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Janvier-Février 2011 - n° 569



novembre-décembre 2010
n° 568



Supplément Bac 2011



septembre-octobre 2010
n° 567

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Sommaire :

1. Editorial : "Maisons de culture et... tolérance ?"
2. Sommaire du n° 569
3. Informations générales
4. Varia
5. Manifestations et concerts
6. Colloque Heinrich Schütz
7. Echos de Liszt et d'au-delà
8. Recensions de spectacles et concerts
9. Annonces de spectacles et concerts
10. L'édition musicale

11. Bibliographie
12. CDs et DVDs

13. La vie de L’éducation musicale


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Maisons de culture et… tolérance ?

 

Si, en dignité et en droit, nous sommes tous égaux, certains le sont assurément plus que d’autres.  Ainsi du fameux renard libre dans le poulailler libre…

 

N’en va-t-il pas de même pour nos diverses cultures ?  Si toutes méritent, en effet, un égal respect, je ne sache pas qu’elles soient également policées.  Sauf à considérer le cannibalisme ambiant de nos sociétés comme l’expression d’un goût ordinaire…

 

Reconnaissons toutefois, à la décharge de l’Occident chrétien, qu’il est bien seul à avoir depuis toujours accueilli, en ses musées, médiathèques ou salles de concert, toutes les productions artistiques du monde, fussent-elles larvaires ou crépusculaires…

 

Devons-nous, pour autant, tolérer que se déversent aujourd’hui, en nos temples de culture, pareils flots de vagissements haineux, au fallacieux prétexte que les canaliser serait contraire à nos valeurs sacrées de liberté, d’égalité et de fraternité, si ce n’est de laïcité ?

 

Le rejet de tels comportements ne serait-il pas, bien au contraire, la plus sûre manière de préserver nos idéaux ?

 

Francis B. Cousté.

 

 

 


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Le quatuor, figure emblématique de la musique occidentale
Bernard Fournier

Reflets et extension de la pensée schoenbergienne dans les quatuors à cordes de Webern
Marie Delcambre-Monpoël

La chanson française : microsillon et macromutations
Céline Chabot-Canet

Henryk Górecki, une voix sacramentelle s’élevant sur les débris d’une civilisation en fureur
Sylviane Falcinelli

Henri Demarquette ou l’émerveillement du lyrisme
Sylviane Falcinelli

Entretien avec Laurent Guirard
Hélène Jarry

La grille d’Hélène Jarry

 

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BOEN n°1 du 6 janvier 2011.  Baccalauréat technologique « Techniques de la musique et de la danse ».  Liste des morceaux au choix pour l’épreuve d’exécution instrumentale & pour l’épreuve d’exécution chorégraphique, session 2011Renseignements : www.education.gouv.fr/cid54381/mene1030287n.html

 

BOEN spécial n°1 du 27 janvier 2011.  Programme des concours de recrutement de personnels de l’enseignement du second degré, session 2012Renseignements : www.education.gouv.fr/pid25040/special-n-1-du-27-janvier-2011.html

 

Ministère de l'éducation nationale

 

Le Bulletin officiel de l’Éducation nationale est librement consultable sur :

www.education.gouv.fr/pid285/le-bulletin-officiel.html

Hôtel de Rochechouart, siège du ministère ©DR

 

Prix des Muses / Bourse des Muses.  Palmarès majeur en matière d’ouvrages consacrés à la musique classique, au jazz et aux musiques traditionnelles (études musicologiques, biographies, romans…), publiés en langue française au cours de l’année précédente, tel est le Prix des Muses.  La Bourse des Muses est, quant à elle, destinée à aider l’auteur d’un projet d’ouvrage consacré à la musique des XXe et XXIe siècles.  Les dossiers d’inscription doivent parvenir à l’Association pour la création et la diffusion artistiques (ACDA) avant le lundi 21 février 2011.  Renseignements : ACDA/Bourse des Muses – 5, passage Piver, Paris XIe.  Tél. : 01 40 33 45 35.  www.acanthes.com/muses.html ou : www.acanthes.com/muses/bourse2011.html

 

 

 

« 2011, année des Outre-mer ».  De nombreuses manifestations musicales émailleront 2011.  En mars, le festival Banlieues bleues de Seine-Saint-Denis s’ouvrira avec le jazz des Caraïbes.  En juin, à Angoulême, Musiques métisses accueillera les Antilles, la Guyane, La Réunion et Mayotte.  En juillet, les Francofolies de La Rochelle offriront à l’outre-mer leur grande scène.  En août, les Escales de Saint-Nazaire &, en décembre, le festival Africolor de Seine-Saint-Denis célèbreront leur compagnonnage avec La Réunion.  En avril, à Grenoble, le festival de jazz Les Détours de Babel et, en mai, à Coutances, Jazz sous les pommiers rendront leur propre hommage aux musiques ultramarines.  Hommages seront, en outre, rendus au Chevalier de Saint-Georges et à la cantatrice d’origine martiniquaise Christiane Eda-Pierre.  Outre d’innombrables autres actions musicales en Métropole et Outre-mer, à découvrir sur : www.2011-annee-des-outre-mer.gouv.fr

 

 

Polytonalités.  Participeront à cette Journée d’études : Philippe Malhaire (rédacteur en chef d’Euterpe), Marc Rigaudière (Université Paul Verlaine de Metz), Grégoire Caux (Université Paris-Sorbonne), Max Noubel (Université de Bourgogne), Mathias Roger (Université Paris-Sorbonne), Jean-Michel Court (Université Toulouse Le Mirail), Daniel Top (directeur du Festival international Albert Roussel), Jérôme Rossi (Université de Nantes), Ludovic Florin (Université Toulouse Le Mirail) et Franck Jedrzejewski (Université Paris-XI).  Renseignements : omf@noos.fr

 

 

Le 7e Festival européen Latin-Grec se déroulera, les 17, 18 et 19 mars 2011, au Grand Amphithéatre de Paris-Sorbonne et au théâtre Dejazet.  Concerts (musique grecque antique), théâtre & chants, spectacles, lectures, ateliers, expositions…  Renseignements : 06 24 58 78 64.  www.festival-latin-grec.eu

 

 

« Georges Brassens ou la liberté ».  Cette exposition se tiendra à Paris, Cité de la musique, du 16 mars au 15 juin 2011.  Commissaires : Joann Sfar (dessinateur) & Clémentine Deroudille (historienne de l’art).  Nombreux documents inédits : manuscrits et carnets, sons d’archives, images télévisuelles, photos (R. Doisneau, J.-P. Leloir, P. Cordier, etc.), guitares…  Concerts avec notamment : Emily Loizeau, La Campagnie des Musiques à Ouïr, La Pompe Moderne, Les Wampas…  Gestion de la partie musicale confiée à Olivier Daviaud.  Au cours du « Championnat du monde des Brassens », des collégiens ou lycéens - gravement moustachus - concourront devant caméra.  Renseignements : www.citedelamusique.fr/francais/cycle.aspx?id=367

 

brassens.myzik.eu/

©Sud

 

Les Musiques, festival international des musiques d’aujourd’hui, se déroulera, à Marseille, du 4 au 14 mai 2011.  Avec, notamment, des créations d’œuvres de : Thomas Valentin (Chez Lucile), Alexandros Markeas (Bacchanales), Andrea Liberovici (Mephisto’s Songs), Jonathan Harvey, Stefano Bassanese, Gianluca Verlingieri, Martin Matalon…  Renseignements : Gmem – 15, rue de Cassis, 13008 Marseille.  Tél. : 04 96 20 60 10.  www.gmem.org

 

 

« Il Garda ín Coro ». La 3e édition de ce Concours international pour chœurs d’enfants (Corale Voci Bianche) se déroulera du 17 au 21 avril 2012, à Malcesine, sur le lac de Garde.  Renseignements : +39 045 6570332.  www.ilgardaincoro.it

 

 

Dame Emma Kirkby, soprano britannique [notre photo], vient d’être honorée par « Her Majesty’s Medal for Music (2010) ».  Précédents lauréats : Sir Colin Davis (2009), Kathryn Tickell (2008), Professor Judith Weir (2007), Bryn Terfel (2006), Sir Charles Mackerras (2005).  Renseignements : www.royal.gov.uk

 

 

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Le CRÉA invité des Victoires de la musique classique.  Le lundi 14 février 2011, à 20h35, en direct sur France 3 & France Musique, depuis la Cité internationale des Congrès de Nantes, le désormais célèbre « Centre d’éveil artistique d’Aulnay-sous-Bois » (dir. Didier Grojsman) se produira, accompagné par l’Orchestre national des Pays de Loire (dir. John Axelrod).  Renseignements : 01 48 79 66 27.  www.lecrea.fr

 

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Boulevard du Swing ©DR

 

Le piano Steingraeber que posséda Liszt sera en tournée dans toute l'Europe et fera escale à Paris le 5 mars 2011, où il résonnera sous les doigts de Nicolas Stavy (au programme : Liszt & Schumann), dans une salle… américaine.  Renseignements : Reid Hall Columbia University Global Center/Europe (4, rue de Chevreuse Paris VIe.  Tél. : 01 43 20 33 07.  www.reidhall.com).

 

Lisztflügel (1873) ©Steingraeber

 

Visites-conférences à Versailles...  « L’orgue de la cathédrale Saint-Louis, des origines à nos jours », le jeudi 24 mars, à 14h30 (entrée de la cathédrale).  « La maison des musiciens italiens et le musée de l’Union compagnonnique », le samedi 2 avril, à 14h30 (15, rue Champ-Lagarde).  « La féerie des Grandes eaux musicales et le bosquet des Bains d’Apollon restauré », le samedi 30 avril, à 15h15 (statue équestre de Louis XIV, place d’Armes).  Renseignements : 01 39 24 88 88.  www.versailles-tourisme.com

 

 

Le pianiste hongrois András Schiff a déclaré au Frankfurter Allgemeine ne plus vouloir rentrer dans son pays – où, selon lui, se serait installée une véritable dictature dans le domaine des arts et des médias.  Rejoint, en cela, par le chef d’orchestre Ádám Fischer qui a démissionné de son poste de directeur musical de l’Opéra d’État de Hongrie.  Dans une lettre commune, les deux musiciens encouragent d’autres artistes à les rejoindre : « En Hongrie, la vie quotidienne est infestée de racisme, d’homophobie et d’anti-sémitisme ; la liberté des médias, de l’art et de la culture est constamment réprimée. »

 

                

©DR

 

 

L’Association « Quinte Juste » s’est donné pour tâche de publier & traduire, sur Internet, les écrits du regretté Serge Cordier, accordeur/acousticien, inventeur du « Tempérament égal à quintes justes », d’organiser des démonstrations, conférences, stages…  Membres du Bureau : Michèle Cordier, Paul Dubuisson, Jean Lenoble.  Renseignements : 25 B, rue du Ruisseau, 30380 Saint-Christol-lez-Alès.  5.juste@orange.fr

 

Serge Cordier ©DR

 

Éloquence des chiffres… Selon la Fédération internationale des musiciens (FIM), il y aurait :

  • en Finlande : un orchestre pour 165 000 habitants
  • en Allemagne : un orchestre pour 615 000 habitants
  • en Autriche : un orchestre pour 640 000 habitants
  • en France : un orchestre pour 1 700 000 habitants

Renseignements : 21bis, rue Victor-Massé, Paris IXe.  Tél. : 01 45 26 31 23.  www.fim-musicians.com

 

Benoît Machuel, secrétaire général ©DR

 

Trois siècles d'art et d'histoire maçonnique sur le net : le Musée de la franc-maçonnerie lance son site Web.  Créé en 1889, cet établissement vient de rouvrir dans une muséographie complétement renouvelée.  Ainsi le public peut-il désormais préparer sa visite et, grâce à une visite virtuelle, découvrir les collections : www.museefm.org (on peut, sans grave inconvénient, ne pas mettre le son…).  Renseignements : 16, rue Cadet, Paris IXe.  Tél. : 01 45 23 43 97.  eloise.auffret@godf.org

 

Tablier de Voltaire ©GODF

 

La GEMA, homologue allemand de la Sacem, aurait sommé 36 000 crèches ou jardins d’enfants d’acquitter des droits d’auteur sur les « chansons & comptines reproduites ou interprétées en public sans autorisation ».  Initiative que le Bild (plus important quotidien d’outre-Rhin) a qualifiée d’« idiotie bureaucratique ».  Markus Sackmann (député conservateur du Land de Bavière) a, pour sa part, déclaré : « La transmission de copies de partitions permet aux familles d’origine immigrée de mieux s’intégrer.  Il n’est pas souhaitable d’introduire des complications inutiles ».  Renseignements : www.gema.de

 

©DR

 

Accent 4, radio associative de musique classique, se flatte d’être « libre de toute publicité & de tout bla-bla » : http://www.accent4.com

 

 

Renata Harbulot, secrétaire nationale de l’Association des professeurs d’Éducation musicale (APEMu), interprète, avec bonheur, la chanson française : www.confidences-chanson.fr

 

 

©DR

 

Selon le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), le chiffre d’affaires de l’industrie phonographique a connu en France, en 2010, une baisse de 5,9 %.  La musique classique accuse une baisse de 5,7 % de parts de marché (contre 6,3 % en 2009), tout comme le jazz qui baisse de 3,3 % (contre 3,9 % en 2009).  Renseignements : www.disqueenfrance.com

 

 

 

Le Musée de la musique vient d’acquérir un orgue de salon, œuvre de Jean-Baptiste Schweickart, facteur d’origine germanique installé à Paris vers 1768.  Daté de 1784, cet instrument est l’un des très rares orgues de salon français à nous être parvenus.  Son premier acquéreur fut le comte d’Ogny (1757-1791), l’un des fondateurs de la Société Olympique, loge maçonnique qui possédait son propre orchestre que dirigeait le chevalier de Saint-Georges (1745-1799), lequel passa commande à Joseph Haydn des Symphonies dites « parisiennes ».

 

 

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« Aimer Bruno Maderna ».  Cette manifestation se déroulera le jeudi 3 février 2011, de 10h00 à 18h00, au Centre de documentation de la musique contemporaine (CDMC).  Coordination : Laurent Feneyrou.  Avec le concours de : Alain Poirier, Geneviève Mathon & Ivanka Stoianova, Giordano Ferrari & Jean-François Trubert, Nathalie Ruget & Vincent Tiffon, Pierre Albert Castanet, Paul Mefano & Gianfrano Vinay, Frédéric Durieux & Stefano Gervasoni.  Ponctuations musicales : Nicolas Miribel et les Solistes de l’Itinéraire.  Entrée libre (sur réservation au : 01 47 15 49 86).  Renseignements : 18, place de la Fontaine-aux-Lions, Paris XIXewww.cdmc.asso.fr ou www.musiquecontemporaine.fr

 

 

Duo violon-violoncelle, au Château de la Petite Malmaison.  Le dimanche 6 février 2011, à 17h00 [Visite des salons proposée à 15h30].  Avec Vadim Tchijik (violon) & Fabrice Loyal (violoncelle).  Programme : Duo n°1 de Beethoven, Sonate de Ravel.  Inventions à deux voix de J. S. Bach, Duo op.7 de Zoltan Kodály.  Renseignements : 229bis, avenue Napoléon Bonaparte, 92500 Rueil-Malmaison.  Tél. : 01 47 32 02 02.  www.chateaupetitemalmaison.com

 

 

Maison de l’Amérique latine.  Le jeudi 10 février, à 20h00 : « Tribune de la musique & du spectacle », animée par Oscar Barahona, Jean-Claude Élias, Nelson Gómez, Francisco González, Michel Plisson (entrée libre).  Le vendredi 11 février, à 21h00 : Concert du guitariste et compositeur argentin Martín Fernando Ackerman (°1977).  Renseignements : 217, bd Saint-Germain, Paris VIIe.  Tél. : 01 49 54 75 00.  http://culturel.mal217.org

 

Martín Fernando Ackerman ©DR

 

« Outre-mers… »  Le jeudi 10 février 2011, à 20h00, en l’église Saint-Louis des Invalides (129, rue de Grenelle, Paris VIIe), le chœur L’Échelle (dir. Caroline Marçot & Charles Barbier) et l’ensemble Le Sans-Pareil (dir. Bruno Procopio) donneront : Missa Grande (ca 1790) du luso-brésilien Marcos Antonio Portugal (1762-1830) et Quetzal (2002) de Caroline Marçot (°1974).  Renseignements : 01 44 42 35 07.  www.invalides.org/pages/dp/ProgrammemusicalEDD20.pdf

 

 

Anima Eterna Brugge, dir. Jos van Immerseel, propose un programme Liszt (Les Préludes, 2e Concerto pour piano, soliste Pascal Amoyel) & Wagner (Siegfried-Idyll, Prélude du IIIe acte de Lohengrin), à l’Auditorium de Dijon (4 février, 20h), au Bozar de Bruxelles (11 février, 20h) et au Centre Bijloke à Gent (12 février, 20h).  Renseignements : +32 50 95 09 29.  www.animaeterna.be

 

Jos van Immerseel ©DR

 

« Objectif Paradis » par l’Ensemble intercontemporain (dir. Ludovic Morlot).  Le vendredi 11 février, à 20h00, en la Salle des concerts de la Cité de la musique, seront données des œuvres de Julian Anderson (The Comedy of Change, « œuvre en évolution », 2009), Elliott Carter (On conversing with Paradis, pour baryton & ensemble, 2009) et Kaija Saariaho (Graal Théâtre, version de chambre pour violon & ensemble, 1994).  Avec Leigh Melrose (baryton) et Jeanne-Marie Conquer (violon).  Renseignements : 221, avenue Jean-Jaurès, Paris XIXe.  Tél. : 01 44 84 44 84.  www.cite-musique.fr

 

 

« Musicatreize » & « Concerto Soave » présentent : Tresses et Détresse (œuvres de Giovanni de Macque, Sigismondo D’India, Lars Edlund, Claudio Monteverdi, Jesper Nordin & Philippe Gouttenoire).  Le samedi 12 février, à 20h00 (Cité de la musique, Paris), le mercredi 23 mars, à 20h30 (Festival « Mars en Baroque », Marseille), le jeudi 24 mars, à 20h30 (Théâtre, Poissy).  Renseignements : 04 91 00 91 31.  www.musicatreize.org

 

 

Musicatreize ©Guy Vivien

 

L’Italie repensée : Un paese vuol dire.  Le mardi 15 février 2011, au Studio Ernest-Ansermet de Genève.  À 19h15 : présentation du concert.  À 20h00 : concert.  Œuvres de Luca Francesconi, Luigi Nono & Luigi Dallapiccola.  Avec Clémence Tilquin (soprano), Antoine Françoise (piano) et l’Ensemble Contrechamps, dir. Renato Rivolta.  Renseignements : +41 (0)22 329 24 00.  www.contrechamps.ch 

 

Ensemble Contrechamps ©Michael Seum

 

« Montpellier à 100 % ». Ce festival, notamment musical (pop, folk, hip hop…), se déroulera du 16 au 27 février 2011.  Renseignements : www.festival100pour100.com

 

 

« Nuit Xenakis », le vendredi 18 février 2011 (à 19h, 21h, 23h), en la salle Varèse du CNSMD de Lyon.  Classes de percussions des CNSMD de Lyon & de Paris / Département danse.  Entrée libreRenseignements : 04 72 19 26 61.  www.cnsmd-lyon.fr

 

©Blaise Adilon

 

« Srishtii », à l’auditorium du musée Guimet.  Le vendredi 25 février 2011, à 20h30, se produiront : Hindol Deb (sitar), Clio Karabelias (harpe) & Prabhu Edouard (tabla).  Renseignements : 6, place d’Iéna, Paris XVIe.  Tél. : 01 40 73 88 18.  www.guimet.fr

 

©DR

 

June Anderson, célèbre soprano américaine, donnera un récital, le samedi 26 février à 20h, à la Cité de la musique.  Aux côtés du chœur Accentus & de l’Ensemble orchestral de Paris, dir. Joseph Swensen, elle parcourra l’histoire de la musique américaine au XXe siècle, de la 3e Symphonie de Charles Ives (1904) à Echorus de Philip Glass (1995), via la comédie musicale de Broadway (Leonard Bernstein) et l’opéra américain (Aaron Copland).  Renseignements : 221, avenue Jean-Jaurès, Paris XIXe.  Tél. : 01 44 84 44 84.  www.citedelamusique.fr

 

June Anderson

©DR

 

La 2e édition du « Nouveau Festival du Centre Pompidou » se déroulera du 16 février au 7 mars 2011.  Cinéma, spectacles vivants, paroles, arts plastiques, théâtre, musiques, performances…  Avec, notamment, le mercredi 2 mars, à 20h : les Solistes de l’Ensemble Intercontemporain (œuvres de Lara Morciano, Hèctor Parra, Michaël Levinas & Vassos Nicolaou), le lundi 7 mars, à 20h30 : Drama per musica, « performance » d’Alexandre Roccoli, Séverine Rieme & Ellen Allien.  Renseignements : 01 44 78 14 63.  www.centrepompidou.fr

 

©DR

 

Concert « Gravité » par l’ensemble L’Itinéraire.  Le mardi 1er mars, à 19h30, en la Maison des pratiques artistiques amateurs (4, rue Félibien, Paris VIe), seront données des œuvres de : Gérard Grisey, Morton Feldman, Benjamin Taylor, Mauricio Kagel, Stéphane Magin, Giacinto Scelsi & Iñaki Estrada Torio.  Avec Lucia Peralta (alto), Delphine Biron (violoncelle), Yann Dubost (contrebasse), Antoine Dreyfuss (cor) & Sébastien Naves (électronique).  Renseignements : 01 46 34 68 58.  www.ensembleitineraire.org

 

 

Sous les auspices du Forum culturel autrichien :

Le vendredi 4 mars 2011, à 20h00 : Trio « L’esprit de Vienne », Mihaela Anica, Matei Ioachimescu (flûtes) & Horia Maxim (piano).  Entrée libre.  Institut roumain de Paris (1, rue de l’Exposition, Paris VIIe. www.institut-roumain.org).

Le dimanche 3 avril 2011, à 19h00 : « Ne m’oubliez pas, s’il vous plaît » [Alma Rosé : Vienne 1906 / Auschwitz 1944], spectacle de chant, danse et théâtre ; musiques d’Erich Wolfgang Korngold.  Avec Mary Lou Sullivan-Delcroix (soprano), Sigrid Jennes-Müller (piano) & Edward Arckless (direction, danse et chorégraphie).  Entrée libre.  Studio « Le regard du cygne » (210, rue de Belleville, Paris XXe. www.leregarducygne.com).

 

Alma Rosé ©DR

 

« L’Ivrogne corrigé ou Le Mariage du diable », opéra comique en 2 actes de Christoph Willibald Gluck, sera donné, le 5 mars 2011, au Théâtre de Fontainebleau (création), puis les 11, 12, 18, 19, 24, 25, 26 mars (20h30) & 13, 20, 27 mars (16h00) à La Péniche Opéra (Bassin de la Villette – 46, quai de la Loire Paris XIXe).  Avec Artavazd Sargsyan (Mathurin), Paul-Alexandre Dubois (Lucas), Guillaume Andrieux (Cléon), Estelle Béréau (Colette), Gersende Florens (Mathurine).  BarockOpera Amsterdam, dir. Frédérique Chauvet.  Mise en scène : Alain Patiès.  Renseignements : 01 53 35 07 77.  www.penicheopera.com

 

 

Sotto Voce, chœur d’enfants que dirige Scott Alan Prouty, donnera un « Concert humanitaire pour l’association Iris », le dimanche 6 mars 2011, à 17h, en la salle Le Chantier (24, rue Hénard, Paris XIIe).  Œuvres de : Rutter, Trenet, Pergolesi, Vivaldi & Bernstein.  Au piano : Richard Davis.  Renseignements : 01 48 99 26 99.  www.sottovoce.fr

 

 

 

Salle Favart/Opéra Comique.  Du 5 au 15 mars 2011 : Cendrillon, conte de fées en 4 actes de Jules Massenet.  Orchestre & chœur des Musiciens du Louvre/Grenoble, dir. Marc Minkowski.  Mise en scène : Benjamin Lazar.  Non sans quelques « Rumeurs autour de Cendrillon ».  Renseignements : 08 25 01 01 23.  www.opera-comique.com

 

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À œuvres ouvertes, scène ouverte !  Le jeudi 28 avril 2011, à 20h00, en la Salle des concerts de la Cité de la musique, seront données des œuvres de John Cage, Karlheinz Stockhausen, György Ligeti, Bruno Maderna, Klaus Huber, Dieter Schnebel, Francesco Filidei, Mauricio Kagel & Pierre Boulez.  Valérie Philippin (soprano), Alain Damiens (clarinette), Ensemble intercontemporain, dir. Clement Power.  Renseignements : 01 44 84 44 84.  www.cite-musique.fr

 

 

Voi, che sapete  « Lieder et extraits d’opéras de Mozart ».  À Oullins, Théâtre de la Renaissance, les 24, 25, 26, 29, 30, 31 mars et 1er, 2, 5, 6 avril 2011 (à 20h00).  Scénario : Geneviève Brisac.  Orchestrations : Thierry Escaich.  Mise en scène : Jean Lacornerie.  Chanteurs & ensemble instrumental du Nouveau Studio de l’Opéra de Lyon, dir. : Jean-Paul Fouchécourt.  Renseignements : 7, rue Orsel, 69600 Oullins.  Tél. : 04 72 39 74 91.  www.theatrelarenaissance.com

 

Sophie Calle : La Robe de mariée ©DR

Francis Cousté.

 

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À la suite des Kasseler Musiktage (JournÉes Musicales de Kassel) [1] 2010, le Colloque organisé par la Société Internationale Heinrich Schutz [2] s’est tenu les 1er et 2 novembre à l’Académie Évangélique de Hofgeismar, sur le thème : Heinrich Schütz et l’Europe, déjà préparé par la Conférence inaugurale du Prof. Dr. Silke Leopold [3] , et complété par celle du Prof. Dr. Werner Breig relative au rôle de Heinrich Schütz à Kassel.  Ce Symposion musicologique très largement suivi a bénéficié de contributions internationales [4] .

 

Heinrich Schütz ©DR

 

Première journée.  Hier : H. Schütz et l’Europe au XVIIe siècle

Le Prof. Dr. W. Werbeck, Président de la ISG, précisa le rôle de Schütz venu de Weissenfels et appelé à Kassel par le Landgrave Maurice de Hesse, son mécène qui l’envoya en Italie pour sa formation musicale, puis il séjourna à Kassel, Dresde et, deux fois, à Copenhague (lors de la Guerre de Trente Ans). Il est regrettable que ses œuvres n’aient pas été recensées, car cela ne l’aurait « pas intéressé ». Le deuxième exposé liminaire par le Prof. Dr. G. Schmidt traita davantage l’espace européen du XVIIe siècle, avec ses étudiants, marchands et réfugiés qui importent leurs savoirs.  L’Europe était alors une abstraction.

D’autres communications ont abordé le mouvement religieux et la piété luthérienne dans l’Allemagne de Schütz, qui fait de lui un compositeur luthérien ; la conception de la mort et la fonction de la musique dans l’orthodoxie luthérienne. Un autre thème a porté sur les musiques funèbres à l’époque, sermons, sarcophages, Leichensingen à Leipzig, et œuvres musicales allemandes, latines et anglaises correspondantes traitées, entre autres, par J. H. Schein, I. Biber, J. J. Froberger, J. Coprario… L’opéra Daphne de H. Schutz a été situé dans la tradition des pastorales. Sagittarius a aussi été un « agent culturel » à la Cour danoise où il s’est réfugié à deux reprises pendant la Guerre de Trente Ans (1618-1648). Il y a dirigé le nouveau répertoire de musique religieuse. Un aspect très neuf a concerné la pratique musicale en Estonie, avec l’un de ses élèves : M. Hahn, Cantor à Narva, ou encore la carrière musicale européenne de J. V. Meder - compositeur de Messes à 2 chœurs, Magnificat, Passions et de l’opéra Andromède.

 

Deuxième journée.  Aujourd’hui : Images européennes de H. Schütz au XXIe siècle

Tout d’abord : la France, avec l’exposé d’Élisabeth Rothmund (Maître de conférences) sur la pratique et la réception de H. Schutz dans notre pays, où il a été redécouvert au XIXe siècle, et dont la première monographie a été rédigée par André Pirro en 1924. Sa musique a été pratiquée dès le XIXe siècle, à la Schola Cantorum et à l’École César Frank ; elle figurait dans les programmes de concerts, entre autres grâce à Nadia Boulanger. En Suède, H. Schütz est sorti de l’ombre dans les années 1950. En Amérique du Nord, le chef Robert Craft l’a inscrit à ses programmes ; actuellement, il est apprécié dans les Universités et fait l’objet de nombreuses publications (R. A. Leaver…). À la Cour de Kassel - comme le relève judicieusement le Dr. W. Hirschmann -, la musique, qui apparaissait comme un « catalyseur de la Réforme », oscillait entre politique d’état et Calvinisme. Le style fonctionnel, à l’instar de la musique humaniste cultivée dans les écoles, était prôné, avec des hexamètres et pentamètres en longues et brèves prosodiques, mais aussi quelques rythmes légèrement pointés et de petites figures rythmiques.

À l’époque de H. Schütz, de nombreux facteurs et organistes étaient actifs, en Hesse. Les comptes signalent les frais de voyage des Landgraves Guillaume IV et Maurice de Hesse qui se déplaçaient avec chapelles et instruments. Parmi eux, figuraient H. Compenius, G. Weissland (organiste à la Chapelle de la Cour), J. von Ende, les Scherer, G. Wagner… et le comte Simon VI de Lippe-Detmold (expert auprès de Maurice IV de Hesse).

Ce Symposion a été organisé dans un merveilleux cadre (deux châteaux, parc, étang, confortable salle de conférences), une atmosphère conviviale et un remarquable accueil, grâce au concours de l’Association Internationale Heinrich Schutz, la Mitteldeutsche Barockmusik in Sachsen, Sachsen-Anhalt und Thüringen, la Landgraf Morizstiftung (Fondation) et l’Akadémie de Hofgeismar. Tant par la qualité des exposés scientifiques que par la diversité et les nouveautés de l’approche des sujets : Heinrich Schütz et l’Europe, Heinrich Schütz à Kassel, ce Colloque, qui a dignement marqué les 80 ans de la ISG et les 77 ans des KMT, comme le Festival, a, sur tous les plans, été une vraie réussite [5] .

 

Édith Weber.

 

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[1] Cf. compte rendu in : L’éducation musicale, Lettre d’information, décembre 2010.

[2] Internationale Heinrich Schütz Gesellschaft (en abrégé : ISG).

[3] Cf. L’éducation musicale, idem.

[4] Allemagne, Angleterre, Canada, Danemark, Estonie, États-Unis, France et Suède.

[5] Les actes de ce Symposion musicologique feront l’objet d’une publication par la ISG.



Ce 18 janvier 2011, la manifestation de lancement de l’Année Liszt en France investissait un lieu historique : la Salle Erard (restaurée), où Liszt accourut dès son arrivée à Paris en décembre 1823 (Sébastien et Pierre Erard offrirent aussitôt au jeune prodige un de leurs tout nouveaux pianos à sept octaves et “double échappement”).  Officiels français et hongrois se relayaient pour les inévitables discours, mais que pensèrent ces derniers d’une France dont le ministre de la Culture s’obstinait à prononcer “Litsz” avec une désarmante constance, à enfiler comme des perles d’outranciers lieux communs sur le génial musicien, et nous annonçait que Liszt (pardon : “Litsz”) avait créé le Concerto de Grieg (sic !) ?  Bénéfique contraste, le brillant et chaleureux discours de Jean-Yves Clément, commissaire de l’Année Liszt en France, balayait précisément tous les lieux communs pour donner au portrait une étoffe humaine, et ceci avec un bonheur d’expression littéraire qui ne surprendra guère les lecteurs de cet écrivain raffiné.  Ministère pour ministère, l’on saluera au passage le rôle essentiel que joue dans de telles opérations l’Institut français (ex-Cultures France) pour l’action culturelle extérieure de l’État, désormais présidé par l’ancien ministre Xavier Darcos, depuis peu secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences morales et politiques et mélomane averti.  Un intermède biographique et musical s’incarnait à travers l’exaltation romantique de la voix de Brigitte Fossey, le son monumental et charnu de Brigitte Engerer, le rebond rythmique d’Adrienne Krausz (lesquelles jouaient un beau Steinway).

De nombreux pianistes se pressaient sur le parquet d’une salle qui en accueillit tant d’autres aux heures glorieuses d’une facture aujourd’hui éteinte : parmi les invités, on reconnaissait Bruno Rigutto, France Clidat, François-Joël Thiollier, Marc Laforêt, Pascal Amoyel, Nicolas Stavy, Frédéric Vaysse-Knitter, Marie Vermeulin, mais aussi le chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus ou le violoncelliste Henri Demarquette. Les plus éminents musicologues lisztiens étaient également au rendez-vous : Serge Gut, Bruno Moysan, Nicolas Dufetel, conseiller artistique et historique de cette organisation pluri-ministérielle.

 

 

Cortège de Funérailles

 

N’eût été l’immense talent des interprètes, nous eussions été tenté de rappeler aux intéressés que l’on fête l’anniversaire de la naissance de Liszt, et non de sa mort, tant la coïncidence de concerts programmant quasiment tous les jours Funérailles à Paris introduit cette commémoration sous un jour funèbre !  Par bonheur, Nicolas Stavy nous jouant ces temps-ci Du Berceau jusqu’à la tombe, cela nous laisse espérer que l’année se poursuivra à rebours, et d’ailleurs elle se concluera, non dans le berceau mais… dans la crèche puisque le jour anniversaire, le 22 octobre, sera marqué en divers lieux d’Europe (dont notre capitale) par l’exécution de Christus.

Mais revenons à cette involontaire série de Funérailles : la puissante réflexion de trois pianistes de la jeune génération, loin d’en faire un enterrement de première classe, conduisit au contraire l’expérience à une féconde démonstration interprétative.

Le 14 janvier 2011, Jean-Frédéric Neuburger (à la Cité de la musique) attaquait le fameux glas dans un tempo surprenant de rapidité ; or, ce parti pris, éliminant quelque peu le sujet de la pièce (composée en octobre 1849 avec, au cœur, l’émotion provoquée par la mort de patriotes hongrois durant les journées révolutionnaires) et l’hommage implicite à Chopin (décédé en ce même mois d’octobre, d’où l’emprunt déguisé à la Polonaise héroïque, en relation avec les circonstances politiques), accusait au contraire les traits de modernité, dans le but clairement assumé de projeter cette musique, placée en ouverture de programme, vers ce qui allait suivre, c’est-à-dire un cheminement “contemporain” (Messiaen-Barraqué-Neuburger, nous allons y revenir).  Neuburger faisait ressortir les aspérités, les intervalles générateurs de tension, les angles abrupts sculptés par ses attaques savamment calculées et travaillées au prisme de doigtés originaux, afin de nous rappeler combien Liszt engendra, y compris dans la matière sonore, tout le XXe siècle à venir.

Le lendemain, lors d’une soirée de lancement de son dernier disque au Châtelet, Frédéric Vaysse-Knitter adoptait un parti diamétralement opposé, mais le défendait tout aussi magistralement. Au contraire de son cadet, il tirait le tempo vers la densité de la lenteur, ce qui n’est pas moins audacieux car il s’agit alors d’habiter l’espace-temps ainsi labouré. Il allait quérir la profondeur (sonore autant qu’émotionnelle) dans la glaise du clavier, et en faisait surgir le poème épique, évocation visionnaire d’un champ de héros morts. Par lui rayonnait ce qui constitue l’essence du romantisme, à savoir l’intense revendication d’intériorité psychologique se proclamant à la face du monde par de grandioses moyens de projection passionnée.

Le 17 janvier, un spectacle à la Salle Gaveau nous réservait la (divine) surprise de constater que nous n’avions pas encore épuisé la lecture des significations secrètes de Funérailles (ah, vertu insondable des chefs-d’œuvre !) : Pascal Amoyel refusait la fatalité inférée par le glas, et, par le dépouillement de son attaque des premières mesures, nous avertissait déjà d’une dés-incarnation du message mortuaire (comme Invocation naissant du silence un peu plus tôt dans le même programme). On sait combien la méditation spirituelle nourrit la pensée de Pascal Amoyel : même sa lecture des passages “héroîques” de la pièce ouvrait sur une réflexion métaphysique ; elle refusait l’arrachement de la chair des héros sacrifiés, et en même temps les tourments de cet arrachement criaient le refus de demeurer tributaires des passions mortifères de nos conflits et se transfiguraient en un refus plus définitif, celui d’être arrachés à la trajectoire d’élévation spirituelle qui était en voie dès les premières mesures -réalisées de la pièce.

 

Replaçons maintenant ces trois interprétations dans leur contexte : le récital de Jean-Frédéric Neuburger était typique de la pensée de compositeur-interprète qui anime ce jeune artiste imposant de maturité intellectuelle. Liszt une fois situé en précurseur du siècle de toutes les mutations, le pianiste s’engageait dans un Messiaen tout aussi “sculpté” dans le roc : Le Merle de roche n’avait rien de très ornithologique, mais brillait de minérales splendeurs, ouvrant la voie à la pièce de Neuburger lui-même. Nos lecteurs ont suivi ces derniers mois l’itinéraire de Maldoror (2010), que le compositeur a substantiellement remaniée pour aboutir à la version (définitive, dit-il…) que nous entendions ce soir-là. Jean-Frédéric Neuburger, toujours prompt à poser un très lucide regard critique sur lui-même, affirme avoir débarrassé la pièce de ce qu’il qualifie « d’effets superficiels », supprimé le jeu dans les cordes « qui obligeait à interrompre le flux polyphonique » afin de renforcer la cohérence également étayée par une construction verticale jouant sur des « blocs harmoniques-repères ». Le jeu dans les cordes a été remplacé par quatre notes “préparées” afin de fournir un contraste timbrique dans l’émission des résonances, mais celui-ci demandera à être affiné pour donner toute la valeur décalée que le compositeur en attend. C’est la seule (minime) réserve que l’on émettra face à une partition qui révèle l’authentique originalité d’un créateur tirant au XXIe siècle une synthèse fertilement repensée des apports issus du courant sériel. Ce recul générationnel faisait ressortir – conséquence non intentionnelle de la part de Neuburger – combien la redoutable Sonate de Jean Barraqué (parue pour la première fois en mai 1966 dans une édition encombrée de fautes), sonne désormais datée, trop rigidement inféodée qu’elle fut à une mathématique des valeurs inhérente au culte alors prépondérant du sérialisme. Toute l’énergie et la maîtrise de la construction dont fit preuve le savant interprète ne pouvaient rien contre la relativisation à laquelle invite une perspective historique face aux excès d’un système.

Un aspect organologique renforçait l’originalité de ce concert : deux pianos Yamaha se tenaient sur la scène de l’Amphithéâtre, le CF III S (l’ancien, oserait-on dire), et le nouveau CFX. Sur le premier, Jean-Frédéric Neuburger jouait Liszt et Messiaen ; il réservait le CFX à sa musique et à celle de Barraqué. On notera d’ailleurs qu’une vibration parasite subsiste sur la même zone des deux cadres. Ceci dit, le CFX sortait vainqueur de cette confrontation, offrant une palette plus chatoyante qui ressortait sous les doigts d’un pianiste capable de passer du burin de sculpteur à des pianissimi superbement timbrés. Cette démonstration se confirmait lors du bis (que donner, après un tel programme ? Certainement pas une Valse de Chopin…) : Jean-Frédéric Neuburger prouvait son raffinement de toucher et la réponse de l’instrument nouveau-né dans une Image de Debussy (Et la lune descend sur le temple qui fut).

 

Frédéric Vaysse-Knitter ne bénéficiait pas du même luxe instrumental dans le Foyer du Châtelet où le label Intégral organisait le lancement de nouveaux disques. Il fut d’ailleurs fort révélateur (et valorisant pour l’artiste d’origine polonaise) d’entendre deux pianistes se succéder sur un piano obligeant à en vaincre les défauts : le Fazioli loué pour la circonstance n’a – comme tous les pianos de ce facteur – aucune richesse de personnalité à mettre en avant ; au contraire, il faut en brider le côté “claquant”, ce qui oblige à un usage immodéré de la pédale una corda, sauf que celle-ci donne un son mat que l’interprète doit dépasser en allant chercher au fond de son toucher des ressouces décuplées (…s’il en a). Le premier pianiste de la soirée (Ali Hirèche) nous ennuya par des cycles de Variations (op.9 et Paganini) de Brahms insipides, sans ombres pour mordorer des couleurs conventionnelles (c’est fâcheux, spécialement dans Brahms !) ; on n’entendait donc que les défauts du Fazioli. Puis vint Frédéric Vaysse-Knitter, invité pour promouvoir le programme Szymanowski de son récent enregistrement, et dès les premières notes, on fut saisi d’entendre l’émotion sourdre de ce clavier précédemment anonyme. La capacité de faire sortir un son profond (qui culmina dans les Funérailles précédemment décrites) d’un piano impersonnel révélait le grand concertiste. On ajoutera même que l’on assiste à un palier décisif dans l’éclosion d’une nouvelle dimension humaine chez ce pianiste de trente-cinq ans. Il était un musicien fin et intéressant, qui retenait notre attention depuis plusieurs années, il devient un artiste intense, apte à capturer son auditoire par la communication épanouie d’une pensée dense. Les pièces de jeunesse de Szymanowski auxquelles il a choisi de s’attacher s’avèrent plus intéressantes que la première phase, trop absolument chopinienne, de Scriabine, par exemple : chez Szymanowski débutant, l’héritage Chopin-Liszt n’est certes pas absent, mais tout à coup un surgissement harmonique inattendu, un virage inopément impulsé au discours, laissent percer la signature d’un tempérament qui se cherche encore, mais qui croît par une sève originale. Au fil de l’Étude op.4 n°3, des Préludes op.1 n°1, 4 et 5, de la splendide Fantaisie op.14, Frédéric Vaysse-Knitter démontrait, avec une sensibilité que servait une conduite inaltérablement vigilante de son toucher, combien il avait raison de se faire l’avocat de ce compositeur (nous nous réjouissons qu’il projette de continuer ce parcours).

 

Frédéric Vaysse-Knitter ©Jean-Baptiste Millot

 

Le cadre dans lequel se produisait Pascal Amoyel était d’une tout autre nature : le musicien et son cher complice Jean Piat reprenaient à Paris le spectacle qu’ils avaient imaginé pour Nohant, le bicentenaire Liszt donnant une actualité particulière à des choix musicaux où, finalement, le Hongrois se révèle prépondérant par rapport au Polonais. Jean Piat sertit la correspondance entre Liszt et Marie d’Agoult, les extraits de Victor Hugo, de Théophile Gautier, la poésie de Musset (sous laquelle Pascal Amoyel infiltra, piano fermé, avec un tact infini, une Valse de Chopin), de traits d’humour personnels qui, décochés d’une voix inimitable, firent mouche comme du Guitry. Le spectacle tirait une vraie dramaturgie du contraste entre la distanciation ironique sur laquelle rebondissait le comédien et le tragique des œuvres musicales, essentiellement des grandes pages lisztiennes : Invocation semblant centrée sur les derniers vers du poème de Lamartine (« Dans les solitudes profondes/Où Dieu se révèle à la foi ! »), Funérailles ci-dessus décrites, et une Totentanz hallucinée qui ravivait le souvenir des caricatures de l’époque où les notes se déversaient en cataractes sous les doigts de Liszt. Pascal Amoyel s’engageant dans ses chemins d’interprétation selon un mode qui est tout sauf distancié puisque l’au-delà des notes touche immanquablement des sphères profondes de notre être, on avait donc bien sur scène deux partenaires se répondant, chacun avec son identité affichée, mais au profit d’un déroulement extrêmement vivant.

En bis, le pianiste rejoignait pourtant l’humour du comédien, pour nous donner des Variations de son cru sur Happy birthday to you, dans les styles de Mozart, Liszt, Rachmaninov, Piazzolla, Schoenberg, Webern, et j’en passe…

 

 

Quelques nouvelles discographiques

 

Franz LISZT : Harmonies poétiques et religieuses.  Brigitte Engerer.  Mirare : MIR 084.

La couverture du disque éveille déjà quelque suspicion : la pose pleine de componction de l’artiste avec la grande croix en pendentif et les mains jointes ne respire pas vraiment la sincérité (c’est too much, diraient les jeunes !)… Puis on est indisposé par une prise de son confuse, avec des aigus métalliques oblitérant curieusement la première et les deux dernières plages : tout le problème de Mirare réside dans la disparité de ses réalisations techniques qui gâche l’homogénéité de la ligne éditoriale. Ensuite on chemine de pièce en pièce sans entrer dans le sujet : on commence par une Invocation massivement extravertie (tout le contraire de l’interprétation de Pascal Amoyel ci-dessus évoquée), Bénédiction de Dieu dans la solitude demeure, elle aussi, trop extérieure pour se replier dans ladite solitude. Pensée des morts, amorcée dans une belle gravité, prend vite le tour d’un romantisme bien en chair. L’Ave Maria est-il religieusement senti, au-delà du “beau piano” ? La nudité quasiment liturgique du Pater Noster n’appellerait-elle pas une pureté plus désincarnée ? Le Miserere est assez “romain” avant de verser dans l’emphase. L’interprétation de Funérailles ne communique aucune émotion particulière, n’est gouvernée par aucun point de vue particulier, ne dépasse pas une lecture conventionnelle, pour ne rien dire de quelques effets surlignés et de vagues ou de grondements d’octaves assez vulgaires ; face aux trois points de vue admirables d’investigation personnelle que nous ont apportés (au concert comme au disque) les jeunes artistes évoqués ci-dessus, la déception est grande.

Seul l’Hymne de l’enfant à son réveil chante avec un naturel touchant, l’Andante lagrimoso évolue comme en suspension, et le Cantique d’amour se pare d’une certaine noblesse. Cette grande pianiste, qui peut nous donner des concerts et des disques enthousiasmants, reste ici trop à la surface de ce qui représente l’essence du monde poético-mystique de Liszt. Le livret, particulièrement documenté, est signé Nicolas Dufetel, si sensible, lui, à la quête religieuse du compositeur.

 

 

Franz LISZT : La Notte, Trois Sonnets de Pétrarque, Funérailles, Méphisto-Valse, Nuages gris, Unstern, Lugubre gondole n°1, Richard Wagner Venezia, En rêve.  Bruno Rigutto. Lyrinx : LYR 112.

Lyrinx remet (avec raison !) sur le marché d’anciens enregistrements de Bruno Rigutto qui conservent toute leur sève expressive. Ce programme gravé en 1991 a l’immense mérite de mêler grands “classiques” du pianisme lisztien et pièces quintessenciées des dernières années. Les pianistes se penchant sur ces dernières pages nous sont chers car leur perspicacité dénote une conscience aiguë du prophétisme visionnaire par lequel Liszt ouvrait tout le XXe siècle à venir en s’éloignant de la tonalité et en préfigurant par l’ellipse aphoristique les plus radicales révolutions musicales (la charge dont est investie la concision annonce Webern).  On entre… de nuit dans son programme très centré sur la pensée de la mort : La Notte, troisième mouture (1864) d’une work in progress à partir d’un quatrain funèbre de Michel-Ange, nous ouvre une porte sur une tragédie intérieure, une période de désarroi qui orientera de manière décisive Liszt vers le franchissement d’un pas supplémentaire dans son adhésion à la foi catholique. Bruno Rigutto réussit à maintenir la concentration d’une atmosphère poignante, à timbrer les couleurs de cette nuit intérieure, depuis le poids lugubre des glas et des graves rampants jusqu’à l’infinie délicatesse des sons désincarnés una corda. Les incroyables sinuosités d’enchaînements harmoniques préfigurent les expérimentations auxquelles se livrera Liszt quelque vingt ans plus tard, lorsqu’il s’entêtera, dit-il, à « travailler de devenir de plus en plus incompris ». Et nous entrons dans le dépouillement accentuant l’énigmatique quarte augmentée de Nuages gris (1881), intervalle du Diable que l’on retrouve dès le début d’Unstern !, reflet de moments de désespoir datant de la même période. Dans cette dernière pièce à l’opiniâtreté sans issue, on relève une sorte de conflit entre une esquisse de gamme par tons et un douloureux chromatisme, ce qui rend le retour à des enchaînements diatoniques “normaux”, marqués quasi Organo, encore plus déconnecté du réel. Quant à La Lugubre Gondole I, pressentiment de la mort de Wagner écrit à Venise en décembre 1882, elle vogue sur des flots glauques qu’une trouée d’espérance vient par moments éclairer d’un impalpable frémissement ; on s’étonnera moyennement que Wagner, entendant à travers les murs du Palazzo Vendramin son beau-père procéder à ses essais au piano, y ait vu « folie en germe » ! Puis, Wagner décédé quelques mois plus tard, vint la brève procession hallucinée de Richard Wagner-Venezia, dont l’incise procède par juxtaposition inusitée d’intervalles : quarte diminuée (donc par enharmonie une tierce majeure) suivie de deux tierces majeures dont le total produit un mouvement de quinte augmentée ascendante, aboutissant (verticalement cette fois) à une harmonie qui superpose la même quarte diminuée et une quarte juste. Dans cette exploration atonale des intervalles prenant une valeur en soi, tant horizontalement que verticalement, on peut voir une préfiguration du dodécaphonisme, et on sait que les travaux théoriques de Liszt en ces années-là (il esquissa en 1885 un traité sur l’harmonie moderne, hélas perdu) menèrent bien près du futur système de Schoenberg par l’idée de « l’ordre omnitonique » dépassant la polytonalité. Quand on dit que l’École de Vienne (constituée seulement au XXe siècle !) est la conséquence extrême du chromatisme wagnérien, Liszt, au soir même de la mort de Wagner (donc encore au XIXe siècle !), en avait lancé l’annonce à la face du monde, ce qu’il appelait : « lancer mon javelot dans les espaces indéfinis de l’avenir » (lettre à la princesse Carolyne von Sayn-Wittgenstein). Au passage, dans Richard Wagner-Venezia, l’hommage au chromatisme wagnérien est détourné, comme vers un engrenage irréfrénable.  Dans toutes ces pages ultimes, l’interprète sait “tenir” le son afin que rien de vienne nous distraire une seule seconde des confidences tragiques que Liszt y distille.

Comment insérer entre ces mondes d’une marginalité assumée les pièces plus “classiques” des programmations lisztiennes ? Bruno Rigutto maintient la chaude intimité poétique de ce voyage spirituel tout au long des Trois Sonnets de Pétrarque (ah ! les brumes matinales d’où émerge la lumière céleste du Sonnet 123) ; il intériorise, avec un très beau son, les moments de repli sentimental au sein de la Méphisto-Valse n°1 (alors qu’on en a connu de plus grinçantes et de plus crépitantes), infléchissant du coup la lecture philosophique que l’on peut faire de cet épisode de Lenau. Quant aux célèbres Funérailles, elles manquent de puissance grandiose dans l’affirmation pesante, mais on s’aperçoit vite que Bruno Rigutto privilégie l’abandon désarmé à la pensée des morts sur l’évocation héroïque des victimes de la révolution hongroise.

Et le programme, commencé dans les angoissantes ténèbres de La Notte se referme sur la lumière éthérée, immatérielle de En rêve, Nocturne (1885/86) dont le dernier accord, une quarte et sixte, sonne comme un degré sur l’échelle d’ascension au ciel (Liszt va mourir quelques mois plus tard). Au final, on conseille ce disque comme l’un des plus émouvants à redécouvrir en cette année Liszt.

 

Sylviane Falcinelli.

 

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Spectacle, papier découpé de Pierre Clama

 

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Pygmalion musical, au Châtelet.

Fredericke Loewe & Alan Jay Lerner : My Fair Lady« Musical » en deux actes.  D'après la pièce Pygmalion de George Bernard Shaw et le film éponyme de Gabriel Pascal.  Orchestration de Robert Russell Bennett et Philip J.Lang.  Sarah Gabriel, Alex Jennings, Margaret Tyzack, Nicholas Le Prevost, Donald Maxwelll, Jenny Galloway, Ed Lyon.  Chœur du Châtelet, Orchestre Pasdeloup, dir. Kewin Farrell.  Mise en scène : Robert Carsen.

 

©Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet

 

La comédie musicale My Fair Laidy a été immortalisée par le film de George Cukor, grâce notamment à la prestation inoubliable de Audrey Hepburn.  C'est oublier qu'elle avait vu le jour à New York en 1956, avec Julie Andrews, pour y tenir le succès des années durant.  Elle s'en vient enfin à Paris, dans sa version originale et complète.  Le Châtelet n'a pas lésiné sur les moyens en invitant Robert Carsen à la revisiter, se souvenant sans doute du succès que celui-ci s'y était taillé dans Candide de Bernstein, il y a quelques saisons.  Le sujet est directement emprunté à la pièce de George Bernard Shaw Pygmalion.  Quoiqu'il ait une source plus lointaine : Ovide dans ses Métamorphoses conte la légende de Pygmalion et Galatée, ou comment voir l'idéal amoureux s'incarner en une femme de chair et d'os.  Avec Shaw, le sujet vire à la diatribe : la « transformation » devient un pari entre savants consistant, pour un linguiste réputé, à faire d'une marchande de fleurs délurée des halles de Covent Garden une duchesse « pour de vrai » grâce aux seules vertus de la phonétique.  Mais alors que la comédie musicale reprend une large partie du texte de Shaw, ses auteurs en déplacent le centre de gravité du savant Higgins vers la jeune Eliza Doolittle, ce qui est plus qu'un simple changement de titre.  Car la jeune fille a de l'ambition et ne manque pas d'aplomb.  L'absence de romance amoureuse, un handicap a priori, est conjurée par une intrigue qui sait rebondir et passe au crible tous les tics d'une société inégalitaire.  Le finale, quelque peu ambigu, sorte de happy end pessimiste, laisse en suspens la question de savoir si les sentiments qui animent Eliza et son tortionnaire sont plus que de sympathie.

 

©Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet

 

La production, fort séduisante, est sincère dans son propos.  Le metteur en scène canadien n'a pas cherché à moderniser à tout prix ce qui est d'abord une évocation de l'Angleterre puritaine du début du XXe siècle, une charge douce-amère de la bourgeoisie établie et de son snobisme, qui se manifeste à travers les tics de la langue.  Il ne cherche pas à éluder la convention.  Au contraire, il s'en sert pour afficher le ridicule des attributs forgeant les différences sociales. Surtout, il trouve le ton juste entre la légèreté de la comédie musicale et la satire contenue dans la pièce de théâtre dont elle est issue.  Dans une décoration de style victorien qui se métamorphose, en un clin d'œil, à l'aune de ce qui sépare deux mondes opposés, du marché aux fleurs gouailleur au cabinet de travail léché du professeur, de la scène de rue au grand bal compassé, l'intrigue progresse de manière fluide.  Elle garde toujours une manière élégante, ce que renforce la palette éblouissante des costumes aux tons pastels, d'une richesse à faire pâlir une production... du Châtelet d'antan !  Les tableaux d'ensemble sont réglés au millimètre.  De son joli minois qui n'empêche pas un abattage certain, Sarah Gabriel se place dans la lignée de ses illustres devancières, apportant à la cendrillon Eliza un charme irrésistible ; de quoi faire craquer un vieux célibataire endurci.  Celui-ci, Alex Jennings, possède cette morgue, au-delà du seul flegme, qui rend crédible l'incroyable misogynie du personnage.  Autour d'eux évolue une troupe formée à la faconde excentrique, dont se détachent deux « vrais » chanteurs d'opéra, le vétéran Donald Maxwell et le prometteur ténor Ed Lyon.  Et c'est, nul doute, une aubaine que d'avoir dans la fosse un orchestre symphonique, le Pasdeloup, pour défendre, sous la baguette vif-argent de Kevin Farrell, les couleurs de cette luxuriante et délicieuse musique.

 

Un réjouissant Phi Phi à l'Athénée.

Henri CHRISTINÉ : Phi Phi.  Opérette en trois actes.  Livret d’Albert Willemetz et Fabien Sollar.  Version pour 5 solistes, un chœur de 9 femmes et 10 musiciens.  Orchestration de Thibault Perrine.  Gilles Bugeaud, Emmanuelle Goizé, Christophe Grapperon, Olivier Hernandez, Lara Neumann, Antoine Sastre.  Compagnie Les Brigands, dir. Christophe Grapperon.  Mise en scène : Johanny Bert.

 

Ardimédon ©Yves Petit

 

Grand et durable succès des Années folles, Phi Phi – alias Phidias, célèbre sculpteur de l'antiquité - renaît à l'Athénée, sous une forme peut-être proche de sa facture originale.  L'opérette créée en 1918, le lendemain de la signature de l'Armistice, au Théâtre des Bouffes-Parisiens, fut en effet écrite pour être jouée dans un minuscule théâtre, l'Abri, qui tenait plus de la cave que du théâtre de prestige.  L'auteur du texte, Albert Willemetz, plume brillante, librettiste en vogue et parolier de nombreuses chansons célèbres - dont la fameuse « Félicie aussi », commise pour Fernandel - recherchait un musicien apte à mettre en musique la satire mythologique des démêlés amoureux du grand sculpteur, de la belle Aspasie et de l'éphèbe Ardimédon.  Il le trouvera en la personne d’Henri Christiné qui, aux côtés de Maurice Yvain, allait dominer la scène légère des années d'après-guerre.  La pièce, qui tient de la pochade sans prétention, est bâtie sur un mélange savoureux de vraie/fausse antiquité grecque, d'animation dansée mélangeant valses musettes et morceaux à la mode, fox-trot et autres one-steps, tout juste venus d'Angleterre et d'Amérique, et surtout de ce ton proche du vaudeville boulevardier avec son lot de bons mots, calembours et quiproquos hilarants.  Le livret en est fort bien troussé, d'allusions grivoises en traits d'une ironie féroce sous des dehors anodins, d'airs typés facilement mémorisables en petits ensembles débridés.  La musique est brillante et aisée, plus : entraînante !

 

Mme Phidias ©Yves Petit

 

La production de la Compagnie Les Brigands est joyeuse.  Elle fusionne les ingrédients stylistiques : le chef est aussi chanteur, le chœur, dit « des modèles », pratique la danse et se fait manipulateur de marionnettes.  Elle fourmille de trouvailles amusantes et offre une succession de tableaux attrayants, tel un crêpage de chignon entre rivales... sur un ring de boxe, ou encore quelque démonstration réglée façon revue de music-hall.  L'idée de dédoubler les personnages en marionnettes faites de morceaux qui se désarticulent à satiété est originale, même si, dans la première partie au moins, elle peine à s'imposer.  Les chanteurs-acteurs, disposés de chaque côté de la scène comme dans certains théâtres de marionnettes traditionnels, communiquent leur voix à ces figures morcelées, auxquelles ils peuvent à l'occasion se mêler.  La troupe se démène copieusement, notamment les choristes-danseuses.  Les solistes vocaux défendent avec brio les chansons à couplets et autres refrains scandés, agréablement soutenus qu'ils sont par une poignée d'instrumentistes, ce qui ajoute à la sveltesse du propos.  L'ensemble pétille de joie communicative et le rythme est justement endiablé.

 

Soirée Dada à l'Opéra Comique : Les Mamelles de Tirésias.

Francis POULENC : Les Mamelles de Tirésias.  Opéra-bouffe en deux actes & un prologue.  Livret d'après le texte de Guillaume Apollinaire.  Soirée Dada introduite par le Foxtrot de la Suite pour orchestre de jazz n°1 de Dimitri CHOSTAKOVITCH et Le Bœuf sur le toit de Darius MILHAUD.  Hélène Guilmette, Ivan Ludlow, Werner Van Mechelen, Christophe Gay, Loïc Felix, Thomas Morris, Marc Molomot, Jeannette Fischer, Robert Horn.  Orchestre & Chœurs de l'Opéra de Lyon, dir. Ludovic Morlot. Mise en scène : Macha Makeïeff.

 

©Pierre Grosbois

 

Créé en 1947 à l'Opéra Comique, l'opéra-bouffe Les Mamelles de Tirésias y renaît.  Et de quelle manière !  Sa pièce en forme d'utopie provocante qu'Apollinaire se plaisait à qualifier de drame surréaliste, à défaut de décider s'il « est sérieux ou non », est une fantaisie débridée, une « loufoquerie », érigeant en système le cocasse de situation.  Non qu'elle ne soit, au détour d'une réplique, empreinte de la gravité de son sujet, si crucial en 1917 : le sort « des enfants dans la famille », que résume la formule lancée au public dès le prologue par le directeur de théâtre : « Faites des enfants, vous qui n'en faisiez guère ! ».  Comment ?  Une recette insolite au pays de cocagne de Zanzibar : « si la femme n'en fait plus, tant pis. Que l'homme en fasse » !  Il fallait oser cet inédit qui joue de l'inversion des genres : la femme, Thérèse, ravie de perdre ses attributs mammaires pour s'émanciper, se masculiniser en Tirésias, le Mari qui se féminise et décide dans sa folie procréatrice d'engendrer jusqu'à 49 049 rejetons.  Jarry et Rabelais ne sont pas loin.  L'action qui n'en est pas une, sorte d'anti-intrigue, se veut décousue, basée qu'elle est sur une suite de gags savamment empilés, qui laisse percer quelque fantaisie onirique lorsqu’est évoqué Paris, groupe des Six oblige.  Qui mieux que Francis Poulenc pouvait donner à cette fantaisie « sa » correspondance musicale ?  La musique est d'un mouvement irrésistible, émaillée de rythmes de valse, polka et autres pavanes, d'où surgissent soudain de grandes et belles phrases de lyrisme, si aptes à exhaler ce parfum d'humanité qui sourd du texte.  Tout le génie mélodique de Poulenc est là, son étonnante facilité aussi pour passer du coq à l'âne.  Rien n'y verse cependant dans l'ironie qu'Apollinaire considérait hors de propos.  En un mot, une quasi idéale adéquation entre un texte et une musique.

 

©Pierre Grosbois

 

Macha Makeïeff a eu l'idée d'inscrire la pièce dans un écrin Dada, en la faisant précéder d'un prélude musical, Le Bœuf sur le toit, de Milhaud - auquel Poulenc a dédié son opéra - et en lever de rideau, d'un fox-trot emprunté à Chostakovitch.  Ce procédé du collage, sa mise en scène en use aussi abondamment.  Dans l'univers protéiforme du cirque, c'est une avalanche de gags mâtinée de scènes de clownerie rigolarde ou triste, où se côtoient l'invraisemblable qui déchaîne le rire et le poétique qui crée l'admiration.  Les numéros se succèdent en rafales, du clin d'œil désopilant (la parade des nurses-mâles et de leur avantageuse progéniture promenée en landau, les divers intermèdes frénétiques, tenant de la revue, joués autour de la fosse d'orchestre) à l'effet volontairement grossi, où l’« hénaurme » est érigé en système : une machine industrielle à confectionner de joufflus biberons, un attirail de chimie permettant de créer un bébé... journaliste, etc.  Un festin de couleurs emplit l'atmosphère peuplée de projections allusives et de personnages tout droit sortis d'une boîte à malices, qui se font acrobates ou voltigeurs.  La cadence loufoque ne se ralentit pas au fil du spectacle.  Même si la direction d'orchestre eût mérité plus de délié raffiné, notamment dans le chaloupé façon samba du Bœuf sur le toit - le chef étant plus à blâmer que les musiciens de l'Opéra de Lyon.  Un vrai esprit de troupe s'enhardit au fil des tableaux et les choristes lyonnais ne sont pas les derniers à déchaîner l'hilarité.  La même ardeur distingue l'interprétation soliste dont se détachent la gracieuse Hélène Guilmette, tour à tour Thérèse et La Cartomancienne, le superbe Ivan Ludlov, Le Mari, beau gosse et voix d'airain, et l'admirable Werner Van Mechelen, à la fois Le Gendarme et Le Directeur de théâtre qui confère au prologue une rare intensité.

 

Les Fiançailles au couvent, une rare comédie qui fait événement à Toulouse.

Sergueï PROKOFIEV : Les Fiançailles au couvent. Opéra lyrico-comique en quatre actes et neuf tableaux.  Livret du compositeur, assisté de Mira Mendelson.  D'après le livret d'opéra-comique de Richard Brinsley Sheridan.  Brian Galliford, Garry Magee, Anastasia Kalagina, Larissa Diadkova, Daniil Shtoda, Anna Kiknadze, Mikhail Kolelishvili, Yuri Vorobiev, Eduard Tsanga.  Chœur du Capitole & Orchestre national du Capitole, dir. Tugan Sokhiev.  Mise en scène : Martin Duncan.

 

©Patrice Nin/Théâtre du Capitole

 

Joli clin d'œil de l'Histoire : c'est sous la direction de Michel Plasson que Les Fiançailles au couvent ont été créées en France dans les années 1970, à Strasbourg, avant de rejoindre Toulouse.  Aujourd'hui Tugan Shokiev, directeur musical de l'Orchestre du Capitole, reprend le flambeau.  Quelque vingt ans après L'Amour des trois oranges, Serge Prokofiev revient au genre burlesque ; mais la satire laisse ici place à un humour plus joyeux et festif, teinté d'une authentique veine lyrique.  Le sujet, emprunté à La Duègne du poète anglais Sheridan (1751-1816), en fait un canevas d'opéra-comique, comédie de mœurs où rien ne manque des ressorts de l'intrigue à rebondissements.  Alors que le gentilhomme sévillan Don Jérôme conçoit pour sa fille un projet de mariage avec un riche marchand de poisson du Guadalquivir, la duègne de la belle manigance un plan machiavélique pour lui permettre de convoler avec le jeune seigneur de ses rêves.  Ruses, travestissements, quiproquos, action traitée à différents niveaux, et surtout kaléidoscope de caractères bien trempés, voilà quelques-uns des ingrédients d'une pièce qui ne connaît pas l'ennui.  Prokofiev l'enlumine d'une musique séduisante dans ses couleurs, brillante dans ses rythmes, dont Chostakovitch louangera la spontanéité des sentiments, digne du Falstaff de Verdi.  Car le comique de situation ne prend jamais le pas sur un lyrisme racé proche de l'univers nocturne du ballet Roméo et Juliette, apportant dans ce palpitant tourbillon sonore une note de tendre poésie.

 

©Patrice Nin/Théâtre du Capitole

 

La mise en scène de Martin Duncan joue à fond le jeu de la fantaisie, faisant sien le débit rapide de la comédie et son découpage en courts épisodes comme dans un montage cinématographique.  La direction d'acteurs est incisive dans les expressions, mimiques et gestes étroitement calqués sur le langage musical.  L'inattendu cocasse ou l'effet grossi, proche du buffo italien, particularisent échanges et ensembles.  Les personnages, celui du barbon en particulier, se vivent comme des marionnettes à la limite de l'extravagance.  Le mouvement général est endiablé où l'on passe d'une scène à l'autre comme au travers de ces portes qui se déplacent au fil de l'action.  C'est que l'ingénieuse décoration (Alison Chitty), lointainement inspirée des maquettes constructivistes des années 1930, est éminemment mobile, ses éléments disposés çà et là se métamorphosant sans cesse.  La vision se fait haute en couleurs à l'heure des intermèdes dansés qui ponctuent le premier acte, pantomimes échevelées d'une folle nuit de carnaval ; un univers de masques non sans rappeler L'Amour des trois oranges.  L'exagération est reine, parfois jusqu'à la complaisance, telles ces poissonnières harnachées de tabliers vert pomme agitant leur flasque marchandise, ou cette bacchanale des moines d'une extravagance rabelaisienne.  La réussite musicale est encore plus évidente.  La direction de Tugan Sokhiev unit les deux aspects indissociables sur lesquels Prokofiev assoit sa partition : l'humour caustique, irrévérencieux même, et le lyrisme expansif, proche de la tendresse.  La verve et son turbulent dynamisme, l'emphase portée sur les contrastes ne sont là que pour mettre en relief les caractères comme les situations.  L'orchestre du Capitole fait son miel des traits d'orchestration étincelants, cuivres et percussions en particulier.  Le chef a forgé sa distribution - quelque 18 solistes - pour l'essentiel sur des voix venues du Théâtre Mariinski dont il est un hôte régulier.  Tout le panel de la vocalité russe est là : du ténor lyrique, l'excellent Daniil Shtoda, Antonio, au ténor de composition, l'inénarrable Brian Galliford, Don Jérôme, grotesque mais attachant, à la basse profonde, Mikhail Kolelishvilli, le marchand Mendoza, inextinguible faconde et fin acteur, en passant par les barytons, Garry Magee, romantique Ferdinand, Yuri Vorobiev, obséquieux Don Carlos ; de la soprano lyrique, Anastasia Kalagina, agile Louisa, à la contralto profonde, Larissa Diadkova, désopilante Duègne, cousine en verve et abattage vocal de la Mrs Quicky de Verdi, en passant par le timbre de mezzo, Anna Kiknadze, émouvante Clara.  Un festin vocal qui a peu d'équivalent.

 

Révisez vos classiques : Beethoven dirigé par Bernard Haitink.

 

©Fred Toulet/Salle Pleyel

 

Le partenariat artistique que forment Bernard Haitink et le Chamber Orchestra of Europe a peu d'équivalent aujourd'hui.  Une formation justement pas trop nombreuse qui permet de redécouvrir les « classiques » que sont Brahms (il y a peu à Lucerne) ou Beethoven.  Débutant à Paris, Salle Pleyel, leur cycle des symphonies du maître de Bonn - qui se poursuivra en mars 2012 - ils viennent d'offrir un concert somptueux présentant les symphonies n°2 et 3.  Le chef néerlandais, dans son glorieux automne, repense du tréfonds ces pages dont on aurait tendance à ne plus rien attendre, tant on est assuré d'en connaître tous les plis et replis : un questionnement sur la sonorité, grâce notamment à une disposition spatiale originale qui divise les violons de part et d'autre, enveloppés qu'ils sont par les cordes graves avec, de gauche à droite, contrebasses, cellos et altos ; une recherche approfondie sur la dynamique aussi, qui donne du relief aux contrastes forte/piano ; un travail fouillé enfin sur l'instrumentation.  Se gardant des mirages de l'approche dite d'époque, dont il ne concède que les timbales à la frappe sèche, comme d'une manière prétendument traditionnelle illustrée par le recours à de vastes effectifs, Haitink opte pour une voie médiane, d'un équilibre qui sonne au coin de l'évidence ; ce que traduit une gestuelle qui va droit à l'essentiel.  La qualité instrumentale en ressort régénérée, la ligne épurée des bois en particulier.  L'acoustique si présente de la salle convient ici parfaitement à des interprétations qui jouent à fond la différence des volumes, les ppp acquérant une étonnante transparence.  La Deuxième Symphonie a cette humeur joyeuse qui se pare d'énergie (allegro con brio intitial), d'une veine lyrique aisée (larghetto), ménageant de subtils effets de surprise (scherzo) et une verve inextinguible au finale.  De l’Héroïque, on dira qu'elle atteint une sorte de plénitude : l'élan, le souffle prométhéen sont là, succession de lumières et d'ombres, au vaste premier mouvement – le chef joue toutes les reprises – dont le formidable développement ne cesse de livrer sa force créatrice.  Mais le grandiose ne se fait pas écrasant.  La Marche funèbre évoque plus le passé glorieux du héros qu'une déploration de sa disparition ; car « jamais il n'a été plus vivant.  Son esprit plane sur le cercueil, que porte l'humanité » (Romain Rolland).  Fait suite un scherzo tourbillonnant, d'une belle alacrité et d'une vraie légèreté dans le contrepoint des cordes où la référence à la danse se fait si présente.  La finesse que livrent les musiciens est confondante, soulignant des inflexions qu'on se prend à redécouvrir.  Le finale est fiévreux, ses variations décryptées dans leur magistrale opposition entre masses et couleurs, que conclut un presto fulgurant.

Jean-Pierre Robert.

 

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La Saison Blüthner : un instrument exceptionnel pour de jeunes talents.

C’est en Saxe, région au passé éminemment musical, que Julius Blüthner choisit d’implanter sa fabrique de pianos en 1853.  Un siècle et demi plus tard, la maison Blüthner cultive toujours cette philosophie du savoir-faire traditionnel à l’origine de sa notoriété.  Associée à la fondation Alfred Reinhold et à la maison Hista, dépositaire de Blüthner en France, la firme allemande offre à de jeunes pianistes à l’avenir prometteur l’occasion de se produire en récital au Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet, l’une des plus belles salles à l’italienne de Paris, classé monument historique et récemment rénové.  Bel écrin pour un instrument prestigieux.  Les jeunes pianistes ont à leur disposition le modèle n°1 « Grand Concert » de la marque, piano d’une longueur de 2,80 m à la sonorité prodigieuse, claire et brillante dans les aigus, chaude et profonde dans les graves.  Il faut souligner que l’instrument bénéficie du système « Aliquot », innovation majeure de la firme : les aigus sont équipés d’une quatrième corde non frappée par le marteau mais vibrant par sympathie et munie d’un petit étouffoir.  Inutile de souligner la brillance du spectre harmonique.

La saison 2010-2011 a pour thème « Musique et Art nouveau ».  Le choix est ainsi porté sur la musique française pour piano de la fin du XIXe siècle et du début du XXe.

Le 17 janvier 2011, le jeune pianiste Romain Descharmes proposait un programme semblant avoir été, tout exprès, concocté afin de mettre en valeur les qualités de l’instrument : virtuosité et puissance avec la Sonate en la mineur de Théodore Dubois, couleurs sonores changeantes et subtiles pour les Études de Debussy, magie envoûtante des Valses nobles et sentimentales de Ravel... Romain Descharmes est époustouflant d’énergie et de vitalité, il emporte les auditeurs dans un véritable tourbillon musical, il communique son tonus à son public !  Pour autant, il sait se montrer expressif ou voluptueux dans un jeu subtil où chaque nuance est mesurée à sa juste valeur.  Romain Descharmes donne le sentiment de ne faire qu’un avec son instrument : il joue littéralement « avec » son piano.  Un interprète donc à suivre de très près…

 

 

Le lundi 21 mars 2011 à 20h, Jonas Vitaud proposera un programme intitulé « Ainsi la nuit ».  La première partie, composée de pièces de Fauré, Albéniz, Debussy et Ravel, soulignera les valeurs positives de la nuit : fêtes, danses, sensualité, parfums.  La seconde partie, autour de Liszt, Scriabine et Bartók ornera les aspects négatifs : la mort, les démons, le mysticisme, la matière musicale qui se désintègre.  Toujours associé au monde irrationnel, le thème de la nuit permet aux compositeurs de se libérer des formes conventionnelles pour inventer un monde nouveau.  Un excellent concert en perspective…  Retenez votre soirée du 21 mars !

 

 

Renseignements : Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet : 7, rue Boudreau, Paris IXe.  Tél. : 01 53 05 19 19.  www.athenee-theatre.com / Pianos Hista (Blüthner France) : 1, rue Louis-Ganne, Paris XXe.
  www.saisonbluthner.fr

Gérard Moindrot.

 

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Salle Pleyel : Orchestre philharmonique de Radio France, dir. Manfred Honeck.  Tedi Papavrami, violon.

Après le succès de sa tournée en Russie, le « Philhar » se retrouvait Salle Pleyel, sous la direction de Manfred Honeck, pour un programme « classique » des salles de concert, peut être un peu trop d’ailleurs, associant la célébrissime Ouverture de Coriolan de Beethoven, le Concerto « À la mémoire d’un ange » d’Alban Berg, pilier du répertoire violonistique, emblème de l’écriture dodécaphonique, dédié à la mémoire de Manon Gropius, et la monumentale 4e Symphonie de Brahms.  Un programme sans surprise pour une interprétation elle aussi sans surprise, mettant parfaitement en valeur toutes les qualités de sonorité et de cohésion de cette remarquable phalange, qui semble aujourd’hui au mieux de sa forme, avec une mention particulière pour les vents particulièrement sollicités dans ce programme.  Manfred Honeck, d’une baguette vigoureuse, donna de la symphonie de Brahms une vision un peu monolithique, peinant à faire passer l’émotion.  En revanche l’interprétation du concerto de Berg par Tedi Papavrami fut, en tous points, remarquable, avec une totale adéquation du soliste et de l’orchestre, une sublime cadence du deuxième mouvement et une spiritualité parfaitement rendue.

 

Manfred Honeck, 2011 ©Jason Cohn

 

Vladimir Jurowski, éblouissant.  Théâtre des Champs-Élysées.  Staatskapelle de Dresde, dir. Vladimir Jurowski.  Sergej Krylov, violon.

Concert très attendu que celui donné au TCE par la Staatskapelle de Dresde, dirigée par le jeune et talentueux chef russe Vladimir Jurowski, dans un programme audacieux associant le très romantique Concerto pour violon de Tchaïkovski et la sulfureuse 4e Symphonie de Chostakovitch.  Deux œuvres composées à près de soixante ans d’intervalle mais totalement différentes dans leur esthétique, post-romantique pour l’une, emblématique des rapports difficiles entre totalitarisme stalinien & musique pour l’autre, puisque composée en 1935-1936, mise en sommeil par le compositeur lui-même, du fait des purges staliniennes et de la chasse au « formalisme ». La 4e Symphonie ne sera créée qu’en 1961 à Moscou, sous la direction de Kirill Kondrachine.  Deux exercices totalement différents, menés avec brio par Vladimir Jurowski usant d’une direction précise, adaptée à chaque genre, pleine de fougue et d’autorité.  En totale symbiose avec l’orchestre, adaptant les tempi et les nuances de façon à valoriser le soliste, il permit à Sergej Krylov de donner une interprétation remarquable du concerto de Tchaïkovski, toute en sensibilité, toucher, virtuosité et émotion.  Parfaitement à l’aise dans la complexe symphonie de Chostakovitch, il en fit une lecture limpide, alternant le feu et la glace, violence et douceur, respectant les harmonies grinçantes et les motifs disjoints, rendant compte par instants de l’inspiration mahlérienne s’intégrant dans la monumentale construction symphonique secouée par de puissants accords aux sonorités de cluster, toute imprégnée d’angoisse, d’âpreté et de sarcasme, se concluant par l’énigmatique épilogue pianissimo et le silence prolongé, admiratif et éloquent de la salle.  Un concert d’exception.

 

Vladimir Jurowski ©DR

 

L’entente parfaite Salle Pleyel.  Orchestre de Paris, dir. Paavo Järvi.  Denis Matsuev (piano), Antoine Tamestit (alto).

Concerts très attendus que ceux de l’Orchestre de Paris, dirigé par son chef titulaire Paavo Järvi.  Force est de reconnaître que l’entente continue entre les musiciens et le chef estonien.  Un programme varié, voire contradictoire, associant le 2e Concerto pour piano de Tchaïkovski, Harold en Italie de Berlioz et la Deuxième suite de Daphnis et Chloé de Ravel, en fut le plus étincelant exemple.  Denis Matsuev, toujours impressionnant de virtuosité, donna du concerto de Tchaïkovski, si peu joué, une interprétation remarquable de virtuosité et de toucher, de force et de technique, alternant piano symphonique et piano confident, totalement en phase avec l’orchestre, qui confirma toutes ses qualités, d’ensemble et individuelles, avec un mémorable et émouvant trio (violon, violoncelle & piano), dans le deuxième mouvement.  Deux « bis » époustouflants, réclamés par le public, avec notamment un très virtuose et étonnant extrait de Peer Gynt de Grieg pour conclure cette première partie.  La seconde, toute différente par son climat rêveur, fournissait au talentueux altiste Antoine Tamestit l’occasion de faire montre de sa remarquable sensibilité dans ce dialogue entre l’alto (Stradivarius, 1672) et l’orchestre.  La Suite de Ravel, parfaitement menée, concluait cette belle soirée, confirmant tout le potentiel de cette phalange et de son chef.  Que tous nos vœux les accompagnent !

 

Denis Matsuev ©Andrey Mustafaev

 

Soirée transatlantique à Pleyel.  Orchestre philharmonique de Radio France, dir. Pietari Inkinen.  Hilary Hahn, violon.

Après Manfred Honeck il y a quelques jours, c’était au tour du jeune chef finlandais invité, violoniste de formation, Pietari Inkinen de diriger le « Philhar » dans un programme transatlantique sortant des sentiers battus, associant la Fanfare for the common man d’Aaron Copland (1900-1990), le Concerto pour violon & orchestre de Gian Carlo Menotti (1911-2007) et la Symphonie du « Nouveau Monde » d’Antonín Dvořák.  Après un début en fanfare, rappelons à ce propos que l’œuvre figure au programme du baccalauréat cette année (cf. L’ÉM, Fascicule du baccalauréat 2011), le classique et romantique tout à la fois Concerto de Menotti, rarement joué, fut remarquablement interprété par une Hilary Hahn, détendue et souriante, bien que toujours un peu froide dans son maintien et son jeu.  On en retiendra, un très beau dialogue entre violon et vents, une évidente complicité avec ce jeune chef trentenaire, une belle cadence dans le deuxième mouvement, empreinte de gravité et de sérénité, une virtuosité sans faille et un lyrisme séduisant.  Deux « bis » empruntés à Bach, parfaitement exécutés et très intériorisés, concluaient cette première partie.

 

 

La seconde partie consacrée à la 9e Symphonie de Dvořák était l’occasion de retrouver tout l’entrain et les superbes sonorités de l’orchestre, au mieux de sa forme.  Menée tambour battant, mêlant, avec justesse, mélodies slaves et accents des espaces américains, bien équilibrée entre vents et cordes d’une égale qualité, elle fut dirigée avec assurance par Pietari Inkinen, à la gestique un peu brouillonne, qui sut communiquer aux excellents musiciens et au public un enthousiasme qui lui valut les applaudissements fournis de l’orchestre et de la salle.  Une belle soirée qui nous fait attendre avec impatience la prochaine prestation du « Philhar », dans quelques jours, sous la baguette, cette fois, du fougueux Andrey Boreyko, dans La petite sirène de Zemlinsky.

Pietari Inkinen © J.Mykkänen

 

Récital de Thomas Hampson.  Théâtre des Champs-Élysées.  Thomas Hampson (baryton), Wolfram Rieger (piano).

Premier récital, cette année, de Thomas Hampson à Paris (un deuxième est prévu, Salle Pleyel, avec la Philharmonie tchèque), dans un programme associant des lieder de Schubert, extraits du Schwanengesang, des lieder de Barber et les Kindertotenlieder de Mahler.  Trois époques du lied, dans des climats différents, du romantisme à la modernité, occasion, pour Thomas Hampson, de faire montre de tout son talent.  Des lieder de Schubert très intériorisés contrastant avec ceux de Barber où l’expression est plus extravertie, plus théâtrale.  Une réussite incontestable, portant haut l’art du lied.  Parfaitement chanté, sans vibrato, associant des aigus suaves et filés, des graves profonds, une superbe diction, un timbre limpide et puissant, Thomas Hampson s’affirme indiscutablement comme l’un des plus grands barytons actuels.  Malheureusement la seconde partie, consacrée aux Kindertotenlieder, dans une transcription tardive pour piano, nous apparut plus monotone, comme une longue complainte où l’absence de l’orchestre se faisait cruellement ressentir.  Si le jeu de Wolfram Rieger semblait parfaitement adapté à la première partie - tantôt murmurant, implorant, tantôt violent, rageur et saccadé -, il parut, en revanche, beaucoup trop maniéré dans la seconde partie, avec des tempi trop lents, à la limite de la rupture, laissant Thomas Hampson un peu esseulé, malgré la qualité du chant et la présence scénique.

Thomas Hampson ©DR

 

Bernard Haitink clair et juste, Salle Pleyel.  Chamber Orchestra of Europe, dir. Bernard Haitink.

Bernard Haitink dirigeait, salle Pleyel, le Chamber Orchestra of Europe, dans un programme exclusivement consacré à Beethoven, comprenant l’Ouverture de Fidelio, la 8e et la 5e Symphonie.  Maîtrisant totalement son sujet, par sa direction précise et sa gestique minimaliste, il fit de ces deux œuvres une lecture d’une grande cohérence et d’une étonnante clarté.  La Huitième, élégante, enlevée, vigoureuse ; à l’inverse, la Cinquième, inquiétante, menaçante, tendue laissant percevoir, en filigrane, une palpitation permanente, initiatique dans l’évolution des tonalités du sombre ut mineur au lumineux ut majeur, accentuant les nuances pour donner plus d’expressivité.  L’orchestre, quant à lui, se montrait très réactif, d’une remarquable sonorité, avec une mention particulière pour les vents.  Bref, un grand moment de musique et une 5e Symphonie d’anthologie, à ranger aux cotés des mythiques interprétations de Carlos Kleiber.  Une ovation du public et des musiciens saluait ce grand chef.  Merci, monsieur Haitink !

 

©Fred Toulet/Salle Pleyel

 

Sarah Connolly lumineuse au TCE.  Orchestre of the Age of Enlightenment, dir. Vladimir Jurowski.  Sarah Connolly, soprano.

Un orchestre sous l’éteignoir malgré les efforts de Vladimir Jurowski, pour ce concert associant Wagner, Mahler et Liszt autour du thème des « Poètes symphoniques », dans le cadre du cycle Mahler, au Théâtre des Champs-Élysées.  Une première partie calamiteuse nous donnant à entendre un méconnaissable Prélude de Parsifal de Richard Wagner et la Totenfeier de Gustav Mahler.  Une sonorité grossière, lourde et rugueuse, à la limite de la justesse, dépourvue de la plus élémentaire spiritualité pour la première œuvre.  Un peu moins catastrophique, pour la deuxième, où la pesanteur et la sombre sonorité de l’orchestre semblaient mieux s’accorder au service funèbre qui deviendra, ultérieurement, le premier mouvement de la Deuxième Symphonie de Mahler.  Heureusement, Sarah Connolly nous enchanta, en seconde partie de concert, d’une lumineuse interprétation des Lieder eines fahrenden Gesellen (Chants d’un compagnon errant) remarquablement chantés.  Tessiture étendue parfaitement adaptée à la partition, aigus puissants sans agressivité, graves profonds, en phase avec l’orchestre qui semblait, enfin, retrouver un semblant de cohérence et une clarté mettant bien en évidence la finesse de l’orchestration mahlérienne.  Une impression, plus favorable, qui se confirmait dans Les Préludes de Liszt où la prédominance des cordes faisait un peu oublier les nombreux faux pas des cuivres, permettant à ce concert de sortir de sa pénombre initiale.

 

Sarah Connolly ©Peter Warren

 

Un concert sans queue ni tête au TCE.  Ensemble orchestral de Paris, dir. Paul McCreesh.  Aleksandra Zamojska, soprano.

Les responsables de la communication de l’Ensemble orchestral de Paris n’ont décidément guère de respect pour les spectateurs qui se trouvaient, ce soir-là, devant un changement de programme, un changement d’interprète, sans en avoir été prévenus et sans avoir eu le choix de se faire rembourser !  Un programme faisant initialement partie d’un cycle Mahler, d’où Mahler avait disparu, remplacé par Beethoven et Haydn !  De plus, conception éminemment contestable du chef, une IXe Symphonie de Schubert interrompue par l’entracte (?) et des airs de concert de Haydn et Beethoven (?) de façon si incongrue que certains spectateurs se demandaient s’il n’existait pas une nouvelle version de cette symphonie avec voix !  Ces remarques étant faites, le concert s’est à peu près bien déroulé musicalement, avec une monumentale IXe Symphonie de Schubert dite « La Grande » parfaitement interprétée par l’orchestre sous la direction, toujours aussi atypique qu’efficace, de McCreesh.  Les airs de concert Berenice, chef ai ? de Haydn et Ah, perfido ! de Beethoven étaient l’occasion d’entendre la remarquable soprano Aleksandra Zamojska, totalement à l’aise vocalement et scéniquement dans ces airs difficiles.  Une soirée surprenante mais surtout, un chef et un Ensemble orchestral dont il faudra désormais vérifier la programmation avant chaque concert.

 

Aleksandra Zamojska ©DR

Patrice Imbaud.

 

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Musique entre Moyen Âge et Renaissance

Parallèlement à l’Exposition France 1500 / Entre Moyen Âge et Renaissance qui s’est tenue au Grand Palais, l’excellent Ensemble Entheos a donné, le 8 janvier 2011 - devant une foule qui emplissait l’auditorium des Galeries nationales jusqu’à la dernière place - un brillant concert permettant de dégager le « paysage musical » autour du chef de file, Josquin des Prés (ca 1450-1521).  Thierry Crépin-Leblond, conservateur et directeur du Musée d’Écouen, a situé ce complément sonore par rapport à l’Exposition et rappelé que les musiciens font partie de l’Europe de la Renaissance et que des instruments d’époque exposés pourront être entendus.

Pour souligner l’évolution du langage musical dans la sphère franco-flamande, le programme était conçu en deux parties.  La première : La sublime abstraction a permis d’entendre des œuvres religieuses et profanes de Jean Ockeghem, Josquin des Prés et Antoine de Févin.  La seconde : La forme au service du sens, a révélé des motets de Pierrequin de Thérache et Pierre Moulu, et la messe Verbum bonum de Jean Mouton, d’après P. de Thérache, entre autres.

En 2005, Benoît Damant, chanteur, a fondé l’Ensemble Entheos « qui tire son nom de la pensée de Platon ayant profondément influencé la Renaissance.  Enthéos signifie enthousiasme… », et c’est précisément cet enthousiasme que ce remarquable chef obtient de ses chanteurs et instrumentistes si judicieusement sélectionnés, enthousiasme associé à la sobriété, la transparence et la finesse indispensables à l’interprétation de la musique à la charnière entre le XVe et le XVIe siècle.

 

Édith Weber.

 

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Reprise de Luisa Miller à l'Opéra Bastille

Pour n'être pas le plus fréquenté des opéras de Verdi, Luisa Miller n'en mérite pas moins une écoute attentive.  Tirée de la pièce de Schiller, Kabale und Liebe, l'œuvre se veut intimiste.  D'un grand raffinement musical, elle privilégie un climat pastoral.  Ses trois parties, « amour, intrigue, poison » résument une action où évoluent des caractères typés.  La production de Gilbert Deflo, dans une décoration agréablement stylisée, est une réussite.  La distribution de cette reprise s'annonce prometteuse.

 

©DR

 

Opéra Bastille, les 7, 10, 17, 24, 26, 29 mars et 1er avril à 19h30 ; les13 et 20 mars à 14h30.  Renseignements : 130, rue de Lyon, Paris XIIe.  Tél. : 0892 89 90 90.  www.operadeparis.fr

 

 

Katia Kabanova de nouveau au Palais Garnier

C'est un « classique » de mise en scène que reprend l'Opéra de Paris : une vision actualisée du singulier huis clos d'une histoire étouffante de passions interdites au sein d'une société étriquée, que Janáček a empruntée à la pièce du poète russe Ostrosvki, L'Orage.  Christoph Marthaler a peut-être signé là sa meilleure réalisation, marquée au coin d'une formidable acuité dramatique.  Angela Denoke reprend le rôle-titre où elle a bien peu de rivales.  À ne pas manquer.

 

Leoš Janáček ©DR

 

Opéra Garnier, les 8, 12, 16, 21, 23, 29 mars, 1er et 5 avril, à 19h30.  Renseignements : angle rue Scribe / rue Auber, Paris Ier.  Tél. : 0892 89 90 90.  www.operadeparis.fr

 

 

L'affiche alléchante du Festival de Glyndebourne 2011

Le célèbre festival anglais, qui se déroulera du 21 mai au 28 août 2011, annonce une programmation fort attractive par sa diversité et ses choix artistiques.  Y seront présentées deux nouvelles productions et quatre reprises.  Au titre des nouveautés, l'incontestable événement est la « création » in loco de Die Meistersinger von Nürnberg de Wagner, concrétisant enfin le vœu du fondateur du festival, John Christie, un admirateur inconditionnel du maître de Bayreuth.  Après la production acclamée de Tristan et Isolde, Les Maîtres devraient conquérir le public dans la mise en scène de David McVicar et la direction du directeur musical du festival, Vladimir Jurowski conduisant le LPO.  L'écrasant rôle-titre sera interprété par le baryton britannique Gérald Finley (21 mai-26 juin).  Autre nouvelle production, s'inscrivant dans la prestigieuse série des opéras de Haendel présentés à Glyndebourne, Rinaldo sera défendu par une équipe artistique de haut vol : Robert Carsen à la mise en scène et Ottavio Dantone pour la direction d'orchestre, The Orchestra of the Age of Enlightenment (OAE) en l'occurrence, une formation idéale pour interpréter ces pages.  Dans la distribution, on remarque Sonia Prina et Sandrine Piau (2 juillet-22 août).

 

©DR

 

Au titre des reprises, la mise en scène avant gardiste et fellinienne de Jonathan Kent de Don Giovanni sera, cette fois, dirigée par le jeune chef Robin Tacciati - qui doit peu après faire ses débuts au Festival de Salzbourg dans Le Nozze di Figaro.  Il conduira l'OAE (22 mai-12 juillet).  L'Elisir d'Amore, dans l'amusante production de Annabel Arden, revivra sous la baguette de Enrique Mazzola, avec l'émoustillante Danielle de Niese et le ténor américain Stephen Costello pour incarner les deux protagonistes amoureux (9 juin-4 août).  Le chef-d'œuvre opératique de Dvořák, Rusalka, reviendra aussi à l'affiche dans la production imaginative de Melly Still, sous la baguette de Sir Andrew Davis, retour attendu de celui qui fut ici directeur musical de 1989 à 2000 (23 juillet-27 août).  Enfin, The Turn of the Screw de Britten conclura la saison dans un formidable huis clos imaginé par Jonathan Kent, la direction d'orchestre étant assurée par le chef tchèque Jakub Hrůša, et alignant, là encore, un cast choisi, dont le ténor Toby Spence et la soprano Kate Royal (11-28 août).

Renseignements : À partir du 26 mars 2011.  Tél. : 00 44 (0)1273 813 813.  www.glyndebourne.com

 

 

La Cendrillon de Massenet renaît de ses cendres à l'Opéra Comique.

Jules Massenet aura exercé sa faconde créatrice dans les genres les plus divers, abordant même celui de l'opéra féerie, très prisé de son temps.  Le conte de fées Cendrillon a été créé à l'Opéra Comique en 1899, dans un théâtre peu avant réouvert et doté des derniers aménagements techniques.  Il y revient enfin.  D'après Charles Perrault, il puise aussi à la belle tradition des contes littéraires qui fleurissait à la fin du XIXe siècle.  Faisons confiance au metteur en scène Benjamin Lazar et à ses acolytes (à qui l'on doit un Cadmus et Hermione d'anthologie) pour habiter visuellement les péripéties d'un sujet mêlant féerie et fantastique, et à Marc Minkowski pour tirer le meilleur d'une partition ambitieuse.

 

©DR

 

Opéra Comique : les 5, 7, 9, 11 et 15 mars 2011 à 20h00 ; le 13 mars à 15h00.  Renseignements : 1, place Boieldieu, Paris IIe.  Tél. : 0825 01 01 23.  www.opera-comique.com

Jean-Pierre Robert.

 

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PIANO

Angela Hewitt’s Bach Book for piano.  Boosey & Hawkes (www.boosey.com) : BH 12258.   23,1 x 30,3 cm, 68 p.  15,95 € H.T.

Cette fort originale publication comporte six hommages à Jean-Sébastien Bach, commandés par la célèbre pianiste Angela Hewitt à : Brett Dean, Robin Holloway, Elena Kats-Cherninn, Dominic Muldowney, Kurt Schwertsik & Yehudi Winer.  Toutes nouveautés auxquelles sont adjointes des transcriptions de pages célébres du Cantor, signées Angela Hewitt, Herbert Howells & William Walton.  Niveau : intermédiaire à avancé.

 

 

Nils FRANKE (Édité par) : Anthologie du piano classique, vol. 1.  Schott Music (www.schott-music.com) : ED 13234.  CD encarté.  23,1 x 30,3 cm, 42 p.  14,95 € H.T.

Dans ce premier volume d’une série qui en comportera quatre, sont proposées 30 œuvres originales, classées par ordre croissant de difficulté (de très facile à facile), signées Mozart, Diabelli, Haydn, Hummel, Beethoven, Weber, Hassler, Cramer, Muller, Schubert, Steibelt… Notices d’interprétation pour chaque pièce, avec biographie des compositeurs.  Pièces interprétées, sur le CD, par Nils Franke (TT : 27’00).

 

 

VIOLON

Irmhild BEUTLER & Sylvia Corinna ROSIN : Advent, advent !  Chants de Noël et d’hiver pour le violon.  Très facile.  Breitkopf Pädagogik (www.breitkopf.de) : EB 8827.  28 p., ill. couleurs : Marlies Walkowiak.  12,50 €.

À tout violoniste débutant, ce joyeux album propose, de manière progressive, 17 chants de Noël ou d’hiver, jouables en première position (textes en seul allemand).  Avec second violon et/ou piano (ou guitare), dans d’habiles arrangements signés Ulrike Wildenhof (une précédente édition était parue, en 2009, pour flûte à bec).  L’album inclut un cahier séparé pour le piano.

 

 

ACTIVITÉS MUSICALES

Annie BACHELARD, Daniel COULON & Jean-Paul LOISY : Musique au quotidien, de la Maternelle au CE1.  Scérén/CRDP-Bourgogne (http://crdp.ac-dijon.fr).  20,5 x 29 cm, 290 p., partitions, ill. n&b, 2 CDs.  69 €.

Pour tout enseignant de la Maternelle au CE1, voilà qui sera une précieuse mine d’activités musicales à lier aux autres activités de la classe, plus particulièrement à la lecture.  Outre des précisions concernant la mise en œuvre pédagogique, l’ouvrage propose 8 étapes comprenant 102 fiches pédagogiques & leurs documents annexes (partitions, illustrations) ainsi que 2 CDs (chansons, œuvres musicales + extraits sonores nécessaires à la mise en œuvre des séquences pédagogiques).  Le respect de la chronologie des fiches n’est toutefois qu’une possibilité parmi d’autres.  Un outil remarquable !

 

 

CHANSONS

Thibault MAILLÉ : Ménagerimes, 26 chansons pour voix d’enfants & piano, sur des poèmes de Joël Sadeler.  Didier Jeunesse (www.didierjeunesse.com).  18 p.  23,40 €.

De A comme Araignée, à Z comme Zébu, que voilà un plaisant abécédaire animalier, ludique et coloré, sur de ravissantes mélodies (parfois arrangées à 2 voix), avec un accompagnement de piano fort bien écrit !  Où se succédent les 24 tonalités des modes majeur et mineur.  Cycle en miroir, les 13 dernières chansons faisant fort habilement écho aux 13 premières…  Un enregistrement, par Jacques Haurogné, est également disponible (23,5 €).

 

 

 

GUITARE

Frank GRAZIANO : Devenez guitariste.  Co-édition Eyrolles/Carisch (www.editions-eyrolles.com).  Quadri, cartonné à spirales, 23 x 28,5 cm, 140 p. + DVD.  25 €.

Voilà qui permettra à tout guitariste débutant d’apprendre à jouer aisément 13 morceaux, à la manière de quelques groupes de référence : Cranberries, Coldplay, Oasis, Rage, The Verve, Green Day, Ben Harper, Muse, Radiohead, White Stripes, Lenny Kravitz, Nirvana, Red Hot Chili Peppers.  Chaque pièce est expliquée, illustrée de photos & de croquis, enrichie d’exercices et accompagnée d’une vidéo didactique sur DVD.  Ensemble judicieusement assorti de conseils quant au choix d’un instrument et de ses accessoires…

 

 

Patrick PFEIFFER : La guitare basse pour les nuls.  Adaptation française : Giselle Foucher.  First Editions (www.editionsfirst.fr).  19 x 23 cm, 330 p., tablatures, ex. mus., ill. n&b, CD inclus.  22,90 €.

Huit parties composent ce fort éclairant manuel : Le monde du point de vue de la basse / Les basse-iques du jeu / Allez plus avant, créez des grooves… / Utiliser l’accompagnement correct pour chaque style (jazz, rock, R&B, dance, bossa-nova, reggae…) / Tendresse, amour et attention pour votre basse / Où et comment acheter une guitare basse ? / Les 10 incontournables / Annexes (comment utiliser le CD…).  Une approche sans complexe.

 

Francis Cousté.

 

CHANT

Steve WARING & Alain GIBERT : À vous la chanson ! Le Chant du Monde (pianco@chantdumonde.com) : FK 4639.  59 p.

Cette invitation à la chanson, accompagnée d’une discographie et d’une bibliographie (livres & partitions, site Internet) est irrésistible, grâce aux paroles et aux musiques de l’Américain Steve Waring et du Français Alain Gibert.  Le répertoire varié est destiné aussi bien aux amateurs qu’aux professionnels, aux écoles élémentaires qu’aux écoles de musique.  La facture mélodique et les tempi sont ciblées pour les voix d’enfants.  Certaines chansons nécessitent un accompagnement instrumental (guitare, éventuellement piano) assurant un soutien harmonique.  D’autres peuvent être interprétées a cappella.  Les titres de ces 31 textes sont classés dans l’ordre alphabétique, allant de Bâtons de pluie à Ukulele, en passant par Grand mère pomme verte, Ogresse, Papa Ours, Le ramoneur rouge…, révélant l’inventivité et l’imagination des deux auteurs.  Original, désopilant, inventif : à vous de chanter !

 

 

QUATUOR À CORDES

Nicolas BACRI : Quatuor à cordes n°6, op.97.  Le Chant du Monde (pianco@chantdumonde.com) : MC 4504.  28 p. (+ parties séparées).

Après avoir largement diffusé des partitions du « 20e siècle », les Éditions du Chant du Monde ont lancé la Collection « 21e siècle ». Le Quatuor à cordes n°6 de Nicolas Bacri date de 2005. Le compositeur, né en 1961, a été l’élève de Cl. Ballif, M. Philippot, S. Nigg et M. Constant. Premier Prix de Composition musicale (1983), après son séjour à la Villa Médicis, il se distinguera par plusieurs Prix et sa carrière internationale. D’abord adepte de la musique atonale, il revient progressivement au sentiment tonal dans ses compositions. Pour lui, l’exigence formelle prédomine, sans pour autant nuire au lyrisme. Dans cette partition, la saisie indique l’usage des altérations (notamment des bécarres), les nuances voulues par le compositeur, les tempi et la dynamique. L’édition pour quatuor comprend aussi les parties séparées pour chaque instrument. À vos archets pour rendre hommage à ce musicien si attachant.

 

Édith Weber.

 

FORMATION MUSICALE

Chantal BOULAY & Dominique MILLET : A Tempo.  Cours complet de formation musicale. Vol. 7. 2e cycle, 3e année. 1 vol. écrit, 1 vol. oral, 1 fascicule de corrigés. Billaudot : G 8369 B.

Nous avons déjà dit tout le bien que nous pensions de cette méthode extrêmement complète et très pédagogique. Le contenu en est riche et comporte tous les aspects souhaitables pour un harmonieux développement musical des élèves.  Rien n’est laissé dans l’ombre, depuis la lecture de notes pratiquée « in situ », c'est-à-dire sur des extraits d’œuvres, jusqu’au commentaire d’écoute et à l’audition, sans oublier théorie et analyse.

 

               

 

PIANO

Red RADOJA : La chanson des Garrie.  Suite pour piano.  Armiane (www.armiane.fr: EAL467.  Distr. Fortin.

Ce jeune compositeur et pianiste albanais semble doté de tous les talents puisqu’il est également l’auteur du dessin original de la couverture.  La préface de Jacques Viret situe bien l’œuvre : faisant allusion à Bartók, il situe Red Radoja dans la lignée de ces compositeurs pour qui la musique populaire est une source vitale mais qui, loin du folklorisme, en font leur miel pour y trouver un langage original.  Sept pièces illustrent une histoire racontée par l’auteur.  Il ne s’agit pas d’illustration mais d’évocation. L’écriture est celle d’un pianiste connaissant toutes les ressources et couleurs de l’instrument. Souhaitons que cette première œuvre soit suivie de beaucoup d’autres.

 

 

ORGUE

Didier MATRY : 14 Méditations pour orgue.  Armiane : EAL438.

Bien que l’auteur soit titulaire du grand-orgue de Saint Augustin à Paris, ces pièces ne demandent pas un instrument très important.  Ces quatorze très courtes méditations portent bien leur nom et trouveront aisément leur place aussi bien au concert qu’à l’office.  Chacune a son climat, son atmosphère.  Ce sont autant de petits bijoux à découvrir.

 

 

ALTO

Max MÉREAUX : Bella Donna pour alto seul.  Armiane : EAL506.

Le sous-titre : « Méditation sur Belle qui tient ma vie (pavane du XVIe siècle) » indique le propos de l’œuvre.  La méditation se déroule entre deux énonciations de la pavane, tandis que des fragments reparaissent tout au cours de l’œuvre qui déploie toutes les techniques contemporaines de l’instrument au service d’un chant profondément expressif.

 

 

VIOLONCELLE

Léonello CAPODAGLIO : Air pour quatre violoncelles.  Armiane : EAL482.

Cette très agréable pièce permettra à quatre jeunes violoncellistes de goûter les joies de la musique de chambre sans être paralysés par les difficultés techniques.  Chaque partie chante, dialoguant avec ses partenaires, même si le premier violoncelle a un rôle prééminent.  Il se dégage de cette œuvre une atmosphère de paix et de tendresse.

 

 

FLÛTE

Michel LÉGER : Comme un ruisseau pour flûte en ut & piano.  Niveau préparatoire.  Lafitan : P.L.2066.

Cette courte pièce possède un caractère à la fois bucolique et sautillant qui convient parfaitement.  Le piano ne se contente pas d’accompagner mais dialogue vraiment avec le flûtiste.  Cette pièce permet donc un vrai travail de musique de chambre que professeurs et élèves apprécieront.

 

 

Michel LÉGER : La belle de qualité pour flûte en ut & piano.  Niveau élémentaire.  Lafitan : P.L. 2067.

Voilà une « belle » gracieuse à souhait, pleine de légèreté et de vivacité, dont le partenaire semble être également un homme « de qualité ».  Pianiste & flûtiste se devront de rivaliser d’élégance pour être, tous deux, du « bel air »…

 

 

Jean-François PAILLER : Little story pour flûte en ut & piano.  Niveau élémentaire.  Lafitan : 1988.

Cette courte pièce descriptive commence par un dialogue entre flûte & piano, partenaires d’une valse.  Suit une partie sautillante… Le tout se termine par une danse en mouvements syncopés.  Pas si facile pour les deux protagonistes, mais tellement charmant…

 

 

HAUTBOIS

Max MÉREAUX : Melodia pour hautbois seul.  Armiane : EAL504.

Cette Melodia porte bien son nom, se déroulant comme une rhapsodie lyrique avec, à son service, les techniques contemporaines de l’instrument.  Alternant tempo rapide et passages plus libres, elle convient au timbre toujours empreint de mélancolie du hautbois.

 

 

Vincent FRIBERG : Aubade, Fantaisie, Heureuse rencontre, Valse en lab, Romance en faArmiane : EAL499.

Ces cinq pièces relativement faciles de Vincent Friberg ont l’immense avantage de ne pas être non plus trop difficiles pour le piano : deux élèves pourront donc les jouer avec profit.  Le langage est classique, les mélodies faciles à retenir.  Souhaitons beaucoup de plaisir aux jeunes instrumentistes qui interprèteront ces charmants tableautins.

 

 

Anže ROZMAN : Danse de la luciole, Tarentella.  Armiane : EAL484.

Ces deux pièces d’un jeune compositeur slovène montrent déjà une grande maturité et une véritable originalité de langage.  La Danse de la luciole est pleine de charme et de poésie, la Tarentella ne démentit pas son titre et nous entraîne dans une danse endiablée, certainement inspirée par des échos de danses slovènes. Le hautbois semble particulièrement adapté à ces deux pièces.

 

 

Christine MARTY-LEJON : Carrousel bordelais pour hautbois & piano.  Cycle 1.  Lafitan : P.L. 1985.

Avec en exergue la première strophe du poème de Verlaine Tournez, tournez, bons chevaux de bois, cette pièce ne pouvait manquer de charme.  Elle tient ses promesses, la partie de piano assurant le côté un peu mécanique du manège, le tout sans grande difficulté pour les interprètes.

 

 

Max MÉREAUX : Au soleil du soir pour hautbois & piano.  1er cycle.  Lafitan : P.L. 2099.

À ce titre un peu mélancolique correspond une très jolie mélodie, soutenue par une partie de piano très proche d’un célèbre prélude de J.S. Bach (non, pas celui en do majeur, celui en do mineur…).  Bref, de quoi exercer les qualités expressives du hautboïste et la délicatesse de toucher de son accompagnateur.

 

 

CLARINETTE

Rémi MAUPETIT : Karinette pour clarinette en sib & piano.  2e cycle.  Lafitan : P.L. 1992.

Rémi Maupetit nous propose ici une pièce très fraîche et plaisante.  Elle se présente en deux parties séparées par une cadence volubile. Il s’agit d’un joli portrait avec une partie de piano très abordable par un élève.

 

 

Michel NIERENBERGER & Valentin NIERENBERGER : Barcarolle et Pavane.  Niveau élémentaire.  Lafitan : P.L. 2019.

Les auteurs précisent bien qu’il s’agit d’une pièce en deux mouvements : il y a donc une réelle unité entre ces deux parties.  Après une barcarolle un peu nostalgique, la pavane n’est nullement destinée à une infante défunte mais est au contraire joyeuse et légère.  Cette mini-suite donne au piano un rôle de partenaire à part entière qui permet une véritable initiation à la musique d’ensemble.

 

 

TROMPETTE

Émile LELOUCH : Sine nomine pour trompette & piano.  Combre : C06712.

De niveau moyen et DFE, cette œuvre d’un compositeur chevronné se déroule en un flux ininterrompu, avec certains passages plus lents, qui cependant ne rompent pas le déroulement dansant de l’ensemble.  Cette œuvre, musicalement très intéressante, fait appel à toutes les qualités de l’instrumentiste.

 

 

Pascal PROUST : Aleria.  Petite suite pour trompette ou cornet solo.  Combre : C06655.

Écrite pour les jeunes élèves de fin de premier cycle, cette suite en sept courts mouvements pour trompette seule est un « exercice-jeu ».  Destinée à permettre à l’élève d’aborder les nouvelles techniques d’écriture musicale de façon non rébarbative, elle peut donner lieu à un mini-spectacle, chaque mouvement illustrant un épisode de la vie romaine (200 ans av. J.C.) de la ville d’Aléria, en Corse : lieu, personnages, poursuite… L’imagination peut se donner libre cours !

 

 

COR

Pascal PROUST : Arkeos.  Petite suite pour cor solo.  Combre : C06704.

Voici, pour le cor, le pendant de la petite suite pour trompette présentée ci-dessus.  Là encore, l’élève fait connaissance avec les signes de l’écriture contemporaine à travers de petites scènes situées dans un lieu indéterminé de la Grèce antique qu’il pourra relier par une histoire à inventer, lui permettant de donner libre cours à son imagination.

 

 

Piotr MOSS : Form XIII pour 4 cors en fa.  Delatour : DLT0944.

De niveau difficile à très difficile, cette pièce, d’écriture résolument classique, alterne moments mélodiques et rythmiques.  Construite en courts épisodes, elle offre une grande variété et exploite à fond toutes les ressources de l’instrument.

 

 

MUSIQUE DE CHAMBRE

Gréco CASADESUS : Le passeur de brumes pour saxo

 



Jean-Claude YON : Jacques Offenbach.  NRF/Gallimard, « Biographies ».  797 p.  35 €.

La littérature commise sur Jacques Offenbach, du moins récente et en langue française, n'est pas très abondante.  Aussi la monographie que lui consacre Jean-Claude Yon est-elle la bienvenue.  Car célébrité d'un compositeur, voire, dans son cas, d'un genre musical, l'opérette, ne veut pas nécessairement dire exacte connaissance de celle-ci.  Malgré son succès, des pans entiers de l'œuvre de l'auteur de La Belle Hélène restent méconnus et même à redécouvrir.  Cette richesse foisonnante au milieu d'une époque emportée dans le tourbillon de l'histoire politique et artistique, l'auteur nous la fait toucher du doigt.  On ne saurait être plus exhaustif pour retracer le cheminement d'un musicien né allemand, français de cœur et d'adoption, qui a su méthodiquement asseoir sa notoriété et bâtir solidement un empire musical d'une envergure peu commune, même à l'époque pourtant fertile et brillante du milieu du XIXe siècle, et qui saura rebondir après la défaite de Sedan.  Spécialiste du Second Empire, l'auteur, qui a puisé à de nombreuses sources peu exploitées jusqu'alors, voire même inédites, retrace au fil d'une rigoureuse chronologie, la genèse comme la destinée, fortune ou échec, de chacune des œuvres scéniques d'Offenbach, la replaçant dans son contexte biographique et artistique.  Ainsi des pièces en forme d'essai jusqu'aux premiers succès, des grands triomphes, savamment entretenus au fil de reprises, tant en France qu'à l'étranger, jusqu'au triomphe posthume des Contes d'Hoffmann sur la scène si convoitée de l’Opéra Comique.  C'est que le maître a livré une patiente mais irrésistible conquête des théâtres parisiens, des Bouffes-Parisiens à La Gaîté, en passant par Les Variétés.  Les traits de caractère de l'homme sont dessinés à travers un tournoiement incessant d'activités : soucieux de construire son personnage et d'entretenir sa réputation, plus ou moins satanique aux dires de certains contemporains, démiurge certainement, et nul doute, le premier chantre de la communication des temps modernes.  L'auteur ne néglige rien : du montant des recettes quotidiennes au portrait des interprètes favoris du musicien, du climat électrique des répétitions aux avis, souvent partagés, qui ponctuent chaque Première, tout un luxe de détails émaille un récit vivace et généreux comme la musique de celui qu'il honore.

 

 

Barbara HENDRICKS : Ma Voie.  Mémoires.  Les Arènes.  492 p.  24,80 €.

La cantatrice américaine Barbara Hendricks a choisi de se raconter, sans fard, avec naturel, comme elle est à la vie, à la scène.  Un enfance, tout sauf facile dans le sud des États-Unis pendant la ségrégation, va développer chez elle une inébranlable volonté de bien faire, un total refus de la compromission, un amour éperdu de liberté.  Sa quête d'absolu en fait un esprit libre, car « le voyage sans fin vers une inaccessible perfection compte davantage que la destination » et « on est toujours en route ».  Elle rejoint celle de vérité, « dans ma vie comme art et dans mon art comme vie », à l'instar de sa propre marque de disque qu'elle va créer en 2005, Arte Verum, pour assumer ses propres choix, après bien des années passées à enregistrer chez un des grands majors.  Elle évoque ses rencontres décisives, que ce soit avec la grande chanteuse Jennie Tourel, plus qu'un professeur, une conseillère, les chefs d'orchestre Karajan, Giulini ou Bernstein, mais aussi des hommes politiques, Kofi Annan, Bill Clinton ou Václav Havel.  Ce qui force l'admiration : sa générosité envers collègues et amis, sa parfaite lucidité quant à son art et ses propres capacités personnelles et artistiques, car elle a tout de l'anti-diva.  Le regard est lucide sur une carrière maintenant riche de quelque quarante ans, consacrée tant à l'opéra qu'à l'art suprême du récital qu'elle chérit par dessus tout, car là il est impossible de tricher avec soi-même.  Elle s'explique surtout sur son engagement pour la cause humanitaire auprès du HCR, en qualité d'ambassadeur de bonne volonté, fonction qu'elle investit désormais pleinement, au même titre que sa carrière musicale.  Le récit est vif, sans concession vis-à-vis de ceux qu'elle considère comme mus plus par l'argent que par la promotion des vraies valeurs humaines et des idées de justice, toujours dénué de complaisance, n'hésitant pas refuser telle proposition qu'elle juge risquée ou à qualifier d'imposteurs ceux côtoyés qui « sont dans le paraître », par opposition aux « gens vrais, ceux qui sont dans l'être ».  Ce qui vaut quelques portraits habilement esquissés de proches, de partenaires ou d'autres musiciens.  Un CD d'airs choisis complète en musique ce parcours singulier où cohabitent la chanteuse et la militante.

 

 

Piotr KAMINSKI : Haendel, Purcell et le Baroque à Londres.  Le guide de tous leurs opéras.  Le Livre de Poche, « Références ».  320p.  6,95€.

Piotr KAMINSKI : Le bel canto.  Rossini, Bellini, Donizetti...  Le Livre de Poche, « Références ».  480 p.  7,50 €.

Voilà deux guides fort utiles qui feront le bonheur aussi bien de l'amateur éclairé qui a toujours quelque chose à vérifier dans son jardin secret d'opéras, que du mélomane avide de découvrir et de se préparer à la représentation.  L'importance actuelle de l'offre (même en salle de cinéma désormais) justifie ce type d'ouvrage qui dépasse avantageusement l'analyse circonstanciée de la pochette de disque ou le style froid du dictionnaire.  Tiré de l'ouvrage que Piotr Kaminski a consacré aux 1001 opéras (Fayard, 2003), ces volumes centrés, d'une part, sur le baroque anglais, d'autre part, sur le bel canto apparaissent indispensables pour une approche rapide mais compréhensive.  Chaque opéra est abordé de manière exhaustive selon la même méthode : d'abord l'argument, résumé acte par acte, avec quelques bienfaisants points de repères ; ensuite une histoire de l'œuvre, genèse et carrière, notamment pour ce qui est de la création et des reprises à l'époque moderne ; enfin, une analyse de l'œuvre : caractéristiques musicales, moments essentiels de la pièce, ses singularités au sein de la production du musicien, etc.  Comme le souligne Gérard Courchel dans sa préface, ces livres se distinguent avant tout par la rigueur de l'auteur, sa passion évidente aussi, qui ne l'empêche pas d'être objectif, et la facilité d'accès pour le lecteur.  D'autant que le propos ne verse pas dans le jargon de spécialiste.  Aussi saluera-t-on l'entreprise qui nous vaut de pouvoir saisir, par exemple, les traits essentiels des innombrables opéras de Haendel et de quelques oratorios désormais aussi portés à la scène ; comme des pièces moins connues de l'âge d'or du bel canto qui est loin de se limiter au Barbier de Séville ou à Norma.  On pardonnera une erreur (La Pietra del Paragone a été représentée à Paris, en 2006, non au Théâtre des Champs-Élysées, mais à celui du Châtelet), pour regretter dans le second volume une absence, celle de Spontini dont, parmi d'autres, une œuvre comme La Vestale eût mérité de figurer.  Mais ce type d'ouvrage conduit nécessairement à opérer des choix : si John Blow a sa place aux côtés d’Henry Purcell, celle de Carlo Coccia relève du luxe dans ce panoptique belcantiste !  Alors qu'à n'en pas douter, l'éditeur se doit de poursuivre cette approche didactique, qu'il soit permis de souhaiter que l'auteur s'attache encore à expliciter de la sorte les opéras du répertoire baroque français, Lully, Rameau, bien sûr, mais aussi Philidor, Grétry, et tous ces maîtres de l'opéra-comique qu'on ressuscite fort justement, ces temps.  Et que dire de Vivaldi, dont on exhume peu à peu les trésors théâtraux aussi bien au disque qu'à la scène.

 

Le Bel Canto                Le Baroque anglais : Haendel, Purcell et les autres

Jean-Pierre Robert.

 

Jacques BARBIER : Josquin Desprez.  Paris, Bleu Nuit, 2010.  30 €.

Enfin, sur l’un des plus grands compositeurs de l’histoire, la somme attendue depuis… des siècles ! Qu’il œuvre au service de l’église ou de la cour, à la gloire de Dieu ou pour le plaisir des hommes, illustrant les genres majeurs de son époque, Josquin Desprez aura fait preuve, tout au long de sa carrière, d’une inspiration intarissable.  Faisant, de la sorte, place nette pour le renouveau musical qui se joue à Paris, à Rome, à Venise, en Angleterre, en Espagne, en Allemagne.  Cependant, en dépit de l’immense célébrité qui fut la sienne, sa vie est assez peu documentée ; aussi, grand est le mérite de cet ouvrage qui opère la synthèse de tous les acquis et soumet à un crible exigeant toutes les sources, rappelant dans le même temps à quel point le génie de ce musicien français coïncide avec les exigences de la Renaissance européenne.  Baignant dans le foyer romain, Josquin nuance de lyrisme son génie au contact de l’école mélodique italienne, ce qui, joint à l’intensité expressive et à la clarté formelle de son discours musical, en fait le fondateur d’un style international, dont sa propre production, étendue sur un demi-siècle, montre la prodigieuse fécondité.  Le goût pour l’écriture canonique et pour les calculs contrapuntiques y est évident, mais jamais cette préoccupation ne limite l’intensité expressive, lyrique, dramatique.  L’analyse de toutes les pièces connues, une biographie érudite, un catalogue complet… c’est cela qu’offre, au gré de ses presque 300 pages (on saluera au passage l’audace et l’efficacité des éditions Bleu Nuit), l’ouvrage de Jacques Barbier.  C’est d’ailleurs à ce grand spécialiste de la Renaissance (au double titre d’universitaire et de chef de chœur) qu’il appartient de conclure : « À l’heure où musique et musicologie s’allient et que les études josquiniennes rencontrent la pratique musicale, dans une période qui voit fleurir de nouvelles éditions musicales et des groupes spécialisés de musique ancienne, on ne peut que souhaiter une actualité sonore encore plus riche et diversifiée pour les exécutions de la musique de Josquin Desprez. »  Un souhait que ce magnifique opus ne peut que puissamment étayer !

 

Gérard Denizeau.

 

Claire GIBAULT : La musique à mains nues.  Itinéraire passionné d’une femme chef d’orchestre.  L’Iconoclaste & France Musique.  230 p.  20 €.

Un livre, comme une confession, aux confidences parfois pesantes, un parcours initiatique menant de l’Ego à l’Alter, un témoignage sur la difficulté d’être à la fois femme et chef d’orchestre.  Une écriture parfois maladroite, un ton parfois drôle et émouvant mais toujours passionné et sincère.  Une autobiographie qui dépasse souvent le cadre de la musique pour envisager des problèmes comme la spiritualité, l’adoption et la politique. Un livre intéressant, à lire assurément, qui trouvera sans doute son public.

 

Patrice Imbaud.

 

Gerhard SCHILDBERG : Jean-Jacques Werner.  L’heureuse évolution d’une carrière artistique.  Traduction (libre) de : Fredy Langermann, Jean-Jacques Werner.  Die geglückte Aufwärtsbewegnung einer künstlerischen Existenz.  Strasbourg/Kehl (Fleckenhofenstrasse 9, D-77694 Kehl-Zierolshofen).  17 p.-XV p.

Cette plaquette bilingue va droit à l’essentiel : origines et traditions familiales, affinités religieuses, vie quotidienne, influence décisive de Fritz Munch - directeur du Conservatoire de Strasbourg - et du docteur Albert Schweitzer, enracinement en Alsace, mais aussi large ouverture d’esprit aboutissant à sa carrière parisienne, puis internationale : autant de témoignages d’un de ses amis de toujours qui a suivi les étapes du chef et compositeur jusqu’à « son retour en Alsace ».  Ajoutons que, même « rentré au pays », J.-J. Werner poursuit assidument ses engagements esthétiques.

 

 

Jérôme ROSSI : Frederick Delius ou une célébration de la vie.  Troinex/Drize, Genève, Éditions Papillon (editionp@worldcom.ch), « Mélophiles » n°24, 253 p.  26 €.

Toujours soucieuses de présenter des compositeurs rarement traités, les éditions Papillon ont retenu Frederick Delius (1862-1934).  Jérôme Rossi plonge les lecteurs dans sa vie et ses œuvres déjà largement diffusées et enregistrées ; il s’appuie sur la biographie (1972) en anglais par Alan Jefferson et sur une vaste correspondance publiée par Lionel Carley : A Life in Letters (1988).  L’auteur considère le compositeur comme « le dernier grand apôtre de notre temps dans l’expression musicale de l’amour, de l’émotion et de la beauté ».  Ce livre suit la chronologie, évoque son enfance en Angleterre marquée par une « vocation contrariée », ses années d’apprentissage : prélude à « une vie pour la musique » en Floride, à Leipzig, à Paris, avec une incursion à Londres.  Dès 1896, le public s’intéresse à ses premières compositions, en marche vers la maturité et la gloire.  Pendant l’après-guerre (1919-1927), sa réputation va grandissante, avec un sommet, le « Delius Festival ».  Influencé par Fr. Nietzsche, il cherche à profiter de l’instant pour se réaliser.  Ses premières œuvres se réclament du romantisme, puis il est attiré par Wagner.  Toutefois, sa musique mise sur l’émotion, car : « être purement cérébral est facile, émouvoir de manière profonde et sincère est difficile ».  Étayée d’analyses judicieuses, complétée par le Catalogue des œuvres aux titres variés et révélateurs, une Bibliographie (essentiellement en anglais), une Discographie sélective et un abondant Index, cette première monographie française est élaborée par un auteur passionné qui réussit pleinement à communiquer aux « Mélophiles » sa passion pour Fr. Delius.

 

 

Philippe CATHÉ, Sylvie DOUCHE & Michel DUCHESNEAU (dir.).  Marie-Hélène BENOIT-OTIS (éd.) : Charles Koechlin, compositeur et humaniste.  Paris, Vrin, « MusicologieS », 609 p.  44 €.

Si Charles Koechlin (1867-1950) est réputé chez les élèves pour son Traité d’Harmonie et, plus encore, pour son Traité de l’orchestration, son œuvre de compositeur et ses qualités humanistes sont généralement moins connues, et c’est l’un des mérites de cet ouvrage collectif paru chez Vrin, dans la nouvelle collection « MusicologieS », à l’initiative de Malou Haine et de Michel Duchesneau (cf. Lettre d’information, janvier 2011, p.62).  Ce livre monumental est structuré en 6 parties : Musique et société ; Esthétique et composition ; Langage musical ; Cinéma et films imaginaires ; Le musicien et ses contemporains ; Témoignages.  Les trois directeurs ont fait appel à une vingtaine de spécialistes d’histoire de la musique, d’analyse, d’écriture musicale et de cinéma.  Tous ces auteurs procèdent à une véritable « défense et illustration » de Charles Koechlin, musicien original, indépendant, qui s’est intéressé aussi bien à l’histoire et à la philosophie qu’à l’esthétique, l’art et la photographie, entre autres.  Ils le situent dans son contexte historique, par rapport à ses contemporains et à la société de son temps.  Complété par des documents, des citations du maître, des autographes, l’Index des noms et des œuvres, la Biographie des auteurs (toutefois la Bibliographie sur Ch. Koechlin est absente).  En fait, la conclusion de l’ouvrage se trouve paradoxalement dans l’Introduction, où les trois directeurs situent et présentent « Ch. Koechlin compositeur et humaniste » et où Otfrid Nies résume sa biographie et propose un parcours de son œuvre.  Quoi qu’il en soit, cette approche très complète projette un éclairage global sur ce penseur et théoricien qui a marqué l’esthétique et la pensée musicale dans la première moitié du XXe siècle.

 

 

Myriam SOUMAGNAC (éd.) : Paris Prague.  Voyage musical en compagnie de Guy Erismann.  Sampzon, Delatour France (infos@editions-delatour.com) : DLT 1864. 2010, 198 p. (+ CD encarté).  20 €.

Guy Erismann (1923-2007) est, en France, le spécialiste incontesté de la musique tchèque.  Sa passion pour Leoš Janáček, ses qualités professionnelles, ses émissions radiophoniques et ses recherches ont marqué toute une génération de mélomanes.  Nul n’était mieux qualifiée que Myriam Soumagnac pour évoquer la vie et la carrière de son ami, discothécaire, directeur du programme musical de France Culture et auteur soucieux de mettre en valeur la « réalité musicale tchèque ».  Elle retrace l’histoire de la musique tchèque selon les jalons posés par G. Erismann, et situe son parcours dans le cadre de ses préoccupations méthodologiques et analytiques et de son entreprise à la fois pédagogique et nationaliste mettant en valeur l’identité nationale révélée, entre autres, par A. Dvořák, puis L. Janáček et B. Martinů. Ce voyage musical est complété par 27 hommages et témoignages particulièrement émouvants ainsi que de nombreuses photos historiques.  Un disque original permet d’entendre la voix de G. Erismann, des pages vocales et pour cordes, typiques du paysage musical tchèque.  Voilà une remarquable invitation au voyage et à la découverte de l’enseignement du regretté Guy Erismann.

 

 

Paul-André DEMIERRE : Les opéras napolitains de Rossini.  À la lumière de la critique et des chroniques de l’époque.  Papillon (route d’Annecy 46, 1256 Troinex/Drize, Genève www.editionspapillon.ch), « Mélophiles, n°25 », 283 p.

Ces neuf opéras se présentent, en quelque sorte, comme un antidote à l’opera seria considéré par certains comme un genre ennuyeux.  P.-A. Demierre va droit aux sources : critiques, chroniques de l’époque où les chanteurs faisaient preuve d’une virtuosité phénoménale, notamment à Naples, au Teatro San Carlo.  Au fil des années, ces opéras - faute de combattants - ayant disparu des programmes, mais, vers 1950, grâce à Maria Callas et d’autres « coloratures », sont revenus à l’affiche.  Après avoir évoqué la genèse, proposé un synopsis de chacune des œuvres (Otello, Mosè in Egitto…), l’auteur met l’accent sur l’aspect visuel spécifique (des décors aux maquillages), sur la typologie vocale, l’originalité des neuf opéras, les influences assimilées, les caractéristiques du langage rossinien.  Figurent, entre autres, un très utile Glossaire des termes techniques, une Bibliographie, la recension des représentations jusqu’à 2010.  Il n’est point étonnant que ces « ouvrages qui sont l’expression suprême du bel canto ensorcèlent une jeune génération de chanteurs qui acquiert peu à peu la technique et le style exigé » (p. 237).  Ce remarquable ouvrage éclairera les spectateurs.

 

 

Anne PENESCO : Proust et le violon intérieur.  Cerf (www.editionsducerf.fr), « Littérature », 2011.  178 p.  18 €.

Professeur à l’Université Lumière-Lyon II, entre autres docteur d’État en Musicologie et violoniste, Anne Penesco s’est, de longue date, spécialisée dans l’histoire du violon.  Elle s’intéresse également aux rapports entre littérature et musique et à Marcel Proust (1871-1922), dont les affinités avec l’instrument qu’il considère comme « une autre voix humaine » sont bien connues.  Partant de la lecture attentive de ses ouvrages, de sa correspondance, de témoignages contemporains émanant de compositeurs, instrumentistes et critiques musicaux, l’auteur réussit à fasciner ses lecteurs en faisant intervenir les préceptes de violonistes tels que J. Thibaud, G. Enesco, G. Poulet, L. Capet ; la sensibilité, l’expression des sentiments et l’émotion ; et en jetant un clin d’œil vers C. Saint-Saëns, C. Franck, G. Fauré et L. van Beethoven, R. Wagner et R. Schumann, prenant aussi exemple sur les jugements de R. Rolland ou de R. Hahn… et sur les réactions relatives à l’audition du Septuor de Vinteuil.  Parmi les problèmes évoqués, figure celui des œuvres écrites « non pour les contemporains, mais pour la postérité de l’artiste » ; selon Proust (cf. À l’ombre des jeunes filles en fleur et À la recherche du temps perdu), ce constat s’explique « parce qu’une œuvre de génie est difficilement admirée immédiatement car, si l’auteur est extraordinaire, peu de gens lui ressemblent. »  Sur ce livre, planent les expressions : « laisser parler l’âme des œuvres » (G. Enesco), la « recherche du beau son », le « langage de la petite phrase », « la petite ligne du violon »…  À noter le chapitre XVIII : Proust compositeur, avec les partitions qui ont nourri ses textes et qui prouvent sa vaste culture, son sens de la recherche des analogies.  Il a le don de capter les « impressions fragiles et précieuses » qui, « entre réel et imaginaire, réminiscence et création », le fascinent.  Cette étude repose sur une parfaite connaissance des textes et documents authentiques.  A. Penesco réussit parfaitement à éclairer l’environnement musical et émotionnel de Proust.

 

 

Alexis GALPÉRINE : Édouard Souberbielle. Un maître de l’orgue.  Delatour (infos@editions-delatour.com) : DLT 1842.  357 p. (CD encarté).  28 €.

L’auteur de cette remarquable monographie sur Édouard Souberbielle (1899-1986), accompagnée de documents iconographiques inédits, de témoignages de ses contemporains et disciples, n’est autres que son petit-fils, A. Galpérine.  Il réussit à brosser un tableau authentique de la personnalité exceptionnelle de son grand-père.  Il évoque la généalogie, la formation musicale du futur maître, la Première Guerre mondiale et l’Après-guerre, les institutions qu’il fréquente : Schola Cantorum, Conservatoire… Après l’Occupation, son rayonnement et son engagement au service de l’Église - à la suite du Concile Vatican II, au milieu de divergences théologiques - s’affirment. Il séjourne en Allemagne et au Portugal. Ce volume comprend également des écrits d’É. Souberbielle sur la musique religieuse de son temps et sur la facture d’orgue.  Un remarquable disque présente des extraits de ses concerts donnés à Paris (églises St-Thomas-d’Aquin, Notre-Dame, Saint-Séverin…) et le concert enregistré lors de la création de son Divertissement pour quatuor à cordes (1926 ?), à Nancy (18 janvier 2010).  Ces documents écrits et sonores illustrent l’état d’esprit d’É. Souberbielle par rapport aux milieux organistiques, ses idées concernant la pratique authentique par rapport à une époque donnée et en fonction de la facture instrumentale.  Même en l’absence d’index, le prestige de ce musicien fascinant et méconnu est révélé dans toute sa dimension morale, pédagogique et artistique.

 

 

Anne VEITL : Falling Notes / La chute des notes.  Quand Jean-Claude Risset métamorphosait l’acoustique et la musique (1961-71).  Delatour (infos@editions-delatour.com) : DLT 1302.  254 p.  18 €.

Le dénominateur commun de ce livre concerne l’histoire de l’actualité des relations entre les technologies, les sciences et la composition musicale qui passionnent l’auteur.  J.-Cl. Risset (°1938) explore de nouvelles potentialités de la composition par ordinateur permettant de restituer les sons des instruments traditionnels et de les exploiter de façon inattendue.  A. Veitl explique comment, en l’espace de 10 ans, il a transformé l’acoustique et la musique.  La première partie reproduit la traduction anglaise (John Tyler Tuttle & Peter Torvik) ; la seconde présente l’original français.  Le chercheur et compositeur - dans le sillage de P. Schaeffer, P. Henry et I. Xenakis - démontre combien les ordinateurs contribuent à la production des sons et à la pratique musicale ; il a le mérite de ne pas perdre de vue « la prise en compte de la perception humaine et la relation subjective au monde sonore » (p. 203).  Ses œuvres : Computer Suite From Little Boy (1968), Mutations (1969) résument sa philosophie du sonore, fondement de ses travaux scientifiques et de sa démarche compostionnelle.  C’est tout un parcours des recherches scientifiques à la composition musicale qui se dégage de cette solide étude, accompagnée notamment de recettes informatiques, d’un glossaire indispensable et de la liste de ses travaux et compositions.

 

Édith Weber.

 

Claude CHARLIER : Pour une lecture alternative du Clavier bien tempéré.  « Bach en couleurs ».  Les Éditions Jacquart (10, rue de la Quiétude, B-7160 Godarville.  Tél. : 0032 (0) 64/442087.  www.jacquart.biz).  15 x 22 cm, 140 p., ex. mus. en couleurs.

Par le concepteur de la collection « Bach en couleurs » - dont nous avions découvert, avec bonheur, les deux premiers volumes : Inventions à 2 voix et Sinfoniae à 3 voix -, voici un très convaincant argumentaire autour, cette fois, des fugues du Clavier bien tempéré.  Où l’auteur met au jour les racines historiques de l’art de Bach, « profondément enfouies qu’elles sont sous trois siècles d’aberrations », procédant à l’inventaire des formes fuguées lorsque Bach entrait dans la carrière, puis retraçant son propre processus créateur (analyse des tomes I et II).  Sont, en outre, abordées les questions de l’interprétation, de la fugue après J.S. Bach et de son apport à la pédagogie.  Remarquablement éclairant.

 

 

Arthur HONEGGER : Lettres à Suzanne Charlotte Agassiz (1942-1954).  Préfacées et annotées par Lukas Näf & Patrick Müller, en collaboration avec Suzanne Fehr-Bossard.  Traduction : Jacques Lasserre.  Slatkine (www.slatkine.com).  Relié, 15,5 x 22,5 cm, 300 p., cahier d’ill. sépia.  50 €.

Écrites de 1942 à 1954, les 144 lettres d’Arthur Honegger (1892-1955) à sa maîtresse, la belle Suzanne Charlotte Agassiz (1902-1999), collaboratrice du consulat de Suisse à Paris, ont un tour éminemment personnel.  Liaison qui connut des hauts et des bas, dont on peut, au fil des lettres, deviner les circonstances.  Cette correspondance n’en éclaire pas moins la genèse des Symphonies n°3 à 5, Monopartita, Concerto da camera, Cantate de Noël…, aussi bien que l’activité internationale et les liens amicaux du compositeur avec, notamment, Paul & Maja Sacher, ses divers éditeurs, l’écrivain Paul Claudel, le metteur en scène Jean-Louis Barrault… En introduction : Arthur Honegger et son entourage/ Arthur Honegger interprète/ Allusions à l’œuvre tardif/ Le musicien engagé/ Principes d’édition.

 

 

Nina WALDER : Ignaz Friedman (1882-1948).  Slatkine (www.slatkine.com).  16,5 x 23,5 cm, 504 p., ill. n&b.  39 €.

Sous la plume de sa petite-fille, pieuse artisane de la mémoire, renaît la vie vertigineuse et féconde d’un illustre pianiste dont nous ne possédons, hélas ! que de trop rares et précieux enregistrements (cf. Naxos Historical).  Réflexions, anecdotes, écrits divers et très nombreuses photographies émaillent ce bel hommage.

 

 

Claude ABROMONT & Eugène de MONTALEMBERT : Guide des formes de la musique occidentale.  Fayard/Henry Lemoine, « Les indispensables de la musique ».  16,5 x 23,5 cm, 238 p., ex. mus.  20 €.

Dans le droit fil de leurs précédents ouvrages, Guide de la théorie de la musique et Guide des genres de la musique occidentale, nos deux auteurs nous proposent, cette fois, un Guide des formes, dans lequel - conjuguant éclairages historique, stylistique, esthétique et expressif – sont multipliés les angles de vue.  Non sans que soient proposés, dans les sections « En pratique », divers modèles d’application, heureusement assortis de commentaires ou analyses d’extraits de partitions…  Un survol quasiment exhaustif.

 

 

Régis COURTRAY (Sous la direction de) : David et Jonathan.  Histoire d’un mythe.  « Le point théologique », Beauchesne (www.editions-beauchesne.com).  13,5 x 21,5 cm, 400 p.  39 €.

Aujourd’hui exaltée par nombre de mouvements homosexuels, l’histoire de l’amitié qui, selon la Bible, unissait Jonathan et le jeune David suscita toujours maints commentaires.  Dont est ici fait le point, par des spécialistes de l’exégèse, de la patristique, de la littérature, des arts plastiques, de la musique, du cinéma, aussi bien que par des sociologues.  En quatre parties : Le texte biblique ; Lectures anciennes ; L’héritage culturel (« De la sublimation en musique : David et Jonathan selon Charpentier et Haendel » par Raphaëlle Legrand & Theodora Psychoyou / « David et Jonathan en musique au XXe siècle : Nielsen et Honegger » par Régis Courtray & Gwenaëlle Lucas, etc.), Relectures contemporaines (« Débats exégétiques contemporains » par Régis Courtray / « Usages contemporains et identités homosexuelles » par Céline Béraud & Baptiste Coulmont).  Un infini champ de recherches…

 

N°64 DAVID ET JONATHAN, HISTOIRE D'UN MYTHE

 

Antonio VIVALDI (1678-1741) : Orlando furioso (1727).  Dramma per musica en 3 actes, d’après Ludovico Ariosto.  L’Avant-Scène Opéra n°260 (www.asopera.com).  17 x 24,5 cm, 128 p., ex. mus., ill. n&b et couleurs.  25 €.

Comme dans tous les volumes de cette irremplaçable collection, le présent numéro comporte trois parties : L’œuvre [Points de repère/ Argument/ Introduction & guide d’écoute/ Livret intégral/ Nouvelle traduction française] ; Regards sur l’œuvre [Vivaldi & l’opéra/ Venise 1727 : musique et société/ Roland, de l’Arioste à Vivaldi/ Orlando furioso, Chant XXIII (extraits)/ Musica e parole, l’équilibre expressif] ; Écouter, voir et lire [Bibliographie/Disco-vidéographie/ L’œuvre à l’affiche].  Avec le concours de : Patrick Barbier, Chantal Cazaux, Frédéric Delaméa, Jean-François Lattarico, Olivier Rouvière, Claudio Scimone, Elisabetta Soldini, Philippe Venturini.

 

Couverture Orlando furioso

 

Jean-Yves CLÉMENT : Franz Liszt.  Actes Sud/Classica (www.actes-sud.fr).  10 x 19 cm, 222 p.  18 €.

Fort judicieusement publié à l’orée de l’année Liszt, ce précieux vade-mecum rendra – en parallèle de notre propre dossier consacré au même compositeur (LÉM n°570, mars-avril 2011) - les plus signalés services.  Sept parties : Preludio / Norma contre les puritains / La marche du pèlerin ou la campagne de Liszt / Prima la poesia / Docteur Faust & Mister Liszt / Du moine triste au prophète de l’infini / L’hymne à l’amour.  En annexes : Parcours chronologique / Bibliographie choisie / Indications discographiques / Index nominum et rerum.

 

 

Philippe AGID & Jean-Claude TARONDEAU : The Management of Opera.  An International Comparative Study.  En anglais.  Palgrave/Macmillan (www.palgrave.com).  Relié, couverture rigide.  14 x 22 cm, 300 p., tableaux, croquis, illustrations.  £65.00

Sous la plume de deux éminents spécialistes français de l’économie de la chose opératique (Philippe Agid co-dirigea, auprès d’Hugues Gall, l’Opéra de Paris / Jean-Claude Tarondeau enseignait « Stratégie et Management » à l’Essec et Paris X-Nanterre), cette brillante étude explore les problèmes croissants que rencontrent, dans le monde, la plupart des maisons d’opéra et les compagnies qui leur sont attachées.  Grâce à des comparaisons, est ainsi mis en lumière combien tout est lié, en ces domaines, aux facteurs historiques, locaux et/ou globaux…  En neuf chapitres : Order & diversity / Risk & commitment for the future / Artistic & technical production / Audience & diffusion / Constraints or opportunities ? (architecture) / Funding opera houses / Governance, organization & management / Tensions, conflicts & recent crises / Performance, strategic options & prospectsEn annexe : tous tableaux comparatifs souhaitables (Sample & variables), résultats statistiques, glossaire, notes, bibliographie, index.  Formons des vœux pour que paraisse bientôt l’édition française d’un ouvrage aussi remarquablement circonstancié…

 

 

Édouard FILLIAS & Alexandre VILLENEUVE : E-Réputation.  Stratégies d’influence sur Internet.  Ellipses (www.editions-ellipses.fr).  17,5 x 24 cm, 300 p., figures.  29 €.

Tous les acteurs de la société civile & nombre de particuliers se pressent pour faire valoir leurs opinions sur Internet – lieu par excellence de la fabrication de l’opinion publique.  De tels « secrets de fabrication » sont, bien sûr, indispensables à tout professionnel de la communication, mais aussi à un large public désireux de décrypter ces nouvelles stratégies.  Tel est le propos du présent ouvrage, illustré de 26 cas d’école (Greenpeace, Suez, Obama, Wikileaks, affaire Kerviel, SNCF...).  En sept chapitres : Introduction à l’E-Réputation / L’information, nerf de la guerre / De la présence sur tous les fronts / Agir et réagir à l’ère du buzz / Agir en internaute, prévoir en stratège / Du bon usage de la diplomatie et du droit / L’avenir de l’influence digitale.  Où et comment [ne pas] se faire manipuler…

 

 

MISTERIOSO, Raphaële VIDALING, Pascal ANQUETIL & Rémi VIMARD : Le petit livre à offrir à un amateur de jazz (parce qu’il connaît Charlie par cœur).  Conception graphique : Nicolas Pruvost.  Tana éditions (www.lepetitlivreaoffrir.fr).  Boîtier rigide, 12 x 16 cm, 130 p., bleu-blanc-noir.  14,90 €.

D’esprit furieusement dada, cet indescriptible objet réserve – outre moult informations – force surprises : charade, jeu des 7 familles du jazz, mots croisés, argot du jazz, quiz, recettes de cocktails, fables express, jeu des 7 erreurs…

 

 

Bob DYLAN : 100 Chansons de légende, photos, histoires, partitions.  Éditions White Star (www.whitestar.it).  Fort volume, 25 x 31 cm, 500 p., photos n&b, partitions.  39 €.

Voici la somme désormais incontournable pour tout amateur des chansons de Bob Dylan, légende vivante de la musique pop.  Où sont présentées les partitions complètes (textes, mélodies, chiffrages, tablatures de guitare) de ses plus célèbres chansons (au choix desquelles auront participé Bruce Springsteen, Bono, Paul McCartney…), parmi d’innombrables photos proposant un regard intime sur l’évolution intérieure du plus pudique des « grands » du star-system.

 

Bob dylan - 100 chansons de legende, photos, histoires, partitions - Dogett

 

Patrick MAHÉ : Rock made in FranceEPA/Éditions du Chêne.  Fort volume, relié cousu, sous jaquette.  240 x 250 cm, 224 p., ill n&b et couleurs, 35 €.

Sous la plume éminemment compétente de Patrick Mahé - heureux auteur de monographies musicales, mais aussi grand reporter ayant dirigé aussi bien Paris-Match que Télé 7 jours ou Première et aujourd’hui les éditions du Rocher –, voici publié, pour les 50 ans du rock made in France, un remarquable hommage.  Neuf chapitres : Made in France / Made in Hollywood / Rock’n Roll Attitude / Disco Parade / Salut les copains / Les égéries / La fureur de vivre / G.I. Blues / Happy end.

 

 

Jeanne QUÉHEILLARD (Texte) : Les meubles à musique de Cocktail Designers.  Conception : Ariane Bosshard & Olivier Hus.  Les Presses du réel (www.lespressesdureel.com).  10,7 x 16 cm, 24 p., ill. n&b et couleurs.  9 €.

Dans cet opusculet anglais/français (recto/verso), Jeanne Quéheillard décrit, sous leur aspect fonctionnel, divers objets dédiés à la musique & au théâtre.  Où, au-delà de leurs qualités extrinsèques, est mise en lumière l’intrinsèque trivialité d’objets diffuseurs de sons.

 

      Cocktail Designers Les meubles à musique de Cocktail Designers

 

Jean MARESKA (Textes & interviews) : Les coulisses du Casino de Paris.  « Les coulisses », Chène (www.editionsduchene.fr).  Relié sous jaquette, 18,5 x 25 cm, 256 p.  ill. n&b et couleurs.  35 €.

Nous faire redécouvrir le Paris « des Années folles à nos jours » à travers l’histoire de la salle mythique de la rue de Clichy, telle est la gageure admirablement soutenue par cet album fort bien illustré.  De Léon Volterra, Miss Tinguette (jeune chanteuse payée deux francs par jour), Maurice Chevalier ou Joséphine Baker à Line Renaud, Zizi Jeanmaire, Dutronc, Gainsbourg, Le Forestier, Bruel, Souchon, Juliette..., un mémorable panorama.

 

 

Philip NORMAN : John Lennon, une vie.  Traduit de l’anglais par Philippe Paringaux.  Robert Laffont (www.laffont.fr).  15 x 24 cm, 862 p., cahier photos n&b et couleurs.  24,90 €.

Déjà auteur d’ouvrages consacrés aux Beatles, aux Rolling Stones et à Buddy Holly, Philip Norman nous livre ici la plus monumentale & exhaustive biographie - probablement définitive - du fondateur des Beatles, en même temps que la fresque de toute une époque.  Cinq parties : Le petit gars de la campagne / Au plus top du plus pop / Un génie de la croûte inférieure / Vaudeville zen / Pizzas et contes de fées.

 

 

Florent MAZZOLENI : L’Odyssée de la soul et du R’n B Hors Collection (www.horscollection.com).  19 x 26 cm, 336 p., ill. n&b et couleurs.  35 €.

Journaliste et photographe, spécialiste des musiques populaires américaines & africaines, Florent Mazzoleni a déjà publié divers ouvrages chez Hors Collection.  Il retrace, cette fois, de 1960 à 2010, l’histoire de l’un des plus passionnants courants de la musique noire du XXe siècle, à l’origine de la plupart des styles populaires d’aujourd’hui - depuis la soul de Philadelphie, de Miami & de la Nouvelle Orléans jusqu’aux go-go, trip hop, house music, acid jazz, ou même blues, gospel, funk, hip-hop, reggae…  Courants qu’illustrèrent notamment : Ray Charles, Isaac Hayes, James Brown, Michael Jackson, Diana Ross, Otis Redding, Marvin Gaye, Stevie Wonder, Dione Warwick, Donna Summer, Barry White, Prince, Whitney Houston, Erikah Badu…  Superbement illustré, un parcours irréprochable.

 

 

Bethany KLEIN : As Heard on TV : Popular Music in Advertising.  « Ashgate Popular and Folk Music Series », Ashgate (www.ashgate.com).  En anglais.  15,5 x 23,5 cm, 170 p.  £19.99

« Les musiques populaires dans les publicités à la télévision », tel est le propos de cette étude qui tente de faire le départ entre ambitions culturelles & visées commerciales.  Et ce, à travers l’analyse de couvertures de presse & d’interviews de musiciens, producteurs, publicitaires…  Sept parties : The marriage of popular music & advertising / The role of authorship in music licensing / Advertising as an artistic vehicle for music placement / Music licensing as a reponse to industry woe / Popular music & Cola advertising / Advertising’s control over meaning / Negotiating the futureQue n’entreprend-on similaire étude en pays latins !

 

Francis Cousté.

 

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Maurice RAVEL : Valses nobles et sentimentales, Gaspard de la Nuit, Sonatine, La Valse.  Romain Descharmes, piano.  Audite (www.audite.de) : 92.571.  TT : 64’41.

Jeune pianiste exceptionnellement doué, Romain Descharmes est trop peu connu.  Aidé par une excellente technique, il communique une énergie hors du commun, une force vitale capable de tenir l’auditeur en haleine.  Il fait corps avec l’instrument, sachant trouver la sonorité juste, la couleur sonore appropriée, traitant avec la même élégance les multiples aspects d’une œuvre.  Dans cet enregistrement, Romain Descharmes propose un programme qui est en lui-même - pour un jeune pianiste - une véritable gageure, car ces pièces majeures ont été interprétées par les plus grands.  Mais le pari est gagné.  Avec cette nouvelle interprétation des sommets ravéliens, Romain Descharmes gagne sa place parmi les plus prometteurs interprètes de sa génération.  Inutile de détailler : écoutez, cela vaut le détour !

 

Gérard Moindrot.

 

Richard STRAUSS : Symphonie alpestre.  Orchestre national de France, dir. Kurt Mazur.  Radio France : FRF 005.  TT : 51’49.

Magnifique sonorité et magistrale interprétation de cette symphonie si décriée, composée entre 1811 et 1815, créée la même année à Berlin par la Hofkapelle de Dresde, sous la direction du compositeur.  Se situant entre symphonie et poème symphonique, elle retrace une journée de randonnée, l’ascension et la descente d’un sommet des Alpes bavaroises.  Une partition, comme une parenthèse dans l’œuvre de Strauss, désormais tout entier consacré au théâtre, expliquant, peut être ainsi, son trop grand réalisme, reproché par certains.  D’autres y verront une métaphore de la destinée de l’homme, un hymne à la nature et à la force créatrice, à l’Antéchrist ou, à l’inverse, une expérience mystique dont peuvent témoigner certains accents brucknériens.  Dans cet enregistrement live l’ONF et Kurt Mazur en donnent une vision très expressionniste, alternant plages d’un lyrisme éthéré et plages d’une fureur effrayante, en parfaite adéquation avec les vingt-trois étapes de cette journée.

 

 

Anton BRUCKNER : Motets pour chœur mixte a cappella.  Messe en mi mineur n°2.  Chœur de Radio France, Orchestre philharmonique de Radio France, dir. Norbert Balatsch.  Radio France : FRF 006.  TT : 63’49.

Très belle interprétation, empreinte de spiritualité, de ces Motets composés entre 1861 et 1892.  Reflétant la même unité esthétique, favorisant la diction et la compréhension du texte, évitant toute emphase, ils s’inscrivent dans la grande tradition allemande du motet.  La Messe en mi mineur n°2, composée en 1866, très épurée, marque, là aussi, la prédominance de la voix (huit voix mixtes et vents) ; langage intimiste comme une prière, limpide, elle constitue une page incontournable de la musique religieuse du XIXe siècle.

 

 

SPHOTA : Zemlia / La Terre.  Signature & Radio France : SIG 11069.  TT : 48’18.

Constitué de trois musiciens, instrumentistes et compositeurs, Benjamin Dupré (guitare électrique & traitements électroniques), Benjamin de La Fuente (violon & traitements électroniques) et Samuel Sighicelli (orgue électrique & sampler), Sphota propose dans cet enregistrement un projet de « cinéma muet en concert », commande de l’Auditorium du Louvre et du Printemps des Arts de Monte-Carlo, créé en 2008 autour du film Zemlia, long métrage de propagande, réalisé en 1930, par Alexandre Dovjenko.  Il s’agit d’une partition à la fois « étale et fracturée, spectrale et électrique, planante et saturée, constamment tendue entre calme et violence, où alternent envolées, striures, déploiements et brisures, bruit blanc et lentes dérives modales où les textures se télescopent et se dissolvent ».  Une œuvre surprenante, basée sur l’improvisation, qui semble toutefois pâtir de l’absence d’images, ce qui a pour effet de minorer la dramaturgie et d’entamer l’unité de l’œuvre.  De très beaux moments.

 

Patrice Imbaud.

 

Codex Chantilly : En l’amoureux vergier.  Aeon (stephanie@outhere.com) : AECD 1099.  TT : 64’21.

Le célèbre Manuscrit de Chantilly (olim 1047, actuellement Ms 564 de la bibliothèque du Château de Chantilly) est très représentatif de la musique du XIVe au début du XVe siècle.  Il se situe dans le sillage de l’Ars subtilior cultivé par une trentaine de musiciens.  Il comprend un échantillon des formes représentatives : ballades, rondeaux, virelais et motets, dont l’écriture est audacieuse par les diversités rythmiques, le langage dissonant et les proportions de nombres, ce qui n’empêche pas humour et finesse de s’y côtoyer.  L’ensemble De Caelis, très versé dans les systèmes de notation d’époque (notation blanche), s’efforce de révéler ce répertoire particulièrement attachant, avec 16 pièces polyphoniques des principaux musiciens de l’époque : Solage, Jehan Vaillant - dont le virelai : Par maintes fois, avec les onomatopées évoquant des chants d’oiseaux, a pu inspirer Clément Janequin -, Jacob de Senlèches, Grimace, Borlet…  Laurence Brisset, à la tête de son ensemble (5 voix, harpe, organetto) a signé une belle « Défense et illustration » de cette musique française subtile, élégante et raffinée.

 

 

In memoriam Guillaume de MACHAUT : Messe Notre Dame.  Aeon (stephanie@outhere-music.com) : AECD 1093.  TT : 50’14.

Cet In memoriam Guillaume de Machaut bénéficie d’une remarquable présentation (illustrations, texte) et - à la suite de nombreux essais antérieurs – Gérard Jay soulève le problème : « restaurer la Messe de Machaut : une tentative utopique ? »  Les précisions par Thierry Peteau sur la prononciation du latin gallican aux XIVe et XVe siècles seront très utiles.  L’Ensemble Musica Nova, soucieux de recréer la richesse polyphonique médiévale, regroupe des chanteurs rompus au chant a cappella, et vise à redonner vie et expression à ces musiques si attachantes. Les textes reproduits concernent des œuvres de Philippe de Vitry, théoricien de l’Ars Nova ; Pierre de Bruges ; Gilles d’Orléans.  La seconde partie est consacrée à la Messe Notre Dame dans une version originale préconisant l’alternance avec des diminutions du Codex Faenza.  Les discophiles apprécieront ces extraits des Codices Ivrea, Chantilly… - dont des pièces de F. Andrieu sur des poèmes d’Eustache Deschamps qui interpelle ainsi Machaut : O Guillaume, dieu séculier de l’harmonie...  Lucien Kandel et ses chanteurs ne pouvaient lui rendre meilleur hommage.

 

 

Ferdinand RIES : Complete Flute Quartets.  2CDs Fuga Libera (stephanie@outhere-music.com) : FUG 576.  TT : 127’07.

Le compositeur et pianiste allemand, Ferdinand Ries, est né à Bonn en 1784 et mort à Francfort-sur-le-Main en 1838.  Si son œuvre ne peut rivaliser avec celle L. van Beethoven ou de Fr. Schubert, elle mérite toutefois d’être largement diffusée.  Cette anthologie de ses 6 Quatuors avec flûte, est défendue avec enthousiasme par T. Fret (flûte), Sh. Laub (violon), E. Smalt (alto), M. Vink (violoncelle) de l’Ensemble Oxalys créé en 1993 au Conservatoire de Bruxelles.  Son rayonnement ne s’est pas fait attendre lors de ses nombreuses tournées en Belgique et à l’étranger, et ses productions ont été très bien accueillies par la presse spécialisée.  Chaque instrument s’impose tour à tour.  Bravo aux interprètes pour cette convaincante interprétation des 3 Quatuors avec flûte WoO 35 et des 3 Quatuors avec flûte op. 145. Excellente réhabilitation d’un compositeur qui, de son temps, avait connu le succès en Angleterre, mais dont l’œuvre gagne à être connue, notamment en France.  Mission accomplie !

 

 

Gilles BINCHOIS : L’argument de beauté.  Aeon (stephanie@outhere.com) : AECD 1096.  TT : 61’25.

Cette réalisation est un modèle du genre : texte de présentation de haute qualité musicologique par Isabelle Ragnard (avec également indication des sources manuscrites) ; programme original dans le cadre du regain d’intérêt actuel pour Gilles Binchois (1400-1460) et la cour de Bourgogne ; exécution hors pair avec prononciation latine du plain-chant et parfaite maîtrise de la « musica ficta », causa pulchritudinis, en adéquation avec le titre.  La voix lumineuse de Brigitte Lesne plane sur tout le disque, avec les interventions polyphoniques vocales bénéficiant d’une clarté et d’un fondu exemplaires.  Certaines des 20 pièces sont soutenues par des cloches.  Le Sanctus (plage 6) est particulièrement émouvant.  Dans l’éventail des formes représentées, figurent des hymnes (comme, par exemple, le célèbre chant Ut queant laxis ou encore A solis ortus cardine) et des carols anonymes (Omnes una gaudeamus et Salve sancta parens).  Ce CD se termine aux accents du répons Benedicamus Domino-Deo Gratias (cloches à main associées à toutes les voix de femmes) ; il est tout à l’honneur de Brigitte Lesne qui, au début des années 1990, a fondé l’Ensemble Discantus (9 voix féminines), de réputation internationale, alliant compétences historiques, interprétation fidèle à l’époque en cause et paysage vocal exceptionnel.  Aucun argument pour ne pas acquérir ce CD…

 

 

MONTEVERDI & MARAZZOLI : Combattimenti !  Alpha (stephanie@outhere.com) : 172.  TT : 71’31.

Les œuvres de Claudio Monteverdi (1567-1643), tels que le Lamento della Ninfa et le Combattimenti di Tancredi e Clorinda (sur le texte du Tasse), d’inspiration guerrière, sont largement diffusées ; en revanche La Fiera di Farfa de Marco Marazzoli (ca 1602-1662) est moins connue des mélomanes.  Grâce, d’une part, au mécénat musical de la Société Générale et, d’autre part, au talent de Vincent Dumestre qui, avec son ensemble canadien Le Poème Harmonique, révèle avec enthousiasme au grand public cette œuvre truculente, pleine de verve, avec une diction italienne d’une précision extrême.  L’enregistrement, très présent, bénéficie également d’une excellente présentation abondamment illustrée.  Irrésistible.

 

 

Jan Dismas ZELENKA : Missa Sancti Josephi ZWV 14.  Litaniae Xaverianae ZWV 155.  Nibiru : 015 322 31.  CD Diffusion (31, rue Herzog, F-68920 Wettolsheim.  info@cddiffusion.fr).  TT : 68’05.

Les œuvres de Jan Dismas Zelenka (1679-1745) ont été redécouvertes et enregistrées depuis quelques décennies.  Ce musicien tchèque contemporain de J. S. Bach a fait ses études à Prague.  Vers 1710 - et jusqu’à sa mort -, il est contrebassiste à la cour de Dresde.  Il a été influencé par les Jésuites, par J. J. Fux, et il a surtout composé de la musique à l’usage catholique telle que des messes et des vêpres.  La partition autographe de sa Missa Sancti Josephi ZWV 14 a fait l’objet d’une restitution.  (Même en l’absence de page de titre, l’œuvre a pu être identifiée).  Cette « messe cantate » largement développée a pu être composée vers 1732, peut-être pour un événement exceptionnel.  Dès l’introduction, elle frappe par sa mélodie chantante, son élan, l’éclat des trompettes et le rythme des percussions, son emphase dans la première invocation du Kyrie ; les entrées fuguées traditionnelles dans le Cum Sancto Spiritu ; le Dona nobis pacem très entraînant, puis insistant...  Les Litaniae Xaverianae ZWV 155, enfin révélées, représentent un « chef-d’œuvre de la mise en musique d’un texte », ce qui n’est pas un moindre mérite.  Deux styles différents, deux œuvres attachantes, servis avec un égal bonheur par l’Ensemble Inégal et les Prague Baroque Soloists, tous placés sous la direction si sensible d’Adam Viktora.

 

 

Jean Sébastien BACH : Concerts avec plusieurs instruments.  Vol. V.  Alpha (stephanie@outhere.com) : 168.  TT : 58’31.

L’ensemble instrumental Café Zimmermann tire son nom du lieu célèbre à Leipzig où cette boisson venait d’être découverte et appréciée, ayant notamment servi de prétexte à la Cantate du café de J. S. Bach.  Ce CD présente 4 œuvres très connues : l’Ouverture n°3 en  majeur BWV 1068 ; le Concerto pour clavecin en fa mineur BWV 1056 ; le Concerto Brandebourgeois n°6 en sib majeur BWV 1051 et le Concerto pour trois clavecins en ré mineur BWV 1063.  Ce programme est réhaussé par la participation de P. Valette (violon solo et Konzertmeister), C. Frisch, D. Boerner, R. Fontana (clavecins).  Ces concertos, tour à tour bien enlevé et bien rythmé (Allegro du Concerto Brandebourgeois n°6), énergique (Presto du Concerto en fa mineur) ou méditatif (comme il se doit dans l’Aria de l’Ouverture) retiendront l’attention des mélomanes les plus exigeants.

 

 

György KURTÁG/Johann Sebastian BACH : Play with infinity Hortus (editionshortus@wanadoo.fr) : 082.  Distr. Codaex.  TT : 50’10.

Cette réalisation est due au compositeur hongrois György Kurtág (°1926).  Jean-Sébastien Dureau et Vincent Planès se produisent en duo à quatre mains ou deux pianos, formant une merveilleuse équipe bien équilibrée.  Ils ont préparé les 29 pièces sous la direction de György et Márta Kurtág : ce qui représente une garantie de fidélité aux intentions de l’arrangeur-compositeur. Les mélomanes reconnaîtront, extraits de Transcriptions (Àtiratok, 1973), des chorals bien connus pour le temps de la Passion : O Lamm Gottes unschuldig et Christe du Lamm Gottes ; pour le temps de Noël et de l’Épiphanie : Christum wir sollen loben schon, Das alte Jahr vergangen ist ou encore le Gloria : Allein Gott in der Höh sei Ehr, entre autres.  Un autre volet est représenté par des Hommages à H. Mihály (avec un paysage sonore spécifique) ou à l’In memoriam S. György (expressif et intériorisé), extraits de Jeux (Játékok, 1979).  CD hors des sentiers battus, à recommander à tout discophile curieux.

 

 

ClarinArt Ensemble.  VDE-Gallo (info@vdegallo.ch) : CD 1323.  TT : 51’.

Le ClarinArt Ensemble (W. Grund, E. Eichenberger, Sv. Bachmann), de réputation internationale, s’impose par ses couleur sonores variées.  Il propose tout d’abord l’Ouverture pour 2 clarinettes et cor de chasse (ici : cor de basset) de G. F. Haendel, dont le Moderato bénéficie d’entrées successives très précises, contrastant avec le caractère méditatif du Larghetto, la volubilité et le caractère enjoué de l’Andante allegro.  Le Divertimento (KV 577), d’après Les Noces de Figaro pour 3 cors de basset de W. A. Mozart, met particulièrement en valeur les timbres de ces instruments.  Il en est de même dans les Variations sur La ci darem la mano de L. van Beethoven.  Enfin, la Petite Sérénade concertante en 6 mouvements de Johann Wenth (1745-1801), hautboïste et joueur de cor anglais à la cour de Vienne et admiré par Beethoven, prouve les nombreuses qualités et la musicalité du ClarinArt Ensemble.

 

 

Franz SCHUBERT : Winterreise.  Zig Zag Territoires (stephanie@outhere.com) : ZZT 101102.  TT : 61’.

Le Voyage d’hiver D. 911, œuvre ésotérique s’il en est, a fait l’objet de nombreuses exégèses (J. Chailley, notamment) et d’enregistrements célèbres déjà anciens (D. Fischer-Dieskau, G. Souzay et tant d’autres).  Thomas Bauer (baryton) et Jos van Immerseel (pianoforte Christopher Clarke, 1988) proposent une version qui restitue à ces 24 Lieder tout leur mystère, leur entrain, leur envolée.  Th. Bauer interprète Le Tilleul (Der Lindenbaum) symbolisant la mentalité et la sentimentalité allemandes du début du XIXe siècle, avec retenue, alors que, trop souvent, cette mélodie est galvaudée.  Dans La Corneille (Die Krähe) - et non Le Corbeau -, il rend hommage aux intentions de Wilhelm Müller, à la fois narratives et suggestives.  Dans le Joueur de vielle, l’excellent pianiste intervient de manière descriptive, posant un remarquable point d’orgue sur cette œuvre si riche en traductions musicales figuralistes des images et des idées du texte.  Une collaboration des plus réussies.

 

 

Gustav MAHLER : Symphonie n°4.  Phi (stephanie@outhere.com) : LPH001.  TT : 53’28.

Philippe Herreweghe s’affirme depuis quelques années comme un chef tout à fait polyvalent.  La 4e Symphonie de Gustav Mahler (1860-1911) n’a pas de secrets pour lui.  Si l’accueil du public en 1901 s’est avéré négatif, il n’en est pas de même de cette version réalisée avec l’Orchestre des Champs-Élysées.  Selon le chef, le « cadre sonore est… plus proche peut-être de ce qu’on pouvait entendre à la toute fin du XIXe siècle ».  La 4e Symphonie est encore d’inspiration esthétique germanique, ne perd pas de vue les modèles viennois de la forme sonate, les idées thématiques fusent.  Elle est structurée traditionnellement en 4 mouvements, avec des sous-titres allemands qui sont en même temps des indications pour l’interprétation : Bedächtig.  Nicht eilen, avec ses accents populaires ; In gemächlicher Bewegung. Ohne Hast, avec son écriture plus transparente ; Ruhevoll, partie la plus développée et d’un calme bienfaisant ; Sehr behaglich, avec l’intervention de Rosemary Joshua (soprano), de caractère agréable et bienfaisant.  Voici, avec le recul du temps et grâce aux disques Phi, une réhabilitation fort convaincante.

 

 

Philippe HERSANT : Éphémères.  Musical Humors.  Triton (triton@disques-triton.com) : TRI 331170.  Intégral Distribution.  TT : 57’48.

Pour sa « version renouvelée » (2010) des Éphémères (1999-2003), Alice Ader a retenu un piano Petrov (prise de son : A. Thiébault).  Ce cycle de 24 pièces très brèves aux titres descriptifs, représente « une sorte de journal de voyage, avec des souvenirs de musique traditionnelle japonaise, d’une chanson polyphonique espagnole ou encore d’un Prélude de Debussy… ».  Sa solide technique permet à l’interprète de réaliser pleinement son objectif : le « respect quasi obsessionnel du texte ». Le deuxième volet de ce disque : Musical humors (2003, pour alto & orchestre à cordes) a été enregistré, en première mondiale, lors d’une répétition au Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, par l’Orchestre de Paris-Sorbonne, avec le concours d’Arnaud Thorette (alto), tous placés sous la direction de Johan Farjot.  Elle fait la part belle aux sonorités si prenantes de l’alto dialoguant avec l’orchestre.  Il s’en dégage une atmosphère étrange et pleine de charme donnant libre cours aux sautes d’humeur.  Ph. Hersant s’est inspiré du recueil éponyme de pièces pour viole de gambe (1605) de Tobias Hume.  Contrastant avec Éphémères, cette œuvre est interprétée avec sensibilité et des accents très justes grâce à l’intelligence musicale de Johan Farjot qui sait transmettre à son orchestre les divers états d’âme.

 

 

Philippe MAZÉ : Songs of Innocence, Songs of Experience.  Requiem UT 772.  Éditions musicales de la Schola Cantorum (www.schola-editions.com) : SCCD01.  TT : 57’02.

La remarquable version (hors commerce) du Requiem UT 772 - interprétée par l’Ensemble vocal de la Madeleine, dirigé par Denis Rouger (à l’orgue : Michel Geoffroy) - a déjà fait l’objet de notre recension (cf. Lettre d’information, septembre 2010).  Selon Ph. Mazé : « Il peut paraître bien étrange de faire précéder ce Requiem par les Songs of Innocence et les Songs of Experience, mais ce serait oublier que, si les premiers ont été écrits par W. Blake dans l’euphorie de la Révolution française, les seconds l’ont été pendant la « Terreur »  et son cortège de vies gâchées au nom d’idéologies bien sombres (…) et d’injustices criantes…  De là au terrorisme depuis les années 1970 et, plus précisément 1989, qui a justifié mon Requiem. »  Dans ces deux œuvres, l’Ensemble vocal féminin Callirhoé, de Lausanne, fondé en 2005 par son directeur D. Tille, recrée l’humanisme profond de W. Blake (1757-1827), inspiré par la Bible et E. Swedenborg, avec une remarquable interprétation faite d’intériorité et de retenue, alors que Virginie Falquet, au piano, tout en souplesse, traduit avec finesse l’atmosphère lyrique et contrastante, encore renforcée par le tableau de P.-A. Chavannes (dit « Tchivi »), peintre neuchâtelois, représentant le désert qui fait « écho à la tragédie du 19 septembre 1989 », mais évoque aussi « le symbole de la vie terrestre séparé de la vie céleste par l’épreuve de la mort ».  Un chef-d’œuvre de plénitude vocale, grâce aux talents du compositeur, également chef de chœur, qui sait décidément écrire pour les voix.

 

 

Les grands moments de l’harmonium.  Joris Verdin.  VDE Gallo (info@vdegallo.ch) : VDE CD-1326.  TT : 72’.

L’harmonium n’est pas qu’une « pompe à cantiques ». Son invention et sa facture remontent à 1842 grâce à Alexandre François Debain. La firme Victor Alphonse Mustel lui a donné ses lettres de noblesse.  Il est utilisé en France, en Belgique, en Espagne, en Allemagne.  Instrument de salon, parfois de sacristie (dans les églises dépourvues d’orgue, jusque vers 1930).  Il possède un répertoire spécifique, auquel L.-J.-A. Lefébure-Wély (1817-1869), J.-N Lemmens (1823-1881) puis, entre autres, A. Guilmant (1837-1911), C. Saint-Saëns (1835-1921) ou encore S. Karg-Elert (1877-1933) se sont intéressés à cet instrument quelque peu insolite pour lequel ils ont composé soit dans les genres classiques : interludes, fuguettes ; soit des danses : boléro, valse… ; soit des musiques évocatrices : Dernière espérance, Impressions, Recueillement… Joris Verdin, organiste, musicologue et professeur, auteur d’un ouvrage sur la technique de l’harmonium, était tout indiqué pour défendre et illustrer ce répertoire non négligeable et le révéler au grand public.

 

 

Je chanterai la joie.  Fondation Jonas.  VDE Gallo : VDE CD-1310.  Les meilleurs moments des concerts à St-Légier et Bioley-Magnoux 2009 et 2010.  Fondation Jonas.  VDE Gallo (info@vdegallo.ch) : VDE CD-1311.

Tout un programme, mais aussi un exemple d’éducation de jeunes par la musique, le théâtre et la danse, dans des ateliers et écoles, à l’initiative de la Fondation suisse « Jonas » dirigée par le docteur et madame Sigwart.  Rencontrés à Paris, ils nous ont exposé leurs solides motivations au service des enfants de milieux socioculturels différents, grâce à « l’écoute de la musique », à « l’écoute des autres » et à la convivialité, antidote à l’individualisme et la société de consommation.

Cet album, avec ses illustrations pertinentes et hautes en couleurs, rend déjà les chanteurs fort sympathiques et invite à entendre ces voix jeunes et enthousiastes qui offrent un florilège de 31 pièces d’horizons divers (Géorgie, Caucase, USA…), descriptives ou méditatives (psaumes, textes latins et français), se terminant par Salamun kullaheen (La paix soit avec vous).  Décidément, ces voix bien stylées chantent la joie pour tous.

Poursuivant les mêmes objectifs, le second disque propose des pages instrumentales à succès pour instruments divers : flûtes à bec (G. P. Telemann), piano (R. Schumann), violoncelle et piano (M. de Falla) et même un arrangement pour saxophone et piano de J. S. Bach…, ainsi que des chants traditionnels (Caucase, Géorgie, Afrique, Rwanda)… ; des Gospels - dont l’irrésistible Amazing Grace - ou encore la chanson : Leise zieht durch mein Gemüt (F. Mendelssohn) dirigés avec musicalité par Christine Sigwart : belle démonstration du travail entrepris dans les écoles et les camps de la Fondation Jonas et remarquable écho de leurs concerts.

 

    

Édith Weber.

 

« Les Violoncelles français » : Méditations.  Transcriptions & arrangements par Roland Pidoux de mélodies, airs ou mouvements de Bloch, Rachmaninov, Dvořák, Offenbach, Fauré, Schumann, Wagner, Verdi, Tchaïkovsky + arrangement par Casals du Chant des Oiseaux.  Par Emmanuelle Bertrand, Éric-Maria Couturier, Emmanuel Gaugué, Xavier Phillips, Raphaël Pidoux, Roland Pidoux, Nadine Pierre, François Salque.  Mirare : MIR 112.

Le violoncelle est riche d’un si vaste ambitus et d’une telle diversité de registres expressifs que la réunion de plusieurs violoncelles peut aisément constituer un orchestre complet.  Ainsi s’est développée (souvent au sein des orchestres) la pratique des octuors de violoncelles, avec la création de festivals (tel celui, bien connu, de Beauvais) et la commande de partitions contemporaines.  Ici, nous versons dans le grand luxe : parmi la douzaine de solistes d’envergure que peut aligner l’école française de violoncelle, si réputée, huit se sont réunis sous la houlette de Roland Pidoux, produisant un corps sonore d’une qualité exceptionnelle.  Ils peuvent ainsi, sans ridicule, remplacer une phalange philharmonique dans le Largo de la Symphonie « du Nouveau Monde » de Dvořák, rendre tout le spectre d’un quatuor à cordes (en principe : deux violons, un alto et un violoncelle !) dans l’Andante funebre du Quatuor n°3 de Tchaïkovsky, restituer sans une faille tout l’entrelacs contrapuntique de l’orchestre dans l’air Ella giammai m’amò extrait du Don Carlo de Verdi, l’archet de Roland Pidoux jouant le rôle de Philippe II, pour n’évoquer que trois des moments les plus impressionnants de ce disque.  Les lieder de Schumann sont, de notre point de vue, les pages qui s’accommodent le moins bien de ce « transfert » effaçant la perspective des plans entre les deux partenaires d’un dialogue intime, le piano et la voix.  Chacun des huit artistes se faisant tour à tour le soliste d’un morceau, l’on nous permettra de désigner nos préférences, en saluant le velouté envoûtant d’Emmanuelle Bertrand dans la Vocalise de Rachmaninov, l’engagement émotionnel de Xavier Phillips dans la Prière d’Ernest Bloch, le chaud timbre barytonant d’Emmanuel Gaugué se substituant à Wolfram dans l’air O du, mein holder Abendstern extrait du Tannhäuser de Wagner, le souple lyrisme de Raphaël Pidoux dans Les larmes de Jacqueline op.76 n°2 d’Offenbach, une pièce bel et bien prévue pour faire s’épanouir le violoncelle puisque le compositeur était un brillant violoncelliste qui, dans sa jeunesse, écrivit beaucoup pour son instrument.  Si vous voulez vous offrir une belle heure d’émotion sans arrières-pensées intellectuelles, d’une émotion qui laisse simplement chanter les cœurs, courez vite vous procurer ce disque.

 

 

Rebecca CLARKE : Sonate pour alto & piano.  Henri VIEUXTEMPS : Sonate op.36 pour alto & piano.  Johannes BRAHMS : Sonate op.120 n°2, version alto & pianoTabea Zimmermann (alto), Kirill Gerstein (piano).  SACD Myrios Classics : MYR004 (distr. Codaex).

Tabea Zimmermann est une des grandes prêtresses de l’alto, et sa sonorité aussi pure que les meilleurs violonistes convaincrait les plus réticents du plein épanouissement que mérite un instrument aspirant à sortir de l’ombre.  L’attrait du présent programme réside dans la Sonate (1919) de l’Anglaise Rebecca Clarke, compositrice bien négligée ; il s’agit d’une œuvre très marquée par l’impressionnisme français et les séduisants climats engendrés au gré d’une souple modalité.  La ductilité de la conduite d’archet de Tabea Zimmermann y fait merveille, et le pianiste russe épouse ses intentions subtiles.  Même si le langage de Vieuxtemps n’est guère très personnel, sa Sonate op.36 retient notre écoute par ses nobles contours et des idées ne manquant pas d’esprit.  Le maillon faible du présent disque se situe dans l’interprétation de Brahms, auquel les duettistes appliquent le même traitement tout en raffinement contenu qu’à Rebecca Clarke ; mais ils sont là aux antipodes de l’esprit brahmsien et à faire trop « joli », ils évacuent totalement la puissance des assises et des élans forgeant l’identité de ce compositeur ; on ne se serait jamais cru obligée de rappeler que Brahms n’est pas un impressionniste…

 

 

Hans Werner HENZE (°1926) : Requiem + Conversations (en allemand) de Mirjam Wiesemann avec Hans Werner Henze et Michael Kerstan.  Dimitri Vassilakis (piano), Reinhold Friedrich (trompette).  Bochumer Symphoniker, dir. Steven Sloane.  3 SACD Cybele : KiG003.

Le producteur Ingo Schmidt-Lucas et son épouse Mirjam Wiesemann ont imaginé une collection d’un réel intérêt historique réunissant, sur un compositeur, un disque de musique et deux disques d’entretiens (soit issus d’archives historiques, soit réalisés spécialement) avec le compositeur et telle personne autorisée de son entourage. Certes, le rempart de la langue limite cette très intéressante initiative au public germanophone, mais un copieux livret bilingue et richement illustré achève de faire de ces beaux objets une source documentaire intelligemment composée. Les premiers volumes avaient trait à Karl Amadeus Hartmann et Hans Erich Apostel, le troisième entre dans le domaine des vivants avec Hans Werner Henze, épaulé par son ami et assistant Michael Kerstan.  C’est pour le compositeur, à l’occasion de l’évocation des deuils ayant inspiré le Requiem, un prétexte à reparcourir les phases déterminantes de sa vie, depuis cette enfance en milieu nazi qui l’a probablement poussé, par réaction, à un humanisme le faisant flirter avec le communisme.  Le sida ayant fait son œuvre parmi l’entourage amical de Henze, le créateur athée imagina de reprendre le climat de chacun des textes de la Messe des Morts, mais sous une transfiguration purement instrumentale qui se construisit pièce après pièce par la fusion de divers projets, concertants ou chambristes. Ainsi s’édifia un vaste ensemble cohérent, où la beauté des atmosphères prime pour exprimer la révolte devant les crimes de l’humanité ou la compassion devant la maladie et la mort. Les passages irréels sont les plus émouvants, qu’il s’agisse de la lumière au scintillement tamisé de l’Introït, ou de la douceur intériorisée de l’Agnus Dei pour onze instruments à cordes et piano. De manière générale, la fluidité avec laquelle le piano s’infiltre dans les textures orchestrales donne sa coloration toute en subtilité à la partition, et il faut saluer le travail aussi admirable dans la précision que dans la délicatesse, accompli par Steven Sloane, ses musiciens de Bochum et Dimitri Vassilakis lors de ce concert donné en 2010 dans la Philharmonie de Essen. Les passages plus “bruyants” sont aussi plus datés, créant un brouhaha aux recettes un peu éculées, et la ligne clairement dessinée de trompette (parfaitement jouée par Reinhold Friedrich) manque d’originalité. On retiendra plutôt une manière de reconquérir divers types de lumière parmi les vicissitudes humaines, jusqu’à cette fin s’éteignant dans la résonance prolongée du piano.

 

 

« Flûte et piano en France ».  Philippe GAUBERT : Sonate n°1.  Gabriel FAURÉ : Fantaisie op.79.  Claude DEBUSSY : Prélude à l’après-midi d’un faune (réduction pour piano de Gustave Samazeuilh).  Charles KOECHLIN : Sonate op. 52.  Gabriel PIERNÉ : Sonate op.36.  Jocelyn Aubrun (flûte), Aline Piboule (piano). Lyrinx : LYR 269 (en DSD Multicanal).

Beaucoup de fraîcheur dans l’interprétation que ces deux jeunes artistes donnent de partitions si représentatives de la limpide esthétique française. Elles sont contenues entre les dates de 1894 et 1917, et signées de compositeurs qui se fréquentaient, voire, le cas échéant, s’interprétaient mutuellement (Pierné et Gaubert furent d’illustres chefs d’orchestre). En cette saison hivernale, les trois mouvements de la 1re Sonate de Philippe Gaubert coulent comme printanières cascades, les modulations de Fauré nous entraînent par des sentes colorées de floraisons imprévues (la méconnue mais enchanteresse Fantaisie op.79, jouée avec esprit), la Sonate op.52 de Koechlin surprend comme la découverte dans une clairière d’archaïques vestiges architecturaux.

On se passerait bien de l’actuelle résurrection (par économie ?) de la réduction pour piano commise par Gustave Samazeuilh à partir du Prélude à l’après-midi d’un faune, tant l’orchestration de Debussy est… irréductible. Mais au moins, Jocelyn Aubrun joue sa partie avec sentiment. Entendre la Sonate pour violon et piano de Pierné dans la version pour flûte qu’en donna le compositeur lui-même, “debussyse” par endroits la partition, que Jocelyn Aubrun et Aline Piboule drapent de soyeuses envolées.

On sait à quel point René Gambini a développé une technique exceptionnelle de prise de son, marque de fabrique du label Lyrinx, restituant le message musical avec une pureté inaltérée. Que dire du plaisir d’écoute que nous procure un tel disque ? Que la poésie des musiciens y est première, ce qui s’avère la priorité que l’on requiert d’un bon technicien !

 

 

Francis POULENC : Intégrale de la musique de chambre avec vents Vincent Lucas (flûte), Philippe Berrod (clarinette), Olivier Derbesse (deuxième clarinette), Alexandre Gattet (hautbois), Marc Trénel (basson), André Cazalet (cor), Francis Orval (cor), Guillaume Cottet-Dumoulin (trombone), Frédéric Mellardi (trompette), Claire Désert & Emmanuel Strosser (pianos).  2CDs Indesens : INDE013.

Le label Indesens s’est fait une spécialité de monter des programmes cohérents centrés sur la musique pour ou avec instruments à vents, les “souffleurs” provenant pour l’essentiel de l’Orchestre de Paris. Cette collégialité entraîne ses bons et mauvais côtés : l’habitude de jouer ensemble donne une indéniable cohésion, dont on note ici les avantages dans la Sonate pour clarinette et basson, ou la si vive Sonate pour cor, trompette et trombone qui nous mène de la Butte Montmartre aux jardins à la française en un clin d’œil. On gravit ainsi les sommets du magistral Sextuor, dont le corps des vents est dominé par André Cazalet, tandis que Claire Désert, de son toucher si musical, instille une élégance infiniment sensible, qui capte l’attention dès le solo de piano du 1er mouvement. Car le label vient de s’attacher les services de deux merveilleux pianistes, Claire Désert et Emmanuel Strosser, qui apportent un raffinement bienvenu à ces réalisations. Écoutez comme, dans le Trio, la pianiste timbre des résonances de cloches avant de rejoindre ses partenaires dans le jeu des gambades puis la tendre effusion. Emmanuel Strosser, lui, s’est vu attribuer les Sonates composées à la fin de la vie de Poulenc, si teintées d’atmosphères dramatiques malgré la survivance – par élégance – d’une gouaille de titi parigot : il travaille son toucher avec une infinie délicatesse afin de rester dans l’émotion contenue tout au long de la Sonate pour clarinette et piano, il fait vibrer un nimbe sonore autour de son partenaire dans les mouvements extrêmes de la Sonate pour hautbois et piano, où Alexandre Gattet conduit la mélodie avec autant de souplesse nuancée qu’un archet, et encore dans l’Élégie pour cor et piano. Cette dernière pièce confirme la suprématie d’André Cazalet sur ses collègues : il s’y montre aussi brillantissime dans les difficultés techniques que maître de son timbre dans les moments de douceur. Mais nous évoquions de mauvais côtés : c’est qu’à puiser dans un orchestre, on prend ce qui s’y trouve, même pour des pièces où les plus grands solistes ont imposé leur marque. Dans la Sonate pour clarinette et piano, Michel Portal et Florent Héau nous ont par le passé procuré de grandes émotions, alors que le timbre dépourvu de séduction de Philippe Berrod, qui n’est pas non plus infaillible au niveau technique, nous laisse sur le seuil. Conseillons, pour ce chef-d’œuvre ultime, le disque si prenant de Florent Héau et Patrick Zygmanowski (Lyrinx), où le clarinettiste témoigne d’un contrôle du son si parfait qu’il peut modeler à sa guise tous les caractères expressifs de cette partition où Poulenc dénoue ses contradictions par des voltes inattendues. Le timbre des clarinettistes de l’Orchestre de Paris s’avère d’ailleurs un problème, que la Sonate pour deux clarinettes accuse, tant il est vrai que les deux solistes ne sauraient se voir taxés de sonorité melliflue (on la trouvera plutôt mal dégrossie) ! Quant à la Sonate pour flûte et piano, elle aussi a connu bien des versions plus séduisantes, et les mouvements extrêmes apparaissent parmi les maillons faibles de ce coffret, même si le mouvement central témoigne d’un beau dramatisme. Brève page plus récemment redécouverte, Le joueur de flûte semble une mélancolique méditation dans le désert : Vincent Lucas y met toute sa sensibilité. Signalons, d’un point de vue éditorial, que la relecture du livret laisse à désirer…

Au final, les amoureux de Poulenc trouveront chez RCA (en 2 disques, également) l’intégrale pétillante et cravachante de sa musique de chambre (cordes comprises, cette fois, et avec en prime la musique de scène pour L’invitation au château de Jean Anouilh) dans une prise de son resplendissante et avec une équipe de somptueux virtuoses : Éric Le Sage, Paul Meyer (qui fait preuve d’une maîtrise stupéfiante du son de la clarinette), Michel Portal en “guest-star”, François Leleux, les flûtistes Mathieu Dufour (qui surclasse de cent coudées Vincent Lucas dans la Sonate pour flûte) et Emmanuel Pahud, le corniste Ab Koster, etc., le trompettiste Frédéric Mellardi étant le seul point commun entre les deux enregistrements.

Il y a quelques années, Indésens avait regroupé des pièces de jeunesse de Henri Dutilleux (INDE 004), celles antérieures à l’éclosion de la Sonate pour piano s’avérant terriblement datées, et encore esclaves (hélas !) d’un enseignement affreusement conventionnel. Du point de vue des instruments à vent, on nous pardonnera de raviver une gué-guerre qui ne s’apaise que difficilement : Marc Trénel joue la Sarabande et Cortège sur un Fagott de facture Heckel ; si le son “volumineux” du Fagott apporte une rondeur nécessaire au répertoire symphonique allemand, il est franchement déplacé, voire encombrant, dans une pièce française de 1942, si tributaire des académismes nationaux ambiants, où le son plus nasal, plus incisif du basson français s’impose. L’interprétation par Pascal Godart de la Sonate pour piano est élégante, mais n’a pas la puissance d’affirmation d’une identité stylistique qu’y mettaient certains pianistes (Claire-Marie Le Guay, par exemple, chez Accord, qui couplait cette Sonate avec celles de Bartók et Carter).

 

 

Camille SAINT-SAËNS : Intégrale de la musique de chambre avec vents.  Vincent Lucas (flûte), Philippe Berrod (clarinette), Olivier Derbesse (clarinette), Alexandre Gattet (hautbois), Marc Trénel (basson), Yves d’Hau (contrebasson), André Cazalet (cor), Francis Orval (cor), Guillaume Cottet-Dumoulin (trombone), Frédéric Mellardi (trompette), Eichi Chijiwa & Angélique Loyer (violons), Ana Bela Chaves (alto), Emmanuel Gaugué (violoncelle), Bernard Cazauran (contrebasse), Laurent Wagschal & Pascal Godart (pianos).  2CDs Indesens : INDE010.

Tout comme Poulenc, Saint-Saëns a consacré ses derniers efforts à trois Sonates pour bois et piano, et dans l’un et l’autre cas, la concentration de leur expérience créatrice auréole ces accomplissements testamentaires d’un souffle pénétrant.  Philippe Berrod et Pascal Godart se sont surpassés pour donner de la Sonate pour clarinette et piano op.167 une interprétation pleine de verve et d’énergie dramatique. Alexandre Gattet et le même Pascal Godart accentuent à dessein les étranges bifurcations alimentant la progression agogique de la Sonate pour hautbois et piano op.166, depuis un néo-classicisme frôlant le pastiche dans l’Andantino, puis le mystère et les allusions de l’Allegretto, jusqu’à l’enjouement virtuose du Molto allegro ; Ingo Goritzki et Leonard Hokanson, dans un beau disque naguère paru chez MDG, tentaient au contraire de créer une unité dans la partition grâce à une conduite plus romantique de l’ensemble. Quant à la Sonate pour basson et piano op.168, si l’on confronte les deux versions les plus directement concurrentes, celle de Dag Jensen et Leonard Hokanson (bénéficiant d’une captation plus présente, sur le disque MDG) et celle ici gravée par Marc Trénel (plus chantant) et Pascal Godart, le son s’avère de toute manière “germanisé” par le choix du Fagott, dont il reste à prouver qu’il corresponde à la saveur acidulée de “l’esprit français”.

Définitivement, le célèbre Septuor avec trompette, si rigidement néo-classique en trois de ses mouvements (seul le mouvement lent laisse passer une originalité expressive) n’est pas le chef-d’œuvre de la musique de chambre de Saint-Saëns : il reçoit ici une interprétation vivante, mais un peu rêche. Quant à la présente version du Caprice sur des Airs danois et russes, elle est éclipsée par celle, d’une fière envolée, donnée par l’Ensemble Villa Musica sur le disque MDG déjà évoqué (Ingo Goritzki encore ! Et le velouté de la clarinette d’Ulf Rodenhäuser !).  En revanche, on découvre des visages bien plus humains de Saint-Saëns au fil d’œuvres qui se cachent derrière des titres trop modestes. Très antérieure aux autres pièces, la Tarentelle op.6 se révèle un bijou : Vincent Lucas, Olivier Derbesse et Laurent Wagschal s’y montrent endiablés. Avec le même et très sensible pianiste (que l’on n’entend pas assez, alors que son talent et sa curiosité d’esprit devraient le propulser à un rang bien plus enviable), d’autres pages brisent l’image froidement académique de Saint-Saëns : la Romance pour flûte et piano op.37, où Vincent Lucas laisse parler une expression touchante, et les Romances pour cor et piano (op.36 et op.67), dont les phrasés sont maîtrisés d’un seul souffle par André Cazalet, toujours en grande forme.

Que le producteur Benoît d’Hau, dans un élan d’amour filial, laisse s’exprimer le contrebassoniste Yves d’Hau, cela peut se comprendre, mais quand le résultat en vient à transformer le noble et violoncellistique Cygne en caricature, on récrimine vigoureusement (L’Éléphant supporte mieux le passage de la contrebasse au contrebasson, puisque les tessitures autant que l’intention parodique s’avèrent en ce cas plutôt proches). De même, Mon cœur s’ouvre à ta voix n’a rien à faire au basson ni dans cette intégrale qui se veut de référence.

De manière générale, l’équipe du label serait bien inspirée de mieux relire ses livrets ; ici, entre autres contributions au collier de perles, on goûtera « Bien qu’empruntent de classicisme… » et « Odelette en ré majeure » (est-elle vaccinée, au moins ?) !

 

 

Robert SCHUMANN : Concerto op.54, Introduction et allegro appassionato op.92, Introduction et allegro de concert op.134.  Bruno Rigutto, piano.  Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, dir. Serge Baudo.  Lyrinx : LYR 154.

On est las d’accumuler les couplages “téléphonés” du Concerto de Schumann avec, par exemple, celui de Grieg, et on préfère la cohérence de programmes donnant à entendre les trois œuvres pour piano et orchestre de Schumann, ce qui fait ressortir la filiation entre des partitions espacées de quatre ans en quatre ans. Suite des rééditions de Bruno Rigutto (voir notre rubrique Liszt), ce disque de 1995 n’a rien perdu de ce qui le rend attachant, à savoir une spontanéité dans l’approche psychologique du compositeur. Le Concerto, qui s’est vu gratifié (!) de mille versions discographiques, nous touche ici par son absence de toute emphase démonstrative ; il nous parle avec une proximité pleine d’humanité. Un moment-clé résume bien ce sentiment : l’Andante espressivo du 1er mouvement, très tendre et délicatement rêveur. Nous avons l’impression d’être conviés dans l’intimité de Schumann, et cette délicatesse traversera les différents caractères des mouvements successifs (écoutez la fraîcheur perlée des arpèges du finale).  L’équilibre entre l’orchestre et le piano, bien sauvegardé par l’enregistrement, participe de cette réussite. Le même sentiment de partage intime traverse la partie pianistique de l’opus 92, mais cette fois, le compositeur semble avoir accumulé les maladresses pour que l’orchestre ne sonne pas. L’opus 134, ouvrage tardif qui s’approche du gouffre, trouve ici une interprétation essentielle, et l’on est frappé par la beauté expressive avec laquelle Bruno Rigutto pose le monde intérieur de Schumann dès les premières guirlandes de notes. La cohérence du programme gagne à suivre ainsi, avec tact, la trajectoire psychique du compositeur.

 

 

Karol SZYMANOWSKI : Étude op.4 n°3, Variations op.3, Préludes op.1, Mazurka op.50 n°1, Prélude et Fugue en ut# mineur, Fantaisie op.14.  Frédéric Vaysse-Knitter.  Intégral : INT 221.180.

Polonais par sa mère, Frédéric Vaysse-Knitter a entrepris de faire connaître les pièces de jeunesse de son demi-compatriote Szymanowski, autrement dit des pièces quasiment méconnues et qui méritent de ne pas le rester ! D’une grande virtuosité par moments, ces œuvres exigent un pianiste rompu à toutes les chausse-trapes et palettes chopiniennes, lisztiennes, schumanniennes, scriabiniennes ; s’y additionne la nécessité de mettre en relief des complexités d’écriture sollicitant les deux mains au-delà des conventions pianistiques du temps, et une pédalisation que Frédéric Vaysse-Knitter dose très intelligemment pour créer des nappes harmoniques tout en demeurant clair. Car si le Szymanowski des premières années varsoviennes s’inscrit encore dans un legs post-romantique, son originalité harmonique, son esprit assoiffé de cultures multiples se font jour et sans cesse éveillent notre attention. Bientôt les voyages les plus lointains vont le confronter aux esthétiques qu’appelait son intuition, et, quoique fidèle à ses racines, il en tirera de quoi faire éclore de nouvelles étrangetés modales et des éclairages surréalistes, comme en témoigne ici la seule pièce plus tardive incluse dans ce programme, la Mazurka op.50 n°1. Le mince reproche que l’on pourrait adresser au compositeur débutant qui se cherche encore, serait de dévier parfois sans crier gare de l’homogénéité conceptuelle nécessaire à la création d’un style (dans les brillantes Variations op.3, on passe ainsi d’une ambiance Belle Époque à un pianisme issu du Carnaval de Schumann), mais – corollaire heureux – cela nous assure une telle diversité de climats que l’ennui ne menace pas un instant l’auditeur. L’homogénéité est en revanche une vertu cardinale du travail accompli par Frédéric Vaysse-Knitter sur l’art de modeler un son noble et profond qui conduit l’émotion au cœur de l’irradiation instrumentale.

Si la Fantaisie op.14 est un chef-d’œuvre de “grand piano”, l’interprétation qu’en donne l’artiste en est un autre. Quelque soit l’écriture des pièces ici réunies, il en habite l’esprit avec une emprise qui ne se relâche pas une seconde.  Sur un Yamaha CF III S favorisant des pianissimi chauds et riches, Frédéric Vaysse-Knitter timbre avec un son très prenant ce qu’il qualifie lui-même de « musique d’automne », expression profondément appropriée au caractère de ces pièces quoique paradoxale de prime abord, s’agissant du printemps d’un jeune compositeur.

Le livret inclut un entretien où l’interprète développe sa vision de Szymanowski, et la prise de son restitue fidèlement la personnalité du pianiste ainsi que son ample dynamique. Ce disque laisse une empreinte d’une qualité émotionnelle rare, et nous attendons la suite avec impatience.

 

Sylviane Falcinelli.

 

Baccalauréat 2011.  Œuvres au programme de l’Option facultative (toutes séries) et de l’Enseignement de spécialité (série Littéraire).  Album de 2 CDs Virgin Classics (www.emivirginclassics.fr) : 070193.2.6.

Année faste, puisque - en heureux complément de notre Fascicule du baccalauréat 2011 - EMI/Virgin publie une compilation des œuvres inscrites au programme…  CD 1 : Fanfare for the common man d’Aaron Copland (London Philharmonic Orchestra, dir. Carl Davis), Messe en si mineur, « Symbolum nicenum » de Jean-Sébastien Bach (Chœur & orchestre du Collegium Vocale Gent, dir. Philippe Herreweghe), Color de Marc-André Dalbavie (Orchestre philharmonique slovène, dir. Emmanuel Villaume), Music for the Funeral of Queen Mary d’Henry Purcell (Choir of King’s College Cambridge, Academy of Ancient Music, dir. Stephen Cleobury).  CD 2 : Winterreise de Franz Schubert (extraits, par Thomas Allen, baryton, & Roger Vignole, piano), Déserts d’Edgard Varèse (Ensemble instrumental de musique contemporaine de Paris, dir. Konstantin Simonovitch), Appalachian Spring d’Aaron Copland (City of London Sinfonia, dir. Richard Hickox).  Ne seriez-vous nullement concerné par l’épreuve, voilà – par les plus grands interprètes - une compilation dont vous ne pourrez faire décemment l’économie (d’autant qu’elle est vendue au plus bas prix, en achat physique ou virtuel).

 

                 

 

Jan Dismas ZELENKA (1679-1745) : Sonates en trio n°4, 5, 6, ZWV 181.  Ensemble Pasticcio Barocco.  Hérisson (www.label-herisson.com) : LH 05.  Distr. Codaex.  TT : 50’08.

Interprétées ici par, tour à tour, 2 hautbois, 1 basson, 1 contrebasse, 1 théorbe & 1 clavecin, ces Sonates (1720-1722), composées à Dresde sans que l’on en connaisse la réelle destination – on ne sait, en effet, que fort peu de choses de la vie solitaire de Zelenka – sont d’une remarquable saveur, et méritaient certes pareille mise au jour.  Mille grâces à Pasticcio Barocco.

 

 

Wolfgang Amadeus MOZART : Concerto pour piano n°22 (cadences : Edwin Fischer), Concerto pour piano n°25(cadences : Friedrich Gulda).  David Fray, piano.  Philharmonia Orchestra, dir. Jaap van Zweden.  EMI/Virgin Classics (www.virginclassics.com) : 64 1964.04.  TT : 66’04.

Internationalement reconnu depuis sa fulgurante apparition en 2008, le tout jeune David Fray interprète enfin Mozart, dont la trompeuse simplicité longtemps l’intimida et le retint de l’inscrire au programme de ses récitals.  Il est ici merveilleux d’aérienne sobriété et d’énergique élégance.

 

 

Franz SCHUBERT (1787-1828) : Winterreise D.911.  Thomas E. Bauer (baryton).  Jos van Immerseel (pianoforte Christopher Clarke, 1988).  Zig Zag Territoires (www.zigzag-territoires.com) : ZZT 101102.

Merveilleuse expressivité et velouté du timbre caractérisent l’art de Thomas Bauer.  Quant au grelottement du pianoforte, il n’est certes pas malvenu dans une telle œuvre…  Le livret inclut les poèmes de Wilhelm Müller (avec leurs traductions française et anglaise), ainsi qu’une présentation, par Thomas Bauer, du « Vrai Voyage d’hiver de Wilhelm Müller », ce grand inconnu de l’histoire littéraire allemande qu’Heinrich Heine lui-même disait être son maître.  Une publication qui sera précieuse aux candidats à l’épreuve Musique du baccalauréat 2011…

 

 

Franz SCHUBERT : Sonate « Arpeggione » en la mineur D.821 (1824).  Sonatine n°1 en ré majeur D.384 (1817).  Trio n°1 en sib majeur op.99 (1827).  Marc Coppey (violoncelle), Peter Laul (piano), Ilya Gringolts (violon).  Aeon : AECD 1095.  TT : 77’11.

La meilleure part est ici celle du violoncelle : dans la Sonate en la mineur, bien sûr, primitivement confiée à l’arpeggione, ainsi que dans la transcription de la lumineuse Sonatine n°1, originellement écrite pour le violon.  Dans le Trio n°1, lui-même, l’écriture du violoncelle est remarquablement développée.  À la différence de tant de ses confrères cellistes, Marc Coppey privilégie fluidité du discours et intensité de l’émotion sur la recherche du « beau son ».

 

 

Franz LISZT (1811-1886) : Évocation à la Chapelle Sixtine.  Œuvres sacrées pour orgue, par Marie-Ange Leurent & Éric Lebrun.  2CDs Bayard Musique : S 447989.  Distr. Rue Stendhal.  TT : 51’44 + 45’44.

Singulièrement bienvenus sont ces enregistrements d’œuvres tardives et peu connues de « l’abbé Liszt ».  Sur l’orgue Stiehr-Mockers de l’église protestante de Barr (instrument exactement contemporain de la composition des présentes pièces), les excellents Marie-Ange Leurent & Éric Lebrun nous offrent ici un florilège qui ne devrait pas manquer d’inspirer nombre de leurs collègues.  CD1 : Arbre de Noël (extraits), trois Ave Maria, oraison Les Morts (Benoît Strebler, récitant), Évocation à la Chapelle SixtineCD2 : Crux ave benedicta, O Traurigkeit, O Sacrum convivium, Dante-Symphonie (extraits), Choral, Salve Regina, Angelus, oraison Les Morts (pour orgue seul).

 

CD - Marie-Ange Leurent & Eric Lebrun

 

Antonín DVOŘÁK (1841-1904) : 6e Symphonie en ré majeur op.60 (1880).  Nocturne en si majeur op.40 (1883).  Scherzo capriccioso op.66 (1883).  Baltimore Symphony Orchestra, dir. Marin Alsop.  Naxos (www.naxos.com) : 8.570995.  TT : 68’19.

Après ses enregistrements d’anthologie des 7e, 8e, 9e Symphonies et des Variations symphoniques de Dvořák, l’excellente Marin Alsop nous offre, cette fois, une fraîche et dynamique lecture de la 6e Symphonie du grand compositeur tchèque, tant inspirée des thèmes de sa Bohème natale, non moins que de son mentor Brahms.  Le Nocturne op.40 est l’arrangement pour orchestre à cordes (en si majeur), par Dvořák lui-même, de l’Andante religioso de son 4e Quatuor (en… mi mineur).  Égal bonheur de retrouver également, sur ce disque, le populaire Scherzo capriccioso

 

 

Erica MORINI (1905-1995), célèbre violoniste autrichienne, interprète Tchaïkovski, Tartini, Vivaldi, Kreisler, Brahms, Wienawski.  RIAS Symphonie Orchester, dir. Ferenc Fricsay.  Michael Raucheisen (piano).  Audite (www.audite.de) : 95.606.  TT :72’14.

Enfant prodige, Erica Morini se produisait, dès 1921, au Carnegie Hall de New York.  Son présent enregistrement du Concerto de Tchaïkovski (enregistré live, en 1952, à Berlin) est demeuré légendaire.  L’extrême raffinement de son jeu ne fait pas moins merveille dans les pièces de virtuosité, accompagnées au piano par Michael Raucheisen : Sonate en sol mineur et Variations Corelli de Tartini, Sonate en ré majeur de Vivaldi, Schön Rosmarin et Caprice viennois de Kreisler, Valse op.39 de Brahms et Capriccio-Waltz de Wienawski.  Une opportune réédition.

 

 

Leoš JANÁČEK (1854-1928) : Quatuors à cordes n°1 et 2.  Mandelring Quartett, Gunter Teuffel (viole d’amour).  Audite (www.audite.de) : 92.545 (SACD).  TT :67’14.

Témoignages de la parfaite indépendance du compositeur - non moins que de ses sentiments amoureux -, ces deux Quatuors comptent parmi les chefs-d’œuvre de la musique de chambre du XXe siècle.  Heureuse initiative des Mandelring de donner ici le 2e Quatuor dit « Lettres intimes », en ses deux versions : l’une avec alto, l’autre – telle que l’avait conçue Janáček - avec viole d’amour.

 

 

Dimitri CHOSTAKOVITCH  (1906-1975) : 10e Symphonie en mi mineur op.93 (1953).  Royal Liverpool Philharmonic Orchestra, dir. Vasily Petrenko.  Naxos (www.naxos.com) : 8.572461.  TT : 52’11.

Réputée quasi autobiographique, la monumentale 10e Symphonie de Chostakovitch est l’une de ses œuvres majeures.  Reçue triomphalement par le public, elle fut violemment critiquée par les instances politiques et ce, malgré la disparition de Staline quelques mois avant la création de l’œuvre à Léningrad, le 17 décembre 1953. 

 

 

 

 

Bernard CAVANNA : Shanghaï ConcertoTrois Strophes sur le nom de Patrice LumumbaKarl Koop Konzert (1CD / TT : 65’26).  La peau sur la table (1DVD / TT : 1h39’33).  Firme Aeon (www.aeon.fr) : AECD 1104.

Shanghaï Concerto (2009) est un double concerto, pour violon, violoncelle & orchestre.  Trois Strophes sur le nom de Patrice Emery Lumumba (2008) est écrit pour alto & ensemble instrumental.  Karl Koop Konzert (2007) est une « Comédie pompière, sociale et réaliste » pour accordéon & orchestre.  Orchestre national de Lille / Ensemble 2e2m.  TT : 65’26.

La peau sur la table (2010) est un portrait filmé du compositeur, réalisé par Delphine de Blic (TT : 1h39’33).  CD/DVD Aeon (www.aeon.fr) : AECD 1104.

Extraordinaire ensemble qui permettra, à bien des mélomanes, de découvrir l’un de nos plus originaux et… sincères – serait-ce dans la joyeuse provocation – compositeurs de notre temps.  En particulier, tout au long d’un film (Prix Sacem du documentaire musical de création, 2010) remarquablement conçu et monté, émaillé de séquences musicales et de passionnants entretiens avec H. Dutilleux, G. Aperghis, G. Condé, J. Rebotier, V. Manac’h…

 

 

Ramon LAZKANO (°1968) : Hauskor(2006) pour 8 violoncelles & orchestre.  Ortzi Isilak (2005) pour clarinette & orchestre.  Ilunkor (2001) pour orchestre.  Cello Octet Amsterdam.  Ernesto Molinari, clarinette.  Orchestre national basque, dir. Johannes Kalitzke.  Kairos (www.kairos-music.com) : 0012992KAI.  TT : 54’53.

Conçue davantage dans le son qu’avec des sons, la musique du donostiarra (originaire de San Sebastián) Ramon Lazkano combine des matériaux athématiques - pulvérisés, éruptifs ou fusionnels.  Enchevêtrements sonores auxquels on ne peut que douloureusement s’arracher…

 

        

 

David POGUE & Scott SPECK : La musique classique pour les nuls.  Adaptation française du livret (First Editions) : Claire Delamarche.  6 CDs, 147 titres, 7h de musique.  EMI/Virgin Classics (www.emivirginclassics.fr) : 648 144.2.1.

Seriez-vous grand érudit, le rapport qualité/prix du présent coffret ne pourra que vous séduire – sous réserve de ne pas lire les commentaires d’un livret en trop parfait accord avec l’intitulé de la chose (100 p.).  CD1 : Moyen Âge, Renaissance, Baroque (grégorien, Palestrina, Lully, Rameau, Bach, Vivaldi, Haendel...).  CD2 : Style classique (Haydn, Mozart, Boccherini, Beethoven…).  CD3 : Essor du romantisme (Schubert, Weber, Chopin, Liszt, Mendelssohn, Rossini…).  CD4 : Apogée du romantisme (Wagner, Brahms, Mahler, Dvořák, Puccini, Verdi…).  CD5 : Musiques nationales (russe, française, espagnole).  CD6 : Vers la modernité (R. Strauss, Satie, Ravel, Stravinsky, Prokofiev, Gershwin, Barber, Dutilleux…).  Avec le concours des plus grands interprètes…

 

 

Scott WHEELER (°1952).  Wasting the Night : Songs.  Susanna Phillips (soprano), Krista River (mezzo-soprano), Joseph Keiser (ténor), William Sharp (baryton).  Donald Berman (piano).  « American Classics », Naxos (www.naxos.com) : 8.559658.  TT : 72’07.

Né au sein d’une famille de musiciens, Scott Wheeler (www.scottwheeler.org) intégra, tout d’abord, divers groupes de rock avant d’écrire, dans les années 70 - sous l’influence de Schoenberg -, ses premières œuvres pour le concert ; puis de découvrir Schumann, Fauré et… Virgil Thomson, dans la filiation duquel il s’inscrit clairement.  Le présent album de mélodies accompagnées au piano est une parfaite introduction à l’art d’un musicien, par ailleurs auteur d’opéras à succès tels que : The Construction of Boston ou Democracy (commande de Plácido Domingo).  Sur des poèmes d’Emily Dickinson, William Blake, R. M. Rilke, Hugh Auden, etc., sont ici réunis six petits cycles : Serenata (1993), Sunday Songs (1999), Heaven and Earth (2007), Singing to Sleep (1984), Wasting the Night (1990), Turning Back (2007) et deux mélodies isolées : Litany (2006) et Mozart, 1935 (1997).  Révélation, pour nous, d’un vrai mélodiste, sachant magnifiquement écrire pour la voix.

 

 

Loreena McKENNITT : The wind that shakes the barleyQuinlanroad (www.quinlanroad.com) :QRCD 114.  Distr. : Keltia Musique (tél. : 02 98 95 25 20. www.keltiamusique.com).

Entourée de ses habituels collaborateurs (le violoniste Hugh Marsh, la violoncelliste Caroline Lavelle, le guitariste Brian Hugues et le vielliste à roue Ben Grossman, plus une dizaine d’excellents musiciens traditionnels), l’envoûtante Loreena McKennitt interprète ici, dans ses propres arrangements, huit mélodies celtiques : As I roved out / On a bright may morning / Brian Boru’s march / Down by the Sally gardens / The star of the ciounty down / The wind that shakes the barley / The death of queen Jane / The parting glass.  Plus l’une de ses propres compositions, The emigration tunes (sur l’histoire irlando-canadienne autour de la famine de 1840).  Un bienvenu retour à ses racines d’une artiste fort justement appréciée en tous pays (14 millions d’albums vendus, à ce jour).

 

 

« Songs », Comédies musicales.  Ensemble Contraste (www.contrastezvous.com).  Distr. Naïve (www.naive.fr).

Où est joyeusement revisité l’univers des comédies musicales anglo-saxonnes et françaises.  Avec Arnaud Thorette (alto & direction artistique), Johan Farjot (piano, arrangements & direction musicale), Pierre Fouchenneret (violon), Antoine Pierlot (violoncelle), Raphaël Imbert (saxophone), Karol Beffa (improvisations au piano) et, notamment… Karine Deshayes !  Avec la complicité de Sandrine Piau, Magali Léger, Sébastien Droy, Sébastien Guèze, Alain Buet - non moins que de Rosemary Standley, Emily Loiseau, Isabelle Georges et Albin de la Simone.  Dix-neuf plages d’un bonheur sans nuage !

 

Francis Gérimont.

 

Johann Sebastian BACH : Weihnachts Oratorium, BWV 248.  Carolyn Sampson, Wiebke Lehmkuhl, Martin Lattke, Wolfram Lattke, Konstantin Wolff.  Dresdner Kammerchor. Gewandhausorchester, dir. Riccardo Chailly. 2CDs Universal/Decca : 478 2271. TT : 69'15 + 63'07.

Composé par le Cantor en 1734, l'Oratorio de Noël se présente comme une série de six cantates pour le jour de Noël et les deux suivants, le Jour de l'An, le jour de la fête du Saint Nom de Jésus et le jour de l'Épiphanie.  Bach y réemploie des morceaux tirés de cantates profanes antérieures qu'il modifie quelque peu pour leur donner un accent plus religieux : changement d'instrument d'accompagnement, ajout de liaisons nouvelles et d'appogiatures.  Chaque volet est doté d'un climat particulier dû à une instrumentation spécifique.  Ainsi, alors que chacune de ces parties s'ouvre sur un chœur, la deuxième est préludée par une sinfonia, sorte de pastorale qui fait penser à Haendel.  Mais une unité de construction les unit : l'intervention de l'Évangéliste, comme dans les Passions, l'interruption du récit biblique par des épisodes lyriques confiés aux solistes ou au chœur.  Le traitement des chorals est particulièrement riche. Même si le langage mélodique reste austère, il s'enrichit de quelques traits originaux, telle une aria de soprano avec hautbois obligé qu'agrémentent des effets d'écho de la voix et de l'instrument.  La présente interprétation, saisie en concert en janvier 2010, se distingue par la belle patine d'un orchestre illustre, le Gewandhaus de Leipzig, dans une formation peu nombreuse.  La sonorité en ressort épurée, les bois en particulier, et ne fait pas regretter les instruments d'époque.  Riccardo Chailly livre une exécution d'une grande sobriété de ton et d'une belle souplesse de phrasé.  Ce que l'on retrouve dans la ligne des solistes vocaux, jeunes voix, mais dotées d'une ferveur certaine, et dans la contribution du chœur de chambre de Dresde.

 

 

Maurice RAVEL : Daphnis & Chloé.  Pavane pour une infante défunte.  Boléro.  London Symphony Chorus, London Symphony Orchestra, dir. Valery Gergiev.  LSO Live : LSO0696.  TT : 78'36.

On savait, depuis des exécutions d'anthologie avec Pierre Monteux que les musiciens du LSO possédaient le vrai son gallique.  Rien de plus vrai encore aujourd'hui sous la conduite de leur chef attitré, Valery Gergiev.  Car voici un généreux disque Ravel à marquer d'une pierre blanche en termes de plasticité orchestrale.  Si la Pavane, prise très lent, libère une grâce par trop monotone, un brin complaisante, le tempo très allant du Boléro contribue à en dégager l'effet lancinant puis enivrant, ce côté machine infernale d'un long crescendo s'amplifiant en intensité sur un rythme immuable.  Le morceau de choix reste la grande fresque de Daphnis et Chloé.  Comme le confessait son auteur, la référence à la danse passe au second plan et sa « symphonie chorégraphique » est, de façon ostentatoire, symphonique.  Le chef qui se souvient combien Ravel doit ici aux musiciens russes, privilégie les lignes claires et nettes, ménageant les évolutions de sonorité, pour décrire l'immensité du paysage sonore, les effets de lointain ou, au contraire, la digression plus intimiste.  L'atmosphère se fait dégagée, mystérieuse, parfois languissante (danse suppliante de Daphnis) et contrastée (une danse guerrière éclatant d'énergie, scandée avec insistance).  Gergiev façonne le son avec délectation, non sans gourmandise et glorifie la formidable orchestration ravélienne, tout comme l'art suprême de la transition et des changements de climats.  L'éventail dynamique est large, cordes ppp, bois effleurés, fiers éclats des cuivres.  L'évocation sonore trouve sa plus somptueuse expression dans le frémissant Lever du jour, et sa frénétique apogée lors de la Bacchanale finale.  Le fini sonore de l'orchestre est enthousiasmant : élégance instrumentale, des bois en particulier (un envoûtant solo de flûte, malgré le tempo retenu adopté par le chef), transparence de la texture, extrême souplesse du rythme.

 

 

Carl NIELSEN : Symphonies n°4 « L'inextinguible » & n°5.  London Symphony Orchestra, dir. Sir Colin Davis.  LSO Live : LSO0694.  TT : 66'38.

Après s'être consacré à Sibelius, par trois fois au disque, Sir Colin Davis y défend maintenant Nielsen.  Tout comme le finlandais, le compositeur danois (1845-1931) fait figure de musicien national.  Encore que sa conscience nationale diffère sensiblement de celle de ses contemporains.  Issu d'une famille de paysans de l'île de Fionie, il possédait naturellement la fibre culturelle de son pays.  La simplicité rustique, on la trouve dans sa musique intimement mêlée à une veine plus intellectuelle car la culture de Nielsen était ouverte sur le monde. L'univers de ses symphonies est fait d'atmosphères contrastées.  La Quatrième (1914-1916) reflète les préoccupations tant du musicien que de l'homme.  Son titre « L'inextinguible » exprime, selon lui, « la volonté élémentaire de la vie ».  D'où l'élan irrépressible qui la parcourt à travers ses quatre parties que relient de subtils enchaînements, et jouées d'un seul tenant.  Une vision de chaos caractérise les mouvements extrêmes, lutte entre espoir et résolution, surtout au finale émaillé de deux batteries de timbales rageuses et de cuivres fiers luttant contre la masse du reste de l'orchestre, comme une tentative d'écrasement.  Un intermède rustique dominé par les bois semble vite s'évanouir pour laisser place à un poco adagio privilégiant les cordes, mais vite traversé de tensions. La Cinquième, qui date des années 1920-1922, est elle aussi une « symphonie de guerre », selon le chef Simon Rattle ; car, là encore, le climat est empreint de tensions paroxystiques malgré le calme apparent sur lequel s'ouvre le premier mouvement et la vaste mélodie de l'adagio bientôt secoué de soubresauts de la caisse claire et de cuivres élargissant l'ambitus sonore.  Le troisième et dernier donne aussi libre cours à des déferlements énergiques alternant avec des pages plus apaisées.  Le LSO est glorieux, et pas seulement ses percussionnistes, sous la conduite de Sir Colin qui offre une démonstration de musique combien chargée de sens.

 

 

Alfred Brendel : A Birthday Tribute.  Johannes BRAHMS : Concerto pour piano n°1, op. 15.  Wolfgang Amadeus MOZART : Concerto pour piano n°25, KV 503.  Ludwig van BEETHOVEN : Sonate pour piano n°31 op.110.  Franz SCHUBERT : Impromptu D935 n°1.  Alfred Brendel, piano.  Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, dir. Sir Colin Davis (Brahms).  SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg, dir. Hans Zender (Mozart).  2CDs Universal/Decca : 478 2604. TT : 50'54 + 63'32.

Inédites au disque, ces exécutions de concert, exhumées d'archives de radio à l'occasion du 80e anniversaire du grand Alfred Brendel, ont reçu son imprimatur.  Un programme bien dans la manière du pianiste puisque rapprochant ses auteurs de prédilection Mozart, Beethoven, Schubert, auxquels est ici associé Brahms.  Le 1er Concerto op.15 marque le triomphe du romantisme de la première période, dite nordique, de Brahms, d'une rudesse tourmentée.  Il est ici servi par une vision grandiose (captée à Munich en 1985) que souligne le tempo très mesuré qu'adopte Colin Davis d'entrée de jeu, qui ne se relâchera qu'au rondo final.  La densité sonore du tissu orchestral pare le maestoso introductif d'une aura de gravité et le soliste s'y fait hiératique dans ce jeu si typiquement mêlé à l'orchestre.  Il devient contemplatif à l'adagio où se mêlent rêverie sereine et tendresse rustique.  Le rondo final sera d'une exubérance, là encore, toute mesurée.  Ce qui frappe aussi, c'est la qualité de la prise de son, le piano idéalement intégré au sein de l'orchestre. Une balance piano-orchestre d'ailleurs approuvée par le pianiste, comparée à telle autre interprétation en studio.  La même impression d'immédiateté sonore se dégage de l'exécution du Concerto n°25 de Mozart (saisie à Baden-Baden en 2002), en particulier lors des dialogues, si importants dans cette pièce, entre soliste et instruments à vent.  Alfred Brendel en donne une exécution miraculeuse qui laisse s'épancher la profonde humanité baignant ces pages, sorte de confidences de l'âme.  De la subtile entrée du piano, sur la pointe des pieds, après un début allegro en fanfare qui vire bientôt à la déclamation opératique, au sombre dialogue entre soliste et bois à l'andante dont les thèmes s'interpénètrent en forme de mélodie continue, au finale enfin, tout d'élan passionné, le jeu du pianiste enthousiasme par son extrême fluidité, son délicat humour, sa vraie tendresse.  À ces deux exécutions concertantes sont adjointes deux pièces instrumentales (live à Salzburg, 2007). De cette exécution de la Sonate op. 110 de Beethoven, Brendel avoue que « c'est celle-ci qui est la plus chère à mon cœur ».  De fait, l'art de traduire ses climats si élusifs est magistral, notamment au sublime adagio.  L'Impromptu D935 n°1, donné en bis lors du même concert, livre cet ondoiement singulier dont se détachent quelques beaux thèmes d'une fantaisie expressive qui forment la quintessence de l'art de Schubert.  Il scelle aussi cette approche intime et naturelle qui caractérise la manière d'un de ses plus distingués interprètes.

 

 

Neujahrs Konzert 2011. Johann STRAUSS II : Reitermarsch, op.428, Donauweibchen, valse op.427, Amazonen-Polka, op.9, Debut-Quadrille, op.2, Muthig voran! Polka schnell, op.432, Ritter Pásmán, Csárdás op.141, Abschied-Rufe, valse op.179, Spanischer Marsch op.433, An der schönen, blauen Donau, valse op.314.  Johann STRAUSS I : Furioso-Galopp nach Liszt's Motiven, op.114, Cachucha-Galopp, op.97, Radetzky-Marsch, op.228.  Joseph LANNER : Die Schönbrunner, valse op.200.  Franz LISZT : Mephisto-Waltzer, n°1.  Joseph STRAUSS : Aus der Ferne, Polka-Mazur, op.270, Mein Lebenslauf ist Lieb' und Lust, valse op.263.  Eduard STRAUSS : Ohne Aufenthalt, Polka schnell, op.112.  Joseph HELLMESBERGER II : Die Perlen von Iberien, Zigeunertanz. Wiener Philharmoniker, dir. Franz Welser-Möst.  2CDs Universal/Decca : 478 2601. TT : 46'19 + 54'54.

Depuis Nikolaus Harnoncourt (2001, 2003), le Concert du Nouvel An n'avait pas été dirigé par un chef autrichien.  Franz Welser-Möst, tout juste la cinquantaine, est déjà au faîte d'une enviable carrière internationale. Après la direction musicale de l'Opernhaus de Zurich ne vient-il pas de prendre celle de l'Opéra de Vienne ! Choisi, pour la première fois, pour conduire l'incontournable événement musical - le 70e du nom - rajeunissant enfin la vénérable institution, le chef réussit l'exercice.  Alors qu'il ne néglige pas les standards obligés, son programme offre bien des nouveautés.  Plusieurs thèmes s'y côtoient : un florilège de pièces tirées de l'opérette Simplicius de Johann Strauss II, que le chef a naguère contribué à ressusciter scéniquement à Zurich ; un hommage à Liszt, anniversaire oblige, avec une exécution flamboyante de sa Méphisto Valse n°1, encadrée par des morceaux dédiés au pianiste virtuose par Strauss, père (un Furioso-Galopp haletant) et fils (une valse des Cris d'adieu, vrai déchirement sentimental) ; quelques morceaux hispanisants enfin, dont la couleur pare le concert d'un amusant parfum exotique, ibérico-hongrois dans le cas de la danse tzigane Les Perles d'Ibérie de Hellmesberger, qui scelle aussi l'évolution du style viennois vers une brillance plus marquée.  On se délecte d'un assortiment savamment concocté de valses, polkas, marches, galops et autres quadrilles, venus si aisément sous la plume de la prolifique dynastie des Strauss, père, fils, frères, et à ses épigones comme Joseph Lanner.  Le concert du Nouvel An est une affaire avec laquelle on ne plaisante pas : plus que brillantes, ces musiques laissent percer à l'occasion quelque gravité.  Comme bien souvent, l'intensité croît au fil du concert pour atteindre bientôt son juste apogée.  La manière de Welser-Möst est naturelle, ample, souplement articulée à l'aune de ce « je ne sais quoi » typiquement viennois qui marque la retenue sur le premier temps de la valse, débutée lentement pour se rythmer peu à peu et se faire expansive dans le développement.  Le chef maîtrise l'art de construire le morceau pour donner le sentiment que chaque répétition du thème offre quelque chose de nouveau.  Il sait ménager l'effet de surprise et apporter ce zeste qui confère à la polka rapide son irrésistible élan.  L'empathie est certaine avec les Viennois qui subliment leur jeu.

 

 

MélodiesClaude DEBUSSY, Emmanuel CHABRIER, Camille SAINT-SAËNS, Henri DUPARC, Reynaldo HAHN, Maurice RAVEL.  Stéphane Degout, baryton.  Hélène Lucas, piano.  Naïve : V 5209.  TT : 74'19.

Le baryton Stéphane Degout, il y a peu un idéal Pelléas, livre aujourd'hui un impressionnant récital de mélodies françaises.  Ce genre si subtil, il l'investit avec un rare bonheur, persuadé qu'il est d'un intérêt vital pour lui de s'y consacrer au même titre qu'à la scène ; un art, certes, moins accaparant que celle-ci, mais pas moins exigeant car, là, il faut être soi-même.  Il le cultive depuis ses débuts et la rencontre d’Hélène Lucas, chef de chant au Conservatoire de Lyon, et de Ruben Lifschitz qui y animait une classe d'interprétation sur le Lied.  C'est vers eux qu'il s'est tout naturellement tourné pour préparer ce programme.  Nul doute que l'éloquence du résultat sanctionne le formidable travail accompli en amont.  Le choix des pièces, pour beaucoup méconnues, est intéressant.  Ainsi en est-il des mélodies persanes de Saint-Saëns, d'un orientalisme discret, des délicates pochades de Chabrier dont le style est si proche de ses compositions pianistiques, ou encore des pièces de Reynaldo Hahn qui n'a pas son pareil pour passer, en deux strophes, de l'insouciance au drame.  Bien sûr, le Duparc de La vie antérieure ou le Debussy des Trois Ballades de François Villon transportent sur d'autres cimes, plus fascinantes encore.  L'interprétation est marquée au coin de l'intelligence, de l'émotion discrète, de l'intimité entre texte et musique.  Le timbre clair, proche de celui de « baryton Martin », qui se fait caressant dans la nuance piano ou solaire dans le forte, offre à la modulation lyrique une large palette de couleurs.  Le naturel de la diction, dépourvue d'affectation, va de pair avec la justesse de ton pour animer ces scénettes qui, dans leur brièveté, en disent long sur la poétique littéraire sous-jacente.  Les Histoires naturelles de Ravel en offrent un parfait exemple : une déclamation d'une vraie simplicité, proche des inflexions du langage parlé, épousant étroitement les pages subtiles imaginées par l'auteur de La Valse pour mettre en musique la prose quelque peu prosaïque du bestiaire de Jules Renard.  On ne saurait mieux en traduire l'exquise poésie, la secrète facétie, le climat suggestif.  Hélène Lucas, avec laquelle le chanteur fait désormais équipe en concert, est le révélateur de cette vocalité lumineuse : les climats choisis que prodigue son piano, qu'il sonne quasi orchestral ou comme murmuré, sont pur raffinement.

 

 

DVDs

André Ernest Modeste GRÉTRY : L'Amant jalouxou Les fausses apparences.  Comédie mêlée d'ariettes en trois actes.  Livret de Thomas d'Hèle.  Magali Léger, Claire Debono, Maryline Fallot, Frédéric Antoun, Brad Cooper, Vincent Billier.  Le Cercle de l'Harmonie, dir. Jérémie Rhorer.  Mise en scène : Pierre-Emmanuel Rousseau.  DVD Opéra Comique/Wahoo : WAH 001.  TT : 1H20.

L'Amant jaloux est un exemple de ce qu'on appelle le genre du demi-caractère dans l'opéra-comique : un mélange de chant et de déclamation ; les airs de facture brève, ou ariettes, s'enchaînant souvent directement à l'intermède parlé qu'ils complètent harmonieusement sans l'ombre d'une rupture.  Le prétexte est ici une comédie plutôt légère en forme de marivaudage amoureux.  La présente production, captée dans le bel écrin de l'Opéra royal de Versailles - où la pièce fut créée en 1778 - joue des ressorts sans surprise de la comédie baroque.  La mise en scène de Pierre-Emmanuel Rousseau, qui se veut reconstitution éclairée, n'échappe pas au convenu des situations.  Il n'est pas si aisé de traiter une action dont le sous-entendu des sentiments est le seul moteur.  Elle n'en dispense pas moins des tableaux bien léchés grâce à un joli décor de toiles peintes, de rassurants effets de symétrie et d'agréables perspectives classiques.  Les costumes y apportent une riche palette de couleurs.  Tous éléments auxquels rend justice une prise de vue limpide et naturelle.  La direction de Jérémie Rhorer souligne ce que la musique a d'inventif dans le traitement instrumental, mais aussi dans la vivacité des ensembles.  La distribution, jeune et agréable à voir, rencontre chez les dames quelques problèmes d'intonations.  C'est que la ligne de chant n'est pas toujours aisée à négocier dans ses postures acrobatiques.  Quoi qu'il en soit, une intéressante réhabilitation.

 

Jean-Pierre Robert.

 

Exceptionnel est l’hommage ici rendu par EuroArts (www.euroarts.com) & Medici Arts (www.mediciarts.tv), à l’homme et grand musicien qu’est Daniel Barenboim.  En 11 DVDs live :

BEETHOVEN : Concertos pour piano & orchestre.  Live from the Klavier-Festival Ruhr (mai 2007).  Staatskapelle Berlin, piano & direction : D. Barenboim.  2DVDs EuroArts : 2056779.  TT : 114’ + 84’.

 

 

FALLA : El Sombrero de tres picos.  Debussy : La Mer.  BOULEZ : Notations I-IV.  Bonus : Conversation Barenboim/Boulez.  Live from the Musik Triennale Köln (avril 2000).  Elisabete Matos (mezzo-soprano).  Chicago Symphony Orchestra, dir. D. Barenboim.  DVD EuroArts : 2050136.  TT : 90’ + 20’ (bonus).

 

 

BEETHOVEN : Ouverture Leonore n°3.  BOTTESINI : Fantaisie sur des thèmes de RossiniBRAHMS : 1re Symphonie.  Live from the Alhambra, Granada (août 2006).  Kyril Zlotnikov (violoncelle), Nabil Shehata (contrebasse).  West-Eastern Divan Orchestra, dir. D. Barenboim.  DVD EuroArts/Arte Edition : 2055538.  TT : 85’.

 

 

BRAHMS : 1er Concerto pour piano.  1er Quatuor avec piano (orchestration : Arnold Schoenberg).  Live from Europa-Konzert, Odeon, Athens (mai 2004).  Bonus : The European Concert in Olympic Athens.  Daniel Barenboim, piano.  Berliner Philharmoniker, dir.  Sir Simon Rattle.  DVD EuroArts : 2053659.  Tt : 127’.

 

 

Invitation to the Dance.  Concert du Nouvel An, 2002.  Œuvres de : Bach, Mozart, Verdi, Dvořák, Tchaikovsky, Sibelius, Strauss II, Kodály, Brahms, Salgán, Abreu/Oliveira, Carli.  Live from the Philharmonie, Berlin (décembre 2001).  Berliner Philharmoniker, dir. D. Barenboim.  DVD Medici Arts : 2051849.  TT : 97’.

 

 

BEETHOVEN :