www.leducation-musicale.com
Janvier-Février 2011 - n° 569
novembre-décembre 2010
n° 568
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Supplément Bac 2011
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septembre-octobre 2010
n° 567
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Sommaire :
1. Editorial : "Maisons de culture et... tolérance ?"
2. Sommaire du n° 569
3. Informations générales
4. Varia
5. Manifestations et concerts
6. Colloque Heinrich Schütz
7. Echos de Liszt et d'au-delà
8. Recensions de spectacles et concerts
9. Annonces de spectacles et concerts
10. L'édition musicale
11. Bibliographie
12. CDs et DVDs
13. La vie de L’éducation musicale
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Maisons de culture et… tolérance ?
Si, en dignité et
en droit, nous sommes tous égaux, certains le sont assurément plus que d’autres.
Ainsi du fameux renard libre dans le poulailler libre…
N’en va-t-il pas de même pour nos diverses cultures ?
Si toutes méritent, en effet, un égal respect, je ne sache pas qu’elles soient également
policées. Sauf à considérer le cannibalisme ambiant de nos sociétés comme
l’expression d’un goût ordinaire…
Reconnaissons toutefois, à la décharge de
l’Occident chrétien, qu’il est bien seul à avoir depuis toujours accueilli, en
ses musées, médiathèques ou salles de concert, toutes les productions artistiques
du monde, fussent-elles larvaires ou crépusculaires…
Devons-nous, pour autant, tolérer que se
déversent aujourd’hui, en nos temples de culture, pareils flots de vagissements
haineux, au fallacieux prétexte que les canaliser serait contraire à nos
valeurs sacrées de liberté, d’égalité et de fraternité, si ce n’est de
laïcité ?
Le rejet de tels comportements ne serait-il
pas, bien au contraire, la plus sûre manière de préserver nos idéaux ?
Francis B. Cousté.
Haut
Le
quatuor, figure emblématique de la musique occidentale
Bernard
Fournier
Reflets
et extension de la pensée schoenbergienne dans les quatuors à
cordes de Webern
Marie
Delcambre-Monpoël
La
chanson française : microsillon et macromutations
Céline
Chabot-Canet
Henryk
Górecki, une voix sacramentelle s’élevant sur les
débris d’une civilisation en fureur
Sylviane
Falcinelli
Henri
Demarquette ou l’émerveillement du lyrisme
Sylviane
Falcinelli
Entretien
avec Laurent Guirard
Hélène
Jarry
La
grille d’Hélène Jarry
***
BOEN n°1 du 6 janvier 2011. Baccalauréat
technologique « Techniques de la musique et de la danse ». Liste
des morceaux au choix pour l’épreuve d’exécution instrumentale & pour
l’épreuve d’exécution chorégraphique, session 2011. Renseignements : www.education.gouv.fr/cid54381/mene1030287n.html
BOEN spécial n°1 du 27 janvier 2011. Programme
des concours de recrutement de personnels de l’enseignement du second degré,
session 2012. Renseignements : www.education.gouv.fr/pid25040/special-n-1-du-27-janvier-2011.html
Le Bulletin officiel de l’Éducation nationale est librement consultable sur :
www.education.gouv.fr/pid285/le-bulletin-officiel.html
Hôtel de
Rochechouart,
siège du ministère ©DR
Prix des Muses / Bourse des Muses. Palmarès majeur en matière
d’ouvrages consacrés à la musique classique, au jazz et aux musiques traditionnelles
(études musicologiques, biographies, romans…), publiés en langue française au
cours de l’année précédente, tel est le Prix des Muses. La
Bourse des Muses est, quant à elle, destinée à aider l’auteur d’un projet
d’ouvrage consacré à la musique des XXe et XXIe siècles.
Les dossiers d’inscription doivent parvenir à l’Association pour la création et
la diffusion artistiques (ACDA) avant le lundi 21 février 2011. Renseignements : ACDA/Bourse des Muses – 5, passage Piver, Paris XIe.
Tél. : 01 40 33 45 35. www.acanthes.com/muses.html ou : www.acanthes.com/muses/bourse2011.html
« 2011, année des Outre-mer ». De
nombreuses manifestations musicales émailleront 2011. En mars, le
festival Banlieues bleues de
Seine-Saint-Denis s’ouvrira avec le jazz des Caraïbes. En juin, à Angoulême, Musiques métisses accueillera
les Antilles, la Guyane, La Réunion et Mayotte. En juillet, les Francofolies de La Rochelle offriront à l’outre-mer leur grande scène. En août, les Escales de Saint-Nazaire &, en
décembre, le festival Africolor de
Seine-Saint-Denis célèbreront leur compagnonnage avec La Réunion. En
avril, à Grenoble, le festival de jazz Les Détours
de Babel et, en mai, à Coutances, Jazz
sous les pommiers rendront leur propre hommage aux musiques ultramarines.
Hommages seront, en outre, rendus au Chevalier de Saint-Georges et à la
cantatrice d’origine martiniquaise Christiane Eda-Pierre. Outre d’innombrables
autres actions musicales en Métropole et Outre-mer, à découvrir sur : www.2011-annee-des-outre-mer.gouv.fr
Polytonalités. Participeront à cette Journée d’études :
Philippe Malhaire (rédacteur en chef d’Euterpe),
Marc Rigaudière (Université Paul Verlaine de Metz),
Grégoire Caux (Université Paris-Sorbonne), Max Noubel (Université de
Bourgogne), Mathias Roger (Université Paris-Sorbonne), Jean-Michel Court
(Université Toulouse Le Mirail), Daniel Top (directeur du Festival
international Albert Roussel), Jérôme Rossi (Université de Nantes),
Ludovic Florin (Université Toulouse Le Mirail) et
Franck Jedrzejewski (Université Paris-XI). Renseignements : omf@noos.fr
Le 7e Festival européen Latin-Grec se déroulera, les
17, 18 et 19 mars 2011, au Grand Amphithéatre de Paris-Sorbonne et au théâtre
Dejazet. Concerts (musique grecque antique), théâtre & chants,
spectacles, lectures, ateliers, expositions… Renseignements : 06
24 58 78 64. www.festival-latin-grec.eu
« Georges Brassens ou la liberté ». Cette
exposition se tiendra à Paris, Cité de la musique, du 16 mars au 15 juin
2011. Commissaires : Joann Sfar (dessinateur) &
Clémentine Deroudille (historienne de l’art). Nombreux documents
inédits : manuscrits et carnets, sons d’archives, images télévisuelles,
photos (R. Doisneau, J.-P. Leloir, P. Cordier, etc.), guitares…
Concerts avec notamment : Emily Loizeau, La Campagnie des Musiques
à Ouïr, La Pompe Moderne, Les Wampas… Gestion de la partie
musicale confiée à Olivier Daviaud. Au cours du « Championnat
du monde des Brassens », des collégiens ou lycéens - gravement moustachus
- concourront devant caméra. Renseignements : www.citedelamusique.fr/francais/cycle.aspx?id=367
©Sud
Les Musiques, festival international des musiques d’aujourd’hui, se
déroulera, à Marseille, du 4 au 14 mai 2011. Avec, notamment, des
créations d’œuvres de : Thomas Valentin (Chez Lucile),
Alexandros Markeas (Bacchanales), Andrea Liberovici (Mephisto’s Songs),
Jonathan Harvey, Stefano Bassanese, Gianluca Verlingieri,
Martin Matalon… Renseignements : Gmem – 15, rue
de Cassis, 13008 Marseille. Tél. : 04 96 20 60 10. www.gmem.org
« Il Garda ín Coro ». La 3e édition de ce Concours international pour chœurs d’enfants (Corale Voci Bianche) se déroulera
du 17 au 21 avril 2012, à Malcesine, sur le
lac de Garde. Renseignements : +39 045
6570332. www.ilgardaincoro.it
Dame Emma Kirkby, soprano britannique [notre photo], vient
d’être honorée par « Her Majesty’s
Medal for Music (2010) ». Précédents lauréats :
Sir Colin Davis (2009), Kathryn Tickell (2008), Professor
Judith Weir (2007), Bryn Terfel (2006), Sir Charles Mackerras
(2005). Renseignements : www.royal.gov.uk
***
Haut
Le CRÉA invité des Victoires de la musique classique. Le lundi
14 février 2011, à 20h35, en direct sur France 3 &
France Musique, depuis la Cité internationale des Congrès de Nantes, le désormais
célèbre « Centre d’éveil artistique d’Aulnay-sous-Bois » (dir.
Didier Grojsman) se produira, accompagné par l’Orchestre national des Pays
de Loire (dir. John Axelrod). Renseignements : 01 48 79 66
27. www.lecrea.fr
Boulevard
du Swing ©DR
Le piano Steingraeber que posséda Liszt sera en tournée
dans toute l'Europe et fera escale à Paris le 5 mars 2011, où il résonnera
sous les doigts de Nicolas Stavy (au programme : Liszt &
Schumann), dans une salle… américaine. Renseignements : Reid Hall Columbia University Global Center/Europe (4, rue de Chevreuse
Paris VIe. Tél. : 01 43 20 33 07. www.reidhall.com).
Lisztflügel
(1873) ©Steingraeber
Visites-conférences à Versailles... « L’orgue de la cathédrale Saint-Louis, des
origines à nos jours », le jeudi 24 mars, à 14h30 (entrée de la
cathédrale). « La maison des
musiciens italiens et le musée de l’Union compagnonnique », le samedi
2 avril, à 14h30 (15, rue Champ-Lagarde). « La féerie des Grandes eaux musicales et le bosquet des
Bains d’Apollon restauré », le samedi 30 avril, à 15h15 (statue
équestre de Louis XIV, place d’Armes). Renseignements : 01
39 24 88 88. www.versailles-tourisme.com
Le pianiste hongrois András Schiff a déclaré au Frankfurter Allgemeine ne plus vouloir rentrer dans son pays –
où, selon lui, se serait installée une véritable dictature dans le domaine des
arts et des médias. Rejoint, en cela, par le chef d’orchestre
Ádám Fischer qui a démissionné de son poste de directeur musical de
l’Opéra d’État de Hongrie. Dans une lettre commune, les deux musiciens
encouragent d’autres artistes à les rejoindre : « En Hongrie, la vie
quotidienne est infestée de racisme, d’homophobie et d’anti-sémitisme ; la
liberté des médias, de l’art et de la culture est constamment réprimée. »
©DR
L’Association « Quinte Juste » s’est donné pour
tâche de publier & traduire, sur Internet, les écrits du regretté
Serge Cordier, accordeur/acousticien, inventeur du « Tempérament égal à quintes justes »,
d’organiser des démonstrations, conférences, stages… Membres du Bureau :
Michèle Cordier, Paul Dubuisson, Jean Lenoble. Renseignements : 25 B, rue du Ruisseau, 30380 Saint-Christol-lez-Alès. 5.juste@orange.fr
Serge
Cordier ©DR
Éloquence des chiffres… Selon la Fédération internationale des
musiciens (FIM), il y aurait :
- en
Finlande : un orchestre pour 165 000 habitants
- en
Allemagne : un orchestre pour 615 000 habitants
- en
Autriche : un orchestre pour 640 000 habitants
- en
France : un orchestre pour 1 700 000 habitants
Renseignements : 21bis, rue Victor-Massé, Paris IXe.
Tél. : 01 45 26 31 23. www.fim-musicians.com
Benoît
Machuel, secrétaire général ©DR
Trois siècles d'art et d'histoire maçonnique sur le
net : le
Musée de la franc-maçonnerie lance son site Web. Créé en 1889, cet
établissement vient de rouvrir dans une muséographie complétement
renouvelée. Ainsi le public peut-il désormais préparer sa visite et,
grâce à une visite virtuelle, découvrir les collections : www.museefm.org (on peut, sans grave inconvénient,
ne pas mettre le son…). Renseignements : 16, rue Cadet,
Paris IXe. Tél. : 01 45 23 43 97. eloise.auffret@godf.org
Tablier
de Voltaire ©GODF
La GEMA, homologue allemand de la Sacem, aurait sommé 36 000 crèches ou
jardins d’enfants d’acquitter des droits d’auteur sur les « chansons &
comptines reproduites ou interprétées en public sans autorisation ».
Initiative que le Bild (plus
important quotidien d’outre-Rhin) a qualifiée d’« idiotie bureaucratique ».
Markus Sackmann (député conservateur du Land de Bavière) a, pour sa part,
déclaré : « La transmission de copies de partitions permet aux
familles d’origine immigrée de mieux s’intégrer. Il n’est pas souhaitable
d’introduire des complications inutiles ». Renseignements : www.gema.de
©DR
Accent 4, radio associative de musique classique, se flatte d’être « libre de toute publicité & de tout bla-bla » : http://www.accent4.com
Renata Harbulot, secrétaire nationale de l’Association des professeurs
d’Éducation musicale (APEMu), interprète, avec bonheur, la chanson
française : www.confidences-chanson.fr
©DR
Selon le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), le chiffre
d’affaires de l’industrie phonographique a connu en France, en 2010, une baisse
de 5,9 %. La musique classique accuse une baisse de 5,7 % de
parts de marché (contre 6,3 % en 2009), tout comme le jazz qui baisse de
3,3 % (contre 3,9 % en 2009). Renseignements : www.disqueenfrance.com
Le Musée de la musique vient d’acquérir un orgue de salon, œuvre
de Jean-Baptiste Schweickart, facteur d’origine germanique installé à Paris
vers 1768. Daté de 1784, cet instrument est l’un des très rares orgues de
salon français à nous être parvenus. Son premier acquéreur fut le comte
d’Ogny (1757-1791), l’un des fondateurs de la Société Olympique, loge
maçonnique qui possédait son propre orchestre que dirigeait le chevalier de
Saint-Georges (1745-1799), lequel passa commande à Joseph Haydn des Symphonies
dites « parisiennes ».
***
Haut
« Aimer Bruno Maderna ». Cette manifestation se
déroulera le jeudi 3 février 2011, de 10h00 à 18h00, au Centre de documentation
de la musique contemporaine (CDMC). Coordination : Laurent Feneyrou.
Avec le concours de : Alain Poirier, Geneviève Mathon &
Ivanka Stoianova, Giordano Ferrari & Jean-François Trubert,
Nathalie Ruget & Vincent Tiffon, Pierre Albert Castanet,
Paul Mefano & Gianfrano Vinay, Frédéric Durieux &
Stefano Gervasoni. Ponctuations musicales :
Nicolas Miribel et les Solistes de l’Itinéraire. Entrée libre (sur réservation au : 01 47 15 49 86). Renseignements : 18,
place de la Fontaine-aux-Lions, Paris XIXe. www.cdmc.asso.fr ou www.musiquecontemporaine.fr
Duo violon-violoncelle, au Château de la Petite Malmaison. Le dimanche 6
février 2011, à 17h00 [Visite des salons proposée à 15h30]. Avec
Vadim Tchijik (violon) & Fabrice Loyal (violoncelle). Programme : Duo n°1 de Beethoven, Sonate de Ravel. Inventions à deux voix de
J. S. Bach, Duo op.7 de Zoltan Kodály. Renseignements : 229bis, avenue Napoléon Bonaparte,
92500 Rueil-Malmaison. Tél. : 01 47 32 02 02. www.chateaupetitemalmaison.com
Maison de l’Amérique latine. Le jeudi 10 février, à 20h00 :
« Tribune de la musique & du spectacle », animée par
Oscar Barahona, Jean-Claude Élias, Nelson Gómez,
Francisco González, Michel Plisson (entrée libre). Le vendredi
11 février, à 21h00 : Concert du guitariste et compositeur argentin Martín
Fernando Ackerman (°1977). Renseignements : 217, bd
Saint-Germain, Paris VIIe. Tél. : 01 49 54 75
00. http://culturel.mal217.org
Martín
Fernando Ackerman ©DR
« Outre-mers… » Le jeudi 10 février 2011, à 20h00,
en l’église Saint-Louis des Invalides (129, rue de Grenelle,
Paris VIIe), le chœur L’Échelle (dir. Caroline Marçot
& Charles Barbier) et l’ensemble Le Sans-Pareil (dir. Bruno Procopio)
donneront : Missa Grande (ca 1790) du luso-brésilien Marcos
Antonio Portugal (1762-1830) et Quetzal (2002) de Caroline Marçot (°1974). Renseignements : 01
44 42 35 07. www.invalides.org/pages/dp/ProgrammemusicalEDD20.pdf
Anima Eterna Brugge, dir. Jos van Immerseel, propose un
programme Liszt (Les Préludes, 2e Concerto pour piano,
soliste Pascal Amoyel) & Wagner (Siegfried-Idyll,
Prélude du IIIe acte de Lohengrin),
à l’Auditorium de Dijon (4 février, 20h), au Bozar de Bruxelles
(11 février, 20h) et au Centre Bijloke à Gent (12 février,
20h). Renseignements : +32 50 95 09 29. www.animaeterna.be
Jos
van Immerseel ©DR
« Objectif Paradis » par l’Ensemble intercontemporain
(dir. Ludovic Morlot). Le vendredi 11 février, à 20h00, en la Salle des
concerts de la Cité de la musique, seront données des œuvres de
Julian Anderson (The Comedy of
Change, « œuvre en évolution », 2009), Elliott Carter (On conversing with Paradis, pour baryton
& ensemble, 2009) et Kaija Saariaho (Graal Théâtre, version de chambre pour violon & ensemble,
1994). Avec Leigh Melrose (baryton) et Jeanne-Marie Conquer
(violon). Renseignements : 221, avenue Jean-Jaurès, Paris XIXe.
Tél. : 01 44 84 44 84. www.cite-musique.fr
« Musicatreize » & « Concerto Soave » présentent : Tresses et Détresse (œuvres de Giovanni
de Macque, Sigismondo D’India, Lars Edlund, Claudio Monteverdi,
Jesper Nordin & Philippe Gouttenoire). Le samedi 12 février,
à 20h00 (Cité de la musique, Paris), le mercredi 23 mars, à 20h30
(Festival « Mars en Baroque », Marseille), le jeudi 24 mars, à
20h30 (Théâtre, Poissy). Renseignements : 04 91 00 91
31. www.musicatreize.org
Musicatreize ©Guy
Vivien
L’Italie repensée : Un
paese vuol dire.
Le mardi 15 février 2011, au Studio Ernest-Ansermet de Genève. À 19h15 :
présentation du concert. À 20h00 : concert. Œuvres de
Luca Francesconi, Luigi Nono & Luigi Dallapiccola.
Avec Clémence Tilquin (soprano), Antoine Françoise (piano) et l’Ensemble
Contrechamps, dir. Renato Rivolta. Renseignements : +41
(0)22 329 24 00. www.contrechamps.ch
Ensemble
Contrechamps ©Michael Seum
« Montpellier à 100 % ». Ce festival, notamment
musical (pop, folk, hip hop…), se déroulera du 16 au 27 février
2011. Renseignements : www.festival100pour100.com
« Nuit Xenakis », le vendredi 18 février 2011 (à 19h, 21h,
23h), en la salle Varèse du CNSMD de Lyon. Classes de percussions des
CNSMD de Lyon & de Paris / Département danse. Entrée libre. Renseignements : 04 72 19 26 61. www.cnsmd-lyon.fr
©Blaise Adilon
« Srishtii », à l’auditorium du musée Guimet. Le vendredi
25 février 2011, à 20h30, se produiront : Hindol Deb (sitar),
Clio Karabelias (harpe) & Prabhu Edouard (tabla). Renseignements : 6, place d’Iéna, Paris XVIe. Tél. : 01 40 73 88 18. www.guimet.fr
©DR
June Anderson, célèbre soprano américaine, donnera un récital, le
samedi 26 février à 20h, à la Cité de la musique. Aux côtés du chœur
Accentus & de l’Ensemble orchestral de Paris, dir. Joseph Swensen,
elle parcourra l’histoire de la musique américaine au XXe siècle,
de la 3e Symphonie de
Charles Ives (1904) à Echorus de
Philip Glass (1995), via la comédie musicale de Broadway (Leonard Bernstein)
et l’opéra américain (Aaron Copland). Renseignements : 221, avenue Jean-Jaurès, Paris XIXe. Tél. : 01 44 84
44 84. www.citedelamusique.fr
©DR
La 2e édition du « Nouveau Festival du Centre
Pompidou » se
déroulera du 16 février au 7 mars 2011. Cinéma,
spectacles vivants, paroles, arts plastiques, théâtre, musiques,
performances… Avec, notamment, le mercredi 2 mars, à 20h :
les Solistes de l’Ensemble Intercontemporain (œuvres de Lara Morciano,
Hèctor Parra, Michaël Levinas & Vassos Nicolaou), le lundi
7 mars, à 20h30 : Drama per musica,
« performance » d’Alexandre Roccoli, Séverine Rieme &
Ellen Allien. Renseignements : 01 44 78 14
63. www.centrepompidou.fr
©DR
Concert « Gravité » par l’ensemble L’Itinéraire. Le mardi 1er mars,
à 19h30, en la Maison des pratiques artistiques amateurs (4, rue Félibien,
Paris VIe), seront données des œuvres de :
Gérard Grisey, Morton Feldman, Benjamin Taylor,
Mauricio Kagel, Stéphane Magin, Giacinto Scelsi &
Iñaki Estrada Torio. Avec Lucia Peralta (alto),
Delphine Biron (violoncelle), Yann Dubost (contrebasse),
Antoine Dreyfuss (cor) & Sébastien Naves (électronique). Renseignements : 01 46 34 68 58. www.ensembleitineraire.org
Sous les auspices du Forum culturel autrichien :
Le vendredi 4 mars 2011, à 20h00 :
Trio « L’esprit de Vienne », Mihaela Anica,
Matei Ioachimescu (flûtes) & Horia Maxim (piano). Entrée
libre. Institut roumain de Paris (1, rue de l’Exposition,
Paris VIIe. www.institut-roumain.org).
Le dimanche 3 avril 2011, à 19h00 :
« Ne m’oubliez pas, s’il vous plaît » [Alma Rosé :
Vienne 1906 / Auschwitz 1944], spectacle de chant, danse et théâtre ;
musiques d’Erich Wolfgang Korngold. Avec Mary Lou Sullivan-Delcroix
(soprano), Sigrid Jennes-Müller (piano) & Edward Arckless (direction,
danse et chorégraphie). Entrée libre. Studio « Le
regard du cygne » (210, rue de Belleville, Paris XXe. www.leregarducygne.com).
Alma
Rosé ©DR
« L’Ivrogne corrigé ou Le Mariage du diable », opéra comique en
2 actes de Christoph Willibald Gluck, sera donné, le 5 mars 2011, au
Théâtre de Fontainebleau (création), puis les 11, 12, 18, 19, 24, 25, 26 mars
(20h30) & 13, 20, 27 mars (16h00) à La Péniche Opéra (Bassin de
la Villette – 46, quai de la Loire Paris XIXe). Avec
Artavazd Sargsyan (Mathurin), Paul-Alexandre Dubois (Lucas),
Guillaume Andrieux (Cléon), Estelle Béréau (Colette),
Gersende Florens (Mathurine). BarockOpera Amsterdam, dir.
Frédérique Chauvet. Mise en scène : Alain Patiès. Renseignements : 01 53 35 07 77. www.penicheopera.com
Sotto Voce, chœur d’enfants que dirige Scott Alan Prouty, donnera
un « Concert humanitaire pour l’association Iris », le dimanche
6 mars 2011, à 17h, en la salle Le Chantier (24, rue Hénard,
Paris XIIe). Œuvres de : Rutter, Trenet, Pergolesi,
Vivaldi & Bernstein. Au piano : Richard Davis. Renseignements : 01 48 99 26 99. www.sottovoce.fr
Salle Favart/Opéra Comique. Du 5 au 15 mars 2011 : Cendrillon, conte de fées en
4 actes de Jules Massenet. Orchestre & chœur des Musiciens
du Louvre/Grenoble, dir. Marc Minkowski. Mise en scène : Benjamin Lazar.
Non sans quelques « Rumeurs autour de Cendrillon ». Renseignements : 08 25 01 01 23. www.opera-comique.com
À œuvres ouvertes, scène ouverte ! Le jeudi 28
avril 2011, à 20h00, en la Salle des concerts de la Cité de la musique, seront
données des œuvres de John Cage, Karlheinz Stockhausen,
György Ligeti, Bruno Maderna, Klaus Huber, Dieter Schnebel,
Francesco Filidei, Mauricio Kagel & Pierre Boulez.
Valérie Philippin (soprano), Alain Damiens (clarinette), Ensemble
intercontemporain, dir. Clement Power. Renseignements : 01
44 84 44 84. www.cite-musique.fr
Voi, che sapete… « Lieder et extraits d’opéras
de Mozart ». À Oullins, Théâtre de la Renaissance, les 24, 25, 26,
29, 30, 31 mars et 1er, 2, 5, 6 avril 2011 (à
20h00). Scénario : Geneviève Brisac.
Orchestrations : Thierry Escaich. Mise en scène :
Jean Lacornerie. Chanteurs & ensemble instrumental du
Nouveau Studio de l’Opéra de Lyon, dir. : Jean-Paul
Fouchécourt. Renseignements : 7, rue Orsel, 69600 Oullins.
Tél. : 04 72 39 74 91. www.theatrelarenaissance.com
Sophie Calle : La Robe de mariée ©DR
Francis Cousté.
***
Haut
À la suite
des Kasseler
Musiktage (JournÉes Musicales
de Kassel) 2010, le Colloque organisé par la Société Internationale Heinrich
Schutzs’est tenu les 1er et 2 novembre à l’Académie Évangélique de Hofgeismar, sur le
thème : Heinrich Schütz et l’Europe, déjà préparé par la Conférence
inaugurale du Prof. Dr. Silke Leopold, et complété par celle du Prof. Dr. Werner Breig relative au rôle de
Heinrich Schütz à Kassel. Ce Symposion musicologique très largement suivi
a bénéficié de contributions internationales.
Heinrich Schütz ©DR
Première journée. Hier : H. Schütz et l’Europe au XVIIe siècle
Le Prof. Dr.
W. Werbeck, Président de la ISG, précisa le rôle de Schütz venu de Weissenfels
et appelé à Kassel par le Landgrave Maurice de Hesse, son mécène qui l’envoya
en Italie pour sa formation musicale, puis il séjourna à Kassel, Dresde et,
deux fois, à Copenhague (lors de la Guerre de Trente Ans). Il est regrettable
que ses œuvres n’aient pas été recensées, car cela ne l’aurait « pas
intéressé ». Le deuxième exposé liminaire par le Prof. Dr. G. Schmidt
traita davantage l’espace européen du XVIIe siècle,
avec ses étudiants, marchands et réfugiés qui importent leurs savoirs.
L’Europe était alors une abstraction.
D’autres communications
ont abordé le mouvement religieux et la piété luthérienne dans l’Allemagne de
Schütz, qui fait de lui un compositeur luthérien ; la conception de la
mort et la fonction de la musique dans l’orthodoxie luthérienne. Un autre thème
a porté sur les musiques funèbres à l’époque, sermons, sarcophages, Leichensingen à Leipzig, et œuvres
musicales allemandes, latines et anglaises correspondantes traitées, entre
autres, par J. H. Schein, I. Biber, J. J. Froberger,
J. Coprario… L’opéra Daphne de
H. Schutz a été situé dans la tradition des pastorales. Sagittarius a
aussi été un « agent culturel » à la Cour danoise où il s’est réfugié
à deux reprises pendant la Guerre de Trente Ans (1618-1648). Il y a dirigé le
nouveau répertoire de musique religieuse. Un aspect très neuf a concerné la
pratique musicale en Estonie, avec l’un de ses élèves : M. Hahn,
Cantor à Narva, ou encore la carrière musicale européenne de J. V. Meder
- compositeur de Messes à 2 chœurs, Magnificat, Passions et de l’opéra Andromède.
Deuxième journée. Aujourd’hui : Images européennes de H. Schütz au XXIe siècle
Tout
d’abord : la France, avec l’exposé d’Élisabeth Rothmund (Maître de
conférences) sur la pratique et la réception de H. Schutz dans notre pays,
où il a été redécouvert au XIXe siècle, et
dont la première monographie a été rédigée par André Pirro en 1924. Sa
musique a été pratiquée dès le XIXe siècle, à
la Schola Cantorum et à l’École César Frank ; elle figurait dans
les programmes de concerts, entre autres grâce à Nadia Boulanger. En
Suède, H. Schütz est sorti de l’ombre dans les années 1950. En Amérique
du Nord, le chef Robert Craft l’a inscrit à ses programmes ;
actuellement, il est apprécié dans les Universités et fait l’objet de
nombreuses publications (R. A. Leaver…). À la Cour de Kassel - comme
le relève judicieusement le Dr. W. Hirschmann -, la musique, qui
apparaissait comme un « catalyseur de la Réforme », oscillait entre
politique d’état et Calvinisme. Le style fonctionnel, à l’instar de la musique
humaniste cultivée dans les écoles, était prôné, avec des hexamètres et
pentamètres en longues et brèves prosodiques, mais aussi quelques rythmes
légèrement pointés et de petites figures rythmiques.
À l’époque
de H. Schütz, de nombreux facteurs et organistes étaient actifs, en Hesse. Les
comptes signalent les frais de voyage des Landgraves Guillaume IV et
Maurice de Hesse qui se déplaçaient avec chapelles et instruments. Parmi eux,
figuraient H. Compenius, G. Weissland (organiste à la Chapelle de la
Cour), J. von Ende, les Scherer, G. Wagner… et le comte Simon VI
de Lippe-Detmold (expert auprès de Maurice IV de Hesse).
Ce Symposion
a été organisé dans un merveilleux cadre (deux châteaux, parc, étang,
confortable salle de conférences), une atmosphère conviviale et un remarquable
accueil, grâce au concours de l’Association
Internationale Heinrich Schutz, la Mitteldeutsche
Barockmusik in Sachsen, Sachsen-Anhalt und Thüringen, la Landgraf Morizstiftung (Fondation) et
l’Akadémie de Hofgeismar. Tant
par la qualité des exposés scientifiques que par la diversité et les nouveautés
de l’approche des sujets : Heinrich Schütz
et l’Europe, Heinrich Schütz à
Kassel, ce Colloque, qui a dignement marqué les 80 ans de la ISG et
les 77 ans des KMT, comme le Festival, a, sur tous les plans, été une vraie
réussite.
Édith
Weber.
***
Ce 18 janvier 2011, la manifestation de
lancement de l’Année Liszt en France investissait un lieu historique : la Salle Erard (restaurée), où Liszt accourut
dès son arrivée à Paris en décembre 1823 (Sébastien et Pierre Erard offrirent
aussitôt au jeune prodige un de leurs tout nouveaux pianos à sept octaves et
“double échappement”). Officiels français et hongrois se relayaient pour
les inévitables discours, mais que pensèrent ces derniers d’une France dont le
ministre de la Culture s’obstinait à prononcer “Litsz” avec une désarmante constance, à enfiler comme des perles d’outranciers
lieux communs sur le génial musicien, et nous annonçait que Liszt
(pardon : “Litsz”) avait créé
le Concerto de Grieg (sic !) ?
Bénéfique contraste, le brillant et chaleureux discours de Jean-Yves Clément, commissaire
de l’Année Liszt en France, balayait précisément tous les lieux communs pour
donner au portrait une étoffe humaine, et ceci avec un bonheur d’expression
littéraire qui ne surprendra guère les lecteurs de cet écrivain raffiné.
Ministère pour ministère, l’on saluera au passage le rôle essentiel que joue
dans de telles opérations l’Institut français (ex-Cultures France) pour l’action culturelle extérieure de l’État,
désormais présidé par l’ancien ministre Xavier Darcos, depuis peu secrétaire perpétuel de
l'Académie des sciences morales et politiques et mélomane averti.
Un intermède biographique et musical s’incarnait à travers l’exaltation
romantique de la voix de Brigitte Fossey, le son monumental et charnu de
Brigitte Engerer, le rebond rythmique d’Adrienne Krausz (lesquelles
jouaient un beau Steinway).
De nombreux pianistes se pressaient sur le
parquet d’une salle qui en accueillit tant d’autres aux heures glorieuses d’une
facture aujourd’hui éteinte : parmi les invités, on reconnaissait Bruno
Rigutto, France Clidat, François-Joël Thiollier, Marc Laforêt, Pascal Amoyel,
Nicolas Stavy, Frédéric Vaysse-Knitter, Marie Vermeulin, mais aussi le chef
d’orchestre Jean-Claude Casadesus ou le violoncelliste Henri Demarquette. Les
plus éminents musicologues lisztiens étaient également au rendez-vous :
Serge Gut, Bruno Moysan, Nicolas Dufetel, conseiller artistique et historique
de cette organisation pluri-ministérielle.
Cortège de Funérailles
N’eût été l’immense talent des interprètes,
nous eussions été tenté de rappeler aux intéressés que l’on fête l’anniversaire
de la naissance de Liszt, et non de
sa mort, tant la coïncidence de concerts programmant quasiment tous les jours Funérailles à Paris introduit cette
commémoration sous un jour funèbre ! Par bonheur, Nicolas Stavy nous
jouant ces temps-ci Du Berceau jusqu’à la
tombe, cela nous laisse espérer que l’année se poursuivra à rebours, et
d’ailleurs elle se concluera, non dans le berceau mais… dans la crèche puisque
le jour anniversaire, le 22 octobre, sera marqué en divers lieux d’Europe
(dont notre capitale) par l’exécution de Christus.
Mais revenons à cette involontaire série de Funérailles : la puissante
réflexion de trois pianistes de la jeune génération, loin d’en faire un
enterrement de première classe, conduisit au contraire l’expérience à une
féconde démonstration interprétative.
Le 14 janvier 2011, Jean-Frédéric Neuburger (à la Cité de la musique) attaquait le
fameux glas dans un tempo surprenant de rapidité ; or, ce parti pris,
éliminant quelque peu le sujet de la pièce (composée en octobre 1849 avec, au
cœur, l’émotion provoquée par la mort de patriotes hongrois durant les journées
révolutionnaires) et l’hommage implicite à Chopin (décédé en ce même mois
d’octobre, d’où l’emprunt déguisé à la Polonaise
héroïque, en relation avec les circonstances politiques), accusait au
contraire les traits de modernité, dans le but clairement assumé de projeter
cette musique, placée en ouverture de programme, vers ce qui allait suivre,
c’est-à-dire un cheminement “contemporain” (Messiaen-Barraqué-Neuburger, nous
allons y revenir). Neuburger faisait ressortir les aspérités, les
intervalles générateurs de tension, les angles abrupts sculptés par ses attaques
savamment calculées et travaillées au prisme de doigtés originaux, afin de nous
rappeler combien Liszt engendra, y compris dans la matière sonore, tout le XXe siècle à venir.
Le lendemain, lors d’une soirée de
lancement de son dernier disque au Châtelet, Frédéric Vaysse-Knitter adoptait un parti diamétralement opposé,
mais le défendait tout aussi magistralement. Au contraire de son cadet, il
tirait le tempo vers la densité de la lenteur, ce qui n’est pas moins audacieux
car il s’agit alors d’habiter l’espace-temps ainsi labouré. Il allait quérir la
profondeur (sonore autant qu’émotionnelle) dans la glaise du clavier, et en
faisait surgir le poème épique, évocation visionnaire d’un champ de héros
morts. Par lui rayonnait ce qui constitue l’essence du romantisme, à savoir
l’intense revendication d’intériorité psychologique se proclamant à la face du
monde par de grandioses moyens de projection passionnée.
Le 17 janvier, un spectacle à la Salle
Gaveau nous réservait la (divine) surprise de constater que nous n’avions pas
encore épuisé la lecture des significations secrètes de Funérailles (ah, vertu insondable des chefs-d’œuvre !) : Pascal Amoyel refusait la fatalité
inférée par le glas, et, par le dépouillement de son attaque des premières
mesures, nous avertissait déjà d’une dés-incarnation
du message mortuaire (comme Invocation naissant du silence un peu plus tôt dans le même programme). On sait combien la
méditation spirituelle nourrit la pensée de Pascal Amoyel : même sa
lecture des passages “héroîques” de la pièce ouvrait sur une réflexion
métaphysique ; elle refusait l’arrachement de la chair des héros
sacrifiés, et en même temps les tourments de cet arrachement criaient le refus
de demeurer tributaires des passions mortifères de nos conflits et se transfiguraient
en un refus plus définitif, celui d’être arrachés à la trajectoire d’élévation
spirituelle qui était en voie dès les premières mesures dé-réalisées de la pièce.
Replaçons maintenant ces trois
interprétations dans leur contexte : le récital de Jean-Frédéric Neuburger était typique de la pensée de
compositeur-interprète qui anime ce jeune artiste imposant de maturité
intellectuelle. Liszt une fois situé en précurseur du siècle de toutes les
mutations, le pianiste s’engageait dans un Messiaen tout aussi “sculpté” dans
le roc : Le Merle de roche n’avait rien de très ornithologique, mais brillait de minérales splendeurs,
ouvrant la voie à la pièce de Neuburger lui-même. Nos lecteurs ont suivi ces
derniers mois l’itinéraire de Maldoror (2010), que le compositeur a substantiellement remaniée pour aboutir à la
version (définitive, dit-il…) que nous entendions ce soir-là. Jean-Frédéric
Neuburger, toujours prompt à poser un très lucide regard critique sur lui-même,
affirme avoir débarrassé la pièce de ce qu’il qualifie « d’effets
superficiels », supprimé le jeu dans les cordes « qui obligeait à
interrompre le flux polyphonique » afin de renforcer la cohérence
également étayée par une construction verticale jouant sur des « blocs
harmoniques-repères ». Le jeu dans les cordes a été remplacé par quatre
notes “préparées” afin de fournir un contraste timbrique dans l’émission des
résonances, mais celui-ci demandera à être affiné pour donner toute la valeur
décalée que le compositeur en attend. C’est la seule (minime) réserve que l’on
émettra face à une partition qui révèle l’authentique originalité d’un créateur
tirant au XXIe siècle une synthèse fertilement repensée des apports
issus du courant sériel. Ce recul générationnel faisait ressortir – conséquence
non intentionnelle de la part de Neuburger – combien la redoutable Sonate de Jean Barraqué (parue pour la
première fois en mai 1966 dans une édition encombrée de fautes), sonne
désormais datée, trop rigidement inféodée qu’elle fut à une mathématique des
valeurs inhérente au culte alors prépondérant du sérialisme. Toute l’énergie et
la maîtrise de la construction dont fit preuve le savant interprète ne pouvaient
rien contre la relativisation à laquelle invite une perspective historique face
aux excès d’un système.
Un aspect organologique renforçait
l’originalité de ce concert : deux pianos Yamaha se tenaient sur la scène
de l’Amphithéâtre, le CF III S (l’ancien, oserait-on dire), et le
nouveau CFX. Sur le premier, Jean-Frédéric Neuburger jouait Liszt et
Messiaen ; il réservait le CFX à sa musique et à celle de Barraqué. On
notera d’ailleurs qu’une vibration parasite subsiste sur la même zone des deux cadres.
Ceci dit, le CFX sortait vainqueur de cette confrontation, offrant une palette
plus chatoyante qui ressortait sous les doigts d’un pianiste capable de passer
du burin de sculpteur à des pianissimi superbement timbrés. Cette démonstration se confirmait lors du bis (que donner,
après un tel programme ? Certainement pas une Valse de Chopin…) : Jean-Frédéric Neuburger prouvait son
raffinement de toucher et la réponse de l’instrument nouveau-né dans une Image de Debussy (Et la lune descend sur le temple qui fut).
Frédéric
Vaysse-Knitter ne bénéficiait pas du même luxe instrumental dans le Foyer du Châtelet où le
label Intégral organisait le lancement de nouveaux disques. Il fut d’ailleurs
fort révélateur (et valorisant pour l’artiste d’origine polonaise) d’entendre
deux pianistes se succéder sur un piano obligeant à en vaincre les
défauts : le Fazioli loué pour la circonstance n’a – comme tous les pianos
de ce facteur – aucune richesse de personnalité à mettre en avant ; au
contraire, il faut en brider le côté “claquant”, ce qui oblige à un usage
immodéré de la pédale una corda,
sauf que celle-ci donne un son mat que l’interprète doit dépasser en allant
chercher au fond de son toucher des ressouces décuplées (…s’il en a). Le premier
pianiste de la soirée (Ali Hirèche) nous ennuya par des cycles de Variations (op.9 et Paganini) de Brahms insipides, sans ombres pour mordorer des
couleurs conventionnelles (c’est fâcheux, spécialement dans Brahms !) ;
on n’entendait donc que les défauts du Fazioli. Puis vint Frédéric
Vaysse-Knitter, invité pour promouvoir le programme Szymanowski de son récent
enregistrement, et dès les premières notes, on fut saisi d’entendre l’émotion
sourdre de ce clavier précédemment anonyme. La capacité de faire sortir un son
profond (qui culmina dans les Funérailles précédemment décrites) d’un piano impersonnel révélait le grand concertiste. On
ajoutera même que l’on assiste à un palier décisif dans l’éclosion d’une
nouvelle dimension humaine chez ce pianiste de trente-cinq ans. Il était un
musicien fin et intéressant, qui retenait notre attention depuis plusieurs
années, il devient un artiste intense, apte à capturer son auditoire par la
communication épanouie d’une pensée dense. Les pièces de jeunesse de
Szymanowski auxquelles il a choisi de s’attacher s’avèrent plus intéressantes
que la première phase, trop absolument chopinienne, de Scriabine, par exemple :
chez Szymanowski débutant, l’héritage Chopin-Liszt n’est certes pas absent,
mais tout à coup un surgissement harmonique inattendu, un virage inopément
impulsé au discours, laissent percer la signature d’un tempérament qui se
cherche encore, mais qui croît par une sève originale. Au fil de l’Étude op.4 n°3, des Préludes op.1 n°1, 4 et 5, de la splendide Fantaisie op.14, Frédéric Vaysse-Knitter démontrait, avec une
sensibilité que servait une conduite inaltérablement vigilante de son toucher,
combien il avait raison de se faire l’avocat de ce compositeur (nous nous
réjouissons qu’il projette de continuer ce parcours).
Frédéric
Vaysse-Knitter ©Jean-Baptiste Millot
Le cadre dans lequel se produisait Pascal Amoyel était d’une tout autre
nature : le musicien et son cher complice Jean Piat reprenaient à Paris le spectacle qu’ils avaient
imaginé pour Nohant, le bicentenaire Liszt donnant une actualité particulière à
des choix musicaux où, finalement, le Hongrois se révèle prépondérant par
rapport au Polonais. Jean Piat sertit la correspondance entre Liszt et Marie
d’Agoult, les extraits de Victor Hugo, de Théophile Gautier, la poésie de
Musset (sous laquelle Pascal Amoyel infiltra, piano fermé, avec un tact infini,
une Valse de Chopin), de traits
d’humour personnels qui, décochés d’une voix inimitable, firent mouche comme du
Guitry. Le spectacle tirait une vraie dramaturgie du contraste entre la
distanciation ironique sur laquelle rebondissait le comédien et le tragique des
œuvres musicales, essentiellement des grandes pages lisztiennes : Invocation semblant centrée sur les
derniers vers du poème de Lamartine (« Dans les solitudes profondes/Où
Dieu se révèle à la foi ! »), Funérailles ci-dessus décrites, et une Totentanz hallucinée qui ravivait le souvenir des caricatures de l’époque où les notes se
déversaient en cataractes sous les doigts de Liszt. Pascal Amoyel s’engageant
dans ses chemins d’interprétation selon un mode qui est tout sauf distancié
puisque l’au-delà des notes touche immanquablement des sphères profondes de
notre être, on avait donc bien sur scène deux partenaires se répondant, chacun avec
son identité affichée, mais au profit d’un déroulement extrêmement vivant.
En bis, le pianiste rejoignait pourtant
l’humour du comédien, pour nous donner des Variations de son cru sur Happy birthday to you, dans les styles
de Mozart, Liszt, Rachmaninov, Piazzolla, Schoenberg, Webern, et j’en passe…
Quelques nouvelles
discographiques
Franz
LISZT : Harmonies
poétiques et religieuses. Brigitte
Engerer. Mirare : MIR 084.
La couverture du disque éveille déjà
quelque suspicion : la pose pleine de componction de l’artiste avec la
grande croix en pendentif et les mains jointes ne respire pas vraiment la
sincérité (c’est too much,
diraient les jeunes !)… Puis on est indisposé par une prise de son
confuse, avec des aigus métalliques oblitérant curieusement la première et les
deux dernières plages : tout le problème de Mirare réside dans la
disparité de ses réalisations techniques qui gâche l’homogénéité de la ligne éditoriale.
Ensuite on chemine de pièce en pièce sans entrer dans le sujet : on
commence par une Invocation massivement
extravertie (tout le contraire de l’interprétation de Pascal Amoyel ci-dessus
évoquée), Bénédiction de Dieu dans la
solitude demeure, elle aussi, trop extérieure pour se replier dans ladite
solitude. Pensée des morts, amorcée
dans une belle gravité, prend vite le tour d’un romantisme bien en chair. L’Ave Maria est-il religieusement senti,
au-delà du “beau piano” ? La nudité quasiment liturgique du Pater Noster n’appellerait-elle pas une
pureté plus désincarnée ? Le Miserere est assez “romain” avant de verser dans l’emphase. L’interprétation de Funérailles ne communique aucune émotion
particulière, n’est gouvernée par aucun point de vue particulier, ne dépasse pas
une lecture conventionnelle, pour ne rien dire de quelques effets surlignés et
de vagues ou de grondements d’octaves assez vulgaires ; face aux trois
points de vue admirables d’investigation personnelle que nous ont apportés (au
concert comme au disque) les jeunes artistes évoqués ci-dessus, la déception
est grande.
Seul l’Hymne
de l’enfant à son réveil chante
avec un naturel touchant, l’Andante
lagrimoso évolue comme en suspension, et le Cantique d’amour se pare d’une certaine noblesse. Cette grande
pianiste, qui peut nous donner des concerts et des disques enthousiasmants,
reste ici trop à la surface de ce qui représente l’essence du monde poético-mystique
de Liszt. Le livret, particulièrement documenté, est signé Nicolas Dufetel, si
sensible, lui, à la quête religieuse du compositeur.
Franz
LISZT : La
Notte, Trois
Sonnets de Pétrarque, Funérailles, Méphisto-Valse, Nuages gris, Unstern, Lugubre gondole n°1, Richard Wagner Venezia, En rêve. Bruno Rigutto.
Lyrinx : LYR 112.
Lyrinx remet (avec raison !) sur le
marché d’anciens enregistrements de Bruno Rigutto qui conservent toute leur
sève expressive. Ce programme gravé en
1991 a
l’immense mérite de mêler grands
“classiques” du pianisme lisztien et pièces quintessenciées des dernières
années. Les pianistes se penchant sur ces dernières pages nous sont chers car
leur perspicacité dénote une conscience aiguë du prophétisme visionnaire par
lequel Liszt ouvrait tout le XXe siècle à venir en s’éloignant de la
tonalité et en préfigurant par l’ellipse aphoristique les plus radicales
révolutions musicales (la charge dont est investie la concision annonce Webern).
On entre… de nuit dans son programme très centré sur la pensée de la
mort : La Notte, troisième
mouture (1864) d’une work in progress à partir d’un quatrain funèbre de Michel-Ange, nous ouvre une porte sur une
tragédie intérieure, une période de désarroi qui orientera de manière décisive
Liszt vers le franchissement d’un pas supplémentaire dans son adhésion à la foi
catholique. Bruno Rigutto réussit à maintenir la concentration d’une atmosphère
poignante, à timbrer les couleurs de cette nuit intérieure, depuis le poids
lugubre des glas et des graves rampants jusqu’à l’infinie délicatesse des sons
désincarnés una corda. Les
incroyables sinuosités d’enchaînements harmoniques préfigurent les
expérimentations auxquelles se livrera Liszt quelque vingt ans plus tard,
lorsqu’il s’entêtera, dit-il, à « travailler de devenir de plus en plus
incompris ». Et nous entrons dans le dépouillement accentuant
l’énigmatique quarte augmentée de Nuages
gris (1881), intervalle du Diable que l’on retrouve dès le début d’Unstern !, reflet de moments de
désespoir datant de la même période. Dans cette dernière pièce à l’opiniâtreté
sans issue, on relève une sorte de conflit entre une esquisse de gamme par tons
et un douloureux chromatisme, ce qui rend le retour à des enchaînements
diatoniques “normaux”, marqués quasi
Organo, encore plus déconnecté du réel. Quant à La Lugubre Gondole I, pressentiment de la mort de Wagner écrit
à Venise en décembre 1882, elle vogue sur des flots glauques qu’une trouée d’espérance
vient par moments éclairer d’un impalpable frémissement ; on s’étonnera
moyennement que Wagner, entendant à travers les murs du Palazzo Vendramin son
beau-père procéder à ses essais au piano, y ait vu « folie en
germe » ! Puis, Wagner décédé quelques mois plus tard, vint la brève
procession hallucinée de Richard
Wagner-Venezia, dont l’incise procède par juxtaposition inusitée
d’intervalles : quarte diminuée (donc par enharmonie une tierce majeure)
suivie de deux tierces majeures dont le total produit un mouvement de quinte
augmentée ascendante, aboutissant (verticalement cette fois) à une harmonie qui
superpose la même quarte diminuée et une quarte juste. Dans cette exploration
atonale des intervalles prenant une valeur en soi, tant horizontalement que
verticalement, on peut voir une préfiguration du dodécaphonisme, et on sait que
les travaux théoriques de Liszt en ces années-là (il esquissa en 1885 un traité
sur l’harmonie moderne, hélas perdu) menèrent bien près du futur système de
Schoenberg par l’idée de « l’ordre omnitonique » dépassant la
polytonalité. Quand on dit que l’École de Vienne (constituée seulement au XXe siècle !) est la conséquence extrême du chromatisme wagnérien, Liszt, au
soir même de la mort de Wagner (donc encore au XIXe siècle !),
en avait lancé l’annonce à la face du monde, ce qu’il appelait : « lancer
mon javelot dans les espaces indéfinis de l’avenir » (lettre à la princesse
Carolyne von Sayn-Wittgenstein). Au passage, dans Richard Wagner-Venezia, l’hommage au chromatisme wagnérien est
détourné, comme vers un engrenage irréfrénable. Dans toutes ces pages
ultimes, l’interprète sait “tenir” le son afin que rien de vienne nous
distraire une seule seconde des confidences tragiques que Liszt y distille.
Comment insérer entre ces mondes d’une
marginalité assumée les pièces plus “classiques” des programmations
lisztiennes ? Bruno Rigutto maintient la chaude intimité poétique de ce
voyage spirituel tout au long des Trois
Sonnets de Pétrarque (ah ! les brumes matinales d’où émerge la lumière
céleste du Sonnet 123) ; il
intériorise, avec un très beau son, les moments de repli sentimental au sein de
la Méphisto-Valse n°1 (alors qu’on en
a connu de plus grinçantes et de plus crépitantes), infléchissant du coup la
lecture philosophique que l’on peut faire de cet épisode de Lenau. Quant aux
célèbres Funérailles, elles manquent
de puissance grandiose dans l’affirmation pesante, mais on s’aperçoit vite que
Bruno Rigutto privilégie l’abandon désarmé à la pensée des morts sur
l’évocation héroïque des victimes de la révolution hongroise.
Et le programme, commencé dans les
angoissantes ténèbres de La Notte se
referme sur la lumière éthérée, immatérielle de En rêve, Nocturne (1885/86) dont le dernier accord, une quarte et
sixte, sonne comme un degré sur l’échelle d’ascension au ciel (Liszt va mourir
quelques mois plus tard). Au final, on conseille ce disque comme l’un des plus
émouvants à redécouvrir en cette année Liszt.
Sylviane Falcinelli.
***
Spectacle, papier découpé de Pierre Clama
***
Pygmalion musical, au Châtelet.
Fredericke Loewe & Alan Jay Lerner : My Fair Lady. « Musical »
en deux actes. D'après la pièce Pygmalion de George Bernard Shaw
et le film éponyme de Gabriel Pascal. Orchestration de
Robert Russell Bennett et Philip J.Lang. Sarah Gabriel, Alex
Jennings, Margaret Tyzack, Nicholas Le Prevost, Donald Maxwelll, Jenny Galloway,
Ed Lyon. Chœur du Châtelet, Orchestre Pasdeloup, dir. Kewin Farrell.
Mise en scène : Robert Carsen.
©Marie-Noëlle
Robert/Théâtre du Châtelet
La comédie musicale My Fair Laidy a
été immortalisée par le film de George Cukor, grâce notamment à la
prestation inoubliable de Audrey Hepburn. C'est oublier qu'elle
avait vu le jour à New York en 1956, avec Julie Andrews, pour y tenir
le succès des années durant. Elle s'en vient enfin à Paris, dans sa
version originale et complète. Le Châtelet n'a pas lésiné sur les moyens
en invitant Robert Carsen à la revisiter, se souvenant sans doute du
succès que celui-ci s'y était taillé dans Candide de Bernstein, il y a
quelques saisons. Le sujet est directement emprunté à la pièce de
George Bernard Shaw Pygmalion. Quoiqu'il ait une source plus
lointaine : Ovide dans ses Métamorphoses conte la légende de Pygmalion et Galatée, ou comment voir l'idéal amoureux
s'incarner en une femme de chair et d'os. Avec Shaw, le sujet vire à la
diatribe : la « transformation » devient un pari entre savants
consistant, pour un linguiste réputé, à faire d'une marchande de fleurs délurée
des halles de Covent Garden une duchesse « pour de vrai »
grâce aux seules vertus de la phonétique. Mais alors que la comédie
musicale reprend une large partie du texte de Shaw, ses auteurs en déplacent le
centre de gravité du savant Higgins vers la jeune Eliza Doolittle, ce
qui est plus qu'un simple changement de titre. Car la jeune fille a de
l'ambition et ne manque pas d'aplomb. L'absence de romance amoureuse, un
handicap a priori, est conjurée par une intrigue qui sait rebondir et
passe au crible tous les tics d'une société inégalitaire. Le finale, quelque
peu ambigu, sorte de happy end pessimiste, laisse en suspens la question de savoir si les sentiments qui
animent Eliza et son tortionnaire sont plus que de sympathie.
©Marie-Noëlle
Robert/Théâtre du Châtelet
La production, fort séduisante, est sincère
dans son propos. Le metteur en scène canadien n'a pas cherché à
moderniser à tout prix ce qui est d'abord une évocation de l'Angleterre
puritaine du début du XXe siècle, une charge douce-amère de la
bourgeoisie établie et de son snobisme, qui se manifeste à travers les tics de
la langue. Il ne cherche pas à éluder la convention. Au contraire,
il s'en sert pour afficher le ridicule des attributs forgeant les différences
sociales. Surtout, il trouve le ton juste entre la légèreté de la comédie
musicale et la satire contenue dans la pièce de théâtre dont elle est issue.
Dans une décoration de style victorien qui se métamorphose, en un clin d'œil,
à l'aune de ce qui sépare deux mondes opposés, du marché aux fleurs gouailleur
au cabinet de travail léché du professeur, de la scène de rue au grand bal
compassé, l'intrigue progresse de manière fluide. Elle garde toujours une
manière élégante, ce que renforce la palette éblouissante des costumes aux tons
pastels, d'une richesse à faire pâlir une production... du Châtelet
d'antan ! Les tableaux d'ensemble sont réglés au millimètre.
De son joli minois qui n'empêche pas un abattage certain, Sarah Gabriel se
place dans la lignée de ses illustres devancières, apportant à la
cendrillon Eliza un charme irrésistible ; de quoi faire craquer un
vieux célibataire endurci. Celui-ci, Alex Jennings, possède cette
morgue, au-delà du seul flegme, qui rend crédible l'incroyable misogynie du
personnage. Autour d'eux évolue une troupe formée à la faconde
excentrique, dont se détachent deux « vrais » chanteurs d'opéra, le
vétéran Donald Maxwell et le prometteur ténor Ed Lyon. Et c'est,
nul doute, une aubaine que d'avoir dans la fosse un orchestre symphonique, le
Pasdeloup, pour défendre, sous la baguette vif-argent de Kevin Farrell,
les couleurs de cette luxuriante et délicieuse musique.
Un réjouissant Phi Phi à
l'Athénée.
Henri CHRISTINÉ : Phi Phi.
Opérette en trois actes. Livret d’Albert Willemetz et Fabien Sollar.
Version pour 5 solistes, un chœur de 9 femmes et 10 musiciens.
Orchestration de Thibault Perrine. Gilles Bugeaud, Emmanuelle Goizé,
Christophe Grapperon, Olivier Hernandez, Lara Neumann, Antoine Sastre.
Compagnie Les Brigands, dir. Christophe Grapperon. Mise en
scène : Johanny Bert.
Ardimédon ©Yves Petit
Grand et durable succès des Années folles, Phi Phi – alias Phidias, célèbre sculpteur de l'antiquité - renaît à l'Athénée,
sous une forme peut-être proche de sa facture originale. L'opérette créée
en 1918, le lendemain de la signature de l'Armistice, au Théâtre des
Bouffes-Parisiens, fut en effet écrite pour être jouée dans un minuscule
théâtre, l'Abri, qui tenait plus de la cave que du théâtre de prestige.
L'auteur du texte, Albert Willemetz, plume brillante, librettiste en vogue
et parolier de nombreuses chansons célèbres - dont la fameuse
« Félicie aussi », commise pour Fernandel - recherchait un
musicien apte à mettre en musique la satire mythologique des démêlés amoureux
du grand sculpteur, de la belle Aspasie et de l'éphèbe Ardimédon. Il le
trouvera en la personne d’Henri Christiné qui, aux côtés de Maurice Yvain,
allait dominer la scène légère des années d'après-guerre. La pièce, qui
tient de la pochade sans prétention, est bâtie sur un mélange savoureux de
vraie/fausse antiquité grecque, d'animation dansée mélangeant valses musettes
et morceaux à la mode, fox-trot et autres one-steps, tout juste venus
d'Angleterre et d'Amérique, et surtout de ce ton proche du vaudeville
boulevardier avec son lot de bons mots, calembours et quiproquos hilarants.
Le livret en est fort bien troussé, d'allusions grivoises en traits d'une
ironie féroce sous des dehors anodins, d'airs typés facilement mémorisables en
petits ensembles débridés. La musique est brillante et aisée, plus :
entraînante !
Mme
Phidias ©Yves Petit
La production de la Compagnie Les Brigands
est joyeuse. Elle fusionne les ingrédients stylistiques : le chef
est aussi chanteur, le chœur, dit « des modèles », pratique la
danse et se fait manipulateur de marionnettes. Elle fourmille de
trouvailles amusantes et offre une succession de tableaux attrayants, tel un
crêpage de chignon entre rivales... sur un ring de boxe, ou encore quelque
démonstration réglée façon revue de music-hall. L'idée de dédoubler les
personnages en marionnettes faites de morceaux qui se désarticulent à satiété
est originale, même si, dans la première partie au moins, elle peine à
s'imposer. Les chanteurs-acteurs, disposés de chaque côté de la scène
comme dans certains théâtres de marionnettes traditionnels, communiquent leur
voix à ces figures morcelées, auxquelles ils peuvent à l'occasion se mêler.
La troupe se démène copieusement, notamment les choristes-danseuses. Les
solistes vocaux défendent avec brio les chansons à couplets et autres refrains
scandés, agréablement soutenus qu'ils sont par une poignée d'instrumentistes,
ce qui ajoute à la sveltesse du propos. L'ensemble pétille de joie
communicative et le rythme est justement endiablé.
Soirée Dada à l'Opéra
Comique : Les Mamelles de Tirésias.
Francis POULENC : Les Mamelles de
Tirésias. Opéra-bouffe en deux actes & un prologue. Livret
d'après le texte de Guillaume Apollinaire. Soirée Dada
introduite par le Foxtrot de la Suite
pour orchestre de jazz n°1 de Dimitri CHOSTAKOVITCH et Le Bœuf
sur le toit de Darius MILHAUD. Hélène Guilmette, Ivan Ludlow, Werner
Van Mechelen, Christophe Gay, Loïc Felix, Thomas Morris, Marc Molomot,
Jeannette Fischer, Robert Horn. Orchestre & Chœurs de l'Opéra de
Lyon, dir. Ludovic Morlot. Mise en scène : Macha Makeïeff.
©Pierre Grosbois
Créé en 1947 à l'Opéra Comique, l'opéra-bouffe Les Mamelles de Tirésias y renaît. Et de quelle
manière ! Sa pièce en forme d'utopie provocante qu'Apollinaire se
plaisait à qualifier de drame surréaliste, à défaut de décider s'il « est
sérieux ou non », est une fantaisie débridée, une
« loufoquerie », érigeant en système le cocasse de situation.
Non qu'elle ne soit, au détour d'une réplique, empreinte de la gravité de son
sujet, si crucial en 1917 : le sort « des enfants dans la
famille », que résume la formule lancée au public dès le prologue par le
directeur de théâtre : « Faites des enfants, vous qui n'en faisiez
guère ! ». Comment ? Une recette insolite au pays de
cocagne de Zanzibar : « si la femme n'en fait plus, tant pis. Que
l'homme en fasse » ! Il fallait oser cet inédit qui joue de
l'inversion des genres : la femme, Thérèse, ravie de perdre ses attributs
mammaires pour s'émanciper, se masculiniser en Tirésias, le Mari qui se
féminise et décide dans sa folie procréatrice d'engendrer jusqu'à 49 049 rejetons.
Jarry et Rabelais ne sont pas loin. L'action qui n'en est pas une, sorte
d'anti-intrigue, se veut décousue, basée qu'elle est sur une suite de gags
savamment empilés, qui laisse percer quelque fantaisie onirique lorsqu’est
évoqué Paris, groupe des Six oblige. Qui mieux que Francis Poulenc
pouvait donner à cette fantaisie « sa » correspondance
musicale ? La musique est d'un mouvement irrésistible, émaillée de
rythmes de valse, polka et autres pavanes, d'où surgissent soudain de grandes
et belles phrases de lyrisme, si aptes à exhaler ce parfum d'humanité qui sourd
du texte. Tout le génie mélodique de Poulenc est là, son étonnante
facilité aussi pour passer du coq à l'âne. Rien n'y verse cependant dans
l'ironie qu'Apollinaire considérait hors de propos. En un mot, une quasi
idéale adéquation entre un texte et une musique.
©Pierre Grosbois
Macha Makeïeff a eu l'idée d'inscrire la
pièce dans un écrin Dada, en la faisant précéder d'un prélude musical, Le
Bœuf sur le toit, de Milhaud - auquel Poulenc a dédié son opéra - et en
lever de rideau, d'un fox-trot emprunté à Chostakovitch. Ce procédé du
collage, sa mise en scène en use aussi abondamment. Dans l'univers
protéiforme du cirque, c'est une avalanche de gags mâtinée de scènes de
clownerie rigolarde ou triste, où se côtoient l'invraisemblable qui déchaîne le
rire et le poétique qui crée l'admiration. Les numéros se succèdent en
rafales, du clin d'œil désopilant (la parade des nurses-mâles et de leur
avantageuse progéniture promenée en landau, les divers intermèdes frénétiques,
tenant de la revue, joués autour de la fosse d'orchestre) à l'effet
volontairement grossi, où l’« hénaurme » est érigé en système :
une machine industrielle à confectionner de joufflus biberons, un attirail
de chimie permettant de créer un bébé... journaliste, etc. Un festin de
couleurs emplit l'atmosphère peuplée de projections allusives et de personnages
tout droit sortis d'une boîte à malices, qui se font acrobates ou
voltigeurs. La cadence loufoque ne se ralentit pas au fil du spectacle.
Même si la direction d'orchestre eût mérité plus de délié raffiné, notamment
dans le chaloupé façon samba du Bœuf sur le toit - le chef étant
plus à blâmer que les musiciens de l'Opéra de Lyon. Un vrai esprit de
troupe s'enhardit au fil des tableaux et les choristes lyonnais ne sont pas les
derniers à déchaîner l'hilarité. La même ardeur distingue
l'interprétation soliste dont se détachent la gracieuse Hélène Guilmette,
tour à tour Thérèse et La Cartomancienne, le superbe Ivan Ludlov,
Le Mari, beau gosse et voix d'airain, et l'admirable Werner
Van Mechelen, à la fois Le Gendarme et Le Directeur de théâtre
qui confère au prologue une rare intensité.
Les Fiançailles au
couvent, une rare comédie qui fait événement à Toulouse.
Sergueï PROKOFIEV : Les Fiançailles
au couvent. Opéra lyrico-comique en quatre actes et neuf tableaux.
Livret du compositeur, assisté de Mira Mendelson. D'après le livret
d'opéra-comique de Richard Brinsley Sheridan. Brian Galliford, Garry
Magee, Anastasia Kalagina, Larissa Diadkova, Daniil Shtoda, Anna Kiknadze,
Mikhail Kolelishvili, Yuri Vorobiev, Eduard Tsanga. Chœur du Capitole
& Orchestre national du Capitole, dir. Tugan Sokhiev. Mise en
scène : Martin Duncan.
©Patrice Nin/Théâtre du Capitole
Joli clin d'œil de l'Histoire : c'est
sous la direction de Michel Plasson que Les Fiançailles au
couvent ont été créées en France dans les années 1970, à Strasbourg, avant
de rejoindre Toulouse. Aujourd'hui Tugan Shokiev, directeur musical
de l'Orchestre du Capitole, reprend le flambeau. Quelque vingt ans après L'Amour
des trois oranges, Serge Prokofiev revient au genre burlesque ;
mais la satire laisse ici place à un humour plus joyeux et festif, teinté d'une
authentique veine lyrique. Le sujet, emprunté à La Duègne du
poète anglais Sheridan (1751-1816), en fait un canevas d'opéra-comique, comédie
de mœurs où rien ne manque des ressorts de l'intrigue à rebondissements.
Alors que le gentilhomme sévillan Don Jérôme conçoit pour sa fille un
projet de mariage avec un riche marchand de poisson du Guadalquivir, la duègne
de la belle manigance un plan machiavélique pour lui permettre de convoler avec
le jeune seigneur de ses rêves. Ruses, travestissements, quiproquos,
action traitée à différents niveaux, et surtout kaléidoscope de caractères bien
trempés, voilà quelques-uns des ingrédients d'une pièce qui ne connaît pas
l'ennui. Prokofiev l'enlumine d'une musique séduisante dans ses couleurs,
brillante dans ses rythmes, dont Chostakovitch louangera la spontanéité des
sentiments, digne du Falstaff de Verdi. Car le comique de
situation ne prend jamais le pas sur un lyrisme racé proche de l'univers
nocturne du ballet Roméo et Juliette, apportant dans ce palpitant
tourbillon sonore une note de tendre poésie.
©Patrice Nin/Théâtre du Capitole
La mise en scène de Martin Duncan joue à
fond le jeu de la fantaisie, faisant sien le débit rapide de la comédie et son
découpage en courts épisodes comme dans un montage cinématographique. La
direction d'acteurs est incisive dans les expressions, mimiques et gestes
étroitement calqués sur le langage musical. L'inattendu cocasse ou l'effet grossi, proche du buffo italien, particularisent échanges et ensembles. Les
personnages, celui du barbon en particulier, se vivent comme des marionnettes à
la limite de l'extravagance. Le mouvement général est endiablé où l'on
passe d'une scène à l'autre comme au travers de ces portes qui se déplacent au
fil de l'action. C'est que l'ingénieuse décoration (Alison Chitty),
lointainement inspirée des maquettes constructivistes des années 1930, est
éminemment mobile, ses éléments disposés çà et là se métamorphosant sans cesse.
La vision se fait haute en couleurs à l'heure des intermèdes dansés qui
ponctuent le premier acte, pantomimes échevelées d'une folle nuit de
carnaval ; un univers de masques non sans rappeler L'Amour des trois
oranges. L'exagération est reine, parfois jusqu'à la complaisance,
telles ces poissonnières harnachées de tabliers vert pomme agitant leur
flasque marchandise, ou cette bacchanale des moines d'une extravagance
rabelaisienne. La réussite musicale est encore plus évidente. La
direction de Tugan Sokhiev unit les deux aspects indissociables sur
lesquels Prokofiev assoit sa partition : l'humour caustique,
irrévérencieux même, et le lyrisme expansif, proche de la tendresse. La
verve et son turbulent dynamisme, l'emphase portée sur les contrastes ne sont
là que pour mettre en relief les caractères comme les situations.
L'orchestre du Capitole fait son miel des traits d'orchestration étincelants,
cuivres et percussions en particulier. Le chef a forgé sa distribution -
quelque 18 solistes - pour l'essentiel sur des voix venues du Théâtre Mariinski
dont il est un hôte régulier. Tout le panel de la vocalité russe est
là : du ténor lyrique, l'excellent Daniil Shtoda, Antonio, au ténor
de composition, l'inénarrable Brian Galliford, Don Jérôme, grotesque
mais attachant, à la basse profonde, Mikhail Kolelishvilli, le marchand
Mendoza, inextinguible faconde et fin acteur, en passant par les barytons,
Garry Magee, romantique Ferdinand, Yuri Vorobiev, obséquieux
Don Carlos ; de la soprano lyrique, Anastasia Kalagina, agile
Louisa, à la contralto profonde, Larissa Diadkova, désopilante Duègne,
cousine en verve et abattage vocal de la Mrs Quicky de Verdi, en passant
par le timbre de mezzo, Anna Kiknadze, émouvante Clara. Un festin
vocal qui a peu d'équivalent.
Révisez vos classiques : Beethoven
dirigé par Bernard Haitink.
©Fred Toulet/Salle Pleyel
Le partenariat artistique que forment
Bernard Haitink et le Chamber Orchestra of Europe a peu d'équivalent
aujourd'hui. Une formation justement pas trop nombreuse qui permet de
redécouvrir les « classiques » que sont Brahms (il y a peu à Lucerne)
ou Beethoven. Débutant à Paris, Salle Pleyel, leur cycle des
symphonies du maître de Bonn - qui se poursuivra en mars 2012 - ils viennent
d'offrir un concert somptueux présentant les symphonies n°2 et 3. Le chef
néerlandais, dans son glorieux automne, repense du tréfonds ces pages dont on
aurait tendance à ne plus rien attendre, tant on est assuré d'en connaître tous
les plis et replis : un questionnement sur la sonorité, grâce notamment à
une disposition spatiale originale qui divise les violons de part et d'autre,
enveloppés qu'ils sont par les cordes graves avec, de gauche à droite,
contrebasses, cellos et altos ; une recherche approfondie sur la dynamique
aussi, qui donne du relief aux contrastes forte/piano ; un travail fouillé
enfin sur l'instrumentation. Se gardant des mirages de l'approche dite
d'époque, dont il ne concède que les timbales à la frappe sèche, comme d'une
manière prétendument traditionnelle illustrée par le recours à de vastes effectifs,
Haitink opte pour une voie médiane, d'un équilibre qui sonne au coin de
l'évidence ; ce que traduit une gestuelle qui va droit à l'essentiel.
La qualité instrumentale en ressort régénérée, la ligne épurée des bois en
particulier. L'acoustique si présente de la salle convient ici
parfaitement à des interprétations qui jouent à fond la différence des volumes,
les ppp acquérant une étonnante transparence. La Deuxième Symphonie a cette humeur
joyeuse qui se pare d'énergie (allegro con brio intitial), d'une veine lyrique
aisée (larghetto), ménageant de subtils effets de surprise (scherzo) et une
verve inextinguible au finale. De l’Héroïque, on dira qu'elle atteint
une sorte de plénitude : l'élan, le souffle prométhéen sont là, succession
de lumières et d'ombres, au vaste premier mouvement – le chef joue toutes les
reprises – dont le formidable développement ne cesse de livrer sa force
créatrice. Mais le grandiose ne se fait pas écrasant. La Marche
funèbre évoque plus le passé glorieux du héros qu'une déploration de sa
disparition ; car « jamais il
n'a été plus vivant. Son esprit plane sur le cercueil, que porte
l'humanité » (Romain Rolland). Fait suite un scherzo
tourbillonnant, d'une belle alacrité et d'une vraie légèreté dans le
contrepoint des cordes où la référence à la danse se fait si présente. La
finesse que livrent les musiciens est confondante, soulignant des inflexions
qu'on se prend à redécouvrir. Le finale est fiévreux, ses variations
décryptées dans leur magistrale opposition entre masses et couleurs, que
conclut un presto fulgurant.
Jean-Pierre
Robert.
***
La Saison Blüthner : un instrument exceptionnel pour de jeunes
talents.
C’est en Saxe, région au passé éminemment
musical, que Julius Blüthner choisit d’implanter sa fabrique de pianos en
1853. Un siècle et demi plus tard, la maison Blüthner cultive
toujours cette philosophie du savoir-faire traditionnel à l’origine de sa
notoriété. Associée à la fondation Alfred Reinhold et à la maison
Hista, dépositaire de Blüthner en France, la firme allemande offre à de jeunes
pianistes à l’avenir prometteur l’occasion de se produire en récital au Théâtre
de l’Athénée-Louis Jouvet, l’une des plus belles salles à l’italienne de Paris,
classé monument historique et récemment rénové. Bel écrin pour un
instrument prestigieux. Les jeunes pianistes ont à leur disposition le
modèle n°1 « Grand Concert » de la marque, piano d’une longueur
de 2,80 m à la sonorité prodigieuse, claire et brillante dans les aigus,
chaude et profonde dans les graves. Il faut souligner que l’instrument
bénéficie du système « Aliquot », innovation majeure de la
firme : les aigus sont équipés d’une quatrième corde non frappée par le
marteau mais vibrant par sympathie et munie d’un petit étouffoir. Inutile
de souligner la brillance du spectre harmonique.
La saison 2010-2011 a pour thème
« Musique et Art nouveau ». Le choix est ainsi porté sur la
musique française pour piano de la fin du XIXe siècle et du
début du XXe.
Le 17 janvier 2011, le jeune pianiste Romain Descharmes proposait un
programme semblant avoir été, tout exprès, concocté afin de mettre en valeur
les qualités de l’instrument : virtuosité et puissance avec la Sonate en la mineur de Théodore Dubois, couleurs sonores changeantes
et subtiles pour les Études de
Debussy, magie envoûtante des Valses
nobles et sentimentales de Ravel... Romain Descharmes est époustouflant
d’énergie et de vitalité, il emporte les auditeurs dans un véritable tourbillon
musical, il communique son tonus à son public ! Pour autant, il sait
se montrer expressif ou voluptueux dans un jeu subtil où chaque nuance est
mesurée à sa juste valeur. Romain Descharmes donne le sentiment de
ne faire qu’un avec son instrument : il joue littéralement
« avec » son piano. Un interprète donc à suivre de très près…
Le
lundi 21 mars 2011 à 20h, Jonas Vitaud proposera un programme intitulé « Ainsi la nuit ». La première
partie, composée de pièces de Fauré, Albéniz, Debussy et Ravel, soulignera les
valeurs positives de la nuit : fêtes, danses, sensualité, parfums.
La seconde partie, autour de Liszt, Scriabine et Bartók ornera les aspects
négatifs : la mort, les démons, le mysticisme, la matière musicale qui se
désintègre. Toujours associé au monde irrationnel, le thème de la nuit
permet aux compositeurs de se libérer des formes conventionnelles pour inventer
un monde nouveau. Un excellent concert en perspective… Retenez
votre soirée du 21 mars !
Renseignements : Théâtre de
l’Athénée-Louis Jouvet : 7, rue Boudreau, Paris IXe.
Tél. : 01 53 05 19 19. www.athenee-theatre.com /
Pianos Hista (Blüthner France) : 1, rue Louis-Ganne,
Paris XXe.
www.saisonbluthner.fr
Gérard Moindrot.
***
Salle Pleyel : Orchestre
philharmonique de Radio France, dir. Manfred Honeck.
Tedi Papavrami, violon.
Après le succès de sa tournée en Russie, le
« Philhar » se retrouvait Salle Pleyel, sous la direction de
Manfred Honeck, pour un programme « classique » des salles de
concert, peut être un peu trop d’ailleurs, associant la célébrissime Ouverture
de Coriolan de Beethoven, le Concerto « À la mémoire d’un ange » d’Alban Berg, pilier du
répertoire violonistique, emblème de l’écriture dodécaphonique, dédié à la mémoire
de Manon Gropius, et la monumentale 4e Symphonie de Brahms. Un programme sans surprise pour une interprétation elle aussi
sans surprise, mettant parfaitement en valeur toutes les qualités de sonorité
et de cohésion de cette remarquable phalange, qui semble aujourd’hui au mieux
de sa forme, avec une mention particulière pour les vents particulièrement
sollicités dans ce programme. Manfred Honeck, d’une baguette
vigoureuse, donna de la symphonie de Brahms une vision un peu monolithique,
peinant à faire passer l’émotion. En revanche l’interprétation du
concerto de Berg par Tedi Papavrami fut, en tous points, remarquable, avec
une totale adéquation du soliste et de l’orchestre, une sublime cadence du
deuxième mouvement et une spiritualité parfaitement rendue.
Manfred
Honeck,
2011 ©Jason Cohn
Vladimir Jurowski, éblouissant.
Théâtre des Champs-Élysées. Staatskapelle de Dresde, dir. Vladimir Jurowski.
Sergej Krylov, violon.
Concert très attendu que celui donné au TCE
par la Staatskapelle de Dresde, dirigée par le jeune et talentueux chef russe
Vladimir Jurowski, dans un programme audacieux associant le très
romantique Concerto pour violon de
Tchaïkovski et la sulfureuse 4e Symphonie de Chostakovitch. Deux œuvres composées à près de soixante ans d’intervalle
mais totalement différentes dans leur esthétique, post-romantique pour l’une,
emblématique des rapports difficiles entre totalitarisme stalinien &
musique pour l’autre, puisque composée en 1935-1936, mise en sommeil par le
compositeur lui-même, du fait des purges staliniennes et de la chasse au
« formalisme ». La 4e Symphonie ne sera créée
qu’en 1961 à Moscou, sous la direction de Kirill Kondrachine. Deux
exercices totalement différents, menés avec brio par Vladimir Jurowski
usant d’une direction précise, adaptée à chaque genre, pleine de fougue et
d’autorité. En totale symbiose avec l’orchestre, adaptant les tempi et
les nuances de façon à valoriser le soliste, il permit à Sergej Krylov de
donner une interprétation remarquable du concerto de Tchaïkovski, toute en
sensibilité, toucher, virtuosité et émotion. Parfaitement à l’aise dans
la complexe symphonie de Chostakovitch, il en fit une lecture limpide,
alternant le feu et la glace, violence et douceur, respectant les harmonies
grinçantes et les motifs disjoints, rendant compte par instants de
l’inspiration mahlérienne s’intégrant dans la monumentale construction
symphonique secouée par de puissants accords aux sonorités de cluster, toute
imprégnée d’angoisse, d’âpreté et de sarcasme, se concluant par l’énigmatique
épilogue pianissimo et le silence prolongé, admiratif et éloquent de la salle.
Un concert d’exception.
Vladimir
Jurowski ©DR
L’entente parfaite Salle Pleyel.
Orchestre de Paris, dir. Paavo Järvi. Denis Matsuev (piano),
Antoine Tamestit (alto).
Concerts très attendus que ceux de
l’Orchestre de Paris, dirigé par son chef titulaire Paavo Järvi.
Force est de reconnaître que l’entente continue entre les musiciens et le chef
estonien. Un programme varié, voire contradictoire, associant le 2e Concerto pour piano de
Tchaïkovski, Harold en Italie de
Berlioz et la Deuxième suite de Daphnis
et Chloé de Ravel, en fut le plus étincelant exemple. Denis Matsuev,
toujours impressionnant de virtuosité, donna du concerto de Tchaïkovski, si peu
joué, une interprétation remarquable de virtuosité et de toucher, de force et
de technique, alternant piano symphonique et piano confident, totalement en
phase avec l’orchestre, qui confirma toutes ses qualités, d’ensemble et
individuelles, avec un mémorable et émouvant trio (violon, violoncelle &
piano), dans le deuxième mouvement. Deux « bis »
époustouflants, réclamés par le public, avec notamment un très virtuose et
étonnant extrait de Peer Gynt de
Grieg pour conclure cette première partie. La seconde, toute différente
par son climat rêveur, fournissait au talentueux altiste Antoine Tamestit
l’occasion de faire montre de sa remarquable sensibilité dans ce dialogue entre
l’alto (Stradivarius, 1672) et l’orchestre. La Suite de Ravel,
parfaitement menée, concluait cette belle soirée, confirmant tout le potentiel
de cette phalange et de son chef. Que tous nos vœux les accompagnent !
Denis
Matsuev ©Andrey Mustafaev
Soirée transatlantique à Pleyel. Orchestre philharmonique de Radio France, dir.
Pietari Inkinen. Hilary Hahn, violon.
Après Manfred Honeck il y a quelques jours,
c’était au tour du jeune chef finlandais invité, violoniste de formation,
Pietari Inkinen de diriger le « Philhar » dans un programme
transatlantique sortant des sentiers battus, associant la Fanfare for the common man d’Aaron Copland (1900-1990), le Concerto pour violon & orchestre de
Gian Carlo Menotti (1911-2007) et la Symphonie
du « Nouveau Monde »
d’Antonín Dvořák. Après un début en fanfare, rappelons à ce
propos que l’œuvre figure au programme du baccalauréat cette année (cf. L’ÉM, Fascicule du baccalauréat 2011),
le classique et romantique tout à la fois Concerto de Menotti, rarement joué,
fut remarquablement interprété par une Hilary Hahn, détendue et souriante,
bien que toujours un peu froide dans son maintien et son jeu. On en
retiendra, un très beau dialogue entre violon et vents, une évidente complicité
avec ce jeune chef trentenaire, une belle cadence dans le deuxième mouvement,
empreinte de gravité et de sérénité, une virtuosité sans faille et un lyrisme
séduisant. Deux « bis » empruntés à Bach, parfaitement exécutés
et très intériorisés, concluaient cette première partie.
La seconde partie consacrée à la 9e Symphonie de
Dvořák était l’occasion de retrouver tout l’entrain et les superbes
sonorités de l’orchestre, au mieux de sa forme. Menée tambour battant,
mêlant, avec justesse, mélodies slaves et accents des espaces américains, bien
équilibrée entre vents et cordes d’une égale qualité, elle fut dirigée avec
assurance par Pietari Inkinen, à la gestique un peu brouillonne, qui sut
communiquer aux excellents musiciens et au public un enthousiasme qui lui valut
les applaudissements fournis de l’orchestre et de la salle. Une belle
soirée qui nous fait attendre avec impatience la prochaine prestation
du « Philhar », dans quelques jours, sous la baguette, cette
fois, du fougueux Andrey Boreyko, dans La petite sirène de Zemlinsky.
Pietari
Inkinen © J.Mykkänen
Récital de Thomas Hampson. Théâtre
des Champs-Élysées. Thomas Hampson (baryton), Wolfram Rieger
(piano).
Premier récital, cette année, de Thomas
Hampson à Paris (un deuxième est prévu, Salle Pleyel, avec la Philharmonie
tchèque), dans un programme associant des lieder de Schubert, extraits du Schwanengesang, des lieder de Barber et
les Kindertotenlieder de Mahler.
Trois époques du lied, dans des climats différents, du romantisme à la modernité,
occasion, pour Thomas Hampson, de faire montre de tout son talent.
Des lieder de Schubert très intériorisés contrastant avec ceux de Barber où
l’expression est plus extravertie, plus théâtrale. Une réussite
incontestable, portant haut l’art du lied. Parfaitement chanté, sans
vibrato, associant des aigus suaves et filés, des graves profonds, une superbe
diction, un timbre limpide et puissant, Thomas Hampson s’affirme
indiscutablement comme l’un des plus grands barytons actuels.
Malheureusement la seconde partie, consacrée aux Kindertotenlieder, dans une transcription tardive pour piano, nous
apparut plus monotone, comme une longue complainte où l’absence de l’orchestre
se faisait cruellement ressentir. Si le jeu de Wolfram Rieger
semblait parfaitement adapté à la première partie - tantôt murmurant,
implorant, tantôt violent, rageur et saccadé -, il parut, en revanche, beaucoup
trop maniéré dans la seconde partie, avec des tempi trop lents, à la limite de
la rupture, laissant Thomas Hampson un peu esseulé, malgré la qualité du
chant et la présence scénique.
Thomas
Hampson ©DR
Bernard Haitink clair et juste, Salle Pleyel. Chamber Orchestra
of Europe, dir. Bernard Haitink.
Bernard Haitink dirigeait, salle Pleyel, le
Chamber Orchestra of Europe, dans un programme exclusivement consacré à Beethoven,
comprenant l’Ouverture de Fidelio, la 8e et la 5e Symphonie. Maîtrisant
totalement son sujet, par sa direction précise et sa gestique minimaliste, il
fit de ces deux œuvres une lecture d’une grande cohérence et d’une étonnante
clarté. La Huitième, élégante,
enlevée, vigoureuse ; à l’inverse, la Cinquième,
inquiétante, menaçante, tendue laissant percevoir, en filigrane, une
palpitation permanente, initiatique dans l’évolution des tonalités du sombre ut mineur au lumineux ut majeur, accentuant les nuances
pour donner plus d’expressivité. L’orchestre, quant à lui, se montrait
très réactif, d’une remarquable sonorité, avec une mention particulière pour
les vents. Bref, un grand moment de musique et une 5e Symphonie d’anthologie, à ranger aux cotés des mythiques
interprétations de Carlos Kleiber. Une ovation du public et des musiciens
saluait ce grand chef. Merci, monsieur Haitink !
©Fred Toulet/Salle
Pleyel
Sarah Connolly lumineuse au TCE. Orchestre of the Age of Enlightenment, dir. Vladimir Jurowski. Sarah Connolly,
soprano.
Un orchestre sous l’éteignoir malgré les
efforts de Vladimir Jurowski, pour ce concert associant Wagner, Mahler et Liszt
autour du thème des « Poètes symphoniques », dans le cadre du cycle
Mahler, au Théâtre des Champs-Élysées. Une première partie calamiteuse
nous donnant à entendre un méconnaissable Prélude de Parsifal de Richard Wagner et la Totenfeier de Gustav Mahler. Une sonorité grossière,
lourde et rugueuse, à la limite de la justesse, dépourvue de la plus
élémentaire spiritualité pour la première œuvre. Un peu moins
catastrophique, pour la deuxième, où la pesanteur et la sombre sonorité de
l’orchestre semblaient mieux s’accorder au service funèbre qui deviendra,
ultérieurement, le premier mouvement de la Deuxième
Symphonie de Mahler. Heureusement, Sarah Connolly nous enchanta,
en seconde partie de concert, d’une lumineuse interprétation des Lieder eines fahrenden Gesellen (Chants
d’un compagnon errant) remarquablement chantés. Tessiture étendue
parfaitement adaptée à la partition, aigus puissants sans agressivité, graves
profonds, en phase avec l’orchestre qui semblait, enfin, retrouver un semblant
de cohérence et une clarté mettant bien en évidence la finesse de
l’orchestration mahlérienne. Une impression, plus favorable, qui se
confirmait dans Les Préludes de
Liszt où la prédominance des cordes faisait un peu oublier les nombreux
faux pas des cuivres, permettant à ce concert de sortir de sa pénombre
initiale.
Sarah
Connolly ©Peter Warren
Un concert sans queue ni tête au TCE. Ensemble orchestral de Paris, dir.
Paul McCreesh. Aleksandra Zamojska, soprano.
Les responsables de la communication de
l’Ensemble orchestral de Paris n’ont décidément guère de respect pour les
spectateurs qui se trouvaient, ce soir-là, devant un changement de programme,
un changement d’interprète, sans en avoir été prévenus et sans avoir eu le
choix de se faire rembourser ! Un programme faisant initialement partie
d’un cycle Mahler, d’où Mahler avait disparu, remplacé par Beethoven et
Haydn ! De plus, conception éminemment contestable du chef, une IXe Symphonie de Schubert
interrompue par l’entracte (?) et des airs de concert de Haydn et
Beethoven (?) de façon si incongrue que certains spectateurs se
demandaient s’il n’existait pas une nouvelle version de cette symphonie avec
voix ! Ces remarques étant faites, le concert s’est à peu près bien
déroulé musicalement, avec une monumentale IXe Symphonie de Schubert dite « La Grande »
parfaitement interprétée par l’orchestre sous la direction, toujours aussi
atypique qu’efficace, de McCreesh. Les airs de concert Berenice, chef ai ? de Haydn et Ah, perfido ! de Beethoven étaient
l’occasion d’entendre la remarquable soprano Aleksandra Zamojska,
totalement à l’aise vocalement et scéniquement dans ces airs difficiles.
Une soirée surprenante mais surtout, un chef et un Ensemble orchestral dont il
faudra désormais vérifier la programmation avant chaque concert.
Aleksandra
Zamojska ©DR
Patrice Imbaud.
***
Musique entre Moyen Âge et Renaissance
Parallèlement à l’Exposition France 1500 / Entre Moyen Âge et Renaissance qui s’est tenue au Grand Palais, l’excellent Ensemble Entheos a donné, le
8 janvier 2011 - devant une foule qui emplissait l’auditorium des Galeries nationales
jusqu’à la dernière place - un brillant concert permettant de dégager le
« paysage musical » autour du chef de file, Josquin des Prés
(ca 1450-1521). Thierry
Crépin-Leblond, conservateur et directeur du Musée d’Écouen, a situé ce
complément sonore par rapport à l’Exposition et rappelé que les musiciens font
partie de l’Europe de la Renaissance et que des instruments d’époque exposés
pourront être entendus.
Pour souligner l’évolution du langage
musical dans la sphère franco-flamande, le programme était conçu en deux
parties. La première : La
sublime abstraction a permis d’entendre des œuvres religieuses et profanes
de Jean Ockeghem, Josquin des Prés et Antoine de Févin. La
seconde : La forme au service du
sens, a révélé des motets de Pierrequin de Thérache et Pierre Moulu,
et la messe Verbum bonum de
Jean Mouton, d’après P. de Thérache, entre autres.
En 2005, Benoît Damant, chanteur, a fondé
l’Ensemble Entheos « qui tire son nom de la pensée de Platon ayant
profondément influencé la Renaissance. Enthéos signifie enthousiasme… », et c’est précisément cet
enthousiasme que ce remarquable chef obtient de ses chanteurs et
instrumentistes si judicieusement sélectionnés, enthousiasme associé à la
sobriété, la transparence et la finesse indispensables à l’interprétation de la
musique à la charnière entre le XVe et le XVIe siècle.
Édith Weber.
***
Reprise de Luisa Miller à
l'Opéra Bastille
Pour n'être pas le plus fréquenté des
opéras de Verdi, Luisa Miller n'en mérite pas moins une écoute
attentive. Tirée de la pièce de Schiller, Kabale und Liebe,
l'œuvre se veut intimiste. D'un grand raffinement musical, elle
privilégie un climat pastoral. Ses trois parties, « amour, intrigue,
poison » résument une action où évoluent des caractères typés. La
production de Gilbert Deflo, dans une décoration agréablement stylisée,
est une réussite. La distribution de cette reprise s'annonce prometteuse.
©DR
Opéra Bastille, les 7, 10, 17, 24, 26, 29
mars et 1er avril à 19h30 ; les13 et 20 mars à 14h30. Renseignements : 130, rue de Lyon, Paris XIIe. Tél. : 0892 89 90
90. www.operadeparis.fr
Katia Kabanova de nouveau au Palais Garnier
C'est un « classique » de mise en
scène que reprend l'Opéra de Paris : une vision actualisée du singulier
huis clos d'une histoire étouffante de passions interdites au sein d'une
société étriquée, que Janáček a empruntée à la pièce du poète russe
Ostrosvki, L'Orage. Christoph Marthaler a peut-être signé là
sa meilleure réalisation, marquée au coin d'une formidable acuité dramatique.
Angela Denoke reprend le rôle-titre où elle a bien peu de rivales. À
ne pas manquer.
Leoš
Janáček ©DR
Opéra Garnier, les 8, 12, 16, 21, 23, 29
mars, 1er et 5 avril, à 19h30. Renseignements : angle
rue Scribe / rue Auber, Paris Ier. Tél. : 0892
89 90 90. www.operadeparis.fr
L'affiche alléchante du
Festival de Glyndebourne 2011
Le célèbre festival anglais, qui se
déroulera du 21 mai au 28 août 2011, annonce une programmation fort
attractive par sa diversité et ses choix artistiques. Y seront présentées
deux nouvelles productions et quatre reprises. Au titre des nouveautés,
l'incontestable événement est la « création » in loco de Die
Meistersinger von Nürnberg de Wagner, concrétisant enfin le vœu du
fondateur du festival, John Christie, un admirateur inconditionnel du
maître de Bayreuth. Après la production acclamée de Tristan et Isolde, Les Maîtres devraient conquérir le public dans la mise en scène de
David McVicar et la direction du directeur musical du festival, Vladimir Jurowski
conduisant le LPO. L'écrasant rôle-titre sera interprété par le baryton
britannique Gérald Finley (21 mai-26 juin). Autre nouvelle production,
s'inscrivant dans la prestigieuse série des opéras de Haendel présentés à
Glyndebourne, Rinaldo sera défendu par une équipe artistique de haut vol :
Robert Carsen à la mise en scène et Ottavio Dantone pour la direction
d'orchestre, The Orchestra of the Age of Enlightenment (OAE) en
l'occurrence, une formation idéale pour interpréter ces pages. Dans la
distribution, on remarque Sonia Prina et Sandrine Piau (2 juillet-22
août).
©DR
Au titre des reprises, la mise en scène
avant gardiste et fellinienne de Jonathan Kent de Don Giovanni sera, cette fois, dirigée par le jeune chef Robin Tacciati - qui doit peu
après faire ses débuts au Festival de Salzbourg dans Le Nozze di
Figaro. Il conduira l'OAE (22 mai-12 juillet). L'Elisir d'Amore, dans l'amusante production de Annabel Arden,
revivra sous la baguette de Enrique Mazzola, avec l'émoustillante Danielle
de Niese et le ténor américain Stephen Costello pour incarner les
deux protagonistes amoureux (9 juin-4 août). Le chef-d'œuvre
opératique de Dvořák, Rusalka, reviendra aussi à l'affiche dans la production
imaginative de Melly Still, sous la baguette de Sir Andrew Davis,
retour attendu de celui qui fut ici directeur musical de 1989 à 2000
(23 juillet-27 août). Enfin, The Turn of the Screw de Britten conclura la saison dans un formidable huis clos imaginé par
Jonathan Kent, la direction d'orchestre étant assurée par le chef tchèque
Jakub Hrůša, et alignant, là encore, un cast choisi, dont le ténor
Toby Spence et la soprano Kate Royal (11-28 août).
Renseignements : À partir du 26
mars 2011. Tél. : 00 44 (0)1273 813 813. www.glyndebourne.com
La Cendrillon de Massenet renaît de ses cendres à l'Opéra
Comique.
Jules Massenet aura exercé sa faconde
créatrice dans les genres les plus divers, abordant même celui de
l'opéra féerie, très prisé de son temps. Le conte de fées Cendrillon a été créé à l'Opéra Comique en 1899, dans un théâtre peu avant
réouvert et doté des derniers aménagements techniques. Il y revient
enfin. D'après Charles Perrault, il puise aussi à la belle tradition
des contes littéraires qui fleurissait à la fin du XIXe siècle.
Faisons confiance au metteur en scène Benjamin Lazar et à ses acolytes (à
qui l'on doit un Cadmus et Hermione d'anthologie) pour habiter
visuellement les péripéties d'un sujet mêlant féerie et fantastique, et à
Marc Minkowski pour tirer le meilleur d'une partition ambitieuse.
©DR
Opéra Comique : les 5, 7, 9, 11 et 15
mars 2011 à 20h00 ; le 13 mars à 15h00. Renseignements : 1,
place Boieldieu, Paris IIe. Tél. : 0825 01 01
23. www.opera-comique.com
Jean-Pierre Robert.
***
PIANO
Angela Hewitt’s Bach Book for piano. Boosey & Hawkes (www.boosey.com) :
BH 12258. 23,1 x
30,3 cm, 68 p. 15,95 € H.T.
Cette fort originale publication comporte
six hommages à Jean-Sébastien Bach, commandés par la célèbre pianiste
Angela Hewitt à : Brett Dean, Robin Holloway, Elena
Kats-Cherninn, Dominic Muldowney, Kurt Schwertsik &
Yehudi Winer. Toutes nouveautés auxquelles sont adjointes des
transcriptions de pages célébres du Cantor, signées Angela Hewitt,
Herbert Howells & William Walton. Niveau :
intermédiaire à avancé.
Nils
FRANKE (Édité par) : Anthologie du
piano classique, vol. 1. Schott Music (www.schott-music.com) :
ED 13234. CD encarté. 23,1 x 30,3 cm,
42 p. 14,95 € H.T.
Dans ce premier volume d’une série qui en
comportera quatre, sont proposées 30 œuvres originales, classées par ordre
croissant de difficulté (de très facile à facile), signées Mozart, Diabelli,
Haydn, Hummel, Beethoven, Weber, Hassler, Cramer, Muller, Schubert, Steibelt… Notices
d’interprétation pour chaque pièce, avec biographie des compositeurs. Pièces
interprétées, sur le CD, par Nils Franke (TT : 27’00).
VIOLON
Irmhild BEUTLER & Sylvia Corinna ROSIN : Advent, advent ! Chants de Noël et d’hiver pour le violon. Très
facile. Breitkopf Pädagogik (www.breitkopf.de) :
EB 8827. 28 p., ill. couleurs : Marlies Walkowiak.
12,50 €.
À tout violoniste débutant, ce joyeux album
propose, de manière progressive, 17 chants de Noël ou d’hiver, jouables en
première position (textes en seul allemand). Avec second violon et/ou
piano (ou guitare), dans d’habiles arrangements signés Ulrike Wildenhof
(une précédente édition était parue, en 2009, pour flûte à bec). L’album
inclut un cahier séparé pour le piano.
ACTIVITÉS MUSICALES
Annie
BACHELARD, Daniel COULON & Jean-Paul LOISY : Musique au quotidien, de la Maternelle au CE1. Scérén/CRDP-Bourgogne
(http://crdp.ac-dijon.fr).
20,5 x 29 cm, 290 p., partitions, ill. n&b, 2 CDs.
69 €.
Pour tout enseignant de la Maternelle au
CE1, voilà qui sera une précieuse mine d’activités musicales à lier aux autres
activités de la classe, plus particulièrement à la lecture. Outre des
précisions concernant la mise en œuvre pédagogique, l’ouvrage propose 8 étapes
comprenant 102 fiches pédagogiques & leurs documents annexes
(partitions, illustrations) ainsi que 2 CDs (chansons, œuvres
musicales + extraits sonores nécessaires à la mise en œuvre des séquences
pédagogiques). Le respect de la chronologie des fiches n’est toutefois qu’une
possibilité parmi d’autres. Un outil remarquable !
CHANSONS
Thibault
MAILLÉ : Ménagerimes, 26
chansons pour voix d’enfants & piano, sur des poèmes de
Joël Sadeler. Didier Jeunesse (www.didierjeunesse.com).
18 p. 23,40 €.
De A comme Araignée, à Z comme Zébu, que voilà
un plaisant abécédaire animalier, ludique et coloré, sur de ravissantes
mélodies (parfois arrangées à 2 voix), avec un accompagnement de piano
fort bien écrit ! Où se succédent les 24 tonalités des modes
majeur et mineur. Cycle en miroir, les 13 dernières chansons faisant fort
habilement écho aux 13 premières… Un enregistrement, par
Jacques Haurogné, est également disponible (23,5 €).
GUITARE
Frank
GRAZIANO : Devenez guitariste.
Co-édition Eyrolles/Carisch (www.editions-eyrolles.com).
Quadri, cartonné à spirales, 23 x 28,5 cm, 140 p. + DVD.
25 €.
Voilà qui permettra à tout guitariste
débutant d’apprendre à jouer aisément 13 morceaux, à la manière de
quelques groupes de référence : Cranberries, Coldplay, Oasis, Rage,
The Verve, Green Day, Ben Harper, Muse, Radiohead,
White Stripes, Lenny Kravitz, Nirvana, Red Hot
Chili Peppers. Chaque pièce est expliquée, illustrée de photos &
de croquis, enrichie d’exercices et accompagnée d’une vidéo didactique sur
DVD. Ensemble judicieusement assorti de conseils quant au choix d’un
instrument et de ses accessoires…
Patrick
PFEIFFER : La guitare basse pour les
nuls. Adaptation française : Giselle Foucher. First Editions
(www.editionsfirst.fr).
19 x 23 cm, 330 p., tablatures, ex. mus.,
ill. n&b, CD inclus. 22,90 €.
Huit parties composent ce fort éclairant
manuel : Le monde du point de vue de
la basse / Les basse-iques du jeu / Allez plus avant, créez des
grooves… / Utiliser l’accompagnement correct pour chaque style (jazz,
rock, R&B, dance, bossa-nova, reggae…) /
Tendresse, amour et attention pour votre basse / Où et comment acheter une
guitare basse ? / Les 10 incontournables / Annexes (comment utiliser le CD…). Une approche sans complexe.
Francis Cousté.
CHANT
Steve WARING & Alain GIBERT : À vous la chanson ! Le Chant du
Monde (pianco@chantdumonde.com) :
FK 4639. 59 p.
Cette
invitation à la chanson, accompagnée d’une discographie et d’une bibliographie
(livres & partitions, site Internet) est irrésistible, grâce aux paroles et
aux musiques de l’Américain Steve Waring et du Français Alain Gibert.
Le répertoire varié est destiné aussi bien aux amateurs qu’aux professionnels,
aux écoles élémentaires qu’aux écoles de musique. La facture mélodique et
les tempi sont ciblées pour les voix d’enfants. Certaines chansons
nécessitent un accompagnement instrumental (guitare, éventuellement piano)
assurant un soutien harmonique. D’autres peuvent être interprétées
a cappella. Les titres de ces 31 textes sont classés dans
l’ordre alphabétique, allant de Bâtons de
pluie à Ukulele, en passant par Grand mère pomme verte, Ogresse, Papa Ours, Le ramoneur rouge…,
révélant l’inventivité et l’imagination des deux auteurs. Original,
désopilant, inventif : à vous de chanter !
QUATUOR À CORDES
Nicolas BACRI : Quatuor à cordes n°6, op.97. Le Chant du Monde (pianco@chantdumonde.com) : MC
4504. 28 p. (+ parties séparées).
Après
avoir largement diffusé des partitions du « 20e siècle », les
Éditions du Chant du Monde ont lancé la Collection « 21e siècle ». Le Quatuor à cordes n°6 de Nicolas Bacri
date de 2005. Le compositeur, né en 1961, a été l’élève de Cl. Ballif, M.
Philippot, S. Nigg et M. Constant. Premier Prix de Composition musicale (1983),
après son séjour à la Villa Médicis, il se distinguera par plusieurs Prix et sa
carrière internationale. D’abord adepte de la musique atonale, il revient
progressivement au sentiment tonal dans ses compositions. Pour lui, l’exigence
formelle prédomine, sans pour autant nuire au lyrisme. Dans cette partition, la
saisie indique l’usage des altérations (notamment des bécarres), les nuances
voulues par le compositeur, les tempi et la dynamique. L’édition pour quatuor
comprend aussi les parties séparées pour chaque instrument. À vos archets pour
rendre hommage à ce musicien si attachant.
Édith
Weber.
FORMATION MUSICALE
Chantal
BOULAY & Dominique MILLET : A
Tempo. Cours complet de formation musicale. Vol. 7. 2e cycle,
3e année. 1 vol. écrit, 1 vol. oral, 1 fascicule
de corrigés. Billaudot : G 8369 B.
Nous avons déjà dit tout le bien que nous
pensions de cette méthode extrêmement complète et très pédagogique. Le contenu
en est riche et comporte tous les aspects souhaitables pour un harmonieux
développement musical des élèves. Rien n’est laissé dans l’ombre, depuis
la lecture de notes pratiquée « in situ », c'est-à-dire sur des
extraits d’œuvres, jusqu’au commentaire d’écoute et à l’audition, sans oublier
théorie et analyse.
PIANO
Red
RADOJA : La chanson des Garrie. Suite pour piano. Armiane (www.armiane.fr) : EAL467. Distr. Fortin.
Ce jeune compositeur et pianiste albanais
semble doté de tous les talents puisqu’il est également l’auteur du dessin
original de la couverture. La préface de Jacques Viret situe bien l’œuvre :
faisant allusion à Bartók, il situe Red Radoja dans la lignée de ces
compositeurs pour qui la musique populaire est une source vitale mais qui, loin
du folklorisme, en font leur miel pour y trouver un langage original.
Sept pièces illustrent une histoire racontée par l’auteur. Il ne s’agit
pas d’illustration mais d’évocation. L’écriture est celle d’un pianiste
connaissant toutes les ressources et couleurs de l’instrument. Souhaitons que
cette première œuvre soit suivie de beaucoup d’autres.
ORGUE
Didier
MATRY : 14 Méditations pour
orgue. Armiane : EAL438.
Bien que l’auteur soit titulaire du
grand-orgue de Saint Augustin à Paris, ces pièces ne demandent pas un
instrument très important. Ces quatorze très courtes méditations portent
bien leur nom et trouveront aisément leur place aussi bien au concert qu’à l’office.
Chacune a son climat, son atmosphère. Ce sont autant de petits bijoux à
découvrir.
ALTO
Max
MÉREAUX : Bella Donna pour alto
seul. Armiane : EAL506.
Le sous-titre : « Méditation sur Belle qui tient ma vie (pavane du XVIe siècle) »
indique le propos de l’œuvre. La méditation se déroule entre deux
énonciations de la pavane, tandis que des fragments reparaissent tout au cours
de l’œuvre qui déploie toutes les techniques contemporaines de l’instrument au
service d’un chant profondément expressif.
VIOLONCELLE
Léonello
CAPODAGLIO : Air pour quatre
violoncelles. Armiane : EAL482.
Cette très agréable pièce permettra à
quatre jeunes violoncellistes de goûter les joies de la musique de chambre sans
être paralysés par les difficultés techniques. Chaque partie chante,
dialoguant avec ses partenaires, même si le premier violoncelle a un rôle
prééminent. Il se dégage de cette œuvre une atmosphère de paix et de
tendresse.
FLÛTE
Michel
LÉGER : Comme un ruisseau pour
flûte en ut & piano. Niveau
préparatoire. Lafitan : P.L.2066.
Cette courte pièce possède un caractère à
la fois bucolique et sautillant qui convient parfaitement. Le piano ne se
contente pas d’accompagner mais dialogue vraiment avec le flûtiste. Cette
pièce permet donc un vrai travail de musique de chambre que professeurs et
élèves apprécieront.
Michel
LÉGER : La belle de qualité pour
flûte en ut & piano. Niveau
élémentaire. Lafitan : P.L. 2067.
Voilà une « belle » gracieuse à
souhait, pleine de légèreté et de vivacité, dont le partenaire semble être
également un homme « de qualité ». Pianiste & flûtiste se
devront de rivaliser d’élégance pour être, tous deux, du « bel air »…
Jean-François
PAILLER : Little story pour
flûte en ut & piano. Niveau
élémentaire. Lafitan : 1988.
Cette courte pièce descriptive commence par
un dialogue entre flûte & piano, partenaires d’une valse. Suit une
partie sautillante… Le tout se termine par une danse en mouvements syncopés.
Pas si facile pour les deux protagonistes, mais tellement charmant…
HAUTBOIS
Max
MÉREAUX : Melodia pour hautbois
seul. Armiane : EAL504.
Cette Melodia porte bien son nom, se déroulant comme une rhapsodie lyrique avec, à son
service, les techniques contemporaines de l’instrument. Alternant tempo
rapide et passages plus libres, elle convient au timbre toujours empreint de
mélancolie du hautbois.
Vincent
FRIBERG : Aubade, Fantaisie,
Heureuse rencontre, Valse en lab,
Romance en fa. Armiane :
EAL499.
Ces cinq pièces relativement faciles de
Vincent Friberg ont l’immense avantage de ne pas être non plus trop difficiles pour
le piano : deux élèves pourront donc les jouer avec profit. Le
langage est classique, les mélodies faciles à retenir. Souhaitons
beaucoup de plaisir aux jeunes instrumentistes qui interprèteront ces charmants
tableautins.
Anže
ROZMAN : Danse de la luciole,
Tarentella. Armiane : EAL484.
Ces deux pièces d’un jeune compositeur
slovène montrent déjà une grande maturité et une véritable originalité de
langage. La Danse de la luciole est
pleine de charme et de poésie, la Tarentella ne démentit pas son titre et nous entraîne dans une danse endiablée,
certainement inspirée par des échos de danses slovènes. Le hautbois semble
particulièrement adapté à ces deux pièces.
Christine
MARTY-LEJON : Carrousel bordelais pour
hautbois & piano. Cycle 1. Lafitan : P.L. 1985.
Avec en exergue la première strophe du
poème de Verlaine Tournez, tournez, bons
chevaux de bois, cette pièce ne pouvait manquer de charme. Elle tient
ses promesses, la partie de piano assurant le côté un peu mécanique du manège,
le tout sans grande difficulté pour les interprètes.
Max
MÉREAUX : Au soleil du soir pour
hautbois & piano. 1er cycle. Lafitan :
P.L. 2099.
À ce titre un peu mélancolique correspond
une très jolie mélodie, soutenue par une partie de piano très proche d’un
célèbre prélude de J.S. Bach (non, pas celui en do majeur, celui en do mineur…).
Bref, de quoi exercer les qualités expressives du hautboïste et la délicatesse
de toucher de son accompagnateur.
CLARINETTE
Rémi
MAUPETIT : Karinette pour
clarinette en sib & piano. 2e cycle.
Lafitan : P.L. 1992.
Rémi Maupetit nous propose ici une pièce
très fraîche et plaisante. Elle se présente en deux parties séparées par
une cadence volubile. Il s’agit d’un joli portrait avec une partie de piano
très abordable par un élève.
Michel
NIERENBERGER & Valentin NIERENBERGER : Barcarolle et Pavane. Niveau élémentaire.
Lafitan : P.L. 2019.
Les auteurs précisent bien qu’il s’agit
d’une pièce en deux mouvements : il y a donc une réelle unité entre ces
deux parties. Après une barcarolle un peu nostalgique, la pavane n’est
nullement destinée à une infante défunte mais est au contraire joyeuse et
légère. Cette mini-suite donne au piano un rôle de partenaire à part
entière qui permet une véritable initiation à la musique d’ensemble.
TROMPETTE
Émile
LELOUCH : Sine nomine pour
trompette & piano. Combre : C06712.
De niveau moyen et DFE, cette œuvre d’un
compositeur chevronné se déroule en un flux ininterrompu, avec certains
passages plus lents, qui cependant ne rompent pas le déroulement dansant de
l’ensemble. Cette œuvre, musicalement très intéressante, fait appel à
toutes les qualités de l’instrumentiste.
Pascal
PROUST : Aleria. Petite
suite pour trompette ou cornet solo. Combre : C06655.
Écrite pour les jeunes élèves de fin de
premier cycle, cette suite en sept courts mouvements pour trompette seule est
un « exercice-jeu ». Destinée à permettre à l’élève d’aborder
les nouvelles techniques d’écriture musicale de façon non rébarbative, elle
peut donner lieu à un mini-spectacle, chaque mouvement illustrant un épisode de
la vie romaine (200 ans av. J.C.) de la ville d’Aléria, en
Corse : lieu, personnages, poursuite… L’imagination peut se donner libre
cours !
COR
Pascal
PROUST : Arkeos. Petite
suite pour cor solo. Combre : C06704.
Voici, pour le cor, le pendant de la petite
suite pour trompette présentée ci-dessus. Là encore, l’élève fait
connaissance avec les signes de l’écriture contemporaine à travers de petites
scènes situées dans un lieu indéterminé de la Grèce antique qu’il pourra relier
par une histoire à inventer, lui permettant de donner libre cours à son
imagination.
Piotr
MOSS : Form XIII pour 4 cors en fa. Delatour : DLT0944.
De niveau difficile à très difficile, cette
pièce, d’écriture résolument classique, alterne moments mélodiques et
rythmiques. Construite en courts épisodes, elle offre une grande variété
et exploite à fond toutes les ressources de l’instrument.
MUSIQUE DE CHAMBRE
Gréco
CASADESUS : Le passeur de brumes pour
saxo
Jean-Claude YON : Jacques Offenbach. NRF/Gallimard,
« Biographies ». 797 p. 35 €.
La littérature commise sur Jacques
Offenbach, du moins récente et en langue française, n'est pas très
abondante. Aussi la monographie que lui consacre Jean-Claude Yon est-elle
la bienvenue. Car célébrité d'un compositeur, voire, dans son cas, d'un
genre musical, l'opérette, ne veut pas nécessairement dire exacte connaissance
de celle-ci. Malgré son succès, des pans entiers de l'œuvre de l'auteur
de La Belle Hélène restent méconnus et même à redécouvrir.
Cette richesse foisonnante au milieu d'une époque emportée dans le tourbillon
de l'histoire politique et artistique, l'auteur nous la fait toucher du
doigt. On ne saurait être plus exhaustif pour retracer le cheminement
d'un musicien né allemand, français de cœur et d'adoption, qui a su
méthodiquement asseoir sa notoriété et bâtir solidement un empire musical d'une
envergure peu commune, même à l'époque pourtant fertile et brillante du milieu
du XIXe siècle, et qui saura rebondir après la défaite de
Sedan. Spécialiste du Second Empire, l'auteur, qui a puisé à de
nombreuses sources peu exploitées jusqu'alors, voire même inédites, retrace au
fil d'une rigoureuse chronologie, la genèse comme la destinée, fortune ou
échec, de chacune des œuvres scéniques d'Offenbach, la replaçant dans son
contexte biographique et artistique. Ainsi des pièces en forme d'essai
jusqu'aux premiers succès, des grands triomphes, savamment entretenus au fil de
reprises, tant en France qu'à l'étranger, jusqu'au triomphe posthume des Contes d'Hoffmann sur la scène si convoitée de l’Opéra Comique. C'est que
le maître a livré une patiente mais irrésistible conquête des théâtres
parisiens, des Bouffes-Parisiens à La Gaîté, en passant par Les Variétés.
Les traits de caractère de l'homme sont dessinés à travers un tournoiement
incessant d'activités : soucieux de construire son personnage et
d'entretenir sa réputation, plus ou moins satanique aux dires de certains
contemporains, démiurge certainement, et nul doute, le premier chantre de la
communication des temps modernes. L'auteur ne néglige rien : du
montant des recettes quotidiennes au portrait des interprètes favoris du
musicien, du climat électrique des répétitions aux avis, souvent partagés, qui
ponctuent chaque Première, tout un luxe de détails émaille un récit vivace et
généreux comme la musique de celui qu'il honore.
Barbara HENDRICKS : Ma Voie.
Mémoires. Les Arènes. 492 p. 24,80 €.
La cantatrice américaine Barbara Hendricks
a choisi de se raconter, sans fard, avec naturel, comme elle est à la vie, à la
scène. Un enfance, tout sauf facile dans le sud des États-Unis pendant la
ségrégation, va développer chez elle une inébranlable volonté de bien faire,
un total refus de la compromission, un amour éperdu de liberté. Sa quête
d'absolu en fait un esprit libre, car « le voyage sans fin vers une
inaccessible perfection compte davantage que la destination » et « on
est toujours en route ». Elle rejoint celle de vérité, « dans
ma vie comme art et dans mon art comme vie », à l'instar de sa propre
marque de disque qu'elle va créer en 2005, Arte Verum, pour assumer ses
propres choix, après bien des années passées à enregistrer chez un des grands
majors. Elle évoque ses rencontres décisives, que ce soit avec la grande
chanteuse Jennie Tourel, plus qu'un professeur, une conseillère, les chefs
d'orchestre Karajan, Giulini ou Bernstein, mais aussi des hommes politiques,
Kofi Annan, Bill Clinton ou Václav Havel. Ce qui force
l'admiration : sa générosité envers collègues et amis, sa parfaite
lucidité quant à son art et ses propres capacités personnelles et artistiques,
car elle a tout de l'anti-diva. Le regard est lucide sur une carrière
maintenant riche de quelque quarante ans, consacrée tant à l'opéra qu'à l'art
suprême du récital qu'elle chérit par dessus tout, car là il est impossible de
tricher avec soi-même. Elle s'explique surtout sur son engagement pour la
cause humanitaire auprès du HCR, en qualité d'ambassadeur de bonne volonté,
fonction qu'elle investit désormais pleinement, au même titre que sa carrière
musicale. Le récit est vif, sans concession vis-à-vis de ceux qu'elle
considère comme mus plus par l'argent que par la promotion des vraies valeurs
humaines et des idées de justice, toujours dénué de complaisance, n'hésitant
pas refuser telle proposition qu'elle juge risquée ou à qualifier d'imposteurs
ceux côtoyés qui « sont dans le paraître », par opposition aux
« gens vrais, ceux qui sont dans l'être ». Ce qui vaut quelques
portraits habilement esquissés de proches, de partenaires ou d'autres
musiciens. Un CD d'airs choisis complète en musique ce parcours singulier
où cohabitent la chanteuse et la militante.
Piotr KAMINSKI : Haendel, Purcell et le Baroque à Londres.
Le guide de tous leurs opéras. Le Livre de Poche, « Références ».
320p. 6,95€.
Piotr KAMINSKI : Le bel canto. Rossini, Bellini, Donizetti... Le Livre de Poche, « Références ».
480 p. 7,50 €.
Voilà deux guides fort utiles qui feront le
bonheur aussi bien de l'amateur éclairé qui a toujours quelque chose à vérifier
dans son jardin secret d'opéras, que du mélomane avide de découvrir et de se
préparer à la représentation. L'importance actuelle de l'offre (même en
salle de cinéma désormais) justifie ce type d'ouvrage qui dépasse
avantageusement l'analyse circonstanciée de la pochette de disque ou le style
froid du dictionnaire. Tiré de l'ouvrage que Piotr Kaminski a
consacré aux 1001 opéras (Fayard, 2003), ces volumes centrés, d'une part, sur le baroque anglais,
d'autre part, sur le bel canto apparaissent indispensables pour une
approche rapide mais compréhensive. Chaque opéra est abordé de manière exhaustive
selon la même méthode : d'abord l'argument, résumé acte par acte, avec
quelques bienfaisants points de repères ; ensuite une histoire de l'œuvre,
genèse et carrière, notamment pour ce qui est de la création et des reprises à
l'époque moderne ; enfin, une analyse de l'œuvre : caractéristiques
musicales, moments essentiels de la pièce, ses singularités au sein de la
production du musicien, etc. Comme le souligne Gérard Courchel dans
sa préface, ces livres se distinguent avant tout par la rigueur de l'auteur, sa
passion évidente aussi, qui ne l'empêche pas d'être objectif, et la facilité
d'accès pour le lecteur. D'autant que le propos ne verse pas dans le
jargon de spécialiste. Aussi saluera-t-on l'entreprise qui nous vaut de
pouvoir saisir, par exemple, les traits essentiels des innombrables opéras de
Haendel et de quelques oratorios désormais aussi portés à la scène ; comme
des pièces moins connues de l'âge d'or du bel canto qui est loin de
se limiter au Barbier de Séville ou à Norma. On pardonnera
une erreur (La Pietra del Paragone a été représentée à Paris, en
2006, non au Théâtre des Champs-Élysées, mais à celui du Châtelet), pour
regretter dans le second volume une absence, celle de Spontini dont, parmi
d'autres, une œuvre comme La Vestale eût mérité de figurer.
Mais ce type d'ouvrage conduit nécessairement à opérer des choix : si
John Blow a sa place aux côtés d’Henry Purcell, celle de Carlo Coccia
relève du luxe dans ce panoptique belcantiste ! Alors qu'à n'en pas
douter, l'éditeur se doit de poursuivre cette approche didactique, qu'il soit
permis de souhaiter que l'auteur s'attache encore à expliciter de la sorte les
opéras du répertoire baroque français, Lully, Rameau, bien sûr, mais aussi
Philidor, Grétry, et tous ces maîtres de l'opéra-comique qu'on ressuscite fort
justement, ces temps. Et que dire de Vivaldi, dont on exhume peu à peu
les trésors théâtraux aussi bien au disque qu'à la scène.
Jean-Pierre Robert.
Jacques
BARBIER : Josquin
Desprez. Paris, Bleu Nuit,
2010. 30 €.
Enfin, sur l’un des plus grands
compositeurs de l’histoire, la somme attendue depuis… des siècles ! Qu’il
œuvre au service de l’église ou de la cour, à la gloire de Dieu ou pour le
plaisir des hommes, illustrant les genres majeurs de son époque, Josquin
Desprez aura fait preuve, tout au long de sa carrière, d’une inspiration
intarissable. Faisant, de la sorte, place nette pour le renouveau musical
qui se joue à Paris, à Rome, à Venise, en Angleterre, en Espagne, en
Allemagne. Cependant, en dépit de l’immense célébrité qui fut la sienne,
sa vie est assez peu documentée ; aussi, grand est le mérite de cet
ouvrage qui opère la synthèse de tous les acquis et soumet à un crible exigeant
toutes les sources, rappelant dans le même temps à quel point le génie de ce
musicien français coïncide avec les exigences de la Renaissance
européenne. Baignant dans le foyer romain, Josquin nuance de lyrisme son
génie au contact de l’école mélodique italienne, ce qui, joint à l’intensité
expressive et à la clarté formelle de son discours musical, en fait le
fondateur d’un style international, dont sa propre
production, étendue sur un demi-siècle, montre la prodigieuse fécondité. Le
goût pour l’écriture canonique et pour les calculs contrapuntiques y est
évident, mais jamais cette préoccupation ne limite l’intensité expressive,
lyrique, dramatique. L’analyse de toutes les pièces connues, une
biographie érudite, un catalogue complet… c’est cela qu’offre, au gré de ses
presque 300 pages (on saluera au passage l’audace et l’efficacité des
éditions Bleu Nuit), l’ouvrage de Jacques Barbier. C’est
d’ailleurs à ce grand spécialiste de la Renaissance (au double titre
d’universitaire et de chef de chœur) qu’il appartient de conclure :
« À l’heure où musique et musicologie s’allient et que les études josquiniennes
rencontrent la pratique musicale, dans une période qui voit fleurir de
nouvelles éditions musicales et des groupes spécialisés de musique ancienne, on
ne peut que souhaiter une actualité sonore encore plus riche et diversifiée
pour les exécutions de la musique de Josquin Desprez. » Un
souhait que ce magnifique opus ne peut que puissamment étayer !
Gérard Denizeau.
Claire
GIBAULT : La
musique à mains nues.
Itinéraire passionné d’une femme chef d’orchestre. L’Iconoclaste
& France Musique. 230 p. 20 €.
Un livre, comme une confession, aux
confidences parfois pesantes, un parcours initiatique menant de l’Ego à
l’Alter, un témoignage sur la difficulté d’être à la fois femme et chef
d’orchestre. Une écriture parfois maladroite, un ton parfois drôle et émouvant
mais toujours passionné et sincère. Une autobiographie qui dépasse
souvent le cadre de la musique pour envisager des problèmes comme la
spiritualité, l’adoption et la politique. Un livre intéressant, à lire
assurément, qui trouvera sans doute son public.
Patrice Imbaud.
Gerhard SCHILDBERG : Jean-Jacques Werner. L’heureuse
évolution d’une carrière artistique. Traduction (libre) de : Fredy Langermann, Jean-Jacques Werner. Die geglückte
Aufwärtsbewegnung einer künstlerischen Existenz. Strasbourg/Kehl
(Fleckenhofenstrasse 9, D-77694 Kehl-Zierolshofen).
17 p.-XV p.
Cette plaquette bilingue va
droit à l’essentiel : origines et traditions familiales, affinités
religieuses, vie quotidienne, influence décisive de Fritz Munch -
directeur du Conservatoire de Strasbourg - et du docteur Albert Schweitzer,
enracinement en Alsace, mais aussi large ouverture d’esprit aboutissant à sa
carrière parisienne, puis internationale : autant de témoignages d’un de
ses amis de toujours qui a suivi les étapes du chef et compositeur jusqu’à
« son retour en Alsace ». Ajoutons que, même « rentré au
pays », J.-J. Werner poursuit assidument ses engagements esthétiques.
Jérôme ROSSI : Frederick Delius ou une
célébration de la vie. Troinex/Drize, Genève, Éditions Papillon
(editionp@worldcom.ch),
« Mélophiles » n°24, 253 p. 26 €.
Toujours soucieuses de
présenter des compositeurs rarement traités, les éditions Papillon ont retenu
Frederick Delius (1862-1934). Jérôme Rossi plonge les lecteurs
dans sa vie et ses œuvres déjà largement diffusées et enregistrées ; il
s’appuie sur la biographie (1972) en anglais par Alan Jefferson et sur une
vaste correspondance publiée par Lionel Carley : A Life in Letters (1988). L’auteur considère le compositeur
comme « le dernier grand apôtre de notre temps dans l’expression musicale
de l’amour, de l’émotion et de la beauté ». Ce livre suit la
chronologie, évoque son enfance en Angleterre marquée par une « vocation
contrariée », ses années d’apprentissage : prélude à « une vie
pour la musique » en Floride, à Leipzig, à Paris, avec une incursion à
Londres. Dès 1896, le public s’intéresse à ses premières compositions, en
marche vers la maturité et la gloire. Pendant l’après-guerre (1919-1927),
sa réputation va grandissante, avec un sommet, le « Delius Festival ».
Influencé par Fr. Nietzsche, il cherche à profiter de l’instant pour se
réaliser. Ses premières œuvres se réclament du romantisme, puis il est
attiré par Wagner. Toutefois, sa musique mise sur l’émotion, car : « être
purement cérébral est facile, émouvoir de manière profonde et sincère est
difficile ». Étayée d’analyses judicieuses, complétée par le
Catalogue des œuvres aux titres variés et révélateurs, une Bibliographie
(essentiellement en anglais), une Discographie sélective et un abondant Index,
cette première monographie française est élaborée par un auteur passionné qui
réussit pleinement à communiquer aux « Mélophiles » sa passion pour
Fr. Delius.
Philippe CATHÉ, Sylvie DOUCHE & Michel
DUCHESNEAU (dir.). Marie-Hélène BENOIT-OTIS (éd.) : Charles Koechlin,
compositeur et humaniste. Paris, Vrin, « MusicologieS »,
609 p. 44 €.
Si Charles Koechlin (1867-1950)
est réputé chez les élèves pour son Traité d’Harmonie et, plus encore, pour son Traité de
l’orchestration, son œuvre de compositeur et ses qualités humanistes sont généralement
moins connues, et c’est l’un des mérites de cet ouvrage collectif paru chez
Vrin, dans la nouvelle collection « MusicologieS », à l’initiative de
Malou Haine et de Michel Duchesneau (cf. Lettre d’information, janvier 2011, p.62). Ce livre
monumental est structuré en 6 parties : Musique et société ; Esthétique
et composition ; Langage musical ; Cinéma et films imaginaires ; Le musicien et ses contemporains ; Témoignages. Les trois directeurs
ont fait appel à une vingtaine de spécialistes d’histoire de la musique,
d’analyse, d’écriture musicale et de cinéma. Tous ces auteurs procèdent à
une véritable « défense et illustration » de Charles Koechlin,
musicien original, indépendant, qui s’est intéressé aussi bien à l’histoire et
à la philosophie qu’à l’esthétique, l’art et la photographie, entre autres.
Ils le situent dans son contexte historique, par rapport à ses contemporains et
à la société de son temps. Complété par des documents, des citations du
maître, des autographes, l’Index des noms
et des œuvres, la Biographie des
auteurs (toutefois la Bibliographie sur Ch. Koechlin est absente). En fait, la conclusion de l’ouvrage
se trouve paradoxalement dans l’Introduction, où les trois directeurs situent
et présentent « Ch. Koechlin compositeur et humaniste » et où
Otfrid Nies résume sa biographie et propose un parcours de son œuvre.
Quoi qu’il en soit, cette approche très complète projette un éclairage global
sur ce penseur et théoricien qui a marqué l’esthétique et la pensée musicale
dans la première moitié du XXe siècle.
Myriam SOUMAGNAC (éd.) : Paris Prague. Voyage
musical en compagnie de Guy Erismann. Sampzon, Delatour France (infos@editions-delatour.com) :
DLT 1864. 2010, 198 p. (+ CD encarté). 20 €.
Guy Erismann (1923-2007) est,
en France, le spécialiste incontesté de la musique tchèque. Sa passion
pour Leoš Janáček, ses qualités professionnelles, ses émissions
radiophoniques et ses recherches ont marqué toute une génération de mélomanes.
Nul n’était mieux qualifiée que Myriam Soumagnac pour évoquer la vie et la
carrière de son ami, discothécaire, directeur du programme musical de
France Culture et auteur soucieux de mettre en valeur la « réalité
musicale tchèque ». Elle retrace l’histoire de la musique tchèque
selon les jalons posés par G. Erismann, et situe son parcours dans le
cadre de ses préoccupations méthodologiques et analytiques et de son entreprise
à la fois pédagogique et nationaliste mettant en valeur l’identité nationale
révélée, entre autres, par A. Dvořák, puis L. Janáček et B. Martinů.
Ce voyage musical est complété par 27 hommages et témoignages
particulièrement émouvants ainsi que de nombreuses photos historiques. Un
disque original permet d’entendre la voix de G. Erismann, des pages
vocales et pour cordes, typiques du paysage musical tchèque. Voilà une
remarquable invitation au voyage et à la découverte de l’enseignement du
regretté Guy Erismann.
Paul-André DEMIERRE : Les opéras napolitains de
Rossini. À la lumière de la
critique et des chroniques de l’époque. Papillon (route d’Annecy 46, 1256 Troinex/Drize,
Genève www.editionspapillon.ch),
« Mélophiles, n°25 », 283 p.
Ces neuf opéras se présentent,
en quelque sorte, comme un antidote à l’opera seria considéré par certains comme un genre ennuyeux. P.-A. Demierre va
droit aux sources : critiques, chroniques de l’époque où les chanteurs
faisaient preuve d’une virtuosité phénoménale, notamment à Naples, au Teatro
San Carlo. Au fil des années, ces opéras - faute de combattants -
ayant disparu des programmes, mais, vers 1950, grâce à Maria Callas
et d’autres « coloratures », sont
revenus à l’affiche. Après avoir évoqué la genèse, proposé un synopsis de
chacune des œuvres (Otello, Mosè in Egitto…), l’auteur met l’accent
sur l’aspect visuel spécifique (des décors aux maquillages), sur la typologie
vocale, l’originalité des neuf opéras, les influences assimilées, les
caractéristiques du langage rossinien. Figurent, entre autres, un très
utile Glossaire des termes techniques, une Bibliographie,
la recension des représentations jusqu’à 2010. Il n’est point étonnant
que ces « ouvrages qui sont l’expression suprême du bel canto
ensorcèlent une jeune génération de chanteurs qui acquiert peu à peu la
technique et le style exigé » (p. 237). Ce remarquable ouvrage
éclairera les spectateurs.
Anne PENESCO : Proust et le violon intérieur. Cerf (www.editionsducerf.fr),
« Littérature », 2011. 178 p. 18 €.
Professeur à l’Université
Lumière-Lyon II, entre autres docteur d’État en Musicologie et violoniste,
Anne Penesco s’est, de longue date, spécialisée dans l’histoire du violon.
Elle s’intéresse également aux rapports entre littérature et musique et à Marcel
Proust (1871-1922), dont les affinités avec l’instrument qu’il considère comme
« une autre voix humaine » sont bien connues. Partant de la
lecture attentive de ses ouvrages, de sa correspondance, de témoignages
contemporains émanant de compositeurs, instrumentistes et critiques musicaux,
l’auteur réussit à fasciner ses lecteurs en faisant intervenir les préceptes de
violonistes tels que J. Thibaud, G. Enesco, G. Poulet, L. Capet ;
la sensibilité, l’expression des sentiments et l’émotion ; et en jetant un
clin d’œil vers C. Saint-Saëns, C. Franck, G. Fauré et
L. van Beethoven, R. Wagner et R. Schumann, prenant aussi exemple
sur les jugements de R. Rolland ou de R. Hahn… et sur les réactions
relatives à l’audition du Septuor de
Vinteuil. Parmi les problèmes évoqués, figure celui des œuvres écrites
« non pour les contemporains, mais pour la postérité de
l’artiste » ; selon Proust (cf.
À l’ombre des jeunes filles en fleur et À la recherche du temps perdu), ce constat s’explique
« parce qu’une œuvre de génie est difficilement admirée immédiatement car,
si l’auteur est extraordinaire, peu de gens lui ressemblent. » Sur
ce livre, planent les expressions : « laisser parler l’âme des
œuvres » (G. Enesco), la « recherche du beau son », le « langage de la petite phrase », « la petite
ligne du violon »… À noter le chapitre XVIII : Proust compositeur, avec les partitions
qui ont nourri ses textes et qui prouvent sa vaste culture, son sens de la
recherche des analogies. Il a le don de capter les « impressions
fragiles et précieuses » qui, « entre réel et imaginaire, réminiscence
et création », le fascinent. Cette étude repose sur une parfaite
connaissance des textes et documents authentiques. A. Penesco
réussit parfaitement à éclairer l’environnement musical et émotionnel de
Proust.
Alexis GALPÉRINE : Édouard Souberbielle. Un
maître de l’orgue. Delatour (infos@editions-delatour.com) :
DLT 1842. 357 p.
(CD encarté). 28 €.
L’auteur de cette remarquable
monographie sur Édouard Souberbielle (1899-1986), accompagnée de documents
iconographiques inédits, de témoignages de ses contemporains et disciples, n’est
autres que son petit-fils, A. Galpérine. Il réussit à brosser un tableau
authentique de la personnalité exceptionnelle de son grand-père. Il
évoque la généalogie, la formation musicale du futur maître, la Première Guerre
mondiale et l’Après-guerre, les institutions qu’il fréquente :
Schola Cantorum, Conservatoire… Après l’Occupation, son rayonnement et son
engagement au service de l’Église - à la suite du Concile Vatican II, au
milieu de divergences théologiques - s’affirment. Il séjourne en Allemagne et
au Portugal. Ce volume comprend également des écrits d’É. Souberbielle sur
la musique religieuse de son temps et sur la facture d’orgue. Un
remarquable disque présente des extraits de ses concerts donnés à Paris (églises
St-Thomas-d’Aquin, Notre-Dame, Saint-Séverin…) et le concert enregistré lors de
la création de son Divertissement pour quatuor
à cordes (1926 ?), à Nancy (18 janvier 2010). Ces documents
écrits et sonores illustrent l’état d’esprit d’É. Souberbielle par rapport
aux milieux organistiques, ses idées concernant la pratique authentique par
rapport à une époque donnée et en fonction de la facture instrumentale.
Même en l’absence d’index, le prestige de ce musicien fascinant et méconnu est
révélé dans toute sa dimension morale, pédagogique et artistique.
Anne VEITL : Falling Notes / La chute des
notes. Quand Jean-Claude Risset métamorphosait l’acoustique et
la musique (1961-71). Delatour (infos@editions-delatour.com) :
DLT 1302. 254 p. 18 €.
Le dénominateur commun de ce
livre concerne l’histoire de l’actualité des relations entre les technologies,
les sciences et la composition musicale qui passionnent l’auteur. J.-Cl.
Risset (°1938) explore de nouvelles potentialités de la composition par
ordinateur permettant de restituer les sons des instruments traditionnels et de
les exploiter de façon inattendue. A. Veitl explique comment, en
l’espace de 10 ans, il a transformé l’acoustique et la musique. La
première partie reproduit la traduction anglaise (John Tyler Tuttle & Peter
Torvik) ; la seconde présente l’original français. Le chercheur et
compositeur - dans le sillage de P. Schaeffer, P. Henry et
I. Xenakis - démontre combien les ordinateurs contribuent à la production
des sons et à la pratique musicale ; il a le mérite de ne pas perdre de
vue « la prise en compte de la perception humaine et la relation
subjective au monde sonore » (p. 203). Ses œuvres : Computer Suite From Little Boy (1968), Mutations (1969) résument sa
philosophie du sonore, fondement de ses travaux scientifiques et de sa démarche
compostionnelle. C’est tout un parcours des recherches scientifiques à la
composition musicale qui se dégage de cette solide étude, accompagnée notamment
de recettes informatiques, d’un glossaire indispensable et de la liste de ses
travaux et compositions.
Édith Weber.
Claude
CHARLIER : Pour
une lecture alternative du Clavier bien
tempéré. « Bach en couleurs ». Les Éditions
Jacquart (10, rue de la Quiétude, B-7160 Godarville. Tél. :
0032 (0) 64/442087. www.jacquart.biz).
15 x 22 cm, 140 p., ex. mus. en couleurs.
Par le concepteur de la collection
« Bach en couleurs » - dont nous avions découvert, avec bonheur, les
deux premiers volumes : Inventions à
2 voix et Sinfoniae à
3 voix -, voici un très convaincant argumentaire autour, cette fois, des
fugues du Clavier bien tempéré.
Où l’auteur met au jour les racines historiques de l’art de Bach,
« profondément enfouies qu’elles sont sous trois siècles d’aberrations »,
procédant à l’inventaire des formes fuguées lorsque Bach entrait dans la
carrière, puis retraçant son propre processus créateur (analyse des
tomes I et II). Sont, en outre, abordées les questions de
l’interprétation, de la fugue après J.S. Bach et de son apport à la
pédagogie. Remarquablement éclairant.
Arthur
HONEGGER : Lettres
à Suzanne Charlotte Agassiz (1942-1954). Préfacées et annotées
par Lukas Näf & Patrick Müller, en collaboration avec Suzanne
Fehr-Bossard. Traduction : Jacques Lasserre. Slatkine (www.slatkine.com). Relié, 15,5 x
22,5 cm, 300 p., cahier d’ill. sépia. 50 €.
Écrites de 1942 à 1954, les 144 lettres
d’Arthur Honegger (1892-1955) à sa maîtresse, la belle Suzanne Charlotte
Agassiz (1902-1999), collaboratrice du consulat de Suisse à Paris, ont un tour
éminemment personnel. Liaison qui connut des hauts et des bas, dont on
peut, au fil des lettres, deviner les circonstances. Cette correspondance
n’en éclaire pas moins la genèse des Symphonies n°3 à 5, Monopartita, Concerto da camera, Cantate de Noël…, aussi bien que l’activité
internationale et les liens amicaux du compositeur avec, notamment, Paul &
Maja Sacher, ses divers éditeurs, l’écrivain Paul Claudel, le metteur en
scène Jean-Louis Barrault… En introduction : Arthur Honegger et son
entourage/ Arthur Honegger interprète/ Allusions à l’œuvre tardif/ Le
musicien engagé/ Principes d’édition.
Nina WALDER : Ignaz Friedman (1882-1948). Slatkine (www.slatkine.com). 16,5 x 23,5 cm, 504 p.,
ill. n&b. 39 €.
Sous la plume de sa petite-fille, pieuse
artisane de la mémoire, renaît la vie vertigineuse et féconde d’un illustre
pianiste dont nous ne possédons, hélas ! que de trop rares et précieux
enregistrements (cf. Naxos Historical).
Réflexions, anecdotes, écrits divers et très nombreuses photographies émaillent
ce bel hommage.
Claude
ABROMONT & Eugène de MONTALEMBERT : Guide des formes de la musique occidentale.
Fayard/Henry Lemoine, « Les indispensables de la
musique ». 16,5 x 23,5 cm, 238 p.,
ex. mus. 20 €.
Dans le droit fil de leurs précédents
ouvrages, Guide de la théorie de la
musique et Guide des genres de la
musique occidentale, nos deux auteurs nous proposent, cette fois, un Guide des formes, dans lequel -
conjuguant éclairages historique, stylistique, esthétique et expressif – sont
multipliés les angles de vue. Non sans que soient proposés, dans les
sections « En pratique », divers modèles d’application, heureusement
assortis de commentaires ou analyses d’extraits de partitions… Un survol
quasiment exhaustif.
Régis
COURTRAY (Sous la direction de) : David et Jonathan. Histoire d’un mythe.
« Le point théologique », Beauchesne (www.editions-beauchesne.com).
13,5 x 21,5 cm, 400 p. 39 €.
Aujourd’hui exaltée par nombre de
mouvements homosexuels, l’histoire de l’amitié qui, selon la Bible, unissait
Jonathan et le jeune David suscita toujours maints commentaires. Dont est
ici fait le point, par des spécialistes de l’exégèse, de la patristique, de la
littérature, des arts plastiques, de la musique, du cinéma, aussi bien que par
des sociologues. En quatre parties : Le texte biblique ; Lectures anciennes ; L’héritage culturel (« De la
sublimation en musique : David et Jonathan selon Charpentier et Haendel »
par Raphaëlle Legrand & Theodora Psychoyou / « David et
Jonathan en musique au XXe siècle : Nielsen et
Honegger » par Régis Courtray & Gwenaëlle Lucas, etc.), Relectures contemporaines (« Débats
exégétiques contemporains » par Régis Courtray / « Usages
contemporains et identités homosexuelles » par Céline Béraud &
Baptiste Coulmont). Un infini champ de recherches…
Antonio
VIVALDI (1678-1741) : Orlando furioso (1727). Dramma per musica en
3 actes, d’après Ludovico Ariosto. L’Avant-Scène Opéra n°260 (www.asopera.com).
17 x 24,5 cm, 128 p., ex. mus., ill. n&b et
couleurs. 25 €.
Comme dans tous les volumes de cette
irremplaçable collection, le présent numéro comporte trois parties : L’œuvre [Points de repère/ Argument/
Introduction & guide d’écoute/ Livret intégral/ Nouvelle traduction
française] ; Regards sur l’œuvre [Vivaldi & l’opéra/ Venise
1727 : musique et société/ Roland, de l’Arioste à Vivaldi/ Orlando furioso, Chant XXIII
(extraits)/ Musica e parole, l’équilibre expressif] ; Écouter, voir et
lire [Bibliographie/Disco-vidéographie/ L’œuvre à l’affiche]. Avec le
concours de : Patrick Barbier, Chantal Cazaux,
Frédéric Delaméa, Jean-François Lattarico, Olivier Rouvière,
Claudio Scimone, Elisabetta Soldini, Philippe Venturini.
Jean-Yves
CLÉMENT : Franz
Liszt. Actes Sud/Classica (www.actes-sud.fr).
10 x 19 cm, 222 p. 18 €.
Fort judicieusement publié à l’orée de
l’année Liszt, ce précieux vade-mecum rendra – en parallèle de notre propre
dossier consacré au même compositeur (L’ÉM n°570, mars-avril 2011) -
les plus signalés services. Sept parties : Preludio / Norma contre les puritains / La marche du pèlerin ou la
campagne de Liszt / Prima la poesia /
Docteur Faust & Mister Liszt / Du moine triste au prophète
de l’infini / L’hymne à l’amour. En annexes : Parcours
chronologique / Bibliographie choisie / Indications
discographiques / Index nominum et
rerum.
Philippe
AGID & Jean-Claude TARONDEAU : The Management of Opera. An International
Comparative Study. En anglais. Palgrave/Macmillan (www.palgrave.com). Relié, couverture
rigide. 14 x 22 cm, 300 p., tableaux, croquis,
illustrations. £65.00
Sous la plume de deux éminents spécialistes
français de l’économie de la chose opératique (Philippe Agid co-dirigea,
auprès d’Hugues Gall, l’Opéra de Paris / Jean-Claude Tarondeau
enseignait « Stratégie et Management » à l’Essec et
Paris X-Nanterre), cette brillante étude explore les problèmes croissants
que rencontrent, dans le monde, la plupart des maisons d’opéra et les
compagnies qui leur sont attachées. Grâce à des comparaisons, est ainsi
mis en lumière combien tout est lié, en ces domaines, aux facteurs historiques,
locaux et/ou globaux… En neuf chapitres : Order
& diversity / Risk & commitment for the future / Artistic
& technical production / Audience & diffusion / Constraints
or opportunities ? (architecture) / Funding opera houses /
Governance, organization & management / Tensions, conflicts &
recent crises / Performance, strategic options & prospects. En annexe :
tous tableaux comparatifs souhaitables (Sample
& variables), résultats statistiques, glossaire, notes, bibliographie,
index. Formons des vœux pour que paraisse bientôt l’édition française d’un
ouvrage aussi remarquablement circonstancié…
Édouard
FILLIAS & Alexandre VILLENEUVE : E-Réputation. Stratégies d’influence sur
Internet. Ellipses (www.editions-ellipses.fr).
17,5 x 24 cm, 300 p., figures. 29 €.
Tous les acteurs de la société civile &
nombre de particuliers se pressent pour faire valoir leurs opinions sur
Internet – lieu par excellence de la fabrication de l’opinion publique. De
tels « secrets de fabrication » sont, bien sûr, indispensables à tout
professionnel de la communication, mais aussi à un large public désireux de
décrypter ces nouvelles stratégies. Tel est le propos du présent ouvrage,
illustré de 26 cas d’école (Greenpeace, Suez, Obama, Wikileaks,
affaire Kerviel, SNCF...). En sept chapitres :
Introduction à l’E-Réputation / L’information, nerf de la guerre / De
la présence sur tous les fronts / Agir et réagir à l’ère du buzz /
Agir en internaute, prévoir en stratège / Du bon usage de la diplomatie et
du droit / L’avenir de l’influence digitale. Où et comment [ne pas] se faire manipuler…
MISTERIOSO,
Raphaële VIDALING, Pascal ANQUETIL & Rémi VIMARD : Le petit livre à
offrir à un amateur de jazz (parce qu’il connaît Charlie par cœur).
Conception graphique : Nicolas Pruvost. Tana éditions (www.lepetitlivreaoffrir.fr).
Boîtier rigide, 12 x 16 cm, 130 p., bleu-blanc-noir.
14,90 €.
D’esprit furieusement dada, cet
indescriptible objet réserve – outre moult informations – force surprises :
charade, jeu des 7 familles du jazz, mots croisés, argot du jazz,
quiz, recettes de cocktails, fables express, jeu des 7 erreurs…
Bob
DYLAN : 100
Chansons de légende, photos, histoires, partitions. Éditions
White Star (www.whitestar.it).
Fort volume, 25 x 31 cm, 500 p., photos n&b,
partitions. 39 €.
Voici la somme désormais incontournable
pour tout amateur des chansons de Bob Dylan, légende vivante de la musique
pop. Où sont présentées les partitions complètes (textes, mélodies,
chiffrages, tablatures de guitare) de ses plus célèbres chansons (au choix
desquelles auront participé Bruce Springsteen, Bono, Paul McCartney…),
parmi d’innombrables photos proposant un regard intime sur l’évolution
intérieure du plus pudique des « grands » du star-system.
Patrick MAHÉ : Rock made in France. EPA/Éditions du Chêne. Fort volume, relié cousu, sous
jaquette. 240 x 250 cm, 224 p., ill n&b et
couleurs, 35 €.
Sous la plume éminemment compétente de
Patrick Mahé - heureux auteur de monographies musicales, mais aussi grand
reporter ayant dirigé aussi bien Paris-Match que Télé 7 jours ou Première et aujourd’hui les éditions du
Rocher –, voici publié, pour les 50 ans du rock made in France, un
remarquable hommage. Neuf chapitres : Made in
France / Made in Hollywood / Rock’n Roll Attitude /
Disco Parade / Salut les copains / Les égéries / La
fureur de vivre / G.I. Blues / Happy end.
Jeanne
QUÉHEILLARD (Texte) : Les meubles à musique de Cocktail Designers. Conception : Ariane Bosshard &
Olivier Hus. Les Presses du réel (www.lespressesdureel.com). 10,7 x
16 cm, 24 p., ill. n&b et couleurs. 9 €.
Dans cet opusculet anglais/français
(recto/verso), Jeanne Quéheillard décrit, sous leur aspect fonctionnel, divers
objets dédiés à la musique & au théâtre. Où, au-delà de leurs
qualités extrinsèques, est mise en lumière l’intrinsèque trivialité d’objets
diffuseurs de sons.
Jean
MARESKA (Textes & interviews) : Les coulisses du Casino de Paris. « Les coulisses »,
Chène (www.editionsduchene.fr).
Relié sous jaquette, 18,5 x 25 cm, 256 p.
ill. n&b et couleurs. 35 €.
Nous faire redécouvrir le Paris « des
Années folles à nos jours » à travers l’histoire de la salle mythique
de la rue de Clichy, telle est la gageure admirablement soutenue par cet album fort
bien illustré. De Léon Volterra, Miss Tinguette (jeune chanteuse
payée deux francs par jour), Maurice Chevalier ou Joséphine Baker à Line Renaud,
Zizi Jeanmaire, Dutronc, Gainsbourg, Le Forestier, Bruel, Souchon,
Juliette..., un mémorable panorama.
Philip
NORMAN : John
Lennon, une vie. Traduit de l’anglais par Philippe
Paringaux. Robert Laffont (www.laffont.fr).
15 x 24 cm, 862 p., cahier photos n&b et
couleurs. 24,90 €.
Déjà auteur d’ouvrages consacrés aux
Beatles, aux Rolling Stones et à Buddy Holly, Philip Norman nous
livre ici la plus monumentale & exhaustive biographie - probablement définitive
- du fondateur des Beatles, en même temps que la fresque de toute une
époque. Cinq parties : Le petit gars de la campagne /
Au plus top du plus pop / Un génie de la croûte inférieure /
Vaudeville zen / Pizzas et contes de fées.
Florent
MAZZOLENI : L’Odyssée
de la soul et du R’n B. Hors Collection (www.horscollection.com).
19 x 26 cm, 336 p., ill. n&b et couleurs. 35 €.
Journaliste et photographe, spécialiste des
musiques populaires américaines & africaines, Florent Mazzoleni a déjà
publié divers ouvrages chez Hors Collection. Il retrace, cette fois,
de 1960 à 2010, l’histoire de l’un des plus passionnants courants de la musique
noire du XXe siècle, à l’origine de la plupart des styles
populaires d’aujourd’hui - depuis la soul de Philadelphie, de Miami & de la
Nouvelle Orléans jusqu’aux go-go, trip hop, house music, acid jazz,
ou même blues, gospel, funk, hip-hop, reggae… Courants qu’illustrèrent notamment : Ray Charles,
Isaac Hayes, James Brown, Michael Jackson, Diana Ross, Otis Redding,
Marvin Gaye, Stevie Wonder, Dione Warwick, Donna Summer,
Barry White, Prince, Whitney Houston, Erikah Badu… Superbement
illustré, un parcours irréprochable.
Bethany KLEIN : As Heard on TV : Popular Music in
Advertising. « Ashgate Popular and Folk Music
Series », Ashgate (www.ashgate.com). En anglais.
15,5 x 23,5 cm, 170 p. £19.99
« Les musiques populaires dans les
publicités à la télévision », tel est le propos de cette étude qui tente
de faire le départ entre ambitions culturelles & visées commerciales.
Et ce, à travers l’analyse de couvertures de presse & d’interviews de
musiciens, producteurs, publicitaires… Sept parties : The marriage of popular music &
advertising / The role of authorship in music licensing / Advertising
as an artistic vehicle for music placement / Music licensing as a reponse
to industry woe / Popular music & Cola advertising /
Advertising’s control over meaning / Negotiating the future. Que n’entreprend-on
similaire étude en pays latins !
Francis Cousté.
***
Maurice
RAVEL : Valses
nobles et sentimentales, Gaspard de la Nuit, Sonatine, La Valse.
Romain Descharmes, piano. Audite (www.audite.de) :
92.571. TT : 64’41.
Jeune pianiste exceptionnellement doué,
Romain Descharmes est trop peu connu. Aidé par une excellente technique,
il communique une énergie hors du commun, une force vitale capable de tenir
l’auditeur en haleine. Il fait corps avec l’instrument, sachant trouver
la sonorité juste, la couleur sonore appropriée, traitant avec la même élégance
les multiples aspects d’une œuvre. Dans cet enregistrement, Romain Descharmes
propose un programme qui est en lui-même - pour un jeune pianiste - une
véritable gageure, car ces pièces majeures ont été interprétées par les plus
grands. Mais le pari est gagné. Avec cette nouvelle interprétation
des sommets ravéliens, Romain Descharmes gagne sa place parmi les plus
prometteurs interprètes de sa génération. Inutile de détailler :
écoutez, cela vaut le détour !
Gérard Moindrot.
Richard
STRAUSS : Symphonie
alpestre. Orchestre national de
France, dir. Kurt Mazur. Radio France : FRF 005.
TT : 51’49.
Magnifique sonorité et magistrale
interprétation de cette symphonie si décriée, composée entre 1811 et 1815,
créée la même année à Berlin par la Hofkapelle de Dresde, sous la direction du
compositeur. Se situant entre symphonie et poème symphonique, elle
retrace une journée de randonnée, l’ascension et la descente d’un sommet des
Alpes bavaroises. Une partition, comme une parenthèse dans l’œuvre de
Strauss, désormais tout entier consacré au théâtre, expliquant, peut être
ainsi, son trop grand réalisme, reproché par certains. D’autres y verront
une métaphore de la destinée de l’homme, un hymne à la nature et à la force
créatrice, à l’Antéchrist ou, à l’inverse, une expérience mystique dont peuvent
témoigner certains accents brucknériens. Dans cet enregistrement live l’ONF et Kurt Mazur en donnent
une vision très expressionniste, alternant plages d’un lyrisme éthéré et plages
d’une fureur effrayante, en parfaite adéquation avec les vingt-trois étapes de
cette journée.
Anton
BRUCKNER : Motets
pour chœur mixte a cappella. Messe en mi mineur n°2.
Chœur de Radio France, Orchestre philharmonique de Radio France, dir.
Norbert Balatsch. Radio France : FRF 006.
TT : 63’49.
Très belle interprétation, empreinte de
spiritualité, de ces Motets composés
entre 1861 et 1892. Reflétant la même unité esthétique, favorisant la
diction et la compréhension du texte, évitant toute emphase, ils s’inscrivent
dans la grande tradition allemande du motet. La Messe en mi mineur n°2,
composée en 1866, très épurée, marque, là aussi, la prédominance de la voix
(huit voix mixtes et vents) ; langage intimiste comme une prière, limpide,
elle constitue une page incontournable de la musique religieuse du XIXe siècle.
SPHOTA : Zemlia / La Terre. Signature & Radio France :
SIG 11069. TT : 48’18.
Constitué de trois musiciens,
instrumentistes et compositeurs, Benjamin Dupré (guitare électrique &
traitements électroniques), Benjamin de La Fuente (violon &
traitements électroniques) et Samuel Sighicelli (orgue électrique &
sampler), Sphota propose dans cet enregistrement un projet de
« cinéma muet en concert », commande de l’Auditorium du Louvre
et du Printemps des Arts de Monte-Carlo, créé en 2008 autour du film Zemlia, long métrage de propagande,
réalisé en 1930, par Alexandre Dovjenko. Il s’agit d’une partition à la
fois « étale et fracturée, spectrale et électrique, planante et saturée,
constamment tendue entre calme et violence, où alternent envolées, striures,
déploiements et brisures, bruit blanc et lentes dérives modales où les
textures se télescopent et se dissolvent ». Une œuvre surprenante,
basée sur l’improvisation, qui semble toutefois pâtir de l’absence d’images, ce
qui a pour effet de minorer la dramaturgie et d’entamer l’unité de
l’œuvre. De très beaux moments.
Patrice Imbaud.
Codex Chantilly : En
l’amoureux vergier. Aeon (stephanie@outhere.com) :
AECD 1099. TT :
64’21.
Le célèbre Manuscrit de
Chantilly (olim 1047, actuellement
Ms 564 de la bibliothèque du Château de Chantilly) est très représentatif
de la musique du XIVe au début du XVe siècle.
Il se situe dans le sillage de l’Ars subtilior cultivé par une trentaine de musiciens. Il comprend un échantillon des
formes représentatives : ballades, rondeaux, virelais et motets, dont
l’écriture est audacieuse par les diversités rythmiques, le langage dissonant
et les proportions de nombres, ce qui n’empêche pas humour et finesse de s’y
côtoyer. L’ensemble De Caelis, très versé dans les systèmes de
notation d’époque (notation blanche), s’efforce de révéler ce répertoire
particulièrement attachant, avec 16 pièces polyphoniques des principaux
musiciens de l’époque : Solage,
Jehan Vaillant - dont le virelai : Par maintes fois, avec les onomatopées évoquant des chants
d’oiseaux, a pu inspirer Clément Janequin -, Jacob de Senlèches,
Grimace, Borlet… Laurence Brisset, à la tête de son ensemble
(5 voix, harpe, organetto) a signé une belle « Défense et
illustration » de cette musique française subtile, élégante et raffinée.
In memoriam Guillaume de MACHAUT : Messe
Notre Dame. Aeon (stephanie@outhere-music.com) :
AECD 1093. TT :
50’14.
Cet In memoriam Guillaume de Machaut bénéficie d’une remarquable
présentation (illustrations, texte) et - à la suite de nombreux essais
antérieurs – Gérard Jay soulève le problème : « restaurer la Messe de Machaut : une tentative
utopique ? » Les précisions par Thierry Peteau sur la
prononciation du latin gallican aux XIVe et XVe siècles seront très
utiles. L’Ensemble Musica Nova, soucieux de recréer la richesse
polyphonique médiévale, regroupe des chanteurs rompus au chant a cappella,
et vise à redonner vie et expression à ces musiques si attachantes. Les textes
reproduits concernent des œuvres de Philippe de Vitry, théoricien de
l’Ars Nova ; Pierre de Bruges ; Gilles d’Orléans. La
seconde partie est consacrée à la Messe
Notre Dame dans une version originale préconisant l’alternance avec des
diminutions du Codex Faenza. Les discophiles apprécieront ces
extraits des Codices Ivrea, Chantilly… - dont des pièces de
F. Andrieu sur des poèmes d’Eustache Deschamps qui interpelle ainsi
Machaut : O Guillaume, dieu
séculier de l’harmonie... Lucien Kandel et ses chanteurs ne pouvaient
lui rendre meilleur hommage.
Ferdinand RIES : Complete Flute Quartets.
2CDs Fuga Libera (stephanie@outhere-music.com) : FUG 576. TT :
127’07.
Le compositeur et pianiste
allemand, Ferdinand Ries, est né à Bonn en 1784 et mort à Francfort-sur-le-Main
en 1838. Si son œuvre ne peut rivaliser avec celle
L. van Beethoven ou de Fr. Schubert, elle mérite toutefois
d’être largement diffusée. Cette anthologie de ses 6 Quatuors avec flûte, est défendue avec enthousiasme par T. Fret (flûte),
Sh. Laub (violon), E. Smalt (alto), M. Vink (violoncelle) de
l’Ensemble Oxalys créé en 1993 au Conservatoire de Bruxelles. Son
rayonnement ne s’est pas fait attendre lors de ses nombreuses tournées en
Belgique et à l’étranger, et ses productions ont été très bien accueillies par
la presse spécialisée. Chaque instrument s’impose tour à tour.
Bravo aux interprètes pour cette convaincante interprétation des 3 Quatuors avec flûte WoO 35
et des 3 Quatuors avec flûte op. 145. Excellente réhabilitation d’un compositeur qui, de son temps,
avait connu le succès en Angleterre, mais dont l’œuvre gagne à être connue,
notamment en France. Mission accomplie !
Gilles BINCHOIS : L’argument de beauté. Aeon (stephanie@outhere.com) :
AECD 1096. TT :
61’25.
Cette réalisation est un modèle
du genre : texte de présentation de haute qualité musicologique par
Isabelle Ragnard (avec également indication des sources
manuscrites) ; programme original dans le cadre du regain d’intérêt actuel
pour Gilles Binchois (1400-1460) et la cour de Bourgogne ; exécution
hors pair avec prononciation latine du plain-chant et parfaite maîtrise de
la « musica ficta », causa pulchritudinis,
en adéquation avec le titre. La voix lumineuse de Brigitte Lesne
plane sur tout le disque, avec les interventions polyphoniques vocales
bénéficiant d’une clarté et d’un fondu exemplaires. Certaines des
20 pièces sont soutenues par des cloches. Le Sanctus (plage 6) est particulièrement émouvant. Dans
l’éventail des formes représentées, figurent des hymnes (comme, par exemple, le célèbre chant Ut queant laxis ou encore A solis
ortus cardine) et des carols anonymes (Omnes una gaudeamus et Salve sancta parens). Ce CD se
termine aux accents du répons Benedicamus
Domino-Deo Gratias (cloches à main associées à toutes les voix de
femmes) ; il est tout à l’honneur de Brigitte Lesne qui, au début des
années 1990, a fondé l’Ensemble Discantus (9 voix féminines), de
réputation internationale, alliant compétences historiques, interprétation
fidèle à l’époque en cause et paysage vocal exceptionnel. Aucun argument
pour ne pas acquérir ce CD…
MONTEVERDI & MARAZZOLI : Combattimenti ! Alpha (stephanie@outhere.com) :
172. TT : 71’31.
Les œuvres de Claudio
Monteverdi (1567-1643), tels que le Lamento
della Ninfa et le Combattimenti di
Tancredi e Clorinda (sur le texte du Tasse), d’inspiration guerrière,
sont largement diffusées ; en revanche La
Fiera di Farfa de Marco Marazzoli (ca 1602-1662)
est moins connue des mélomanes. Grâce, d’une part, au mécénat musical de
la Société Générale et, d’autre part, au talent de Vincent Dumestre qui,
avec son ensemble canadien Le Poème Harmonique, révèle avec enthousiasme
au grand public cette œuvre truculente, pleine de verve, avec une diction
italienne d’une précision extrême. L’enregistrement, très présent, bénéficie
également d’une excellente présentation abondamment illustrée.
Irrésistible.
Jan Dismas ZELENKA : Missa Sancti Josephi ZWV 14. Litaniae Xaverianae ZWV 155. Nibiru : 015 322 31.
CD Diffusion (31, rue Herzog, F-68920 Wettolsheim. info@cddiffusion.fr).
TT : 68’05.
Les œuvres de Jan Dismas
Zelenka (1679-1745) ont été redécouvertes et enregistrées depuis quelques
décennies. Ce musicien tchèque contemporain de J. S. Bach a
fait ses études à Prague. Vers 1710 - et jusqu’à sa mort -, il est
contrebassiste à la cour de Dresde. Il a été influencé par les Jésuites,
par J. J. Fux, et il a surtout composé de la musique à l’usage
catholique telle que des messes et des vêpres. La partition autographe de
sa Missa Sancti Josephi ZWV 14 a
fait l’objet d’une restitution. (Même en l’absence de page de titre,
l’œuvre a pu être identifiée). Cette « messe cantate »
largement développée a pu être composée vers 1732, peut-être pour un événement
exceptionnel. Dès l’introduction, elle frappe par sa mélodie chantante,
son élan, l’éclat des trompettes et le rythme des percussions, son emphase dans
la première invocation du Kyrie ;
les entrées fuguées traditionnelles dans le Cum
Sancto Spiritu ; le Dona nobis
pacem très entraînant, puis insistant... Les Litaniae Xaverianae ZWV 155, enfin révélées, représentent un
« chef-d’œuvre de la mise en musique d’un texte », ce qui n’est pas
un moindre mérite. Deux styles différents, deux œuvres attachantes,
servis avec un égal bonheur par l’Ensemble Inégal et les Prague Baroque
Soloists, tous placés sous la direction si sensible d’Adam Viktora.
Jean Sébastien BACH : Concerts avec plusieurs
instruments. Vol. V. Alpha (stephanie@outhere.com) :
168. TT : 58’31.
L’ensemble instrumental
Café Zimmermann tire son nom du lieu célèbre à Leipzig où cette boisson
venait d’être découverte et appréciée, ayant notamment servi de prétexte à la Cantate du café de
J. S. Bach. Ce CD présente 4 œuvres très connues : l’Ouverture n°3 en ré majeur BWV 1068 ; le Concerto pour clavecin en fa mineur BWV 1056 ; le Concerto
Brandebourgeois n°6 en sib majeur BWV 1051 et le Concerto pour
trois clavecins en ré mineur BWV 1063. Ce programme est réhaussé par la participation de
P. Valette (violon solo et Konzertmeister), C. Frisch,
D. Boerner, R. Fontana (clavecins). Ces concertos, tour à tour
bien enlevé et bien rythmé (Allegro du Concerto Brandebourgeois n°6),
énergique (Presto du Concerto en fa mineur) ou méditatif (comme il se doit dans l’Aria de l’Ouverture) retiendront l’attention des mélomanes les plus
exigeants.
György KURTÁG/Johann Sebastian BACH : Play with infinity. Hortus (editionshortus@wanadoo.fr) :
082. Distr. Codaex. TT : 50’10.
Cette réalisation est due au
compositeur hongrois György Kurtág (°1926). Jean-Sébastien Dureau et
Vincent Planès se produisent en duo à quatre mains ou
deux pianos, formant une merveilleuse équipe bien équilibrée. Ils
ont préparé les 29 pièces sous la direction de György et
Márta Kurtág : ce qui représente une garantie de fidélité aux
intentions de l’arrangeur-compositeur. Les mélomanes reconnaîtront, extraits de Transcriptions (Àtiratok, 1973), des chorals bien connus pour le temps de la
Passion : O Lamm Gottes
unschuldig et Christe du Lamm Gottes ;
pour le temps de Noël et de l’Épiphanie : Christum wir sollen loben schon, Das alte Jahr vergangen ist ou encore le Gloria : Allein Gott in
der Höh sei Ehr, entre autres. Un autre volet est représenté par des Hommages à H. Mihály (avec un
paysage sonore spécifique) ou à l’In memoriam
S. György (expressif et intériorisé), extraits de Jeux (Játékok, 1979). CD hors des sentiers battus, à
recommander à tout discophile curieux.
ClarinArt Ensemble. VDE-Gallo (info@vdegallo.ch) :
CD 1323. TT : 51’.
Le ClarinArt Ensemble
(W. Grund, E. Eichenberger, Sv. Bachmann), de réputation
internationale, s’impose par ses couleur sonores variées. Il propose tout
d’abord l’Ouverture pour
2 clarinettes et cor de chasse (ici : cor de basset) de
G. F. Haendel, dont le Moderato bénéficie d’entrées successives très précises, contrastant avec le caractère
méditatif du Larghetto, la volubilité
et le caractère enjoué de l’Andante allegro.
Le Divertimento (KV 577),
d’après Les Noces de Figaro pour
3 cors de basset de W. A. Mozart, met particulièrement en valeur
les timbres de ces instruments. Il en est de même dans les Variations sur La ci darem la mano de L. van Beethoven.
Enfin, la Petite Sérénade concertante en 6 mouvements de Johann Wenth (1745-1801), hautboïste et joueur de
cor anglais à la cour de Vienne et admiré par Beethoven, prouve les
nombreuses qualités et la musicalité du ClarinArt Ensemble.
Franz SCHUBERT : Winterreise. Zig Zag Territoires (stephanie@outhere.com) :
ZZT 101102. TT : 61’.
Le Voyage d’hiver D. 911, œuvre ésotérique s’il en est, a fait
l’objet de nombreuses exégèses (J. Chailley, notamment) et
d’enregistrements célèbres déjà anciens (D. Fischer-Dieskau,
G. Souzay et tant d’autres). Thomas Bauer (baryton) et Jos
van Immerseel (pianoforte Christopher Clarke, 1988) proposent une
version qui restitue à ces 24 Lieder tout leur mystère, leur entrain, leur envolée. Th. Bauer interprète Le Tilleul (Der Lindenbaum) symbolisant la mentalité et la sentimentalité
allemandes du début du XIXe siècle, avec retenue, alors que, trop souvent,
cette mélodie est galvaudée. Dans La Corneille (Die Krähe) - et non Le Corbeau -, il rend hommage aux
intentions de Wilhelm Müller, à la fois narratives et suggestives.
Dans le Joueur de vielle, l’excellent
pianiste intervient de manière descriptive, posant un remarquable point d’orgue
sur cette œuvre si riche en traductions musicales figuralistes des images et
des idées du texte. Une collaboration des plus réussies.
Gustav MAHLER : Symphonie n°4. Phi (stephanie@outhere.com) :
LPH001. TT : 53’28.
Philippe Herreweghe s’affirme
depuis quelques années comme un chef tout à fait polyvalent. La 4e Symphonie de Gustav Mahler
(1860-1911) n’a pas de secrets pour lui. Si l’accueil du public en 1901
s’est avéré négatif, il n’en est pas de même de cette version réalisée avec
l’Orchestre des Champs-Élysées. Selon le chef, le « cadre sonore
est… plus proche peut-être de ce qu’on pouvait entendre à la toute fin du
XIXe siècle ». La 4e Symphonie est encore d’inspiration esthétique germanique, ne perd pas de vue les
modèles viennois de la forme sonate, les idées thématiques fusent. Elle
est structurée traditionnellement en 4 mouvements, avec des sous-titres
allemands qui sont en même temps des indications pour l’interprétation : Bedächtig. Nicht eilen, avec ses accents populaires ; In gemächlicher Bewegung. Ohne Hast,
avec son écriture plus transparente ; Ruhevoll,
partie la plus développée et d’un calme bienfaisant ; Sehr behaglich, avec l’intervention de Rosemary Joshua
(soprano), de caractère agréable et bienfaisant. Voici, avec le recul du
temps et grâce aux disques Phi, une réhabilitation fort convaincante.
Philippe HERSANT : Éphémères. Musical Humors. Triton (triton@disques-triton.com) :
TRI 331170. Intégral Distribution. TT : 57’48.
Pour sa « version
renouvelée » (2010) des Éphémères (1999-2003),
Alice Ader a retenu un piano Petrov (prise de son : A. Thiébault).
Ce cycle de 24 pièces très brèves aux titres descriptifs, représente
« une sorte de journal de voyage, avec des souvenirs de musique
traditionnelle japonaise, d’une chanson polyphonique espagnole ou encore d’un Prélude de Debussy… ». Sa
solide technique permet à l’interprète de réaliser pleinement son objectif :
le « respect quasi obsessionnel du texte ». Le deuxième volet de
ce disque : Musical humors (2003, pour alto & orchestre à cordes) a été enregistré, en première
mondiale, lors d’une répétition au Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, par
l’Orchestre de Paris-Sorbonne, avec le concours d’Arnaud Thorette (alto),
tous placés sous la direction de Johan Farjot. Elle fait la part
belle aux sonorités si prenantes de l’alto dialoguant avec l’orchestre.
Il s’en dégage une atmosphère étrange et pleine de charme donnant libre cours
aux sautes d’humeur. Ph. Hersant s’est inspiré du recueil éponyme de
pièces pour viole de gambe (1605) de Tobias Hume. Contrastant avec Éphémères, cette œuvre est interprétée
avec sensibilité et des accents très justes grâce à l’intelligence musicale de
Johan Farjot qui sait transmettre à son orchestre les divers états d’âme.
Philippe MAZÉ : Songs of Innocence, Songs of
Experience. Requiem UT 772. Éditions musicales de la
Schola Cantorum (www.schola-editions.com) :
SCCD01. TT : 57’02.
La remarquable version (hors
commerce) du Requiem UT 772 - interprétée
par l’Ensemble vocal de la Madeleine, dirigé par Denis Rouger (à
l’orgue : Michel Geoffroy) - a déjà fait l’objet de notre recension (cf. Lettre d’information, septembre
2010). Selon Ph. Mazé : « Il peut paraître bien étrange de
faire précéder ce Requiem par les Songs of Innocence et les Songs of Experience, mais ce serait
oublier que, si les premiers ont été écrits par W. Blake dans l’euphorie
de la Révolution française, les seconds l’ont été pendant la
« Terreur » et son cortège de vies gâchées au nom d’idéologies
bien sombres (…) et d’injustices criantes… De là au terrorisme depuis les
années 1970 et, plus précisément 1989, qui a justifié mon Requiem. » Dans ces deux œuvres, l’Ensemble vocal féminin
Callirhoé, de Lausanne, fondé en 2005 par son directeur D. Tille, recrée
l’humanisme profond de W. Blake (1757-1827), inspiré par la Bible et
E. Swedenborg, avec une remarquable interprétation faite d’intériorité et
de retenue, alors que Virginie Falquet, au piano, tout en souplesse,
traduit avec finesse l’atmosphère lyrique et contrastante, encore renforcée par
le tableau de P.-A. Chavannes (dit « Tchivi »), peintre
neuchâtelois, représentant le désert qui fait « écho à la tragédie du
19 septembre 1989 », mais évoque aussi « le symbole de la vie
terrestre séparé de la vie céleste par l’épreuve de la mort ». Un
chef-d’œuvre de plénitude vocale, grâce aux talents du compositeur, également
chef de chœur, qui sait décidément écrire pour les voix.
Les grands moments de
l’harmonium. Joris Verdin. VDE Gallo
(info@vdegallo.ch) :
VDE CD-1326. TT : 72’.
L’harmonium n’est pas qu’une
« pompe à cantiques ». Son invention et sa facture remontent à 1842
grâce à Alexandre François Debain. La firme Victor Alphonse Mustel
lui a donné ses lettres de noblesse. Il est utilisé en France, en
Belgique, en Espagne, en Allemagne. Instrument de salon, parfois de
sacristie (dans les églises dépourvues d’orgue, jusque vers 1930). Il
possède un répertoire spécifique, auquel L.-J.-A. Lefébure-Wély (1817-1869),
J.-N Lemmens (1823-1881) puis, entre autres, A. Guilmant (1837-1911),
C. Saint-Saëns (1835-1921) ou encore S. Karg-Elert (1877-1933) se
sont intéressés à cet instrument quelque peu insolite pour lequel ils ont
composé soit dans les genres classiques : interludes, fuguettes ;
soit des danses : boléro, valse… ; soit des musiques
évocatrices : Dernière espérance, Impressions, Recueillement… Joris Verdin, organiste, musicologue et
professeur, auteur d’un ouvrage sur la technique de l’harmonium, était tout
indiqué pour défendre et illustrer ce répertoire non négligeable et le révéler
au grand public.
Je chanterai la joie. Fondation Jonas.
VDE Gallo : VDE CD-1310. Les meilleurs moments des
concerts à St-Légier et Bioley-Magnoux 2009 et 2010. Fondation Jonas. VDE Gallo (info@vdegallo.ch) : VDE CD-1311.
Tout un programme, mais aussi
un exemple d’éducation de jeunes par la musique, le théâtre et la danse, dans
des ateliers et écoles, à l’initiative de la Fondation suisse
« Jonas » dirigée par le docteur et madame Sigwart.
Rencontrés à Paris, ils nous ont exposé leurs solides motivations au service
des enfants de milieux socioculturels différents, grâce à « l’écoute de la
musique », à « l’écoute des autres » et à la convivialité,
antidote à l’individualisme et la société de consommation.
Cet album, avec ses
illustrations pertinentes et hautes en couleurs, rend déjà les chanteurs fort
sympathiques et invite à entendre ces voix jeunes et enthousiastes qui offrent
un florilège de 31 pièces d’horizons divers (Géorgie, Caucase, USA…),
descriptives ou méditatives (psaumes, textes latins et français), se terminant
par Salamun kullaheen (La paix soit avec vous).
Décidément, ces voix bien stylées chantent la joie pour tous.
Poursuivant les mêmes
objectifs, le second disque propose des pages instrumentales à succès pour
instruments divers : flûtes à bec (G. P. Telemann), piano
(R. Schumann), violoncelle et piano (M. de Falla) et même un
arrangement pour saxophone et piano de J. S. Bach…, ainsi que des
chants traditionnels (Caucase, Géorgie, Afrique, Rwanda)… ; des Gospels -
dont l’irrésistible Amazing Grace - ou encore la chanson : Leise zieht
durch mein Gemüt (F. Mendelssohn) dirigés avec musicalité par
Christine Sigwart : belle démonstration du travail entrepris dans les
écoles et les camps de la Fondation Jonas et remarquable écho de leurs
concerts.
Édith Weber.
« Les
Violoncelles français » : Méditations.
Transcriptions & arrangements par Roland Pidoux de mélodies, airs ou
mouvements de Bloch, Rachmaninov, Dvořák, Offenbach, Fauré, Schumann, Wagner,
Verdi, Tchaïkovsky + arrangement par Casals du Chant des Oiseaux. Par Emmanuelle Bertrand,
Éric-Maria Couturier, Emmanuel Gaugué, Xavier Phillips,
Raphaël Pidoux, Roland Pidoux, Nadine Pierre, François Salque.
Mirare : MIR 112.
Le violoncelle est riche d’un si vaste
ambitus et d’une telle diversité de registres expressifs que la réunion de plusieurs
violoncelles peut aisément constituer un orchestre complet. Ainsi s’est
développée (souvent au sein des orchestres) la pratique des octuors de
violoncelles, avec la création de festivals (tel celui, bien connu, de
Beauvais) et la commande de partitions contemporaines. Ici, nous versons dans le grand luxe :
parmi la douzaine de solistes d’envergure que peut aligner l’école française de
violoncelle, si réputée, huit se sont réunis sous la houlette de Roland Pidoux,
produisant un corps sonore d’une qualité exceptionnelle. Ils peuvent
ainsi, sans ridicule, remplacer une phalange philharmonique dans le Largo de la Symphonie « du Nouveau
Monde » de Dvořák, rendre tout le spectre d’un quatuor à cordes
(en principe : deux violons, un alto et un violoncelle !) dans l’Andante funebre du Quatuor n°3 de Tchaïkovsky,
restituer sans une faille tout l’entrelacs contrapuntique de l’orchestre dans
l’air Ella giammai m’amò extrait
du Don Carlo de Verdi, l’archet
de Roland Pidoux jouant le rôle de Philippe II, pour n’évoquer que
trois des moments les plus impressionnants de ce disque. Les lieder de
Schumann sont, de notre point de vue, les pages qui s’accommodent le moins bien
de ce « transfert » effaçant la perspective des plans entre les deux
partenaires d’un dialogue intime, le piano et la voix. Chacun des huit
artistes se faisant tour à tour le soliste d’un morceau, l’on nous permettra de
désigner nos préférences, en saluant le velouté envoûtant d’Emmanuelle Bertrand
dans la Vocalise de Rachmaninov, l’engagement
émotionnel de Xavier Phillips dans la Prière d’Ernest Bloch, le chaud timbre barytonant d’Emmanuel Gaugué se
substituant à Wolfram dans l’air O du,
mein holder Abendstern extrait du Tannhäuser de Wagner, le souple lyrisme de Raphaël Pidoux dans Les larmes de Jacqueline op.76 n°2 d’Offenbach, une pièce bel
et bien prévue pour faire s’épanouir le violoncelle puisque le compositeur
était un brillant violoncelliste qui, dans sa jeunesse, écrivit beaucoup pour
son instrument. Si vous voulez vous offrir une belle heure d’émotion sans
arrières-pensées intellectuelles, d’une émotion qui laisse simplement chanter
les cœurs, courez vite vous procurer ce disque.
Rebecca CLARKE : Sonate pour alto & piano. Henri VIEUXTEMPS : Sonate op.36
pour alto & piano. Johannes BRAHMS : Sonate op.120
n°2, version
alto & piano. Tabea Zimmermann (alto), Kirill Gerstein
(piano). SACD
Myrios Classics : MYR004 (distr. Codaex).
Tabea Zimmermann est une des grandes
prêtresses de l’alto, et sa sonorité aussi pure que les meilleurs violonistes
convaincrait les plus réticents du plein épanouissement que mérite un
instrument aspirant à sortir de l’ombre. L’attrait du présent programme
réside dans la Sonate (1919) de
l’Anglaise Rebecca Clarke, compositrice bien négligée ; il s’agit
d’une œuvre très marquée par l’impressionnisme français et les séduisants
climats engendrés au gré d’une souple modalité. La ductilité de la
conduite d’archet de Tabea Zimmermann y fait merveille, et le pianiste
russe épouse ses intentions subtiles. Même si le langage de Vieuxtemps
n’est guère très personnel, sa Sonate
op.36 retient notre écoute par ses nobles contours et des idées ne manquant
pas d’esprit. Le maillon faible du présent disque se situe dans
l’interprétation de Brahms, auquel les duettistes appliquent le même traitement
tout en raffinement contenu qu’à Rebecca Clarke ; mais ils sont là
aux antipodes de l’esprit brahmsien et à faire trop « joli », ils
évacuent totalement la puissance des assises et des élans forgeant l’identité
de ce compositeur ; on ne se serait jamais cru obligée de rappeler que
Brahms n’est pas un impressionniste…
Hans
Werner HENZE (°1926) : Requiem +
Conversations (en allemand) de Mirjam Wiesemann avec Hans Werner Henze et
Michael Kerstan. Dimitri Vassilakis (piano), Reinhold Friedrich
(trompette). Bochumer Symphoniker, dir. Steven Sloane. 3 SACD Cybele : KiG003.
Le producteur Ingo Schmidt-Lucas et son
épouse Mirjam Wiesemann ont imaginé une collection d’un réel intérêt historique
réunissant, sur un compositeur, un disque de musique et deux disques
d’entretiens (soit issus d’archives historiques, soit réalisés spécialement)
avec le compositeur et telle personne autorisée de son entourage. Certes, le
rempart de la langue limite cette très intéressante initiative au public
germanophone, mais un copieux livret bilingue et richement illustré achève de
faire de ces beaux objets une source documentaire intelligemment composée. Les
premiers volumes avaient trait à Karl Amadeus Hartmann et Hans Erich
Apostel, le troisième entre dans le domaine des vivants avec Hans Werner
Henze, épaulé par son ami et assistant Michael Kerstan. C’est pour le
compositeur, à l’occasion de l’évocation des deuils ayant inspiré le Requiem, un prétexte à reparcourir les
phases déterminantes de sa vie, depuis cette enfance en milieu nazi qui l’a
probablement poussé, par réaction, à un humanisme le faisant flirter avec le
communisme. Le sida ayant fait son œuvre parmi l’entourage amical de
Henze, le créateur athée imagina de reprendre le climat de chacun des textes de
la Messe des Morts, mais sous une
transfiguration purement instrumentale qui se construisit pièce après pièce par
la fusion de divers projets, concertants ou chambristes. Ainsi s’édifia un
vaste ensemble cohérent, où la beauté des atmosphères prime pour exprimer la
révolte devant les crimes de l’humanité ou la compassion devant la maladie et
la mort. Les passages irréels sont les plus émouvants, qu’il s’agisse de la
lumière au scintillement tamisé de l’Introït,
ou de la douceur intériorisée de l’Agnus
Dei pour onze instruments à cordes et piano. De manière générale, la
fluidité avec laquelle le piano s’infiltre dans les textures orchestrales donne
sa coloration toute en subtilité à la partition, et il faut saluer le travail
aussi admirable dans la précision que dans la délicatesse, accompli par Steven
Sloane, ses musiciens de Bochum et Dimitri Vassilakis lors de ce concert donné
en 2010 dans la Philharmonie de Essen. Les passages plus “bruyants” sont aussi
plus datés, créant un brouhaha aux recettes un peu éculées, et la ligne
clairement dessinée de trompette (parfaitement jouée par Reinhold Friedrich)
manque d’originalité. On retiendra plutôt une manière de reconquérir divers
types de lumière parmi les vicissitudes humaines, jusqu’à cette fin s’éteignant
dans la résonance prolongée du piano.
« Flûte
et piano en France ». Philippe
GAUBERT : Sonate
n°1. Gabriel FAURÉ : Fantaisie op.79. Claude DEBUSSY : Prélude à
l’après-midi d’un faune (réduction pour piano de Gustave
Samazeuilh). Charles KOECHLIN : Sonate op. 52. Gabriel PIERNÉ : Sonate op.36.
Jocelyn Aubrun (flûte), Aline Piboule (piano). Lyrinx : LYR 269 (en
DSD Multicanal).
Beaucoup de fraîcheur dans l’interprétation
que ces deux jeunes artistes donnent de partitions si représentatives de la
limpide esthétique française. Elles sont contenues entre les dates de 1894 et
1917, et signées de compositeurs qui se fréquentaient, voire, le cas échéant,
s’interprétaient mutuellement (Pierné et Gaubert furent d’illustres chefs
d’orchestre). En cette saison hivernale, les trois mouvements de la 1re Sonate de Philippe
Gaubert coulent comme printanières cascades, les modulations de Fauré nous
entraînent par des sentes colorées de floraisons imprévues (la méconnue mais
enchanteresse Fantaisie op.79, jouée
avec esprit), la Sonate op.52 de
Koechlin surprend comme la découverte dans une clairière d’archaïques vestiges
architecturaux.
On se passerait bien de l’actuelle
résurrection (par économie ?) de la réduction pour piano commise par
Gustave Samazeuilh à partir du Prélude à
l’après-midi d’un faune, tant l’orchestration de Debussy est… irréductible.
Mais au moins, Jocelyn Aubrun joue sa partie avec sentiment. Entendre la Sonate pour violon et piano de Pierné
dans la version pour flûte qu’en donna le compositeur lui-même, “debussyse” par
endroits la partition, que Jocelyn Aubrun et Aline Piboule drapent de soyeuses
envolées.
On sait à quel point René Gambini a
développé une technique exceptionnelle de prise de son, marque de fabrique du
label Lyrinx, restituant le message musical avec une pureté inaltérée. Que dire
du plaisir d’écoute que nous procure un tel disque ? Que la poésie des
musiciens y est première, ce qui s’avère la priorité que l’on requiert d’un bon
technicien !
Francis
POULENC : Intégrale
de la musique de chambre avec vents. Vincent Lucas (flûte), Philippe Berrod (clarinette), Olivier Derbesse (deuxième
clarinette), Alexandre Gattet (hautbois), Marc Trénel (basson), André Cazalet
(cor), Francis Orval (cor), Guillaume Cottet-Dumoulin (trombone), Frédéric
Mellardi (trompette), Claire Désert & Emmanuel Strosser (pianos). 2CDs
Indesens : INDE013.
Le label Indesens s’est fait une spécialité
de monter des programmes cohérents centrés sur la musique pour ou avec
instruments à vents, les “souffleurs” provenant pour l’essentiel de l’Orchestre
de Paris. Cette collégialité entraîne ses bons et mauvais côtés :
l’habitude de jouer ensemble donne une indéniable cohésion, dont on note ici
les avantages dans la Sonate pour
clarinette et basson, ou la si vive
Sonate pour cor, trompette et trombone qui nous mène de la Butte Montmartre
aux jardins à la française en un clin d’œil. On gravit ainsi les sommets du magistral Sextuor, dont le corps des vents est
dominé par André Cazalet, tandis que Claire Désert, de son toucher si musical,
instille une élégance infiniment sensible, qui capte l’attention dès le solo de
piano du 1er mouvement. Car le label vient de s’attacher les
services de deux merveilleux pianistes, Claire Désert et Emmanuel Strosser, qui
apportent un raffinement bienvenu à ces réalisations. Écoutez comme, dans le Trio, la pianiste timbre des résonances
de cloches avant de rejoindre ses partenaires dans le jeu des gambades puis la
tendre effusion. Emmanuel Strosser, lui, s’est vu attribuer les Sonates composées à la fin de la vie de
Poulenc, si teintées d’atmosphères dramatiques malgré la survivance – par
élégance – d’une gouaille de titi parigot : il travaille son toucher avec
une infinie délicatesse afin de rester dans l’émotion contenue tout au long de
la Sonate pour clarinette et piano,
il fait vibrer un nimbe sonore autour de son partenaire dans les mouvements
extrêmes de la Sonate pour hautbois et piano,
où Alexandre Gattet conduit la mélodie avec autant de souplesse nuancée qu’un
archet, et encore dans l’Élégie pour cor
et piano. Cette dernière pièce confirme la suprématie d’André Cazalet sur
ses collègues : il s’y montre aussi brillantissime dans les difficultés
techniques que maître de son timbre dans les moments de douceur. Mais nous
évoquions de mauvais côtés : c’est qu’à puiser dans un orchestre, on prend
ce qui s’y trouve, même pour des pièces où les plus grands solistes ont imposé
leur marque. Dans la Sonate pour
clarinette et piano, Michel Portal et Florent Héau nous ont par le passé
procuré de grandes émotions, alors que le timbre dépourvu de séduction de
Philippe Berrod, qui n’est pas non plus infaillible au niveau technique, nous
laisse sur le seuil. Conseillons, pour ce chef-d’œuvre ultime, le disque si
prenant de Florent Héau et Patrick Zygmanowski
(Lyrinx), où le clarinettiste témoigne d’un contrôle du son si
parfait qu’il peut modeler à sa guise tous les caractères expressifs de cette partition
où Poulenc dénoue ses contradictions par des voltes inattendues. Le timbre des
clarinettistes de l’Orchestre de Paris s’avère d’ailleurs un problème, que la Sonate pour deux clarinettes accuse,
tant il est vrai que les deux solistes ne sauraient se voir taxés de sonorité
melliflue (on la trouvera plutôt mal dégrossie) ! Quant à la Sonate pour flûte et piano, elle aussi a
connu bien des versions plus séduisantes, et les mouvements extrêmes
apparaissent parmi les maillons faibles de ce coffret, même si le mouvement
central témoigne d’un beau dramatisme. Brève page plus récemment redécouverte, Le joueur de flûte semble une
mélancolique méditation dans le désert : Vincent Lucas y met toute sa
sensibilité. Signalons, d’un point de vue éditorial, que la relecture du livret
laisse à désirer…
Au final, les amoureux de Poulenc
trouveront chez RCA (en 2 disques, également) l’intégrale pétillante et
cravachante de sa musique de chambre (cordes comprises, cette fois, et avec en
prime la musique de scène pour L’invitation
au château de Jean Anouilh) dans une prise de son resplendissante et avec
une équipe de somptueux virtuoses : Éric Le Sage, Paul Meyer (qui fait
preuve d’une maîtrise stupéfiante du son de la clarinette), Michel Portal en
“guest-star”, François Leleux, les flûtistes Mathieu Dufour (qui surclasse de
cent coudées Vincent Lucas dans la Sonate
pour flûte) et Emmanuel Pahud, le corniste Ab Koster, etc., le trompettiste
Frédéric Mellardi étant le seul point commun entre les deux enregistrements.
Il y a quelques années, Indésens avait regroupé
des pièces de jeunesse de Henri Dutilleux (INDE 004), celles antérieures à l’éclosion de la Sonate pour piano s’avérant terriblement datées, et encore esclaves
(hélas !) d’un enseignement affreusement conventionnel. Du point de vue
des instruments à vent, on nous pardonnera de raviver une gué-guerre qui ne
s’apaise que difficilement : Marc Trénel joue la Sarabande et Cortège sur un Fagott de facture Heckel ; si le son “volumineux” du Fagott apporte une rondeur nécessaire au répertoire symphonique
allemand, il est franchement déplacé, voire encombrant, dans une pièce
française de 1942, si tributaire des académismes nationaux ambiants, où le son
plus nasal, plus incisif du basson français s’impose. L’interprétation par Pascal
Godart de la Sonate pour piano est
élégante, mais n’a pas la puissance d’affirmation d’une identité stylistique
qu’y mettaient certains pianistes (Claire-Marie Le Guay, par exemple, chez
Accord, qui couplait cette Sonate avec celles de Bartók et Carter).
Camille
SAINT-SAËNS : Intégrale de la musique de chambre avec vents.
Vincent Lucas (flûte), Philippe Berrod (clarinette), Olivier Derbesse
(clarinette), Alexandre Gattet (hautbois), Marc Trénel (basson), Yves d’Hau
(contrebasson), André Cazalet (cor), Francis Orval (cor), Guillaume
Cottet-Dumoulin (trombone), Frédéric Mellardi (trompette), Eichi Chijiwa &
Angélique Loyer (violons), Ana Bela Chaves (alto), Emmanuel Gaugué
(violoncelle), Bernard Cazauran (contrebasse), Laurent Wagschal & Pascal
Godart (pianos). 2CDs Indesens : INDE010.
Tout comme Poulenc, Saint-Saëns a consacré
ses derniers efforts à trois Sonates pour bois et piano, et dans l’un et l’autre cas, la concentration de leur
expérience créatrice auréole ces accomplissements testamentaires d’un souffle
pénétrant. Philippe Berrod et Pascal Godart se sont surpassés pour donner
de la Sonate pour clarinette et piano op.167 une interprétation pleine de verve et d’énergie dramatique. Alexandre
Gattet et le même Pascal Godart accentuent à dessein les étranges bifurcations
alimentant la progression agogique de la Sonate
pour hautbois et piano op.166, depuis un néo-classicisme frôlant le
pastiche dans l’Andantino, puis le
mystère et les allusions de l’Allegretto,
jusqu’à l’enjouement virtuose du Molto
allegro ; Ingo Goritzki et Leonard Hokanson, dans un beau disque
naguère paru chez MDG, tentaient au contraire de créer une unité dans la
partition grâce à une conduite plus romantique de l’ensemble. Quant à la Sonate pour basson et piano op.168, si
l’on confronte les deux versions les plus directement concurrentes, celle de
Dag Jensen et Leonard Hokanson (bénéficiant d’une captation plus présente, sur
le disque MDG) et celle ici gravée par Marc Trénel (plus chantant) et Pascal
Godart, le son s’avère de toute manière “germanisé” par le choix du Fagott, dont il reste à prouver qu’il
corresponde à la saveur acidulée de “l’esprit français”.
Définitivement, le célèbre Septuor avec trompette, si rigidement
néo-classique en trois de ses mouvements (seul le mouvement lent laisse passer
une originalité expressive) n’est pas le chef-d’œuvre de la musique de chambre
de Saint-Saëns : il reçoit ici une interprétation vivante, mais un peu
rêche. Quant à la présente version du Caprice
sur des Airs danois et russes, elle est éclipsée par celle, d’une fière
envolée, donnée par l’Ensemble Villa Musica sur le disque MDG déjà évoqué (Ingo
Goritzki encore ! Et le velouté de la clarinette d’Ulf
Rodenhäuser !). En revanche, on découvre des visages bien plus
humains de Saint-Saëns au fil d’œuvres qui se cachent derrière des titres trop
modestes. Très antérieure aux autres pièces, la Tarentelle op.6 se révèle un bijou : Vincent Lucas, Olivier
Derbesse et Laurent Wagschal s’y montrent endiablés. Avec le même et très
sensible pianiste (que l’on n’entend pas assez, alors que son talent et sa
curiosité d’esprit devraient le propulser à un rang bien plus enviable),
d’autres pages brisent l’image froidement académique de Saint-Saëns : la Romance pour flûte et piano op.37, où
Vincent Lucas laisse parler une expression touchante, et les Romances pour cor et piano (op.36 et op.67),
dont les phrasés sont maîtrisés d’un seul souffle par André Cazalet, toujours
en grande forme.
Que le producteur Benoît d’Hau, dans un
élan d’amour filial, laisse s’exprimer le contrebassoniste Yves d’Hau, cela
peut se comprendre, mais quand le résultat en vient à transformer le noble et
violoncellistique Cygne en
caricature, on récrimine vigoureusement (L’Éléphant supporte mieux le passage de la contrebasse au contrebasson, puisque les
tessitures autant que l’intention parodique s’avèrent en ce cas plutôt
proches). De même, Mon cœur s’ouvre à ta
voix n’a rien à faire au basson ni dans cette intégrale qui se veut de
référence.
De manière générale, l’équipe du label
serait bien inspirée de mieux relire ses livrets ; ici, entre autres
contributions au collier de perles, on goûtera « Bien qu’empruntent de
classicisme… » et « Odelette en ré majeure » (est-elle vaccinée,
au moins ?) !
Robert
SCHUMANN : Concerto
op.54, Introduction
et allegro appassionato op.92, Introduction
et allegro de concert op.134. Bruno Rigutto, piano.
Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, dir. Serge Baudo. Lyrinx :
LYR 154.
On est las d’accumuler les couplages
“téléphonés” du Concerto de Schumann
avec, par exemple, celui de Grieg, et on préfère la cohérence de programmes
donnant à entendre les trois œuvres pour piano et orchestre de Schumann, ce qui
fait ressortir la filiation entre des partitions espacées de quatre ans en
quatre ans. Suite des rééditions de Bruno Rigutto (voir notre rubrique Liszt),
ce disque de 1995 n’a rien perdu de ce qui le rend attachant, à savoir une
spontanéité dans l’approche psychologique du compositeur. Le Concerto, qui
s’est vu gratifié (!) de mille versions discographiques, nous touche ici
par son absence de toute emphase démonstrative ; il nous parle avec une
proximité pleine d’humanité. Un moment-clé résume bien ce sentiment : l’Andante espressivo du 1er mouvement, très tendre et délicatement rêveur. Nous avons l’impression d’être
conviés dans l’intimité de Schumann, et cette délicatesse traversera les
différents caractères des mouvements successifs (écoutez la fraîcheur perlée
des arpèges du finale). L’équilibre entre l’orchestre et le piano, bien
sauvegardé par l’enregistrement, participe de cette réussite. Le même sentiment
de partage intime traverse la partie pianistique de l’opus 92, mais cette
fois, le compositeur semble avoir accumulé les maladresses pour que l’orchestre
ne sonne pas. L’opus 134, ouvrage tardif qui s’approche du gouffre, trouve
ici une interprétation essentielle, et l’on est frappé par la beauté expressive
avec laquelle Bruno Rigutto pose le monde intérieur de Schumann dès les
premières guirlandes de notes. La cohérence du programme gagne à suivre ainsi,
avec tact, la trajectoire psychique du compositeur.
Karol
SZYMANOWSKI : Étude op.4 n°3, Variations op.3, Préludes op.1, Mazurka op.50
n°1, Prélude et Fugue en ut# mineur, Fantaisie op.14. Frédéric Vaysse-Knitter.
Intégral : INT 221.180.
Polonais par sa mère, Frédéric
Vaysse-Knitter a entrepris de faire connaître les pièces de jeunesse de son
demi-compatriote Szymanowski, autrement dit des pièces quasiment méconnues et
qui méritent de ne pas le rester ! D’une grande virtuosité par moments,
ces œuvres exigent un pianiste rompu à toutes les chausse-trapes et palettes chopiniennes,
lisztiennes, schumanniennes, scriabiniennes ; s’y additionne la nécessité
de mettre en relief des complexités d’écriture sollicitant les deux mains
au-delà des conventions pianistiques du temps, et une pédalisation que Frédéric
Vaysse-Knitter dose très intelligemment pour créer des nappes harmoniques tout
en demeurant clair. Car si le Szymanowski des premières années varsoviennes
s’inscrit encore dans un legs post-romantique, son originalité harmonique, son
esprit assoiffé de cultures multiples se font jour et sans cesse éveillent
notre attention. Bientôt les voyages les plus lointains vont le confronter aux
esthétiques qu’appelait son intuition, et, quoique fidèle à ses racines, il en
tirera de quoi faire éclore de nouvelles étrangetés modales et des éclairages
surréalistes, comme en témoigne ici la seule pièce plus tardive incluse dans ce
programme, la Mazurka op.50 n°1. Le
mince reproche que l’on pourrait adresser au compositeur débutant qui se
cherche encore, serait de dévier parfois sans crier gare de l’homogénéité
conceptuelle nécessaire à la création d’un style (dans les brillantes Variations op.3, on passe ainsi d’une
ambiance Belle Époque à un pianisme issu du Carnaval de Schumann), mais – corollaire heureux – cela nous assure une telle diversité
de climats que l’ennui ne menace pas un instant l’auditeur. L’homogénéité est
en revanche une vertu cardinale du travail accompli par Frédéric Vaysse-Knitter
sur l’art de modeler un son noble et profond qui conduit l’émotion au cœur de
l’irradiation instrumentale.
Si la Fantaisie
op.14 est un chef-d’œuvre de “grand piano”, l’interprétation qu’en donne
l’artiste en est un autre. Quelque soit l’écriture des pièces ici réunies, il
en habite l’esprit avec une emprise qui ne se relâche pas une seconde. Sur un Yamaha CF III S favorisant des pianissimi chauds et riches,
Frédéric Vaysse-Knitter timbre avec un son très prenant ce qu’il qualifie
lui-même de « musique d’automne », expression profondément appropriée
au caractère de ces pièces quoique paradoxale de prime abord, s’agissant du
printemps d’un jeune compositeur.
Le livret inclut un entretien où
l’interprète développe sa vision de Szymanowski, et la prise de son restitue
fidèlement la personnalité du pianiste ainsi que son ample dynamique. Ce disque
laisse une empreinte d’une qualité émotionnelle rare, et nous attendons la
suite avec impatience.
Sylviane Falcinelli.
Baccalauréat 2011. Œuvres au
programme de l’Option facultative (toutes séries) et de l’Enseignement de
spécialité (série Littéraire). Album de 2 CDs
Virgin Classics (www.emivirginclassics.fr) :
070193.2.6.
Année faste, puisque - en heureux complément
de notre Fascicule du
baccalauréat 2011 - EMI/Virgin publie une compilation des œuvres inscrites
au programme… CD 1 : Fanfare for the common man d’Aaron Copland
(London Philharmonic Orchestra, dir. Carl Davis), Messe en si mineur,
« Symbolum nicenum » de Jean-Sébastien Bach (Chœur &
orchestre du Collegium Vocale Gent, dir. Philippe Herreweghe), Color de Marc-André Dalbavie (Orchestre
philharmonique slovène, dir. Emmanuel Villaume), Music for the Funeral of Queen Mary d’Henry Purcell (Choir of King’s College Cambridge, Academy of Ancient
Music, dir. Stephen Cleobury). CD 2 : Winterreise de Franz Schubert
(extraits, par Thomas Allen, baryton, & Roger Vignole, piano), Déserts d’Edgard Varèse (Ensemble
instrumental de musique contemporaine de Paris, dir. Konstantin Simonovitch), Appalachian Spring d’Aaron Copland (City of London Sinfonia, dir. Richard Hickox).
Ne seriez-vous nullement concerné par l’épreuve, voilà – par les plus grands
interprètes - une compilation dont vous ne pourrez faire décemment l’économie
(d’autant qu’elle est vendue au plus bas prix, en achat physique ou virtuel).
Jan Dismas ZELENKA (1679-1745) : Sonates en trio n°4,
5, 6, ZWV 181. Ensemble Pasticcio Barocco. Hérisson (www.label-herisson.com) :
LH 05. Distr. Codaex. TT : 50’08.
Interprétées ici par, tour à tour,
2 hautbois, 1 basson, 1 contrebasse, 1 théorbe &
1 clavecin, ces Sonates (1720-1722), composées à Dresde sans que l’on en connaisse la réelle destination
– on ne sait, en effet, que fort peu de choses de la vie solitaire de
Zelenka – sont d’une remarquable saveur, et méritaient certes pareille mise
au jour. Mille grâces à Pasticcio Barocco.
Wolfgang
Amadeus MOZART : Concerto pour piano n°22 (cadences :
Edwin Fischer), Concerto pour piano n°25(cadences :
Friedrich Gulda). David Fray, piano. Philharmonia
Orchestra, dir. Jaap van Zweden. EMI/Virgin Classics (www.virginclassics.com) :
64 1964.04. TT : 66’04.
Internationalement reconnu depuis sa
fulgurante apparition en 2008, le tout jeune David Fray interprète enfin Mozart,
dont la trompeuse simplicité longtemps l’intimida et le retint de l’inscrire au
programme de ses récitals. Il est ici merveilleux d’aérienne sobriété et
d’énergique élégance.
Franz SCHUBERT (1787-1828) : Winterreise D.911. Thomas E. Bauer (baryton). Jos
van Immerseel (pianoforte Christopher Clarke, 1988).
Zig Zag Territoires (www.zigzag-territoires.com) :
ZZT 101102.
Merveilleuse expressivité et velouté du
timbre caractérisent l’art de Thomas Bauer. Quant au grelottement du
pianoforte, il n’est certes pas malvenu dans une telle œuvre… Le livret inclut
les poèmes de Wilhelm Müller (avec leurs traductions française et
anglaise), ainsi qu’une présentation, par Thomas Bauer, du « Vrai Voyage d’hiver de
Wilhelm Müller », ce grand inconnu de l’histoire littéraire allemande
qu’Heinrich Heine lui-même disait être son maître. Une publication
qui sera précieuse aux candidats à l’épreuve Musique du baccalauréat 2011…
Franz
SCHUBERT : Sonate « Arpeggione » en la mineur D.821 (1824). Sonatine
n°1 en ré majeur D.384
(1817). Trio n°1 en sib majeur
op.99 (1827). Marc Coppey (violoncelle), Peter Laul
(piano), Ilya Gringolts (violon). Aeon : AECD 1095.
TT : 77’11.
La meilleure part est ici celle du
violoncelle : dans la Sonate en la mineur, bien sûr, primitivement confiée
à l’arpeggione, ainsi que dans la transcription de la lumineuse Sonatine n°1, originellement écrite
pour le violon. Dans le Trio n°1,
lui-même, l’écriture du violoncelle est remarquablement développée. À la
différence de tant de ses confrères cellistes, Marc Coppey privilégie fluidité
du discours et intensité de l’émotion sur la recherche du
« beau son ».
Franz
LISZT (1811-1886) : Évocation à la Chapelle Sixtine. Œuvres
sacrées pour orgue, par Marie-Ange Leurent & Éric Lebrun. 2CDs
Bayard Musique : S 447989. Distr. Rue Stendhal.
TT : 51’44 + 45’44.
Singulièrement bienvenus sont ces
enregistrements d’œuvres tardives et peu connues de « l’abbé Liszt ».
Sur l’orgue Stiehr-Mockers de l’église protestante de Barr (instrument
exactement contemporain de la composition des présentes pièces), les excellents
Marie-Ange Leurent & Éric Lebrun nous offrent ici un florilège qui ne devrait
pas manquer d’inspirer nombre de leurs collègues. CD1 : Arbre de Noël (extraits), trois Ave Maria,
oraison Les Morts (Benoît Strebler, récitant), Évocation
à la Chapelle Sixtine. CD2 : Crux ave benedicta, O Traurigkeit, O Sacrum convivium, Dante-Symphonie (extraits), Choral, Salve Regina, Angelus, oraison Les Morts (pour orgue seul).
Antonín
DVOŘÁK (1841-1904) : 6e Symphonie en ré majeur op.60
(1880). Nocturne en si majeur op.40 (1883). Scherzo capriccioso op.66 (1883).
Baltimore Symphony Orchestra, dir. Marin Alsop. Naxos (www.naxos.com) : 8.570995.
TT : 68’19.
Après ses enregistrements d’anthologie des 7e, 8e, 9e Symphonies et des Variations
symphoniques de Dvořák, l’excellente Marin Alsop nous offre,
cette fois, une fraîche et dynamique lecture de la 6e Symphonie du grand compositeur tchèque, tant
inspirée des thèmes de sa Bohème natale, non moins que de son mentor
Brahms. Le Nocturne op.40 est
l’arrangement pour orchestre à cordes (en si majeur),
par Dvořák lui-même, de l’Andante religioso de son 4e Quatuor (en… mi mineur).
Égal bonheur de retrouver également, sur ce disque, le populaire Scherzo capriccioso…
Erica MORINI (1905-1995), célèbre violoniste autrichienne, interprète Tchaïkovski, Tartini, Vivaldi,
Kreisler, Brahms, Wienawski. RIAS Symphonie Orchester, dir.
Ferenc Fricsay. Michael Raucheisen (piano). Audite (www.audite.de) : 95.606.
TT :72’14.
Enfant prodige, Erica Morini se produisait,
dès 1921, au Carnegie Hall de New York. Son présent
enregistrement du Concerto de
Tchaïkovski (enregistré live, en
1952, à Berlin) est demeuré légendaire. L’extrême raffinement de son jeu
ne fait pas moins merveille dans les pièces de virtuosité, accompagnées au
piano par Michael Raucheisen : Sonate
en sol mineur et Variations Corelli de Tartini, Sonate en ré majeur de Vivaldi, Schön Rosmarin et Caprice viennois de Kreisler, Valse op.39 de Brahms et Capriccio-Waltz de Wienawski. Une opportune
réédition.
Leoš
JANÁČEK (1854-1928) : Quatuors à cordes n°1 et 2.
Mandelring Quartett, Gunter Teuffel (viole d’amour).
Audite (www.audite.de) : 92.545
(SACD). TT :67’14.
Témoignages de la parfaite indépendance du
compositeur - non moins que de ses sentiments amoureux -, ces deux Quatuors comptent parmi les
chefs-d’œuvre de la musique de chambre du XXe siècle. Heureuse
initiative des Mandelring de donner ici le 2e Quatuor dit « Lettres intimes »,
en ses deux versions : l’une avec alto, l’autre – telle que l’avait conçue
Janáček - avec viole d’amour.
Dimitri
CHOSTAKOVITCH (1906-1975) : 10e Symphonie en mi mineur op.93 (1953). Royal Liverpool Philharmonic Orchestra, dir.
Vasily Petrenko. Naxos (www.naxos.com) : 8.572461. TT : 52’11.
Réputée quasi autobiographique, la
monumentale 10e Symphonie de Chostakovitch est l’une de ses œuvres majeures. Reçue triomphalement
par le public, elle fut violemment critiquée par les instances politiques et
ce, malgré la disparition de Staline quelques mois avant la création de l’œuvre
à Léningrad, le 17 décembre 1953.
Bernard
CAVANNA : Shanghaï
Concerto. Trois Strophes sur le nom de Patrice Lumumba. Karl Koop Konzert (1CD /
TT : 65’26). La peau sur la table (1DVD / TT : 1h39’33).
Firme Aeon (www.aeon.fr) :
AECD 1104.
Shanghaï Concerto (2009) est un double concerto,
pour violon, violoncelle & orchestre. Trois Strophes sur le nom de Patrice Emery Lumumba (2008) est écrit
pour alto & ensemble instrumental. Karl Koop Konzert (2007) est une « Comédie pompière,
sociale et réaliste » pour accordéon & orchestre. Orchestre
national de Lille / Ensemble 2e2m. TT : 65’26.
La peau sur la table (2010) est un portrait filmé du
compositeur, réalisé par Delphine de Blic (TT : 1h39’33).
CD/DVD Aeon (www.aeon.fr) :
AECD 1104.
Extraordinaire ensemble qui
permettra, à bien des mélomanes, de découvrir l’un de nos plus originaux et…
sincères – serait-ce dans la joyeuse provocation – compositeurs de notre
temps. En particulier, tout au long d’un film (Prix Sacem du documentaire
musical de création, 2010) remarquablement conçu et monté, émaillé de séquences
musicales et de passionnants entretiens avec H. Dutilleux,
G. Aperghis, G. Condé, J. Rebotier, V. Manac’h…
Ramon
LAZKANO (°1968) : Hauskor(2006) pour 8 violoncelles &
orchestre. Ortzi Isilak (2005) pour clarinette & orchestre. Ilunkor (2001)
pour orchestre. Cello Octet Amsterdam. Ernesto Molinari,
clarinette. Orchestre national basque,
dir. Johannes Kalitzke. Kairos (www.kairos-music.com) :
0012992KAI. TT : 54’53.
Conçue davantage dans le son qu’avec des
sons, la musique du donostiarra (originaire
de San Sebastián) Ramon Lazkano combine des matériaux athématiques -
pulvérisés, éruptifs ou fusionnels. Enchevêtrements sonores auxquels on
ne peut que douloureusement s’arracher…
David
POGUE & Scott SPECK : La musique classique pour les nuls. Adaptation
française du livret (First Editions) : Claire Delamarche. 6 CDs,
147 titres, 7h de musique. EMI/Virgin Classics (www.emivirginclassics.fr) :
648 144.2.1.
Seriez-vous grand érudit, le rapport
qualité/prix du présent coffret ne pourra que vous séduire – sous réserve de ne
pas lire les commentaires d’un livret en trop parfait accord avec l’intitulé de
la chose (100 p.). CD1 : Moyen Âge,
Renaissance, Baroque (grégorien, Palestrina, Lully, Rameau, Bach, Vivaldi,
Haendel...). CD2 : Style
classique (Haydn, Mozart, Boccherini, Beethoven…). CD3 : Essor du romantisme (Schubert, Weber,
Chopin, Liszt, Mendelssohn, Rossini…). CD4 : Apogée du romantisme (Wagner, Brahms, Mahler, Dvořák, Puccini,
Verdi…). CD5 : Musiques
nationales (russe, française, espagnole). CD6 : Vers la modernité (R. Strauss,
Satie, Ravel, Stravinsky, Prokofiev, Gershwin, Barber, Dutilleux…). Avec
le concours des plus grands interprètes…
Scott WHEELER (°1952). Wasting the Night : Songs.
Susanna Phillips (soprano), Krista River (mezzo-soprano), Joseph Keiser
(ténor), William Sharp (baryton). Donald Berman (piano).
« American Classics », Naxos (www.naxos.com) :
8.559658. TT : 72’07.
Né au sein d’une famille de musiciens,
Scott Wheeler (www.scottwheeler.org)
intégra, tout d’abord, divers groupes de rock avant d’écrire, dans les
années 70 - sous l’influence de Schoenberg -, ses premières œuvres
pour le concert ; puis de découvrir Schumann, Fauré et…
Virgil Thomson, dans la filiation duquel il s’inscrit clairement. Le
présent album de mélodies accompagnées au piano est une parfaite introduction à
l’art d’un musicien, par ailleurs auteur d’opéras à succès tels que : The Construction of Boston ou Democracy (commande de Plácido Domingo). Sur des poèmes d’Emily Dickinson,
William Blake, R. M. Rilke, Hugh Auden, etc., sont ici
réunis six petits cycles : Serenata (1993), Sunday Songs (1999), Heaven and Earth (2007), Singing to Sleep (1984), Wasting the Night (1990), Turning Back (2007) et deux
mélodies isolées : Litany (2006)
et Mozart, 1935 (1997). Révélation, pour
nous, d’un vrai mélodiste, sachant magnifiquement écrire pour la voix.
Loreena McKENNITT : The wind that shakes the barley. Quinlanroad (www.quinlanroad.com) :QRCD 114.
Distr. : Keltia Musique (tél. : 02 98 95 25 20. www.keltiamusique.com).
Entourée de ses habituels collaborateurs
(le violoniste Hugh Marsh, la violoncelliste Caroline Lavelle, le
guitariste Brian Hugues et le vielliste à roue Ben Grossman, plus une
dizaine d’excellents musiciens traditionnels), l’envoûtante Loreena McKennitt
interprète ici, dans ses propres arrangements, huit mélodies celtiques : As I roved out / On a bright may
morning / Brian Boru’s march / Down by the Sally gardens /
The star of the ciounty down / The wind that shakes the barley / The
death of queen Jane / The parting glass. Plus l’une de ses
propres compositions, The emigration
tunes (sur l’histoire irlando-canadienne autour de la famine de
1840). Un bienvenu retour à ses racines d’une artiste fort justement
appréciée en tous pays (14 millions d’albums vendus, à ce jour).
« Songs », Comédies
musicales. Ensemble
Contraste (www.contrastezvous.com).
Distr. Naïve (www.naive.fr).
Où est joyeusement revisité l’univers des
comédies musicales anglo-saxonnes et françaises. Avec Arnaud Thorette
(alto & direction artistique), Johan Farjot (piano, arrangements &
direction musicale), Pierre Fouchenneret (violon), Antoine Pierlot
(violoncelle), Raphaël Imbert (saxophone), Karol Beffa (improvisations au
piano) et, notamment… Karine Deshayes ! Avec la complicité de
Sandrine Piau, Magali Léger, Sébastien Droy, Sébastien Guèze, Alain Buet - non
moins que de Rosemary Standley, Emily Loiseau, Isabelle Georges et Albin de la
Simone. Dix-neuf plages d’un bonheur sans nuage !
Francis Gérimont.
Johann Sebastian BACH : Weihnachts Oratorium, BWV 248. Carolyn
Sampson, Wiebke Lehmkuhl, Martin Lattke, Wolfram Lattke, Konstantin Wolff.
Dresdner Kammerchor. Gewandhausorchester, dir. Riccardo Chailly. 2CDs
Universal/Decca : 478 2271. TT : 69'15 + 63'07.
Composé par le Cantor en 1734, l'Oratorio de Noël se présente
comme une série de six cantates pour le jour de Noël et les deux suivants, le
Jour de l'An, le jour de la fête du Saint Nom de Jésus et le jour de
l'Épiphanie. Bach y réemploie des morceaux tirés de cantates profanes
antérieures qu'il modifie quelque peu pour leur donner un accent plus
religieux : changement d'instrument d'accompagnement, ajout de liaisons
nouvelles et d'appogiatures. Chaque volet est doté d'un climat
particulier dû à une instrumentation spécifique. Ainsi, alors que chacune
de ces parties s'ouvre sur un chœur, la deuxième est préludée par une sinfonia,
sorte de pastorale qui fait penser à Haendel. Mais une unité de
construction les unit : l'intervention de l'Évangéliste, comme dans les
Passions, l'interruption du récit biblique par des épisodes lyriques confiés
aux solistes ou au chœur. Le traitement des chorals est particulièrement
riche. Même si le langage mélodique reste austère, il s'enrichit de quelques
traits originaux, telle une aria de soprano avec hautbois obligé qu'agrémentent
des effets d'écho de la voix et de l'instrument. La présente
interprétation, saisie en concert en janvier 2010, se distingue par la
belle patine d'un orchestre illustre, le Gewandhaus de Leipzig, dans une
formation peu nombreuse. La sonorité en ressort épurée, les bois en
particulier, et ne fait pas regretter les instruments d'époque. Riccardo
Chailly livre une exécution d'une grande sobriété de ton et d'une belle
souplesse de phrasé. Ce que l'on retrouve dans la ligne des solistes
vocaux, jeunes voix, mais dotées d'une ferveur certaine, et dans la
contribution du chœur de chambre de Dresde.
Maurice RAVEL : Daphnis & Chloé. Pavane pour une infante défunte. Boléro. London Symphony Chorus, London Symphony Orchestra, dir.
Valery Gergiev. LSO Live : LSO0696.
TT : 78'36.
On savait, depuis des exécutions
d'anthologie avec Pierre Monteux que les musiciens du LSO possédaient le
vrai son gallique. Rien de plus vrai encore aujourd'hui sous la conduite
de leur chef attitré, Valery Gergiev. Car voici un généreux disque
Ravel à marquer d'une pierre blanche en termes de plasticité orchestrale.
Si la Pavane, prise très lent, libère une grâce par trop monotone, un
brin complaisante, le tempo très allant du Boléro contribue à en dégager
l'effet lancinant puis enivrant, ce côté machine infernale d'un long crescendo
s'amplifiant en intensité sur un rythme immuable. Le morceau de choix
reste la grande fresque de Daphnis et Chloé. Comme le confessait
son auteur, la référence à la danse passe au second plan et sa
« symphonie chorégraphique » est, de façon ostentatoire,
symphonique. Le chef qui se souvient combien Ravel doit ici aux musiciens
russes, privilégie les lignes claires et nettes, ménageant les évolutions de
sonorité, pour décrire l'immensité du paysage sonore, les effets de lointain ou,
au contraire, la digression plus intimiste. L'atmosphère se fait dégagée,
mystérieuse, parfois languissante (danse suppliante de Daphnis) et
contrastée (une danse guerrière éclatant d'énergie, scandée avec
insistance). Gergiev façonne le son avec délectation, non sans
gourmandise et glorifie la formidable orchestration ravélienne, tout comme
l'art suprême de la transition et des changements de climats. L'éventail
dynamique est large, cordes ppp, bois effleurés, fiers éclats des
cuivres. L'évocation sonore trouve sa plus somptueuse expression dans le
frémissant Lever du jour, et sa frénétique apogée lors de la Bacchanale finale. Le fini sonore de l'orchestre est enthousiasmant : élégance
instrumentale, des bois en particulier (un envoûtant solo de flûte, malgré le
tempo retenu adopté par le chef), transparence de la texture, extrême souplesse
du rythme.
Carl NIELSEN : Symphonies n°4 « L'inextinguible »
& n°5. London Symphony Orchestra, dir. Sir Colin Davis. LSO Live :
LSO0694. TT : 66'38.
Après s'être consacré à Sibelius, par trois
fois au disque, Sir Colin Davis y défend maintenant Nielsen. Tout comme
le finlandais, le compositeur danois (1845-1931) fait figure de musicien
national. Encore que sa conscience nationale diffère sensiblement de
celle de ses contemporains. Issu d'une famille de paysans de l'île de
Fionie, il possédait naturellement la fibre culturelle de son pays. La
simplicité rustique, on la trouve dans sa musique intimement mêlée à une veine
plus intellectuelle car la culture de Nielsen était ouverte sur le monde.
L'univers de ses symphonies est fait d'atmosphères contrastées. La Quatrième (1914-1916) reflète les
préoccupations tant du musicien que de l'homme. Son titre « L'inextinguible »
exprime, selon lui, « la volonté élémentaire de la vie ». D'où
l'élan irrépressible qui la parcourt à travers ses quatre parties que relient
de subtils enchaînements, et jouées d'un seul tenant. Une vision de chaos
caractérise les mouvements extrêmes, lutte entre espoir et résolution, surtout
au finale émaillé de deux batteries de timbales rageuses et de cuivres fiers
luttant contre la masse du reste de l'orchestre, comme une tentative
d'écrasement. Un intermède rustique dominé par les bois semble vite
s'évanouir pour laisser place à un poco adagio privilégiant les
cordes, mais vite traversé de tensions. La Cinquième,
qui date des années 1920-1922, est elle aussi une « symphonie de
guerre », selon le chef Simon Rattle ; car, là encore, le climat
est empreint de tensions paroxystiques malgré le calme apparent sur lequel
s'ouvre le premier mouvement et la vaste mélodie de l'adagio bientôt secoué de
soubresauts de la caisse claire et de cuivres élargissant l'ambitus sonore.
Le troisième et dernier donne aussi libre cours à des déferlements énergiques
alternant avec des pages plus apaisées. Le LSO est glorieux, et pas
seulement ses percussionnistes, sous la conduite de Sir Colin qui offre
une démonstration de musique combien chargée de sens.
Alfred Brendel : A
Birthday Tribute. Johannes
BRAHMS : Concerto pour piano n°1,
op. 15. Wolfgang Amadeus
MOZART : Concerto pour piano n°25,
KV 503. Ludwig van BEETHOVEN : Sonate pour piano n°31 op.110. Franz SCHUBERT : Impromptu D935 n°1. Alfred
Brendel, piano. Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, dir.
Sir Colin Davis (Brahms). SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und
Freiburg, dir. Hans Zender
(Mozart). 2CDs Universal/Decca : 478 2604. TT : 50'54 +
63'32.
Inédites au disque, ces exécutions de
concert, exhumées d'archives de radio à l'occasion du 80e anniversaire
du grand Alfred Brendel, ont reçu son imprimatur. Un programme bien
dans la manière du pianiste puisque rapprochant ses auteurs de prédilection
Mozart, Beethoven, Schubert, auxquels est ici associé Brahms. Le 1er Concerto op.15
marque le triomphe du romantisme de la première période, dite nordique, de
Brahms, d'une rudesse tourmentée. Il est ici servi par une vision
grandiose (captée à Munich en 1985) que souligne le tempo très mesuré qu'adopte
Colin Davis d'entrée de jeu, qui ne se relâchera qu'au rondo final.
La densité sonore du tissu orchestral pare le maestoso introductif d'une
aura de gravité et le soliste s'y fait hiératique dans ce jeu si typiquement
mêlé à l'orchestre. Il devient contemplatif à l'adagio où se mêlent
rêverie sereine et tendresse rustique. Le rondo final sera d'une
exubérance, là encore, toute mesurée. Ce qui frappe aussi, c'est la
qualité de la prise de son, le piano idéalement intégré au sein de l'orchestre.
Une balance piano-orchestre d'ailleurs approuvée par le pianiste, comparée à
telle autre interprétation en studio. La même impression d'immédiateté
sonore se dégage de l'exécution du Concerto
n°25 de Mozart (saisie à Baden-Baden en 2002), en particulier lors des
dialogues, si importants dans cette pièce, entre soliste et instruments à vent.
Alfred Brendel en donne une exécution miraculeuse qui laisse s'épancher la
profonde humanité baignant ces pages, sorte de confidences de l'âme. De
la subtile entrée du piano, sur la pointe des pieds, après un début allegro en
fanfare qui vire bientôt à la déclamation opératique, au sombre dialogue entre
soliste et bois à l'andante dont les thèmes s'interpénètrent en forme de
mélodie continue, au finale enfin, tout d'élan passionné, le jeu du pianiste enthousiasme
par son extrême fluidité, son délicat humour, sa vraie tendresse. À ces
deux exécutions concertantes sont adjointes deux pièces instrumentales (live à Salzburg, 2007). De cette
exécution de la Sonate op. 110 de Beethoven, Brendel avoue que « c'est celle-ci qui est la plus chère à
mon cœur ». De fait, l'art de traduire ses climats si élusifs est
magistral, notamment au sublime adagio. L'Impromptu D935 n°1, donné en bis lors du même concert, livre
cet ondoiement singulier dont se détachent quelques beaux thèmes d'une fantaisie
expressive qui forment la quintessence de l'art de Schubert. Il scelle
aussi cette approche intime et naturelle qui caractérise la manière d'un de ses
plus distingués interprètes.
Neujahrs Konzert 2011. Johann
STRAUSS II : Reitermarsch,
op.428, Donauweibchen, valse op.427, Amazonen-Polka, op.9, Debut-Quadrille, op.2, Muthig voran! Polka schnell, op.432, Ritter
Pásmán, Csárdás op.141, Abschied-Rufe, valse op.179, Spanischer Marsch op.433, An der schönen, blauen Donau, valse
op.314. Johann STRAUSS I : Furioso-Galopp nach Liszt's Motiven, op.114, Cachucha-Galopp, op.97, Radetzky-Marsch,
op.228. Joseph LANNER : Die
Schönbrunner, valse op.200. Franz LISZT : Mephisto-Waltzer, n°1. Joseph
STRAUSS : Aus der Ferne, Polka-Mazur, op.270, Mein Lebenslauf ist Lieb' und Lust,
valse op.263. Eduard STRAUSS : Ohne
Aufenthalt, Polka schnell, op.112. Joseph
HELLMESBERGER II : Die Perlen
von Iberien, Zigeunertanz. Wiener Philharmoniker,
dir. Franz Welser-Möst. 2CDs Universal/Decca : 478 2601.
TT : 46'19 + 54'54.
Depuis Nikolaus Harnoncourt (2001, 2003),
le Concert du Nouvel An n'avait pas été dirigé par un chef autrichien.
Franz Welser-Möst, tout juste la cinquantaine, est déjà au faîte d'une enviable
carrière internationale. Après la direction musicale de l'Opernhaus de Zurich
ne vient-il pas de prendre celle de l'Opéra de Vienne ! Choisi, pour la première
fois, pour conduire l'incontournable événement musical - le 70e du
nom - rajeunissant enfin la vénérable institution, le chef réussit l'exercice.
Alors qu'il ne néglige pas les standards obligés, son programme offre bien des
nouveautés. Plusieurs thèmes s'y côtoient : un florilège de pièces
tirées de l'opérette Simplicius de Johann Strauss II, que le chef a
naguère contribué à ressusciter scéniquement à Zurich ; un hommage à
Liszt, anniversaire oblige, avec une exécution flamboyante de sa Méphisto Valse n°1, encadrée par
des morceaux dédiés au pianiste virtuose par Strauss, père (un Furioso-Galopp haletant) et fils (une valse des Cris d'adieu, vrai déchirement
sentimental) ; quelques morceaux hispanisants enfin, dont la couleur pare
le concert d'un amusant parfum exotique, ibérico-hongrois dans le cas de la
danse tzigane Les Perles d'Ibérie de Hellmesberger, qui scelle
aussi l'évolution du style viennois vers une brillance plus marquée. On
se délecte d'un assortiment savamment concocté de valses, polkas, marches,
galops et autres quadrilles, venus si aisément sous la plume de la prolifique
dynastie des Strauss, père, fils, frères, et à ses épigones comme Joseph Lanner.
Le concert du Nouvel An est une affaire avec laquelle on ne plaisante pas :
plus que brillantes, ces musiques laissent percer à l'occasion quelque gravité.
Comme bien souvent, l'intensité croît au fil du concert pour atteindre bientôt
son juste apogée. La manière de Welser-Möst est naturelle, ample,
souplement articulée à l'aune de ce « je ne sais quoi » typiquement
viennois qui marque la retenue sur le premier temps de la valse, débutée
lentement pour se rythmer peu à peu et se faire expansive dans le
développement. Le chef maîtrise l'art de construire le morceau pour
donner le sentiment que chaque répétition du thème offre quelque chose de
nouveau. Il sait ménager l'effet de surprise et apporter ce zeste qui
confère à la polka rapide son irrésistible élan. L'empathie est certaine
avec les Viennois qui subliment leur jeu.
Mélodies… Claude DEBUSSY,
Emmanuel CHABRIER, Camille SAINT-SAËNS, Henri DUPARC, Reynaldo HAHN,
Maurice RAVEL. Stéphane Degout, baryton.
Hélène Lucas, piano. Naïve : V 5209. TT :
74'19.
Le baryton Stéphane Degout, il y a peu un
idéal Pelléas, livre aujourd'hui un impressionnant récital de mélodies
françaises. Ce genre si subtil, il l'investit avec un rare bonheur,
persuadé qu'il est d'un intérêt vital pour lui de s'y consacrer au même titre
qu'à la scène ; un art, certes, moins accaparant que celle-ci, mais pas
moins exigeant car, là, il faut être soi-même. Il le cultive depuis ses débuts
et la rencontre d’Hélène Lucas, chef de chant au Conservatoire de Lyon, et
de Ruben Lifschitz qui y animait une classe d'interprétation sur le Lied.
C'est vers eux qu'il s'est tout naturellement tourné pour préparer ce
programme. Nul doute que l'éloquence du résultat sanctionne le formidable
travail accompli en amont. Le choix des pièces, pour beaucoup méconnues,
est intéressant. Ainsi en est-il des mélodies persanes de Saint-Saëns,
d'un orientalisme discret, des délicates pochades de Chabrier dont le style est
si proche de ses compositions pianistiques, ou encore des pièces de Reynaldo
Hahn qui n'a pas son pareil pour passer, en deux strophes, de l'insouciance au
drame. Bien sûr, le Duparc de La vie antérieure ou le
Debussy des Trois Ballades de François Villon transportent sur
d'autres cimes, plus fascinantes encore. L'interprétation est marquée au
coin de l'intelligence, de l'émotion discrète, de l'intimité entre texte et
musique. Le timbre clair, proche de celui de « baryton Martin »,
qui se fait caressant dans la nuance piano ou solaire dans le forte, offre à la
modulation lyrique une large palette de couleurs. Le naturel de la
diction, dépourvue d'affectation, va de pair avec la justesse de ton pour
animer ces scénettes qui, dans leur brièveté, en disent long sur la poétique
littéraire sous-jacente. Les Histoires naturelles de Ravel en
offrent un parfait exemple : une déclamation d'une vraie simplicité,
proche des inflexions du langage parlé, épousant étroitement les pages subtiles
imaginées par l'auteur de La Valse pour mettre en musique la prose
quelque peu prosaïque du bestiaire de Jules Renard. On ne saurait
mieux en traduire l'exquise poésie, la secrète facétie, le climat suggestif.
Hélène Lucas, avec laquelle le chanteur fait désormais équipe en concert, est
le révélateur de cette vocalité lumineuse : les climats choisis que
prodigue son piano, qu'il sonne quasi orchestral ou comme murmuré, sont pur
raffinement.
DVDs
André Ernest Modeste GRÉTRY : L'Amant jalouxou Les fausses apparences. Comédie mêlée
d'ariettes en trois actes. Livret de Thomas d'Hèle. Magali
Léger, Claire Debono, Maryline Fallot, Frédéric Antoun, Brad Cooper, Vincent
Billier. Le Cercle de l'Harmonie, dir. Jérémie Rhorer. Mise en
scène : Pierre-Emmanuel Rousseau. DVD
Opéra Comique/Wahoo : WAH 001. TT : 1H20.
L'Amant jaloux est un exemple de
ce qu'on appelle le genre du demi-caractère dans l'opéra-comique : un mélange
de chant et de déclamation ; les airs de facture brève, ou ariettes,
s'enchaînant souvent directement à l'intermède parlé qu'ils complètent
harmonieusement sans l'ombre d'une rupture. Le prétexte est ici une
comédie plutôt légère en forme de marivaudage amoureux. La présente
production, captée dans le bel écrin de l'Opéra royal de Versailles - où la
pièce fut créée en 1778 - joue des ressorts sans surprise de la comédie
baroque. La mise en scène de Pierre-Emmanuel Rousseau, qui se veut
reconstitution éclairée, n'échappe pas au convenu des situations. Il
n'est pas si aisé de traiter une action dont le sous-entendu des sentiments est
le seul moteur. Elle n'en dispense pas moins des tableaux bien léchés
grâce à un joli décor de toiles peintes, de rassurants effets de symétrie et
d'agréables perspectives classiques. Les costumes y apportent une riche
palette de couleurs. Tous éléments auxquels rend justice une prise de vue
limpide et naturelle. La direction de Jérémie Rhorer souligne ce que
la musique a d'inventif dans le traitement instrumental, mais aussi dans la
vivacité des ensembles. La distribution, jeune et agréable à voir,
rencontre chez les dames quelques problèmes d'intonations. C'est que la
ligne de chant n'est pas toujours aisée à négocier dans ses postures acrobatiques.
Quoi qu'il en soit, une intéressante réhabilitation.
Jean-Pierre Robert.
Exceptionnel est l’hommage ici rendu par
EuroArts (www.euroarts.com) &
Medici Arts (www.mediciarts.tv), à l’homme et grand musicien qu’est
Daniel Barenboim. En 11 DVDs live :
BEETHOVEN : Concertos pour
piano & orchestre. Live from
the Klavier-Festival Ruhr (mai 2007). Staatskapelle Berlin,
piano & direction : D. Barenboim. 2DVDs EuroArts :
2056779. TT : 114’ + 84’.
FALLA : El Sombrero de
tres picos. Debussy : La Mer. BOULEZ : Notations I-IV. Bonus : Conversation
Barenboim/Boulez. Live from the Musik Triennale Köln
(avril 2000). Elisabete Matos (mezzo-soprano). Chicago
Symphony Orchestra, dir. D. Barenboim. DVD EuroArts :
2050136. TT : 90’ + 20’ (bonus).
BEETHOVEN : Ouverture Leonore
n°3. BOTTESINI : Fantaisie sur des
thèmes de Rossini. BRAHMS : 1re Symphonie. Live from the Alhambra, Granada
(août 2006). Kyril Zlotnikov (violoncelle), Nabil Shehata
(contrebasse). West-Eastern Divan Orchestra, dir.
D. Barenboim. DVD EuroArts/Arte Edition : 2055538.
TT : 85’.
BRAHMS : 1er Concerto
pour piano. 1er Quatuor avec piano (orchestration : Arnold Schoenberg). Live from
Europa-Konzert, Odeon, Athens (mai 2004). Bonus : The European
Concert in Olympic Athens. Daniel Barenboim, piano. Berliner
Philharmoniker, dir. Sir Simon Rattle. DVD EuroArts :
2053659. Tt : 127’.
Invitation to the Dance. Concert du Nouvel An, 2002. Œuvres
de : Bach, Mozart, Verdi, Dvořák, Tchaikovsky, Sibelius,
Strauss II, Kodály, Brahms, Salgán, Abreu/Oliveira, Carli. Live from
the Philharmonie, Berlin (décembre 2001). Berliner Philharmoniker,
dir. D. Barenboim. DVD Medici Arts : 2051849.
TT : 97’.
BEETHOVEN : |