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Janvier-Février 2011 - n° 569
novembre-décembre 2010
n° 568
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Supplément Bac 2011
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septembre-octobre 2010
n° 567
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Sommaire :
1. Editorial : "Eloge de la diversité..."
2. Sommaire du n° 569
3. Informations générales
4. Varia
5. Manifestations et concerts
6. Marcel Proust pastichant Pelléas...
7. Annonces de spectacles, concerts, expositions
8. Chronique helvétique
9. Recensions de spectacles et concerts
10. L'édition musicale
11. Bibliographie
12. CDs et DVDs
13. La vie de L’éducation musicale
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Éloge
de la diversité…
Fort
dissemblables certes, mais également passionnantes pour tout
mélomane à l’esprit quelque peu curieux, sont les
mutations que connurent, et connaissent encore, aussi bien le Quatuor
à cordes, figure emblématique de la musique
occidentale, que la Chanson française - celle-ci sous les
effets conjugués de prodigieuses avancées
technologiques. Problématiques qui rejoignent
opportunément deux thèmes au programme de l’agrégation
de Musique, en 2011-2012…
Ainsi
avons-nous demandé à Bernard Fournier, savant auteur
d’une monumentale étude sur l’esthétique &
l’histoire du quatuor à cordes (Fayard), de bien vouloir
ramener, pour nous, les quelque 5 000 pages de son grand
œuvre à… une douzaine de pages – admirable
synthèse d’une parfaite clarté. Cet article
phare est ici assorti d’une étude, signée Marie
Delcambre-Monpoël, sur l’influence décisive, chez
le chambriste Webern, de la pensée de Schoenberg.
Ainsi
Céline Chabot-Canet, éminente spécialiste de la
chanson contemporaine, brosse-t-elle, pour sa part, un minutieux
panorama des bouleversements – notamment sociologiques -
induits, dans tous les champs de la variété, par
l’apparition du microsillon.
Sans
préjudice, sous la plume de Sylviane Falcinelli, d’un
hommage au grand Henryk Górecki, récemment
disparu, et d’un entretien avec le merveilleux musicien qu’est
le violoncelliste Henri Demarquette. Hélène Jarry,
quant à elle, aura longuement interrogé Laurent Guirard
à propos de l’ouvrage collectif dont il a pris
l’initiative autour de La Perception de la musique,
opus majeur de Robert Francès, dont il serait
peut-être enfin temps de tirer toutes les conséquences…
Excellente
année à tous, chers lecteurs !
Francis
B. Cousté.
Haut
Le
quatuor, figure emblématique de la musique occidentale
Bernard
Fournier
Reflets
et extension de la pensée schoenbergienne dans les quatuors à
cordes de Webern
Marie
Delcambre-Monpoël
La
chanson française : microsillon et macromutations
Céline
Chabot-Canet
Henryk
Górecki, une voix sacramentelle s’élevant sur les
débris d’une civilisation en fureur
Sylviane
Falcinelli
Henri
Demarquette ou l’émerveillement du lyrisme
Sylviane
Falcinelli
Entretien
avec Laurent Guirard
Hélène
Jarry
La
grille d’Hélène Jarry
***
« Diaphonique », Fonds
franco-britannique pour la musique contemporaine, vient d’être créé par la
Sacem, le Bureau Export de la musique française, l’Institut français du
Royaume-Uni & la Fondation des Amis de l’Institut français.
Fonds doté de 100 000 £/an. Membres d’honneur du Comité :
George Benjamin, Pierre-Laurent Aimard. Renseignements : Françoise Clerc, coordinatrice : +44 (0)
207 073 1319. www.diaphonique.org
The Grammy Awards. Dans la catégorie « Œuvres de
musique contemporaine composées au cours des vingt-cinq dernières années &
enregistrées pour la première fois en 2010 » (106e catégorie),
ont été distingués :
·
Michael Daugherty [notre photo] : Deus ex Machina (Naxos)
·
Hans Werner Henze : Appassionatamente
Plus (Cybele Records)
·
Magnus Lindberg : Graffiti (Ondine)
·
Arvo Pärt : Symphony
n°4 (ECM New Series)
·
Rodion Shchedrin : The Enchanted Wanderer (Mariinsky)
Renseignements : www.grammy.com
©Grant Leighton
« Concours international de bel canto Vincenzo Bellini ». La 1re édition
de ce concours franco-italien - organisé en jumelage avec la ville de Catane,
cité natale du compositeur - s’est déroulée, le samedi 18 décembre 2010, à
Puteaux, au Théâtre des Hauts-de-Seine. Parmi les 13 candidats, ont
obtenu le Prix Bellini (5 000 €) : Pretty Yende (Afrique du Sud) / le Prix de la Ville de Puteaux (3 000 €) : Saioa Hernandez (Espagne) / le Prix spécial d’interprétation d’une œuvre en
français (1 500 €) : Júlia Farrés (Espagne). Présidé
par Alain Lanceron, le jury était composé de June Anderson,
Philippe Entremont, Vincenzo De Vivo, Gioacchino Lanza Tomasi, Enrico Castiglione,
Daniel Borniquez et Sergio Segalini.
Pretty
Yende ©DR
Célébrations nationales en 2011 : Philippe de Vitry
(1291-1361), Louis Couperin (ca 1626-1661),
Création de l’Académie royale de danse (mars 1661), Jean-Joseph Cassanéa
de Mondonville (1711-1772), Franz Liszt (1811-1886), Aristide
Cavaillé-Coll (1811-1899), Premier concert populaire organisé par
Jules Pasdeloup (27 octobre 1861), Début de la construction de
l’Opéra (été 1861), Jehan Alain (1911-1940), Marguerite Monnot
(1903-1961)… [En 2012, sera notamment célébré le 150e anniversaire
de la naissance de Claude Debussy (1862-1918). ]
L’orgue, par
Jehan Alain ©DR
Le violoniste chinois Lynn Chang a joué à Oslo, le 10 décembre 2010,
lors de la cérémonie en l’honneur du Liu Xiaobo, lauréat du Prix Nobel
de la Paix, dissident incarcéré en Chine. « Where words end, music begins » aurait assuré le violoniste.
©Boston Globe
Fusion d’organisations chorales. Europa Cantat (Fédération
européenne des jeunes chorales) & l’Agec (Arbeitsgemeinschaft Europäischer
Chorverbände) forment, depuis le 1er janvier 2011, la
principale organisation pan-européenne, à but non lucratif, dédiée à
l’éducation et aux échanges culturels, dans le domaine de la musique vocale,
entre jeunes et adultes. Elle se nomme désormais : European Choral Association-Europa Cantat ;
son siège est à Bonn. Ci-dessous (de gauche à droite) : Jeroen Schrijner
(président d’Europa Cantat), Michaël Scheck (président de l’Agec) et
Sante Fornasier (président du nouvel organisme). Renseignements : +49 228 9125663. www.eca-ec.org
©DR
Le ténor suisse Hugues Cuénod, admirable interprète de la mélodie
française (il travailla longtemps avec Nadia Boulanger), est décédé le 3
décembre 2010, à l’âge de 108 ans. Il est ci-dessous photographié à
Glyndebourne, où il se produisait régulièrement.
Hughes
Cuénod ©Corbis
L’Association internationale d’éducation musicale Willems
[AIEM Willems] organise un week-end à la Cité des Arts, Paris IVe. Le
samedi 15 janvier 2011 (14h00-20h30) : Préparation
au diplôme Willems. Le dimanche 16 janvier 2011 (9h00-12h00 et
13h30-16h30) : L’improvisation
vocale & instrumentale dans l’éducation musicale : de la pratique
personnelle à la pratique pédagogique. Avec Christophe Lazerges. Renseignements : Cité internationale des arts – 18, rue de l’Hôtel-de-Ville, Paris IVe.
Tél. : 06 62 33 44 98. www.aiem-willems.org
Edgar
Willems ©DR
L’Association française d’expansion musicale [AFEM] organise, le samedi
19 mars 2011, à la Schola Cantorum de Paris, une Journée d’information
dont voici le détail :
9h30 : Accueil / 9h45 : Bienvenue (par Jean Leduc, président de l’AFEM) / 10h00 : Une didactique de l’éveil musical à travers
la voix & l’opéra (par Rita Ghosn, compositrice, avec Jeune public) /
11h30 : Débat //
14h00 : La dynamique naturelle de la
parole dans les milieux traditionnels, d’après les travaux de
Marcel Jousse (par Yves Beauperin, directeur de l’Institut
européen de mimopédagogie) / 15h30 : Débat / 16h00 : Fin
de la Journée. Renseignements : 269, rue
Saint-Jacques, Paris Ve. Tél. : 01 43 54 15
39. www.schola-cantorum.com
Rita Ghosn ©DR
Le « Quatuor de la Paix » a été créé, en
2004, à l’initiative de Brian Lisus, célèbre luthier sud-africain, pour
commémorer le 10e anniversaire de l’instauration de la
démocratie dans son pays et honorer les quatre « Prix Nobel de la
Paix » attribués à des Sud-Africains : Albert Luthuli,
Desmond Tutu, Frederik de Klerk et Nelson Mandela. Chaque
instrument porte le nom de l’un des lauréats. Successivement confiés à diverses
formations, ces instruments seront joués tout autour du monde, afin de réunir
des fonds en faveur, notamment, de Peace String, Musiquelaine et Musequality,
associations œuvrant pour le développement & la promotion de l’éducation
musicale auprès d’enfants défavorisés. Sous le haut patronage de Frédéric
Mitterrand, ministre de la Culture, et de l’actrice Charlotte Rampling, le
Quatuor de la Paix est actuellement accueilli en résidence par le Comité
national pour l’éducation artistique (CNEA), au Grenier des
Grands Augustins, ancien atelier de Picasso. Renseignements : 7,
rue des Grands Augustins, Paris VIe. Tél. : 01
43 54 09 00. www.cnea.fr/pages/grenier.html & www.quartetofpeace.com
Au compositeur Alexandre Tissier (1970-2005) est désormais
dédié un émouvant site-souvenir : www.alexandre-tissier.fr
©DR
***
Haut
Académie Charles-Cros. Le pianiste Benoît
Delbecq [notre photo] a remporté le Grand Prix du disque de jazz de cette
prestigieuse académie, pour ses albums The
Sixth Jump et Circles and
Calligrams, édités chez Songlines (www.songlines.com),
distr. Abeille Musique. Renseignements : www.charlescros.org
©Roderick
Packe
Jazz au Centre national de la danse (CND) : du
jeudi 27 au dimanche 30 janvier 2011. Quatre journées pour voir, parler,
penser & danser jazz : grande leçon, table ronde, rencontres, spectacle,
ateliers, projection, stage, jam session. Renseignements : 1,
rue Victor-Hugo, 93500 Pantin. Tél. : 01 41 83 98 98. www.cnd.fr
©Anne-Sophie
Voisin
La Fédération nationale des Centres musicaux ruraux (CMR) organise, le lundi 31 janvier 2011, à « La Cartonnerie » de
Reims, une Journée sur le thème : La
musique et le groupe. 10h00-12h30 : « La place des
pratiques de groupe dans l’enseignement de la musique ».
14h00-17h30 : « Le musicien-conseil & les dispositifs
d’accompagnement des groupes constitués ». Un débat clora chaque
séance. Renseignements : 84, rue du Docteur-Lemoine,
51100 Reims. Tél. : 03 26 36 72 40. www.lescmr.asso.fr
5th Bucharest International Jazz
Competition (for Bands & Vocalists). Ce
concours se déroulera du 7 au 13 mai 2011. Les compétiteurs devront être
nés après le 1er mai 1976. Date limite d’inscription :
10 février 2011. Renseignements : +40 740 759 566. www.jmevents.ro
La partition de Fanfare for
the Common Man d’Aaron Copland, œuvre au programme du baccalauréat 2011,
est désormais disponible, en fascicules séparés (pour ensemble de cuivres /
pour piano), aux éditions Boosey & Hawkes. Renseignements : www.boosey.com
Salon du Piano. Sa 1re édition aura lieu au Cent
Quatre (5, rue Curial, Paris XIXe), les 9, 10 et 11 septembre
2011. Sur 4 000 m² (nef Curial) + 2 auditoriums
modulables. Renseignements : 06 14 15 62 68. www.salon-du-piano.fr
À propos du 2nd Quatuor
à cordes de Leoš Janáček. Vidéo avec le Quatuor Mandelring
(7’14). Présentation par Gunter Teuffel, viole d’amour (en allemand,
sous-titres en anglais) : www.youtube.com/watch?v=suLdTwsNRVk&feature=player_embedded
©DR
Cité de la musique, live. Concerts
donnés à la Cité de la musique & à la Salle Pleyel. À suivre sur : www.citedelamusiquelive.tv
Le « Cercle lyrique de Metz » étend ses activités ! Il
est particulièrement actif dans le domaine de la connaissance et de la
diffusion de l’art lyrique. Outre qu’il édite, chaque saison, des
opuscules analytiques détaillés sur chacune des productions données à l’Opéra-Théâtre
de Metz, et qu’il renouvelle tous les ans son cycle de conférences lyriques, il
vient d’éditer les Actes du colloque du 30e anniversaire de sa fondation, qui réunit neuf
communications faites par des spécialistes. L’association vient de signer
un contrat de donation avec les Archives municipales de la ville, portant sur
une collection de 195 plaquettes éditées depuis 25 ans ainsi qu’une
dizaine de volumes de l’ouvrage d’art de son président, Georges Masson, sur le 250e anniversaire de la
fondation de l’Opéra-Théâtre de la ville, le plus ancien théâtre de France en
activité. Le CLM a créé un site et un blog Internet, véritable journal
lyrique retraçant l’activité musicale et lyrique de toute la région (critiques
d’opéras, rubriques diverses, intégrales des livrets d’opéras, ainsi que des
dossiers sur l’avenir de l’opéra & de l’opérette à Metz, et de l’Orchestre
national de Lorraine, sur le prochain bicentenaire d’Ambroise Thomas
compositeur originaire de Metz, etc.). Il a multiplié ses partenariats
avec des institutions musicales et culturelles de la région, participe à des
émissions radiophoniques et télévisées, organise des voyages d’été dans les
grands festivals, et soutient des actions en faveur de la pérennité du
répertoire chanté sous sa devise : « Défense et illustration d’un répertoire de cinq siècles, de Monteverdi
à la création contemporaine ».
*www.associationlyriquemetz.com
Opéra-Théâtre
de Metz ©Jean-Pierre Pister
***
Haut
« L’Orchestre mondial
pour la paix » de l’Unesco se produira - pour la 1re fois
dans le monde arabe - le 4 janvier 2011, en ouverture du Festival
d’Abu Dhabi (capitale des Émirats arabes unis). En présence de
Son Excellence Mme Hoda Al Khamis Kanoo, fondatrice &
directrice artistique du Festival, des musiciens - issus de 30 pays
différents & de 62 orchestres nationaux - interpréteront, sous la
direction de leur chef Valery Gergiev [notre photo], l’Ouverture de Guillaume Tell de Rossini, la 1re Symphonie de
Prokofiev et la 5e Symphonie de Tchaïkovski. Renseignements : www.admaf.org ou : www.abudhabifestival.ae
©DR
Le trio argentin AlmaViva (Mónica Taragano,
flûte / Pablo Márquez, guitare / Ezequiel Spucches, piano) se produira
les vendredis 7 et 21 janvier, à 20h00, au Studio « Le Regard du
Cygne ». Avec le concours de : Laure Gouget (récitante),
Monica Taragano, Johanne Mathaly & Philippe Mouratoglou
(musiciens). Œuvres d’Astor Piazzolla et Ezequiel Spucches. Renseignements : 210, rue de Belleville,
Paris XXe. Tél. : 09 71 34 23 50. www.leregarducygne.com/musique.html
©DR
Récital
de musique française, par Romain Descharmes. Le 17 janvier 2011, à 20h00,
à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, le pianiste interprétera Ravel (Valses nobles et sentimentales),
Chabrier (Pièces pittoresques),
Debussy (Études), Dubois (Sonate en la mineur). Renseignements : 7, rue
Boudreau, Paris IXe. Tél. : 01 53 05 19 19. www.athenee-theatre.com
« Prades
aux Champs-Élysées ». Le 26 janvier 2011, à 20h00.
Au programme : S. Prokofiev : Ouverture sur un thème juif. P. I. Tchaikovsky : Souvenir de Florence op. 70.
A. Dvořák : Quintette avec
piano en la majeur op. 81.
Avec Brigitte Engerer (piano), Svetlin Roussev &
Hagai Shaham (violons), Bruno Pasquier &
Vladimir Mendelssohn (altos), Arto Noras & Jérôme Pernoo (violoncelles),
Michel Lethiec (clarinette). Concert diffusé en direct sur
France Musique. Renseignements : 01 49 52 50 50. www.theatredeschampselysees.fr ou www.prades-festival-casals.com
Pablo
Casals ©DR
Shadoks & Cie… en musique ! Proposé par
« La Péniche Opéra », du 19 au 22 janvier 2011, ce voyage
musical comporte trois épisodes : Les Shadoks et la cosmopompe de Denis Chouillet
(plus Sports et divertissements d’Erik Satie
et L’Histoire de Babar de
Francis Poulenc) / Les Shadoks pompent à rebours de Denis Chouillet (plus Chanson dada de Tristan Tzara, Comic Strip de
Kathy Berberian, etc.) / Les Shadoks et l’aréonautique (plus Le vilain petit canard de
Serge Prokofiev et La Boîte à
joujoux de Claude Debussy). Renseignements : 46, quai
de la Loire Paris XIXe. Tél. : 01 53 35 07
77. www.penicheopera.com
La pianiste finlandaise Tuija Hakkila, professeur à l’Académie Sibelius d’Helsinki,
donnera, à l’Institut finlandais de Paris, une série de masterclasses (du
mardi 25 au vendredi 28 janvier 2011, de 10h00 à 18h00) et un concert (le
vendredi 28 janvier 2011, à 20h00). Autour de, notamment : Sibelius,
Saariaho, Lindberg et Salonen. Renseignements : 60, rue des
Écoles, Paris Ve. Tél. : 01 40 51 89 09. www.institut-finlandais.asso.fr
©DR
La 4e édition des « Journées
internationales du Film sur l’Art » (JIFA) se déroulera, à l’Auditorium du Louvre, du mercredi 26 janvier au samedi 5
février 2011. Avec, notamment, le vendredi 28 janvier, à 14h00, la
projection du film suisse Ya Sharr Mout,
réalisé autour du compositeur, guitariste & luthiste libanais
Mahmoud Turkmani (Prix du meilleur portrait FIFA 2010).
Projection suivie d’un concert d’oud par Mahmoud Turkmani et d’une
rencontre avec l’artiste. Renseignements : 01 40 20 55
55. www.louvre.fr
©DR
Conservatoire à rayonnement régional
d’Aubervilliers-La Courneuve (CRR 93). Le vendredi
28 janvier, à 19h30, en l’Auditorium Erik Satie, l’Ensemble S:IC - avec la participation
de la chanteuse Donatienne Michel-Dansac & d’élèves du Pôle Sup’93 –
se produira dans « Exils intérieurs » :
œuvres de Stravinski, Berio, Feldman, Carter et Aperghis. Le vendredi
11 février, à 19h30, après que les élèves du département Voix du CRR
auront assuré la première partie, l’Ensemble Sequenza 9.3,
dir. Catherine Simonpietri, interprétera des œuvres de
Esa-Pekka Salonen, Anders Hillborg &
Einojuhani Rautavaara. […] Renseignements : 13,
rue Réchossière, 93300 Aubervilliers. Tél. : 01 48 11 04 60. www.conservatoireregional93.fr
« La Folle Journée de Nantes 2011 » se déroulera en
région des pays de Loire (du 28 au 30 janvier) et à Nantes/La Cité (du 2
au 6 février). Thème : Les
Titans (Johannes Brahms, Max Bruch, Max Reger, Anton Bruckner, Gustav
Mahler, Hugo Wolf, Alexander Zemlinsky, Richard Strauss, Arnold Schönberg,
Alban Berg, Anton Webern, Richard Strauss, Paul Hindemith, Carl Orff, Hanns Eisler,
Franz Liszt, Johann Strauss II, Richard Wagner). Renseignements :0892
705 205. www.follejournee.fr
« Maldoror » mis en rock… Spectacle théâtral
& musical autour des Chants du
comte de Lautréamont, conçu et interprété par Malo de La Tullaye
(comédien) et Sébastien Lanson (musicien, guitare électrique). Tous
les jeudis et samedis, à 19h00, du 13 janvier au 26 mars 2011, au
Guichet Montparnasse. Renseignements : 15, rue du
Maine, Paris XIVe. Tél. : 01 43 27 88 61.
« Mardi Graves 2011 », 17e édition du Festival
des instruments graves, se déroulera du 6 au 19 février, de Perpignan à Montpellier,
via Agde, Béziers, Narbonne, Lavérune & Saint-Jean de Védas.
L’octobasse de Nicola Moneta en sera l’invitée-vedette. Renseignements : 6, rue Saint-Guilhem, 34000 Montpellier. Tél. : 06 32 42
31 50. http://mardigraves.free.fr
Octobasse ©DR
Francis Cousté.
***
Haut
Quand Marcel Proust écrivait à Reynaldo Hahn, à propos de Pelléas et
Mélisande...
« Je vous avais fait un
joli petit pastiche de Pelléas...
C'est Pelléas et Markel qui sortent de soirée et qui ne peuvent retrouver leur
chapeau [il faut chanter en même temps] :
Pelléas
(dans l'antichambre) :
- Il faisait là-dedans une atmosphère
lourde et empoisonnée. J'ai cru plusieurs fois que j'allais me trouver
mal. Et maintenant tout l'air de toute la terre ! (très doux) On dirait que ma tête commence à
avoir froid pour toujours.
Markel :
-
Vous avez, Pelléas, le visage grave et plein de larmes de ceux qui sont
enrhumés pour longtemps. Ne cherchez plus ainsi. Nous ne le
retrouverons pas. On ne retrouve jamais rien ici. Quelqu'un qui
n'est pas d'ici l'aura emporté. Il est trop tard. Mais comment
était-il ?
Pelléas :
- C'était un pauvre petit chapeau comme en
porte tout le monde ! On n'aurait pu dire de chez qui il venait.
Il avait l'air de venir du bout du monde.
Markel :
- Nous n'en retrouverons plus d'autre maintenant.
C'est une chose terrible, Pelléas. Mais ce n'est pas notre faute.
Pelléas :
- Quel est ce bruit ?
Markel :
- Ce sont les voitures qui s'en vont.
Pelléas :
- Pourquoi s'en vont-elles ?
Markel :
- Nous les aurons effrayées. Elles
auront su que nous nous en allions très loin. Elles ont eu peur et elles
sont parties. Elles ne reviendront pas.
Tu comprends, mon cher Binibuls,
ils vont revenir sans chapeau et sans voiture. C'est embêtant. »
Marcel Proust.
***
J
La Folle journée de Nantes
2011 : « Les Titans », de Brahms à Strauss
L'édition 2011 de la grande fête musicale
qu'est La Folle Journée de Nantes,
se veut ambitieuse. Sous le thème rassembleur « Les Titans »,
elle se propose de couvrir pas moins de 100 ans de musique allemande,
entre 1850 et 1950. Autrement dit, une large part du répertoire
germanique postromantique, puisqu'on y trouvera aussi bien Brahms et ses
héritiers, un Reger par exemple, que l'innombrable cohorte des compositeurs
dans le sillage de Wagner : Mahler, Wolf, Zemlinsky ou encore
Richard Strauss ; mais aussi les musiciens de l’École de Vienne,
Schönberg, Berg et Webern, laquelle influencera à son tour des compositeurs
comme Hindemith ou Eisler. C'est dire qu'on croisera, à Nantes, bien des
figures essentielles comme des personnages moins connus. Et que
pratiquement tous les genres musicaux seront illustrés : la musique
symphonique ou concertante (comme l'envoûtant Concerto pour violon de Berg « À la mémoire d'un ange », ou Burlesque de
Strauss) ; mais aussi, bien sûr, le répertoire chambriste tant mis à l'honneur
durant cette période : Brahms le déclinera sous les formes les plus
variées (trios, quatuors à cordes, quintettes à cordes, pour piano, ou pour
clarinette), comme Schönberg dans son sextuor La nuit transfigurée.
La musique vocale sera aussi largement représentée (Un Requiem allemand ou Via Crucis de Liszt, sans oublier les pages que Schönberg a
dédiées à la formation chorale). Le piano se taillera, bien sûr, une part
de choix, dès lors que l'on sait que René Martin, créateur de la Folle journée,
lui porte une attention toute particulière.
À la palette extrêmement large des œuvres
proposées, répond - comme toujours à Nantes - un éventail d'interprètes
immenses et prestigieux. Le credo est ici d'offrir une programmation
rigoureuse fondée sur des bases artistiques exigeantes : une bonne
quarantaine de pianistes, confirmés ou jeunes prodiges de l'école française ou
espagnole, des violonistes et cellistes de renom, des instrumentistes jouant
bois ou cuivres, comme une belle affiche d'ensembles de chambre ; mais
aussi des chanteurs et formations de chant choral. Les orchestres
symphoniques ne seront pas en reste : aux côtés des habitués, on citera un
nouveau venu, l'Orchestre de la Résidence de La Haye que conduira
Neeme Järvi. On n'aura garde d'oublier les conférences, fort
prisées, animées par d’éminents musicologues qui feront revivre personnages
hors du commun ou thèmes porteurs de la musique de cette époque, comme les
manifestations de musique traditionnelle, complétant un panel riche et varié.
Renseignements : Du 2 au 6 février
2011, à la Cité de Nantes (ex-Palais des Congrès). Ouverture de la
location : le samedi 8 janvier 2011 à partir de 8h00, aux guichets de La
Cité-Nantes. Tél. : 08 92 705 205 (à partir du 10
janvier, de 9h00 à 19h00). Internet : www.follejournee.fr (le 9 janvier, à
partir de 10h00). Scolaires accompagnés : réservation par téléphone,
à partir du samedi 11 janvier, au : 02 51 88 21 38 (de 10h00 à 18h00, du
lundi au samedi).
Exposition :
« L'ère Liebermann à l'Opéra de Paris »
©Michel Szabo
Comment ne pas se souvenir avec émotion de
ces années fastes qui marquèrent l'ère Liebermann à l'Opéra de Paris.
Pour commémorer le centenaire de sa naissance, l'Opéra de Paris et la BnF
honorent d'une exposition compréhensive celui qui restera l'un des plus grands
directeurs de théâtre du XXe siècle. De 1973 à 1980, durant
les sept années de ce que l’on a appelé à l'époque « un festival
permanent », Rolf Liebermann
(1910-1999) aura réhabilité la scène lyrique parisienne en montant des
productions somptueuses dont certaines sont considérées comme mythiques, telles
ces Nozze di Figaro qui ouvrirent son mandat ;
mais aussi redonné au ballet ses couleurs, en nouant des relations avec les
grands chorégraphes de son temps. Musicien lui-même, passionné de l'art
du théâtre surtout, Liebermann aura construit une direction dynamique et
innovante. S'entourant d'une équipe restreinte, dont Sir Georg Solti
comme directeur musical, il fera appel aux grands noms de la mise en scène du
moment, les Strehler, Ponnelle, Lavelli (un Faust d'anthologie),
Losey ou Chéreau. Les Contes d'Hoffmann consacreront
les premiers pas de celui-ci à l'opéra, avant son Ring visionnaire à Bayreuth.
Une piqure de rappel viendra avec la « création » de Lulu, dirigée par Boulez ; là aussi,
un événement considérable. Une de ses grandes fiertés sera d'avoir convaincu
Olivier Messiaen d'écrire pour l'opéra. Et si le colossal Saint
François d'Assise ne sera créé à Garnier qu'en 1983, c'est à Liebermann
qu'on en doit l'initiative. Durant son règne, les chanteurs les plus
prestigieux devaient affluer place de l'Opéra.
©Arthaus
L'exposition retrace les diverses étapes du
parcours parisien de Rolf Liebermann comme les diverses facettes de ce
qu'il y a été, l'administrateur, le directeur artistique, mais aussi le
politique qui comprit avant bien d'autres que la situation économique rendait
nécessaire une mutualisation des moyens entre maisons d'opéra. Documents,
photos, maquettes de décors, costumes de ses diverses productions font revivre
cette ère qui, eu égard au renouveau du répertoire comme à celui de la création,
réveilla « la grande boutique » et lui restitua tout son prestige.
Un superbe ouvrage-catalogue, sous la direction de Mathias Auclair et de
Christophe Ghristi, prolonge l'intérêt de cette passionnante rétrospective
(éditions Gourcuff Gradenigo, volume relié, 24 x 28 cm, 304 p.,
nombreuses illustrations n&b et couleurs).
Renseignements : Bibliothèque-musée
de l'Opéra, Palais Garnier, place de l'Opéra, Paris Ier.
Jusqu'au 13 mars 2011, tous les jours de 10h00 à 17h00 (sauf fermeture
exceptionnelle). Tél. : 08 92 89 90 90 ou : 08 25 05 44 05
(pour les groupes).
Jean-Pierre Robert.
***
Guillaume Tell curieusement revisité à l'Opernhaus de Zurich
©Opernhaus Zürich
Créé
en 1829 à l'Opéra de Paris qui le lui avait commandé, Guillaume Tell sera le chant du cygne de Rossini à la scène lyrique. Conçu dans la veine seria, quoique unique dans sa
production par la synthèse opérée de sa manière italienne et du style
dramatique français, cet ultime opus devait ouvrir la voie au grand opéra
français qui dominera la scène durant une large partie du XIXe siècle.
La pièce épique Wilhelm Tell de Schiller que reprend l'opéra est,
certes, adaptée par des librettistes pas toujours inspirés pour évoquer la
lutte pour la liberté de trois cantons suisses cherchant à se dégager du joug
autrichien. Mais Rossini y trace une large fresque évoquant la grandeur
et l'harmonie de la nature, de même que ce pittoresque presque réaliste que
transfigure la capacité narrative de sa musique. La mise en scène conçue
pour l'Opernhaus de Zurich par Adrian Marthaler - à ne pas confondre avec
l'autre Marthaler, Christoph, familier de l'ère Mortier à Salzbourg -
amplifie l'anecdotique au point d'accentuer ce qui, dans cet opéra, n'est déjà
pas des plus concis. Dans une imagerie tournant résolument le dos à
quelque vision historique, l'action est abordée de manière « distancée » :
replacée parmi le peuple suisse d'aujourd'hui lequel, au milieu de figurants,
assiste amusé ou attendri au déroulement de cette histoire médiévale
curieusement datée qui naguère forgea son identité. La célèbre Ouverture
est théâtralisée, montrant une sorte de tableau panoptique de la société
actuelle avec ses jeunes ressemblant à leurs confrères de partout, son
troisième âge fort éclopé, ses éléments multiraciaux. Les clichés vont
abonder ensuite et rien ne sera épargné, du couteau suisse, de la cloche de
vache et autre emballage Toblerone, jusqu'à la statue de Tell et de son
fils grandeur nature. Les représentants de l'oppresseur, vêtus de
treillis, brandissent leur emblème frappé au bleu étoilé de quelque drapeau
européen ; clin d'œil appuyé à la politique isolationniste confédérale.
Sans parler du sosie de Rossini qui, de temps à autre, pose sur tout cela un
regard bienveillant ou interrogateur.
©Opernhaus Zürich
Reste
que cette régie postbrechtienne qui manie une dérision pesante, héritée du
regietheater qu'aime à privilégier la scène zurichoise, impose une relecture
arbitraire de l'action, plus qu'elle ne n'explicite. Et il n'est pas certain
qu'elle fasse réfléchir. Tout au plus surprend-elle, à en juger par
l'hilarité du public devant l'incongruité de certains traits.
Curieusement, elle flirte avec la pure convention en matière de direction
d'acteurs. Gianluigi Gelmetti, un spécialiste de l'œuvre, lui
apporte dans la fosse le lustre qui lui fait défaut sur scène : sûre
maîtrise de l'ambitus mélodique, flair pour monter les fameux crescendos,
ménager les effets de spatialité sonore, doser les vastes ensembles
concertants. La distribution est inégale : si Michele Pertusi
possède présence et voix de baryton héroïque lui permettant de soutenir le
rôle tendu de Tell, et Eva Mei une ligne de chant à peu près adaptée au
rôle grandiose de Mathilde, le ténor Antonio Siragusa déçoit par un timbre
ingrat. Il n'a ni la mesure ni l'ampleur vocale de la partie exigeante
d'Arnold, située aux confins du bel canto et de la grande déclamation
française. Le chœur de l'Opernhaus, n'était une piètre intonation
française, défend avec conviction ce qui, dans cet opéra, participe au plus
haut point de l'action collective.
Quand Puccini s'attache à peindre le Far West
©Opernhaus Zürich
Giacomo
Puccini savait comme peu choisir le sujet de ses opéras. Après Madame Butterfly,
il s'attaque à un autre thème exotique, cette fois puissant et dense. La Fanciulla del West narre la vie des chercheurs d'or de
l'Amérique du milieu du XIXe siècle dont l'existence, somme
toute routinière, est soudain troublée par l'arrivée inopinée d'un bandit de
grand chemin. Celui-ci cherche refuge dans le camp et s'éprend de Minnie,
la barmaid, qui tient son monde de main de maître, maniant aussi bien le pistolet
que le verre de whisky, mais est aussi la bonne étoile des mineurs, auxquels
elle inculque les leçons de la Bible. Comme dans Tosca, on retrouve la lutte triangulaire entre deux hommes et une
femme : Dick Johnson, le bandit, mais aussi le shérif Jack Rance
se disputent les faveurs de la belle. L'intrigue, relativement simple
mais efficace, sertit ce que les passions humaines ont d'exacerbé. Elle
réserve musicalement une extrême tension et ces coups de théâtre dans lesquels
excelle Puccini ; telle l'entrée de Minnie au Ier acte,
sur fond de tumulte, créant un brusque changement d'atmosphère ; tout
comme l'arrivée de Musetta au dernier acte de La Bohème. Elle
connaîtra une fin heureuse, car la vie du bandit aimé, gagnée aux cartes par
Minnie, est sauvée par elle de la vengeance du shérif et des mineurs auxquels
elle explique les vertus du pardon. On craignait que la production de
l'Opernhaus de Zurich, signée David Pountney, ne réserve quelque relecture
radicale. Point du tout : cette reprise de sa mise en scène de 1998
propose une vision d'un juste réalisme et d'une dramaturgie efficiente, dont
l'élément original est de concevoir les péripéties de l'action comme un film.
Ce médium, d'ailleurs habilement utilisé, livre quelques morceaux de pellicule
en noir et blanc, style conquête de l'or ou chevauchée fantastique. L'art
de Pountney de détailler ses caractères est sagace, comme l'est la manière
éloquente de créer l'animation, alors qu'un ingénieux dispositif scénique sur deux
plans démultiplie l'espace.
©Opernhaus Zürich
Cette
reprise, qui s'inscrit dans l'excellence vocale prônée par la scène zurichoise,
fait appel à des interprètes de premier plan. José Cura, spécialiste
de longue date du rôle de Dick Johnson, offre un timbre corsé de ténor et
privilégie le style à l'éclat. Prolongeant ici sa longue carrière,
Ruggero Raimondi démontre qu'il a encore de la ressource. Ce que la
voix, un peu fatiguée, a perdu en brillance est compensé par une diction incisive,
à l'aise dans le style d'arioso déclamatoire qui caractérise le shérif Rance,
cousin en vilénie du baron Scarpia. Emily Magee prête à Minnie
les prestiges d'un soprano étendu doté d'un superbe legato. La carrure du
rôle, quelque peu hybride, entre Tosca et Mimi, lui convient tout autant que
celle des héroïnes allemandes. La multiplicité des rôles des mineurs est
bien tenue par les membres de la troupe, sans doute plus à l'aise ici que chez
Rossini la veille. Tout comme le sont les chœurs, eux aussi mieux en
situation et même en voix dans l'idiome italien. La direction d'orchestre
de Massimo Zanetti se distingue par un habile assemblage de lyrisme
expansif, truffé de thèmes revenant en boucle, et de rythmique soutenue.
Elle met en valeur ce que le langage harmonique a ici de différent, comparé aux
œuvres précédentes du compositeur, avec l'utilisation fréquente de la gamme
pentatonique, des effets sonores audacieux, des dissonances non résolues, des
écarts de dynamiques aussi rapides que brutaux. Car c'est bien dans son
climat sonore particulier, annonçant la modernité de Turandot, qu'au
sein de la riche production de Puccini, se distingue cet opéra.
*
* *
Am Piano : à Lucerne, un luxueux festival dédié au
clavier
Le
festival de Lucerne se veut actif en toutes saisons. Après les
débordements orchestraux du festival d'été, la fin d'automne se veut plus
sereine. La manifestation dite Am Piano se décline autour de
cet unique instrument. Les grands noms du clavier y sont convoqués, de
Grigory Sokolov à Evgeny Kissin, d’András Schiff à Pierre-Laurent
Aimard, ou encore Andreas Staier et Emmanuel Ax, dans l'auditorium du
KKL dont les vastes proportions n'empêchent pas une présence étonnante.
Par ailleurs, le festival voit débuter les sûrs talents de demain qui se
produisent dans une église moderne, d'une jauge certes plus modeste, mais dotée
d'une bonne acoustique. Durant cette semaine festive, le piano n'est pas
seulement illustré par le genre du récital, mais encore dans sa forme
concertante. Elle propose aussi un festival de piano jazz, dit Piano
Off-Stage, qui se donne dans divers hôtels de la ville, aussi bien qu'en
apéritif des grandes manifestations nocturnes, dans la salle au bord du lac.
Brahms contrasté : la seconde Sérénade et le Concerto pour
piano n°2
Bernard Haitink ©Priska Ketterer
Après
leur cycle Beethoven qui conquit le public par son dépouillement et la
recherche d'une vraie intériorité, particulièrement remarquable quant aux
interprétations par Maria João Pires des concertos, Bernard Haitink et les
musiciens de l'Orchestre de chambre d'Europe entreprennent un cycle Brahms,
destiné à se poursuivre à Lucerne au long des festivals de 2011. Le
second des deux concerts de la présente édition programmait le Concerto pour piano n°2 et à la deuxième Sérénade ; idée originale
puisque rapprochant deux œuvres on ne peut plus dissemblables. De fait,
la Sérénade op.16, qui ouvre le
concert, offre quelque surprise. Elle est écrite - à la différence de sa
sœur jumelle op.11 - pour une petite
formation et omet totalement les violons pour ne garder que les cordes graves.
Y est favorisée une sonorité chaude et sombre, ce à quoi contribuent pour
beaucoup les pupitres d'altos. En outre, les vents - trompettes exceptées
- y tiennent une place prépondérante, laissant de temps à autre les cordes à
l'arrière-plan. Quoique répondant à l'esthétique du jeune Brahms (1860),
elle laisse entrevoir un climat de gravité, caractéristique du grand maître du
romantisme allemand. Cinq mouvements la composent, la clef de voûte en
étant l'adagio, au climat quasi religieux, que Clara Schumann qualifiera de
« merveilleusement beau ». Avec un effectif restreint de
musiciens d'élite, Bernard Haitink obtient une élégante finesse
instrumentale, à la petite harmonie en particulier. Pièce magistrale du
répertoire concertant, le Concerto pour
piano op.83 mêle si intimement soliste et orchestre que d'aucuns ont cru
devoir parler à son propos de concerto avec piano obligé. En fait, comme
ailleurs dans le répertoire concertant de Brahms, la trame orchestrale se voit
assigner un rôle dépassant de loin celui de simple accompagnement. Elle
introduit une vraie dramaturgie au soutien du discours soliste. Cela
frappe d'évidence dès les premières mesures de l'interprétation qu'en livre
Haitink, à la fois structurée et flexible, dégagée de toute grandiloquence.
Le piano d’Emmanuel Ax s'y inscrit naturellement avec une rare musicalité.
Sans doute parce que cet artiste aime plus que tout se livrer à la musique de
chambre, sa vision intègre-t-elle quelque chose de partagé. Non pas une
vision d'une puissance conquérante, mais empreinte de sérénité.
L'élasticité du jeu se conjugue avec la douceur du doigté, ce qui confère à la
coulée brahmsienne une allure naturelle, dégagée de pathos. Le
développement du premier mouvement, par exemple, en acquiert une saveur
particulière, ample et emplie de tendresse. C'est une fête que cet idéal
équilibre entre soliste et orchestre sous la conduite du maître Haitink qui
apparaît désormais comme un sage de la musique.
Deux débutants « confirmés »
Jean-Frédéric Neuburger ©Franca Pedrazzeti
Il
faut déjà avoir conquis une certaine célébrité pour se voir afficher à Lucerne,
même dans le cadre des concerts « débuts ». Du haut de ses
vingt-quatre ans, le parisien Jean-Frédéric
Neuburger a derrière lui un parcours étonnant puisque formé, entre autres,
chez Christian Ivaldi, finaliste du Concours Long/Thibaud en 2004, il mène
carrière tant en Europe qu'aux USA et est, depuis 2009, professeur au CNSM !
Un fin musicien qui, pour sa première apparition ici, ne joue pas la facilité.
La Chaconne de Bach, extraite de la Partita
BWV 1004, dans la transcription conçue par Brahms pour la seule main
gauche, est d'une belle clarté, ménageant d'amples contrastes dynamiques.
En opposition, l'exploitation que fait Liszt du registre aigu du clavier dès
les premières pages de la Prédication aux oiseaux, première des Deux Légendes, est mise en exergue par une extrême fluidité du jeu. La seconde, Saint François
de Paule marchant sur les flots, se déploie telles des vagues de fond. Le Merle de roche de Messiaen (tiré du Catalogue d'oiseaux)
découvre une autre facette du talent de Neuburger : courtes séquences,
accords détachés et rôle du silence, tout le spectre sonore du piano est ici
passé en revue. Du poème chorégraphique de Ravel, La Valse,
les diverses atmosphères sont habilement ménagées, non sans une certaine
robustesse couronnant la grande montée infernale qui voit se désagréger le
thème. Ce programme, pour le moins exigeant, se complète d'une
composition dont le pianiste est l'auteur. Les « Trois Chants de
Maldoror » (2008/2009) s'approprient les visions surréalistes imaginées
par le poète français Isidore Ducasse, dit comte de Lautréamont. Ils
ne ménagent pas leur interprète : traits virtuoses déchaînés dans les deux
volets extrêmes enchâssant une section plus calme. Le troisième, pour
piano préparé, joue de l'opposition entre des notes pointées à la sonorité
étouffée et un ardent discours sollicitant démesurément le grave, en forme de
vision d'apocalypse.
La
jeune munichoise Alice Sara Ott (°1988)
a elle aussi acquis de sérieux lauriers, et même un contrat avec la firme à
l'étiquette jaune. Cela explique peut-être la forte affluence qui honore
son concert. Son programme ambitieux remplit-il pour autant toutes ses
promesses ? Une technique irréprochable, une belle ductilité ne sont
pas suffisantes pour donner toute la mesure de la vaste Sonate Waldstein de Beethoven. La carrure, la vaillance, le délicat continuum qui doit
être établi entre les diverses séquences de l'allegro con brio et ses
changements continuels de climat laissent une impression d'inabouti que,
l'expérience aidant, la pianiste saura dépasser, à n'en pas douter. Les Consolations de Liszt la trouvent plus à l'aise, car ces six miniatures au ton grave, si peu
virtuoses, sont jouées avec une indéniable profondeur. Comme l'a montré
l'un de ses derniers disques, elle est pleinement en phase avec l'univers des valses
de Chopin. La mélancolie, la sensibilité, le charme sont là, tangibles.
Les deux Grandes Valses brillantes op.34 sont habilement contrastées avec simplicité et sans affectation, la
seconde, la préférée du compositeur, libérant à travers son « lento »
une douce nostalgie. Ott s'y garde aussi de toute rutilance extravertie.
Ce sera encore le cas dans les deux premières Valses de l’op.64, justement
enchaînées, d'une belle noblesse de ton. Aussi la Campanella de
Liszt, donnée en bis, hyper démonstrative - ce qui remplit de joie le public
qui n'attend que cela - était-elle nécessaire pour ajouter à sa déjà belle
notoriété ? Le plaisir que réserve cette artiste est ailleurs.
Evgeny Kissin en récital : un grand moment
Le
pianiste Evgeny Kissin est passé du
statut de jeune prodige à celui de grand virtuose. Sa démarche
d'adolescent sage, son calme olympien dès qu'il prend possession du clavier
laissent apparaître une formidable capacité de concentration.
Anniversaires obligeant, il jouera Schumann puis Chopin. L'admiration
mutuelle des deux musiciens est connue : le premier dédicacera au second
ses Kreisleriana. Chopin en fera de même de sa deuxième Ballade. Les Fantasiestücke op.12 (1837) en référence à E.T.A. Hoffmann,
sollicitent l'imagination et détaillent des climats éminemment contrastés,
opposition de forces contradictoires : le tourmenté côtoie le
primesautier ; le léger virevoltant laisse place à la gravité et aux
sombres épanchements. Les Novelettes op.21 (1838), contemporaines des Scènes d'enfants,
content des histoires secrètes et évoquent quelque voix du lointain. Mais
c'est encore l'élément fantastique qui prédomine, l'humour, voire
l'hallucination, à travers des traits syncopés et des rythmes de marche, chers
au musicien. Deux mots caractérisent la manière de Kissin : souffle
et raffinement. Le moyen : un jeu près du clavier qui ne recherche
pas l'effet ; une manière de modeler le son tirant de l'instrument sa
totale résonance dans le grave. Cela se vérifie peut-être plus encore
avec Chopin, en seconde partie. Chopin aurait déclaré à Schumann, lors
d'une visite rendue à ce dernier, que ses Ballades lui avaient été inspirées
par des poèmes de son compatriote Mickiewicz. Quoi qu'il en soit de cette
référence littéraire, rare chez le musicien polonais, celui-ci va transfigurer
le genre, cantonné jusqu'alors au domaine vocal, pour lui imprimer l'aspect
d'un récit complexe, insistant à travers la diversité des sentiments, sur le
facteur émotionnel. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un cycle, il est
intéressant, en les écoutant l'une après l'autre, de déceler ce qui, au-delà de
leur caractère rhapsodique, les différencie. La première déroule des
climats étincelants et fait s'affronter les thèmes à l'envi. Dans la deuxième,
la mélodie, une des plus envoûtantes de Chopin, exhalant le zal polonais, ouvre une dramaturgie du contraste, idyllique dans le chant, alors
que la main gauche se fait tempétueuse. L'atmosphère de conflit s'apaise
dans les deux autres pièces : la troisième est fantasque à souhait, avec
ses déhanchements caractéristiques. Enfin, la dernière, autre sommet
mélodique et traitant le thème comme en variations, progresse dans une
atmosphère quasi impressionniste. Kissin privilégie à fond le contraste,
alliant rythme et dynamique pour des progressions sonores imposantes, le fff allant de pair avec la rapidité. Il tempère ailleurs le discours,
distillant les motifs élégiaques par une extrême modération du son qui cultive
le ppp. Quelque 25 minutes de bis, dédiés à Chopin,
contiennent à peine l'enthousiasme du public qui lui fait une standing ovation.
Jean-Pierre
Robert.
***
Intégrale des Cantates de
J.-S. Bach, 12e saison. Dimanche 5 décembre 2010, Temple du Foyer
de l’Âme : Cantate BWV 62 : Nun
komm, der Heiden Heiland.
Pour le deuxième concert de cette saison,
Freddy Eichelberger a fait appel à des concours extérieurs : l’Ensemble
vocal Ripieno et l’Ensemble instrumental Plurium dirigés par Daniel Leininger,
organiste et directeur du Service Musique de l’UEPAL (Union des églises protestantes
d’Alsace…), venus de Strasbourg où, la veille, ils avaient interprété cette cantate
pour le temps de l’Avent, en l’église Saint-Guillaume réputée pour sa tradition
de concerts J. S. Bach.
La thématique a été lancée par la Fantaisie de Nicolaus Bruhns
(1665-1697) sur le choral adapté en allemand par Martin Luther : Nun komm, der Heiden Heiland, Viens, Rédempteur des païens / Veni
Redemptor gentium (et non : Veni Creator gentium, cf. programme…). Daniel Leininger
a remarquablement structuré cette Fantaisie introduite par le thème éponyme exposé en valeurs longues à la partie de ténor,
repris par l’alto, puis la pédale, avec des passages en imitation, en écho et
des traits de virtuosité. L’ensemble a bénéficié d’une excellente
registration, et l’organiste de Saint-Thomas a tiré le meilleur parti du nouvel
orgue Quentin Blumenroeder du Foyer de l’Âme.
La Cantate éponyme de J. S. Bach (BWV 62), pour le 1er dimanche de
l’Avent, s’est, dès l’introduction instrumentale, imposée par les belles
sonorités des hautbois et du basson, avant l’énoncé du Choral par l’Ensemble
vocal Ripieno, dont le paysage vocal était remarquable. Après
l’Air : Bewundert, o Menschen,
dies grosse Geheimnis d’Akeo Hasegawa (ténor), tout en souplesse, le
Récitatif : So geht aus Gottes
Herrlichkeit et l’Air : Streite,
siege, starker Held, avec de nombreux figuralismes pour évoquer le combat,
la victoire et le héros ont été profondément vécus et chantés avec une
remarquable diction par Fabien Gaschy (basse). Ensuite, le Duo : Wir ehren diese Herrlichkeit… pour
soprano (Magda Lukovic) et alto (Elisabeth Boesch) bien soutenues par
les cordes et le continuo, illustrant la marche vers la crèche, la joie et la
lumière, servait de transition vers le choral doxologique : Lob sei Gott, dem Vater… placé sous le
signe de la louange, remarquablement dirigée par D. Leininger assurant le
continuo et donnant, avec une concentration exceptionnelle, les entrées aux
interprètes sans les voir. Bref : une interprétation digne de J.-S.
Bach.
Enfin, pour conclure : retour à
Nicolaus Bruhns, avec son Praeludium en sol majeur, massif et énergique, avec
entrées précises, traits de pédale, oppositions de temps forts et faibles, et
la Fugue si bien structurée par
Daniel Leininger, non seulement organiste et soliste, mais aussi
coordinateur. Cette audition, parmi d’autres, comptera dans les annales
du Foyer de l’Âme.
Temple
du Foyer de l’Âme ©DR
[Prochain concert à ne pas manquer :
dimanche 2 janvier, 17h 30, Temple protestant du Foyer de l’Âme (7bis, rue du Pasteur Wagner, Paris XIe).
Au programme : Cantate BWV 152 : Tritt auf die Glaubensbahn. Coordination artistique :
Frédéric Rivoal (www.lescantates.org) ].
Chœur de chambre « Les Temperamens
Variations ». Église des
Billettes (jeudi 9. XII. 2010). Église évangélique allemande (dimanche
12. XII. 2010).
Pour son 2e programme de la
saison parisienne (cf. précédente Lettre d’information, n°43), Thibault
Lam Quang a retenu des œuvres pour le temps de l’Avent. Les nombreux
auditeurs ont pu découvrir 5 motets a cappella de Gottfried August
Homilius (mort un siècle après la naissance de Bach), reposant sur des textes
bibliques rarement interprétés en France. Ils se situent dans la mouvance
de l’Empfindsamkeit et aussi dans une
atmosphère préromantique, comme l’a souligné Gilles Cantagrel qui a le don
de galvaniser l’assistance. Les chanteurs se sont surpassés, conférant
relief, éclat, luminosité, entrain à ces motets très agréables à entendre.
Le volet suivant était dévolu à des extraits de la Geistliche Chormusik (1648) de Heinrich Schütz, né un
siècle avant J. S. Bach. Ces « miniatures » - soutenues
par le continuo si précis de Helga Schauerte (orgue) et Matthieu Fontana
(violoncelle) - ont bénéficié de soins extrêmes pour recréer les multiples
intentions du compositeur. La virtuosité vocale était à son comble avec Tröstet, tröstet mein Volk. Ich bin eine rufende Stimme a été chanté
avec insistance, puis avec une animation bien dosée. Après la pause,
H. Schauerte s’imposa par sa version du Prélude en sol pour orgue (BuxWV 149) de Dietrich Buxtehude.
La séquence suivante était placée dans l’optique comparative autour du choral
adapté en allemand par Martin Luther : Nun komm, der Heiden Heiland, chanté en alternance avec
l’harmonisation de J. S. Bach, suivi du Choral-prélude éponyme (BuxWV 211) de Buxtehude, puis des
strophes 3 et 4, entrecoupées par le Prélude (BWV 659) extrait des Chorals de
Leipzig, enfin des strophes 5 et 6 et, pour conclure : le Choral-prélude éponyme de
G. A. Homilius, remarquablement interprété par l’organiste titulaire.
Le motet de J. S. Bach : Singet
dem Herrn ein neues Lied (BWV 225) - tant redouté par les chefs de
chœur, comme des chanteurs - a été enlevé avec brio, une articulation vocale
remarquable et, après l’invitation à la louange : Lobet den Herrn, le concert s’est ainsi terminé sur une belle
envolée et en feu d’artifice. Décidément, le Chœur de chambre « Les
Temperamens Variations », sous la direction exigeante de l’inégalable
Thibault Lam Quang, est au meilleur de sa forme.
©DR
Édith Weber.
Envoûtante Angelica Kirchschlager. Salle
Pleyel : SCHUBERT, BRAHMS. Kammerorchester Basel, dir. Paul McCreesh.
Une première partie de concert consacrée à
Schubert (1797-1828) nous permit d’entendre, après l’ouverture de Rosamunde, une sélection de Lieder,
transcrits pour l’orchestre par différents compositeurs, dont Max Reger.
Occasion de retrouver la remarquable mezzo autrichienne Angelica Kirchschlager
qui nous gratifia d’une envoûtante interprétation, associant une grande
sensibilité, une parfaite diction, une convaincante présence scénique, une
technique vocale sans faille, utilisant toute l’étendue de sa tessiture pour
donner plus de corps à ces sublimes Lieder, avec, notamment, un Erlkönig d’anthologie. La seconde
partie était, quant à elle, dédiée à Brahms (1833-1897), avec une Deuxième Symphonie (1877) lumineuse,
gaie, méditative, où affleure par instants une douce mélancolie. Menée
tambour battant par un Paul McCreesh survolté, elle nous permit d’apprécier la
réactivité de l’orchestre, son sens des nuances et les très belles sonorités de
cette formation de chambre dont la réputation n’est plus à faire. Une
belle soirée.
©Nikolaus Karlinsky
Un magnifique concert, Salle Pleyel : WEBERN, BERG, ZEMLINSKY. Orchestre
philharmonique de Radio France, dir. Peter Hirsch. Angela Denoke
(soprano), Peter Mattei (baryton).
Les Six
pièces pour orchestre op. 6 d’Anton
Webern (1883-1945) et la Suite lyrique d’Alban Berg (1885-1935), dans sa version pour orchestre à cordes, se
partageaient la première partie, tandis que l’impressionnante Symphonie lyrique d’Alexander von
Zemlinsky (1871-1942) concluait, avec éclat, cette soirée. La direction
d’orchestre de Peter Hirsch, particulièrement efficace, précise et
intelligente, donnait aux Pièces de
Webern, où prédominent les vents, le scintillement, le mouvement et le mystère
d’un mobile de Calder, tandis que la Suite
lyrique de Berg, œuvre charnière entre tradition et modernité, chargée
d’émotion et de sens caché, nous permettait d’apprécier la souplesse et
l’expressivité des cordes. Mais le meilleur restait à venir, avec
l’incontestable Symphonie lyrique de
Zemlinsky, mêlant les déferlantes orchestrales aux voix de Peter Mattei et
d’Angela Denoke. Œuvre composée en 1922, alliant les genres de la symphonie
et du lied, elle est constituée de sept parties, écrites sur des textes du
poète hindou Tagore, chantées alternativement par un baryton et une soprano.
Occasion pour l’orchestre de faire montre de toute sa cohésion, de son sens des
nuances, de la richesse de ses couleurs orchestrales et du parfait agencement
des différents plans musicaux, sous la baguette inspirée de Peter Hirsch.
À la voix ample, puissante, profonde et dramatique de Peter Mattei, succédait,
au fil de l’œuvre, la voix, peut-être plus contestable, d’Angela Denoke dont on
regrettera l’important vibrato et les aigus parfois légèrement forcés.
Enfin, une mention particulière pour Svetlin Roussev dont le violon solo,
accompagnant les voix, était d’une sublime beauté. Un concert d’exception.
Peter
Hirsch ©Adrienne Meister
Gil Shaham, un violon magique, Salle Pleyel. Orchestre de Paris, dir. Dima Slobodeniouk.
Un climat de féerie pour ce remarquable concert de l’Orchestre
de Paris dirigé par le jeune chef russe Dima Slobodeniouk dans un
programme associant Le Lac enchanté,
poème symphonique le plus connu et le plus joué d’Anatole Liadov
(1855-1914), miniaturiste russe, le Concerto
n°2 pour violon de Prokofiev (1891-1953) et Petrouchka d’Igor Stravinski (1882-1971), dans sa version
originale de 1911.
Gil
Shaham ©Christian Steiner
Après une interprétation du Lac enchanté, empreinte de
fantastique, de scintillement et de mystère, d’où émergeaient, par instants,
les interventions frémissantes des bois, de la harpe et du célesta, ce fut le violon
magique de Gil Shaham qui fit chanter Prokofiev dans une vision du Deuxième Concerto pour violon pleine
d’intensité, de délicatesse et d’émotion, parfaitement en phase avec
l’orchestre, associant une virtuosité sans faille, un lyrisme exaltant et une
sonorité ample et profonde (Stradivarius de 1699, « Comtesse de
Polignac »), interrompue à plusieurs reprises par des pizzicati angoissés
ou triomphants. Une interprétation d’anthologie confirmant
Gil Shaham comme l’un des plus grands violonistes du moment. En
deuxième partie de concert, Petrouchka,
dans sa version 1911 avec grand effectif orchestral, permit à
Dima Slobodeniouk de mettre en avant l’intelligence de sa direction
d’orchestre, précise, maniant avec bonheur l’agencement des différents plans orchestraux
ainsi que la qualité de tous les pupitres et notamment des vents, dans une
conception plus symphonique que chorégraphique pleine de contrastes, de
couleurs et de chatoiements.
Dima
Slobodeniouk ©Marco Borggreve
Valery GERGIEV conquérant, salle Pleyel. Gustav MAHLER (1860-1911) : Symphonie n°2 « Résurrection ». Anastasia Kalagina
(soprano), Olga Borodina (mezzo-soprano), Chœur de Radio France, Orchestre
du Théâtre Mariinsky, dir. Valery Gergiev.
Après la Symphonie n°8, dite « des Mille », donnée en septembre
dernier et critiquée dans ces colonnes, voici le deuxième opus de cette intégrale
des symphonies de Gustav Mahler, dirigée par Valery Gergiev à la tête
de son orchestre du Mariinsky. La Symphonie
n°2, composée entre 1888 et 1894, créée en 1895 à Berlin, s’intègre dans le
premier volet des Symphonies s’inspirant directement du Knaben Wunderhorn. Elle s’inscrit dans la continuité de
la première symphonie puisqu’il s’agit du héros de Titan qu’on enterre, pour
assister ensuite à sa résurrection, mais elle s’en distingue par une recherche
du monumental marquée par l’introduction du chœur et de voix solistes.
Composée très rapidement sous l’emprise d’une force « venue
d’ailleurs » qui le soulève, Mahler se compare à un instrument de musique
dont jouerait « l’esprit du monde, la source de toute existence ».
Elle se compose de cinq mouvements s’inscrivant dans un véritable
programme : une « cérémonie funèbre » (Totenfeier), un andante
moderato, un scherzo tiré du lied « Des Antonias von Padua Fischpredigt »,
un lied pour voix d’alto « Urlicht » tiré également du
« Wunderhorn » et un final pour voix solistes, chœur et orchestre, inspiré
d’un texte de Klopstock dont Mahler eut la révélation lors des funérailles de
Hans von Bülow.
©Fred Toulet
Pour Mahler, composer une symphonie c’est « créer
un univers avec tous les moyens à sa disposition ». Dans le premier
mouvement le héros est porté en terre après un combat contre la vie et le
destin, alternant épisodes austères et sereines éclaircies. Le deuxième
mouvement correspond à un intermezzo d’une grande fraîcheur traduisant un
moment de bonheur avant le tourbillon burlesque et chaotique du scherzo, ronde
infernale, synthèse de grotesque, de sentimental, ponctuée de sursauts inquiétants,
reflets de l’angoisse du héros et de son « dégout de toute existence qui
le saisit comme un poing d’acier et le torture jusqu’à lui faire pousser un
grand cri de désespoir », la fanfare est ici explosion dissonante, vision
de Jugement dernier. Dans le quatrième mouvement, l’espoir renait avec
« la voix touchante de la foi naïve qui résonne à son
oreille ». Le final, avec le « Grand Appel » des cuivres
en coulisses, le chant du rossignol qui gazouille sur les tombes comme
« un dernier écho de la vie terrestre » puis l’entrée pianissimo et
retardée du chœur sur l’« Auferstehen » de Klopstock, exprime, pour
Mahler, la confiance dans la capacité de l’homme à modeler son propre
destin : « Avec des ailes que je me suis moi-même conquises, dans un
brûlant élan d’amour, je m’envolerai vers la lumière invisible à tout œil, je
meurs afin de revivre ». Unies dans une même ferveur, les voix clament
le mot « Auferstehen » (tu ressusciteras) avant de laisser la
parole à l’orchestre dans un éclat inoubliable. La Deuxième symphonie est probablement celle qui porte la spiritualité
mahlérienne à son plus haut niveau. Gergiev en donna une interprétation
monumentale, très engagée, contrastée, accentuant les nuances et les variations
rythmiques poussant parfois son orchestre à la limite de ses possibilités, d’où
l’émergence, par instants, d’un sentiment de confusion, effaçant la netteté de
l’orchestration mahlérienne. Si les parties orchestrales souffraient de
ces quelques imperfections, en revanche les voix, solistes et chœur, étaient,
quant à elles, sans reproches, avec une mention particulière pour Olga Borodina,
dont les aigus limpides et les graves profonds rendaient à
« Urlicht » sa lumière originelle.
©Fred Toulet
Le « Philhar » lumineux dans les « Jardins à la
française », Salle Pleyel :
DUSAPIN, DUTILLEUX, RAVEL. Orchestre philharmonique de Radio France, dir.
Myung-Whun Chung.
Avant son départ en Russie, en guise de répétition
générale, l’Orchestre philharmonique de Radio France, dirigé par son chef
titulaire, nous proposait un concert en forme de promenade à travers la musique
française associant Dusapin, Dutilleux et Ravel. En première partie, Reverso, solo pour orchestre n°6, très
belle composition de Pascal Dusapin, composée en 2006, créée en 2007 au
festival d’Aix-en-Provence par le Philharmonique de Berlin, sous la direction
de Simon Rattle. Utilisant toute la masse orchestrale sur un fil
mélodique continu qui se plie, se déplie pour se replier enfin, cette œuvre déployait
toutes ses ondulations pour nous emprisonner dans un voile d’une grande
sensualité mêlant, avec bonheur, pulsation rythmique oppressante et richesse
des timbres. Une composition toute différente lui faisait suite, les Métaboles d’Henri Dutilleux,
composées en 1964, créées en 1965 à Cleveland sous la direction de George
Szell. Image en creux de la composition précédente, puisqu’utilisant,
tour à tour, les différents pupitres dans de véritables concerti se succédant
en cinq parties, dans une somptueuse orchestration : incantatoire pour les
bois, linéaire pour les cordes, obsessionnelle pour les percussions, torpide
pour les cuivres et flamboyante, en guise de conclusion, pour l’ensemble de
l’orchestre. En deuxième partie, le Tombeau
de Couperin et les deux Suites de Daphnis
et Chloé de Maurice Ravel, toutes en délicatesse, véritables ciselures
orchestrales, pleines de charme et de légèreté, confirmaient la richesse en
couleurs de l’orchestre magnifiquement dirigé par le chef coréen. Un très
beau concert qui nous emmène loin des chemins battus, superbement interprété
par l’Orchestre philharmonique au mieux de sa forme, tant individuellement que
collectivement, faisant preuve d’une grande cohésion sous la baguette précise
et intelligente de Myung-Whun Chung, très à l’aise dans ce répertoire.
Une musique française dans tous ses états qui, portée par de tels ambassadeurs,
remportera, à n’en pas douter, un grand succès à Moscou et Saint-Pétersbourg.
©Jean-François
Leclercq
Salle Pleyel : Russian National Orchestra, dir. Mikhail Pletnev.
Guidon Kremer, violon.
Malgré la neige qui avait immobilisé le
camion du Russian National Orchestra à quelques kilomètres de Paris,
immobilisant, de ce fait, partitions, instruments et costumes, la tournée du
RNO se poursuivait, Salle Pleyel, dans un programme modifié du fait des
circonstances, associant les Danses slaves d’Antonín Dvořák, le Concerto pour
violon et la 5e Symphonie de Tchaïkovski. Guidon Kremer (violon Amati, 1641) donna, du
concerto, une vision emplie de sensibilité, de toucher, de tension, accentuant
les nuances pour mieux favoriser l’expressivité du discours, préférant en
permanence l’émotion à une virtuosité, pourtant sans faille. En seconde
partie, le chef russe nous maintint sous le charme, avec une très belle
interprétation de la 5e Symphonie,
menant, dans une tension permanente, cette réflexion sur le destin, dégageant
un climat d’accablement et de souffrance, avec l’émergence, par instants, de
quelques élans d’un lyrisme poignant. Une remarquable sonorité et une
cohésion solide de ce bel l’orchestre, dirigé par Mikhail Pletnev, dans une
gestique très intériorisée.
©Musacchio Farabola
Patrice Imbaud.
Mathis le peintre à l'Opéra Bastille. Paul HINDEMITH : Mathis der Maler. Opéra
en sept tableaux. Livret du compositeur. Matthias Goerne, Scott MacAllister,
Mélanie Diener, Thorsten Grümbel, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke,
Gregory Reinhart, Michael Weinius, Antoine Garcin,
Martina Welschenbach, Nadine Weissmann. Orchestre et Chœur
de l'Opéra national de Paris, dir. Christoph Eschenbach. Mise en scène :
Olivier Py.
©Charles Duprat/OnP
Une œuvre majeure de l'opéra du XXe siècle entre au répertoire de l'Opéra de Paris : Mathis le peintre.
Le grand opus de Paul Hindemith aura vu le jour, en 1938 à Zurich, après bien
des vicissitudes qui lui valurent de se voir refuser de création en Allemagne.
Il ne s'y imposera que dix ans plus tard. C'est qu'à travers la destinée
du peintre Matthias Grünewald, auteur du magnifique retable d'Issenheim,
le compositeur n'a pas cherché la facilité. L'œuvre est longue, parfois
déroutante, austère comme un tableau de Dürer, mais habitée d'une indéniable
sincérité. Le thème en est le sort de l'artiste, incompris de la multitude,
et la liberté de l'art ; l'opposition presque irréductible entre la masse
inculte, aisément manipulable du fait de son ignorance, et les érudits qui
possèdent le savoir et auxquels l'art permet d'exprimer leurs idées. Et
cette question cruciale : « l’artiste doit-il prendre parti ? ».
Hindemith place cette problématique dans un contexte historique, celui de la
guerre des paysans dans l'Allemagne du XVIe siècle.
L'artiste Mathis, qui épouse la cause des paysans opprimés, va vivre un
véritable chemin de croix, en butte à la critique des puissants, et connaître
le naufrage de ses certitudes d'artiste et d'homme ; en proie au doute du
créateur, délaissé malgré les ultimes tentatives de ceux qui soutiennent son
art, il finira par se murer dans la solitude. Le substrat
autobiographique n'est pas loin : ce sont ses propres démêlés avec le
régime national-socialiste que laisse entrevoir Hindemith, le rejet dont il est
l'objet parce que n'étant pas un « vrai musicien allemand », qui le
conduiront à s'expatrier.
©Charles Duprat/OnP
Les implications politiques et morales de
la pièce, Olivier Py les fait siennes dans sa mise en scène qui transpose
l'action à l'époque de la création de l'œuvre, dans ces années 1934/1938 de
montée de l'intolérance. Des visions fortes et d'impressionnants tableaux
s'imposent : triptyque pictural suggéré en ombre chinoise, vaste salle
étagée sur plusieurs plans, scène de chaos révolutionnaire, ou encore un
étonnant mur de bougies aux lueurs vacillantes. L'emphase est mise sur
quelques symboles : la petite lumière de la chambre nue de Mathis au
premier plan, de l'espoir invincible, les livres amoncelés, symboles vivants de
culture. Bien qu'utilisant l'entier plateau de l'Opéra Bastille où
évoluent des constructions métalliques en constante transformation,
transfigurées par de suggestifs éclairages, Py ménage ce qui, dans cet opéra,
ressortit à l'intimité des échanges. La régie d'acteurs reste frappée au
coin de la sobriété. L'agitation qui, certes, anime un certain nombre de
passages, n'envahit pas une lecture qui se veut concise. Ainsi de la
scène qui voit Mathis revivre en songe la tentation de saint Antoine ou du
tableau final, d'un dépouillement ascétique, où tout semble se raréfier autour
d'une homme résigné, conduit peu à peu à se défaire des biens qui furent les
siens durant son existence. Qui mieux que Christoph Eschenbach
pouvait défendre cette partition, lui qui s'est fait le défenseur de la musique
de Hindemith ? L'empathie est évidente pour ce mélange d'hymne, de
choral grégorien, de chanson populaire, de climat quelque peu mystique qui se
veut proche de la polyphonie de la Renaissance. L'Orchestre de l'Opéra se
meut avec aise dans l'extrême différenciation des plans sonores qui sollicite
notamment les vents et les cuivres. D'une distribution exigeante, mais
sans faille, se distinguent des individualités d'exception.
Matthias Goerne, qui choisit avec prudence ses apparitions scéniques, fait
sien le rôle-titre ; comme Dietrich Fischer-Dieskau naguère. La
comparaison n'est pas fortuite car, dans les deux cas, on a affaire à un
chanteur pratiquant l'art suprême du lied. Grâce à sa parfaite
articulation du texte, il s'accommode des longues phrases tendues qui
soutiennent les redoutables monologues de Mathis, et des traits soutenus
sollicitant la partie haute du registre de baryton. De sa voix puissante
de ténor de composition, Scott MacAllister livre un non moins formidable
portrait de grand ecclésiastique imbu de soi-même. À saluer encore les
prestations de Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Capito, le rusé manipulateur
politique, de Mélanie Diener, Ursula, et de Martina Welschenbach,
Regina, deux caractères que tout sépare, deux artistes que réunit l'intensité
de leur assomption scénique et vocale.
Reprise
de La Fiancée vendue à Garnier. Bedřich
SMETANA : La Fiancée vendue. Opéra comique en trois
actes. Livret de Karel Sabina. Inva Mula, Piotr Beczala,
Jean-Philippe Lafont, Andreas Conrad, Oleg Bryjak,
Isabelle Vernet, Michael Druett, Marie-Thérèse Keller, Heinz Zednik.
Orchestre & Chœur de l'Opéra national de Paris, dir. Constantin Trinks.
Mise en scène : Gilbert Deflo.
©Christian Leiber/OnP
Considéré comme le père de l'école
nationale tchèque, Smetana a réveillé par la musique, si ancrée dans le cœur de
ses compatriotes, la conscience populaire de son pays, s'inscrivant dans le
mouvement d'émancipation vis-à-vis du voisin allemand. Son deuxième
opéra, La Fiancée vendue, créé en 1866, est une comédie de genre
tirée d'un fait divers pittoresque : une jeune fille éprise d'un garçon pauvre
se verra unie à lui malgré une machination ourdie par un marieur visant à lui
faire épouser un grand mais riche benêt. Y sont croqués quelques
personnages attachants sur fond d'imagerie paysanne : outre le marieur,
deux familles de statut social opposé, et des villageois crédules. Comme
dans toute comédie, la farce peut soudain basculer dans le dramatique, à l'aune
des sentiments amers de la petite Mařenka qui ose se rebeller contre ce
qu'on tente de lui imposer. Elle est surtout transfigurée par le charme
d'une musique riche de tonalités slaves colorées, mobile dans ses rythmes,
mêlant l'entrain irrésistible des danses, polka furiant et autre sauteuse,
et une veine authentiquement populaire dans le traitement des chœurs. La
production signée Gilbert Deflo en 2008, décrypte un attrayant mélange d'humour
et de tendresse, quoique elle ait quelque peu perdu de son mordant. Si
les intermèdes chorégraphiques, de facture athlétique, singeant quelques entrechats
convenus, gardent leur fraîcheur naïve, et les ensembles une réelle vivacité,
les scènes plus intimistes qui font dialoguer le facétieux marieur avec des
clients crédules ou plus rusés que lui, paraissent moins percutantes.
Reste le plaisir que procure la présentation, un ravissement pour l'œil,
volontairement stylisée à la Folon où dominent les tons francs, oranges et
jaunes, et que métamorphosent des éclairages étudiés. L'atmosphère de
fête éclate d'emblée, préfigurant la parade de cirque au dernier acte. Le
plateau vocal de cette reprise est inégal : Piotr Beczala, Jeník,
offre un timbre de ténor brillant et une prestation agréablement décontractée.
Celle de Inva Mula, Mařenka, l'est moins, mais la voix épouse sans
difficulté le lyrisme slave. Andreas Conrad prête au timide Vašek
une amusante gaucherie. Mais Jean-Philippe Lafont ne tire pas toutes les
ficelles du rôle de l'entremetteur Keçal, à vrai dire délicat à crédibiliser.
Sans doute gêné par l'idiome tchèque, le chant souffre de manque de projection,
et la faconde est minimale. La direction musicale du jeune
Constantin Trinks, qui n'évite pas de fréquents décalages avec les
chanteurs, navigue entre deux excès, la fougue brouillonne (Ouverture boulée)
et le ralentissement excessif qui ôte à la musique cette fluidité qui anticipe
le langage coulant caractérisant les poèmes de Ma Patrie.
©Christian
Leiber/OnP
Cadmus et Hermione revient
à l'Opéra Comique. Jean-Baptiste LULLY : Cadmus et
Hermione. Tragédie en musique, en un prologue & cinq actes.
Livret de Philippe Quinault, d'après Les Métamorphoses d'Ovide. André Morsch, Claire Lefilliâtre, Arnaud Marzorati,
Jean-François Lombard, Isabelle Druet, Arnaud Richard.
Danseurs, Chœur et orchestre du Poème Harmonique, dir.
Vincent Dumestre. Mise en scène : Benjamin Lazar.
©Elisabeth Carecchio
La reprise de Cadmus et Hermione confirme l'excellence du spectacle original et fastueux présenté il y a deux
saisons à l'Opéra Comique, cadre sans doute idéal pour une telle œuvre.
Sur un sujet de Quinault, tiré des Métamorphoses d'Ovide - les amours
mouvementés du vaillant Cadmus et de la fidèle Hermione soumis au bon vouloir
des dieux -, Lully invente le genre de la tragédie en musique, ouvrant la voie
à un nombre impressionnant de chefs-d'œuvre. La pièce se veut
démonstrative dans ses aspects visuels et dramatiques. La musique qui les
fédère mêle récitatifs, airs & chœurs empruntant à la belle déclamation
française et divertissements dansés. Situations tragiques aussi bien que
comiques émaillent l'intrigue, le pathétique des sentiments des grands côtoyant
l'acidité des chamailleries des confidents. Sans oublier, au prologue,
l'hommage obligé rendu à la grandeur du souverain régnant. La tragédie en
musique réclame une richesse certaine de moyens. Elle la possède dans la
vision qu'en donne la mise en scène de Benjamin Lazar, qui après un Bourgeois gentilhomme d'anthologie, renouvelait la réussite de la reconstitution historique : un
grand spectacle baroque paré d'une décoration léchée adroitement figurative
avec effets de symétrie parfaite, machinerie livrant apparitions du dessus (le
dieu Mars empourpré sur son char, l'Amour vêtu d'or virevoltant dans
les airs) ou du dessous (un monstre de pacotille, terrifiant néanmoins, méchant
dragon crachant ses humeurs). Mais aussi enluminé de costumes fastueux,
aux étoffes bariolées de fort bon goût, tout en camaïeux, et d'imposants
couvre-chefs emplumés, que l'éclairage à la seule bougie, autre trait marquant,
pare d'une vraie poésie. Loin de la manière naturaliste, la déclamation
chantée privilégie une expression recherchée, comme un décalque du langage
parlé. La gestuelle emphatique cultivant une expression très étudiée des
mains au soutien de l'expression des visages, et la noblesse des attitudes ou
au contraire les amusantes parodies composent des tableaux dont la naïveté
apparente ne cache pas la magnificence.
©Elisabeth Varecchio
Vincent Dumestre imprime à l'ensemble une indéniable
authenticité : grandeur des passages majestueux qui n'ont rien de corseté,
finesse du dosage instrumental, saveur délicate des mouvements lents,
bondissement des traits enlevés hors de toute rigidité. La générosité
sonore, magnifiée par l'acoustique très présente du théâtre, n'a d'égale que la
vivacité qui caractérise tant l'accompagnement vocal que les intermèdes
purement instrumentaux, et confère à ces chants mêlés de danses une plasticité
sonore persuasive. Passée la surprise d'une déclamation du texte en
vieux français, l'exécution vocale est irréprochable. Le valeureux
Cadmus, qui doit subir épreuve sur épreuve, comme plus tard le Tamino de Mozart,
trouve en André Morsch une belle pointure et Claire Lefilliâtre,
Hermione, lui rend la pareille en sûreté de style. Arnaud Marzorati,
Arbas, allie faconde vocale et cocasserie de la mimique. Au-delà d'eux,
il faut saluer un vrai esprit de troupe, dans ses composantes dansée, chorale
ou instrumentale. À noter que ce merveilleux spectacle a été gravé en DVD
(Alpha).
Un grand virtuose joue
Chopin : Maurizio Pollini à Pleyel.
©Julien
Mignot/Salle Pleyel
Tout récital du pianiste Maurizio Pollini
est un événement attendu et fait salle comble ; un phénomène plus rare ces
temps. D'autant qu'avec Chopin, le succès est au rendez-vous.
Pollini habite Chopin comme peu, déployant cet art souverain où la virtuosité
technique est transcendée par une rare intelligence du texte. Ainsi en
est-il des 24 Préludes op.28. Ce vaste panoptique,
terminé en 1838 à Majorque, et dédié à Ignace Pleyel, est constitué de
très courtes pièces, sorte de miniatures extrêmement différenciées, dont
certaines sont des esquisses ou font figure de commencements, tant est
saisissante leur brièveté. Liszt dira que ce sont « des préludes
poétiques [...] qui bercent l'âme en songes dorés et l'élèvent jusqu'aux
régions idéales ». Pollini livre un kaléidoscope de paysages
choisis, de climats contrastés, une large gamme d'émotions, nous laissant
repérer les liens thématiques qui les unissent. Les mains, comme collées
au clavier, libèrent le doux épanchement ou les déchaînements les plus
volontaires, tel ce 16e Prélude d'un irrépressible galop. Cortot ne le titrait-il pas « la course à l'abîme » !
À noter que le pianiste avait fait précéder cette exécution du Prélude op.45,
tout de rêverie et d'instabilité tonale. En seconde partie, Pollini propose
les deux Nocturnes de l'op.27, qu'il
affectionne. Son jeu perlé saisit ce que ces pièces ont de subtilement
décelable : le drame des sentiments angoissés (n°1) ou la rêverie
amoureuse (n°2). Les torrents sonores du Scherzo n°1, op.20 apporteront un saisissant changement
d'atmosphère. Viennent ensuite huit des 12 Études de l'op.25, une ingénieuse mais démoniaque
compilation d'obstacles techniques, sur le versant rapide, d'une difficulté
étourdissante, que transfigure l'inspiration du compositeur. Ainsi l'Étude n°11 laisse interdit devant les
accords cadencés de la main gauche et les traits en rafale de la droite.
Seule l'Étude n°7 apporte l'accalmie
d'un lento qui fait la part belle à la main gauche. Là encore, l'art du
pianiste italien a peu de rivaux : un jeu atteignant une telle densité
qu'elle asservit la pure vélocité et transforme ce qui procède de l'exercice en
un parcours séduisant. Une incandescente Première Ballade émaillera un florilège de bis qui
prolongeront le programme d'une bonne vingtaine de minutes devant un public
plus que conquis.
Les glorieux effluves mahlériens
de l'Orchestre du Mariinsky.
©Fred Toulet
Dans le cadre de l'intégrale des symphonies
de Mahler - en sept étapes, à Pleyel, et avec ses deux orchestres –
Valery Gergiev, plus boulimique que jamais, commet le tour de force de
jouer en une même soirée les Quatrième et Sixième Symphonies ; quelque trois
heures de concert ! La réussite en revient d'abord à l'Orchestre du
Théâtre Mariinsky. On mesure combien Gergiev a fait en quelques
années, d'une phalange plus habituée à la fosse d'opéra qu'à l'estrade de
concert, l'une des meilleures formations du moment. Il a forgé un
instrument d'exception, d'une homogénéité saisissante, d'une patine sonore qui
sont l'apanage des grands. La qualité instrumentale exemplaire est
particulièrement attestée par le langage de Mahler qui traite souvent les
instruments en solistes et les sollicite jusqu'à leurs limites. Tout
aussi digne d'éloge est l'assimilation du timbre mahlérien, si spécifique, sans
parler de la netteté de l'espace sonore qu'obtient le chef. La Quatrième débute dans une atmosphère
franche, où l'on prend son temps. Elle restera sans doute un brin
sérieuse pour traduire la fantaisie cachée que renferment les deux premiers
mouvements. Mais tout change avec le troisième, « Ruhevoll »
(calme) qui, après un début plutôt allant, introduit la parole émouvante du
hautbois solo puis la fluidité d'une sorte d'allegretto que traverse un
formidable tutti, avant de retrouver la sérénité. Tout cela prélude le
dernier morceau, le lied de « La vie
céleste », expression candide de l'enfance (bien défendu par la
soprano Anastasia Kalagina), avant que la musique ne s'éteigne dans un
souffle. La nature passionnée de Gergiev, qui le porte aux extrêmes, est
encore plus en phase avec le tragique et la monumentalité de la Sixième Symphonie. Durant ce long
cheminement, il nous entraîne dans un labyrinthe d'émotions fortes, tirant de l'appareil
orchestral colossale puissance aussi bien que lyrisme épuré.
L'allegro energico est pris à bras le corps annonçant une vision tonique,
malgré son caractère sombre, et le rythme de marche obsédante est comme
martelé, inexorable. L'andante moderato - que Gergiev place en deuxième position,
comme le fit un temps le compositeur - introduit un apaisement on ne saurait
plus marqué. Il y a là l’une des plus sublimes mélodies mahlériennes qui
se déploie, s'enroule sur elle-même à satiété. Le scherzo sera âpre,
hallucinatoire, découvrant des climats fort contrastés. L'immense finale,
un monde en soi, livre des traits fulgurants, des éclairs, tels ces éclats des
cymbales, avant les tonitruants accords rehaussés de coups de marteau, et la
cataclysmique explosion finale. Gergiev en souligne toute la prégnante
dramaturgie. Ici, comme plus en amont, il aborde le texte de manière très
liée, ne s'appesantissant pas sur les transitions souvent énigmatiques, et ne
cherche pas à en diminuer l'âpreté, bien au contraire. Les trois
prochains concerts, avec le LSO cette fois, ont pour date les 26, 27 et 28 mars
2011.
Jean-Pierre Robert.
***
Il peut advenir que… la restitution de l’esprit « salon de
musique » (agrandi !) permette d’attachants moments de découverte
autour d’un pianiste. Ainsi le distributeur de disques Codaex
organise-t-il, à l’Institut Goethe, des concerts pour
« happy few », destinés à faire entendre des pianistes allemands
tristement ignorés sur nos rives. C’est dans ce cadre que Stefan Irmer se produisait le 16
novembre 2010, à l’occasion du lancement de son disque Fauré (lire en rubrique
CDs). On sait combien cet artiste creuse avec persévérance son sillon
dans le champ des répertoires prétendument marginaux : son intégrale des Péchés de vieillesse de Rossini
(MDG) a marqué la discographie. On suivra avec le plus vif intérêt ses
nouvelles explorations dans le domaine de la musique française. Lors de ce
récital à l’Institut Goethe, il brossait un panorama de son répertoire
(Muzio Clementi, Gioacchino Rossini, John Field,
Gabriel Fauré), et apportait à chacun de ces auteurs son jeu charnu, sa
consistance dans l’approche structurelle et la palette sonore. Ainsi un
tel interprète nous révèle-t-il (béni soit-il !) que ces musiques ne sont
pas des mignardises négligeables rescapées d’une époque, et qu’elles peuvent
sonner (mais oui, mais oui !) comme de la « grande musique ».
Stefan
Irmer ©DR
Dans le cadre encore plus restreint de
l’Institut hongrois à Paris, Nicolas Stavy (3 décembre 2010) nous offrait une mémorable soirée Brahms-Liszt. Il
osait un programme extrêmement homogène par la densité intérieure des pages
choisies. Complètement investi dans son message musical, il capturait
notre émotion par la profondeur de son expression et la plénitude de sa
sonorité. Ses beaux graves soutenaient l’ample déroulement des Variations en ré mineur transcrites (à la demande de
Clara Schumann) du Sextuor op.18
de Brahms, aussi bien que l’éclairage des étrangetés harmoniques émaillant les Quatre Ballades op.10. La
partie Liszt ne rompait en rien avec cette pensée réflexive : Bénédiction de Dieu dans la solitude en
témoignait assurément. Ensuite, Nicolas Stavy s’essayait, pour la
première fois en public, à la transcription intégrale par Liszt de son ultime
poème symphonique, Du berceau jusqu’à la
tombe (1881), qu’il va prochainement enregistrer pour Hortus (label sous
lequel on peut déjà retrouver ses interprétations brahmsiennes) ; on ne
joue quasiment jamais les trois mouvements de cette transcription, et surtout
pas avec cette généreuse chaleur, même si l’on connaît, grâce aux quelques
valeureux pianistes explorant les pièces ultimes de Liszt, le Wiegenlied qui n’est autre que le germe
du seul premier mouvement de ce poème symphonique composé dans la foulée.
Répondant aux sollicitations de bis, Nicolas Stavy, avec esprit, déclara
au public que nous commémorions en cette année 2010 le bicentenaire
Chopin… donc qu’il allait jouer du Schumann, autre bicentenaire largement
éclipsé. Il sut d’ailleurs ne pas jouer l’Arabesque dans un style superficiel di grazia, et, cherchant l’essence la plus schumannienne de la
pièce, ne point rompre l’atmosphère exceptionnelle qu’il avait su créer
antérieurement.
Après observation de ce contexte acoustique
restreint, Nicolas Stavy avait décidé de jouer à couvercle fermé, donnant
à la diffusion même des harmoniques – enfermées dans leur coffrage de bois et
ne sortant plus que par une « ouïe » (dirait-on en lutherie), par une
« bouche » et une « lumière » (dirait-on en facture
d’orgue) – un « mixage » des résonances inédit… et proprement
inspirant pour un analyste de l’école spectrale ! Nicolas Stavy
est un pianiste très attentif à la qualité du son, aux moyens de son émission,
et son jeu intense se doublait ici de lucidité sur la meilleure adéquation
entre un instrument et un lieu.
Nicolas
Stavy ©Flore
Le cycle « L’art total » de la
Cité de la musique nous conviait à un programme rare (2 décembre
2010) : l’Orchestre national de Lyon s’y déplaçait pour une thématique
prométhéenne. L’originalité de ce concert – donné devant un public trop
clairsemé – résidait dans la restitution des jeux de couleurs indiqués sur la
partition du Prométhée de Scriabine
(manquait seulement le chœur ad libitum :
il est difficile de tout réunir pour cette œuvre assez coûteuse !). Alain Louvier, après s’être livré
à une révision minutieuse du « contrepoint à deux voix » (l’une plus
fixe, l’autre en constante évolution) des changements de couleurs, tenait
lui-même le clavier les commandant. La disposition des murs de la Cité de
la musique ne permettant que la projection par lampes colorées dans les
alvéoles des parois, conférait une certaine rigidité à la disposition de ces
« colonnes » lumineuses ; on nous dit que, à l’Auditorium de
Lyon, la projection sur les tuyaux de la façade de l’orgue créa un effet bien
plus féerique. Mais au fait, pourquoi n’y a-t-il plus d’orgue dans les
salles de concert parisiennes (vaste question qui rouvrirait des plaies encore
saignantes) ? Autre registre de couleurs, les recherches de timbres
de Roger Muraro, dans la partie
pianistique de ce qui se présente comme une symphonie concertante, apportaient
des raffinements… beaucoup moins rigides que les colonnes de lumière.
Ceci dit, il est si rare que nous soit proposée cette expérience
multi-sensorielle, que nous en garderons un heureux souvenir. Le chef Jun Märkl (qui vit ses derniers
mois à la tête de l’Orchestre national de Lyon) semblait avoir un peu plus travaillé
cette deuxième partie du concert, laquelle s’ouvrait par quelques extraits,
dont l’Ouverture du ballet de Beethoven : Les Créatures de Prométhée. Mais la première partie
décevait : dans l’admirable poème symphonique de Liszt, Prometheus, on n’entendait pas
distinctement tous les détails de cette écriture tantôt incisive, tantôt appassionata, toujours précise et acérée
dans son esprit visionnaire, car le chef laissait « bouler » certains
rythmes ou certaines répliques de l’orchestre. Quant au tout aussi
admirable poème symphonique de Richard Strauss, Mort et Transfiguration, il était dirigé de manière à donner du
grain à moudre à ceux qui, manquant de perspicacité, prétendent que les
orchestrations post-wagnériennes sont lourdes. Dans l’un comme l’autre de
ces poèmes pourtant puissamment construits, Jun Märkl semblait négliger
cette règle d’or de l’interprétation : savoir, face à chaque élément de
l’architecture, d’où l’on vient et où l’on va.
Dans une éclairante conférence
d’avant-concert, Sylvie Lannes avait – illustrations à l’appui –
remarquablement exposé tout ce qu’il fallait savoir pour entrer dans le Prométhée de Scriabine, ainsi que
quelques éléments sur la thématique du poème symphonique de Liszt.
Sylviane Falcinelli.
***
PIANO
Roger
COHEN : Debussy au XXIe siècle. Carnet de voyage pianistique pour les petits & les
grands. Textes originaux doigtés & commentés par l’auteur.
Hit Diffusion (www.editions-hit-diffusion.fr).
23 x 30 cm, 72 p., ill n&b. CD inclus.
Cette petite anthologie debussyste propose,
en trois chapitres, 13 pièces progressives (à partir de la 3e année),
un CD, ainsi qu’un fil conducteur biographique, enrichi d’anecdotes, images et citations. « À l’aube » : Danse bohémienne, Première Arabesque, Mazurka, Rêverie, Clair de lune. « Au zénith » : Golliwogg’s Cake-Walk, Doctor Gradus ad Parnassum, The Little Shepherd, Le Petit Nègre. « Au crépuscule » : Bruyères, La fille aux cheveux de lin, La
plus que lente, Canope.
Catalogue complet de l’œuvre pour piano.
Uwe KORN : Tango
meets Jazz. Schott (www.schott-music.com) : ED 20878. 23 x 30 cm, 78 p., CD inclus
(TT : 60’44).
Après les deux volumes de Klassik meets Jazz, Uwe Korn
publie, cette fois, 10 classiques du tango (en version originale, puis sa
propre version jazzy) : El Choclo, Jalousie, Por una Cabeza, Preludio
del Ángel, Adiós Nonino…
Moyenne difficulté. Pièces enregistrées par Uwe Korn.
CHANT
Carsten GERLITZ : Sing Jazz Ballads. Chant & piano. Schott (www.schott-music.com) :
ED 20901. 23 x
30 cm, 80 p., CD inclus (TT : 77’23).
Douze des plus fameuses ballades jazzy ont
été ici arrangées, dans le style piano-bar, par Carsten Gerlitz (niveaux
facile à intermédiaire). Cahier pour le chant (voix moyenne) + cahier
avec accompagnement de piano. Citons
quelques titres : Georgia of my mind / My funny Valentine / Les Feuilles mortes / Ain’t Misbehavin » / Manha do Carnaval / Sometimes I feel, Stormy Weather… Titres enregistrés
par diverses chanteuses professionnelles, accompagnées au piano par l’auteur.
Anne-Marie
GROSSER : Histoire de France.
De l’homme de Cro-Magnon à la fin du XIXe siècle.
« Trésors d’enfance » (Anthologie thématique de la chanson
d’enfants). Fuzeau Musique (www.musique-education.com) :
70509. Relié, couverture souple, 17 x 24 cm.,
musiques notées, ill. couleurs, 2CDs inclus.
Merveilleux outil pour parents et
enseignants soucieux de transmettre cet incomparable patrimoine historico-musical.
Car, si « en France tout finit par
des chansons », c’est bien à des événements historiques que fit
toujours référence le célèbre dicton. Anthologie réunissant quelque
110 chansons, duos et canons, comptines, bouts rimés & rythmés,
chefs-d’œuvre narratifs, comiques, dramatiques, satiriques, subversifs, à lire,
écouter, chanter (chansons de geste, complaintes, appels patriotiques, chansons
de soldats, mais aussi des mœurs de cour, de révolutionnaires, de lettrés, de
« gens sans importance » ou simplement enfantines…). Remarquables
enregistrements. Un indispensable !
Francis Gérimont.
FORMATION MUSICALE
Agnès
MABIRE-BEX : L’oreille à
l’écoute. Comprendre le langage musical. Fin 2e cycle.
1 vol. textes, 1 vol. corrigés + CD. Billaudot :
G8324B.
Voici donc le troisième volume de cette
méthode de formation de l’oreille dont nous avons déjà dit tout l’intérêt dans
nos News 23 et 19 (novembre 2008 et mai 2009). Rappelons qu’il
s’agit d’un développement de tous les paramètres de l’écoute, de la dictée
musicale traditionnelle au relevé, à l’analyse des formes, de l’instrumentation,
bref de tout le discours musical. Destiné aux élèves, il constitue aussi
une excellente formation pour l’auditeur ayant quelques notions de solfège et
désireux d’approfondir son écoute et sa culture musicale.
Jean-Clément
JOLLET : Tour de chants. Livre
de mélodies. Vol. 4. CD. Billaudot : G 8089 B.
Destiné à la 4e année de premier
cycle, pour les écoles qui ont un premier cycle en quatre ans, ce volume
contient, dans sa première partie, des chansons françaises à réaliser par
répétition, la deuxième partie est accessible par la lecture. Les textes
musicaux sont présentés sans accompagnement pour ne pas gêner la lecture des
élèves, mais les accompagnements sont présents dans un encart. Enfin, la
troisième partie est consacrée à des textes du répertoire et présentés avec
piano. Le CD est un outil indispensable ; il ne donne pas seulement
l’ensemble du play-back, mais des éléments du travail préconisé par
l’auteur. Il ne comporte pas moins de 85 plages… Bref, il s’agit d’un
recueil tout à fait remarquable réalisé par un véritable pédagogue.
Joy
KANE : Le rythme dans la peau :
une collection de chansons « dits-dactiques ». CD. Lemoine :
28 350 H.L.
On ne présente plus Joy Kane, en France,
depuis 1981. Sa collection « La musique, c’est toi » résume
toute sa philosophie. Il s’agit de bouger dans l’espace/temps tout en
chantant. Ce volume regroupe un certain nombre des exercices/chansons
proposés par Joy Kane tout au long de ses années d’enseignement.
L’enregistrement permet une mise en œuvre plus facile en même temps qu’il
communique le style et l’esprit de l’auteur. Classées par sujet, plutôt
que par âge ou niveau, les chansons à la fois drôles et instructives sont
faites pour être chantées et dansées avec les autres.
PIANO
Carsten GERLITZ : Classical Highlights, vingt pièces célèbres. “Piano lounge”. CD. Schott :
ED 20962.
L’éditeur présente ainsi ce recueil : « les
plus belles mélodies dans le style piano-bar, dans des arrangements de niveau
facile à intermédiaire. » C’est un bon résumé mais qui est loin de
traduire tout le charme de ce volume. L’auteur n’a pas lésiné sur les
airs célèbres. Nous passons de Vivaldi à Satie, de l’Ave Maria Bach/Gounod au Boléro de Ravel ou Pomp and Circumstance d’Elgar sans oublier Beethoven, Chopin… Ce pourrait être de mauvais
goût : c’est d’un goût parfait. Le CD, enregistré par l’auteur, est
à lui seul un enchantement. Cela dit, si la technique n’est pas
difficile, l’interprétation suppose que le jeune pianiste soit également
musicien…
John KEMBER : Just
for Two. 16 duos faciles
pour piano à quatre mains. Schott : ED 13383.
Il est toujours agréable de trouver un
répertoire à quatre mains adapté à deux instrumentistes de même niveau.
C’est ici le cas. Et c’est une réussite. Le style est varié, de la valse
à la berceuse en passant par le jazz, la musique latino-américaine et le
folk. Classées par niveau de difficulté, elles sont, même les plus
faciles, pleines de charme et de séduction.
Maurice
JOURNEAU : Air breton pour
piano. Armiane : EAL 481.
On pourrait s’étonner de la publication de
cette pièce que Maurice Journeau composa vers l’âge de 14 ans, juste
avant la Première Guerre mondiale. Elle faisait partie d’un recueil, mais
le compositeur n’a autorisé que la publication de cet Air breton. Sans grande difficulté, elle possède un
caractère un peu nostalgique et demande beaucoup de délicatesse et de
sensibilité. Une jolie pièce composée par un jeune pianiste pour de
jeunes pianistes…
Gustav
MAHLER : Adagietto, extrait de
la Symphonie n°5. Arrangement
pour le piano par Stéphane Blet. Combre : C06675.
Comment ne pas voir défiler les images du
film de Visconti Mort à Venise en
écoutant cette transcription du célèbre Adagietto !
Et merci à Stéphane Blet d’offrir aux pianistes l’occasion de s’approprier
ce merveilleux texte, remarquablement adapté.
Arletta
ELSAYARY : Chasse aux papillons, pour
piano niveau débutant. Lafitan : P.L.1972.
Il n’est pas facile d’écrire pour les
débutants… Arletta Elsayary a écrit une petite pièce, pleine de charme et de
musique, qui aidera les jeunes pianistes à mettre en place la
noire pointée-croche…
Arletta
ELSAYARY : Insouciance, pour
piano niveau débutant. Lafitan : P.L.1973.
Même auteur, mêmes qualités, mais cette
fois, c’est le phrasé d’une jolie mélodie en croches qui est privilégié.
Beaucoup de finesse et de délicates harmonies pour une pièce qui reste
cependant vraiment facile.
Bruno
LESCARRET : Dino, le petit
dinosaure, pour piano niveau préparatoire. Lafitan : P.L.1987.
Ce petit dinosaure permettra au jeune
pianiste de montrer ses qualités expressives : chant passant de la main
droite à la main gauche, rythme un peu syncopé, mais le tout dans la bonne
humeur !
Christine
MARTY-LEJON : Petite étude, pour
piano. Cycle 1. Lafitan : P.L.1980
Toutes proportions gardées, on est plus
proche de Chopin que de Czerny : la musique est, en effet, présente à
chaque mesure d’une étude qui permet, en même temps, de montrer à l’élève
comment la même mélodie peut être habillée d’un accompagnement différent à
chacune de ses apparitions.
David
NEYROLLES : Rouge. Pièce
pour piano solo. Niveau élémentaire. Lafitan : P.L.1935.
Piano « solo », on ne rit
plus ! Intégrée à la série « Les couleurs du piano », cette
pièce est de type « romantique », ce qui explique certainement le
piano solo… De l’humour certes, mais surtout beaucoup de bonne musique
dans cette pièce écrite par un pédagogue dont le but est, à la fois, d’aider
les jeunes pianistes à « mieux maîtriser la technique […] tout en
éveillant leur sens de la musicalité et en leur procurant un réel plaisir de
jouer ». Mission accomplie !
GUITARE
Konrad
RAGOSSNIG : Guitar Duet Collection.
20 pièces faciles de trois siècles, éditées et doigtées. Schott :
ED 20886.
Les duos ici réunis vont de Carulli à
Carlos Gardel. Faciles, ils demandent cependant une certaine maîtrise de
l’instrument et une bonne écoute du partenaire. Ce sont de vrais duos qui
permettront une authentique éducation à la musique d’ensemble. La variété du
répertoire plaira à tous.
Jean-Marie
LEMARCHAND : Granada. Grande
suite pour guitare. Texte de Lynda Deltombe. Armiane :
EAL 423.
Cette suite a été composée dans une
perspective théâtrale. Si les huit pièces et l’épilogue qui la composent
peuvent être interprétés séparément, on peut aussi restituer le contexte en
faisant de cette suite une sorte de musique de scène. Ensemble séduisant,
varié, plein d’invention et de charme.
Jean-Marie
LEMARCHAND : Mélodies d’automne pour
guitare. Armiane : EAL 431.
Voilà deux courtes pièces sans grande
difficulté, mais non sans intérêt : l’une égrène une très jolie mélodie
propre à la promenade tandis que l’autre, de caractère rapide, au rythme obstiné,
invite plutôt à la danse.
ORGUE
Max
MÉREAUX : Vitrail pour
orgue. Armiane : EAL 489.
Cette pièce pour deux claviers &
pédalier n’exige pas un instrument très important. La registration fait
uniquement appel aux fonds de 16, 8 et 4. Divisé en deux volets, ce Vitrail, d’un caractère plutôt
méditatif, déploie d’amples mélodies. Le second volet est fugué, de façon
fluide, avec un thème chromatique descendant très mélancolique.
Franck
BESINGRAND : Deux esquisses pour
orgue. Combre : C06678.
Si la première pièce peut être jouée sur la
plupart des instruments, il n’en est pas de même de la seconde, à la
registration très spécifique (cor de nuit de
2 pieds
à la pédale et
trois claviers indépendants). Mais faisons confiance à l’ingéniosité des
organistes : cela fait partie du métier ! Si la première pièce
est un « Intermède sur le grand jeu » dans l’esprit du granjeu français classique, la deuxième
est une méditation sur un verset du psaume 103 : « Tu fis la
lune pour marquer les temps, le soleil connaît son coucher ». Deux
courtes œuvres, mais denses et fortes.
Maurice
JOURNEAU : Simple cantilène op.50.
Version pour orgue. Combre : C06695.
Pas besoin d’un gros instrument pour jouer
cette petite pièce dont le titre traduit le caractère. Un langage
limpide, poétique, voilà ce qui caractérise la musique d’un compositeur discret
mais à l’œuvre attachante, mort à cent ans en 1999.
VIOLON
Maurice
JOURNEAU : Simple cantilène op
50. Version pour orgue & violon. Combre : C06695.
On se reportera à la version pour orgue
seul quant au commentaire. Disons seulement que cette version répartit le
discours entre les deux instruments.
Gréco
CASADESUS : Trois pièces pour violon
seul : Troublances, Réminiscences, Insistances. Armiane (www.armiane.fr/index.php) :
EAL434. Distr. Fortin (16, rue Ganneron, Paris XVIIIe).
Saluons ces trois œuvres d’un membre de la
fameuse dynastie, notamment connu pour ses musiques de film. Elles sont,
disons-le, d’une grande beauté. Lyriques, et demandant une grande
souplesse mélodique et rythmique, elles évoquent, selon le compositeur,
« les vibrations de l’âme, celles qui habitent le cœur, bien sûr, mais
également celles qu’héberge le cœur du violon ». Comment mieux
dire ?
Jean-Marc
ALLERME : Duet hits. Une
collection inédite de duos originaux. Lemoine : 28854 H.L
Nous avions déjà signalé, dans notre
précédente Lettre, cette collection. Voilà donc le volume consacré aux
duos de violons. Inutile d’insister sur la qualité musicale de ces
petites pièces abordables par de quasi-débutants.
Vittotio MONTI : Czardas. Bärenreiter’s Easy Concertos. Bärenreiter : BA8975.
Quelle excellente idée de proposer dans
cette collection la célèbre Czardas de
Monti… La préface indique les présupposés techniques requis pour son
interprétation. De plus, un lien est proposé vers le site www.violinmasterclass.com où se
trouvent des vidéos illustrant les différents points techniques ainsi qu’une
exécution intégrale.
Oskar RIEDING : Concertino in ungarischer Weise op.21 pour violon & piano. Édité par Kurt Sassmannshaus.
Bärenreiter’s Easy Concertos. Bärenreiter : BA8973.
Dans la même collection, voilà un concerto
d’Oskar Rieding, dans le style hongrois. Cette pièce n’utilise que les première
& troisième positions. Elle bénéficie également des exercices
indiqués par le site www.violinmasterclass.com
Jean-Baptiste
ACCOLAY : Concerto n°1 en la mineur, édité par Kurt Sassmannshaus.
Bärenreiter’s Easy Concertos. Bärenreiter : BA8976.
Composé en 1868 par le violoniste belge J.
B. Accolay, ce concerto est devenu un classique de l’apprentissage du
violon. Il constitue une étape qui permet de faire le point sur les
acquisitions de l’élève. C’est, en même temps, une musique fort agréable
qui peut aussi former le goût du jeune violoniste. En voici une édition très
pédagogique qui bénéficie également du soutien du site www.violinmasterclass.com
René-Louis
BECKER (1882-1956) : Sonate pour
violon & piano op.103. « Compositeurs alsaciens »,
vol. 19. Delatour : DLT1730.
Trois mouvements composent cette
sonate : Moderato alla fantasia, Andante, Allegro con spirito.
Lyrique et passionnée, cette œuvre devrait figurer au répertoire de tout
violoniste. Elle mérite d’être découverte et écoutée.
Michel
CHEBROU : Serinette pour violon
& piano. Niveau débutant. Lafitan :P.L.1860.
Voici la version violon et piano de la Serinette pour flûte, recensée en
décembre 2009. L’auteur prend soin d’expliquer la nature et l’intérêt de la
serinette. Joyeuse et pleine de charme, cette pièce devrait enchanter le
jeune violoniste.
VIOLONCELLE
Leonello
CAPODAGLIO : Air, pour quatre
violoncelles op.261. Armiane : EAL 482. Voici une œuvre
fort intéressante de ce compositeur italien, né en 1945. Si les
différentes parties n’offrent aucune difficulté majeure, l’œuvre, quant à elle,
toute chantante qu’elle soit, requiert de grandes qualités de justesse et
d’expression. Ne nous y trompons pas : loin de l’exercice
pédagogique, c’est une œuvre à part entière.
Sylvia
FILUS : Promenade dans la forêt, pour
violoncelle & piano. Armiane : EAL 439.
Voici une fort jolie pièce de cette
compositrice polonaise, en France depuis l’âge de 16 ans, surtout connue
pour ses musiques de film. Exigeante pour le pianiste comme pour le
violoncelliste, cette pièce est pleine d’originalité et de charme dans un style
primesautier de bon aloi.
Alain
BERNAUD : Partita en ut mineur, pour violoncelle seul.
Combre : C06708.
Cette partita est à la fois moderne, par
son écriture, et classique, par sa forme. Prélude, Allemande, Sarabande,
Gavotte et Gigue se succèdent dans une jubilation communicative. Une très
belle œuvre de ce toujours jeune compositeur.
CONTREBASSE
Patrick
HARDOUINEAU : Trois esquisses pour
contrebasse seule. Combre : C06710.
Écrites pour une fin de deuxième cycle, ces
trois esquisses mettent à contribution la virtuosité et le sens musical du
contrebassiste. Bien plus que des pièces pédagogiques, elles sont avant
tout de la belle musique.
FLÛTE TRAVERSIÈRE
Maurice
BARDIN : Sonatine champêtre, pour
flûte & piano. Combre : C06696.
Mort récemment à l’âge de 90 ans, Maurice
Bardin, s’il avait cessé de jouer, a composé jusqu’au bout. Que le terme
« sonatine » ne fasse pas illusion : c’est plus à Ravel qu’à
Clementi qu’il faut penser. En trois mouvements, cette sonatine nous
montre son caractère champêtre par une Pastorale et une Musette, le tout de caractère
enjoué et bien « nivernais ». Un dernier hommage à cette région
qu’il aimait tant.
Alexandre
CARLIN : Dans les bois, pour
flûte en ut & piano. Niveau
débutant. Lafitan : P.L.2030
Après le saxophone, voilà que la flûte peut
aussi se promener dans ces bois enchanteurs. Une bien jolie promenade…
Pierre-Richard
DESHAYS : Thème et variations, pour
flûte en ut & piano. Niveau
élémentaire (4e année). Lafitan : P.L.1929
Un thème et quatre variations bien
caractérisées qui permettront au flûtiste de montrer les diverses facettes de
son talent, tout en se faisant plaisir, car c’est de la vraie musique.
Claude-Henry
JOUBERT : Sérénade catalane, pour
flûte avec accompagnement de piano. Niveau : fin du 1er cycle.
Lafitan : P.L. 1948.
On ne s’ennuie jamais avec
Cl.-H. Joubert. Le plaisir commence dès la lecture du « Mot du compositeur… » Sans déflorer
le sujet, disons que cette pièce comporte une séquence d’improvisation, et que
flûtiste & pianiste doivent constituer une paire complice.
FLÛTE À BEC
Max
MÉREAUX : Chanson indienne, pour
flûte à bec soprano & piano. Niveau préparatoire.
Lafitan : P.L.2098.
Voici une jolie pièce qui convient
parfaitement à l’instrument. La partie de piano, sans difficulté, n’est
pas sans intérêt.
HAUTBOIS
Franck
DOUVIN : Angelicus, pour
hautbois solo. Combre : C06705.
Cette manière de rhapsodie laisse à
l’exécutant une grande liberté de jeu et d’interprétation. Devra-t-il se
montrer « angélique » ? Cette pièce a été conçue pour un
niveau de début de troisième cycle.
Joseph-Ermend
BONNAL : Au pays des pommiers
innombrables, pour hautbois & piano. Delatour : DLT0975.
Les éditions Delatour continuent la
publication des œuvres de ce compositeur trop méconnu. La pièce ici
proposée, de niveau moyen, est pleine de charme avec une première partie qui
développe une belle mélodie et une seconde écrite sur un rythme dansant.
CLARINETTE
Christophe
FRIONNET : Deux Rhapsodies op.12
et op.32 pour clarinette solo en sib. Delatour : DLT0506.
Composées à huit ans d’intervalle, ces deux
pièces nous entraînent dans un monde onirique plein d’imprévu et de
charme. De difficulté moyenne, elles sont abordables par un bon amateur.
SAXOPHONE
Dirko JUCHEM : Christmas Classics. Les
16 plus beaux chants de Noël. Saxophone & piano. « Schott
Saxophone Lounge ». CD. Schott : ED 20957.
Ces seize chants incontournables sont
proposés, pour l’accompagnement, dans une version légèrement swinguée. Le
CD comporte l’enregistrement intégral, ainsi que le play-back avec piano,
contrebasse & percussion. Une 33e piste propose judicieusement
le sib, pour l’accord. Pour
certains noëls, les paroles sont également inscrites et, pour tous, les accords
de guitare, ce qui permet d’adapter l’accompagnement à toutes les situations.
Jean-Marc
ALLERME : Duet hits. Une
collection inédite de duos originaux. Lemoine : 28838 H.L.
Voici, pour le saxophone, ces duos déclinés
dans le même esprit que pour les autres instruments. Ils devraient
connaître un vif succès. On connaît les qualités de Jean Marc Allerme…
PERCUSSIONS
Gérard
BERLIOZ : Le rythme oh oui ! à
la caisse claire. 10 solos avec play-back. CD. « Percus
Audio », Combre : C06698.
Comment apprendre les formules rythmiques
en faisant de la musique… Après tout, ce volume pourrait être utilisé
avec profit en Formation musicale. Il suffit de remplacer la caisse
claire par un « frappé » manuel. Gérard Berlioz offre à tous un
excellent outil, bien agréable à utiliser. Le CD contient la réalisation
intégrale de chaque pièce et son play-back.
MUSIQUE RELIGIEUSE
ROSSINI : Petite messe solennelle, pour quatre
solistes, chœur mixte, deux pianos & harmonium, éditée par Patricia Brauner & Philip Gosset.
Bärenreiter. Conducteur : BA 10 501. Réduction pour
soli, chœur & piano : BA 10 501a.
La Petite
messe solennelle, composée à Paris durant l’été 1863, est une très belle
œuvre, bien dans le style de son auteur, et qui comporte quelques
particularités tout à fait étonnantes. La préface de P. Brauner et
de Ph. Gosset est, à ce sujet, particulièrement intéressante et documentée.
La présence de l’harmonium, orgue de salon, s’explique par l’aspect
« musique de chambre » de l’œuvre. De plus, il ne s’agit pas de
n’importe quel harmonium mais de l’instrument hybride dit
« Harmonicorde Debain », instrument également muni de cordes
frappées. Cette Messe est en tout cas la dernière grande œuvre de Rossini
et comporte des audaces harmoniques inattendues. S’il en a réalisé une
orchestration en 1867, c’est simplement pour éviter qu’un autre le fasse après
sa mort. C’est toutefois la première version qui est celle expressément
voulue par le compositeur.
MUSIQUE D’ENSEMBLE
Roland
CHAGNON : Le Fantôme de l’Étrange
Opéra, pour quintette à vent. Delatour : DLT1353.
Un fantôme taquin a détourné quatorze
thèmes de la Carmen de Bizet…
Ce joyeux quintette n’est certes pas très difficile techniquement ; mais,
pour livrer tout son humour, demande une parfaite liberté avec son instrument.
Il suppose aussi des jeux de scène indispensables à l’exécution. Bref, il
demandera un travail sérieux pour un résultat plein d’humour et de vraie
musique.
Frédéric
CHOPIN (arrangements de Francis Coiteux) : Mon ami Chopin, pour piano & cordes (2 violons,
violoncelle & contrebasse). Delatour :
DLT1838.
Cet hommage à Chopin est constitué de
quatre extraits d’œuvres célèbres (dont le 1er Concerto),
soutenus par un discret accompagnement des cordes. C’est fait avec
beaucoup de goût. Si le pianiste doit être expérimenté et avoir, surtout,
le sens de cette musique, les parties de cordes sont, elles, assez faciles.
Félicien
WOLFF : Concerto pour orgue &
orchestre à cordes (2 trompettes ad libitum)
sur le Veni Creator.
Delatour. Conducteur : DLT1000. Orgue : DLT1000D.
Félicien Wolff a longtemps cessé de
composer avant de donner quelques œuvres majeures. Ce Concerto en est
une. Orgue, orchestre & trompette échangent et concertent longuement
autour du Veni Creator dans deux
mouvements : « Prélude et Andante en trio », « Passacaille
et Fugue ». Bien que déclarées ad libitum,
les trompettes sont indispensables : elles assurent souvent l’énoncé du
thème en valeurs longues au dessus de la polyphonie.
Jean-François
PAULÉAT : Oréade, pour bande de
hautbois, clavecin, timbales & batterie. « Les bandes de
hautbois », Delatour : DLT1748.
Composée pour 3 hautbois, hautbois d'amour,
3 cors anglais, 2 bassons, clavecin, timbales & batterie, cette
œuvre originale évoque les nymphes des grottes et des montagnes.
Dynamisme et gaieté dans un langage où l’ancien et le moderne font bon ménage… Construite
sur trois mélodies et une base rythmique récurrente, cette partition nous
entraîne dans un univers de rêves et de folie.
Daniel Blackstone.
***
La nouvelle collection « MusicologieS »,
chez Vrin. Le lundi 6 décembre
2010, à la Galerie Bernanos (Centre Jean Sarrailh), à l’occasion d’une
chaleureuse réception, Malou Haine et Michel Duchesneau ont présenté
cette nouvelle collection qui prend la suite des nombreuses publications
dirigées par Malou Haine aux éditions Mardaga. Les deux directeurs
travaillent dans le même esprit, « loin des petites chapelles » et
dans la complémentarité des recherches : l’un étant spécialiste du XIXe siècle, l’autre du XXe. Une garantie : leur parfaite
connivence et les liens d’amitié qu’ils créeront avec les auteurs sous le signe
de la discussion et de l’ouverture universitaire. Les éditions Vrin -
depuis longtemps spécialistes d’ouvrages philosophiques - ont bien voulu ouvrir
l’éventail de leurs publications à la musicologie : tout à l’honneur de
leur longue tradition éditoriale familiale. Trois ouvrages sont d’ores et
déjà parus :
- Sophie Stévance (dir.) : Composer au XXIe siècle. Pratiques, philosophies, langages et analyses.
- Pauline Pocknell, Malou Haine, Nicolas Dufetel : Lettres de
Franz Liszt à la Princesse Marie Hohenlohe-Schillingsfürst, née de
Sayn-Wittgenstein
- Sylvie Douche, Philippe Cathe, Michel Duchesneau (dir.) : Charles
Koechlin, compositeur et humaniste.
[Recensions à
paraître dans L’éducation musicale.]
Les deux directeurs ont évoqué leurs
dynamiques projets à long terme forçant l’admiration. Cette sympathique
réception était associée, comme de juste, à un « Moment musical
Koechlin » offert par des étudiants en Musique & Musicologie de
l’Université Paris-Sorbonne placés sous la haute direction si enthousiaste de
Sylvie Douche, en présence de membres de la famille de ce compositeur issu
d’une vieille famille mulhousienne, ayant accompli toute sa carrière à Paris.
Il n’est pas seulement l’auteur du Traité d’harmonie ou encore du Traité de l’orchestration bien connus ; il est aussi un remarquable compositeur, entre autres,
d’œuvres instrumentales (piano, flûte, violon…) et vocales…, avec un sens
exceptionnel de la facture mélodique. Les chanteurs et instrumentistes
ont bénéficié d’un accompagnement au piano discret et équilibré. Le chœur La Terre, interprété par une
trentaine d’étudiants, a posé un lumineux point d’orgue sur ce lancement de la
collection scientifique « MusicologieS »,
d’ores et déjà si prometteuse.
Malou
Haine ©DR
Bénédicte GANDOIS : Mendelssohn et la France, de 1847
à nos jours.
Delatour (www.editions-delatour.com) : DLT 1851.
97 p. 14 €.
L’année Mendelssohn (2009) a
suscité de nombreuses publications. Pour sa part, B. Gandois retrace
l’impact du compositeur romantique en France, depuis sa mort jusqu’à nos jours.
Elle démontre à quel point « toute l’école symphonique française de la fin
du XIXe siècle s’inspire de Mendelssohn (1809-1847), autant
sinon plus que de Beethoven ». Rapidement considéré comme un
musicien de second plan par rapport à ce dernier, son décès, après une si brève
existence jalonnée par tant de réalisations, a marqué toute l’Europe.
Cette publication est riche de constats sur la présence de Mendelssohn aux
concerts et sur les affiches en France, et en questionnements : F. Mendelssohn :
« génie » ou « petit maître » ?, « antithèse
de Wagner » ?, « compositeur pour les besoins du
temps » ?… Dans les années 1860, l’antisémitisme social et
politique sévit en Allemagne et en France, mais Mendelssohn, converti au luthéranisme,
n’était pas pas pour autant méprisé à Paris. Dans une certaine mesure,
les éléments de son milieu justifient son œuvre, et l’auteur tente de retrouver
la vie, la pensée et « l’étrange paradoxe d’un compositeur allemand très
joué en France… très populaire et pourtant rejeté par les historiographes du XXe siècle. »
Cette approche neuve mérite l’attention. Elle est complétée par des éléments
bibliographiques et un aperçu des sources (y compris les sites Internet).
De quoi s’instruire à propos de la réception de Mendelssohn en France.
Odile BOURIN, Pierrette GERMAIN-DAVID, Catherine MASSIP, Raffi
OURGANDJIAN : Elsa Barraine, une compositrice au XXe siècle. Delatour (www.editions-delatour.com) :
DLT 1079. 2010. 137 p. 13 €.
Quatre auteurs présentent une
femme compositeur, l’une des premières à avoir obtenu le Premier Grand Prix de
Rome. En cette année du Centenaire de la naissance d’Elsa Barraine,
P. Germain oriente les lecteurs à travers les étapes de sa vie, ses
origines, sa formation musicale (âgée de 9 ans, elle entre déjà au
Conservatoire), son séjour à Rome, puis son retour à Paris où elle est la
pianiste des Chœurs Félix Raugel, puis chef de chant à l’Orchestre national.
Arrêtée et relâchée par la milice de Vichy, elle est ensuite preneur de son,
compositeur et professeur au CNS de musique. Inspectrice des Théâtres
nationaux, elle continue à voyager vers l’Est, et meurt à Strasbourg, le 20
mars 1999. Au fil des pages, sont évoquées sa personnalité
exceptionnelle, son attitude spirituelle, ses activités de compositeur et de
pédagogue et les leçons qu’elle laisse à la postérité. Ces éloquentes
contributions associées à un choix de textes, au catalogue complet
(chronologique et par effectif) de l’œuvre, à la liste de ses élèves
représentent la première monographie consacrée à cette
« compositrice ».
Édith Weber.
Laurence
BANCAUD : Tôn-Thât
Tiêt, Dialogue avec la nature(Entretiens annotés & analyses).
Préface de Michèle Reverdy. Cig’art Édition, 2010.
14 x 21,5 cm, 167 p. 22 €.
Tout est intéressant dans les éléments
réunis pour ce livre : le compositeur s’impose comme une des grandes
personnalités de sa génération, l’auteur a une vision très pertinente de son
sujet dont elle est, en tant que harpiste, une interprète, la rencontre
Orient-Occident innervant la musique et la pensée de Tôn-Thât Tiêt est un des
thèmes majeurs de notre époque, les sujets philosophiques abordés (en raison de
l’imprégnation de l’itinéraire du musicien par les sagesses taoïstes et bouddhistes)
incitent à l’approfondissement culturel. Alors, qu’est-ce qui ne va
pas ? La structure du livre, tout simplement. Les entretiens sont
très maigres, et Laurence Bancaud a, en revanche, beaucoup à dire sur la
musique et l’approche philosophique du maître vietnamien : mais (ô stupeur
et consternation !) tout son propos est classé sous forme de notes et
d’annexes (d’où des annexes représentant plus de la moitié des pages du
livre !). Son plan eût-il navigué entre ses propres arguments
analytiques et des « propos rapportés » les étayant, l’ensemble eût
gagné en cohérence rédactionnelle. On a l’impression de lire l’esquisse
de ce qui pourrait être un grand travail exégétique de Laurence Bancaud
sur le musicien. La reconversion d’un précédent ouvrage qu’elle avait
fait paraître en 1998 n’a pas fonctionné et aboutit à une structure boîteuse,
diminuant l’impact d’une réflexion de très grande qualité.
Sylviane Falcinelli.
Véronique
ALEXANDRE JOURNEAU (Sous la direction de) : Arts, langue et cohérence. « L’univers esthétique »,
L’Harmattan. 13,5 x 21,5 cm, 260 p., ex. mus., ill. n&b.
24 €.
Dans le droit fil de son précédent opus, Musique et effet de vie (L’Harmattan,
2009), la sinologue Véronique Alexandre Journeau développe sa réflexion
sur « la cohérence dans l’œuvre d’art », corollaire essentiel de
l’effet de vie (l’esprit humain n’a-t-il pas naturellement tendance à chercher
l’ordre et à fuir le chaos ?). Après une introduction de
Marc-Mathieu Münch, trois parties composent l’ouvrage : Du texte à la musique (Gottfried
R. Marschall, Véronique Alexandre Journeau, Marc Rigaudière,
Philippe Malhaire, Hui-Mei Chen, Patrick Lang), De la littérature aux arts (Jean Ehret, Brigitte Lefèvre,
Marie Burkhardt, Gérard Denizeau), Perspectives (Michel Guiomar, Danièle Pistone).
Fruit de la « rencontre scientifique » qui s’était déroulée, le 3 février
2010, sous les auspices de l’Observatoire musicale français (OMF), une somme d’importance.
Dorian
ASTOR, Gérard COURCHELLE & Patrick TAÏEB : Opéra-ci Opéra-là ou comment découvrir l’art lyrique.
Gallimard. 18 x 25 cm, 400 p., ill. n&b et
couleurs.
Jailli quasiment tout armé, en 1600, du cerveau
visionnaire de Monteverdi, l’opéra est désormais universel. Vingt-cinq
« hit opératiques » (sic) sont ici présentés sous leurs
aspects notamment anecdotiques : Extraits du livret / Description de
ce qu’on entend pour guider une première écoute / Parcours
historico-culturel autour du compositeur & de son œuvre / Mises en
scène historiques et/ou modernes. Ouvrages recensés : Orfeo (Monteverdi), Atys (Lully), King Arthur (Purcell), Giulio Cesare (Haendel), Orlando furioso (Vivaldi), Platée (Rameau), Armide (Gluck), Les Noces de Figaro (Mozart), Le Barbier de Séville (Rossini), Der Freischütz (Weber), Norma (Bellini), Les Troyens (Berlioz), La Belle Hélène (Offenbach), Tristan et Isolde (Wagner), Boris Godounov (Moussorgski), Carmen (Bizet), Eugène Onéguine (Tchaïkovski), Rigoletto (Verdi), Tosca (Puccini), Pelléas et Mélisande (Debussy), Jenůfa (Janáček), Salomé (Strauss), Wozzeck (Berg), Billy Budd (Britten), West Side Story (Bernstein). Un panel, mon Dieu, fort représentatif…
« Gilles Tremblay, ou le plain-chant contemporain ». Revue Circuit,
Musiques contemporaines. Volume 20, n°3. Les Presses de
l’Université de Montréal (www.revuecircuit.ca).
21, 5 x 23 cm, 140 p., ex. mus, ill. n&b.
28 $ CA.
Contribution de la prestigieuse revue Circuit à la série « Hommage au
compositeur Gilles Tremblay (°1932) », initiée par la Société de
musique contemporaine du Québec (www.smcq.qc.ca),
ce numéro propose : « L’arbre et le fleuve » (introduction par
Jonathan Goldman), « Une célébration sonore de l’esprit : à
propos d’Oralléluiants » (par
Vincent Ranallo), « Qui êtes-vous Gilles Tremblay ? »
(entretien réalisé, en 1997, par Jean Lesage), « Gilles Tremblay
pédagogue, vu par ses anciens élèves » (enquête par Danick Trottier),
« Compléments biographiques » (par Marie-Thérèse Lefebvre), « Gilles Tremblay :
éléments d’une poétique musicale vus sous le prisme de Réseaux, Fleuves et Solstices » (cahier d’analyse par Serge
Provost). Hors dossier : « Nouveautés en bref » (Réjean Beaucage).
Compositrices françaises au XXe siècle. Association
« Femmes et musique ». Préface de Jean Roy.
Introduction d’Alain Mitéran. Delatour (www.editions-delatour.com).
16 x 23,5 cm, 218 p., ill. n&b. 22,16 €.
Elles sont là, (quasiment) toutes là :
I. Aboulker, Cl. Arrieu, E. Barraine, N. Boulanger,
L. Boulanger, Th. Brenet, M. Canal, E. Canat de Chizy,
M. Cecconi-Botella, A. Clostre, Chr. Colleney,
Y. Desportes, R. Falcinelli, Gr. Finzi, M. Gabus, S. Giraud,
Chr. Groult, B. Jolas, E. Lejet, J. Leleu, M. de
Manziarly, Fl. Mulsant, A. de Polignac, H. Puig-Roger,
M. Reverdy, G. Tailleferre. Catalogue des œuvres, bibliographies
succinctes.
Françoise
SCHWAB, et alii : Présence de Vladimir
Jankélévitch. Le charme et l’occasion. « Prétentaine »,
Beauchesne (www.editions-beauchesne.com).
13,5 x 23,5 cm, 470 p., photos n&b. 48,50 €.
Quel bonheur de retrouver ici - en parfaite
complicité avec quelques disciples & amis de l’auteur de La Musique et l’ineffable –
l’éblouissant professeur dont nous eûmes naguère le privilège de suivre les cours
en Sorbonne. Où la plupart des contributeurs retrouvent, plus ou moins
consciemment, les qualités d’expression d’une pensée hors du commun. Avec
la collaboration de Sofia Eliza Bouratsis & de Jean-Marie Brohm,
l’historienne et philosophe Françoise Schwab a rassemblé les
communications faites lors du colloque « Vladimir Jankélévitch : Actuel, Inactuel » qui s’était tenu, à l’École normale
supérieure, les 16 et 17 décembre 2005 – recueil enrichi de bien d’autres
textes, témoignages ou documents. Six parties composent cet admirable Tombeau : « La temporalité
enchantée » (A. Davidson, M. Massin, Fr. Schwab, J.-P.
Bartoli, B. Scève), « L’émerveillement et l’indicible »
(Fr. Worms, L. Jerphagnon, P.-M. Klein, G. Ernst), « L’exigence
de l’agir » (E. Lisciani-Petrini, É. de Fontenay, L.-T.
Somme, J. Brankel), « Le philosophe et l’histoire »
(P. Kemp, A. Le Guyader, M. Le Dœuff, J.-M. Brohm),
« Témoignage » (P. Grappin), « Présence de
Vladimir Jankélévitch » (15 conférences, articles et
entretiens). Repères biographiques, bibliographie.
Signes Musiques. « La
revue du chant liturgique » (Tél. : 01 74 31 60 60. bpcontact@bayard-presse.com).
N°119 (septembre/octobre 2010). N°120 (novembre/décembre 2010).
21 x 30 cm, 60 p., textes musicaux, un CD. 7 €.
Au sommaire de ces deux fort riches livraisons,
outre les rubriques habituelles (Entre nous, Actualité, Rencontres,
En librairie, Point d’orgue, Coup de cœur…), sont proposées
de toutes nouvelles partitions à caractère proprement liturgique (sous forme de
mélodies avec chiffrages, chœurs à 3 ou 4 voix, pièces d’orgue). Numéro 119 :
« Le chant et la musique dans les célébrations » du 28 novembre
2010 (1er Avent A) au 16 janvier 2011 (2e dimanche A) ». Numéro 120 : « Le chant et la musique dans les
célébrations » du 23 janvier (3e dimanche A) au
20 mars 2011 (2e carême A) ». Les CDs
inclus comportent l’enregistrement des musiques (TT : 43’31 + 50’59)
mais aussi, sur piste CD-Rom, les partitions au format PDF. Saluons
l’effort ici entrepris pour sortir l’actuel répertoire chrétien de son ordinaire indigence.
« Le cerveau mélomane ». Revue L’essentiel Cerveau & Psycho n°4 (www.cerveau&psycho.fr).
16,5 x 23 cm, 98 p., ill. n&b et couleurs.
Passionnante publication où, en trois
grands chapitres, sont mises en lumière les multiples façons dont la musique
agit sur le cerveau. « Musique
pour tous » : le langage de la musique s’acquiert de façon aussi
spontanée que l’on apprend à parler / il s’installe dans le cerveau sans
que nous en ayons conscience / il suscite les mêmes émotions chez tous les
auditeurs / il réduit les concentrations sanguines en hormones du
stress / il influe sur le comportement consumériste. « Les effets de la musique » : favorisant
l’intelligence émotionnelle, elle améliore la concentration & la
coordination / sa pratique révèle des changements dans la morphologie du
cerveau & les fonctions de certaines aires / la mémoire musicale
partage de nombreuses aires cérébrales avec celle des mots / la musique
aide à retrouver l’usage de la parole après un accident vasculaire
cérébral / les locuteurs d’une langue tonale (telle le mandarin) ont
l’oreille absolue. « Des défis
pour le cerveau » : l’amusie congénitale / exacerbation de
la perception des sons chez les aveugles / environnements sonores des
scènes de réalité virtuelle / révélations de l’imagerie cérébrale /
bienfaits (inconscients) de l’écoute répétée de musique contemporaine (cf. www.cerveauetpsycho.fr). Fasse
le ciel…
Olivier DEGEN (Photographies de) : Jazz Portraits. Daniel,
Bruno, Louis, Michel et les autres. « Les musiciens par leurs prénoms » (poème de
Francis Marmande). Trans Photographic Press (www.transphotographic.com). Album
relié, couverture toilée & jaquettée, 21 x 21 cm, 112 p.,
photos n&b. 35 €.
Magnifique album qu’il n’est certes pas
trop tard pour (vous) offrir ! Où, en toute complicité, le photographe
parisien Olivier Degen et l’écrivain & critique Francis Marmande
rendent un extraordinaire hommage à tous ces merveilleux artistes qu’ils auront
côtoyés et aiment passionnément.
Les Cahiers du jazz, n°7 (2010,
nouvelle série) : dossier Michael Brecker. Outre Mesure (www.outre-mesure.net).
14,5 x 21 cm, 192 p., ill. n&b, ex. mus.
16 €.
Outre un très complet « Dossier
Michael Brecker » (articles signés Ludovic Florin,
Randy Brecker, Pierre Sauvanet, Pierre Genty, Jean-Louis Chautemps,
Bertrand Lauer…), cette livraison propose des « Textes » sur
Albert Ayler, Martial Solal, André Hardellet… plus les rubriques
habituelles : « Événements », « Témoignage »,
« Anachroniques ».
Michael Brecker ©DR
Sébastien
BISET (Sous la direction de) : Le performantiel noise.
MNÓAD & (Sic), éditeurs (www.sebastien-biset.com).
21 x 27 cm, 84 p., CD inclus. 15 €.
Au sommaire de cette bizarre publication (assortie
d’un CD hautement névralgique) : Des fondamentaux à l’air du temps
(Sébastien Biset), L’art de la bruicante et l’aspiration à l’authentique (Yves Citton),
Pour une bruitologie performantielle (Pierre Albert Castanet), Le bruit du
« n’importe qui », fable de la « non-musicienne »
& du critique musical (Matthieu Saladin), Noise : une performance
pour l’oreille (Anne Genette), Circonstances du bruit en Chine (Guy-Marc
Hinant), Une singularité de la musique noise en Asie et en Afrique (C-Drík
Fermont).
Hervé
BOURHIS : Le
Petit Livre Beatles. Préface de Hugo Cassavetti. Dargaud
(tél. : 01 53 26 32 33. www.dargaud.com).
22 x 22 cm, couverture cartonnée, 160 p., quadrichromie.
19,90 €.
Sous le crayon érudit d’Hervé Bourhis (à
qui nous devions déjà un remarquable Petit
Livre rock), est amoureusement retracée la joyeuse épopée des « Fab Four » - depuis la
préhistoire du groupe, à Liverpool, jusqu’aux plus récents enregistrements des
deux survivants.
Francis Cousté.
***
Le
classique, c’est chic. Coffrets « Classique », en
exclusivité dans les magasins Fnac & sur www.fnac.com
19.99 €.
Rien de
mieux venu que cette initiative de la Fnac pour rappeler que la musique dite
classique a vocation à être populaire tout en offrant des moments d’évasion
dont l’équivalent ne se trouvera nulle part ailleurs. Sachant qu’aujourd’hui
bon nombre de thèmes, de motifs, voire de morceaux, sont connus par les canaux
indirects du film ou du message publicitaire, la Fnac a décidé de renouer avec
sa tradition d’édition destinée au plus large public, tout en conservant une
exigence maximale. Ce sont dix coffrets qui sont ainsi proposés, regroupant
tous les incontournables de la tradition classique, interprétés par les plus
grands musiciens : Karajan, Richter, Heifetz, Callas… Classé par compositeurs ou par grandes thématiques, chaque
coffret comprend cinq CD et un livret de 48 pages, permettant la découverte, en
version remasterisée, des meilleurs enregistrements de musique classique. Cinq
premiers coffrets offrent l’essentiel de l’œuvre de compositeurs majeurs :
Bach, Beethoven, Mozart, Schubert, Chopin, les cinq autres étant déclinés sur
le mode thématique : Opéra, Musique sacrée, Piano, Cinéma, Publicité.
Gérard Denizeau.
Jean SIBELIUS : Quatuor en ré mineur « Voces intimae ».
Arnold SCHOENBERG : Quatuor en ré mineur op.7.
Tetzlaff Quartett. Avi-Music : 855 3202 (distr. Codaex).
Deux quatuors en ré mineur, mais deux mondes que tout oppose. Chez Sibelius
(en 1909), un dépouillement qui semble même rechercher des valeurs
archaïques comme vecteur de l’intimité, une atmosphère où la sobriété
chaudement expressive des intentions se communique avec une grande économie de
moyens, à l’exception de la frénétique explosion dansée du finale. Chez
Schoenberg encore jeune (nous sommes en 1905), une écriture foisonnante
(sans un moment de répit durant plus de 45’) qui hésite entre les idées
post-romantiques, des relents populaires inopinément surgis, la rigueur
polyphonique, mais aussi une hyper-complexité motivique qui induit
l’architecture, préfigurant la logique générative du futur système
dodécaphonique. Dans l’une et l’autre esthétique, les interprètes
évoluent avec une maestria qui surclasse bien d’autres quatuors. Le
célèbre violoniste Christian Tetzlaff et sa sœur violoncelliste Tanja ont
fondé leur ensemble avec Elisabeth Kufferath et Hanna Weinmeister,
pour développer une identité sonore riche de leurs quatre puissances de
solistes (les dialogues à découvert du Sibelius s’en nourrissent), mais fondue
avec une perfection dans la plénitude qui leur permet de négocier les
incessants virages du Schoenberg avec un souffle qui ne s’infléchit jamais.
Ils jouent jusqu’au paroxysme, mais ne perdent jamais le contrôle des
itinéraires hors normes dans lesquels les entraînent ces musiques de
l’irrémédiable au bord du précipice, car d’irrémédiable il s’agissait face aux
mutations radicales que l’époque faisait se profiler, avec tant d’unanswered questions (aurait dit
Ives). On sait combien les deux compositeurs réagirent différemment à ces
questions. Un disque d’une haute portée.
Felix
MENDELSSOHN : Les 2 Concertos pour piano ; Rondo brillant op.29. Martin Helmchen (piano), Royal Flemish Philharmonic, dir.
Philippe Herreweghe. SACD Pentatone : PTC 5186 366 (distr. Codaex).
Que de duretés dans les mouvements
vifs ! Quel son déplaisant, grossissant l’accent sur les vents, sans
parler d’une captation qui « englobe » le piano dans l’orchestre et
ne travaille pas assez la définition des plans (il s’agit pourtant d’un
SACD) ! Où sont l’élégance, la finesse de trait propres à
Mendelssohn ? Il y a pourtant de belles intentions musicales dans
les mouvements lents, ou dans l’art de souligner une modulation dans la coda du Rondo. Mais cette
interprétation, véhiculant encore quelques poncifs (dans le traitement du son
orchestral et de l’accentuation) de la doxa baroqueuse,
réussit le prodige de nous détourner de toute sympathie pour le pauvre Mendelssohn,
qui n’en peut mais !
Arnold
SCHOENBERG : Gurrelieder (*), Erwartung (a), Symphonie de
chambre n°1, Variations op.31, Cinq Pièces op.16, Un Survivant de Varsovie (b),
orchestration du Quatuor op.25 de Brahms. Anton WEBERN : Six Pièces op.6, Cinq Pièces
op.10. Alban BERG : Lulu-Suite (c) ;
final du Concerto à la mémoire d’un ange (d).
Thomas Moser, Karita Mattila, Anne Sofie von Otter,
Thomas Quasthoff, Philip Langridge. Rundfunkchor Berlin,
MDR Rundfunkchor Leipzig, Ernst-Senff-Chor, Orchestre philharmonique
de Berlin (*) ; City of Birmingham Symphony Orchestra, avec Phyllis
Bryn-Julson (a), Franz Mazura & City of Birmingham Symphony
Chorus (b) Arleen Augér (c), Gidon Kremer (d).
Direction : Simon Rattle.
Coffret
de 5 CDs EMI : 50999 4 57562 2.
La collection de rééditions en coffrets
thématiques honorant Sir Simon Rattle se poursuit avec cette anthologie de
l’École de Vienne, panorama optimal en ce qui concerne Schoenberg. En
effet, les œuvres choisies ne se limitent pas aux inévitables jalons
orchestraux, elles couvrent un parcours pertinent à travers les chefs-d’œuvre
vocaux du maître. Si le coffret reprend essentiellement des
enregistrements réalisés de 1984 à 1995, à l’époque où le maestro anglais se
livrait au plus persévérant travail avec sa phalange de Birmingham qu’il porta
à un niveau entré dans les annales de l’histoire orchestrale, l’unique
contribution de l’Orchestre philharmonique de Berlin n’est pas mince (rappelons
que Berlin fut le seul poste – le plus prestigieux au monde – pour lequel Simon
Rattle consentit à quitter ses musiciens de Birmingham, bien qu’ayant été
l’objet de nombreuses sollicitations venues de tous horizons, dans les années
antérieures). Il s’agit, en effet, d’une interprétation lumineuse des Gurrelieder (en 2001), aussi
perspicace dans l’art de souligner les emprunts au Wagner de la dernière
période que claire dans le dessin et la mise en prespective de tous les
éléments nourrissant l’admirable flux orchestral et vocal. Thomas Moser
(Waldemar), ténor mozartien à l’origine, s’attelait à quelques rôles
wagnériens, sa voix ayant pris de belles résonances graves avec l’âge.
Karita Mattila était une Tove parfaite. Thomas Quasthoff, en
Narrateur, faisait habilement comprendre, dans la troisième partie (dont la
majeure partie fut certes composée dans le sillage des deux précédentes dès
1901, mais le dernier épisode achevé et orchestré une décennie plus tard, en
1910-11) où Schoenberg laisse percer sa nouvelle identité stylistique,
l’inéluctable basculement qui allait se produire entre la Sprechstimme ici employée et le Sprechgesang expérimenté l’année
suivante dans Pierrot lunaire (1912). Philip Langridge (décédé le 5 mars 2010), qui chantait
Schoenberg depuis des années, apportait aussi au rôle du Bouffon les inflexions
ironiques issues de sa tardive prise de rôle de Loge. Seule Anne Sofie
von Otter n’avait plus la santé vocale d’antan. À l’autre extrême du
parcours schoenbergien, on accueille avec joie une belle version de Un Survivant de Varsovie (1947), œuvre trop rarement donnée (la vindicte boulezienne contre la période
américaine du maître viennois serait-elle la cause de cette désaffection ?),
avec le Salzbourgeois Franz Mazura, qui fut un illustre Klingsor, en
récitant du texte anglais. Erwartung,
en revanche, déçoit : à la voix trop claire de Phyllis Bryn-Julson
manquent les ombres psychanalytiques encloses dans le texte de Marie Pappenheim,
et on a peine à croire à ce qu’elle raconte tant elle fait « joli » ;
l’orchestre s’abstient tout autant de ténèbres dramatiques, ce qui n’arrange
rien.
La Symphonie
de chambre n°1 (1906) reçoit l’interprétation la plus historiquement
lisible qui se puisse rêver, puisque Simon Rattle fait bien ressortir
toutes les références et allusions reliant l’œuvre aux « classiques »
du répertoire antérieur, et la traite, non dans l’optique d’une préfiguration
de l’esthétique de rupture, mais au contraire avec une tendresse – oserait-on
écrire – dans la spontanéité jaillissante. On admirera le jeu très sûr du Birmingham Contemporary Music Group, émanation du CBSO, fondé en 1987
sous la baguette de Simon Rattle. Le chef et ses musiciens britanniques
évoluent avec une très grande souplesse expressive à travers les jeux de
timbres de l’op.16 schoenbergien (dans sa version originale de 1909), préparant
ainsi aux féeriques touches d’atmosphère du disciple Webern dans son op.6
exactement contemporain (quoique révisé en 1928). Une curiosité :
l’étrange orchestration du Quatuor avec
piano en sol mineur de
Brahms, si éloignée du son brahmsien, si révélatrice des rehauts dont
Schoenberg aimait souligner (à traits parfois complètement hors-sujet !)
les délinéaments de l’architecture. Quant aux Variations op.31, elles coulent avec la limpidité d’un « classique »,
nous remémorant la célèbre phrase de Schoenberg (rapportée par René
Leibowitz) : « Ma musique n’est pas moderne, elle est seulement mal
jouée ! ». Les quelques plages dévolues à Berg captent moins
notre intérêt, car s’en tenant trop à la surface des drames intérieurs
évoqués ; le disque récemment chroniqué de Stefan Soltesz (Lulu-Suite, chez Cybele) s’avérait
autrement plus profond. Mais là n’est point l’essentiel de cette somme et
le coffret EMI réconcilierait avec Schoenberg les plus réfractaires.
Eugen
d’ALBERT : Der
Golem. Mark Morouse
(le Golem), Alfred Reiter (Rabbi Loew), Ingeborg Greiner
(Lea), Tansel Akzeybek (le disciple), Chœur du Théâtre de Bonn,
Beethoven Orchester Bonn, dir. Stefan Blunier. MDG « Live »
(SACD) : 9371637-6 (distr. Codaex).
Eugen d’Albert (1864-1932), Allemand
d’origine française né à Glasgow, fut très célèbre par sa carrière de pianiste
virtuose (il avait étudié auprès de Liszt à Weimar), et par le nombre de ses
mariages (nous vous ferons grâce des non-épousées, afin de ne pas nous
rapprocher de l’Air du catalogue de
Leporello). Le compositeur s’en trouva occulté. On l’exhume peu à
peu, notamment dans le domaine lyrique : il ne composa pas moins de
21 opéras, dont le plus connu est Tiefland. Le Golem, ici présenté, souffre
d’un livret manquant de dimension fantastique pour véhiculer la réflexion
métaphysique de cette parabole sur l’orgueil créateur de l’homme ; nous
sommes loin de l’inoubliable roman de Gustav Meyrink ! Des
faiblesses dramatiques plombent d’invraisemblances ce qui devrait tendre au
mythe. La représentation qu’on entend, captée pour l’occasion, a tendance
à nous délivrer toute la musique sur le même plan ; découvrant que
l’ouvrage fut créé par le grand Clemens Krauss (en 1926), l’éminent
disciple de Richard Strauss, on se prend à rêver à ce que put donner sous
cette baguette une telle musique aussi imprégnée de Wagner, que ce soit par le
traitement des groupes orchestraux (pas seulement les cuivres, mais surtout les
bois et les cordes) ou par des thèmes par moments décalqués des motifs du
maître de Bayreuth. Si on aime celui-ci, on se laissera prendre par la séduction
du flux musical d’Eugen d’Albert. La distribution se tient dans une
honnête moyenne, les chanteurs ayant la dose… moyenne de défauts commune à tant
de chanteurs mal formés de notre époque.
Philippe HERSANT : Éphémères (a) ; Musical humors (b).
Alice Ader, piano (a) ; Arnaud Thorette (alto). Orchestre de Paris-Sorbonne, dir.
Johan Farjot (b). Triton : TRI 331170.
Il est des rencontres bénies des dieux
entre tel compositeur et tel(le) interprète. On recense de ces fidélités
exemplaires au fil de l’histoire de la musique. S’y ajoutera celle
reliant Alice Ader à Philippe Hersant, tant existe une symbiose entre
l’écriture du compositeur et la sonorité de la pianiste, aussi personnelles
l’une que l’autre. Le goût des graves résonants qui ponctuent comme une
volée de cloches le paysage, ou qui assoient l’édifice sur des soubassements
profonds, ou qui ouvrent un noble champ à la réflexion et à l’espace
sonore ; le sens poétique qui désigne instantanément à l’oreille les plans
essentiels de la perspective sonore : par ces caractéristiques,
venons-nous de décrire le style du compositeur ou le jeu de la pianiste ?
La réponse englobe les deux, indissolublement. Éphémères ? Haïku (puisque
le recueil, composé de 1999 à 2003, s’inspire de 24 poésies de
Bashō) ? On s’attendrait à des miniatures ciselées dans l’elliptique,
à l’image des brèves images allusives de cette forme japonaise. Mais ce
serait mal connaître Philippe Hersant. Son piano brosse à la
fresque, même dans la concision ; son esthétique sonore se drape de
velours damassé ; son expression, qui n’a pas peur de l’émotion directe,
traverse les bouillonnements d’un esprit que l’on qualifierait de « romantique »,
n’était que sa chaleureuse sensibilité ne sacrifie rien d’une « griffe »
moderne. On l’aura compris, les heurts et les grondements qui agitent par
moments le piano n’ont rien de « japonaiseries », ou alors ce serait
pour évoquer quelque volcan ! L’auditeur habitué aux œuvres de
Philippe Hersant reconnaîtra au passage quelques traces de partitions
antérieures. Cette captation réalisée lors d’un concert dans l’Hérault
nous livre un très grand opus pianistique par une très grande pianiste.
Le Théâtre de l’Athénée s’affiche comme le
lieu des haïku de Philippe Hersant,
puisque Alice Ader y avait présenté les Éphémères il y a peu, et que l’on put y découvrir le 6 décembre
2010 d’autres Haïkus, nés
postérieurement (2005-2010) et cette fois étendus au piano à quatre mains :
l’intimité poétique qui unissait, ce soir-là, les approches de Claire-Marie
Le Guay et d’Éric Le Sage créait une atmosphère touchante mais non
dépourvue de chair, quoique bien différente du monde des Éphémères.
Pour en revenir au programme du disque, le
complément apporte une couleur d’archet : Musical humors (2003), né de l’amour de Philippe Hersant
pour la musique de viole de Tobias Hume, n’en transmet pas moins la
généreuse identité de son auteur. Les excellents Arnaud Thorette et
Johan Farjot, si constamment disponibles aux compositeurs de leur temps,
se déchaînent avec passion dans cette partition limpide mais foisonnante.
Ils ont été enregistrés lors d’une répétition générale publique dans le
Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, mais l’acoustique du lieu ne doit pas
seule expliquer l’ambiance hyper-réverbérée que l’on entend… Au final, un
disque qui réchauffe le cœur !
Gabriel
FAURÉ : Les
13 Nocturnes. Stefan Irmer,
piano. MDG : 618 1626-2 (distr. Codaex).
L’entrée de Stefan Irmer dans la
discographie de la musique française s’effectue par une incontestable réussite.
La rondeur de son toucher et sa chaude musicalité, rencontrant le fameux
Steinway de 1901 (guère adapté à tous les répertoires, mais particulièrement en
situation ici) qu’emploie MDG, servent à merveille le mélange d’esprit
romantique (par l’intranquillité passionnée, non par quelque ancrage
stylistique, hormis les tournures chopiniennes du n°3 !) et d’invention
permanente qui sous-tend l’évolution sur un demi-siècle du langage fauréen à
travers les 13 Nocturnes.
Les grands flux charriant les élans des sept premiers nocturnes trouvent ici
une interprétation empreinte d’une impétuosité savamment mûrie.
Stefan Irmer sait s’orienter tout aussi pertinemment entre les angles plus
abstraits des dernières pièces procédant par des pas de côté qui entraînent
sans relâche les insolites enchaînements harmoniques vers des horizons sans
concessions (les impairs n°9, 11, 13). Le pianiste a rédigé lui-même
le livret, avec une judicieuse finesse de touche analytique.
Gabriel Fauré s’est conquis un grand interprète allemand ce qui, au-delà
même de nous procurer un riche plaisir musical, est en soi une originalité.
Sylviane Falcinelli.
Alexander
AGRICOLA : Missa in myne zyn. Ricercar
(stephanie@outhere.com) : RIC 306. TT : 59’50.
Cette
messe est conçue en trois parties : Ante Missam, Ad Missam (Gloria,
Sanctus, Agnus Dei) et Ad Vesperam. Dès les
premières mesures, l’auditeur est plongé dans le paysage vocal franco-flamand
avec la cadence typique du XVe siècle et la quinte à vide
conclusive. A. Agricola (ca 1456-1506)
a composé sa Missa in myne zyn à partir d’une mélodie populaire
hollandaise éponyme. Cette œuvre est entrecoupée d’autres chansons à
succès : Comme femme desconfortée (G. Binchois), D’un autre
amer (J. Ockeghem), Tout a par moy (V. Frye). Le
traditionnel : Regina coeli laetare Alleluia se termine par Ora
pro nobis Deum. Le musicien a emprunté le texte suivant à une
citation biblique : Pater meus agricola est, tout en spéculant sur
le jeu de mots. Son goût de la fantaisie rejoint son sens de l’écriture
contrapuntique, mais aussi du lyrisme : c’est ce que rendent avec fidélité
les 5 chanteurs et 3 instrumentistes (violes de gambe) tout à l’honneur
de l’excellente Capilla Flamenca, dirigée par Dirk Snellings.
Musique de la Grande Écurie & des Gardes Suisses. Musiques Suisses (mirko.vaiz@mgb.ch) :
MGB CD 6267. TT : 66’34.
Toujours
soucieux de révéler des interprètes suisses, la Migros propose un programme de
musique française avec l’Ensemble Arcimboldo (fifres, tambours,
trompettes, trompettes marines, percussions…) et l’Ensemble de Trompettes
de la Schola Cantorum Basiliensis, placés sous la direction de
Thilo Hirsch. Les discophiles ne résisteront pas aux rythmes de La
descente de Mars, du Concert militaire, du Concert grotesque,
des Charivaris, Mascarades (J.-B. Lully, A. Philidor).
Ils découvriront peut-être les accents des Pompes funèbres en France
dans l’entourage de Louis XIV, mais aussi Le Concert dans le Parc de
Versailles, La Chasse (J.-B. Prin), Les embarras de Paris…
sans oublier Les Gardes Suisses, Fifres et Tambours, dans les
versions de M. Corrette et J.-J. Rousseau avec, bien entendu, le Ranz
des vaches… Disque utile également pour mieux saisir les timbres
instrumentaux à l’époque du Grand Siècle.
Sona Shaboyan, piano. VDE Gallo (info@vdegallo.ch) : CD 1321. TT :
55’4.
Sona
Shaboyan, d’origine arménienne, est née à Érévan et a fréquenté la célèbre
École de musique Tchaikovski, puis le Conservatoire national Komitas.
Elle a également été élève à la Musikhochschule de Fribourg-en-Brisgau.
Elle s’est installée en Suisse, où elle poursuit des activités d’enseignante et
de concertiste de renom international. Elle interprète, avec une sonorité
remarquable de finesse et de transparence, quatre Préludes du pianiste
arménien Eduard Abramyan (1923-1986), contrastant avec l’attaque énergique
de l’Allegro agitato de la Sonate n°2 en sib mineur op.36 de Sergei Rachmaninov
(1873-1943), bien enlevée. Ce CD permet aussi de découvrir des œuvres
d’Arno Babajanyan (1921-1983), dont Folksong, aux sonorités
cristallines et aux accords plus dynamiques. À ne pas manquer.
Vincent
PAULET : La ballade des pendus. Hortus (editionshortus@wanadoo.fr) : 080.
TT : 75’27.
En
écrivant La ballade des pendus « pour luy & pour ses
compaignons s’attendant à estre pendu avec eulx », François Villon
(1431-1463) ne se doutait pas que, cinq siècles plus tard, Vincent Paulet
(°1962) reprendrait à son compte ce texte si dramatique, œuvre de commande
créée en 1988. Il a toujours été « marqué par la profonde humanité
de ce texte emblématique : même réclamant l’indulgence, Villon reconnaît
que c’est par justice qu’il a été condamné et nous implore, nous ses
semblables, de prier pour qu’il soit pardonné ». Le musicien mise à
la fois sur la sobriété et la puissance du poème : 3 strophes et un
envoi, avec 2 commentaires instrumentaux intercalés ; la 3e strophe
n’est autre qu’une danse dans l’esprit des danses macabres médiévales.
Les dernières notes de la prière reprennent un fragment d’une antienne
grégorienne, avec une « harmonie transfigurée ». La voix
d’I. Soccoja (mezzo-soprano), soutenue par la clarinette, le piano et le
Quatuor Parisii, dirigés par N. Krüger, contribue à la perception du
texte si réaliste. Ce CD comprend encore la Sonatine pour violon &
piano ; Nuit (piano) ; la Sonate pour violoncelle &
piano, Partita 2 (flûte & piano) et Sur un nuage (piano),
interprétés en respectant les intentions de l’auteur par A. Vallin
(violon), J.-M. Dayez (piano) et X. Gagnepain (violoncelle). Disque
hors du commun.
Psaumes du Mont Athos. Jade (jade@milanmusic.fr) :
699722-2. TT : 66’.
Grâce à l’aide précieuse du hiéromoine
Macaire de Simonos Pétra, les éditions Jade, spécialisées entre
autres dans la musique orthodoxe, ont pu enregistrer le Chœur des moines du
monastère éponyme, fondé au XIIIe siècle et dépendant du
Patriarche de Constantinople. Il propose un remarquable choix de psaumes qui « constituent non seulement
une part de l’office byzantin, mais ils en sont le squelette, l’armature
même. » Ces polyphonies, de tessiture grave et très consonantes,
s’élevant chaque jour de ce monastère du Mont Athos, sont extraites du Psalterion Terpnon. « Un
même souffle puissant pour chanter les Psaumes ».
Schweizer Lautenmusik der
Renaissance. Musikszene Schweiz (mirko.vaiz@mgb.ch) : MGB C
6198. TT : 57’41.
Le canton et les habitants de
Soleure ont eu raison de soutenir ce florilège extrait de manuscrits suisses de
la Renaissance. Il est interprété avec musicalité par
Christoph Greuter (luth), par la voix claire et agréable d’Ulrike
J. Hofbauer (soprano) et avec le concours de Julian Behr
(luth). Au total : 37 pièces brèves avec également des morceaux
français de Pierre Moulu, Claudin de Sermisy ; des pages des écoles
franco-flamande (N. van Ghizeghem), italienne
(Fr. da Milano) et allemande (H. Newsidler), comportant un choix
de danses (saltarelle…) et de chansons en plusieurs langues - dont le dialecte
suisse -, accompagnées discrètement au luth. La confrontation de
3 versions de Languir me fais,
deux au luth et une vocale (Sermisy), est particulièrement intéressante.
Voici un bel échantillon de musiques de caractère plus intime, illustrant la
richesse des manuscrits suisses et la vogue du luth, à la fin du XVe et au XVIe siècles.
Domenico SCARLATTI : Sonatas. Fuga Libera (stephanie@outhere.com) : FUG 574. TT :
74’46.
Grâce à une technique
irréprochable et son sens non seulement de l’humour, mais aussi de la méditation,
Alice Ader comble les discophiles par son enregistrement d’une vingtaine
de Sonates de D. Scarlatti (1685-1757),
contemporain de J. S. Bach. Elle maîtrise parfaitement tous les
traquenards stylistiques. Dès les premières mesures, elle s’impose par
son jeu perlé, ses attaques précises, la transparence des lignes, la bonne
conduite de la basse, son sens inné du rythme et, d’une manière générale, sa
finesse et son goût exempt de tout pathos. Recherchant, selon ses propres
termes, « une adéquation toujours plus parfaite entre le son intérieur et
le geste », l’excellente interprète propose aux fins connaisseurs un régal de près d’une heure et quart, dont ils ne se
lasseront pas.
Emmanuel de FONSCOLOMBE : Messe brève. Voice
of Lyrics (info@voiceoflyrics.com) : VOL IC 217. TT : 52’03.
La musique religieuse
romantique française bénéficie actuellement d’un regain d’intérêt.
E. de Fonscolombe, d’origine provençale, né en 1810 à Aix-en-Provence
et mort en 1875, dans cette ville - célèbre par la maîtrise de sa cathédrale -
est proche de Félicien David. Sa Messe
brève en sol majeur, créée à
Marseille en 1856, est interprétée dans sa version pour 3 solistes :
C. Manandaza (soprano), P. Garayt (ténor), M. Hacquard (baryton)
et orgue (C. Shuster Fournier). Elle s’impose par la diversité des
mouvements, par un certain effet de surprise, par des entrées successives bien
marquées (Kyrie) ; une intonation grégorienne souple à l’orgue et à la
voix (Gloria) ; la transparence
du Credo très développé ;
l’expressivité du Sanctus et la
douceur de l’Agnus Dei. Ce
CD se terminant par l’Ave Maria - avec également le concours de F. Bergmann (mezzo-soprano) - et le très
prenant Panis angelicus reflète
toute une époque dans l’évolution de la sensibilité et des mentalités
religieuses.
Birmanie : Musique du théâtre classique. 2CDs VDE Gallo (info@vdegallo.ch) :
1317-1318. TT : 66’26 + 63’12.
Le Nô japonais est généralement
mieux connu en Europe que le Théâtre classique de Birmanie. Les
discophiles non spécialisés en ethnomusicologie et en ethnographie découvriront
des formes cultivées par l’ethnie birmane et ses traditions : le spectacle
intitulé zat (histoires, mythes,
récits) aussi associé au théâtre de marionnettes, suscitant une émotion
intense, avec des épisodes baignant dans la tristesse et reposant sur une
structure rythmique invariable. L’orchestre birman se compose
d’instruments mélodiques (harpe, flûte) et rythmiques avec de nombreuses
percussions (tambours grands, plus petits, courts, pouvant aller jusqu’à une
vingtaine). Le zat dure toute
la nuit en hiver. Les 23 pièces de ces deux CDs traduisent la
plainte, la nostalgie, la « musique d’eau »... Grâce à ces
enregistrements (2005) très présents de Ph. Yampolsky : dépaysement
assuré.
Édith
Weber.
Franz
LISZT (1811-1886) : Via Crucis.
Maîtrise de Notre-Dame de Paris, dir. Nicole Corti. David Selig
(piano). Saphir Productions (www.saphirproductions.net) : LVC 1107. TT :
52’53.
Un enregistrement qui regroupe trois œuvres
sacrées de Liszt dont Via Crucis,
œuvre tardive pour chœur mixte, solistes & piano. Une composition
retraçant un chemin de croix en quatorze étapes, étapes initiatiques vers la
foi. Œuvre audacieuse, hétérogène et déroutante, toute empreinte de
doute, de douleur mais aussi de joie, de sérénité, d’ascèse et de méditation,
tous aspects parfaitement rendus par les voix et le piano de David Selig,
tour à tour pesant ou envoûtant. Un disque, comme une prière, qui mérite
d’être écouté et trouvera probablement son public.
Le ténor dans tous ses éclats. Airs d’opéras italiens. Patrick Garayt (ténor),
Michel Chanard (piano). Hybrid’music : H1821. TT : 49’39.
Un florilège d’airs d’opéras italiens et de
chansons napolitaines. Où il apparaît que le chant est un art difficile…
L’orgue de Lunéville. Frédéric Desenclos, orgue. Alpha
Productions : Alpha 651. TT : 61’30.
Un nouvel opus dans cette anthologie de
l’orgue, entreprise par Alpha Productions, avec une sélection d’œuvres
composées entre les XVIIe et XXe siècles (Desmarets,
Lully, Daquin, Lefébure-Wély, Franck, Guilmant, Widor) jouées, avec talent, par
Frédéric Desenclos sur l’orgue de Lunéville. Orgue édifié en 1751
par Nicolas Dupont dans l’église Saint-Jacques, présentant une
architecture unique en son genre, richement décorée en trompe-l’œil par Héré.
Accompagné d’un copieux livret illustré, un enregistrement qui passionnera tous
les amateurs d’orgue.
Patrice Imbaud.
Henry PURCELL : « O Solitude ».
Songs & arias extraits de : King Arthur, The Fairy Queen, Didon & Aeneas. Chaconne en sol mineur. Pavane en sol mineur. Musique
d'accompagnement pour The Gordian Knot Unty'd. Andreas Scholl, contre-ténor. Avec
Christophe Dumaux, contre-ténor. Academia Bizantina, dir.
Stefano Montanari. Universal/Decca : 478 2262.
TT : 76'39.
L'attrait exercé par le chant du contre-ténor
ne se dément pas. La pléiade des interprètes qui se produisent
aujourd'hui devant le public y est pour beaucoup. Andreas Scholl,
dont la réputation n'est plus à faire, grave pour la première fois un programme
Purcell. Le grand Anglais a laissé à ce type de voix de fort beaux songs,
de facture intimiste, dans le registre de l'épanchement ou de la joie
consolatrice. « Sweeter than Roses » comme « Music for a
while » qui, pour Scholl, est « l'une des plus belles chansons jamais
écrites », développent un climat quasi hypnotique de par la modulation
généreuse de la voix. Tandis que « O solitude », tiré
d'une chanson française de Marc-Antoine Girard de Saint-Amant, « O que
j'ayme la solitude ! », unit paroles & musique en un tableau
apaisé. Le récital comprend aussi des extraits des opéras The Fairy
Queen, King Arthur - en particulier le fameux air du Génie du
froid, où le chant est comme hoqueté jusqu'à la suffocation - et Didon et Énée.
Le célèbre lamento de l'héroïne, chanté très lié, prend avec ce timbre d'une
pureté céleste une couleur étonnante. Dans la lignée d'Alfred Deller
et de James Bowman, la voix de Scholl séduit par la pureté du style et la
finesse de la déclamation. À noter la contribution du contre-ténor
français Christophe Dumaux, déjà remarqué à Glyndebourne, dans deux arias,
dont « Sound the trompet » où, de galbe différent, les deux voix
s'allient idéalement, et « Dive custos », un chant de dévotion écrit
pour la mort de la Reine Mary. Quelques pages instrumentales
introduisent une agréable respiration au sein du récital, d'autant qu'interprétées
avec brio par l'Academia Bizantina.
Antonio VIVALDI : Ottone in villa. Dramma per musica en trois actes.
Livret de Domenico Lalli. Sonia Prina, Verónica Cangemi,
Julia Lezhneva, Roberta Invernizzi, Topi Lehtipuu.
Il Giardino Armonico, dir. Giovanni Antonini. 2CDs
Naïve : 30493. TT : 77'17 + 57'50.
L'Édition Vivaldi s'enrichit du premier
opus théâtral du Prete Rosso. Cet Ottone in villa,
créé en 1713 à Vicence, faisait pour lui figure de galop d'essai avant
d'aborder la conquête des théâtres de la Sérénissime, et consacrait le premier
succès d'une carrière lyrique promise à bien des réussites. L'intrigue
est complexe, un quiproquo amoureux à la cour de l'Empereur Otton en
villégiature qui, insouciant, délaisse un temps les devoirs de sa royale charge
pour s'adonner aux plaisirs de la chair ; en fait, un éloge de
l'infidélité amoureuse, eu égard aux manigances des divers protagonistes qui,
de pièges en travestissements, affrontent rivalités, jalousie et bien sûr vendetta, sans laquelle l'action
opératique baroque ne serait pas mue par un ressort déterminant. Vivaldi
illustre les passions humaines par une faconde mélodique qui semble déjà
inépuisable, une sûre maîtrise du lyrisme, d'autant que le contexte est plus
pastoral qu'héroïque. Il dépeint les désordres de l'âme, les stratégies
raffinées avec un instinct infaillible. Des trouvailles originales
émaillent la partition comme cette aria avec voix en répons, ou tel autre avec
flûte obligée, ou encore solo de violon. Le quintette vocal réuni est de
qualité, qui privilégie les voix féminines dont pas moins de trois sopranos.
Verónica Cangemi, Roberta Invernizzi et Julia Lezhneva prodiguent leurs
talents, la dernière en particulier qui possède un médium plein et agréable et
une technique accomplie lui permettant d'affronter avec un égal bonheur les
arias di furore et les morceaux assagis de soliloque amoureux.
Sonia Prina offre à l'empereur magnanime les prestiges de sa voix de
contralto qui s'est défaite de la rugosité d'antan pour un phrasé tout en
rondeur. Enfin le ténor Topi Lehtipuu complète de sa belle voix
claire un panel vocal qui s'écoute avec un plaisir constant. C'est que
l'assimilation du style vivaldien est évidente, fruit de la renaissance de ce
répertoire, ces dernières années. Giovanni Antonini est de ceux qui y ont
pour beaucoup contribué : sa direction est enlevée, les tempos incisifs
sachant laisser place à la tendresse des passages lyriques. Le souffle
intarissable du discours qu'offre Vivaldi trouve dans l'ensemble Il Giardino
Armonico la flexibilité et les couleurs idoines.
Antonio VIVALDI : Ercole sul' Termodonte. Dramma per musica, en trois actes. Livret de
Antonio Salvi. Reconstruction & édition critique de Fabio Biondi.
Rolando Villazón, Patricia Ciofi, Diana Damrau, Joyce DiDonato,
Vivica Genaux, Romina Basso, Philippe Jaroussky, Topi Lehtipuu.
Coro da camera « Santa Cecilia » di Borgo San Lorenzo.
Europa Galante, dir. Fabio Biondi. 2CDs Virgin Classics :
50999 6945450.9. TT : 65' + 78'56.
Quelle ardeur éditoriale pour la vocalité
vivaldienne, alors que l'opéra romantique semble déserter les studios !
Paraît simultanément Ercole sul' Termodonte qui narre le combat
d'Hercule contre les Amazones pour dérober à la reine Hippolyte la
ceinture qui assure pouvoir et chasteté. La partition qui consacrait
Vivaldi à Rome, en 1723, a été perdue dans son intégralité. Mais
plusieurs éléments éparpillés à travers l'Europe en ont permis une
reconstruction à laquelle s'est attelé le violoniste Fabio Biondi qui
s'explique sur ses choix, en particulier quant à l'introduction de passages
chorals ou d'intermèdes instrumentaux rehaussés de cors et de timbales.
Désir de s'acquérir les bonnes grâces du public romain oblige, Vivaldi
privilégie le beau chant, puisant largement dans ses œuvres antérieures.
Si l'invention mélodique y est aussi manifeste, les contrastes apparaissent
moins marqués. L'éditeur a réuni la plupart des stars de son écurie pour
un festival vocal à l'aune de ce qui se pratiquait à l'époque. Cela
suffit-il ? Le panel de timbres est somptueux. On ne saurait
en dire autant du style. Sans doute l'enregistrement, effectué en diverses
prises s'étalant sur deux ans, n'a-t-il pas été adossé à une exécution de
concert permettant de créer au moins un semblant de continuum dramatique.
Se tirent le mieux d'affaire ceux qui font du baroque leur pain
quotidien : Philippe Jaroussky, dont la déclamation charmeuse est un
modèle d'intelligence, Topi Lehtipuu, là encore beau ténor, ou
Romina Basso, vraie contralto, n'était une fâcheuse tendance à l'affectation ;
ou ceux qui s'y adonnent régulièrement, Joyce DiDonato, Vivica Genaux,
toutes deux glorieuses dans les vocalises. D'autres l'assimilent avec
bonheur, comme Diana Damrau. Mais il en est qui sont tout simplement
à contre-emploi. C'est le cas de Patricia Ciofi, et hélas aussi de
Rolando Villazón dont on se demande ce qui l'a conduit dans cette
galère : des intonations douteuses affectent les récitatifs et le style
pseudo-héroïque, quoique terne, favorisé dans les arias est hors de propos.
Reste le plaisir que réserve la direction de Fabio Biondi, d'une infinie
délicatesse dans les nuances élégiaques, bondissante de vivacité ailleurs.
Comme la séduction du fini instrumental que procure son remarquable ensemble
Europa Galante.
Ernest CHAUSSON : Concert op.21
pour piano, violon & quatuor à cordes. La chanson perpétuelle op.37. Quatuor à cordes en ut mineur op.35. Sandrine Piau (soprano), Philippe Bianconi (piano),
Régis Pasquier (violon), Quatuor Parisii.
Saphir Productions : LVC 1092. TT : 78'26.
Ce disque offre l'originalité de présenter
une pièce célèbre de la première manière de Chausson et ses deux ultimes opus,
rapprochement fascinant s'il en est quant à l'évolution de son style. Le Concert op.21, écrit pour un
effectif inhabituel de six instruments, n'est en fait pas un sextuor, encore
moins un concerto. Il se réfère plutôt à une forme empruntée à la musique
du XVIIIe siècle. Le procédé cyclique, hérité de Franck,
en traverse les diverses parties. La présente exécution focalise sur
l'extrême clarté du trait, du piano en particulier, et l'ensemble fuit tout
halo impressionniste, souvent privilégié dans cette pièce. Les grands
climats en ressortent vaillants, gagnés par des crescendos puissants. La
chanson perpétuelle - jouée dans sa version pour piano & quatuor à cordes
- sur le poème de Charles Cros « Nocturne », se situe dans le
prolongement poétique du Poème de l'Amour et de la mer. Quoique
cette « mélodie lugubre », selon son auteur, insiste sur le ton de la
douloureuse confidence dont n'est pas absente une certaine volupté sonore -
contradiction apparente que le chant recueilli de Sandrine Piau et le
volontarisme de ses partenaires restituent avec emphase. Le Quatuor à cordes op.35, resté inachevé
du fait de la disparition subite du compositeur, retiendra encore plus
l'attention. Chausson a longtemps attendu pour aborder ce genre si
délicat. Il concevait la pièce comme un ensemble conséquent équipé de
quatre mouvements. De fait, le dernier manque et le troisième, en forme
de scherzo, a été complété par Vincent d'Indy, de manière quelque peu
abrupte. Le musicien atteint la sérénité dans une composition à la fois
riche et comme allégée, sorte d'évolution vers l'épure. Le Quatuor Parisii
en livre une interprétation engagée et franche, là où la modernité introduite
par d'insolites dissonances ne parvient pas à rompre le charme de la souple
modulation déjà si présente dans le Concert op.21.
« Latino ». Roberto Alagna interprète des
chansons sud-américaines de Augustín Lara, Osvaldo Farrés, Carlos
Eleta Almaràn, Gérard Matos Rodriguez, Pedro Maroni Enrique, Elo Larrea Carm,
Quirino Mendoza y Cortés, Consuelo Torres Ortiz Velásquez, Rafael Hernández
Marín, José Alfredo Jimenéz, Carlos Gardel, Theodora Morse,
Etta Scollo. Arrangements : Yvan Cassar.
Roberto Alagna, ténor. Les Cordes (Paris Symphonic Orchestra),
dir. Yvan Cassar. Universal/DG : 275 5663. TT :
47'08.
La musique sud-américaine se porte bien, en
particulier vocale. Le faire-valoir n'est-il pas immense et le
ravissement du public certain pour que les stars du chant, ténors de préférence,
s'y adonnent volontiers ! Après Rolando Villazón et son album Mexico !, Roberto Alagna à son tour chante Latino et
s'enivre de ses suaves couleurs et rythmes entraînants. Le ténor français
n'a pas à forcer sa nature. On le sait grand communicateur, infatigable
charmeur. Le genre est à ce point assimilé que la voix est souvent à
peine reconnaissable. Par souci d'allégement et volonté de sonner intime,
comme en confidence, car assure-t-il, « il faut que la voix reste
instrumentale ». Laissant de côté l'habit de chanteur d'opéra, il
aborde ces chansons avec un apparent naturel, sans doute le meilleur moyen de
laisser s'épanouir leur charge émotionnelle. La faconde de l'interprète,
épousant le style de la chanson populaire, maîtrise tout un attirail
particulier d'effets : manière de jodler la note ou de voiler le timbre,
traitement de la voix façon flamenco, etc. Loin du podium de concert,
encore plus de la scène, c'est de salle de bal qu'il faut parler ici ou de
cabaret. Non qu'il reste toujours discret : quelques notes finales
lancées forte retrouvent la ferveur d'un timbre carillonnant.
Chassez la nature... Qu'importe ! Bouder le plaisir d'un excès de
brillance serait mal venu. Le charme opère, porté par les rythmes de
tango argentin ou de boléro mexicain, et par des instruments aux timbres typiques,
les congas, maracas, cuatro vénézuélien et autres bandonéons. Une
ombre et un regret : l'absence des textes dans la plaquette, car on a beau
connaître ces standards latins - et encore pas tous - le plaisir de les relire
n'est pas moindre ; le faible timing du CD. Le ténorissimo eût été
bien inspiré de prolonger encore la délectation de ses admirateurs.
Jean-Pierre Robert.
Giuliano
d’ANGIOLINI (°1960) : Simmetrie di Ritorno. Edition RZ (www.edition-rz.de) :
RZ 10020. Distr. Metamkine. Ensemble 2e2m, dir.
Franck Ollu. Quatuor Parisii. Monique Bouvet,
piano. Barbara Morihien, voix. TT : 64’11.
« Situationniste de
l’impersonnel », tel se qualifie lui-même le compositeur, dont la musique délibérément
non discursive, sans articulation formelle, utilise « positivement
les mutations négatives de l’auditeur citadin d’aujourd’hui, bombardé de
stimuli », estime Gérard Pesson. Six titres sont
proposés : Simmetrie di Ritorno (2000) pour 10 instruments, Ita vita zita rita (1997) pour piano amplifié, Orizzonte fisso,
bordoni mobili (2007) pour 8 musiciens, Und’ho d’andà (1995) pour 9 musiciens, No visto un incidente (1992 pour
voix solo, Notturno
in progressione (2004) pour quatuor à cordes. Fascinantes
ponctuations du silence…
POUR LES PLUS JEUNES
Olivier
CALMEL (Musique), Florence PRIEUR (Textes) : Caravane Gazelle.
Narratrice : Julie Martigny. Quintette à vent ArteCombo.
Hybrid’Music (www.hybridmusic.com) :
H1824. TT : 33’48.
Destiné à tous publics (à partir de
6 ans), cet adorable conte musical pour récitant & quintette à vent
fait surgir dans le désert : gazelle, chameaux, voyageurs et
nuit étoilée… Un Pierre et le loup quelque peu… stravinskien au pays
du Petit prince. Poétiquement intrigantes et mystérieuses sont les
musiques signées Olivier Calmel (www.oliviercalmel.com).
Un futur « classique » du genre…
Francis Gérimont.
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S’ouvrant sur un éditorial de l’Inspecteur général de
l’Éducation nationale, M. Vincent Maestracci, orientant de façon concise
l’élève dans son travail, le supplément Baccalauréat 2011 de L’éducation musicale est d’une rare densité :
pas moins de 148 pages d’analyses et références.
Indispensable
aux professeurs d’Éducation musicale et aux élèves de Terminale qui préparent
l’épreuve de spécialité « série L » ou l’épreuve facultative
« Toutes séries générales et technologiques du baccalauréat », cette
publication réunit les connaissances culturelles et techniques nécessaires à
une préparation réussie.
À commander aux Éditions Beauchesne : 7, cité du
Cardinal-Lemoine, 75005 Paris.
Tél : 01 53 10 08 18.
Fax : 01 53 10 85 19. s.desmoulins@leducation-musicale.com
Le Disque du Bac est de retour !
Double CD à prix spécial. Sortie le 10 janvier 2011 - Prix : 16 euros + 2,50 euros de frais de port
Pour la première fois, l'album du baccalauréat propose les œuvres au programme de l’Option facultative (toutes séries) et de l’Enseignement de spécialité (série L). Disponible chez tous les disquaires et en téléchargement.
Après quelques années d'absence, durant lesquelles les musiques au programme du Bac avaient quitté le répertoire classique, Virgin Classics a le plaisir de reproposer le disque du Baccalauréat, qui est de nouveau entièrement consacré à la musique classique. Des fondamentaux (Bach, Schubert et Purcell) jusqu’à la musique du XXe siècle (Copland et Varèse) et même du XXIe (Dalbavie), le Disque du Bac est proposé pour la première fois en 2 CDs, et à un tout petit prix, à la portée des bourses des lycéens !
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Les dossiers de l'Education Musicale déjà parus
Dossiers à paraître :
* Le quatuor à cordes
* Franz Liszt
* Francis Poulenc et le groupe des Six
Les livres pour enfants
« Mes histoires lues ».
Album de 32 pages + CD. De 4 à 9 ans. Gallimard Jeunesse
Audio. 10,50 €.
Du Chat
botté à Cendrillon, les plus
beaux contes de Perrault, Grimm & Andersen racontés par de grands
comédiens, à découvrir dans une toute nouvelle collection pour les petits, richement
illustrée. La musique, quant à elle, rythme l’histoire, capte l’attention
de l’enfant et l’incite à poursuivre sa
lecture…
Laëtitia Girard.
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ou votre saison musicale dans L’éducation
musicale, dans notre Lettre d’information ou sur notre site
Internet, n’hésitez pas à me contacter au 01 53 10 08 18 pour connaître les tarifs publicitaires.
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