« De Angelis ». Collegium
Vocale de Hanovre, dir. Florian Lohmann.
1CD RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de): ROP 6101. TT : 61’22.
L’Angélologie,
affaire des poètes, penseurs et théologiens, donne lieu à des
discussions ; affaire des peintres, elle propose une représentation
picturale de ces médiateurs entre le monde visible et le monde invisible, mais
la musique a le pouvoir de les rendre sensibles, de
susciter l’émotion, avec une connotation religieuse, en temps de guerre comme
en temps de paix. Les voix jeunes et très motivées du Collegium
Vocale de Hanovre, alternées ou regroupées, confèrent relief et expressivité à
ces dix œuvres, car chaque choriste revit intensément les textes bibliques, par
exemple Der Engel sprach
zu den Hirten (Heinrich
Schütz). Ils expriment la louange : Laudatio Domini traduit musicalement par le
Finlandais Joonas Kokkonen
(1921-1996), invitant à louer le Seigneur, avec un Alleluia conclusif. Felix Mendelssohn traite le Psaume 91 (versets 11-12) : Denn er hat seinen Engeln befohlen… concernant
les anges, il en est de même des deux Seraphim de Hans Leo Hassler (1564-1612). Trois œuvres sont
à découvrir : The Angel de Tina
Andersson (sur le texte de Michail Lermontov), le Noël Stetit angelus du compositeur letton Rihards Dubra (né en 1964), ainsi
que le Sanctus : London du
Norvégien Ola Gjeilo (né en 1978). L’apogée
expressive est atteinte par deux œuvres : d’une part, Wie liegt die Stadt so wüst, motet funèbre très
poignant composé par Rudolf Mauersberger (1889-1971)
après la destruction de Dresde pendant la Seconde Guerre mondiale ;
d’autre part, le vœu — encore plus prégnant à notre époque — : Friede auf Erden (Paix sur
la terre) de l’Autrichien Arnold Schönberg (1874-1951). Ce programme très
original, avec dix petits chefs-d’œuvres de tous les
temps, a nécessité de la part des remarquables chanteurs excellemment dirigés
par Florian Lohmann, une adaptation à tant
d’esthétiques et atmosphères différentes, de l’époque baroque à nos jours.
Intéressant panorama « angélologique » en
musique : à retenir.
Édith Weber.
« Es naht ein Licht. A Light Is Coming ». Octavians. 1CD RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de): ROP 6109. TT : 50'02.
L’Ensemble Octavians, octuor charismatique d’Iena
en est à son troisième enregistrement. Il regroupe d’anciens chanteurs de la
Philharmonie de cette ville et propose un choix de Noëls connus ou inconnus. Ce programme a cappella annonçant la
venue de la Lumière comprend des Noëls allemands,
anglais, occasionnellement latins, anciens et contemporains. Les mélomanes
retrouveront avec plaisir Tu solus qui facis mirabilia de Josquin Desprez (v. 1452-1521) ; le noël français du XVe
siècle : Veni, veni, Emmanuel ;
le noël bilingue allemand /latin
In dulci jubilo, Nun singet und seid
froh respectant les assonances ; le Weihnachtslied
bien connu : Es ist
ein Ros entsprungen de
Michael Praetorius (1571-1621) — dans la version de Jan Sandström
(né en 1954) — ; Machet die Tore weit
d’Andreas Hammerschmidt (v. 1611-1675) ou encore le
choral Wie soll ich dich empfangen
de Jean Sébastien Bach et l’inévitable Stille Nacht (Douce
nuit, sainte nuit) de Franz Xaver Gruber. Les
discophiles découvriront également quelques Christmas
Carols : Coventry Carol (v.
1591), The Twelve
Days of Christmas (1780). La nuit de Noël est
évoquée avec les titres : Schöne Nacht de Wilhelm Nagel (1871-1955) et Sure On This Shining
Night de Jay Giallombardo (né en 1964). Les
cloches sont également présentes avec le Carol bien connu Jingle Bells de James Lord Pierpont (1822-1893), de même que les cadeaux : Simple Gifts de Joseph Bracket (1797-1882). Ces 16 pièces invitent à la découverte
de la Lumière conformément à la première pièce : Es naht ein Licht de Lorenz Maierhofer
(né en 1956) qui a donné son titre à cette réalisation dynamique de l’Ensemble Octavians dans une visée charismatique.
Édith Weber.
« La
Maîtrise de Reims chante Noël ». Sandrine
Lebec, direction. Quintette Vitrail. 1CD JADE (www.jade-music.net): 699 893-2. TT : 60’10.
La Maîtrise de la
Cathédrale de Reims a été fondée en 1285. Encore de nos jours, ces enfants à la
fois concentrés, convaincus et souriants, placés sous la direction et
l’autorité de Sandrine Lebec — elle-même chanteuse et
très soucieuse de la technique vocale —, respirent la joie de chanter Noël. Ils
proposent un programme typique et varié, sans oublier le répertoire rémois
traditionnel : Noël, Noël, Noël
(plage 5), chant grégorien d’après le Propre de Reims. Ils interprètent
également des Noëls de nos
Provinces : Entre le bœuf et l’âne
gris (remontant vraisemblablement au XVIe siècle) ; le Noël
alsacien : Dors, ma colombe
(arrangé par le Chanoine Roux) ; le Noël allemand : Stille Nacht de Fr.
Gruber (toutefois en sa version française : Douce nuit). Leur répertoire passe aussi par les
incontournables : Adeste fideles (dans la version de Théodore
Dubois, avec soliste) ; Minuit,
Chrétiens d’Adolphe Adam (avec deux solistes). À noter les arrangements
d’Éliane Zurfluh : Jour de joie, L’Arbre magique
et Les Cheminées ; les Christmas Carols de John Rutter (né en 1945) : Candlelight et Angel’s Carol. Parmi les compositeurs plus
anciens, figurent Marc-Antoine Charpentier (Heureux bergers, Louis-Claude D’Aquin (la Cantate de Noël), G. Fr. Haendel (Canticorum jubilo ; Joy to The World). Ces quelque 180 enfants sont associés au
Quintette Vitrail (cuivres) et occasionnellement aux instruments
suivants : orgue, piano, flûtes à bec, flûte celtique, cornemuse, cor
anglais, harpe. En dépositaires de la plus pure tradition maîtrisienne,
ils ont signé un programme typique et cosmopolite apportant un peu de lumière à
notre époque troublée qui en a tant besoin : un vrai Festival de Noël
destiné aux grandes fêtes comme à l’intimité familiale.
Édith Weber.
Benjamin BRITTEN : Children’s Crusade / A
Ceremony of Carols. Birgit Bachhuber, harpe, Ulfert Schmidt, orgue, Andrea Jantzen
et Nicolai Krügel, pianos.
Ensemble S, Groupe de percussions, dir. Gudrun Schröfel. 1CD RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de): ROP 6100. TT : 41’30.
Le Chœur de filles
de Hanovre, l’Ensemble S et le Groupe de percussions, avec le concours de
Birgit Bachhuber (harpe), Ulfert
Schmidt (orgue) et, au piano : Andrea Jantzen et
Nicolai Krügel, tous placés
sous la direction de Gudrun Schröfel
ayant à son actif de nombreuses réalisations discographiques, ont le mérite
d’interpréter la Children’s Crusade (Croisade des enfants) pour voix et
orchestre (op. 82) de Benjamin Britten (1913-1976), d’après le texte de Bertold Brecht (1898-1956) : Kinderkreuzzug (1942) — traduit
en anglais par Hans Keller (1919-1985), chanté pour la première fois en
allemand en 2015. Avec un réalisme poignant, cette longue croisade décrit la
situation dramatique de la Pologne en janvier 1939, avec destructions, nombreux
morts, la déambulation des enfants cherchant un pays en paix et d’un petit
Juif, un enterrement, le froid, la neige… Benjamin Britten force sur les
contrastes : brutalité de la guerre, réactions des enfants si perturbés,
oppositions de nuances forte et piano, ainsi que chant à l’unisson et
entrées successives. Ce long périple si poignant, durant presque 20 minutes,
est rendu par de nombreuses solistes qui ressentent si bien tout le poids de
cette guerre atroce qui a affecté la Pologne et provoqué la Deuxième Guerre
mondiale. Cette œuvre, document historique, impressionnera très fortement les
auditeurs. L’écoute de la seconde œuvre : A Ceremony of Carols (op. 28), composé en
1942, servira d’antidote. Elle fait appel au Chœur et à quelques solistes qui
rendent à merveille ces pages descriptives. L’œuvre est encadrée aux parties
extrêmes (nos 1 et 11), en guise d’entrée et de sortie, par l’Antienne Hodie Christus natus est.
Les parties intermédiaires souhaitent la bienvenue au Roi du ciel, ainsi qu’à
Marie, évoquent le chant des anges et leur berceuse pour endormir le petit
enfant, entre autres, d’après des textes du XIVe siècle… mais aussi l’enfant
dans la crèche pendant la nuit d’hiver et l’hommage qui lui est dû. Pour
terminer, la louange et la reconnaissance sont de mise, avec l’avant-dernière
pièce : Deo gratias
(pl. 11), répété, bien enlevé, bien scandé et chanté avec un enthousiasme
communicatif.
Édith Weber.
Martin LUTHER : Ein feste Burg ist unser Gott.
Lieder in Choral, Motette und Geistlichem Konzert. Chœur, solistes et Ensemble Instrumenta musica de Dresde, dir. Matthias Grünert 1CD RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de) : ROP6074. TT : 69’ 01.
Ce disque intitulé Martin Luther regroupe quelques unes de
ses paraphrases allemandes de chorals symbolisant la Réforme, vaste mouvement
qu’il a lancé après l’affichage de ses 95 Thèses à Wittenberg en 1517 et
prônant la langue vernaculaire plus accessible aux fidèles (en remplacement du
latin, langue universelle des érudits). Ces 7 Chorals
correspondant aux temps liturgiques de l’Avent et Noël, de la Passion, puis de
Pentecôte, sont suivis de l’Oraison
dominicale, dont chaque invocation est commentée. Leurs adaptations
musicales se rapprochent de la forme du Choral
et Psaume fonctionnels destinés au
chant d’assemblée ; du Prélude de
choral pour orgue destiné aux services à l’Église ; du motet et du concert spirituel
interprété par le chœur, destiné aux concerts. Ces 7 textes bien connus ont été
mis en musique aux XVIe et XVIIe siècles par Samuel Scheidt, Michael
Praetorius, Hans Leo Hassler, Erhard Bodenschatz,
Johannes Eccard, Lucas Osiander. Les œuvres sont
présentées dans une perspective comparative particulièrement intéressante, avec
plusieurs versions. Pour conclure, l’incontournable Psaume 46 : Ein feste Burg ist unser Gott,
(dit « choral de Luther »), apanage et identité musicale de la
Réforme, est enlevé sur un ton affirmatif par le Chœur de chambre de la Frauenkirche. Le Chœur, les solistes et l’Ensemble
Instrumenta musica (musique baroque) de Dresde sont
tous placés sous la direction avisée du kantor
Matthias Grünert. Ils célèbrent dignement en 2015 le
Jubilé de la dédicace de cette Église luthérienne de Dresde, au riche passé
historique, dont la reconstruction a été achevée en 2005.
Édith Weber
« The
Galant Lute ». Vinicius Perez, luth. 1CD
KLANGLOGO, RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de): KL1515. TT : 62’ 14.
Pendant de très
nombreuses décennies, le luth, instrument très populaire, a été en vogue, en
particulier du XVIe au XVIIIe siècle, où il était joué par les mélomanes
cultivés. Il servait aussi bien à soutenir le chant des Psaumes ès-maisons qu’au
plaisir et au divertissement de la Cour et des familles. Sous le titre : Le luth galant, Vinicius
Perez a regroupé quatre pièces remontant au XVIIIe siècle : la Sonata in C (Divertimento), Hob. XVI :10, en 3 mouvements, de Joseph Haydn (1732-1809) qu’il a adapté à son instrument à 13
cordes, tout comme le Divertimento,
KV439b/II, plus développé, de Wolfgang Amadé Mozart,
primitivement prévu pour 3 cors de basset. Il a le mérite de faire connaître,
d’une part, Karl Kohaut (1726-1784), musicien
contemporain de Josef Haydn, et de conférer un caractère puissant à l’Allegro de sa Sonate, mettant les modulations en valeur, selon l’usage, il
improvise les cadences ; d’autre part, Christian Gottlieb Scheidler (v. 1752-1815), auteur de 12 Variations sur un célèbre thème de Mozart (Don Juan) ; il en cisèle chaque Variation et les enrichit
d’ornementations révélant leur caractère mystérieux, intériorisé et discret.
Avec infiniment de musicalité, de distinction, de précision et avec un solide
sens de la structure, Vicinius Perez réserve un sort
royal à ce répertoire de salon, typiquement galant. Un modèle du genre.
Édith Weber.
«
Happy Go Lucky. Ohne Sorgen ». Giuletta Koch, piano, Burhan Öçal,
percussions. Orchestre d’État du
Brandebourg, Istanbul Oriental Ensemble, dir. Howard
Griffiths 1CD KLANGLOGO, RONDEAU
PRODUCTION (www.rondeau.de): KL1516. TT : 59’ 40.
L’Orchestre d’État
du Brandebourg (à Francfort), l’Istanbul Oriental Ensemble placés sous la
direction si dynamique de Howard Griffiths — avec le concours de Giuletta Koch (piano) et Burhan Öçal
(percussions) — proposent presque une heure de détente irrésistible avec des
pages à succès telles que la Polka Ohne Sorgen (Sans
souci) de l’Autrichien Josef Strauss (1827-1870) ; la Valse si célèbre
An der schönen blauen Donau (Le beau Danube bleu) de Johann Strauss
(1804-1849) ; la Danse hongroise n°1 en
sol mineur, de Johannes Brahms
(1833-1897) ; la Marche nuptiale
extraite du Songe d’une nuit d’été
(op. 61) de Felix Mendelssohn-Bartholdy
(1809-1847) ; Trepak,
extrait du Casse-noisettes (op. 71)
de Piotr Ilyich Tchaikovsky
(1840-1893) ; la Rhapsody in Blue de George Gershwin (1898-1937).
Jacques Offenbach (1819-1880) est représenté par la Barcarole extraite des Contes
d’Hoffmann ; Georges Bizet (1838-1875), par Les Toreadors extrait de Carmen, pièce entraînante et bien
enlevée. La peinture d’atmosphère et « l’humeur du matin » (Morning Mood) se
dégagent de deux extraits de la Suite
de Peer Gynt
n°1, op. 46 d’Edvard Grieg (1843-1907). À découvrir : les langoureux Rêves orientaux du Turc Burhan Öçal, percussionniste et compositeur (né en 1953). Ces
œuvres sont interprétées avec un élan contagieux : de quoi, à notre époque
troublée, se détendre avec des musiques particulièrement populaires venant
d’Autriche, des États-Unis, d’Allemagne, de Russie, de France, de Norvège et
même de Turquie.
Édith Weber.
«
Dawning Together ». Claudia Tesorino,
saxophone, Armin Thalheim, orgue.
1CD KLANGLOGO (www.rondeau.de) : KL1410. TT : 69’ 32.
Ce disque résulte
d’une solide amitié et collaboration musicale entre la saxophoniste
germano-canadienne Claudia Tesorino (deux
saxos : soprano et alto) — fascinée dès sa prime jeunesse par l’orgue — et
l’organiste berlinois Armin Thalheim. Fin 2010,
venant de Montréal, elle s’est établie à Berlin où elle a cherché des
organistes d’abord pour interpréter un répertoire prévu pour ces deux
instruments. Armin Thalheim, tout en s’intéressant à
la musique baroque, a aussi des affinités avec le jazz et la musique
d’ambiance ; il était étonné de la puissance sonore du saxo et a dû
adapter ses registrations en conséquence. Ayant commencé à jouer ensemble des
pièces pour leurs instruments respectifs, ils ont terminé par improviser
d’abord après préparation, puis se sont hasardés à l’improvisation
directe : le résultat est éloquent. Ils ont enregistré cette coproduction
en l’Église évangélique Saint-Jean (Berlin Spandau) avec un environnement et un
paysage sonore absolument hors du commun. Sous le générique Dawning together (emprunté à l’intitulé de la
plage 2), ils proposent donc de libres improvisations ce qui, à deux,
représente une vraie prouesse et fait appel à une certaine liberté, toutefois
sans occulter leurs goûts personnels. Leurs titres anglais et allemands sont
lourds de signification : Dream Stream, Onward Journey, Movement in my Mind. Ils ont ainsi pour objectif de faire sentir la
beauté de l’instant présent, à travers des descriptions (Jahrmarkt/Foire annuelle…), des évocations (A Good Walk through
the Dark / promenade dans l’obscurité)… Les discophiles seront éclairés sur
leur motivation grâce à leur interview (texte de présentation en allemand et
anglais). En fait, ils n’improvisent « pas comme les autres », ont le
feu sacré, exploitent à merveille leurs possibilités dynamiques respectives.
Décidément, le Label KLANGLOGO a le chic pour trouver des programmes de musique
d’ambiance et de détente, et procurer aux mélomanes des instants magiques, hauts
en couleurs.
Édith Weber.
« Elisabeth SCHWARZKOPF : 100e Anniversaire ». Lieder et arias de BACH, LEHAR, MOZART,
SCHUBERT, SCHUMANN, Richard STRAUSS, MAHLER, WOLF, KORNGOLD. Elisabeth Schwarzkopf, soprano. Gerald Moore, Jacqueline Robin,
Hans Rosbaud, piano. Wiener Philharmoniker, Ochestre du Teatro alla Scala,
dir. Guido Cantelli, Paul Kletzki,
Wilhelm Furtwängler, Herbert von Karajan. 2CDs FORLANE DISQUES DOM (www.domdisques.com) : FOR 17019. TT : 62’50 +67’43.
Le Label FORLANE a
eu l’excellente idée de reprendre — à l’occasion du centenaire de sa naissance
— une sélection d’œuvres inoubliables interprétées par la célèbre soprano
Elisabeth Schwarzkopf (née en 1915 et décédée le 3 août 2006), sensibilisée
très jeune à la musique et au chant. Elle possède à son actif un répertoire
particulièrement diversifié ; le programme de ce coffret de deux disques
s’étend de J. S. Bach à Erich Wolfgang Korngold
(1897-1957) et Carl Orff (1895-1982). Elle est autant à l’aise pour chanter
avec intériorité l’Air Bist du bei mir
[généralement attribué à] de J. S. Bach (BWV 508) et le Lied si prenant de Gustav Mahler (1860-1911), Ich bin der Welt abhanden gekommen (d’après
Friedrich Rückert) que des textes descriptifs (Der Nussbaum de Robert Schumann) ou les
quatre dernières Mélodies (Lieder) de Richard Strauss
(1864-1949) : Frühling, September, Beim Schlafengehen, Im
Abendrot. Elle traduit aussi bien la nostalgie et
la mélancolie (Lieder de Hugo Wolf, 1860-1903) que des extraits d’opéras de Mozart
dans lesquels elle s’identifie avec bonheur à la Comtesse (Cavatine Porgi amor des Noces de Figaro), à Dona Elvira (Don Juan) ou à Marietta (Die Tote Stadt d’Erich Wolfgang Korngold).
Dans ces enregistrements historiques (bénéficiant des techniques modernes de remastérisation), elle est accompagnée au piano par Gerald
Moore, Jacqueline Robin, Hans Rosbaud ; par
l’Orchestre du Théâtre de la Scala de Milan, l’Orchestre Philharmonique de
Vienne, dirigés respectivement par des chefs remarquables dont les noms sont
passés à la postérité : Guido Cantelli,
Wilhelm Furtwängler, Herbert von Karajan, Paul Kletzki... Certaines œuvres proviennent d’enregistrements
publics (1950, Festival de Salzbourg ; 1952, Hambourg ; 1956, Milan…)
; d’autres ont été réalisés en studio. Incontestablement, les mélomanes et
amateurs de Lieder auront grand
plaisir à retrouver l’inoubliable voix d’Elisabeth Schwarzkopf, et ils
constateront son évolution artistique et stylistique entre 1939 et 1960. Les
disques FORLANE rendent ainsi un émouvant hommage à l’occasion du centenaire de
sa naissance.
Édith Weber.
Jean-Jacques WERNER : Intégrale de l’œuvre pour piano.
Geneviève Ibanez et Daniel Spiegelberg,
piano. 2CDs MARCAL CLASSICS. Diffusion : UVM distribution (www.uvmdistribution.com) : MA 151001. TT : 58’26+75’39.
L’œuvre de
Jean-Jacques Werner (né à Strasbourg en 1935) est plus largement diffusée à
l’étranger qu’en France. Sa double culture rhénane (franco-germanique) se ressent
dans sa musique — selon ses propres termes — avec une certaine sensibilité
schumannienne (Jugendalbum,
Kinderszenen, L’oiseau prophète) et avec une
intuition debussyste (Boîte à joujoux).
Cette Intégrale est réalisée sans
concession et sans sectarisme, par ce compositeur français n’appartenant à
aucune école. Il cultive la forme sonate (pour piano et pour deux
pianos) ; ses titres si suggestifs traduisent sa vision très personnelle
du monde, de la société, des individus, et projette un regard perçant sur
certains compositeurs. Il rend un émouvant hommage à ses amis : au peintre
franco-serbe Spiridon (cf. NL, novembre 2015), à Antoine Tisné
(1932-1998) — lui aussi passionné par Schumann — ou encore à la pianiste
Mireille Saunal (3
mouvements circulaires, 1970). Certaines des 16 pièces (24 plages) sont des
œuvres de commande, émanant par exemple du CNSM de Paris : Thrène (1982) dédiée à la mémoire du
flûtiste Marcel Pozzo di Borgo, ou des échos à l’œuvre du compositeur américain
Charles Ives (1874-1954) : The Unanswered Question /Remember the question. À noter aussi Night
Sky (1997), composé à la demande de la pianiste
Geneviève Ibanez, suite inspirée par le poème éponyme
du Professeur Roger Asselineau ; Madigan Square (1987) pour l’inauguration de ce
restaurant musical. En 1975, Alter Ego,
œuvre particulièrement introspective, a été créée à Nouméa. Le remarquable
texte d’accompagnement si circonstancié de Pierrette Germain illustre, en
connaissance de cause, cette réalisation exceptionnelle nécessitant une grande
maîtrise de la technique pianistique qui n’est qu’un moyen au service de
l’émotion, grâce aux deux interprètes : Geneviève Ibanez
et Daniel Spiegelberg, en parfaite connivence avec la
pensée du compositeur et si sensibles à son riche message exprimé dans un
langage marqué par les esthétiques allant du XIXe siècle à nos jours.
L’impression
d’ensemble est celle d’une confidence
confiée au piano par Jean-Jacques Werner, au gré de son inspiration spontanée
et de sa sensibilité du moment, ou encore celle d’un hommage de reconnaissance.
Enregistrée au Conservatoire de Strasbourg par Marc Lipka
(pour MARCAL Classics) en novembre 2014, cette Intégrale s’impose absolument par la
remarquable qualité des œuvres et de leur interprétation. Elle contribuera
heureusement à une meilleure diffusion de l’œuvre pianistique de Jean-Jacques
Werner en France et à l’étranger.
Édith Weber.
Anthony GIRARD : Chemins, couleur du temps. Œuvres vocales et orchestrales. Lionel Peintre,baryton, Geneviève Girard,
piano. Orchestre Symphonique de Bretagne,
Pascal Cocheril, violon solo. Chœur de chambre
Vibrations, dir. Gwennolé Rufet. Bédée,
Éditions Folle Avoine (www.editionsfolleavoine.com ), 2015, 63 p. – 30 €. (avec 2 CD encartés : EAN 3760061
184886 ; EAN 3760061 184893 . TT : 73’11+
71’56).
Anthony Girard —
présenté dans la Newsletter de juin
2015 à propos notamment du Cercle de Vie
— est né en 1959 à New York, a fait ses études au CNSM de Paris et à l’UFR de
Musicologie (Université Paris-Sorbonne). « Chemins couleur du temps »
résulte de sa rencontre avec les Éditions Folle Avoine qui souhaitaient
regrouper ses œuvres vocales et orchestrales. En 1998, le compositeur a eu une
révélation en lisant les poésies d’Yves Prié dont il a tant apprécié
« cette parole dénudée mais sensible, mystérieusement suggestive,
lumineuse et intense ». C’est alors que, dans l’atelier de Folle Avoine,
il rencontra le poète et l’éditeur, et, dès 1998, eut l’idée de « composer
d’après un poème » pour suggérer des « paysages de l’âme » et en
renforcer l’émotion. Cette collaboration entre un éditeur, ses poètes, les
divers interprètes et le compositeur sera une éclatante réussite.
Le premier CD est
interprété notamment par l’Orchestre Symphonique de Bretagne, le Chœur de
chambre Vibrations, Pascal Cocheril (violon solo),
dirigés par Gwennolé Rufet.
La Symphonie d’Anthony Girard pour
orchestre et chœur de chambre est sous-titrée : La nuit, la neige, le silence ; il en a réalisé
l’orchestration en 2013 à partir de la version (1998) pour violon, piano et
chœur de chambre. La publication reproduit les poèmes particulièrement
évocateurs d’Yves Prié. Il privilégie la couleur, la transparence et
l’atmosphère mystérieuse émanant de ces poèmes qui sont déjà musique. D’entrée
de jeu, son esthétique semble intemporelle. La Symphonie baigne dans le mystère ; la voix déclamée plane
au-dessus de l’orchestre dans un dynamisme contenu. Les paroles sous-tendant la
composition sont confiées soit aux voix d’hommes, soit à un chœur de
chambre ; l’orchestre assure une certaine assise rythmique et des envolées
mélodiques. La plage 6 permet de découvrir Présences
invisibles pour baryton et piano (2010) sur les paroles non rimées de Jean
de Chauveron, avec le concours de Lionel Peintre
(baryton) et Geneviève Girard (piano). Cette œuvre, dans le sillage de la
mélodie française du XIXe siècle, contient des caractéristiques pianistiques
impressionnistes, sans exclure des éléments du langage musical de notre temps.
La pianiste crée l’atmosphère, assure de brèves transitions pour évoquer ces présences invisibles avec un grand
pouvoir de suggestion. Le compositeur a traité Orphée de Jean-Paul Hameury pour Soprano,
hautbois et orgue (2015) ; Éclaircie pour soprano et flûte (2008)
d’après deux poèmes de Michel Dugué. Ce CD se termine
par la Cantate pour double chœur (textes anglais et français en dialogue),
harpe et quatuor à cordes (2010) : Chemins
couleur du temps sur les Poèmes de Heather Dollohau
tantôt juxtaposés, tantôt superposés. Il
s’agit d’une musique subtile qui « joue avec le temps de l’instant, de
l’éternité et de la mémoire ». Contemplation, énergie et joie s’y
côtoient.
Le second disque
réunit des œuvres vocales et instrumentales allant de la petite formation au
grand orchestre, avec des titres évocateurs : Pour l’oiseau, Tout un monde
ardent sur des textes de Heather Dollohau. La
plage 12 : Une voix si lointaine fait
appel à une association de timbres particulièrement originale : soprano,
cor anglais et orgue (2014) du meilleur effet, d’après le poème de
Jean-Paul Hameury, également représenté à la plage
20 avec son très bref poème Nous
sommes en marche depuis si longtemps. Le texte de Didier Jourdren : Le
Chemin (1999), prononcé par le récitant avec une remarquable diction, est
associé aux accents de la guitare et du piano. En revanche, Le rêve est notre espoir pour baryton,
violon, cor et piano (1999) (poème d’Yves Prié) est très développé (pl. 14-19).
Cette réalisation exceptionnelle se termine par Les âmes perdues pour grand orchestre (2002), œuvre violente,
énergique, incisive, percutante contrastant avec le caractère retenu et
méditatif des autres œuvres. Initiative compositionnelle originale à retenir.
Édith Weber.
Johann ROSENMÜLLER : Marienvesper. Ensemble
Johann Rosenmüller, Ensemble baroque L’Arco. Schola (voix d’hommes, dir. Nils Ole Peters). Knabenchor Hannover, dir. Jörg Breiding 2CDs RONDEAU
PRODUCTION (www.rondeau.de): ROP 701920. TT : 105’09.
Dans le cadre de la
piété mariale, Johann Rosenmüller a composé ses Vespro bella beata Maria Vergine entre 1670 et 1680. Nos lecteurs connaissent
bien les nombreuses réalisations du Knabenchor Hannover (Chœur de Garçons) placé sous la direction si
efficace de Jörg Breiding qui, pour ces deux disques,
a fait appel à l’Ensemble Johann Rosenmüller et à l’Ensemble baroque L’Arco, à
un quatuor de solistes et — pour les intonations grégoriennes — à une schola
(voix d’hommes) dirigée par Nils Ole Peters.
L’enregistrement a été réalisé en l’Église Saint-Étienne (St. Stephan Kirche) à Hanovre, présentant de remarquables conditions
acoustiques.
Johann Rosenmüller,
musicien allemand très productif dans la seconde moitié du XVIIe siècle — dont
les œuvres sont souvent citées dans les publications bien connues autour de
1650 —, né à Oelsnitz vers 1617, a été inhumé à Wolfenbüttel le 12 septembre 1684. Son œuvre religieuse,
particulièrement importante, est marquée par l’influence nord-italienne dans la
mouvance de la polychoralité de Claudio Monteverdi. Lors de son séjour à
Leipzig, il a composé des œuvres d’inspiration biblique (Dialogues — Kernsprüche — à la manière de Heinrich Schütz),
mais aussi des textes liturgiques s’insérant dans la messe catholique chantés
aux Vêpres (lors desquelles les Psaumes,
Hymnes, Magnificat étaient précédés de leur intonation grégorienne). Ce
coffret restitue une musique à la manière de l’usage vénitien, conformément au
titre italien. Leur structure appelle l’alternance d’Antiennes (Antiphona),
d’une Sonate (instrumentale) ou
encore d’une Hymne et du Magnificat. L’ingressus, Deus in adiutorium invoquant l’aide de
Dieu se termine par le traditionnel Gloria
trinitaire.
Le premier CD
contient 3 Antiennes pour les Psaume Dixit
Dominus, Laudate pueri Dominum et Laetatus sum. Dès l’Ingressus (CD 1,
pl. 1), l’intonation grégorienne, calme et bien déclamée, introduit l’antienne Dixit Dominus,
précédée d’une introduction instrumentale confiée notamment aux cuivres et
suivie d’un développement polyphonique avec alternance des voix et effets
d’écho comme à Saint-Marc de Venise. Le compositeur
privilégie d’une part le style homorythmique homosyllabique
pour une meilleure intelligibilité du texte et, d’autre part, des passages
mélismatiques pour renforcer le caractère solennel des Vêpres. L’impression
d’ensemble baigne dans la sérénité, mais aussi l’affirmation, toute à
l’imitation de l’esthétique monteverdienne. Les
timbres des voix sont particulièrement prenants ; les parties
instrumentales, scandées et les intentions dynamiques très soignées. Les
chanteurs s’investissent pleinement, suscitant ainsi un enthousiasme
contagieux. Le second CD comporte l’Antienne Nisit Dominus assez développée, suivie de la Sonata nona a 5, très intériorisée, puis animée, faisant
appel à la virtuosité des cordes, aux oppositions de nuances, et assurant la
transition vers l’Antienne Lauda Ierusalem. Dans l’Hymne Ave maris stella, J. Rosenmüller exploite
le principe de l’alternance entre chœur d’hommes à l’unisson et soliste. Ces Vêpres grandioses, avec leur puissance
sonore exceptionnelle, se terminent, comme de juste, aux accents du Magnificat plein d’allant et de
dynamisme : soit plus d’une heure et demi d’une
musique qui, grâce à ces excellents interprètes de Hanovre, est enfin tirée de
l’oubli. À coup sûr : une révélation pour les mélomanes français.
Édith Weber.
« Le Concert
Royal de la Nuit » d'après le « Ballet Royal de la Nuit,
Divisé en quatre parties, ou quatre veilles Et dansé par Sa Majesté le 23
février 1653 ». Textes de Isaac de Benserade.
Musique de Jean de Cambefort, Antoine Boesset, Louis
Constantin, Michel Lambert, Francesco Cavalli, Luigi Rossi. Reconstitution :
Sébastien Daucé. Ensemble Correspondances, dir. Sébastien Daucé. 2CDs
Harmonia Mundi : HMC 952223.24. TT.: 77'13+76'52.
Février 1653, Louis XIV a quinze ans. La
Fronde a tout juste pris fin. Il est triomphalement accueilli à Paris. Une
fastueuse manifestation artistique est organisée le 23 février : le
« Ballet royal de la nuit », donné en l'hôtel du Petit-Bourbon, la
salle la plus vaste de la capitale. Ce ballet appartient au genre dit du ballet
de cour, sorte de spectacle total mêlant poésie, musique et arts visuels :
costumes chamarrés et scénographie élaborée, avec ses toiles peintes et surtout
ses machines, imaginées par le fameux italien Giacomo Torelli. Ce ballet à
entrées, car se jouant en plusieurs tableaux, et que le monarque danse
lui-même, a pour sujet les divers épisodes d'une nuit de divertissement
protégeant les amours de son auguste protagoniste jusqu'à l'avènement du jour,
triomphe du soleil, du Roi-soleil. Il déploie une vraie dramaturgie : plus
qu'un divertissement, c'est un acte à portée politique, « le sacre
profane » de Louis XIV, remarque Sébastien Daucé,
qui le met en parallèle avec les cérémonies du sacre royal proprement dit qui
aura lieu l'année suivante. Si le monarque artiste se met en scène pour
affirmer son autorité naturelle, il le fait au milieu de figures dansées mais
aussi chantées, et d'allégories célébrant ses vertus. Cela peut se traduire même
par des passages de théâtre sur le théâtre, estime Daucé.
Le matériau du ballet nous est parvenu lacunaire, grâce à une copie réalisée
quelques décennies plus tard par le compositeur Philidor. Il a donc fallu
procéder à une reconstruction. Sébastien Daucé s'est
lancé dans l'aventure, y procédant de manière imaginative, piochant dans les
nombreux actes du « Ballet de la Nuit » dus essentiellement à la
plume du compositeur Jean de Cambefort (c.1605-1661),
mais aussi en empruntant à d'autres musiciens de l'époque tels que Antoine
Boesset (1587-1643), Louis Constantin (c.1585-1637), ou Michel Lambert
(1610-1696). Sébastien Daucé explique dans un essai
particulièrement documenté - comme l'est tout le livret de ce CD - avoir juxtaposé ballet français et opéra
italien pour mieux traduire le substrat théâtral qui enveloppe la pièce. Ainsi
s'est-il tourné aussi vers deux compositeurs italiens, alors célébrés en
France, leurs opéras, choisis ici, ayant été créés à Paris : Luigi Rossi et son
Orfeo (1647), et Francesco Cavalli pour Ercole amante (1662). Les puristes tordront
peut-être le nez question chronologie et sélection arbitraire. Le résultat est
néanmoins là, patent et en situation.
Allégorie de
la nuit
The Rothschild Collection©The
National Trust, Waddesdon Manor
Après une courte Ouverture, la Première
Veille, « La Nuit » - de 6 à 9 Heures du soir – décrit les occupations ''ordinaires'' de tout
un chacun en fin de journée. Durant la Deuxième Veille, « Vénus et les Grâces »
- de 9 H à minuit -, on célèbre les plaisirs, bals et divertissements. Elle se
distingue par la comédie muette Amphitryon, introduite par les coups de
brigadier. La Troisième Veille, « Hercule amoureux » - de minuit à 3
Heures -, au plus profond de la nuit, met en scène les amours du jeune roi. Le
tableau est interrompu part « Le Sabbat », suite de morceaux hauts en
couleurs, aux rythmes enragés (« Chœur des Sacrificateurs ou interventions
de personnages fantastiques tels que « Quatre monstres nains » ou « Six
Loups-garoux »!) Les choses se calmeront peu à
peu. La Quatrième Veille « Orphée » - de 3 à 6 H -, empruntée à
l'opéra Orfeo de Rossi, est une métaphore de
l'amour transfiguré, à travers le dialogue du soleil et du silence. On y entend
le ballet des « Songes » qui décrit les quatre tempéraments du
caractère humain, le colérique, le sanguin, le flegmatique et le mélancolique.
L'épilogue, « Le Soleil » est un « Grand Ballet » qui de
nouveau tresse la louange du roi : « Le soleil c'est le jeune
Louis ». Le final glorieux, triomphe de la lumière sur la nuit, clôt les
festivités. Outre la perspicacité de ses choix musicologiques, on ne peut que
saluer le travail interprétatif de Sébastien Daucé
qui confère à cette pièce un souffle certain. On ne sait qu'admirer : la
spontanéité du jeu instrumental de son ensemble Correspondances, la sagacité de
l'éventail des accents au fil des récits ou des danses, ressortissant à la
fameuse écriture à la française, magnifiant les caractéristiques de ces
musiques : les effets de tremblements aux cordes, les accents entraînants, les
scansions tranchées, les contrastes de style et les ruptures de rythmes. Tout
cela est ménagé avec un flair naturel pour insuffler une véritable théâtralité
associant grand orchestre et passages chambristes. De surcroit restitué par une
prise de son d'une extrême clarté. Côté vocal, on est séduit par une plastique
pareillement brillante : pureté des voix de sopranos (dessus) comme des basses, et extrême lisibilité de la diction que ce soit en
français ou en italien. Une indéniable réussite.
Jean-Pierre Robert.
Georges Friedrich HAENDEL : Partenope. Opéra en trois
actes. Livret anonyme d'après Silvio Stampiglia.
Karina Gauvin, Philippe Jaroussky, Emöke Baráth, John-Mark Ainsley, Teresa Iervolino, Luca Tittoto. Il Pomo d'Oro, dir. Riccardo Minasi. 3CDs Erato : 08256460900075. TT.:
74'31+61'48+66'07.
Créé en 1730 au King's
Theater de Londres, Partenope est un drame
anti héroïque, bien différent de la
veine seria essentiellement pratiquée jusqu'alors par
Haendel. Une comédie de mœurs douce amère plutôt, de l'infernale tyrannie de
l'amour, où finalement tout s'arrange dans un bref lieto
fine, un peu comme il en ira plus tard dans le Cosí
fan tutte de Mozart. Le sujet, emprunté au poète Silvio Stampiglia
et qui avait déjà été mis en musique par Lugi Mancia (1699), puis par Antonio Caldara (1708) et Leonardo
Vinci (1725), prend pour support le mythe de la fondation de la ville de Naples
par la sirène Partenope. Celle-ci est courtisée par
trois soupirants, Arsace, un prince inconstant
(castrat), Armindo, autre prince plus avenant (rôle
travesti) et le belliqueux Emilio, un souverain ennemi. Un personnage
mystérieux, Eurimène, une femme déguisée en homme
sous le nom de Rosmira, ex fiancée d'Arsace, est au centre de cette constellation instable. Car
il ne faut pas chercher là d'action héroïque, mais les ravages causés par le
tourment des sentiments intimes. De déguisement en conflit d'identité, Haendel
peint quelques portraits savoureux qu'il a, bien sûr, confiés à des interprètes
choisis pour la brillance de leur chant, comme la soprano Anna Maria Strada del Pò,
le castrat Antonio Bernacchi, puis lors d'une
reprise, le célèbre Senesino. Musicalement, l'opéra
renferme des arias fort variées qui souvent prennent
leur distance avec le strict schéma da capo, et quelques morceaux symphoniques
apportant une amusante note chevaleresque (sinfonias
ouvrant les actes II et III, marche précédant la scène de bataille...). Surtout
il est gratifié d'ensembles : s'ils se distinguent des duos d'amour conventionnels,
les duos, généralement brefs, font avancer l'action (Partenope-Arsace au Ier acte ou Partenope-Emilio, au II ème
acte). Plus rares chez le compositeur, des quintettes, dont celui placé à
l'issue de la bataille, et un quatuor, au début de l'acte III, apportent une
note vraiment originale. Peu représentée au disque cette œuvre bénéficie ici
d'une distribution de choix. Voix de soprano corsée naturelle pour Haendel,
Karina Gauvin donne de l'ensorceleuse et capricieuse Partenope
un portrait aussi diversifié que l'autorisent des arias véhiculant un panel de
sentiments variés, de l'ineffable « Qual farfalletta », sur un accompagnement délicat des
violons, au sarcastique, à l'heure du choix de qui va s'emparer d'un cœur
enamouré, « Oui, l'amour a double visage ». Les
contre-ut dont Haendel parsème le rôle sont négociés avec tact, même si
un peu à l'arraché. Du personnage d'Arsace, le plus
gratifié vocalement, Philippe Jaroussky dessine une
figure elle aussi à multiples facettes, un jeune homme tour à tour désinvolte,
désemparé, anxieux, mais aussi astucieux. N'invente-t-il pas en effet un
stratagème pour confondre Rosmira-Eurimène
et la contraindre de révéler sa vraie identité : en exigeant
qu'« il » combatte torse nu ! La ductilité du chant est encore une
fois enthousiasmante, faisant son miel de la rythmique inexorable comme à
l'aria finale du II, « Furibondo spira il vento », qu'il
ponctue de notes graves, ou du lyrisme pétri d'émotion contenue de l'air de
l'endormissement paré de pianissimos envoûtants. Cela montre le chanteur au
sommet de son art, qui, comme remarqué à Aix dans Alcina,
développe désormais une voix plus conséquente dans le medium. Des voix
nouvelles apparaissent aussi, passionnantes : Emöke Baráth, Armindo, fin soprano
lyrique et touchante aussi; et surtout Teresa Iervolino,
Rosmina/Eurimène,
dispensant un timbre grave avantageux, dans la lignée de Sonia Prina, en particulier dans les grandioses airs de fureur.
John Mark Ainsley, qu'on a joie de voir distribué
dans le domaine baroque, campe un fier Emilio, et Luca Tittoto,
découvert lui aussi à Aix, dans Ariodante,
offre un clair baryton basse. Autre découverte que la
direction de Riccardo Minasi, d'un raffinement tout
italien et d'une rigueur non heurtée, qui rejoint les grands interprètes haendeliens. Son ensemble Il Pomo
d'Oro se révèle aussi à l'aise dans la musique
fleurie de Haendel qu'en terres vivaldiennes.
Jean-Pierre Robert.
Antonio VIVALDI : Concertos
per fagotto vol IV,
RV 469, 491, 498, 492, 500, 473. Sergio Azzolini,
basson. L'Onda Armonica.
1CD Naïve Vivaldi Edition : OP30551. TT : 68'46.
Sergio Azzolini poursuit son exploration des nombreux concertos
pour basson de Vivaldi – on en dénombrerait 39 - avec six nouvelles pièces.
Délaissant l'ensemble L'Aura Soave Cremona qu'il
dirigeait pour ses trois précédents enregistrements, il est cette fois à la
tête de celui qu'il a fondé en 2013, L'Onda Armonica, dont le but est de favoriser un jeu épuré,
inspiré des recherches les plus récentes en matière de style italien d'interprétation,
menées à partir des manuscrits conservés à Dresde. L'ensemble qui ne compte pas
plus de quinze musiciens, dont huit violons, sonne en effet d'une élégance
gracile. Azzolini privilégie une manière expressive
très chantante mettant en valeur l'instrument soliste et n'abuse pas d'une
battue à l'arraché comme bien de ses confrères. Écrites sur un schéma en trois
mouvements, vif-lent-vif, ces pièces se distinguent par l'originalité de leur
section centrale, largo, à la sonorité proprement envoûtante. Ainsi de celui du
concerto RV 491, précédé d'une courte introduction à l'orgue positif, ou de
celui du concerto RV 493, où sur une pédale des basses, le basson se détache
mystérieusement pour égrener une mélodie d'apparence suave, qui cèle pourtant
quelque tourment de l'âme ; ce qui est réaffirmé dans la reprise aux seules
cordes. Loin de se ressembler, ces pièces témoignent de l'immense inventivité
du Prete rosso et de sa
souveraine maîtrise d'écriture pour la tessiture grave du basson dont on peut
dire qu'il est, comme le violoncelle, bien proche de la voix humaine. Elles
reçoivent ici une interprétation raffinée et sincère. Comme il en est encore du
concerto RV 498, joué presque intégralement pianissimo, à l'image de son
premier mouvement marqué « piano sempre »,
évoquant un paysage magique et mystérieux dont l'aura se poursuit au larghetto
distillant une mélopée tout aussi entêtante. Ou également du concerto RV 492
qui fait penser à une mini trame d'opéra avec ses
effets d'échos et ses climats changeants traduisant comme l'instabilité de quelques
personnages fantasques.
Jean-Pierre
Robert.
Wolfgang Amadé
MOZART : « Les sœurs Weber ». Airs de concert et
d'opéra & pièces instrumentales. Sabine Devieilhe,
soprano. Pygmalion, dir. Raphaël Pichon. 1CD Erato :
0825646075843. TT : 72'26.
Une merveille de CD ! D'intelligence du
programme et d'interprétation. La soprano Sabine Devieilhe
a concocté avec la complicité du chef Raphaël Pichon une promenade musicale
conçue autour des trois amours de Mozart, les sœurs Weber, Aloysia,
Josepha et Constance, trois muses, trois voix.
Fabuleux trait de génie de l'Histoire que celui de la rencontre par le jeune
musicien de la famille Weber dont « l'histoire est désormais liée à son
propre destin », souligne Pichon dans un essai passionnant. Un Prologue
ouvre ce passionnant récital : l'Ouverture Les petits riens K 296b (dont
certaine tournure annonce le « chœur des janissaires » de
L'Enlèvement au sérail), puis quelques pièces amoureusement écrites à
l'intention d'une jolie demoiselle, « Ah, vous dirais-je maman »,
dans un arrangement pour voix seule, puis accompagnée du pianoforte, et enfin
de l'orchestre, et « Dans un bois solitaire » où fleure cet aveu
« l'amour se réveille de rien ».
La I ère partie, c'est « Mia carissima amica » ou la passion avortée d'un amour qui ne fut
finalement pas payé de retour (Aloysia Weber épousera
Lange ). Néanmoins Mozart écrira pour elle, pour cette
voix exceptionnelle au cantabile légendaire, l'aria « Alcandro
lo confesso » K 294 ou
encore « Vorrei spiegarvi,
oh Dio » K 418, où le hautbois obligé suit la
voix dans ses tirades extrêmement aiguës au fil d'un récitatif fluide. L'air,
plus agité, annonce les périlleux octaves assignés à Konstanze dans L'Enlèvement au sérail. Avec l'aria
« Popoli di Tessaglia »
K 316, c'est le grand drame, et « Nehmt meinen Dank » K 383 traduit,
de ses doux pizzicatos des cordes, un remerciement apaisé.
La Deuxième partie, consacrée à Josepha, la fille aînée également cantatrice, peut-être la
plus secrète des sœurs Weber, se concentre sur « L'entrée dans la
Lumière ». Car Josepha n'est pas étrangère dans
la découverte par Mozart de la philosophie franc-maçonne. On y entend, entre
autres, l'air de la Reine de la nuit du II ème acte
de La Flûte enchantée, vivement brossé par Pichon au moment des fameux
contre-fa, et se concluant par les attaques vengeresses rageuses sur les
mots « Hört, Rachegötter »
; et un extrait symphonique de Thamos, König in Ägypten K 345,
première œuvre de musique maçonnique de Mozart (1773). Enfin, le dernier volet,
«Per mia cara
Costanza », c'est l'amour tendresse envers Constance qu'il a épousée en
1782, Elle s'ouvre par la marche pacifiée qui débute le IIème acte de La
Flûte enchantée, magnifiquement jouée par Pichon et ses musiciens, qui cèle de vraies sonorités maçonniques. Le « solfeggio » K 393, ou exercice pour la voix avec
l'orgue pour seul accompagnement, est
une longue vocalise sinueuse et legato, dont certains traits paraissent une
ébauche du « Kyrie » de la Messe en Ut mineur. Précisément, le
récital de Sabine Devieilhe s'achève par le « Et
incarnatus est » de cette messe dont les
roucoulades paraissent le pendant ''régulier'' de celles des airs de concerts
du domaine ''séculier''. Une preuve d'amour profond de la part de Mozart qui
prodigue un quatuor de vents concertants comme il en a le secret et une cadence
finale d'une beauté à couper le souffle.
Au fil de ces pages, connues ou à découvrir, on est bercé par le suprême
raffinement du chant de Sabine Devieilhe, la
simplicité avec laquelle elle aborde les morceaux les plus acrobatiques qui
jamais ne donnent cette impression de technique pure, d'exercice pour épater.
La douceur de l'émission encore qui rend plus d'une phrase poignante. Pareille
sensibilité se retrouve dans la direction de Raphaël Pichon qui prodigue une
ligne pacifiée, un phrasé délicat et imaginatif dans les inflexions et les
transitions. La sonorité épurée des instrumentistes de l'ensemble Pygmalion
ajoute à la magie sonore.
Jean-Pierre Robert.
Louis VIERNE : Douze
Préludes pour piano op 36. Solitude op.
44. Etude N°3 op. 35. Mūza
Rubackyté, piano. 1CD Brillant classic
: 95 154. TT. 73'18.
Louis Vierne (1870-1937) est surtout connu
pour ses pièces d'orgue. En effet, il fut formé à l'école de César Franck et
eut pour ami Charles Widor. Il sera titulaire des grandes orgues de Notre-Dame
de Paris, où il succomba à la tribune lors d'un concert le 2 juin 1937. Mais il
composa pour d'autres genres musicaux, dont des pièces de musique de chambre,
et pour le piano. La pianiste franco lituanienne Mūza
Rubackyté qui en donna quelques exemples lors d'un
concert à l'Amphithéâtre de l'Opéra Bastille en mars 2014, livre ici plusieurs
morceaux significatifs de cette dernière production. Témoins du parcours
atypique d'un musicien qui connut une vie traversée de soucis professionnels,
de tragédies personnelles dont de sérieux soucis de vue et la perte de deux
fils, le second lors de la Grande guerre. Les Douze Préludes op. 36,
achevés en 1914 et publiés quatre ans après, ont une tonalité sombre et
proposent un parcours escarpé. À l'image du « Prologue » tempétueux
ou d'une page comme « Pressentiments» (prélude N°3) dont la complexité
d'écriture communique toute l'agitation intérieure. Celle-ci on la ressent aussi
dans la pièce suivante « Souvenir d'un jour de joie » dont le titre
est presque une affirmation contraire. Ce pianisme
tourmenté, très exigeant pour l'interprète comme pour l'auditeur, se nourrit de
climats étranges mêlant des thématiques différenciées. On le mesure dans les
volées d'arpèges de « Par gros temps » traversé d'accords plaqués, ou de
cette opposition d'une basse obstinée et du discours plus clair de la main
droite (« Évocation d'un jour d'angoisse ») ou encore pour
« Dans la nuit », vision presque menaçante que traverse un passage
haletant. Une rare pièce monothématique (« Sur une tombe ») offre un
bref moment de poésie toute intériorisée. Les deux derniers préludes ont
quelque chose de poignant : dans l'interruption brutale d'une ligne en apparence
aisée (« Adieu ») ou à travers la force irrépressible de l'évocation
d'une lutte intérieure vers l'apaisement (« Seul »). Le « Poème
pour piano » Solitude op. 44, de 1918, est constitué de quatre
parties, aux sous titres également évocateurs d'une grande tristesse, voire de
désespérance. Ils présentent une écriture plus consonante. Mais l'angoissante
déclamation de « Hantise », l'étrangeté de « Nuit blanche » où
les brusques changements de rythmes introduisent une agitation effrayante, ce
qui surenchérit dans « Vision hallucinante » pour finir sur une danse
macabre (« La ronde fantastique des revenants ») aussi expansive
qu'énigmatique, tout cela ne laisse pas de marbre. La Troisième Étude de
l'op. 35 (1915) « La lumière rayonnait des astres de la nuit... » , apporte quelque réconfort après ces débordements de
noirceur, car se situant dans une veine debussyste, plus avenante. Mūza Rubackyté s'empare de
toutes ces pièces avec une force peu commune et une conviction de tous les
instants, qui leur restituent leur vrai impact. Son instrument, un Fazioli, sonne précis et clair. Un regret : que la
plaquette du CD ne comporte pas un mot en français, ce qui est un comble en
l'occurrence.
Jean-Pierre Robert.
Robert SCHUMANN. Das Paradies und die Peri, op. 50.
Oratorio en trois parties. Livret d'Emile Flechsig,
d'après « Lalla Rookh »
de Thomas Moore. Sally Matthews, Mark Padmore, Kate
Royal, Bernarda Fink, Andrew Staples,
Florian Boesch. London Symphony Chorus. London Symphony Orchestra, dir.
Simon Rattle. 2CDs LSOlive : LSO0782. TT. : 51'26+36'37.
Créé en 1843 à Leipzig sous la direction du
compositeur, Le Paradis et la Péri appartient au genre de l'oratorio
profane, « plus exactement le Märchen oratorium (conte oratorio), correspondant à un nouveau
genre voulu par Schumann qui le dénomme ''Dichtung''
(Poésie) et non oratorio » (Elisabeth Brisson, in NL de 5/2015, ''Paroles
d'auteur''). Schumann a puisé dans un texte du philosophe, humaniste et
théologien Thomas Moore (1478-1535), Lalla Rookh, un conte initiatique, lui-même emprunté à la
mythologie arabo-perse, qui traite le thème de la rédemption. La Péri, chassée
du Paradis, espère y retrouver sa place. Mais elle ne le pourra qu'en
rapportant des contrées terrestres une offrande digne des dieux. Ce que ne
seront pas le sang d'un héros hindou, non plus que l'amour sacrificiel d'une
vierge égyptienne, mais bien les larmes d'un criminel syrien – l'Homme – se
repentant à la vue d'un enfant en prière. De par sa portée symbolique, Le
Paradis et la Péri se rattache à un courant né avec La Flûte enchantée
de Mozart. Y fleure un délicat exotisme qui était alors en vogue. Ce qui se
traduit par une orchestration irradiant la lumière, même si elle fait appel à
une formation riche de trombones, cors, ophicléide, et de nombreuses percussions.
Une vraie fluidité sonore parcourt ses trois parties. Si la trame n'est pas
spécialement dramatique, du moins la pièce respire-t-elle une vraie unité.
C'est que le langage offre une sorte de continuum de style arioso qui englobe
récitatifs et arias, et unit solos et ensembles dont un quatuor vocal et une
importante participation du chœur. L'un des protagonistes, le ténor, se voit
offrir un rôle de récitant, une sorte d'Évangéliste séculier. Simon Rattle, à la tête de son futur orchestre, le LSO, dont on
sent que ce concert live a saisi une sorte d'événement, cisèle le discours en
contrastant les douces inflexions dans les passages de quasi contemplation,
voire de recueillement, et les fières envolées, soit de joie presque populaire
(chœur du début de la II ème partie) ou de fureur
plus guerrière. Il ménage surtout le continuum entre les diverses séquences,
faites souvent de ruptures dynamiques, procurant ce nécessaire sentiment
d'unité là où on pourrait penser à une suite de Lieder orchestraux séparés. Et
on admire l'art de révéler les traits d'orchestration originaux (petites
flûtes, interventions des cors) qui parent le vocabulaire schumannien.
S'agissant de la distribution, elle n'emporte que compliments. C'est le cas de
la belle prestation de Sally Matthews, Peri radieuse,
qui fait sienne la poésie fascinante de Schumann et ses inflexions si
particulières. Le timbre immaculé confère à l'héroïne une aura de pureté. Mark Padmore distingue la partie du récitant de son habituel art
du verbe qu'il tient de ses interprétations de l'Évangéliste des Passions de
JS. Bach, et d'un goût inné de la déclamation. Bernarda
Fink, de son timbre sombre, puise de l'intérieur les parties de l'Ange ou de Alt solo. Kate Royal, Andrew Staples
et Florian Boesch complètent une distribution que
l'on sent choisie au trébuchet. Les Chœurs du LSO sont brillants et
l'orchestre, au mieux de sa forme, répond avec une évidente sollicitude :
cordes pellucides, vents éloquents. Une version de choix.
Jean-Pierre Robert.
Alexandre SCRIABINE : Symphonies N° 3, « Le
poème divin», & N° 4 « Poème
de l'extase ». London Symphony Orchestra, dir. Valery Gergiev. 1CD LSOlive : LSO0771. TT. :
64'58.
La Troisième symphonie d'Alexandre
Scriabine (1872-1915) achevée en 1904, sera créée à Paris l'année suivante par
Arthur Nikitsch. Sous-titrée « Le poème
divin», requérant un vaste instrumentarium, elle est
proche du poème symphonique, ses trois parties enchaînées développant un
programme qui reprend les thématiques favorites de son auteur : une vision
globale du monde, la transformation de l'homme par l'art, la dimension
spirituelle voire mystique de l'œuvre d'art, musicale en particulier. La
première, « Luttes », expose les conflits humains et spirituels,
exposés par deux thèmes contrastés, dont l'un majestueux aux trombones,
symbolise, selon le compositeur, l'affirmation de l'homme « Je
suis! ». Au fil d'un schéma de flux et reflux s'opposent de grands climax
volontaristes cuivrés et un traitement apaisé des cordes, qui ne renie pas le modèle wagnérien. La partie suivante, «
Voluptés », affirme un lyrisme presque langoureux et déploie un extrême
raffinement orchestral qui semble s'attarder sur quelque jardin enchanté où
l'on perçoit des chants d'oiseaux. Tandis que la troisième, « Jeu divin »,
revenant à la manière plus agitée du début, affirme par des effets d'écrasement
sonore quelque jubilation de l'homme ayant transcendé ses peurs et ses
angoisses. Le discours est tour à tour puissant et extatique pour finir sur un
triple accord consonant. Valery Gergiev favorise un pâte consistante, renforcée par une prise de son
compacte. Le Poème de l'extase, appelé ici Quatrième symphonie, de 1908,
va encore plus loin dans le cheminement mystique et grandiose. Ce poème
symphonique est constitué d'un seul mouvement, mais travaillé en diverses sous
parties, basées sur la théorie des nombres, dont celui de 36, faisant référence
à « l'Àme du monde » du Timée de
Platon. L'œuvre nous fait naviguer entre deux pôles : une énergie irrépressible
(accords plaqués fff), une langueur voluptueuse
(solos de clarinette, de violoncelle et de violon), traités par le prisme de
petites cellules mélodiques, dont le motif péremptoire de la trompette qui
semble tout rythmer et entraîner dans une course haletante. L'effectif orchestral
imposant est utilisé pour forger des climats d'ivresse sonore, d'antagonisme,
de luttes ou de rêveries enchanteresses, que Gergiev
mène à la cravache, plus inspiré encore ici. Comme il en va à la faramineuse
coda, vrai envoûtement sonore, brillamment restituée par un orchestre
incandescent.
Jean-Pierre Robert.
Maurice RAVEL : Concerto
pour piano et orchestre en sol majeur. Concerto
en ré majeur pour la main gauche. Gabriel FAURE : Ballade
pour piano op. 19. Yuja Wang, piano. Tonhalle-Orchester Zürich, dir. Lionel Bringuier. 1CD Deutsche Grammophon : 479 4954. TT.: 50'
Ce disque est l'occasion de plusieurs
''premières'' pour l'éditeur : premier enregistrement de musique française de
la pianiste Yuja Wang, premier volet d'une nouvelle
intégrale de l'œuvre orchestrale de Ravel par l'orchestre du Tonhalle de Zürich dirigé par son nouveau directeur musical
Lionel Bringuier, dont c'est aussi le premier disque
d'importance. Ladite intégrale ravélienne est quasiment bouclée, mais on a
choisi de ''sortir'' en avant première ce morceau de choix que constituent les
concertos. Bien joué et belle publicité pour le reste de l'entreprise ! En
effet, les fameuses partitions concertantes de Ravel connaissent ici une
interprétation pleine de feu : couleur et sensualité en sont les maîtres mots.
Quoique menés de front, les deux concertos sont de facture et de climats bien
différents, l'un enjoué, l'autre sombre. Du Concerto en sol, Lionel Bringuier entame l'allegramente à
un train d'enfer. Le cheminement sera plus que résolu, sertissant le jeu
virtuose en diable de Yuja Wang. Les passages andante
apportent un bienfaisant répit, dévoilant les tunes jazzy chers à Ravel ou des
pianissimos très lents eux-même transpercés de coups
de boutoir. La sonorité de la pianiste est aussi cristalline qu'elle peut se
révéler d'une poigne de fer, en accord avec la manière résolue du chef. La
péroraison sera dévastatrice tant au piano, comme ferraillant dans le grave,
qu'à l'orchestre transpercé de cris éperdus. L'introduction solo du piano à
l'allegro assai est très – trop - nuancée, là où Ravel réclame une ligne dénuée
de tout sentiment ; mais tout rentre dans l'ordre avec l'entrée de l'orchestre
et ses magiques solos des bois. Le développement on ne peut plus expressif
verra des crescendos fort bien dosés. Le presto final renoue avec l'agitation
et l'extrême vitesse mais cela gambade fort bien. La petite marche façon
soldats de plomb est fort attrayante. La dégringolade de notes, Yuja Wang l'assume avec brio et la course poursuite qui
s'en suit se déroule dans une fièvre folle, jeu aérien du clavier, arabesques
forcenées des violons. Le Concerto pour la main gauche se voit offrir
des sonorités mystérieuses et pppp dans
ses premières pages, comme une pâte qui lève peu à peu pour s'emparer de tout
le spectre orchestral, une des plus étonnantes entrées en matière pour un
soliste. Yuja Wang s'en empare avec une formidable
autorité. Le chef lui tressera un accompagnement robuste dans la rythmique en
même temps aéré. Le mouvement médian est joué ppp comme distancié. Le
crescendo du troisième, pris de très loin, va s'amplifiant avec ses accords
assénés, dévoilant la fastueuse orchestration ravélienne. La pianiste, très à
l'aise, en livre une exécution magistrale de lyrisme contenu pour donner cette
impression du jeu des deux mains voulue par le compositeur, laquelle trouve son
apogée dans une cadence de grande allure. On se doit encore de souligner la
plasticité de l'orchestre du Tonhalle de Zürich qui
sous la houlette de son chef français, s'approprie le vrai ton gallique sans
lequel ces pièces ne seraient pas. Au milieu des deux pièces, en guise de
pause, Yuja Wang a choisi de donner la Ballade op.
19 de Fauré dans sa version originale pour piano seul. Une page de pur
bonheur. Ses diverses séquences lent-rapide sont magistralement agencées et le
jeu offre raffinement sans excès de joliesse et poids des passages plus
charnus. On admire la transparence et là encore un vrai ton français.
Jean-Pierre Robert.
Jean SIBELIUS: Humoresques pour violon
et orchestre op. 87 & op. 89. Deux Pièces
pour violon et orchestre op. 77. Deux Sérénades
pour violon et orchestre op. 69. Suite pour violon et orchestre op. 117. 5 Pièces pour violon et piano op. 81. Pièces pour violon et piano op. 2. Nicolas Dautricourt, violon. Juho Pohjonen, piano. Orquestra Vigo
430, dir. Alejandro Garrido
Porras. 1CD La Dolce Volta : LDV 23. TT : 77'14.
Voilà un disque qui sort vraiment de
l'ordinaire puisqu'il donne à entendre la presque totalité des pièces que
Sibelius a écrit pour le violon, autres que son concerto op. 47! Le compositeur
nourrissait une passion pour l'instrument. On découvre ici un Sibelius méconnu
et des pièces « d'une grande singularité, d'une veine entièrement
personnelle...et ne s'apparentant à aucun langage » relève Nicolas Dautricourt. Les Humoresques
op. 87 et 89, créées en 1919, en même temps que la version révisée de la Cinquième
symphonie, sont des miniatures magistralement conçues pour le violon dans
une orchestration raffinée. Plusieurs d'entre elles affirment un ton
''populaire'', un peu dans la manière de Bartók. Elles sont tour à tour enjouée
(op. 87 n°2), virtuose (op. 89, n° 1), mélancolique (n°2), insouciante (n° 3),
ou lumineuse et décidée (n°4) ; confirmant que malgré leur brièveté, « ce
sont des œuvres d'envergure », selon leur auteur. Les Deux Pièces op.
77 ou « mélodies sérieuses » (créées en 1916 dans une version
pour violoncelle) font se succéder chaud lyrisme (« Cantique ») et
animation toute aussi intériorisée (« Dévotion »). Avec les Deux
Sérénades op. 69 (1915), sorte de romances pour violon et orchestre,
discrètes avec des bois délicats, on aborde des pièces d'atmosphère, comme sait
en créer Sibelius, dans son Concerto op. 47 en particulier. Elles sont
différentes l'une de l'autre : la première, élégiaque, traversée de passages
contrastés dont celui où les cordes soudain bruissent ppp. La seconde offre un
lyrisme diaphane mettant en valeur la mélodie sinueuse du soliste. Une brève
section plus agitée rappelle quelque équivalent du finale du concerto. La Suite
op. 117, créée en 1990 et éditée en 1994, livre un langage curieusement
consonant pour cette dernière période compositionnelle, au fil de ses trois
parties, « Scène champêtre », « Soirée de printemps » et
« En été », cette dernière parée de pizzicatos des cordes. Nicolas Dautricourt a choisi de mettre ces pièces en regard avec
deux œuvres pour violon et piano. Les Cinq Pièces op. 81 ( 1915-1918), triomphe de la danse, qu'une écoute aveugle
n'attribuerait sans doute pas au compositeur, déploient une musique aisée,
voire galante, un brin théâtrale (n° 4 : « Aubade »), mais fort
agréable. On conclut par un retour en arrière : les Pièces op. 2, pour
essais qu'elles soient (1890/91, révisées en 1911), très empreintes de
romantisme, ne sont pas moins attrayantes, dont un perpetuum
mobile ébouriffant de vitesse. Nicolas Dautricourt
offre une sonorité solaire, intense, délicate. Ses accompagnateurs sont de
choix : le pianiste Juho Pohjonen
et l'Orquestra espagnol de la ville de Vigo, dirigé
avec tact par Alejandro Garrido Porras,
montrant une belle qualité instrumentale. Alors à quand la Sonatine pour
violon et piano op. 80, et bien sûr le concerto ?
Jean-Pierre Robert.
Leoš JANÁČEK : « Říkadla ».
Pièces vocales et instrumentales. Collegium Vocale
Gent. Het Collectief, dir. Reinbert de Leeuw. 1CD Alpha : Alpha 219. TT.: 69'12.
Ce disque prend pour prétexte le cycle de
chants populaires « Říkadla » pour y
associer d'autres chants et deux œuvres instrumentales, le Concertino pour
piano et la Sonate pour piano. Leoš Janáček a beaucoup collecté les chants populaires
moraves, convaincu de l'intérêt d'intégrer le folklore au sein de la musique
savante et de faire référence dans le chant aux mélodies du langage parlé car
« il a compris les fondements essentiels du chant qui réunit les
dimensions psychologiques et physiologiques de la vie qu'il s'agit
d'appréhender dans leur intégrité et le ''tissage'' complexe de leurs
relations » (James Lyon, in « Leoš Janáček, Jean Sibelius, Ralph Vaughan Williams, Un
cheminement commun vers les sources », Beauchesne).
Grand observateur du cycle de la nature, tout au long de sa vie « il
préservera ce regard organique face aux mystères de la vie » (ibid.).
Quoique finalement ce ne soient pas les paroles ou les mots en soi qui
importent mais leur ''ton ''. Des petites pièces pour chœurs d'hommes,
comme « La cane sauvage » (1885) ou « Notre bouleau »
(1893), participent de cette interprétation de la nature, certes un peu naïve,
mais combien attachante parce que vraie. « Élégie sur la mort de ma fille
Olga », pour ténor, chœurs mixtes et piano (1905/06), est une confession
poignante. « La trace du loup » (1916) est une pièce de théâtre
miniature au débit saccadé, proche du langage des opéras contemporains du musicien.
Le cycle « Comptines » (Říkadla), de 1926,
marque sans doute le point d'aboutissement de ces recherches. Où, au fil de
pièces très courtes - la plus brèves dure 22'', la plus expansive 1'26 - Janáček utilise tous les modes possibles d'expression,
du pépiement au chant lyrique, et mêle ironie, petit drame ou tendresse
appuyée, dans des textes surréalistes. L'écriture y est originale, en
particulier pour les vents et on y croise des rythmes follement animés, dont un
étonnant postlude instrumental. Les chœurs du Collegium
Vocale de Gand leur apportent esprit, précision et aura. Le Concertino pour
piano et ensemble de chambre (1925), trois cordes, trois vents, installe de
savoureux dialogues que mène le piano, tel celui improbable avec le cor au
moderato initial, dans un échange presque vindicatif, ou avec la clarinette au
piu mosso suivant, laquelle caracole dans son
registre le plus aigu et qui va jouer un rôle essentiel dans le reste de
l'œuvre. Au con moto, le discours se fait plus ample
avec de effets d'écrasement ou de ''scie'', tandis que l'allegro final
complexifie le langage jusqu'à une péroraison haletante. L'ensemble Het Collectief que dirige Reinbert de Leeuw fait merveille.
Le chef néerlandais a aussi arrangé pour formation chambriste et accordéon la Sonate
pour piano « 1. X. 1905, De la rue » : là où elle est écrite de
manière inconfortable pour le piano, estime de Leeuw,
une telle formation et l'adjonction de ce dernier instrument en accroit la note
nostalgique, traduisant sans doute plus fortement le drame qui la parcourt : la
mort, ce jour là, d'un ouvrier lors d'une manifestation à Brno. Le résultat est
intéressant, offrant nervosité et caractère implacable dans la seconde partie,
titrée « Mort ».
Jean-Pierre Robert.
Érik SATIE : Trois Gymnopédies. Pièces
froides. Douze
petits chorals. Avant-dernières pensées. Nocturnes. Sept Gnossiennes. Sonatine
bureaucratique. Bruno Fontaine, piano. 1CD Aparté : AP116. TT.: 76'.
Érik Satie a beaucoup
mis de lui-même dans sa musique pour piano qui l'accompagnera tout au long de
sa vie créatrice. Alfred Cortot la divise en trois parties : la période
mystique (1886-1895), la phase rosicrucienne et excentrique (1897-1915), et la
dernière que Satie baptise « musique d'ameublement ». Bruno Fontaine a réuni
un florilège de pièces de chacune de ces périodes. Des constantes demeurent :
un style minimaliste, voire abstrait, un art consommé de la répétition, un
usage récurent des cadences modales et d'une rythmique qui semble invariable,
une manière linéaire qui s'accompagne de fins généralement soudaines, pour ne
pas dire abruptes. Les Gymnopédies (1888) ou trois variations sur un
même thème, empruntées à la mythologie grecque, montrent cette linéarité de
l'écriture qu'on associe à la manière du compositeur, la transparence aussi du
discours. Les Gnossiennes, écrites
entre 1890 et 1897, se réfèrent à la musique populaire roumaine entendue par
Satie à l'exposition universelle de Paris en 1889 : elles voient, dans les
trois premières, le triomphe de la modulation mystérieuse et envoûtante,
prônant rythmique lancinante et usage de la répétition, et traduisant la
mélancolie de la mélodie. La 4ème parait plus animée avec ses arpèges mouvants
à la main gauche. La 5 ème brode dans le registre
aigu avec quelques appogiatures bien sonnantes. Précédée d'une brève
introduction, la 7 ème est
brillante, reprenant le matériau de la première. Les Pièces froides
(1897), réparties en deux jeux de trois, distillent un style coulant et
limpide, fort mélodieux. Les Douze petits chorals, fort peu connus,
composés de 1906 à 1908, sont le fruit de la formation suivie par leur auteur à
la Schola Cantorum : de petits exercices
énigmatiques, comme des improvisations, qui prennent du champ avec un langage
rigoureusement tonal. Avant-dernières pensées (1915) se présente de
nouveau tel un triptyque, en hommage à Debussy, Dukas et Roussel, un brin
parodique au travers de leurs titres, comme cette « Méditation » qui
n'a rien d'introspectif. La Sonatine bureaucratique (1917) appartient à
ces morceaux aux appellations aussi extravagantes que peu en rapport avec leur
contenu. Ses trois mouvements totalisent un peu plus de quatre minutes. Avec
les Nocturnes, de 1919, Satie atteint l'épure de l'épure, une sorte de
détachement au fil de pièces austères et finalement sérieuses. Sur les traces
d'Aldo Ciccolini et de Gabriel Tacchino,
Bruno Fontaine, délaissant pour un instant ses métiers d'arrangeur et de
compositeur de musique de film, propose des lectures en parfaite empathie avec
un idiome singulier, n'hésitant pas à souligner le trait dans le forte (dans
les Gnossiennes par exemple). Bel
hommage à celui dont Cocteau disait
qu'« il poussait la probité et l'antinarcissisme
jusqu'à se moquer de son propre reflet et même jusqu'à lui tirer la
langue ».
Jean-Pierre Robert.
Gabriel PIERNE : Sonate
pour violon et piano op 36. Louis VIERNE : Sonate
pour violon et piano op. 23. Gabriel FAURE : Romance
pour violon et piano op. 28. Les Berceaux op. 23
N°1. Elsa Grether, violon, François Dumont, piano.
1CD Fuga Libera : FUG 728. TT: 67'42.
Ce CD présente deux œuvres de musique de
chambre du tournant du XXe siècle à peu près inconnues, qui méritent de ne plus
le rester. La Sonate de Gabriel Pierné (1863-1937) dédiée à Jacques Thibaud, a
été écrite en 1900 et créée l'année suivante. Elle est, comme l'observe sa
présente interprète, Elsa Grether, « nourrie de
clairs obscurs, de fulgurances, de frémissements, de miroitements ». Y
triomphe, au fil de ses trois mouvements plutôt vifs, l'art de l'arabesque.
Dans l'allegretto, un chevauchement de rythmes forge un discours ondulant au
piano et d'une belle sinuosité au violon. Le second allegretto, « avec un
sentiment calme et rêveur », évoque un semblant de valse. Et le finale,
andante puis allegro un poco agitato est plein d'élan post romantique que les
deux interprètes dispensent avec brio. Louis Vierne (1870-1937) a écrit sa
Sonate pour violon et piano op. 23 à la demande d'Eugène Ysaÿe
et de Raoul Pugno qui en seront les créateurs en 1908. Se référant à la Sonate
de Franck, Ysaÿe en louera « la solidité de la
forme... le charme et la force ». De fait, ses quatre mouvements fuient
l'épanchement qu'une vie personnelle tragique aurait pu imprégner, pour une
musique structurée, toujours suprêmement élégante. L'allegro risoluto combine deux thèmes, l'un résolu, insistant,
volontaire, l'autre mélodieux, expansif presque, et dévoile une grande
maîtrise. Introduit par le piano, l'andante sostenuto installe une mélodie d'un
calme habité, se développant souvent dans le registre grave du violon. Surgit
un passage poco agitato qui apporte un contraste saisissant. La suite conduit à
des sommets d'expressivité et d'intériorité. Suit un Intermezzo, scherzo
agréablement bondissant, troussé avec la même élégance. Le vaste finale déploie
des paysages variés : débuté Largamente sur quelque
interrogation du piano, il se poursuit dans un Allegro agitato étalant des
climats fiévreux, modulant à l'envi, frôlant le dramatique. Là encore Elsa Grether et François Dumont en sont les interprètes émus.
Deux pièces pour violon et piano de Fauré, elles aussi peu jouées, concluent ce
programme original : la Romance op. 28 (1877), peut-être fruit d'une
tendre passion nourrie envers Marianne Viardot, la
fille de la chanteuse Pauline Viardot, d'une souveraine
ligne mélodique, traversée d'un épisode plus sombre pour introduire
l'indispensable contraste ; et Les berceaux, sous-titré « Sur un
poème de Sully Prudhomme », première pièce d'un triptyque intitulé Trois
mélodies op. 23, qui de son doux balancement, laisse déjà entrevoir les
horizons modulants de la maturité.
Jean-Pierre Robert.
« Treasures
of the German Baroque ». Ensemble Radio
Antiqua. 1 CD Ambronay. Collection Jeunes Ensembles.
AMY305. TT : 59’28.
Encore une très belle production du label Ambronay qui allie originalité du programme et promotion du
jeune ensemble baroque, Radio Antiqua, dont c’est, ici, le premier
enregistrement discographique. Originalité du programme car les œuvres
proposées sont souvent peu connues, fruit de recherches musicologiques chères
aux baroqueux. Constitué d’œuvres provenant des archives de la bibliothèque de
l’Université de Dresde contenant les trésors du répertoire de la Hofkapelle, orchestre historique de la ville, ou de la
collection musicale d’Anna Amalia, jeune sœur de Frédéric Le Grand,
reconstituée récemment et conservée aujourd’hui à la Bibliothèque d'État de
Berlin, ou encore appartenant au corpus bavarois du comte Rudolf Franz Erwein recensant nombre de pièces uniques des grands
maitres ou de compositeurs moins connus, voilà un disque qui ravira tous les
amateurs de musique baroque et même les plus curieux… Des œuvres de Telemann,
de Schaffrath, de Reichenauer,
de Pisendel, de Dieupart et
de Brescianello, tous compositeurs du XVIIIe siècle
dont nous pouvons entendre un florilège de Sonates, Sonates en trio, Concerto
Grosso ou Suite pour différents instruments, violon, violoncelle, basson, flûte
et continuo. L’interprétation lumineuse et pleine d’allant de l’Ensemble Radio
Antiqua renforce encore tout l’intérêt et le charme de ce disque. Avec ces
trésors cachés du baroque allemand, voilà une bien belle
façon pour le label Ambronay de fêter son 10e
anniversaire. Bon anniversaire donc, et bravo au jeune ensemble Radio
Antiqua !
Patrice Imbaud.
« From
Couperin to Schumann ». Pièces de François COUPERIN,
Wolfgang Amadé MOZART, Joseph HAYDN, Robert SCHUMANN.
Tatiana Zelikman,
piano. 1 CD Fondamenta : FON-1401018. TT :
76’32.
Le label Fondamenta
fait décidément les choses avec tact, soucieux de ne pas séparer ce couple de
pianistes réputés, voila que parait en même temps que celui de l’époux
(Vladimir Tropp) l’album de l’épouse Tatiana Zelikman, cet enregistrement constituant son premier opus
discographique. Âgée de 75 ans, figue majeure de l’école russe de piano, comme
son mari, elle enseigne depuis de nombreuses années à l’institut Gnessine de Moscou, une pépinière de renommée mondiale qui
a vu sortir de ses rangs de fameux pianistes comme Svetlanov,
Kissin ou Berezovsky.
Tatiana Zelikman pouvant elle-même revendiquer la
formation de plus jeunes talents comme Trifonov, Volodin ou encore Kobrin. Une
exceptionnelle carrière de pédagogue sans doute favorisée par une maladie
rhumatismale des mains qui l’handicapa dans sa carrière de pianiste. Pour ce
premier disque elle nous donne à entendre un vaste programme s’étendant de
Couperin à Schumann. Son Couperin (Les
Lis naissans, Les Petits Moulins à vent, La
Bandoline, Le Carillon de Cithère, tirés des Premier et Troisième Livres de pièces
pour clavecin) irradie d’une poésie lumineuse. Son Mozart (Fantaisie K. 396), très appuyé, gronde dans un climat étonnamment
dramatique, nous rappelant que cette œuvre dont le manuscrit autographe de 27
mesures fut laissé inachevé par Mozart en 1782, ne fut complétée et achevée, à la
demande de Constance, par l’abbé Stadler qu’après la mort du compositeur et
publiée en 1802. Les Variations Hob. XVII n° 6 de Joseph Haydn, délicates et
insouciantes, dans la plus pure tradition classique, s’accordent avec le
naturel plaisant et débonnaire du compositeur viennois, tendant un pont entre
baroque et romantisme. Enfin les courtes pièces de Schumann (Arabesque, L’Oiseau prophète extrait des Scènes de la Forêt, et quatre scènes n°
7, 8, 12 et 13 extraites des Scènes
d’enfant) concluent ce disque sur une note gracieuse, pastorale et
intimiste d’un romantisme exacerbé. L’interprétation brillante de Tatiana Zelikman fait de ce
disque un enregistrement précieux qui trouvera aisément sa place aux cotés de
celui de son époux, Vladimir Tropp, dans la
discothèque idéale de tout mélomane. Attention ne retirez pas le CD
immédiatement après la dernière piste…Une surprise vous attend…
Patrice Imbaud.
« SCHUMANN
au piano. Une vie en musique ». Kreisleriana, op. 16, Bunte Blätter
op. 99, Geister Variationen.
Matteo Fossi, piano. 1 CD Hortus :
HORTUS 120. TT : 78’24.
Figue emblématique du romantisme musical
par ce mélange d’ombre et de lumière, par cette concordance entre vie et
musique, par le contraste dramatique entre vécu et idéal, Robert Schumann trouve,
ici, en la personne du pianiste italien
Matteo Fossi un de ses plus fervents et fougueux
défenseurs. Trois œuvres au programme de ce disque comme une sorte de parcours,
partant de la décennie pianistique, conduisant jusqu’au seuil de la décadence
mentale. Les Kreisleriana
de l’opus 16, dans leur version initiale de 1838, en référence à l’excentrique
musicien Johannes Kreisler, crée par la fantaisie d’E.T.A Hoffmann, écrivain
fétiche du jeune Schumann. Un cycle de 8 fantaisies basées sur l’improvisation,
sortes de rêveries musicales contrastées. Les Bunte Blätter op. 99 sont une collection de
feuilles éparses, composées entre 1836 et 1849. Enfin les Geister Variationen, alliant introspection et
poésie, qui précèdent son internement à Endenich, et
constituent le point extrême de ce parcours. Ensemble de Variations dont le thème aurait été dicté à
Schumann par les anges ou les esprits de Schubert et Mendelssohn et dont la
date de composition chevauche la tentative de suicide du compositeur (1854). Un
disque qui frappe dès la première écoute par son authenticité, par cette
concordance parfaite entre partition et narration, par une lecture semblant
véritablement habitée. Émotion
Patrice Imbaud.
Édouard
LALO. Intégrale des mélodies. Tassis Christoyannis, baryton,
Jeff Cohen, piano. 2 CDs APPARTE : AP110. TT : 70’ + 60’.
Les mélodies d'Édouard Lalo (1823-1892) ne
sont sûrement pas les œuvres les plus connues du compositeur. Ses premières
compositions, des chants accompagnés au piano datent de 1848. Une activité
compositionnelle qui se trouva confortée par son mariage, en 1864, avec la
mezzo-soprano Julie-Marie-Victoire Bernier de Maligny.
La musique vocale qui constitue le présent enregistrement est intéressante par
le pont qu’elle tend, de façon particulièrement démonstrative, entre la romance
populaire française (XVIIIe siècle) et la mélodie française chantée dont
Berlioz, Fauré, Debussy ou Duparc se feront les champions, sur des textes
empruntés à des œuvres poétiques, se
rapprochant du lied allemand (XIXe siècle) et puisant son inspiration dans le
romantisme poétique exaltant toute l’intimité et les douleurs de l’âme. Un
magnifique coffret de 2 CDs où l’on voit la prosodie et la musique se
complexifier, plus simples dans les romances populaires de Pierre-Jean de
Béranger (CD1) magnifiant tout le potentiel émotionnel et dramatique des
textes, plus élaborées et élégantes dans les mélodies sur des poèmes de Victor
Hugo, Musset ou Lamartine (CD2). Une découverte sans doute, mais surtout un
immense plaisir d’écoute tant on ne se lasse pas de la voix chaude, de la
diction parfaite et de l’interprétation superlative du baryton Tassis Christoyannis,
merveilleusement soutenu par l’accompagnement somptueux de Jeff Cohen, éminent
spécialiste du genre. Un coffret absolument indispensable !
Patrice Imbaud.
Claude
DEBUSSY. Children’s corner. Images (2e série). Préludes
(2e livre). Michel Dalberto,
piano. 1 CD Aparte : AP 111. TT : 70’34.
Un disque consacré à Debussy s’inscrivant
dans un plus vaste projet, voué à la musique française, qui devrait comprendre,
d’ici 2018, trois autres enregistrements dédiés à Franck, Fauré et Ravel, sous
les doigts de Michel Dalberto. Chaque programme étant
enregistré « live » sur un piano différent pour chaque compositeur.
C’est donc au théâtre « Bibiena » de Mantoue, sur un piano Fazioli, dont la sonorité semble idéale pour cette musique
faite d’ombre et de lumière, que fut réalisé cet enregistrement le 30 Mai 2015.
Après ses précédents enregistrements jusque là plus particulièrement dédiés au
classique viennois et au romantisme allemand, Michel Dalberto
fait avec ce disque une incursion parfaitement réussie dans le répertoire
français, y distillant charme, délicatesse, élégance et poésie. Une musique
toute en suggestion et mystère, et une interprétation toute en scintillements
et ruissellements, un jeu fluide et souple avec une flexibilité des rythmes
pour en mieux effacer les contours, laissant à l’auditeur sa part de rêve et à
la musique sa part de silence. Une interprétation en tous points remarquable
dans l’esprit comme dans la note. On attend avec impatience la suite de cette
tétralogie française….
Patrice Imbaud.
Max
REGER. Intégrale de l’œuvre pour orgue (Vol. 4).
Jean-Baptiste Dupont, orgue. 2CDs
Editions HORTUS : HOR 125-126. TT : 83’28+83’00.
Voici un coffret de 2 CDs très attendu de
tous les amateurs d’orgue puisqu’il s’agit du quatrième volume (5e et 6e CD) d’une
Intégrale de l’œuvre pour orgue de Max Reger (1873-1916), entreprise par
l’organiste Jean-Baptiste Dupont. Un impressionnant et ambitieux projet qui
devrait compter 15 CDs. Max Reger fut probablement le plus grand compositeur
allemand pour cet instrument, à l’instar de Bach, puisque son catalogue ne
compte pas moins de 146 opus totalisant un millier d’œuvres dont un grand
nombre, environ une trentaine d’opus, de pièces pour orgue. Reger est un
compositeur post romantique, à tendance expressionniste dont le langage souvent
angoissé flirte avec la tonalité, sans atteindre toutefois au radicalisme de la
Seconde école de Vienne. Le minutage copieux nous permet d’entendre les 52 Choralvorspiele
Helft 1 & 2, op.67, stylistiquement simples,
à visée cultuelle. Introduktion, Variationen und Fuge über
ein originalthema, op. 73, composée
en 1903, est dédiée à Karl Straube, organiste et ami
du compositeur. Peu jouée, cette œuvre majeure de Reger porte les stigmates de
l’expressionnisme par ses contrastes, son pessimisme, ses enchainements
extrêmes au plan dynamique, contrapuntique et harmonique. Introduktion, Passacaglia und Fuge, op. 127 est une partition monumentale composée en 1913 pour l’inauguration du non moins
monumental orgue de Breslau. Une interprétation qui sait faire fi de toute les
difficultés techniques, pourtant nombreuses, pour ne garder que l’émotion. Un
superbe coffret, une rareté discographique et
un projet colossal dont il faudra suivre les étapes ultérieures…
Patrice Imbaud.
« Presencias ». Quintettes avec guitare de Mario CASTELNUOVO-TEDESCO, Carlos GUASTAVINO, Pablo de SARASATE, Manuel de FALLA. Ensemble Miró (Quatuor à cordes)
& Nicolas Lestoquoy, guitare. 1CD HORTUS : 122. TT : 71’52.
Un disque original et de très belle facture
présentant des quintettes avec guitare et des duos pour violon et guitare, sous
les mains expertes de l’Ensemble Miro (Quatuor à cordes) et du guitariste
français Nicolas Lestoquoy. Un guitariste-compositeur assez éclectique capable
d’exprimer son talent au travers du jazz, de la musique contemporaine ou de la
musique de chambre, soit en duo notamment avec Sébastien Linares (Duo
Mélisande) ou en quintette avec l’Ensemble Miró, comme c’est le cas pour cet enregistrement. La
guitare populaire et le si distingué quatuor à cordes, une alliance surprenante
entre cordes pincées et cordes frottées, une ambigüité d’où naît le fantasme de l’hispanisme, fait
de rythmes et de rêves. Le Quintette de
Mario Castelnuovo-Tedesco (1895-1968) fut dédié au grand maitre Andres Segovia,
Las Presencias
n° 6 de Carlos Guastavino (1912-2000) est un
modèle d’équilibre, les Danses espagnoles
de Pablo de Sarasate (1844-1908), la Suite
populaire espagnole et la Vida breve de Manuel de Falla (1876-1946) nous font
ressentir l’indicible « duende », ce
souffle ineffable dégagé par cette musique merveilleusement mise en valeur par
les sonorités chaudes, tantôt languissantes, tantôt bondissantes du violon de
Li-Kung Kuo auxquelles répondent la virtuosité et le
fier panache de la guitare. Un très beau disque.
Patrice Imbaud.
« Oscillations ». Silas Bassa, piano. 1 CD
PARATY : 815135. TT : 62’11.
Pour un premier disque, voilà bien un coup
de maître. Le jeune pianiste et compositeur
argentin Silas Bassa nous propose, avec cet
enregistrement, un étonnant voyage, très poétique, au travers de la musique du
XXe et XXIe siècle, à partir d’une sélection d’une vingtaine d’œuvres dues à
Ligeti, Glass, Satie, Duckworth, Debussy, Rudhyar, Castro, Hill, Kirchner, Nyman
et Bassa lui même… Des œuvres connues qui, sorties de leur environnement
habituel, mises en miroir et réagencées dans un
nouvel ordre voulu par le pianiste, nous ouvrent une nouvelle perspective, un
nouveau regard, une nouvelle approche d’où naissent de nouvelles images et une
nouvelle émotion. Une déconstruction et une reconstruction à l’origine d’une
altérité musicale qui n’est pas sans charme mêlant surprise, élégance et
pertinence. Un charme qu’il faut goûter par une écoute continue, sans
interruption comme au concert, pour que naisse l’enchantement d’une musique qui
naturellement s’enchaîne dans une sorte d’unité retrouvée, à la fois la même et
l’autre, oscillant entre vibration et silence, délicatesse et colère, transe et
danse, avec quelques clins d’œil et une large place laissée au tango ! Un
disque conçu comme un récital, original et superbement interprété. Inclassable,
un disque coup de cœur !
Patrice Imbaud.
« Troisième
souffle ». Thierry Caens, trompette.
Orchestre National de Lyon, dir. Michel Plasson. Caratini Jazz Ensemble.
1CD Indésens : INDE077. TT : 55’16.
Voilà un disque inclassable, éclectique,
abordant tous les genres musicaux avec un même bonheur, pour le simple plaisir
de l’écoute. Un album festif, tout en rythmes et en couleurs. Mais attention,
disque d’un hédonisme simple, joyeux, émouvant qui n’exclut pas la qualité,
qualité des œuvres et qualité de l’interprétation. Car Thierry Caens, personnalité éminente des cuivres français, s’est
entouré pour cet enregistrement des plus grands, Michel Plasson
à la tête de l’Orchestre National de Lyon, Richard Galliano
à l’accordéon et le Caratini Jazz Ensemble. Une
réédition d’un enregistrement datant de 2006 comprenant des œuvres spécialement
écrites à son intention par William Sheller, Richard Galliano,
Patrice Caratini
et Michel Colombier. Un disque qui s’adresse à un large public
Patrice Imbaud.
« Le geste
augmenté ». Pièces pour cello solo
& Elecronics. Marie Ythier,
violoncelle. 1 CD Evidence classics : EVCD 016.
TT : 48’42.
Un disque de musique contemporaine conçu
comme un dialogue entre le violoncelle solo et
des sons spatialisés produits à partir de dispositifs électroniques, à la
recherche d’une sorte de nouvelle quintessence musicale assez emblématique de
la recherche musicale des XXe et XXIe siècle. Un enregistrement recensant dans
ce tête à tête surprenant, sur six œuvres différentes, une partie des
possibles, quasiment infinis, offerts par le développement des potentialités
sonores électroniques ouvrant la voie à une nouvelle esthétique. Un dialogue
mais également une complicité entre l’un et l’autre où chacun s’efface
devant l’apparition d’un nouveau monde
sonore fait de poésie et d’innovation.
Des œuvres d’Alireza Fahrang,
Antonio Juan-Marcos, Aurélien Maestracci, Vittorio Montalti, Nuria Gimenez-Comas et Jean-François Ducher,
toutes composées entre 2012 et 2015, directement écrites pour la violoncelliste
Marie Ythier dont on connait l’inclination pour la
musique nouvelle. Un premier disque solo, surprenant, expérimental mais non
dénué de charme…
Patrice Imbaud.