HOMMAGE : UN IMMENSE CHEF S'EN VA L'ARTICLE DU MOIS : JEAN-JACQUES ROUSSEAU ET LA MUSIQUE - LE DEVIN DU VILLAGE L'ENSEIGNEMENT MUSICAL : ECRITURE ET SPONTANEITE DE L'ACCOMPAGNEMENT DES CHANSONS AU PIA LA VIE DE L’EDUCATION MUSICALE
À RESERVER SUR L'AGENDA
14/2
Le mystère Georges Bizet à la Salle Gaveau
Le pianiste Nicolas Stavy, lauréat du Prix Spécial au Concours Chopin en 2000,
qui s’impose par son jeu profond, alliant délicatesse, puissance et sensibilité,
sera en concert à la Salle Gaveau avec le comédien Eric-Emmanuel Schmitt dans
un spectacle dont celui-ci est l'auteur, Le mystère Georges Bizet. Après sa
collaboration réussie et remarquée avec le comédien Robin Renucci dans Le Pianiste en 2010, Nicolas Stavy renoue
ainsi avec le spectacle liant musique,
théâtre et chant d'opéra. Écrivain passionné, Eric-Emmanuel Schmitt prolonge la
vie par l'écriture et esquisse ce qu'aurait pu être l'œuvre de celui dont il
tient la disparition, à 36 ans, trois mois après la création de Carmen,
comme l'une des grandes catastrophes de l'histoire de la musique occidentale.
Dans cette biographie mise en scène par Steve Suissa,
il convoque pianiste, hautboïste et chanteurs (Karine Deshayes et Philippe Do) pour interpréter ses plus belles pages musicales : Nocturne
n°1, L’Aurore, Le Docteur Miracle, Variations Chromatiques, Les Adieux de l'hôtesse arabe, Le
Retour, La Jolie Fille de Perth, Djamileh,
et bien sûr Carmen.
Salle
Gaveau, le 14 février 2014, à 20H30.
Location
: 45-47, rue La Boétie, 75008 Paris ; par téléphone : 01 49 53 05 07 ; en ligne : www.sallegaveau.com
16 / 2
Schubertiade au Méjan
Autour du grand pianiste Alain Planès, l'association du Méjan,
qui fête ses 30 ans, organise une Schubertiade. Elle se déclinera en trois concerts le même
dimanche et présentera quelques unes des plus profondes pages du grand
musicien. Elle s'ouvrira, à 11 H, par la 19 ème Sonate pour piano D 958, suivie du Grand duo en la majeur pour violon et piano, avec la violoniste Tai Murray. Pour se poursuivre,
à 15 H, par la Sonate pour Arpeggione D 821, exécutée par le celliste Gary
Hoffman, suivie du Trio N° 2 pour piano, violon et violoncelle, D 929. Et
s'achever, à 17H30, par le Quartettsatz et le
grandiose Quintette à deux violoncelles en ut majeur, joués par le jeune et
talentueux Quatuor Girard. La quintessence de la musique de chambre de
Schubert, qui devrait combler ses auditeurs par la rigueur des interprétations.
Chapelle
du Méjan à Arles, le 16 février 2014 à 11H, 15H et
17H30.
Location: Association du Méjan, Place Nina-Berberova, BP 90038, 13633 Arles cedex ;
par tel : 04 90 49 56 78 ; en ligne : www.lemejan.com
21 / 2
Musica Aeterna et Teodor Currentzis à La cité
Le jeune chef grec Teodor Currentzis dont le perfectionnisme impose à ses
exécutions une densité rare, s'en vient à Paris l'instant d'un concert à la
Cité de la musique. Il dirigera l'ensemble Musica Aeterna dont il est le directeur musical. Au programme le Dixit Dominus de Haendel et Didon
et Énée de Purcell. Ce dernier sera interprété, entre autres, par la
soprano allemande Simone Kermes. L'occasion de
mesurer le charisme d'un chef d'exception et l'aura d'une chanteuse que sa
passion pour le bel canto ne détourne pas du répertoire baroque. Et bien sûr
d'écouter un mini opéra d'une portée considérable. Un concert à ne pas manquer.
Salle
de concerts, Cité de la musique, le 21 février 2014, à 20H.
Location : 221, Boulevard Jean-Jaurès,
75019 Paris ; par tel : 01 44 84 44 84 ; en ligne : www.citedelamusique.fr
28 / 2, 2 & 4 / 3
L'Orchestre National de Bordeaux Aquitaine joue La Turangalîla-Symphonie
Créée à Boston en décembre 1949, par
Leonard Bernstein, la Turangalîla-Symphonie d'Olivier Messiaen est un monument de la musique du XX ème siècle. On n'en compte pas les particularités : sa formation pour grand
orchestre de plus de cent musiciens, ses dix mouvements, l'évocation des chants
d'oiseaux, les combinaisons de timbres inouïes et la présence de deux claviers
solistes, le piano et les ondes Martenot. « Une œuvre débordant de
littérature, un torrent charriant cailloux et pépites » dira Jacques
Longchamp. L'exécution qu'en donneront Paul Daniel, à la tête de l'Orchestre
national de Bordeaux Aquitaine, Bertrand Chamayou et
Cynthia Millar devrait constituer un des moments
phares de la saison bordelaise. Un concerto de piano de Maurice Ravel ouvrira
chacun des deux concerts, sous les doigts de Chamayou (le concerto en sol, le 28/2, et celui « pour la main gauche », le
2/3). La symphonie sera donnée en tournée à la Halle aux Grains de Toulouse,
peu après.
Auditorium Henri Dutilleux, 9,Cours Gorges Clemenceau, 33000 Bordeaux, les 28 février
2014 à 19H et le 2 mars à 15H.
Location : Grand Théâtre, Place de la
Comédie, 33000 Bordeaux ; par tel : 05 56 00 85 95 ; en ligne :
www.opera-bordeaux.com
Halles
aux Grains, 1, Place Dupuy, 31000 Toulouse, le 4/3 à 20H.
Location : Théâtre du Capitole, Place du Capitle, & Halle aux Grains, 31000 Toulouse ; par tel :
05 61 63 13 13 ; en ligne : www.theatreducapitole.fr
14, 16, 18, 21, 25 / 3 & 11, 13 / 4
Le Roi Arthus à l'Opéra du Rhin
Unique opéra d'Ernest Chausson, Le Roi
Arthus est sans doute la clé de voûte de toute son œuvre. Puisant à la
légende bretonne du Roi Arthur, Chausson en a écrit lui-même le livret, d'une
haute qualité littéraire, et l'a pourvu d'une musique généreuse, richement
instrumentée. On a dit que Chausson, fasciné par la création à Bayreuth du Parsifal de Wagner, avait écrit une pièce proche de Tristan et Isolde. Mais la découverte du langage du maître allemand n'a pas
altéré sa propre inspiration. Au chapitre des influences, on les recherchera aussi
bien du côté de Berlioz. Et c'est finalement d'« une esthétique à la fois
moderne, française et intensément originale » qu'il faut parler, selon la
belle formule de Jean Gallois (Ernest Chausson, Fayard, 1994). Créé en 1903, à
La Monnaie de Bruxelles, quelques quatre ans après la mort de son auteur,
l'opéra a rarement été joué depuis. Aussi l'occasion est-elle bienvenue de le
découvrir dans la nouvelle production donnée à l'opéra du Rhin et confiée au
metteur en scène Kieth Warner. La direction d'orchestre
sera assurée par Jacques Lacombe.
Opéra du Rhin à Strasbourg, les 14, 18, 21,
25 mars 2014 à 20 H et le 16 mars à 15H ; à Mulhouse/La Filature, les 11 avril
à 20H, et 13 avril à 15H.
Location : Strasbourg/Opéra, 19, Place de
Broglie, BP 80320, 67008 Strasbourg
cedex ; par tel : 0825 84 14 84 ; en ligne : caisse@onr.fr.
Mulhouse/La
Filature, 20 Allée Nathan-Katz, 69090 Mulhouse cedex ; par tel : 03 89 36 28
29.
Le festival Présences de Radio France
L'édition 2014 du festival Présences
organisé par Radio France est titrée « Paris/Berlin ». L'opportunité
de mesurer la vivacité des deux capitales en matière de création musicale. Au
fil des concerts se croiseront créations et hommages. Ainsi, le 14 février, à
la Salle Pleyel, deux premières françaises de compositeurs actuels fort actifs
de part et d'autre du Rhin, Wolfgang Rihm, avec Nähe Fern, et Philippe Manoury et ses Zones de turbulences pour deux pianos
et orchestre. En complément, on jouera la Suite de Die Soldaten de Bernd Alois Zimmermann, esquisses pour
l'opéra éponyme. L'Orchestre Philharmonique de Radio France sera dirigé par
Peter Hirsch. Le 15 février, à la maison de Radio
France, l'Ensemble 2e2m et le Neue Vokal Solisten assureront la
création française de Après Tout de
Fabien Lévy (Berlin, 2013), une pièce destinée à commémorer le cinquantenaire
du Traité de l'Élysée, construite à
partir d'un échange de correspondance entre un jeune intellectuel allemand et
le philosophe français Vladimir Jankélévitch. Le 22 février, à la Maison de
Radio France, l'accordéoniste Pascal Contet,
considéré comme l'un des principaux acteurs du renouveau de l'instrument et
fortement engagé dans le répertoire contemporain et le jazz, interprétera, en
création, la nouvelle version pour ensemble de Karlkoop Konsert de Bernard Cavanna. Enfin,
le 25 février, à la Cité de la musique, un hommage sera rendu à Pierre Boulez,
chef d'orchestre et compositeur. On donnera en création française deux œuvres
créées sous la direction du chef français : Armonica de Jörg Widmann (Wien, 2007), pièce pour harmonica de
verre, et Change de Johannes Boris Borowski (Lucerne, 2008). Le visage nuptial de Boulez complètera le programme. Le Philar sera conduit par Pascal Rophé.
Comme de coutume, les meilleurs interprètes prêteront leur concours à ces
manifestations, dont la soprano Laura Aikin, le
baryton Georg Nigl, la contralto Hilary Summers, le duo de pianos Grauschumacher, et bien sûr les diverses formations de
Radio France.
Du
14 au 25 févier 2014, Salle Pleyel, Maison de Radio France, Cité de la musique.
Renseignements et location (tarif
unique/placement libre à 15 €) : Salle Pleyel, 252, rue du Fbg Saint-Honoré, 75008 Paris ; Maison de Radio France,
117, avenue du Président Kennedy, 75016 Paris ; Cité de la musique, 221, Avenue
Jean-Jaures, 75019 Paris.
Jean-Pierre Robert.
***
HOMMAGE
Un immense chef s'en va... Claudio
Abbado (1933-2014)
Le monde de la musique perd un de ses plus
éminents serviteurs. Claudio Abbado connut un parcours riche qui le mena au
plus près de la vérité musicale. Il fut, entre autres, directeur des plus
illustres maisons d'opéra, la Scala de Milan (1968-1986), l'Opéra de Vienne
(1986-1991), comme des phalanges prestigieuses, Le LSO ( 1979-1987),
le Philharmonique de Berlin (1989-2002), et en dernier lieu l'Orchestre du
Festival de Lucerne, depuis 2003. Personnalité hors du lot, Abbado restera un
homme discret, presque timide, fort d'une grande spiritualité, travailleur
acharné. « ''Grand chef'' ne veut rien dire pour moi, c'est le compositeur
qui est grand » soulignait-il. Une telle humilité devant la musique, qu'il
transfigurait, n'est pas un vain mot. Ses interprétations, dans les dernières
années, atteignaient une limpidité et une spontanéité exceptionnelles. Il sera
toujours viscéralement attaché à la propagation du geste musical à travers la
jeune génération. En témoignent les diverses formations dont il a été
l'initiateur, et la cheville ouvrière : depuis l'Orchestre des Jeunes de la
Communauté Européenne en 1978, ce seront le Gustav Mahler Jugendorchestra,
le Chamber Orchestra of Europe, le Mahler Chamber Orchestra et enfin l'Orchestra Mozart, en 2004. Son
héritage est immense, tant dans le domaine symphonique que sur le terrain de
l'opéra, car Abbado était la figure même du musicien complet.
On citera ici les mots émus du directeur du
festival de Lucerne, Michael Haefliger, une
institution à laquelle il était tant attaché :
« C’est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès de
Claudio Abbado. Pour le LUCERNE FESTIVAL, la
disparition de ce grand musicien marque la fin d’une longue et riche
collaboration artistique qui a été jalonnée de succès depuis ses débuts avec
l’Orchestre Suisse du Festival, à l’été 1966, et a atteint un sommet à l’été
2003, lorsqu’il a fondé le LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA. Cet « orchestre des amis », comme il l’avait lui-même baptisé, a élevé
aux nues notre manifestation – peu de festivals ont la chance de connaître un
tel destin : rapidement, la brillante phalange s’est hissée au premier
plan dans le paysage éclectique des orchestres symphoniques, marquée du sceau
artistique de son fondateur et de son esthétique ancrée au plus profond de la
culture. Loin de toute bureaucratie, Abbado a réussi dès le départ à réaliser
avec son orchestre une parfaite symbiose entre dévouement artistique et excellence
de l’interprétation, faisant de chaque concert un moment unique détaché des
contingences temporelles. Chaque fois, l’événement musical semblait devenir
éternel, grâce notamment à l’amitié profonde et naturelle qui régnait entre le
chef et les musiciens.
Abbado mettait au premier plan son talent
pour faire de la musique de chambre, sa passion de la « musique
ensemble ». Un orchestre n’est pas un grand échafaudage ou une masse
musicale, mais une réunion de formations de tailles variées qui se retrouvent
dans leur diversité sous la houlette d’un primus inter pares pour arpenter ensemble un chemin musical.
De cela, Abbado était intimement convaincu, lui qui avait commencé sa carrière
musicale dans l’univers de la musique de chambre.
Et si le credo musical d’Abbado trouvait
ses origines dans la musique de chambre, donc dans ce que la musique a de plus
intime, ce credo était profondément ancré dans son « école de
l’écoute ». Ce n’était pas un adepte des grandes phrases, un homme à faire
de longs discours en répétition. Son travail avec l’orchestre se caractérisait
au contraire par une écoute mutuelle dans le calme, et par la certitude que
l’on atteindrait en concert le sommet absolu de l’interprétation qu’il
façonnait. Nous n’avons pas oublié les grands moments de sérénité musicale que
nous avons vécus à Lucerne avec ses superbes interprétations des symphonies de
Mahler et de Bruckner. »
C’est avec un concert magnifique et
profondément émouvant que Claudio Abbado a mis un point final à sa carrière
artistique le 26 août 2013, à Lucerne, en dirigeant la Neuvième Symphonie de
Bruckner, une œuvre inachevée. On était si loin de penser, à cette soirée
inoubliable, que ce serait peut-être son dernier concert, tant il nous
paraissait comme transfiguré dans ce moment de sérénité ineffable.
Malheureusement, ce qui était alors impensable est devenu réalité.
'' Voyageurs, il n’y a pas de chemin,
mais il faut marcher.'' Cette phrase, découverte sur le mur d’un monastère de
Tolède par le compositeur Luigi Nono, qui fut des années durant le compagnon de
route d’Abbado, pourrait renvoyer symboliquement à la vie de celui-ci. Une vie
qui ne fut pas déterminée par des chemins tout tracés, mais s’est réalisée en
avançant et en faisant ouvertement l’expérience du nouveau. Voyager, explorer
sans chemins apparents, chercher sans cesse le nouveau et l’inconnu, c’est
précisément ce qu’a fait Abbado, et il l’a fait jusqu’au dernier instant de sa
vie fascinante et si bien remplie. »
|
A
|
B
|
C
|
D
|
E
|
F
|
G
|
la
|
si
|
do
|
ré
|
mi
|
fa
|
sol
|
Ainsi C désigne l’accord parfait de do majeur : do, mi, sol. La
présence d’une tierce majeure et d’une quinte juste est sous entendue. Si
l’accord doit contenir une tierce mineure, celle-ci est exprimée par
« m » ou « - ». Par exemple, Cm indique do, mib, sol. La quinte demeure bien sûr juste
dans ces exemples car nous sommes en présence d’accords parfaits. Dans le cas
d’autres types d’accords où elle n’est pas juste, celle-ci est identifiée et
caractérisée de la façon suivante :
-
quinte
diminuée, « b5 », « 5b », « -5 »,
« 5- », « 5 » « alt. » ;
-
quinte
augmentée, « #5 », « 5#, « +5 », « 5+ »
« + ».
Ainsi, do,
mi, sol# peut se chiffrer C5+ ; do,
mi, solb C5b.
L’accord de septième de dominante est
considéré comme un accord parfait majeur auquel est ajouté une septième mineure : do, mi, sol,
sib se voit donc chiffré C7. Nous voyons, à travers cet exemple, que la
septième est considérée naturellement mineure ; un simple 7 indique l’ajout d’une septième mineure. L’ajout d’une
septième majeure à un accord se voit symbolisé par un grand nombre de chiffrages :
« Maj7 », « M7 », « 7M »,
« ∆ ».
L’accord de septième diminuée est
généralement indiqué par « dim. » ou 0.
Ainsi, do, mib, solb, sibb(6) se voit chiffré Cdim. ou C0.
La neuvième, quant à elle, est considérée
comme naturellement majeure. Un simple 9 l’indique. De
part le caractère cumulatif des chiffrages, un accord indiqué C9 est un accord
de 9ème de dominante (do, mi,
sol, sib, ré) : un accord
parfait majeur auquel on ajoute une septième mineure et une neuvième majeure.
Les autres types de neuvièmes sont indiqués ainsi :
-
neuvième
mineure : « b9 », « 9b », « -9 », « 9-
», « 9 » ;
-
neuvième
augmentée : « #9 », « 9# », « +9 »,
« 9+ ».
Cette dernière catégorie d’accords ainsi que les accords de onzième et
de treizième(7) appartiennent
davantage au jazz. Par conséquent, leur présence sur des grilles de chansons
reste anecdotique. Cela ne signifie pas que les musiciens ne les utilisent pas.
Tout comme dans le jazz, la réalisation d’un accompagnement est laissée à
l’appréciation de l’interprète. Selon ses compétences, ses envies et les
attentes des autres musiciens, il emploiera ou non les superstructures des
accords.
4.
Réalisation
Une idée d’appropriation et de recréation accompagne souvent la reprise
d’un titre. Le support de base (grille d’accords ou partition) témoigne d’une
version mais n’est pas forcément suivi à la lettre. La structure harmonique
relevée ou mémorisée, selon les cas, sera donc restituée telle quelle ou fera
l’objet de modifications plus ou moins nombreuses. Même dans le cas d’une
chanson extrêmement simple du point de vue de l’harmonie (2 ou 3 accords sans
modulations ni emprunts), l’accompagnateur apporte des éléments personnels
s’apparentant à une forme d’improvisation. Improvisation limitée par le cadre
harmonique, certes, mais inhérente à une pratique où la notation stricte
n’existe pas.
L’examen des différentes notations d’accords de chansons révèle que les
renversements sont rarement indiqués(8).
Cela ne signifie pas que les accords sont tous joués à l’état fondamental.
Selon les interprètes, des renversements apparaîtront ou non. De plus, le
caractère répétitif des structures utilisées dans ce type de répertoire
(couplets/refrain, forme strophique le plus souvent) permet éventuellement de
renouveler la façon de jouer la grille.
Il faut cependant différencier renversement et réalisation. En effet, la
fondamentale d’un accord peut systématiquement apparaître à la basse (en
général jouée à la main gauche) mais la réalisation des accords (en principe à
la main droite) peut plus ou moins varier lorsque des occurrences musicales
réapparaissent dans un même morceau.
Même si la conduite des voix ne semble pas un élément majeur dans ce
répertoire, il est tout à fait possible de remarquer une grande cohérence
harmonique et esthétique chez certains accompagnateurs. De grandes similitudes
avec les exigences de l’harmonie classique apparaissent parfois. Ces
ressemblances avec l’art savant ont diverses origines :
-
un
musicien ayant le sens de l’harmonie et de l’esthétique va instinctivement
trouver les bonnes formules et évitera facilement les doublures inappropriées
(septième et note sensible par exemple) ;
-
la
bonne conduite des voix s’accommode souvent avec la facilité digitale. Les
positions d’accords « rapprochées » permettent un enchaînement facile
et évitent de nombreuses « fautes » d’harmonies ;
-
certains
pianistes de variétés ont une formation dite classique. Leur sens de l’harmonie
a été développé inconsciemment par la pratique du « grand répertoire »
et/ou consciemment par l’apprentissage des règles d’écriture.
Cette idée d’harmonie « bien conduite » touche un élément
essentiel : l’esthétique. Dans le cas de chansons de variété, le terme
« style » paraît beaucoup plus approprié pour désigner cette
cohérence devant accompagner une performance. Selon les directions musicales
entreprises, la « façon » d’accompagner varie. Une chanson s’appuyant
fortement sur un rythme de danse se voit assortie d’un accompagnement
extrêmement « carré » et précis. Dans ce cas, l’accompagnateur
portera toute son attention sur l’efficacité de son jeu ainsi qu’à la précision
rythmique. Il ne développera pas forcément l’aspect harmonique (superstructure
des accords) ou mélodique (contrechants) de son jeu.
Dans le cas d’une chanson
plus lyrique, le pianiste peut utiliser toutes les ressources mélodiques et timbriques de son instrument. Les accords peuvent, par
exemples, donner naissance à des arpèges ou des figures mélodiques plus
complexes. Ces dernières devenant des contrechants. L’harmonie peut également
être développée grâce à l’enrichissement des accords ou à l’ajout d’harmonies
secondaires.
Le texte mis en musique dirige la mise en œuvre de l’accompagnement. La
chanson est un genre où paroles et musiques sont étroitement liées. Le
caractère général d’un texte influencera l’accompagnement et dans certains cas
un mot pourra être mis en exergue par un phénomène musical (figuralisme). Cette
élaboration n’est pas forcément « écrite » ou pensée au préalable.
Elle résulte d’un ensemble d’essais ou de tentatives plus ou moins empiriques
de la part du musicien. La pratique finit par fixer un « arrangement
type » pouvant être écrit (partition ou enregistrement) et donc réutilisé
par d’autres musiciens.
Afin
d’utiliser les ressources orchestrales du piano, le musicien accompagnateur
s’inspire parfois des versions orchestrées des chansons qu’il joue. Comme dans
le cas des relevés d’accords évoqué plus haut, il utilise un support sonore
afin de mémoriser ou de prendre en dictée l’arrangement. Il réalise une
réduction piano, qui à son tour se modifie au fil du temps et des usages.
5.
Transposition à partir des degrés
Le pianiste accompagnateur est fréquemment confronté au problème de la transposition.
Il arrive parfois qu’un chanteur ne sache pas dans quelle tonalité il
interprètera une nouvelle chanson. Après quelques essais, la tonalité est, en
général, très rapidement déterminée et l’accompagnateur doit transposer
« à vue » le morceau. Selon la difficulté harmonique de la chanson,
ainsi que l’éloignement entre l’ancienne et la nouvelle tonalité, cette tâche
est plus ou moins complexe. Cette difficulté est liée au fait qu’une grille
d’accords, chiffrée avec le système anglo-saxon, n’indique pas les fonctions
tonales des harmonies. Elle indique la morphologie de chaque accord mais pas sa
position dans une tonalité donnée. Pour cette raison, il est intéressant
d’indiquer les degrés des accords, voire de réécrire la grille sous forme de degrés.
À titre d’exemple, voici la grille (en chiffrages anglo-saxons) d’une
célèbre chanson de Serge Gainsbourg, Les
Petits papiers :
B7
|
|
Em
|
|
B7
|
|
Em
|
|
Am
|
|
Em
|
|
B7
|
|
Em
|
|
Voici
maintenant la même succession d’accords sous forme de degrés :
V7
|
|
I
|
|
V7
|
|
I
|
|
IV
|
|
I
|
|
V7
|
|
I
|
|
Cette nouvelle grille, plus universelle, permet de jouer de façon
immédiate dans n’importe quelle tonalité (mineure bien sûr !). Elle
sous-entend une connaissance théorique du principe de la tonalité et de la
morphologie de chaque degré. C’est pour cette raison que les degrés I et IV ne
sont pas indiqués « mineur ». En effet, le mode mineure (gamme
harmonique dans notre exemple) implique forcément des tierces mineures pour les
accords construits sur ces deux degrés. Il en est de même pour le degré V.
L’accord de dominante, dans la musique tonale européenne, est constitué d’une
tierce majeure (la note sensible) et d’une quinte juste. Par contre, la
présence d’une septième n’est pas obligatoire. C’est pour cette raison que nous
avons ajouté un 7 après ce degré.
Dans l’hypothèse de la présence d’un accord « non conforme » à
la tonalité principale, il est tout à fait possible de qualifier le degré. Si
Serge Gainsbourg avait souhaité un accord mineure septième sur le cinquième degré, nous l’aurions chiffré par Vm7. Si la
dominante de la dominante avait été utilisée (F#7), elle aurait été indiquée
par II7. La présence du chiffre 7 indique que le degré devient une septième de
dominante. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’indiquer la tierce
majeure.
Ce type de chiffrage, bien utile pour transposer, est uniquement
utilisable avec une bonne connaissance de l’harmonie. Il s’appuie sur la
fonction tonale des degrés. Sans une parfaite assimilation du système tonal, il
est incompréhensible. Cette relative complexité explique son absence dans les
recueils de chansons usuels. Le succès des partitions chiffrées avec le système
anglo-saxon et autres tablatures pour guitare est dû en partie à la possibilité
de les réaliser par automatisme sans trop se poser de questions. Dès que
quelques accords de base sont assimilés, un pianiste débutant peut facilement
accompagner un grand nombre de chansons.
Nous
voyons, grâce à ce dernier exemple, que la pratique de l’accompagnement de
chansons requiert une certaine rigueur et une culture théorique assez avancée.
Une semi improvisation quasi permanente s’inscrit dans un ensemble de règles
inhérentes à la cohérence musicale. Finalement, rien n’est « magique »
dans cette spontanéité musicale…
Dominique Arbey.
(1) Succession d’accords, sur laquelle est construit un morceau, se
présentant sous forme de tableau ; chaque case correspond à une mesure.
Les mesures sont en général regroupées par 4 ou 8 et respectent la carrure du
morceau.
(2) L’enregistrement sonore étant une production définitive et figée,
nous l’opposons à la tradition orale qui permet aux œuvres d’évoluer et de
changer lors de nombreux « passages de main ». Laurent Cugny défend également cette idée de « régime
phonographique » à propos du jazz : « Ce régime se
caractériserait sommairement par le fait qu’il ne connaît pas la partition
comme support de l’œuvre et première phase de sa réalisation. Mais il est
différent d’une oralité “pure” en cela que l’enregistrement produit une trace
fixée et (en principe) invariable, exprimant l’intention des auteurs,
autorisant la répétabilité et par là le retour sur
l’œuvre, ouvrant la possibilité de sa conservation, de sa transmission et de
son analyse ». Laurent Cugny, Analyser le jazz, Paris, Outre Mesure,
2009, p. 69.
(3) Ceci peut arriver lorsqu’un musicien doit mettre en place un
répertoire de chansons anciennes et qu’il ne dispose que d’enregistrements d’
« époque ».
(4) Ibid., p. 175.
(5) Il existe cependant de nombreux recueils de chansons françaises
indiquant les accords par le nom latin des notes. Ainsi, do exprime l’accord parfait de do majeur.
(6) Si double bémol.
(7) Pour plus de précision concernant l’harmonie jazz, le lecteur
pourra consulter l’ouvrage de Laurent Cugny (op.cit) ainsi que BAUDOIN, Philippe, Jazz mode d’emploi volumes 1 et 2, Paris,
Outre Mesure, 1990, 138 + 167 p. et HAERLE, Dan, Accords jazz/rock pour le pianiste contemporain, Miami, Alain Pierson,
1974, 42 p.
(8) Il est possible de les préciser grâce au signe « / ».
Ainsi, mi, sol, do, le premier
renversement de l’accord de do majeur,
se chiffre C/E.
***
Au-delà de la musique sacrée française des XXe et XXIe siècles
L’ensemble Temperamens Variations
(photo Elisabeth Rothmund)
Courant décembre dernier, en l’Église
luthérienne des Billettes, autour du thème « Au-delà », Thibault Lam Quang a mis
la musique française moderne et contemporaine à l’honneur, et inscrit à ce
premier programme de la neuvième Saison du Chœur de chambre Les Temperamens Variations des œuvres de Francis Poulenc, Jehan
Alain et Ivan Bellocq. Comme il l’a précisé :
« Ce concert est dédié à la mémoire de Martine Praquin,
amie du chœur, et de mon maître Alain Boulfroy récemment décédés. Que notre musique les rejoigne dans ce mystérieux Au-Delà. » Cette prestation avait déjà été très
remarquée en novembre 2013 à Lubeck, Hambourg et Hanovre. Elle l'est maintenant
à Paris, grâce au précieux concours de l’organiste de l’Église Allemande de
Paris et musicologue, Helga Schauerte, spécialiste de
l’œuvre de Jehan Alain, qui domine parfaitement toutes les possibilités de l’Orgue Mühleisen (1983) de l’Église des Billettes, comme
elle l’a prouvé avec les Litanies (1937)
interprétées en fin connaisseur, avec une grande sensibilité, mettant l’accent
sur l’insistante invocation. Après Le
Jardin suspendu (1934), page remplie de charme et bénéficiant d’une
registration en douceur, elle a joué le Choral (1934). Enfin, sa Messe modale pour chœur de femmes, flûte et orgue (1938), si expressive et implorante, a été
marquée par une forte émotion (notamment dans l’Agnus Dei). Les Quatre Petites Prières de Saint-François
d’Assise (1948) de Francis Poulenc (1899-1963), si lumineuses, pour chœur
d’hommes a cappella, ont été suivies des Litanies
à la Vierge noire (1936) pour chœur de femmes qui ont notamment maîtrisé
les intonations délicates, soutenues à l’orgue.
Après la pause, Helga Schauerte a mis tout son talent au service de son musicien préféré, avec deux Préludes profanes (1933) et le Postlude pour l’office de Complies (1930). Plus proches de nous : Au-delà (2007) d’Ivan Bellocq (* 1958), pour chœur mixte a
cappella, est une œuvre de commande pour Les Temperamens Variations. L’œuvre s’apparente à un Requiem par les paroles traditionnelles, Requiem aeternam, Te decet hymnus,
mais avec interpolation d’éléments profanes, faisant appel à de nombreuses
techniques vocales : bouche fermée, vocalises, bruits, onomatopées, écholalies,
dissonances, danse, valse, parfois déroutant et aspirant quelque peu à
l’étrange… Selon le compositeur qui a assisté au concert, « la sixième
partie, Au-Delà II, plutôt que d’achever la synthèse
sacré-profane, esquissée par la cinquième, en tente un dépassement : un
chant libre naît, qui dit — sans paroles — le poignant de la destinée
humaine. » Le Chœur s’en est tiré avec brio et virtuosité. En revanche, le Requiem de Jehan Alain (partition
restée inachevée — sauf le Kyrie — et
reconstituée par Marie-Claire Alain à partir de brouillons) pour chœur mixte et
orgue (1938) est construit autour d’antiennes grégoriennes et comprend les
trois parties : Kyrie ; Sanctus/Benedictus/Osanna ; Agnus. Cette page sobre, dépouillée,
avec, pour le Sanctus, un traitement
homophonique comportant deux seules valeurs pour une meilleure compréhension
des paroles, a posé un point d’orgue calme et confiant sur Dona eis requiem sempiternam,
conclusion apaisante à cette évocation musicale des mystères de l’Au-delà.
Édith Weber.
Hamlet revisité à La Monnaie
Ambroise THOMAS : Hamlet.
Opéra en cinq actes. Livret de Michel Carré et Jules Barbier. Stéphane Degout, Vincent Le Texier, Jennifer Larmore, Lenneke Ruiten, Tell
Fechner, Rémy Mathieu, Henk Neven, Gijs Van der Linden, Jérôme Varnier.
Orchestre symphonique et Chœurs de la Monnaie, dir.
Marc Minkowski. Mise en scène : Olivier Py.
© Hermann
& Clärchen Baus
Ambroise Thomas pâtirait-il de la
comparaison avec Gounod ou Massenet ? Sa musique, souvent rabaissée au rang
d'agréable, est pourtant inventive et parée d'un lyrisme puissant, empruntant
souvent au chant orné à l'italienne. Comme pour un précédent ouvrage, Le
songe d'une nuit d'été, et pour ce qui sera un ballet, La Tempête,
Thomas a, s'agissant d'Hamlet, puisé à Shakespeare. Cette grande page
historique lui assurera, tout comme Mignon, la célébrité. Ses
librettistes ont bien sûr arrangé l'original, sans trop se préoccuper du
sous-bassement politique, voire philosophique de la pièce, et ont mis en avant
l'intrigue amoureuse entre Hamlet et Ophélie. C'est
d'ailleurs la tragique destinée de cette dernière qui a laissé à l'œuvre sa
plus fameuse empreinte, avec son grand air de la folie qui occupe la majeure
partie de l'acte IV. Mais il serait injuste de réduire sa portée à cette
séquence démonstrative, comme de s'attarder sur quelques scènes chorales un peu
convenues, selon la manière en vigueur à l'époque de la création de l'opéra
(1868). L'intérêt de l'œuvre repose sur le rôle titre que Thomas a façonné pour
un interprète bien particulier, le baryton-basse Jean-Baptiste Faure, au
demeurant créateur du rôle du marquis de Posa dans le Don Carlos de
Verdi, présenté à l'Opéra de Paris l'année précédente. Si l'on se concentre sur
le personnage titre, remarquablement conçu, la dramaturgie s'avère plus
consistante qu'il n'y paraît : une tragédie de la trahison, celle d'un fils
meurtri par le remariage de sa mère, et qui devra venger la mort d'un père,
conformément à l'intimation du Spectre du feu Roi. Dans sa mise en scène à La
Monnaie, Olivier Py dit avoir cherché à « reshakespeariser » l'opéra, autrement dit à lui
redonner sa vraie tension théâtrale. L'apparente frivolité des premières scènes
d'ensemble, festivités du remariage de la reine Gertude et autres airs à boire, est plutôt mise sur le compte d'une sorte de dérision,
qui ne fait que mieux ressortir la gravité des situations. L'ambivalence entre
gravité et dérision se réduit d'ailleurs à mesure que se resserre l'intrigue.
Car Py confère à ses personnages une vraie épaisseur
dramatique, autour de la figure centrale du héros solitaire et angoissé. En
particulier celui de la reine Gertrude est-il fortement buriné. Une atmosphère
oppressante est créée à travers la décoration, claustrophobe, qui visualise une
sorte de souterrain pavé de briques noires, enserrant l'action et les
caractères. Ses transformations successives ne sont pas sans rappeler ces plans
et escaliers mobiles qu'affectionnait Georges Wakhévitch.
L'aspect volontairement sombre est pourtant différencié par des éclairages
suggestifs qui créent des effets de
pénombre comme sculptant l'angoisse. La folie d'Hamlet est-elle réelle ou
simulée ? Py accentue le dilemme. Sa régie s'avère
spectrale, à l'aune de l'échange entre le jeune homme et sa mère, d'une densité
exceptionnelle. De même, procède-t-il par une mise en abîme lors de la pièce de
théâtre, dont chaque personnage est l'exacte réplique d'un des caractères de
l'intrigue. Ce dédoublement, d'une vérité troublante, génère une tension
extrême.
© Hermann
& Clärchen Baus
Marc Minkowski joue le jeu de la coulée
mélodique de la musique, mais aussi de sa veine mélancolique qui transparaît à
travers quelques motifs récurrents. N'éludant pas ce qui ressortit à la
convention, notamment dans les marches cérémonielles ou chœurs de circonstance,
sa direction mise sur l'originalité de l'orchestration et l'éventail des
coloris, cors, bois, sans oublier le saxophone, une nouveauté alors. Celle-ci
se mesure encore dans l'alliance de la flûte et de la harpe lors de la scène de
la folie d'Ophélie, une ballade suédoise écrite pour la créatrice, Christine
Nilsson. Et l'on savoure l'effet spatial qui s'empare alors de la musique. La
prestation exceptionnelle de Stéphane Degout dans le
rôle titre domine le spectacle. De ce rôle de baryton, l'un des plus complets
du répertoire français du XIX ème siècle, Degout rend toute la dimension torturée. Son timbre clair,
enrichi d'envolées presque ténorisantes, son sens inné de la déclamation, la
justesse de ton, l'inépuisable réserve de puissance distinguent une
interprétation de référence. Sa calvitie naturelle accentue encore l'étrangeté
du personnage solitaire. Jennifer Larmore incarne une
reine Gertude, elle aussi d'un fort impact
dramatique, partagée entre instinct maternel aigu et pression des événements
l'emportant vers la tragédie. Son timbre corsé, qui frôle le soprano
dramatique, fait merveille. Lenneke Ruiten est une Ophélie plus discrète qu'attendu, conforme
peut-être au caractère unidimensionnel du personnage, relevé par Minkowski ;
autrement dit sans l'aura électrique d'une Natalie Dessay dans la production toulousaine naguère vue au Châlelet.
Non que le chant ne soit pas immaculé et que ne soit restituée cette bizarrerie
du personnage au caractère lunaire et hors du temps. Cette apparente réserve a
le mérite d'éviter de concentrer sur le personnage l'attrait de l'œuvre, et
l'air de la folie, justement replacé dans son contexte, devient un épisode de la
tragédie d'Hamlet. Les rôles secondaires sont fort bien tenus, dont il faut
citer le Claudius torturé de Vincent Le Texier et le Spectre bien sonore de la
basse Jérôme Varnier.
Jean-Pierre Robert.
Un Orfeo de Monteverdi actualisé
Claudio MONTEVERDI : L'Orfeo. Fable en musique en
cinq actes et un prologue. Livret d'Alessandro Striggio.
Gyula Orendt, Emöke Baráth, Carol Garcia, Gianluca Buratto,
Elena Galitskaya, Damian Thantrey,
Reinoud Van Mechelen, Alexander Sprague, Nicholas Spanos, Daniel Grice. Chœurs de
l'Opéra national de Lorraine. Les Talens lyriques, dir. Christophe Rousset. Mise en scène : Claus Guth.
© Opéra
national de Lorraine
Fidèle à sa réputation d'éclectisme dans la
programmation, du répertoire baroque en particulier, l'Opéra de Nancy Lorraine
renouvelle le partenariat avec le Theater an der Wien (Le Messie de
Haendel, 2009) et la collaboration avec Christophe Rousset et ses Talens lyriques (Venus et Adonis de Desmarest, 2006). Cette fois, on a mis sur le métier L'Orfeo de Monteverdi. Un œuvre finalement pas si facile
à présenter eu égard à sa signification. Cette « fable en musique »,
à laquelle on fait plus ou moins remonter l'origine de l'opéra, inaugure un
genre, le parler en musique ou recitar cantando, qui enveloppe en un seul jet drame et mélodie,
par une déclamation monodique extrêmement mobile et une riche vocalité. Elle
illustre aussi un thème, l'amour conjugal, immortalisé par le chanteur Orphée.
Ce qui est traité par Monteverdi et son librettiste Striggio de manière singulière. La clé de lecture manichéenne fondée sur le clivage
morts/vivants, ombre/lumière, est en réalité transcendée : dès le départ, le
bonheur de l'union d'Orfeo et d'Euridice n'est-il pas moribond ? Ainsi suite à la perte par deux fois de l'aimée, et bien
qu'il soit élevé par son père Apollon sur les hauteurs de l'Olympe, pour y
jouir des « honneurs célestes », Orfeo n'en est-il pas moins confronté au néant de son existence ici bas. C'est la
dimension humaine du mythe qu'explore Claus Guth dans
une mise en scène réaliste où la trame est vécue à travers le regard d'Orphée
et l'attitude de celui-ci face à la certitude de la perte de l'être aimé et de
la mort. Au fil d'un parcours cyclique aussi : les réjouissances franches et
colorées des noces d'Orfeo, qui occupent la première
partie, vont revivre un court instant aux ultimes pages du V ème acte, en forme de réminiscence d'un bonheur sans tache.
La vivace danse moresca nous ramène ainsi au point de départ. Encore que
le héros, ivre d'un bonheur inaccessible, s'effondre au baisser de rideau, lui
qui, finalement, a sans doute toujours voulu confondre réalité et fiction. La
direction d'acteurs expressive, voire exacerbée, contraste avec la simplicité,
presque minimaliste, de la musique, et mêle réalité et fiction dans une manière
proche du langage cinématographique. Il en va notamment du personnage titre
dont les attitudes et les sentiments extrêmes participent d'un étonnant
naturel. Quelques traits originaux émaillent une régie extrêmement précise,
comme toujours avec Guth. Ainsi Charon, ivre,
barre-t-il le passage à Orfeo dans sa tentative de
fuite éperdue vers les Enfers ; en fait, le voyage d'un solitaire dans
l'irrationnel, estime le metteur en scène. Comme, plus tôt, lors des noces, est
accentué le contraste d'atmosphère à l'annonce par la Messagère de la mort
d'Eurydice : l'assistance, saisie de stupeur, se fige soudain et passe sans
transition du sourire aux larmes. Des projections démultiplient l'espace
scénique. Celui-ci, unique, visualise un intérieur bourgeois plutôt moderne,
bardé d'un escalier distribuant diverses pièces à l'étage ; dispositif
avantageusement utilisé durant les deux premiers actes, peut-être moins
pertinent ensuite.
© Opéra
national de Lorraine
Christophe Rousset offre de la riche
musique de Monteverdi une exécution de coloriste, en appui à une ligne de chant
très travaillée qui, fondée sur le récitatif monodique, n'en fait pas moins
appel à la manière madrigalesque, dans le traitement du chœur en particulier.
Son orchestre, quoique peu nombreux, différencie habilement la partie continuo
et la formation élargie chargée des sinfonie et ritournelles, très ornementées. L'ensemble sonne avantageusement dans
l'acoustique très présente de l'Opéra de Nancy. Les chœurs maison font belle figure,
n'étaient quelques menues imperfections dans les attaques. Ils sont renforcés
de figurants dans les deux premiers actes. L'Orfeo de
Gyula Orendt imprime sa marque à la représentation :
une caractérisation très physique dans le ressenti des sentiments, de joie puis
de douleur, largement souligné par Guth, celle d'un
jeune homme extériorisant ses émotions avec fébrilité, passant d'un extrême à
l'autre, n'hésitant pas à se projeter à terre, à ramper au sol, à monter ou
dévaler les escaliers de la demeure. Le chant est dense et expressif, ductile
malgré quelque relâchement dans les vocalises ; péché de jeunesse chez un
interprète qu'on sent se dépenser sans compter. Des autres membres de la
distribution on distinguera la Messagère/la Musique/l'Espérance de Carol
Garcia, beau métal de mezzo, qu'on a déjà pu apprécier dans divers rôles à
l'Opéra Bastille, Gianluca Buratto, sonore
Charon/Pluton, et dans l'un des bergers/esprits, Reinoud Van Mechelen, révélé
par le Jardin des voix de William Christie.
Jean-Pierre Robert.
Et ce fut la 1606 ème de Lakmé à l'Opéra Comique...
Léo DELIBES : Lakmé. Opéra en trois actes. Livet d'Edmond Gondinet et Philippe Gille. Sabine Devieilhe,
Frédéric Antoun, Élodie Méchain, Paul Gay,
Jean-Sébastien Bou, Marion Tassou, Roxanne Chalard, Hanna Schaer, Antoine
Normand, Laurent Deleuil, David Lefort,
Jean-Christophe Jacques. Accentus. Les Siècles, dir. François-Xavier Roth. Mise en scène : Lilo Baur.
©
Pierre Grosbois
Le chef d'œuvre dramatique de Léo Delibes, Lakmé,
est enfin de retour sur la scène de l'Opéra Comique, où il fut créé en 1883. Ce
qui était alors un opéra-comique devait être reformaté, l'année suivante, en
« opéra », pour en assurer une meilleure diffusion, les récitatifs
remplaçant les scènes parlées. C'est cette dernière version qui est donnée pour
cette nouvelle production. Ce qu'on a un peu vite rangé au catalogue des opéras
bourgeois fin de siècle, retrouve son lustre grâce à la scrupuleuse présente
interprétation. Il faut dissiper un malentendu : Lakmé vaut plus que son orientalisme de façade, dicté par une histoire de cœur entre
une fille de Brahmane et un officier anglais, idylle vouée à l'échec en ce
qu'elle met en présence deux cultures que tout oppose. Et autre chose que
l'expression d'une thématique rabâchée dans le répertoire lyrique français du
XIX ème. En fait, l'exotisme, selon Delibes, n'a pour
dessein que de dépayser l'auditeur et procède par invention et non par
imitation. En cela sa musique est ingénieuse et sans doute pas si facile qu'on
le croit. Certes, des pages comme l'intermède ouvrant le II ème acte ou les danses des bayadères ne relèvent pas d'une inspiration frappée au
coin du génie. Mais pour ces faiblesses passagères combien d'inventions bien
venues : les mélismes enchanteurs du duo des fleurs du Ier acte, dont le motif
revient discrètement au fil de l'action, des airs bien ficelés, comme ceux
attribués au personnage éponyme ou au ténor, le duo final, et plus généralement
la poésie raffinée qui nimbe le dernier acte. L'orchestre de Delibes a quelque
chose de fascinant, car celui-ci instrumente en utilisant une palette
sophistiquée, aux bois surtout, le hautbois, en particulier, mais aussi aux
percussions avec tout un arsenal d'instruments rares, tels que crotales ou
petites timbales, réminiscence de la musique orientale. Il utilise des rythmes
peu communs, d'une absolue liberté, des combinaisons harmoniques inédites où la
dramaturgie orchestrale se détache de la ligne de chant. Celui-ci offre un sens
mélodique abouti, tout en demi-teintes, par le recours à des tonalités
inusuelles. Tant d'originalité musicale se veut au service d'une intrigue dont
l'ambivalence entre réalisme, celui des personnages européens, qui plus est
croqués d'époque, et merveilleux, symbolisé par les personnages orientaux,
surprit à la création par sa modernité. Plus que réalité servile, cette romance
amoureuse qui finit tragiquement par le sacrifice de la jeune femme offrant sa
vie à celui qui ne sut pas choisir, ne se nourrit-elle pas de fantasme :
« Fantaisie aux divins mensonges...Va retourne au pays des songes »
dit Lakmé, qui aura ce dernier mot révélateur
« Tu m'as donné le plus doux rêve ». Fruit d'un travail minutieux de
retour aux sources, pour effacer des années d'approximation, pour ne pas dire
de déviation du texte par souci de facilité, l'exécution de François-Xavier
Roth nous fait percevoir les qualités intrinsèques de cette pièce. A travers
une recherche approfondie sur les timbres instrumentaux et de la plus exacte
restitution possible de ces consonances incertaines que favorise Delibes, si
évocatrices des horizons lointains. Ne sont pas non plus ménagés les contrastes
abrupts, dictés par ceux de la dramaturgie. La sonorité de son ensemble Les
Siècles, jouant des instruments du XIX ème, est
particulièrement raffinée et se pare de couleurs choisies dans le registre des
vents et attirantes pour ce qui est des percussions.
© Pierre
Grosbois
Si la qualité d'une représentation de
l'œuvre se mesure à l'aune de la prestation de l'interprète principale, l'Opéra
Comique a trouvé la perle rare. Car Sabine Devieihle assume haut la main le challenge d'un rôle typique de ce bel canto à la
française, auquel se réfère aussi Ambroise Thomas dans Hamlet, et qui a
à voir avec son modèle italien, Bellini en particulier. Elle relève le gant de
ses illustres devancières, Mado Robin, Mady Mesplé,
ou plus près de nous, Natalie Dessay, lors de la
dernière reprise, il y a près de vingt ans, en ce même lieu. Son interprétation
est rien moins qu'enthousiasmante : une facilité innée à la vocalise haut de
gamme, d'une fluidité et de nuances inouïes, une pureté de timbre qui a
pourtant quelque chose de charnel et ne verse jamais dans le convenu. L'air dit
« des clochettes », embrumé de mystère, est à mille lieux du pur
morceau de bravoure que ses aigus caracolant offrent à la faveur du public.
Ajoutez à cela un naturel, une clarté dans la diction qui ne sonne à aucun
moment convenue. Elle est entourée d'une distribution experte où triomphe la
jeunesse. Frédéric Antoun campe un Gérald tout sauf
fade, volontairement un peu gauche, mais sincère dans son soudain attachement
comme dans son indécision. Le ténor est d'une parfaite aisance dans
l'intonation, et la quinte aiguë aisée. Paul Gay, Nilakantha,
basse solide, quoique un brin contrite dans la partie haute du registre, est
convaincant dans le rôle ingrat du père possessif et du religieux vengeur. A
noter la performance de plusieurs membres de l'Académie maison dans les rôles
des anglais. La prestation du chœur Accentus, dont
l'acuité de l'intonation apporte aux nombreuses interventions chorales une aura
musicale, distingue aussi cette exécution. La mise en scène de l'actrice Lilo Baur est attentive à la compréhension des situations
et ne cherche pas à emmener le spectateur dans une redéfinition interprétative.
Quoique n'évitant pas quelques attitudes empruntées, en particulier au deuxième
acte, dont la couleur locale est à vrai dire un peu appuyée, elle rend à la
trame sa vérité première, l'opposition entre deux manières de vivre à l'époque
de la colonisation britannique de l'Inde.
Jean-Pierre Robert.
Rencontre au sommet : Matthias Goerne et
Leif Ove Andsnes
© John A. Lacko courtesy of the
Gilmore Keyboard Festival
Une tournée européenne, inaugurée au Wigmore Hall de Londres, devait conduire le baryton
Matthias Goerne et le pianiste Leif Ove Andsnes au Théâtre des Champs-Elysées. Pour un programme
sans concession autour du thème de la mort, rapprochant des Lieder de Mahler et
des Mélodies de Chostakovitch. Composée en 1974 par un musicien atteint par la
maladie et attristé par la perte d'amis chers, comme David Oistrach,
la Suite pour basse et piano sur des poèmes de Michel-Ange op. 145 est
une œuvre quasi autobiographique, pour ne pas dire testamentaire : prenant
prétexte de la célébration du cinq centième anniversaire de la disparition du
grand artiste italien, Chostakovitch, à l'instar de celui-ci devant la
situation politique à la Cour des Médicis, étale son amertume face aux avanies
infligées par le régime soviétique. Une autre source d'inspiration est à
rechercher dans les Seven sonnets of
Michelangelo de Benjamin Britten, de 1967. Constituée de onze mélodies,
l'œuvre est d'un effrayant pessimisme. Goerne et Andsnes ont choisi six d'entre elles, parmi les plus
sombres, dont les trois dernières, « Nuit », « Mort », et
« Immortalité », inversant d'ailleurs les deux ultimes. Dans ses
Lieder, Gustav Mahler fait parler l'âme, que ce soit dans le chant populaire du Wunderhorn ou dans les arcanes des mélodies plus
tardives sur des poèmes de Rückert. De manière inédite, mais combien
clairvoyante, le concert va croiser les
deux ensembles, au fil d'enchaînements parfois d'une étonnante évidence, malgré
la différence d'écriture et le passage d'une langue à l'autre. Le cheminement
poétique va connaître une progression d'intensité depuis la douce évocation de
« Ich atmet' einen linden Duft »,
jusqu'au tragique « Der Tambourg'sell », en
passant par d'autres extraits du recueil du Knaben Wunderhorn et des Kindertotenlieder,
et surtout le lied « Urlicht », d'une
bouleversante désespérance, que Mahler utilisera dans un des solos vocaux de sa
Deuxième symphonie. Partout affleure l'idée de mort : sous-jacente, même dans
les pièces traitant de l'enfance, ou directement dans les lieder guerriers,
comme « Wo die schönen Trompeten blasen » ou « Revelge ». Les pièces de Chostakovitch s'intercalent
avec à propos, car le ton n'en est pas si éloigné. Mieux, le pianisme haché, sur un thème naïf, de la mélodie « Immortalité »
apporte une touche surréaliste, qui ne messied pas face au climat introspectif
favorisé par le compositeur autrichien. Matthias Goerne nous immerge dans des instants d'émotion rares, avec ce mélange de réserve et
d'engagement qui le caractérise, prêtant aux musiques des reflets ténorisants
ou n'hésitant pas à bouster la voix dans le registre
grave. L'éventail de nuances est large, du ppp évanescent, caressé, au forte projeté avec vivacité, comme asséné. L'accompagnement pianistique est de la même
eau, car la manière de Andsnes est transparente,
poétique, ou rude et quasi orchestrale. Et l'on oublie vite la diaprure de l'instrumentarium mahlérien devant cette approche épurée,
perçant au plus intime. Alors que le programme s'achève par « Le petit
tambour », et son « Gute Nacht » lancé, comme suspendu dans l'infini, le bis,
« An die Hoffnung », de Beethoven, semble
apporter un sagace épilogue à ce voyage tragique : dans cette mélodie, « A
l'espérance », ne lit-on pas « L'Homme doit espérer, il ne doit pas
poser de question ».
Jean-Pierre Robert.
Le LSO et le maestro Gardiner en territoires romantiques
DR
Le schéma traditionnel
ouverture-concerto-symphonie a du bon dès lors que les trois morceaux ont un
lien, au moins implicite, entre eux. Pour leur concert de tournée, à la salle
Pleyel, le LSO et John Eliot Gardiner ont choisi d'encadrer le concerto de
piano de Schumann de deux pièces symphoniques de Mendelssohn. L'Ouverture op.
26, Les Hébrides, est évocatrice de ces îles proches de la côte ouest de
l'Écosse, qui fascinèrent le jeune musicien lors d'un voyage en 1829. Admirée
tant par Berlioz que par Wagner, elle offre une étonnante synthèse des
sensations ressenties devant les divers aspects d'un paysage marin, qu'on ne
retrouvera guère aussi aboutie que chez Debussy et La Mer. Ainsi de
l'ondoiement des cordes, qui berce les premières pages, évoquant le ressac des
vagues, ou plus avant, de l'effet spatial décrivant la voûte d'une grotte au
raz de l'eau, celle dite de Fingal, du nom du guerrier, père du barde Ossian.
La Symphonie op. 56, « Écossaise », longtemps remise sur le métier, finalement
créée en 1842 au Gewandhaus de Leipzig, sous la
direction de l'auteur, est tout aussi suggestive des paysages des Highlands,
quoique fruit plus de l'imagination que de la pure description. Le maître
Gardiner en souligne la souplesse des lignes : un premier mouvement, bâti en
trois parties, d'abord lent et expressif, un brin mélancolique, débouchant sur
une séquence agitée, évoquant quelque tempête, avant une conclusion apaisée.
Marqué « vivace non troppo », le scherzo
est boulé par le chef. Mais ce qu'on perd en légèreté, on le gagne en
étrangeté, à travers le babillage des bois merveilleux du LSO. De l'adagio,
Gardiner déploie la mélodie expansive, avant que le climat ne se transforme en
un ton plus lugubre, sorte de marche funèbre, sollicitant le registre sombre de
l'orchestre. Le finale, directement enchaîné, se meut énergiquement à travers
de multiples épisodes dansants et fougueux, laissant place soudain au répit que
procure la mélopée de la clarinette puis du basson. Une étonnante péroraison maestoso en forme
d'hymne mène la symphonie à son terme. A noter que le chef fait jouer le
quatuor à cordes debout (cellos exceptés), selon la
coutume de l'époque. La perspicacité en matière de disposition des pupitres ne
s'arrête pas là puisque les contrebasses sont placées à gauche et les timbales
à droite, laissant tout le fond d'orchestre, au centre, à la ligne des bois, si
essentielle dans l'instrumentation de Mendelssohn. L'orchestre londonien offre
une exécution enthousiasmante de raffinement. Donné en bis, le scherzo du Songe
d'une nuit d'été prolonge l'enchantement. Au centre du concert, le Concerto
de piano de Schumann apporte un savant contraste. Maria João Pires le joue avec
une délicatesse et une intériorité qui plonge l'auditeur dans le ravissement
esthétique. Point virtuose ni démonstrative, la manière se veut chambriste, le
discours profond, confident, au cœur du chant intime de l'affetuoso initial,
d'une extrême intensité dans l'intermezzo médian, distingué, entre autres, par
la cantilène des violoncelles, et d'un pianisme jubilatoire au finale vivace, dont l'impétuosité ne cède jamais à une
brillance de circonstance. Encore une fois, la pianiste portugaise nous aura
donné une leçon de musique. L'accompagnement attentif de Gardiner et la beauté
de l'orchestre ajoutent encore à cette interprétation souveraine, qu'un bis
fantasque et secret du même Schumann complète délicieusement.
Jean-Pierre Robert.
Vladimir Ashkenazy au Théâtre des
Champs-Elysées : par le petit bout de la lorgnette !
DR
Éminent
musicien, un des plus fameux pianistes du siècle, Vladimir Ashkenazy n’est cependant pas un grand maitre de la baguette, comme ce concert de rentrée
au Théâtre des Champs-Élysées l’a, hélas,
démontré ! Et pourtant…Une prestigieuse phalange londonienne, le Philharmonia Orchestra, un programme grand public, composé
d’œuvres célèbres toutes empruntées à Tchaïkovski, un violoniste parmi les plus
doués de sa génération, Vadim Repin, mais un résultat
décevant dont la faute incombe assurément à la direction confuse du maestro
russe. Une gestuelle pour le moins atypique, étriquée, difficilement
compréhensible par les musiciens expliquant quelques imprécisions dans les
attaques de l’orchestre. Une direction qui semble parfois se perdre, basée
uniquement sur l’empathie, faite de murmures, de clins d’œil et de sourires
entendus…mais des musiciens qui peinent à trouver leurs marques dans ces œuvres
pourtant maintes fois jouées, voire rabâchées, donc difficiles, car ne
souffrant pas l’approximation. Mais surtout, ce qui est très étonnant, une
absence de vision d’ensemble, une interprétation décousue, comme vue par le
petit bout de la lorgnette ! L’Ouverture-fantaisie Roméo et
Juliette (1880), en lever de rideau, offrit des contrastes paraissant un
peu outranciers, passant du romantisme débordant et sirupeux des cordes, à la
violence la plus crue des cuivres et percussions, sans véritable continuité
dans le discours. La Symphonie n° 4 (1878), en seconde partie, pâtira des mêmes critiques, souffrant de la même
absence de vision d’ensemble. Apparaissant plutôt comme un patchwork des
différents plans musicaux, accolés, sans lien entre eux, elle ne parviendra
jamais à nous intéresser vraiment, du fait d'un manque de tension et de liant
dans cette œuvre qui constitue pourtant le premier volet de la trilogie du
destin, si chère au compositeur russe. Une impression de malaise qui ne se
démentira pas lors de l’exécution du Concerto
pour violon et orchestre (1881) du même Tchaïkovski, mené de façon très
académique par Vadim Repin, engagé, virtuose, sans
faute aucune, mais dépourvu de ce grain de génie susceptible de nous
transporter…Le violoniste regagnera rapidement les coulisses, après un cours
salut, sans offrir au public, venu nombreux, le moindre
« bis » ! Une soirée qui ne restera pas dans les mémoires, mais
un coup de chapeau à ce très bel orchestre !
Patrice Imbaud.
Magic Zinman à la tête de l'Orchestre National
de France !
David Zinman et Martin Fröst / DR
David Zinman est
à l’évidence un grand chef par sa capacité à transcender l’orchestre. Son long
mandat à la tête de la Tonhalle de Zürich et ses
nombreux enregistrements de référence (Beethoven, Schumann, Mahler) en
témoignent. Sa dernière prestation à la tête de l'Orchestre National qu’il est
invité à diriger régulièrement, le confirme. Un programme original et pertinent
comme un voyage entre l’Europe centrale et le Nouveau Monde, en compagnie du
jeune et talentueux clarinettiste suédois, Martin Fröst.
Une première étape hongroise avec les Images
hongroises pour orchestre de Béla
Bartók (1881-1945).
Inlassable collectionneur de thèmes populaires et folkloriques ancestraux, Bartók orchestra ces courtes pièces en 1931, à
partir de cinq pièces pour piano, composées elles-mêmes quelques années plus
tôt, entre 1908 et 1911. D’inspiration populaire, ces Images pleines de poésie laissent une large place aux bois et
notamment à la clarinette ; ici celle de Bruno Bonansea, qui fait une entrée remarquée dans
les rangs du National. Deuxième étape, polonaise cette fois, avec les Préludes de danse pour clarinette solo,
harpe, piano, percussions et orchestre à cordes de Witold Lutoslawski (1913-1994). Orchestration d’une version pour clarinette et piano
datant de 1954, ces Préludes marquent
pour le compositeur polonais les adieux au folklore. Partition hybride
associant le chant simple de la clarinette à l’écriture quasi atonale pour
l’orchestre, cette œuvre surprenante située entre tradition et modernité, fut
l’occasion d’une époustouflante interprétation de Martin Fröst.
Certes un peu maniérée dans l’attitude (encore que l’œuvre s’y prête, car ne
s’agit il pas de danse ?) mais d’une remarquable justesse dans l’émission,
d’une belle rondeur dans la sonorité, en parfaite adéquation avec l’orchestre,
mené avec sobriété et brio par le chef américain. Troisième étape,
transatlantique, avec le Concerto pour
clarinette et orchestre à cordes, avec harpe et piano d’Aaron Copland
(1900-1990). Une œuvre magnifique, trop méconnue, composée en 1948, dédiée à
Benny Goodman. Monument incontournable du répertoire de la clarinette,
s’exécutant d’un seul tenant, elle mêle avec le plus grand bonheur accents
jazzy et classiques, fournissant au soliste la possibilité de faire entendre la
clarinette dans tous ses états : chant élégiaque introductif, cadence virtuose
et syncopes jazziques du final. Martin Fröst fut une
fois de plus à la fête avec cette œuvre abordant les registres les plus
extrêmes de l’instrument, nécessitant inspiration et toucher. Après la pause,
en guise de dernière étape, illustration des grands espaces, marquée de
l’empreinte tchèque et des musiques des « peaux rouges ou noires »
d’Amérique, ce fut la célèbre Symphonie n° 9 de Dvořák (1841-1904) dite du « Nouveau monde » que le chef américain mena
comme une ballade entre l’ancien et le nouveau monde, avec retenue, sans
précipitation ni excès, faisant ressortir toutes les couleurs et nuances de ce
long voyage, chargé d’émotion. Le National, au mieux de sa forme, fit valoir
toute la magnificence de ses vents en même temps que la douceur et le fondu de
ses cordes, sous la direction claire et avisée de David Zinman.
Une bien belle soirée !
Patrice Imbaud.
Fantasmagories
russes salle Pleyel
DR
Il fallait à l’évidence toute la science et
le talent de Jukka-Pekka Saraste pour mener à bien un magnifique programme établi à
partir des rêves et fantasmagories russes, comme un voyage onirique nous menant,
après un brumeux voyage en barque vers l’Ile
des morts jusqu’au bucher
cataclysmique et démoniaque de L’Ange
de feu… Au fil d'œuvres difficiles, rarement données, d’une ténébreuse et
inquiétante beauté, nécessitant engagement, précision et lisibilité de la part
du chef, complicité, compliance et réactivité de la
part de l’orchestre. Rarement L'Ile des
morts de Serge Rachmaninov (1873-1943) ne fut interprétée de façon aussi
expressive, rendant la mort palpable et l’angoisse prégnante dans le lourd et lugubre
balancement, sans cesse répété, de la barque se dirigeant dans le brouillard
vers l’ile funeste, au rythme lancinant des rames, mouvement obstiné des cordes
sur lequel émergent les cris stridents des bois, unique trait de lumière, avant
de disparaitre de nouveau dans les exhalaisons obscures…Une œuvre admirable,
composée en 1909 et inspirée par le tableau éponyme du peintre suisse Arnold
Böcklin, représentant une embarcation transportant un défunt, figure
fantomatique debout devant son propre cercueil…Puis vint le Concerto n° 1 pour violoncelle et orchestre de
Chostakovitch (1906-1975) interprété par Natalia Gutman,
immense violoncelliste, élève de Slava Rostropovitch, aujourd’hui âgée de 72
ans, qui en donna une vision émouvante quelque peu entamée par la patine des
ans. Pour conclure, la Symphonie n° 3 de Serge Prokofiev (1891-1953), dite « l’Ange
de feu », composée en 1928, dédiée à Miaskovski,
où se dessinent en filigrane les différents épisodes de l’opéra L'Ange de feu (atmosphère envoûtante,
obsessions, passion, séduction, climat fantastique et hystérique…) et
apparaissent les multiples influences nées, à la fois de la période d’utopie
révolutionnaire (machinisme, futurisme) et du séjour du compositeur en occident
(expressionnisme et symbolisme). Une œuvre complexe, déroutante, angoissante,
conclue par un déchaînement orchestral ponctué de sons de cloches, parfaitement
servie par la direction pertinente, infaillible et subtile du chef finlandais,
en osmose parfaite avec le « Philhar », qui
fit preuve, une fois encore, d’une remarquable cohésion. Une rencontre qui tint
toutes ses promesses !
Patrice Imbaud.
Gatti appliqué et l'Orchestre National de France
DR
Le public était venu nombreux au Théâtre
des Champs-Elysées pour ce concert du « National » conduit par son
directeur musical Daniele Gatti. Une affluence
expliquée, bien sûr, par la qualité musicale, mais aussi par la motivation de
l’orchestre et de son chef, qui n’a cessé de s’affirmer de façon croissante
depuis ce début de saison. Cette nouvelle prestation, dans un programme
purement symphonique associant Wagner, Strauss et Bruckner, ne fit que
confirmer cette impression favorable. Le Prélude de l’acte III des Maïtres chanteurs de Nuremberg (1868) fut mené
avec solennité, dans des tempi dont la lenteur renforçait avec justesse toute
la majesté méditative de l’œuvre. Immédiatement suivi par Mort et Transfiguration, poème symphonique de Richard Strauss,
composé en 1888, qui fut conduit avec une remarquable maestria, véritablement
habité d’émotion, d’angoisse et de ferveur, parcouru de bout en bout d’une
tension intense et permanente donnant sens aux notes comme aux silences, dans
un titanesque et passionné combat entre bois et cordes, avant que n’apparaisse
la délivrance, dans un grand mouvement ascensionnel annoncé par les cuivres,
conduisant sur les arpèges des harpes, à la lumière d’une éternité enfin
apaisée. Après la pause, la Symphonie n°
4, dite Romantique (1880), d’Anton Bruckner constituait le moment crucial,
tant attendu de la soirée. Œuvre majeure, considérée comme la plus claire et la
moins tourmentée, parmi les plus connues aussi du compositeur viennois. Le chef
italien en proposa une interprétation d’une belle facture, parfaitement mise en
place et exécutée, faisant valoir tous les pupitres, notamment cuivres et
cordes, sans que l’on ne ressente, toutefois, cette note de génie qui fait le
propre des grandes interprétations de référence, comme celle notamment de
Jochum avec la Staatskapelle de Dresde. Un manque de
tension probablement dû à la difficulté pour Gatti, dans des tempi assez lents,
à concilier vision analytique et vision d’ensemble, d’où cette impression,
parfois gênante, de discontinuité dans le discours.
Patrice Imbaud.
Jeunesse et originalité : Fabien Gabel et
l'Orchestre Philharmonique de Radio France.
DR
Jeunesse et originalité, tels sont les
qualificatifs qu'inspire ce concert du « Philhar »,
salle Pleyel : Fabien Gabel, figure montante de
la direction d’orchestre, actuellement directeur musical de l’Orchestre
Symphonique de Québec, faisait ses débuts avec l’Orchestre Philharmonique de
Radio France, dans un programme comportant des œuvres de jeunesse, peu connues,
de Richard Strauss, Ernest Bloch et Erich Wolfgang Korngold.
Beau programme et belle interprétation pour ce concert, hélas, un peu boudé par
le public ! Qu’importe, les absents ont eu tort, une fois de plus !
Pour commencer, Scène d’amour de Feuersnot,
courte pièce orchestrale, extraite de la scène finale de l’opéra Feuersnot (1901)
dont Strauss supprima les parties vocales. Le compositeur dirigea cette œuvre à
Paris en 1903 dans un concert auquel assistait Claude Debussy, comme critique
musical. Ce qui fera dire au musicien français : « Il y a du soleil
dans cette musique… » Du soleil, certes, de la lumière, de l’énergie,
voilà ce qui fait effectivement tout le charme de cette œuvre étincelante que
Fabien Gabel dirigea d’une main infaillible,
recueillant d’emblée la totale adhésion de l’orchestre. Puis vint Schelomo d’Ernest Bloch. Rhapsodie hébraïque
pour violoncelle solo et grand orchestre, composée en 1916, dédiée au
violoncelliste Alexandre Barjanski, Schelomo est l’œuvre la plus connue de Bloch,
s’inspirant du roi Salomon tel qu’il est évoqué dans l’Ecclésiaste. Peu jouée, cette pièce constitue pourtant un élément
important du répertoire pour violoncelle. Après un dialogue orientalisant avec
l’orchestre, le violoncelle prête dans le finale sa voix grave à une méditation
philosophique sur la vanité des choses… et sur la sagesse qui découle de leur
abandon. Xavier Philips en donna une interprétation des plus convaincantes,
toute en nuances et intériorité, magnifiquement servi par la somptueuse
sonorité de son Matteo Gofriller de 1710. Après la
pause, ce fut la Sinfonietta (1911) de Korngold. Une œuvre d’une étonnante
maturité, composée à l’âge de 14 ans par ce musicien prodige dont la carrière
fut partiellement éclipsée par la barbarie nazie. Condamné à l’exil en
Amérique, comme bien d’autres « voix étouffées », il consacrera
l’essentiel de son activité ultérieure à la composition de musiques de films
hollywoodiens, pour lesquels il sera reconnu comme un maître. Très viennoise,
d’une orchestration opulente, la Sinfonietta fait se succéder de grandes vagues orchestrales
tout au long de ses quatre mouvements où pointe l’influence de maîtres comme
Bruckner, Mahler ou Zemlinsky. Occasion rêvée pour le « Philhar » de faire montre de toute la rutilance de ses
pupitres, conduits par les bras immenses et la gestuelle élégante de Fabien Gabel qui parvint à convaincre le temps d’une soirée,
public et musiciens. Bravo !
Patrice Imbaud.
Week-end
symphonique au sommet au Théâtre des Champs-Elysées.
Le Théâtre des Champs-Elysées accueillait
le temps d’un week end musical, et de façon assez
exceptionnelle, deux des plus prestigieux orchestres européens, l'Orchestre
Symphonique de la Radio Bavaroise et l'Orchestre Philharmonique de Vienne,
conduits par deux des plus fameux chefs actuellement en activité, Mariss Jansons et Riccardo Chailly, associés pour l’occasion à deux maitres
incontestés du violon, Gil Shaham et Christian Tetzlaff. Dans un programme Berg et Tchaïkovski pour le
premier concert, Sibelius et Bruckner pour le second. Deux mondes différents,
certes, mais un même talent. Mariss Jansons, letton d’origine, actuellement à la tête de
l’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise et du Royal Concertgebouw d’Amsterdam, est râblé, peu mobile, penché en avant, la tête rentrée dans les
épaules, donnant à ses bras immenses le maximum d'expressivité pour malaxer la
musique et la faire sienne. Riccardo Chailly est
italien, dirige le légendaire orchestre du Gewandhaus de Leipzig et prochainement celui de la Scala de Milan. Plus jeune, plus
mobile, le visage volontiers grimaçant, dansant de tout son corps. Sa
direction, plus extravertie, donne à ses interprétations une lumineuse clarté.
L’Excellence selon Mariss Jansons !
DR
Un concert qui fera date, assurément !
Rarement le Concerto pour violon « A
la mémoire d’un ange » d’Alban Berg ne fut interprété de façon aussi
émouvante et subtile. Gil Shaham nous gratifia d’une
interprétation d’anthologie, pleine de poésie et d’humilité, sans vaine
virtuosité, dans une lecture délicate presque post romantique, pleine de
lyrisme, loin de toute agressivité dodécaphonique, laissant le chant de son
violon magique, tantôt se perdre, tantôt émerger de la masse orchestrale, dans
un dialogue merveilleux et symbiotique qui devint par instant de la musique de
chambre. Ce concerto, comme une vallée de larmes, composé en 1935 à la mémoire
de Manon Gropius, fille d’Alma Mahler, morte à dix huit ans, sera à la fois le
requiem pour Manon et celui du compositeur qui décèdera quelques mois plus
tard. Dans la même veine inspiratrice, mais tonale cette fois, la Symphonie n° 6 de Tchaïkovski, dite « Pathétique » fut composée en 1893, quelques mois
avant la mort du compositeur, constituant le troisième et dernier volet de la
trilogie du fatum. Une sorte de chant du cygne, interprétée avec une élégance,
une retenue, une dignité, une lisibilité et une tension hors du commun par le
chef letton. Cette œuvre inspirée par une altérité prémonitoire de la mort
prochaine comprend quatre mouvements : le premier, d’emblée lugubre dès
les premières notes du basson, un second faussement insouciant sur un rythme de
danse, un troisième comme un sursaut acharné de vitalité, chargé d’un sentiment
d’urgence, avant que ne s’installe une incommensurable désolation au finale. Un
long silence de la salle se poursuivra longtemps après la dernière note…Mariss Jansons restant immobile,
bras tendu, la baguette en main. Une communion entre orchestre, chef et public
qui marque les interprétations d’exception… En « bis », comme un clin
d’œil au concert des Viennois qui joueront le lendemain Sibelius, la Valse triste, sur un tempo d’une
incroyable lenteur, à vous tirer les larmes ! Du grand art ! Une
soirée inoubliable ! Un orchestre fabuleux !
Incandescents : Les Viennois et Riccardo Chailly !
DR
Que dire devant tant de bonheur et de
beauté. Riccardo Chailly enflamma le Philharmonique
de Vienne le temps d’une soirée. Orchestre et chef, à l’évidence, réunis dans
un même et communicatif plaisir de jouer. Finlandia (1899), poème
symphonique de Jean Sibelius, ouvrait le concert sur un rythme guerrier
effrayant. Hymne célébrant l’indépendance de la Finlande, chargé de solennité
et de révolte, plein de relief et de nuances. Formidable marche martiale,
scandée par les appels des cuivres, le martèlement des timbales et l’ostinato
des cordes. Vint ensuite le Concerto pour
violon du même Sibelius, dont le violoniste allemand Christian Tetzlaff donna, hélas, une triste interprétation par son
toucher d’une incroyable dureté, âpre, sec et grinçant, confisquant du même
coup toute poésie, tout élan lyrique à ce concerto pourtant éminemment
romantique. Une interprétation qu’on s’efforcera de rapidement oublier. Après
l’entracte, ce fut la très belle et pourtant peu jouée, Symphonie n° 6 (1881) d’Anton Bruckner. Une œuvre en quatre
mouvements, tour à tour, majestueux, pathétique, fantastique et rythmé, avant
de se conclure sur un finale tout imprégné d’un saisissant sentiment d’urgence.
Du Bruckner comme on l’aime, tendu mais sans lourdeur, habité, véhément, sans
boursouflure excessive, romantique ou spirituelle. Riccardo Chailly trouva dès la première note la juste mesure, nous passionnant de bout en bout
par l’éclat incomparable des timbres, la virtuosité et l’expressivité du
discours orchestral et de sa direction, la plénitude et le moelleux des cordes
graves, l’irisation et le velouté des cordes aiguës, la rutilance des vents, la
justesse et l’à propos des cuivres, la fureur des timbales, rencontrant la
cohésion, la spontanéité, l’enthousiasme, la ferveur et la réactivité
foudroyante de cette prestigieuse phalange. Parfait, tout simplement !
Patrice Imbaud.
***
FORMATION MUSICALE
Beth WHEELER : Music Quilt Squares. A patchwork of
music activities aud games for classroom and studio fun ! 1 vol. 1 CD de données.Alfred :
41970.
Bien que ces jeux soient
difficilement utilisables tels quels à moins d’avoir une classe anglophone, on
nous permettra d’en signaler tout l’intérêt. Il n’est pas impossible, pour la
plupart d’entre eux, d’en faire une version française en utilisant le CD
d’origine : s’il s’agit bien d’un CD de données, il permet d’imprimer
facilement des grilles musicales qui sont dans un langage, fort heureusement,
universel !
Lynn KLEINER : My tripto the
Mountains. 1
vol. 1 CD. Alfred : 40840.
Traduisons la présentation
de ce volume qui en décrit excellemment le contenu : « Une délicieuse
combinaison de musique, d’humour, d’enseignements et d’amusement pour les
professeurs de musique, les instituteurs, les animateurs auprès des enfants… et
les enfants eux-mêmes ! » Tout s’y trouve : les chansons, la
découverte des instruments, la fabrication d’instruments, les renseignements
sur les mélodies, les montagnes et leurs habitants… bref un condensé de culture
américaine bien séduisant. Là encore, il faudra adapter, mais l’ensemble est
tellement riche !
Arnould
MASSART : Pratiquer l’harmonie Jazz. Exercices créatifs d’harmonie jazz assortis des réalisations sonores de
l’auteur. 1 vol. 1 CD-ROM. Billaudot : G9181B.
Ce copieux volume
entièrement bilingue (français – anglais) est une véritable somme d’harmonie
jazz, qui peut être utilisé aussi bien par des amateurs avertis désirant se
perfectionner que par des professeurs. Essentiellement pratique, cet ouvrage
part des bases les plus simples pour parvenir aux enchainements les plus
complexes, toujours de façon pratique grâce au CD-ROM qui contient pas moins de
232 fichiers mp3 permettant d’entendre tous les thèmes du volume ainsi que
toutes les harmonisations de l’auteur. C’est vraiment un ouvrage tout à fait
remarquable.
CHANT
Michel
VERSCHAEVE : Airs d’opéras baroques pour
ténor ou haute-contre à la française. Lemoine : 29089 HL.
Mêlant volontairement
répertoire connu et pièces moins connues mais à découvrir, ce florilège fera le
bonheur des chanteurs. A côté de Lully, Rameau ou Charpentier, on y trouve des
airs de Boismortier, Mondonville, Collasse… qui soutiennent la comparaison avec
leurs célèbres contemporains. En raison du diapason ancien, les pièces ont été
souvent transposées mais la tonalité d’origine est toujours indiquée. A chacun
de voir ce qui est préférable.
Wolfgang Amadé MOZART : Konzertarien pour mezzo-soprano et contralto. Bärenreiter :
BA9183. Konzertarien pour soprano : BA3182. Konzertarien pour soprano léger. BA9181. Version
chant et piano. Tous ces airs sont également disponibles dans leur intrumentation originale.
Ces trois premiers volumes
contiennent tous les airs pour soprano et orchestre classés par tessiture et
placés chronologiquement à l’intérieur de chaque volume. Chacun des volumes
contient une brochure donnant toutes les indications concernant l’interprétation
de ces airs ainsi que tout ce qui concerne l’ornementation et les cadences. Il
s’agit donc d’une véritable édition de travail. Les volumes pour ténor et basse
seront disponibles en 2014.Il faut donc saluer ici le remarquable travail
effectué par Thomas Seedorf.
Anton DVOŘÁK : Zypressen für Tenor und Klavier. Edité par Andreas Frese. B 11. Bärenreiter : BA9569.
C’est un évènement que
cette première édition « urtext » du cycle
de mélodies de Dvorak intitulé « Cyprès ». Ecrit en 1865, on en connait
surtout son arrangement pour quatuor à cordes. Rarement enregistré, jamais
édité, ce cycle demeuré jusqu’à ce jour sous forme de manuscrit mériterait
pourtant d’être plus connu. Espérons que ce sera chose faite grâce à cette
remarquable édition, établie et abondamment préfacée par Andreas Frese.
CHANT CHORAL
Sally K. ALBRECHT : Broadway Partners ! 10 terrific
partner songs for young singers arranged with new words and music. 1 vol. 1 CD.
Il est souvent difficile
de trouver du répertoire pour une chorale de jeunes : voici dix pièces
pour deux voix égales qui devraient plaire. Nous sommes dans une ambiance de
comédie musicale. Chaque pièce est vraiment entrainante et pleine de dynamisme
et de joie. Le CD contient à la fois les enregistrements des pièces avec la
première voix, puis la deuxième, enfin les deux voix ensemble et le playback de
chaque morceau. Mais il contient également, sous forme de fichier PDF les
parties des élèves, qui se trouvent aussi dans le volume. Bref, il est
difficile d’avoir un matériel pédagogique plus complet !
ORGUE
Thierry
PALLESCO : Fantaisie pour orgue. Delatour : DLT2186.
Ecrite pour grand orgue,
cette pièce met à contribution grands crescendos, tutti flamboyants mais
également un fort beau et poétique récit de cornet. Flamboyante mais également
méditative, l’oeuvre exploite toutes les couleurs de
l’instrument. Le site de l’éditeur nous permet d’entendre intégralement cette
pièce.
Thierry
PALLESCO : 2 préludes pour
orgue. Delatour : DLT2195.
Cette fois, même un petit
instrument suffira pour ces deux préludes à condition de posséder deux
claviers, un cromorne et si possible un joli salicional. On ne peut s’empêcher
de penser à certaines pièces de Franck même si le langage est évidemment
au-delà du tonal. Quoi qu’il en soit, l’ensemble est fort agréable à entendre.
On peut d’ailleurs écouter l’intégralité sur le site de l’éditeur (ou sur YouTube).
PIANO
Craig CURRY : A Jazz-Inspired Wedding. 8
sophisticated solo piano arrangements. 1 vol. 1 CD.Collection « sacred performer ». Alfred : 40852.
Voici des arrangements
bien réjouissants des grands « tubes » des mariages : de l’Aria
de la suite en ré à la Marche Nuptiale et la Marche des fiançailles en passant
par l’Ave Maria de Schubert, ils sont tous là, réinterprétés dans le style de
Jacques Loussier ou des Swingle Singers… Les arrangements ne sont pas faciles mais
très bien faits. Certains gagneront à être accompagnés d’une basse (acoustique
ou électrique) et d’une batterie légère. Les partitions correspondantes se
trouvent sur le CD qui contient également l’ensemble des sept arrangements.
C’est à découvrir, même si ce n’est pas pour un mariage !
Dennis
ALEXANDER, Gayle KOWALCHYK, E.L. LANCASTER, Victoria McARTHUR, Martha MIER : Premier Piano Course. Technique 5. Alfred : 35261. Jazz, Rags & Blues 1 A. Alfred : 41038. 1 B.
Alfred : 41039.
Voici trois volumes
faisant partie du « Premier cours de Piano » des éditions Alfred.
Chacun de ces volumes est très intéressant par la manière dont l’apprentissage
de l’instrument est abordé, liant technique, interprétation, connaissances
théoriques tirées de l’expérience. On ne peut qu’encourager les professeurs de
piano à aller voir ces différents volumes et à en transposer l’esprit dans leur
propre enseignement même si la barrière de la langue les arrête pour utiliser
ces recueils. On remarquera en particulier que l’initiation au jazz intervient
dès les premières leçons par l’intermédiaire de l’accompagnement du professeur.
On ne peut que se réjouir de cette pédagogie qui ouvre immédiatement sur toutes
les musiques.
Carstein GERLITZ : Best of Bar Piano. 30 wonderfull melodies from the piano lounge.Schott :
ED 21647.
Le choix est éclectique
puisqu’il va d’arrangements de la Première Gymnopédie à Oh Danny Boy en passant
par le Clair de lune de Debussy, Greensleeves et From me to you… Les arrangements
sont « jazzy », « lounge » comme
l’indique le sous-titre, bien faits, sans grande difficulté technique. Ils
pourront servir de base à tous les enrichissements que voudront bien leur
apporter les interprètes. C’est un recueil plein de charme à déguster avec un
bon verre et en bonne compagnie.
John KEMBER : More Piano Sight-Reading 2. Déchiffrage pour le piano 2. Pièce
pour piano solo et duo. Schott : ED 13490.
Précisons tout de suite ce
que ne dit pas le titre français : ce recueil est un complément à un
volume 2 déjà paru. Il s’agit en fait d’une méthode de déchiffrage très
systématique s’adressant à des pianistes de premier cycle. Entièrement
trilingue (anglais – français – allemand), ce volume bénéficie de très
nombreuses présentations et explications qui permet d’en tirer un réel profit
même si on l’utilise seul pour se perfectionner. Les conseils à l’élève, en
particulier ceux qui expliquent qu’il faut avant tout privilégier l’audition
intérieure, sont tout à fait précieux.
GUITARE
Laurent
MÉNERET : Suite mélodique. 7
pièces progressives pour guitare. Schott : SF 1008.
De niveau fin de premier
cycle et plus, cette suite permet de parcourir fort agréablement styles et
régions : musique romantique et créole, en passant par la valse et le mambo. Laurent Méneret nous
propose autant de petits tableaux tous plus charmants les uns que les autres.
Máximo Diego PUJOL : 4 Preludios y un Postludiopour guitare. Lemoine : 29035 H.L.
De niveau moyen, ces cinq
pièces forment un véritable ensemble, varié et lyrique, qu’on aura intérêt à
jouer dans son intégralité. Chaque pièce possède son caractère, lié à son
titre, mais fait vraiment partie d’un ensemble.
Máximo Diego PUJOL : Homenaje a Aníbal Troilo pour
guitare. Lemoine : 29036 H.L.
Egalement de niveau moyen,
cette œuvre rend hommage à Anibal Troilo, un bandonéoniste, compositeur et chef
d'orchestre de tango argentin. Elle est composée de deux pièces très
typées : El último telónet La malandra. Il s’agit d’une musique pleine de
fougue et de passion.
VIOLON
Nicoló PAGANINI : 24 capricciper violino solo op. 1. 24 Contradanze Inglesiper violino solo. Première édition. Bärenreiter : BA 9424.
C’est à la fois une édition
d’étude et une édition critique de ce monument de la littérature violonistique
qui nous est proposée ici. On lira avec grand intérêt la copieuse préface qui
introduit le volume. Quant aux « contredanses anglaises », c’est un
évènement éditorial car c’est la première fois que sont éditées ces courtes
pièces pour violon seul dont on verra également la genèse et l’histoire dans la
présentation de Daniela Macchione.
Jean
LEGOUPIL : Violonneries. 12 duos pour violons. Moyen avancé. Delatour : DLT1567.
Ces douze duos, assez
difficiles, font parcourir de nombreux aspects de la musique. Chacun comporte
un titre évocateur : les interprètes devront s’en inspirer pour que la
musique naisse de ces « violonneries » op.
42 d’un compositeur éclectique et passionnant.
ALTO
Jean-Sébastien
BACH : Passion selon Saint
Jean : chorals pour 4 altos. Arrangement : Jacques Borsarello. Fin de premier cycle, début de second cycle. Sempre più : SP0079.
Comment ne pas applaudir à
cette production mettant à la disposition des ensembles d’altos les onze
chorals de la Passion selon Saint Jean ? La transcription est d’une
probité exemplaire et permettra un fructueux travail de comparaison avec les
originaux. Les conseils d’interprétation de l’arrangeur sont tout à fait pertinents.
Bref, il s’agit d’un travail de grande qualité à mettre en œuvre d’urgence.
Claude-Henry
JOUBERT : Variations sur un thème du
Berry pour alto et piano. Début de cycle II. Fertile-plaine : FP 1540. http://www.fertile-plaine.com/
Voici un joli thème et
huit variations fort bienvenues… surtout la huitième,
qui est à composer par les interprètes. On sait que c’est l’intérêt de cette
collection : faire des élèves non plus seulement des exécutants ou des
interprètes mais des musiciens. Souhaitons que ce pari n’intimide ni les élèves
ni les professeurs, d’autant que les ingrédients sont fournis par l’auteur. Les
titres des variations rappellent ceux que les compositeurs du XVIII° siècle
aimaient donner à leurs compositions. Ce sera aussi une occasion de faire
découvrir des musiques que nos élèves ignorent.
VIOLONCELLE
Claude-Henry
JOUBERT : La Habana. Cha-cha-cha pour violoncelle avec
accompagnement de piano. Niveau 2ème cycle. Fertile-plaine : FP
1619. http://www.fertile-plaine.com/
Outre son intérêt musical
évident, cette partition, qui a, entre autres, le mérite d’obliger les élèves à
sortir des rythmes trop classiques, a aussi celui d’inviter à l’improvisation
et à la composition. On fera bien attention aux conseils de
l’auteur : « On peut écrire soi-même un cha-cha-cha en employant
le procédé utilisé pour l’écriture de La Habana[…] La partition de piano est livrée en
« kit » ! Le pianiste peut l’aménager et l’enrichir à son gré
(mais toujours en songeant à mettre en valeur la partie de
violoncelle…) ». Souhaitons que ces conseils soient suivis d’effet !
CONTREBASSE
Claude-Henry
JOUBERT : Valse du corbeau pour
contrebasse et piano. Cycle 1. Fertile-plaine : FP 1545.
C.-H. Joubert nous propose
ici une partition à jouer au second degré, comme d’habitude. Elle pourra
paraître un peu « téléphonée » mais il ne faut pas oublier que ces
œuvres sont faites pour susciter chez les élèves l’envie de composer à leur
tour sur le modèle qui leur est fourni. Avec un minimum de compréhension de la
structure (qui leur est d’ailleurs donné par l’auteur), ils pourront à leur
tour composer ou improviser une valse volatile… Souhaitons que les professeurs
les encouragent à cet exercice hautement profitable. Bien sûr, faut-il qu’ils
en soient eux-mêmes capables. Mais qui oserait en douter ?
FLÛTE
Gérard
LENOIR : Le lièvre et la
tortue : « Rien ne sert de courir… » pour flûte en ut et piano. Elémentaire. Lafitan :
P.L.2583.
Le titre est
explicite : c’est de la musique « à programme », un programme
soigneusement détaillé pour une musique bien réjouissante mais qui donnera
certainement du fil à retordre aux interprètes. Il leur faudra faire preuve
d’un sens du rythme particulièrement affuté. Mais le résultat en vaut la
peine !
CLARINETTE
Jean-Michel
TROTOUX : L’étoile cachée pour
clarinette en sib et piano. Débutant. Lafitan : P.L.2663.
Jean-Michel Trotoux nous offre une jolie pièce très poétique dans
laquelle piano et clarinette s’expriment quasiment à part égale dans un
dialogue parfois contrapuntique. C’est une gageure pour une pièce qui reste
très simple pour les deux instruments.
André
TELMAN : Ma première mélodie pour
clarinette en sib et piano. Débutant. Lafitan : P.L.2599.
Cette jolie pièce met
d’emblée les jeunes interprètes au contact d’une musique délicatement
modulante, notamment dans le passage médian. Bien loin des « pièces pour
débutants », c’est de la vraie musique !
Michel
NIERENBERGER : Promenade enchantée pour
clarinette en sib et piano.
Préparatoire. Lafitan : P.L.2564.
Cette promenade enchantée brille par la variété de ses différents
paysages qui se succèdent à grande vitesse. On pourrait l’appeler aussi
« promenade surprise » mais c’est, en tous les cas une charmante
promenade.
Max
MÉREAUX : Badinerie pour
clarinette en sib et piano.
Elémentaire. Lafitan : P.L.2621.
Ce badinage, sous le faux
air d’un classique 4/4, cache des recherches rythmiques et de phrasé qui
mettront à l’épreuve le sens musical des interprètes. Encadrée par ces deux
parties endiablées, une partie médiane, résolument mélodique, déploie ses
charmes chromatiques. Bref, cette jolie pièce se mérite.
Serge
LENOIR : Sous le kiosque pour
clarinette en sib et piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.2584.
Comment ne pas penser,
quand on lit ce titre, au kiosque du Luxembourg, où se produisirent tant
d’harmonies et de fanfares… Serge Lenoir nous met effectivement dans l’ambiance
de ces morceaux de bravoure où l’instrumentiste se devait d’éblouir son public
dans des « Fantaisies sur… ». Tout en évoquant cette époque, Serge
Lenoir sait pasticher ce style avec élégance et bon goût. Et les interprètes
pourront y montrer leur talent sous des formes diverses.
TROMPETTE
Pascal
PROUST : Sans paroles pour
trompette (ou cornet) et piano. 2ème cycle. Sempre più : SP0077.
On pourra imaginer ce
qu’on voudra au fil de cette histoire que l’auteur nous raconte. Un départ
martial se transforme en promenade nonchalante pour déboucher sur un allégro
bien rythmé que suivent d’autres péripéties pour revenir à une fin plus
tranquille. Le tout est plein de charme
et de fantaisie.
Claude
PASCAL : Marche sans tambour mais
avec trompette pour trompette et piano. Premier cycle. Sempre più : SP0076.
Cette marche un peu déjantée – si nous osons employer cette expression – ne manque pas de charme et réserve d’agréables surprises. Ecrite en mineur, ce qui la rend un peu tragique, elle comporte un mini-passage lyrique en majeur qui éclaire le paysage.
TROMBONE
Pascal
PROUST : Air loufoque pour
trombone et piano. Fin 2ème cycle. Sempre più : SP0075.
Loufoque, cet air l’est
dans la mesure où il nous promène dans les ambiances les plus excentriques,
depuis la marche d’entrée, au caractère inquiétant en passant par une valse
lente et d’autres tableautins tout aussi… loufoques ! L’ensemble est tout
à fait varié et séduisant. Les interprètes ne s’y ennuieront certainement pas,
pas plus que leurs auditeurs.
COR
Pascal
PROUST : La colère de Glykospour cor en fa solo. 3ème cycle. Sempre più : SP0078.
Que voilà, effectivement,
une grosse colère ! Tantôt rentrée, tantôt explosive, elle met à rude
épreuve les possibilités du corniste, mais pour un résultat aussi intéressant
qu’expressif.
MUSIQUE
DE CHAMBRE
Marius
MONNIKENDAM : Air pour violon et
orgue. Assez difficile. Delatour : DLT2081.
Marius Monnikendam ( Haarlem , le 28 mai 1896 - Heerlen , 22 mai 1977 )
après avoir été élève du Conservatoire d’Amsterdam, se rendit à la Schola Cantorum où il fut élève de Vincent d’Indy et de Louis
Aubert. Le duo violon et orgue se rencontre rarement. L’œuvre est en constante
tension tant par ses chromatismes que par ses mouvements mélodiques et
harmoniques qui ne sont pas sans faire penser aux grandes pièces de Franck.
L’orgue n’est pas seulement accompagnement mais partenaire à part entière.
Marius
MONNIKENDAM : Elégie pour flûte
et orgue. Delatour : DLT1739.
A la fois modale et
chromatique, cette Elégie déroule un dialogue dense entre la flûte et l’orgue.
De structure tripartite, elle offre un lyrisme parfois haletant avec des
harmonies tendues. C’est une très belle pièce à découvrir : comme la
précédente, il s’agit d’inédits que nous révèle la collection « Musique et
patrimoine ».
Charles
BALAYER : Funky Pipes pour
quintette à vent. Assez difficile. DLT2216.
Si le quintette est
classique dans sa formation (Flûte, hautbois, clarinette, cor et basson), on ne
peut en dire autant de cette réjouissante pièce de style funk qui demande un
solide sens du rythme pour un résultat tout à fait convaincant. Il n’est, pour
s’en persuader, que d’écouter l’intégrale de l’œuvre sur le site de l’éditeur.
Daniel
Blackstone.
***
Johann Sebastian BACH : Das Wohltemperierte Klavier – Teil II. Sébastien
Guillot, clavecin. 2CDs SAPHIR
Productions : LVC 1136 (maxence@saphirproductions.net). TT : 156’
33.
Sébastien Guillot,
élève des clavecinistes Huguette Dreyfus et Christophe Rousset, au
Conservatoire de La Haye, de Bob Van Asperen et des
frères Kuijken, et encore de plusieurs professeurs
renommés à Cologne, ainsi que de René Jacobs, est aussi un musicologue
particulièrement averti. Pour cette version du Clavier bien tempéré dont le manuscrit original a été perdu, il a
utilisé le Londoner Originalhandschrift (ou Fassung A), copie de la main de Bach et
Magdalena, et réalisé ainsi le premier enregistrement mondial de ce
manuscrit autographe des 24 Préludes et
Fugues (BWV 870b-893). Dans sa présentation, Gilles Cantagrel répond à la question : « Bien
tempéré ? », évoque le rôle pédagogique de Bach et son
exploitation des registres affectifs des tonalités. Pour sa part, Sébastien
Guillot résume judicieusement les caractéristiques formelles et stylistiques de
ce second Livre avec, entre autres,
des Préludes plus complexes, mais
aussi le rappel des formes de danses, l’influence du style du concerto, du style italien… Certaines Fugues annoncent déjà les contrepoints
de L’art de la fugue. Il conclut que
cette version atteint « un degré rare d’introspection, jusqu’à pénétrer
les espaces profonds de la spéculation, de la musica artificialis et de l’ars combinatoria »
(A. Basso). Cette entrée en matière permet de mieux
saisir l’importance historique, stylistique de cette redoutable entreprise
totalisant plus de 2 heures et 36 minutes de concentration extrême pour mettre
en valeur les moindres intentions compositionnelles. Sébastien Guillot adopte
des tempi raisonnables, s’impose par son sens de la construction, ses entrées
précises, sa virtuosité, sa musicalité à toute épreuve et son jeu égal
contribuant à la sonorité exceptionnelle du clavecin reconstitué par O. Fadini (Milan, 1993), d’après l’instrument F. Blanchet
(Paris, 1733). Il maîtrise tous les traquenards techniques et redonne ainsi vie
à cette version originale de Londres que les mélomanes les plus exigeants
apprécieront à sa juste valeur et réentendront souvent. Un CD exceptionnel par
son intérêt à la fois historique, pédagogique et artistique.
Édith
Weber.
« Je
n’ai rien qu’aujourd’hui ». Poésies de Sainte Thérèse de Lisieux
chantées par Sœur Anne-Élisabeth. 1CD JADE (www.jade-music.net) : 699 813-2. TT : 56’ 57.
Poursuivant leur
série autour des écrits de Sainte Thérèse de Lisieux, les Éditions JADE, sous
le titre général, Je n’ai rien
qu’aujourd’hui, publient ce CD, résultat d’un projet de longue date :
« La rencontre d’Hélène Goussebayle en 2010 puis
celle de Philippe Guével l’année suivante ont permis
sa réalisation. Leurs talents conjugués, leurs conseils avisés et
désintéressés, leur humilité, leur humour (très important, l’humour !)
m’ont aidée à donner le meilleur de moi-même. Je comprends aujourd’hui qu’il
faudrait enregistrer chaque album comme si c’était le dernier : ou tout
donner ou renoncer. Choisir parmi ces poésies n’a pas été chose simple… », relève la religieuse. L’Abandon a été mis en musique par Philippe Guével ;
il s’agit de la poésie préférée de Sœur Anne-Élisabeth, souvent chantée lors de
baptêmes, mariages et funérailles… Elle dit avoir été très touchée par le sens
des paroles, par exemple, dans Mon chant
aujourd’hui (22 décembre 2012), chacune des 14 strophes se terminant par le
mot « aujourd’hui » et, la dernière, sur une note de louange :
« Je chanterai sur la lyre des Anges l’Éternel
Aujourd’hui !... ». Soit un total de 13 chants, 11 sur la musique de
Sœur Anne-Élisabeth dont la voix agréable est soutenue par de nombreux
instruments : guitare, piano, violon, au gré des arrangements.
Édith
Weber.
Alessandro SCARLATTI : Carlo Re d'Alemagna.
Opéra en trois actes. Livret de Giuseppe Papis, d'après Francesco Silvani. Romina Basso, Roberta Invernizzi, Marina
de Liso, Marianne Beate Kielland, Carlo Allemano, Josè Maria Lo Monaco, Damiana Pinti, Roberto Abbondanza. Stavanger Symphony Orchestra, dir. Fabio Biondi. 3CDs AgOgique : AGO015. TT.: 66'54+62'17+40'03.
Tout comme Vivaldi, Alessandro Scarlatti ne
saurait être cantonné à la seule musique instrumentale. Sa production
opératique est fort abondante, avec quelques 65 titres connus. Elle lui assure
même une position déterminante dans l'histoire de l'opéra, et en tout cas un
rôle fondateur dans ce qui sera une nette distinction entre récitatif et aria.
Va-t-on vers une exhumation de ce répertoire, comme ce fut le cas de celui du Prete rosso ? La présente
interprétation apporte peut-être un début de réponse. Créé à Naples, en 1716,
avec dans la distribution le célèbre castrat Senesino, Carlo Re d'Alemagnaest
un exemple intéressant de l'opéra baroque napolitain. Scarlatti, dans cette
pièce tardive, élargit l'orchestre aux bois et aux vents, et fait montre d'un
style musical varié, avec des traits d'orchestration originaux dans
l'accompagnement vocal, tels des passages concertants a due. Le chant
est extrêmement orné et d'une très grande virtuosité. Le thème de l'opéra est
celui de la conquête et de l'exercice du pouvoir au prix d'intrigues et de
sévères querelles familiales, pour évincer le jeune roi carolingien Charles II,
dit le Chauve, rôle muet au demeurant. Les récitatifs, souvent accompagnés, et
vrai moteur de l'action, débouchent sur des arias décrivant les conflits
intérieurs des protagonistes, lesquels s'extériorisent encore au fil de
quelques duettos et même d'un trio vocal. La pièce se signale aussi par un
curieux mélange de seria et de buffa.
Cette dernière veine, dévolue à un couple de serviteurs, apporte un ton enjoué,
voire acide, à la fin des actes I et II, et une agréable diversion aux méandres
de l'intrigue principale. Ainsi l'exigeait le public napolitain de l'époque,
friand de chassé-croisé entre drame et comédie. L'opéra se termine d'ailleurs
par un lieto fine, préfiguration de la vraie
histoire qui veut que chacun des deux conspirateurs, Lotario (Lothaire Ier), puis Adalgiso (Louis II), endosse
successivement le manteau royal avant de le restituer à Carlo (Charles II). La
présente exécution s'enorgueillit de la direction inspirée et engagée de Fabio Biondi, un des maîtres de la jeune génération des
découvreurs des trésors enfouis de l'opéra baroque. Il dirige, non pas son
ensemble Europa Galante, mais l'Orchestre symphonique de Stavanger, qui s'avère
une phalange fort performante. Comme souvent, les voix graves dominent. Et
d'abord, dans le rôle de Lotario, créé par Senesino, celle de Romina Basso, timbre de contralto, d'une maîtrise souveraine à
travers des vocalises d'un formidable impact. Il en est aussi de Marianne Beate
Kielland, un nom nouveau, superbe métal de mezzo, ou encore de Marina de Liso. La soprano Roberta Invernizzi apporte au rôle de Guiditta, l'impératrice, mère de
Charles, une sûre vocalité et une royale présence, atteignant la réelle
grandeur lors de la scène de déploration et de vengeance. Les voix masculines ne sont pas moins bien
achalandées : un ténor sensible, Carlo Allemano, et
une basse rompue au style bouffe, Roberto Abbondanza.
A découvrir.
Jean-Pierre Robert.
Carl Philipp Emanuel BACH : Testament et promesses. Fantaisie
pour clavier et accompagnement de violon, Wq. 80. 12 Variations sur les
« Folies d'Espagne », Wq. 118/9. Fantaisie pour clavier en do mineur,
Wq. 63/6. Sonate pour violon et clavier en do mineur Wq. 78. Sonate pour
clavier en la majeur, Wq. 55/4. Arioso pour clavecin
et violon, Wq. 79. Aline Zylberajch, piano à
tangentes, Alice Piérot, violon. 1CD L'Encelade :
ECL1201. TT.: 70'45.
Ce disque présente un intérêt musicologique
puisqu'il permet de découvrir un instrument à clavier singulier qui connut la
faveur des musiciens du XVIII ème, le Tangentenflügel ou piano à tangentes. Sa mécanique en est
spécifique : de petites languettes de bois dont l'extrémité, sans habillage,
est simplement arrondie, sont propulsées en l'air verticalement, sans système
d'échappement, pour venir frapper la corde et produire un son clair et limpide.
Fruit d'une recherche de combinaisons de sons produits et modulés par un
système de registres variés, il offre à l'interprète une grande variété de
timbres, du plus brillant au plus suave, comme de vastes possibilités en termes
d'impact sur la dynamique. La sonorité de l'instrument joué ici, une copie d'un
original conservé au Landesmuseum de Stuttgart, est
proche du clavecin. Comment mieux le savourer qu'à l'écoute de pièces de CPE
Bach. Durant sa carrière, partagée entre Berlin et Hambourg, ce fils de JS Bach
composa de nombreuses pièces pour le clavier, soit solo soit avec violon. Elles
sont au cœur de sa production. Le choix opéré emprunte un chemin original
puisqu'à partir de la dernière œuvre conçue pour le clavier, les interprètes
remontent le temps. La Grande Fantaisie pour clavier et accompagnement de
violon, Wq. 80, de 1787, offre un kaléidoscope de séquences variées et un vaste
pathos, succession de sentiments intenses et agités, ou calmes et
introspectifs. Le clavier mène les débats, le violon ne faisant que ponctuer ou
souligner. Habituée du clavier à tangentes, Aline Zylberajch en fait ressortir toute la magique beauté. Il en va de même dans les 12
Variations pour clavier tirées des « Folies d'Espagne », de 1778, qui déroulent une série de
métamorphoses d'un thème, aux effets variés. Elles appartiennent à la période
dite de Hambourg, tout comme l'Arioso de 1782, pour clavier et violon, où là
encore le premier conduit le discours, mais ici dans un mode serein. Plusieurs
pièces de la période berlinoise, alors que CPE Bach était au service de
Frédéric le Grand, distinguent le programme : la Sonate pour violon et clavier
Wq. 78, de 1763, dont les deux mouvements extrêmes, enjoués, encadrent un
adagio d'une souveraine poésie, bercé par le soliloque du clavier, ou la Sonate
pour clavier seul Wq. 55/4, de 1765, écrite à Postdam, très rythmée (allegro
assai), profondément expressive (poco adagio) et d'une grande fluidité à
l'allegro final. Spécialistes du baroque tardif, la pianiste Aline Zylberajch et la violoniste Alice Piérot maîtrisent en complices ces musiques inspirées, empreintes de mélancolie et de
tendresse, de sérénité et parfois même d'humour.
Jean-Pierre Robert.
Henri DUPARC : Mélodies.
Nora Gubisch, mezzo, Alain Altinoglu,
piano. 1 CD Cascavelle : VEL 3150. TT.: 57'41.
Au sein du répertoire de la mélodie
française, Henri Duparc (1848-1933) occupe une place de choix. Non pas tant par
l'importance de sa production que par sa qualité et une finesse de touche proche de Fauré. On a
parlé d'une « union parfaite de la mélodie et des paroles » (Lucien
Rebatet). Le musicien, fin lettré, a puisé à des sources littéraires choisies,
aux symbolistes (Baudelaire), aux Parnassiens (Leconte de Lisle,
Sully-Prudhomme) comme aux poètes romantiques (Théophile Gautier ou Thomas
Moore). Ses mélodies, bien qu'ancrées dans le XIX ème,
annoncent déjà la modernité. La partie
de piano se libère du rôle d'accompagnement servile pour acquérir une liberté
de mouvement dans un flux presque orchestral. De forme majoritairement
strophique, ces mélodies empruntent souvent à un schéma tripartite : un calme
solennel ou hypnotique qui s'anime peu à peu dans une courbe ascensionnelle,
avant une péroraison grandiose. Et comment résister à ces expressions fameuses,
en forme de triptyque : « luxe, calme et volupté » (L'Invitation
au voyage) ou « t'aimer...te le dire...et pleurer! » (Sérénade)!
La présente intégrale, quasi complète (il n'y manque que La Fuite, qui
est d'ailleurs un duo), se singularise sur deux points : par l'ordre dans
lequel sont abordées les pièces, destiné à créer « un voyage musical
varié », précisent les interprètes. Le déroulement est intéressant en ce
qu'il alterne phases élégiaques et moments dramatiques. Par son unicité
d'interprète aussi, féminine, et le choix d'un timbre sombre. La voix charnue
de Nora Gubisch, présentée comme celle de mezzo,
parfaitement domestiquée, assure une belle consistance aux textes. D'un parfait
naturel, loin de tout maniérisme, son impeccable diction est au service d'un
sens rare de la modulation, si consubstantiellement gallique (Élégie, Phydilé) ; de l'art de bâtir un climat alchimique
aussi, pour décrire les abysses de l'âme et l'infinie douleur (Au pays où se
fait la guerre), comme une secrète langueur (La Vie antérieure). Le
frémissement extatique comme le dramatique proche de la violence sont ici
ménagés à la perfection. Le phrasé net et clair d'Alain Altinoglu fuit le brouillard sonore dont bien des pianiste croient devoir entourer ces pièces, et leur restitue leur fluidité, dans le
rythme haletant ou le doux balancement des couplets. Les deux partenaires sont
mis en valeur par une prise de son très présente qui, elle aussi, évite tout
effet « impressionniste ».
Jean-Pierre Robert.
Neujahrskonzert/Concert
du Nouvel An 2014. Eduard
STRAUSS, Josef STRAUSS, Johann STRAUSS I, Johann STRAUSS II, Joseph
HELLMESBERGER II : valses, polkas schnell, polkas
françaises, polka mazur, quadrille, galop, marches.
Richard STRAUSS : Mondscheinmusik tirée de Capriccio.
Léo DELIBES : Pizzicati extraits de Sylvia. Wiener Philharmoniker, dir.
Daniel Barenboim. 2CDs Sony Classical : 88883792272. TT.: 58'10+54'13. 1DVD
: 88883792289 ou 1 Blu-Ray : 88883792299.
Daniel Barenboim a donc été choisi - pour la seconde fois - pour diriger le concert du Nouvel an
2014 des Wiener Philharmoniker, sa 74 ème édition ! Son engagement en faveur de la paix y est
pour beaucoup, en cette année anniversaire du début de la Première guerre
mondiale, un des fils conducteurs de ce généreux programme. Comme de coutume,
les « nouveautés » côtoient les pièces connues ; encore qu'au
chapitre de ces dernières, et à l'exception de « Légendes de la forêt
viennoise » et des deux bis obligés, « Le beau Danube bleu » et
la « Marche de Radetzsky », on ait
volontairement délaissé la facilité pour offrir des morceaux peu joués. Par
ailleurs, Barenboim privilégie des pièces plutôt
longues, et comme on l'a constaté lors de la retransmission télévisée, les
enchaîne, contribuant à densifier le programme. La première partie du concert
s'ouvre par le « Quadrille d'Hélène », pot-pourri concocté par Édouard
Strauss sur des thèmes de la Belle Hélène d'Offenbach, joué ici en
hommage à l'épouse du chef d'orchestre. Elle propose ensuite plusieurs œuvres
liées au thème de la paix, telle la valse « Embrassez-vous, millions
d'êtres » que Johann Strauss II a dédiée à Johannes Brahms. La seconde
partie, festive, débute par l'Ouverture de Waldmeister,
du même roi de la valse, habile composition enchaînant les idées comme des
perles, dont une séquence centrale presto aussi ambitieuse qu'irrésistible.
Puis vient une suite de rythmes de valses, de polkas, schnell,
française ou mazur, et autre marche, permettant de
varier les contrastes, que Barenboim accentue, dans
les tempos ou la dynamique. Sans parler des péroraisons portées à
l'incandescence, tirant les applaudissements de l'auditoire, et notre
délectation bien sûr. On y savoure, entre autres, ce curieux « Galop de
Caroline » de Johann Strauss I, et son amusant appel de trompette, ou la
valse « Les Romantiques » de Josef Lanner,
autre maître du genre, développant une belle sensibilité mélodique. Et même une
pièce de Léo Delibes, « Pizzicati », tirée du ballet Sylvia,
hommage du français à ses collègues autrichiens. Commémoration oblige, on se
souvient de l'autre Strauss, Richard, qui a si bien décrit Vienne. La
« Musique du clair de lune » qui précède la dernière scène de Capriccio, se voit offrir une exécution opulente. Cette conclusion d'une folle journée
signe la fin d'une époque aussi, à l'aune du solo de cor et de la fameuse
modulation emplie d'indicible nostalgie. Un autre rappel, furtif, du musicien,
on le trouve dans la valse de Josef Strauss, « Dynamides »,
qui livre le thème dont sera confectionnée la fameuse valse du Chevalier à
la rose ! La tonalité de cette édition est plus mélancolique que joyeuse.
L'irrésistible manière des Viennois n'en souffre pas le moins du monde :
raffinement, cohésion, panache, tout est là, bien compté. Et les bis prolongent
le plaisir : l'endiablée « Carrière-Polka », la valse du « beau
Danube bleu » dont on ne se lasse pas des digressions, et bien sûr la
« Marche de Radetsky », martelée avec
claquements de mains obligés. L'occasion pour le maestro de délaisser le podium
pour s'en aller serrer la main de chaque musicien.
Jean-Pierre Robert.
René de CASTÉRA : Musique de chambre vol 2. Concert pour piano,
violoncelle, flûte et clarinette. Sicilienne pour violoncelle et piano. Trio en ré op. 5 pour
piano, violon et violoncelle. Lucian Rinando, flûte,
Dean LeBlanc, clarinette, Elmira Darvarova,
violon, Samuel Magill, violoncelle, Linda Hall,
piano. 1 CD Azur classical : AZC 109. TT.: 77'03.
Élève de Louis Diémer,
puis d'Isaac Albeniz auquel le liera une solide
amitié, disciple de Vincent d'Indy, ami du peintre Maurice Denis (qui le fait
figurer dans un des médaillons, La Sonate, du plafond du Théâtre des
Champs-Elysées), René de Castéra (1873-1955) sort de
l'oubli. Cet homme discret, fin pianiste, sera membre, aux côtés de Déodat de Séverac, de la première promotion de la Schola Cantorum, dont il deviendra le Secrétaire général. Au fil
d'une production relativement restreinte, il a peint son Pays basque natal et
les contrées landaises. Tout comme celle de Canteloube, d'Indy ou Magnard, sa
musique fleure bon le terroir, Le présent CD présente trois de ses pièces
chambristes, parées d'une sûre inspiration et d'une belle originalité. Le
Trio en ré pour piano, violon et violoncelle, dédié à son maître d'Indy,
est sa première partition d'envergure (1904). Elle est en effet
d'impressionnantes dimensions avec ses quelques 38' et ses quatre mouvements
contrastés : un premier, « Lent, aminé, lent », franc de rythme,
exubérant, fluide dans la mélodie, empruntant à l'élément marin, typique de la
musique française de l'époque ; un « Divertissement », sorte de
scherzo aux trouvailles presque cocasses, dont un trio bercé par le piano ; un
« Assez lent » ménageant un lyrisme expansif avec son lot de
nostalgie, aux harmonies subtiles ; enfin un finale « Très animé »,
d'une grande vitalité, débordant d'énergie, mais aussi d'un geste ample et
mélodieux. Voilà une pièce qui ne pâlit nullement auprès de ses contemporaines
par sa liberté d'inspiration. Le Concert pour piano, violoncelle, flûte
et clarinette, de 1922, se signale par sa distribution instrumentale peu
commune, mais aussi par la manière toute personnelle dont de Castéra utilise les quatre
solistes pour créer une atmosphère champêtre et célébrer les Landes. « Paysage »
est une évocation de la terre landaise. Puis vient un court
« Intermède » bondissant, basé sur le rythme de zortzico,
danse folklorique basque à 5 temps, suivi d'une séquence marquée « Lent et
grave », épanchement mélancolique du violoncelle, accompagné du seul
piano, avant que les deux bois ne les rejoignent. Le Rondeau final aux climats
variés, est bâti sur un refrain mêlant les quatre protagonistes de manière très
différenciée, offrant tour à tour charme et discrète nostalgie, caractère
affirmé ou langoureux, climat joyeux ou pensif. La succession des diverses
séquences se révèle des plus imaginatives. Enfin la Sicilienne pour
violoncelle et piano, de 1930, dédiée à la celliste Edwige Bergeron qui la
créera l'année suivante avec l'auteur au clavier, est une courte pièce aussi
délicate qu'inspirée, de sa ligne claire, empreinte, là encore, d'une douce
nostalgie, quoique fort rythmée. Inédite, la version en a été établie par
Damien Top. Les présentes exécutions, enregistrées sous les auspices du Centre
International Albert-Roussel (CIAR), par des musiciens, membres de l'orchestre
du MET Opera de New York, se signalent par leur
finesse.
Jean-Pierre Robert.
« Alone ». Pièces pour
flûte solo de Jean Sébastien BACH, Francis POULENC, Claude DEBUSSY, Paul
HINDEMITH, Arthur HONEGGER, Eugène BOZZA, Sigfrid KARG-ELERT. Vincent Lucas, flûte traversière. 1CD Label IndéSENS :
INDE057. TT : 71’56.
Le label IndéSENS poursuit, avec ce disque, son inlassable promotion des vents français.
Aujourd’hui, Vincent Lucas, première flûte solo de l’Orchestre de Paris, se
produit dans un programme copieux et original répondant aux deux âges d’or de
l’instrument, le XVIIIe et XXe siècle. On est d’emblée surpris par l’étonnante
présence de la flûte solo dans la Sonate
pour flûte solo BVW 1023 (1722) de Jean-Sébastien Bach, affirmant, pour la
première fois en Allemagne, la prééminence de la flûte traversière sur la flûte
à bec, l'instrument apparaissant, alors,
comme l’équivalent du clavecin ou du violon ; ce dont se souviendra son fils,
Carl Philip Emanuel, dans sa Sonate pour
flûte traversière seule (1747), destinée à Frédéric le Grand. Entre ces
deux œuvres majeures et incontournables du répertoire, Vincent Lucas nous
propose des compositions, peut-être moins connues, mais tout aussi séduisantes.
La bucolique Danse de la chèvre d’Arthur Honegger (1922), la rêveuse Syrinx de Claude Debussy (1913), Images d’Eugène Bozza (1939), Un joueur de flûte berce les ruines de Francis Poulenc (1942), la
visionnaire Pièce de Jacques Ibert
(1936), les éclectiques et orientalisantes Trois
Pièces de Pierre-Octave Ferroud (1921), Pan
blessé de Roger Bourdin (1970), Acht Stücke de Paul Hindemith (1927), miniatures
expressionnistes, s’opposant à la lyrique et envoûtante Sonate appassionata de Sigfrid Karg-Elert (1917). Toutes œuvres capables de faire valoir le puissant pouvoir d’évocation
et d’émotion de la flûte solo, à l’origine d’autant d’images et de climats,
tour à tour ironiques ou poétiques, virtuoses ou méditatifs. Un jeu subtil,
délicat et infaillible, sans artificialité superflue, au service de la seule
musique. Superbe !
Patrice Imbaud.
Franz LISZT. Récital. Yves
Henry, piano. 1CD Soupir Editions : S219. TT : 63’56.
Un disque qui réunit un certain nombre de
pièces appartenant à la période dite médiane de Franz Liszt, entre 1848 et
1854, où Liszt compositeur prend le temps de revenir sur certaines de ses
compositions pour les faire aboutir, et où l’expression de ses aspirations se
conjugue avec une maîtrise parfaite de ses moyens pianistiques. Des œuvres pour
l’essentiel tirées des Années de
pèlerinage, à l’exception de la Ballade
n°2, qui est une pièce isolée. Après
une lecture de Dante nous plonge d’emblée dans un monde d’espérance
désenchantée, de passion calme et de quiétude frénétique, autant d’oxymores
traduisant l’exceptionnelle densité émotionnelle de cette œuvre. Les Tre Sonetti del Petrarca,
pièces contemplatives et lyriques, se rapprochent de Chopin par leur chant. La Vallée d’Oberman, élégiaque et
pastorale, dresse un tableau parfois tourmenté de la nature, avant de retrouver
la paix finale dans l’affirmation de soi. Enfin la Ballade n° 2, affirme pianistiquement la
difficile diérèse entre lumière et ténèbres, avant que le dernier thème
rayonnant n’apporte une sérénité apaisante. Une musique magnifique empreinte
d’un lourd contenu spirituel et philosophique où Liszt se retrouve tout entier.
Une interprétation superlative à la hauteur des plus hautes aspirations de
cette musique d’exception.
Patrice Imbaud.
« The
London Flute ». European chamber
music in the city 1700-1725. Bart Coen, flûte. Ensemble Per Flauto.
1CD Deutsche Harmonia Mundi (distribution, Sony
Music) : 88691966552. TT : 79’43.
Un disque comme le miroir de la Londres du
début du XVIIIe siècle, capitale culturelle et musicale où s’exileront nombre
de compositeurs européens, venus du vieux continent tenter leur chance, dont le
plus fameux demeure Georg Friedrich Haendel. Ce disque présente un florilège
des différentes œuvres de ces compositeurs migrants comme Francesco
Mancini, Francis Forcer, Ancangelo Corelli, Robert Carr, Haendel, Jacques
« James » Paisible, Andrew Parcham, Henry
Purcell, Charles Dieupart,
Jean-Baptiste « John » Loeillet of
London. Toutes compositions faisant appel en majorité à la flûte à bec de Bart Coen, expert s’il en est de ce type de répertoire, associé
à la viole de gambe de Nicholas Milne et au clavecin de Herman Stinders. Une qualité
musicale indiscutable, d’une justesse sans faille où la flûte apparait dans
différentes tessitures. Voilà aussi un
document quasiment historique qui ne manquera pas de ravir tous les amateurs de
musique baroque.
Patrice Imbaud.
***
DR
Le
compositeur italien Ennio Morricone se produit en concert à Paris dans
l'immense salle de Bercy telle une pop-star, le 4 février prochain. Cette date
unique en France est un évènement puisque le compositeur n'était pas venu se
produire en personne dans la capitale depuis 11 ans.
Palais Omnisports de Bercy, 4 février 2014, à 20 H
Expo : Pixar, 25 ans d'animation
DR
Le nouveau Musée de l'Art Ludique, ouvert depuis
novembre dernier, consacre sa première exposition aux activités des studios Pixar. « Toy Story, Monstres
& Cie, Le Monde de Nemo, Les
Indestructibles, Ratatouille, Wall-E, Là-haut, Rebelle… », les studios Pixar ont réalisé des chefs-d’œuvre d’animation et
révolutionné cette industrie. Il n'est pas innocent que Walt Disney s’en soit
accaparé et qu’une guerre sourde s’en soit suivie entre ceux qui ont eu l’idée
géniale, le flair, le talent, de monter cette compagnie, et la grosse compagnie
WD qui voyait d’un mauvais œil ce bouleversement dans le monde du dessin animé.
L’exposition proposée par le Musée d’Art Ludique, et qui tourne un peu partout
dans le monde, n’a d’intérêt que pour ceux qui ont vu les films, les
nostalgiques de leur enfance ou de leur adolescence. Cette succession de
dessins simples, de maquettes, n’apporte pas grand-chose aux visiteurs lambda,
juste quelques bribes de souvenirs. Ce qu’on apprécie, c’est l’animation de ces
dessins, et ce n’est pas une ou deux vidéos qui allaient nous contenter. Le
seul moment passionnant de l’expo est la vidéo sur grand écran où en un seul
plan séquence est résumé l'essentiel des films produits par Pixar.
C’est un vrai tour de force d’animation et d’imagination. Ce qui manque le plus
dans cette exposition, dont le prix d’entrée est excessif, est la musique.
Celle-ci a quand même une part aussi importante que le dessin dans ce genre de
film. Beaucoup des BO des films de Pixar ont reçu des
prix (Golden Globe, Oscar…) et méritaient d’être entendues au cours de la
visite.
Nous
allons réparer cette absence en proposant quelques BO et rappeler quelques
brillants musiciens qui les ont composées. Les Newman sont très présents. Dans
la famille Newman on a Thomas, un des fils du très célèbre Alfred, l’homme aux
sept oscars et le compositeur de la fameuse fanfare de 20th Century Fox, et on
a aussi un cousin, Randy. Thomas a commencé en 1985 avec « Recherche
Suzanne Désespérément » et on lui doit la dernière musique de James Bond
« Skyfall ». Pour Pixar,
il a écrit « Le Monde de Nemo » et
« Wall-E », musiques qui ont eu un énorme succès. La musique et la
chanson de « Wall-E » ont reçu un Grammy Award. Son cousin Randy a une carrière plus éclectique et
collectionne plus de succès (16 nominations aux Oscar !). Chanteur,
auteur-compositeur de chansons, puis chanteur c’est avec « Ragtime »
de Milos Foreman qu’il est passé à la composition de
BO. Pour Pixar il a collaboré sur la musique de sept
films, dont les « Toy Story » et « Les
Monstres ». Deux ont reçu un Oscar pour la chanson (« Monstres et
Cie » et « Toy Story n°3 »). D’autres
compositeurs se sont fait connaître du grand public grâce à Pixar.
Ainsi de Michael Giacchino, avec « The
Indestructibles ». Il a reçu de nombreux prix, dont un Oscar avec
« Ratatouille », et a composé la BO de « La-Haut »
et de « Cars n°2 ». Il est actuellement le compositeur régulier de
JJ; Abrams (« Lost »,
« Star Treck », « Mission
Impossible »…). C’est un excellent compositeur, dans la lignée d’un
Goldsmith. Une des plus belles
musiques de dessins animés produit par Pixar est
celle de l’étonnant film « Rebelle ». On la doit à Patrick Doyle, le
compositeur anglais des films de Kenneth Branagh et
de Régis Warnier.
Art
Ludique Le Musée, 34, quai d’Austerlitz, 75013 Paris. Jusqu’au 2 Mars 2014, du
lundi au vendredi, de 11 à 19H (nocturne le vendredi : 22H ),
et les samedi et dimanche, de 10 à 20H.
Toutes
les musiques de ces dessins animés peuvent être écoutées sur CD. Une
compilation des chansons des films est sortie chez Walt Disney Records. Les BO
marquent souvent plus qu’un simple dessin et celles de chez Pixar sont, comme leurs films, de grande qualité.
http://www.youtube.com/watch?v=MRhnWA84qwc
LE BO CONCERT
Pour le dixième anniversaire de l’Union des
Compositeurs de Musiques de Films (UCMF), une soirée de musiques de films en
présence de compositeurs a été organisée, le 10 janvier dernier, au Grand Rex.
La salle était pleine à craquer et le public allait de 7 à 77 ans.
L’orchestre était celui de l’association
des Chœurs et Orchestres des Grandes Écoles (lCOGE).
Cet orchestre a vu le jour il y a plus trente ans, en 1982. Il est à l’origine
de créations françaises (le Concerto pour cor et orchestre d’Ivan Jevtic, Le Miserere Nobis de
Jean-Philippe Calvin…). La Philharmonie du COGE, créée en 1988, est formée par
des musiciens amateurs, plus motivés et plus confirmés. Le COGE a joué 25
compositions de jeunes compositeurs ainsi que des plus expérimentés, sous la
baguette d’Aurélien Azan Zielenski et de la chef de chœur Béatrice Warcollier. Pour
certaines compositions, le pianiste Julien Le Pape, le violoniste Jean-Marc
Phillips-Varjabedian, membre du Trio Wanderer et le violoncelliste Xavier Phillips, sont intervenus
brillamment.
Le programme était chargé et un peu inégal
dans la sélection des compositions. Cela a dû être très compliqué de choisir
seulement 25 compositeurs français. On a pu entendre, entre autres, un extrait
de « Ridicule » de Patrice Lecomte, composition d’Antoine Duhamel , de « La Jeune Fille à la Perle » de Peter Weber,
musique d’Alexandre Desplat, de « Samsara » de Paul Nalin, sur une composition par Cyril Morin. Le court
extrait de la partition jazzy de Robert Fienga pour «
La Maison Démontable » de Buster Keaton a enthousiasmé le public. Ce qui était
intéressant dans cette fête de la BO était de faire connaître de récents
artistes. Le prix « 10 ans de l’UCMF » a été remis à Mathieu Vilbert, 25 ans, choisi parmi 103 candidats. La musique
qu’il a écrite sur des images de Julie Bertuccelli promet de belles compositions à venir. La grande découverte de la soirée fut
celle d’ Olivier Calmel. Il
a été le directeur artistique du COGE pour ce concert et a écrit un arrangement
époustouflant du générique de « Docteur Petiot », film de Christian
de Chalonge, musique de Michel Portal. Ce jeune
compositeur a surtout écrit pour des courts-métrages d’animation et des
documentaires. Un étonnant extrait de sa musique avec chœur pour le
court-métrage d’animation « L’Art des Thanatier »
a été interprété par l’orchestre avec sa présence au piano. Dans la salle
immense du Grand Rex il y avait des jeunes collégiens venus de Soisy-sous-Montmonrency. Pour la plupart c’était la
première fois qu’ils voyaient un orchestre et un soliste. C’est la municipalité
qui leur a offert cette soirée. Quelques jeunes adolescentes étaient émues,
surtout en entendant l’Hymne des Fraternisés de Philippe Rombi extrait du film « Joyeux Noël » de Christian Carion.
Philippe Rombi, sans prévenir, est venu au piano
accompagner l’orchestre, un beau moment musical. Cosma a dirigé son concerto de Berlin extrait de la BO de « La 7ème Cible » réalisé par Claude Pinoteau, et
Jean-Claude Petit, un extrait de sa composition pour « Cyrano de
Bergerac » de Jean-Paul Rappeneau. Le concert
s’est terminé très tard avec le tube de Claude Bolling « Borsalino », le film de Jacques Deray.
Mais celui qui eut le plus de succès à la fin de cette fête fut Francis Lai.
Les « fous » de musiques de films lui ont fait signer leurs pochettes
de disques et se sont fait prendre en photo avec le compositeur de Lelouch,
adulé comme une pop star. Ce concert organisé entre autres par le président de
l’UCMF Bernard Grimaldi était un pari fou, risqué, mais fut une réussite complète.
La musique de film a un public très large et ce
concert a prouvé qu’il y avait de vrais amateurs. Le seul bémol fut l’absence
des images qui auraient été un support essentiel à ces musiques. C’est un
problème de coût que l’UCMF n’a pu assumer. La diffusion du concert sur TV5
Monde posait aussi des problèmes de droit. Tous les compositeurs avaient pour
cette fête de la BO offert leur droit d’auteur. Un beau geste de cette
profession. Le seul compositeur étranger qui a tenu à venir et participer à
cette soirée était Patrick Doyle. Au cours de son immense carrière (2 Oscar, 2
Golden Globe, 2 nominations au César…), il a écrit pour Régis Warnier, dont la célèbre musique de « Indochine » . Un extrait de cette BO a été joué avec élégance par le
COGE. Espérons que cette expérience ne restera pas unique et que l’on
n’attendra pas dix ans pour retrouver une telle ambiance et un tel hommage à la
musique de film et aux compositeurs français si demandés dans le monde.
Stéphane Loison.
BO en CDS
PHILOMENA Réalisateur Stephen Frears. Musique d’Alexandre Desplat.
1 CD Decca.
Stephen Frears, Judi Dench, Steve Coogan, voilà le trio gagnant de ce début d’année. Une
histoire poignante. Une Judi Dench qui montre toutes
les facettes de son talent, et il y en a de nombreuses, un Steve Coogan dans un rôle de composition qui le change de ses
interprétations de comique, un Stephen Frears qui
dirige, met en scène, de manière magistrale, tout cela fait de Philomena un petit bijou de cinéma qu’il ne
faut pas manquer. On peut y ajouter la musique de Desplat,
qui lorsqu’il travaille avec Frears, concocte des BO
superbes. Philomena un régal pour les yeux et
les oreilles. Mais n’oubliez pas d’emporter vos mouchoirs !
On
peut se souvenir de cette musique romantique à souhait et de cette valse
ritournelle, le thème de Philomena, grâce au CD paru
chez Decca. Rarement Desplat a-t-il composé une
musique avec autant de thèmes. Une musique simple comme l’histoire que nous
raconte Frears, une musique qui nous émeut.
http://www.youtube.com/watch?v=ik1eeCASO2w&list=PL186rLlc-ZF6QLXbTEJXl7BXcHjPccRDm
YVES
SAINT LAURENT.
Réalisation : Jalil Lespert.
Compositeur : Ibrahim Maaloufi. 1CD Sony / Idol 849A016020.
Pour
ce biopic très académique, mais agréable à regarder
sur la vie du couturier, réalisé par Jalil Lespert, Ibrahim Maalouf
n’a pas cherché à révolutionner la musique de film, ni à apporter une
quelconque originalité. On est dans une musique agréable, easy listening, dans un style rétro à la Michel Legrand.
Un thème, un piano très présent, un orchestre de temps en temps et la trompette
d’Ibrahim Maalouf pour un jazz trop cool, plus année cinquante que soixante,
dégoulinant de mièvrerie. Bref, une
musique qui ne dérange pas. C’est peut-être ce qu’a demandé le réalisateur.
Dommage que Maalouf, qui est un compositeur inventif, soit resté si timide dans
sa musique. Son côté pléonasmique ne fait
qu’accentuer les scènes filmées, comme une musique fonctionnelle. Le CD est
agréable à écouter, il est sans surprise. On a bien sûr les éternels extraits
de Callas dans La Traviata, La Wally et Tosca. Pour faire
années soixante dix, quelques groupes pop, et pour faire jazz style
Saint-Germain-des-Prés des années cinquante, la chanteuse Brisa Roché. Des
notes, des notes, des notes, pour ne rien dire en somme.
http://www.youtube.com/watch?v=eD6Euya5hcY
LA VOLEUSE DE LIVRES. Réalisateur Brian Percival. Compositeur John Williams. 1 CD Sony Classical.
Adapté du best seller de l’australien
Markus Zusak, le film de Brian Percival est un ratage complet alors qu’il avait tout pour réussir. Une bonne histoire,
des acteurs excellents dont la jeune actrice Sophie Nelisse,
l’héroïne du film, le tout jeune Nico Liersch,
Geoffrey Rush, Emily Watson, une photo superbe, des décors à la hauteur de
l’histoire, et John Williams pour la musique ! Malgré tous ces talents réunis on s’ennuie
ferme. Une mauvaise adaptation du livre et une réalisation d’une platitude
affligeante donnent à ce film une lourdeur exaspérante. Brian Percival est un réalisateur de télévision ; peut-être y
a-t-il pris de mauvaises habitudes ? L’histoire de « La Voleuse de
livre » est pourtant passionnante sur une certaine résistance en Allemagne
contre le régime nazi entre 1938 et 1942. Pendant la Seconde Guerre mondiale,
la jeune Liesel est envoyée dans une famille
d’adoption allemande. Là, elle apprend à lire, avec le soutien de son nouveau père.
La lecture devient une telle passion qu’elle va voler des livres. Son quotidien
va être bouleversé lorsqu'un jeune Juif se réfugie sous l'escalier de la cave.
Pour ces deux êtres broyés par la violence de l’époque, la lecture va devenir
le plus beau des liens, et le plus puissant des moyens d’évasion… C’est la
musique de John Williams qui porte le film. Il offre une partition où l’on
reconnaît sa patte pour les scènes d’émotions. Quelques envolées lyriques
arrivent à donner du talent à la mise en scène. John Williams est de nouveau
nommé pour les Oscar pour cette composition. C’est la 49ème fois ! Inutile de dire la qualité du CD de cette musique.
http://www.youtube.com/watch?v=yeIczLYsII4
INSIDE LLEWYN DAVIS. Réalisateurs Joe et
Ethan Coen. BO : T-Bone Burnett. 1CD Nonesuch.
Ce film sur un looser, chanteur de folk,
est une magnifique description d’une certaine Amérique des années soixante. Les
frères Coen ont un tel talent qu’ils arrivent à nous
intéresser avec un film qui s’adresse plus au public américain qu’européen. Il
y a de nombreuses allusions sur cette époque aux USA qu’il faut bien connaître
leur histoire pour tout apprécier. En ce qui concerne la musique du film et le
CD ce sont des reprises de chansons folk, la plupart chantées par le comédien principal
Oscar Isaac. Il est impressionnant de
justesse dans son jeu et dans sa manière d’interpréter les chansons. Il est
accompagné par Justin Timberlake qui est aussi bon
acteur que chanteur. Il suffit d’écouter « Hang Me Hang Me » par cet
acteur extraordinaire qu’est Oscar Isaac pour entrevoir ce chef d’œuvre
dépressif qu’est « Inside Llewyn Davis». Un CD a écouter en boucle…un voyage d’hiver…
LA VENUS A LA FOURRURE. Réalisateur Roman
Polanski. Compositeur Alexandre Desplat. La musique du film ainsi que le livret sont
seulement téléchargeables sur le site quobuz en qualité CD
La musique d’Alexandre Desplat colle au film comme le décor, les costumes et la lumière. Musique grinçante,
vulgaire, ironique, grave, tous les registres y passent comme les renversements
de situations de cette pièce de théâtre de boulevard. Dès les premières notes
de musique, à l’ouverture du film on sait où la caméra, et donc le réalisateur,
va nous conduire. Desplat avec Polanski est inspiré
et sera cette année encore nommé pour le César.
Stéphane Loison.
Entretien
Alexandre Desplat au sujet de la musique
de « La Vénus à la Fourrure »
DR
La Vénus à la fourrure est votre troisième
collaboration avec Roman Polanski. Comment avez-vous travaillé avec lui sur ce
film très dialogué où la musique est pourtant extrêmement présente ?
Comme d'habitude, sauf que là,
encore plus que pour « Carnage », j'ai eu la chance d'aller sur le
plateau, dans ce décor improbable et hallucinant de vérité. D'ailleurs, c'est
amusant parce que je connaissais ce théâtre Récamier pour y avoir suivi les
répétitions de « Papa doit manger », mis en scène par André Engel
pour la Comédie Française. Pourtant, lorsque je suis arrivé sur le plateau de
La Vénus..., tout était tellement beau, tout était tellement bien fait, des
portes battantes de l'entrée jusqu'à la scène et aux dorures, que j'ai cru
qu'il n'avait pas changé. J'avais tout simplement oublié que c'était en fait un
lieu vide ! Le plus surprenant sur La Vénus... c'est que, autant pour
« Carnage », nous nous étions rendu compte que la musique serait
forcément intrusive. Autant là, depuis le début, Roman sentait que la musique
serait au cœur du film - un peu comme si le film était recouvert d'un voile qui
l'opacifiait et que la musique allait permettre de lever ce voile. Lorsqu'il
m'en a parlé, je n'en étais pas encore certain, mais très vite, j'ai été
convaincu. Son instinct est infaillible. Et c'est cela qui m'a entraîné à
tenter de mettre de la musique à de nombreux endroits. En fait, nous nous
sommes effectivement très vite aperçus que la musique relevait ce voile qui
semblait posé sur le film. C'était comme si, d'un seul coup, elle poussait le
mur du fond, ouvrait une nouvelle perspective, révélant une découverte infinie.
On pouvait ainsi selon les moments alimenter une rêverie sur un passé possible
et à la fois renforcer la singularité de ce rapport de séduction entre elle et
lui.
La musique en effet souligne le ton du film, entre
ironie et gravité, et en même temps elle l'emmène presque vers autre chose,
elle vient presque en contrepoint, en contraste. Il y a même, notamment dans
les premières scènes, quelque chose de primesautier.
Oui, c'est vrai. Cette actrice et ce
metteur en scène sont dans le jeu et la séduction, donc la musique est dans le
jeu également... En fait, tout découle de la musique d'ouverture - que l'on
retrouve dans la danse finale. Ce morceau annonce toutes les musiques qui vont
suivre. C'est le même thème que l'on va inexorablement répéter, explorer. Roman
est comme beaucoup de ces metteurs en scène, sinon de la Nouvelle Vague, en
tout cas de l'époque de la Nouvelle Vague, qui, avec des compositeurs comme
Georges Delerue, Maurice Jarre et d'autres, avaient ce sens de la dramaturgie :
dès le début du film, la musique annonçait ce que serait le film. «
La Peau douce » en est le plus bel exemple : alors que la scène du début
est tout à fait quotidienne, la musique est extrêmement dramatique et dit bien
ce que va être réellement le film. Ici, c'est la même chose, ce long mouvement
de caméra subjectif qui, sous la pluie, nous emmène jusqu'au théâtre, est
accompagné d'une étrange musique, qui a un rythme impair - elle est en 9/4.
C'est en fait un rythme grec, que les initiés peuvent connaître, et pour cette
musique d'inspiration grecque, j'utilise des instruments grecs. Dès le début donc, j'injecte une dose de «
grécité » - qui est d'ailleurs en moi puisque je suis à moitié grec.
Et pourquoi cette note de « grécité »
particulièrement sur ce film-là ?
Eh bien parce que
Aphrodite apparaît à la fin ! (rires) Il y a beaucoup de tiroirs dans le
cinéma de Roman et il m'invite à jouer avec tous ces tiroirs. C'est comme de
s'amuser avec les matriochkas, ces poupées russes où il y en a d'abord une,
puis une autre à l'intérieur, puis une autre encore, puis une autre... C'est
très excitant. Mais évidemment il faut quelqu'un du talent et de la folie de
Roman pour vous laisser - et c'est vrai avec tous ses collaborateurs - vous
amuser à chercher, à creuser encore et encore à la découverte de pépites. C'est
vraiment grâce à son instinct et à son énergie que j'en suis arrivé là.
Avez-vous
trouvé facilement cette musique d'ouverture ?
Roman dégage une énergie et un désir
tellement incroyables que lorsque je travaille avec lui, cela va très, très
vite. Pour « The Ghost Writer »,
c'est venu très vite, pour « Carnage » aussi. Il y a entre nous
quelque chose de fusionnel qui fonctionne vraiment très bien. Ce n'est pas
toujours le cas malheureusement avec tous les metteurs en scène, pas toujours
aussi rapides et pas toujours aussi flamboyants mais Roman aime la musique. Il
aime la musique au cinéma et il aime la musique dans ses films ; donc,
évidemment, pour moi, il est un interlocuteur magique. Je sens que tout est
possible avec lui. Il n'y a qu'à écouter les musiques de ses films, en
particulier ceux du début avec Krzysztof Komeda, ou
celle du « Locataire », de Philippe Sarde, qui sont des merveilles,
pour réaliser à quel point il est inspirant. Il offre au compositeur un espace,
une terra incognita, et il lui dit simplement : «
Vas-y ! »
Est-ce
qu'il se décide rapidement ?
Oui. Pour « The Ghost Writer », par exemple,
il a entendu une seule fois un morceau que je lui proposais et a décidé
immédiatement que ce serait la musique du générique du début. Une fois, et
c'était fait ! Pareil pour La Vénus... lorsque je lui ai envoyé le morceau
d'ouverture, il m'a juste dit : « Eh bien voilà, c'est ça ! »
Vous avait-il auparavant défini le type de musique,
le ton qu'il souhaitait ?
Non, il n'y avait pas vraiment une
définition en termes musicaux... Je crois que la danse archaïque de la fin a
aussi été un déclencheur. Le fait que je puisse créer sur un rythme grec, qu'il
y ait finalement cette apothéose du film qui part complètement ailleurs d'une
manière totalement inattendue, cela aussi m'a donné des ailes. Des ailes...
d'Hermès !
De quelle manière diriez-vous que vos rapports ont
évolué depuis The Ghost Writer ?
Déjà, on a retravaillé ensemble
et... je m'en réjouis ! Je l'admire tellement que la première fois où je l'ai
vu, il y a cinq ou six ans, à un dîner chez des amis, je n'ai pas osé lui
parler. Ma passion de son cinéma était telle que je ne savais pas comment
m'approcher de lui ! Aujourd'hui, nos rapports sont plus simples. Quand on
travaille, nous sommes à égalité, nous sommes assis l'un à côté de l'autre au
piano et nous cherchons. Je lui propose des choses et il donne son sentiment.
En fait, nous nous amusons. Il y a une grande part de jeu et de plaisir à
travailler ensemble. Je crois que ce qui nous réunit à chaque fois que nous
commençons une collaboration, c'est que nous savons que nous allons nous
surprendre l'un l'autre. On est toujours dans cette même fascination de ce que
la musique peut apporter à la dramaturgie dans un film. Les possibilités sont
tellement infinies.
Surtout
sur ce film-là qui est une sorte de jeu de miroirs à l'infini...
C'est vrai... Il arrive que je
travaille sur des films où, lorsque je les revois plusieurs fois, aux séances
de travail, aux projections, à la première, je n'ai plus forcément la même
sensation de nouveauté qu'a la toute première projection. La Vénus..., je suis
allé sur le tournage, je l'ai vu et revu, je le vois et le revois, et à chaque
fois j'ai une sensation de fraîcheur, je remarque quelque chose de différent,
je décèle de nouvelles choses. Il y a un tourbillon d'énergie dans ce film qui
n'est vraiment pas commun. Comme je l'ai dit, Roman pensait dès le début qu'il
fallait beaucoup de musique parce qu'il savait que le voile serait levé et que
les mystères du film et de l'histoire seraient amplifiés. Cette amplification,
d'ailleurs, est flagrante la première fois où Emmanuelle entre dans le
personnage de Wanda et que Mathieu se retourne vers elle : la musique démarre
et là, grâce à elle, on est en fait projeté dans la fiction. Et la musique joue
de ces jeux de miroirs dont vous parlez : elle ne s'interrompt pas forcément
quand ils s'interrompent de jouer, et parfois en revanche elle s'interrompt et
ne reprend pas tout de suite lorsqu'ils redémarrent dans le jeu. Tout cet
équilibre subtil est fait en sorte que cela ne devienne pas didactique mais
crée une fluidité dans la narration musicale, et participe ainsi à cette
confusion qui, peu à peu, s'installe dans leurs rapports et dans le film.
Roman Polanski suit-il le processus de création de
la musique à chaque étape, jusqu'aux séances d'enregistrement ?
Bien sûr, il adore ça. Nous avons
enregistré à Paris, il est venu avec nous au studio, il donne encore des
indications. Et il continue ensuite, au calage des musiques, aux premières
projections où les musiques sont mixées... Il ne lâche rien, mais, de manière
générale, les grands cinéastes ne lâchent rien.
On est surpris en regardant La Vénus... de voir à
quel point ce film, qui est venu jusqu'à lui, renvoie pourtant à son œuvre.
Cela vous a-t-il frappé aussi en travaillant dessus et en avez-vous tenu compte
?
Évidemment, cela m'a frappé - mais
je n'en ai pas tenu compte, non, chaque film est différent. Déjà, à la lecture,
tous ces échos avec son œuvre étaient évidents. Et en plus, lorsqu'on voit la
manière dont Mathieu Amalric joue ce personnage, cela
ne fait que renforcer cette impression. Non seulement il lui ressemble
physiquement mais il évoque Roman jusque dans sa manière de se comporter, de
marcher dans la scène où elle lui a mis du rouge à lèvres et qu'il a des talons
hauts... Comment alors ne pas penser au « Locataire » ? Il a trouvé
là un univers singulièrement très proche du sien.
Qu'est-ce
qui vous a le plus frappé en allant sur le tournage ?
Sa direction d'acteurs. Sa précision
infaillible et l'énergie qu'il dépense, sautillant partout. Sa concentration
impressionnante et son exigence de chaque mouvement, de chaque détail, de
chaque point de lumière, de chaque mouvement de la main d'un acteur ou d'une
actrice... C'est très impressionnant de voir Polanski travailler, vraiment.
Si vous ne deviez garder qu'un moment de toute cette
aventure de La Vénus à la fourrure.
Je crois que c'est lorsqu'il a
entendu la musique du générique, de la danse finale. Je n'étais absolument pas
sûr de sa réaction. Et de le sentir à la fois tellement heureux et tellement
surpris, tellement excité par cette musique qu'il trouvait juste, c'était
forcément stimulant. C'est toujours cela que l'on recherche et cette justesse
est tellement difficile à trouver que lorsqu'on la trouve et que c'est Roman
Polanski qui vous dit que c'est juste, le moment ne peut être que magique.
Entretien extrait du dossier de
presse du film.
Hommage à Wojciech Kilar
DR
Le 29 décembre 2013, à 81 ans, disparaissait Wojciech Kilar. On lui doit la
partition monumentale du « Dracula » de Coppola, le thème si délicat au
piano du dessin animé « Le Roi et l'oiseau » de Grimault. En 2002, il
obtint le César de la meilleure musique écrite pour un film pour « Le
Pianiste » de Polanski. Wojciech Kilar est né le 17 juillet 1932 à Lwow, à l’époque en
Pologne, aujourd’hui en Ukraine. Il a suivi ses études à l’Académie de Musique
de Katowice puis a été l’élève de Nadia Boulanger à Paris.Compositeur de musique classique (Concerto pour piano, Misa pro Pace, Magnificat, Requiem, September Symphony…), il compose,
dès les années soixante, pour l’écran, surtout pour des réalisateurs polonais
tels que Krzysztof Zanussi et plus tardivement
pour Andrzej Wajda. A Hollywood, il
s’est fait connaître dans les années 90 et a travaillé avec Roman Polanski,
Francis Ford Coppola, James Gray, James Campion. Plus récemment, il a composé
la musique du film de Philippe Lioret « Welcome ». « Il
fut l'une des figures les plus importantes de la culture polonaise » a
déclaré Waldemar Dabrowski, directeur de l'Opéra de Varsovie.
On trouve, bien sûr, en CD « Dracula», « Le
Roi et l'oiseau », « Welcome », « Le
Pianiste », mais aussi « Chronique des évènements amoureux » de
Wajda, « Death and the maiden » et « La neuvième porte » de Polanski. Une compilation de quelques
musiques pour le cinéma est sortie chez Naxos, interprétée par l’Orchestre de
la Radio Polonaise sous la direction du célèbre chef d’orchestre Antoni Vit.
http://www.youtube.com/watch?v=j3_ew_pvPXE
Stéphane Loison.
***
Le CASCA
Comité d'Aide et de Soutien aux Chœurs Amateurs
Qui sommes-nous ?
Le CASCA est un Fonds de Dotation créé,
en 2010, par une chef de chœur, Michèle Lhopiteau-Dorfeuille, elle-même à la tête de trois chœurs amateurs.
Il est géré par un Conseil d’Administration actuellement formé de quatre
membres, eux-mêmes choristes et chanteurs, auxquels d’autres chefs ou
présidents de chœurs sont conviés à se joindre. Jean-Claude Casadesus en est le
Président d’honneur. Le
CASCA souhaite apporter un soutien financier à des chœurs amateurs, en
privilégiant les chœurs de jeunes et d’enfants.
Qu’entendons-nous
par « chant choral amateur ? » : il s’agit d’une
pratique artistique de groupe exercée par des personnes qui ne sont pas
rémunérés et qui chantent donc pour leur plaisir. Les chœurs amateurs sont
tous régis par la loi de 1901, et les CA qui les dirigent toujours formés de
bénévoles.
Pourquoi
aider cette activité (qui semble autosuffisante) ? Parce que ces
chœurs sont aujourd’hui de plus en plus souvent encadrés (chef de chœur et
pianiste durant les répétitions) et accompagnés (instrumentistes et chanteurs
solistes pendant les concerts) par des professionnels compétents, eux-même rémunérés. Le chant choral amateur est devenu,
depuis quelques années, un véritable gisement d’emplois non délocalisables,
qui permet de vivre à de jeunes chefs, de jeunes instrumentistes et de jeunes
chanteurs professionnels, pour la plupart intermittents du spectacle. L'aspect
« humaniste » du chant choral amateur se double donc d’un intérêt
économique certain.
Le
CASCA est convaincu que le chant choral amateur fait partie du panorama musical de notre pays et qu’il est un vecteur
essentiel d’intégration et de citoyenneté. Il anime le territoire, en
proposant des concerts de qualité, et à des prix abordables, à une population
qui, sans cela, n’aurait jamais accès à la culture - particulièrement en milieu rural. C’est grâce au chant choral amateur,
et à lui seul, que le public peut, en effet, entendre un vaste et riche
répertoire chœur/orchestre, que les chœurs professionnels en activité ne
mettent que peu à leur programme, pour cause d’effectifs insuffisants. Le CASCA
agit donc dans une démarche culturelle d'intérêt général.
L'action du CASCA
participera au maintien sur le long terme de ce chant choral amateur à qui la
conjoncture économique actuelle n'est pas favorable et qui concerne pourtant
des centaines de milliers de personnes dans notre pays : des réductions
drastiques de subventions publiques sont, en effet, programmées, alors que
jamais le niveau musical de ces chœurs n’a jamais été aussi élevé.
De surcroit, la pratique régulière et sérieuse du
chant choral est, pour les jeunes, la meilleure école qui soit et la meilleure
formation à la citoyenneté : elle exige en effet un engagement réel sur le long
terme, la faculté d’écouter les autres et de suivre des consignes extrêmement
précises, le tout dans une atmosphère conviviale et chaleureuse dont toute
compétition est bannie, puisque ce sont les progrès de l’ensemble des participants
qui importent.
Modalités
de fonctionnement du CASCA
Montant
de l’aide apportée par le CASCA : l’aide ponctuelle pour chaque
dossier déposé ne pourra dépasser un montant plafond qui sera fixé chaque année
par le Conseil d’Administration, en fonction des rentrées d’argent dans le
Fonds de Dotation. L’aide ne sera attribuée qu’après délibération du Conseil
d’Administration et sera conditionnée à la transparence comptable des groupes
demandeurs.
Origine des fonds : Le CASCA ne peut
pas demander de subventions publiques car il ne pourrait pas,
légalement, les redistribuer. Les financements ne pourront donc provenir
que du mécénat privé - sachant que
les dons, qu'ils proviennent d'une société ou d'une personne, seront
partiellement déductibles des impôts, le CASCA étant un Fonds de Dotation
d’intérêt général et à visées culturelles.
Les actions du
CASCA seront menées avec discernement et les fonds attribués à la suite d’un
vote, après évaluation des chorales demanderesses selon une grille précise et suivant les
mêmes critères que les évaluations faites pour les demandes d'agrément
(défiscalisation). Tous les Fonds de Dotation sont par ailleurs sous la tutelle
du CNCC (Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes), organisme officiel,
national et indépendant.
Le CASCA accompagnera de son mieux les chœurs de jeunes
et d’enfants, seuls capables de faire vivre sur le
long terme le chant choral amateur : en leur permettant de louer
un local, de payer une assurance, d’acheter des partitions, d’affréter un autobus
pour se rendre à telle ou telle semaine chantante, voire d’offrir une formation vocale à ses
membres. Des jeunes qui, répétons-le, ne pourront que tirer le plus grand
profit du sérieux, de l’engagement et de la rigueur que requiert la pratique du
chant choral de qualité.
Les DONS sont reçus sous forme de chèques libellés à l’ordre du CASCA et envoyés à
l’adresse suivante :
CASCA,
S/C de Michèle Lhopiteau
Le Bourg
24140 Maurens
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votre activité, votre programme éditorial ou votre saison musicale dans L’éducation musicale, dans notre Lettre
d’information ou sur notre site Internet, n’hésitez pas à me contacter au 01 53
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La librairie de L’éducation
musicale
Publié l'année même de son ouverture, cet ouvrage raconte avec beaucoup de précisions la conception et la construction du célèbre bâtiment. Le texte est remis en pages et les gravures mises en valeur grâce aux nouvelles technologies d'impression. |
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Pour la première fois, le Tchèque Leoš Janácek (1854-1928), le Finlandais Jean Sibelius (1865-1957) et l'Anglais Ralph Vaughan Williams (1872-1958) sont mis en perspective dans le même ouvrage. En effet, ces trois compositeurs - chacun avec sa personnalité bien affirmée - ont tissé des liens avec les sources orales du chant entonné par le peuple. L'étude commune et conjointe de leurs itinéraires s'est avérée stimulante tant les répertoires mélodiques de leurs mondes sonores est d'une richesse émouvante. Les trois hommes ont vécu pratiquement à la même époque. Ils ont été confrontés aux tragédies de leur temps et y ont répondu en s'engageant personnellement dans la recherche de trésors dont ils pressentaient la proche disparition. (suite). |
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Ce guide s’adresse aux musicologues, hymnologues, organistes, chefs de chœur, discophiles, mélomanes ainsi qu’aux théologiens et aux prédicateurs, soucieux de retourner aux sources des textes poétiques et des mélodies de chorals, si largement exploités par Jean-Sébastien Bach, afin de les situer dans leurs divers contextes historique, psychologique, religieux, sociologique et surtout théologique. Il prend la suite de La Recherche hymnologique (Guides Musicologiques N°5), approche méthodologique de l’hymnologie se rattachant à la musicologie historique et à la théologie pratique dans une perspective pluridisciplinaire. Nul n’était mieux qualifié que James Lyon : sa vaste expérience lui a permis de réaliser cet ambitieux projet. Selon l’auteur : « Ce livre est un USUEL. Il n’a pas été conçu pour être lu d’un bout à l’autre, de façon systématique, mais pour être utilisé au gré des écoutes, des exécutions, des travaux exégétiques ou des cours d’histoire de la musique et d’hymnologie. » (suite) |
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Cet ouvrage regroupe pour la première fois les 43 chorals de Martin Luther accompagnés de leurs paraphrases françaises strophiques, vérifiées. Ces textes, enfin en accord avec les intentions de Luther, sont chantables sur les mélodies traditionnelles bien connues. Aux hymnologues, musicologues, musiciens d'Eglise, chefs, chanteurs et organistes, ainsi qu'aux historiens de la musique, des mentalités, des sensibilités et des idées religieuses, il offrira, pour chaque choral ou cantique de Martin Luther, de solides commentaires et des renseignements précis sur les sources des textes et des mélodies : origine, poète, mélodiste, datation, ainsi que les emprunts, réemplois et créations au XVIè siècle... (suite) |
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Mozart aurait-il été heureux de disposer d'un Steinway de 2010 ? L'aurait-il préféré à ses pianofortes ? Et Chopin, entre un piano ro- mantique et un piano moderne, qu'aurait-il choisi ? Entre la puissance du piano d'aujourd'hui et les nuances perdues des pianos d'hier, où irait le cœur des uns et des autres ? Personne ne le saura jamais. Mais une chose est sûre : ni Mozart, ni les autres compositeurs du passé n'auraient composé leurs œuvres de la même façon si leur instrument avait été différent, s'il avait été celui d'aujourd'hui. Mais en quoi était-il si différent ? En quoi influence-t-il l'écriture du compositeur ? Le piano moderne standardisé, comporte-t-il les qualités de tous les pianos anciens ? Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Qui a raison, des tenants des uns et des tenants des autres ? Et est-ce que ces questions ont un sens ? Un voyage à travers les âges du piano, à travers ses qualités gagnées et perdues, à travers ses métamorphoses, voilà à quoi convie ce livre polémique conçu par un des fervents amoureux de cet instrument magique.
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En préparation
Analyses
musicales
XVIIIe siècle – Tome 1
L’imbroglio
baroque de Gérard Denizeau
BACH
Cantate BWV 104 Actus tragicus Gérard Denizeau Toccata ré mineur Jean Maillard Cantate BWV 4 Isabelle Rouard Passacaille et fugue Jean-Jacques Prévost Passion saint Matthieu Janine Delahaye Phœbus et Pan Marianne Massin Concerto 4 clavecins Jean-Marie Thil La Grand Messe Philippe A. Autexier Les Magnificat Jean Sichler Variations Goldberg Laetitia Trouvé Plan Offrande Musicale Jacques Chailley
COUPERIN
Les barricades mystérieuses Gérard Denizeau Apothéose Corelli Francine Maillard Apothéose de Lully Francine Maillard
HAENDEL
Dixit Dominus Sabine Bérard Israël
en Egypte Alice Gabeaud
Ode à Sainte Cécile Jacques Michon L’alleluia du Messie René Kopff
Musique feu d’artifice Jean-Marie Thill |
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Paru en juillet
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Où trouver le numéro du Bac ?
Les analyses musicales de L'Education Musicale