Lettre d'information - no 110 janvier 2017

La rédaction

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Sommaire

AGENDA

Les Ondes Martenot à l'honneur par Daniel Blackstone

Kaija Saariaho : présente ! par Patrick Jézéquel

ARTICLES DU MOIS

Du visuel au sonore, du sonore au visuel par Gérard Denizeau

SPECTACLES

Le compositeur américain John Adams fête ses 70 ans à la Philharmonie de Paris.

Le violoniste Vadim Gluzman triomphe dans Prokofiev à la Philharmonie de Paris.

Un très bel Elias à la Philharmonie de Paris.

Mikhail Pletnev sauve le concert du Russian National Orchestra à la Philharmonie de Paris.

The Rake’s Progress au Théâtre des Arts à Rouen : Un grand moment d’opéra.

Admirable Sol Gabetta !

Don Giovanni au Théâtre des Champs-Elysées : Bis Repetita Placent !

L’Oratorio de Noël : version Thibault LAM QUANG

Grandes héroïnes françaises des XVIIè et XVIIIè siècles!

Pour sauver La Petite Bande

SPECTACULAIRE SECOND EMPIRE

LES PIANISSIMES

MAÎTRISE DE RADIO FRANCE

CENTRE DE MUSIQUE DE CHAMBRE DE PARIS

L’ÉDITION MUSICALE

CHANT CHORAL  - PIANO  - VIOLON  - VIOLONCELLE  - CONTREBASSE  - FLÛTE  - HAUTBOIS  - CLARINETTE  - TROMPETTE  - SAXHORN / EUPHONIUM / TUBA    - PERCUSSIONS  - MUSIQUE DE CHAMBRE  

LIVRES

Anthony GIRARD : Minos. Les dédales de l’expérience créatrice.

Jean-Michel FROIDURE : Le Tambour français. Histoire et évolution.

Anne BOISSIÈRE : Chanter, narrer, danser.

CDs & DVDs

Charles BORDES (1863-1909). Mélodies (Vol. 1) & Œuvres pour piano.

Charles BORDES (1863-1909). Mélodies (Vol. 2).

BACH. PURCELL. HAENDEL. BIZET. MENDELSSOHN. SCHUBERT. GOUNOD. FRANCK. TRADITIONNALS & SPIRITUALS. The Christmas Trumpet.

FARINELLI. Un portrait.

BACH. HAYDN. MOZART. SCHUMANN. CHOPIN. SCRIABINE.Fantaisie.

Franz SCHUBERT Piano Sonatas D 845 & D 958.

Noël baroque. Les Musiciens de Saint-Julien

MONTEVERDI. DE WERT.LUZZASCHI. AGOSTINI. GESUALDO. GASTOLDI. DE RORE. MARENZIO. PICCININI. GONZAGA.L’Arte del Madrigale.

Abélard & Héloïse.

Georges MIGOT : Musique et Poésie...

Johann Sebastian BACH : Musik für die Seele.

Célébration. 10 siècles de musique de Noël.

Now Sleeps the Crimson Petal. Lieder und Motetten zur Advents- und Weihnachtszeit.

Matthias NEUMANN : LAUDES ORGANI.

Max REGER : Das Werk für Männerchor/The Works for Men’s Choir. Vol. 1

Max REGER (1873-1916).

Yvonne LEFÉBURE : Une légende du piano.

Florent NAGEL : Alice au Pays des Merveilles.

Carlo Francesco CESARINI : Cantates da camera della Biblioteca Casanatense di Roma, pour soprano et basse continue.

Carl Philipp Emanuel BACH : Sinfonia pour deux violons et basse continue. Sonate en trio pour deux violons et basse continue. Sonatina. Arias de cantates.

Georg Philipp TELEMANN : Suite pour flûte à bec, cordes et continuo, TWV 55:A2. Concerto pour flûte à bec , cordes et continuo, TWV 51:C1. Sonate pour deux chalumeaux, violon et continuo, TWV 43:F2. Concerto da camera pour flûte à bec, deux violons et continuo TWV 43:G3.

« La harpe reine. Musique à la cour de Marie-Antoinette »

Gioachino ROSSINI : Arias extraites de Demetrio e Polibio, Matilde di Shabran, Adelaide di Borgogna, Semiramide, Eduardo e Cristina, Tancredi.

Johannes BRAHMS : Danses hongroises nos 2, 4, 8 & 11. 16 Valses op. 39. Franz SCHUBERT : Divertissement à la hongroise D. 818.

« Verismo ». Airs extraits de Adriana Lecouvreur, de CILEA, Andrea Chénier de Umberto GIORDANO, La Wally de Alfonso CATALANI, Mefistofele de Arrigo BOITO, Pagliacci de Ruggiero LEONCAVALLO, La Gioconda de Amilcare PONCHIELLI, Tosca, Turandot, Madama Butterfly, Manon Lescaut de Giacomo PUCCINI.

Igor STRAVINSKY : Concerto pour violon. Transcriptions pour violon et piano : Chanson russe. Danse russe. Divertimento. Suite italienne. Berceuse. Tango.

MUSIQUE & CINEMA

SEVERINE ABHERVE

ACTUALITE MUSIQUE & CINEMA

Ciné concerts en janvier 2017

Fondation Jérome Seydoux – Pathé

FESTIVAL DU FILM D’AUJOURD’HUI de Rueil-Malmaison

PRIX FRANCE MUSIQUE SACEM de la musique de film

AUDI TALENTS AWARD

CDs MUSIQUE & CINEMA

OUTLANDER saison 2  - MANCHESTER BY THE SEA  - MARS  - LES ENFANTS DE LA CHANCE  - FANTASTIC BEASTS AND WHERE TO FIND THEM  - ALLIED  - NEMO  - THE MURDER OF MARY PHAGAN  - L’AMI FRANCOIS D’ASSISE ET SES FRERES  - JACKIE  - THE CINEMA OF QUINCY JONES  -

AGENDA

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Les Ondes Martenot à l'honneur par Daniel Blackstone



Pura Pénichet, Présidente de la FEA

Après l’annulation en raison de la cessation inopinée d’activité du Théâtre Adyar de sa manifestation du 4 décembre dernier, la Fédération des Enseignements Artistiques Martenot organise le dimanche 19 février 2016 un Concert-Expo à l’auditorium MPAA/ Saint Germain 4, rue Félibien 75006 Paris intitulé « Ondes en Seine ». A 17h Expo / vernissage : - 17h – Expo / vernissage des Arts Plastiques – Stands de présentation de la Formation Musicale Martenot, de de la Méthode de piano et de la Relaxation Active Martenot – Stand de présentation des publications martenot , ainsi que de la réédition du livre de Jean Laurendeau : Maurice Martenot, Luthier de l’électronique et du film de Caroline Martel Le chant des Ondes – Maurice Martenot. – Présentation de l’Ondomo, nouvel instrument d’ondes, par son réalisateur.
- 18h Concert : le concert est consacré principalement à la création d’œuvres courtes pour Ondes Martenot et divers instruments écrites spécialement par les compositeurs :
Marie-Hélène BERNARD, Damian CHARRON, Jean-François DEMOULINS, Patrick LENFANT, Laurent MELIN, Arnaud MILLAN, Brigitte NERAT, Martial ROBERT, Roger TESSIER, Olivier TOUCHARD, Jean-Pierre TOULIER, Nicolas VERIN.
- 20h rencontre avec les artistes, compositeurs, musiciens, peintres, suivi d’un pot amical offert.
Prix des places : 20 € plein tarif, 15 € adhérents à la FEAM,10 € étudiants / chômeurs. Gratuit pour les moins de 12 ans.
Il est instamment recommandé de prendre ses places sur la billetterie en ligne sécurisée :
Soit en passant par le site de la Fédération :
http://federation-martenot.fr/Ondes-en-Seine
ou directement à :
https://www.helloasso.com/associations/federation-des-enseignements-artistiques-martenot/evenements/ondes-en-seine-5


Kaija Saariaho : présente ! par Patrick Jézéquel

Sur dix jours – 10-19 février – et en dix-huit concerts, le Festival Présences brossera le portrait de Kaija Saariaho. Cette compositrice d'origine finlandaise, installée en France dans les années 1980, est devenue une figure centrale de la scène musicale contemporaine, après être passée par les cours d'été de Darmstadt et l'Ircam. Il faut d'emblée souligner, comme chez tous les grands, l'originalité de ses compositions : il y a un univers et une marque de fabrique « Saariaho », identifiables dès les premières mesures de chacune de ses œuvres. Son esthétique, à la croisée de la musique spectrale et de la composition assistée par ordinateur, est le fruit de l'heureux mariage d'un véritable lyrisme poétique, d'un grand sens de la narration et de la forme et d'une attention permanente portée aux jeux de la voix et des instruments. Présences fera entendre des pièces très diverses, dressant ainsi un panorama assez complet : Graal Théâtre et Adiana Songs (orchestre philharmonique de Radio France, Dima Slobodeniouk dir., Nora Gubish mezzo-soprano), Springs and Spells (Ingrid Schœnlaub violoncelle), Œuvre pour flûte et kantele et Dolce Tormento (Camilla Hoitenga flûte, Eija Kantaanranta kantele), Horloge, tais-toi ! (maîtrise de Radio France, Morgan Jourdain dir.), Offrande (Anssi Karttunen violoncelle, Olivier Latry orgue), ou encore Lichtbogen (sous forme d'installation audiovisuelle). Ce tableau sera complété par l'entretien public de la musicienne et d'Arnaud Merlin. L'occasion, pour le producteur à France Musique, de présenter l'ensemble du programme du festival.
D'autres créateurs seront bien sûr présents : de très célèbres, tels Olivier Messiaen, Henri Dutilleux, Iannis Xenakis, Tristan Murail ou Pascal Dusapin, et d'autres, à découvrir ou approfondir : Raphaël Cendo, Lucie Prod'homme, Núria Giménez-Comas, Martin Matalon, Misato Mochizuki, Jérôme Combier, Jeremias Iturra... Au total : 40 compositeurs et 78 œuvres – dont 25 commandées par Radio France et 31 créations mondiales. Tous les concerts seront diffusés sur France Musique. Bref, l'ouverture, la curiosité et le cosmopolitisme feront à coup sûr de cette 27e édition de Présences, non seulement une fête réussie, mais aussi un événement incontournable pour tous les mélomanes curieux de la musique de leur temps !
http://www.maisondelaradio.fr/page/festival-presences-portrait-de-kaija-saariaho-du-10-au-19-fevrier-2017

ARTICLES DU MOIS

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Du visuel au sonore, du sonore au visuel par Gérard Denizeau

Défi majeur lancé aux prosélytes de l’esthétique hégélienne, les correspondances entre arts visuels et musique s’inscrivent presque toujours, en défit de certaines assertions imprudemment péremptoires, sous le signe de l’hypothèse. Rien de plus révélateur en ce sens que l’étude des problèmes particuliers posés par la représentation des scènes musicales. Car si l’image de la musique ne sollicite pas l’oreille, si précisément elle n’est pas musicale, elle conduit néanmoins le plasticien, puis le spectateur, à réfléchir sur l’utopique fusion de l’œil et de l’oreille. Et si les variations dans la perception sonore d’une action musicale peinte ou sculptée en modifient la perception visuelle, c’est pour cette première raison que l’inscription de l’œuvre dans la durée est intimement liée à l’identification de son contexte sonore. L’abîme stylistique qui sépare tel Joueur de harpe cycladique1 de la Guitariste2 de Braque, par exemple, frappe aussi bien l’œil que l’oreille, l’effigie créant un climat sonore qui, à son tour, la modèle. Autre exemple, une œuvre aussi probante que la Leçon de piano3 de Matisse est en grande partie déterminée par le timbre du piano à queue, bien différent de celui de l’épinette esquissée par Fragonard dans sa non moins illustre Leçon de musique4 . Donner à voir la musique, ou du moins tenter de le faire, c’est donc tout avant tout solliciter l’activité informatrice de l’esprit en matière d’esthétique, de style, d’histoire, de sociologie, d’organologie…

Intuition, perception et analyse
Pluridisciplinarité, transversalité, poly-sensorialité, synesthésie… tous ces termes qui, depuis quelques décennies, connaissent une fortune nouvelle, stimulante et parfois équivoque, renvoient à l’expérience immémoriale de la perception sensorielle du monde et à l’intuition, probablement tout aussi ancienne, des correspondances dans ce processus. Car la diversité sensorielle a été tôt pressentie comme l’une des singularités de l’homme et même comme la démonstration du principe divin de sa création, si l’on en croit Xénophon rapportant dans Les Mémorables ce propos de Socrate à un interlocuteur impie : « Ne vous semble-t-il donc pas que celui qui a fait les hommes dès le commencement leur a donné des organes parce qu’ils leur sont utiles : les yeux, pour voir les objets visibles ; les oreilles pour entendre les sons ? À quoi nous serviraient les odeurs si nous n’avions pas de narines ? Quelle idée aurions-nous de ce qui est doux, de ce qui est âcre, de ce qui flatte agréablement le palais si la langue n’y siégeait comme arbitre ? ». On relèvera, d’une part que la vue et l’ouïe sont citées comme sens premiers, d’autre part que le goût seul est pris en compte pour ce qui relève de l’agréable, les autres sens renvoyant à l’utile, détail révélateur de la variabilité des modes de perception autant que de celle des objets perçus. Il n’est pas inutile de se le rappeler lorsque l’esprit est sollicité par des propositions aussi éloignées que peuvent l’être un tableau de Botero, un panneau japonais du XVIIIe siècle, une lithographie de Lichtenstein ou un chapiteau roman.
Sur quel socle fonder le projet d’une lecture connexe des arts visuels et de la musique ? Pour l’historien attaché à l’étude d’un mouvement nuançant toutes les productions sensibles d’une époque, il s’agit avant tout de déterminer ce qui, du triple point de vue de l’histoire, de l’esthétique et de la technique, permet le lancement de passerelles entre les productions respectivement plastique et musicale de ce mouvement (sans préjudice des leçons dispensées par la littérature), à l’image, par exemple de ce que peut suggérer Brown Double Sound5 de Kandinsky. D’où, en réponse à la question d’un fondement légitime de la réflexion, cette conjecture que le projet d’une lecture historique commune des arts visuels et de la musique reposera sur une quadruple hypothèse formant le socle évoqué plus haut :

- communauté latente des structures organisant les objets sensibles.
- analogies spontanées opérées par nos récepteurs sensoriels.
- souveraineté immuable de la donnée historique.
- affinités secrètes des pulsions psychiques et des contraintes sociologiques.

Pour réduire les risques de lacune et d’incohérence pesant sur toute lecture interdisciplinaire, on ne perdra pas de vue un certain nombre d’axes de réflexion. Ainsi n’est-il jamais vain de procéder au relevé des expressions plastiques générales contemporaines de certaines œuvres musicales capitales… et vice-versa ! Souvent fastidieux pour le lecteur par son caractère de rubrique laborieuse du chef-d’œuvre, ce travail rappelle utilement combien de découvertes de notre temps en matière de correspondances remontent à un passé parfois millénaire ! Ensuite, s’impose une recension, nécessairement sélective, de manifestations simultanées des formes plastiques et sonores sur un thème commun, moins par ambition de découvrir un faisceau de modes opératoires voisins que pour mettre en lumière le jeu des intuitions expliquant la remontée à une source commune. En troisième lieu, l’amateur de sensations synesthésiques se penchera avec profit sur les inscriptions communes des arts visuels et de la musique dans un processus historique général. L’un des meilleurs exemples en la matière reste celui des édits du Concile de Trente (1545-1563), dont les conséquences musicales, architecturales, picturales et sculpturales constituent bien moins la traduction sensible que les agents prosélytes. L’examen de l’attitude particulière adoptée par certains peintres (un Boucher au XVIIIe siècle comme un Combas au XXe) vis-à-vis de la musique et de certains compositeurs (de Couperin à Serge Nigg) vis-à-vis de la peinture, délivre par ailleurs un certain nombre de clefs, mais, là encore, il faut se résigner à l’absence de terrain ferme, même si la dynamique de cette instabilité est source de nombreux enseignements. L’ouverture sur les parallèles d’ordre esthétique délivrera au lecteur des satisfactions plus immédiates, ne fût-ce que parce que la question esthétique est en soi porteuse d’une part de ses réponses ! Reste enfin à se pencher sur diverses contributions marginales, celles des écrivains par exemple, surtout lorsqu’ils ne sont maîtres ni de la technique musicale ni du métier pictural. La captation du visuel et du sonore, au travers de leurs écrits, ouvre en cette occurrence des champs insoupçonnés à la réflexion. Tous les historiens d’art et tous les musicologues qui ont lu Marcel Proust attentivement savent ce qu’ils lui doivent. A fortiori, donc, les historiens des parallèles, analogies et correspondances entre arts visuels et peinture…

De l’analogie antique à l’homologie gothique
Dans les premiers classements des hommes par la Bible, les musiciens occupent une place qui est refusée aux imagiers, peintres ou sculpteurs. Hélas, ce qui reste du patrimoine musical des millénaires ayant précédé notre ère est dérisoire, et resterait à peu près inexploitable sans les témoignages visuels de la peinture et du relief. La peinture sur vase, mais aussi la fresque, la monnaie, la sculpture, mettent en évidence l’importance primordiale de l’art des sons dans les civilisations méditerranéennes et orientales. Mais c’est par le seul silence de l’image qu’elles en témoignent, ce qui satisfait mal l’historien, moins préoccupé d’organologie que de perception directe des expressions musicale et picturale au sein de leur champ de rencontre. Pour tous les foyers antiques, l’étude des correspondances du visuel et du sonore en matière artistique se heurte au double obstacle de la disparition quasi totale du patrimoine musical et des graves altérations subies par le faible héritage des œuvres évoquant l’action de la musique. Cependant, si la prudence commande de ne jamais conclure que sous le signe de l’hypothèse, il est loisible de vérifier qu’au hasard de ces divers foyers, l’illustration “sonore” conduit de façon inévitable à la mise en scène de l’homme jouant de son instrument, chantant ou dansant, étirant son geste à l’infini dans le temps pour conférer à son action une présence immatérielle, ressentie par le spectateur sensible avec la même certitude que celle de son Dieu caché par l’homme de foi.

Le Moyen Âge croit pour sa part aux secrets d’une beauté dissimulée dans les proportions et fonde la plus grande partie de ses spéculations artistiques sur la numérologie. Le musicien et l’imagier appuient ainsi leurs intuitions sur l’exégèse de la Bible, qui établit la soumission de l’ordre naturel à la règle du nombre occulte et omnipotent. Mais l’illustration de la musique – qu’elle relève du vitrail, de la miniature, de la fresque ou du relief – est aussi révélatrice de multiples particularités médiévales : répartition des Troubadours et Trouvères en rapport avec celle des écoles de peinture, à “fond bleu” et à “fond clair”, notion de lecture spatio-temporelle de l’image, en analogie avec la perception auditive qui exige la durée, organisation du temps liturgique par l’image et par le chant, etc. Phénomènes par ailleurs difficiles à analyser, ne fût-ce qu’en raison des pertes considérables et définitives de la plupart des œuvres, et qui créent le plus souvent des situations contradictoires. Ainsi les arts de la couleur proposent-ils, par influence conjuguée de l’enluminure irlandaise, de l’orfèvrerie barbare et de l’iconologie copte, une tentative de libération à l’endroit du bas-relief romain dans le même temps que le chant grégorien se romanise sous la direction énergique de l’évêque de Metz, Chrodegang dès 752 (date de son voyage au Saint-Siège). D’un côté donc, la mémoire de la civilisation romaine s’efface, de l’autre, elle se renouvelle !

Ces mêmes phénomènes ne peuvent être compris dans leur réalité historique si l’on néglige une double donnée essentielle : le poids de l’Église sur la civilisation et son obligation de propager le message évangélique en sollicitant tous les canaux de diffusion, dont la musique et les arts visuels, en référence à la figure du Roi David, musicien et danseur. Cependant, en ce qui concerne l’iconographie musicale proprement dite, plus particulièrement celle des miniatures, la détermination des éléments de rencontre entre sonore et visuel est malaisée, hors cette prédilection, relevée par tant d’observateurs, pour la harpe triangulaire qui dénonce l’obsession trinitaire nuançant toutes les expressions d’un art fondamentalement religieux.

Si la peinture romane, par exemple, présente de nombreux caractères neufs, c’est loin d’être le cas pour la musique qui lui est contemporaine, le puissant élan qui transforme les formes visibles n’ayant pas son équivalent dans l’univers sonore, bien que certains progrès soient à relever. La pratique du déchant suppose ainsi des rapports complexes entre tradition orale et tradition écrite des clercs. Un parallèle s’impose alors avec la tradition iconographique de l’Église et les variantes locales des ateliers chargés d’établir et de diffuser cette tradition. Il reste cependant aléatoire de relever le jeu des correspondances entre proportions plastiques et musicales, la théorie des nombres étant seule à permettre une mise en parallèle commode des réalisations sonores et visuelles du temps. Les procédés de l’organum autorisent assurément certains rapprochements, ce genre musical reposant sur l’application de proportions régissant également les rapports architecturaux. Dans sa version ornée (dite “fleurie”), il favorise par ailleurs le jeu des équivalences avec la décoration des façades romanes. Au tympan de Moissac, la frise des vingt-quatre Vieillards présente ainsi une superposition de trois rangées autonomes, mais interdépendantes, qui évoquent d’autant mieux la genèse polyphonique de ce tems que leur animation ordonnée contraste avec le désordre du Christ central.

À l’âge gothique, les compositeurs de l’École de Notre-Dame (1170-1250 environ) et de l’ars antiqua (1250-1320 environ) assurent la difficile rencontre, si longtemps pressentie, de l’horizontal et du vertical dans l’organum, puis dans le motet. De leur côté, les peintres gothiques cherchent à établir l’unicité de la vision par sa multiplication dans le nouvel espace. L’unité primordiale renvoie au multiple et le provoque. La seconde moitié du XIIe siècle, date d’éclosion de la chanson courtoise et d’un nouveau répertoire des formes visuelles, fixe ainsi un moment essentiel des destinées respectives de la musique et des arts visuels. En marge de l’Église, l’opus francigenum (art “francilien”, supplanté au XVIe siècle par le vocable gothique, dû à l’incompréhension d’un texte de Giorgio Vasari) provoque des manifestations profanes, à l’image de la chanson courtoise, la pensée de gothique permettant seule de comprendre l’élaboration de son vocabulaire plastique, tout en fournissant nombre de clefs de la production musicale profane.

Au XIVe siècle, période musicale placée en grande partie sous le label d’Ars nova, la représentation des musiciens par la fresque, la miniature, l’enluminure, le tissu ou le vitrail montre l’importance grandissante du musicien, individualisé en tant que créateur au même titre que le plasticien humanisant qui dirige le chantier des cathédrales et en devient peu à peu l’architecte et non plus seulement le maître d’œuvre. Les enluminures des XIVe et XVe siècles proposent volontiers les “portraits” des musiciens les plus éminents, à l’exemple de Martin le Franc dessinant, côte à côte, Guillaume Dufay devant son orgue (musique religieuse) et Gilles Binchois, harpe à la main (musique profane). La promotion de la femme gothique favorise aussi la représentation des instruments de musique, dispensateurs d'un art sensible, des plaisirs intimes de la vie, et non plus simples facteurs de l’expression de la cosmologie unitaire placée sous le principe du nombre. Les canons plastiques peuvent enfin se modeler, en images, sur les données musicales et littéraires d’un manuscrit, selon le principe d’homologie qui nourrit tout un pan de la pensée scolastique. La promotion de la femme gothique – dont le culte marial reste le plus éclatant symptôme – favorise par ailleurs la représentation des instruments de musique, dispensateurs d’un art sensible, des plaisirs intimes de la vie, et non plus simples facteurs de l’expression de la cosmologie unitaire placée sous le principe du nombre, selon un répertoire précis : la trompette pour la voix de Dieu, la cithare pour le ciel, le psaltérion pour le ciel, la lyre à dix cordes pour les Tables de la Loi (expression des Dix Commandements), le tympanon pour l’homme précaire (image de la peau frappée), etc. Le Tombeau de Renaud de Montclar dans l’abbaye de la Chaise-Dieu porte ainsi dix anges musiciens jouant d’autant d’instruments différents (tambourin, trompette, psaltérion, vièle à archet, orgue portatif, galoubet, tambour de basque, luth, flûte traversière et instrument inconnu) dont les sonorités relient l’homme à Dieu. Plus que la parole, fût-elle celle de la prière, plus que l’image, fût-elle celle de Dieu, la musique élève l’homme vers le royaume divin.

Le cas de la Flandre du XVe siècle reste exceptionnel. L’étude simultanée des arts et de la musique y conduit à cette observation que la polyphonie franco-flamande triomphe à travers toute l’Europe au moment même ou sa peinture, encore médiévale, est seule en mesure de faire contrepoids à la floraison du Quattrocento. Sur ce point, une justification d’ordre stylistique et esthétique peut être avancée : tout en influençant de façon parfois profonde la peinture italienne du XVe siècle, la peinture flamande est elle-même restée à peu près insensible aux influences ultramontaines. Ce que la peinture flamande apporte à la civilisation européenne, ce n’est pas seulement une technique nouvelle, assurant la pérennité du matériau, c’est surtout un esprit nouveau, fondé sur une piété profonde et attaché à une reproduction incroyablement minutieuse du réel. C’est ainsi que dans les contrées nordiques, l’humanité fait son entrée dans les grandes compositions religieuses. Le Retable de l’Agneau mystique6 met en scène une foule ordinaire de prophètes, martyrs, patriarches ou apôtres, les figures les plus marquantes étant celles des célèbres anges musiciens, aptères et formant deux groupes compacts ; ce double renoncement - aux ailes emblématiques et à la ronde dynamique autour de la scène - est symptomatique des nouvelles lois imposées par l’observance du réel et dont la peinture de l’action musicale facilite l’accomplissement.

Synchronismes et anachronismes renaissants
Du Quattrocento au XVIIIe siècle, la convergence entre musique et peinture repose sur une exigence supérieure : expression du beau et du vrai par imitation de la nature et de l’antique. Dans leurs représentations du geste musical, les peintres du temps s’attachent autant à la reproduction virtuose des motifs visuels qu’à la justesse du ton. Au hasard des siècles, il est aisé d’en relever quelques exemples significatifs : le berger du Concert champêtre7 de Titien ne participe pas à l’aristocratique exercice musical, le jeu des dissonances et consonances de la musique renaissante est rendu par les diagonales du Concert de nymphes8 de Tintoret, les lèvres de la Finette9 de Watteau sont closes tandis qu’elle tourne son regard vers le spectateur, etc.

Par ailleurs, le Quattrocento coïncide, par la chronologie, avec l’accomplissement musical de la polyphonie médiévale au sein de l’École franco-flamande. Nul besoin de forcer les dates pour établir la contemporanéité exacte du musicien Guillaume Dufay (1400 ?-1474) et de l’architecte Leon-Battista Alberti (1404-1472), ainsi que du polyphoniste Johannes Ockeghem (1425-1495) et du peintre italien Piero della Francesca (1416-1492). Plus significative encore est la concordance des dates entre l’architecte Donato Bramante (1444-1514), le musicien Josquin des Prés (1450 ?-1521) et le peintre Léonard de Vinci (1452-1519), trois grands penseurs de leurs arts respectifs, attachés à resserrer le faisceau des acquis du siècle précédent. C’est l’époque contemporaine qui a opéré une évaluation des apports respectifs de l’Italie et de l’aire franco-flamande aux univers respectivement pictural et musical, simplification trop réductrice pour valoir devant l’histoire. Ce que confirme la grande difficulté de lancer des passerelles entre ces innovations picturales et musicales du Quattrocento florentin et de l’école franco-flamande. Pour ne prendre qu’un exemple, la prééminence de l’école nordique dans le domaine musical trouble le principe de l’antagonisme supposé entre l’empirisme franco-flamand et la spéculation italienne, le contrepoint de la Renaissance reposant avant tout sur la réflexion créatrice. En revanche, si l’on considère la perspective moins comme un mode de déchiffrement spatial de la nature que comme son agent d’exploration et d’organisation, l’effort des peintres et sculpteurs du Quattrocento est parallèle à celui des premiers compositeurs polyphonistes s’efforçant de domestiquer et d’organiser la matière informe. Dans un cas comme dans l’autre, la fascination du nombre et de la proportion joue à plein. C’est le Quattrocento qui impose définitivement, de façon délibérée sinon scientifique, le facteur temporel pour la lecture picturale des grandes compositions, les fresques de Masaccio ou de Benozzo Gozzoli, par exemple. Or la musique témoigne simultanément de préoccupations spatiales avec les doubles chœurs de Saint Marc de Venise qui prennent explicitement en compte les phénomènes d’écho, de résonance et de prolongement du son révélant les mouvements du son dans un espace qu’elle construit au fur et à mesure qu’elle l’investit. La construction plastique d’un espace intelligible, un et multiple, coïncide ainsi avec les règles polyphoniques autorisant l’élaboration d’un univers sonore multiple et un.

Le XVIe siècle reste marqué par la Réforme qui, initiée par Luther, bouleverse dans une grande partie de l’Europe l’histoire des mentalités et des sensibilités. La musique n’est pas en reste, avec la transformation de répertoires anciens et l’éclosion de nouvelles catégories. Le Concile de Trente (1545-1563) enfin, qui élabore la riposte catholique, modifie à son tour le destin de la musique, ouvrant la voie à toutes les propositions baroques, cependant que la musique instrumentale prend au XVIe siècle une place sans précédent dans une tradition jusque-là dominée par la voix.

Dans les premières décennies du XVIe siècle, particulièrement en Italie, les rencontres de la musique et de la peinture restent inscrites sous le sceau de l’esthétique. Chez Raphaël (1483-1520), le traitement des scènes musicales propose (dans les esquisses d’anges musiciens, plus que partout ailleurs) de séduisantes formules d’équivalence entre le visuel et le sonore. Dans sa célèbre Sainte Cécile10 , la disposition symétrique du groupe formé par saint Paul, saint Jean l’Évangéliste, saint Augustin et sainte Marie-Madeleine, répond ainsi à l’harmonie spirituelle des traits de la sainte martyre. De cette dernière, en extase (donc momentanément sourde et aveugle aux choses du monde), la pensée musicale pure, c’est-à-dire vocale, est matérialisée par une vision divine des chœurs célestes, cependant que le paganisme instrumental est stigmatisé par la chute de l’orgue. Dans la vision mythologique du Parnasse de la Chambre de la Signature, qui dispose l’essaim des muses autour d’Apollon, c’est vers la lira da braccio tenue par le dieu, aux côtés duquel sont assises Calliope et Erato, que convergent tous les regards et toutes les attentes. Ici encore, on observe que l’instrument tenu par le dieu est moderne, et non antique comme sur le dessin préparatoire, et qu’il compte neuf cordes (autant que les Muses), curieuse entorse à la règle. Mais surtout, il apparaît que cet instrument fait entendre un timbre que les visiteurs – nécessairement de haute condition sociale – de la Chambre de la Signature11 , connaissaient fort bien. Ainsi la musique participait-elle autant à l’actualité du chef-d’œuvre de Raphaël que la peinture qui reproduisait les visages de contemporains célèbres, Vinci, Michel-Ange, Bramante, Raphaël lui-même… donnant leurs traits aux gloires de l’Antiquité, Platon, Héraclite, Euclide, etc.

L’imbroglio baroque
Dans tout le corpus historique du style baroque, il n’existe aucun système de renvois du champ pictural au champ musical. Dans La Musique baroque12 , Manfred Bukofzer relève bien que « les termes de musique de la “Renaissance” et de musique “baroque” sont empruntés à l’histoire de l’art », que les tentatives d’appliquer cette terminologie à la musique depuis Wölfflin sont « assez grossières », mais cela ne le conduit nullement à réfléchir lui-même sur les raisons qui ont autorisé cet éventuel abus de langage. Dans les presque 500 pages de son ouvrage (version française), le nom du Bernin n’apparaît que deux fois, la première (p. 72) pour signaler qu’il a brossé en 1632 les décors de l’opéra Sant’Alessio de Landi, la seconde (p. 76) pour proposer une équivalence d’ordre érotico-mystique entre les sanglots vocaux du castrat Vittori et les sculptures sulfureuses de l’artiste ! Bukofzer se plaît ensuite (p. 78) à déclarer que « rarement l’architecture et la musique auront été aussi étroitement associées qu'à l’époque baroque, où l’espace en tant que tel devient une composante essentielle de la structure musicale » ; mais il juge inutile de proposer le moindre élément fondant ce postulat. Tintoret (baroque!?) étant par ailleurs cité une fois (p. 33) pour sa peinture, à laquelle renverraient les “sonorités vibrantes” et les “effets de couleurs” de Giovanni Gabrieli, le total des citations “artistiques” de Bukofzer apparaît ainsi d’une singulière minceur ! Du côté de l’histoire de l’art, la prise en compte de la musique est encore plus anémique. Dans son introduction à Classicisme et baroque13 , par exemple, Victor Tapié ne concède à la musique qu’une seule apparition, et encore d’ordre… bibliographique14  ! Cette indifférence réciproque n’est à l’évidence pas étrangère à l’origine des querelles actuelles sur la pertinence du terme baroque lorsqu’il est appliqué à la musique.

En premier lieu, la peinture baroque ne succède pas, contrairement à la musique dite baroque, à la période de la Renaissance dont elle est séparée par l’épisode flou du maniérisme qui occupe une grande partie du XVIe siècle. En second lieu, cette même peinture baroque ne précède pas la peinture classique puisqu’elle en est la stricte contemporaine - aux XVIIe et XVIIIe siècles - dans le même temps que les productions musicales dites baroque et classique occupent deux périodes consécutives, séparées par la frontière symbolique du milieu du XVIIIe siècle. Pour ce qui est de la musique elle-même, force est de constater que les exigences stylistiques artistiques et esthétiques suscitées dans le champ plastique par le mouvement humaniste, vers 1530, soit à l’aube du maniérisme pictural, ont joué un rôle essentiel dans la genèse des genres nouveaux, à commencer par le plus important d’entre eux, le madrigal. Lequel permet tout à la fois à l’Italie de découvrir ou redécouvrir ses grands poètes – Dante, Pétrarque, Boccace, l’Arioste, le Tasse – et de conduire un genre évoluant de la polyphonie, le plus souvent à cinq voix, vers le principe de la monodie accompagnée qui, de nos jours encore, domine une grande partie de la production musicale.

Pour qui se penche sur les rapports unissant la peinture et la musique européennes des XVIIe et XVIIIe siècles, une question primordiale oriente l’effort de réflexion : le baroque est-il un style ayant créé certaines formes et autres formules originales, ou n’est-il qu’un moment de civilisation caractérisé par ces mêmes formes et formules qui ne se définiraient que par leur refus apparent de l’héritage classicisant ? Après avoir hésité, à la suite de Wölfflin15 , à éliminer totalement la France de l’univers baroque, la critique historique, emboîtant le pas à Weisbach16 , a voulu à tout prix découvrir un baroque français dont le modèle accompli serait Versailles ! Pour raison démonstrative, on note que les fêtes, les bals et autres jeux d’eau de Versailles furent réglés par des mécanismes baroques, raisonnement fondé sur l’apparence, voire l’éphémère, Versailles ne devenant “baroque” que le temps d’une fête. L’essentiel est bien sûr ailleurs, dans l’avènement de l’horizontalisme et la toute-puissance d’une ligne droite dont les jeux créent cette nostalgie de l’inaccessible qui est la marque même du classicisme français et que l’on découvre avec le même bonheur dans les fêtes galantes de Watteau que dans les mises en perspective infinie des allées de Le Nôtre.

L’effet s’en vérifie également dans les particularités des arts visuels et de la musique. À la suite de Jean-Baptiste Lully, le penchant vers le spectacle, plutôt que vers la splendeur vocale si chère aux Italiens, provoque l’épanouissement de l’opéra-ballet et de l’opéra religieux. L’Europe galante de Houdar de La Motte et Campra, dont la création intervient en 1697, illustre le premier de ces deux genres, dans le même temps que le portrait d’apparat triomphe en France avec Hyacinthe Rigaud. Jephté de Montéclair, créé en1732, marque pour sa part l’apogée de l’opéra religieux, l’année même où Chardin expose au Salon de la Jeunesse son tableau Instruments de musique et perroquet17 . Enfin, le nouvel élan de la tragédie en musique – Médée de Marc-Antoine Charpentier date de 1693 – accompagne la transformation du motet et de l’oratorio, lesquels bénéficient des apports du style représentatif, fondé sur le figuralisme vocal comme sur la couleur instrumentale. Les motets de Michel Richard Delalande et les oratorios de Charpentier forment ainsi le pendant musical de la peinture aristocratique et mystique d’un Philippe de Champaigne, dont la palette s’estompe à partir de 1643, parallèlement à la montée de l’influence janséniste et chez qui la lumière vient de l’intérieur, illumine les visages des orants dans un décor aux tonalités sévères (Ex-voto, les deux nonnes).

La césure du XVIIIe siècle
Au XVIIIe siècle, la mutation du langage musical est caractérisée par la disparition de la basse continue, disparition qui fait césure entre les productions des contemporains respectifs de Jean-Sébastien Bach et de Joseph Haydn. De ce clivage, l’équivalent plastique n’existe pas vraiment. Cependant, la faveur rencontrée en terre allemande par le lyrisme concertant des compositeurs italiens présente d’évidentes analogies avec la fortune, en ces mêmes pays germaniques, du style décoratif italien, dominé par Giambattista Tiepolo, auteur des Quatre Parties du monde (1753) à la Résidence de Würzburg et contemporain exact des compositeurs de messes Leo, Durante ou Porpora. En France, le balancement entre tentation baroquisante et inclination classicisante, magistralement analysé par François-Georges Pariset18 , trouve son point d’équilibre dans l’œuvre d’Antoine Watteau, grand perturbateur de l’histoire des formes. Il est toujours, chez ce dernier, une veine ésotérique dont l’effet sonore serait à découvrir dans nombre de pièces pour clavecin de François Couperin. L’analogie peut même être poussée plus loin, tant les deux créateurs semblent avoir mené à ses conséquences extrêmes le concept de délicatesse dans un climat de poignante mélancolie, à l’image de l’inoubliable Finette19 au théorbe, toute de délicatesse et de triste élégance. Si le XVIIIe siècle demeure le “siècle de la femme”, la précieuse distinction des jeunes élégantes de l’Enseigne de Gersaint, la beauté languissante de la Finette ou la pulpeuse vision du Jugement de Pâris ne doivent pas faire oublier que cette féminité, dans l’art de Watteau comme dans celui de Couperin, s’allie à une très grande rigueur, à un soin compositionnel extrême, à une fermeté de structure qui n’exclut pas tout intellectualisme. Ainsi le Jugement de Pâris, par l’image qu’il confère aux troubles contingents du désir, chante-t-il la plainte de l’homme à la poursuite d’un univers pressenti et impénétrable. En cela, la nostalgie intemporelle de Watteau ne s’inscrit pas plus que celle de Couperin dans la double impulsion du XVIIIe siècle appelant l’homme au culte de l’antique et à la communion avec la nature.

Dans l’Europe du XVIIIe siècle, les destinées respectives de la peinture et de la musique commencent par radicalement diverger. Après Watteau, mort en 1721, et jusqu’à l’avènement néoclassique des années 1780, les formes visuelles ne subissent aucune transformation majeure, lors même que la musique connaît une mutation décisive avec l’abandon, relativement rapide, du principe de la basse continue. Le peintre Hogarth et le compositeur Leclair, par exemple, sont nés et morts aux mêmes dates (1697-1764), tandis que Fragonard (1732-1806) et Haydn (1732-1809) coïncident presque exactement. Or, c’est un abîme stylistique et esthétique qui sépare les deux compositeurs, soumis à des lois sonores discordantes, cependant que les deux peintres proposent chacun la version originale, mais parente, d'un même univers formel. Pourtant, le problème capital de l’expression visuelle ou sonore du beau et du vrai par imitation de la nature ne sépare qu’en apparence les arts plastiques de la musique au XVIIIe siècle. Le principe de l’imitation supposant une religion du naturel, peintres et sculpteurs, angoissés par l’impossibilité de parvenir à la perfection de cette imitation, durent secrètement, à cette époque, envier les musiciens, beaucoup plus libres dans leur choix des éléments figuralistes comme le suggère Marmontel : « Tout dans l’univers semble fait pour les yeux, et presque rien pour les oreilles. Aussi de tous les arts, celui qui a le plus d’avantage à rivaliser avec la nature, c’est l’art des accords et du chant ».2020 L’imitation de la nature par les musiciens est ancienne (la première intervention du “coucou” remonte au canon anglais Sumer is icumen in, dans la seconde moitié du XIIIe siècle), mais le XVIIIe siècle lui accorde une importance sans précédent. Ce n’est donc pas dans la pratique que se découvriront les éventuels éléments d’une convergence musico-picturale, mais au cœur de tout ce qui, en amont, conduit le praticien des couleurs et celui des sons à opérer certains choix parents.

C’est aussi au XVIIIe siècle que se situent les premières tentatives réfléchies d’établir entre peinture et musique des analogies qui reposeraient sur un système purement rationnel. Compositeur à l’occasion, grand penseur toujours, Jean-Jacques Rousseau propose une assimilation du dessin à la mélodie et de l’harmonie à la couleur, avec un singulier mélange de lucidité et d’absurdité. Lorsqu’il fait la distinction entre la richesse harmonique, source d'un plaisir sensuel analogue à celui dispensé par les couleurs, et la science harmonique, dont la sèche rigueur ne peut satisfaire que l’esprit de calcul comme les théories chromatiques, il propose un schéma dont tout musicien sait qu’il ne possède aucune réalité pratique. La richesse harmonique naît de l’intuition, l’accord est entendu par le compositeur avant d’être noté ; en conséquence, la frontière entre phénomène intuitif et réalité artistique est marquée par l’instant de la notation et c’est sur le fil de cette frontière que se déroule le processus de création. Parmi les autres contributions marquantes de ce débat, on notera la publication, par l’abbé Batteux, du livre Les Beaux-Arts réduits à un même principe (1746), nouvelle réflexion sur le sens de l’art. Rien n’est plus révélateur ici que l’impuissance du bon abbé à définir ce sens pour la musique. Se contentant d’observer que le seul calcul harmonique serait bien en peine de fournir un véritable fragment musical, comme la seule application de lois chromatiques serait impuissante à générer un tableau (qui imite un objet connu), il ne fait que souligner la différence essentielle entre le visuel et le sonore, la nature du modèle sur lequel se règlent les deux expressions. Autre protagoniste éminent de ce débat, le mathématicien jésuite Louis-Bertrand Castel (1688-1757) fit paraître, en 1740, son Traité sur l’optique des couleurs, par quoi il tentait de donner une assise scientifique aux correspondances du son et de la couleur en établissant un tableau comparatif du spectre chromatique et de l’échelle tempérée fondé sur la triple détermination des couleurs fondamentales (rouge-bleu-jaune) et des trois notes de l’accord parfait !

Sous le signe du romantisme, de nouvelles connexions musico-picturales
Toujours intéressant, souvent passionnant, fréquemment prophétique, le Journal d’Eugène Delacroix propose, en amont de l’œuvre d’art, la découverte d’un principe générateur commun, anticipation géniale des grandes interrogations esthétiques du XXe siècle. Prenant conscience du pouvoir émotif de la forme, de la ligne et de la couleur, indépendamment du sujet ou du motif qu’elles construisent, il se tourne alors volontiers vers la source musicale des émotions “abstraites”. Ainsi que nombre d’exégètes l’ont signalé, il est, dans le domaine particulier du rapprochement de la peinture et de la musique, en avance de presque un siècle sur les formulations qui articuleront le discours théorique de Kandinsky. Corollairement, l’analogie timbre/couleur n’a pu que favoriser le parallèle entre les mutations du peintre Delacroix – fasciné, si l’on en croit son portrait “maléfique” de Paganini, par la virtuosité du romantisme instrumental – et du musicien Berlioz, bien que le premier ait éprouvé une faible estime pour le second. Ces intuitions ont d’abord été le fait des jeunes romantiques d’Iéna, au premier rang desquels Novalis, attentifs à découvrir les effets nouveaux de l’art et de la poésie qui dévoilent leur nature profonde. La musique, étrangère par essence aux limites matérielles, supplante les arts visuels au point que l’architecture devient, sous les plumes de Schlegel et Goethe, une simple “musique figée”, un “art musical silencieux”.

Les noms de Corot et de Liszt, pour nous limiter à cet exemple, se trouvent associés à celui de la Villa d’Este dont ils ont subi respectivement, et tenté de transcrire, la fascination. Avec les Jeux d’eau de la Villa d’Este, Liszt joue surtout sur l’équivalence sonore, usant de la septième majeure arpégée (qui évoque le ruissellement) et de la note répétée dans le registre aigu, analogie de la chute de la goutte d’eau plus convaincante que celle du fameux prélude de Chopin. Dans 21Jardins de la Villa d’Este21 , Corot prend, au contraire, le parti de la mémoire visuelle, cherchant beaucoup moins à reproduire le féerique ensemble naturel revu par le génie de l’homme qu’à en retrouver la fraîcheur délicate pour la traduire par des moyens proprement picturaux. De son côté, Franz Liszt fut parmi les premiers à tenter de formuler une théorie de l’universalité de l’expression artistique, fondée sur l’intuition sensible et sur l’enthousiasme messianique plus que sur l’analyse (dans sa Lettre à M. Hector Berlioz le 2 octobre 1839). On lui doit aussi, dans sa Lettre à Léon Kreutzer, une réflexion, nuancée d’amertume, sur la pérennité de l’œuvre visuelle relativement à la fugacité de l’objet sonore : « Oh ! comment ne pas voir avec envie cette stabilité, cette permanence de la plastique, cette immortalité humaine acquise à l’œuvre du peintre et du statuaire ? Comment ne pas ressentir avec désolation cette impuissance de notre art à créer, à fonder des monuments durables ? ». C’est à lui enfin que l’on doit une curieuse tentative d’analyse de la Sainte Cécile de Raphaël22 reposant sur des analogies musicales précises.

Le cycle des mutations contemporaines
Au chapitre des éléments caractérisant ce qu’il est convenu d’appeler, par association avec son versant pictural, l’impressionnisme musical, on trouve une certaine inclination pour le non-affirmé, la demi-teinte, la dilution du rythme par le refus de l’alternance des appuis, le raffinement et la délicatesse instrumentale, le principe harmonique de juxtaposition plutôt que d’enchaînement des accords ou agrégats, l’incertitude délibérée de lignes mélodiques peu saillantes… Grand admirateur de Moreau et de Botticelli comme de Mallarmé ou Maeterlinck, Claude Debussy semble ainsi s’attacher, dès le Prélude à l’après-midi d'un faune (1894), à dissoudre la forme cependant que son instrumentation procède par touches légères, la mélodie se signalant par sa déstabilisation métrique et ses ondulations chromatiques, toutes propositions dont l’application peut aisément fonder le commentaire des ouvrages du Monet de la dernière époque. Elle-même inscrite au cœur d’un immense cycle de mutations esthétiques, cette musique échappe à tout modèle, autorisant même l’ambiguïté impressionniste/symboliste et imposant de nouvelles approches théoriques de sa perception, de sa captation et de sa restitution du monde par l’art et par le discours.

La musique et l’architecture n’ayant pas charge d’imiter, c’est dans leur étude comparée, en ce début du siècle, que se vérifient au mieux les insuffisances d’une tradition esthétique impuissante à dépasser la dichotomie espace-temps et à rendre compte des mutations épistémologiques du rapport au monde. Si l’élimination du motif clos – architectural aussi bien que musical – relève encore de l’utopie, il est indéniable qu’un mouvement général s’amorce en faveur d’une esthétique pure des rapports. On notera à ce sujet que la musique de chambre, terrain privilégié d’une telle proposition, n’occupe qu’une place réduite dans le catalogue debussyste. Sans même solliciter l’outil analytique, il est aisé de relever partout dans cette part de sa production les éléments d’une esthétique de l’intime (éparpillement mélodique, disparité harmonique, singularité métrique, prégnance du timbre) qui semble prémonitoire de ce constat de Bachelard selon lequel il n’est de continuité qu’à la faveur du groupement23 , la discontinuité du temps nécessitant son inscription dans un processus dialectique qui favorise l’utopie du devenir contre l’évidence du réel. Or, si dans le champ musical aucune conciliation ne semble possible entre cette proposition et la définition bergsonienne24 du temps unique, un bloc-temps vers quoi convergeraient tous les temps mémorisés, c’est précisément en raison des exigences de la durée musicale.

Il va de soi que les contradictions s’effacent dès lors qu’entre en jeu une méta-sensorialité agrégeant indifféremment le visuel et le sonore à son champ de perception. Pièce de concert conçue pour l’espace de la camera, le quatuor de Debussy, exemple aussi significatif que démonstratif, particularise cet espace musical de telle façon qu’il serait tout aussi vain de chercher une linéarité temporelle épousant la dialectique de l’utile et de l’inutile chère à Bachelard qu’une continuité faisant fi d’apparences superficielles, telle que la suggère Bergson. La vraie logique de ce discours sonore ne se découvre en fait que dans un foisonnement de particularités capitales, toutes issues d’un substrat fixe mais aux mutations à peu près infinies. Il y a ici convergence avec la prolifération décorative de l’architecture intérieure du temps et avec l’investissement total de la toile impressionniste, deux démarches fondées sur la seule intuition et revendiquant à leur tour une pure autonomie spéculative en marge de toute échelle cognitive ou illustrative. Après les deux grands Claude, Monet et Debussy, il deviendra impossible de penser le visuel et le sonore en termes aussi tranchés qu’auparavant, tant leurs contributions respectives semblent provoquer, antérieure à la perception, une émotion immanente révélée par la réception, par l’œil et par l’oreille, de la donnée sensible. À ce point de l’histoire, la peinture et la musique ne peuvent plus, à elles seules, rendre compte du faisceau du faisceau de leurs liens non plus que de l’éventail de leurs divergences. C’est toute la création et tout l’épistémè des premières décennies du XXe siècle que se doit d’interroger l’historien.

Affranchis de toute tentation naturaliste, les peintres cubistes témoignent ainsi d’optimisme, l’intelligence dépassant le principe de réception mécanique du regard pour former une image plastique cohérente. Les volumes se scindent en fragments de plus en plus réduits, l’objet se pulvérise en multiples facettes, les lignes de contour se brisent, permettant la mise en place des “passages” destinés à combattre le dégradé ; le plan du volume finit par chasser le volume lui-même. Si l’hermétisme des compositions cubistes à sujet musical ne permet qu’un renvoi allusif à l’art des sons, le principe du collage suggère l’idée de dissonance des matériaux. Sur cette voie, Picasso et Braque seront suivis par toute une génération jusqu’à Robert Motherwell. Entre le premier des cubistes, Pablo Picasso (1881-1973), et Igor Stravinsky (1882-1971), compositeur protéiforme, la tentation est grande d’établir un parallèle, fondé sur la chronologie et l’amitié. Rien ne semble plus les rapprocher que l’impressionnant cycle de leurs mutations respectives. Les deux hommes ont connu la phase néoclassique de l’entre-deux guerres – couronnée par Trois musiciens25 ou Les Flûtes de Pan26 et par la Symphonie de psaumes (1930). Tous deux se sont interrogés, au soir de leur vie, sur le destin de leur art, Picasso par ses séries sur les œuvres du passé (Les Ménines, Femmes d’Alger), Stravinsky en se convertissant provisoirement à la méthode sérielle (Threni). Les Futuristes italiens semblent cependant avoir les premiers à militer pour un art polymorphe, champ d’expression susceptible de se développer dans le temps et dans l’espace. Si leurs réalisations musicales restent limitées, les conséquences musico-picturales de cette même révolte sont bien plus intéressantes. Dans La Musique, Luigi Russolo tend ainsi à restituer, par la violence des rapprochements chromatiques, le tohu-bohu déclenché par le sombre musicien sur son clavier fantastique tout en contraignant le regard à une série d’itinéraires en arabesques sur la toile, laquelle prend ainsi une rare ampleur temporelle. Giacomo Balla crée le mouvement dans l’œuvre à deux dimensions en s’appuyant sur le geste du musicien dont le déplacement dans l’espace est source directe de la production sonore. Il en offre la plus saisissante démonstration dans Les Rythmes de l’archet27 et sera d’ailleurs suivi sur cette voie par certains cubistes, dont Marcoussis qui tente de restituer sur sa toile Le Musicien la dynamique du jeu du violoniste en multiples diagonales. Dans le même temps, Umberto Boccioni, qui a retenu la leçon de chronophotographie dispensée par Marey, travaille de façon raisonnée au surgissement d’un « art susceptible de se développer dans le temps et dans l’espace »28 , démontrant la fécondité de ces principes appliqués à l’image de l’homme dans Ceux qui partent29 , vision inspirée par la sonate Les Adieux de Beethoven. Les préoccupations chrono-spatiales du futurisme italien coïncident par ailleurs avec celles du rayonnisme russe de Mikhaïl Larionov qui construit le tableau en faisceaux de lignes créant une explosion spatiale et lumineuse avec une violence dynamique qui se retrouve dans la musique de Serge Prokofiev : Toccata pour piano, ballets Chout, le Pas d’acier ou Troisième concerto pour piano et orchestre. Pour justifier ses choix, par exemple dans Rayonnisme rouge30 , Larionov use d’une formule renvoyant à l’équivalence musicale : « Les couleurs ont un timbre qui change selon la quantité de leurs vibrations ».

Le XXe siècle a opéré une révision si complète des relations établies par l’histoire entre création musicale et création plastique – plus particulièrement picturale – que l’établissement des parallèles entre certains peintres et certains compositeurs semble désormais, pour nombre d’observateurs inattentifs, relever du lieu commun. Cependant, l’étude des documents relatifs à ces relations – articles, manifestes, correspondance – démontre que les étapes de cette quête se sont inscrites, des années 1910 à nos jours, sous le sceau de la perplexité, de l’hésitation et de l’approximation. Vassili Kandinsky, par exemple, fut bien trop au fait des choses pratiques et théoriques de la musique – violoncelliste et pianiste, il a traduit en partie le Traité d’harmonie de Schoenberg en russe – pour nourrir la moindre illusion quant à la réalité d’une théorisation de la peinture fondée sur le modèle musical, qui ne générerait que de “vagues analogies”31 . Sa recherche d’un art abstrait et de l’œuvre d’art totale, a ceci de révélateur qu’elle procède d’une destruction plus ou moins délibérée des syntaxes consacrées de chaque expression, présentant ainsi l’avantage de poser que la remise en question ontologique de chaque forme artistique constitue tout à la fois la condition et la conséquence du projet d’art total. La vieille esthétique ne peut plus compter, dans ces conditions nouvelles, sur le confort de la dichotomie espace-temps réglant la compartimentation traditionnelle des arts depuis la Renaissance. Aussi ne résistera-t-elle pas longtemps à la déferlante mutation épistémologique du rapport de l’homme à l’univers sensible : le scientisme analytique est mort, vive la perception intuitive du monde fondée sur la méta-sensorialité ! Un principe semble guider toutes les énergies dans cette première moitié du XXe siècle : le temps ne serait rien d’autre que la quatrième dimension de l’espace, et son impénétrabilité s’expliquerait par les seules insuffisances de notre perception sensorielle. Par ailleurs, l’œuvre d’art – en tant que manifestation sensible en soi échappant au rationalisme qui régit notre univers tridimensionnel – sollicite prioritairement l’intuition et propose ainsi une sensation directe d’un univers quadri(voire multi)dimensionnel. Nombre d’œuvres de Paul Klee semblent illustrer ce postulat par l’évidence des affinités sonores qu’elles suggèrent : l’artiste, musicien averti, ne croit cependant guère aux virtualités de la “durée picturale”, mais suggère la perception simultanée de plusieurs plans visuels, par effets de frise, transparence, prolifération. Parallèlement, l’enrichissement des virtualités sonores par le paramètre spatial reste une notion chère au cœur d’Edgar Varèse, qui s’est attaché à en offrir la démonstration avec son Poème électronique – composition réalisée pour animer le pavillon Philips de l’exposition universelle de Bruxelles réalisé par Xenakis et signé par Le Corbusier – enregistré sur une bande à trois pistes et diffusé dans l’intérieur du pavillon futuriste de l’Exposition universelle de 1958 par quatre cents haut-parleurs placés de telle sorte que les sons suivaient les “routes” proposées par l’architecture de Xenakis.

C’est à une ambition de même nature que s’affronte, un peu plus tard, le Musicalisme qui, élaboré de 1920 à 1930 environ par Henry Valensi, postule la domination d’un art particulier pour chaque époque. Valensi n’est pas resté dans l’histoire comme un peintre majeur, mais sa Fugue en jaune32 demeure l’une des contributions les plus convaincantes à l’élaboration du rêve fusionnel. Au sein de l’Association des Artistes Musicalistes, se retrouvent Bourgogne, Blanc-Gatti ou Stracquadaini, tous fermement unis par leur foi dans le développement spirituel de l’homme. Sans prétendre à remplacer le monde des sensations visuelles par celui des sensations sonores, ils demeurent persuadés que la musique est désormais l’art le plus apte à formaliser les impressions subjectives reçues de la nature sous forme de vibrations. D’où l’émergence d’un discours flou mais passionné quant à l’inéluctabilité de la convergence des arts, de leurs œuvres et des sensations éveillées dans les esprits de ceux qui les captent par les sens. En phase avec ces préoccupations spatiales, le problème de la durée s’est posé à nombre d’artistes attachés à l’idée du mouvement mécanique ou aléatoire de l’œuvre : soit qu’il soit propre à l’objet (le disque chromatique tournant, par exemple), soit que le spectateur modifie lui-même sa perception en se déplaçant devant l’œuvre (tableaux “métamorphiques” de Yaacov Agam), soit enfin que ce mouvement soit virtuel, créé par l’illusion optique (Victor Vasarely, Bridget Riley). Dès 1920, dans son Manifeste réaliste, Naum Gabo réfutait ainsi le statisme des rythmes plastiques et proposait d’intégrer le mouvement réel à l’œuvre, créant de la sorte les effets cinétiques, « formes essentielles de notre perception du temps réel ». Pour donner corps à sa théorie, il présentait une œuvre cinétique élémentaire, simple tige métallique animée par un moteur. La sculpture semblait mieux se prêter, néanmoins, à la pratique du mouvement : d’où l’évolution d’un Jésus Soto – d’abord intéressé par la dynamique des stries noires et blanches – vers une conception tridimensionnelle qui trouva son achèvement dans les environnements “pénétrables”. Héritiers lointains d’Alexandre Calder, Pol Bury et Jean Tinguely proposeront, pour leur part, d’ingénieuses combinaisons, cependant que la lumière artificielle et la participation du spectateur seront sollicitées par Garcia-Rossi, Yvaral, Stein, Le Parc ou Morellet, au sein du G.R.A.V. (Groupe de recherche d’art visuel), dissous en 1968. On ne s’étonnera pas de découvrir que presque tous ces praticiens du visuel ont manifesté une grande curiosité quant à la musique de leur temps, sans se prétendre pour cela musiciens… ni même mélomanes, dans de nombreux cas.

Un flou… artistique
À la rubrique floue des analogies, équivalences, correspondances, interactions et autres formes de convergence, on notera en guise de conclusion que, pour notre époque comme pour toutes les autres, tout repose, toujours, sur l’intuition sensible. En ce sens, la synesthésie ne peut être posée comme critère. En premier lieu, parce qu’elle reste ignorée de nombre de spectateurs et auditeurs attentifs, y compris parmi les plus qualifiés pour en vérifier les effets, ensuite parce que, lorsqu’ils existent, ces effets se signalent par leur imprévisibilité et leur irréductibilité à tout schéma d’étude : l’association, par exemple, des couleurs aux tonalités est un phénomène courant, mais le relevé précis de ces associations chez différents témoins conduit à des conclusions dont le caractère scientifique est à peu près aussi établi que celui qui gouverna si longtemps la “particularité tonale des éthos” (Do majeur “innocent”, la mineur “exotique”, etc.) !

Si faire de la musique, c’est rester prisonnier du temps réel, rien ne peut dédommager le créateur du caractère dissipatif de son discours. Quel que soit le soin apporté à améliorer la performance, à en débusquer les erreurs, on en revient toujours au point zéro du temps, plus exactement à cette petite épaisseur du présent qu’il est bien difficile d’évaluer, mais que la conscience ne place pas au-dessus du 20e de seconde. À partir de ce constat, comment opérer et de quels modèles user ? Au commencement, il y a le titre, utile à défaut de mieux. Descriptif, causal, générique, numérique, il peut seulement identifier (Op. 11… Symphonie en ut mineur…), mais il permet aussi la détermination d’un modèle dont la musique peut se prévaloir pour fonctionner, non pas, bien sûr, pour décrire ou restituer. On en revient ainsi à Debussy et aux post-titres de ses préludes, mis entre parenthèses après la double barre. Comment donc se comporte ici le compositeur, sinon comme un peintre qui découvrirait dans les changements de la nature le fruit de sa propre volonté ? Le but n’est-il pas, littéralement, de désorienter l’auditeur ? De matérialiser à son profit cette intuition, déjà ressentie par Chopin, qu’il existerait une musique avant la musique, un champ indéterminé dont l’œuvre ne dissiperait que par accident, et de façon très lacunaire, la part d’incertitude ? Un prélude anaphysique en quelque sorte, celui, par exemple, de l’Après-midi d’un faune qui sollicite équitablement la poésie la plus hermétique de son temps et l’impossible réalité d’une musique à venir. Si maintenant, usant de la terminologie convenue, c’est la musique concrète qui est sollicitée, il est patent que la part de l’expérience pure y est nettement plus décelable. Ainsi des titres de Pierre Henry, jamais anodins, toujours intéressants. Les Variations pour une porte et un soupir33 , par exemple, sollicitent deux champs lexicaux et morphologiques très différents : le soupir est psychologiquement expressif, pas la porte. La connotation surréaliste, très forte ici, rappelle à quel point, précisément, les peintres surréalistes (Magritte, Ernst, Miro, Tanguy…) soignèrent leurs titres. Comme Magritte provoque, par organisation de la rencontre d’une bouteille et d’une carotte, le surgissement d’un univers non encore pensé (sur une toile lumineusement intitulée L’Explication34 ), Pierre Henry spécule sur l’improbable emboîtement de ces deux espaces inconciliables pour créer, par collision, une infinité de figures fondées sur le binôme identité-pluralité, procédé apparemment plus docile aux lois de la géométrie dans l’espace, voire à celles de la topologie, qu’à celles de l’écriture musicale. « On a beau dire ce qu’on voit. Ce qu’on voit ne loge jamais dans ce qu’on dit »35 rappelait volontiers Michel Foucault. Jugeons alors… s’il s’agit de dire ce qu’on entend, de loger ce qu’on entend dans ce qu’on voit, et les deux dans ce qu’on dit !

Vers un rapprochement paradoxal

À l’aube du troisième millénaire, la préoccupation de créer de nouveaux matériaux ne peut que favoriser un rapprochement des peintres et des musiciens, tout en renforçant l’autonomie de leurs démarches respectives. Bien que l’étude pluridisciplinaire soit favorisée de nos jours par le métissage des activités artistiques, l’idée reste forte que la priorité restera, longtemps encore, à une approche catégorielle, une musique pittoresque relevant du même leurre qu’une peinture musicale. Pourtant, personne n’écartera l’idée de correspondance entre un son et une image, ou un ensemble de sons et une multitude d’images. Comprise en termes d’analyse, l’ambition fusionnelle du temps et de l’espace incline vers la chimère si l’on considère que l’étude de notre perception n’a cessé de se modifier au cours des siècles, parallèlement à la mutation des expressions artistiques, la présence de l’œuvre ne renvoyant pas au temps qui l’a vu naître mais à celui de sa perception par l’écoute ou par le regard. Reste que l’œuvre a moins valeur de repère, de manifestation consciente de la civilisation, que de symptôme des phénomènes mystérieux par quoi les formes plastiques et sonores convergent, à tout le moins dans leur essence expressive, à un moment donné de l’histoire. Au sein de la nébuleuse des arts contemporains, il apparaît très vite que la virtualisation des contributions est à la source d’un renouveau complet. Rien ne semble devoir en offrir une démonstration plus accomplie que les récentes contributions du vidéaste américain Bill Viola36 , dont les propositions visuelles sollicitent une durée déterminée, indifférente à la subjectivité du regard et aussi implacable que celle de la musique. Imagier et sculpteur du temps, Viola offre au spectateur et auditeur de ses œuvres un panel incomparable de sollicitations et transfigurations d’un patrimoine par essence universel. Pour la première fois dans l’histoire des arts visuels, le temps s’impose comme tout premier formant de l’œuvre ; dans la mémoire du spectateur, l’œuvre se présente, au même titre par exemple qu’une symphonie de Beethoven, comme un bloc-temps qu’il est superflu de dérouler pour en pressentir le déploiement. Variables dans leur durée (d’une dizaine de minutes à près d’une heure, déroulement moyen d’un opus orchestral de l’ère classico-romantique), les propositions de Viola reposent sur un principe d’immersion qui sollicite un espace et une durée contraignants. Encore est-il à observer que si l’espace peut varier, en fonction, par exemple, de la taille de l’écran, le temps n’autorise aucune altération. Paradoxalement, c’est cette fixité même qui en génère la force mouvante, selon le principe de tension-détente qui, trois siècles durant, avait déjà réglé la dynamique de la musique tonale. Ralenti, accéléré, suspendu, haché, hérissé, atone, fissuré, multiplié, le temps corporifie le non-dit signifiant des énigmes visuelles de Viola. Énigmes visuelles que les apôtres de l’œuvre d’art totale, fille du concept romantique de Gesamtkunstwerk, salueront moins pour sa métadisciplinarité (qui conserve le principe des catégories pour mieux le dépasser) ou pour sa symbolique métaphysique que pour sa capacité à offrir au kaléidoscope de la vie un miroir unitaire, tout d’échos pulvérisés dans l’espace et de reflets dissipés au souffle du temps.


1Joueur de harpe, 2800 - 2300 av. J.-C. Marbre, 22,5 cm. Athènes, Musée National. Cyclades : Joueur de harpe. Figée pour l’éternité, murée dans le rêve sonore dont sa harpe trigone demeure le signe à jamais silencieux, l’étrange effigie projette son regard vers l’immensité cosmique où se fondent les sons et les formes, en quête d’un absolu tragiquement perdu pour l’homme.
2La Guitariste, 1917. Huile sur toile, 220 x 112 cm. Bâle, Kunstmuseum. La juxtaposition des plans colorés induit un étirement dans le temps de la perception visuelle. Fasciné par l’instrument qui prend vie dans les mains de l’homme, Braque fait naître un climat sonore par pure analogie plastique.
3La Leçon de piano, 1916. Huile sur toile, 245 x 212,5 cm. New York, Museum of Modern Art. Troubles et délices des passions intimes sont ici exprimés par le miraculeux agencement des formes colorées ; mais l’oreille du mélomane y ajoute la magie du timbre animant la ronde nostalgique des pièces enfantines.
4La Leçon de musique, 1760-70. Huile sur toile, 109 x 121 cm. Paris, Musée du Louvre. La féerie sonore, née sous les doigts de la coquette instrumentiste, et l’enchantement visuel, que dit assez le regard de son ami, s’unissent au service de cet instant d’euphorie délicate.
5Brown Double Sound, 1924. Aquarelle, encre de Chine et crayon sur papier, 48.5 x 33.3 cm. Solomon R. Guggenheim Museum, New York, The Hilla von Rebay Foundation.
6Hubert ( ?) et Jan Van Eyck, retable de l’Agneau mystique, 1432. Huile sur bois, 164,1 x 72,9 cm. Saint-Bavon de Gand. Dans l’unité mathématique de leur développement spatial, les tuyaux de la montre de l’orgue illustrent le principe proportionnel dont la pensée médiévale fait l’agent structurant du monde visible, miroir universel du Tout-Puissant (détail des Anges musiciens).
7Titien, Concert champêtre, ca 1511. Huile sur toile, 105 x 135,5 cm. Paris, Musée du Louvre.
8Tintoret, Concert de nymphes, 1582-84. Huile sur toile, 142 x 214 cm. Dresde, Gemäldegalerie Alte Meister.
9Watteau, la Finette, 1717. Huile sur bois, 25 x 19 cm. Paris, Musée du Louvre.
10Raphaël, Sainte Cécile, 1514. Huile sur toile, 220 x 136. Pinacothèque de Bologne. Foulés par les pieds de la jeune aveugle qui voit l’infini, les instruments massacrés condamnent symboliquement le dévoiement de la musique au service du plaisir profane.
11Raphaël, Le Parnasse, 1511. Fresque. Vatican, Chambre de la Signature. Miroir des mélodies qu’à l’aide de son plectre Sappho semble tirer de la lyre, l’ondoyante arabesque qui profile les formes de la sulfureuse poétesse participe ici de sa célébration mystique et sensuelle des amours féminines.
12Bukofzer Manfred F., Music in the Baroque Era, New York, Norton, 1947, trad. française, La Musique baroque, Paris, J.C. Lattès, 1982-1988.
13Tapié, Victor L., Baroque et classicisme, Paris, Hachette "Pluriel", 1957/90.
14Stricker, Rémy, Musique du baroque, Paris, 1968.
15H. Wölfflin, Renaissance und Barock, Munich, 1888, trad. française par Guy Bellangé, Paris, 1967.
16Werner Weisbach, Die Kunst des Barocks in Italien, Franckreich, Deutschland und Spanien, Munich, Propyläen-Verlag, 1924.
17Chardin, Instruments de musique et perroquet, 1730. Huile sur toile, 117,5 x 143,5 cm. Collection particulière.
18François-Georges Pariset, L’art classique, Paris, P.U.F. "Quadrige", 1965/85.
19Jean Antoine Watteau, La Finette, 1717. Huile sur bois, 25 x 19 cm. Paris, Musée du Louvre. Personne ne définira jamais l’inexplicable mystère de la solitaire Finette, silencieuse et délicate héroïne de l’élégie élégante.
20Jean-François Marmontel, article Arts libéraux, in "L'Encyclopédie", 1787.
21Corot, Jardins de la Villa d'Este, 1843. Huile sur toile, 43,5 x 60,5 cm. Paris, Musée du Louvre. Premier paysagiste de son siècle, Corot n’eut jamais, en dépit de ses dons attestés pour le chant, l’occasion de pratiquer la musique, mais il médita souvent sur une fusion du visuel et du sonore fondée sur les analogies émotives dispensées par la ligne et la mélodie, la couleur et l’harmonie…
22Qui n’est pas sans rappeler le mot de Schumann : « Le musicien cultivé pourra étudier avec autant de profit une Madone de Raphaël et un peintre une symphonie de Mozart », in Carnet de pensées et de poésie de maître Raro, Florestan et Eusebius, cité par André Boucourechliev, Schumann, Paris, Seuil, 1956, p. 179.
23Bachelard, Dialectique de la durée, Paris, P.U.F, 1993, p. 114 - La Poétique de l'espace, P.U.F., 1998.
24Bergson, Durée et simultanéité, P.U.F., 1992 - Matière et mémoire, P.U.F., 1990.
25Pablo Picasso, Trois musiciens, 1921. Huile sur toile, 201 x 223. New York, Museum of Modern Art.
26Picasso, Les Flûtes de Pan, 1923. Huile sur toile, 204,5 x 174 cm. Paris, Musée Picasso. Les visages sont à peu près inexpressifs mais le dessin conserve toute sa clarté analytique, démonstration que l’esthétique de Picasso (autonomie des surfaces construisant les motifs, total de réalités géométriques dans un cadre unitaire) oscille volontiers d’Éros à Apollon.
27Balla, Les Rythmes de l'archet, 1912. Huile sur toile, 53 x 75 cm. Londres, Tate Gallery.
28Nul n’a oublié le célèbre « l’espace et le temps sont morts hier », du poète Marinetti, dans le manifeste du futurisme (Paris, Le Figaro, 1909).
29Umberto Boccioni, Ceux qui partent, 1911. Huile sur toile, 70 x 95 cm. Milan, Civico Museo d’Arte Contemporanea., Palazzo Reale. Ou l’illustration du propos de Marinetti : « C’est moyennant des analogies très vastes que le style orchestral, à la fois polychrome, polyphonique et polymorphe peut embrasser la vie de la matière ».
30Michel Larionov, Rayonnisme rouge, 1911. Gouache sur carton, 27 x 33 cm. Paris, collection particulière. Au cœur de ce féerique ballet de flèches dynamiques, on perçoit tous les tumultes de la naissance d’un monde inconnu et fusionnel, vers quoi convergent tous les sens.
31L'expression, célèbre, est due à Étienne Souriau, in Correspondance des arts, Paris, Flammarion, 1969. L’occasion est bonne ici de rappeler que Souriau, si souvent sollicité en matière de correspondances n’a jamais cessé de mettre ses lecteurs et auditeurs en garde contre les commodités d’association et d’analogie : « Les rapports esthétiques ne peuvent coïncider avec les rapports physiques. Et cela pour plusieurs raisons, dont chacune à soi seul serait suffisante. Les couleurs employées réellement dans l’art ne sont pas les radiations spectrales pures. Elles sont toujours d’une complexité extrême, sans que leurs éléments aient entre eux des rapports simples. Pour chercher l’analogie acoustique exacte, il faudrait dire que les couleurs sont comme des bruits, et non, comme les sons purs, des notes. (…) Tandis qu’en musique, une période vibratoire plus ou moins compliquée, mais harmoniquement analysable en trois ou quatre périodes ayant entre elles des rapports simples, est aussitôt interprétée comme l’audition de plusieurs sons simultanés que nous discernons clairement à travers l’impression d’ensemble sui generis, rien de tel ne se produit pour la perception des mélanges bien homogènes des couleurs. (…) La peintre module des tons dans le continu, procédant sans cesse à des dégradés, à des passages insensibles, à des variations tout autour des tons cardinaux et de ses œuvres ; tandis que la musique est réellement et impitoyablement scalaire. » Idem.
32Henry Valensi, Fugue en jaune, 1948. Huile sur toile, 78 x 97 cm. Paris, Galerie Drouart.
33Pièce en 25 mouvements, créée par Pierre Henry le 27 juin 1963 à Saint-Julien-le-Pauvre (Paris).
341952, huile sur toile, 46 x 35, collection particulière, New York.
35Michel Foucault, Les Mots et les Choses, Paris, Gallimard, 1976, p. 25.
36Consacrée à cet artiste, la rétrospective du Grand Palais (5 mars/21 Juillet 2014) aura proposé, dans ses tableaux dynamiques comme dans ses installations monumentales, une quête passionnelle et mystique, par mixtion du temps et de l’espace, du principe de transfiguration par quoi l’homme créateur entend, depuis les âges obscurs, outrepasser les frontières de sa condition.

SPECTACLES

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Le compositeur américain John Adams fête ses 70 ans à la Philharmonie de Paris.

John Adams © Christine Alicino La Philharmonie de Paris consacrait tout un week-end à l’œuvre du compositeur américain John Adams à l’occasion de son 70e anniversaire. Un évènement musical capital, en forme de portrait, présentant au public parisien un florilège de compositions comme autant de jalons représentatifs d’une œuvre particulièrement abondante et protéiforme abordant tous les domaines musicaux, musique de chambre, musique chorale, opéra, musique symphonique et concertante. Une sélection difficile comprenant plusieurs créations françaises comme le Quatuor à cordes n° 2, le Concerto pour saxophone, la Symphonie dramatique Sheherazade. 2. pour violon et orchestre et d’autres partitions plus connues comme le Quatuor à cordes n° 1, l’oratorio El Niño, ou le célèbre Shaker Loops. Magnifique programme permettant de retrouver les différentes influences dont sut s’inspirer le compositeur américain, musique classique, jazz, premier courant minimaliste à la suite de Steve Reich, mouvement qu’il quittera bientôt pour trouver son propre langage où se fondent également la musique française du début du XXe siècle et les musiques du monde. Une œuvre très originale faisant de John Adams le plus grand compositeur américain actuel, figure majeur de la création musicale mondiale.
Compositeur mais également chef d’orchestre John Adams dirigeait ce soir le London Symphony Orchestra dans un très beau et très rare programme associant Bela Bartok dans ses Images hongroises, Stravinski pour Orpheus et en création française attendue de Sheherazade. 2. avec la violoniste Leila Josefowicz en soliste qui la créa à New York en 2015. Les Images hongroises furent composées entre 1908 et 1910, orchestrées plus tardivement en 1931. Tirées des milliers de pièces folkloriques hongroises, slovaques et roumaines que Bartok recueillit dans la Grande Hongrie, sorte d’antidote au post romantisme germanique, ces Images appartiennent à la période de maturité du compositeur, en forme d’arche, en cinq mouvements comprenant un mouvement lent lyrique central entouré de deux scherzos grotesques, précédés par une ouverture appartenant au folklore imaginaire de Bartok et suivis d’un final extrait d’un air populaire authentique très dansant. Une œuvre pleine de fraicheur, de vitalité et d’ironie, belle occasion d’apprécier l’exceptionnelle magnificence de l’orchestre londonien (petite harmonie et cordes). Une excellence orchestrale qui se confirmera dans l’Orpheus de Stravinski, ballet en trois tableaux (1948) résultant d’une commande de Balanchine pour la Ballet Society de New-York. Malgré un tempo un peu lent et une lecture assez plate, peu narrative de John Adams, on put y juger de la qualité de l’orchestration et du travail important sur les associations timbriques (hautbois, harpes, cordes, petite harmonie et cuivres) ainsi que de la parfaite mise en place. La Symphonie dramatique Scheherazade. 2 pour violon et orchestre occupait à elle seule toute la seconde partie de ce concert. Une œuvre grandiose de près d’une heure, écrite à la suite d’une visite de l’auteur à l’Institut de Monde Arabe à Paris où le compositeur traite du thème des Mille et Une Nuits pour interroger la condition féminine à travers la personne de Scheherazade (violon). Sujet très adamsien entrelaçant mythe et actualité. Une composition en quatre mouvements (Tale of the Wise Young Woman, A lond Desire, Scheherazade and the Men with Beards, Escape, Flight, Sanctuary) très tendue, puissamment narrative, méditative, enflammée, violente, chaotique, urgente et élégiaque où le Guarnerius de Leila Josefowicz sembla répondre et se défendre face à un orchestre souvent véhément et accusateur. Une très belle œuvre à l’orchestration savante et profuse (cymbalum omniprésent) parfaitement conduite, de façon claire malgré sa complexité structurelle, par la main experte de John Adams, merveilleusement servie par le violon de Leila Josefowicz, modèle de lyrisme, de rage et d’amour, bouleversante de bout en bout, soutenue par un LSO des grands jours ! Bravo ! Patrice Imbaud

Le violoniste Vadim Gluzman triomphe dans Prokofiev à la Philharmonie de Paris.

Vadim Gluzman © Marco BorgreeveTrop rare, bien trop rare sur les scènes parisiennes, le violoniste israélien a livré au public parisien un Concerto n° 2 pour violon et orchestre de Prokofiev d’anthologie, magnifiquement accompagné par un Orchestre de Paris rutilant et motivé sous la direction souple du chef slovaque, Juraj Valcuha, dans un très beau programme affichant des œuvres rarement données comme les Quatre pièces pour orchestre de Bela Bartok et la Sinfonietta pour orchestre de Leos Janacek. Composées initialement (1910) pour le piano, les Quatre pièces pour orchestre furent orchestrées secondairement en 1921. Il s’agit d’une œuvre très innovante, tant au plan de l’orchestration, qu’au niveau de l’invention rythmique, comprenant quatre mouvements, un Préludio rappelant par sa verve le Prince de bois (1916), un Scherzo se rapprochant du Mandarin merveilleux (1923) un Intermezzo élégiaque et une Marche funèbre semblant un épilogue de l’opéra Le Château de Barbe-Bleue. Un exercice d’orchestre tendu comme un pont vers différentes œuvres du compositeur hongrois qui pâtit de la direction assez terne du chef slovaque, une lecture menée sur un tempo un peu lent à laquelle, dans les deux premiers mouvements, manquaient une lisibilité et une approche qu’on aurait souhaitée plus analytique susceptible de magnifier la richesse de l’orchestration bartokienne. Une réserve qui ne se vérifia pas dans la Sinfonietta pour orchestre (1926) de Leos Janacek que Juraj Valcuha dirigea, cette fois, avec un brio et une clarté exemplaires. Dernière œuvre orchestrale du compositeur tchèque dont l’idée originelle était celle d’une fanfare composée pour le festival de gymnastique de Sokol, qu’il étoffa progressivement pour lui donner cinq mouvements et qu’il dédia finalement aux forces armées tchécoslovaques. Une composition grandiose qui trouva dans la grande salle de la Philharmonie le lieu idéal exaltant toutes les combinaisons timbriques entre cordes, petite harmonie, clarinette et fanfare de cuivres. Une Sinfonietta composite mêlant l’éclat des trompettes, le calme, la méditation, le mystère des ombres et le souffle de la nature comme une lointaine et personnelle évocation de la ville de Brno, si chère au compositeur. Mais le moment le plus attendu du public parisien était, bien sûr, le Concerto pour violon n° 2 de Prokofiev que Vadim Gluzman vient d’enregistrer sous la direction de Neeme Jarvi pour le label BIS. Pour ses débuts avec l’Orchestre de Paris le violoniste embrasa véritablement la Philharmonie avec ce concerto en trois mouvements datant de 1935 où se conjuguent liberté, poésie, lyrisme et méditation. Si le début de l’Allegro initial put nous paraitre un peu raide, le lyrisme reprit rapidement sa place dans l’Andante central où Gluzman fit preuve, dans son dialogue avec la clarinette notamment, d’un sublime legato, de subtiles nuances et d’une variété inouïe de couleurs faisant somptueusement sonner son Stradivarius de 1690 avant que le Final ne vienne clore ce concerto sur une séquence virtuose, motoriste et ironique parachevant le triomphe du violoniste israélien. Bravo !
Patrice Imbaud

Un très bel Elias à la Philharmonie de Paris. Ensemble Pygmalion, dir. Raphaël Pichon. Stéphane Degout, Julia Kleiter, Anaïk Morel, Judith Fa, Robin Tritschler.

Raphaël Pichon © Jean-Baptiste MillotMalgré une distribution vocale chamboulée au dernier moment (absences de Sabine Devieilhe, de Marianne Crebassa et de Maïlys de Villoutreys) l’excellence vocale et instrumentale étaient bien au rendez vous pour cet oratorio de Felix Mendelssohn (1809-1847) composé en 1846. Une œuvre monumentale où le maitre de l’oratorio, inspiré de Bach, Haendel et Haydn, témoigne de la qualité de sa narration musicale et de son sens du drame. Véritable opéra sacré Elias brille par l’ampleur de ses vagues chorales ainsi que par la beauté de ses airs solistes et ensembles. Initialement prévu pour faire partie d’un triptyque comprenant Paulus, Elias et Christus, Elias fut crée en 1846 à Birmingham en anglais et en 1847 à Hambourg en langue allemande. Sur un livret du pasteur Julius Schubring, cette partition nous dresse le portrait du prophète Elie depuis son défi lancé aux prêtres de Baal, en passant par ses exploits miraculeux avant son ascension finale auprès de son Dieu dans un chariot de feu. Défenseur ardent du monothéisme, Elie, figure majeure de l’Ancien Testament (Livre des Rois) incarne à la fois la lutte pour la foi et l’amour de Dieu, à l’instar de Jean-Baptiste. Comme au festival de la Chaise-Dieu en 2012, Raphaël Pichon et son ensemble Pygmalion nous en donnèrent une interprétation tout à fait remarquable grâce à la beauté sublime de la musique bien sûr mais également par la qualité du Chœur et de l’Orchestre, tous pupitres confondus, menés par la main ardente, claire, très dynamique et inspirée de Raphaël Pichon. Stéphane Degout, à la fois puissant et fragile, sut donner à son Elias toute l’humanité nécessaire, dans la colère comme dans le renoncement (« Es ist genug ! » d’anthologie avec accompagnement de violoncelle). Le reste de la distribution vocale fut particulièrement homogène et ne souffrit aucun reproche, Julia Kleiter, vocalité facile et très belle diction, Anaïk Morel dont on regrettera, malgré la belle prestation, le timbre un peu nasillard, Robin Tritschler au sublime legato, enfin Judith Fa, Marie-Frédérique Girod et Lucie Richardot, issues du Chœur. En bref, une œuvre magnifique et une interprétation qui ne l’est pas moins ! Un triomphe !
Patrice Imbaud

Mikhail Pletnev sauve le concert du Russian National Orchestra à la Philharmonie de Paris.

Mikhail Pletnev © Roman GoncharovEn remplaçant au pied levé Guennadi Rozhdestvensky, au pupitre, Mikhail Pletnev sauva le concert de son orchestre, l’Orchestre National de Russie qu’il fonda en 1990 et dont il est encore aujourd’hui le directeur musical. Ce n’est que dans les toutes dernières minutes précédant le concert qu’une annonce du speaker informa le public, qu’une fois de plus (il avait déjà annulé son concert l’an dernier avec l’Orchestre de Paris) le fameux chef d’orchestre russe Guennadi Rozhdestvensky se trouvait dans l’incapacité de diriger cette soirée où Mikhail Pletnev ne devait, initialement, assurer que la partie soliste dans le Concerto pour piano de Scriabine. Afin de ne pas annuler le concert le pianiste russe réendossa sa casquette de chef d’orchestre, acceptant d’assurer la direction de la Symphonie n° 1 de Prokofiev et de la Symphonie n° 9 de Chostakovitch tandis que le premier violon, Alexey Bruni, le remplacerait au pupitre durant le concerto de Scriabine. Un jeu de chaise musicale qui ravit le public venu très nombreux à la Philharmonie de Paris pour ce concert totalement russe, programme et intervenants. Si Guennadi Rozhdetsvensky est assurément une figure majeure de la direction d’orchestre, Mikhail Pletnev ne fut pas en reste, assumant totalement sa double carrière, dirigeant avec brio la Symphonie n° 1 dite « classique » (1917) de Prokofiev d’une main précise, sure, peine de clarté et d’allant, faisant magnifiquement sonné l’orchestre et tout particulièrement la petite harmonie, assumant totalement sa filiation russe au risque de s’éloigner d’une hypothétique tradition classique viennoise. Le Concerto pour piano et orchestre (1896) de Scriabine fut, quant à lui, le maillon faible de la soirée, œuvre de jeunesse, son attrait résidant plutôt dans la rareté de sa présence à l’affiche ainsi que dans la qualité de l’interprétation de Mikhail Pletnev. Force est d’avouer que la direction d’Alexey bruni nous parut bien laborieuse, pénalisée encore par la pauvreté de l’orchestration, fade et insipide, sommaire pour ne pas dire indigente avec, toutefois, quelques beaux moments comme les superbes et multiples interventions du cor et de la clarinette. C’est donc tout naturellement le piano de Mikhail Pletnev qui retint notre attention. Largement prédominant déroulant de longs monologues sans cadence vraie, un piano tout en délicatesse et élégance pour une interprétation superbe, très intériorisée, inventive et empreinte de liberté. En deuxième partie, le pianiste retrouvait l’estrade et la baguette pour une très belle interprétation de la Symphonie n° 9 de Chostakovitch (1945) la dernière des symphonies de guerre. Une œuvre déroutante qui surprit Staline lui-même par son caractère ambigu, léger et ironique alors que le « petit père » s’attendait à un chant de louanges, sorte d’apothéose couronnant la victoire. Mélodie prégnante, orchestration brillante, grotesque parodique, introspection élégiaque, drame, tension, autant d’éléments qui en font la chair et autant d’occasions pour ce superbe orchestre de briller de mille feux (clarinette, basson, trombone, piccolo et cordes) sous la direction savante du chef russe usant de subtiles transitions notamment dans les trois derniers mouvements enchainés. Bravo et merci maestro !
Patrice Imbaud

The Rake’s Progress au Théâtre des Arts à Rouen : Un grand moment d’opéra. Opéra en trois actes avec Epilogue (1951) d’Igor Stravinski sur un livret de Wystan Hugh Auden et Chester. S Kallman. Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie & Chœur Accentus, dir. Leo Hussain. Mise en scène de David Bobée. Benjamin Hulett, Marie Arnet, Isabelle Druet, Kevin Short, Colin Judson, Kathleen Wilkinson, Stephen Loges.

The Rake’s Progress © Philippe DelvalCet opéra d’Igor Stravinski, nous contant l’histoire du libertin Tom Rakewell, trouvait idéalement et naturellement sa place dans le programme de l’Opéra de Rouen consacré, pour cette saison 2016-2017, au libertinage, au sens large du terme. Inspiré d’une série de tableaux de William Hogarth, The Rake’s Progress connut un succès phénoménal dès sa création à Venise. Symbole du néoclassicisme stravinskien tant décrié par Boulez, relevant de multiples influences, Mozart notamment, laissant une place primordiale à la mélodie, se développant sur un orchestre diaphane à l’orchestration savante et délicate où les vents sont omniprésents, usant d’un raffinement rythmique avéré, cette œuvre assure la troublante symbiose entre modernité et classicisme, pastiche et drame. Pour sa première mise en scène lyrique force est de reconnaitre que David Bobée réussit, ici, un coup de maitre. Sa vision est politique, transposée de nos jours, Tom Rakewell y figure un trader assoiffé d’argent, objet et finalement victime d’un monde monnayable, virtuel, où toute référence morale a disparu, un univers impitoyable qui l’engloutira… Si le jeu d’acteurs séduit d’emblée par sa mobilité et son à propos, la scénographie dépouillée, élégante, rehaussée par de très beaux éclairages et une vidéo particulièrement appropriée, renforce la cohésion du message délivré. Les différents tableaux qui se succèdent lors du déroulement de l’action apparaissent comme l’illustration des différents états de conscience du héros, comme autant d’étapes jalonnant ce voyage initiatique à rebours qui le conduira de la lumière vers les ténèbres guidé en cela par la main habile et machiavélique de son double, le très faustien Nick Shadow. Quant à la musique, elle ne fut pas en reste, superbement servie par l’Orchestre de l’Opéra de Rouen et le Chœur Accentus conduits par la main experte de Leo Hussain. Un orchestre épanoui, très coloré, riche en nuances, tantôt lyrique tantôt dissonant en fonction des exigences de la dramaturgie. Une distribution vocale de haut niveau et parfaitement homogène dominée par l’ambivalent Benjamin Hulett (Tom) au sublime legato et à la vocalité claire, puissante et facile, par l’angélique et touchante Marie Arnet (Anne) parfaite dans le rôle vocalement et scéniquement, ainsi que par la pétulante Isabelle Druet qui a perdu sa barbe sans perdre ses graves somptueux, ni la rigueur de sa ligne sans aucun vibrato (Baba). Citons également au chapitre des éloges, le méphistophélique Kevin Short (Shadow) impressionnant par sa noirceur, par la densité et l’étendue de son registre, et le truculent Colin Judson (Commissaire priseur) qui nous donne à voir un magnifique numéro d’acteur et une remarquable prestation vocale. Bref, un beau et grand moment d’opéra !
Patrice Imbaud

Admirable Sol Gabetta ! Orchestre National de France, dir. David Afkham. Auditorium de Radio France

Sol Gabetta © Uwe Arens« Soirée maritime » au grand Auditorium de Radio France, avec un programme particulièrement intéressant centré sur le thème de la mer, convoquant successivement Ravel, Elgar, Britten et Debussy. Une barque sur l’océan de Ravel pour ouvrir ce concert. Une œuvre composée initialement pour piano en 1904, orchestrée en 1906 et créée en 1907 par l’Orchestre Colonne dirigé par Gabriel Pierné. Une partition très narrative toute habitée par le balancement continu de la houle qui se fait progressivement tempétueuse où l’on peut noter immédiatement la richesse et la délicatesse de l’orchestration typiquement ravélienne (glissandos de harpes et scintillements des bois). Le Concerto pour violoncelle et orchestre d’Edward Elgar lui faisait suite. Composé en 1919 lors de la convalescence du compositeur dans le Sussex, au bord de mer. Concentré du style « elgarien » fait de facilité mélodique, d’intensité émotive, de couleurs brillantes et d’intériorité, un concerto célèbre que la celliste argentine servit avec son brio habituel où se mêlèrent intimement lyrisme, fougue et virtuosité dans une admirable lecture marquée du sceau de la sincérité, très engagée, en symbiose totale avec l’orchestre, arguant d’une belle sonorité ronde et alternant avec le plus bel à propos de subtiles nuances, tantôt sobrement méditatives, tantôt violentes, ailleurs énigmatiques ou élégiaques avant que le chant du violoncelle ne s’éteigne dans un sentiment de détresse succédant à une vaine et désolée marche guerrière. Une remarquable interprétation qui enflamma le public avant que le traditionnel « bis » le Chant des Oiseaux de Pablo Casals ne parachève ce triomphe mérité. Après la pause les Quatre interludes marins de Peter Grimes, suite d’orchestre composée en 1944 par Benjamin Britten à partir de l’opéra éponyme. Une œuvre en quatre mouvements, marquée par la crudité des timbres et la complexité rythmique de l’orchestration, véritable exercice d’orchestre et de direction que le jeune chef allemand, élève de Bernard Haitink et actuel directeur musical de l’Orchestre National d’Espagne, sut mener à bon port avec un phrasé et des attaques très nettes, veillant à maintenir l’équilibre entre les différents pupitres. Moins convaincante assurément fut La Mer de Debussy. Composée entre 1903 et 1905, cette symphonie en trois mouvements, pièce incontournable du répertoire symphonique, pâtit sans doute de l’excès de lumière dont l’entoura David Afkham. Point de mystère, pas de pénombre dans ces chatoiements debussystes, pas de fondu dans les enchainements, mais au contraire une lumière crue, éblouissante, une vive clarté bien loin des évocations de l’âme et d’une vision impressionniste, confinant par sa véhémence parfois au contre sens, notamment dans De l’aube à midi sur la mer et dans Jeux de vagues, une interprétation peut être plus acceptable dans Dialogue du vent et de la mer. Cette réserve mise à part, tenant sans nul doute du parti pris assumé, on ne saurait remettre en cause la qualité de l’exécution instrumentale et la netteté de la mise en place témoignant sans doute d’un important travail en amont. Bravo !
Patrice Imbaud

Don Giovanni au Théâtre des Champs-Elysées : Bis Repetita Placent ! Dramma giocoso en deux actes (1787) de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) sur un livret de Lorenzo Da Ponte. Le Cercle de l’Harmonie & Chœur du Théâtre des Champs-Elysées, dir. Jérémie Rohrer. Mise en scène de Stéphane Braunschweig. Jean-Sébastien Bou, Robert Gleadow, Myrto Papatanasiu, Julie Boulianne

Don Giovanni © Vincent Pontet/ WikispectacleDon Giovanni © Vincent Pontet/ WikispectacleReprise au Théâtre des Champs-Elysées de cette ancienne production datant de 2013, dans une mise en scène discutable de Stéphane Braunschweig, avec une distribution vocale différente, si l’on excepte le Leporello de Robert Gleadow et le Commandeur de Steven Humes, mais avec le même Cercle de l’Harmonie dans la fosse, dirigé par son chef fondateur, le très mozartien Jérémie Rohrer. La mise en scène d’opéra est, sans aucun doute, un exercice bien périlleux, et celle de Don Giovanni plus que toute autre, tant est étendu le domaine des possibles dans la vision que l’on peut avoir du célèbre mythe. Voir Don Giovanni au travers du regard de son valet, Leporello, voila qui, à défaut d’originalité (vision maintes fois rabâchée), est toutefois défendable, voire intéressant…Encore eut il fallu que cette vision ne se limitât point à un Leporello fasciné, subjugué ou horrifié devant les méfaits de son maitre, cantonné dans un voyeurisme coupable ou une indignation muette ! Car ce Don Giovanni, amateur de parties fines et de conquêtes faciles, ne mérite pas tant d’égards et d’attention, figure malheureuse de la post modernité entrainé dans un hédonisme forcené et une addiction sexuelle entretenue à coups d’aphrodisiaques ! Une vision somme toute assez simpliste (n’est pas Chéreau qui veut !) et décevante du célèbre libertin qui perd, ici, toute dimension sociale, politique ou spirituelle. Cette réserve mise à part, reconnaissons toutefois à cette lecture de Stéphane Braunschweig une belle cohérence qui jamais ne se démentit, notamment dans le très réussi jeu d’acteurs mis en valeur par une scénographie simple, noire et blanche, explicite, dont les éléments essentiels sont le lit, le brancard et le crématorium, ce qui n’est pas toujours du meilleur gout... Une mise en scène originale qu’on aurait souhaitée plus engagée qui, à défaut de faire sens, laisse une large part à la musique. Sublime s’il en est, magistralement dirigée par Jérémie Rohrer dont on connait les profondes affinités pour Mozart. Une direction engagée, fougueuse, parfaitement juste, une musicalité particulièrement expressive, un sens du récit très affuté qui fait superbement sonner l’orchestre. Un Cercle de l’Harmonie, au mieux de sa forme qui, par le jeu du phrasé et des articulations subtiles, respire avec les chanteurs et nous raconte, par ses nuances, ses couleurs et ses tempi, bien plus que par la mise en scène, cette dernière journée de l’incorrigible séducteur. Tout est annoncé dès les premières mesures inquiétantes de l’Ouverture, cette journée se terminera mal…Une course à l’abime qui trouvera son terme dans la mort ! Un drame dont Jérémie Rohrer saura maintenir toute la tension, aidé, il est vrai, par une distribution de haut niveau tant scéniquement que vocalement, dominée par le trio féminin  et en premier lieu par l’excellente Julie Boulianne (Donna Elvira) éloquente, entre fureur et pardon, Anna Grevelius (Zerlina) espiègle à souhait, Myrto Papatanasiu (Donna Anna), élégante, aux vocalises faciles mais au timbre quelque peu métallique. Coté masculin, Julien Behr (Don Ottavio) semble parfois à la peine dans les aigus, mais son timbre est clair et son legato sublime, Marc Scoffoni (Masetto) échappe, quant à lui, à la caricature du benêt habituel et Steven Humes (Le Commandeur) nous fait frémir dans l’avant dernière scène, tant la symbiose avec l’orchestre est convaincante et spectaculaire. Quant au couple Don Giovanni (Jean-Sébastien Bou) et Leporello (Robert Gleadow) il parvient à nous séduire de bout en bout, tant par son engagement scénique que par sa qualité vocale irréprochable. Une reprise très réussie qui ne fait pas mentir le célèbre aphorisme imaginé à partir de l’Art poétique d’Horace.
Patrice Imbaud

L’Oratorio de Noël : version Thibault LAM QUANG

Poursuivant la tradition qu’il a, pour le temps de l’Avent et de Noël, lancée à l’Église Protestante Allemande de Paris, Thibault Lam Quang et son remarquable Chœur de chambre Les Temperamens Variations ont proposé 3 Cantates de l’Oratorio de Noël (BWV 248). Les Concerts ont eu lieu les 3 et 4 décembre 2016 avec le soutien de l’Ambassade de la République Fédérale d’Allemagne, de l’Association Pro Musica (Église allemande) et de la Neue Bach Gesellschaft. Dès l’introduction, la première Cantate Jauchzet, frohlocket a créé l’atmosphère fracassante, irrésistible et éclatante de joie émanant de cette œuvre interprétée pour la première fois à Leipzig, le jour de Noël 1734. Réalisant un « son » exceptionnel, les choristes — attentifs au moindre des gestes très étudiés de leur chef — se sont imposés non seulement par une prononciation allemande et une diction impeccables tenant scrupuleusement compte des accents principaux et secondaires, mais encore par leur force de persuasion très contagieuse.
Protagoniste principal, l’Évangéliste Jan Hübner (ténor) a su trouver les accents justes pour, du haut de la chaire, animer le récit chanté (d’après Luc, 2, v. 1-6, puis 7), insister sur les mots importants ; au fil de l’action, il suscita aussi bien l’émotion que l’intériorité et la joie.
Les solistes allemands très expérimentés s’étaient joints : Tobias Hechler (alto) relata le miracle et commenta avec émotion la naissance du Sauveur ; il s’imposa dans l’air si convaincant Bereite dich, Zion, de même que Carsten Krüger (baryton-basse), par son phrasé très étudié et par sa gestique baroque suggestive, mais aussi avec des inflexions théâtrales au gré de la partition et par son Aria Grosser Herr, o starker König.
Le Chœur de chambre, qui respire la joie de chanter sous la direction de son fondateur, chef attentif et exigeant, a interprété les Chorals avec infiniment d’expressivité et de profondeur, par exemple le beau texte de Paul Gerhardt : Wie soll ich dich empfangen ? et a assumé le rôle de la turba (la foule) et notamment des Rois mages (Cantate n°5) : Lasset uns gehen gen Bethlehem (Allons à Bethléhem).
Les instrumentistes ont été très disciplinés conformément aux multiples intentions expressives de Thibault Lam Quang. Au violoncelle, Alice Coquart, vivant intensément la partition, a, avec une grande conscience professionnelle, suivi les chanteurs de près. À l’orgue positif, Helga Schauerte, sur la brèche pendant tout le concert, a assumé le continuo avec précision. Aux timbales, Ludwig Francheskez a soutenu énergiquement l’assise rythmique. À l’orchestre, le violon solo Patrick Olive s’est distingué par son assurance, de même qu’Eva Maria Schlieffer (flûte), Claire Caron et Timothée Oudinot (hautbois) et Jean-Charles Denis (trompette). Dans leurs diverses interventions, ils ont bravé toutes les difficultés techniques exigées par les passages de haute virtuosité.
Le programme comprenait aussi la Cantate n°5 : Ehre sei dir, Gott gesungen sur le thème de la gloire, de la louange et de la reconnaissance. L’introduction, de caractère dansant, a été agrémentée notamment par les sonorités de la flûte à bec (E. M. Schlieffer). Le récit de l’Évangéliste relata l’arrivée des Rois mages à Jérusalem (Matthieu, 2, v. 1 sq.) pour chercher le Roi des Juifs ; ils avaient été guidés par une étoile. L’œuvre se poursuivit sous le signe de l’illumination, puis de la crainte du roi Hérode qui demanda où le Christ devait naître. Cette Cantate persuasive, dynamique et pleine d’entrain, se termina par le Choral Zwar ist solche Herzensstube de Johann Franck (1655) faisant allusion à la grâce divine.
Enfin, la Cantate n°3 : Herrscher des Himmels erhöre das Lallen invite à rendre grâce puisque notre salut est assuré et l’Évangéliste rappelle (Luc 2, 15) qu’après le départ des anges, les bergers décidèrent d’aller à Bethléhem. Sara Magenta Schneyer (soprano) — titulaire du Prix spécial Bach attribué par la Fondation Jean Sébastien Bach de Leipzig, après ses études à Dresde et à Montpellier, d’ores et déjà promise à un bel avenir — s’est fait remarquer dans le Duo convergent (soprano/basse) : Herr, dein Mitleid, dein Erbarmen traduisant d’une voix lumineuse la grâce, l’amour du Seigneur et sa fidélité. Quant au Chœur, il a, avec l’orchestre, contribué à l’éclat et au relief du Choral : Seid froh dieweil et à la reprise du Chœur Herrscher des Himmels erhöre das Lallen. Décidément, Thibault Lam Quang est un chef « pas comme les autres » : il obtient de choristes non professionnels une « sonorité de professionnels », avec ce timbre typique du Chœur de chambre Les Temperamens Variations. L’audition de ces Cantates, qui ont bénéficié de très nombreux rappels enthousiastes, a assurément été, en ce temps de l’Avent, une expérience (ein Erlebnis) intensément vécue par tous.
Edith Weber

Grandes héroïnes françaises des XVIIè et XVIIIè siècles

Magdalena Kožená / DRPour leur concert parisien au Théâtre des Champs Elysées, le Concert d'Astrée et leur cheffe Emmanuelle Haïm avaient convié Magdalena Kožená. Pour un voyage au cœur des grandes tragédies françaises de Rameau et de Charpentier. Et au fil d'un programme fort adroitement conçu en quatre « suites » ou concentré des opéras célèbres que sont Hippolyte et Aricie, Dardanus, Médée et Les Indes galantes. Découpage ayant en outre pour avantage de replacer les airs dans leur contexte et de les faire précéder d'extraits purement instrumentaux significatifs. Le baroque français est pour la mezzo-soprano Magdalena Kožená un domaine bien connu, qui lui avait valu une première collaboration avec Emmanuelle Haïm en 2015 autour de la thématique « Médée trahie ». On se souvient aussi d'une interprétation scénique de l'héroïne de Charpentier au Théâtre de Bâle en 2015 (cf. NL de 2/2015). Cette soirée de concert, elle la vouait à ces femmes tragiques hors norme chantant un amour démesuré teinté tour à tour de fureur et de désespoir, de haine ou d'infinie tendresse, à l'aune de ce vers de Dardanus « Cesse cruel amour de régner sur mon âme ». Elle s'ouvrait par la « suite » d'Hippolyte et Aricie qui donnait à entendre l'Ouverture puis diverses danses entrecoupées de trois airs. Kožená s'y révèle grandiose : déclamation assurée, diction impeccable, en particulier dans les deux airs de Phèdre. Emmanuelle Haïm prodigue des accompagnements avisés, parfaitement en situation car la vingtaine de musiciens ici réunis font preuve eux aussi de style sous sa conduite agile et inspirée. Menuets, Ritournelle et autre Rigaudon en tambourin sonnent justes. Il en va de même de la suite de Dardanus, uniquement symphonique qui, au fil de ses neuf séquences, livre la quintessence de la langue de Rameau, ses étonnants contrastes : des « Tambourins » vifs, presque endiablés, une « Ritournelle » d'une vraie légèreté, et une « Chaconne » finale de grande allure. La première partie se terminait - et culminait - sur l'air de Télaire de Castor et Pollux : « Tristes apprêts » où Kožená brille par une voix d'une souveraine palette, s'enlaçant avec le solo de basson enamouré de Philippe Miqueu. Et quelle présence ! Venaient ensuite des extraits de Médée de Marc-Antoine Charpentier, un rôle que la chanteuse s'est déjà approprié, illustrant combien cette femme altière mêle haine, fureur et passion, si caractéristiques de la grande tragédie française en musique. Elle enchaînera trois morceaux empruntés aux III ème, IV ème et V ème actes. Ce qui atteint avec le monologue « D'où me vient cette horreur » et l'air final « Ne les épargnons pas » un formidable achèvement. En contraste, la « suite » des Indes galantes apporte une note bien différente car l'opéra-ballet de Rameau, au fil de ses diverses entrées, conte des drames moins vertigineux même si soumis à la fureur des éléments, ce que l'orchestre tonne tempétueux. On admire la tenue de celui-ci dans tous les pupitres ; avec une mention particulière pour le percussionniste Sylvain Fabre, à l'aise au tambour, grosse caisse, machine à vent ou tambour de basque, pour ne citer qu'eux ! En bis, Magdalena Kožená donnera généreusement trois morceaux : une vielle chanson française, pleine d'esprit, puis une aria d'Ariodante de Haendel, avec moult vocalises là encore sur le versant amusé, pour conclure sur un magistral lamento de Monteverdi, accompagnée par Haïm au clavecin avec la basse continue et un pénétrant solo de violon. Merveilleuse soirée saluée par un public attentif, assurément de connaisseurs.
Jean-Pierre Robert

Pour sauver La Petite Bande

Raphaël Pichon © Jean-Baptiste MillotFondée en 1972, à l'initiative du label Deutsche Harmonia Mundi, La Petite Bande s'est vite inscrite dans le paysage baroque européen. Ses multiples enregistrements dont l'intégrale des cantates de Bach ou, par deux fois, les Concertos Brandebourgeois, et ses innombrables concerts ont mis à l'honneur une interprétation historique revisitée qui connait peu d'équivalents actuellement. Ses caractéristiques : la pratique d'une technique de violon baroque sans mentonnière, le choix d'un instrument par partie, l'introduction d'instruments originaux comme le violoncello da spalla, c'est à dire joué à l'épaule, l'instrument étant disposé en bandoulière. A noter encore le fait pour un même musicien de pratiquer plusieurs instruments, comme le violon et la viole de gambe, l'alto et le violoncelle d'épaule, la flûte traversière et le traverso. Au milieu de ceux de la première heure, comme les membres de la famille Kuijken, on remarque quelques jeunes pousses dont le talent n'a rien à envier à celui de leurs aînés. Mais cette merveilleuse institution, basée à Louvain, connait une situation précaire depuis que les autorités belges lui ont coupé toutes subventions. Leur ''concert de soutien'' donné à la Salle Gaveau était l'occasion d'un fund raising, les musiciens jouant gratuitement et les bénéfices de la billetterie étant destinés à renflouer les caisses. L'évènement avait attiré un public fort nombreux, pour ne pas dire une salle comble.
La soirée était consacrée à JS Bach et à quatre de ses Concertos Brandebourgeois (les Nos 4, 6, 5 et 3), un musicien ô combien vénéré de la formation et de son chef et fondateur Sigiswald Kuijken. Outre l'histoire compréhensive d'une aventure musicale et humaine à nulle autre pareille, retracée dans le programme de salle, la soirée était introduite par Marleen Thiers, épouse du maitre, qui citera cette belle phrase de Platon : « la musique donne des ailes à l'esprit ». Le recueil des « Six concertos avec plusieurs instruments », écrit en 1719/1720 à Cöthen, figure parmi les plus accomplis de la forme du concerto grosso baroque, aux côtés de ceux de Corelli. Comparée à bien des exécutions actuelles, celle-ci affiche un territoire particulier quant au style et à la manière d'interpréter - entre 7 et 11 musiciens jouant sur instruments anciens - donnant de cette musique un éclairage autre, au plus près des intentions du Cantor qui ne pensait pas ''orchestre''. L'opposition quasi dialectique entre le concertino ou petit ensemble de solistes et le ripieno ou formation complète apparaît ici avec une vitalité nouvelle eu égard à la pratique du ''un par partie''. Cela sonne étonnamment chambriste et replace au centre de l'interprétation la primauté du timbre qu'autorise la variété des combinaisons sonores imaginées par le compositeur. On en apprécie d'autant plus l'audace. Ainsi du Concerto N°4, BWV 1049 et de ses deux flûtes à bec (Barthold Kuijken et Bart Coen), qui malgré leur primauté, ne détrônent pas pour autant la partie de premier violon (Ann Cnop) dont les arabesques n'en finissent pas d'étonner, au presto final en particulier. Pour le sixième concerto BWV 1051, joué comme écrit avec sept instrumentistes, et ignorant aussi bien les violons que les vents, les violes de gambe soutiennent les altos qui se trouvent occuper une position centrale. Le résultat est allègre et vigoureux. Le concerto N° 5 BWV 1050 est sans doute le premier concerto de clavier de l'histoire. Qui se voit doté en particulier d'une longue cadence au premier mouvement, d'une fabuleuse virtuosité - Benjamin Alard est ici tout simplement magnifique – encore que la flûte traversière soit aussi à l'honneur. Le second mouvement affetuoso, ne met en scène que les trois solistes, violon, flûte et clavecin. Quant au Troisième concerto BWV 1048, ses onze protagonistes comprennent trois violons, trois altos et trois violoncelles. Les deux allegros ne sont séparés que par une cadence de quelques mesures du Ier violon. Le second est encore plus vif et pris ici à train d'enfer, ce qui n'empêche pas une vraie légèreté. Ces exécutions sont rassérénantes et animées de la joie du partage. e saluée par un public attentif, assurément de connaisseurs.
Jean-Pierre Robert

SPECTACULAIRE SECOND EMPIRE


Auditorium du Musée d’Orsay
Mardi 6 décembre 2016 12h30
Chiara Skerath, soprano
Antoine Palloc, piano

La soprano belgo-suisse Chiara Skerath est la chanteuse montante et nous l’avons découverte en France en 2015 dans plusieurs opéras. L’auditorium du Musée d’Orsay a eu la belle idée de l’inviter à faire un récital d’airs que l’on pouvait entendre dans les salons napoléoniens et dans les salles d’opérette de l’époque. Malgré un refroidissement mais grâce à son professionnalisme elle a pu mener à bien son récital. Il faut dire que Antoine Palloc, superbe accompagnateur, l’a épaulée avec une belle énergie. Ce que l’on peut dire en l’écoutant est qu’elle a une voix avec beaucoup de finesse, un beau timbre et une manière de dire les textes avec beaucoup d’intelligence. Elle a débuté avec trois airs de Charles Gounod évoquant toute une époque, « Le soir » d’Ambroise Thomas peint la réunion des amants à la tombée de la nuit et « Psyché » d’Emile Paladilhe décrit un amoureux jaloux ! Les textes ont souvent des doubles sens comme « jouir sans entrave de ses beaux jours !», Bizet a mis en musique un texte de Victor Hugo extrait des Orientales « Les adieux de l’hôtesse arabe » où se mélange allusions érotiques et images exotiques de l’Arabie lointaine. Les grivoiseries se mêlent à loisir et les extraits d’opérettes font leurs apparitions dans les salons… Chiara Skerath, la voix bien en place, et chauffée chanta avec virtuosité « La femme dont le cœur rêve » d’Orphée aux Enfers, « Au Chapeau je porte une croix d’or » des Brigands et « En attirant du fond de sa cachette » l’air de cupidon d’Orphée aux Enfers ; Offenbach était là bien représenté. Le second empire tourne la page à Orsay et c’est « Romantique-Authentique » qui prendra place fin février et au mois de mars « la Nuit, le Cosmos ». Pour toutes les informations auditorium@musee-orsay.fr
Stéphane Loison

LES PIANISSIMES


Mercredi 7 décembre 2016
Couvent des Récollets
148 rue du Fbg St Martin 75010 Paris

Duo Jatekok

Deux jeunes et talentueuses pianistes face à face sur un double piano Pleyel ce n’est pas tous les jours que l’on peut apprécier ce genre de récital. Olivier Bouley a réussi à dénicher cet instrument, devenu une pièce de musée, en Haute Alsace. Comme deux sœurs Naïri Badal et Adélaïde Panaget jouent ensemble depuis presque dix ans. Pour le concert aux Récollets elles ont conçu un récital très classique dans le choix des œuvres. Claude Debussy « Prélude à l’Après-Midi d’un Faune », « Points on Jazz » de Dave Brubeck, la « Rhapsodie Espagnole » et « La Valse » de Maurice Ravel et une partie de « West Side Story » de Léonard Bernstein. La danse et ses différentes facettes étaient leur fil rouge. Tantôt l’une, tantôt l’autre jouait la partie orchestrale de la transcription. Energie, tendresse, vélocité, sincérité, joie de jouer sont les maîtres mots de ce récital et de ce duo. L’avantage que l’on a aux Récollets c’est que nous sommes dans le piano et on peut mieux remarquer la complexité de certaines transcriptions. « West Side Story » par exemple n’est pas qu’une simple musique de comédie musicale mais Bernstein s’est nourri de la musique contemporaine pour l’écriture de certains morceaux dont l’ouverture, la Transcription de « La Valse » écrite par Ravel lui-même est d’une complexité inimaginable lorsque l’on voit ces deux artistes l’interpréter. On aurait voulu les entendre dans un répertoire plus contemporain, elles nous ont mis l’eau à la bouche. En bis elles ont interprété une transcription d’une cantate de Bach faite par Kurtag d’une grande intériorité et une vertigineuse et endiablée interprétation d’ « America » extrait de West Side Story. Au plaisir de vous réentendre mesdemoiselles !
Le 13 janvier un nouveau récital Pianissimes est offert au Musée Dapper, 35 bis rue Paul Valéry, 75116 Paris avec le tout jeune pianiste Micah McLaurin.
Pour en savoir plus et pour participer financièrement à l’aventure des Pianissimes info@lespianissimes.com - www.lespianissimes.com
Stéphane Loison

MAÎTRISE DE RADIO FRANCE


Auditorium
Samedi 10 décembre 2016, 20h
Paris Brass Band
Class Cham du CRR de Créteil
Bruno Perbost, piano
Florent Didier, Morgan Jourdain, direction

Impressionnant tel est le mot qui vient à la sortie de l’Auditorium ! Impressionnant de voir cette centaine d’enfants de huit à quinze ans chanter ces œuvres dont certaines sont très complexes, comme s’ils chantaient Au Clair de la Lune. Mais pour eux c’est pareil, ils n’ont pas de problème, ils ne sont pas encore pollués par l’ambiance sonore ou simplement par le monde qui les entoure, chanter c’est comme respirer, c’est normal et cela se voit et cela s’entend. La première œuvre au programme était une composition pour brass band d’Olivier Waespi : « Hypercube ». C’est une composition toute récente (janvier 2016) créée pour le Paris Brass Band. Waespi est habitué à écrire pour les cuivres et on s’en rend compte ; ils sont tous mis dans la lumière. En introduction un thème assez violent, suit une musique plus calme, puis le matériau se déploie en un développement dramatique et virtuose jusqu’au vertige. Après quelques solos plus lyriques, l’œuvre s’achève dans une folle accélération. La sonorité et la qualité des instrumentistes sont mises en valeur, on aurait préféré finir dans les nuages plutôt que cette fin apocalyptique ascendante.
Suivie une œuvre pour la chorale de Morten Lauridsen : « O Magnum Mysterium ». Elle a été créée en 1994 à Los Angeles. Le texte avait été déjà mis en musique par Byrd, Palestrina et même Poulenc. C’est une affirmation de la grâce de Dieu envers les doux et de l’adoration de la Sainte Vierge. Œuvre charmante tout en douceur que la chorale interpréta avec tranquillité. Composé en 1987 « Le Berger de lumières » de Roger Calmel est une musique pour la justice et la paix. Roger Calmel a beaucoup œuvré pour la maîtrise dont il s’est occupé. Œuvre charmante, dans l’esprit des chorales d’antan. C’est une composition du Suisse Emile Jaques-Dalcroze « Chanson à la Lune » écrite en 1904, chanson d’un autre temps, au croisement de la mélodie française et le lied allemand, qui a été interprétée avec beaucoup de charme par les enfants.
C’est la composition d’Olivier Calmel « Ecce Paris, ecce homo » qui a été créée à l’Auditorium ce soir là. C’est une composition pour Brass Band et Chœur d’enfants.
Olivier Calmel a hérité de son père pour le goût des chorales ; En s’inspirant des Misérables de Victor Hugo, « Ecce Paris, ecce homo » évoque trois aspects de l’enfance. Le gamin de Paris c’est Gavroche, enfant malicieux qui mourra sous les balles en chantant Misère est mon trousseau - C’est la faute à Rousseau - Je suis tombé par terre – C’est la faute à Voltaire – Le nez dans le ruisseau – C’est la faute à….La deuxième partie c’est l’enfance heureuse des deux filles que l’auteur évoque avec tendresse ; la troisième partie tient en une phrase ; « Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne » !
Ici le grand gagnant c’est Olivier Calmel car avec un orchestre de la qualité du Paris Brass Band et le chœur des enfants, il s’est permis d’écrire des choses inouïes et faire un instrument de cette chorale qui répond totalement à ses aspirations. A cette musique extrêmement complexe répliqué un chœur sans complexe ; rien n’effrayait ces bambins, Calmel s’est même amusé à écrire une fugue avec la Brass Band et le chœur et il n’y avait aucune difficulté pour eux à la chanter ! On peut féliciter le travail accompli par Morgan Jourdain ; la composition d’Olivier Calmel est magnifique et comme au début de cet article c’est le mot impressionnant qui vient tout de suite à l’esprit !
Impressionnant tel est le mot qui vient à la sortie de l’Auditorium ! Impressionnant de voir cette centaine d’enfants de huit à quinze ans chanter ces œuvres dont certaines sont très complexes, comme s’ils chantaient Au Clair de la Lune. Mais pour eux c’est pareil, ils n’ont pas de problème, ils ne sont pas encore pollués par l’ambiance sonore ou simplement par le monde qui les entoure, chanter c’est comme respirer, c’est normal et cela se voit et cela s’entend.
La première œuvre au programme était une composition pour brass band d’Olivier Waespi : « Hypercube ». C’est une composition toute récente (janvier 2016) créée pour le Paris Brass Band. Waespi est habitué à écrire pour les cuivres et on s’en rend compte ; ils sont tous mis dans la lumière. En introduction un thème assez violent, suit une musique plus calme, puis le matériau se déploie en un développement dramatique et virtuose jusqu’au vertige. Après quelques solos plus lyriques, l’œuvre s’achève dans une folle accélération. La sonorité et la qualité des instrumentistes sont mises en valeur, on aurait préféré finir dans les nuages plutôt que cette fin apocalyptique ascendante.
Suivie une œuvre pour la chorale de Morten Lauridsen : « O Magnum Mysterium ». Elle a été créée en 1994 à Los Angeles. Le texte avait été déjà mis en musique par Byrd, Palestrina et même Poulenc. C’est une affirmation de la grâce de Dieu envers les doux et de l’adoration de la Sainte Vierge. Œuvre charmante tout en douceur que la chorale interpréta avec tranquillité. Composé en 1987 « Le Berger de lumières » de Roger Calmel est une musique pour la justice et la paix. Roger Calmel a beaucoup œuvré pour la maîtrise dont il s’est occupé. Œuvre charmante, dans l’esprit des chorales d’antan. C’est une composition du Suisse Emile Jaques-Dalcroze « Chanson à la Lune » écrite en 1904, chanson d’un autre temps, au croisement de la mélodie française et le lied allemand, qui a été interprétée avec beaucoup de charme par les enfants.
C’est la composition d’Olivier Calmel « Ecce Paris, ecce homo » qui a été créée à l’Auditorium ce soir là. C’est une composition pour Brass Band et Chœur d’enfants.
Olivier Calmel a hérité de son père pour le goût des chorales ; En s’inspirant des Misérables de Victor Hugo, « Ecce Paris, ecce homo » évoque trois aspects de l’enfance. Le gamin de Paris c’est Gavroche, enfant malicieux qui mourra sous les balles en chantant Misère est mon trousseau - C’est la faute à Rousseau - Je suis tombé par terre – C’est la faute à Voltaire – Le nez dans le ruisseau – C’est la faute à….La deuxième partie c’est l’enfance heureuse des deux filles que l’auteur évoque avec tendresse ; la troisième partie tient en une phrase ; « Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne » ! Ici le grand gagnant c’est Olivier Calmel car avec un orchestre de la qualité du Paris Brass Band et le chœur des enfants, il s’est permis d’écrire des choses inouïes et faire un instrument de cette chorale qui répond totalement à ses aspirations. A cette musique extrêmement complexe répliqué un chœur sans complexe ; rien n’effrayait ces bambins, Calmel s’est même amusé à écrire une fugue avec la Brass Band et le chœur et il n’y avait aucune difficulté pour eux à la chanter ! On peut féliciter le travail accompli par Morgan Jourdain ; la composition d’Olivier Calmel est magnifique et comme au début de cet article c’est le mot impressionnant qui vient tout de suite à l’esprit !
Stéphane Loison

CENTRE DE MUSIQUE DE CHAMBRE DE PARIS


Salle Cortot 78 rue Cardinet
17 décembre 2016 20h - 21h30

Pour sa seconde saison le Centre de Musique de Chambre de Paris a offert du 1er décembre au 17 décembre le « 7éme Quatuor » de Beethoven interprété par le quatuor Hanson et « Le Bal Masqué » de Francis Poulenc par la troupe du Centre. Jérôme Pernoo, le directeur artistique du centre, a eu cette idée magnifique de faire interpréter une œuvre plusieurs fois comme cela se fait à l’opéra, au cinéma ou au théâtre.
Le quatuor Hanson a donc joué du jeudi au samedi soit neuf fois le « Quatuor à cordes op.59 n°1 ». Il est le premier des trois quatuors dédiés au prince Andrei Razumovsky dont il porte le nom.. L’année de sa création est très fertile pour Beethoven, il écrit deux autres quatuors, le concerto pour violon, le quatrième concerto pour piano et la quatrième symphonie ! Ce quatuor était supposé injouable ! Comme les deux autres Razumovsky ils ont suscités à leur époque, l'incompréhension aussi bien du public, des critiques que des exécutants. Au violoniste Radicati qui lui déclarait que ce n'était pas de la musique, Beethoven répondit : « Ce n'est pas pour vous ! C'est pour les temps à venir. ». Et à Schuppanzigh qui se plaignait de la difficulté technique du quatuor, il aurait répondu : « Croyez-vous que je pense à vos misérables cordes quand l'esprit me parle ? Aujourd’hui lorsqu’on le regarde interprété on peut s’apercevoir de la difficulté, de l’énergie qu’il faut pour l’interpréter. On peut dire que la version des Hanzon est impressionnante. Après neuf exécutions ils l’ont dans les doigts mais ils sont exténués après les quarante minutes de tension qu’il dure. Ce 17 décembre après un Allegro d’une violence inouïe, leur Allegretto était de toute beauté et l’Allegro final exténuant ! Ce tout jeune quatuor, né en 2013, a un grand avenir devant lui. Il est composé par Anton Hanson, Jules Dussap, violons, Gabrielle Lafait, alto, Simon Dechambre, violoncelle.

Le concert de 21h30 intitulé « Le Bal Masqué » était de tout ordre, le surréalisme était à l’honneur et Jérôme Pernoo qui a mis en scène ce « Bal Masqué » s’est amusé, comme il aime le faire, à casser les codes. Avant de commencer le bal, Antoine Préat joua « Brouillard » de Claude Debussy, un prélude du deuxième livre, mais cette musique avait l’air d’agacer le trio Bertrand Laude, clarinette, Ariane Bacquet, hautbois, Lomie Lamouroux, basson, qui coupèrent la chique au pianiste pour interpréter une œuvre moins sérieuse de George Auric, un trio intitulé « Décidé » ; à peine terminée, Antoine Préat repris la parole, plutôt le piano pour nous offrir une œuvre « Embryons Desséchés » d’Eric Satie qui n’avait ni queue ni tête, même pour le compositeur ! Les instrumentistes s’amusaient pendant ce temps à jouer au cadavre exquis, à savoir, chacun met une phrase sur un papier sans que le suivant sache ce qu’il a écrit et le résultat est souvent surprenant et d’une poésie qui plaisait aux surréalistes ; sur cet entrefaite, c’est « Caramel Mou » de Darius Milhaud qui s’en est suivi avec l’apport de Julia Boucat à la trompette, Nadia Bendjaballad, aux percussions, Jérémie Billet au violoncelle et surtout Jérôme Boutillier le baryton qui chanta le texte de Jean Cocteau, un grand moment de folie :
Prenez une jeune fille,
Remplissez-la de glace et de gin
Secouez le tout pour en faire une androgyne
Et rendez la à sa famille.

Suivi une folle impro avant d’entendre « Disco-Toccata » de Guillaume Connesson, puis au piano le « premier intermezzo pour piano seul » de Stéphane Delplace et un « Hommage à K » de Pascal Zavaro, joué au xylophone par Nadia Bendjaballah, œuvre un peu faible ; « Mouvement perpétuel » de Charly Mandon était interprété par Ryo Kojima au violon et Antoine Préat, juste un numéro de cirque. Toute la troupe réapparu déguisée, masquée pour attaquer  l’œuvre informelle, décadente, drôle de Francis Poulenc : « Le Bal Masqué ». Jérôme Pernoo s’en est donné à cœur joie dans la mise en place des musiciens, il a su faire ressortir l’irrévérence de cette pièce musicale avec le texte de Max Jacob. Tous les interprètes ont joué le jeu et le baryton a chanté ce texte abscons avec beaucoup d’humour et d’intelligence sans forcer le trait. “Mon gilet quadrillé a, dit-on, l’air étrusque et mon chapeau marron va mal avec mes frusques.“ On est dans le bon délire et musical et poétique. Le public lui aussi était en plein délire et ne voulait pas lâcher la troupe ! Espérons qu’elle ira faire un tour en France, danser, jouer, ce « Bal Masqué » d’anthologie !

Prochainement, au mois de Janvier :
du 5 au 14, à 20h Guillaume Bellom et Ismaël Margain, un duo de piano, interpréteront « Suites » de Rachmaninov
du 5 au 21 à 21h30 un quintette jouera « La Mort du Poète » d’après Schumann.
Du 19 au 28 à 20h Le trio Zadig jouera le « Trio » de Ravel
Du 26 au 28 à 21h30 « L’histoire du Soldat » de Stravinsky avec la Troupe du Centre
Pour toutes informations www.centredemusiquedechambre.paris
Stéphane Loison

L’ÉDITION MUSICALE

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CHANT CHORAL

Yves CASTAGNET : Trois Psaumes. Chœur : TB – SA - SATB et orgue. Symétrie : ISMN 979-0-2318-0766-0

Sans être faciles, ces œuvres sont abordables par des chœurs bien exercés. Créés dans le cadre de la cathédrale Notre-Dame de Paris, ces trois psaumes peuvent être utilisée pour l’usage liturgique aussi bien que données au concert. L’ensemble est très beau et écrit dans un langage à la fois simple et subtil, dans la grande tradition de l’école française. On en trouve des extraits significatifs sur le site de l’éditeur. Daniel Blackstone

Arthur OLDHAM  : Laudes creaturarum Cantate sur un texte de Saint François d’Assise. Pour soprano solo, chœurs, cordes et orgue. Symétrie : ISMN 979-0-2318-0824-7.

Cette œuvre, qui ne dure pas moins de 25 minutes, constitue une pièce maîtresse des compositions d’Arthur Oldham, dont on n’aura pas oublié le passage à la direction des chœurs de l’Orchestre de Paris. Composée en 1961, elle exprime l’intense conviction de l’auteur à travers la mise en musique d’un poème majeur de la spiritualité catholique, le célèbre « Cantique des créatures » de Saint François d’Assise. Il en garde d’ailleurs le texte original en ombrien, structurant l’ensemble en dix courtes parties suivant les strophes du texte. Tout en étant tonal, le langage de l’auteur fait appel à des harmonies subtiles qui demandent un chœur bien exercé. La musique est au service du texte dont elle rend toutes les nuances de louange et d’émerveillement, y compris dans la strophe IX (Béni sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur la Mort corporelle). L’auteur y trouve les accents à la fois simples et profondément émouvants induits pas ce texte. C’est une grande et belle œuvre.
Les éditions Symétrie nous en proposent également une réduction pour voix et piano, réalisée par Valérie Mercier (ISMN 979-0-2318-0826-1) ainsi qu’un extrait « Frate vento, sor aqua » pour soprano solo, chœur féminin et clavier (ISMN 979-0-2318-0831-5).
Daniel Blackstone

PIANO

Bohuslav MARTINŮ  : Easy Piano Pieces and Dances pour piano. Bärenreiter : BA 9586.

Bohuslav Martinu a écrit un bon nombre de pièces pédagogiques pour piano dont une partie notable n’a jamais été publiée. Nous trouvons ici les Critchets and Quavers, six pièces consacrées aux changements de mesure et de tempo. C’est donc à une véritable découverte que nous invite Lucie Harasim Berná, qui a édité ces pièces. Ces courtes pièces trouveront place au milieu des pièces traditionnelles du répertoire et permettront aux jeunes élèves de découvrir le langage et la personnalité de ce compositeur tchèque qui n’a pas fini de nous surprendre. Il faut également préciser que ce recueil bénéficie d’une copieuse et précieuse préface qu’on lira avec beaucoup d’intérêt.
D.B.

Maurice RAVEL : Concerto pour la main gauche pour piano et orchestre. Bärenreiter : Conducteur : BA 7881 – Réduction pour deux pianos : BA 7081-90.

Pourquoi une nouvelle édition du Concerto pour la main gauche ? C’est que cette édition a été établie à partir de sources précédemment inaccessibles et inconnues. On lira l’histoire de ces sources dans la Passionnante et copieuse introduction de Christine Baur, en français puisqu’il s’agit d’une œuvre (oh ! combien…) française qui raconte également l’histoire mouvementée de l’œuvre… Cette édition est donc à la fois savante et pratique : savante par son introduction et le sérieux de son édition, pratique par sa clarté et sa lisibilité. Rappelons que la réduction de l’orchestre au piano a été réalisée par Ravel lui-même… C’est dire son intérêt qu’on lira avec beaucoup d’intérêt.
D.B

Bruno SIBERCHICOT : « Within and without » Pièce pour piano. Chanteloup musique : CMP018.

Nous trouvons en exergue la citation de Francis Scott Fitzgerald extraite de Gasby le magnifique : « J’étais dedans et dehors, fasciné et écœuré tout à la fois par l’inépuisable diversité de la vie ». Cette œuvre difficile joue sur les rythmes, les couleurs, les contrastes de nuances, c’est-à-dire l’ensemble des possibilités du piano « classique », c’est-à-dire « non-préparé ». Il faudra donc retenir plutôt les ambiances diverses créées par une diversité qui n’exclut pas, loin de là, le lyrisme.
D.B

Nils FRANKE : From Bach to Schoenberg. 200 ans de musique de piano. Une anthologie de répertoire de concert pour pianiste. Wiener Urtext Edition. Schott/Universal Edition : UT 50406.

Le but de ce recueil de vingt œuvres allant de Bach à Schoenberg en passant par des compositeurs représentatifs de cette période si riche est de nous offrir, au milieu d’œuvres très connues, des œuvres moins habituellement jouées de ces compositeurs. L’ensemble est de grande qualité et comporte un commentaire des œuvres présentées, avec leur remise en contexte, ainsi, bien sûr, que des notes critiques. Ces pièces peuvent constituer, pour un récital, une source de « bis » tout à fait remarquable.
D.B

SCHUBERT : Impromptus op. post. 142 (D 935). Wiener Urtext Edition – Schott/Universal Edition : UT 50409.

Certes, ce n’est pas, en apparence, une nouveauté. Mais cette nouvelle édition des quatre Impromptus D 935 a été réalisée par Ulric Leisinger, les notes sur l’interprétations par Robert D. Levin et les doigtés sont de Paul Badura-Skoda. C’est dire la qualité de ce qui nous est ici proposé. On appréciera aussi particulièrement le fait que la préface et les notes sur l’interprétation soient en français. Merci Universal !
D.B

Sergej RACHMANINOV :Prélude en ut dièse mineur op. 3/2. Wiener Urtext Edition – Schott/Universal Edition : UT 50417.

On ne présente évidemment plus le célébrissime prélude en ut dièse mineur de Rachmaninov… mais il faut avouer que cette somptueuse édition réalisée d’après les sources par Nils Franke et Jochen Reutter, comportant les notes sur l’interprétation et les doigtés de Nils Franke est bien séduisante. Comme pour Schubert, nous avons une traduction française (abrégée, il est vrai, mais très peu) de la préface et des notes par Geneviève Geffray. Les réflexions sur l’interprétation de Rachmaninov lui-même, interprétation connue à partir des rouleaux de piano mécanique mais surtout des enregistrements sur disque sont particulièrement intéressantes et pertinentes. On n’aura donc pas à regretter d’avoir ajouté cette nouvelle édition à celles qu’on peut par ailleurs posséder.
D.B

VIOLON

Pascal PROUST : Fantaisie sur « La danse de l’ours ». pour ensemble de violons (6 ou multiple). Premier cycle. Sempre più : SP0270.

Cette « Danse de l’Ours » est un thème anonyme du XIV° siècle sur lequel l’auteur a brodé des variations aux caractères variés même si le thème est toujours parfaitement présent et reconnaissable. Jouant tantôt en tutti, tantôt par ensembles plus réduits, les six violons terminent dans une apothéose « Grandioso » du meilleur aloi ! Voici une bien agréable et bien utile initiation à la musique d’ensemble, exigeant de chacun des interprètes une écoute attentive. Le langage en est « moyenâgeux » sans excès. Le tout doit sonner de façon franche et très agréable. Rythme et justesse seront de mise !
D.B

Philippe RIO : Musicordes pour violon et piano. Fin de 1er cycle. Lafitan : P.L.3079.

Cette « Danse de l’Ours » est un thème anonyme du XIV° siècle sur lequel l’auteur a brodé des variations aux caractères variés même si le thème est toujours parfaitement présent et reconnaissable. Jouant tantôt en tutti, tantôt par ensembles plus réduits, les six violons terminent dans une apothéose « Grandioso » du meilleur aloi ! Voici une bien agréable et bien utile initiation à la musique d’ensemble, exigeant de chacun des interprètes une écoute attentive. Le langage en est « moyenâgeux » sans excès. Le tout doit sonner de façon franche et très agréable. Rythme et justesse seront de mise !
D.B

VIOLONCELLE

Piotr MOSS : « 125 » pour violoncelle seul. Collection pour les enfants « Violoncelle mon ami ». Fortin-Armiane : EFA 110.

Attention, il ne s’agit pas vraiment d’une pièce pour enfant ! Le titre, au premier abord assez mystérieux, fait allusion au fait que les deux dédicataires fêtent à la fois leurs cinquante ans et leur vingt-cinquième anniversaire de mariage (50+50+25=125). Ce court récit lyrique est en plus écrit sur six notes, tirées du nom de ces mêmes destinataires : c, d, es, e, f, a. autrement dit ut, ré mib mi fa et la. Ceci dit, au-delà des circonstances particulières de sa composition et de sa création, cette pièce mérite d’être jouée pour elle-même, dans sa sobriété pleine de charme. Elle pourra être abordée par un violoncelliste de niveau moyen.
D.B

Max MÉREAUX : Malinconia pour violoncelle et piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.3036.

Mélancolique, cette œuvre l’est manifestement, mais aussi mouvementée. Elle l’est tant par ses couleurs harmoniques, fort peu classiques, que par ses rythmes et la véhémence du discours. Le violoncelliste pourra et devra exprimer tout son lyrisme dans l’ensemble de la pièce mais plus encore dans la cadence qui forme en quelque sorte le centre du propos. Cette œuvre tourmentée mais pleine de grâce, spécialement dans les treize mesures qui suivent la cadence est d’un intérêt certain. Bien loin du « morceau d’étude », c’est une véritable œuvre à découvrir en audition ou en concert.
D.B

CONTREBASSE

Gioachino ROSSINI : Cinque duetti pour 2 contrebasses. Assez facile. Delatour : DLT2711.

Bien que ces pièces aient été composées primitivement pour le cor, il a semblé légitime à Régis Prudhomme de les transcrire pour contrebasse. En effet, Rossini a été le premier compositeur à écrire pour la contrebasse. Ces œuvres de jeunesse (Rossini a quatorze ans) sont déjà bien dans le style du compositeur : c’est dire qu’on ne s’ennuiera pas à les jouer. On trouve successivement Marcia, Menuetto, Adagio, Menuetto et Allegro. Ces courtes pièces devraient faire le bonheur des jeunes (et moins jeunes) contrebassistes !
D.B

FLÛTE TRAVERSIÈREE

Pascal PROUST : LE PETIT SOLDAT DE PLOMB d’après Andersen, pour ensemble de flûtes et récitant. Sempre più : SP0271

Voici la présentation de l’auteur : « Cette partition, écrite à 5 parties, est destinée aux jeunes instrumentistes des 1er et 2ème cycles. Cependant la 5ème partie est spécialement écrite pour les plus jeunes en 1ère année d’études. Chaque partie peut être doublée, triplée, selon le nombre d’élèves désirant participer. Il est conseillé de sonoriser la voix du (de la) récitant(e), le texte étant souvent accompagné par la musique, parfois assez forte. » C’est en vérité pour la commodité du travail que l’ensemble est divisé en huit séquence. En fait, on aura tout intérêt à donner l’œuvre intégralement. L’ensemble est très joliment consonnant. Bien sûr, nous sommes dans un conte d’Andersen, et l’histoire se termine mal… mais la poésie est présente tout au long de l’œuvre. Et ce n’est qu’un conte…
D.B

Piotr MOSS : Introduction et rondino pour flûte et piano. Niveau moyen. Fortin-Armiane : EFA 111.

« Il faut la jouer en souriant », nous dit l’auteur. L’œuvre, en effet, n’invite pas à la mélancolie. Une introduction un peu plus grave (mais pas tant que cela…) conduit au Rondino. Celui-ci est construit sur le thème d’une simple mélodie que le dédicataire de l’œuvre a coutume de chantonner à ses enfants. Sur cette mélodie simplissime, le compositeur a bâti un court rondo « d’un caractère plutôt léger » en transformant son thème à chaque refrain. Le tout est charmant et plein de fraîcheur, même si le langage n’a rien de « classique ». Bref, c’est une pièce à jouer pour se faire plaisir et, du même coup, faire plaisir à ses auditeurs.
D.B

Davide PERRONE : « For day »Pour flûte traversière. Chanteloup-musique : CMP019.

Cette pièce, nous duit l’auteur, a été composée dans l’urgence. Construite comme un dialogue entre deux personnalités, elle se développe donc dans un discours à deux thèmes qui s’entrelacent. Ce n’est pas très difficile mais suppose de solides qualités expressives et un riche imaginaire. Mais n’est-ce pas l’essence même du musicien ?
D.B

HAUTBOIS

Érik SATIE : La belle excentrique : Fantaisie sérieuse. Arrangement d’Arnaud Barre pour bande de hautbois : 2 hautbois, hautbois d'amour, 2 cors anglais, hautbois baryton, basson, contrebasson. Assez difficile. Delatour : DLT2510.

On peut lire sur le site de l’éditeur les circonstances de cette composition datée de 1920. Cette œuvre du début des « années folles » se prêtait bien à cette truculente transcription. L’œuvre est divisée en trois volets : Grande Ritournelle, Valse du « Mystérieux baiser dans l’œil » et Cancan Grand Mondain. Bien sûr, il faudra, pour interpréter cette œuvre, beaucoup d’humour et de panache… Signalons que, pour se mettre dans l’esprit de l’œuvre, on peut en écouter la version orchestrale par Michel Plasson et l’orchestre du Capitole de Toulouse sur Youtube https://www.youtube.com/watch?v=-aohuDCEDnc
D.B

CLARINETTE

Rémi MAUPETIT : Tarentelle pour clarinette et piano. Préparatoire. P.L.3013.

Le thème de notre Tarentelle est écrit sur une basse chromatique qu’on ne manquera pas de faire remarquer aux élèves. L’ensemble est écrit dans un la mineur qui facilitera la tâche du pianiste, mais pas celle du clarinettiste qui se retrouve ainsi avec deux dièses… Une vaste cadence conduit à une sorte de coda qui évoque l’atmosphère du début. Bien sûr, le tempo (104 à la noire pointée) est un véritable tempo de tarentelle.
Daniel Blackstone

André TELMAN : En plein songe pour clarinette et piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.2994.

Les changements de mesure s’enchainent, comme conduisant notre rêve à des paysages successifs. Les harmonies fluctuent ainsi que les tonalités… Bref, images et sensations sonores et rythmiques fluctuent tout au long de cette pièce attachante précisément par ces changements subtils et délicats. L’ensemble est lyrique et demande une grande écoute mutuelle de la part des interprètes. Mais n’est-ce pas l’art de la musique de chambre ?
Daniel Blackstone

Max MÉREAUX : Chansonette pour clarinette et piano. Préparatoire.P.L.3024.

Cette charmante chansonnette déroule une jolie mélodie qui mettra en valeur les qualités musicales du jeune clarinettiste. Sous cette mélodie, un accompagnement de piano discret et délicat égrène arpèges larges et étroits qui soutiennent doucement la mélodie. Une cadence assez développée conduit aux quelques mesures finales qui mettent en valeur le registre aigu de l’instrument. L’ensemble est fort plaisant.
Daniel Blackstone

Dominique DELAHOCHE-LEFEBVRE : Cycle Résolutions. Pièces instrumentales solistes. Le temps des mauvaises manières pour clarinette basse en sib. Difficile. Delatour : DLT0443.

Il s’agit de la première pièce d’un cycle poursuivi en parallèle à une série de cahiers instrumentaux du même auteur. Le titre de l’œuvre vient d’une expression du maître de karaté Oshima. Le « temps des mauvaises manières » est pour lui « une période durant laquelle le pratiquant avancé, joyeux d’avoir vaincu des blocages personnels, perd sa concentration et par contagion la fait perdre aux moins avancés ». C’est le moment auquel croit être parvenu l’auteur. Si cette explication nous fait entrer dans la démarche du compositeur écrivant cette œuvre, saura-t-elle inspirer l’interprète ? La pièce explore toutes les possibilités de l’instrument jusque dans ses extrêmes limites. Elle demande donc une technique éprouvée, une envie de dépasser ses limites et de découvrir une expression et un son nouveaux.
Daniel Blackstone

TROMPETTE

Rémi MAUPETIT : Aubade charmeuse pour trompette ou cornet ou bugle et piano. Débutant. Lafitan : P.L.3014

eure exquise… S’agirait-il d’une aubade charmeuse pour veuve joyeuse ? C’est au moins ce que les différentes interventions du pianiste et notamment l’introduction du morceau pourraient laisser penser ! Les « sanglots profonds et longs des tendres violons » introduisent une charmante pièce en forme de valse qui devrait ravir les jeunes interprètes puisque si la partie de trompette est bien pour débutant, la partie de piano n’est guère difficile. Souhaitons que le professeur en profite pour leur faire écouter de duo original…
Daniel Blackstone

Max MÉREAUX : Intermède pour trompette ou cornet ou bugle et piano. Préparatoire. P.L.3025.

Ces épisodes qui portent bien leur qualificatif se succèdent joyeusement même si l’on va du Maestoso à l’allegro moderato, qui l’est de moins en moins en passant par un « Andante espressivo » sans oublier une cadence pleine de surprises. Bref, on ne s’ennuie pas tout au long de cette œuvre qui offre aux deux interprètes la possibilité de montrer toute la palette de leurs talents.
Daniel Blackstone

SAXHORN / EUPHONIUM / TUBA

Rémi MAUPETIT : Chantaline pour saxhorn basse/euphonium/tuba. Fin de 1er cycle. Lafitan : P.L.3019.

Ce morceau comprend deux parties très différentes : d’abord on trouve une sorte de valse un peu nostalgique qui évoque un peu les « couleurs du temps » d’un certain Béart dans un fa mineur un peu sombre, le tout sous forme de variations. Une Cadence dans le même style conclut cette partie. Puis on enchaine sur un swing en do Majeur bien balancé qui contraste avec la première partie. L’ensemble ne manque donc ni de variété ni de charme et devrait séduire ses jeunes interprètes.
Daniel Blackstone

PERCUSSIONS

Max MÉREAUX : Fragrance pour xylophone et piano. Préparatoire. P.L.3037.

Voici une pièce qui porte bien son nom : piano et xylophone dialoguent à qui mieux mieux dans des ondulations irisées et donnent ainsi à l’œuvre un côté aquatique. C’est du moins ce que nous avons ressenti, mais l’ambiance harmonique subtile qui se dégage de ces pages peut évoquer reflets et ondulations lumineuses, ou plutôt, comme le titre y invite, des senteurs diverses dans une atmosphère légère : à chacun de faire jouer son imaginaire pour mieux transmettre l’ambiance parfumée que suggère l’auteur.
Daniel Blackstone

Bernard ZIELINSKI – Arletta ELSAYARY : Les gais lurons en vadrouille pour batterie et piano. Débutant. Lafitan : P.L.3062.

Dédiée « aux gais lurons de la tournée chinoise de décembre 2014 », cette pièce n’engendre point la mélancolie. Tandis que la main gauche du piano met en œuvre quasiment tout le temps un ostinato rythmique et que la batterie maintient une pulsation imperturbable, la main droite du piano nous offre une mélodie aux tonalités extrême-orientales très… occidentales. Mais, comme le demandent les auteurs, le tout ne doit-il pas être interprété « con piacevole Ilarita » ? Il ne nous semble pas utile de traduire… On peut penser que les interprètes y prendront également un joyeux plaisir !
Daniel Blackstone

MUSIQUE DE CHAMBRE

Sigismond THALBERG (1812-1871) : Trio opus 69 pour piano, violon et violoncelle. Sempre più : SP0054.

Pianiste virtuose, rival de Liszt avec lequel il eut même un duel (pianistique) célèbre et où le public se refusa à trancher, a côtoyé tous les grands musiciens de son époque. Il est moins connu pour ses compositions. Et pourtant, ce trio avec piano est tout à fait honorable et intéressant. Il comporte trois mouvements : un Allegretto molto moderato qui n’en est pas moins assez agité. Soyons francs : si violon et violoncelle ont leur part et chantent avec beaucoup de lyrisme, c’est quand même le piano qui se taille la part du lion. Le deuxième mouvement est un Andante cantabile qui porte bien son nom. Le troisième, Allegretto ma non troppo commence en la mineur avant de conclure brillamment dans la tonalité principale de la Majeur. Ce sera donc une excellente découverte pour les chambristes.
Daniel Blackstone

Roger LARCANGE : Ballade swinguée. Multi Instrumental. Piano accompagnement, guitare, saxos, clarinette,… Fortin-Armiane : EFA 105.

En fait, cette ballade swinguée est susceptible de convenir à toutes les formations en duo, en trios… bref, elle s’adresse à « tous ceux et celles qui veulent swinguer, improviser autour d’une petite mélodie et s’amuser avec les harmonies chiffrées. » Multi-instrumental, ce morceau, variable à l’infini, est un support à l’invention, à l’improvisation, c’est-à-dire à ce qui constitue une pratique trop ignorée des musiciens classiques : la joie de la musique ! On ne peut que recommander ce morceau ainsi que Sur la route du Jazz (EFA 107) co-écrit avec Emmanuelle Pinen et Chantal Soulu qui est composé sur le même modèle. De l’harmonica à la basse-tuba en passant par tous les instruments existants ou à venir, chaque instrumentiste peut y trouver son bonheur. Daniel Blackstone

Piotr MOSS : Form XIV pour Voix et Violoncelle. Niveau moyen. Fortin-Armiane : EFA 109.

Cette « scène dramatique » traite, comme on l’imagine, la voix en instrument ou plutôt comme une expression dans un langage étrange – étranger. « Le texte peut être prononcé de différentes manières, selon la langue maternelle du chanteur. Homme, femme et même enfant, tout est possible. L’auteur nous avertit qu’ « en assistant à des exécutions de cette pièce, [il s’est] rendu compte que son expression peut être aussi bien très lyrique que… comique ! Daniel Blackstone

Piotr MOSS : Duettino III pour Violoncelle et Harpe. Niveau moyen. Fortin-Armiane : EFA 112.

Le compositeur s’est donné pour contrainte de se servir, à une exception près, du mode d’accord de la harpe : ut#, ré, mi fa#, sol, la, sib. Les variations sur ce mode exploitent chaque instrument dans ses possibilités naturelles : chant lyrique et basse percussive pour le violoncelle, grands arpèges et sons perlés pour la harpe. L’ensemble est plein de charme et bien dans le style du compositeur dont on sent le plaisir qu’il a à écrire, tout simplement. Daniel Blackstone

Gilles SILVESTRINI : Trio pour flûte, alto et violoncelle. Difficile. Delatour : DLT1373.

Voici comment l’auteur présente lui-même son œuvre : « C'est l'aspect suggestif et poétique de la formation flûte, alto et violoncelle que j'ai privilégié dans cette pièce. En l'occurrence, il s'agit d'une promenade bucolique dans un vieux parc et ce parc est plein d'inconnu. » Ce vieux parc est également plein d’imprévu. Le promeneur surgit du lointain et y retourne après avoir parcouru des chemins variés et découvert des paysages pour le moins contrastés. L’ensemble fait appel aux techniques contemporaines mais toujours au service de l’expressivité. Daniel Blackstone

LIVRES

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Anthony GIRARD : Minos. Les dédales de l’expérience créatrice. Paris, L’HARMATTAN (www.editions-harmattan.fr), Coll. « Musiques en question(s) », 2016, 120 p. - 14 €.

Le point de départ n’est pas sans rappeler la démarche de François Rosé (et alia) dans l’ouvrage : Questions de tempéraments (cf. LI n°110, mars 2016) consistant à réunir des interprètes « en résidence » (au théâtre Molière à Bordeaux) pour réaliser une composition musicale. Pour sa part, Anthony Girard a groupé 7 étudiants à l’Île de Crête pendant une semaine « en quête de silence et de lumière » ; cette démarche aboutira à des réflexions fondamentales : Dieu, mythes grecs, Thésée, Icare, Minotaure, Ariane, la poésie, la musique… émanant d’acteurs qui « ne sont certains ni de leur devenir, ni de leur réalité ». Quant à l’auteur, professeur au CNSM de Paris, dans son récit initiatique, il évoque, en fait, son parcours personnel, sa vie et ses idées sur la composition musicale. Il manie avec une grande aisance la technique du récit, les constats psychologiques — y compris intrigues, états d’âme… —, le dénominateur commun étant l’expérience créatrice pendant des « vacances » favorables à la réflexion en tout genre. Ce bouillonnement d’idées propose des observations (soleil, lumière…) mais aussi le résultat d’introspections de la part des protagonistes et l’évocation de leur univers personnel, de leur vision du monde, ou encore de la vanité du métier.
Cette étude entre mirage et réalité se lit un peu comme un roman centré autour du rêve, de l’évolution intérieure, de l’émotion, de la créativité et, finalement, de l’imaginaire qualifiant la vie sur l’Île de Crête. Les sept compagnons — peintres, poètes, dramaturges, compositeurs, comédienne, dont l’identité n’est révélée que le 6e jour — seront réduits à deux. Après 7 jours, leur périple s’arrête à Knossos, précisément à l’emplacement de l’ancien Palais de Minos : d’où le titre. En compositeur et philosophe averti, Anthony Girard lance de solides considérations sur la beauté qui « n’est pas un but, c’est un moyen pour aider les autres à vivre » ; sur « le vrai ressort de la création [qui ] est la douleur » (p. 51) ; sur « la détresse [qui] inspire la musique » (Mozart, Chopin, Debussy…). Il rappelle que, « chaque matin, nous devons affronter notre propre renouveau ». Pour le moins insolite et inventif, son livre se rattachant à juste titre à la Collection « Musiques en question(s) » suscitera de nombreuses réflexions.
Édith Weber

Jean-Michel FROIDURE : Le Tambour français. Histoire et évolution. Sampzon, DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com). 2016, BDT0038, 313 p. -29 €

L’auteur, en historien averti et en instrumentiste expérimenté, présente — sous l’angle historique et évolutif — le tambour dans tous ses états et par rapport au répertoire et au patrimoine français, car la « caisse française » s’inscrit dans un contexte traditionnel et populaire. Appartenant à la Musique de la Police Nationale, Jean-Michel Froidure a tout d’abord procédé à de minutieuses recherches d’archives, notamment au Minutier Central, à la Bibliothèque Nationale et dans les Bibliothèques des Musées de l’Armée, au Musée des Arts et Traditions populaires et au Musée de l’Homme, à Paris. Il a consulté des Collections privées et visité de nombreuses Expositions. Il s’est aussi inspiré d’anciennes chansons populaires concernant le tambour, ce qui lui a permis d’élaborer une « carte chronologique » de première main, associant à la fois recherche et pratique, l’une n’allant pas sans l’autre, et c’est l’un des mérites de sa vaste étude d’ensemble. L’auteur ne vise ni un livre technique, ni « une méthode d’enseignement à sa pratique », mais propose « plutôt les rudiments nécessaires à son étude générale ayant comme objectif une lecture courte et non rébarbative » (Introduction, p. 3).
Ce livre est structuré en sept brefs chapitres, dont les titres sont ciblés et différenciés dans leur approche. Grâce à la technique du Carbone 14, les lecteurs curieux seront intéressés premièrement par des considérations sur les origines du tambour d’Europe orientale (Rhin, Danube), déjà à l’Âge du Bronze, à côté des civilisations de l’Égypte et du Proche-Orient (p. 45). Deuxièmement, par sa provenance, le tambour d’Europe de l’Ouest étant associé aux Croisades et aux Invasions. Troisièmement, par la terminologie et l’étymologie à propos des pièces constitutives, de l’origine jusqu’au Siècle de Louis XIV, avec ses particularités acoustiques et rythmiques, le tout étant résumé dans une remarquable Chronologie (cf. p. 66-71). Quatrièmement, par son appartenance à l’art populaire et à l’art traditionnel (personnages, représentations, musiciens célèbres), au XVIIe siècle, mais aussi par son rôle lors de la Révolution française, par le répertoire de chansons relatives à cet instrument. Cinquièmement, par les théoriciens : Thoinot Arbeau (Orchésographie), Pierre Trichet, le Père Marin Mersenne, les Danican), par les musiciens (J.-B. Lully…, H. Berlioz). Sixièmement, par le tambour d’ordonnance dans l’Armée, révélé dans de nombreux documents iconographiques : peintures, dessins, lithographies concernant les Régiments, Revues, récompenses et matériels du tambour, sans oublier les marches, batteries, sonneries, la fonction du Tambour-Major, les uniformes et, même, les rétributions. Septièmement, par l’aspect pratique : port de la caisse, assemblage et démontage des pièces, et aussi par l’aspect didactique : problèmes de transcription, d’écriture, à l’appui de documents (manuscrits anciens et nombreuses illustrations de marches) et, surtout, par les précisions sur les coups (simples, doubles…) indiqués par des onomatopées, codifiées notamment par Jean-Georges Kastner (1848) pour la Garde Impériale, Pierre Melchior (1831) pour l’Infanterie, puis Charles Gourdin (1904) et par la transcription de deux Marches (p. 280) et de nombreux exemples d’écriture de pièces anciennes pour tambour (p. 281 sq.). Une Bibliographie (non exhaustive) mais pourtant imposante (p. 284 sq.) et une Discographie (p. 297-301) sont particulièrement instructives.
Les lecteurs trouveront des renseignements sur les estampilles d’anciens facteurs et de revendeurs, les enfants de troupe et même les femmes tambours, sur la valeur actuelle d’une caisse ancienne ou encore sur les facteurs actuels de caisses. Il s’agit donc d’une somme portant sur la très longue durée, soulignant, outre les origines lointaines, par exemple l’histoire du tambour sous Louis XIV, sous le Premier Empire, lors des batailles et son rôle dans l’Armée française. Conformément au témoignage de David Lefebvre — compositeur, tambour, percussionniste à la Musique de la Police Nationale — : « Le tambour français, portrait d’un instrument de musique traditionnel et populaire, plaira aux initiés comme aux profanes ». Jean-Michel Froidure a signé un ouvrage de lecture agréable, admirablement illustré, reposant sur des sources historiques authentiques et sur son expérience vécue, tout « à la gloire des tambours ».
Édith Weber

Anne BOISSIÈRE : Chanter, narrer, danser. Contribution à une philosophie du sentir. Sampzon, DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com). BDT0061. 2016, 192 p. - 20 €.

Ces trois verbes à l’infinitif sont associés à la « philosophie du sentir », partant du principe qu’au-delà de l’analyse desséchante, la musique doit être vécue sur le plan émotionnel et ressentie de l’intérieur. Anne Boissière, professeur d’esthétique et de philosophie de l’art à l’Université de Lille, spécialiste notamment de la pensée de Theodor W. Adorno, est très au fait de la « phénoménologie attentive au corps vécu », des idées du regretté André Schaeffner relatives à l’organologie et de Walter Benjamin et Th. W. Adorno. Elle propose une synthèse de ces divers croisements, rappelle que, lors de l’écoute, « les processus corporels et physiologiques » interviennent également.
Dans la première partie, l’auteur traite d’abord « l’émergence du rythme dans le domaine instrumental », puis souligne le rôle d’Émile Jaques Dalcroze et d’Adolphe Appia dans l’éducation rythmique et la marche. Par ailleurs, W. Benjamin s’intéresse à l’effet de la gestuelle du sonore par le truchement de la main et de la narration. Anne Boissière prend aussi en considération l’aspect mnémotechnique du style oral et manuel dans le style de Marcel Jousse. La deuxième partie concerne « l’espace en mouvement », l’énergie dans le prolongement d’Erwin Strauss et son approche du pathique sous l’angle de sa psychologie phénoménologique. La troisième partie : « Le temps vivant » et la « sentience » (sic) porte sur l’expérience de la durée. L’auteur se réfère non seulement à Th. Adorno, mais aussi à Henri Bergson ; mentionne les observations de Michel Imberty sur le « bergsonisme musical » et celles de Vladimir Jankélévitch sur l’expérience de la durée. Elle met aussi l’accent sur l’art de narrer et d’écouter, l’art étant une forme vivante et expressive. Au final, sa démarche globale vise la vitalité et le vécu ainsi que l’étroite union de l’« expérience de la musique et des processus corporels et physiologiques qui sont en jeu dans le rythme et l’écoute ».
À partir des trois actes sollicitant le rythme : « chanter, narrer, danser », avec une grande probité intellectuelle, Anne Boissière signale ses sources (p. 189-190), les développe et en élargit la portée. Grâce à sa vaste expérience pluridisciplinaire, à son esprit de synthèse et à son intelligente exploitation des connaissances antérieures et actuelles, l’auteur a réalisé une large ouverture intensément vécue. Apportant ainsi une contribution globale à la « philosophie du sentir », elle démontre que la musique procure une « énergie incomparable » et peut « surprendre le temps ».
Édith Weber

CDs & DVDs

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Charles BORDES (1863-1909). Mélodies (Vol. 1) & Œuvres pour piano. Sophie Marin-Degor. Jean-Sébastien Bou. François-René Duchâble, piano. 1 CD Timpani : 1C1196. TT : 68’47.

Charles BORDES (1863-1909). Mélodies (Vol. 2). Sophie Marin-Degor. Géraldine Chauvet. Eric Huchet. Nicolas Cavallier. François-René Duchâble, piano. 1 CD Timpani : 1C1208. TT : 63’24.


Voici deux enregistrements, réédités à l’occasion des « Journées Charles Bordes » célébrant comme chaque année depuis 2009 le compositeur tourangeau, enregistrements rares qui constitueront pour beaucoup une découverte. Compositeur et pédagogue français, élève de Marmontel et de César Franck, organiste à l’église Saint-Gervais de Paris, fondateur avec Vincent d’Indy de la Schola Cantorum de Paris en 1896, « sorte de franciscain laïque, ivre de beauté et de musique, égaré dans un siècle ingrat…. » Charles Bordes fut très précocement attiré par la mélodie, mélodie savante, mais également mélodie populaire française, basque notamment. Un ensemble de mélodies composées entre 1884 et 1903 auxquelles il confia volontiers l’expression de son moi intime. Ces deux disques permettront aux amateurs de musique française de découvrir ou de redécouvrir ce personnage atypique reconnu comme une figure majeure de la vie musicale nationale de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Aujourd’hui oublié de beaucoup, il convient de louer les efforts conjoints de Michel Daudin et du label Timpani pour remettre au jour une œuvre injustement méconnue. Le premier enregistrement comprend à la fois un florilège de mélodies, écrites sur des textes de Verlaine à qui Charles Bordes consacra la moitié de son corpus (16 mélodies sur 33) et deux œuvres pour piano (Caprice à cinq temps et Fantaisies rythmiques). Deux occasions d’apprécier la voix bien timbrée et la parfaite diction du baryton Jean-Sébastien Bou, ainsi que la délicatesse, la souplesse et l’expressivité du très beau pianisme de François-René Duchâble. Sophie Marin-Degor reste, quant à elle, un peu en dessous par son timbre un peu acide, ses aigus parfois serrés et sa diction floue. Dommage…
Point de réserve, en revanche concernant le second enregistrement totalement dédié à la mélodie. 22 mélodies complétant cette belle intégrale sur des textes de différents poètes, Parnassiens d’abord et Symbolistes ensuite. Une distribution vocale de grande qualité dominée par la voix magnifique du ténor Eric Huchet dont on appréciera tout particulièrement la rondeur du timbre, la souplesse de la ligne, le legato sublime et la qualité de la diction. Au chapitre des félicitations il serait dommageable de ne pas citer l’excellente basse Nicolas Cavallier, mais aussi Géraldine Chauvet, mezzo soprano qui ne fait hélas qu’une courte apparition et le superbe piano de François-René Duchâble qui mieux qu’un admirable accompagnateur se révèle une véritable voix partie prenante essentielle dans la réussite de ces deux disques. Une découverte à ne pas manquer !
Patrice Imbaud

BACH. PURCELL. HAENDEL. BIZET. MENDELSSOHN. SCHUBERT. GOUNOD. FRANCK. TRADITIONNALS & SPIRITUALS. The Christmas Trumpet. Benoit d’Hau, trompette. Vincent Rigot & Pierre Cambourian, orgue. 1 CD Indésens : INDE081. TT : 67’38.

Voici un album de circonstance, s’adressant délibérément à un large public, regroupant des mélodies connues de tous, dans le simple but hédoniste de célébrer Noël. Benoit d’Hau, directeur du label Indésens et inlassable défenseur des vents français passe cette fois de l’autre coté du quatrième mur pour faire valoir tout son talent de trompettiste dans ces « standards » fameux et incontournables de la période de Noël (Te Deum, Ave Maria, Que ma joie demeure Douce nuit, Mon beau sapin, Vive le vent, Il est né le divin enfant, Jingle bells et bien d’autres encore….).. Un disque festif et jubilatoire tout entier animé par l’esprit de Noël mêlant dans un syncrétisme, particulièrement de bon aloi en ces temps troublés, mélodie et spiritualité, sacré et profane, joie et ferveur. Au-delà du message éminemment louable, Benoit d’Hau entouré de Vincent Rigot et Pierre Cambourian à l’orgue, nous livre ici une superbe interprétation en tout point fidèle à la réputation d’excellence de son maitre Eric Aubier. Incontournable et éternel !
Patrice Imbaud

FARINELLI. Un portrait. Les Talens Lyriques, dir. Christophe Rousset. Ann Hallenberg, mezzo-soprano. 1 CD Aparté : AP 117 TT : 69’

Après le film éponyme datant de 1994 qui lui apporta une notoriété mondiale en enregistrant, avec son ensemble, la bande son, Christophe Rousset retrouve le fameux castrat pour ce disque anniversaire célébrant le 25e anniversaire des Talens Lyriques dont il fut, en 1991, le fondateur. Si la voix de Farinelli dans le film résultait d’un mixage entre les timbres de Derek Lee Ragin contre-ténor et d’Ewa Malas-Godlewska, soprano, c’est cette fois la mezzo-soprano Ann Hallenberg qui prête sa magnifique voix, au timbre ambigu et fruité, à Carlo Broschi dit Farinelli (1705-1782). L’idée de ce feu d’artifice vocal, capté en « live » lors d’un concert à Bergen était de panacher des airs emblématiques du film avec d’autres œuvres chantées par Farinelli, permettant ainsi d’évoquer les deux visages différents du castrat, tantôt flamboyant et virtuose, tantôt plus introverti et mélancolique. Un très beau florilège d’airs empruntés à différents opéras de Riccardo Broschi (Artaserse, Idaps) Geminiano Giacomelli (Adriano in Siria) Nicola Porpora (Semiramide reconosciuta, Prolifem) Leonardo Leo (Catone in Utica) Georg Friedrich Haendel (Alcina, Rinaldo) et Johann Adolf Hasse (Ouverture de Cleofide). Voila un disque qui ravira un large public tant l’interprétation y parait superlative tant vocalement qu’instrumentalement. Les Talens Lyriques et Christophe Rousset y confirment leur excellence dans ce répertoire et Ann Hallenberg y déploie, tout du long, sa superbe voix où rien ne manque, puissance, rondeur du timbre sans aucun vibrato, souplesse de la ligne, facilité vocale confondante et étendue impressionnante de la tessiture. Un très beau disque pour un bel anniversaire !
Patrice Imbaud

BACH. HAYDN. MOZART. SCHUMANN. CHOPIN. SCRIABINE.Fantaisie. Gaspard Dehaene, piano. 1 CD 1001 Notes : 1001NOTES09. TT : 71’53.

Un premier enregistrement discographique du jeune pianiste Gaspard Dehaene centré autour de la Fantaisie, une forme musicale utilisée par tous les compositeurs convoqués sur ce disque, de Bach à Scriabine, comme une sorte de forme libre autorisant toutes les audaces, guidée essentiellement par l’imagination de l’auteur loin de toute contrainte formelle, donnant, également, à l’interprète une grande liberté d’interprétation. Magnifique occasion pour Gaspard Dehaene de faire montre de tout son savoir faire dans la lecture de ces œuvres si différentes…La célèbre Fantaisie chromatique et fugue BWV 903 de Bach, la rieuse Fantaisie Hob XVII 4 de Haydn, la douloureuse Fantaisie K 397 de Mozart, la grandiose Fantaisie op 17 de Schumann, la mal aimée Fantaisie-impromptu op 66 de Chopin et la passionnée Fantaisie op 28 de Scriabine. Un vaste programme nous emmenant de l’époque baroque au seuil de la modernité en passant par l’âge classique et la période romantique, tout un panel de couleur parfaitement rendues par Gaspard Dehaene dont le jeu pianistique protéiforme parvient à nous convaincre de bout en bout. Un jeu où la virtuosité est toute entière au service de la musique, empreint de sincérité et d’émotion. Un jeune pianiste à suivre… Patrice Imbaud

Franz SCHUBERT Piano Sonatas D 845 & D 958. Louis Schwizgebel, piano. 1 CD Aparté : AP 133. TT : 70’.

Ce dernier opus discographique du jeune pianiste Louis Schwizgebel est entièrement dédié à Franz Schubert (1797-1828) avec deux Sonates, n°16, en la mineur D 845 et n° 19, en do mineur D 958, dont les enregistrements de référence ne manquent pas…Passage obligé sans doute, mais épreuve périlleuse tant les comparaisons s’imposent d’emblée. La Sonate n° 16 fut composée en 1825, considérée comme la première sonate de la maturité, à l’inverse, la Sonate n° 19 fait partie des trois dernières sonates, composée quelques mois seulement avant la mort du compositeur en 1828, une trilogie que d’aucuns ont pu comparer aux trois dernières symphonies de Mozart ou aux trois dernières sonates de Beethoven (Excusez du peu !) c’est dire l’importance de l’enjeu. Deux climats différents, la première de caractère sombre et mélancolique, plus élégiaque, inquiète, que réellement tragique, la seconde, plus agitée, passionnée et sans doute plus ambitieuse réussissant à dépasser l’influence beethovénienne en y intégrant un lyrisme, une expression du « Je » toute personnelle à Schubert, sorte de consolation où pointent, dans l’écriture, d’audacieuses inventions harmoniques. L’interprétation de Louis Schwizgebel témoigne, une fois de plus, d’un pianisme exceptionnel où la forme séduit immédiatement par sa puissance, sa clarté, sa fluidité mais où le fond manque, peut être, un peu de cette noirceur schubertienne, de cette zone d’ombre qui fait les plus grandes interprétations…
Patrice Imbaud

Noël baroque. Les Musiciens de Saint-Julien, dir. François Lazarevitch & Maîtrise de Radio-France, dir. Sofi Jeannin. 1 CD Alpha-Classic.com : ALPHA 266. TT : 60’19.

Un disque de circonstance né d’une rencontre, celle des Musiciens de Saint-Julien et de la Maîtrise de Radio-France, et plus exactement d’un désir commun de Sofi Jeannin et de François Lazarevitch de donner corps à ces mélodies populaires, souvent issues du patois régional, célébrant Noël depuis les origines de la Chrétienté. Des mélodies chantées depuis toujours, revues à l’époque baroque par les plus grands compositeurs tels que Charpentier, Delalande, Balbastre, Dandrieu, Corette, ou Daquin. Un disque, résultant d’un laborieux et louable travail de recherche au niveau des sources, qui témoigne de plus d’une science confirmée dans l’écriture des adaptations à partir des « partitions » originales (mise en polyphonie notamment). Une belle prise de son très présente et une interprétation vocale et instrumentale qui ne le sont pas moins, voila une façon originale et très réussie de chanter Noël qui ravira petits et grands. nt de compétence que de ferveur. Il convie les mélomanes à un authentique pèlerinage aux sources de la musique de chambre romantique.
Patrice Imbaud

MONTEVERDI. DE WERT.LUZZASCHI. AGOSTINI. GESUALDO. GASTOLDI. DE RORE. MARENZIO. PICCININI. GONZAGA.L’Arte del Madrigale. Ensemble Voces Suaves. 1 CD Ambronay Editions. Collection Jeunes Ensembles : AMY306. TT : 60’.

Voici le premier disque de l’Ensemble Voces Suaves, un ensemble vocal suisse, fondé en 2012 par le baryton Tobias Wicky, qui se consacre essentiellement au répertoire de la Renaissance et du Baroque, tout particulièrement spécialisé dans l’interprétation de madrigaux dont nous est présenté ici un vaste florilège. Le madrigal polyphonique, une forme musicale ayant trouvé le lieu idéal de son accomplissement dans les cours de Ferrare et de Mantoue, une forme poético musicale qui progressivement donnera une place prédominante à l’expression des sentiments, véritable peinture sonore préludant à la naissance de l’opéra où se mêlent verbe et harmonie. Séduction mélodique, richesse harmonique sont ici magnifiées par la qualité de l’interprétation, par la lisibilité de la diction, par la pureté des timbres, par la souplesse de la ligne de chant et la fluidité de la prosodie. Une belle prise de son et un livret très didactique complètent ce très bel album. s
Patrice Imbaud

Abélard & Héloïse. BAYARD MUSIQUE. Distribution : HARMONIA MUNDI. CD 308 495. 2. TT : 60’ 35.

Pierre Abélard (1079-1142), philosophe, dialecticien et théologien, brillant maître en théologie à la Cathédrale de Paris, féru de scolastique, est aussi compositeur. Vers 1130, il a dédié son œuvre à une communauté de femmes et à leur Abbesse qui n’est autre que son épouse, Héloïse (v.1092-1164), nièce du chanoine Fulbert, élevée à l’Abbaye d’Argenteuil.
Katia Caré a le mérite d’avoir, « en hommage à maître Pierre », restitué et dirigé cette production discographique enregistrée en 2016, à l’Abbaye de Fontevraud, avec le concours de son Ensemble Ligeriana, de la Cappella Magdalena et d’instruments médiévaux restitués : vièle à arc, harpe, organistrum et jeu de cloches. Dans son texte de présentation, le médiéviste Guy Lobrichon fait remarquer que la poésie d’Abélard est rythmique ; qu’il s’efforce de « proposer une composition claire plutôt qu’éloquente, de faire comprendre le sens littéral et non les figures de rhétorique. Car, plus la parole est pure et moins ornée, plus directe elle apparaîtra, et ainsi, plus apte à être comprise par des esprits simples ». Il s’agit d’une musique pour Héloïse et ses moniales, avec un intérêt triple : rythmique, poétique, musical. Les neuf restitutions de Katia Caré comprennent trois Planctus (planh, complainte) très développés : Jacob super filios suos (Planctus II, plage 1), d’après le récit de la Genèse, concernant Jacob et ses fils qui ont voulu se débarrasser de Joseph ; David super Saul et Ionatha (Planctus VI, pl. 3), d’après le second Livre des Rois, vraisemblablement écrit pour Héloïse et n’étant pas une lamentation au sens strict ; Virginum Israel super filia Jepte Galadite (Planctus III, pl. 5), en 15 strophes, d’après le Livre des Juges. Dans chaque pièce, — après une importante introduction instrumentale créant le climat —, les voix souples et bien timbrées, masculines et/ou féminines interviennent et relatent les récits. À signaler la lumineuse improvisation instrumentale sur Mater Salvatoris.
Cinq Hymnes figurent également au programme, dont l’Hymne 29 (non biblique) : O quanta qualia (en 7 strophes) « chantée par les moniales du Paraclet à Vêpres, les premiers samedis et dimanches après l’octave de l’Épiphanie », et se terminant dans « la louange éternelle des élus face à Dieu ». Dans l’Hymne 79 : Est in Rama (en 6 strophes), pour le 28 décembre (Fête des Saints Innocents), Pierre Abélard fait allusion au massacre par Hérode des premiers-nés  et insinue « la question du mal absolu, sans réponse ». Chanté de manière étale, le récit est entrecoupé par le jeu de cloches. L’Hymne Christiani plaudite… célèbre la résurrection du Seigneur, alors que l’Hymne 35 : Angelorum stupent cantum (en 6 strophes) était interprétée avec faste à la veille de la Fête de l’Apparition, c’est-à-dire, à l’Épiphanie (6 janvier), ici accompagnée à la harpe. Enfin, l’Hymne 51 : Serpens erectus (en 6 brèves strophes), débutant aux sons de la vièle à arc, se poursuit avec l’évocation du Christ, « noble serpent » érigé vainqueur du serpent ancien, rappelant que le Christ en croix « nous fait boire » (son sang) alors que « le juif boit, mais le chrétien revigoré s’élève »…
Ces chants font mieux saisir la tradition liturgique des moniales du Paraclet dans l’entourage d’Héloïse. Les pertinentes recherches de Katia Caré ont permis la restitution sonore de ce répertoire médiéval. L’enregistrement s’impose par sa haute tenue artistique et son intérêt historique.
Édith Weber

Georges MIGOT : Musique et Poésie... Association des Amis de l’Œuvre et de la Pensée de Georges Migot (www.georgesmigot.info ). AOPGM1. TT : 67’ 19.

L’Association des Amis de l’Œuvre et de la Pensée de Georges Migot vient de publier en 2016 un disque à l’occasion du 40e anniversaire de sa disparition. Né à Paris le 27 février 1891 et mort à Levallois le 5 janvier 1976, il est non seulement un compositeur, un peintre mais aussi un remarquable poète et un penseur pertinent.
Ce disque, proposant des œuvres inédites et jamais enregistrées, révèle en particulier ses talents poétiques avec des pages issues de La Retraite ardente (1951), entrecoupées d’extraits musicaux sélectionnés par la violoniste Claire Couic Le Chevalier, professeur de violon et concertiste. Elle est accompagnée au piano par Tokiko Hosoya, pianiste et chef de chant. Par ailleurs, la soprano Martine Midoux, également actrice, metteur en scène, pédagogue, prête son précieux concours (voix déclamée, voix chantée). Dans l’interprétation des poèmes De soie rose gainée, De la rose, D’un rêve, Printemps (1929), À tout instant, le violon et le piano sont discrètement associés à la voix, démontrant aussi, si besoin était, les talents poétiques de Georges Migot pour lequel la parole est déjà musique. De sa voix évocatrice, précise et modulée, Martine Midoux met en valeur chaque insinuation du poème qui plane au-dessus d’un fond violonistique et parfois pianistique, pour en souligner la délicatesse, la subtilité, le lyrisme (De la rose), le désir et la passion (D’un rêve) ou encore la reverdie du Printemps « qui accomplit après l’obstacle / de l’Hiver le miracle ». Cinq Chants Initiatiques (1973) démontrent les qualités de penseur et de moralisateur de G. Migot, par exemple : Avancer dans la vie (plage 14), où le piano soutient la voix chantée non dénuée de vibrato. Le texte À tout instant évoque la fidélité ou l’infidélité aux devoirs quotidiens, ou encore « le courage et le désir d’allégresse », car « à tout instant… il n’y a plus d’absence : Tu viens, tu viens à moi… Je viens vers ta présence … Je vis belle enivrance en mes pensées ! » Ce panorama littéraire est encore rehaussé par les interventions d’œuvres de Georges Migot pour violon et piano : la chatoyante Estampie et le Second Dialogue, qui datent de 1929 ; le langoureux Madrigal (1946). À noter, pour le piano seul : Prélude, choral, postlude (1965) dans lequel Tokiko Hosoya s’illustre par une communion artistique certaine avec le compositeur ; et In memoriam Pierre Wolff, évocateur, toujours en mouvement, qu’elle interprète avec le respect des nuances exactes.
Ce disque, introduit par la toile de G. Migot : Le Grand Meaulnes, présente les multiples facettes de son œuvre en quatre dimensions : artistique, musicale, poétique et philosophique. Bel hommage pour le 40e anniversaire de la disparition du maître, comme son ardent défenseur, le regretté Marc Honegger, l’eût souhaité.
É.W.

Johann Sebastian BACH : Musik für die Seele. KLANGART. BENNO (www.st-benno.de ). TT : 51’ 53.

Les amateurs de Jean Sébastien Bach — « commencement et fin de toute musique » (selon Max Reger) — apprécieront tout au long de l’année 12 reproductions de ses lieux d’activité (maison natale, Églises, instruments historiques, Monument…). En plus des excellentes photographies commentées et des témoignages biographiques, les mélomanes seront sensibles aux 12 extraits d’œuvres en fonction de l’Année liturgique, justifiant le titre : Musique pour l’âme, aux interprétations historiques (Albert Schweitzer, Pablo Casals, Yehudi Menuhin, les Thomanerchor de Leipzig et Kreuzchor de Dresde…) et, pour terminer, à un extrait de l’Oratorio de Noël. Réalisation originale.
É.W.

Célébration. 10 siècles de musique de Noël. APARTÉ MUSIC (www.apartemusic.com ). AP144. TT : 47’ 11. DISTRIBUTION : HARMONIA MUNDI.

Cette Célébration instrumentale totalisant dix siècles de musique commence dans la joie et l’entrain avec Réjouissez-vous ! (anonyme attribué à Georg Friedrich Haendel) et se termine par l’insistante invitation : Écoutez le chant des anges (Felix Mendelssohn). Au fil des 18 plages, figurent des chants traditionnels : Nesciens mater virgo virum dans la version de Jean Mouton (v. 1459-1522) ; Adeste fideles ; Veni, Veni Emmanuel ; Angelus ad virginem, Douce nuit, sainte nuit/Stille Nacht, Heilige Nacht (Franz Gruber), Dans une étable obscure / Es ist ein Ros’ entsprungen et In dulci jubilo (Michael Praetorius) ainsi que, bien entendu, Jésus, que ma joie demeure (Johann Sebastian Bach) ou encore l’incontournable Minuit, Chrétiens (Adolphe Adam). À découvrir Là-bas dans une étable, quelque peu néoromantique, de James R. Murray (1841-1905) ainsi que In the Bleack Midwinter /Au beau milieu de l’hiver de Gustav Holst (1874-1934), de caractère mystérieux, puis pesant et répétitif.
Ces 18 Noëls populaires et traditionnels sont interprétés par l’Orchestre d’Auvergne (créé en 1981), de rayonnement local et international, dont le répertoire s’étend du XVIIIe siècle à nos jours. Son chef Craig Leon — compositeur américain, producteur et auteur de ces habiles arrangements pour orchestre — recrée l’atmosphère de joie, de calme et de paix propice à la célébration de Noël.
É.W.

Now Sleeps the Crimson Petal. Lieder und Motetten zur Advents- und Weihnachtszeit. RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de ). ROP6134. TT : 46’ 52.

Le plus ancien Chœur de garçons suisse, à la St.Ursenkathedrale de Soleure, actuellement dirigé par Andreas Reize, propose un choix de Chants et Motets pour les temps de l’Avent et de Noël. Pour ces jeunes garçons qui mettent tout leur talent à cultiver ce temps liturgique, il s’agit d’une activité privilégiée et de l’un des plus beaux moments dans l’année.
La musique ancienne est représentée par Jubilate Deo de Giovanni Gabrieli (1557-1612), Beata es, virgo Maria de Ruggiero Giovanelli (1560-1628), In dulci jubilo et Es ist ein Ros’ entsprungen de Michael Praetorius (1571-1621) arrangé par l’anglais Paul Mealor (né en 1975). Les œuvres originales du XXe siècle ont pour titre, par exemple : Second Eve (Ave Maria) composé par le norvégien installé aux États-Unis Ola Gjeilo (né en 1978), harmonisé note contre note, mettant en valeur les voix claires et pures des garçons, ou encore Sweeter Still : A Holiday Carol de l’américain Eric William Barnum (né en 1979), avec contrastes de nuances et plans sonores bien définis. Les mélomanes reconnaîtront facilement les mélodies empruntées, par exemple : O du fröhliche, Stille Nacht par le suisse Ivo Antognini (né en 1963) et O Heiland, reiss die Himmel auf par son compatriote, l’organiste Hans Egg (né en 1957). Voici une sélection originale de chants de Noël à écouter, et un remarquable Chœur de garçons qui perpétue la tradition multiséculaire, à découvrir.
É.W.

Matthias NEUMANN : LAUDES ORGANI. RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de ). ROP6132. TT : 75’ 50.

Matthias Neumann, jeune organiste allemand né à Hambourg en 1984, a, en orgue, été l’élève du cantor Wolfgang Westphal et des professeurs Wolfgang Zerer et Roman Summereder. Depuis 2009, il est cantor à l’Église Saint-Marie d’Ohlsdorf-Fuhlsbüttel (près de Hambourg) et, depuis 2012, enseigne l’orgue à l’École spécialisée de musique protestante à Bayreuth et au Conservatoire de Hambourg. Son rayonnement est international.
Pour les 20 ans de la Manufacture d’orgue Bente, il a réalisé ce disque après de fructueuses recherches concernant les facteurs Philipp Furtwängler (1800-1867) et, au XXe siècle, Alfred Führer (1905-1974) qui, en Allemagne du Nord, ont construit plus de 80 instruments, dont certains ont été restaurés récemment par Bente et dont la conception sonore se réclame du baroque tardif, tout en annonçant le romantisme. En parfaite connaissance de cause, pour démontrer l’évolution de la facture, il a retenu les Orgues des Églises luthériennes Saint-Osdag à Mandelsloh, Sainte-Marie à Hambourg-Fuhlsbüttel et Saint-Martin à Göttingen-Geismar.
Pour mettre en valeur leurs divers coloris instrumentaux, il a sélectionné des œuvres de six compositeurs des XVIIIe et XIXe siècles. En introduction, il interprète brillamment à l’Orgue de l’Église Sainte-Marie convenant parfaitement à l’esthétique baroque la majestueuse Toccata en Fa Majeur (BuxWV156, plage 1) de Dietrich Buxtehude (v.1637- 1707), insistant sur la rhétorique musicale. En conclusion, il restitue la Sonate en Si b majeur (op. 65.4, pl. 10-13) de Felix Mendelssohn (1809-1847), selon les conceptions romantiques. Johann Sebastian Bach (1685-1750) figure au programme avec sa Sonate en Mi b Majeur (BWV 525), très développée (p. 2-4), tripartite : Allegro mettant en valeur le motif principal avec ses accords brisés et ses différentes présentations, Adagio particulièrement expressif, Allegro avec un thème bondissant nécessitant une grande virtuosité.
Les discophiles découvriront la Sonate en mi mineur (pl. 6) d’August Gottfried Ritter (1811-1885), rénovateur forçant sur la dynamique sonore ; le Concerto de flûte en Fa Majeur (op. 55. 182, pl. 7-9) de Christian Heinrich Rinck (1770-1846), avec une registration très recherchée. Enfin, les mélomanes apprécieront la Fugue en la b mineur (WoO 8, pl. 5) de Johannes Brahms (1833-1897), écrite pour l’anniversaire de Robert Schumann, de caractère sombre, lent, tourmenté et tendu, genre d’offrande musicale avec contresujet et canon sous différentes formes. Matthias Neumann a signé un disque exceptionnel par son propos, ses démonstrations et ses qualités musicales.
É.W.

Max REGER : Das Werk für Männerchor/The Works for Men’s Choir. Vol. 1 RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de ). ROP6126. TT : 79’ 32.

L’année 2016 marquant le centenaire de la mort de Max Reger (1873-1916) a donné lieu à de nombreuses réalisations discographiques dont, en France, l’Intégrale de l’œuvre pour orgue, par Jean-Baptiste Dupont (HORTUS) (cf. Lettre d’information, n°85, novembre 2014).
Le Label leipzicois RONDEAU PRODUCTION s’est attaché à diffuser sa musique vocale. Le volume 1, pour chœur d’hommes, est interprété par l’Ensemble Vocapella Limburg fondé en 2012 par Tristan Meister (né en 1989). Après avoir fait partie du Chœur de garçons de la Cathédrale de Limbourg, puis étudié aux Conservatoires de Cologne et de Mannheim, il a — lors du Concours allemand de Chœurs à Weimar — obtenu en 2014 le Premier Prix. Il dirige de nombreux Chœurs de chambre en Allemagne et à l’étranger. Cette sélection comprend d’abord 9 chansons populaires sur des thèmes variés célébrant la nature, le départ, l’amour, la nostalgie, mais aussi la mort, de structure strophique, provenant de différentes régions d’Allemagne (Souabe, Essen-Darmstadt, Silésie entre autres). Ensuite, les Sept Chœurs d’hommes (op. 38), cheval de bataille de nombreux ensembles, par exemple Ausfahrt sur le texte de Josef Victor Scheffel (1826-1886), Wie ist doch die Erde so schön sur les paroles de Robert Reinick (1805-1852) ou Abendreihn de Wilhelm Müller (1794-1827). Certains chants traduisent la souffrance, la nostalgie, mais aussi l’humour : Es ist nichts mit alten Weibern… (Il n’y a rien à faire avec des vieilles femmes, je suis content de ne pas en avoir au profit d’une plus jeune !), d’après une chanson populaire de Berlin (1838). Ce disque est complété par Six chansons spirituelles mises en musique par Hugo Wolf (1860-1903) sur des poèmes de Joseph von Eichendorff (1788-1857) arrangées par Max Reger, traduisant entre autres la peine du cœur, la résignation, la dernière prière (Letzte Bitte) pour la paix à l’approche de la mort, la soumission à la volonté du Seigneur (Ergebung).
L’Ensemble Vocapella Limburg s’impose évidemment par son énergie et sa puissance, mais aussi par ses oppositions de nuances, son fondu vocal, sa progression dynamique, son élan, sa diction précise… Il s’avère tout à fait digne de la réputation des Chœurs d’hommes très prisés en Allemagne au XIXe siècle.
É.W.

Max REGER (1873-1916). RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de ). ROP6133. TT : 67’ 03.

Ullrich Böhme (l’organiste bien connu de l’Église Saint-Thomas à Leipzig), à l’Orgue Sauer (1889, restauré en 1988) — comportant 3 claviers et pédale avec des jeux très variés, par exemple : Grande cymbale (4 rangs), Harmonia aetheria (3 rangs), Cor de chamois, Trombone contra et des possibilités de nuances : mf, f, p grâce à la restauration de la Manufacture Christian Scheffler —, rend un bel hommage à Max Reger (1873-1916) avec, en introduction, sa Fantaisie sur Ein feste Burg ist unser Gott (op. 27) et, en conclusion, la magistrale Fantaisie et Fugue sur B-A-C-H (op. 46, 1900) exigeant une très haute technicité. Il révèle notamment des Chorals (spirituels) pour orgue dans lesquels Max Reger fait appel à la traduction figuraliste des images et des idées du texte, et respecte la conduite linéaire du contrepoint. Dans sa Trauerode (Ode funèbre) — extraite des 7 Pièces op. 145, d’inspiration patriotique, dédiée aux morts de la Grande Guerre —, Max Reger spécule d’abord sur le grave, avec une mélodie douloureuse et lente, des registrations très élaborées ; la conclusion avec le Choral Was Gott tut, das ist wohl getan — mélodie de Severus Gastorius (1681) et texte de Samuel Rodigast (1649-1708) — est particulièrement méditative et intériorisée.
Le Label leipzicois RONDEAU PRODUCTION a sollicité la mezzo-soprano Susanne Langner (née à Dresde), élève au Mozarteum (Salzbourg), spécialiste de la musique baroque et finaliste de Concours internationaux. Accompagnée par Ullrich Böhme, ils interprètent avec une grande musicalité et intensité des extraits des Zwölf geistliche Lieder (op. 137) et des Zwei geistliche Lieder (op. 105). Elle s’y impose par la justesse dans l’aigu comme dans le grave, par exemple dans le Morgengesang — Chant du matin, sur le texte d’Erasmus Alberus (1510-1555) invitant les petits enfants à se lever et à reconnaître le Christ, ou dans la chanson mariale Ich sehe dich in tausend Bildern sur les paroles de Novalis (1772-1801). Max Reger a aussi mis en musique des Psaumes, par exemple le Psaume 119 : Wohl denen, die ohne Wandeln leben (Heureux ceux qui sont intègres dans leur voie, qui marchent selon la loi de l’Éternel !).
Ullrich Böhme et Susanne Langner ont largement contribué à une meilleure connaissance de Max Reger qui, selon le regretté Paul Hindemith (1895-1963), « aura été le dernier géant de la musique  » (et il se considérait, « sans lui, absolument impensable »).
É.W.

Yvonne LEFÉBURE : Une légende du piano. SOLSTICE (www.solstice-music.com ). SOCD321/44. 1 coffret 24 CD. — 69 €.

À l’initiative de François et Yvette Carbou, les Éditions SOLSTICE ont rendu un très émouvant et vibrant hommage à la grande pianiste Yvonne Lefébure (1898-1986) à l’occasion des trente ans de sa disparition. Comme le rappelle Yvette Carbou : « Au fil des décennies, nous avons eu à cœur d’honorer fidèlement la mémoire de celle qui n’avait pas hésité à accorder sa confiance aux deux débutants que nous étions à l’aube des années 70 ». Elle a eu le grand mérite de collecter patiemment tous les enregistrements — autres que ceux réalisés pour FY-SOLSTICE —, à l’étranger et à l’Institut National de l’Audiovisuel.
Rappelons qu’Yvonne Lefébure, née en 1898, admise au Conservatoire de Paris à l’âge de 9 ans, a été l’élève d’Alfred Cortot en piano et de Charles-Marie Widor en fugue. Elle y a obtenu, déjà à l’âge de 14 ans, un Premier Prix de piano. Elle rappelle qu’elle a aussi étudié l’orchestration, l’harmonie, le contrepoint et suivi des cours de direction d’orchestre… Elle a côtoyé les grands compositeurs de son temps : Gabriel Fauré, Maurice Ravel, Paul Dukas…, collaboré avec des chefs célèbres : Wilhelm Furtwängler, Fernand Oubradous, Ernest Ansermet, Paul Paray…, mais aussi avec le Quatuor Wegh… Au cours de sa vie bien remplie, elle a enseigné à l’École Normale de Musique, au Conservatoire National de Paris et au Conservatoire Européen, et assumé des masterclasses au Festival de Saint-Germain-en-Laye qu’elle a créé. Elle compte parmi ses disciples : Samson François, Michaël Levinas, Dinu Lipatti et tant d’autres.
Les auditeurs seront intéressés par le 24e (et dernier disque) reproduisant des Entretiens radiophoniques, notamment avec Bernard Deutsch, Laurent Asselineau et Radioscopie avec Jacques Chancel, dégageant la place de cette remarquable artiste — à laquelle Cortot avait prédit : « Vous aurez rapidement la place qui vous revient si justement parmi nos meilleurs interprètes et nos meilleurs pianistes » —, permettant d’entendre sa voix, ses réactions, ses idées. Pour elle, il faut d’abord pénétrer la partition, puis aller au-delà (de la partition), afin de transmettre son amour de la musique, de « faire quelque chose pour les autres », de les « transporter dans un autre monde » ; de « faire un piano parlant ».
Les 23 CD avec de nombreux enregistrements inédits concernent aussi bien Bach, Couperin, et Rameau, Mozart, Haydn que Beethoven, Schubert, Schumann, Chopin, Liszt, Brahms, Bartok ou encore la musique française du XXe siècle : Fauré, Debussy, Maurice Emmanuel, Ravel, Roussel. Les formes pianistiques classiques représentées : Préludes, Fugues, Concertos, Fantaisies, Sonates, Danses, Mazurkas… se rattachent à des esthétiques différentes particulièrement assimilées par Yvonne Lefébure qui met avant tout l’accent sur la spiritualité.
Le texte de présentation (français/anglais), avec de judicieuses illustrations, est un modèle du genre. Il faut savoir gré à François et Yvette Carbou (Disques Fy & du Solstice) de s’être penchés sur « la fortune d’un patrimoine qui n’aurait jamais été transmis sans leur engagement » et d’avoir ainsi pérennisé cette « légende du piano ». Indéniable prouesse éditoriale.
É.W.

Florent NAGEL : Alice au Pays des Merveilles. AZUR CLASSICAL (www.azurclassical.com ). Distribution : SOCADISC. AZC 147. TT : 77’ 57.

Le titre : Alice au pays des merveilles (en fait : Les Aventures d’Alice au pays des merveilles) évoque le roman de Lutwidge Dodgson, alias Lewis Carroll, Alice in Wonderland, datant de 1865 et traduit en français quatre ans après. D’abord destinée aux adultes, cette histoire très populaire, sollicitant l’imaginaire mais aussi le réel, a été adaptée pour les enfants anglais. Comme Florent Nagel le précise : « C’est au spectateur de construire ce qu’il va penser. Alice au pays des merveilles est une occasion unique de faire soi-même la conquête du sens. De retarder l’analyse. Dans une démarche originale et inhabituelle. L’acceptation de jouer le jeu».
À la fois comédien et musicien, il manie « l’Art de l’Espace et du Temps ». Il invite en quelque sorte l’auditeur à rêver ; il a « tenté de montrer combien le sens qu’on donne aux choses peut se construire pendant le spectacle, au-delà de nos origines, de notre âge, dans un tissage de liens entre l’histoire du spectateur, l’histoire d’Alice et celle des interprètes, car celui qui reçoit est aussi créateur ; grâce à Alice, l’auditeur, l’interprète et le créateur se confondent. » Cet objectif est atteint grâce à l’acteur Yves Penay — qui se produit lors de Festivals et à la Télévision — et aux deux pianistes Florent Nagel et Joanna Marteel. Titulaire de Premiers Prix de Piano et de Musique de chambre, Lauréat de Concours internationaux, participant à de nombreux Festivals et professeur de piano à Rueil-Malmaison, il exploite également sa pratique scénique et pédagogique. Elle, professeur de piano et de formation musicale aux Centres culturels de Rueil-Malmaison, se produit en France et à l’étranger et s’intéresse particulièrement aux projets interdisciplinaires.
D’entrée de jeu, avec un ostinato rythmique (au piano à 4 mains), l’auditeur est intrigué par ce qui va suivre, ensuite le narrateur se demande à quoi peut bien servir un livre…, puis il relate, en 39 épisodes brefs, l’histoire bien connue, mettant en scène, entre autres, les aventures d’un lapin pressé, d’une souris, d’un serpent, d’un « bébé-cochon », d’un chat, d’un lièvre, mais aussi d’une « fausse tortue »... Toutefois, Alice réfléchit, rêve et grandit. Les passages descriptifs sont très bien rendus musicalement. Grâce à sa diction impeccable, le narrateur fait preuve d’un grand pouvoir de suggestion.
Les enfants suivront non seulement le récit, mais réagiront avec imagination et émotion à ses propos. Captivés, ils écouteront ce disque d’un seul tenant : de quoi amuser petits et grands autour du rêve de l’incontournable Alice. Les trois interprètes réservent un sort royal à ce conte musical toujours à re-découvrir. Succès garanti.
Édith Weber

Carlo Francesco CESARINI : Cantates da camera della Biblioteca Casanatense di Roma, pour soprano et basse continue. Francesco D'Orazio, Lathika Vithanage, violons, Rebeca Ferri, violoncelle, Pietro Prosser, théorbe. L'Astrée, gruppo cameristico dell'Accademia Montis Regalis, Giorgio Tabacco, clavecin & dir. 1CD Aparté : AP136. TT.: 70'.

Pour cette première au disque, le label Aparté a choisi de puiser dans le vaste corpus de cantates dites de chambre composées par Carlo Francesco Cesarini, appelé aussi Carlo del Violino (ca.1666-1741), et dénichées par l'ensemble L'Astrée dans les cartons de la société italienne Éditrice de Musicologie de Rome, les manuscrits étant conservés à la Biblioteca Casanatense. Ce musicien fort réputé du baroque italien et actif dans la capitale italienne au début du XVIII ème dut son ascension au cardinal Benedetto Pamphili, mécène éclairé qui ''poussa'' aussi de nombreux autres compositeurs comme Alessandro Stradella ou Alessandro Scarlatti, et même Haendel durant son séjour transalpin. Cesarini occupera diverses fonctions dans les grandes institutions et églises de Rome comme celle du Gesù. Les cantates écrites pour le cardinal Pamphili y étaient régulièrement données, voire représentées, alors que le genre de l'opéra était alors proscrit. Elles appartiennent au genre arcadio-pastoral, évoquant les thèmes de la souffrance causée par un amour non réciproque, la jalousie ou la trahison chez la personne aimée. Elles sont conçues pour un accompagnement de la basse continue, sur un modèle en six parties, chacune alternant récitatifs et airs ; sauf certaines d'entre elles qui sont précédées d'une introduction et d'une « canzone » instrumentale avec deux violons solistes. Quelquefois un instrument se détache, comme le violoncelle dans le dernier air de la cantate de thème mythologique « Fetonte, e non ti basta ». Les airs constituent des morceaux bien distincts les uns des autres et présentent des caractéristiques se référant au répertoire opératique. C'est que l'écriture offre un dynamisme proche de la théâtralité. Le choix opéré ici est judicieux, parfaitement représentatif de ces pièces où la douce sobriété fait écho à la fervente intensité. Les cinq musiciens de l'Astrée, formation de chambre de l'orchestre de l'Accademia Montis Reglis, deux violons, violoncelle, théorbe et clavecin, livrent des exécutions d'une extrême rigueur et de la justesse de ton qui marqua naguère leurs interprétations dans le répertoire vivaldien, sous la houlette du claveciniste Giorgio Tabacco. Et la jeune soprano française Stéphanie Varnerin, lauréate de plusieurs concours, y brille par un timbre solaire et la délicatesse avec laquelle elle décrit les affetti qui distinguent les récitatifs de ces cantates et annoncent des airs d'une grande beauté.
Jean-Pierre Robert

Carl Philipp Emanuel BACH : Sinfonia pour deux violons et basse continue. Sonate en trio pour deux violons et basse continue. Sonatina. Arias de cantates. Rupert Charlesworth, ténor. Cfé Zimmermann. 1CD Alpha : Alpha 257. TT.: 63'59.

Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788), le deuxième fils de Jean Sébastien, passe pour un musicien qui a rénové profondément le paysage musical de son temps. Il est en musique le meilleur représentant de ce qu'on a appelé l'Empfindsamkeit, mouvement qui se traduit par une plus grande liberté de la forme, des audaces dans l'harmonie et le rythme, ou encore la recherche d'effets aptes à émouvoir ; toutes choses en opposition avec l'austérité de la période précédente, celle du Cantor en particulier. C'est le triomphe de la sensibilité sur le rationalisme. Le programme de ce disque focalise sur des œuvres, certes pas des plus connues, mais illustrant parfaitement cet art de la fantaisie caractéristique de ce musicien qui écrivit aussi bien pour le clavier que pour la musique de chambre ou l'art vocal. A ce dernier domaine appartient la cantate de chambre Der Frühling (le Printemps), de 1770, pour ténor et cordes, qui dévoile une écriture simple mais non dénuée d'originalité. En regard, les airs pour ténor, pièces de jeunesse sans prétention, laissent déjà présager une sûre maitrise. La cantate Fürsten sind am Lebensziele (Les grands, au terme de leur vie), de 1785, comme la cantate Selma, de 1776, témoignent de la dernière manière du musicien, la première proche du Lied, la seconde plus dramatique. Dans le répertoire instrumental, la Sinfonia pour deux violons et basse continue, des années 1750, livre trois mouvements enchainés et une écriture recherchée entre musiques de chambre et symphonique : un allegro décidé avec des fins de phrases ornées, un andantino chantant et un Tempo di Minuetto bien rythmé avec des ralentissement imprévus. La Sonate en trio pour deux violons et basse continue est toute aussi plaisante de par le dialogue des deux solistes jouant tantôt à l'unisson tantôt en répons. A noter aussi l'écriture ''con sordini'' au largo médian pour des effets inattendus en pizzicatos. Un un allegro furieusement agité conclut la pièce. La Sonatina (1764), ou forme remaniée de la sonate pour clavier avec accompagnement d'orchestre, pratique une forme plus populaire : débutée par un adagio un brin mélancolique, elle offre une partie de clavecin tricotant au sein des cordes plus qu'elle ne se distingue en tant que soliste. L'allegro fait intervenir soudain deux cors et le clavecin se libère alors au fil d'une séquence où il joue de concert avec la flûte à bec, signant là encore une profonde originalité. Le finale allegretto reprend le tempo plus mesuré du premier mouvement, presque dansant ici. Le caractère presque champêtre étonne tandis que la coda réserve encore d'autres surprises. Café Zimmermann, un des ensembles les plus en vue de la scène baroque depuis sa fondation en 1999, se signale par un jeu alerte, souple et plein de couleurs de la part de chacun des participants, en particulier le clavecin de Céline Frisch. Et le ténor Rupert Charlesworth ajoute une once de ductilité bienvenue à ses interprétations des cantates.
Jean-Pierre Robert

Georg Philipp TELEMANN : Suite pour flûte à bec, cordes et continuo, TWV 55:A2. Concerto pour flûte à bec , cordes et continuo, TWV 51:C1. Sonate pour deux chalumeaux, violon et continuo, TWV 43:F2. Concerto da camera pour flûte à bec, deux violons et continuo TWV 43:G3. Tindaro Capuano, alto chalumeau, Enrico Onofri, violon. Il Giardino Armonico, Giovanni Antonini, flûte à bec & direction. 1CD Alpha : Alpha 245 TT. :74'09.

En prélude à l'année Telemann - 2017 marque le 250ème anniversaire de la mort du compositeur -, voici un CD donnant une vue intéressante de l'éclectisme d'un compositeur allemand qui se plaisait à célébrer aussi bien le style italien que la manière française et, musicien aussi accompli que complet, vouait à la flûte à bec une tendresse toute particulière. Ainsi de la Suite TWV 55 pour petite flûte, cordes et continuo : passée une ouverture dans le style français, Telemann illustre diverses danses dans la tradition de Rameau et de Couperin, où la flûte à bec tresse de bien jolies et savantes arabesques. Dont cet « Air à l'italien », sur le schéma lent-vif-lent, ou « Réjouissance », marqué ''vite'', morceau peu résistible où là encore l'instrument soliste apporte un zest de fraîcheur. On y trouve aussi deux Menuets et deux Passepieds et la pièce finit par une Polonaise qui ne l'est pas tant que cela. Le Concerto pour flûte à bec et cordes TWV 51 offre quatre mouvements : un allegretto qui projette le soliste dans le registre le plus aigu de la flûte à bec avec cordes en pizzicatos, un vif allegro très exigeant pour le soliste, un andante d'une grande expressivité mélodique, et un ''Tempo di Menuet » on ne peut plus vif et qui lorgne du côté du style français. Le Concerto da camera pour flûte à bec, deux violons et continuo TWV 43 cultive lui aussi une forme hybride oscillant entre styles français et italien. Ce dernier en particulier dans la « Siciliana » expressive, la petite flûte s'octroyant le rôle de premier soliste, soutenue discrètement par les deux violons. Une engageante Bourrée fait honneur à la France tandis que le «  Menuet e Trio » final fait sans doute office de synthèse. Mais l'œuvre la plus incroyable du disque est la Sonate pour deux chalumeaux, violon et continuo TWV 43. Le chalumeau est plus proche de la clarinette que de la flûte, aussi bien par sa forme que par sa sonorité grave. Cette sonate appartient en réalité à la forme du concerto, ce qui est particulièrement évident au deuxième mouvement allegro où les deux solistes roucoulent avantageusement sur un accompagnement vif-argent avec force coups de boutoir. Ce qui se poursuit dans le « Grave », quasi hypnotique. Un « Vivace » apporte une conclusion faste. Giovanni Antonini, décidément prolixe au disque ces temps, apporte à ces exécutions sa manière directe à la direction et un art consommé du maniement de la flûte à bec, son instrument de prédilection, comme aussi du chalumeau. Et les autres solistes sont tout autant méritants.
Jean-Pierre Robert

« La harpe reine. Musique à la cour de Marie-Antoinette » Baptiste KRUMPHOLTZ : concerto pour harpe et orchestre N° 5 op. 7. Johann David HERMANN : concerto pour harpe et orchestre N° 1 op. 9. Joseph HAYDN : symphonie N° 85 « La Reine ». Christoph Willibald GLUCK : Danses des esprits bienheureux (transcription pour harpe). Xavier de Maistre, harpe. Les Arts Florissants, dir. William Christie. 1CD Harmonia Mundi : HAF 8902276. TT.: 70'09.

La harpe connut une incroyable vogue en France dans la deuxième partie du XVIII ème siècle, surtout durant le règne de Louis XVI sous l'influence de la reine Marie- Antoinette dont on dit qu'elle en apporta une dans ses bagages lors de son arrivée à Versailles en 1770. Elle appréciait cet instrument dont elle jouait. La harpe à pédale avait droit de cité, pas seulement à la cour et dans les salons mais aussi au Concert Spirituel et le répertoire s'appropria vite le goût français. On dénombrait alors sur la place de Paris quelques 200 boutiques vendant cet instrument. Xavier de Maistre a voulu à travers le programme de ce disque célébrer cet incontestable âge d'or. En honorant deux compositeurs méconnus qui pourtant marquèrent le répertoire. Le harpiste d'origine tchèque Jean-Baptiste Krumpholtz (1747-1790), installé à Paris en 1777, passe pour un pionnier dans le fonctionnement de l'instrument dont il repoussa les limites. Le 5 ème concerto op. 7, créé au Concert Spirituel en 1778, se signale entre autres par son andante con variazioni sur une chanson langoureuse « Ô ma tendre musette » que suit un rondeau guilleret où la harpe tricote les plus folles arabesques. Quant à l'allemand Johann David Hermann (1760-1846), maitre de piano de Marie-Antoinette, il écrira trois concertos pour la harpe. Le 1er op. 9, composé entre 1785 et 1789, est constitué de deux mouvements : un allegro très développé, dont l'écriture ''pianistique'' n'est pas sans poser quelques difficultés à l'interprète car extrêmement virtuose ; un rondeau nettement plus bref, là encore largement pensé comme s'il s'agissait du piano. Xavier de Maistre y déploie une science phénoménale. William Christie a eu la belle idée d'adjoindre au programme, capté live au théâtre du château de Versailles en juin 2016, la symphonie N° 85 dite « La Reine » de Joseph Haydn, qui doit précisément son nom au fait qu'elle était la préférée de la reine de France. Elle fait partie de la série des « symphonies parisiennes » et a été créée en 1787 au Concert de la Loge Olympique. L'interprétation est luxueuse : un Vivace progressant agréablement, la petite taille de la formation utilisée apportant indéniablement un plus en terme d'articulation. Une « Romance » qui adapte au style classique ses origines populaires - elle est inspirée d'une chanson à la mode, « La gentille et jeune Lisette » : une manière répétitive, proche de la variation, introduit un charme certain et l'ultime reprise avec le solo de la flûte est fort plaisante. Le Menuetto s'orne d'un trio dansant dans son style concertant introduit par le basson et conclu par une mini cadence de ce même instrument. Quant au finale presto, il est animé d'une vraie force communicative avec son lot de surprises. A l'aune de tout le programme de ce disque.
Jean-Pierre Robert

Gioachino ROSSINI : Arias extraites de Demetrio e Polibio, Matilde di Shabran, Adelaide di Borgogna, Semiramide, Eduardo e Cristina, Tancredi. Franco Fagioli, contre-ténor. Armonia Atenea Choir. Armonia Atenea, dir. George Petrou. 1CD DG 4795681. TT.: 75'21.

Voici encore un CD original, car les arias de Rossini qu'il contient sont interprétées par une contre-ténor. Hommage aux castrats ? Pas nécessairement car à l'époque ceux-ci étaient en voie de disparition. Si Rossini était fasciné par la voix de Gianbattista Velluti, le dernier castrat, il conçut plusieurs rôles masculins ou ''primo uomo'' de ses opera seria pour des voix de femmes, mezzo-soprano. C'est ce que Franco Fagioli a choisi d'illustrer pour en restituer la « miraculeuse agilité ». Ainsi du rôle titre de Tancredi, du rôle de Siveno de Demetrio e Polibio, d'Arsace de Semiramide, ou encore du roi Ottone de Adelaide di Borgogna. La boucle est ainsi bouclée, puisque ces rôles retrouvent leur détenteur masculin. Et cette sélection est fort attractive. Car le timbre de Fagioli, qui s'approche peut-être de celui du castrat, est chaud, étoffé dans le médium avec des notes graves capiteuses, rivalisant avec le registre de contralto féminin. On le constate dans les roucoulades avec cor obligato de « A perché, perché la morte » tirée de Matilde di Shabran (Rome, 1821), une œuvre qu'on redécouvre ces temps. Les vocalises sont somptueuses comme celles qui ornent la partie d'Arsace (Sémiramide, Venise 18213), naguère défendue à Aix par Maryline Horne face à Montserrat Caballé : dans ces passages où les fioritures abondent et la ligne s'emballe avec des sauts vertigineux, de l'extrême aigu au grave généreux. Le legato est par ailleurs extrêmement maitrisé comme il ressort de « Vieni tuo sposo e amante » de Adelaide di Borgogna, ou de l'aria célèbre « Eccomi alfine in Babilonia » d'Arsace de Semiramide. L'intensité du récitatif encore démontre un sens théâtral rare chez le chanteur, comme déjà constaté récemment dans Eliogabalo à l'Opéra Garnier, et avant Sémiramide précisément à l'Opéra de Nancy prochainement. L'intérêt de ce programme est aussi de présenter des scena complètes comme celle extraite de Adelaide di Borgogna, qui à l'acte II, enchaîne une introduction avec chœurs, un récitatif d'entrée puis une aria extrêmement expressive que suit une cabalette virtuose mêlant soliste et chœurs. Alternent ici phrases lentes et rapides et prévaut cette progression rossinienne caractéristique pour s'achever par une coda couronnée d'une note aiguë percutante de quasi soprano. Même enchaînement dans la scena de l'acte IV de Eduardo e Cristina (Venise 1819) pour déboucher sur une aria « La pietá » juxtaposant une première partie tout en douceur comme caressant la phrase, puis une seconde enflammée avant une cavatine aux vocalises étourdissantes. Les accompagnements de l'ensemble grec Armonia Atenea, dirigé par George Petrou sont de qualité et les solos instrumentaux plaisants. Un CD qui, outre son aspect purement musicologique - un voyage à travers des opéras peu connus de Rossini -, offre des trésors vocaux rares de la part d'un artiste qui n'en finit pas de séduire et de surprendre.
Jean-Pierre Robert

Johannes BRAHMS : Danses hongroises nos 2, 4, 8 & 11. 16 Valses op. 39. Franz SCHUBERT : Divertissement à la hongroise D. 818.Hervé Billaut, Guillaume Coppola, piano à quatre mains. 1CD Eloquentia : EL 1652. TT.: 62'30.

« Wiener Rhapsodie » (Rapsodie viennoise) proclame le titre de ce CD consacré à la musique pour piano à quatre mains. Le disque s'ouvre par quatre Danses hongroises de Brahms que les présents interprètes ont choisi pour leur diversité : esprit de la czardas dans la 2 ème, ivresse de la danse avec sa pointe de mélancolie dans la N° 4 dont la difficulté technique est marquée, folle agilité de la huitième, marquée presto, et atmosphère de nostalgie tzigane de la N° 11. Les 16 Valses op. 39 forment un corpus original et inattendu chez un musicien réputé austère, du moins à ce stade de sa carrière compositionnelle (1857-1866). Ce que leur auteur appelait « seize innocentes petites valses en forme schubertienne », est un recueil de courtes pièces bipartites et sans introduction ni coda : deux thèmes se les partagent chacune, l'un procédant de l'autre ou le complémentant, mais toujours fort diversifiés. L'ensemble offre cependant un tout cohérent grâce à un ingénieux enchaînement de rythmes et de tonalités. Brahms y traite des diverses formes de valses, dont celle à la manière populaire de l'Allemagne du nord (N°6) ou le style magyar évoquant le son du cymbalum hongrois (N° 14). Mais c'est sans doute celle de modèle viennois qui ressort le plus : la valse viennoise mélodieuse (N° 8) ou le ländler schubertien : ainsi de la N° 11 et surtout de la quinzième, la plus célèbre, si attractive. Hervé Billaut et Guillaume Coppola, qu'on sent fort complices, donnent des exécutions pleines de vie et d'esprit, et l'on est vite pris dans un vrai tourbillon de joie de vivre. Quant au Divertissement à la hongroise en sol mineur, que Schubert écrit en 1824, il s'inspire d'une mélodie hongroise glanée au vol et reprise dans le finale allegretto de cette œuvre tripartite. Comme son nom l'implique, elle est très libre dans sa forme et participe de l'esprit de la schubertiade, avivé par le parti intimiste que permet le piano joué à quatre mains. Dans l'andante initial, sur le versant mélancolique, s'offre une multitude de rythmes sautillants typiques chez le musicien, alternant vif et retenu, expression d'un folklore hongrois réimaginé. Comme une improvisation, celle-là même du divertissement. Le second andante est une courte marche traversée d'un bref trio contrastant. L'allegretto conclusif s'écoule au fil de plusieurs épisodes diversement ornés. L'invention est aussi riche que magistrale. Le duo Billaut-Coppola en livre là encore une interprétation spontanée, que même quelque dureté dans les accords au finale ne parvient pas à détourner d'une probité remarquable.
JP.R.

« Verismo ». Airs extraits de Adriana Lecouvreur, de CILEA, Andrea Chénier de Umberto GIORDANO, La Wally de Alfonso CATALANI, Mefistofele de Arrigo BOITO, Pagliacci de Ruggiero LEONCAVALLO, La Gioconda de Amilcare PONCHIELLI, Tosca, Turandot, Madama Butterfly, Manon Lescaut de Giacomo PUCCINI. Anna Netrebko, soprano. Avec Yusif Eyvazov, ténor. Orchestra dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia, dir. Antonio Pappano. 1CD DG : 479 5013. TT.: 68'55.

Le titre du CD annonce une acception très extensive du terme de vérisme. En effet, si on a pu dire (Gérard Denizeau : « la discrète grandeur du vérisme », in NL de 12/ 2014) que le vérisme se déclinait comme « une pièce en quatre actes » que sont Cavalleria rusticana, Pagliacci, Andrea Chénier et Adriana Lecouveur, savoir une période comprise entre 1890 et 1902, Ponchielli et Catalani y sont à la marge. Et surtout Puccini qui, à quelques exceptions près, marque plus sa connivence avec ce mouvement qu'une franche adhésion car « sa musique dépasse le cadre strict de la nouvelle esthétique ». Quoi qu'il en soit, tous ces musiciens, au fil des œuvres représentées ici, se rejoignent en termes d'incandescence vocale pour donner du style vériste un panorama compréhensif et cette anthologie bien ficelée ravira les amateurs de beau chant italien et de voix grandiose. Elle révèle aussi combien l'art de la soprano russe Anna Netrebko a évolué ces derniers temps, lui autorisant un répertoire bien différent de celui des ses premières années, et pas seulement du strict point de vue vocal. Car il est indéniable que la voix a changé : un medium plus étoffé, des graves assurés, une ligne de chant d'une étendue exceptionnelle, sans parler d'aigus éclatants, pour ne pas dire percutants. Mais surtout « l'ivresse du sentiment », exposée au fil de cette guirlande d'airs à succès, révèle un tempérament de tragédienne qui trouve son épanouissement, après qu'on l'ait vu peu à peu émerger depuis ses incursions dans les Verdi lourds comme Macbeth. Les affects paroxystiques d'Adriana Lecouvreur ou de la Madalena d'Andrea Chénier, le large ambitus d'un morceau comme l'air de Margherita du Mefistofele de Boito, montrent combien la chanteuse ''possède'' ces personnages et sait leur donner vie, même si privés du contexte scénique. De même des pièces mêlant ton de la confidence et grands éclats, comme la romance de la Wally de Catalani ou l'air de Nedda de Pagliacci révèlent là encore un soin extrême du texte, encore mis en avant dans le bravache « Suicidio » de La Gioconda. Mais c'est sans doute dans l'univers si porteur de Puccini que la diva russe se montre le plus intrinsèquement en phase et complètement à l'aise. Elle ratisse pourtant large depuis la touchante Liù de Turandot, au fil de ses deux airs bouleversants, au morceau phare du rôle titre « In questa reggia », de la brillante déclamation de Butterfly à la grande manière de Tosca (un « Vissi d'arte » mémorable), enfin à la tragédienne consommée Manon Lescaut, le seul rôle puccinien déjà abordé à la scène, ici à travers le fameux air du II ème acte (« In quelle trine morbide ») et l'intégralité du IV ème. Netrebko est là à son meilleur. Même si son partenaire - et époux -, Yussif Eyvazov, offre un timbre de ténor bien moins agréable, avec une certaine dureté dans l'aigu et plus de puissance que d'éclat. Antonio Pappano, qui dans ce répertoire trouve peu de rivaux, prodigue des accompagnements somptueux et on ne peut plus idiomatiques, dotés d'une vraie italianità, si essentielle ici. Mise à part une iconographie peu inspirée, ressortissant plus du bling bling que de l'art théâtral, voici un CD en tous points remarquables qui augure bien de futures prises de rôle : à quant une Turandot ?
JP.R.

Igor STRAVINSKY : Concerto pour violon. Transcriptions pour violon et piano : Chanson russe. Danse russe. Divertimento. Suite italienne. Berceuse. Tango. Liana Gourdjia, violon, Katia Skanavi, piano. Deutsche Radio Philharmonie, dir. Zsolt Nagy. 1CD Audite : 97.697. TT.: 77'24.

A l'origine réticent à l'idée d'écrire un concerto de violon, Igor Stravinsky en fut persuadé par le directeur de la maison d'édition Schott qui lui conseilla de le composer pour le violoniste Samuel Dushkin. Un intense travail devait unir les deux hommes qui créeront l'œuvre en 1931 à Berlin. Elle appartient à la manière néo classique du maître et flatte plus l'univers de la musique de chambre, en raison notamment de la clarté de la texture orchestrale, que la grande virtuosité habituellement associée aux grands concertos romantiques. Encore que les difficultés techniques y abondent et mettent au jour une audace certaine. Tel par exemple que le large et étonnant accord initial qui réapparaît au début de chacun des trois autres mouvements. La référence à JS. Bach qu'infèrent les titres des divers mouvements : Toccata, Aria I & II, Capriccio, ne doit pas être surestimée, selon le compositeur qui s'en est expliqué à plusieurs reprises, dans ses Mémoires et ses entretiens avec Robert Craft. La place prépondérante assignée au soliste ressortit plus à l'interaction avec d'autres instruments de l'orchestre qu'à sa seule virtuosité, alors même que ne lui est pas dévolu de cadence. Deux mouvements rapides, voire motoriques, encadrent deux sections privilégiant le cantabile. Ces dernières montrent aussi une grande liberté formelle, exploitant le plus large possible registre du violon et une écriture pour les bois particulièrement fascinante. Ce qui domine est le timbre, à l'aune de l'accord-clé, mais aussi la technique de l'association d'éléments divers presque disparates, proche du collage. L'exécution qu'en donne Liana Gourdjia, formée entre autres à l'école russe de violon et professeure à l'École Normale de Musique de Paris, est exemplaire de maîtrise et de finesse, et l'accompagnement du Deutsche Radio Philharmonic sous la direction limpide de Zsolt Naky est parfaitement adéquat. L'autre intérêt du disque est de juxtaposer des pièces pour violon et piano, rappelant au passage combien fut fructueuse la collaboration entre le compositeur et le violoniste Dushkin. Ce sont en fait des transcriptions ou arrangements effectués par Stravinsky de ses propres compositions. Ainsi du Divertimento, arrangement du ballet Le baiser de la fée de 1928, qui en ses six parties, suit le schéma de l'intrigue. On se régale des rythmes syncopés si caractéristiques de Stravinsky (« Serenata ») comme du côté fantasque de « Scherzo » ou de la beauté envoûtante de « Pas de deux », soliloque du violon. La Suite italienne de 1932, d'après Pulcinella (1919), créée par Kochanski avant que Dushkin ne la reprenne, restitue aussi l'atmosphère enchanteresse de ce ballet comme ses divers aspects joliment baroques (une « Tarantella » intarissable, un «  Scherzino » désopilant). On entend encore La Danse Russe, inspirée de Petrouchka, et la Berceuse de L'Oiseau de feu, jouée ici très, très lente. Ces transcriptions qui conservent toutes l'esprit des pièces originales, leur confèrent un caractère d'intimité bienvenu, surtout en écoute domestique. Lina Gourdjia est ici accompagnée avec tact par la pianiste Katia Skavani. Un bel hommage à l'art du violon chez l'auteur du Sacre.
Jean-Pierre Robert

MUSIQUE & CINEMA

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SEVERINE ABHERVE

par Stéphane Loison

L'agence TraxZone s'est donné pour mission de promouvoir des films (et des images) par la musique, des musiques pour l'image (films, séries TV et téléfilms, jeux vidéo,...), des compositeurs (et autres professionnels du secteur), ainsi que des événements autour des musiques de films (concerts, master-classes, festivals). Séverine Abhervé, experte en musique de film, fondatrice de l'agence est en charge des relations publiques.

Quand vous est venue l’idée d’écouter de la musique de film ?

Je suis la seule musicienne de ma famille et le premier souvenir de musique de film que j’ai, c’est le générique de fin du « Professionnel » (Verneuil-Morricone), je devais avoir sept ou huit ans, j’avais des frissons partout, et à partir de là je n’ai pas décroché ! Cette envolée de l’hélicoptère avec la musique de Morricone, était ma première émotion pour la musique de film.

A cet âge on vous a laissé regarder ce film ?
Arrivée à la fin, je me suis faite gronder.
https://www.youtube.com/watch?v=EXFtSoKcf2M

Vous dites que vous êtes musicienne, en quoi l’êtes-vous ?
Je joue du piano, j’ai fait le conservatoire municipal de Fontenay-aux-Roses, j’ai toujours eu envie de travailler dans le milieu de la musique, la musique de film s’est imposée progressivement mais mon premier objectif était de devenir ingénieur du son ; j’ai fait des études puis j’ai travaillé un peu en studio de musique, prise de son, mixage, réalisation de musiques du monde, variétés, j’ai fait l’Ark à Arcueil, j’ai été pendant neuf mois stagiaire au Studio Ferber, la musique de film était toujours présente comme un hobby, ensuite j’ai fait des études de cinéma.

Qu’est-ce que vous écoutiez ?
Cosma, il y avait quand j’étais petite les dessins animés des « Mondes Engloutis », puis j’allais voir les adaptations de Pagnol « Le Château de ma Mère », « La Gloire de mon Père », avec la musique de Cosma https://www.youtube.com/watch?v=MRiQHUygA5o
En parallèle de mes études de son à l’EMC de Malakoff, j’ai fait des études de cinéma à la Sorbonne.

C’est là que vous avez fait votre thèse en 2011 ?
Oui, son titre était : « Compositeur de musiques de films dans l’industrie cinématographique française : définition, caractérisation et enjeux d’un métier en mutation »

Sous la direction de qui ?
Sous la direction de Daniel Serceau, professeur d’esthétique de cinéma et de Frédéric Gimello-Mesplomb, qui, lui, est plutôt du côté sociologique de la culture.

Vous avez donc interrogé des compositeurs ?
J’ai fait une grande enquête auprès de la profession, j’ai fait une base de données de la musique à l’image, et j’ai eu plus d’une centaine de réponses à mon questionnaire.

Vous avez deux actualités avec les livres .
« La Musique de film en France » sous la direction de Jérôme Rossi où il y a un extrait de ma thèse, le livre a été préparé il y a longtemps.J’étais en cours d’écriture de ma thèse, « Musiques de films, nouveau enjeux » (Les impressions nouvelles 2014).

Cette thèse vous ne l’avez pas faite tout de suite ?
En faisant mes études de cinéma j’ai vu qu’à la fac on se fichait pas mal de la musique de film ; j’ai voulu montrer qu’il y avait au moins une étudiante qui s’intéressait à la musique de film ! Et du coup on m’a demandé de faire des cours à la fac sur le lien entre le réalisateur et la musique, j’ai commencé à monter des partenariats entre l’université et des conservatoires pour faire travailler ensemble les jeunes compositeurs et réalisateurs. Je donnais aussi des cours sur le droit de la musique. Ces cours qui n’existaient pas auparavant étaient très utiles aux jeunes réalisateurs qui ignorais ce domaine extrèmement important dans le cinéma. cela les à beaucoup aidé, en particulier pour la sélection de leurs Œuvres dans les festivals ! Je montais aussi des partenariats, j’avais cette démarche de créer des contacts entre ces deux univers -la musique et le cinema-, et au fil de mes études de cinéma j’ai rejoint TraxZone, la version en ligne du journal de l’époque, en tant que critique et rédactrice, le site a vécu une dizaine d’années, par ce biais je suis entrée dans le milieu professionnel de la musique de film. J’ai ainsi rencontré l’UCMF à sa naissance et j’ai travaillé pour elle ; on a monté beaucoups d’événements ensemble, je suis passé de la critique au monde professionnel. J’ai retrouvé l’univers de la fac en 2008 car c'est l'année ou les crédits ont manqué aux associations culturelles. Étant au chômage technique, je suis revenue à la recherche et ma thèse en est le résultat.

Vous aviez mis votre thèse en parenthèse ?
C’est exact. D’avoir appris tant de chose à l’UCMF, sur le terrain et ne pas s’en servir !

Quelle est la question de fond de cette thèse ?
Est-ce que la musique de film en France fait partie du cinéma ? Aux Etats Unis elle fait partie de la production du film, en France pas du tout ; j’ai essayé de comprendre pourquoi. Ce qui était étonnant c’est que les compositeurs eux-mêmes n'étaient' pas à l’unisson sur cette question. On se rend compte que c’est très difficile de fédérer tout ce petit monde dans la même direction, cette activité est très solitaire.

C’est la porte ouverte à tout le monde ?
C’est exact, c’est ce que raconte ma thèse. Ma base de données était de voir combien de compositeurs revenaient dans cette base de données. Les chiffres sont assez révélateurs. Les enquêtes en 2008-2009 montrent que sur 1 633 films, 1 004 compositeurs sont associés à 1 350 films, mais on ne peut pas dire qu’ils soient tous des professionnels de la composition à l’image. Ceux qui ont composé sur une période de neuf ans ne sont que 251. Parmi eux, les moins réguliers ont composé 2 musiques de film et les plus actifs 28. Seule une vingtaine font un film par an ! Il y a de nouveaux compositeurs tous les jours, mais si on fait une enquête dans la rue très peu de personnes vont citer un nom de compositeur français ou alors vraiment des anciens.

Il y a la question de l’appellation dans les génériques.
Un chercheur, Sergio Micelli qui a beaucoup écrit sur l’histoire de la musique et qui est un grand spécialiste de Morricone, explique que la musique de film n’est pas un genre en soi, et qu'on ne peut pas écrire de la "musique de film", car le film est quelque chose de très vaste, avec plusieurs sous genres, la musique à l’image est un vecteur de musique qui peut partir dans plusieurs directions, les intitulés sur les génériques sont très curieux, pourquoi les compositeurs arrivent dans la fiche technique  alors qu’ils sont co-auteurs, ils ne sont pas souvent cités à côté du scénariste, c’est négociable dans le contrat mais il y en a peu qui l’exigent. En fait quelle est la place de la musique de film dans le cinéma ? Les journalistes de cinéma n’en parlent pas, le débat est ouvert.

Quel est votre avis sur un prix à Cannes ?
Je trouverai cela normal qu’il y ait un prix comme pour le scénario ; il y a eu des prix au début du festival, en 1946 par exemple pour la « Symphonie Pastorale », musique de George Auric.

Cette thèse vous a-t-elle apporté quelque chose ?
Une reconnaissance dans le métier, être docteur en musique dans le département cinéma, c’est une première et c’était important pour moi ; je l’avais arrêtée parce que les compositeurs de l’UCMF sont venus me chercher pour travailler avec eux. Il était très difficile de conserver ce sujet en étant dans le cinéma, cela n’intéressait personne, mon directeur de recherche me conseillait plusieurs fois de m’inscrire ailleurs, en musicologie par exemple, il ne comprenait pas ma démarche. Je ne voyais pas pourquoi je partirai de la fac de cinéma pour parler de musique de film ! Cela prouve qu’il y a un problème dans la représentation de l’enseignement en France !

Vous êtes dans une rubrique sur la musique de film dans une revue musicale, les revues cinématographiques ne s’intéressent pas à la musique pour l’image ?
Très peu, mais d’un autre côté les revues de musique ont du mal à en parler, vous êtes un des rares qui donnent la part belle à la musique de film, en plus dans une revue qui s’appelle l’Education Musicale, c’est vraiment intéressant, c’est une ouverture que beaucoup de média n’ont pas.

Alors qu’est-ce qu’être agent ? On vous appelle ou vous vous bougez pour faire travailler vos compositeurs ?
95% du temps c’est le réalisateur qui amène son compositeur ; quand ce n’est pas le cas, il y a un superviseur musical qui est engagé pour l’aider à choisir ; il y en a une, Varda Kakon, qui apprécie bien le talent de mes compositeurs, elle est très professionnelle et elle choisit toujours le compositeur qui est le mieux pour le film et elle ne place pas ses amis ! Et il y en a d’autres qui sont aussi très compétents. Mais bien sûr il nous arrive, dans l’agence, de faire de la prospection, soit parce que les compositeurs souhaitent travailler sur certains films ou avec certains réalisateurs et nous allons chercher à les mettre en contact, soit parce que de nous-mêmes nous faisons des recherches sur les projets et nous essayons de placer des compositeurs.

On parle surtout du scénario
C’est la spécialité française non? On est encore dans les résonnances de la nouvelle vague, avec cet esprit d’auteur unique.

Dans les budgets elle n’apparaît pas ?
Pas tout le temps, alors que le producteur a le droit d’être éditeur de la musique de film depuis les années 80. Le CNC a fait aussi un grand pas en faveur de la musique. La question est de savoir pourquoi le producteur ne prend pas en charge la production de la musique de film, on le voit mal dire au réalisateur débrouille toi pour produire ton film ! C’est quand même la musique de son film ! Il y a un vrai problème de la représentation dans le cinéma français alors qu’il n’y a pas ce problème aux USA ! A travers ma thèse j’ai pu constater que les compositeurs vivaient moins de leur droit d’auteur, qu’il y avait de moins en moins de musique originale dans les films, dans les années 80 on avait 60% de musique originale, aujourd’hui on a à peine 40%. La musique originale est remplacée par de la musique pré-existante. Il y a une esthétique qui est en train de changer. Chez les Américains tout est réglé dès le départ, il y a le département image, le département musique et ça fonctionne ensemble.

Comment peut-on changer cette manière de concevoir la musique ?
C’est un travail de longue haleine, c’est sur quoi l’agence TraxZone essaye de se positionner aujourd’hui, sur la meilleure représentation du compositeur.

Alors parlez moi de l’Agence TraxZone dont vous êtes une des fondatrices avec Arnaud Damien le créateur du magazine du même nom et Gérard Dastugue, en charge du community management et du marketing.
L’Agence n’a rien à voir avec le magazine qui existait, on est plus dans la critique et la promotion de la musique de film, on est dans l’accompagnement, la promotion du compositeur et de la musique, promotion média et vis à vis du public. On est immédiatement connecté aux fans des musiques de film, on se rend compte qu’il y a un vrai public, important, et d’un autre côté on a les compositeurs, mais on a rien entre les deux ; l’idée de l’Agence c’est de faire le pont entre les deux et d'intéresser les médias au fait qu’il y a une vraie résonnance à chaque action de musique de film ; TraxZone donne une image du compositeur.

Les jeunes réalisateurs ont-ils plus conscience de l’importance de la musique ?
Oui car aujourd’hui il y a une collaboration dans les écoles avec les compositeurs de la musique pour l’image ; il y a des passerelles entre le Conservatoire et les écoles qu’on rêvait de voir depuis plusieurs années. Dans l’Agence on veut faire comprendre à ces futurs réalisateurs l’importance de la musique originale.

Il y a quand même toujours cette angoisse des réalisateurs face à ce vecteur qu’ils ne peuvent pas maîtriser.
Cette nouvelle génération a la chance de pouvoir avoir accès à toutes les musiques possibles et imaginables grâce à internet, ils ont plus de culture. A partir du moment où un réalisateur sait diriger un acteur, parler avec un directeur de la photo, un créateur de costume il peut aussi dialoguer avec un compositeur, notre angle d’attaque à TraxZone est de montrer au réalisateur qu’il peut diriger son compositeur.

L’Agence en est au tout début ?
Oui, pour l’instant on s’occupe des demandes des compositeurs, à leurs requêtes, on n’est pas un agent, on est dans le conseil, dans l’accompagnement, on a une offre extrêmement large mais on n’a surtout pas la vocation d’être agent ; on est là pour combler les manques de la chaîne de la musique à l’image.

Alors longue vie à TraxZone !

A propos de la thèse :
Cette thèse étudie le métier de compositeur de musiques de films au sein de l'industrie cinématographique française, selon une approche transversale et complémentaire (législation, sociologie du travail, psychologie sociale, économie). La première partie dresse un état des lieux de la profession et caractérise son statut de co-auteur du film (loi 1957). Elle définit les rapports entre le compositeur et l'équipe du film afin de comprendre sa place dans l'industrie cinématographique, et tout particulièrement sa relation avec le réalisateur. La seconde partie présente les résultats d'une enquête réalisée auprès de 109 compositeurs travaillant pour le long-métrage français. Elle permet de définir et de caractériser le métier selon leur opinion. La vitalité de cette activité professionnelle est également mesurée autour de trois dates clefs (1985, 1995 et 2008) afin d'appréhender l'avenir de la profession dans l'industrie cinématographique française. La période analysée, 2000-2008, vise à mesurer la mutation que traverse le métier. Sa représentation est enfin esquissée du point de vue des cinéastes français, de l'industrie cinématographique et des compositeurs eux-mêmes. La troisième et dernière partie aborde l'aspect économique de la profession, ainsi que la politique de soutien au métier de la part des institutions (CNC et SACEM), puis les enjeux d'une formation apprenant au couple réalisateur-compositeur à travailler de concert.

ACTUALITE MUSIQUE & CINEMA

Ciné concerts en janvier 2017 :

Le 7 et 8 au Grand Rex : « Pirates de Caraïbes 2, le secret du coffre maudit 

Fondation Jérome Seydoux – Pathé

73, avenue des Gobelins 75013 Paris
du 5 au 24 janvier 2017

© Steven Spielberg Jewish Film Archive

La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé offre une carte blanche à la Cinémathèque de Jérusalem et à la Spielberg Jewish Film Archive. L’occasion pour les spectateurs franciliens d’avoir accès à un échantillon unique au monde de films muets – documentaires et fictions – tirés des archives cinématographiques israéliennes.
Ce sont les élèves de la classe d’improvisation de CNSMDP de Jean-François Zigel qui improvisent sur ces images.

FESTIVAL DU FILM D’AUJOURD’HUI de Rueil-Malmaison

Du 21 au 28 novembre 2016
Comme chaque année pour la clôture de ce festival, un hommage est fait à un réalisateur et les musiques de ses films. Cette année c’est Jean-Jacques Annaud qui a été l’invité d’honneur. Gilles Tinayre et Kirsten Harma se sont penchés sur les partitions pour faire des arrangements des musiques de célèbres compositeurs qui ont travaillé sur des films de ce réalisateur. On a pu entendre des extraits de « L’Amant » de Gabriel Yared , « Stalingrad », « Le Nom de la Rose », « Le Dernier Loup » de James Horner, « L’Ours », « La Guerre du Feu », de Philippe Sarde, « Deux Frères » de Stephen Warbeck et « Sept ans au Tibet » de John Williams. Ces extraits ont été magnifiquement interprétés par l’Orchestre et le Chœur Euphonia du Conservatoire à Rayonnement de Rueil-Malmaison sous la direction de Jean-Luc Tourret . Jean-Jacques Annaud a fait un numéro agaçant pendant l’interview faite par Yves Alion et a évoqué (pourquoi ?) ses rapports houleux avec les arrangeurs qui ont fait un travail admirable; on a pu se rendre compte que le choix des images par le réalisateur n’a pas donné la dimension des musiques écrites et adaptées. On a pu aussi constater que la musique originale du « Le Nom de la Rose » était bien faible et que Gilles Tinayre et Kirsten Harma lui ont donné plus d’éclat. Bien sûr pour « L’Ours » de Philippe Sarde, plutôt de Tchaïkovski, il était impossible d’avoir les deux orchestres, les chœurs, les solistes qu’on entend dans la bande originale ; c’est quand même la musique de « Sept ans au Tibet » qui a démontré l’immense talent de John Williams. C’est une très belle initiative de la ville de Rueil–Malmaison de permettre que la musique pour l’image puisse être entendue et la présence du public nombreux prouve de l’intérêt qu’il a pour ce genre de musique. Vivement 2017 avec on l’espère un réalisateur qui paraisse plus sympathique.

PRIX FRANCE MUSIQUE SACEM de la musique de film

Auditorium de la Maison de la Radio samedi 26 novembre 2016

Depuis dix ans la Sacem et France Musique honorent la création pour la musique à l’image. Cette année c’est l’exceptionnelle compositrice Marie-Jeanne Serero qui a eu le prix pour sa musique d’Anton Tchekhov 1890 de René Feret – voir l’interview que nous avons faite - Un concert a eu lieu avec l’Orchestre Philharmonique de France sous la direction de Benjamin Ellin avec Hélène Collerette violon solo. Il a interprété le thème de « Il Postino» écrit par Luis Bacalov, un film de Michael Radford, une suite de la magnifique musique de « Derzou Uzala » d’ Akira Kurosawa, composée par Isaac Schwartz, une suite de « Taxi Driver » de Martin Scorsese la fameuse musique de Bernard Hermann, la composition de Miklos Rozsa pour « Lost Weekend » de Billy Wilder. Lauréat 2015 pour la musique de « Timbuktu » d’Abderrahmane Sissako, Amine Bouhafa a composé une œuvre commandée par la Sacem et Radio-France. Elle était conçue pour Duduk (Haïg Sarikouyoumdjian), viole d’amour (Jasser Haj-Youssef), percussions (Joël Grare) et orchestre. C’était une composition chargée d’émotion en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015. On espère qu’elle sera jouée souvent. Ce concert, cet événement, était chaleureux, de haute tenue musicale et il était réjouissant de voir la présence d’un public jeune et attentif.

AUDI TALENTS AWARD

Philharmonie de Paris
3 et 4 décembre 2016

En plus des ateliers et rencontres proposés au public, deux soirées exceptionnelles organisées par les Audi Talents Awards, rendaient hommage aux musiques des films de Jim Jarmusch et de Spike Lee.

Dans la grande salle de la Cité de la Musique, sur un voile qui se dressait devant la scène, apparaissaient des volutes de fumée puis une neige symbolique tombait sur un New York allégorique. C’est alors que résonnèrent les premières notes du saxophone de Terry Edwards, illuminé d’un trait de lumière. Peu à peu, le rythme s’enflamma et l’orgue Hammond se mit à répondre aux cuivres. A la fin de ce blues le rideau tomba et laissa apparaître le groupe de musiciens formé pour la circonstance par David Coulter éclairé par des projecteurs sortis d’un tournage de cinéma. Camille O’Sullivan débarqua alors sur scène et livra une version poignante de I Put a Spell on You, le hit de Screamin Jay Hawkins repris par Jarmusch dans Stranger Than Paradise. Puis Sam Amidon captiva l’audience avec ses chansons country-folk tout droit sorties des Rocky Mountains. Peut-être un des meilleurs moments de la soirée. David Coulter a ainsi présenté une compilation personnelle de titres et de musiques tirés des films de Jarmusch, jalons d’une carrière de trente-cinq ans. Ce qui était dommage dans cette soirée, certes passionnante, c’est qu’il fallait connaître d’où venaient ces chansons, ces musiques; c’était un concert plus pour happy few, connaisseurs de la filmographie du cinéaste. Outre Alex Kapranos, Camille O’Sullivan, Jolie Holland qui sont venus interpréter des chansons issues des films, le grand moment du concert fut lorsque Mulatu Astatqé le vibraphoniste éthiopien, improvisa sur le thème de Yekermo Sew, entendu dans Broken Flowers…La soirée s’est terminée avec le leader du groupe Franz Ferdinand, Alex Kapranos, qui en français annonça la dernière chanson : Funnel of love de Wanda Jackson, un classique de 1961, ressuscité par Jarmush pour Only Lovers Left Alive. Le concert était fort agréable mais n’avait pas la force de celui de 2015 sur David Lynch. Le lendemain, le 4 décembre, dans la grande salle de la Philharmonie, pleine à craquer, l’ambiance était tout autre. Terence Blanchard et son quintet, Dianne Reeves, Angélique Kidjo et China Moses enflammèrent la salle ! . Le Britten Sinfonia les accompagna sous la direction de Vince Mendoza. Avant le concert, Romain Benitez est venu recevoir son prix pour la musique à l’image 2016 et nous a présenté un court –métrage, un hommage à Spike Lee et à Terence Blanchard. Sa musique était magnifique et originale. Des extraits de « Bamboozled », « Inside Man », « Clokers », « MalcomX », « Mo’better Blues », « 25Th Hour », « Jungle Fever » ont été ainsi joués et chantés. Le feu a été mis à la fin du concert avec la musique du documentaire sur l’ouragan Katrina « When the Leeves Broke : A requiem in four acts ». A la manière de la Nouvelle Orléans après une cérémonie funéraire c’est dans la joie que les artistes se séparent. A la Philharmonie ils sont descendus dans la salle, Angélique Kidjo en tête, mouchoir à la main, et ont déambulé dans les travées face aux spectateurs debout qui se sont mis à taper dans leurs mains et à swinguer au son de la trompette hurlante de Terence Blanchard et des impros des chanteuses. Ce fut un grand moment de communion entre la salle et les artistes. Que vont pouvoir nous proposer en 2017 les Audi Awards après ce moment si chaleureux vécu lors de ce concert!

CDs MUSIQUE & CINEMA

OUTLANDER saison 2

Concepteur : Ronald D.Moore Compositeur : Bear McCreary Sony 88985360202 Cette série existe depuis 2014, elle est tirée des romans écrits par Diana Gabaldon En 1945 une infirmière de guerre, Claire Randall, mariée à un descendant de capitaine des Dragons Frank Randall, se retrouve transportée dans L’Ecosse révoltée de 1743 . Elle y rencontre l’ancêtre de son mari, le capitaine Jack Randall, la rébellion et l'un de ses protagonistes, le fringuant guerrier des Highlands, Jamie Fraser. Cette série en est à sa troisième saison est devient de plus en plus passionnante. Dans cette saison 2 Claire et Jamie Fraser sont dorénavant installés à Paris dans le but d'infiltrer la Cour française pour tenter d'empêcher la Rébellion Jacobite qui causerait la perte des Highlanders... Bear McCreary, ancien élève du grand compositeur Elmer Bernstein a écrit une trentaine de musique à l’image surtout pour des séries de télévision, il a composé une brillante musique pour le thriller apocalyptique « 10 Cloverfield Lane » de Dan Trachtenberg en 2016. Pour écrire la BO de « Outlander »il s’est inspiré des musiques folkloriques et d’instruments écossais et de la musique baroque française pour cette saison 2, bien sûr une musique versaillaise. On a le droit au thème et variations du Te Deum de Charpentier. Sur le cd on a la version française du thème de la série « The Sky Song » interprété par Raya Yarbrough (la version anglaise est aussi sur le cd). La musique sert parfaitement les épisodes qui deviennent de plus en plus compliqués et les romances de plus en plus tortueuses. Tout concours à ce qu’on apprécie ce genre d’histoire et écouter la musique nous remémore les épisodes. Le cd est agréable à écouter. Le livret de présentation de la BO est de toute beauté et intéressant à parcourir.
https://www.youtube.com/watch?v=indwmhe_R2U&list=PLRxX1Jhp-oqW_3UHFdJ6f4O9xVn_prmS6&index=2
Stéphane Loison

MANCHESTER BY THE SEA

Réalisateur : Kenneth Lonergan
Compositrice : Lesley Barber
Milanmusic 399 875-2

Séparée de son épouse Randi, Lee travaille comme concierge dans une ville aussi éloignée que possible de l'endroit où il a grandi. Sa vie est bouleversée quand Joe, son frère aîné, décède brutalement d'un infarctus. Dans son testament, Joe désigne Lee, comme le tuteur légal de son neveu, Patrick, un jeune homme de 16 ans. Père de trois enfants, Lee, dévasté par le chagrin, n'est pas du tout préparé à cette nouvelle responsabilité. D'autant qu'elle implique un déménagement et un retour dans une ville où il a des souvenirs douloureux. Patrick, qui se partage entre deux petites amies et son groupe de rock, a du mal à accepter son nouveau tuteur...
Ce film, loin des blockbusters d’aujourd’hui, rappelle le cinéma hollywoodien des années cinquante, et même celui qui a existé jusque dans la fin des années 70 de part son scénario et de sa mise en scène et qui avaient des acteurs tels que De Niro, Al Pacino, Dustin Hoffman… Casey Affleck tout en retenu dans ce personnage fracassé nous fait se souvenir de ces grands acteurs. Lesley Barber est une compositrice de musique de concert et aussi de séries de télévision. Ici sa musique discrète, même minimaliste fonctionne assez bien avec la narration filmique, par contre les musiques classiques (Haëndel, Albinoni) rajoutent du pathos insupportable. Sur le Cd Manchester by the Sea Chorale montre la pauvreté de cette musique qui dans le film est tout à fait à sa place. Le cd propose aussi les musiques classiques. Donc à part les deux thèmes écrits par Barber, le reste n’a pas grand intérêt. Un disque inutile pour un film fort.
https://www.youtube.com/watch?v=mLPET-b5Hxw&list=PLkInZC30bVbaCQ3kz8o-5X31pBWsKLDyR&index=1
Stéphane Loison

MARS

Réalisateur : Everardo Gout,
Compositeur : Nick Cave, Warren Ellis
Milanmusic 399890-2

La chaîne National Geographic diffusera une série sur Mars qui mélangera les genres. Entre fiction et documentaire, le programme évoquera la colonisation de la planète rouge par les Terriens dans un futur proche. En 2033, six astronautes triés sur le volet sont envoyés sur Mars à bord du Daedalus afin de mettre en place une colonie durable. Au fil des six épisodes, les téléspectateurs découvriront l'incroyable aventure de cette coalition internationale composée des meilleurs scientifiques de la planète en vue d'installer les Terriens sur Mars. Leurs prouesses sur Mars seront coupées par des interviews d'experts en la matière, qui permettront de rendre leur histoire aussi réelle que possible. Des scientifiques, des ingénieurs en aérospatiale et bien d'autres apporteront leurs connaissances sur la planète rouge et son éventuelle colonisation.
La musique est composée par le duo Nick Cave - Warren Ellis. Dès les premières notes on reconnaît leur style et il correspond parfaitement au sujet. On n’a pas de grande surprise dans leur composition sauf lorsqu’ils composent pour grand orchestre. Le disque est très agréable à écouter comme toutes les musiques qu’ils ont composés. Peut-être à trop composer dans la même année, ils se copient. Le thème Mars est chanté par Nick Cave. Un cd pour les fans de Nick Cave et ils sont nombreux.
https://www.youtube.com/watch?v=qCUsIV6Nk-E
Stéphane Loison

LES ENFANTS DE LA CHANCE

Réalisateur : Malik Chibane
Compositeur : Adrien Bekerman
Milanmusic 399 888-2

Juillet 1942. Emmené à l’hôpital de Garches pour une jambe cassée, Maurice Gutman, 12 ans, évite de justesse la rafle qui va emporter sa famille. À l’hôpital, le docteur Daviel lui diagnostique une tuberculose et lui impose un long traitement. Et si cela n’était qu’une ruse pour éviter à Maurice d’être déporté ? Maurice et huit autres jeunes pensionnaires vont vivre, avec le personnel hospitalier, une expérience inoubliable, faite de preuves d’amitié, de solidarité et de courage extraordinaire. Ce sont les enfants de la chance et leur histoire est vraie. On aime les chroniques vraies surtout si elles sont extraordinaires. On est touché, ému par cette histoire, les gamins sont comme souvent spontanés et justes. La mise en scène est classique sauvée par une musique d’Adrien Bekerman d’une grande qualité et efficacité. C’est la première vraie et totale composition de ce jeune compositeur très douée. Les chansons sont chantées par les acteurs du film. La musique d'orchestre est plus sombre. Elle reflète, la rafle, et le climat d'inquiétude qui régnait à cette époque. Le cd rend bien l’atmosphère du film et s’écoute avec plaisir.
https://www.youtube.com/watch?v=Tg0RZS5lAhU
Stéphane Loison

FANTASTIC BEASTS AND WHERE TO FIND THEM

Réalisateur : David Yates
Compositeur : James Newton Howard
Sony 88985385262

New York, 1926. Le monde des sorciers est en grand danger. Une force mystérieuse sème le chaos dans les rues de la ville : la communauté des sorciers risque désormais d'être à la merci des Fidèles de Salem, groupuscule fanatique des Non-Maj’ (version américaine du "Moldu") déterminé à les anéantir. Quant au redoutable sorcier Gellert Grindelwald, après avoir fait des ravages en Europe, il a disparu… et demeure introuvable.
C’est ce roman « Les aventures de Norbert Dragonneau » que lisait Harry Potter et qu’a écrit spécialement pour le cinéma J. K. Rowling. Le film est drôle, spectaculaire, inventif avec des effets spéciaux stupéfiants. Ce n’est pas une resucée des Harry Potter même si le réalisateur en a réalisé trois ! Les acteurs jouent le jeu et la musique de James Newton Howard accompagne les scènes d’action avec brio. Que demander de plus ! Le Cd tient ses promesses, une vraie réussite. La musique du n°2 est déjà prévue !
https://www.youtube.com/watch?v=WBOMpfxsUpk
Stéphane Loison

ALLIED

Réalisateur : Robert Zemeckis
Compositeur : Alan Silvestri
Sony 88985392312

Casablanca 1942.  Au service du contre-espionnage allié, l’agent Max Vatan rencontre la résistante française Marianne Beauséjour lors d’une mission à haut risque. C’est le début d’une relation passionnée. Ils se marient et entament une nouvelle vie à Londres. Quelques mois plus tard, Max est informé par les services secrets britanniques que Marianne pourrait être une espionne allemande. Il a 72 heures pour découvrir la vérité sur celle qu’il aime.

Une histoire traitée mille fois avec ici, en espionne, Marion Cotillard qui est formidable car comme elle n’exprime jamais rien, il est difficile de savoir qui elle est, donc difficile au pauvre Max Vatan de savoir s’il couche avec l’ennemi ! Tout cela est bien mou, un mauvais pastiche des films mythiques hollywoodiens, Zemeckis nous avez habitué à plus haut (The Walk). Alan Silvestri est le compositeur attitré de Zemeckis et il n’a jamais fait de mauvaises musiques, même pour les pires films (ceux de Cannon Group). Ici il fait le boulot. Bien sûr il y a des musiques additionnelles comme celles interprétées par Armstrong, Prima, Goodman. Dans une rue de Casablanca on entend également un air d'Edith Piaf, clin d’œil au film « La Môme » qui consacra Marion Cotillard en 2008. Sur le CD les morceaux d’époque sont transcris. Un disque a mettre à côté des superbes musiques d’Alan Sivestri qui sont nombreuses (« Retour vers le Futur, Qui Veut la Peau de Rogger Rabbit, Abyss, Forrest Gump, The Croods, Van Helsing, The Walk »…)
https://www.youtube.com/watch?v=6ytfmUIuseI
Stéphane Loison

NEMO

Réalisateur : Arnaud Sélignac
Compositeur : Gabriel Yared
Music Box Records MBR-106

Music Box Records présente pour la première fois en CD la bande originale du film fantastique d'Arnaud Sélignac « Nemo » composée par Gabriel Yared.
Sorti en 1984, et interprété par une brochette de stars comme Harvey Keitel, Mathilda May, Nipsey Russell, Carole Bouquet ou Michel Blanc, « Nemo » est une grosse production franco-britannique atypique pour laquelle Gabriel Yared a composé une partition éclectique et onirique. Le thème du rêve est palpable dès le générique, une valse pour piano, cordes et célesta, et qui pourrait s’apparenter à un avion atterrissant avec une douceur souriante au pays des rêves. Par ailleurs, cette partition belle et attachante passe souvent d’un état acoustique/symphonique à un état synthétique - ce qui était la marque de fabrique de Gabriel Yared à cette époque.
Stéphane Loison

THE MURDER OF MARY PHAGAN

Réalisateur : Billy Hale
Compositeur : Maurice Jarre
Music Box MBR 105

En 1915, Leo Frank a été condamné pour le meurtre de Mary Phagan mais son appel à la cour suprême est rejeté à Atlanta. Les pétitions se multiplient pour demander une révision. Seul le gouverneur de Georgie, John Slaton, dont le mandat prend fin, peut intervenir et fait rouvrir l'enquête. pour la première fois en CD la bande originale du film « The Murder of Mary Phagan » (Le Meurtre de Mary Phagan) composée et dirigée par Maurice Jarre en 1988. Basé d'après une histoire vraie, ce film en deux parties, réalisé par Billy Hale et produit par George Stevens Jr., met en scène Jack Lemmon, Richard Jordan, Robert Prosky, Peter Gallagher, Rebecca Miller et Kevin Spacey.
Pour Maurice Jarre, les années 80 ont été particulièrement propices à l'exploration de la musique électronique ainsi que ses combinaisons électro-acoustiques. Sa partition pour « The Murder of Mary Phagan » est un parfait dosage entre une écriture orchestrale (cordes, piano, harmonica...) et des textures électroniques très élaborées (interprétées par quelques grands solistes de l’époque tels que Michael Boddicker, Ralph Grierson, Richard K. Marvin, Judd Miller). La musique de Maurice Jarre se partage entre des ambiances angoissantes, avec ses sonorités dissonantes particulièrement tendues et une approche musicale mélancolique, doté d'un thème principal intimiste et délicat.
Stéphane Loison

L’AMI FRANCOIS D’ASSISE ET SES FRERES

Réalisateurs : Renaud Fély, Arnaud Louvet
Compositeur : Grégoire Hetzel
Cristal Records Cristal -88985388542

À l’aube du XIIIème siècle en Italie, la vie simple et fraternelle de François d’Assise auprès des plus démunis fascine et dérange la puissante Église. Entouré de ses frères, portés par une foi intense, il lutte pour faire reconnaître sa vision d’un monde de paix et d’égalité.

Pour illustrer ce film historique sur la vie de St François d’Assise, le compositeur Grégoire Hetzel s’est acheminé vers une simplicité tantôt chorale, avec les 4 flûtes, tantôt mélodique et sinueuse, ornementale (avec un dialogue entre la flûte, le basson et le cor anglais ou un lent solo de flute), sur des parcours harmoniques plus modernes que néo-classiques ou baroques, tout en cherchant à gagner un sentiment général d’étale, de plénitude, d’élévation, même aux moments les plus tragiques (mort de Dominique, suicide d’Elie, par exemple).

La flûte est très présente, dans l’écriture chorale à 4, en longs solos, ainsi qu’en kaléidoscopes de jeux rythmiques, qui peuvent symboliser à la fois la joie spirituelle et, de loin en loin, le langage stylisé des oiseaux, ces divins compagnons de François. La flûte, par sa sonorité, suffit à évoquer le souvenir du simple bout de roseau qu’elle fut à sa naissance, et à incarner, autant la solitude et le «Souffle» spirituel que la joie des réunions populaires. Deux autres instruments de souffle et de bois viennent s’ajouter, dialoguer avec la flûte : L’élégiaque cor anglais, et les sonorités profondes et masculines du basson.
Stéphane Loison

JACKIE

Réalisateur : Pablo Larrain
Compositrice: Mica Levi
Milanmusic cd 399 877-2 LP 399 879-2

22 Novembre 1963 : John F. Kennedy, 35ème président des Etats-Unis, vient d’être assassiné à Dallas.  Confrontée à la violence de son deuil, sa veuve, Jacqueline Bouvier Kennedy, First Lady admirée pour son élégance et sa culture, tente d’en surmonter le traumatisme, décidée à mettre en lumière l’héritage politique du président et à célébrer l’homme qu’il fut. Outre l’originalité du scénario, l’interprétation superbe de Nathalie Portman et la mise en scène efficace du Chilien, Pablo Larrain (« No »), la bande sonore de Mica Levi interpelle. Cette artiste nous avait déjà impressionné par sa bande sonore de « Under The Skin ». Ici aussi l’originalité de sa composition est une belle expérience musicale. Le film et sa musique ne nous laissent pas insensible. Le Cd est à écouter pour apprécier pleinement les couleurs de cette musique.
https://www.youtube.com/watch?v=zuV659q-TRI
Stéphane Loison

THE CINEMA OF QUINCY JONES

Un coffret de 6 cd
Ecoutez-Voir 537 329-6

Pour la première fois, voici réunies les grandes partitions de cinéma de Quincy Jones, remasterisées en version intégrale. Il a fallu mener un long jeu de pistes pour retrouver et restaurer les bandes masters concernées, pour reconstituer le puzzle d'un fragment de vie entièrement voué à l'écriture pour l'image.
« J'ai voulu écrire des musiques de films dès l'âge de quatorze ans » affirme Quincy. Ce rêve est devenu réalité dix-huit ans plus tard, en 1965, avec « The Pawnbroker » de Sidney Lumet . Le cinéma de Quincy Jones, ce sont sept années d'une grande intensité, une parenthèse enchantée (1965-1972) prolongée par « The Wiz », film de sa rencontre avec Michael Jackson, et surtout « La Couleur Pourpre » de Steven Spielberg. L'étape cinéma va être décisive dans la reconnaissance de son talent : jusqu'alors auréolé d'une réputation d'arrangeur virtuose, c'est Hollywood qui va installer et confirmer Quincy Jones en tant que compositeur. Grâce à des films de cinéastes en devenir (Sydney Pollack, Norman Jewison) mais aussi de grands vétérans (Richard Brooks, Sam Peckinpah). Le cinéma de Quincy Jones, ce sont notamment deux compositions incontournables : « Dans la chaleur de la nuit » porté par l'interprétation de son ami Sidney Poitier et la chanson de Ray Charles et « De sang froid », que le compositeur considère lui-même comme sa bande originale la plus ambitieuse.
https://www.youtube.com/watch?v=8OypVbkPEyU&list=PLB0xGdhVdMlaO4t4IgZkKx94jmPXIjYZy
Stéphane Loison


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LA VIE DE L’EDUCATION MUSICALE


Si vous souhaitez promouvoir votre activité, votre programme éditorial ou votre saison musicale dans L’éducation musicale, dans notre Lettre d’information ou sur notre site Internet, n’hésitez pas à me contacter au 01 53 10 08 18 pour connaître les tarifs publicitaires. maite.poma@leducation-musicale.com
Les projets d’articles sont à envoyer à redaction@leducation-musicale.com
Les livres et les CDs sont à envoyer à la rédaction de l’Education musicale : 7 cité du Cardinal Lemoine 75005 Paris



VIENT DE PARAÎTRE

INITIATION À L’HARMONIE ET À L’INTERPRÉTATION À PARTIR DES POLONAISES DE CHOPIN.
VOLUME 1 Les Polonaises de jeunesse en sol mineur et sib majeur.
22.00 €

INITIATION À L’HARMONIE ET À L’INTERPRÉTATION À PARTIR DES POLONAISES DE CHOPIN.
VOLUME 2 Les Polonaises de jeunesse en lab majeur et sol# mineur
22.00 €

Baccalauréat 2017. Épreuve de musique
LIVRET DU CANDIDAT
19 €


COLLECTION VOIR ET ENTENDRE

Jean-Marc Déhan et Jacques Grindel ont réalisé, dans les années 1980, collection « voir & entendre », qui s'adressait autant aux collèges et lycées qu'aux conservatoires et écoles de musique. Il nous est apparu que cet outil remarquable pouvait, avec quelques compléments, redevenir un outil pédagogique de tout premier plan. Le parti pris a été de réimprimer à l'identique les fascicules, enrichis d'un court dossier pédagogique. Pour chaque titre, des pistes d'utilisation s'ajoutent à celles déjà mises en lumière dans les partitions elles-mêmes.
Il est possible d'utiliser ces partitions :
- pour la lecture de notes
- pour la lecture de rythmes
- pour la dictée musicale ;
- pour le chant, en faisant chanter et mémoriser les principaux thèmes
- pour la formation de la pensée musicale : les thèmes mémorisés, transposés à l'oreille, donneront lieu, le cas échéant, à des autodictées ;
- pour l'analyse musicale et l'harmonie, avec les analyses fines de J.-M. Déhan et J. Grindel reportées sur la partition
- pour l'histoire de la musique grâce aux textes de présentation ;
- enfin, pour l'écoute raisonnée des œuvres en suivant simplement la partition, quitte à faire porter l'audition sur des éléments précédemment indiqués par le professeur qui pourra adapter ces exercices au niveau de ses élèves.
Mais ces partitions sont également destinées aux amateurs éclairés pour qui la lecture des clés d'ut dans les partitions d'orchestre habituelles, ainsi que le casse-tête des instruments transpositeurs sont souvent des obstacles insurmontables.
Souhaitons que cette réédition permette une meilleure connaissance par tous, jeunes et moins jeunes, futurs professionnels ou amateurs éclairés, de quelques œuvres fondamentales du répertoire.


W.A. Mozart. Symphonie n° 40 (K550)1. Allegro Molto – 3. Menuetto
9 €

A. Borodine. Dans les steppes de l’Asie centrale
9 €

H. Berlioz. Symphonie fantastique 5e mouvement
12 €

J.-S. Bach. Cantate BWV 140« Wachetauf, ruft uns die Stimme »
10,50 €


STOCKHAUSEN JE SUIS LES SONS

Ce livre, que le compositeur souhaitait publier dans sa maison d’édition à Kürten, se propose de présenter les orientations principales de la recherche de Karlheinz Stockhausen (1928-2007) à travers ses œuvres, couvrant sa vie et ouvrant un accès direct à ses écrits. Divers domaines investis par le plus grand inventeur de musique de la seconde moitié du xxe siècle sont abordés : composition de soi à travers les matériaux nouveaux ; découvertes formelles et structures du temps ; musique spatiale ; métaphore lumineuse ; musique scénique ; l’hommage au féminin de l’opéra Montag aus Licht ; Wagner, Stockhausen et le Gesamtkunstwerk, œuvre d’art total. Les témoignages des femmes qui l’ont accompagné dressent un portrait vif et saisissant de l’homme, artiste génial qui aimait plus que tout la musique et la recherche compositionnelle au nom du progrès de l’être humain...(suite)

ANALYSES MUSICALES XVIIIè SIECLE - Tome 1

L’imbroglio baroque de Gérard Denizeau

BACH
Cantate BWV 104 Actus tragicus : Gérard Denizeau - Toccata ré mineur : Jean Maillard - Cantate BWV 4: Isabelle Rouard - Passacaille et fugue : Jean-Jacques Prévost - Passion saint Matthieu : Janine Delahaye - Phœbus et Pan : Marianne Massin - Concerto 4 clavecins : Jean-Marie Thil - La Grand Messe : Philippe A. Autexier - Les Magnificat : Jean Sichler - Variations Goldberg : Laetitia Trouvé - Plan Offrande Musicale : Jacques Chailley

COUPERIN
Les barricades mystérieuses : Gérard Denizeau - Apothéose Corelli : Francine Maillard - Apothéose de Lully : Francine Maillard

HAENDEL
Dixit Dominus : Sabine Bérard - Water Music : Pierrette Mari - Israël en Egypte : Alice Gabeaud - Ode à Sainte Cécile : Jacques Michon - L’alleluia du Messie : René Kopff - Musique feu d’artifice : Jean-Marie Thill -

LE NOUVEL OPERA

Publié l'année même de son ouverture, cet ouvrage raconte avec beaucoup de précisions la conception et la construction du célèbre bâtiment. Le texte est remis en pages et les gravures mises en valeur grâce aux nouvelles technologies d'impression.

LEOS JANACEK, JEAN SIBELIUS, RALPH VAUGHN WILLIAMS - UN CHEMINEMENT COMMUN VERS LES SOURCES

Pour la première fois, le Tchèque Leoš Janácek (1854-1928), le Finlandais Jean Sibelius (1865-1957) et l'Anglais Ralph Vaughan Williams (1872-1958) sont mis en perspective dans le même ouvrage. En effet, ces trois compositeurs - chacun avec sa personnalité bien affirmée - ont tissé des liens avec les sources orales du chant entonné par le peuple. L'étude commune et conjointe de leurs itinéraires s'est avérée stimulante tant les répertoires mélodiques de leurs mondes sonores est d'une richesse émouvante. Les trois hommes ont vécu pratiquement à la même époque. Ils ont été confrontés aux tragédies de leur temps et y ont répondu en s'engageant personnellement dans la recherche de trésors dont ils pressentaient la proche disparition. (suite).

LA RECHERCHE HYMNOLOGIQUE

En plein essor à l'étranger, particulièrement en Allemagne, l'hymnologie n'a pourtant pas encore acquis ses titres de noblesse en France. Dans l'esprit de la collection « Guides musicologiques », cet ouvrage se veut une initiation méthodologique. Il comprend une approche de l'hymnologie se rattachant à la musicologie historique et à la théologie pratique, et résume l'historique de la discipline. Pratique et documentaire, il offre aussi de précieuses indications : un large panorama des institutions et centres de recherche, un glossaire conséquent ou les mots clés. et les entrées sont accompagnés de leur traduction en plusieurs langues, et une bibliographie très complète (431 titres) tenant compte du tout dernier état de la question. Outil de travail indispensable, ce livre s'adresse aussi bien aux musicologues, aux théologiens, traducteurs et chercheurs, qu'aux organistes, maîtres de chapelle, chanteurs, et bien entendu, aux hymnologues.

JOHANN SEBASTIAN BACH - CHORALS

Ce guide s’adresse aux musicologues, hymnologues, organistes, chefs de chœur, discophiles, mélomanes ainsi qu’aux théologiens et aux prédicateurs, soucieux de retourner aux sources des textes poétiques et des mélodies de chorals, si largement exploités par Jean-Sébastien Bach, afin de les situer dans leurs divers contextes historique, psychologique, religieux, sociologique et surtout théologique. Il prend la suite de La Recherche hymnologique (Guides Musicologiques N°5), approche méthodologique de l’hymnologie se rattachant à la musicologie historique et à la théologie pratique dans une perspective pluridisciplinaire. Nul n’était mieux qualifié que James Lyon : sa vaste expérience lui a permis de réaliser cet ambitieux projet. Selon l’auteur : « Ce livre est un USUEL. Il n’a pas été conçu pour être lu d’un bout à l’autre, de façon systématique, mais pour être utilisé au gré des écoutes, des exécutions, des travaux exégétiques ou des cours d’histoire de la musique et d’hymnologie. » (suite)

LES 43 CHANTS DE MARTIN LUTHER

Cet ouvrage regroupe pour la première fois les 43 chorals de Martin Luther accompagnés de leurs paraphrases françaises strophiques, vérifiées. Ces textes, enfin en accord avec les intentions de Luther, sont chantables sur les mélodies traditionnelles bien connues. Aux hymnologues, musicologues, musiciens d'Eglise, chefs, chanteurs et organistes, ainsi qu'aux historiens de la musique, des mentalités, des sensibilités et des idées religieuses, il offrira, pour chaque choral ou cantique de Martin Luther, de solides commentaires et des renseignements précis sur les sources des textes et des mélodies : origine, poète, mélodiste, datation, ainsi que les emprunts, réemplois et créations au XVIè siècle... (suite)

LES AVATARS DU PIANO

Mozart aurait-il été heureux de disposer d'un Steinway de 2010 ? L'aurait-il préféré à ses pianofortes ? Et Chopin, entre un piano ro- mantique et un piano moderne, qu'aurait-il choisi ? Entre la puissance du piano d'aujourd'hui et les nuances perdues des pianos d'hier, où irait le cœur des uns et des autres ? Personne ne le saura jamais. Mais une chose est sûre : ni Mozart, ni les autres compositeurs du passé n'auraient composé leurs œuvres de la même façon si leur instrument avait été différent, s'il avait été celui d'aujourd'hui. Mais en quoi était-il si différent ? En quoi influence-t-il l'écriture du compositeur ? Le piano moderne standardisé, comporte-t-il les qualités de tous les pianos anciens ? Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Qui a raison, des tenants des uns et des tenants des autres ? Et est-ce que ces questions ont un sens ? Un voyage à travers les âges du piano, à travers ses qualités gagnées et perdues, à travers ses métamorphoses, voilà à quoi convie ce livre polémique conçu par un des fervents amoureux de cet instrument magique.

CHARLES DICKENS, LA MUSIQUE ET LA VIE ARTISTIQUE A LONDRES A L'EPOQUE VICTORIENNE

Au travers du récit que James Lyon nous fait de l’existence de Dickens, il apparaît bien vite que l’écrivain se doublait d’un précieux défenseur des arts et de la musique. Rares sont pourtant ses écrits musicographiques ; c’est au travers des références musicales qui entrent dans ses livres que l’on constate la grande culture musicale de l’écrivain. Il se profilera d’ailleurs de plus en plus comme le défenseur d’une musique authentiquement anglaise, forte de cette tradition évoquée plus haut. Et s’il ne fallait qu’un seul témoignage enthousiaste pour décrire la grandeur musicale de l’Angleterre, il suffit de lire le témoignage de Berlioz (suite)


Les analyses musicales de L'Education Musicale

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