Il a créé un Secrétariat d'État à la Culture avec Michel Guy puis Françoise Giroux… Bourdieu ou des gens comme lui expliquent bien que finalement les structures ne créent pas les strates culturelles de la société, elles n’en sont que dépositaires. S’il y a des ghettos culturels ce n’est pas à cause des institutions mais de la société française.

Si on avait un président qui aimait la musique cela ferait-il bouger les choses ?
Certainement ! Seulement nos élites politiques ne sont pas formées à cela. Si elles le sont, elles ne l’utilisent pas dans leur mandat politique. On n’a pas de musiciens comme l’était Edouard Heath, qui avait recours à la musique pour la politique.

Il y a quand même un homme politique français qui a écrit un livre sur la musique...
Oui, Bruno Lemaire, sur le chef d’orchestre Carlos Kleiber. Mais cela reste de la sphère privée mais pas de celle politique. Leur admiration va à la peinture, à la littérature, comme Mitterrand ou Pompidou. La musique, elle, échappe au pouvoir ! Il y a une inculture musicale fantastique, justement parce que l'Éducation nationale ne remplit pas son rôle. Les conservatoires ne concernent qu’une petite partie de la population, et il y a ces vues politicardes qui pensent que c’est élitiste !

Il y a une demande quand même lorsqu’on voit le succès des journées comme celles de Nantes, celle de Royan ou de Reims ou même le mois d’août au Parc Floral de Vincennes. Ce ne sont pas des lieux élitistes mais bien des manifestations populaires qui attirent un public large et non spécialisé ?
Bien entendu mais ce sont des projets privés !

Il existe quand même un terreau ?
Rien n’est vraiment fait pour la diffusion de la musique classique, c’est aussi un problème économique. Dans les médias on entend quatre vingt dix neuf pour cent de musique de variétés. Il y a quelques émissions sur les chaînes publiques, très sporadiques, comme les Victoires de la Musique où l’on voit apparaître de nouveaux artistes…

Il y a quand même un paradoxe : ce sont des jeunes qui interprètent cette musique et des gens plus âgés qui viennent les écouter.
On n’a pas de véritables études là-dessus. Si vous allez à l’Opéra vous verrez que le public est assez jeune. Les gens plus âgés ont des abonnements pour aller au concert, c’est leur culture sociologiquement.

Ils ont été jeunes, comment ont-ils fait pour se former ? A l’école il y avait un enseignement à l’époque?
Mon père me disait que, dans la rue, le peintre ou le maçon sifflait de l’opéra. La radio, la télévision, à l’époque, diffusaient de la musique classique à l’heure de grande écoute. En 1920, à la naissance de la radio, il y avait des orchestres de radio qui jouaient en direct le répertoire. L’opéra était retransmis en direct. On n’a plus cela aujourd’hui.

C’est un problème économique ?
C’est un problème politico économique, c’est à dire que les politiques, comme je le disais précédemment, pensent que ce n’est pas vendeur. Même Bruno Lemaire qui a écrit son livre sur Kleiber, n’a jamais parlé de musique dans ses discours. Cela prouve bien que cela ne fait pas partie des éléments vendeurs. Pour moi c’est une mauvaise analyse.

Pourtant économiquement ce sont des retombées énormes !
Il y a deux ans il y a eu une enquête sur le secteur de la culture : il passe devant le secteur de l’automobile en termes d’emplois et de retombées économiques! Personne n’en parle dans les médias ! Mes parents, lorsque je leur avais dit que je voulais travailler dans le secteur de la musique, pensaient eux que j’allais devenir un clochard !

Lorsqu’on voit en été le nombre de festivals en France, on peut se rendre compte qu’il y a un public énorme qui n’est pas formé, pas que des mélomanes avertis...
Bien sûr, c’est là où le politique se trompe. Pour des raisons professionnelles je rencontre souvent des hommes politiques. Lorsque j’emploie le mot musique, ils me rétorquent aussitôt qu'il n’y connaissent rien, que d’ailleurs ils chantent faux ! C’est dramatique comme réponse.

On ne lui demande pas de monter sur scène !
Ni de chanter ! Cela veut dire quoi de chanter faux ? J’ai fait de l’histoire de l’art avec Jacques Thuillier (historien de l’art), et lorsqu’il nous parlait des phylactères au Moyen-âge, des bulles qu’il y avait dans les tableaux et qui en général reprenaient les lamentations de Jérémie, il se tournait toujours vers moi qui étais étudiant en musicologie, et me disait : c’est bien ce qu’on appelait Les Leçons de Ténèbres chez Couperin ? Il avait besoin d’être conforté par un soi-disant spécialiste de la musique. Les Lamentations de Jérémie sont effectivement Les Leçons de Ténèbres chez Couperin ou chez d’autres.

Aux États-Unis, en Allemagne, les universités ont leur orchestre, ce sont des initiatives privées aussi ?
L'Éducation nationale c’est un million trois cent cinquante mille personnes, c’est une des plus grosses entreprises au monde. Par comparaison, aujourd’hui Walmart, l’épicier américain, la troisième plus grande entreprise mondiale, 2,2 millions personnes dans le monde. Si on voulait véritablement développer une instruction musicale, sachant que tous les petits français passent par l’école, on pourrait le faire, il faudrait s’en donner les moyens. Le problème c’est l’école primaire : le pauvre professeur des écoles n’a pas les compétences pour enseigner la musique. Tout ce qui est enseignement artistique demande une formation spécialisée. Comme personne ne veut payer pour avoir ce personnel, avec nos impôts on paye un enseignement qui n’est pas fait ! Si vous voulez que vos enfants apprennent la musique vous allez entretenir une école de musique, un conservatoire, avec des impôts locaux, vous payez deux fois ! Pour les inscrire vous devez payer des frais de scolarité. Vous payez donc trois fois ! Cela ne dérange personne ! Le personnel spécialisé en art plastique, musical, devrait être pris en charge sur le budget national mais pas sur les collectivités qui sont plus ou moins riches.

Pendant la classe les professeurs des écoles ne pourraient-ils pas faire écouter de la musique ?
Cela existe mais ce ne sont que des tentatives individuelles. J’ai connu une personne qui était très bon musicien avec qui je jouais et qui était professeur PEGC de maths. Il était donc professeur principal en tant que prof de math, ave le préstige, et il donnait aussi des cours de musique à l’école. Mais ce ne sont là que des opérations rares et individuelles.

On donne bien aujourd’hui des cours sur le cinéma, pourquoi pas sur la musique...
La musique est plus compliquée, c’est un art plus compliqué, c’est un art du temps, c’est un art qui repose sur la mémoire. Le cinéma est concret, la musique abstraite.

Bon je veux bien, mais si j’aime Berlioz c’est grâce à mon professeur de musique !
Si je suis devenu musicien c’est à cause de mes professeurs de l’époque, c’est un autre temps !

On n’a pas parlé des conservatoires. C’est très compliqué de mettre son enfant dans ces structures. On a inventé le tirage au sort qui est soi-disant plus démocratique. C’est quand même une foutaise, non ?
C’est principalement à Paris qu’on a inventé ce mode d’inscription. On va rappeler que Paris n’est pas la France ! Son statut est doublement dérogatoire au droit commun, ça fonctionne totalement bizarrement. Les conservatoires parisiens se sont développés dans la deuxième mandature du maire de Paris, sous Chirac. On a commencé la construction de bâtiments spécifiques dédiés aux conservatoires. Un exemple : en 1985 a été construit le conservatoire du 18ème arrondissement. Il a été construit pour 750 élèves. Aujourd’hui il y en a 1300 ! Non seulement il y en a 100% de plus mais monsieur Vincent Peillon a modifié les rythmes scolaires, il a rétabli ce qui avait été supprimé en 2008 : en 2013 en redonnant le mercredi matin à l’école, les conservatoires ont perdu une demi journée. Non seulement il y a eu le double d’élèves mais avec une diminution du temps d'enseignement. Pour pouvoir inscrire leur gamin dès l’ouverture des inscriptions, on a vu cette chose insensée : des parents qui dormaient devant le conservatoire pendant une nuit ou deux dans des duvets ! C’était politiquement incorrect, on a donc créé une manière pseudo démocratique, du tirage au sort ! Si vous avez deux enfants l’un pourra entrer et l’autre pas ! Je n’ai toujours pas compris cette démocratie !

Qui a inventé cette ineptie ?
C’est l’équipe qui est là en ce moment à la Mairie ! Ce sont des gens qui ont une haine de la culture légitime. Je pense qu’ils sont eux-mêmes assez incultes ! La culture, pour eux, c’est « youkaidi youkaida » on fait tout ensemble. Ils sont persuadés que les conservatoires choisissent leurs élèves, ce qui est totalement faux. Moi qui enseigne au conservatoire du 18ème, j’ai certaines mères qui sont voilées, j’ai des gamins plus que modestes et je n’ai pas fait de choix. A la Mairie de Paris ils sont encore persuadés que notre enseignement est formaté pour les enfants de bourgeois, ce qui est totalement faux. Il faudra m’expliquer pourquoi étudier Molière serait moins bourgeois que d’étudier Mozart ou Bach !

Qu’en est-il de la diffusion de la musique d’aujourd’hui ?
Al Jarreau vient de mourir, à 76 ans. J'ai entendu un jeune professeur de musique actuelle dire que si on l’étudiait ce n’était pas une musique actuelle ! Pourtant il était d’aujourd’hui et chantait du jazz ! Alors que veut dire une musique actuelle ?

Le Jazz est la vraie musique actuelle pour moi ! Être compositeur de musique de répertoire est un vrai problème pour se faire entendre...
C’est un problème sociologique. Il y a de la musique contemporaine, savante, on va dire, expérimentale comme celle de l’Ircam et celle d’aujourd’hui taxée de post moderne. On revient à l’aspect tonal mais on utilise des moyens à la fois techniques, technologiques, de développement qui sont nouveaux et c’est en cela qu’elles sont post-modernes. Le problème est que l’on a du mal à la faire entendre parce qu’il n’y a pas de nombreux lieux où on peut l’entendre. Il y a le Festival Présences de Radio France, Musica à Strasbourg. Il y a quelques grands compositeurs qui ont bénéficié du support du cinéma pour s’exprimer, Duhamel, Delerue, Jansen. Ce dernier que j’ai bien connu, disait qu’il n’y a pas de compositeurs de musique de film ; seulement des compositeurs de musique. Je pense qu’il apporté beaucoup à la qualité des films de Chabrol. J’ai eu la chance d’assister à des enregistrements interprétés par de grands musiciens.

Alors comment les faire connaître ? Il y a un vrai problème ?
Ce n’est qu’un problème économique. Par rapport à un tube, la musique dite classique ne représente qu’un tout petit pourcentage dans le marché. C’est un cercle vicieux : ça ne rapporte pas donc on n’en joue pas, on n’en joue pas parce que ça ne rapporte pas.

Mais Cecilia Bartoli, vend bien, Gorecki et sa Troisième symphonie a vendu des millions de disques. Qui aurait parié sur Marin Marais, alors que le disque de Savall s’est vendu à des milliers d’exemplaires. Et je pourrais citer la Cinquième de Mahler, le concerto n° 21 de Mozart…
Il faudrait un véritable commentaire médiatique que l’on n'a pas, et c’est le rôle des revues, des radios, aujourd’hui d’internet, même si la qualité n’est pas suffisante pour apprécier la musique de répertoire.

Il y a quelques émissions qui font le boulot. France Musique n’est-elle pas une radio trop élitiste ?
Cette radio a toujours été élitiste et je ne suis pas sûr qu’on ait trouvé le bonne formule en terme de radio classique. Au début de la radio, comme je le disais précédemment, les orchestres de radio ne jouaient pas de la variété mais le grand répertoire. La radio était un média formateur, éducateur à la musique. Aujourd’hui, mis à part le service publique, les radios sont des vendeurs de savonnettes et il faut des produits à la hauteur de la savonnette.

Les compositeurs contemporains sont-ils en phase avec notre époque comme l’était la musique au XIXème siècle ?
Pour produire un opéra c’est très cher : Saint François d’Assise d'Olivier Messiaen a coûté une fortune et il est peu joué. Il est très prisé au Japon. A Paris, on l’a très peu repris depuis sa création. Au niveau orchestral il est très, très cher, le parc des percussions à utiliser est énorme ! Écrire un opéra aujourd’hui est-ce que cela correspond à notre époque ? Peut-on écrire encore sous la forme de Molière ou bien à la façon de Brecht ? Ce qui fait que l’œuvre d’art entre dans le patrimoine c’est le temps au temps. Lorsque j’ai étudié la musicologie, il n’y avait que deux pages dans les manuels d'histoires de la musique sur Mahler et Bruckner, les églises au XIXème siècle étaient des greniers à foin ! Aujourd’hui grâce à la politique de Malraux, les églises ont retrouvé leur fonction première. C’est encore un problème de société.

Pensez-vous qu’on ne joue pas les compositeurs contemporains à cause des droits d’auteur ?
La musique est un art du temps ! C’est un art qui repose sur la mémoire, il y a un début, un développement et une fin. L’auditeur qui n’a pas les moyens d’analyse, ressent la musique car il est conditionné. Alors s’il ne retrouve pas ce schéma, il est perdu, déstabilisé. Pour lui cela ne ressemble à rien, il a encrypté un mode, comme dans une phrase ; on peut déconstruire une phrase comme Raymond Queneau, mais cela reste anecdotique et vous ne pouvez pas construire un patrimoine culturel même s’il fait partie de ce patrimoine. Il y a de très grands compositeurs qui sont appréciés comme Dutilleux, Ligeti, Phil Glass, Steve Reich, ce sont des compositeurs qui sont importants dans la réflexion. Dans les autres formes de pensées ils n’ont jamais essayé de faire comme certains petits compositeurs contemporains d’écrire trois notes pour choquer le bourgeois, ils y arrivent et font fuir le bourgeois des salles!

Je vous trouve toujours aussi pessimiste ! Depuis qu’en 1999 vous avez écrit des articles sur le sujet rien n’a changé ?
Absolument, les faits sont là et têtus. Nous sommes dans une campagne électorale et encore une fois aucun concurrent n’a prononcé le mot de musique, de culture non plus !

Peut-être serait-il temps de leur poser la question !

Gérard Ganvert est l’auteur de L’enseignement de la musique en France, Situation – Problèmes – Réflexions, Paris, L’Harmattan, 1999, 230 p. Propos recueillis par Stéphane Loison

SPECTACLES

retour au sommaire

Le Trio Zadig au Centre de Musique de Chambre de Paris

Trio Zadig / DR Le Trio Zadig (Boris Borgolotto, violon ; Marc Girard Garcia, violoncelle ; Ian Barber, piano ) a joué le Trio de Ravel (1915). C’est une œuvre en quatre mouvements. Le premier mouvement (Modéré) reprend un thème basque. Le second mouvement (Pantoum) se réfère à cette forme poétique malaise qu’est « le pantoum ». Elle avait déjà été utilisée par Victor Hugo ou Baudelaire. Elle se caractérise par un système de quatrains à rimes croisées (le deuxième et le quatrième vers fournissent les premier et troisième vers du suivant ; le dernier vers de la pièce répète le premier).
« Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige,
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.

Ici on retrouve donc dans le second mouvement deux thèmes en alternance. Le trio Zadig est un tout jeune trio qui a remporté de nombreux prix internationaux. Il est actuellement en résidence à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth de Bruxelles dans la classe du Quatuor Artemis. Pendant trois semaines ce trio a donc interprété cette œuvre de Ravel. Énergie, concentration, limpidité c’est ce qu’il a transmis à l’auditoire. Bien sûr le second mouvement a eu le plus de succès et a été fortement applaudi à peine terminé - A la salle Cortot on a le droit d’exprimer son enthousiasme quand on le veut ! – A la fin de l’œuvre c’était un triomphe mérité tant leur interprétation était surprenante de vigueur et d’intelligence. Si vous n’avez pas eu le temps entre le 19 janvier et le 4 février d’aller écouter ces magnifiques musiciens c’est que nous n’avons pas fait notre boulot! Le trio Zadig a un site où l’on peut suivre ses prestations : triozadig.com/fr/accueil

(Le premier mouvement du trio de Ravel a été utilisé pour la bande du film d’ « Un Cœur en Hiver » de Claude Sautet) Stéphane Loison

« Le Romantique Authentique » au Musée d'Orsay

Eric Hoeprich /DR En parallèle d’expositions temporaires, l’auditorium d’Orsay, avec son directeur Luc Bouniol-Laffont et sa programmatrice Sandra Bernhard, propose toujours des concerts originaux par le biais d’artistes pas toujours entendus et d’œuvres peu ou pas connus. « Le Romantique Authentique » du 21 février au 13 juin 2017 tel est le programme. Un cycle de quatre concerts permet de découvrir ou redécouvrir, à la manière des baroqueux, un répertoire romantique interprété sur instruments d’époque. Cette recherche « d’authenticité » qu’avaient commencé à entreprendre Harnoncourt, Van Immerseel, Gardiner, avec Beethoven, Berlioz, Schubert et d’autres grands compositeurs romantiques, toute une jeune génération l'a continuée dans ce sens. Ursula Dütscler, pianiste bardée de prix internationaux et Eric Hoeprich, clarinettiste hollandais, ont interprété avec des copies d’instruments d’époque un programme d’œuvres peu jouées. La Grande Sonate pour piano et clarinette op. 52 a été écrite en 1808 par Charles Bochsa. Ce compositeur de plus 350 œuvres était très apprécié par Napoléon 1er en tant qu’harpiste. Cette sonate se caractérise par des thèmes extrêmement vocaux, dignes d’airs d’opéra. Pour la petite histoire Bochsa (1789-1856), accusé de plagiat et d’être bigame , a terminé sa vie en Australie ! Le duo a ensuite interprété une très joie œuvre d’un contemporain Carl Maria von Weber, Sept variations sur une thème de Silvana, un opéra écrit par ce compositeur. Deux variations ont permis d’entendre le pianoforte seul (copie d’un pianoforte qu’avait acquis Ludwig van Beethoven !). Le concert s’est terminé avec une Fantaisie pour piano forte et clarinette de Schumann écrite en 1849. Cette œuvre a été composée pour les solistes de l’orchestre de Dresde avec qui Clara donnait des concerts. Entendre ce duo où le pianoforte est à l’unisson avec la clarinette offre des nuances que l’on ne peut guère apprécier avec des instruments modernes. Les compositeurs, n’en déplaise aux interprètes actuels, avaient composé pour ces instruments et donc avaient écrit par rapport aux sonorités qu’ils entendaient. Avec un Steinway et une clarinette moderne on n’arrive pas à cette beauté lumineuse et diaphane ; tout est trop fort, et avec la manie des pianistes de jouer avec les pédales, on perd tout ce romantisme élégant et subtil que possèdent ces écritures. Dütscher et Hoeprich ne savent pas si ce qu’ils jouent est « authentique », mais ils ont pendant ce concert essayé d’approcher au plus près de ce que pouvait être cette musique au XIXème siècle. Grâce à leur talent ce voyage dans le temps à l’auditorium d’Orsay était délicieusement envoûtant.

Les prochains concerts de « Romantique Authentique »: 
- le 28 mars : François Dumont et Les Pléiades
- le 13 juin : Jean-François Heisser et le Quatuor Cambini
Par ailleurs, dans la série «  La Nuit, le Cosmos », du 14 mars au 16 mai, en parallèle avec l’exposition « Paysages mystiques », on pourra entendre :
- le 14 mars : le Quatuor Zaïde
- le 21 mars : Jonas Vitaud
Pour tous renseignements : auditorium@musee-orsay.fr Stéphane Loison

L’Histoire du Soldat par la Troupe du Centre de Musique de Chambre de Paris

> L'Histoire du Soldat est un mimodrame composé pour trois récitants (le Lecteur, le Soldat et le Diable) et sept instrumentistes. Elle précède la période néoclassique de Stravinsky. Le u compositeur est alors réfugié en Suisse du fait de la Révolution russe. Le chef d'orchestre Ernest Ansermet le présente à Charles-Ferdinand Ramuz. L’ambiance de l’œuvre comporte plusieurs tableaux et emprunte à la musique de cirque et au jazz. L'argument de la pièce reprend un vieux conte russe compilé par Alexandre Afanasiev. Un soldat pauvre vend son âme (représentée par le violon) au Diable contre un livre qui permet de prédire l'avenir. Après avoir montré au Diable comment se servir du violon, il revient dans son village. Hélas, au lieu des trois jours promis, le séjour passé avec le Diable a duré trois longues années. Personne au village ne reconnaît le soldat : ni sa mère, ni sa fiancée, qui s'est mariée. Le soldat utilise alors son livre magique pour devenir fabuleusement riche. Incapable d'être heureux avec sa fortune, il joue aux cartes contre le Diable : son argent contre le violon. Le Diable gagne, mais enivré par ses gains il se laisse voler le violon. Le soldat guérit alors la Princesse malade promise par le Roi à qui la guérirait. Malheureusement, cherchant toujours plus de bonheur, le soldat et la Princesse quittent alors le royaume et désobéissent au Diable. Le soldat est emporté en enfer. L'œuvre se termine par le triomphe du démon dans une marche sarcastique.

La mise en espace, salle Cortot, de ce mélodrame ne nous a pas convaincu ! Avec une vidéo très amateur, pléonasmique, le travail de René Bosc n’était pas digne de la qualité des interprètes que nous avons déjà rencontrés dans le précédent spectacle enthousiasmant sur Poulenc et son Bal Masqué. Le déplacement des musiciens nuisait à l’écoute du texte fort mal interprété et souvent incompréhensible, due à la mauvaise qualité du son. On peut avoir des ratés, les expériences ne sont pas toujours concluantes, on ne peut pas réussir à tous les coups, le principal c’est d’entreprendre. C’est le travail que fait Jérôme Pernoo et son équipe.
Stéphane Loison

Contemporain, vous avez dit : contemporain ? au Collège des Bernardins

Ensemble Vocello © Guy Vivien Le 30 janvier au collège des Bernardins était organisée, dans le cadre de la résidence de Vocello, une soirée-débat autour de deux questions : « Musique contemporaine : une musique trop savante ? » et « La musique contemporaine et ses racines dans le passé : quel rapport entre modernité et tradition ? » Pour y répondre, un groupe animé par le musicologue Jean-Yves Clément : les compositeurs Thierry Escaich et Philippe Hersant, la chanteuse Catherine Simonpietri, le violoncelliste Henri Demarquette, l’architecte Antony Béchu et Emmanuel Hondré, directeur de production à la Philharmonie de Paris. Cela donna lieu à des échanges à la fois libres et… plutôt consonants.

Après une brève introduction dans laquelle il rappelait la mort du sérialisme intégral et la fin de la radicalité esthétique imposée par la génération de 1925, Jean-Yves Clément demandait aux deux créateurs si l’on pouvait encore parler de musique contemporaine et en même temps si eux-mêmes pouvaient se situer hors de ce champ. Philippe Hersant reconnut l’existence d’un style contemporain, qui se traduit notamment par l’éloignement de la tonalité et de la mélodie, mais qui embrasse des musiques très différentes. Pour lui, l’oreille, organe beaucoup plus paresseux que l’œil, est conditionnée par tout un contexte culturel, par le milieu ambiant. Il est donc naturel que, libéré de tout carcan idéologique, le compositeur puise son inspiration simplement où il se trouve. Et de citer l’exemple de Bartók exilé aux États-Unis. Devant l’insistance du modérateur, pour qui l’auditeur, toujours en quête de plaisir immédiat, a naturellement besoin de lyrisme, Thierry Escaich défendit l’idée que, même si le public avait besoin de se raccrocher à un système de référence, la complexité d’écriture n’était pas un problème en soi et qu’elle avait toujours existé. Il suffisait qu’à l’écoute le résultat parût évident, naturel. Lui-même insiste sur la notion d’œuvre auprès de ses étudiants en classe de composition et reconnaît par ailleurs l’importance de l’improvisation dans son jeu d’organiste. Il arrive que celle-ci nourrisse son travail écrit, ce qui au reste cadre bien dans une époque gagnée par un retour à une forme de spontanéité. Soulignant la parenté qui existe entre musique et architecture, Antony Béchu acquiesca en parlant du dessin initial de l’architecte, à la fois simple et fort. Et Thierry Escaich renchérit en parlant du jaillissement nécessaire à partir duquel on organise.

Intermède musical : deux chansons de John Dowland interprétées par des membres de Vocello – mot-valise pour la réunion des voix de Sequenza 9.3, ensemble dirigé par Catherine Simonpietri, et du violoncelle d’Henri Demarquette. Transition toute trouvée pour aborder la seconde discussion.

Pour Thierry Escaich, le recours (et non le retour) au passé est naturel dans tout travail de conception. La continuité, pas la rupture : confère Bach et Brahms. Philippe Hersant adhère à cette thèse, convenant qu’il puise dans les terreaux baroque et prébaroque. Lui-même, dans sa jeunesse, à l’époque où l’on voulait faire table rase du passé, dut s’arrêter d’écrire durant une période, coupé de son inspiration. Ce qui importe pour lui, c’est de pouvoir mêler son langage propre à la mémoire qu’il a gardée de sources extérieures. Comme dans Voci de Berio. Emmanuel Hondré rappela fort opportunément la réponse du compositeur italien à un musicologue : « La musique est tout ce que j’ai envie d’entendre comme de la musique. » Et affirma que la musique ancienne est contemporaine par le sens qu’elle a pour nous. Catherine Simonpietri conclut en proclamant que, pour elle, chanteuse et cheffe de chœur, la musique n’avait aucune frontière, ni spatiale ni temporelle.

Pour faire écho à cette réflexion sera donnée, le 27 mars, dans le même lieu, un concert de Vocello, qui fera entendre de la musique élisabéthaine et deux pièces récentes inspirées par ces chants anciens, Night’s Birds et Métamorphoses, signées respectivement  Thierry Escaich et Philippe Hersant.

Personne, dans un public très clairsemé, n’osa, comme au bon vieux temps, provoquer cette petite communauté, qui à elle seule ne pouvait pas représenter la diversité de la création actuelle, en posant la question de savoir si contemporain était l’art d’accommoder les restes. Affaire à suivre… ou à devancer ?!
Patrick Jézéquel

La haute figure de Kaija Saariaho au Festival Présences à la Maison de la Radio

Kaija Saariaho / DR La 27e édition du Festival Présences fut un magnifique arc de triomphe élevé en l'honneur de Kaija Saariaho, dont il avait l'ambition de faire le portrait en quelque 25 œuvres réparties sur 18 concerts, auxquelles il faut ajouter les extraits donnés lors de l'entretien de la compositrice et du producteur Arnaud Merlin. Mais pour faire un portrait en mots, pour tenter de décrire cet univers si particulier, il convient de faire un détour (qui n'en est pas vraiment un) par les sources extra-musicales qui le traversent de part en part.

Littérature : le lien et le souffle

La musique et la personne de Kaija Saariaho sont nimbées de mystère, comme elle-même le remarque à la toute fin de l'entretien qu'elle donne à Clément Mao-Takacs pour la revue Tempus Perfectum (n°11, avril 2013) : « Tout cela est finalement misterioso... » (p.12), et c'est sans doute sous le signe du songe qu'il faut envisager et sa musique et son rapport à la littérature. N'étant pas instrumentiste, la compositrice est avant tout travaillée par une imagination et une sensibilité subtiles qui lui font puiser son inspiration dans les stimuli que lui donne notamment la poésie, cette hésitation prolongée entre le son et le sens, selon les mots de Paul Valéry.

Cette porosité se traduit en musique par une forte tension permanente entre la précipitation de l'instant vécu et la distance d'une chambre d'écho. De fait, il y a toujours place pour un jeu dans sa partition. Jeu, c'est-à-dire battement, respiration, histoire individuelle dans un contexte donné (Adriana, femme enceinte, voix solitaire sur fond de guerre, de viol et d'exil dans Adriana Songs, dont le texte est signé Amin Maalouf), expression personnelle dans une structure formelle précise (« Ariel' Hail » ou « Prospero's Vision », dans The Tempest Songbook, œuvre composite où se succèdent des chants de Purcell et de Saariaho sur La Tempête de Shakespeare) ou encore écartèlement entre deux extrêmes d'un paradis perdu et sa traduction musicale entre intensité dramatique et flottement extatique (comme dans Sombre pour flûte basse, baryton, percussion, harpe et contrebasse, sur trois Cantos d'Ezra Pound).

Tout est lié et délié en même temps, dramatisation soudaine d'un instrument soliste et souplesse de la pulsation rythmique de l'ensemble (comme dans Graal Théâtre par exemple, qui reprend le titre d'une œuvre de Jacques Roubaud et, par-delà, tout le merveilleux qui enchanta l'Europe médiévale), fracas cosmique puis relâchement ou dilatation (entre frénésie et stase, Orion illustre le mythe du chasseur géant, fils de Poséidon tué par Artémis et transformé en constellation par Zeus), forte de tutti d'orchestre et circulation du son d'un pupitre à l'autre (ainsi dans True Fire, où, sur la nappe sonore et fondue de l'orchestre, alternent les solos du baryton et les différents pupitres par ricochets infinis), fragile équilibre du chuchotement de la voix solitaire et sons-bruits de l'instrument soliste (Dolce Tormento pour piccolo solo sur un Chant de Pétrarque).

Tout, dans cette écriture, est donc à la fois narration, rebondissement et dédoublement par réverbération dans l'espace (celui de la scène et celui du cosmos) et dans le temps (celui de l'écoute, mais aussi de l'histoire). Elle produit ainsi un discours musical organique qui intègre à la phrase les techniques et le matériau. Le caractère nécessaire de cette musique, puissante donc et éloignée de toute afféterie, est l’assise d’un charme qui opère dès les premières mesures. Kaija Saariaho se défend d'être une compositrice romantique pour autant qu'elle est éloignée de tout pathos, de toute exagération narcissique ou de toute sentimentalité ; et pourtant, n'est-ce pas être romantique en un autre sens que de toujours situer le sujet personnel et sa persona (terme jungien équivalant au « masque social », idée à la source de Figura), au centre de la création ? Qu'il soit chanteur, chanteuse ou instrument soliste, l'individu est pris dans une trame qui le comprend, le dépasse et qu'on appelle Nature...

La Nature, le surnaturel

L'air, la lumière et la terre sont sans doute les trois éléments qui inspirent le plus Kaija Saariaho ; il suffit pour s'en convaincre de lister quelques titres des pièces entendues au festival : Light and Matter, Maan Varjot (« Ombres de la Terre »), Terra Memoria, True Fire, Orion, Lichtbogen, Papillons, Terrestre, Light still and moving, Sombre, Nymphéa, Cloud Trio. La musicienne entretient une relation intense avec sa terre natale, la Finlande, ses aurores boréales, ses espaces infinis et ses gris. Quant à l'auditeur, il a toujours affaire à une matière et à un processus. Matière, c'est-à-dire pâte, épaisseur ou transparence sonores ; processus, c'est-à-dire mouvement et métamorphose. Ces deux termes de matière et de processus évoquent immédiatement la musique spectrale, courant auquel participa la compositrice à partir du tout début des années 1980. Il était donc pertinent que ses œuvres soient mises « en Présences » de celles de Tristan Murail (La Vallée close) et Gérard Grisey (Talea). Mais chez Saariaho prime le son instrumental, dont elle a une connaissance intime – que l'on songe au violoncelle ou à la flûte, deux de ses instruments favoris. L'éventuel traitement informatique vient ensuite (Lichtbogen, Nymphéa).

Tout se passe comme si une animation, une activité intérieures se déployaient à l'intérieur d'un cadre immuable : le spectacle de la vie même ! Jeu aussi sur notre perception, qui peut être changeante. On ne s'étonnera pas que la compositrice ait été fascinée par le tremblement ou le vol immobile du lépidoptère et que l'on « voie » dans Papillons pour violoncelle solo : une danse sur place. De la même façon, Light still and moving pour flûte (basse, piccolo puis en ut) est une danse de la lumière, dont on perçoit les scintillements, les miroitements. Même chose encore dans Spins and spells pour violoncelle : ces « Toupies et petits moments » font se succéder ou s'entremêler, selon l'explication de la créatrice, des motifs « qui tournent sur place et subissent différentes métamorphoses », et des instants « dépourvus de temps mesuré, centrés sur la couleur et la texture du son. » De la Nature à la musique : tout est donc sensation et aussi correspondances, harmonie, parfum... D'ailleurs, deux morceaux programmés se réfèrent au travail de peintres : Nymphéa (Monet) et Sombre (Rothko). La première, pour quatuor à cordes et électronique, traite différentes images inspirées par la vision de la fleur, dont la belle symétrie structurelle est fragilisée par le clapot. La couleur de la flûte basse illustre directement l'atmosphère de la Rothko Chapel à Houston (Texas), chapelle aveugle et noir absolu pour les peintures monochromes : c'est Sombre, où le dénuement de la musique de chambre, alimenté par des nuages de notes tenues dans une atmosphère extatique, le dispute au drame du chant. Mais si la Nature est l'Inspiratrice, le climat musical général a quelque chose de surnaturel. C'est très exactement ce qui se passe également dans la poésie de Saint-John Perse, l'Inspirateur pour Saariaho, présent directement à travers la pièce Terrestre pour flûte, percussion, harpe, violon et violoncelle, laquelle s'inspire d'Oiseaux. La recherche infatigable de la Beauté, une certaine idée de la noblesse et du sacré, la conflagration d'images et d'échos de souvenirs collés ensemble mais provenant de hauteurs différentes, l'animation constante des sonorités, enfin le travail sur un langage magnétisé, porteur d'une charge, produisent ce mystère dont nous sommes porteurs : que l'âme est en nous le seul pouvoir d'éternel, ce que rendent sensible la poésie et la musique de ces deux créateurs. Et justement l'oiseau, « de tous nos consanguins le plus ardent à vivre » (Oiseaux, I), pour le poète et pour la musicienne, c'est l'infini dans la finitude : littéralement une projection de l'homme. Dans Terrestre là encore, légère comme l'oiseau de Pierre et le Loup, la flûte chante et surtout mène la danse, rendue très aérienne par le souffle de l'interprète et le timbre de son instrument. Le timbre, précisément, le paramètre le plus immatériel d'un art si peu matériel...

Des interprètes jouant de l'intérieur

Kaija Saariaho & la flûtiste Camilla Hoitenga / DR Que serait une grande prêtresse sans ses ministres du culte ? Kaija Saariaho, personnalité très attachante, s'est entourée pour ce festival de musiciens amis et souvent dédicataires de ses œuvres. Fidèles parmi les fidèles sont les Finlandais Camilla Hoitenga, Anssi Karttunen et Kari Kriiku. Sans oublier la joueuse de kantele Eija Kankaaranta. Tous jouent de l'intérieur en ce sens qu'ils ont parfaitement intégré la musique de Saariaho. C'est ce que ressent l'auditeur : un geste, une attitudes parfaits dans le rendu d'un monde vivant, habité. Quelle meilleure ambassadrice que la flûtiste Camilla Hoitenga, enjouée, théâtrale autant qu'il convient de l'être et si juste dans ses attaques, ses nuances et toutes ses intentions ? Anssi Karttunen, violoncelliste d'une sobriété et d'une précision confondantes ! Ou bien Kari Kriikku, dont la clarinette, si claire et qui n'est pas sans rappeler le chofar (corne de bélier jouée dans le rituel juif) quand elle monte dans les hyper aigus en trilles et notes répétées, résonne en nous longtemps après qu'elle s'est tut. Il serait fastidieux de citer tout le monde, mais il convient tout de même de nommer les chanteurs Nora Gubish (très à l’aise dans Adriana Songs), Pia Freund (magistrale en Miranda dans The Tempest Songbook), Gabriel Suovanen (très expressif également dans The Tempest Songbook) et Davóne Tines (une voix et une présence qu’on n’oublie pas), les chefs Dima Slobodeniouk (il porte le Philar et emporte tout le public dans le concert d’ouverture, qui réunissait Kaika Saariaho et Raphaël Cendo) et Clément Mao-Takacs (la bonne humeur et la netteté d’un jeune chef dont la direction a ce je-ne-sais-quoi d’arachnéen qui correspond bien au monde de Saariaho), Florent Jodelet (les percussions sont une composante centrale des ressources timbriques de la compositrice, et le jeu de Jodelet est d’une exactitude et d’une concision extrêmes) et enfin – last but not least ! –, la violoniste Jennifer Koh (bouillonnante et bouleversante dans Graal Théâtre). Deux phalanges ont tiré les feux d’artifice de cette fête réussie : l’Orchestre Philharmonique de Radio France et l’Orchestre National de France.
Patrick Jézéquel

La Contemporaine pour tous au festival Présences de Radio France


Lucie Prod'Homme © Jean-MarcVidal
Tombant au beau milieu des vacances scolaires, le concert tout public que programme chaque année le festival Présences de Radio France n'aura peut-être pas accueilli autant d'enfants que souhaité. Il n'en a pas moins réjoui tous ceux qui étaient au studio 104 ce samedi matin de février pour assister à un spectacle de créations qui impliquait plusieurs instances de la Maison Ronde telle que la Maîtrise et le Groupe de Recherche Musicale (INA-GRM). En lever de rideau, c'est une pièce courte autant qu'attachante de Kaija Saariaho, compositrice à l'honneur de cette 27ème édition de Présences, qui est à l'affiche. Horloge, tais-toi convoque la Maîtrise de Radio France et Anne le Bozec au piano, tous dirigés par Jean Deroyer, La pièce a été écrite en 2007 pour le chœur du conservatoire municipal du Centre – où chantait Aliisa, la fille de la compositrice - sur un texte de son fils Aleski, alors âgé de 15 ans. Aussi fraiche que malicieuse, toute ravélienne dans l'âme, la musique joue avec le tic-tac incessant, irritant, obsessionnel de l'horloge que les voix tentent sans succès d'arrêter. Le piano/horloge se venge en assénant in fine de monstrueux clusters/cloches assourdissants. Chargé de la présentation, Clément Lebrun toujours en verve, introduit les trois miniatures suivantes – Blanche-neige express, Alice express (au pays des oreilles) et Chaperon express - des commandes, données en création mondiale, passées respectivement à Eric Broitmann (*1972), Jonathan Pontier (*1977) et Lucie Prod'Homme (*1964) s'attachant aux trois héroïnes féminines. Deux personnages, Donatienne Michel-Dansac, inénarrable, et Paul-Alexandre Dubois, jouent/chantent les textes acidulés de Pierre Senges qui met chaque conte « à la question ». Les compositeurs ont, quant à eux, imaginé un environnement sonore électroacoustique – sons fixés sur support et diffusés à travers les haut-parleurs – insufflant un rythme, un espace, des couleurs en « un chatouillis joyeux pour les oreilles » nous dit Lucie Prod'Homme. En charge de Chaperon express, elle met en résonance les mots et les sons à la faveur d'un montage serré et virtuose.

Alexandros Markeas © Alexandre Chevillard La seconde partie du programme est entièrement dédiée à la création (commande de Radio France) de Rhapsodie monstre du compositeur franco-grec Alexandros Markeas (*1965). La Maîtrise revient sur scène, en compagnie de quatre percussionnistes (Efji Klang), quatre euphonium (Quatuor opus 333) et un piano mécanique, tous sous la conduite de Jean Deroyer. On retrouve également nos deux comédiens/chanteurs et un narrateur – Dominique Pinon – servant le texte du même Pierre Senges. Drôle autant que tragique – Sophocle et Euripide en mémoire – l'histoire en trois actes, située en Grèce, met en scène le comédien Aristoplane sur fond de crise économique et de chômage. Bientôt licencié, contraint d'accepter des petits boulots, Aristoplane – Paul-Alexandre Dubois tout terrain - rencontre successivement Héradote, Hypertrophie, une sibylle... - Donatienne Michel-Dansac, bête de scène - et devient... prophète. L'issue, trop tragique, de l'histoire est détournée par l'assemblée qui refuse de jouer la scène 5 de l'acte III – « nous refusons l'avenir qui est inscrit dans ces pages » - et la réécrit en des termes beaucoup plus aimables et jouissifs. Le chant, la musique, l'intervention de la Maîtrise – sorte de chœur antique – irriguent l'histoire. Joute des euphoniums pour sacrer le nouveau prophète, déferlements des percussions, - qui rythment parfois le récit comme dans L'Histoire du Soldat de Stravinsky- flûte à coulisse, anches traditionnels, rototom, crécelle, cymbale chinoise sont autant de ressources sonores pour mettre en résonance les mots, articuler et donner son envergure narrative et colorée à cette Rhapsodie monstre. Complices et réactifs, les trois protagonistes sont épatants, les instrumentistes et la maîtrise, préparée par Morgan Jourdain, ne déméritent pas, jusqu'au piano mécanique qui ne manque pas son effet chaque fois qu'il se manifeste. Les moyens sont économes mais efficaces, l'écriture cursive et spirituelle. Voilà un opéra pour tous, original et bien enlevé. Reste à souhaiter que le spectacle puisse tourner sur toutes les scènes de France et de Navarre !
Michèle Tosi

Matthias Goerne & Leif Ove Andsnes. Cycle Schubert au Théâtre des Champs-Elysées : L’eau et le feu.

Matthias Goerne & Leif Ove Andsnes © Hiroyuki Ito. Voilà bien un véritable marathon vocal entrepris par le fameux baryton allemand en compagnie de son comparse le pianiste norvégien Leif Ove Andsnes, duo rodé, s’il en est, connaissant son Schubert sur le bout des doigts. Un tandem qui fonctionne parfaitement, la retenue et la rigueur rythmique de l’un (piano) canalisant la théâtralité parfois exubérante de l’autre (chant). Trois cycles de lieder bien connus en trois récitals voyant se succéder La Belle Meunière, Le Voyage d’hiver et Le Chant du cygne. Trois corpus bien différents exprimant, chacun à leur manière, l’intime et les tourments de l’âme autour de thèmes chers au Romantisme allemand comme le voyage, l’amour, l’espoir, la déception, la tristesse et la mort.

Die Schöne Müllerin : Une lecture contrastée

La Belle Meunière constituait le premier volet de ce triptyque. Un cycle complet de 20 lieder composés par Franz Schubert en 1823 sur des poèmes de Wilhelm Müller. Un cycle nous contant les amours malheureuses d’un jeune homme pour la fille d’un meunier qui lui préfèrera en définitive un chasseur conduisant l’amoureux éconduit à la mort. Une suite de lieder comme autant d’étapes d’un voyage intérieur très contrasté suivant le cours d’un ruisseau, comme fil conducteur, évoquant la nature, la joie et l’espoir avant de céder bientôt la place à la mélancolie et au désespoir. Un cycle caractérisé par son naturel et sa sobriété, la forme strophique entretenant une certaine fluidité jusqu’au tableau final, Céleste berceuse du ruisseau où sous un ciel plus vaste que tout, le héros disparait dans l’onde salvatrice en disant « Bonne nuit »….Un cycle que le baryton allemand fréquente depuis de nombreuses années mais qu’il faut réinventer à chaque prestation. La lecture donnée ce soir fut indiscutablement marquée du sceau du naturel, sans pathos excessif, tantôt engagée et véhémente, tantôt intime et confidente, suivant au plus prés l’expression du moi intime, mais également capable de donner vie à cette nature consolatrice tant aimée. Une interprétation contrastée où chaque mot est savamment pesé assurant une parfaite fusion entre poèmes et musique, dans une diction claire et un équilibre souverain avec le piano discret mais efficace du pianiste norvégien. Un parcours jalonné d’émotions, mené parfois sur un tempo d’enfer (Der Jäger), une vocalité facile, un sublime legato où l’on regrettera toutefois les grandes inspirations trop marquées de Matthias Goerne.

Der Winterreise : Une lecture théâtrale

Si nous avions laissé l’apprenti meunier sur un « Gute Nacht » sonnant comme un adieu dans la Berceuse du ruisseau du cycle précédant, c’est encore sur un « Gute Nacht » que s’ouvre ce cycle du Voyage d’hiver, mais dans une tonalité mineure bien différente (mi majeur pour le premier, ré mineur pour le second). Si le thème de la Nuit est cher au Romantisme allemand, les Hymnes à la nuit de Novalis en sont la plus éminente preuve, ces deux lieder marquent bien par leur dissemblance l’évolution de la situation de Schubert entre 1823, date de composition de la Belle Meunière et 1827, date de composition du Winterreise. Schubert a alors 31 ans, sa situation est précaire, l’absence de reconnaissance, la solitude, l’angoisse et la maladie qui l’emportera bientôt façonnent son quotidien mais la fièvre créatrice le ronge faisant de ces dernières années, les années parmi les plus productives (dernières sonates, symphonies, messe et musique de chambre). Le Voyage d’hiver représente sans doute le sommet du lied schubertien par sa densité, son dramatisme, son intériorité douloureuse. Un voyage tout intérieur qui le conduira au bout de la solitude et du désespoir où l’hiver est synonyme de mort, sans recours possible à une quelconque Nature consolatrice. Tout bonheur, ici, n’est que souvenir et illusion…Un cycle de 24 lieder, sur des poèmes de Wilhelm Müller, poète quasiment contemporain de Schubert mais que le compositeur ne rencontra jamais. Si Matthias Goerne avoue réinventer l’interprétation de ces lieder lors de chaque exécution, la magnifique lecture qu’il nous en donna ce soir fut marquée par le ton de la confidence douloureuse n’excluant pas une certaine théâtralité, veillant à susciter l’émotion à chaque mot prononcé, variant le phrasé, accentuant nuances pour magnifier les couleurs d’une interprétation magistrale. Autant de poèmes, autant de véritables bijoux ciselés par une diction parfaite, un évident amour du mot exalté encore par l’expressivité de la prosodie schubertienne. Le baryton allemand, fragile et résigné dans Gute Nacht, fait vivre le vent dans Die Wetterfahne, rend la désolation palpable et accablante dans Wasserflut et Der Wegweiser, tandis que le legato du chant s’élève comme un court moment de sérénité et de répit dans Der Linderbaum. Rückblick et Die Post font la part belle au piano tourbillonnant, alors que Die Krähe est marquée par la noirceur de la profondeur des graves abyssaux du baryton, avant que le chant ne s’éteigne sur un souffle, soutenu par la ritournelle du piano dans l’ultime Der Leiermann. Une interprétation superbe, à la fois confidente et théâtrale, véritablement habitée, où la maitrise du chant et du piano parviennent à réaliser de la façon la plus parfaite la difficile synthèse des mots et de la musique. Magistral !

Der Schwanengesang : Une lecture synthétique

Juste et mérité retour des choses, c’est le pianiste Leif Ove Andsnes qui occupait la scène pour cette première partie de l’ultime concert de ce cycle Schubert, avec les Trois pièces pour piano D. 946. Trois pièces parfois considérées comme une nouvelle série d’Impromptus qui restèrent méconnues jusqu’en 1868, date à laquelle elles furent publiées par Brahms. A mi chemin entre le monde du lied et les compositions en plusieurs mouvements, le pianiste norvégien les interpréta de façon magistrale avec beaucoup de retenue et une profusion de couleurs. La première attaquée sur un tempo très rapide, au son ample et orchestral rapidement relayé par un épisode méditatif où le temps semble comme suspendu avant un final tout en contrastes. La deuxième, élégiaque, sombre, inquiétante, mélancolique, poétique et envoutante, toute baignée d’une lueur crépusculaire. La troisième très dynamique (presque jazzy !) rappelant l’écriture brillante de la Wanderer fantasie. Retour ensuite de Matthias Goerne pour le Schwanengesang.

Le cycle Le Chant du cygne peut paraitre, à juste titre, manquer d’unité car on sait qu’il s’agit en fait de lieder isolés secondairement rassemblés en un recueil posthume, de façon apocryphe, par l’éditeur Haslinger. Regroupant 14 lieder, aux thèmes variés, sur des poèmes de Ludwig Rellstab et Heinrich Heine, ce cycle disparate fut pour le baryton allemand l’occasion idéale de donner libre cours à sa vision si particulière des lieder de Schubert dont il est actuellement l’indiscutable champion. En accentuant les couleurs et en exaltant l’interprétation vocale et scénique, il nous en livra une lecture habitée, vivante, engagée, parfois théâtrale, voire expressionniste et agitée, ailleurs confidente ou pathétique, mais toujours empreinte d’une justesse et d’une sincérité qui ne sauraient laisser indifférent, par son amour du mot, par son potentiel émotionnel et sa capacité d’évocation. Un chant très varié, fluide et fragile dans le Liebesbotschaft, noir et théâtralisé dans Kriegers Ahnung, serein, souple et paisible dans Ständchen avec peut-être un excès de nuances lui donnant un aspect maniéré, pesant et désolé dans In der Ferne, joyeux et très rythmé dans l’Abschield, colossal avec un engagement vocal et pianistique époustouflant dans Der Atlas, recueilli dans Ihr Bild, lancinant et mystérieux dans Die Stadt, effrayant dans Der Döppelgänger avec un piano se réduisant à quelques accords avant de laisser place au silence que le public subjugué, pour une fois, eut la patience de respecter…Une preuve d’excellence qui ne trompe pas !


Patrice Imbaud

Le Chamber Orchestra of Europe à la Philharmonie de Paris : Lumière classique et passion romantique

Yannick Nézet-Seguin © Marco Borggreve. Déjà à la tête de l’Orchestre de Philadelphie, de Rotterdam, de l’Opéra de Montréal et tout récemment du Metropolitan Opera de New-York, le jeune chef québécois de 41 ans Yannick Nézet- Séguin, nouvelle étoile « filante » de la direction d’orchestre dirigeait pour ce concert, étape parisienne d’une tournée européenne, la somptueuse phalange européenne créée en 1981 à partir de l’Orchestre des jeunes de l’Union Européenne. Une formation qui a, depuis quelques années, noué des liens étroits avec ce chef talentueux. On se souvient de l’intégrale des symphonies de Mendelssohn donnée ici même avec ce même orchestre l’an passé. Chaque apparition du COE est un évènement musical en soi, tant la qualité artistique est impressionnante. Cette excellence partagée entre orchestre, chef et soliste, Jean-Guihen Queyras au violoncelle, expliquant assurément l’affluence du public dans la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris. Joseph Haydn d’abord avec la très rarement jouée, Symphonie n° 44 dite « Trauer », symphonie funèbre (1771) qui porte bien mal son nom tant elle parait, paradoxalement, chargée de vie et de passion, teintée, ce qui en fait sa spécificité, des accents préromantiques du « Sturm und Drang ». Elle appartient à un corpus symphonique s’étalant de 1766 à 1774, également nommé « crise romantique » caractérisé par un retour à la polyphonie et un usage fréquent du mode mineur. Une œuvre que Joseph Haydn eut souhaité qu’on la donnât à l’occasion de ses funérailles en 1809, ce qui ne fut pas fait. Le chef québécois sut, avec brio, en rendre les aspects classiques haydniens avec une clarté du discours digne des Lumières, tout en privilégiant dans sa lecture les couleurs romantiques, plus sombres et passionnées, par force variations de tempi, rubato, tension et exacerbation des nuances. Quatre mouvements s’y succèdent, le premier dynamique et cantabile, le menuet exempt, ici, de toute galanterie, un mouvement lent pathétique et un finale exalté et jubilatoire. Haydn toujours avec le Concerto pour violoncelle n° 1. Pièce incontournable de répertoire pour violoncelle dont Jean-Guihen Queyras donna une vision à couper le souffle, par sa complicité véritablement palpable avec l’orchestre atteignant un authentique égrégore, par sa virtuosité sans faille (3e mouvement), et la sonorité exceptionnelle de son violoncelle Gioffredo Cappa 1696. Beethoven pour finir, avec la Symphonie n° 6 dite « Pastorale » (1808) confirmant avec éclat la qualité superlative de l’orchestre et la maitrise de la direction de Yannick Nézet-Seguin. Une œuvre radieuse, lyrique, champêtre, chargée d’amour et de paix, qui fut créée le même jour que la Symphonie n°5, le 22 décembre 1808 à Vienne. Difficile d’imaginer contraste plus surprenant ! Hymne à une nature rêvée, première œuvre à programme, plutôt expression du sentiment que peinture, elle déroule cinq tableaux où l’orage et les chants du rossignol (flûte), de la caille (hautbois) et du coucou (clarinette) sont parmi les plus emblématiques d’une partition par ailleurs sous tendue par sa richesse mélodique. Occasion rêvée pour le chef canadien de faire valoir tous les pupitres, cordes somptueuses, vents rutilants, par sa direction souple et précise laissant respirer l’orchestre, par la souplesse et l’amplitude de son phrasé et la subtilité des transitions, n’excluant pas une certaine retenue. Du beau travail que le public de la Philharmonie sut apprécier à sa juste valeur par des rappels répétés sans obtenir toutefois de bis ! Ouh !
Patrice Imbaud

Carmen au Théâtre des Champs-Elysées ou le triomphe de Marie-Nicole Lemieux

Marie-Nicole Lemieux © Denis Rouvre Carmen : Opéra en quatre actes de Georges Bizet sur un livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy d’après Mérimée. Orchestre National de France, Chœur et Maîtrise de Radio France, dir. Simone Young. Marie-Nicole Lemieux, Michael Spyres, Vanina Santoni, Jean-Sébastien Bou, Chantal Santon-Jeffery, Ahlima Mhamdi, Frédéric Goncalves, Francis Dudziak, Rodolphe Briand, Jean Teitgen. Version de concert.

Force est de reconnaitre que le ciel paraissait bien couvert sur l’Andalousie pour cette représentation de Carmen au Théâtre des Champs-Elysées…Les bodegas de Triana suintaient la morosité et les rives du Guadalquivir semblaient bien tristes, si l’on excepte l’embellie vocale de la contralto canadienne Marie-Nicole Lemieux qui assuma avec brio cette prise de rôle. Il faut avouer que la chanteuse, paradoxalement habituée de la musique baroque, trouvait ici un rôle à sa démesure, tant dans le jeu d’acteur que dans la prestation vocale, implication scénique et qualité du chant remplaçant avantageusement un plumage sans grand rapport avec la cigarière sévillane… Peu importe finalement le plumage puisque le ramage fut à la hauteur de l’enjeu confirmant, avec éclat, Marie-Nicole Lemieux dans ce rôle, car la chanteuse canadienne est indiscutablement Carmen par sa vocalité facile, sa diction claire et intelligible, son tempérament de feu et une outrance assumée rendant parfois fragile la frontière entre drame et caricature folklorique. Pour le reste il faut admettre une certaine déception…Michael Spyres, au timbre si particulier, entre baryton et ténor assuma sa partie sans cette flamboyance que l’on est en droit d’attendre pour le rôle de Don José. Pathétique plutôt que vaillant, sa sincérité scénique et sa tenue vocale firent du duo final avec Carmen un moment d’une exceptionnelle intensité dramatique. Jean-Sébastien Bou parut également en petite forme, campant sans panache un Escamillo d’opérette. La Micaëla de Vannina Santoni ne fut pas plus convaincante, détimbrant parfois, la ligne de chant fut entachée d’un important vibrato gênant la compréhension de la diction. L’Orchestre National nous parut étonnamment frileux, avec des cordes sèches et un cor solo défaillant, phrasant de façon plate et hachée, sans sensualité ni véritables couleurs, manquant d’alegria sous la baguette contestable de Simone Young dont la chorégraphie sur l’estrade ne parvint pas à nous faire oublier la rudesse et la manque de subtilité de la direction. Belle prestation du Chœur et de la Maîtrise.
Patrice Imbaud

Mariss Jansons & l’Orchestre de la Radio Bavaroise à la Philharmonie de Paris : Complicité absolue !

Mariss Jansons © Hiroyaki Ito A 74 ans, la silhouette peut paraitre fragile, mais c’est d’un pas décidé et un large sourire aux lèvres que le chef letton, Mariss Jansons monte d’un saut rapide sur le pupitre, pour diriger, toujours avec la même excellence, son Orchestre de la Radio Bavaroise dont il est le chef titulaire depuis 2003. Point n’est besoin de présenter, ni même de résumer, ici, une immense carrière reconnue partout de par le monde, expliquant l’affluence des grands soirs à la Philharmonie de Paris. Un programme original, éclectique associant une œuvre peu connue, Antigone de Vladimir Sommer, un célèbre cycle de lieder, les Kindertotenlieder de Gustav Mahler et les Danses Symphoniques de Sergeï Rachmaninov. Autant d’occasions de faire valoir la magnificence de l’orchestre, ainsi que la science de la direction de Mariss Jansons capable de réaliser tout au long de cette soirée la difficile synthèse entre somptuosité orchestrale et pulsion chorégraphique. Dynamique orchestrale d’abord avec le prélude pour orchestre, Antigone de Vladimir Sommer (1921-1997). Compositeur d’origine tchèque, Sommer reste peu connu en Europe occidentale, son œuvre peu abondante semble marquée par l’héritage de Prokofiev et Chostakovitch, usant d’un langage clair, immédiatement expressif au chromatisme dense. Antigone fut composée en 1956, se déroulant dans un combat manichéen entre Bien et mal opposant idéalisme et réalisme politique, affrontement baigné de noirceur et de drame conformément à la tragédie de Sophocle. Une pièce impressionnante par sa progression alternant flux et reflux, par son ampleur sonore, par son caractère obstiné entrecoupé d’épisodes lyriques, par sa tension immédiatement palpable, parfois grimaçante ou grotesque, avant de s’éteindre dans un souffle… Splendeur de l’accompagnement orchestral ensuite, avec les Kindertotenlieder (1905) de Mahler, sur des poèmes de Rückert, chantés par Gerhild Romberger, remplaçant au pied levé Waltraud Meier souffrante. Une interprétation qui restera dans les mémoires par l’équilibre entre orchestre et voix, par la netteté des timbres orchestraux (cor, petite harmonie, harpes, cordes graves) par la facilité vocale, la retenue de la ligne, la rondeur du timbre, l’étendue de la tessiture, la qualité de la diction… Pulsion chorégraphique enfin avec les Danses Symphoniques de Rachmaninov. Dernière œuvre de Rachmaninov, datant de 1940, la dimension chorégraphique (valse, fandango), omniprésente, ne doit pas faire oublier le génie de l’orchestration recrutant un étonnant instrumentarium avec saxophone et piano notamment, dans un surprenant mélange de sacré et de profane, de danses et de prière, syncrétisme entre modernisme et lyrisme caractéristique du compositeur russe, se concluant dans une coda haletante. Superbe orchestre, grande direction, triomphe !
Patrice Imbaud

Christian Gerhaher, baryton & Gerold Huber, piano : La quintessence du Lied

Christian Gerhaher © Jimi Rakete Sony Classical Dans le cadre de sa Biennale d’art vocal, la Philharmonie de Paris recevait pour un récital unique, le fameux baryton, Christian Gerhaher, dans un programme de Lieder consacré en totalité à Robert Schumann, le Lied schumannien étant reconnu, entre autres, comme un des domaines de prédilection du chanteur allemand, accompagné comme à son habitude par son complice, le pianiste Gerold Huber. Un programme associant Drei Gesänge op. 83, Fünf Lieder et Gesänge op. 127, Sechs Gedichte und Requiem op. 90, Romanzen und Balladen op. 49, Liederkreis op. 24 et Vier Gesänge op. 142. Le lied occupe une place essentielle dans l’œuvre de Robert Schumann (1810-1856). C’est à partir de 1840, après s’être longtemps consacré au piano, que Robert entreprend ses premiers lieder avec notamment son Liederkreis op. 24. Il trouve chez le poète Heinrich Heine un étrange écho à sa vie personnelle, même difficulté d’aimer, même mal être. Mais d’autres poètes seront également convoqués comme Rückert, von Eichendorff, Kerner, Lenau, Frölich. Une poésie au charme pouvant paraitre aujourd’hui légèrement suranné, à la métrique limpide, charmante par sa simplicité. Les thèmes évoqués dans ces lieder sont pour la plupart empruntés au Romantisme allemand, l’amour, la mort, le mal être, la nuit, l’errance, le rêve, la nature, la nostalgie, l’épopée guerrière, la violence et la passion pour n’en citer que quelques uns…auxquels s’ajoute chez Schumann l’évocation de tout un univers fantasmagorique peuplé d’hallucinations, de joie, de douleur et d’angoisse liée aux préludes de la maladie qui l’emportera quelques années plus tard. On est d’emblée frapper en entendant Christian Gerhaher par la maitrise absolue du chant dans l’exercice particulièrement difficile du lied. La vocalité est aisée, sans pathos, sincère et éloquente, le timbre est rond et naturel, la ligne de chant souple et tenue, sans jamais détimbrer, le legato sublime de douceur, la diction est précise et la prosodie fluide, la puissance rayonnante et sans excès, au simple service de la musique et de l’interprétation trouvant toujours le ton juste dans l’expression du « Je » intime sur laquelle se construit le lied, quelque soient les climats, de la complainte amoureuse, au drame, au désespoir ou encore à l’épopée. Pour soutenir ce chant superlatif, il fallait un merveilleux écrin que Gerold Huber nous tisse tout au long de cette mémorable soirée par son pianisme au fort pouvoir d’évocation, au phrasé très narratif, tout habité de couleurs et nuances, véritable chant sans paroles, dans une communion parfaite et équilibrée avec la voix. Bref, une soirée d’exception qui laissa le public de la salle des concerts sous le charme…
Patrice Imbaud

Leonidas Kavakos & Yuja Wang en récital à la Philharmonie de Paris : Intimité et flamboiement !

Leonidas Kavakos & Yuja Wang © Nicolas Brodard. Deux solistes prestigieux reconnus de part le monde, réunis pour un superbe récital dans la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris. Un concert au programme audacieux certainement, intéressant assurément, et quelque peu ardu, associant des œuvres de musique de chambre de Janacek, Schubert, Debussy et Bartók. Quatre sonates magnifiques qui prirent sous les doigts des deux solistes des notes irisées, pleines de charme et de poésie, passant avec une confondante facilité de l’intimité de la confidence au flamboiement virtuose. La Sonate pour violon et piano de Leos Janacek (1854-1928) datant de 1922 ouvrait la soirée, œuvre de la maturité, en quatre mouvements se déroulant dans une ambiance intimiste, au discours nourri de mélancolie et de liberté, très contrastée, laissant de larges intervalles au silence, qui aurait sans doute tiré bénéfice d’un cadre plus restreint que le grand vaisseau de la Philharmonie, d’autant que la lecture qui nous en fut faite sembla parfois se resserrer dans un étroit dialogue aux sonorités un peu retenues. La Fantaisie pour violon et piano D.934 de Schubert, composée en 1827, fut incontestablement un grand moment de poésie, là encore un peu retenue, très intériorisée, où la douceur, le toucher délicat et le legato sublime du violon répondait à l’élégance, à la félinité et à l’à propos du piano. La virtuosité des deux solistes n’apparaissant jamais vulgaire ou tapageuse et la lecture toujours nimbée de cette lumière crépusculaire, si émouvante, typiquement schubertienne. La Sonate n° 3 pour violon et piano de Claude Debussy (1862-1918) fut écrite en 1917, splendide, étrange, fluide, angoissante, sorte de flot de larmes refoulées que le court intermède fantasque du deuxième mouvement ne parviendra pas à détourner de l’abime final. Cette œuvre, composée en plein nationalisme anti allemand, évoluant en trois mouvements très contrastés, fut créée la même année, salle Gaveau, en compagnie de Gaston poulet au violon, création qui fut l’occasion de la dernière apparition publique du grand « Claude de France » avant sa mort en 1918. Leonidas Kavakos et Yuja Wang nous en livrèrent une interprétation remarquable par l’expressivité, la fluidité, la virtuosité et la complicité de la lecture. Pour conclure ce beau récital, une pièce également difficile, la Sonate pour violon et piano n° 1 de Béla Bartók, composée en 1921, années d’après guerre où Bartók est le plus près de l’atonalité. En 1922 le compositeur la donne en concert à Londres en compagnie de la violoniste Jelly d’Arianyi, un amour de jeunesse récemment retrouvé. Témoignant d’importantes recherches sur l’atonalité, il s’agit d’une pièce comprenant trois mouvements, le premier s’appuyant sur l’indépendance des deux solistes, chargé de mystère, suivi d’un second mouvement élégiaque, presque entièrement dévolu au violon, avant que le final, aux accents tziganes, ne nous emporte dans une furieuse et époustouflante virtuosité renforcée par les martèlements percussifs du piano. Une très belle soirée où la limpidité de la ligne du violoniste grec (Stradivarius « Abergavenny 1724) répondit parfaitement au jeu souple et félin de la pianiste, dans une symbiose parfaite pour une interprétation originale, complice, poétique et flamboyante.
Patrice Imbaud

Un formidable Château de Barbe-Bleue conclut la Biennale d’art vocal à la Philharmonie de ParisLe Château de Barbe-Bleue. Opéra en un acte de Béla Bartók (1881-1945) sur un livret de Bela Balazs. Ensemble Intercontemporain & Orchestre du Conservatoire de Paris, dir. Matthias Pintscher. Michelle DeYoung, John Relyea. Version de concert

Matthias Pintscher © Felix Brendel Matthias Pintscher à la tête de son Ensemble Intercontemporain et de l’Orchestre du Conservatoire de Paris apporta une conclusion flamboyante et magistrale à la Biennale d’art vocal de la Philharmonie de Paris par une formidable (au sens étymologique du terme) interprétation de l’opéra de Béla Bartók, en version de concert. Un opéra où l’intrigue se limite au pur conflit psychologique entre les deux personnages. Chef d’œuvre absolu, créé à Budapest le 24 mai 1918, élément lyrique incontournable du XXe siècle, bâti sur une dramaturgie audacieuse et resserrée entre Judith et Barbe-Bleue, sans influences extérieures. Véritable chemin de croix à rebours conduisant, après l’ouverture des 7 portes, à 7 salles (salle des tortures, salle d’armes, salle du trésor, jardin, domaine, lac des larmes, salle de épouses) toutes baignées de sang, annonciatrices de la catastrophe finale s’ouvrant alors sur la nuit et la solitude définitives. Usant d’une prosodie atypique, d’une rythmique particulière, d’une magie orchestrale certaine, très narrative, caractérisant chaque porte par un climat, un instrumentarium et des associations de timbres particulières, cet opéra fut également pour les compositeurs ultérieurs une véritable terre nourricière…Un rappel que ne manqua pas de faire Matthias Pintscher qui proposa au public, en première partie, deux autres visages de la Hongrie du XXe siècle, sous la forme de deux pièces de musique d’aujourd’hui, San Francisco Polyphony de Gyorgy Ligeti (1923-2006) et Stèle de Gyorgy Kurtag (° 1926). Deux œuvres nécessitant un grand effectif orchestral, d’une grande complexité structurelle, très difficile d’exécution qui poussèrent quelque peu l’orchestre dans ses ultimes limites, notamment au pupitre des cuivres. San Francisco Polyphony fut composé en 1974, dédié à Seiji Ozawa, directeur du San Francisco Symphony Orchestra. Évoluant dans un climat sombre, riche en effets sonores et ruptures rythmiques, cette belle pièce alterne entre Ordre et Chaos sur une distorsion entre ligne mélodique et fusion harmonique. Stèle date de 1994, dédié à Claudio Abbado et au Berliner Philharmoniker, est une symphonie funèbre constituée de trois mouvements très contrastés où la désolation domine avant de s’achever dans une ambiance statique comme celle d’un regard implacablement fixé au même endroit…Une mise en miroir méritoire et intelligente, couronnée par cette somptueuse lecture du Château de Barbe-Bleue donné en deuxième partie de concert. Pour cette œuvre grandiose, il fallait bien deux voix exceptionnelles comme celles de la mezzo soprano américaine Michelle De Young et du baryton basse canadien John Relyea. Deux statures vocales impressionnantes capables de résister face à l’orchestre mené d’une main experte par Matthias Pintscher, la basse noble et inquiétante du chanteur canadien répondant à la tessiture large et dramatique de la mezzo américaine, deux chanteurs parfaitement dans leurs rôles tant vocalement que scéniquement. Une lecture portée par une dramaturgie incandescente, une tension soutenue oscillant entre drame poignant et effroi, une réalisation orchestrale de premier ordre avec une superbe prestation de la clarinette solo et de toute la petite harmonie. Une direction très engagé et attentive, une mise en place tirée au cordeau et un équilibre parfait entre solistes et orchestre. Bref, une interprétation magistrale tant vocalement qu’instrumentalement pour une œuvre d’exception qui le valait bien…
Patrice Imbaud

Révisez-vos classiques! L'ESM Bourgogne Franche-Comté fait son festival

Trio Chromosphère et le compositeur Benoit Sitzia © Charles Bodinier Preuve de sa vitalité et de son rayonnement, l'École Supérieure de la Musique Bourgogne Franche-Comté (ESM) dirigé par Bernard Descôtes fait chaque année à la même date son festival sur plusieurs journées (du 2 au 5 février) fédérant les forces vives des étudiants, toutes disciplines confondues. C'est dans la luxueuse et bien sonnante Salle de Flore du Palais des Ducs et des États de Bourgogne qu'avait lieu la majorité des concerts, tous fort bien suivis par un public fervent et chaleureux.

Le concert du 4 février à 17h offre à l'auditoire un large éventail du répertoire de musique de chambre, allant de J.S. Bach à la toute jeune génération des compositeurs d'aujourd'hui à la faveur de trois ensembles qui vont se relayer. En ouverture, la soprano Louise Chalieux, accompagnée au piano par Bérangère De La Salle interprète Poema en forma de canciones de Joaquín Turina (1822-1949), cinq pièces qui puisent aux richesses rythmiques et mélodiques de la musique populaire sévillane : les premières pages, essentiellement pianistiques – vaillante Bérangère De La Salle - en soulignent les nervures rythmiques et les couleurs modales, comme les quatre chansons qui suivent, alliant charme mélodique (Nunca Olvida) et ferveur du cante flamenco (Cantares). On apprécie le grain chaleureux de la soprano Louise Chalieux ainsi que la beauté de son médium même si cette musique galbée réclame plus encore de tempérament et d'articulation du texte.

Entre Bach et Turina, ce sont trois œuvres récentes, dont deux créations mondiales que joue le Trio Chromosphère, trois étudiants de l'ESM – Rémi Tripodi, saxophone, Raphaël Jaffiol, clarinette et Lisa Heute, accordéon – qui ont passé commande à deux compositeurs du CNSM de Paris. Ce projet ambitieux a donné lieu à une résidence à l'Abbaye Notre Dame de Fontevraud où interprètes et créateurs ont pu travailler en étroite collaboration. Ripple on skin (Ondulation sur peau) de Tom Bierton, tout juste 26 ans, est une pièce subtilement construite qui met à l'œuvre le processus de la boucle et ses allures mécaniques et obsessionnelles. Aux courts motifs mélodiques mis sur orbite s'agrègent des phénomènes bruités - ceux de l'accordéon notamment - qui s'intègrent in fine à cette cinétique infernale. Dans L'agogique du silence, Benoît Sitzia, à peine 27 ans, modèle le temps musical sur le verbe poétique, celui d'Eléonore Dupraz dont le très beau poème s'immisce dans l'écriture musicale. De fait, ce sont les mots, dits par les musiciens, qui induisent l'articulation, les silences et la dramaturgie sonore. Musique de la jubilation, du mystère et de l'attente... Le compositeur tire merveilleusement parti des sonorités de ces trois instruments à anches, qui se parent d'un velouté singulier dans l'acoustique généreuse de ce Palais. A ces deux créations, le Trio Chromosphère ajoute la pièce du compositeur et organiste suisse Michael Pelzel (*1978), une des rares écrites pour cette formation atypique. Dans Blue and Monochrome, jouée partiellement ce soir, le compositeur travaille à la mixture des timbres et dessine une trajectoire où alternent des séquences très contrastées, entre hiératisme et fulgurances rythmiques. Saluons le talent, la virtuosité et la concentration des trois jeunes interprètes – ils ne travaillent ensemble que depuis peu – dont la synergie et l'écoute mutuelle forcent l'admiration.

La troisième partie de la soirée est entièrement dédiée à l'ensemble de violoncelles de la Hochschule de Mainz conduit par le premier violoncelliste Christoph Lamprecht. Les interprètes de très haute tenue jouent, de Bach, des extraits de la Suite n°3 pour violoncelle seul, dans l'arrangement très contestable de Schumann (violoncelle et piano!) que Manuel Fischer-Dieskau adapte à son tour pour cinq violoncelles (Christophe Lamprecht, Doh Hee Lee, Ena Markert, Agnès Menna, Yejin Na). Des chorals du Cantor de Leipzig, magnifiquement joués par les interprètes, résonnent en alternance. Si l'arrangement de Werner Thomas-Mifune du concerto pour quatre violoncelles de Telemann ne nous convainc pas pleinement, les chants à 4 voix de Schumann suscitant fugue et canon, captivent notre écoute sous l'archet sensible et expressif des cinq violoncellistes.
Michèle Tosi

Les Münchner Philharmoniker à la Philharmonie de Paris : Valery Gergiev en panne d’inspiration !

Valery Gergiev © Alberto Venzago Le public était venu en nombre pour ce premier concert des Münchner Phiharmoniker à la Philharmonie de Paris, conduits par leur nouveau chef principal, le fougueux et très médiatique Valery Gergiev. Une affluence motivée également par la curiosité, et sous tendue par la question de savoir comment allait évoluer désormais cette prestigieuse phalange, naguère dirigée par les plus grands, et notamment par l’emblématique Sergiu Celibidache, entre les mains du chef russe qui la dirige depuis 2016. Un chef discuté, sinon discutable, assez irrégulier dans ses interprétations, capable du meilleur comme du pire, dont les dernières prestations ne soulevèrent pas toujours l’enthousiasme…Un programme copieux, maintes fois rabâché (Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy, Concerto pour piano n° 3 de Rachmaninov et Symphonie n° 1 « Titan » de Gustav Mahler) qui permit rapidement de tirer les trois enseignements de la soirée, qualité indiscutable de l’orchestre, maitrise absolue du piano et formidable interprétation du jeune prodige russe, Danii Trifonov et manque criant d’inspiration dans la direction de Valery Gergiev. Dès les premières notes de la flûte, le Prélude à l’après-midi d’un faune parait opaque, mené sur un tempo trop lent, suivant un phrasé décousu qui alourdit le trait et pénalise grandement la délicatesse et la poésie debussystes. En revanche, le Concerto pour piano n° 3 de Rachmaninov nous donne à entendre une superbe interprétation où le brio du piano est encore renforcé par la pâleur de l’accompagnement orchestral. Le jeu du pianiste russe est véritablement époustouflant parvenant à réaliser avec une déconcertante facilité l’étonnante et difficile synthèse d’engagement et de lyrisme, caractéristique du compositeur russe. Une interprétation véritablement habitée de bout en bout, tantôt élégiaque, tantôt véhémente, mais sans dureté, sachant éviter les grands martèlements percussifs outranciers de certains tenants de l’école russe…Ici la virtuosité est constamment au service de la musique et l’engagement physique intense au service de l’expressivité, dans une symbiose totale avec l’orchestre entretenant un dialogue équilibré et complice qui atteindra son acmé dans le mouvement final. Epuisé physiquement par l’épreuve pianistique, le généreux Danii Trifonov offrira toutefois au public conquis un merveilleux Lento de la Sonate n° 1 opus 28 du même Rachmaninov.

En deuxième partie, La Symphonie n° 1 dite « Titan » de Mahler. Si l’on considère que le corpus symphonique du compositeur répond à une exigence unique d’organiser le Chaos, cette symphonie est la première étape de cette lente progression vers la découverte d’un Ordre qui trouvera son terme dans les horizons bleutés de la neuvième et dernière symphonie. « Le terme symphonie signifie pour moi : avec tous les moyens techniques à ma disposition, bâtir un nouveau monde ». Composée dans sa forme définitive en 1893, elle comprend quatre mouvements. L’introduction s’ouvre sur les fameux « LA » harmoniques évoquant le commencement du monde comme une scène matinale dans la forêt lorsque le soleil de l’été brille et scintille à travers les branches. On est au commencement du monde qui s’éveille au son du coucou, puis le monde se construit alternant « suspension » et « percée » (Adorno), ordre et chaos, correspondant aux différentes étapes de la construction. Le deuxième mouvement, répétitif, acharné, vulgaire, construit sur un rythme de danse marque un épisode de détente avant la reprise forcenée du travail. Le troisième mouvement angoissant et parodique suit l’enterrement du chasseur en compagnie des animaux de la forêt. Le quatrième mouvement s’élève comme un cri, péremptoire, ne laissant plus place au doute, confirmé par une mélodie centrale empreinte de sérénité. Une œuvre symphonique que Gergiev aborde de façon assez neutre, sans particularité, usant de grande variation de tempo et de silences prolongés qui nuisent à la continuité du discours, le second mouvement est plus énergique et dansant, le troisième parait le plus réussi si l’on excepte de curieux ralentissements qui ajoutent au caractère languissant et funèbre de Bruder Jacob, tandis que le dernier dynamique et tendu est habité d’un lyrisme poignant avant de se conclure sur un final grandiose avec cors debouts. Une interprétation qui ne restera pas dans les mémoires avec de beaux moments indiscutables, mais une direction paraissant parfois assez chaotique et maniérée. A noter enfin, pour rester sur une impression favorable, un superbe orchestre valant à lui seul le déplacement, avec des cordes chaleureuses et des vents rutilants, clairs et ronds (petite harmonie et cors). Bravo !
Patrice Imbaud

L’ÉDITION MUSICALE

retour au sommaire

COMEDIE MUSICALE

Daniel BONNET : Goutte au nez. Conte musical pour une voix d’enfant, piano et récitant. 1 vol. 1 CD. A Cœur Joie : ACJ 440.

Bien sûr, « une voix d’enfant » signifie qu’un chœur d’enfants chante à l’unisson. Prévu pour des enfants de 4 à 8 ans, le conte est abordable aussi bien dans le cadre scolaire que dans celui d’un premier cycle de conservatoire. L’histoire est tout à fait charmante et se termine bien. La musique est sans prétention mais sans vulgarité et d’une écriture très agréable. La partie de piano est volontairement facile et pourra être exécutée par un grand élève. Ajoutons que le CD joint au livret contient l’intégrale de la partition ainsi que le play-back, ce qui facilitera grandement la mise en œuvre. Seul le récitant doit être un adulte. La durée totale est d’environ 12 minutes, ce qui constitue un format tout à fait convenable. On ne peut donc que ce réjouir de cette nouvelle partition dans cet art si difficile qu’est l’écriture pour enfants. Daniel Blackstone

Jacques BALLUE & Alban LAPEYRE : Monsieur d’Artagnan. Spectacle musical. Livret de Bernard Salles. Delatour : DLT2692.

Cette commande de l’Ecole de Musique du Grand Auch Agglomération s’adresse à toute une école adossée à des pratiques collectives solides, mais elle est passionnante. Cette nouvelle aventure de d’Artagnan et de ses compagnons est bien réjouissante… et se termine bien ! Le texte est particulièrement bien écrit, l’ambiance historique plausible (à la Dumas…). Les anachronismes sont savamment distillés mais participent au côté humoristique de l’œuvre sans la dénaturer. Disons le mot, même s’il n’a pas très bonne presse aujourd’hui, tout cela est de très bon goût. La musique est résolument tonale et épouse parfaitement toutes les situations. Un orchestre symphonique copieux est prévu mais on peut travailler aussi avec la partie de piano. Celle-ci pourra même être confiée à un grand élève. Quant aux chœurs, même s’ils supposent souvent quatre voix mixtes, ils n’offrent aucune difficulté. Bien sûr, il y faut les costumes et les décors, mais tout est bien expliqué dans la partition. Il s’agit donc d’une réalisation abordable pour des écoles de musique dynamiques (mais elles le sont toutes, n’est-ce pas ?) et également en lien avec les établissements scolaires. D.B.

Bernard COL (musique) et Cécile PRUNET (scénario et paroles) : Du rififi à Montmartre. Comédie musicale. Assez facile. Delatour : DLT0889.

Cette sympathique comédie musicale nous fait vivre le Paris mythique des années 50. Nous y trouvons une jeune danseuse et son voisin de pallier, un jeune inspecteur de police, qui vont, dans l’atmosphère d’un cabaret, dévoiler les manœuvres d’un commissaire ripoux… Tout se termine bien, évidemment. Numéros dialogués, chantés et dansés se succèdent. L’ensemble est écrit pour huit rôles chantés et deux chœurs : le chœur des danseuses, chœur de femmes, et le chœur des flics, chœur d’hommes évidemment. Le style musical est également d’époque. On ne s’ennuie pas à suivre ces aventures… Il y faudra cependant un solide pianiste. D.B.

MUSIQUE CHORALE

FAURÉ Gabriel : Pavane op. 50. Version pour chœur et piano (1888). A Cœur Joie : CA 158.

Bien que parue il y a déjà trois ans, cette partition méritait d’être signalée. L’œuvre est trop connue pour être présentée. Elle n’est pas techniquement très difficile tout en étant de la très belle musique. Mais tout est dans l’interprétation ! Et trop souvent on prend au « premier degré » le texte hautement parodique de Robert de Montesquiou et la musique faussement « classique » de Fauré… Même si techniquement la partition de piano n’offre pas vraiment de difficulté, elle demande d’abord cette distinction un peu détachée typique d’un certain esprit français… Mais faisons confiance aux choristes et à leurs chefs ! D.B.

Laurent COULOMB : Six Noëls Français pour chœur mixte a cappella. Assez facile. Delatour : DLT0898.

Laurent Coulomb renouvelle avec beaucoup de goût et de délicatesse ces Noëls souvent harmonisés, en particulier par Paul Berthier pour les Petits Chanteurs à la Croix de Bois. Les différentes formes d’écriture sont utilisées. Les cinq premiers sont des timbres traditionnels : Il est né le divin enfant, Les anges dans nos campagnes, Ah ! Quand reviendra-t-il, le temps ? Joseph est bien marié, Le petit Jésus est né. Quant au dernier, D'où vient qu'en cette nuitée, l’auteur a composé, sur des paroles du XVI° siècle de Nicolas Denisot une sorte de pastiche tout à fait réussi.
D.B.

Gaston LITAIZE : Deux Noëls pour chœur et orgue. Moyen. Collection Musique & Patrimoine. Delatour : DLT1074.

Ce recueil contient deux œuvres assez différentes. D’une part nous avons Chantons, je vous prie pour chœur SATB, solistes et orgue, œuvre assez longue mais relativement facile aussi bien pour le chœur que pour l’organiste. Chacun des couplets de ce célèbre Noël du XVIII° siècle est harmonisé de façon différente, conférant ainsi à l’œuvre une grande variété. L’autre Noël, C'est la Noël, pour chœur à une voix et orgue, qui est également un noël traditionnel, est assez simple pour la voix, mais plus exigeant pour l’organiste. L’oeuvre est à la fois baignée dans la joie de Noël et en même temps très respectueuse de la couleur particulière de ces Noëls populaires. Remercions les éditions Delatour et Olivier Latry de nous faire découvrir grâce à la collection Patrimoine des œuvres inédites d’un tel intérêt.
D.B.

Alexandre FLENGHI : Sortilège ou friandise ? pour chœur à voix égales et piano. Assez facile. Delatour : DLT1775.

La page intérieure précise : Chœur d’enfants. En regardant la couverture, on a envie de fredonner C’est un vieux château du moyen âge… L’ensemble est écrit pour deux voix mais il y a parfois des divisions. La musique est aussi agréable qu’expressive et illustre bien les frissons que peuvent procurer citrouilles, monstres et Halloween… Cinq pièces se succèdent dans une ambiance faussement inquiétante. Le tout est tout à fait réjouissant et l’on joue à se faire peur. Si les parties de chœur sont très abordable, il faudra cependant les services d’un pianiste expérimenté.
D.B.

Jean-Michel BARDEZ : Che più d’un giorno… pour chœur mixte, voix de soprano et de basse. Assez difficile. Delatour : DLT0883.

Attention : il s’agit d’un chœur mixte à douze voix… Le texte proposé par Yves Krier est un fragment poétique de Pétrarque. Il est donc en italien. Résolument contemporaine dans son écriture et son projet, cette pièce s’inscrit également dans un contexte de recherche sur les nombres. Voici ce qu’en dit l’auteur : 55 mesures représentent la somme des chiffres de 1 à 10, ou bien encore celle des cinq premiers nombres carrés. Ce nombre pourrait également signifier la vie de l’individu au sein de la vie cosmique… Si on le multiplie par quatre (mesure à quatre temps) 220 est un nombre « Harshad », somme de quatre nombres premiers consécutifs, signifiant, en sanskrit « une grande joie ». Mais qu’on ne s’y trompe pas, tout cela est vraiment au service de la musique et du texte.
D.B.

ORGUE

Julien BRET : DSCH. Symphonie pour orgue d’après le Quatuor à cordes n°8 de Dimitri CHOSTAKOVITCH. Paris, Le Chant du Monde (www.lechantdumonde.com ), OR4992, 2016, 62 p.

L’orgue, avec ses deux claviers et son pédalier (pour tenir les valeurs longues) — grâce à une registration minutieuse et des sonorités variées — permet, en fait, de rendre une œuvre préalablement prévue pour un quatuor à cordes. Julien Bret (né en 1974) — à ne pas confondre avec Émile Bret (cf. CD Romances et mélodies) —, élève de Louis Thiry et Susan Landale, est actuellement titulaire du Grand Orgue Merklin de l’Église Saint-Ambroise à Paris. Il a réalisé une vraie prouesse dans l’art de la transcription. En hommage à Irina et Dimitri Chostakovitch (1906-1975), il a intitulé cette partition d’orgue : DSCH (représentant sa signature avec quelques lettres de son patronyme et en liaison avec la notation musicale allemande : Ré Mib Do Si, motif qui circulera à travers l’œuvre à la pédale, puis au second et au premier claviers).

Cette Symphonie pour orgue, pièce de concert, est un arrangement d’après le Quatuor à cordes n°8 du compositeur russe. Elle est structurée en 5 parties privilégiant les mouvements lents et expressifs. I. Largo avec entrées successives du motif, de caractère méditatif (sans difficulté de lecture). II. Allegro molto sur un rythme dactylique, puis en mouvement de noires avec une mélodie chromatique aboutissant à des accords bien scandés ff au clavier et un parcours chromatique à la pédale faisant alterner passages à découvert, changements de tonalités, introduction de triolets jusqu’au point d’orgue longuement tenu. III. Allegretto (pour jeux de flûtes) avec trilles, changements de mesures, retour de longs traits en triolets planant au-dessus de la pédale (basse 8’), opposition de nuances dans une vaste progression dynamique comprenant des traits en quintes parallèles aux deux mains, puis sextolets de croches pour la main gauche relayée par la main droite et une longue péroraison au superius. IV. Largo, de caractère pesant, avec accords accentués, opposition de nuances extrêmes (ff et pp) traduisant la douleur et la force. V. Largo avec la voix supérieure à découvert, de longues tenues à la pédale, main gauche et main droite, et rappel du motif initial à la partie supérieure et en imitations.

L’organiste qui abordera cette œuvre monumentale devra notamment être attentif à la lecture des passages chromatiques, respecter scrupuleusement les contretemps et les longues tenues, faire preuve d’une grande agilité digitale, ne pas perdre de vue les sonorités d’un quatuor à cordes et — compte tenu de la longueur de cette Symphonie de concert — rester très concentré. En fait, cette transcription est un défi et son interprétation, une gageure.
Édith Weber

Serge OLLIVE : Trois piècesop. 42 n°1, 2 et 3. Waldhorn Editions : WH-4516173.

S’il est un point commun à ces trois pièces, c’est le langage aussi personnel que poétique de l’auteur. La première, intitulée Petite fantaisie, joue délicatement avec les mixtures, tantôt comme une mélodie accompagnée, tantôt comme une source de lumière irisée. La deuxième, Interlude, nous fait entendre un délicat chant de hautbois qui fait penser à une mélodie populaire sortie du fond des âges. Une partie centrale, « un peu plus animé », débouche sur un retour au « tempo du début » et le chant exposé par une clarinette de 8’. Quant à la troisième, Prélude modal, outre qu’elle porte bien son nom, elle se caractérise par un chant de trompette de 8’ au pédalier qui scande toute la pièce. On peut écouter l’ensemble sur le site https://soundcloud.com/sergeollive1/sets/3-pieces-op-42 ou écouter et lire sur Youtube. Attention, trois claviers sont hautement souhaitables.
D.B.

PIANO

Paul HUVELLE : Initiation à la polyphonie. Lemoine : HL29110.

Paru il y a déjà quelques temps, ce copieux recueil permet d’initier à la polyphonie dès les premiers pas sur l’instrument pour parvenir aux fugues à deux voix de J.S. Bach. Il ne suffira pas de faire jouer ces pièces, mais bien sûr il faudra utiliser les procédés habituels : les faire chanter, faire jouer une main en chantant l’autre, faire écouter les voix… Bien sûr, tous les professeurs de piano savent cela. Il s’agit donc d’un instrument précieux pour faire vivre la musique dans la tête des élèves. Et n’est-ce pas l’essentiel ?
D.B.

Monika TWELSIEK, Rainer MOHRS : Easy Concert Pieces pour piano. Premier cycle. Vol. 2. Schott : ED22548.

Ce volume contient quarante-huit pièces faciles recouvrant cinq siècles, de Couperin à Mike Schoenmehl. Le choix est tout à fait plaisant, recouvrant des « incontournables » comme des extraits du « Petit Livre d’Anna Magdalena Bach », des sonatines de Beethoven ou de l’Album pour la Jeunesse de Schumann, mais nous faisant également connaître un répertoire plus original. L’ensemble est bien présenté et doigté avec discrétion et efficacité. Le CD pourra constituer un modèle pour les élèves, mais ne devra pas être imité servilement… même s’il est joué avec beaucoup de délicatesse et de sens musical par deux excellents pianistes.
D.B.

Nous reprenons le compte-rendu de la publication par les éditions Symétrie des œuvres d’Antoine Reicha.

Antoine REICHA : Sonate op. 46 n°1 en sol Majeur. Edition Michael Bulley. Symétrie : ISMN 979-0-2318-0821-6

Les trois sonates de l’op. 46, publiées en 1804 par Breitkopf & Härtel, sont restées pendant longtemps entièrement introuvables. Après la redécouverte miraculeuse de cette édition au conservatoire royal de musique de Bruxelles, Michael Bulley a pu en faire une nouvelle édition. Il semble bien qu’elles aient été composées dans les années 1790. Dans son premier mouvement, cette sonate fait alterner les parties en croches, les parties en triolet puis en doubles-croches, faisant penser à la pratique des « diminutions ». Le deuxième mouvement, un Adagio molto, se déploie dans un très beau chant en do Majeur qui fait penser à un célèbre concerto de Mozart, coupé par quelques envolées de la main droite. Le Finale est un Presto plein de grâce et de vivacité.
D.B.

Antoine REICHA : Sonate op. 46 n°2 en sib Majeur. Edition Michael Bulley. Symétrie : ISMN 979-0-2318-0827-8

Le premier mouvement, de forme sonate, nous fait la surprise, alors qu’on a rejoint la tonalité de la dominante (fa Majeur), d’exposer un deuxième thème en fa mineur, ce qui donne tout de suite un éclairage surprenant à ce mouvement riche en rebondissements. Le deuxième mouvement, Andante un poco adagio, commence de façon bucolique mais devient, au fur et à mesure, plus agité. Quant au Finale Poco presto, sa forme se rapproche du rondo, même s’il nous réserve pas mal de surprises, notamment sur le plan rythmique.
D.B.

Antoine REICHA : Sonate op. 46, n° 3 en mi Majeur. Edition Michael Bulley. Symétrie : ISMN 979-0-2318-0828-5

e premier mouvement, de forme sonate bi-thématique, se caractérise par sa richesse en modulations. Le ton principal en devient minoritaire. Le caractère de cet Allegro est assez dramatique. Le deuxième mouvement commence par un thème tendre et calme, qui reviendra à la fin, tandis que le milieu est constitué par un épisode dramatique. Quant au troisième mouvement, Allegro scherzando, il nous plonge dans une atmosphère à la fois joyeuse et entraînante qui fait penser à une danse populaire. Un passage plus nostalgique intervient alors avant un point d’orgue et le retour à la danse originelle. Quoi qu’il en soit, ces trois sonates sont pleines d’intérêt et méritent d’être découvertes et remises au répertoire.
D.B.

Antoine REICHA : Sonate en ré. Edition Michael Bulley. Symétrie : ISMN 979-0-2318-0781-3

Cette édition de la Sonate en ré se fonde sur les seules sources existantes : les manuscrits Ms 2501 et Ms 2502 de la Bibliothèque nationale de France. L’œuvre fut composée probablement autour de 1804-1805, alors que le compositeur vivait à Vienne, avant son installation définitive à Paris en 1808. Cette sonate comporte trois mouvements : le premier a la particularité de contenir deux fugues aux thèmes identiques. Le deuxième mouvement est une Marche funèbre qui comporte, comme il se doit, un Trio suivi d’un da capo. Quant au troisième mouvement, intitulé La Folie, il se joue légèrement dans une ambiance d’accords arpégés, notamment à la fin du mouvement.
D.B.

Antoine REICHA : Harmonie. Edition Michael Bulley. Symétrie : ISMN 979-0-2318-0783-7

Toujours faite à partir des deux manuscrits de la BNF, cette édition nous fait découvrir une pratique très originale de la variation. Ecrite à la même période que la précédente, cette œuvre fait partie également des expériences du compositeur. Il s’agit de variations sur un enchainement harmonique de seize accords et qui contient treize harmonies différentes. Voici comment l’auteur en parle : « Cet enchaînement harmonique est répété six fois, et six fois avec un intérêt nouveau. Cette manière de répéter donne une nouvelle forme pour la composition et est du moins plus estimable, plus importante et plus utile pour l’esprit, parce qu’elle l’occupe davantage que les soi-disant variations usées et le plus souvent sans génie. Seuls de petits esprits peuvent se délecter de ces goûts modernes et si fréquemment utilisés. » On lira avec beaucoup d’intérêt sur le site la présentation complète de Michael Bulley. L’ensemble est tout à fait agréable et on oublie le procédé pour ne plus penser qu’à la musique.
D.B.

Antoine REICHA : Capriccio . Edition Michael Bulley. Symétrie : ISMN 979-0-2318-0782-0

On trouve dans les mêmes manuscrits cette autre œuvre expérimentale intitulée Capriccio. L’originalité de cette pièce tient à la fois dans les fréquents changements de mesure et dans les modulations hardies, mais toujours au service de la musique. L’alternance des mesures 3/4 et 4/4 invite souvent à faire de leur succession et de leur addition une seule et même mesure… Il s’agit d’une écriture tout à fait novatrice.
D.B.

F.X. DUŠEK : Edition complète des sonates pour clavier. Edité par Vojtĕch Spurný. Vol. 2. Bärenreiter : BA 11514.

Nous avons rendu compte dans la lettre 116 de juin 2016 de la parution du premier volume de ces sonates. Voici donc la fin de la publication des sonates de ce compositeur parvenues jusqu’à nous. Comme dans le volume précédent, l’ordre est chronologique. Certaines de ces sonates n’ont jamais été publiées. Cette publication maintenant complète est donc particulièrement intéressante pour découvrir vraiment ce compositeur qui a eu une influence certaine sur la musique de cette fin du XVIII° siècle.
D.B.

Rose-Marie JOUGLA : JazzNuances 3 pièces pour piano. Assez difficile. Delatour : DLT2466.

Jazz ? La présentation situe ces trois pièces entre le classique-moderne et le jazz… On pense à Debussy, à Gershwin. La construction est la même pour les trois pièces : introduction, thème développement, retour au thème et conclusion. Mais tout cela n’empêche pas l’auteur d’avoir son propre langage et de nous livrer trois univers poétiques et nostalgiques de grande qualité expressive. On pourra en juger en écoutant l’ensemble sur le site de l’éditeur ou sur Youtube. C’est de l’excellente musique qu’on a envie de partager et tant pis si on ne peut vraiment la classer : c’est aussi ce qui fait son charme et son originalité.
D.B.

Gaston LITAIZE 7 pièces pour piano extraites des Deux suites et Cinq fois quatre. Assez difficile. Collection Musique & Patrimoine. Delatour : DLT0875.

Gaston Litaize, comme beaucoup de grands organistes de sa génération, (nous pensons en particulier à Edouard Souberbielle) était aussi un remarquable pianiste. Des Deux suites composées en 1940 et 1941, il ne nous reste que quelques pièces, une partie du manuscrit ayant disparu. Cinq fois quatre a été écrit en 1990, pour les vingt ans de sa petite fille, Anne-Emmanuelle. Ecrite dans un tempo de barcarolle, elle est beaucoup moins virtuose que les précédentes. Merci à Olivier Latry et Yannick Merlin qui, par leur travail de découvreurs et d’éditeurs nous révèlent ces pièces inédites. D.B.

VIOLON

Max MÉREAUX : Andantino pour violon et piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.3030.

Cette charmante pièce à 12/8 en la mineur permettra au violoniste comme au pianiste de s’initier véritablement à la musique de chambre. La partie de piano est assez facile mais dialogue constamment avec celle du partenaire, soit en lui répondant soit en la suivant fidèlement. Nul décalage n’est donc possible et une parfaite entente est de mise, ce qui n’est pas toujours facile à réaliser. L’écoute sera donc primordiale entre violon et piano. Aux coups d’archet du violoniste devra répondre le phrasé du pianiste. L’ensemble est très chantant, très poétique et comporte une cadence qui permettra au violoniste de montrer encore plus sa sensibilité.
D.B.

FLÛTE TRAVERSIERE

Sergio ARRIAGADA : 10 pièces latino-américaines pour les premières années. Flûte et piano. Premier cycle. 1 vol., 1 CD. Lemoine : HL 29301.

Que voilà de bien jolies pièces… Le CD contenu dans le volume leur rend pleinement justice. Il contient à la fois les pièces intégrales et le play-back, plus le la du diapason qui permet au flûtiste de s’accorder…. Un « avant-propos » présente chaque pièce succinctement mais très précisément. La partie de piano peut être jouée par un élève un peu avancé. Pays et danses diverses se succèdent avec autant de charme et de caractère que de diversité. Ce sera l’occasion de faire découvrir au jeune flûtistes autant de paysages nouveaux Bolivie, Uruguay, Cuba, Pérou, Equateur, Argentine et Chili défilent sous nos yeux avec ces musiques qui ont à la fois des points de convergence et des caractères particuliers selon les pays. C’est un beau voyage !
D.B.

Serge OLLIVE : Lux op. 37 pour 2 flûtes. Assez difficile. Waldhorn Editions : WH-4515166.

La première pièce, intitulée Rayons crée effectivement une ambiance lumineuse dans des arabesques où les deux flûtes dialoguent et s’entremêles en des jaillissements à la fois surprenants et parfaitement maîtrisés. La deuxième, Spectres, joue beaucoup sur les effets de surprise et de contraste, entre apparitions fulgurantes et tremblements. Le tout est écrit dans un langage d’aujourd’hui et avec un goût parfait. C’est une musique « classique » dans son originalité. Bien sûr, les deux flûtistes devront faire montre d’une entente parfaite… On peut écouter l’ensemble sur https://soundcloud.com/serge-ollive-chamber/sets/lux-op-166-pour-2-flutes
D.B.

Dimitri GLADKOV : Flûte à Saint-Jean pour flûte et piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.3071.

Voici une curieuse composition qui ne manque pas de caractère. L’ensemble se déroule dans un tempo Tragico à 120 à la blanche, ponctué la plupart du temps par des accords lancinants du piano. Les accords parfaits martelés très souvent et même avec des harmonies parallèles donnent à l’ensemble un aspect sauvage. Le ré mineur dominant accentue ce caractère tandis que la flûte le souligne encore en marquant les temps tout en prenant parfois un rythme de galop. Même la « Cadenza » ne rompt pas vraiment ce caractère de marche à l’abime. C’est surprenant mais fascinant.
D.B.

Bernard COL : 10 R 2 Debussy. Dix airs de Claude Debussy arrangés pour 2 flûtes. Moyen. Delatour : DLT2465.

Nous avons déjà dit à plusieurs reprises tout le bien que nous pensions de cette collection. Après Ravel et Schubert, voici Debussy. Rappelons le principe : il s’agit de textes transcrits de la façon la plus proche possible de l’original avec, notamment, un respect scrupuleux de l’harmonie. Parfois, des transpositions sont nécessaires mais la fidélité est toujours au rendez-vous. Dans ces dix extraits, Bernard Col n’a pas choisi la facilité : il s’agit, pour une bonne partie, d’œuvres orchestrales majeures. Redisons que ce sera l’occasion de faire écouter aux élèves les originaux et d’enrichir ainsi leur culture musicale. Il sera aussi intéressant de suivre les œuvres sur la partition pour voir en quoi peut consister le travail d’un « arrangeur » quand il est bien fait…
D.B.

CLARINETTE

Rémi MAUPETIT : Allo, les métronomes pour clarinette et piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.3021.

Bien sûr, on ne peut qu’encourager à jouer en mesure, mais il n’est pas sûr qu’il faille utiliser absolument cet instrument pour interpréter cette jolie pièce plutôt poétique. Même si la partie centrale est plus martiale que le début, l’ensemble est lyrique. Il faudra bien tenir compte des accents indiqués qui rythmes l’ensemble et lui fournissent sa colonne vertébrale. Quant au piano, il ne se contente pas d’accompagner mais prend sa part dans le dialogue y compris par des séquences qui lui sont propres. Tout cela est très agréablement original et devrait plaire aux interprètes.
D.B.

SAXOPHONE

Jean-Louis COUTURIER : Romance sentimentale pour saxophone alto & piano. Editions Andel, http://www.andelmusic.be/?p=1

Cette pièce, assez difficile, est tout à fait conforme à son titre. Ecrite dans la délicate tonalité de lab Majeur, elle est sentimentale et romantique à souhait, tant par sa mélodie que par ses harmonies, le tout sans mièvrerie. Elle est constituée de deux parties. Dans la première, le thème se déploie sur un rythme de valse. Survient alors une cadence expressive qui conduit à la deuxième partie. Celle-ci est une variation sur le thème de la première partie, nettement plus virtuose tant pour le saxophoniste que pour le pianiste qui, de simple accompagnateur, devient acteur concertant. L’ensemble est très agréable, très bien écrit, et devrait beaucoup plaire.
D.B.

Max MÉREAUX : Badinerie pour saxophone sib et piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.3041.

Remercions d’abord le compositeur et l’éditeur d’avoir noté la partie de saxophone en effet réel sur la partie de piano. Bien sûr, le dialogue entre le pianiste et le saxophoniste restera difficile, mais pour une fois, ce sera en sens inverse de l’habitude. Mais revenons au texte. Cette Badinerie, pour badine qu’elle soit, n’en est pas moins assez redoutable. Certes, l’ensemble est fort agréable et s’écoute avec beaucoup de plaisir, mais il demande à ses interprètes un sens du rythme d’une grande sûreté, plus d’ailleurs pour le pianiste que pour le saxophoniste. Encadrée de deux parties très toniques, une partie médiane précédée d’un solo qu’on peut voir comme une cadence donne un caractère plus lyrique à cette pièce contrastée mais fort intéressante.
D.B.

TROMPETTE

Rémi MAUPETIT : En regardant la lune pour trompette ou cornet ou bugle et piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.3022.

Cette pièce à l’allure assez triomphale est destinée, comme la plupart des pièces de ces collections à inviter à la musique de chambre. C’est dire que la partie de piano, sans être trop facile, est abordable par un grand élève. Les triolets de main droite confèrent à l’ensemble un côté berceur qui adoucit l’aspect martial. On remarquera aussi que l’auteur a indiqué Cantabile, et que l’ensemble se déroule plutôt dans des nuances mf et va jusqu’au pianissimo. Quant au titre, il permettra peut-être de donner un caractère un peu rêveur à cette pièce… et sera aussi une invitation à ne pas jouer en regardant ses pieds.
D.B.

SAXHORN / EUPHONIUM / TUBA

Rémi MAUPETIT : Sambodrome pour saxhorn basse /euphonium / tuba et piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.3020.

La première partie de la pièce est déjà sur un rythme de jazz un peu nonchalant à 76 à la noire. La mélodie est chantante et se déploie sur un rythme de piano syncopé qui nous évoque déjà une ambiance sud-américaine. Quant à la deuxième partie, c’est une samba en bonne et due forme à 76 aussi, mais à la blanche, cette fois, et sans répit jusqu’à la fin. Il va falloir que nos deux interprètes fassent preuve d’un sens de ce rythme si particulier qu’il faut sentir pour bien le jouer. L’écoute de quelques sambas typiques pourra certainement les aider pour l’interprétation… Ajoutons que c’est tout simplement une musique bien agréable à entendre. D.B.

PERCUSSIONS

Wieslaw JANECZEK : Gravitation pour deux timbales et piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.3060.

Tonique et dominante de sol mineur sont vigoureusement affirmées par les deux timbales qui rythment la pièce de façon un peu envoûtante. Le piano accompagne avec, le plus souvent, des accords de main droite sous lesquels la main gauche déploie des rythmes dans les graves. On pourrait craindre la monotonie : il n’en est rien grâce aux nuances et à la variété et l’enchevêtrement des rythmes. Cette attirance-répulsion entre le piano et les timbales explique sans doute le titre de la pièce. D.B.

LIVRES

retour au sommaire

Le Théâtre protestant à Strasbourg. Caspar Brülow (1585-1627). Études germaniques, n°4, octobre-décembre 2016 (études réunies par Peter ANDERSEN et Barbara LAFOND-KETTLITZ), Paris, Klincksieck, 2017, p. 417-714.

Aux XVIe puis XVIIe siècles, le théâtre scolaire – dans la double perspective de l’Humanisme préconisant le « retour à l’Antiquité gréco-latine » et de la Réforme — occupe une large place dans la vie culturelle et sociale à Strasbourg. Il est encouragé par les réformateurs Martin Bucer, Jean Calvin (alors réfugié) et le Recteur Jean Sturm. Caspar Brülow (1585-1627), parmi d’autres auteurs, a joué un rôle considérable dans l’évolution du genre.

À l’instar de la tragédie grecque, les 5 actes se terminent par un chœur chanté (chorus canens), éventuellement parlé (chorus loquens), en latin classico-humaniste (néo-latin), nécessitant la collaboration entre poète et musicien ainsi que les services d’un traducteur des textes en allemand à l’attention des spectateurs. Strasbourg était alors une Ville libre du Saint Empire romain germanique, gagnée à la Réforme (protestante). À la Schola argentinensis (Gymnase, Académie, berceau de l’Université protestante), Jean Sturm (1507-1589) favorise l’enseignement du latin, de l’élocution, de la littérature, de la musique et de la théorie musicale : d’où la collaboration « pluridisciplinaire » de Caspar Brülow avec Christoph-Thomas Walliser (1568-1648).

Ce volume comprend 9 contributions (8 en allemand, 1 en français) présentées du 25 au 27 mai 2016 à l’initiative de l’Université de Strasbourg et de la Société des Études germaniques. Il contribue à une meilleure connaissance de Caspar Brülow, de ses divers traducteurs à partir de recherches d’archives, met l’accent sur ses textes pour le mariage de Matthias Bernegger et sur une poésie héroïque portant sur Martin Luther, dans le cadre du Jubilé de la Réforme (1617). Des textes sont présentés sur le plan littéraire, notamment Andromeda (1612) par rapport à la pièce éponyme de Campeggis ; Julius Caesar (1616) ; Moses (1621), marquant « un des sommets du théâtre néo-latin luthérien dans l’Empire avant et au début de la Guerre de Trente Ans » (1618-1648).

Une contribution musicologique (en français) est consacrée à Christoph-Thomas Walliser (1568-1648) — mort à la fin de cette interminable guerre — : « musicien et pédagogue pluridisciplinaire avant la lettre », théoricien, compositeur, musicus ordinarius, praeceptor octavis classis et figural cantor. Outre ses œuvres religieuses (Psaumes, Te Deum, chorals, motets), il a composé les chori musici notamment pour des pièces de Caspar Brülow et d’autres auteurs de comédies, tragicomédies, comédies sacrées. Quelques exemples musicaux illustrent ses procédés compositionnels (double-chœur, écho, style note contre note, homosyllabique, homorythmique).

Ce numéro, très bien agencé, reproduit les portraits de Caspar Brülow et de Christoph-Thomas Walliser (1625) avec l’éloge en vers latins de C. Brülow, ainsi qu’une bibliographie critique et des notices. Il projette une éclairage neuf sur ce prestigieux théâtre protestant strasbourgeois au service de l’École, de l’Église et de la Société (élèves et public) à finalité humaniste et littéraire, éducative et pédagogique grâce aux apports conjugués du Recteur Jean Sturm, du poète Caspar Brülow et du compositeur Christoph- Thomas Walliser.
Édith Weber

Beat FÖLLMI, Jacques VIRET (dir.) : Le chant liturgique aujourd’hui et la tradition grégorienne.Paris, Éditions HERMANN (www.editions-hermann.fr), Coll. du GREAM, 2016, 342 p.

Ce volume de la Collection du Groupe de Recherches Expérimentales sur l’Acte Musical (Université de Strasbourg) est placé sous le signe de nombreuses et incontestables dualités. Il est publié par les Professeurs Beat Föllmi et Jacques Viret et reproduit 14 communications de spécialistes. Il projette un regard neuf sur le passé et la tradition : chant grégorien multiséculaire et Réforme ayant préconisé le chant en langue vernaculaire ; sur le présent avec les répercussions du Concile Œcuménique de l’Église catholique (Vatican II, 1962-1965). À partir de textes concernant la constitution de la liturgie : Musicae sacrae disciplina du Pape Pie XII (1955) et Sacrosanctum Concilium (1963) souhaitant un chant liturgique au service de l’action liturgique avec un renouvellement du cantique en langue française.

Ce renouvellement est à l’origine de plusieurs dualités : dualité confessionnelle des auteurs et compositeurs catholiques et protestants ; prêtres et pasteurs ; messe et culte ; dualité des chefs et « animateurs liturgiques » ; dualité de deux camps : celui des « Anciens » et des « grégorianistes » respectueux de la tradition et des sources, représenté par Marcel Pérès, Damien Poisblaud, le frère François Cassingena, Jacques Viret  et celui des « Modernes » dans le sillage de Vatican II, autour de Jo Akepsimas, Michel Wackenheim et quelques musicologues protestants : le professeur Beat Föllmi et le pasteur Fichter, entre autres. L’ensemble des discussions ressort d’une démarche d’opposition et de comparaison, mais il est aussi marqué par l’influence des cantiques et Psaumes protestants en langue vernaculaire sur le chant catholique modal et, inversement, par l’influence du chant grégorien (psalmodie) sur les compositions protestantes actuelles.

La démarche associée à toutes ces dualités concerne la liturgie et l’hymnologie ; l’herméneutique et l’anthropologie religieuse ; l’histoire et la pratique par les chefs et animateurs liturgiques, par les fidèles et le chœur. D’une manière générale, les emprunts sont réciproques. Malgré les vues réalistes et un indispensable esprit critique, ce livre procède à une large ouverture œcuménique et transdisciplinaire. Grâce à l’apport de spécialistes de haut niveau théologique et liturgique, historique et musicologique, étayée par une impressionnante Bibliographie (en plusieurs langues), cette publication aura le mérite de faire réfléchir d’une part sur le devoir de mémoire et le respect de la tradition, d’autre part sur l’actualisation du chant d’Église en fonction des critères du XXIe siècle et des mentalités contemporaines.
Édith Weber

Bernard FOURNIER : Le génie de Beethoven. Paris, FAYARD (www.fayard.fr/). Coll. « Les Chemins de la Musique », 2016, 439 p. - 23 €.

Dès le premier concert auquel, alors âgé de 8 ans, il a assisté, Bernard Fournier a été fasciné par Beethoven et, en particulier, par sa 7e Symphonie qui, selon ses dires, fut une « vraie illumination ». Par la suite, il a affirmé : « Beethoven est ma grande passion », au point de s’imposer comme analyste avisé, interprète (quatuor semi-professionnel) et chercheur. Il lui a consacré son premier article et, surtout, sa thèse de Doctorat ès-lettres sur la modernité du compositeur, gravitant autour de trois paramètres : énergie — comme il le rappelle dans son entretien avec Dominique Prévot, membre de l’Association Beethoven France —, espace, temps sur lesquels repose le présent livre. À partir de cet original plan tripartite, il élargit la première notion en « énergie extériorisée ».

L’auteur met l’accent sur l’aspect esthétique et démontre que le génie de Beethoven est « le fruit d’un immense travail et d’un puissant effort ». Le musicien a exploré l’âme humaine, étudié l’expression de sa spiritualité sous l’angle de la transcendance et du dépassement. Au fil des pages, certains lecteurs seront sensibles à l’aspect psychologique et humaniste, méditatif et intériorisé ; d’autres apprécieront l’aspect compositionnel et didactique avec la logique de l’événement autour des notions de durée, de temps, de répétitions notamment dans les grandes formes ; le rôle du silence, le côté visionnaire et, finalement, l’originalité de la pensée du compositeur. Plusieurs Annexes, dont un Glossaire technique, une Bibliographie sommaire (ouvrages en langue française), seront utiles.

D’une manière générale, ce volume est bien conçu, sans illustrations, ni exemples musicaux, mais avec pour les œuvres commentées un utile renvoi à des interprétations de références, aux chefs, interprètes et à la Discographie. Voilà un portrait global de Beethoven « homme hors du commun » et « puissant génie créateur », un aperçu de sa « musique métaphysique » avec « une visée spirituelle et transcendante ». À la question posée dans son ultime Quatuor : « Muss es sein ? », Beethoven répond : «  Es muss sein » (Cela doit être). Il en sera de même pour la lecture de cette somme de réflexions : elle s’impose et suscitera une vraie passion contagieuse pour le Maître de Bonn.
Édith Weber

CDs & DVDs

retour au sommaire

L’EREDITA FRESCOBALDIANA, Vol. 2 1CD DIVOX ANTIQUA (www.divox.com). CDX79805. TT : 74’ 04.

Dans sa Série Orgues historiques, le Label DIVOX ANTIQUA présente l’instrument de l’Église Sant’Andrea in Riva à Trévise, accordé en tempérament inégal, comprenant un clavier manuel de 45 notes avec première octave courte, et pédalier avec — parmi les jeux rares — un tambour (tamburo). Il est incliné en forme de pupitre de 17 notes, accouplé au clavier. Cet Orgue, de la Manufacture Callido typique de l’esthétique vénitienne, a été restauré en 1982-1983.

Dans sa Série L’héritage frescobaldien, l’organiste Andrea Marcon a — pour son Volume 2 — regroupé des pièces de compositeurs d’origine allemande, italienne, française, anglaise, espagnole du XVIIe siècle. Ce programme cosmopolite illustre des formes baroques traditionnelles : Toccata, Fugue, Passacaille, Fantaisie, Canzon, Caprice, Intonation et, pour l’Angleterre : Voluntary.

Les 18 œuvres révèlent l’influence de Girolamo Frescobaldi (1583-1643) notamment sur ses élèves comme Johann Jakob Froberger (1616-1667) — qui a séjourné à Rome, Dresde et Paris — son souci de la variation, son exploitation du contrepoint, de la technique des diminutions et du chromatisme. Pour sa Toccata pour l’Élévation, il s’est inspiré de l’œuvre éponyme de son maître et pratique certaines audaces harmoniques. La Toccata VI de Georges Muffat (1653-1704), d’origine savoyarde ayant séjourné à Paris, en Alsace, à Vienne, Prague et Salzbourg, résume l’influence à la fois française, italienne et allemande (style homophonique et homorythmique, contrepoint plus élaboré, imitation annonçant le nouveau style). Johann Kaspar Kerll (1627-1693) est représenté par sa Passacaglia à confronter avec celle d’Alessandro Poglietti, son contemporain mort en 1683 qui — comme le signale Gian Franco Ferrara — « est une paraphrase de la Passacaille de Frescobaldi ». Parmi les formes moins cultivées figure le Caprice sur le sujet de sa fugue 2ème de François Roberday (1624-1680). John Blow (1649-1708) et Henry Purcell (1659-1695) cultivent la forme typiquement anglaise du voluntary ; le premier, dans le Voluntary II, emprunte les 9 premières mesures de la Toccata XII du Premier Livre de Frescobaldi.

En spécialiste de la musique italienne, le remarquable organiste Andrea Marcon, professeur d’orgue et de clavecin à la Schola Cantorum de Bâle et au Conservatoire Sweelinck d’Amsterdam, fait ici montre d’un jeu clair et précis. Il exploite judicieusement les possibilités de registration de cet instrument « à découvrir », maîtrise toutes les difficultés techniques et se joue des particularités compositionnelles de ce programme cosmopolite dans le sillage de Frescobaldi. De nombreux Prix lui ont été décernés, entre autres celui de la Critique allemande de disques et un Diapason d’Or (pour le présent CD, déjà ancien) : un programme en or.
Édith Weber

Ludwig van BEETHOVEN : Diabelli Variations. Johannes BRAHMS : Sonate n°3. 1CD VDE GALLO. (www.vdegallo.ch). GALLO CD-1472. TT : 79’ 38.

Alexandre Rabinovitch-Barakovsky — compositeur, pianiste et chef d’orchestre azerbaïdjanais, né en 1945, élève de Dmitri Kabalevski au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou — s’est installé en 1974 en Belgique, puis en Suisse. En tant que compositeur, il s’intéresse à la musique minimaliste et, en tant qu’interprète, à la musique romantique. Il détaille avec minutie les 33 Variations sur une Valse d’Antonio Diabelli (op. 120) de Ludwig van Beethoven (1770-1827). Il s’impose par sa vélocité, son sens des contrastes et de la dynamique, ses oppositions de nuances, son toucher précis, délicat ou énergique, son jeu perlé, sa progression en perpétuel mouvement et par la diversité des atmosphères dans les 33 Variations. À noter la sonorité chantante de la Variation 29, plus méditative et, d’une manière générale, sa brillante technique.

La Sonate pour piano n°3 en fa mineur (op. 5), composée en 1853 par Johannes Brahms (1833-1897), comporte 5 mouvements : I. Allegro maestoso ; II. Andante : Andante espressivo ; III. Scherzo : Allergo energico ; IV. Intermezzo : Andante molto ; V. Finale : Allegro moderato ma rubato. Alexandre Rabinovitch-Barakovsky la considère comme étant « particulièrement singulière, ayant l’envergure d’une symphonie pour piano ». Les mouvements rapides (I, III et V) sont tour à tour majestueux, fougueux, énergiques, mais toujours chargés d’émotion. Les mouvements lents (II — très développé — et IV) sont très expressifs, puis impulsifs, le Finale est assez lyrique. L’ensemble est interprété avec fidélité aux intentions des compositeurs. Cet enregistrement en direct lors d’un concert à Munich (1989) a bénéficié de la remasterisation de Jean-Pierre Bouquet. Il fera date. Encore une excellente initiative des Disques VDE-GALLO.
Édith Weber

Transcription de Ballets russes pour 4 mains et 2 pianos. 1CD PIANO 21. Diffusion : Laurent WORMS (lo.worms@wanadoo.fr ). P21 056-N. TT : 74’ 55.

En premier enregistrement mondial, Cyprien Katsaris, pianiste virtuose et compositeur d’origine franco-chypriote, formé an CNSM de Paris auprès d’Aline van Barentzen et de Monique de la Bruchollerie, et Etsuko Hirose, pianiste japonaise au talent précoce, diplômée de l’École Normale de Musique de Paris et du CNSM dans la classe de Bruno Rigutto, tout en bénéficiant des conseils d’Alfred Brendel, interprètent à 2 pianos ou à 4 mains des transcriptions de Ballets russes.

Pour 2 pianos, il s’agit de L’Oiseau de Feu d’Igor Stravinsky (1882-1971) (arrangé par Achilleas Wastor) ; la Suite de ballet n°3 Gayaneh (avec la célèbre Danse du sabre) d’Aram Khatchaturian (1903-1978) arrangée par Adolf Gottlieb. Pour 4 mains, il s’agit de 3 Ballets de Pyotr Ilyich Tchaikovsky (1840-1893) : La Belle au Bois dormant (op. 66a) arr. Sergei Rachmaninov ; Casse-Noisette (op. 71) arr. Eduard Langer ; l’acte 3 du Le Lac des Cygnes (op. 20), arr. Claude Debussy. Ils forment une équipe très cohérente, chacun sachant s’effacer au profit de l’autre.

Ils s’imposent par leurs attaques précises, leur sens aigu du rythme et de l’accentuation, leur jeu perlé, leur sonorité chatoyante. Ils illustrent à merveille le procédé de l’arrangement de chefs-d’œuvre connus auxquels pianistes amateurs et professionnels ne sauront résister.
Édith Weber

Songline. Itinéraire monodique. Marc Mauillon, baryton. 1CD Son an Ero / Petit Festival (www.petitfestival.fr): 07. TT : 65’ 35.

Marc Mauillon convie les discophiles curieux à un parcours vocal monodique (21 œuvres) à bâtons rompus, dans l’espace et dans le temps, associant musique sacrée et musique profane allant des chants de troubadours, en passant par Jehan de Lescurel et Guillaume de Machaut (Ars nova, XIVe siècle), jusqu’à notamment Giacinto Scelsi (1905-1988) et Georges Aperghis (né en 1945). Parmi les thèmes religieux figurent : Ave stella matutina, In paradisum, Parestosa (en grec, évoquant le Seigneur devant la croix)… ; parmi les thèmes profanes : la dame, l’amour, la flamme de l’amour, la jouvencelle, mais aussi les pleurs (Pétrarque) et, pour conclure : D’amour vient mon chant.

Ce parcours monodique semblerait insolite mais, d’entrée de jeu, sa motivation est précisée : « Ce récital s’inspire du livre The Songlines (1987) — en français Le Chant des pistes — de Bruce Chatwin (1940-1989), qui raconte la vibrante expérience de l’auteur anglais à la recherche des itinéraires chantés des aborigènes australiens ; ces itinéraires, véritables cartes permettant de se repérer dans le désert, sont l’héritage des ancêtres du « temps du rêve », car dans la mythologie aborigène, tout ce qui existe a dû être chanté pour être créé. Adapté au rythme de la marche, le chant est alors guide et allié dans ce milieu hostile ! » Le chanteur rappelle le rôle du chant dans sa vie : il « élève l’esprit et l’âme, guide et inspire, rassure et donne du courage, partage et rassemble… » (p. 4).

Parmi les mots-clés jalonnant la démarche de Marc Mauillon, figurent : solo, seul, itinéraire monodique… Il résume son propos en ces termes : « Le bonheur n’est pas au bout du chemin. Le bonheur est le chemin. Alors, en route ! ». Ce disque, a one man song, présente des textes en latin, ancien français, italien, grec et leurs traductions françaises. Ils sont chantés d’une voix tour à tour agressive, suave, confidente, servis par une excellente diction, une technique vocale impressionnante et une grande force de suggestion. En conclusion, l’auteur affirme (p. 22) : « Je vois les Pistes chantées s’étirer à travers les continents et les époques ; je vois que partout où les hommes ont posé les pieds, ils ont laissé une piste de chant, et que ces pistes doivent remonter dans le temps et l’espace, jusqu’à une poche isolée dans la savane africaine où le Premier Homme a clamé la première strophe du Chant du Monde : Je suis !  ». Une piste à suivre, une voix à écouter. Édith Weber

Zara LEVINA : Concertos pour piano et orchestre N°1 & N°2. Maria Lettberg, piano. Orchestre Symphonique de la radio de Berlin, dir. Ariane Matiakh. 1CD Capriccio : C5269 (distribution Outhere). TT.: 56'01.

Une découverte qui nous vient de l'Est ! Il faut écouter les deux concertos de Zara Levina comme un bain de musique rafraîchissante. Compositrice et pianiste (1906 -1976) elle a ignoré la période d’une certaine musique dite “contemporaine“, souvent inaudible, qui a enfoui sous une cagoule autocratique les bonnes vieilles gammes en voulant faire table rase du passé. Ces concertos nous viennent de Russie, dans la pure tradition des concertos de Rachmaninov, de Chostakovitch et autres grands compositeurs slaves. Sans oublier Beethoven et Schumann. Une chevauchée toute en arpèges chromatiques balaie le clavier de l'allegro du Premier concerto (1942) : nous sommes d’emblée au cœur de l’univers romantique de Zara Levina. Tandis que l’orchestre suit à l’unisson, comme s’il cherchait à rattraper le piano en créant une espèce de mystère, la rumeur dramatique enfle jusqu’à une marche funèbre qui suit la cadence. Maria Lettberg, jeune pianiste d’origine lettone atteint parfaitement le but qu’elle s’est fixée : faire découvrir des compositeurs peu connus, particulièrement des femmes. Elle domine la partition, son jeu lumineux et clair ne nous encombre pas d’effets et ne nous noie jamais sous une virtuosité ostentatoire. Le sentiment est sauf. Le deuxième mouvement mélancolique et enjoué, nous amène au troisième et dernier – la structure classique du concerto est respectée -, un mouvement plus alerte qui a des allures d’un caprice spirituel au sein d’une vie heureuse.

Zara Levina écrivit son Deuxième concerto pour piano en 1975, trente ans après le premier. Elle luttait contre la maladie du cœur qui l’emporta l’année suivante. Ce concerto n°2, sa dernière œuvre, est donc à l’image de cette lutte contre le mal chronique qui la ronge. Comme s’il fallait faire un bilan, les images se succèdent, le piano chante, il parle, il danse la valse. L’orchestre, souvent réduit au quatuor, lui répond à l’unisson. Le rubato, parfaitement marqué par Maria Lettberg, donne au temps un sursis. Il permet de respirer encore, tandis que les cloches annoncent une cérémonie solennelle et que des rappels incessants (le thème du premier concerto), concis comme les raccourcis d’une vie, s’imposent et défilent grâce à des sonorités toujours différentes, d’une réalité à une autre, jusqu’à un final intime où le souffle s’étouffe doucement avant un ultime sursaut. Le sursaut ardent d’un dernier élan vital.

Valentina Tchemberdji, la fille de Zara Levina  écrit à propos de sa mère : « Elle a toujours cru que la valeur réelle d’une composition se trouvait dans un son vivant. Pour elle le talent n’est rien d’autre que la capacité à être ce que vous êtes jusqu’à la moelle et à rester fidèle à vous même. » Voilà tout est dit.

Ce CD de femmes, une compositrice, une pianiste et une cheffe d’orchestre (Ariane Matiakh), déploie une belle énergie et une maîtrise parfaite de cette œuvre enregistrée sous le label Cappriccio, une œuvre quasiment inédite en France qu’il est grand temps de découvrir.
Jean François Robin

No piano no problem. MULSANT. DE FALLA. CURRIER. MASSENET. PIAZZOLLA. Philippe Villafranca, violon & Manon Louis, harpe. 1 CD Animato / Bauer Studios : ACD6155. TT : 64’47.

Voilà un disque original par l’instrumentarium utilisé (violon et harpe, justifiant le titre de l’album) dont l’association rare, et ô combien séduisante, marie avec ravissement la langueur du violon aux accents acidulés de la harpe. Original certainement, mais également éclectique dans le programme proposé, associant musique d’aujourd’hui (Trois Fantaisies de Florentine Mulsant et Night Time de Sebastian Currier) musique romantique (Méditation de Thaïs de Massenet) et musique populaire (Suite populaire espagnole de Manuel de Falla et Histoire du Tango d’Astor Piazzolla). Des pièces bien différentes dont la mise en miroir révèle immédiatement le lyrisme et les couleurs intenses développées par cet inhabituel duo. Les Trois Fantaisies de Florentine Mulsant (° 1962) dédiées aux interprètes est une première au disque, spécialement composées pour les deux instruments, elles en exaltent le caractère méditatif, mystérieux ou lumineux. La Suite populaire espagnole de Manuel de Falla est toute imprégnée d’un folklore où la harpe assure avec brio la scansion rythmique et l’accompagnement délicat d’un violon au legato sublime. Night Time de Sebastian Currier (° 1959) est une ode à la nuit en cinq mouvements, parcourue d’ombres hypnotiques et de sons étranges et raffinés où la harpe et le violon entrelacent leurs lignes dans une symbiose singulière d’une intense poésie évoquant la musique des sphères. L’élégiaque Méditation de Thaïs a été composée originellement par Massenet pour ces deux instruments dans son opéra Thaïs (1894), elle retrouve ici tous ses droits. L’Histoire du Tango de Piazzolla retrace pour nous l’histoire du tango nuevo comme une invitation à la danse. Si l’on est en droit de se méfier souvent des transcriptions, parfois hasardeuses et sans grand intérêt, force est de reconnaitre qu’ici l’exercice, fréquemment périlleux, est une réussite indiscutable. Interprétation superlative et belle prise de son. Un disque coup de cœur ! Indispensable !
Patrice Imbaud

Joseph HAYDN. Harpsichords Sonatas. Francesco Corti, clavecin. 1 CD Evidence Classics : EVCD031. TT : 81’56.

Parmi les compositeurs de l’époque classique, Franz Joseph Haydn (1732-1809) fut, en digne héritier des Lumières, celui qui, sans doute, réussit à concilier au mieux liberté créative et contrainte formelle, en témoigne son important corpus de sonates pour clavier (environ une cinquantaine) dont Francesco Corti nous donne, ici, un brillant aperçu. A partir de 1765, ces sonates prennent une ampleur et une profondeur d’expression nouvelle qui aboutiront à la grande sonate de concert. Choisir le clavecin plutôt que le piano forte, c’est bien marquer le lien que ce compositeur tend entre le baroque tardif (Domenico Scarlatti, C.P.E Bach) et l’époque classique. Personnalité complexe et insaisissable, Haydn parvient à soutenir constamment le dialogue avec l’interprète et l’attention de l’auditeur, d’où son intérêt et sa modernité jamais démentis à ce jour. Francesco Corti, claveciniste émérite nous donne à entendre sur cet enregistrement cinq sonates dont la composition s’étend de 1768 à 1780, Sonates Hob. XVI : 37, 31, 32, 46, 26 précédées de la Fantasia Hob. XVII, 4 et du Capriccio Hob. XVII, 1 « Acht Sauschneider müssen seyn ». Autant d’occasions d’apprécier le jeu lumineux et virtuose de Francesco Corti (clavecin de David Ley, copie de J. H. Gräbner 1739). Un beau disque qui à l’instar des précédents (Bach, Couperin et Mozart) fera sans doute date. Un clavecin où souffle comme un vent de liberté, à ne pas manquer !
Patrice Imbaud

Catharsis. Xavier Sabata, contre-ténor. Armonia Atenea, dir. George Petrou. 1 CD Aparté : AP143. TT : 66’.

Hubris (Démesure du héros), Némésis (Punition et vengeance des dieux) et Catharsis (Purgation ou Purification des passions des spectateurs), trois éléments constitutifs de la tragédie grecque, mais au-delà de ces définitions aristotéliciennes, et d’une manière plus générale, c’est bien à la représentation, peut être plus apaisée, des passions que s’intéressa l’opéra baroque du XVIIe et XVIIIe siècle. Théâtre des passions et de l’émotion dont le contre-ténor contralto Xavier Sabata, reconnu pour l’excellence de son chant et par l’intensité de son engagement scénique, nous propose un florilège d’extraits dans ce nouvel opus discographique. Orlandini (Adelaïde) Conti (Griselda) Torri (Griselda) Vivaldi (Farnace) Haendel (Admeto) Hasse (Conversione di San’Agostino) Arioste (Caio Mazio Coriolano) Caldara (Temistocle) et Sarro (Il Valdemaro) sont au programme de ce très beau disque, autant d’occasions d’apprécier la rondeur du timbre, l’étendue de la tessiture, la souplesse et l’agilité de la ligne de chant ainsi que l’engagement vocal de Xavier Sabata parfaitement servi, ici, par l’excellent ensemble Armonia Atenea. Une nouvelle réussite flamboyante qui ravira assurément les amoureux du genre.
Patrice Imbaud

In Nomine Ensemble Les Harpies. 1 CD Encelade : ECL 1502. TT : 63’.

Voici un disque passionnant nous proposant un voyage surprenant, entre Enfers et Paradis, dans le paysage musical européen autour de 1600. Un disque mêlant avec bonheur et pertinence des musiques sacrées, profanes et populaires glanées à travers l’Europe de la Renaissance, depuis les Iles britanniques jusqu’aux confins des Carpates. Une compilation d’œuvres rares et méconnues puisant dans l’important corpus regroupé autour de ce thème par l’ensemble les Witches, il y a quelques années, mais aussi un enregistrement bâti autour de l’orgue historique Renaissance de Saint-Savin en Lavedan dans les Hautes-Pyrénées (1557), joué ici par Freddy Eichelberger, dont la sonorité ample se marie merveilleusement avec les timbres du violon d’Odile Edouard, de la cornemuse de Mickaël Cozien, du régale et du colachon de Pierre Gallon, auxquels viennent s’ajouter, pour l’occasion, le Chœur des Huguenots et Mathieu Boutineau comme souffleur. Un disque qui sort assurément des sentiers battus, dont la réalisation musicale se montre à la hauteur de l’enjeu, par sa variété, par sa qualité instrumentale, par le caractère didactique de son livret et par l’excellence de la prise de son. Une belle réussite pour ce premier enregistrement discographique de l’ensemble Les Harpies, à mettre une fois de plus au crédit du label Encelade. A écouter absolument !
Patrice Imbaud

Louis-Nicolas CLÉRAMBAULT : Motets à 3 voix d’hommes et symphonie. Ensemble Sébastien de Brossard, direction, orgue et clavecin : Fabien Armengaud. 1CD PARATY (www.paraty.fr ) : 516141. TT : 74’ 43.

Fabien Armengaud, fondateur de l’Ensemble Sébastien de Brossard, a judicieusement retenu des œuvres de Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749) à 3 voix d’hommes et symphonie. Ce contemporain de Jean-Philippe Rameau, fils de Dominique Clérambault — ayant fait partie des « 24 Violons du Roi » —, est né à Paris le 19 décembre 1676 et mort dans cette ville le 26 octobre 1749. Organiste et compositeur, élève d’André Raison auquel il a dédié son Livre d’orgue, il a écrit un livre d’orgue, des pièces de clavecin, des sonates et symphonies et obtenu le privilège de publier « toutes sortes de musique vocale et instrumentale ». Il a composé 5 recueils de Cantates avec ou sans symphonies (à partir de 1710) et 6 Livres de Motets, entre autres... Il a succédé à Guillaume-Gabriel Nivers, organiste de Saint-Sulpice. Ses Cantates associant à la fois le goût italien et le goût français ont connu un grand succès au Concert spirituel. On lui doit également 2 tomes de Chants et motets « à l’usage des Dames de la royale Maison de Saint-Cyr ». Ces Motets s’imposent par la plénitude de leur polyphonie, leur qualité séduisante dominée par un solide sens de l’expression et leur caractère très original et personnel.

Ce disque, le premier du nouvel Ensemble Sébastien de Brossard, déjà très prometteur, est une nouveauté par rapport à la discographie actuelle davantage axée sur ses Cantates et ses œuvres pour clavier. Il bénéficie du concours de Fabien Armengaud (orgue, clavecin et direction), de Cyril Auvity (haute-contre), Jean-François Novella (taille) et Alain Buet (basse-taille), ainsi que les instruments suivants : violons, basse de violon, théorbe, traversos, flûte à bec, hautbois, orgue et clavecin (2014) du facteur Alain Anselme, à la manière française du XVIIe siècle.

Le programme comprend un motet de circonstance pour la Canonisation de Saint-Pie (il s’agit du Pape Pie V) célébrée avec faste à Rome en 1712 (C. 150) ; un motet du Saint Sacrement (C. 131) : Panis angelicus ; un motet à 3 voix extrait du Psaume 76 : Viderunt te aquae Deus… (C. 130) ; plusieurs pièces d’inspiration mariale : 3 Antiennes à la Sainte Vierge : Salve Regina (C. 114), Monstra te esse matrem (C. 132), Sub tuum praesidium (C. 104), ainsi que l’imposant Magnificat à 3 voix et basse continue (C. 136). Cet enregistrement s’impose par la maîtrise du contrepoint savant, la musicalité, la souplesse vocale et les vocalises précises ainsi que par les sonorités instrumentales bien équilibrées. L’Ensemble Sébastien de Brossard, dirigé avec autorité par Fabien Armengaud, fera mieux connaître les œuvres vocales pour voix d’hommes de L.-N. Clérambault. Il a le grand mérite de combler une lacune et de s’imposer dans la production discographique. À découvrir et à réentendre impérativement.
Édith Weber

D’or et de lumière XVIII-21. Le Baroque Nomade. Music for Celebrations. 1CD ÉVIDENCE CLASSICS (www.evidenceclassics.com) : EVCD029. TT : 68’ 22.

Comme son nom l’implique, l’Ensemble Le Baroque Nomade, dirigé par Jean-Christophe Frisch, propose un itinéraire musical baroque, européen et extra-européen, vocal (hébreu, espagnol, portugais) et instrumental. Sa haute qualité d’interprétation a déjà fait l’objet de critiques très élogieuses. Il est indispensable de souligner l’intérêt si diversifié et l’originalité de ce vaste programme.

Sur le plan institutionnel, il évoque musicalement les principales Fêtes juives de ROSH HASHANA (jour de l’an) — à travers HANOUKA (fête de la lumière avec les bougies), PURIM (de caractère gai, destinée à l’amusement), PESSAH (marquée par un grand repas, fête destinée aux enfants et reposant sur une accumulation d’énumérations, en usage dans tout le Bassin méditerranéen) — jusqu’au dernier jour de l’année HOSHA’ ANA.

Sur le plan organologique, selon les pièces, ce disque associe des instruments européens traditionnels (violon, alto, viole de gambe, flûte de la Renaissance, guitare, cithare…) et orientaux tels que le oud (luth arabe) et des percussions (castagnettes, crotales, zarb, daf...).

Sur le plan vocal, cette production est réalisée par Cyrille Gerstenhaber (soprano) et Isabelle Schmitt (mezzo), et chaque chanteuse pratique également un ou plusieurs instruments. À elle seule, cette énumération démontre l’intérêt et la diversité sonore de ces arrangements de Joseph Mijnapfel (1553-v.1621).

Le second mérite de ce disque consiste à faire connaître le compositeur juif Giuseppe Lidarti (1730-v.1795), autrichien actif en Italie et à Amsterdam au sein de la communauté juive portugaise, et auteur de l’Oratorio Ester ; pour sa part, Biagio Marini (1597-1665) s’est inspiré du compositeur juif Salomone Rossi. Par ailleurs, Benedetto Marcello (1686-1739) a admiré et publié des mélodies appartenant à différentes traditions.

La diversité des sujets se manifeste dans le rappel de l’histoire biblique vétérotestamentaire (Esther, le Roi Nimrod) ; la prière invoquant le pardon du Père ; faisant allusion à l’amour, à la « Belle de son cœur » ou aux douleurs de l’amour, sans oublier les chants de louange ou encore les bougies de la Fête de HANOUKA apportant joie et bonheur. Ces pièces traditionnelles étaient entendues à la Synagogue ou interprétées à la maison en famille avec des instruments pour les « bons jours ». Ces précisions relèvent du texte de présentation de Jean-Christophe Frisch et des informations fournies, entre autres, par l’Institut Européen des Musiques Juives. Rarement une production discographique n’aura suscité tant d’intérêts si diversifiés : institutionnel, organologique, vocal, musiciens à découvrir, nombreux sujets traités et même présence dans la Sonata sopra Fuggi dolente core de Biagio Marini (mélodie italienne d’ailleurs reprise en 2004 pour l’Hymne national israélien). Il faut savoir gré à Jean-Christophe Frisch (également flûtiste) et à son ensemble Le Baroque Nomade pour ce long itinéraire et leurs efforts d’adaptation à ce répertoire judéo-espagnol-portugais. Ils ont signé un lumineux disque en or.
Édith Weber

Émile BRET : Romances et Mélodies 1CD GALLO (www.vdegallo.ch ) : CD1489. TT : 57’ 18.

Né à Genève le 2 novembre 1824, mort à Paris le 5 février 1891, Émile Bret (à ne pas confondre avec Julien Bret, cf. L’édition musicale : DSCH) a été, à 25 ans, l’organiste titulaire du Temple des Eaux Vives jusqu’en 1854. Installé à Paris, il retourne en Suisse pendant la Guerre de 1870, puis revient dans la Capitale où, à partir de 1872, il publie des pièces pour piano tout en s’intéressant à la Mélodie. Élaboré par Norberto Broggini, le texte de présentation propose la chronologie de ses œuvres et l’intégralité des poèmes chantés par Nathalie Constantin (soprano lyrico-léger, artiste polyvalente) si bien accompagnée au piano Érard (1880, donc d’époque) par Norberto Broggini, de réputation internationale, qui, en soliste, interprète brillamment la Romance sans paroles intitulée Le suprême adieu et Le Boléro pour piano datant de 1870.

Les thèmes des Romances et Mélodies portent sur l’espoir, la nostalgie du pays, l’amour maternel, l’amour filial et des images ibériques rythmées par les incontournables castagnettes. Les poésies sont d’Alfred Guichon, César Malan et John Ruegger.

La voix gracieuse de Nathalie Constantin s’élance au-dessus des accents très précis du piano ; l’ensemble, très ciselé, restitue à merveille l’écriture minutieuse du compositeur avec quelques envolées lyriques autour de la nature  (aubépine, rose, marguerite, abeille, hirondelle…) contrastant avec la Berceuse orientale plus intime et un tantinet nostalgique, alors que le CD se termine par l’influence ibérique de La Romérie galicienne ponctuée par les castagnettes (J.-R. Berthoud) marquant le galop du cheval…

Ces 9 Romances et Mélodies et 2 pièces pour piano bénéficient de la remarquable acoustique du lieu. Cet enregistrement en première mondiale révèle un musicien suisse encore dans le sillage du romantisme. Particulièrement attachant, Émile Bret : un compositeur à découvrir.
Édith Weber

Compositeurs genevois Quatuor de Genève. 1CD VDE GALLO. (www.vdegallo.ch) : GALLO CD-1463. TT : 79’ 36.

Cet enregistrement est entièrement « genevois », par le lieu (Studio Ernest Ansermet), par les interprètes (Quatuor de Genève) et par son programme réunissant 5 compositeurs du XXe siècle nés dans cette ville ou ayant des affinités avec elle.

Jean BINET (1893-1960) est né à Genève, où il est formé en éducation musicale par Otto Barblan et en rythmique par Jaques Dalcroze. Il réside à Paris, voyage aux Etats-Unis où il enseigne la rythmique à New York. En 1923, il revient en Europe, s’installe à Bruxelles. À Genève, il préside la Société SUISA (Droits d’auteurs). Il a, entre autres, subi l’influence de la musique française contemporaine. Son Quatuor en mi majeur (composé en 1929-1930 pour le Quatuor Pro Arte) comporte 3 mouvements : Vif et décidé ; Très lent ; Très animé, spéculant sur les contrastes rythmiques. Il précise ainsi l’atmosphère : « rude et marqué », puis « bien chanté ». L’œuvre s’impose par sa fantaisie, son lyrisme contenu et sa diversité rythmique.

Pierre WISSMER (1915-1992) est né à Genève où il fait ses études, puis à partir de 1935, s’installe à Paris où il se perfectionne auprès de Roger Ducasse et en contrepoint avec Daniel Lesur à la Schola Cantorum. Il adoptera la nationalité française en 1958. Son 2e Quatuor à cordes dans le sillage de Maurice Ravel (composé entre 1948 et 1949, créé par le Quatuor Vegh à Radio Genève et édité chez Billaudot en 2015) est également tripartite : Allegro moderato en forme de sonate ; Andante particulièrement lyrique, mais aussi tendu ; Allegro en forme de rondo avec 3 couplets et refrains, jusqu’à la coda marquée par les 4 instrumentistes.

Henri GAGNEBIN (1886-1977), né à Liège, étudie à Genève, Berlin et à la Schola Cantorum. Après avoir été l’élève de Louis Vierne en orgue et de Vincent d’Indy en écriture, il enseigne aux Conservatoires de Neuchâtel et Lausanne, puis dirige celui de Genève. Son 2e Quatuor en mi b-Divertimento terminé en 1923, reprend les 4 brefs mouvements : Fantaisie ; Scherzo ; Adagio ; Final qui s’enchaînent. Il s’impose par son lyrisme et son sens de la mélodie. L’Adagio se présente comme un choral aboutissant au Final plus léger et débouchant sur la coda pianissimo avec réminiscence du premier thème de ce mouvement.

Bernard SCHULÉ (1909-1996), né à Zurich, suit des cours de piano et d’orgue en Suisse et en France — dont il admire la culture — respectivement auprès d’Alfred Cortot en piano à l’École Normale de Musique et de Joseph Bonnet en orgue, ensuite avec Nadia Boulanger en contrepoint, et Paul Dukas en composition. Il a été organiste de la Basilique Sainte-Clotilde jusqu’en 1945. Il s’installe à Genève en 1961. Son Quatuor à cordes-Fête romantique (op. 149) a été composé pour le centenaire de l’Académie de musique de Genève. Il comprend 5 mouvements : Allegro moderato de forme sonate ; Quasi improvisata cédant la place au mystère, avec une tonalité fluctuante ; Giocoso remplaçant le scherzo traditionnel ; Cantabile à la manière de Schubert, favorisant le cheminement mélodique du premier violon au-dessus de la polyphonie des 3 autres instruments. Enfin, le Vivo conclusif, d’abord joyeux, puis méditatif, se termine pianissimo.

Bernard REICHEL (1901-1992), fils de pasteur, est né à Neuchâtel où il travaille le piano et l’orgue avec Charles Faller et la composition, à Bâle, avec Hermann Suter. En 1923, il s’installe à Genève où, tout en étant organiste liturgique dans plusieurs paroisses protestantes, il enseigne le solfège, l’improvisation, rythmique dans le sillage de J. Dalcroze et l’harmonie. Il a composé de nombreux Préludes de choral (pour orgue) et s’est intéressé aux Psaumes huguenots. Le premier de ses Trois Préludes est de caractère mélancolique ; le deuxième reposant sur un ostinato rythmique est une marche lente, alors que le troisième, plus tourmenté, comporte des passages chromatiques. Dans son premier Ricercar de caractère solennel, il se souvient du Choral luthérien bien connu Aus tiefer Not.

Le Quatuor de Genève, composé de François Payet-Labonne et Sidonie Bougamont (violons), Emmanuel Morel (alto) et André Wanders (violoncelle), rend un émouvant hommage à ces cinq compositeurs, figures marquantes de l’École genevoise et de la vie musicale suisse au XXe siècle. Belle Défense et illustration helvétique tout à fait conforme aux objectifs du Label VDE GALLO.
Édith Weber

Urs Joseph FLURY : PASSION in Solothurner Mundart. 1CD VDE GALLO. (www.vdegallo.ch). GALLO CD-1478. TT : 57’ 59.

Cette œuvre en dialecte suisse alémanique de la Région de Soleure (Solothurn) a été créée le 18 mars 2016 en l’Église jésuite de cette ville, par son compositeur Urs Joseph Flury à la tête de la Zürcher Sing-Akademie fondée en 2011 et des Zürcher Symphoniker, avec le concours de Lilian Schneider Rohrer (soprano), Marie ; Patrick Oetterli (baryton), Jésus ; Christof Breitenmoser (ténor), Pierre ; Yves Brühwiller (basse), Pilate ; Marcel Fässler (ténor) et Chasper-Curo Mani (baryton), les deux larrons ; d’Ingrid Alexandre (mezzo-soprano), la servante.

Urs Joseph Flury, né en 1941, a poursuivi sa formation universitaire en musicologie, philosophie et histoire de l’art et étudié le violon notamment aux Conservatoires de Berne et Bâle. Il dirige divers ensembles et se produit aussi à la Radio. Ses œuvres religieuses comportent aussi 3 Messes, un Oratorio de Noël et une Cantate de Noël, ainsi que cette Passion en dialecte suisse. (Il existe bien une traduction de la Bible et même de Tintin en alsacien).

Cette compilation des quatre Évangiles réalisée par Beat Jäggi s’adresse évidemment à un cercle linguistique limité à la langue du peuple : Schwytzerdütsch (assez proche du dialecte alsacien du Haut-Rhin), mais en connaissant le récit biblique, les 20 épisodes peuvent être assez bien compris par des auditeurs germanophones familiarisés avec des sonorités vocales spécifiques assez gutturales. L’indispensable livret offre le texte en dialecte en orthographe assez phonétique, accompagné de son adaptation allemande et de sa traduction anglaise. L’action se déroule depuis l’entrée de Jésus à Jérusalem jusqu’à Pâques avec les épisodes traditionnels : dernière Cène, Jardin de Gethsémané, trahison et reniement de Pierre, comparution devant Pilate…, la Crucifixion, le Christ entouré des deux larrons, Marie près de la croix, la dernière Parole : « Tout est accompli ».

Urs Joseph Flury ne fait pas appel à l’Évangéliste traditionnel, mais confie les récits au chœur et fait intervenir les acteurs en soliste ou en dialogue. Le Prologue annonce l’œuvre. Suit la description des différents épisodes confiée au chœur avec, par la suite, les interventions de la servante, de Pierre, des serviteurs, de la foule (turba), de Jésus précisant que « son royaume n’est pas de ce monde » et le chœur si triste des femmes de Jérusalem, puis de Marie, ainsi que — exceptionnellement une Élégie pour hautbois et orchestre : In memoriam N. M. — jusqu’à la mise au tombeau avec Joseph d’Arimathée réclamant le corps de Jésus, suivie de l’Halleluja et de la jubilation du dimanche de Pâques affirmant la Résurrection.

La musique, tour à tour énergique, triste, se réclame d’une esthétique assez classique, sans les audaces harmoniques du XXe siècle. Pleine de souffle, elle est, en fait, un oratorio avec une compilation du récit de la Passion sans les chorals allemands traditionnels, avec des textes parfois assonancés mais non rimés accessibles aux auditeurs suisses germanophones : une curiosité musicale.
Édith Weber

TCHAÏKOVSKI. SIBELIUS. Sérénade pour cordes, op. 48. Quatuor à cordes « Voces Intimae », op. 56. Orchestre d’Auvergne, dir. Roberto Forès Veses. 1 CD Aparté : AP 139. TT : 60’.

Un très beau disque nous proposant une intéressante mise en miroir de deux compositeurs ayant en commun une même sensibilité marquée par d’importants tourments de l’âme qu’ils exprimeront chacun dans des formes bien différentes. La Sérénade pour cordes de Tchaïkovski, composée en 1880, plutôt extravertie, comporte quatre mouvements. D’abord ample et pleine d’allant, puis dansante sur un rythme de valse, elle est centrée sur la mélancolique et rêveuse Élégie, qui constitue le cœur de l’œuvre, toute empreinte d’un lyrisme inquiet et passionné, avant de s’achever sur un final aux accents folkloriques. Bien différent le Quatuor à cordes « Voces Intimae », est le dernier quatuor du compositeur finlandais, composé en 1909, dont nous est présenté, ici, le premier enregistrement de la version pour orchestre à cordes. Œuvre de la maturité, plus intériorisée, animée d’une angoisse de plus en plus prégnante et d’une sorte de nostalgie que le virevoltant Vivace ne parviendra pas à effacer, avant de s’éteindre dans un climat de solitude. L’interprétation qui nous est donnée ici par l’Orchestre d’Auvergne, conduit par son directeur musical, le chef espagnol Roberto Forès Veses, ne souffre aucun reproche, tant dans la conduite dynamique des œuvres que dans leurs réalisations instrumentales, encore magnifiée par une belle prise de son. Un disque indispensable à toute discothèque !
Patrice Imbaud

Schubert impromptus : Une intégrale. D. 899 et D. 935. Amandine Savary, piano. 1CD Muso : MU015.

Des impromptus de Schubert, il existe de multiples versions, de Arthur Schnabel à Wilhelm Kempff, de Alfred Brendel à Murray Perahia, sans oublier Edwin Fischer (le pionnier) et Radu Lupu.
Amandine Savary, une jeune pianiste normande de trente ans vient de signer sous le label Muso, un nouvel enregistrement des huit impromptus.
Ces impromptus, ainsi baptisés par l’éditeur viennois Tobias Haslinger, ne connurent le succès que lors d’une réédition plusieurs années après la mort de Schubert.
Ecrits après des vacances à Graz qui furent “de délicieux moments“, Schubert se sent libéré, il compose comme il rêve, il se laisse aller à l’aventure mélodique, déroule ses souvenirs comme un caprice qui le libère de la forme rigide de la sonate. Ces impromptus sonnent comme des lieder sans paroles, des pièces indépendantes presque conformes à la définition de l’impromptu : pièce de musique légère, faite sur le champ, sans préméditation.
Interpréter ces impromptus, connus et reconnus, joués et rejoués, demande une sensibilité extrême. Et Amadine Savary la possède cette sensibilité, ses tempos modérés, son toucher “perlé“ se jouent des changements du mode majeur au mode mineur (Schuman disait que chaque tonalité a un état d’âme). Elle privilégie la mélancolie à la tempête et sa sensualité féminine donne à cette musique une couleur pastel qui lui convient à merveille en se démarquant de Beethoven ou de Brahms comme l’ont fait trop souvent certains interprètes mâles.
Ainsi, dans le premier impromptu en ut mineur, la pianiste passe du fortissimo au pianissimo avec une subtilité toute romantique sans heurter ni le piano ni le sentiment.
Le deuxième impromptu en mi bémol majeur coule comme un ruisseau sans jamais verser dans le maniérisme et le troisième enchaîne parfaitement les arpèges qui accompagnent une mélodie qui rappelle l’Ave Maria, avant de se noyer et s’assoupir dans une douce nuit. Dans l’opus 142, les impulsions sont plus passionnées et Schuman se demandait même si Schubert n’avait pas envisagé de composer une sonate avec ces quatre pièces.
Ces pages lyriques constituaient pour Schubert une “musique privée“, on la jouait dans les salons pendant les fameuses Schubertiades où le compositeur réunissait des amis, des peintres, des écrivains et d’autres musiciens dans les maisons de la grande société viennoise. Aussi se laisse-t-il à briller, il jongle entre l’ombre et la lumière, entre le jour et la nuit et Amandine Savary elle aussi respecte ces alternances entre le chant, le brillant de l’instrument et les entrelacs de l’harmonie schubertienne qui ose sauter du majeur au mineur dans des tonalités qui ne sont pas faites pour se rencontrer. Le toucher reste délicat mais net et la rêverie si elle nous emporte, ne sombre jamais dans l‘emphase. Le quatrième impromptu clôt le cycle comme un final qui renvoie à la tonalité du premier impromptu : fa mineur.
Amandine Savary ne démérite pas, elle nous donne une belle version de ces impromptus, une version fraîche, une version juste qu’on écoute avec bonheur de bout en bout.
Jean François Robin

« Folklomondo » Duo Agapè. Astor PIAZZOLA : L’histoire du Tango ; Libertango – Francisco GONZALEZ : Danza de Los Amantes Efimeros – Béla BARTÓK : Danses roumaines – Marek PASIECZNY : Six Folk Melodies – Laurent BOUTROS : Amasia. Marie Fraschini, violon, Lionel Fraschini Guitare. 1 CD Classiquez-Chanteloup Musique. CLZ 003/1. TT. : 54’55 https://www.classiquez.com/

C’est le premier disque de ce jeune duo composé de Marie Fraschini, violoniste diplômée du CNSMDP et actuellement titulaire à l’orchestre régional de Cannes – PACA, et de Lionel Fraschini, guitariste, diplômé du Conservatoire Royal de Bruxelles. L’ambition de ce duo dont le nom n’a pas été choisi au hasard est de faire partager l’amour de la musique au plus grand nombre. Leur programmation comporte aussi bien un programme « classique » qu’un programme qu’ils nomment « hybride ». C’est ce dernier programme que nous trouvons sur ce disque, hybride parce qu’il s’agit de musiques inspirées du folklore, mais savantes dans le traitement de l’écriture. On pourrait craindre, à première vue, une certaine monotonie. Il n’en est rien : le choix des compositeurs et des œuvres est tout à fait judicieux. C’est à une promenade à la fois dans le temps et dans l’espace que nous invitent Marie et Lionel. Leur interprétation montre leur parfaite compréhension des styles si diversifiés de ces musiques. On sent une complicité profonde dans leur manière de dialoguer constamment : les ambiances musicales se succèdent, qu’il s’agisse de pièces originales ou de transcriptions. Le moins qu’on puisse dire, c’est que nos deux interprètes ont du tempérament et qu’ils savent s’en servir à bon escient avec un goût parfait. Qu’il s’agisse de pièces très connues comme l’Histoire du Tango ou les Six danses roumaines, ou d’œuvres contemporaines, l’intérêt ne faiblit jamais. On appréciera notamment dans l’Histoire du Tango l’atmosphère spécifique donnée aux différents « moments » de l’histoire ; ou encore la délicatesse et la variété de l’interprétation d’Amasia de Laurent Boutros. Remercions Classiquez-Chanteloup Musique de nous permettre de découvrir ce duo prometteur qui a obtenu déjà plusieurs récompenses internationales.
Daniel Blackstone

MUSIQUE & CINEMA

retour au sommaire

Portrait d’Erwann KERMORVANT

par Stéphane Loison

Les compositions d’« Un Ticket pour l’Espace », « Prête-moi ta Main », d'Éric Lartigau c’est lui, la plupart des films d’Olivier Marchal c’est lui, « Première Étoile », cette superbe comédie de Lucien Jean-Baptiste, c’est aussi lui. C’est dans son studio au Père Lachaise, face à un petit déjeuner copieux, arrosé de plusieurs cafés no « What Else », que nous avons parlé musique à l’image pendant presque une matinée ! Ce compositeur talentueux, à l’humour féroce, a parlé souvent off record ; donc ce sera une interview sur son parcours, raccourcie et bien sage, que j’ai retranscrit ici.

Clarinettiste classique, dès son plus jeune âge, au conservatoire de Lorient, il a grandi dans une ambiance rock des années soixante-dix car ses trois grands frères étaient musiciens dans des groupes, style Deep Purple. Le jazz il ne connaissait pas. Parallèlement il s’est très vite intéressé aux synthés….

Qui vous a donné envie de faire de la clarinette ?
Les professeurs de musique venaient dans les écoles et présentaient leur instrument. J’ai eu un flash et j’ai dit à mes parents que je voulais faire de la clarinette ! Ce professeur est devenu le mien ; je pense qu’il a dû jouer un extrait de Pierre et le Loup, le chat….

Vers 16 ans il a commencé à jouer des claviers dans des groupes et faire du Pink Floyd. On était dans les années quatre-vingt et la musique de film n’était pas présente dans son univers, même s’il voyait beaucoup beaucoup de films. Chose étonnante il se souvenait des noms des compositeurs des musiques ! Ces musiques c’étaient pour lui de la musique classique, ça sentait le Prokofiev ou le Stravinsky à plein nez !

C’est une période que vous appréciez ?
Oui car les films ne se prenaient pas au sérieux. J’adorais les musiques de Horner, Goldsmith, Williams bien sûr. J’ai un ami d’enfance, cinéphile, et fana de jazz, et c’est par lui que je suis venu au cinéma et à cette musique. Il n’y a plus cette légèreté aujourd’hui et je le vois avec mes enfants qui sont tout jeunes, ils préfèrent «  l’Aventure Intérieure » ou « Top Gun » aux Avengers.

Pensez-vous que ces compositeurs n’écriraient plus aujourd’hui ?
On ne peut plus écrire ainsi sur les films qui sont réalisés aujourd’hui. Cela ne marcherait plus….

Erwann jouait beaucoup dans des groupes, il relevait de nombreuses musiques aux claviers, de Génesis par exemple, mais ce qu’il voulait faire c’était de la bio et travailler dans la génétique. Il s’est mis aussi à écouter beaucoup de musique de films. Un jour, il rencontre une fille au pair qui est la fille de Ralph Grierson, un clavier de studio aux mille films ! C’était le pianiste attitré de Williams. A la fin de « ET », la version piano du thème a été écrite pour lui ! A 17 ans, il part en vacances à Los Angeles. chez Grierson et il est invité à une séance d’enregistrement de « Batman Returns » ! Elfman et Burton étaient présents avec cent vingt musiciens. Le choc ! Erwann adorait la musique classique, il ne voyait pas sa vie sans musique, mais il ne savait pas comment. Jouer dans des groupes at vitam ce n’était possible. Là, face un orchestre, il voyait qu’on pouvait faire de la musique autrement. De plus, il avait une fascination pour Herrmann. Et là, il demande à Grierson comment on peut faire pour écrire ainsi ! Grierson lui trouve une école pas trop chère pour apprendre à écrire de la musique de film, la Dick Grove School. Mais sans son bac ses parents ne lui laisseront pas y aller ! Il bosse dur pour obtenir le diplôme et, motivé, il reste trois ans dans l’école où il apprend le jazz dont il ne connaissait rien. Grove ferme et il termine son cursus à UCLA, la partie la moins prestigieuse et la moins chère de l’université. Il a comme professeur Gerald Fried, le compositeur de la série « Roots », la première, en remplaçant Quincy Jones, et d’autres orchestrateurs célèbres….

Vous avez de la chance d’avoir eu de grands orchestrateurs, si je comprends bien...
Oui, on est dans les années 90 et j’ai eu la chance de rencontrer tous ces grands orchestrateurs et d’avoir vu des séances avec Ralph et d’assister à des séances avec une centaine de musiciens qui jouaient en direct et ensemble ! J’ai vu des re recordings ahurissants sur « Sommersby », musique d’Elfman où le célèbre percussionniste Mike Fischer a fait toutes les percussions, et on a l’impression à l’écoute de la musique qu’ils étaient toute une bande !

Erwann Kermovan est rentré en France pour effectuer son service militaire dans la musique, puis a composé pour beaucoup d’institutionnels, des courts-métrages.

Aviez-vous fait une bande démo pour vous faire connaître ?
L’avantage à Grove c’est que l’on enregistrait toutes les semaines, du jazz principalement et à UCLA, assez régulièrement, on enregistrait nos musiques avec une vingtaine de musiciens. Cela apprenait avec une économie de moyens comment optimiser un orchestre réduit.

1999 : Erwann monte à Paris car en Bretagne il ne se passe pas grand chose et, ironie du sort, Télé Breizh, installée à Lorient, lui demande de faire son habillage d’antenne ! Grâce à un court-métrage de Samantha Mazeras il met un pied à la télévision, à TF1. Avec elle il compose pour Duelles, R.I.S... Parallèlement il compose à la même époque deux autres courts-métrages de Michel Leray dont un avec Kad Merad, pas très connu à l’époque. Il écrit avec Olivier Baroux le scénario de « Mais qui a tué Pamela Rose » et lui propose d’écrire la musique. Après un appel d’offre, il est choisi par la production.

La musique est très orchestrale ?
C’est un film avec beaucoup de références, un vrai polar, un vrai film américain, la musique devait aller dans le même sens, une musique au premier degré. J’ai tapé juste avec ma maquette sans le savoir ! Le film a bien marché et LGM, la production, m’a rappelé pour « 36 Quai des Orfèvres » d’Olivier Marchal !

Et aujourd’hui il fait encore appel à vous !
J’ai cette chance.

Aujourd’hui la musique des films est très électro, est-ce une mode ? N’est-ce pas une musique qui vieillit mal ?
Oui et non. Il y a des scores qui tiennent bien dans le temps : Clint Mansell avec « Requiem for a Dream » par exemple. Je préfère même le score de « The Fontain » qui est aussi joué par le Kronos Quartet.

Vous parlez de musiques : pensez-vous qu’on peut les écouter sans le support des images ?
Dans certains cas de figure oui. Dans la masse de musiques que j’écris, il y en a de nombreuses qui n’ont pas de sens sans l’image, ce sont pratiquement des musiques fonctionnelles.

Alors que pensez-vous de ces grandes messes au Rex ou au Palais des Congrès ? La musique de film n’est-elle pas la musique classique d’aujourd’hui ?
Le Rex n’est pas une salle où on peut jouer de la musique, l’acoustique n’est pas bonne, mais l’idée est fantastique. Le Palais des Congrès n’est pas top non plus ! Pourquoi ne pas jouer dans les salles qui s’y prêtent. Je vous rejoins sur ce que vous dites à propos de la musique classique et celle de film, on les écoute dans des endroits où des orchestres peuvent jouer. Je suis désolé, j’ai entendu « Ratatouille » au grand Rex et je n’ai pas entendu cette magnifique musique d’Elfman tant l’acoustique est mauvaise ! A Pleyel on n’aura pas une qualité d’image qu’on aura au Rex mais on vient écouter de la musique.

Quelle musique que vous avez composée aimeriez-vous qu’on interprète dans une grande salle ?
« Big City » de Djamel Bensalah, ce serait vraiment drôle en concert, même si le film n’est pas très bon. Le générique de fin de « l’Enquête » de Vincent Garenq.

Vous êtes en train d’écrire pour le prochain film de Jean-Baptiste ?
Oui il est en train de préparer une Deuxième Étoile…

Est-ce que vous écrivez toutes les notes de vos partitions ?
Il y a une question de timing. J’ai un orchestrateur, Mathieu Alvado, qui est aussi un compositeur archi talentueux. Il dit qu’il met seulement au propre mes musiques. En fait, il travaille quand même beaucoup plus. On fait des maquettes aujourd’hui qui sont carrément des produits finis. Mon orchestration au sens où on l’entend est déjà là, mes couleurs sont déjà présentes ; ce que fait Mathieu est un vrai travail d’orchestration. J’ai toujours fonctionné ainsi, même avec Jean-Pascal Beintus, mon précédent orchestrateur qui travaille aujourd’hui avec Desplat. J’ai le goût de l’orchestration que m’ont donné mes professeurs aux États-Unis. Ce que fait Mathieu est très important, il affine tout, recadre certains accords. Ce qui est fait à la va-vite, dans le feu de l’action, il le remet dans le bon sens. Pour moi l’orchestrateur c’est quelqu’un qui met la couche de polish, qui fait des propositions. Souvent j’écris des choses étranges et Mathieu me le fait remarquer, mais comme ça marche il me dit de le garder ! Parallèlement j’écris des musiques de ballet, je vis avec une danseuse. Ce sont de vraies créations en fait, j’adore ça.

La musique pour le ballet, c’est comme de la musique de film non ?
Mais bien sûr, Prokoviev a fait les deux et à Hollywood ils ont piqué pendant des années dans Tchaikovski. C’est de la musique pour des images. J’adore surtout si c’est pour orchestre, et Mathieu a orchestré une de mes pièces et souvent il ne comprend pas mes orchestrations et il n’y touche pas.

Mais là vous n’avez pas une problématique à résoudre. Or souvent les compositeurs de musique de film face à une page blanche écrivent des œuvres assez faibles. Rota, Moriconne, Williams, Desplat par exemple…

Mes œuvres pour ballets sont plus intéressantes que celles pour les films. Avec Marchal par exemple je n’ai rien, je connais juste l’argument et j’écris et Raphaël Urtin, la monteuse, met la musique où elle veut. En fait, elle monte sur ma musique ; c’est comme pour les ballets. Au début le chorégraphe faisait ses chorégraphies à partir de mes musiques de films, puis avec un autre je filmais les répétions. Comme pour une musique de film j’écrivais de la musique. La dernière pièce que j’ai écrit pour un chorégraphe japonais, c’est très électronique avec aussi de la clarinette basse jouée par mon professeur, c’est une musique plus contemporaine. C’était une expérience difficile à réaliser.

Vous avez reçu un prix pour la musique de Bordeline, le téléfilm lui aussi récompensé réalisé par Marchal. C’est important pour vous ?
Je suis content mais c’est surtout important dans le sens que le jury est un groupe de professionnels à la différence des Césars. Étrangement je suis plus content quand c’est le film dans son ensemble qui a le prix, parce que çà veut dire que ce que j’ai fait a contribué au film. Comme je viens du classique et que j’en écoute toujours beaucoup, je suis fier de ce que je fais, mais je ne considère pas que ma musique est révolutionnaire. Il y a des types qui écrivent des œuvres tellement impressionnantes. Il y a une chose que je n’oublie jamais : ce n’est pas mon film, c’est celui d’un réalisateur.

Vous êtes quand même un auteur !
Oui bien sûr mais si je suis auteur je fais de la musique de ballet, j’ai un rôle extrêmement décisionnaire…

Permettez-moi de ne pas être d’accord avec vous : on considère plus celui qui écrit le scénario. A Cannes il y a d’ailleurs un prix, on vous considère comme un technicien, à voir les génériques ! Monsieur Frémaux, dans ses interviews, oublie qu’au début du festival il y avait un prix pour la musique...
Oui, on oublie que la musique est à la base du cinéma, je ne dénigre pas le rôle essentiel de la musique dans un film. Je dis juste que lorsque l’on fait de la musique de film, je me mets au service du film. Je suis auteur, certes, j’amène mon interprétation de l’histoire, mais je me mets au service d’un film. On se fait tous un peu avoir là dedans, on a tous tendance à tirer la couverture à soi lorsqu’on écrit. La grosse difficulté est de ne pas aller vers cette attitude. Il faut souvent se faire violence, il faut se dire qu’on veut de la musique pour un projet. Lorsque j’ai fait L’Enquête avec Vincent Garenq, j’ai eu du mal à le convaincre sur certaines choses, il voulait de la musique minimale, j’ai réussi à le convaincre du contraire et il a très vite compris que je n’étais pas là pour l’embêter mais pour lui apporter des idées qui allaient enrichir son projet. Le film d’après, il a voulu quelque chose de minimal et je ne l’ai pas fait. La musique de l’Enquête avait été nommée aux Césars !

Que pensez-vous de la musique des films américains d’aujourd’hui ?
Elle ne me fait pas rêver. Williams est considéré comme Old School. S'il faut écrire de la musique pour Remote, non merci ce n’est pas pour moi.

Notre conversation s’est terminée en off en regardant des partitions d’un célèbre compositeur américain, très à la mode, très demandé, dont la place est aujourd’hui indestructible, mais qui a un orchestrateur qui est un des plus brillants musiciens d’Hollywood ! Serait-ce les nègres qui auraient le vrai talent ?

CDs MUSIQUE & CINEMA

A CURE FOR WELLNESS

Réalisation : Gore Verbinski.
Compositeur : Benjamin WallFisch.
1Cd Milanmusic 399880-2

Lockhart, jeune cadre ambitieux, est lancé sur la trace de son patron disparu dans un mystérieux centre de bien-être en Suisse. Pris au piège de l’Institut et de son énigmatique corps médical, il découvre peu à peu la sinistre nature des soins proposés aux patients. Alors qu’on lui diagnostique le même mal qui habite l’ensemble des pensionnaires, Lockhart n’a plus d’autres choix que de se soumettre à l’étrange traitement délivré par le centre…la Cure.

Une bien étrange cure ! Est-ce un film horrifique ? Fantastique ? Un cauchemar éveillé ? Tout cela à la fois. Une chose est sûre « A Cure For Welleness » (for life en français ???) est bien mal foutu, avec des incohérences dans le scénario, avec des poncifs de film de genre insupportables. Il y a aussi des scènes très belles, très noires, avec une mise en scène efficace. La première chose qui nous frappe dès début du film c’est sa musique : c’est une mélodie entêtante avec une voix enfantine ; elle va nous traverser l’esprit tout au long du film ; à la fin elle devient une valse très Chostakovitch comme cette jazz valse du compositeur mise à toutes les sauces pour des publicités ou des films (revoir ce qu’en a fait Kubrick). Le dernier quart d’heure est magnifique, baroque en diable, hallucinant où le personnel valse pendant que … beinh non, à vous d’aller le découvrir ! Malgré des longueurs, c’est un film qu’on peut voir. Écouter la musique en dehors des images est aussi un vrai plaisir. Benjamin WallFisch a l’air de s’être affranchi de l’influence de Zimmer mais il se cherche encore, attendons ce qu’il proposera par la suite.
https://youtu.be/XuZBf1dIKCE
Stéphane Loison

MODERN TIMES

Réalisateur : Charlie Chaplin
Compositeur : Charlie Chaplin
1CD Milanmusic 399 889-2

« Les Temps Modernes » est le dernier film de Charlot, c’est aussi un de ses plus célèbres. La musique que réédite Milan est surtout connue par le thème « Smile » que Nat King Cole a chanté et fait une de ses chansons mythiques. Si les thèmes musicaux ont été composés par Chaplin, c’est Edward Powell et David Raskin qui les ont arrangés et orchestrés. David Raskin, le compositeur de « Laura », raconte que Chaplin lui sifflotait des mélodies et lui demandait de « les prendre en note ». Il fallait transformer ces sifflements en mélodies et les synchroniser avec les situations du film. Chaplin était un excellent violoniste et avait des connaissances musicales très poussées et était très exigeant concernant les arrangements. Il avait déjà composé la musique des « Lumières de la Ville ». Parmi les compositions du film on reconnaîtra « The Factory Set », le thème comique qui accompagne les mouvements de Charlot sur la chaîne de montage. Ce film est aussi le premier film parlant de Chaplin, il y interprète la chanson de Léo Daniderff « Je Cherche après Titine ». Les paroles sont du sabir franco-italien incompréhensible qui rajoute au comique de non sens de Charlot. Le CD est indispensable pour tous ceux qui aiment le cinéma et Charlot en particulier. C’est le célèbre compositeur Alfred Newman qui est à la baguette. Ici c’est vraiment la BO originale du film que l’on entend sur ce superbe CD.
Stéphane Loison

LA LA LAND

Réalisateur : Damien Chazelle
Compositeur : Justin Hurwitz
1CD nterscope Records

Damien Chazelle a du talent. Il l’avait prouvé avec ses premiers films et celui-ci a aussi de nombreuses qualités. Peut-être exagère-t-on sur ce film événement ! C’est surtout un film « hommage » à des gens talentueux et originaux qui étaient Stanley Donen, Jacques Demy, Vincente Minnelli. Chaque plan, par le sens de la mise en scène et surtout par l’emploi des couleurs, car Chazelle a fait un film avec de la couleur comme ses prédécesseurs, est une réminiscence de ces grands réalisateurs. Mais une comédie musicale demande un compositeur de talent et c’est bien là où pèche le film. On est en face à du sous Michel Legrand et même à la limite du plagiat (le thème principal rappelle étrangement celui de Simon dans « Les Demoiselles de Rochefort »). Ce n’est pas les quelques chansonnettes sympathiques chantées par le beau Goslin – il est parfait dans le film - qui font décoller « La La Land », ce sont plutôt les magnifiques mouvements de caméra. Justin Hurwitz est un copain de Chazelle et c’est sympa de lui avoir offert la composition de la musique de cette comédie musicale. Voilà un compositeur lancé ! On retiendra surtout le morceau de John Legend « Start a Fire » et les arrangements des morceaux de jazz. Le La La Land Ensemble mérite d’être cité : Randy Kerber, célèbre orchestrateur de plus de 800 films, qui joue des claviers, Kevin Axt, Wayne Bergeron, de la trompette, Peter Erskine aux drums, Dan Higgins et Bob Sheppard, aux anches, Andy Martin, au trombone, et Graham Dechter à la guitare. Goslin joue réellement au piano, c’est un bel exemple de professionnalisme ! Le CD est agréable à écouter pour rêver à la cité des stars !
https://www.youtube.com/watch?v=GTWqwSNQCcg
Stéphane Loison

FIFTY SHADES DARKER

Réalisateur : James Foley
Compositeur : Danny Elfman
SonyClassical 88985359512

C’est un pov’ Christian blessé qui tente de reconquérir Anastasia. Cette dernière exige un nouveau contrat avant de lui laisser une seconde chance. Mais une ombre surgit du passé de Christian et plane sur les deux amants, déterminée à détruire un quelconque espoir de vie commune. Sortez les fouets et les liens ! Le porno torride sur les écrans ce n’est pas pour demain malgré Trump ! Mais ça doit faire bander ces puritains américains puisqu’ils font des suites (le prochain en 2018… plus claire). Nous sommes dans une rubrique musique et là quelle surprise de voir le compositeur du sulfureux Tim Burton composer la musique de ce film ! On se demande qui l’a flagellé pour qu’il accepte ! Sa musique est agréable, elle n’affole pas nos sens, c’est de la musique d’ascenseur et Elfman et descendu à la cave ! Quand au CD ce ne sont que des chansons de Taylor Swift, John Legend, Kygo, Sia, Miguel etc etc.. 50 nuances de soupe…Qu’allait faire Elfman dans cette galère ???? Il doit être sadomasochiste !
https://www.youtube.com/watch?v=TX8XQ9xYosg
Stéphane Loison

L’AMANT

Réalisateur : Jean-Jacques Annaud
Compositeurs : Gabriel Yared
1CD Music Box Records : MBR-110

À l'occasion des 25 ans du film et en collaboration avec Pathé Production, Music Box Records présente, en CD et dans une version augmentée, la bande originale du film de Jean-Jacques Annaud « L'Amant » (1992) composée et dirigée par Gabriel Yared. Avec « L’Amant », publié en 1984, Marguerite Duras, ressuscite l’Indochine des années 20, et entraîne son lecteur aux portes de Sa Saïgon. Pour l'adaptation cinématographique, produite par Claude Berri, Jane March, actrice débutante de 17 ans, incarne la jeune fille. Tony Leung, grande vedette asiatique, joue le chinois. Le récit est narré par la voix inimitable et sensuelle de Jeanne Moreau. Sorti en salle le 22 janvier 1992, le film réalise plus de 3 millions d’entrées et remporte le César de la meilleure musique en 1993. La partition de Gabriel Yared oscille entre morceaux d’une délicate sensualité et compositions plus abruptes. Elle évoque les deux aspects de l’univers de la jeune fille : le désir charnel et la découverte déstabilisante de sa sexualité. Le thème de « L’Amant » est décliné en différents arrangements tout au long du film, principalement donné aux cordes, à la clarinette soliste et à de délicates notes de piano. Un magnifique CD de musique pure.
https://www.youtube.com/watch?v=oUtJrWWR9hU
Stéphane Loison

THE BATMAN LEGO

Réalisateur : Chris McKay
Compositeur : Lorne Balfe Mis


Le Joker tente une fois de plus de détruire Gotham City. Il est cependant déçu d'apprendre qu'il n'est plus l'ennemi juré de Batman. Il échafaude alors un plan pour redevenir le pire ennemi du chevalier noir. Batman le solitaire va alors devoir faire équipe avec d'autres personnes pour vaincre la terrible menace qui pèse sur la ville. Batman est ridicule, déteste tous les héros de Marvel, les monstres en général et qu’on l’aide en particulier! L’histoire est bourrée de gags, va à cent à l’heure et la musique aussi. On a la tête comme une citrouille à la fin du film ! Lorne Balfe ne fait pas dans la dentelle et a beaucoup appris chez Zimmer ! Plus c’est lourd, plus c’est bon ! Une musique à charge donc pléonasmique ! Alors le CD ? Et bien il y a les chansons du film  et puis celle de Balfe ; ce n’est pas une bath de musique !
https://www.youtube.com/watch?v=bKWKntAGLpE&index=3&list=PLl8iWDvjPT5Eo02_4R4JO2pUGctwn45Ey
Stéphane Loison

L’INSEGNANTE

Réalisateur : Nando Cicero
Compositeur : Piero Umiliani
1CD DGTM CDDM 282

2 SAMURAI PER 100 GEISHE

Réalisateur : Giorgio Simonelli
Compositeur : Nico Fidenco – Luis Bacalov
1CD DGTM-CDDM283

TOTO DIABOLICO – TOTO VS THE 4 – TOTO VS MACISTE

Réalisateur : Steno, Fernando Cerchio
Compositeur : Piero Piccioni – Gianni Ferrio – Francesco de Masi
1CD DGTM DGST 027

LA DOMENICA DEL DIAVOLO

Réalisateur : Raimondo Del Balzo
Compositeur : Stelvio Cipriani
1CD DGTM DGST 023

Digitmovies édite souvent des musiques de films de série B italien. Les compositeurs de ces films sont talentueux et célèbres, Morricone disait que c'est dans ce genre de film qu’il pouvait essayer des idées ne portant pas à conséquence, comme une sorte de laboratoire musical. Piero Umiliani a écrit sa première musique pour le chef d’œuvre de Mario Monicelli « I Soliti Ignoti », puais il a composé plus d’une centaine de musiques de film. Luis Bacalov, compositeur oscarisé pour « Il Postino », a remplacé Nino Rota, décédé, pour Fellini ; compositeur comme Morricone pour de nombreux westerns il a écrit la musique de « Django » le film de Corbucci dont Tarantino a repris la musique pour le générique de son film. Piero Piccioni et Francesco de Masi eux aussi ont composé pour de nombreux westerns. Piccioni a écrit plus de 300 compositions et a travaillé avec des réalisateurs comme Monicelli, Risi, De Sica, Visconti, Comencini…il a été le compositeur attitré de Francesco Rosi et de Mario Bolognini, De Masi a surtout composé pour des westerns dans les années 60-70. Mais c’est surtout un chef d’orchestre renommé, quand à Stelvio Cipriani lui aussi a composé pour des westerns spaghetti. Mais son succès vient de la musique du film « Anonimo Veneziano ». C’est grâce à ce genre d’éditeur que l’on peut écouter ces musiques jamais publiées ou introuvables. Une belle initiative et des musiques à découvrir.


https://www.youtube.com/watch?v=yHAHwoZi8ck https://www.youtube.com/watch?v=DZIG3SSN_Ek Stéphane Loison


retour au sommaire

LA VIE DE L’EDUCATION MUSICALE


Si vous souhaitez promouvoir votre activité, votre programme éditorial ou votre saison musicale dans L’éducation musicale, dans notre Lettre d’information ou sur notre site Internet, n’hésitez pas à me contacter au 01 53 10 08 18 pour connaître les tarifs publicitaires. maite.poma@leducation-musicale.com
Les projets d’articles sont à envoyer à redaction@leducation-musicale.com
Les livres et les CDs sont à envoyer à la rédaction de l’Education musicale : 7 cité du Cardinal Lemoine 75005 Paris



VIENT DE PARAÎTRE

INITIATION À L’HARMONIE ET À L’INTERPRÉTATION À PARTIR DES POLONAISES DE CHOPIN.
VOLUME 1 Les Polonaises de jeunesse en sol mineur et sib majeur.
22.00 €

INITIATION À L’HARMONIE ET À L’INTERPRÉTATION À PARTIR DES POLONAISES DE CHOPIN.
VOLUME 2 Les Polonaises de jeunesse en lab majeur et sol# mineur
22.00 €

Baccalauréat 2017. Épreuve de musique
LIVRET DU CANDIDAT
19 €

DAVID ET JONATHAN, HISTOIRE D'UN MYTHE
Régis COURTRAY (sous la direction de)
EAN/ISBN : 9782701015729
Nb de pages : 400 p
Année : 2010
39.00 €


COLLECTION VOIR ET ENTENDRE

Jean-Marc Déhan et Jacques Grindel ont réalisé, dans les années 1980, collection « voir & entendre », qui s'adressait autant aux collèges et lycées qu'aux conservatoires et écoles de musique. Il nous est apparu que cet outil remarquable pouvait, avec quelques compléments, redevenir un outil pédagogique de tout premier plan. Le parti pris a été de réimprimer à l'identique les fascicules, enrichis d'un court dossier pédagogique. Pour chaque titre, des pistes d'utilisation s'ajoutent à celles déjà mises en lumière dans les partitions elles-mêmes.
Il est possible d'utiliser ces partitions :
- pour la lecture de notes
- pour la lecture de rythmes
- pour la dictée musicale ;
- pour le chant, en faisant chanter et mémoriser les principaux thèmes
- pour la formation de la pensée musicale : les thèmes mémorisés, transposés à l'oreille, donneront lieu, le cas échéant, à des autodictées ;
- pour l'analyse musicale et l'harmonie, avec les analyses fines de J.-M. Déhan et J. Grindel reportées sur la partition
- pour l'histoire de la musique grâce aux textes de présentation ;
- enfin, pour l'écoute raisonnée des œuvres en suivant simplement la partition, quitte à faire porter l'audition sur des éléments précédemment indiqués par le professeur qui pourra adapter ces exercices au niveau de ses élèves.
Mais ces partitions sont également destinées aux amateurs éclairés pour qui la lecture des clés d'ut dans les partitions d'orchestre habituelles, ainsi que le casse-tête des instruments transpositeurs sont souvent des obstacles insurmontables.
Souhaitons que cette réédition permette une meilleure connaissance par tous, jeunes et moins jeunes, futurs professionnels ou amateurs éclairés, de quelques œuvres fondamentales du répertoire.


W.A. Mozart. Symphonie n° 40 (K550)1. Allegro Molto – 3. Menuetto
9 €

A. Borodine. Dans les steppes de l’Asie centrale
9 €

H. Berlioz. Symphonie fantastique 5e mouvement
12 €

J.-S. Bach. Cantate BWV 140« Wachetauf, ruft uns die Stimme »
10,50 €


STOCKHAUSEN JE SUIS LES SONS

Ce livre, que le compositeur souhaitait publier dans sa maison d’édition à Kürten, se propose de présenter les orientations principales de la recherche de Karlheinz Stockhausen (1928-2007) à travers ses œuvres, couvrant sa vie et ouvrant un accès direct à ses écrits. Divers domaines investis par le plus grand inventeur de musique de la seconde moitié du xxe siècle sont abordés : composition de soi à travers les matériaux nouveaux ; découvertes formelles et structures du temps ; musique spatiale ; métaphore lumineuse ; musique scénique ; l’hommage au féminin de l’opéra Montag aus Licht ; Wagner, Stockhausen et le Gesamtkunstwerk, œuvre d’art total. Les témoignages des femmes qui l’ont accompagné dressent un portrait vif et saisissant de l’homme, artiste génial qui aimait plus que tout la musique et la recherche compositionnelle au nom du progrès de l’être humain...(suite)

ANALYSES MUSICALES XVIIIè SIECLE - Tome 1

L’imbroglio baroque de Gérard Denizeau

BACH
Cantate BWV 104 Actus tragicus : Gérard Denizeau - Toccata ré mineur : Jean Maillard - Cantate BWV 4: Isabelle Rouard - Passacaille et fugue : Jean-Jacques Prévost - Passion saint Matthieu : Janine Delahaye - Phœbus et Pan : Marianne Massin - Concerto 4 clavecins : Jean-Marie Thil - La Grand Messe : Philippe A. Autexier - Les Magnificat : Jean Sichler - Variations Goldberg : Laetitia Trouvé - Plan Offrande Musicale : Jacques Chailley

COUPERIN
Les barricades mystérieuses : Gérard Denizeau - Apothéose Corelli : Francine Maillard - Apothéose de Lully : Francine Maillard

HAENDEL
Dixit Dominus : Sabine Bérard - Water Music : Pierrette Mari - Israël en Egypte : Alice Gabeaud - Ode à Sainte Cécile : Jacques Michon - L’alleluia du Messie : René Kopff - Musique feu d’artifice : Jean-Marie Thill -

LE NOUVEL OPERA

Publié l'année même de son ouverture, cet ouvrage raconte avec beaucoup de précisions la conception et la construction du célèbre bâtiment. Le texte est remis en pages et les gravures mises en valeur grâce aux nouvelles technologies d'impression.

LEOS JANACEK, JEAN SIBELIUS, RALPH VAUGHN WILLIAMS - UN CHEMINEMENT COMMUN VERS LES SOURCES

Pour la première fois, le Tchèque Leoš Janácek (1854-1928), le Finlandais Jean Sibelius (1865-1957) et l'Anglais Ralph Vaughan Williams (1872-1958) sont mis en perspective dans le même ouvrage. En effet, ces trois compositeurs - chacun avec sa personnalité bien affirmée - ont tissé des liens avec les sources orales du chant entonné par le peuple. L'étude commune et conjointe de leurs itinéraires s'est avérée stimulante tant les répertoires mélodiques de leurs mondes sonores est d'une richesse émouvante. Les trois hommes ont vécu pratiquement à la même époque. Ils ont été confrontés aux tragédies de leur temps et y ont répondu en s'engageant personnellement dans la recherche de trésors dont ils pressentaient la proche disparition. (suite).

LA RECHERCHE HYMNOLOGIQUE

En plein essor à l'étranger, particulièrement en Allemagne, l'hymnologie n'a pourtant pas encore acquis ses titres de noblesse en France. Dans l'esprit de la collection « Guides musicologiques », cet ouvrage se veut une initiation méthodologique. Il comprend une approche de l'hymnologie se rattachant à la musicologie historique et à la théologie pratique, et résume l'historique de la discipline. Pratique et documentaire, il offre aussi de précieuses indications : un large panorama des institutions et centres de recherche, un glossaire conséquent ou les mots clés. et les entrées sont accompagnés de leur traduction en plusieurs langues, et une bibliographie très complète (431 titres) tenant compte du tout dernier état de la question. Outil de travail indispensable, ce livre s'adresse aussi bien aux musicologues, aux théologiens, traducteurs et chercheurs, qu'aux organistes, maîtres de chapelle, chanteurs, et bien entendu, aux hymnologues.

JOHANN SEBASTIAN BACH - CHORALS

Ce guide s’adresse aux musicologues, hymnologues, organistes, chefs de chœur, discophiles, mélomanes ainsi qu’aux théologiens et aux prédicateurs, soucieux de retourner aux sources des textes poétiques et des mélodies de chorals, si largement exploités par Jean-Sébastien Bach, afin de les situer dans leurs divers contextes historique, psychologique, religieux, sociologique et surtout théologique. Il prend la suite de La Recherche hymnologique (Guides Musicologiques N°5), approche méthodologique de l’hymnologie se rattachant à la musicologie historique et à la théologie pratique dans une perspective pluridisciplinaire. Nul n’était mieux qualifié que James Lyon : sa vaste expérience lui a permis de réaliser cet ambitieux projet. Selon l’auteur : « Ce livre est un USUEL. Il n’a pas été conçu pour être lu d’un bout à l’autre, de façon systématique, mais pour être utilisé au gré des écoutes, des exécutions, des travaux exégétiques ou des cours d’histoire de la musique et d’hymnologie. » (suite)

LES 43 CHANTS DE MARTIN LUTHER

Cet ouvrage regroupe pour la première fois les 43 chorals de Martin Luther accompagnés de leurs paraphrases françaises strophiques, vérifiées. Ces textes, enfin en accord avec les intentions de Luther, sont chantables sur les mélodies traditionnelles bien connues. Aux hymnologues, musicologues, musiciens d'Eglise, chefs, chanteurs et organistes, ainsi qu'aux historiens de la musique, des mentalités, des sensibilités et des idées religieuses, il offrira, pour chaque choral ou cantique de Martin Luther, de solides commentaires et des renseignements précis sur les sources des textes et des mélodies : origine, poète, mélodiste, datation, ainsi que les emprunts, réemplois et créations au XVIè siècle... (suite)

LES AVATARS DU PIANO

Mozart aurait-il été heureux de disposer d'un Steinway de 2010 ? L'aurait-il préféré à ses pianofortes ? Et Chopin, entre un piano ro- mantique et un piano moderne, qu'aurait-il choisi ? Entre la puissance du piano d'aujourd'hui et les nuances perdues des pianos d'hier, où irait le cœur des uns et des autres ? Personne ne le saura jamais. Mais une chose est sûre : ni Mozart, ni les autres compositeurs du passé n'auraient composé leurs œuvres de la même façon si leur instrument avait été différent, s'il avait été celui d'aujourd'hui. Mais en quoi était-il si différent ? En quoi influence-t-il l'écriture du compositeur ? Le piano moderne standardisé, comporte-t-il les qualités de tous les pianos anciens ? Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Qui a raison, des tenants des uns et des tenants des autres ? Et est-ce que ces questions ont un sens ? Un voyage à travers les âges du piano, à travers ses qualités gagnées et perdues, à travers ses métamorphoses, voilà à quoi convie ce livre polémique conçu par un des fervents amoureux de cet instrument magique.

CHARLES DICKENS, LA MUSIQUE ET LA VIE ARTISTIQUE A LONDRES A L'EPOQUE VICTORIENNE

Au travers du récit que James Lyon nous fait de l’existence de Dickens, il apparaît bien vite que l’écrivain se doublait d’un précieux défenseur des arts et de la musique. Rares sont pourtant ses écrits musicographiques ; c’est au travers des références musicales qui entrent dans ses livres que l’on constate la grande culture musicale de l’écrivain. Il se profilera d’ailleurs de plus en plus comme le défenseur d’une musique authentiquement anglaise, forte de cette tradition évoquée plus haut. Et s’il ne fallait qu’un seul témoignage enthousiaste pour décrire la grandeur musicale de l’Angleterre, il suffit de lire le témoignage de Berlioz (suite)


MAURICE MARTENOT, LUTHIER DE L’ÉLECTRONIQUE

EN SOUSCRIPTION 44€ puis 59€ ensuite.
« Connaissez-vous beaucoup d'inventeurs d'instruments de musique ? Ceux dont l'histoire a retenu les noms se comptent sur les doigts d'une main. Jean- Christophe Denner a inventé la clarinette, Adolphe Sax le saxophone. Et puis ? On connaît des facteurs d'instruments, Stradivarius, par exemple. Mais il n'a pas inventé le violon. Alors qui ? Qui le piano ? Qui a inventé le tambour, la flûte, la harpe ? Autant demander qui étaient Adam et Ève ! »
En octobre 1980 mourait accidentellement, à Paris, Maurice Martenot, musicien, pédagogue, inventeur des ondes musicales. Trois mois plus tôt, l’auteur était allé l’interviewer à sa maison de campagne de Noirmoutier.
Ce livre relate l’histoire des ondes Martenot, instrument électronique de musique exceptionnel qui a séduit des personnalités aussi diverses que Mau- rice Ravel, Rabindranath Tagore ou Jacques Brel, et des compositeurs connus, tels Olivier Messiaen, Darius Milhaud, André Jolivet, Arthur Honegger, Edgar Varèse, Maurice Jarre, Akira Tamba – auxquels se sont ajoutés, depuis la première édition de ce livre, parmi bien d’autres, Jacques Hétu, Jonny Greenwood, ou encore Akira Nishimura. (suite)


Les analyses musicales de L'Education Musicale

retour au sommaire